UNIVERSITE RENE DESCARTES

SORBONNE PARIS V

ITINERAIRES

Côte Ouest de

Région de Belo-sur-Tsirihihina et vallée du Manambolo

Tome II

Suzanne CHAZAN - GILLIG

Sous la direction du Professeur G. BALANDIER

ORSTOM PARIS - MARS 1986 SOMMAIRE

PAGES

INTRODUCTION

1 - BELO SUR TSIRmlHINA ET LA VALLEE DU MANANBOLO DANS LES NOTES INEDITES DE A. GRANDIDIER (Année 1868-1869)

1 - Cahier nO 13 : Notes prises à et Tsimanandrafoza 6 (mars-mai 1869) p. 612 à 627 Montage de texte concernant la reine Narova et l'accueil réserve à Samat et Grandidier

2 - Cahier nO 14 :Notes prises à Morondava (janvier 1970) 10 p. 630 à 720 ... ilLe Indépendant" p. 639 à 641/ 646-647/ 660/663-664/680 à 690/691/705/714/716 à 718

1 3 - Cahier nO 15 : Notes de Tsimanandrafoza à Madzunga 25 du 21 mai au 6 juin 1869 p. 721 à 847 du manuscrit original p. 723 à 725 /800 à 802/ 806 à 816/ 836 à 846

4 - Cahier nO 16 : Voyage de Morondava à Madzunga 27 pp. 848 à 924 du manuscrit original Montage de texte sans les pages de référence.

5 - Textes inédits in-bibli. Grandidier de 1867 à 1872 36 Quelques notes concernant le commerce de la Côte Ouest p. 6 à 11/21 à 25 Manuscrit remis au Commandant De1afrange vers 1872 pour Mr. Le Play, Les divisions Sakalava, p. 25 .. 6 - Carnet n025 : Montage de texte concernant les Vazimba• 40 Pages sans nO

II - LE ATAMPOHA DE 1968, NOTES ET DOCUMENTS - PREMIERE MISSION

ORGANISATION GENERALE DE L'ENQUETE-SELECTION ET CLASSEMENT DE L'IN FORMATION

INTRODUCTION 45

INTERVIEWS RECUEILLIS AU COURS DU ATAMPOHA DE 1968 Texte nO 1/Arrivée à Ampasy et visite des Dady 48 Texte nO 2/Avec le Fokonolona cl' Andranofotsy. La distanciation du monde rural Texte nO 3/Premier entretien avec Laguerre Kamamy. Signification 49 politique du Fitampoha et conflits de succession

.. Texte n04 :Enregistrements au cours de la cérémonie du bain des Dady 51

Texte n° 5 : Deuxième entretien avec Laguerre Kamamy 52 après la cérémonie du bain des Dady. Orthodoxie et légitimité

Texte n06 : Entretien avec Félice Kamamy, 53 après la cérémonie du bain des Dady. Le Mpanjaka éclairé

Texte n07 : Interviews et observations réalisés 54 MM C. et M. Henriet au cours de la cérémonie du Fitampoha 1968. Parti-pris d'ouverture et souci de précision

LA CEREMONIE DU LOHAVOGNY A TSIANIHY UNE MANIFESTION DE LA BRANCHE CADETTE VEZO/KAMAMY

COMPTE-RENDU DE LA CEREMONIE DU LOHAVOGNY 56

Texte n° 8 : Entretiens et interventions enregistrés au cours de la cérémonie 59

Texte n09 : Entretien avec Laguerre Kamamy quelques jours avant la cérémonie du Lohavogny 61

LA REUNION DU MENABE A TOMBOARIVO - POUVOIR DES SAZOKA ET MORT DE L'INSTITUTION MPAGNITO

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU MENABE A TOMBOARIVO 64

Le culte de Ndrenilainarivo. Eclatement du conflit 64 et intervention du Menabe

Recherche d'un compromis- Epilogue 65

Message du Sazoka de Ndriamilafikarivo (Pierre Kamamy) à son fils Laguerre 66

INTERVIEWS RECUEILLIS APRES LE ATAMPOHA, EN 1969 AUPRES DE LAGUERRE KAMAMY ET DES ANCIENS ET NOUVEAUX FONCTIONNAIRES DU CULTE

Texte n° 10 : Entretien avec Laguerre Kamamy à Belo - Propos dépassionnés sur le Fitampoha 68

Textes nO 11 et 12 : Entretiens avec Filoha à Andimaky et Andranofotsy 71 Textes nO 13 et 14 : Entretiens avec Josoa Mahakasa à Anosibe et Belo 74

Textes nO 15 et 16 : Entretiens avec Tsihenjagny, Mpitoka-Hirijy de Moravagno 76

III - ANDRANOFOTSY, VILLAGE DU DELTA NORD DE LA TSIRIBIHINA - DEUXIEME MISSION

INTRODUCTION 83

LA SOCIALISATION DU PROJET D'ENQUETE 84

Texte nO 17 : Interview du chef de quartier Dafinely à Belo 87 Texte nO 18 : Entretien avec Mbamizily, héritier présomptif du Mpitoka-Tsitompa 89

Texte nO 19 : Entretien avec François, héritier présomptif du Mpitoka-Misara - Règles de 91 mariage et stratégies d'alliance

Texte n020 : Traditions orales concernant les interdits Tsitompa 93

Compte-rendu de la cérémonie funèbre aux tombeaux de Besely 94

L'INITIATION

Les évènements marquants 97

Texte n02l : Entretien avec le chef de village d'Andramasay, avec le Masy-Malaitsy et Batozy, chef de lignage Tsimangataky 98

Texte n022 : Cérémonie de Rombo au campement de Belengo 100

Texte n023 : Entretien avec le Mpitoka Misara, Tsitsaha à Belo 101

Texte n~24 : Entretien avec François Saohanaky, tous deux d'origine Misara 106

Texte n025 : Première réunion avec les Mpitoka du village 110

Texte n026 : Entretien avec Malaitsy Tsitompa 115

Texte n027 : Entretien avec Joseph Tamany, ancien chef de quartier de Belo 117

Texte n028 : La circoncision. Adoption des AndraIefy 123 Texte n029 : Entretien avec Fanitony, Mpitoka 128 Misara, &.ardien de la Tragnovinta de Mitsinjo et résidant a Andranofotsy, ancien chef de village

Texte n031 : Entretien avec la centenaire Kele 132 à Belo (lignage Samoky de Befifitaha)

Texte n032 : Entretien avec Tsimikory, Mpitoka 135 du lignage Tsitompa

LI ASSIMILATION

Introduction 140

Activités de production et d'échange sur 144 le lac Bemarivo

Texte n039 : Entretien avec André d'origine 147 Andrasily sur le lieu de production rizicole Bemarivo

Texte n040 : Réunion des Mpitoka du village 152 Andranofotsy : Notions de Raza, Foko, Longo, Tariky, Ziva et Fatidra

Texte n041 : Espace religieux d'Andranofotsy 158 accompagné du Masy Malaitsy, gardien du culte Antragnovato du village Andranofotsy

Texte n042 : Entretien avec Kabaly, Mpitoka 161 (chef de lignage) des Samoky

Rombo (cérémonie de possession) à Antragnovato 166 Texte nO 43 : Entretien avec le Mpitoka (chef de lignage) Miavotrarivo, officiant du Tromba-Antety

Texte n044 : Entretien avec le Mpitoka (chef 168 de lignage) Andralefy

Textes n045-46 : Traditions orales 169 recueillies auprès du Mpitoka (chef de lignage) Sakoambe : Ravat

Textes n047-48 : Entretiens avec Tsitsahy, 172 Mpitoka (chef de lignage) Misara de Befifitaha et Tagaga, Marofohy, descendant de Mpiamby, gardiens de. la Tragnovinta de Kekarivo

Campement d'Andimaky 180

Texte n049 : Entretien avec Firazagna, Mpitoka 181 (chef de lignage) Marotsiraty Texte n° 50 : Entretien avec Malaitsy 183 (Tsitompa) Tsitsaha (Misara), Fidison (Samoky) : sur le Hazomanga (pieu de circoncision)

Réunion d'adieu organisée par l'équipe 187 d'enquête pour le village Andranofotsy

Texte n° 51 : Entretien avec les Mpitoka 189 (chefs de lignage) du village au moment du départ du chercheur étranger : Thème éducation / élevage

Texte nO 52 : Entretien avec Malaitsy. Visite des 190 campements Sofidambo, Antsakoa et Belengo-Andimaky

L'INTEGRATION

Introduction 195 Texte nO 53 : Entretien avec Maharesy-Tsivogne 197 Mpitoka (chef de lignage) des Sakoambe-Mija

Cérémonie de Soro-Anaky (présentation de l'enfant) par les Sakoambe-Mija

Texte nO 54 : Toka (prière) Raza (des ancêtres) des Sakoambe-Mija et marques d'oreilles de boeufs

CONCLUSION

Participation à la cérémonie funèbre des Tsitompa 201 et Andrasily du village Andranofotsy

Organisation administrative du village 205

Le contexte général électoral de l'époque: Représentants 206 à la mairie en 19 69 à la velUe des élections. Anticipations, marginalisation de certains représentants au profit d'autres m- ENQUETES REGIONALES DANS LES VILLAGES NORD ET SUD . DE LA VALLEE DU MANAMBOLO

INTRODUCTION 211

Motivations et signification de ces voyages. Différenciations des rôles dans le cadre de l'étude. Un mode de déplacement adapté : La charette à boeufs PREMIERE MISSION

1 - Andranofotsy-Andramasay 213 Texte n033 : Entretien avec les chefs de lignage Vazimba et Marotsiraty du village Andramasay Visite du territoire villageois d'Andramasay 215 2 - Andramasay-Moravagno 216

3 - Morava~o-Aboalimena et séjour à Aboalimena 218 Résume de l'entretien recueilli auprès des représentants du lignage Tsimangataky. Entretien perdu, notes de terrain

Texte n034- : Entretien avec les Mikea-Fotsy 221 du village Aboalimena

4- - Visite des campements près des lieux de 223 production de Besihanaka

Texte n035 : Entretien avec le chef de lignage 224 Homankazo du village Ankirijy au Baiboho (campements) de Besihanaka

Texte n036 : Entretien avec le chef de lignage 225 Maromany, Frroroa et avec son frère cadet Fialofa sur leur lieu de culture

Texte n037 : Entretien avec le chef de lignage Misara 227 du village Aboalimena au Baiboho de Besihanaka

Texte n038 : Entretien avec le chef de lignage de 229 Tsiarana, résidant à Bepilopilo sur la rive Nord du Manambolo

5 - Bilan de l'étude régionale et programmation d'une 230 nouvelle mission

DEUXIEME MISSION: DU QUALITATIF AU SEMI-QUANTITATIF

1 - Village de Moravagno 234

2 - Village d'Ankirijy 235

\ 3 - Village de Soahazo 236 Texte nO 55 : Entretien avec Mahatafibe d'origine 238 Antavaratse et Mahazaihatsy, d'origine Ravimboamanga à Soahazo

4- - Campement d'Ampasimandroro 240

Texte nO 56 : Entretien avec Restakely d'origine Maromine au campement d'Ampasimandroro 241 5 - Village .d'Andranolava 242

Texte nO 57 : Entretien avec Samboflalofa, chef 244 de lignage Vezo-Hohimalagny d'Andranolava

Texte nO 58 : Entretien portant sur les principaux 247 lignages qui pratiquent l'élevage dans la vallée du Manambolo

6 - Village d'Antanambao-Behara 248

Texte n° 59 : Entretien avec Klmpao, Jacques Kakay, 250 chefs de lignage Misara, chef de quartier du village Antanambao

7 - Village d'Aboalimena 253

Texte n060 : Entretien avec le chef de lignage Mikea­ 256 Malnty, Masy (devin) du village Aboalimena SOMMAIRE des PLANCHES et AGURES dans le texte

Pages

1 Notes manuscrites inédites de A. GRANDIDIER Fonds Decag. 570 A, Photo prise par J. LOMBARD en 1971 35

2 Lohavogny à Tsianihy 58

3 Réunion du Menabe (3 fig.) 63

4 Gé,néalogie de Fùoha (fig. E) 70

5 Généalogie Maroserana : De la légende à l'histoire (fig. J) 70

6 Généalogie de Mahakasa (fig. A) 73

7 Généalogie de Tsihenjagny (fig. B) 77

8 Généalogie de Tsimoray (fig. D) 79

9 Le terroir rizicole d'Andranofotsy (fig. 1) 111 la Généalogie de Joseph Tamany (fig. H) 117

11 Soron Tapaka Anaka des Andralefy = 122 Toka, moment fort de la cérémonie (fig. 2)

12 Soron Tapaka Anaka des Andralefy : 124 après la cérémonie (fig. 3)

13 Terroir rizicole d'Andranofotsy : 146 sur le lac Bemarivo (fig. 2) 14 Terroir rizicole d'Andranofotsy sur le lac Bemarivo : 148 - agrandissement (fig. 3)

15 Généalogie des Andrasily (fig. 5) 150

16 Bory-Bory par Tsihenjagny (fig. c> 159

17 Généalogie de Samoky (fig. 2) 163

18 Généalogie des Andralefy (fig. Il) 170

19 Généalogie des Misara (fig. 9 -la) 177

20 Généalogie des Miavotrarivo (fig. 3-4) 179

21 Généalogie des Marotsiraty (fig. 6) 184

22 Réunion des Mpitoka 188

23 Généalogie des Sakoambe-Mija (fig. 7) .194 24 Généalogie des Sakoambe-Tsimangiriky (fig. 8) 200

25 Généalogie des Marofohy (fig. 00) 208

26 Généalogie de Fanitony (fig. F) 251

- THESE SUZANNE CHAZAN-GILLIG D'ANTHROPOLOGIE Université de PARIS V:DIRECTION Professeur G. BALANDIER: 11-02-1987

