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Le d’acanthe à fond noir dans la mosaïque syrienne : l’exemple de Mariamin

Janine Balty Centre belge de recherches archéologiques à Apamée de Syrie

Introduction : la mosaïque de Mariamin La mosaïque des Musiciennes [Fig. 1], sans doute l’un des chefs-d’œuvre les plus accom- plis de l’art de la mosaïque en Syrie (Balty 1977 : 94–101 ; 2001 : 307–309), s’inscrit

Fig. 1. Mariamin, mosaïque des Musiciennes (musée de Hama) (d’après Zaqzuq, Duchesne-Guillemin, s.d. : Pl. II. 2)

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dans la ligne des images d’auto-représentation qu’appréciaient les aristocrates de l’Anti- quité tardive (Dunbabin 2008 : 25–26 ; Balty sous presse). Le pavement, découvert à Mariamin en 1960, avait été daté cependant, dans la première publication (Zaqzuq, Duchesne-Guillemin 1970 : 123–125), du troisième quart du IIIe siècle de notre ère, sur la base surtout d’un examen trop superficiel de la coiffure des jeunes femmes. Dès 1977, une analyse stylistique des différentes parties du pavement m’avait amenée à situer l’œuvre dans le courant artistique du maniérisme théodosien, à la fin du IVe/début du Ve siècle (Balty 1977 : 98). Mais quand la mosaïque fut replacée, après restauration, dans le nouveau musée de Hama, la date demeura pratiquement inchangée, l’étiquette portant aujourd’hui : « fin du IIIe/début du IVe siècle », ce qui paraît tout aussi peu satisfaisant. Aussi ai-je décidé de revenir une fois encore sur ce problème de datation en 2005, à l’occasion du colloque de Coimbra, dont les actes tardent malheureusement à sortir (Balty sous presse). La démonstration s’appuie essentiellement sur des remarques relatives au panneau central, où les musiciennes, en toilette d’apparat, présentent leurs instruments à un public certainement choisi.

Le rinceau d’acanthe sur fond noir : sa composition La bordure du tableau, sur laquelle je ne me suis guère attardée jusqu’ici, n’est pas moins intéressante. Elle appartient à la série, très prisée au Proche-Orient à partir du IIe siècle de notre ère, du rinceau d’acanthe peuplé sur fond noir (Toynbee, Ward Perkins 1950 : 1–43). Il en existe différents exemplaires dans la province antique de Syrie — zone à laquelle je me limiterai ici — mais, parmi eux, celui de Mariamin est l’un des plus complets et des mieux conservés : il permet donc de définir plus clairement les éléments qui composent ce type de motif, la manière dont ceux-ci sont agencés et le sens qu’ils pourraient avoir. Décrivons, dans ses grandes lignes, la composition : chacun des angles est occupé par un Eros () végétalisé, tandis que des masques féminins sont placés au milieu des longs côtés du tableau et que des masques masculins marquent le centre des petits côtés, tous émergeant des feuilles d’acanthe. Les surfaces circulaires déterminées par l’enroulement des tiges sont au nombre de deux fois trois sur les longs côtés et de deux fois deux sur les petits côtés; elles portent des scènes de chasse, un putto ailé affron- tant, poursuivant ou fuyant une bête sauvage. Tout ce décor, y compris les masques, est fait pour être vu de l’intérieur du panneau central, ce qui n’est pas souvent le cas.

1 – Les scènes de chasse Les putti chasseurs sont nus, ailés et diversement armés (couteau, lance, arc, lasso, bouclier rond ou carré) ; la plupart d’entre eux portent, sur le bras ou les épaules, une cape rouge ou blanche. Plusieurs variétés de chasse sont évoquées : lion, panthère, tigre, ours, san- glier, taureau et taureau syrien (à bosse), bouquetin. La prédominance des grands fauves, attestée ici, caractérise aussi la bordure de la mosaïque d’Héraclès (Homs, époque sévé-

74 Classica Orientalia Le rinceau d’acanthe à fond noir dans la mosaïque syrienne... rienne : Balty 1995 : 33, 46), du panneau des Synaristôsai (Zeugma, époque sévérienne : Abadie-Darmon 2003 : 88–95), de la mosaïque de Ploûtos (Shahba-Philippopolis, milieu du IIIe siècle : Balty 1977 : 24–25) ; les animaux sont représentés le plus souvent en entier dans l’œuvre de Mariamin, alors qu’à Homs, Zeugma et Shahba, on trouve plutôt des protomés sortant du feuillage ; sur la mosaïque de Méléagre et Atalante (Apamée, Ve siècle : Balty 1977 : 118–123), seule une petite moitié de l’animal est figurée. Quant aux putti, ils sont ailés à Zeugma, Shahba et Mariamin et ne le sont pas à Homs, ni à Apamée : le choix est visiblement celui de l’artiste, car les dates respectives de ces mo- saïques montrent bien qu’il ne s’agit pas d’un phénomène de mode.

