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LES REGIONS Boulevard urbain ou autoroute,. ? LE PROJET McCONNELL-LARAMEE ENTRE HULL ET AYLMER FAIT DES VAGUES PAR NORMAND PARISIEN

uelque 30 ans après la bec pour fins d'emprise autoroutière; soixante-dix, à l'époque de l'opposi­ phase d'expropriations qui par ironie aussi, le ministre de l'épo­ tion très vive des citoyens, laquelle a délogé plus d'un millier que (député de période a vu par ailleurs le déraille­ Q de ménages des logements Charlevoix) avait la réputation d'être ment en règle du projet d'autoroute qu'ils occupaient, la construction le ministre de l'asphalte. Spadina à Toronto. Ce portrait est en d'autoroutes en milieu urbain pose Toutefois, en marge de l'emprise, outre révélateur d'une culture cana­ toujours problème. La participation deux quartiers urbains subsistent : dienne qui a permis d'échapper à d'une bonne centaine de résidents, Saint-Jean-de-Bosco au sud et Wright l'hémorragie des centres urbains, que lesquels attendaient sur un pied de au nord. Mais le député provincial les États-Unis ont connue avec l'In­ guerre la délégation gouvernemen­ Oswald Parent promet que son gou­ terstate Highway Program d'après­ tale dans une salle du Château Car­ vernement - libéral - construira l'au- guerre; fait à signaler, Vancouver est tier d'Aylmer le 28 février dernier, en fait foi. Organisée par le Bureau d'audien­ ces publiques sur l'environnement (BAPE), cette simple séance d'infor­ mation a tôt fait de prendre l'allure d'un véritable débat public sur les impacts des politiques de transport en milieu urbain. Malgré les efforts du directeur régional du ministère des Transports du Québec (MTQ), délégué pour l'occasion, il lui a été très ardu de détendre l'atmosphère qui régnait pour la présentation du projet. D'ailleurs, les tensions étaient déjà accrues du fait que le BAPE a dé­ McCONNElL-lARAMH: UN RETOUR AUX ANNÉES SOIXANTES-OIX ! cidé de délocaliser cette rencontre. En effet, de Hull où elle fut d'abord toroute. Or, aux élections provincia­ la seule grande ville d'Amérique du prévue, l'organisme autonome du les de 1976, le Parti québécois (PQ) Nord à n'avoir aucune autoroute qui ministère de l'Environnement a dû était porté au pouvoir, en dépit du traverse la ville. opter pour Aylmer sur des motifs de révisionnisme libéral tardif incarné En revanche, on s'est retrouvé au capacité insuffisante que l'on n'avait par le ministre des Affaires munici­ Québec avec des bouts de route qui pas anticipés, et ce à une semaine de pales , et même la seraient «à compléter». De plus, le préavis. circonscription hulloise (qui a tou­ choc pétrolier écarté au cours des an­ Origine, nature jours été une forteresse libérale) nées quatre-vingt, les Libéraux de et justification du projet tomba aux mains du PQ. Tout revenus au pouvoir comme à Montréal où il a été soute­ fin 1985 ont entrepris de profiter de D'abord, ce n'est pas d'hier que l'on nu par le front commun contre l'au­ la bonne conjoncture économique planifie le développement de «l'axe toroute est-ouest, le nouveau gouver­ pour relancer le développement au­ McConnell-Laramée». Dès le début nement stoppe abruptement tout le toroutier. Construite par segments des années soixante-dix, les planifi­ processus de réalisation des travaux successifs (Lachute-Mirabel, Hull­ cateurs de la Région rêvent d'un axe aux de;_ix endroits. Pour la première Masson, Aylmer), l'autoroute 50 est autoroutier est-ouest qui traverse la fois, un gouvernement provincial dé­ ainsi appelée à s'étendre. Le hic, c'est ville, tout comme il est envisagé de le cide de prioriser le développement que le tronçon manquant traverse un faire dans l'est de Montréal avec l'au­ du transport en commun. parc naturel (parc provincial de la toroute Ville-Marie. Ainsi, au cours Quoiqu'il en soit, l'autoroute Gatineau) et passe entre deux quar­ de ces années d'asphalte et de bé­ tiers populaires de Hull. Néanmoins, ton*, on rase littéralement tout un McConnell-Laramée ne sera jamais construite. Elle a été enterrée avec un certificat d'autorisation a été déli­ périmètre d'immeubles locatifs qu'on vré en 1991 pour construire un axe enfouit alors sous le sol qui sera cédé les expropriés (au sens figuré du au ministère des Transports du Qué- terme) au milieu des années (SUllE PAGE 18) lfl INF02000 Volume 12 no 1