ERRATA ET CORRECTIONS/ Tome Il "ITIN~RAIRES"

P:~1 ligne2: "Echanges, pouvo~, représentations" P 4 4ème§ ligne 3: TSIANIHY P 5 1er§ ligne 14: des ANTANKARANA P 12 Note 2 1ère ligne: de lignage "'i"'Sî'TOMPA (au lieu de FITAMPOllA) P 17 Note 2 2ème ligne: des groupes alliés symbolisés P 18 Note 2 suite P précédente: TSIATELOU ---- texte 2ème § Ligne 2 rois BARA P 19 Note 3 suite P précédente: de ce dernier à l'égard de l'tranger Texte P 786 ligne 13 de MAneva ont tous le privilège P 21 texte avant-dernière ligne: a INGEREZZA P 22 texte P 800 à 802 ligne 13: 2 chambres P 24 note 1er § dernière ligne: à propos-de LAHIMENA P 27 4ème§ ligne 3 aux tombeaux de TOMBOARIVO P 29 3ème§ ligne 1: le chef TSIANDRO 3ème§ ligne 6 TSIHANDRO Note 2 HATREVO- P 37 1er§ ligne 3: du roi TOUEYRE P 45 1er§ ligne 7: laissait entendre 3ème§ 3 dernirères lignes: reppise de ~fin du paragraphe:: de l'étranger dans cette société: sa présence révèle et conforte l'émergence des légitimités recherchées au cours de la cérémonie ou des évènements auxquels il participe. Il nous parait important de relater }ès circonstances dans lesquelles, malgré les..... P 46 1er§ avant-dern ligne: les parents directs de la P 47 dernier § à divers titres~effacer les trois lignes ••••••ajouter ••••~ diff~rents niveaux de P 62 dernier§ El Inf. retenus: ne semble pas ignorer cette réalité (au lieu de ce facteur) P 71 1er § ligne 4: il n'apparait comme étant son demi-frères 3ème § ligne 3: campement situé P 75 2ème § dernière ligne: ~etits-enfants P 78 2ème § ligne 6: pré-coloniale~lles des HIRIJY P 81 1ère ligne effacer •••••MAROSERANA •••••• TITRE III page de garde remplacer ••••••l'invitation par ••••••l'initiation P 84 2ème § ligne 8: Remplacer •••• nous permettre d'être •••.•par •••••pour que s'établisse un P 87 2ème § ligne 3 quand il eut constaté P 102 2ème §,6 dernières lignes: au sens c~du discours produit, en identifiant constamment les lieux de parole de nos informateurs. Le MPITOKA MISARA •••.•••etc •••• P 105 Eléments d'information retenus P 114 Titre 3 ligne 2: est liée au vol des boeufs P 119 2ème § ligne 2 ancien-dépendant des MAROSERANA P 128 111-2-9 1er § ligne 3: cf texte N°28 ~23 P 129 1er § ligne 4 présenter unie face P 132 6ème § ligne 2: nommé sous-gouverneur P 133 3ème § ligne 5: la fille de RAVOGNO (intersigne) P 134 3ème § dernière ligne: c~xtes N° 13-14 P 74 Dernière ligne Dernier §: nous ne pourrons véritablement les P 138 2ème § ligne 2: remplacer ••••élément ••••par •••~ent P 141 1er§ ligne 2 et le MENABE, ancienne préfecture 3ème § ligne 6: provoquée et qui avait bénéficié P 149 1er § ligne 6: de BEFIFITAHA. Les P 156 3ème § dernière ligne: remplacer •••• paralélisme ••••par •••••il y a mise en relation et analogie faites entre TARIKY et MEANBE dans cette discussion P 157 2ème § dernière ligne: ~arte du territoire villageois ••• 3ème § ligne 3: les boeufs. FALIAGNARA etpAliL 4ème § ligne 5: entre MAVOATOHY et ANTSAKOA P 158 5ème § ligne 1: remplacer •••••• rapporte ••••par •••• ce texte relate P 160 4ème § ligne 2 : gardien du TOGNY-TANY P 162 3ème § ligne 3: HOTSEHA et HOR1EKA P 164 1er § dernière ligne: celles des M1SARA P 165 1er et 2ème§ ont été mélangés dans la composition: bes descendants de même mère et de pères différents sont le fils TS1TOMPA, maire de TS1MAFANA (qui n'héritera pas du HAZOMAN&A parcequ'il est christianisé), et TS1TSAHA, gardien du tombeau de BEF1F1TAHA,enfin-­ fidison héritier SAMOKY. Les autres femmes ,mères de segments de lignage SAMOKY du village, sont deux cousines, soeurs de NAMP1A et MAHALAGNO fondateurs du village. Le conflit potentiel entre segments de lignage ainé et cadet TS1TOMPA, est alors intimement vécu par les descendants SAMOKY issus de LOVY qui a ppis ces deux cousines pour femmes. En quelque sorte, ce segment de s'est placé au centre du conflit ainés-cadets, et matrilignage-patrili­ gnage TS1TOMPA, au moment même où celui-ci s'instituait FOKOANY-ANDRANO FOTSY. Cette réalité sociale s'est traduite sur le plan économique à propos de la succession des boeufs, au moment du décès de leur mère NASOMBY. ces problèmes se sont renforcés par le fait qu'outre ces unions deux mariages successifs et préférentiels avec les BETS1LEO ont été contractés, mais qu'ils n'ont pas eu l'effet démographique attendu. Le lignage est en perte de vitesse sur le plan démographique, l'absence de reproduction du lignage étant liée à des décès successifs, et à la naissance d'une très grande majorité de filles. C'est ce que nous avons appris par la femme BETS1LEO de notre informateur~. P 168 5ème § ligne 6: MATOE( ancêtres personnalisés P 171 ANNULEE: identiqUe à 173 --- P1"72 Titre 111-3-8 dern Ligne MARINTOETSY P 173 Dernier § ligne 1: formés sur la rive Est P 180 Dernier § ligne 2: le texte enregistré (textes N° 11-12 P 71) P 181 1er § ligne 6: (V. carte du terroird 1 ANDRANOFOTSY P 111) P 183 dernier § Ligne 3 avant fin: recouvre des stratégies propres P 185 2ème § ligne 1: qui valident l'orientation (enlever ainsi) ~ 2ème§ ligne 6: de protecteur à protégé 3ème § dern Lignes: ,. que nous avons eus, de-ïïimportance que revête (enlever avec eux) P 186 2ème § ligne 2 •, lignage dans le cadre desquelles (enlever et) 3ème § ligne 2: on la trouve dans les formations dites P 187 4ème § ligne 4: etc F1LOHA évoque~contes et légendes ( au lieu de rapporte) P 195 1er § ligne 9: n'a donné lieu 2ème § ligne 6: explicitées en pareille occasion 2ème § ligne 10: dont la stratégie de production 2ème § ligne 26 l'ordre MAROSERANA passé. P 196 1er § ligne 6: de manière tout à fait directe P 197 2ème § ligne 12: notre propre rôle dernier § ligne 2: le premier présente la généalogie ( au lieu de apporte) P 201 Conclusion ligne 4: manque •••••A son retour cependant, le rôle d'acceuil revint essentielle ment au MASY TS1TOMPA MALA1TSY P 209 1er § ligne 6: de peur que l'AKFM (majuscule) 2ème § ligne 5: quant à lui, gardait toutes ses (enlever il) P 211 4ème § ligne 6: de manière ritualisée les cadeaux (intersigne) P 218 1er § ligne 2: fait la visite avec le chef P 223 3ème § ligne 4: avec les MAROMANv-HOMANKAZO P 224 1er § ligne 4: il nous relate une tradition (au lieu de rapporte) 1er § dernière ligne: à une branche cadette MAROSERANA-MAHAFALY P 231 2ème § ligne 11: de la seconde génération ascendante P 233 1er § avant-dern Ligne: la dynamique de production ligna gère (au lieu de reproduction) P 234 2ème § ligne 10: debarassés de la dépendance P 235 4ème § ligne 5: V. car~ 8-9 hors texte) 6ème § ligne 6: dans le tableau annexe Tome l P 238 1er § lignes 4-5: historique que donneront nos deux (au lieu de,nous présenterons) cf texte N° 57 P 244) 2ème § ligne 14: descendants de TTarQent P 239 3ème § ligne 5: intermédiaires P 240 2ème § ligne 6: avec lesquels ils pratiquaient le commerce 4ème § ligne 1: le village est le lieu d'émergence d'un TROMBA P 241 2ème § ligne 2 d'un système de communication P 247 4ème § ligne 13 ~ystème de communication e~échange 4ème § avt-Dern liQne: ce MENABE historique:-~cie:lne Dréfeëture (au lieu de,actu"l1t:J. - 1 -

INTRODUCTION

Ce document complète et illustre sur le plan méthodologique notre mémoire intitulé "Echanges, Pouvoirs et Représentations dans les Formations Sociales Rencontrées sur la Côte Ouest de Madagascar dans le Menabe Sakalava". Il a pour but de placer le lecteur dans le contexte concret de la progression de nos enquêtes et de lui permettre une appréhension directe de la manière dont cette société "se parle"... L'ensemble des matériaux sonores recueillis, qui représente environ 3 000 pages de transcription et de traduction, ne se prête pas, comme des textes de tradition orale au genre "littéraire" bien défini, à une organisation thématique exclusive. L'analyse de contenu, sur laquelle reposent en partie nos conclusions de recherche, exige de prendre en considération non seulement la chronologie et la thématique a priori de l'enquête, mais aussi la situation sociale de l'informateur dans l'environnement dans lequel l'information s'est libérée, qui objective les positions respectives du chercheur et de l'informateur au regard d'une réalité sociale légitimée ou contestée.

Afin de tenir compte de tous ces paramètres dans une présentation aussi objective que possible de l'information obtenue, nous avons adopté une double présentation qui situe dans une première partie la chronologie et la thématique et, en seconde partie rassemble dans un montage les textes les plus significatifs. La sélection qui sera faite et leur organisation par thèmes, respecteront autant que possible le découpage qui s'est opéré au cours de l'enquête, quand la mémoire sélective agissait encore comme révélateur vis à vis d'un ordre social historique auquel les gens se référaient, dont ils rendaient compte, qu'ils réifiaient, actualisaient ou transformaient selon les circonstances. Nous préciserons donc, au début de chaque interview, le cas échéant, le lien qui a existé entre la production orale d'un événement (conscience verbale) et l'événement lui-même, et ceci qu'il s'agisse de vie quotidienne ou de mise en scène d'autres formes de sociabilité. Restant toujours familier, proche de la manière dont la parole prend forme de sens dans les situations concrètes, le discours produit sur l'événement dont ces textes témoignent, précise le niveau 'de son interprétation, qui seul indique en quoi l'événement est historique, en quoi il a valeur de signe, ce qui fait son actualité, comment enfin, il devient support idéologique dans l'expression de rapports actuels.

Cette reconstitution, a posteriori, des documents d'enquête ne se veut nullement justification des analyses effectuées, elle est tout au plus indicative de la démarche intellectuelle que nous avons suivie après la phase d'enquête directe. En effet, l'appréciation critique des matériaux recueillis doit nécessairement se faire à deux niveaux, celui de l'informateur et le nôtre propre, en sachant que le phénomène de mémoire sélective dont nous parlons tant est la chose la mieux partagée. Le but de cette présentation de textes est alors moins de faire la théorie d'un système social, que de rendre compte d'un certain mode de lecture et de compréhension de la société face à son devenir, son mode politique d'exister, de se reproduire dans le contexte des opérations de développement, matérialisation des rapports internationaux tels qu'ils existaient à l'époque. Persuadé que nous som mes que tout "discours· sur" est potentiellement idéologie, et en dépit de quelques certitudes qui prennent corps dans nos analyses, nous restons convaincu que tout résultat en sciences humaines échappe - 2 -

toujours à son objet. De la même manière, dans une société orale de tradition où le discours se veut épistémologie, où la manière d'être et de se dire n'ont pas réussi à coincider, ce que nous mesurons, c'est bien la distance entre le vécu immédiat et sa rationalisation. Si le discours se veut ainsi représentation idéalisée de ce qui est, la réalité, peut-on dire, dépasse toujours la fiction.

Au-delà donc du contenu proprement informatif des interviews, nous ferons figurer en marge l'analyse du discours produit afin de préciser à quel ordre de relations se rapporte la manière de dire. C'est ainsi que quelques rares textes de traditions corn me Ravato-Rabonia, Ndremisara, et Bory-Bory ont pris une connotation particulière comme invariants dans une série d'autres discours et sont apparus comme un schéma d'interprétation idéale de la société. Ce sont ces thèmes idéologiques doués d'une particulière efficacité qui nous ont servi de points de repère dans l'analyse du mode de légitimation dans les institutions dynastiques (Fitampoha) et de possession (Tromba). Bien qu'il ne s'agisse là que d'un simulacre d'écriture, cette reconstitution des données d'enquête commentée au fur et à mesure, aura le mérite d'instituer "ailleurs" mais quelque part, ce qui a été véritablement dit et de montrer que cette société, malgré les conditions générales de dépendance économique et politique, n'a jamais cessé de se penser, de réfléchir à son devenir et n'a pas épuisé sa capacité de transformation sociale.