2 – Les Eros (ou putti) végétalisés Sur la mosaïque de Mariamin, les figures végétalisées (ou grotesques) ont été placées dans les angles et deux d’entre elles, en diagonale, ont reçu des attributs qui les caracté- risent comme des Saisons : un chevreau pour le printemps [Fig. 2a] et des fruits pour l’automne. Sur l’autre diagonale, les Eros sont intégrés au contexte de chasse, tous les deux résistant à l’attaque d’une panthère, l’un en se protégeant d’un bouclier, l’autre armé d’un bâton. Seules deux Saisons sont donc représentées. Le choix des angles pour les figures grotesques apparaît aussi à Homs (un seul angle est conservé), où l’effet d’ensemble est cependant différent : la figure n’est pas ailée et ne participe nullement à l’action [Fig. 2c]. Une mosaïque récemment découverte à Cyrrhus (datée du IIIe siècle : Abdul Massih 2009 : 300–303, Fig. 12, 16),1 a conservé deux des angles de la bordure, ornés chacun d’un corps nu jaillissant des feuillages et présentant des attributs saisonniers, comme c’est le cas à Mariamin. Sur les mosaïques de Zeugma et d’Apamée déjà citées, les Eros végétalisés ne sont pas présents ; on en trouve, en revanche, un très bel exemplaire au milieu d’un des longs côtés de la bordure, à Shahba (Balty 1977 : 25) : coiffé d’un calathos, le putto porte un collier à bulla autour du cou et tient dans chaque main les tiges végétales, comme à Homs [Fig. 2b] ; il n’en va pas de même à Cyrrhus où ce sont les attributs saisonniers qui sont présentés dans les mains. L’analyse de détail révèle à nouveau, on le voit, que s’il s’agit bien sur les quatre mosaïques d’un même schéma, au plan typologique, une série de variantes témoigne de l’indépendance de l’artiste dans le traitement adopté. Ce motif d’une figure humaine surgissant du feuillage remonte, comme bien des éléments du répertoire décoratif d’époque impériale, aux créations de l’art hellénistique (Balty 1995 : 161–174). Il faut en chercher l’origine dans l’orfèvrerie et l’argenterie : on citera des parallèles sur des diadèmes ou des décors de casques du IVe siècle avant notre ère. C’est cependant comme ornement d’architecture, en Asie Mineure surtout, que le motif se répand ; associé par la suite aux rinceaux peuplés d’animaux et de putti, il appa- raît souvent en peinture et en mosaïque (Toynbee, Ward Perkins 1950 : 5–6).

1 Jeanine Abdul Massih a eu la gentillesse de m’envoyer son article et a bien voulu m’autoriser à reproduire la photographie du masque de vieillard, si utile à ma démonstration : qu’elle en soit très vivement remerciée ici.

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Fig. 2. Les Eros végétalisés : a) Mariamin, mosaïque des Musiciennes : Eros végétalisé du printemps ; b) Shahba, mosaïque de Ploûtos (musée de Suweida) ; c) Homs, mosaïque d’Héraclès (musée de Ma’arret en-Numan) (Photos J.Ch. Balty)

76 Classica Orientalia Le rinceau d’acanthe à fond noir dans la mosaïque syrienne... 3 – Les masques végétalisés Ces masques, alternativement masculins et féminins, sont placés soit au milieu des côtés, soit aux angles. Sur la mosaïque d’Héraclès à Homs, il ne reste que l’Eros grotesque d’un des angles mais sans doute les masques existaient-ils aussi, leur absence actuelle s’expli- quant aisément par le caractère fragmentaire de l’ensemble. Une mosaïque de Rastan (Arethusa), dont la bordure est également lacunaire, a conservé deux masques masculins, mais aucune figure féminine (Balty 1989 : 502–504, Fig. 178–179).