(SUITE DE LA PAGE 17) ont sérieusement entamé le capital de positifs allégués pour le camionnage «encaissé», inséré dans une espèce de patience des automobilistes et autres en raison de la discontinuité du seg­ tranchée. usagers de la route. ment envisagé dans cet axe de l'auto­ Mais le projet n'est pas réalisé, Enjeux et solutions route 50. faute de ressources disponibles, Pour aplanir les inquiétudes de la po­ Que les vrais promoteurs se lèvent ! compte tenu de la récession de 1990- pulation locale, le ministère des Quoiqu'il en soit, on ne sait pas trop 91 et des politiques de réduction du Transports propose une panoplie de à qui bénéficierait ce projet. Bien déficit lors de la deuxième moitié des mesures de mitigation, dont l'embel­ que le promoteur officiel soit le mi­ années quatre-vingt-dix à Québec. lissement et l'aménagement paysager nistère des Transports du Québec, Récemment, les conditions ont chan­ ainsi que des traverses piétonnières d'aucuns parlent de promoteurs im­ gé, dans la mesure où le gouverne­ balisées qui se situeraient ponctuelle­ mobiliers ou de firmes d'experts­ ment fédéral s'est montré disposé à ment à des carrefours giratoires - au conseil qui, évidemment, auraient un assumer la moitié des coûts de réali­ nombre minimal de trois - suscepti­ intérêt direct dans ce dossier. Par sation et dans le contexte d'une révi­ bles de modérer la circulation. Par ailleurs, la firme Beauchemin Beaton sion à la baisse des investissements Lapointe (BBL) soulève dans son requis, avec le remplacement de l'au­ étude des hypothèses qui laissent toroute par un boulevard urbain à IL EST TEMPS D'ASSOCIER LES croire à des objectifs nobles. Par quatre voies, entre le chemin de la INSTANCES LOCALES AUX PROJEfS exemple, selon la firme, la non­ Montagne (Aylmer) et l'autoroute 50 i LOCAUX DE CETTE ENVERGURE ET réalisation de ce projet n'empêcherait à l'est. Le coût passe alors de 65 mil­ •.•. ' D'INTRODUIRE LÊ PRÎNCIPE pas l'étalement urbain mais pourrait à la place le repousser plus loin en­ lions de dollars à 35 millions. Enfin, ·', .. UIILÎSI\TEUR:PAYEUR, le ministre Chevrette a même évoqué ·;.,.,;'·t core en périphérie au lieu de relancer la possibilité d'élargir cette infras­ l'habitation dans la ville de Hull tructure de quatre à six voies, à l'oc­ contre, les craintes persistent et, dans même. Peu importe les arguments, casion d'une annonce le 15 mai 2000. la documentation disponible, les re­ c'est le développement résidentiel qui Dans cette perspective, une nouvelle présentants du ministère de la Santé est alors en cause. étude d'impact a été commandée par ne sont pas non plus du tout Par conséquent, il est à se deman­ le ministre de l'Environnement et convaincus qu'on a pris en considé­ der si le rôle du gouvernement est de c'est ce qui a fait bondir les citoyens ration les effets en termes de pollu­ favoriser le développement local et, à du secteur. tion atmosphérique et de substances l'inverse, si la construction d'infras­ Bref, on tente de justifier ce projet toxiques sur la santé. tructures routières demeure le seul par la saturation des axes parallèles Par ailleurs, il ne semble pas que moyen de lutter contre l'étalement du boulevard Taché et de l'avenue cette infrastructure sera appelée à urbain ou de le favoriser. Il est Saint-Raymond. Aussi, la redistribu­ améliorer la situation du transport temps d'associer les instances locales tion du transport par camionnage est en commun. Ainsi, on parle d'un aux projets locaux de cette envergure un autre argument, ajouté aux gains passage de quatre à cinq autobus par et d'introduire le principe utilisateur­ de temps potentiels procurés par ce jour. Or, on peut imaginer que cet payeur pour internaliser en partie si­ nouvel axe. Ce sont là des critères de axe de transport pourrait avoir un ef­ non en totalité les coûts externes et fluidité de la circulation, des argu­ fet induit sur la circulation motori­ les impacts de ces projets. Si le ments tout à fait classiques associés sée. Harry Gow, militant de Trans­ concept tel que présenté ne constitue aux études de transport convention­ port 2000 dans !'Outaouais, a bien pas en soi un mauvais projet d'infras­ nelles qui prévalaient à l'ère de l'au-' tenté de poser une question à ce sujet tructure de transport, il est néan­ tomobile triomphante. Enfin, c'est là mais personne n'a été en mesure de moins très utile d'en évaluer tous les que résident en bonne partie les répondre sur le panel. On a même aspects lors d'audiences publiques à craintes de résidents, lesquelles repo­ répliqué, au sujet des émissions de venir et d'un débat de fond à cet sent sur la hausse du trafic lourd, gaz carbonique, que c'est la conges­ égard .. ~ l'augmentation du niveau de bruit, la tion routière qui est responsable de * Pour bien comprendre l'époque, il est perte de fluidité des piétons et l'insé­ la surconsommation énergétique et conseillé de voir l'excellent film Réjane curité. Enfin, il va sans dire que l'a­ de l'effet de serre. Dans un autre or­ Padovani de Denis Arcand bondante neige de cet hiver paraly­ dre d'idées, un camionneur retraité a sant le trafic sur de longues périodes même remis en question les effets m