Avant d'entrer dans le détail de nos enquêtes, et plus particulièrement de celles qui seront présentées en chapitre II, nous proposons de nous attard~r et de lire quelques extraits des notes manuscrites de A. Grandidier qui évoquent la région de Belo et la vallée du Manambolo telles qu'il les a appréhendées cent ans auparavant. Le montage des textes ainsi présentés développe certains thèmes que nous avons abordés, l'observation de A. Grandidier est souvent minutieuse et s'attache à tous les aspects de la société de l'époque, il précise les contours de l'organisation géo-économique et politique. Son insertion reste cependant très limitée à la chefferie locale et nous avons une idée assez juste de l'organisation des villages de résidence royale. Cette mise en perspective nous paraît utile, non seulement pour relativiser la problématique implicitement contenue dans les "sources" d'enquêtes, mais aussi pour conférer à notre analyse une certaine densité. La lecture de ces textes montre en effet que la société que nous avons connue se transformait en 1969, selon des mécanismes qui étaient déjà à l'œuvre, la mutation des rapports externes indiquant de profonds changements dans les rapports internes.

L'institution royale apparaît en effet déjà décadente en 1869 et la colonisation s'inscrit avant la lettre dans les rapports locaux qui épousent les luttes d'influence dans cette partie de l'Océan Indien. Dans les réseaux d'échange Indiens, Comoriens, Arabes, Africains,. interviennent des différenciations religieuses témoins des migrations passées. 1 - BELO SUR T5IRIBIHINA ET LA VALLEE DU MANAMBOLO

DIAPRES LES NOTES INEDITES DE A. GRANDIDIER (Années 1868 - 1869) - 4 -

1 - BELO sur Tsiribihina et la vallée du Manambol0 dans les notes inédites de A. GRANDIDIER: Extrait des cahiers n° 13, 14, 15, 16, 25

INTRODUCTION

Ce montage respecte la chronologie des cahiers et la pagination des manuscrits originaux sera signalée dans la marge. Au-delà du caractère souvent anecdotique de ces notes, nous voyons apparaître une thématique utile à la connaissance de cette partie de la Côte Ouest (1). Le Cahier n° 13 a déjà été publié in extenso par .J. Lombard (2). Nous avons repris une partie de ces textes pour les commenter au regard de ce qui nous a été rapporté durant notre enquête par ceux qui se revendiquent actuellement d'une ascendance royale ou Ampanjaka (rois n'ayant pas régné). Les indications précises de A. Grandidier quand il s'agit de rois et chefs locaux furent nécessaires à la rédaction du chapitre IV "Les héritiers" du Tome 1.

- Le cahier 13 dont nous ferons état concerne le voyage dans le Menabe indépendant. Il est consacré pour l'essentiel à la description de l'accueil qui fut réservé à Samat (3) et A. Grandidier par la reine Narova et les chefs locaux de la Tsiribihina qui l'entouraient.

- Le cahier n° 14 est organisé autour de trois thèmes: celui des rapports externes qui nous intéressent partic.ulièrement, la présentation par un' informateur du Toka Maroserana et des traditions fondatrices du pouvoir royal, enfin des notes concernant les différenciations sociales et culturelles telles qu'elles furent observées.

- Nous n'avons retenu du cahier n° 15 que les informations concernant les règnes de Vinany, Narova et Toera, dont les tombeaux royaux sont situés à Tomboarivo, Tsianiny et Mitsinjo. Elles témoignent de l'état social-politique de la Côte Ouest en 1868, de l'évolution et de la transformation des rapports externes à cette époque. En ce qui concerne les rapports internes, nous avons repris les passages les plus significatifs, qui avaient trait aux différenciations ethniques ou lignagères.

- Le cahier nO 16 est peut-être de tous celui qui se rapproche le plus, par son contenu strictement informatif, de certains des textes que nous avons recueillis dans le Manambol0. Là, en effet, Grandidier quitte le terrain des

0) D'autres documents, de même nature sont publiés dans la Collection des ouvrages anciens concernant Madagascar (COACM, cf bibliographie) et l'ouvrage de Guillain, cf bibliographie.

(2) J. Lombard, Cahier n° 13. Notes prises de Mouroundava à Tsima-' nandrafouzana. Cahier n° 13. Notes manuscrites inédites de A. Grandidier. Texte présenté par Jacques LOMBARD, ASEMI VII, 5, 1976.

(3) Samat, commerçant installé à Morondava et Belo depuis 1848 Fatidra de la reine Narova. Ses descendants installés à Andakabe Morondava sont devenus un lignage. - 5 -

rapports officiels qu'il établit d'ordinaire avec les rois et s'intéresse aux relations de complémentarité économique et politique entre le Manambolo et la Tsiri Bihina. Il note, dans cette région Nord du Menabe, qu'une certaine autonomie se manifeste. Elle est centrée sur Maintirano, port de com merce où résident les Arabes, Comoriens, Indiens et cette autonomie est déjà ancienne, remonte au règne précédent de Kelisambaye père de Vinany, période où s'est formé le Mailaka tandis que l'unité du Menabe se reformait à chaque expédition Merina et Bara. Le chef Rairano dont parle A. Grandidier est également mentionné dans les Archives militaires de la colonisation pour faire partie avec Ozoe, Rainavy des grandes familles de la région avec lesquelles il fallait savoir compter. Les cadeaux offerts par A. Grandidier durant ses visites reflètent la nature des échanges et identifient les différenciations sociales manifestes autour de la personne des rois et chefs. Enfin, nous avons trouvé une mention de l'influence des Antankarara et des Tromba qui leurs sont liés. Cette référence générique intervenait encore en 1969 au moment de notre enquête sur le Fitampoha cérémonie dynastique.

- Nous joindrons enfin d'autres notes inédites de A. Grandidier, de 1867 à 1872. Elles portent sur le commerce de la Côte Ouest, les divisions passées des Sakalava. Le carnet nO 25 apporte aussi quelques précisions intéressantes sur les Vazimba de la Côte Ouest, référence générique également utilisée actuellement dans les rapports locaux.

- Notes de A. Grandidier prises à Morondava et Tsimanandrafozana de mars à juin 1869

Situation d'enquête: Rencontre de A. Grandidier avec Narova par l'intermédiaire • de Samat, colon installé depuis longtemps sur la Côte Ouest • et Fatidra, frère de sang de Narova.

Texte original (fragments)

••• p.6l2à6l9 Narova (nom posthumeNdria.agnotroarivo) A peine arrivés, les Arabes de l'endroit, par curiosité, viennent nous voir et faire a succédé à son frère Vinany (nom posthume Kabar. Peu après, la reine Narova, tout récemment venue dans le pays qu'elle Ndriantahoranarivo) en 1858. . gouvernait autrefois et dont elle avait été chassée en 1862 par le traité fait avec En 1862, elle fut chassée par les chefs Fleuriot de Langle et reçue à bras ouverts par son neveu Toueyre, fils de Vinany, qu'on du Henabe pour avoir fait alliance avec avait mis à sa place, fait dire à Samat son frère de sang, par un de ses fihièzes, qu'elle les Français à propos du pillage de la va venir le voir. Nous l'attendons alors. Bientôt des chants nous annoncent son arrivée. Marie-Caro line. Narouve a de tout temps aimé les chants et a une réputation comme soliste; elle improvise comme c'est l'habitude des Sakalava. C'était elle qui chantait l'arrivée des Sa.at frère de sang de Narova. blancs et de son frère de sang j les 8 à la femmes qui l'accompagnaient chantaient un Description de Narova. refrain sans signification. Elle avait aussi avec elle la à 12 soldats et quelques chefs. Elle envahit notre chambre avec sa multitude: c'est une femme de 50 ans au moins, un peu rouge, grasse et de taille moyenne, à cheveux droits comme les Maroserana; Présentation et prise de parole ritualisée lèvres assez fines, nez peu aplati, yeux expressifs mais à cornée brunâtre. Elle ne vis à vis de l'étranger. paraît pas son âge et à la lumière, on ne lui donnerait que 40 ans. Elle était déjà sous l'impression du touake, qu'elle buvait de contentement depuis l'arrivée des chaloupes. Elle avait revêtu un chapeau rouge mitre de pope grec ayant la forme d'un quadrilatère Influence, et traduction dans l'habillement orné avant d'un soleil de pierreries fausses et ayant en arrière une bande d'étoffe aussi des roi~des Ovas et des Arabes associé large que la mitre elle-même et tombant à mi-dos. Elle avait eu cela des Ovas. C'est à l'habillement Malgache. Cette particularité le même qu'elle avait mis pour recevoir le Commandant Fleuriot de Langle. Un lamba est une constante des rois qui ont un contact arabe était noué sous ses bras et un lamba malgache bleu à raies noires couvrait une de avec l'extérieur. A mettre en relation ses épaules et était passé sous le bras droit. On lui étend une natte, elle s'asseoit et avec les Tro.ba Andrano qui conservent alors se précipite sur la main de Samat qu'elle embrasse à la méthode malgache, c'est­ la multiplicité de ces influences dans à-dire qu'elle sent et passe la langue ensuite, elle l'appelle alors couke, petit nom gâté leur habillement. pour zouke, ainé ; puis elle m'embrasse aussi la main. Alors elle dit combien elle est contente, après tant d'années (7) de séparation, de revoir son frère; elle se rejette sur sa main 2 ou 3 fois pour l'embrasser, quoique Samat lui dise; Fa soa, c'est bien assez. Elle rit, met les mains sur son cœur et dit: Samat est vivant, Samat est bien portant, que je suis contente de voir mon frère bien aimé. Les yeux animés par la boisson et le Les chefs apparemment jouent un rôle secondaire plaisir, disent en effet combien elle est contente. Enfin, les chefs prennent la parole dans la relation à l'étranger; en réalité, pour dire combien le pays est heureux de voir les blancs venir chez eux, qu'il n'y a rien ils en contrôlent tous les aspects. à craindre pour nous, que les intentions du peuple sont bonnes. Narouve prend, comme c'est l'habitude la parole la dernière, pour répéter sous une autre forme, ce que chaque Distinction entre 2 catégories d'étranger: chef à son tour a dit; nos gens font alors la réponse que nous sommes amis, que Samat Sallat, colon assimilé est TOllpon-Tany et est Tompon-Tany, un maître du pays, que moi je suis Vahiny, étranger, mais que nous . A.G.est Vahiny. De cette distinction naîtra venons dans de bonnes intentions et que nous espérons trouver des alliés chez les l'ambiguïté de l'intégration coloniale. Antimènes. Enfin Samat prend la parole et fait connaître que je n'ai aucune mission politique au sujet de l'indemnité, que ma mission est toute pacifique, que je m'occupe De même, la distinction entre le commerce d'étudier ce qui peut étendre les relations commerciales d'un pays, que le commerce et la domination poli tique. Dans le contexte est dans l'intérêt de tous les pays, etc. Alors, après ces bonnes paroles échangées, on de l'époque, le commerce nlest plus depuis passe à boire; car un grand Sazoua ou vase de terre à grande ouverture, où on longtemps neutre en matière de relation conserve l'eau dans les maisons, plein de touak était venu avec la reine; elle en donne entre états. dans sa tasse à Samat qui y trempe les lèvres; elle me l'offre ensuite et j'en bois une Boire dans la même tasse, symbole de llalliance. gorgée; elle termine la tasse; alors chacun de boire. A chaque phrase de la reine, on dit Matseroukereke, au lieu de Haroufe, Maroufe réké, azamarofy raiky (soyez exempt Avec les rois indifférence et inversion de tous mots père), comme à Fiérène. Reine se dit Ampanjaka car reines et princesses des relations matrilignages/patrilignages. sont les hommes dans la circonstance, leurs maris sont les vraies femmes de ménage; elles prennent des amants quand bon leur semble, sans que ceux-ci n'aient rien à dire. Fihièzes, sorte de garde royale. Le mari de Narouve était assis là sur sa natte (au Kabar il se tient avec les fihièzes ou chefs suivant son rang) et buvant avec elle. Elle appelle alors ses deux petits-fils (fils de son fils qui est mort et aurait au moins 30 ans aujourd'hui) et leur dit de donner la Llun des petits-fils de NARDVA SOALEHA main à Samat, leur disant: c'est votre père. De même, elle demande à Amédée, fils de est devenu par la suite Fahavalo. Il est Samat, qu'elle n'avait pas vu depuis 7 ans, s'il se rappelait d'elle, qui elle était: vous à l'origine actuellement d'un Trollba Andrano êtes ma mère, répond Amédée. Oui, dit-elle. anti-étranger. Son tombeau est la Tragnovinta Elle se met alors à entonner un chant d'honneur pour Samat et moi et son choeur de Hitsinjo, haut-lieu de résistance à répond. Puis de boire, de chanter, de causer. La petite chambre était comble de la colonisation. monde. Enfin, elle finit par dire à Samat: Te souvient-il du jour où nous avons contracté le serment de sang, ce jour nous étions trois, aujourd'hui nous ne sommes que deux. Elle faisait allusion à son grand fils qui était mort depuis. Elle se mit alors à fondre en larmes; après quelques minutes, elle s'excuse d'avoir laissé place à son émotion se retira en chantant comme elle était venue. Je viens voir dit-elle en L'apparente inconditionnalité de Narouva et te arrivant à Samat. Les chefs me disaient qu'il était tard, qu'il fallait attendre à demain. vis à vis de l'étranger n'est pas partagée Mais comment aurais-je pu attendre? La brise du Sud (sa case était au Nord de la par les chefs. nôtre) m'apportait ton odeur, et je ne pouvais résister au plaisir de te voir.