Masques masculins Sur la mosaïque de Mariamin, ils se situent au milieu des petits côtés de la bordure et ne sont pas absolument identiques entre eux [Fig. 3a–b] ; on supposera qu’ils ont été exé- cutés par deux mains différentes. Le modèle reproduit devait être cependant le même : une tête de vieillard dont l’abondante chevelure, la longue moustache et la barbe sont faites de feuilles d’acanthe ; dans les deux cas, le masque est posé sur une sorte de coupe ou calathos entouré de verdure, le front porte des cornes, les yeux sont largement ouverts, le regard fixe, l’expression sévère. Plusieurs parallèles peuvent être cités : à Shahba, où ce masque, complètement inté- gré à l’acanthe, occupe un angle du tableau [Fig. 3c] ; il en va de même sur la mosaïque d’Apamée, où la tête est toutefois placée obliquement [Fig. 5b]. Une tête très semblable est conservée au musée de Berlin (Pergamon-Museum) ; elle a appartenu à la bordure de la mosaïque dite « des Provinces » découverte à Séleucie de l’Euphrate (Zeugma) à la fin du XIXe siècle et partagée pour être vendue (Kriseleit 2000 : 45–51 et bibliographie an- térieure). Il s’agissait de toute évidence d’une bordure à rinceaux d’acanthe sur fond noir, animée de scènes de chasse, très proche de celle de Shahba. Le point commun de ces œuvres présentées à titre de comparaison est l’absence de cornes ; on ne peut nier cepen- dant que l’on est en présence de la même image. Trois confrontations encore méritent qu’on s’y attarde : à Rastan, à Zeugma et à Cyrrhus, sites déjà mentionnés. La mosaïque « au paysage portuaire » de Rastan (qui pourrait remonter au IIe siècle : Balty 1989 : 502) était à l’origine cernée d’une bordure dont deux fragments sont conservés : le rinceau, fait de robustes tiges en , est agrémenté de fins rameaux de vigne parmi lesquels sont intégrés deux masques végétalisés du même type que ceux qui nous retiennent ici [Fig. 3d]. Les visages encadrés par l’acanthe n’ont cependant pas le caractère expression- niste des précédents ; plus classiques, ils paraissent aussi plus sereins ; ils ne sont d’ailleurs pas disposés en pleine frontalité, les yeux fixant le spectateur, mais légèrement détournés, le regard à droite ou à gauche. Ce même caractère classique se retrouve dans les masques de la bordure des Synaristôsai de Zeugma (Abadie-Darmon 2003 : Fig. 12). Le rinceau de Cyrrhus, enfin, dont la composition semble identique à celle du rinceau de Mariamin (mais le tableau central est plus petit) a gardé, en dépit de nombreuses lacunes, un des masques de vieillard, celui qui marquait le côté gauche du tableau [Fig. 3e]. La tête, au visage plein, est frontale, mais d’expression sereine ; de longues feuilles dentelées (des

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Fig. 3. Masques masculins : a) Mariamin, mosaïque des Musiciennes : masque masculin cornu (d’après Zaqzuq, Duchesne-Guillemin s.d. : Pl. VI. 7) ; b) Mariamin, mosaïque des Musiciennes : masque masculin cornu, avec réparation tardive (Photo J.Ch. Balty) ; c) Shahba, mosaïque de Ploûtos : masque masculin (Photo M. Balty) ; d) Rastan, mosaïque au paysage portuaire (palais Azem, Hama) : masque masculin (Photo J.Ch. Balty) ; e) Cyrrhus, mosaïque de la maison romaine (in situ) : masque masculin (Photo J. Abdul Massih) ; f) Zeugma, mosaïque d’Eros (musée de Gaziantep) : masque masculin (Photo A. Clary)

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Fig. 4. Masques feminins : a) Mariamin, mosaïque des Musiciennes : masque féminin cornu (Photo J.Ch. Balty) ; b) Mariamin, mosaïque des Musiciennes : masque féminin cornu (Photo J.Ch. Balty) ; c) Shahba, mosaïque de Ploûtos : masque féminin (Photo M. Balty) ; d–e) Palmyre, mosaïque de Bellérophon (in situ) : deux masques féminins cornus (Phots M. Gawlikowski)

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acanthes assurément, mais différentes de celles qui forment le rinceau) dessinent la che- velure, la moustache et la barbe ; tout autour de la tête, différents éléments végétaux, en rose orange, complètent le décor. Le masque n’est pas non plus pourvu de cornes, contrairement à ceux de Mariamin, mais les feuilles roses évoquent, par leur forme, les pinces de homard qui garnissent d’habitude la tête d’Océan. Ce masque constitue une des interprétations les plus originales du motif, connues à ce jour (Abdul Massih 2009 : 305, où l’auteur cite comme comparaison le masque de la bordure de la mosaïque d’Eros à Zeugma) [Fig. 3f].

Masques féminins Répondant aux masques de vieillards barbus, deux têtes féminines cornues marquent le centre des longs côtés de la bordure, sur la mosaïque de Mariamin [Fig. 4a–b]. Comme dans le cas des figures masculines, deux mains, d’habileté inégale, semblent avoir été à l’œuvre ici : l’exécution des visages en témoigne ainsi que quelques détails au plan iconographique, l’une des têtes étant présentée sur un calathos tandis que l’autre repose simplement sur l’acanthe elle-même. Mais ce qui frappe dans les deux cas, c’est le ca- ractère globuleux de la tête et sa présentation frontale. Le même type de visage joufflu apparaît à Shahba [Fig. 4c], surgissant de l’acanthe et portant un petit calathos au som- met du crâne, mais sans les cornes. Mêmes visages encore sur la mosaïque de Zeugma (Synaristôsai), avec une présentation moins frontale ; sur la mosaïque de Cyrrhus, où une seule des deux figures est partiellement conservée (Abdul Massih 2009 : Fig. 14) et sur la mosaïque de la Villa Constantinienne (Levi 1947 : Pl. LVII a–b), où le rinceau d’acanthe appartient toutefois à un type différent, les scènes de chasse des enroulements étant rem- placées par des motifs floraux.