.•• page 619 à 622 Fonction du Kabar officialisation de Le lendemain, on nous prévient que la reine et les chefs nous attendent pour le l'alliance avec l'étranger, mise en scène Kabar officiel; nous nous rendons sous le groupe de cocotiers plantés là il Y a 12 ans de la hiérarchie entre chefs. par Samat et depuis longtemps en plein rapport, où tous les personnages du village et Le Kabar a bien ici une fonction politique. les Arabes (une centaine en tout) étaient rassemblés. Là, les mêmes échanges de bonnes paroles que la veille eurent lieu. La reine était adossée sur une natte à un cocotier; nous sur une autre également au pied d'un cocotier. Elle n'avait pas sa mitre de pope comme hier, elle avait un quart de quadruple lié autour du cou, un collier de corail fin, un autre de lambourouak et corail, un talisman, une pierre de fusil à moitié entourée de verroteries bleues et rouges, un petit fèze aux doigts de main et des pieds, des bagues d'argent aux bras et pieds, des manilles et chaines d'argent. Trois marques rondes de bois de santal au front. Au jour, elle paraît moins bien qu'à la nuit. Les chefs prennent tous la parole les uns après les autres et elle parle en dernier. Samat répond. Le soir, elle nous fait appeler et nous reçoit en petit comité. La case ressemble à celle de tous les Arabes de l'endroit La reine avec son royal amant était sur une Dans la relation personnelle, la reine cappe étendue au pied d'un kibane (claie de baratte sur 4 pieds de haut de 0,80 m)•••• Le Kabar roula sur nos intentions "Si je savais quelque chose de mauvais pour ton vérifie les intentions de ses interlocuteurs et se propose comme médiation vis à vis voyage, je te préviendrais. Dis-moi si vous avez un Kabar à faire à Andapa (Lapa est la maison du roi), quelles sont vos intentions ?". Elle inquiète de que je pouvais du roi Touera. était ce venir faire et craignait des réclamations, des menaces. Nous la rassurâmes•••

Le pôle économique de 11époque était le •••/••• P 627 Haintirano où se trouvent les dissidents Narouve nous raconte que les Arabes et les Indiens de Maineterane lui ont fait Sakalavi du Menabe indépendant les Makoa, toutes sortes de misères, sauf un seul; qu'elle a été quelquefois réduite à chercher son les Arabes et Indiens. bois 'à brûler. Aussi ajoutait-elle je prie tous les matins Dieu et mes ancêtres de donner Avec la colonisation, l'influence indienne bonheur et prospérité au seul qui a été bon pour moi, mais je les prie aussi tous les et arabe se diffusera sur toute la côte. matins de m'envoyer ici les autres. Je les pillerai de fond en comble. Du reste, elle a acheté des marchandises chez le fils de l'un d'eux et à la demande de paiement, elle lui a répondu qu'elle paierait à son père seulement, que celui-ci vînt chercher son paiement. Il s'en gardera. On l'a laissée insulter par ses anciennes sujettes, dont une a La concurrence entre les commerce indien été jusqu'à lui arracher le Lamba. On ne pensait pas qu'elle reprendrait le pouvoir; et et arabe avec les tentatives de l'Administration par mauvaise politique, tous ces gens se sont fermés le Menabe. Elle est revenue seule coloniale et celles, plus tard, des fonction- avec ses deux petits-enfants et a été bien reçue quoique certains chefs soient contre naires dlétat de le contrôler nlest pas elle. récente. Elle se complique du fait des alliances, mariage et fatidra nombreuses qui font de la fraction de la société Sakalava qui a eu des rapports avec llétranger une population fortement métissée que nie 11idéo­ logie en place. • - 10 -

Notes prises à Marondava (Cahier nO 14 pp. 630-720) (Janvier 1870)

•••"Safi, fille d'Aran, était la maîtresse de Cesar à Tsimandrafouze ; un jour il fait venir à bord de sa goëlette, pendant l'absence de Safi, Inounouke, cousine de la précédente. Cette dernière n'a rien de plus pressé que de raconter ses succès auprès du capitaine blanc pour faire enrager sa parente. Celle-ci veille le moment où l'autre vient chercher son paiement, un Lamba de 3 brasses de toile, 640 pour l'apostropher et lui reprocher sa conduite. Insultes de voler! si bien que les pères s'en mêlent et il s'en est fallu de peu que les deux frères n'échangent des coups de sagaye : est-ce que tu es sa femme pour insulter ma fille parce qu'elle a des relations avec le capitaine ? De quel droit te mêles-tu de ce qui ne te regarde pas? Ma fille a été sa maîtresse au même titre que toi. Allons, César, paie ma fille: que je m'en aille. - Non, je ne veux pas que tu donnes rien, s'exclame Safi. Ne donnes rien. - Est-ce que tu es la maîtresse de la goëlette et des marchandises qu'elle contient? Tu es bien osée du reste de parler. Comment tu es la maîtresse de ton gendre, car Ninga, la femme de Cesar est ta fille (nièce à la mode de Bretagne est fille chez les Malgaches) et tu n'as pas honte. Tu es 641 une sorcière! et laI querelle continua ainsi longtemps surla plage devant tout le peuple assemblé, et les injures volaient. Ce sont cependant deux frères, chefs importants de Tsimandrafouze, qui se livraient à cette dispute publique"••• ••"Quand un Antandonnak arrive chez les traitants et qu'après lui avoir donné un peu de rhum ou quelques menues marchandises, car on a à les ménager, il revient à la charge et devient trop ennuyeux, il sait très bien dire qu'après tout il est chez lui, que les cases appartiennent au roi (et cependant le terrain a été 647 payé au roi, les cases sont construites aux! frais du traitant) ; il ajoute que tout ce qui est à terre en marchandises appartient au roi et qu'on ait à lui donner ce qu'il demande ou il fera piller, et le plus souvent, il faut céder. Que d'insultes à dévorer !"•••

660 ••"Label (1) Chef du Tsidsoubou accepte que Samat tire sur lui à 25 pas, pourvu qu'il ait sa médecine. Samat lui proposait 20 kg de poudre et une pièce toile, mais Samat ne veut pas tirer et lui dit : mets ta médecine sur une planche et je te paierai de même si la planche n'est pas trouée, si mon fusil rate trois fois, etc••• Il ne veut pas. Vous autres blancs, vous avez peut'être des médecines plus fortes, mais vous autres Sakalaves, si quelqu'un de vous doute de ma médecine,. arrivez et tirez sur moi"••

663 Rasoumba dont parle Leguevel comme chef de Morondava est le père de Famai et grand-père de Tsile, Veze de mes amis; il était chef de Belo et jamais de Morondava. Ramitraha signifie roi qui s'appuie le fusil à la main.

Chez les Sakalaves, il y a deux sortes de prières, le Sour avec riz, etc. qui s'adresse à Dieu, à la terre et aux Laules. Le Tambe-Tambe (cadeau) qui s'adresse à Dieu seul et ne se fait qu'avec des bœufs ou Arrack qu'on cuit, prépare sur des Taratals neufs, faits exprès et dont on jette un morceau ou quelques gouttes en l'air, puis que les malades, les parents mangent ou boivent. On dirait que le Sour avec riz, bananes, etc. était fait de tous temps aux Loules qui était probablement la relipion des indigènes. Mais depuis Diandahifouti, on aurait fait comme les conquerants, prière à Dieu seul avec bœuf ou Arrack,

(1) Il s'agit du chef local Zabel, cité dans les archives militaires. - Il -

664 objets importés par les conquérants/ ou venus peu avant et on aurait continué les Sour aux Loules avec des vivres comme par le passé, tout en ajoutant en premier le nom de Dieu. Bien entendu que le peuple s'étant mélangé par la suite, les conquérants ont pris les usages des vaincus et les vaincus ceux des conquérants, si bien que tout s'en est trouvé mêlé. Mougaye, père de Favantzehe, fait le Tambe-Tambe à cause d'une grave maladie... Callame apporte une pipe d'ébène ornementée d'argent à Lahymerija, pipe simple mais élégante; le roi tue aussitôt un bœuf pour remercier Dieu que semblable pipe lui ait été donnée. C'est ce qu'on faisait autrefois pour la poudre"••

.•"Histoire par Tsirisi {renseignements plus que douteux. A consulter avec prudence).•• Baratta-Voukouke, enterré au Mangouke était le premier roi. Ensuite, Diamandazouala, enterré lui aussi à Mangouke. Puis Diamandrese et Diamissara qui était charpentier. Dianihanine vint ensuite (Andriandahefouty). Puis Diamanete-arrivou (Tsivounbahe de son vivant). Puis Diendranharrivou (Miavan-Arivou) (I). Puis Diamandovarrivou (Rehy-Souki). Puis Diamontinharrivou (Tsi-Leo-Andrafe). Puis Diansonanharrivou (Malaka). Puis Diamoulak-Arrivou (Rsambo) mort avant le père. Puis Diamatantseharrivou 681 (Silisou ou Ramitrah). Puis Tsimitrambo (Dianmanoula Antani) (à Mananbulu). Et Lahytsamba et non Kelsanbaye (Diamoulak Arriva) à Tsidjibou. Puis Dsanilaneharrivou (Vinang) fils de Diamamoulak Arrivou. Sous Dianihanine, les Blancs sont venus pour la première fois. Le roi était en guerre avec Dramananga, roi Betsileo, qui résidait à Moudounghi. (Mais ils n'y sont pas restés). Ravaloundrefe était la femme de Diandahefouti. Les fusils arrivèrent alors. Histoire de Diamenhitse. C'est Dianhihanine qui est venu le premier au Menabe. Le roi Baratta-Voukouke est venu du Sud, du côté des Baras et Antavaratse. Même famille que les Marosarans du Sud. Dramandrese vivait à An-Sakene au sud de Mangouke, dans la tête du Sikili, affluent du Mangouke-Bourane ; le bassin d'eau où il se baignait s'appelle Tavi (lac en OVAle L'histoire de Tsaranpiouke, arbre sous lequel étaient assis les Marosarans et celui, arbre sous lequel etaient assis les Andrevoules est connue. Les deux se seraient fait frères de sang là, en Sakalave Ramanouva, et en Veze, Ratsoufa 682 firent là / cérémonie. C'était Baratta-Voukouke, et Andriantoundraha était l'Andrevoule. Le nom de Fierena viendrait de ce que c'est là qu'eut lieu la séparation Mihevena, Qù on retourne••• Il y avait bien eu discussion pour le bœuf mais le frère de sang se fit. Diamissara était l'aîné, mais il ne voulait pas quitter son ouvrage (il aimait à travailler des cuillères de bois) et envoyait à son frère les Kabar. A la fin, le peuple mécontent lui parla à cet égard et il donna le pays à son frère. Le peuple tint à ce que le nouveau roi jura qu'aucun de ses descendants ne pussent jamais régner.

(I) Vraisemblablement les Miavotrarivo actuels, tombeau de Befifitaha. Cf. Chapitre IV, Les héritiers. - 12 -

Les 10 premiers fusils venus dans ce pays sous Dahefouti existent encore, 2 683 Touvounkere,! avec Touere ; on change le bois lorsqu'il est pourri, on ne s'en sert que pour 'les enterrements des rois et on y brûle peu de poudre. Le Tsaranpiouke est un baobab situé près de Benghe, à côté du milieu du Mangouke.

Les Marosarans du sud se sont séparés' des autres au pays de Tsiehenembalala et ont été droit vers le Sud; les autres avec les Andrevoules ont continué Nord. Ceux qui passèrent par le Tsiehenembalala, avaient faim; les premiers trouvèrent des sauterelles et s'en approvisionnèrent; mais ceux de la fin ne purent en avoir, d'où le nom de Tsiehenembalala (pas contents, pas pourvus de sauterelles). Les Zaffindravoula seraient de la même souche que les Marosarans. Lorsque les Marosarans arrivèrent à Mafali, le chef fut malade de la Koula et il 684 fit retraite. Alors! le peuple qui venait pour le voir s'entendant dire Fali, Mali, vous ne pouvez voir le roi, dit Mahafali, qui fait Fali, qui vend Fali. Les rois Andrüs seraient des Maroserans comme les Bars. Les Betsileo ne seraient pas Marosarans ; leur famille serait Andrantsai, lsandra ? Ces rois ou chefs. comme ceux Antankars ont en effet conservé les anciens usages des funérailles des aborigènes. Les Marosarans sortent de l'Est, originaires, dit-on d'Antsianak et Côte Est, en face Ste Marie. On dit que c'était des fils de Vazaha, étrangers blancs (Juifs ou Arabes). Les Zaffe Raminia sont des Marosarans qui seraient aussi venus du Nord. Andramitiouke Arrivou lui est inconnu.

Les rois qui n'ont pas régné sont: ovanbanda, Dianbarindri (1), Driansoumba (l), fils de Diamadah (2), frère de Diansouanharrivou. Tsiherefe, petit-fils de Diamadah. Ramitoutouh, fils de 685 Tsiherefe. Dianpousouah, fils du précédent, Tsivinday! fils de Dianpousouah. Rereza fils de Tsivinda. Tsimivalou, fils de Rereza. Ratsikemba, fils de Tsimivalou. Rafamandrou, fils de Ratsikemba. Ratziantouene, sœur de Diamandisaouharrivou. Diamannetiarrivou l'avait envoyé dans le nord pour éviter des querelles dans le Nord; il est devenu roi de Maranbitse. C'est lui dont la femme avait été enterrée vivante parce qu'il marchait toujours et que le Siquil avait dit que tant qu'il ne serait pas offert le sacrifice d'un membre de sa famille, il n'aurait pas le pays. Sa femme se fit enterrer vive au Nord de Namilah. D'autres disent qu'il était déjà au Boueni et cherchait à étendre ses domaines. Comme il chassait le sanglier, on consulta le Siquil qui dit que le roi n'aurait le pays que si on enterrait sa grande femme; les Loha vohitses ne voulaient pas, mais les soldats le prirent sur eux et firent la chose. Le roi de 686 retour apprit la chose. Eh bien si je gagne le! pays, j'aurai facilement d'autres femmes.

0) Ndrianbarindri, Ndriantsionda, ancêtres Maroserana cités par le chef de lignage Marolahy responsable d'invoquer les ancêtres Maroserana durant le Fitampoha 1968. (2) Le chef de lignage Fitampoha du village Andranofotsy était surnommé Tsimanda en référence au renom de cet ancêtre Maroseragna et à la puissance économique et politique de ce chef de lignage au moment de l'enquête: sa postérité est déja assurée. - 13 -

Le pays de Vouaye porterait ce nom parce que là serait mort le médecin d'Andriamandissouarrivou qui n'ayant pas voulu rester avec son maître, s'en retournait au Menabe. Ravaloundrefe serait un Sakoube et non Diamanhitse qui était aussi la femme de Drianihanine et n'eut pas d'enfants; c'est Ravaloundrefe, Vourouniouk qui était la femme du roi de Fierene et qui fut échangée avec celle du roi de Menabe; il n'y eut pas de guerre avec Fierene ni de Fatidrah car il y avait le Fatidrah de Tsarampiouke. C'est elle qui monta à bord du navire. C'est la souche des Sakouabe. Il n'y avait eu de guerre avec Fierene que sous Vinany. Il y a bien une rivière appelée Sakalava qui tombe dans le Mangouke, où il est défendu de prendre l'eau avec les mains (mais on peut avec une calebasse) ; on ne peut la traverser, il faut la contourner. C'est/ un petit ruisseau large d'une huitaine de mètres et de 2 à 3 lieues de long, elle sort d'une colline, dans le Nord de Mangouke. Benghe est l'affluent du Mangouke et ce Sakalave tombe dans le Benghe qui vient de l'Est. La résidence de Baratta-Voukouke et d'Andriamandazoala était près de ce Sakalava. . Mazerea, Tsimpahi Veloumboula, Mikea (sur les bords du Benghe) sont les cimetières des anciens rois; Mazerea est le cimetière de Baratta Voukouke, Mikea et Tsimpahi et Veloumboula celui d'Anddriamandresse et Andriamissara. Il y a encore des gardiens et quand il y a la guerre, ils restent là, on les respecte; personne ne leur fait de mal. Quand les gardiens font des songes, ils font le Soro, préviennent les rois du Nord qui en font aussi. Tous ces cimetières sont sur les bords de Benghe (l). Manza est dans le Nord de Mangouke ; Benghe est dans l'Ouest de Manza.

Le Bemaraha continuerait jusqu'à Fieren et dans le Nord, continuerait jusqu'à Ambohitsoussi et continue encore! venant mourir près de Betsibouka. Ambohitsoussi en fait partie.

Le Manamboulou vient de ce qu'on y a jeté des cheveux ; Driamandissouharrivou a donné le nom; car il paraît que tous ne tressaient pas; le roi voulut qu'on se tressât ou qu'on coupât les cheveux; plusieurs se les coupèrent et jetèrent les cheveux dans l'eau. Sahouani viendrait de Sahou et Hani parce que l'armée de Driamandissouharrivou affamée y prit des grenouilles et en fit des appâts qui lui procurèrent à manger du poisson. Ce ne serait pas Soua-Hane. Andriambe serait le premier Marosora venu dans le Sud à Mafali par Tsienembalala. C'est lui qui a eu le Koula. Manhoumats Arrivou serait son fils. Rahourem Bitsimalefa serait le père de Baratta Voukouke (il se contredit avec le récit précédent où Baratta-Voukouke viendrait de l'Est et non du Sud). Andriandahefouti se fit frère de sang avec Sangadze, chef des Antanandrous à Heoussi, et dans l'orgie tua lui! et les principaux. Dianihanine est mort à Manheve, son dernier séjour; il avait auparavant résidé à Belohahene et autres endroits.

(1) L'organisation des tombeaux des premiers rois attestent de l'alliance politique instituée entre Bara et Sakalava. Les gardiens de ces tombeaux en temps de guerre peuvent, dans leurs sources, rappeler cette entente première qui lie le Nord et le· Sud. Mitsinjo Tragnovinta Misara est un haut­ lieu où sont cités Baratta-Voukouke et Ndremisara. A rapprocher de la symbolique originelle N/S de la constitution des royaumes. - 14 -

Ce sont les Marosarans qui ont apporté le Sikil. On croit que c'est une révélation de Dieu aux trois hommes Rabamilou, Tsarafilou, Makarahilou qui ont été dans les bois et ont appris le Siquil, qu'ils ont montré aux hommes. Les Sampys sont venus après le Siquil, ainsi que tous les talismans.

Les Tsitampikis, les Mivavis, les Sandangouatses, les Maneas etc. sont tous des Sakalavas. Ce sont des noms donnés aux gens d'Anadounaks. Dianbalouvatou serait le nom de vie d' Andriamandazouala. Ramakala épousa une Ova Reaboude ; il était en guerre avec un chef Ova Ramangoukouke, roi Betsileo qu'il vainquit et fit prisonnier avec sa famille. 690 Celui-ci n'ayant pas d'argent donna sa femme! comme rançon. Elle est la mère de Ramitrah et la nièce de Dianampouine. Tsimitrambou (il coupait le ventre des femmes enceintes et commettait mille cruautés. De là, l'inimitié entre son frère et lui) a été avec les Ovas pour revenir attaquer son frère. Oulilatsi est un autre frère de Ramitra qui est resté dans le même village que le roi, en bonnes relations avec lui. Kelisambaye fit aussi la guerre avec Ramitra fut commandée par Ramamba et Drianikidza (un Européen). Ramitra était à (appelé alors Ningansoa). Tsoumbikoumba est à l'Est de Manheva, sur le bord d' Andranoumena, et il y a eu quelques temps sa résidence. On se battit sur les bords de l'Andranoumena. A Isalou, il y a des tombeaux des rois du Menabe, mais à la tête du Mangouke. La terre s'appelle Ankoumbi. . Moudoughi fut pris par Diansouaharrivou et il y mit des Sakalaves, pour 691 qu'il n'y ait plus! de nouvelles guerres à craindre•

••1111 prétend que Dianinhanine (?), non content de voir son pays appelé Sakalave parce que, prétendait-il ce nom déplaisait à ses médecines, tua un gros bœuf rouge, enterra du Touak de miel, le placenta d'un enfant et la viande du bœuf et déclara qu'on appell~ait le pays Menabe. Le nom de Fiherene (où on revient au point de départ) malgré plusieurs guerres, les habitants revenaient toujours à leur point de départ, ne quittant pas le pays (1). Fatidrah vient de Fatidra, incision et ••• sang.fll

692 ! •••IILes Tsitampikis, les Mivavis etc. (sorte de famille comme les Vourouniouks, Antanhalanebejaran, etc.) chez les Mafalis; les Sakouabe, Antambi, etc••• chez les Sakalaves du Sud, Besakona, avec les Vezes etc) sont des gens appartenant à certains Anadounaks qui depuis la fuite d'Andriansouli, se sont trouvés libres et ont fait des pillages continuels. Ce sont plutôt des familles. Nous avons sur la Côte Ouest des Antaveles, familles de Vezes du Nord, les Antimangares (Arany, Raingourouk, Havy etc) (2) Vezes du Sud, etc•• Ces noms ne sont pas des noms de tribus mais de simples familles; seulement elles paraissent plus nombreuses qu'elles ne sont réellement à cause des esclaves etc•• qui prennent le même nom.

(l) Le Fiherene est considéré par beaucoup de groupes lignagers actuels comme le pays d'origine première de leur migration: c'est le berceau de la royauté. (2) Ancêtres cités par le chef de lignage Hirijy de Moravagno: Remboho, Sikily du tombeau de Menahavo, segmentation de celui de Befifitaha. - 15 -

Quand on a une demande importante à faire, on l'adresse à Dieu directement et alors grand sacrifice de bœufs ou offrande d'Arrack (objets d'importation étrangère) ; pour les petites prières de tous les jours, on s'adresse aux Loules comme intermédiaires avec Dieu, comme influant sur les petites choses de chaque jour, et on n'offre que du riz, du Louzy (Voemes), bananes, etc..I"

706 / •••"Les Antimenes dépendant des Ovas regrettent le Tanguin. Entre Vezes du Nord au Sud, pour petits Kabars, on se contente de l'eau bouillante. Les Machikoures ne font jamais que le Tanghin/. 714 / Les Vezes viendraient avec les Mafales et se seraient répandus vers le Nord"•

••"Angatse inconnu avec les Sakalaves. Chez les Antankars, c'est l'âme des morts, le Baleke des Antanosses, l'Heri des Sakalaves. Kalanourou est le Coucoulampi des Antanosses, chez les Sakalaves et les Betsimsares. C'est lui qui rend Helou des Antanosses, Tromba des Sakalaves. Le Bllou est produit par Dian Bills, ange de Dieu. Il tremble et danse; on tire des coups de fusil et boit du sang de bœuf pur ou mêlé de rhum et de miel chez les Sakalaves; on lui attribue toutes sortes de maladies (d'autres fois il est 717 Bllou en transes, il ne bouge pas, il est malade). C'est le/ Siqull ou la Driamandrese dans ses prophéties qui dit si la maladie vient du Bllou. Le Tromba cause, remue la tête, cogne la tête contre le mur, chante, danse sans bouger dans la case. Kalanourou produit cela. Pas de coups de fusil. Si on en tire, l'individu est guéri, mais meurt le lendemain. On chante et cela guérit. Quelques uns boivent de l'huile. Ils vont quelquefois dans le bois.

Le Dramandrese se promène et chez les Antanosses se coupe avec des couteaux, boit son sang. Chez les Sakalaves, c'est la même chose que le Tromba et même traitement. Le Bllou ne parle pas ; les deux autres prophétisent et sont crus.

Ces malades du reste se confondent et sont confondus par beaucoup.

Il yale Taratal Anbllou et Azomang Anbllou (1); l'escalier est le 718 Fanahihiya Bllou. Il y a toujours le Sari Houloumbllou ou statuette du malade/. On dessine la figure avec de la terre rouge et du charbon. Pour les rois, il ya huit Taratals pour monter au sommet qui est le 8e.

On prie toujours Dieu avant les morts, les Sampys, etc•• On brOle l'encens avant les prières. Il y a des fois où on brOle l'encens avec les morts sans parler".

(1) Distinction faite également par les informateurs du village Andranofotsy. Notes de A. Grandidier de Tsimanandrafoza à Madzunga du 21 mai au 6 juin 1869 (p. 721 à 847 du manuscrit original)

Texte original (fragments)

1) Informations concernant Narouve ••• p. 723 à 725 - Rôle politique de Narova Narouve est celle qui a sauvé Toueyre; il est né hors de l'entourage, sa pour la succession de Touère constitution débile ne semble pas lui donner pour père Vinany; mais Narouve et un lutte avec les chefs locaux en particulier médecin Arabe qui a annoncé à Vinan qu'il avait tort de le rejeter, l'ont forcé à le du Manamboule reprendre. Jusque là, il avait été élevé par Narouve. Aussi, à l'arrivée de Narouve, de retour de son exil, dit-il dans son Kabar aux chefs qui faisaient des objections à la résidence de la princesse dans le pays, pourquoi voulez-vous que j'éloigne ma mère (l) ; Le destin est un signe des temps la chassez-vous de votre case? Du reste, tous les grands chefs du Manamboule qui auraient pu faire revenir la reine au pouvoir et qui n'ont rien fait pour elle sont tous - Fonction des Tro.ba (Ndre.isara, Ndre.andresy morts les uns après les autres pendant son absence et comme plusieurs Ndriamandressy interprètent les événements naturels (morts), (femmes qui font les inspirées, les possédées des ancêtres royaux, de Dramisare ; etc. commesignificatifs d'une nouvelle orientation Pendant leurs inspirations, on les traite comme rois avaient dit dans le pays que les poli tique avec le retour de Narouve ancêtres des rois qui étaient en colère contre les chefs qui laissaient leur fille dans le destin est un signe des temps. l'exil, en proie à la misère et soumise à des occupations de ménage qu'eux n'avaient jamais faites; on a attribué leur mort à ceux-là. Aussi, Narouve a-t-elle été acceptée, - L'indépendance de Narouve est relative Exilée et destituée par les chefs quand quoiqu'on n'ait pas été la chercher, tant la superstition était forte. Tout comme elle, en succédant à Vinany mort, a distribué au peuple 4 000 piastres restant du pillage de elle paie un tribut aux étrangers ; la Marie-Caroline; car on attribua aux ancêtres mécontents de voir verser le sang des de retour d'exil, elle paie un tribut à Blancs dans son pays, mort de tous les chefs (sauf l'Arabe Fiandrou) qui avaient son peuple ce qui reste du pillage de la et la Marie-Caroline. pris part à ce crime et du roi lui-même qui eut lieu dans l'année qui suivit. Cette situation de Narouve est la préfiguration ••• de la position des chefs dans le cadre p. 726 à 730 Le 21 mai, on célèbre un Bllou. Généralement il dure, dans le Nord, huit à quinze de la colonisation 40 ans plus ~ard. jours, contrairement au Sud où il ne dure qu'un seul jour. Pendant le temps du Bilou, le · BOl1 0 \ t' Re1ahon et evenemen"t s rappor es par malade, ses proches parents, le Dabara choisit pour danser (si c'est un vieillard ou un A.G. signification poli tique du retour che!), les servants du malade etdu Dabara doivent garder la chasteté. Le malade passe de Narouveo huit ou quinze jours dans une petite case temporaire établie auprès de l'échafaudage; Description de la cérémonie exclusivement ses vases sont tous placés près du Kibanis; il est là, en retraite. Le soir, on fait ethnologique sans lien avec ce qui est généralement des chants, manière de prier et d'honorer Dieu et les ancêtres. Après la dit précédemment. retraite, le dernier jour, le malade sort, monte sur l'échafaudage où on le peigne, l'habille; il Y a des chants, des danses, des Ziyes ou courses avec chants d'hommes, - Le fait noté par A.G. mais non interprété etc. On tire des coups de fusil, on boit de l'arrack, manière d'honorer Dieu. Le Dabara que le Dabara danse avec ~arouvesi tue le danse à ce Bilou avec Narouve, car c'est un de ces chefs gui était malade. Après ces jeu du Bilo le chef malade demande protection préliminaires, on tue le bœuf avec prière de remerciements à Dieu et aux ancêtres que et clémence à Narouve. l'homme est mieux et qu'il puisse continuer à se bien porter. On offre la viande au pied de l' Azoumang à Dieu.••