Fig. 5. Apamée, mosaïque de Méléagre et Atalante (in situ) : a) masque féminin (à gauche) ; b) masque mascu- lin (au centre) ; c) masque féminin (Photos J.Ch. Balty)

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Quant à la mosaïque de Bellérophon, découverte à Palmyre en 2003 et datée du troi- sième quart du IIIe siècle (Gawlikowski 2005 : 1293–1303), elle mérite qu’on s’y attarde un peu plus longuement.2 Elle comporte deux tableaux reliés entre eux par un rinceau d’acanthe sur fond noir, qui cerne aussi l’ensemble [Fig. 4d–e]. Mais ce rinceau n’est pas décoré de scènes de chasse : ce sont des fleurs ou des animaux qui occupent les médail- lons répartis autour des masques placés au centre de chacun des côtés. Ces masques sont exclusivement féminins : faces bien rondes, toutes dissemblables dans le détail mais globalement du même type iconographique, couronnées d’un calathos d’acanthe et cor- nues ; de ce point de vue, elles constituent donc les plus proches parallèles aux figures de la mosaïque de Mariamin. Dernier exemple intéressant pour la Syrie, les têtes très expressives de la mosaïque de Méléagre et Atalante à Apamée [Fig. 5a, c] : faces lunaires aux grands yeux fixes, dans un cadre d’acanthes très denses.

Origine du motif de masques : iconographie et signification La récurrence de ces motifs de masques, sous une forme quasi identique en dépit de variantes de détail, invite à se poser la question de leur origine, tant iconographique que sémantique. Au plan iconographique, c’est aux figures d’Océan que nos masques de vieil- lard font assurément penser par la disposition de l’abondante chevelure se répandant sur les épaules, de la moustache et de la barbe foisonnantes, et de la présence, à Palmyre et Mariamin tout au moins, de cornes sur le front. De nombreuses confrontations s’offrent avec des images d’Océan sur mosaïque, où les pinces de homard, en forme de cornes, apparaissent souvent aussi (Voûte 1972 : 654–657). L’absence fréquente de ces attri- buts caractéristiques sur les masques feuillus s’explique certainement par l’espace réduit réservé au visage à l’intérieur des rinceaux ; aussi les meilleurs parallèles à nos masques se trouvent-ils plutôt sur les reliefs de sarcophages, où se pose le même problème de place et où, dès lors, les cornes manquent également ou sont, en tout cas, très réduites et moins visibles. Ce choix iconographique semble avoir été laissé à l’initiative de l’ar- tiste, en sculpture comme en mosaïque. C’est donc bien avec le masque d’Océan que j’identifierais le plus volontiers ce type de figures masculines végétalisées qui marquent régulièrement les rinceaux d’acanthe à fond noir. Cette option a été d’ailleurs adoptée déjà à propos des masques d’angle de la mosaïque de Naplouse/Nablus (Dauphin 1979 : 28–30 ; Ovadiah, Ovadiah 1987 : 129 ; en dernier lieu, Talgam-Weiss 2004 : 7–8). L’iconographie très particulière du seul masque de vieillard conservé sur la mosaïque de Cyrrhus pourrait bien, à mon sens, confirmer cette identification, vu l’allure de plantes aquatiques conférée aux acanthes de la chevelure, de la moustache et de la barbe et surtout à l’ensemble des végétaux du pourtour.

2 Michel Gawlikowski a très amicalement mis à ma disposition des images de cette mosaïque : je lui en suis très reconnaissante.

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Au plan sémantique, on se tournera à nouveau vers les reliefs des sarcophages : c’est là, en effet, que se trouvent les parallèles les plus proches et les plus nombreux. Le masque d’Océan joue, dans le thiase marin, un rôle de tout premier plan [Fig. 6a], ainsi que l’a montré H. Wrede (Wrede 1976 : 157–159) : il est l’ « apotropaion » par excel- lence, incarnant la force vitale d’où est né l’Univers (Virgile, Géorgiques IV, 382) ; dans le contexte funéraire, il défend contre toute attaque la vie, qui doit se poursuivre au-delà de la mort. Dans le contexte domestique, c’est donc la vie dans la maison que protège le masque d’Océan, étroitement associé à la bordure d’acanthe. Mais les constatations de Wrede, relatives au symbolisme funéraire du monde marin, permettent de pousser plus loin l’interprétation de nos masques. Il arrive, en effet, que la figure d’Océan soit remplacée sur les sarcophages par un Gorgoneion, emblème qui a le même sens, symboli- sant lui aussi la force vitale, et non seulement sur l’eau mais également sur la terre et dans l’air (Wrede 1976 : 159, citant Jucker 1961 : 198). Car, depuis l’époque hellénistique, Gorgo ou la Gorgone connote, en raccourci, la force de vie (« Lebenskraft »). Nombreux sont les monuments funéraires où des masques de Gorgone et d’Océan marquent, en- semble ou séparément, cette extraordinaire manifestation de l’élan vital (Wrede 1976 : Pl. 30–33). Aux exemples proposés par le chercheur allemand, j’ajouterai celui, très démonstratif à mon sens, d’un autel funéraire de Neumagen [Fig. 6b] dont le couron- nement montre, au centre, un masque d’Océan et, dans les deux volutes latérales, des masques de Gorgone au modelé très arrondi (Paoletti 1988 : 351 n° 70). Certes ces