2) Alliance Menabe/ Bara et situation du ••• p. 732 à 736 Menabe Pendant que j'étais au Menabe, les envoyés de Tsiatelou (qu'on ne peut avaler) - Cette alliance Bara-Sakalava est encore viennent auprès de Toueyre. Tsiatelou est un roi Bara, fils d'une princesse Maroserana, notable actuellement (cf Tsilangataky qui était venu faire visite à Touere et qui avait demandé à venir s'établir dans les hauts de Menabe. Il habite aujourd'hui les hauts de la rivière Manoumbe, près du et HOlankazo dans le Manalboule d'origine Bara). Mangouke et veut changer de pays. Quand il est venu, on l'a reçu comme roi, on l'a fait asseoir sur un siège de même hauteur que Touere ; les Antimènes lui ont fait le Mifali et comme il demandait à ce qu'on vint le chercher pour qu'on ne pût dans la suite lui reprocher d'être venu sans être appelé, Tsiandrou lui répondit qu'il irait avec deux - Rite d'alliance et codification des relations mille hommes. Tsiatelou lui répondit alors que lui aurait trois mille hommes et qu'en des groupes alliés symbolisé par la manière passant, il prendrait Malemabande (). Depuis, Tsiatelou a déjà envoyé cinq dont invitation et réception sont organisées cent bœufs et appel ayant été fait au peuple, on a fait un solide entourage en un jour; (de la mêmemanière codification de relations l'entourage que peu de temps avant Touere avait demandé à ses sujets, et qui avait avec l'étranger qu'était A.G.). duré trois mois à faire. Il résulte de tout cela que Touère n'est pas aimé, qu'on n'en - Tsiandrou, chef le plus opposé au pouvoir veut pas comme roi car il est né hors de l'enceinte et personne ne le croit fils de de Touère et Narouve. Vinany (2) et, comme il n'a qu'un frère, fils d'une cafrine dont on veut encore moins, on cherche probablement un autre roi. Tant qu'il était jeune, les chefs gouvernants sous son nom le maintenaient, mais aujourd'hui que Narouve est revenue et que Tsiandrou et

(1) Selon nos informations, Toera adopté par Vinany aurait pour vrai père, le mari de Narouve, d'origine Misara de Kekarivo.

(2) Cf. ci-dessus. Selon nos informations Toera serait fils du mari de Narouve. Touère est présenté comme n'ayan~pas d'audience consort qui l'ont chassé savent à quel sort ils doivent s'attendre de la part de cette dans le Henabe princesse vindicative, quand le roi aura quelques années de plus et volera de ses Impopularité de Narouve propres ailes, il se préparent un avenir et ont été chercher ce prince Tsiatelou (1) qui Héritage dynastique de Touère contestable aura probablement le pays avant quelques années. Ils feront déposer Touere. Partie du et contesté. peuple est pour lui. Tsiate10u est un prince très fier, noir et laid. Il est descendu une fois à Tulear. Tous les La venue de Tsiatelou avec ses hommes rois Barra sont du reste fiers. serait une manoeuvre des chefs opposants Une partie du Menabe, du reste, Sud de Zabel, se gouverne aujourd'hui lui-même, ne destinée à limiter encore plus l'autorité voulant pas être condamné par des chefs comme Tsiandrou (2) et consort qui, les de Touère voire que Tsatelou se substitue premiers du pays aujourd'hui, n'étaient il y a sept ans que des soldats. Tsiandrou n'était plus tard à Touère. que le premier soldat de Vinan. Les Ovas profitent peut-être de cet état de fait pour Si Touère n'a guère d'audience vis à tenter quelque chose contre le Menabe indépendant. vis du peuple, il semble que Tsiandrou non plus (d'origine Andralefy, cf enquête •••p. 800 à 802 1968-1969 effectuée à Andranofotsy delta Débarqués au Seran d'Ambike (Seran débarcadaire) le 27 mai au soir, nous y passons de Belo-sur-Tsiribihina, S. CHAZAN) la nuit. Les chefs Vezes et de Manteranou qui viennent nous rejoindre, étant montés Ici déjà, le pouvoir des chefs semble plus avec la marée et due à une bise fraiche, sont venus en 4 heures du bord de mer. Rosée situé par rapport aux relat ions externes fraiche qui féconde à cette saison de sécheresse, les plantes. Nous traversons une que ce soit l'étranger ou encore les pouvoirs grande plaine, d'environ une lieue qui est à peu près carrée (encadrée par deux chaines issus d'autres régions Imerina ou Bara. de collines Ouest et Est et par la rivière dans le Sud, de l'autre côté de laquelle se trouvent les collines Est... d'Ambike qui ne rejoignent pas les 2 autres perpendiculaires, mais laissent un espace vide••• 3) Réception chez le roi Touère Suit la description détaillée des lieux traversés. Celui-ci est entouré des principaux chefs de la région ainsi que des proches.

(l) L'alliance des Sakalava du Menabe avec les Bara, à cette époque, a renforcé le clivage existant entre ceux qui, regroupés autour de Ingerezza, alliés de la branche Makoa des Maroseragna ont formé le tombeau de Befititaha: les guerriers de Ingerezza.

(2) Le tombeau de Befifitaha. •••p. 786 Etre logé chez le premier chef symbolise On nous assigne notre demeure chez Tsiandrou, le premier chef actuel du pays qui llaccueil fait à llétranger. nous donne une petite case d'un de ses sujets. Nous attendons environ une heure que tous les chefs soient rassemblés sous les tamariniers. Quoique prévenus de notre arrivée, par un exprès parti 3 heures avant nous, ils n'ont commencé à se préparer qu'après notre arrivée. Les préparatifs cependant ne devaient pas être longs car ils viennent comme ils sont; s'assoient par terre. Le Kabar était présidé par un prince; c'était un vieillard à cheveux blancs et droits, à figure européenne rouge, c'est le descendant (I) de cet ancien roi qui aimait mieux s'amuser à travailler les objets de L'absence de Tsiandrou peut également être bois qu'à s'occuper des affaires de son pays, fut déposé et remplacé par son cadet. interprétée par la mise à distance de ce Le premier chef Tsiandrou ayant enterré son petit-fils la veille, se fit excuser de ne dernier à l'étranger. pas assister. Le deuxième chef du village du roi, Vounghe Vounghe (2) était là ainsi que beaucoup de chefs de l'intérieur. Les vèzes et gens de l'Ouest nous accompagnaient. Il Rôle des Vèzes comme intermédiaires de y avait près de 200 personnes plus quelques femmes à distance. Tous étaient suivant 11étranger vis à vis du roi et de la population l'usage, armés de leurs fusils et sagaies. Le prince était sur une natte; à côté de lui, Sakalava de llintérieur. aussi sur la natte, se tenait le gardien de l'Azoulava, tambour du roi. Car les gardiens Description détaillée et exhaustive de de reliques, de l'antsive, du tambour, des tombeaux de Maneva ont tous le privilère toutes les fonctions induites du pouvoir qu'auraient les ancêtres royaux dont ils gardent les dépouilles. Nous avions une natte royal. Analogie à faire avec l'organisation pour nous, en face le prince; nos gens nous entouraient par derrière. Tous les autres du Fitampoha où lion retrouve toutes ces qui formaient un grand cercle étaient assis par terre. Le Kabar se passa comme pour diverses fonctions organlsees autour du Narouve ; le Menabe est très content de voir les Blancs venir, le Menabe est l'ami des culte des rois morts ou Dady. Le Fita.poha Blancs, il veut que les Blancs viennent commercer avec lui, etc. Chaque principal chef a bien son origine dans les pratiques sociales répéta sous diverses formes ces généralités, à quoi nos hommes, le chef des Vèzes et liées à la quotidienneté. Le rapport à finalement Samat répondent: que nous ne sommes pas venus dans de mauvaises 11étranger met en scène les rapports internes intentions, qu'au contraire nous serions heureux de voir de bonnes relations polarisés autour de la personne du roi. commerciales se nouer avec eux, que cela serait utile à tous, etc. Enfin, tout fut pour le mieux. On alla alors prévenir le roi et nous retirâmes chez nous. Au bout d'une demi-heure, on vient nous chercher, escortés de ces 200 hommes qui, marchant à la suite de l'autre formaient un cordon raisonnablement long, nous allons vers l'entourage du roi qui n'est pas encore terminé. Cet enclos pouvant avoir 60-70 m2 est formé par

(I) C'est un proche descendant de la lignée Misara des Maroserana.

(2) Vongovongo, Ministre de Toera-cité dans les archives coloniales. Toute cette ritualisation de l'accueil des pieux à 2 pieds de distance, mis par paires, entre lesquelles sont placées des de l'arrivée, se retrouve encore quand fascines, 4 cases très ordinaires et 1 beau grenier de riz laissent cet emplacement une enquête est effectuée sur les hauts­ presque nu. L'Antsive sonnait pendant tout ce temps, le sonneur était accroupi à côté lieux, lieux sacrés par excellence. Ici de la porte du roi. L'Antsive ne sont que pour les cerémonies et fêtes, etc. En entrant, A.G. montre d'une très grande connaissance je fais, ainsi que tous du reste, grande attention à ne pas trébucher ni surtout tomber, du contrôle social tel qu'il s'exprime car la case des reliques (Touera n'a que celles de son grand-père Tarane ; son fils seul dans la vie quotidienne. pourra faire travailler celle de Vinany) est à droite de l'entrée et celui qui tombe devant est immédiatement sagayé ; c'est un sorcier que les ancêtres ont désigné pour le mort. Nous arrivons ensuite à la case du roi; il était assis en dedans à la porte; c'est un enfant de 16 ans (0 qui a l'air grêle et chétif. Ses cheveux sont beaux et Description physique de Touère. soyeux, sa figure est mince et son nez très long; teint d'un rouge foncé. Il n'a l'air ni intelligent ni hardi, il sera doux; tous nos compagnons s'accroupissent par terre; il n'avait autour de lui à notre arrivée qu'une centaine de femmes qui étaient réunies sur le grenier à riz qui est surélevé de 4 pieds et qui leur donnait de l'ombre. Dans la case, à côté du roi, était son frère Inguereza, né d'une belle cafrine, sa" mère et quelques autres femmes. On nous donne comme tout le monde était assis, sauf les porteurs du cadeau. Je donnai un fusil Tsiméhoué (une des qualités les plus estimables dans ce pays; ils ont sur la batterie et le chien une sorte de fleur gravée) 1 baril de poudre, 1 Ici les cadeaux ont un double caractère pièce de percale, 1 marmite de 10 points, 1 marmite de 5 points, 2 miroirs, 2 couteaux, d'échange et politique. 2 patères (servent à mettre au bout des cornes à poudre pour les orner comme les dés ornent la gueule) 50 balles et 50 pierres à feu. 5 hommes portaient ces objets. L'ordre de prise de parole est également Benatsou le chef des Vezes, commença par répéter ce qu'il avait déjà dit ainsi que nos ritualisé en fonction de la hiérarchie. principaux hommes; la réponse des chefs de l'endroit fut la même que sous les tamariniers, que Touère était content, que Narouve était contente, que les Lehibe chefs étaient contents, que tout le monde était content de voir les blancs arriver chez eux, que leur pays avait mauvaise réputation; mais qu'ils aimaient beaucoup les Les nouveaux rapports qui s'établissent Blancs, etc. A quoi Touère, de sa caverne, répondait; hé oui; après les discours, on avec l'étranger doivent effacer le souvenir énuméra les cadeaux; 'Jn homme du roi prenant un peu d'eau dans une calebasse vint et de l'acte de piraterie des Sakalava. en versa un peu sur le baril de poudre, puis sur la crosse du fusil, puis sur le bout de la

(1) C'est la première présentation de Touera. Mention intéressante car tous les écrits qui par la suite évoqueront ce roi, sont liés au fait colonial et aux évènements d'.1897 : Mort des principaux chefs regroupés autour du roi et du roi lui­ même. pièce de toile, puis sur chaque marmite, puis sur le Sahafe contenant les petits objets La distribution des cadeaux révèle les (la toilette était dans le Sahafe) tous ces objets sont portés en l'air à la hauteur de acteurs importants de la société Sakalava l'épaule. A chaque fois, Nouvaha notre homme de confiance recevait un peu de cette de l'époque : for.és par l'entourage direct eau dans ses mains, buvait et essuyait sa main sur ses cheveux (cela se fait chaque fois du roi, ses esclaves et ceux qui exercent que l'on boit dans quelque chose au roD; c'est pour montrer que rien n'est ensorcelé; des fonctions politiques économiques ou autrement, celui qui boit devrait mourir. On depose alors les cadeaux par terre, à la religieuses. 1 porte, et les porteurs font le Mifali ; puis, les Vèzes venus avec nous. Nous allons alors toucher la main de sa majesté et nous levons le Kabar. Nous sortons encore avec précaution en passant devant la maison sacrée. Dans l'après-midi, nous faisons nos cadeaux. Suit l'énumération des cadeaux faits •••

Les personnes à qui sont fait des cadeaux sont: La grand-mère du roi Etsouhaye (plutôt sa tante) La mère du prince sans royaume de la branche aînée présidait le Kabar Gardiens de Manheva (1) Aux Antimalake (2) Aux chefs du village du roi La mère du roi Tinompo (3) Aux chefs de l'est (Lehimourik qui signifie monter un fleuve) Aux chefs de l'Est Vouli Rano, à la queue de la rivière) Aux Andevounzaouri (femmes qui entourent le roi, le soignent, ont leurs entrées à toute heure) Aux médecins (qui sans tirer le Siquil qui avaient dit que nous pourrions venir vendredi,l'ancien devin en disgrâce nous eOt fait attendre) Aux soldats A Inguereza, frère du roi Au prince Tsimatoui

(1) Tombeau de Mahabo dont l'organisation politique est séparée de la Tsiribihina depuis. (2) Organisation politique plus ou moins séparée depuis. (3) D'origine Misara. Aux gardiens des tombeaux de Tomboarivo Aux vèzes du bord de la mer A Narouve A Tsihandrou A Vounghi-Vounghi Aux gardiens des portes Aux Andevou-keli nourrices du roi

••• p. 800 à 802 4) Visite faite à Tsiandrou Nous fîmes ensuite nos visites aux divers chefs, à la mère du roi qui comme son fils a la figure pincée. J'allai chez Tsihandrou; c'est l'un des principaux fauteurs de la Marie-Caroline avec le médecin Arabe Dzouma ; il est allé lui-même à bord assassiner (on a apporté chez nous une belle bouilloire de fer battu qui venait de ce malheureux Description phys·ique et interprétation navire et dont nos gens se sont servis pour faire bouillir de l'eau). C'est un homme de quant à la personnalité de Tsiandrou. grosse figure carrée, à traits assez ordinaires, nez écrasé, cheveux presque droits et gris. Il a dO jouir d'une grande force. Il est très intelligent et parle bien; du reste, il n'en peut être autrement puisque, de soldat ainsi que Vounghi-Vounghi, il a pu s'élever à être premier chef du roi (Voughi-Vounghi est le deuxième) et, par conséquent le plus influent. Il nous reçoit bien et a l'air assez doux. Au reste ce qui est crime pour nous, ne l'est pas aux yeux de ces gens barbares. Notre conversation a le même sens que· Signification politique de la réception. celle des Kabar publics. Sa case est belle, partagée comme presque toutes les cases en 2 chambre, par une cloison de barattes sur laquelle est appliquée une grande natte ornementée en haut de petits triangles de natte. Il me demande ces violons; il a déjà Description de la case du chef. Là encore, un tambour ordinaire et tambour basque. Dans la 1ère pièce grand foyer surélevé et l'on est frappé des quali tés dl observations, encadré de poutres; c'est mieux installé et plus confortable que chez les Sakalava du aucun détail nlest omis. Il manque cependant Sud. Nattes partout sur le plancher. Les tartals sont vastes et prouvent qu'on a la signification symbolique des éléments beaucoup à y déposer. La porte est toujours dans le coin Sud-Ouest sur la face Sud; le observés, en particulier les orientations lit est tourné du Nord au Sud le plus souvent, quelquefois de l'Est à l'Ouest. La maison cardinales qui sont à mettre en relation est orientée du Nord au Sud. avec les interprétations du Siquid et l' orien­ tation des tombeaux. 4) Arrivée et Kabar fait par les envoyés de ...f•.. p. 806 à 812 . Tsiandrou J'assiste au Kabar des envoyés de Tiatelou, roi Marsarang, parent proche de la branche ainée régnante du Menabe, et qui commande à des Sakalava. Ses ancêtres LI aU iance décidée entre Bara et Sakalava habitaient dans les hauts du Mangouke et firent constamment la guerre aux ancêtres a un double aspect de politique interne de Touère; ce fut Ramitrah qui lui faisant des menaces, le força à partir, et il se nécessitée par les relations difficiles retira de l'autre côté du Mangouke. Le peuple de l'intérieur qui est à peu près entre Touère et certains chefs dont Tsiandro. indépendant demande un roi qui amènera la guerre et le pillage; les 2 grands chefs du Et peut-être des relations des Bara et roi et sa mère veulent avoir un support contre Narrouve. Il en résulte que malgré Sakalava avec les Ovas qui ont un protectorat l'opposition sourde d'une partie du peuple, il a été décidé que 2 000 hommes environ à et à Horondava. iraient le chercher. Ils parlent d'attaquer Malemebande (Malaimbandy). Il est probable qu'il y aura la guerre et pillage dans un pays où il y aura deux rois, 2 Antsives, et de plus les Ovas profiteront peut-être de l'occasion pour faire une expédition; car attaqués ils seront, malgré eux obli~ésde marcher. Il y a 5 envoyés, dont 2 portent la parole; chaque groupe est formé a part sur la grande place; nous et nos gens d'un côté, les envoyés d'un autre, les chefs de l'intérieur (Lehimourik) d'un autre, ceux d'Andapa ailleurs encore. Les chefs se disputent à qui ne répondra pas; ils ne veulent pas lutter contre une décision prise; mais comme ils ne l'approuvent pas, ils se taisent. Alors Vounghi-Vounghi parle; car Tsiandrou ne sort pas de sa case à cause du deuil. Puis on se réunit chez Tsiandrou (sans les envoyés) pour avoir l'air de prendre une décision fixée cependant depuis longtemps. On va alors chez le roi avec les envoyés cette fois; on répète le même Kabar et le roi dit; Oui, suivant la leçon à lui faite par sa mère et les chefs. Les envoyés se retirent, et on fixe alors le nom des chefs qui doivent partir avec leurs sujets. Chez Tsiandrou, je vois sa fille qui a perdu son fils, il y a 3 jours; elle cache sa figure, et accroupie la tête sur les genoux, elle pleure•.. Pour aller aujourd'hui chez Tsiatelou qui est aujourd'hui dans l'Est du village de Doumoungay (0, il faut 12 jours de marche forcée. Les sources du Manombou seraient' dans le Sud Ouest. Le nom du pays où est Tsiatèle est Mandani. Il est Marsarang et commande à des Sakalava. Ses ancêtres sont partis jadis du Men~be; ils étaient alors Anadapa. Un des frères de celui qui alla dans la terre des Baras alla à Mailaka. Le Menabe sera probablement à 3 rois, Touvonkère au Sud, Tsiatèle au centre et Touère . au Manamboule (2).

(0 Village actuel de Mangotroko: regroupement récent des Vazimba-Tsimahalilo et des descendants Bara alliés Maromany du Nord. Cf. p.174 et suivantes. (2) Touvounkere à Mahabo-Maneva, Tsiatelo à Belo-Tomboarivo et Touere au Manamboule. Le fort Ova d'Ankavandra, dont les terres environnantes s'appellent Ambali est sur le cours du Manamboule, sur la rive gauche; il faudrait 2 jours pour aller à Malemebande d'Ankavandra. Manamboule serait le plus court chemin pour aller à Tananarive sur la Côte Ouest•

•••p. 812 à 816 Le Kabar pour les boeufs de Samat n'ayant pu avoir lieu que après le Kabar des envoyés de Tsiatelou, le samedi, le soleil avait passé le méridien avant qu'il fut fini. Llautorité royale serait li~itéeet ne Comme la journée du dimanche (Andra-FoutH est censée commencer le samedi dans slétendrait guère au-delà des limites territo­ l'après-midi et que ce jour est néfaste, FaU au roi, il ne reçoit personne, nous tOmes riales des villages royaux. Au fur et à obligés pour avoir une réponse d'attendre l'après-midi du dimanche, alors que la mesure que lion Si éloigne des lieux de journée d'Andrafouti est censée terminée. Outre le Kabar des boeufs et des esclaves, résidence royale, llinfluence du roi s'amenui­ j'avais le Kabar pour remonter la rivière jusqu'au lac d'Andranoumèna où je désirais. serait et serait ~êmecontestée (cf incident vivement aller; les chefs devant qui se préparent les affaires et qui prennent les à propos de Lamineha). décisions qu'ils communiquent au roi pour être approuvées ou rejetées, avaient répondu qu'ils ne voulaient pas que nous montions plus haut, parceque le pays aujourd'hui n'était plus ce qu'il était autrefois, que les gens de l'intérieur ne reconnaissaient plus l'autorité du roi, qu'il y avait des pillages, des coups de fusil, etc. Chaque jour que Lahymena, le sorcier le plus redouté du pays avait lui-même été exposé à recevoir une LIintégration de 11étranger reste limitée balle, que le Menabe et lui Tsiandrou en avaient déjà assez sur leur compte, qu'ils ne à son insertion sociale dans 11équilibre pouvaient répondre de notre vie dans l'intérieur et qu'ils ne voulaient pas, s'il nous des rapports du roi et des chefs. arrivait malheur, qu'on pût dire qu'eux-mêmes nous avaient tendu un piège etc. Raisons du reste vraies, à ce qu'il parait. Nous n'avons obtenu qu'avec peine en insistant à aller Nouvelle politique à llégard de llétranger: jusqu'à Bekaliloutsé, chez le chef Dzabel. Or, le petit roi étant parti pour nous la dette payée à Sa.at est le gage dlun chercher un beau boeuf de 10 ans dans ses troupeaux, ne revint malheureusement changement radical des relations. qu'après le coucher· du soleil, et il nous fallut ainsi perdre, à mon grand regret, 2 grands jours. Le lundi matin au lever du soleil, nos Kabar se firent devant sa majesté qui répondit comme les chefs; on remettra à Samat ses boeufs qu'il a achetés et payés Cependant, les blancs seront accompagnés avant son départ et qu'il n'a pas reçus. Pour ma part, j'en ai 27 à lui donner. Les noirs dans leur tournée par les Vèzes et donc de ses femmes qu'on a volées et qui contrairement aux ..• ne m'ont pas fait le Mifali lui protégés en mêmetemps que contrôlés. seront rendus. Il pourra avec l'étranger (le Vahiny) aller jusque chez Dzabel ; mais tous les Vèzes l'accompagneront pour plus de sécurité. J'ai fait prévenir Dzabel et tous les environs qu'il venait des blancs, et malheur à qui les pillera, à qui leur fera du mal. Nous, nous prenons alors congé du roi, de Tinompo (1) sa mère et des principaux chefs.

(l) Tinompo, d'origine Misara de Kekarivo. - 25 -

IV-3 Notes de Tsimanandrafouze à Madzunga (Cahier n° 15, pp. 727-847> (21-05-1869 au 06-06-1869)

836 •••"Les grandes familles des Sakalaves sont les Vougouvatou, Andrasili, Sakouambe, Tsoungoures, Andarasi, Andiatsouka, Andabala, Andiambe, Manheboula, Sandouke etc... Les Andrevoules sont considérés Ana-Dounaks du Menabe (1).

837 Les Antambis, grands dans le Sud, sont des sortes de parias dans le Menabe, où leurs ancêtres ont été vendus pour des chiens. Le roi n'accepte 1 rien d'eux; ils sont les seuls des gens faisant du Mifali qui n'ont pas de Fanoumpouka (les Behousi qui habitent les montagnes de l'intérieur ne sont pas considérés, et cependant ils ont leur petit Fanoumpoua qui sont les pierres sur lesquelles ont frotte les médecines). Une Antambi ne peut même pas être fille de cette famille, quelle que fût sa beauté. Quand ils sont mis à l'amende, le roi n'a aucune part dans leurs boeufs. C'est que ce qui touche au chien est bas, dégradé. J'ai déjà dit qu'un homme sur lequel pisse un chien a une tache indélébile; il ne peut plus 838 faire le Mifali, il ne peut rester dans le pays. Il doit s'exiler 1 au loin. Cependant, je connais une exception; le beau-père de Samat sur le Tsidsibou eut ce malheur. Il s'exila au loin dans les hauts; lorsque les Ovas attaquèrent le Menabe, il rendit des services considérables et en récompense on le fit laver 2 ou 3 fois avec des prières à Dieu, et il lui fut permis de refaire le Mtlali. Les Vezes et les Vazimbes sont égaux; ils n'approchent pas les ancêtres. Ils n'ont qu'à conduire les Voundres (coupés toujours par des Vouits et pas des esclaves), pour les cases des reliques du 'roi, etc••• et de mener au lieu du bain les personnes porteurs de reliques qu'on appelle Ampibabe. Ce doit être des Assesses ? ou des émigrés.

Les Antandrou sont de grande famille; c'est que c'est la souche du pays: peut'être les Betsileos sont-ils le mélange des Antanandrous avec des Ovas 839 lorsque la plupart des Antanandrous 1 n'ont pas voulu se soumettre après la mort de Sangadzi aux Marsarangs et se sont retirés dans l'intérieur.

Les Antavelas, famille de Vezes du Manamboule, ont la spécialité de fournir les voiles pour faire les tentes qui abritent le roi mort. Plus considérés que les autres Vezes. Les Rerehe pendant l'hiver s'enterrent à Kamahoumbe, et probablement dans la rivière, ce qui fait qu'on n'en prend qu'au printemps et en automne. Aux pluies, elles sont aussi difficiles à prendre à cause de la grande étendue d'eau. Les Antalaoutres trouvent cette chair Fali pour eux.