Fig. 6. , sarcophage (parc de la Circonvallazione Appia 99) : masque d’Océan au centre du thiase marin (dessin d’après Wrede 1976 : Pl. 30.3) ; Neumagen, autel funéraire (Rheinisches Landesmuseum de Trèves) : masque d’Océan entouré de masques de Gorgone (d’après LIMC IV.2 : n° 70, p. 200)

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Gorgones sont, le plus souvent, pourvues de petites ailes au front et de serpents atta- chés en collier sous le menton ; il arrive cependant que la forme globuleuse du visage et l’acuité du regard soient les seuls attributs permanents. Or, ce modelé si particulier nous ramène précisément aux masques féminins de nos rinceaux. Régulièrement associés aux figures d’Océan, ces masques trouvent dans les Gorgones funéraires de très proches parallèles iconographiques [Fig. 5a–c] : même structure arrondie, même frontalité, mêmes yeux largement ouverts, à l’expression sévère. Sans doute, ici aussi, les ailettes au front sont-elles absentes, ainsi que les serpents, mais même y seraient-ils, le « bonnet d’acanthe » qui coiffe la tête et les feuillages qui cernent le visage empêcheraient de les repérer… En revanche, le sens apotropaïque de « pro- tectrice de l’élan vital» qui est celui de la Gorgone convient parfaitement au contexte de l’acanthe vivace et la présence, sur les mosaïques de Palmyre et de Mariamin, d’un calathos sous le masque rend tout à fait explicite cette signification de fécondité. Les fi- gures grotesques qui, par ailleurs, s’ajoutent aux masques sur certaines bordures viennent encore confirmer l’hypothèse que la comparaison avec les reliefs funéraires nous a per- mis d’avancer. Enfin, compte tenu du lien étroit unissant Pégase à la Gorgone, l’un naissant de la décapitation de l’autre (Lochin 1994 : 214, 218), la préférence accordée aux masques féminins sur la mosaïque de Bellérophon à Palmyre ne doit peut-être pas passer pour un hasard ; elle constituerait dès lors une preuve supplémentaire en faveur de l’identification proposée. Ainsi, les mêmes figures mythiques — Océan et Gorgone — protégeaient la maison et le tombeau.

Chronologie : création du motif Il est difficile de cerner la date de création du rinceau d’acanthe peuplé, de type « cano- nique », avec scènes de chasse et masques végétalisés. Le plus ancien exemplaire connu en Syrie pourrait être celui de Rastan, si la date de la deuxième moitié du IIe siècle peut être retenue. Mais la bordure de cette mosaïque est très lacunaire et le rinceau lui-même est composé à la fois de vigne et d’acanthe ; par ailleurs, si les animaux sont bien attestés dans les médaillons, il ne semble pas y avoir trace de putti — par conséquent, pas de véritables scènes de chasse. Mieux conservés et ne comportant que l’acanthe sont les rinceaux de Zeugma et de Cyrrhus, ce qui placerait la date dans la première moitié du IIIe siècle, mais rien n’assure qu’ils soient les plus anciens. Ce qui est, en revanche, certain, c’est qu’ils appartiennent à l’origine au vaste répertoire de l’art décoratif d’époque hellénistique. Traité de manière à la fois naturaliste et décorative, animé de petits Amours, d’oiseaux, d’insectes, de fruits et de fleurs, le plus ancien exemple connu est celui de la mosaïque d’Héphestion, dans le palais des Attalides à Pergame, au milieu du IIe siècle avant J.-C. (Kriseleit 2000 : 17–23). A trois siècles de là, le rinceau de la mosaïque du Jugement de Pâris, à Antioche (datée d’après 115), se réfère encore de près au modèle : ainsi, le parallèle de la sauterelle dissimulée dans le feuillage ne laisse pas de doute sur la filiation

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qui lie les deux œuvres (Balty 1995 : 164–165) ; mais il s’agit ici, tant à Pergame qu’à Antioche, d’une double composition végétale, où s’entrelacent acanthe et vigne. Aussi les masques qui marquent la bordure du Jugement de Pâris ont-ils un caractère plu- tôt dionysiaque. On remarquera également qu’au début, le rinceau d’acanthe n’est pas toujours animé de scènes de chasse ; il existe, en effet, une variante où les médaillons abritent plutôt des éléments floraux. C’est le cas de la bordure du panneau d’Aphrodite et Adonis, qui fait pendant à la mosaïque du Jugement de Pâris (Levi 1947 : Pl. II a, CXLII a ; Kondoleon 2000 : 62–64 ; confrontation à Sepphoris : Roussin 1994 : 221– 230) ; de la bordure de la mosaïque de Bellérophon, à Palmyre, déjà citée (Gawlikowski 2005 : Fig. 3–4), où n’ont été représentés toutefois que des masques féminins ; de la bordure de la mosaïque d’Eros à Zeugma où seul un masque d’Océan [Fig. 3f], pareil à ceux de notre série, joue son rôle d’ « apotropaion », au milieu du côté inférieur (Abadie- Darmon 2003 : 25 et Fig. 20).3 Un autre type de bordure encore, « semi-floral », est attes- té à Antioche, autour du panneau de Narcisse et Echo, dans la Maison du Buffet Supper (niv. inf.) où « de larges fleurs, probablement dérivées de l’acanthe, s’opposent deux à deux […] et alternent avec de larges masques stylisés » (Levi 1947 : 500, Pl. XXIII c). Ces masques, uniquement féminins, au nombre de huit (quatre aux angles, quatre au milieu de chaque côté), rappellent de très près les figures de Gorgones observées dans les rinceaux peuplés. Je serais tentée de leur attribuer le même sens prophylactique. Ce n’est qu’à partir du moment où les scènes de chasse font leur apparition dans les rinceaux — à l’époque sévérienne peut-être — que cette composition-là semble jouir d’une certaine préférence par rapport aux autres, sans pour autant les éliminer complè- tement. Elle est , en tout cas, régulièrement utilisée jusqu’à la fin de l’Antiquité, ainsi qu’en témoignent plusieurs exemples à Apamée (mosaïque de Méléagre et Atalante, deu- xième moitié du Ve siècle : Balty 1977 : 118–123) et à Antioche (chasses de Worcester et d’Honolulu, fin du Ve/début du VIe siècle, Levi 1947 : Pl. CXLIV b,c,d). Volontairement limitée à la Syrie, la présente enquête aurait pu s’étendre aux provinces d’Arabie et de Palestine. La mosaïque de Naplouse/Nablus (IIIe siècle) a déjà été citée ; on y ajoutera celle de Sepphoris (Maison de Dionysos, époque sévérienne, Talgam et Weiss 2004 : 88–94, 109–111) et, pour l’Arabie, les parallèles nombreux des mosaïques de Madaba (chapelle du Martyr Théodore, 562 et chapelle-baptistère de même date ; église d’al- Khadir ; église des Apôtres, 578), du Wadi Ayun Musa (église du Diacre Thomas, de Kaianus, VIe siècle), de Massuh (église sup., VIe siècle), de Gerasa (église St Jean, 531), parmi beaucoup d’autres. Le rinceau d’acanthe (plus souvent de vigne) connut, en effet, une telle vogue dans ces provinces que son emploi ne se limita plus à la décoration des bordures : désormais sur fond blanc, il servit aussi à couvrir des nefs entières d’églises ou de synagogues (Piccirillo 2002 : passim ; Hachlili 2009 : 111–147). Dans la plupart des bordures, les masques, masculins et féminins, sont attestés jusqu’à la fin.

3 Je remercie vivement Jean-Pierre Darmon, à qui je dois de pouvoir reproduire une photographie de ce masque.

84 Classica Orientalia Le rinceau d’acanthe à fond noir dans la mosaïque syrienne... Permanence de la signification La longévité des motifs amène évidemment à se poser la question de la permanence du sens prophylactique et de la conscience que pouvaient en avoir, à travers les siècles, les commanditaires et surtout les artistes et artisans, réalisateurs des mosaïques. Dans les contextes domestiques, même tardifs, il ne me semble pas faire de doute que le motif du rinceau peuplé était choisi à bon escient : ainsi, le masque d’Océan, même présenté seul, avait acquis une valeur sacralisante et protectrice très forte dans l’Antiquité tardive, si l’on en juge par certains panneaux où il est présenté hors de son environnement marin, sur le fond d’un tissu précieux tendu derrière lui, comme c’est le cas à Saint-Rustice (Toulouse) notamment (pour ces « Océans tardifs », Balmelle-Doussau 1982 : 149–170). Les modèles iconographiques, tant d’Océan que de Gorgone, sont reproduits fidèle- ment pour l’essentiel, même si une certaine liberté d’interprétation est laissée à l’artiste : l’exemple de l’Océan de Cyrrhus le montre bien, avec ces éléments végétaux pleinement évocateurs du milieu marin ; sur les mosaïques de Palmyre et de Mariamin, les cornes qui marquent le front des masques constituent également un souvenir d’une iconographie de base plus précise. On notera qu’à Sepphoris, le réalisateur a délibérément renoncé au modèle traditionnel : le masque d’Océan est absent et c’est une tête féminine, fine et élégante, qui a remplacé la figure aux joues rebondies et au regard parfois sévère de Gorgone. Sur la mosaïque de Palmyre enfin, il semble qu’on ait délibérément renoncé aux têtes d’Océan pour accentuer la présence de Gorgone et traduire ainsi le lien privilé- gié qu’elle entretient avec Pégase. Dans les rinceaux des églises, les putti des scènes de chasse, tantôt ailés, tantôt ap- tères mais généralement nus, ont cédé la place à des chasseurs toujours vêtus et dépour- vus d’ailes ; les masques d’Océan et de Gorgone ont cependant gardé, inchangés, les caractères iconographiques traditionnels, mais il est impossible de se prononcer sur le sens qu’ils pouvaient encore avoir à cette époque et en ces lieux.

Remarques stylistiques On notera également que, si l’aspect typologique du rinceau est le plus souvent respecté, le traitement stylistique varie pour se conformer à l’esthétique de l’époque : ainsi, par exemple, le rinceau de Mariamin s’inscrit-il bien dans la ligne du maniérisme théodosien. Les enroulements de feuillage sont rendus dans une optique décorative, où des ornements de toutes sortes — bandelettes, bourgeons, tiges végétales, feuilles, fleurs — agrémentent et surchargent la composition. Dans l’exemple de Shahba-Philippopolis, en revanche, il a une allure très classique encore sur trois des côtés (milieu du IIIe siècle), tandis que le quatrième côté a été l’objet d’une complète restauration, exécutée dans le style expressionniste de l’époque tétrarchique (Balty 1977 : 24, avec une date vers 320, que je ne soutiendrais plus aujourd’hui). Quant au rapport avec le panneau central, on peut affirmer qu’une bordure à rin- ceau d’acanthe sur fond noir connotait toujours le luxe, la richesse et la prospérité, car

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elle mettait en valeur un tableau d’une très haute qualité technique et artistique : c’est particulièrement vrai pour la mosaïque de Mariamin, dont l’image des musiciennes, avec leurs vêtements raffinés et leurs instruments à la mode, visait à glorifier parmi ses pairs le propriétaire de la demeure. Une dernière remarque : les réparations grossières (une fleurette, une tête, un pois- son) qui dénaturent, çà et là, la bordure témoignent d’une période assurément moins brillante, où les moyens financiers manquaient pour recourir à un bon atelier ; mais elles me permettent opportunément de rappeler ici, pour conclure, l’intéressante étude que W.A. Daszewski avait publiée, dès 1972, sur ce problème des restaurations antiques (Daszewski 1972 : 122–129).

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88 Classica Orientalia ABBREVIATIONS

AA Archäologischer Anzeiger, Berlin AAAS Annales archéologiques arabes de Syrie, Damas ABSA Annual of the British School of Athens, London AJA American Journal of Archaeology, New York APF Archiv für Papyrusforschung und verwandte Gebiete, Leipzig, Stuttgart ASAE Annales du Service des Antiquités de l’Égypte, Le Caire BAAL Bulletin d’Archéologie et d’Architecture Libanaises, Beirut BABesch Bulletin antieke Beschaving, Louvain BCH Bulletin de correspondance hellénique, Paris BdÉ Bibliothèque d’étude, Le Caire BEFAR Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, Rome, Paris BIFAO Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, Le Caire BSFE Bulletin de la Société française d’égyptologie, Paris CCE Cahiers de la céramique égyptienne, Le Caire CCEC Cahiers du Centre d’études chypriotes, Nanterre CdÉ Chronique d’Égypte, Bruxelles CRAI Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Paris CSEL Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, Vienna EtTrav Études et travaux, Varsovie GM Göttinger Miszellen, Göttingen GRBS Greek, Roman and Byzantine Studies, Durham, NC IEJ Israel Exploration Journal, Jerusalem JbAC Jahrbuch für Antike und Christentum JEA Journal of Egyptian Archaeology, London JGS Journal of Glass Studies, New York JHS Journal of Hellenic Studies, London JJP Journal of Juristic Papyrology, Warsaw JRA Journal of Roman Archaeology, Ann Arbor, MI JRS Journal of Roman Studies, London KHKM Kwartalnik Historii Kultury Materialnej, Warszawa LIMC Lexicon iconographicum mythologiae classicae, Zurich MDAIA Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts, Athenische Abteilung, Berlin MDAIK Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts, Abeilung Kairo, Wiesbaden MEFRA Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome. Antiquité, Paris MIFAO Mémoires publiés par les membres de l’Institut français d’archéologie orientale, Le Caire NC Numismatic Chronicie, London NumAntCl Numismatica e antichità classiche, Logano OLA Orientalia Lovaniensia analecta, Louvain PAM Polish Archaeology in the Mediterranean, Warsaw RACrist Rivista di archeologia cristiana, Cité du Vatican RBK Reallexikon zur byzantinischen Kunst, Stuttgart

Classica Orientalia 9 Abbreviations

RDAC Report of the Department of Antiquities, Cyprus, Nicosia RdÉ Revue d’égyptologie, Paris, Louvain REPPAL Revue du centre d’études de la civilisation phénicienne-punique et des antiquités libyques RMNW Rocznik Muzeum Narodowego w Warszawie, Warszawa RSO Rivista degli studi orientali, Roma RTAM Recherches de théologie ancienne et médiévale, Gembloux RTAM Recherches de théologie ancienne et médiévale, Gembloux, Louvain SAAC Studies in Ancient Art and Civilization, Kraków VetChr Vetera christianorum, Bari ZPE Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, Bonn

* * * DACL F. Cabrol, H. Leclercq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1907–1953 LCI E. Kirschbaum, W. Braunfels (eds), Lexikon der christlichen Ikonographie, Rom: Herder, 1968–1976 RealEnc A. Pauly, G. Wissowa, W. Kroll, K. Mittelhaus, Real-Encyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, Stuttgart–Münich, 1893–1980

10 Classica Orientalia Classica Orientalia

Classica Orientalia

Essays Presented to Wiktor Andrzej Daszewski on his 75th Birthday

Polish Centre of Mediterranean Archaeology University of Warsaw Wydawnictwo DiG Polish Centre of Mediterranean Archaeology University of Warsaw Editorial Board Piotr Bieliński, Krzysztof M. Ciałowicz, Wiktor Andrzej Daszewski, Michał Gawlikowski, Włodzimierz Godlewski, Karol Myśliwiec International Advisory Board Jean Charles Balty, Charles Bonnet, Giorgio Bucellatti, stan Hendrickx, Johanna Holaubek Reviewed independently for publication. PCMA Publications Managing Editor: Iwona Zych Editors: Henryk Meyza, Iwona Zych Language consultation and proofreading: Katarzyna Bartkiewicz (French and Italian), iwona Zych (English and Polish) Editorial assistance: Agnieszka Szymczak, Aleksandra Zych Image processing: Ewa Czyżewska Cover design: Łukasz Rutkowski Chapter vignettes: Krzysztof Kamiński Photo on page 2: Artur Błaszczyk Cover: Head of the god Aion from a Roman mosaic from Nea Paphos, 4th century AD IFAO-Grec Unicode font for ancient Greek kindly provided by the IFAO, Cairo. (www.ifao.egnet.net) The Editors have made every effort to establish publishing rights to images reproduced from scientific publications and to obtain proper permission. We regret any omission that may have occurred. ISBN 978–83–7181–721–2

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6 Classica Orientalia Contents

Abbreviations...... 9 Foreword...... 11 Wiktor Andrzej Daszewski: Essay presented on his 75th birthday anniversary...... 13 Wiktor Andrzej Daszewski: List of publications...... 31 Krzysztof Babraj Interprétation de la lettre ταῦ sur le vêtement du Christ et du geste de l’ogdoade sur la mosaïque absidiale de l’église Santa Pudenziana à Rome...... 43 Janine Balty Le rinceau d’acanthe à fond noir dans la mosaïque syrienne : l’exemple de Mariamin...... 73 Jean-Charles Balty Une « nouvelle » dédicace apaméenne à Cn. Marcius Rustius Rufinus...... 89 Grażyna Bąkowska-Czerner Aphrodite in Egypt. Images of the goddess from Marina el-Alamein...... 97 Giuseppina Capriotti-Vittozzi Un gruppo scultoreo da Dendera al Museo del Cairo: due fanciulli divini e i due luminari.....115 Rafał Czerner The peristyle of House H1 in the ancient town at Marina el-Alamein...... 129 Krzysztof Domżalski Roman fine pottery from a cellar under Oil-press E.I at Chhim (Lebanon)...... 147 Piotr Dyczek From the history on ancient Rhizon/Risinium: Why the Illyrian King Agron and Queen Teuta came to a bad end and who was Ballaios?...... 157 Pavlos Flourentzos New evidence of the aniconic iconography of Astarte-Aphrodite in Cyprus...... 175 Michał Gawlikowski Bagatelles épigraphiques...... 183 Włodzimierz Godlewski Mosaic floor from the sanctuary of the EC.II cathedral in Dongola...... 193 Tomasz Górecki Roman ceramic thymiaterion from a Coptic hermitage in Thebes...... 199

Classica Orientalia 7 Contents

Tomasz Herbich, Harald van der Osten, Iwona Zych Geophysi EC.II cs applied to the investigation of Graeco-Roman coastal towns west of Alexandria: the case of Marina el-Alamein...... 209 Maria Kaczmarek Human remains from Marina el-Alamein...... 233 Zsolt Kiss Deux fragments de portraits funéraires romains de Deir el-Bahari...... 259 Jerzy Kolendo Zita, une ville oubliée de Tripolitaine...... 267 Renata Kucharczyk Glass medallion in the shape of a lion’s head mask...... 277 Barbara Lichocka Delta–epsilon issues of Elagabalus and Severus Alexander...... 287 John Lund Head vases of the Magenta Group from Cyprus...... 325 Adam Łajtar Divus Probus(?) in a fragmentary building(?) inscription in Latin found in Kato (Nea) Paphos, Cyprus...... 341 Adam Łukaszewicz A fish from the sea...... 353 Grzegorz Majcherek, Iwona Zych The Cretan presence in Marina el-Alamein...... 357 Henryk Meyza A mask of ἡγεμων θεράπων with ὄγκος(?) from Paphos...... 379 Karol Myśliwiec L’acquis des fouilles de Tell Atrib pour la connaissance de l’époque ptolémaïque...... 387 Janusz A. Ostrowski Najwcześniejsza polska wzmianka o sycylijskich antiquitates (with summary in English)...... 399 Ewdoksia Papuci-Władyka The contribution of Kraków archaeologists to excavating Nea Paphos, the ancient capital of Cyprus...... 413 Anna Południkiewicz “Megarian” bowls from Tell Atrib...... 425 Zofia Sztetyłło Amphoras on Knidian amphoras...... 441 Hanna Szymańska Two “armed” terracottas from Athribis...... 451

8 Classica Orientalia