(l) Vongouvatou, Andrasily et Sakoambe: proches parents des rois. Certains noms indiquent une territorialité, Manheboula, une origine première de migration d'un lignage: Andabala, actuels Tsitompa-Andrambala (Cf. Andranofotsy), Andiambe, Andrambe, premier lignage à avoir donné leurs fem mes aux Maroserana. - 26 -

Un des hommes delahymena nous raconte l'origine des trois FaU du royaume du Menabe : lahymenaest de la race royale; et de père en fils tous ont été médecins du roi et du pays. Sous Dienesouanharrivou, legrand-pèrede lahymenaconsultéparleroi qui craignait des revers après des guerres heureuses, tira le Siquil, et fit choisir une vache toute rouge, qui avait un veau également tout rouge j il fit devant le peuple enterrer lavache de sorte que sa tête seule sortit de la terre, et dit que si son petit la reconnaissait au milieu d'un vaste troupeau, le pays ne serait jamais aux Ovas, et que les Antimenes seraient victorieux toujours. Devant le peuple, on amena un grand troupeau que l'on lâcha dans l'enceinte, puis on amena le petit. La mère ayant crié et 841 le petit l'ayant reconnue et léchée, on / délivra la mère, et le roi de plaisir et par reconnaissance pour l'animal déclarait qu'on ne pourrait tuer deboeufsrouges qu'avec lecouteau,parcequ'il yavaitutilité pour manger, mais qu'on ne blesserait jamaisavec sagaye ou balle, sous peine de mort. C'est aussi un des aieux de lahymena qui a décidé qu'on ne planterait jamais de Tantan. Car consulté sur l'avenir du pays, il tira leSiquil et dit que le pays était trop ouvert (en Malg. Tantan), que par conséquent pour prévenir les invasions ennemies, il 842 fallait s'abstenir de planter le Tantan (pignon d'Inde) à / la côte Ouest. Jeu de mot très commun pour le Siquil. Ne pas planter de Tantan est le Fali pour empêcher les invasions. Pourle mortier,c'estencoreun jeude mot.Léosignifieaussi vaincu.Consultésur l'issue d'une guerre, un aieul de lahymena déclara qu'il ne fallait pas toucher aux léo, ou le moins possible, pour éviter d'être vaincu (Iéo). L'homme qui nous parle avait été récemment vendre des boeufs à Tananarive. lahymena lui avait confié pour être vendu là-bas, un magnifique coupé qui, disait le médecin, devait faire périr après tous ceux qui en mangeraient. Comme pendant le retour du dit homme, la reine est morte ainsi 843 que quelques personnes de rang, on n'a pas manqué de rapporter tout l'honneur à lahymena. Comme il est disgrâcié par les grands chefs du roi qu'il avait jadis voulu faire tuer, il se plaint maintenant et dit qu'il avait prié ses médecins (qui viennent de ses ancêtres) de faire ven~r la guerre et que les 3 Falis de la terre n'aient plus aucun effet. Voilà Tsiatelo qui arrive, les chefs de l'intérieur qui pillent et refusent d'obéir à Tsiandrou ; ses prédictions tombent assez juste. 844 Tous les Antambis du Nord au Sud sont de même famille. Voici la cause de leur disgrâce au Menabe. Un ancien roi avait, comme il s'en est trouvé, le goût de la chasse au sanglier et des chiens. Dans un grand Kabar, le chien fit ses nécessités au milieu de l'assemblée. Comme la vue en déplaisait au roi et au peuple, le roi appela un de ses esclaves, celui-ci étant loin et ne répondant pas, un Antambi portant le même nom crut que le roi s'adressait à lui, se leva et vint devant le roi. Sa majesté étonnée de voir un Antambi venir à sa voix, lorsqu'il ne l'appelait pas, lui dit: "Pourquoi viens-tu? Ce n'est pas toi que j'appelais. Mais puisque tu es là, enlèves cette saleté. L'Antambi ne pouvait rien repondre aux 845 paroles du roi et devait obéir, suivant la loi; / il prit des feuilles et obéit. Mais dès lors, le roi ordonna que sa famille fût vendue pour des chiens et après cette époque, ils ne font pas Fanoumpoua au roi, ils sont considérés vils et parias. les rois et gens riches du Menabe vendent des boeufs à la capitale pour de l'argent qu'ils amassent dans des Sadzouas de cuivre ou de terre et qu'ils enterrent. Quel plaisir ! et que cet argent est utilement employé ! Les reliques s'appellent Ampantszaka-Be ! Chaque année il y a un Kabar général où viennent tous les grands chefs. On y modifie les lois, on en fait etc••• A cette occasion tous les grands chefs ap{'ortent en cadeau au roi, 5,6 quelquefois 10,12 magnifiques coupés. - 27 -

IV-4 Voyage de Morondava à Madzunga (Cahier nO 16 pp. 848-924)

•••"Les rois Zaffi-Rabaye qui commandent aux Antankars, Betsimisarks et Betanimenes sont très rouges de peau, comme Ramakalase ou plus (.••), à cheveux droits et soyeux. Ils ne se circoncisent pas quoique leur peuple pratique cette cérémonie••• .•• Chez les Antankars, le prépuce coupé est tiré dans un fusil. On fait une fête qui dure 8, 15, ou 30 jours, suivant la richesse de l'individu, avant l'opération à laquelle n'assiste que la famille proche. On craint l'oeil d'un sorcier lors de l'amputation, qui pourrait nuire à l'enfant, et on plante de suite le Hazou-Voutou (O. Les maladies convulsives sont assez communes à Madagascar, tandis qu'il y a des Bilous chez les Antanosses, les Diamandresses chez les Sakalaves (j'ai vu Nambine, elle tremblait comme dans la fièvre froide et elle avait très chaud, elle se faisait jeter de l'eau froide sur la tête et le corps. On dit qu'il y en a qui se coupent les bras et les jambes avec des couteaux), il y a chez les Antankars : les Helous qui tremblent et ont des convulsions. Pour les Bilous-Antanosses, on fait le Sandatse (c'est le seul cas où cette cérémonie se fasse chez les Antanosses) et on fait boire du sang. Pour les Diamandesses et les Helous, on se contente de danser et chanter (j'ai vu pour Nambine, concubine de Lay-Merissa chanter une grande journée), les Helous boivent du miel. Comme il leur arrive souvent d'aller dans le bois et de vivre d'animaux, poissons crus, on les a appelés du nom donné au Kalanour qui est chez les Antankars : Helous. On prétend que dans cet état, ils montrent à leurs amis les plantes utiles dans les maladies, de sorte que les amis de gens He10us deviennent du jour au lendemain de bons médecins• •••C'était un mensonge que Narrouve (2) eût pris deux maris. Narrouve fait cuire matin et soir du rhum devant chez elle pour la cérémonie qu'elle va faire à la nouvelle lune aux tombeaux de Tomboarrivou. Pendant qu'on cuit, les femmes chantent. C'est l'habitude pour le rhum des Ampanzaka-Be.••

•••Maineterane a une très mauvaise réputation parmi les Sakalaves du Sud. Nous ne pouvons trouver un pilote, et difficilement des matelots parce que tous craignent les sorts qu'on leur jettera. Kirometse, Vezo qui nous a accompagné dans l'intérieur, ne veut pas venir parce que ayant été une fois à Maineterane, il est revenu malade et est resté au lit 2 ou 3 semaines•••

•••Nous allons à Manamboule voir un chef Antavele (3) (Vezos du Nord) ; il habitait seul sur le bord de la mer dans de misérables huttes de Vondros, à quelque distance du village de ses enfants où il habitait jadis. C'est qu'il s'était épris d'une vilaine Cafrine et avait fait maison à part avec sa femme légitime, mère de ses enfants; on l'avait beaucoup blamé ; et il s'était retiré à part. La femme délaissée est morte de chagrin, il y a deux ans. Les enfants délaissés en veulent beaucoup à cette Cafrine qui sera probablement un jour sagayée comme

0) Pieu de circoncision appelé aussi Hazomanga.

(2) Est cependant tout à fait pensable et vraisemblable.

(3) Les Antavela résident toujours dans des villages de la rive Nord du Manamboule, depuis Ankorobe, ils se sont segmentés. - 28 -

étant cause de la mort de la femme légitime. Les anciens esclaves nés dans la maison se sont aussi retirés chez les fils, ne voulant pas avoir pour maîtresse une esclave, achetée récemment. Le roi ne dirait rien de la mort violente de cette negresse•

.••Dans les hauts de Manamboule, on cultive un peu de riz, mais pour l'exportation on n'arrive pas à 1 000 sacs de riz blanc dans les plus belles années. On en plante beaucoup dans l'intérieur de Maroumouke (1). Le 1er chef des Vazime-Bas au Menabe et 2ème chef de Manamboule s'appelait Leme-Bi. Il est mort il y a deux ans. Le 1er chef du pays Sakalava était Reranou qui vient aussi de mourir. Ce Reranou avait eu la permission d'user de certaines prérogatives royales. Les grands chefs seuls ont le droit d'avoir un Fatifati ou entourage. Les frères succèdent aux frères dans leurs emplois, puis les fils du frère aîne etc••• contrairement, ce n'est pas le fils de Reranou qui a succédé à son père, mais le frère cadet de Reranou••• (2)

•••Quelle est la réponse continuelle des Sakalaves lorsqu'on leur montre l'inefficacité de leur talismans, lorsque l'on cherche à leur prouver la stupidité de leurs FaU ? Tout cela est vrai pour vous; c'est que vous-autres blancs, vous êtes des Dieux; ce que vous voulez, vous le faites: vos talismans sont très supérieurs à tous les nôtres, et vos sorciers sont bien plus habiles que nos Ombiasses. Mais ce qui ne vous atteint pas nous atteindrait. On appelle Sikî-Dzibale le Lamba blanc à raies noirâtres.

Tout le long de la rivière du Manamboule, on voit de nombreuses plantations de bananiers, semées ça et là au milieu des plaines où sont dispersés des Dimakes (Latanier), des figuiers (Adabia), des Faliki. Beaucoup de Barattes auprès des berges. On plante aussi Ambelou (à ces plantations) du mais, des patates. Quelquefois, voèmes etc••• Mais il y a très peu de riz. Ces Sakalaves sont si paresseux et si nonchalants que s'ils ne trouvent. pas des rizières naturelles, ils préfèrent manger des aliments inférieurs, mais ne pas se livrer à des travaux d'irrigation etc••• Aussi leur riz a-t-il presque toujours trop ou trop peu d'eau, et est-il de qualité mauvaise. Il y a une différence de travail entre les peuples comme les Betsimisarks, Ovas, Antanosses qui ne vivent pas de riz et travaillent relativement beaucoup, et ces tribus paresseuses de l'Ouest. La Grande Comore a comme nom Angasidza. A Mahilak, les Sifaks sont Fali. On ne peut les tirer; aussi les voit-on souvent venir jusque dans les villages. Les Fali du boeuf rouge, du mortier et du pignon d'Inde sont communs à Mahilak, Maraha et Ambongo, ainsi qu'au Menabe. A Bali, ce n'est plus prohibé.

(1) Riz de faible productivité, culture de décrue. Le riz est bien une culture ancienne. (2) On retrouve la succession préférentielle au frère quand il est vivant à celle du fils. - 29 -

Depuis Radama, il est d'usage que les Ovas, à l'avènement d'un nouveau souverain, aillent demander aux autres rois s'ils se reconnaissent les fils ou les neveux (suivant l'âge) du roi Ova. Pour éviter la guerre, ils admettent d'ordinaire. Ramitrah n'avait pas voulu, de là, la guerre qui ne fut profitable à aucun des deux pays et qui se finit par le mariage de Radam et de Salim. Ils demandaient ensuite un boeuf d'une certaine couleur, souvent Ahoumi-Valavista, boeuf blanc et noir ayant au ventre une raie transversale qui est très rare. Ceci on accordait encore pour a voir la paix••• (l)

••• Les naturels de l'intérieur du Menabe, surtout au Manamboule font en grande partie leur nourriture des forêts de nénuphars, dont ils mangent 2 sortes. Le Kapaika qui est le meilleur et l'Hatreouke qui est un peu amer et plus petit (2). Us cuiraient cela avec du lait, de la viande. C'est par paresse qu'ils sont ainsi réduits à cette triste nourriture. Avec un peu de travail le long de rivières, ils pourraient établir des champs de riz suffisant pour leur consommation. Il y a des époques où le Manampaika, le riz en paille se vend une piastre. Les Antimenes du Nord, depuis Lehy-Malaja, cette plage de sable située entre Soa-Hazo et Marinemouke (3), portent le nom d'Antimiares et le pays (quoique toujours Menabe) celui de Miara. Ce nom vient probablement de la même racine qu'Ampiare (qu'élève), parce que c'est la partie de toute la côte Ouest, peut'être, où on élève le plus de boeufs•••

•••J'apprends qu'aussitôt notre départ d'Andapa, le chef Tsihandra a eu un grand Kabar. Depuis quelques temps, outre la Valibe (soeur de Rezann et Anakaye, chef de Manamboule), ce vieillard à cheveux gris avait pris 2 jeunes femmes de 13 à 14 ans, j'en connais une qui était jolie; l'autre n'était pas encore établie dans le village. La Valibe était très mécontente de cette rivale jeune et s'en fut (••• ) lors de notre séjour. Tsihandra l'envoya chercher après quelques jours, et elle vint au toit conjuguai; mais elle alla trouver un cafre célèbre comme sorcier et lui dit que s'il voulait faire une médecine pour détacher son mari de la petite femme qui était à Anadapa dans une case en face d'elle, elle lui donnerait une esclave jeune, quelques boeufs et lui laissa deux petits pots dorés. Puis, ajouta-t-elle, si ta médecine ne peut détacher mon mari de cette femme, ma rivale, eh bien, ensorcelles-la de manière qu'elle meure. La Vali-Masai, instruite de ces méchancetés rassemble tous les chefs et fit Kabar à la Vali-Be, raconte tout ce qui se faisait contre elle, et comme la Vali-Be niait, elle lui cita

(l) Cet interdit devient base de prélèvement obligatoire des bœufs de cette couleur.

(2) Cf p. 107 Le Kapaike, Hatrero également présentés en 19 69 comme des plantes utilisées dans les repas.

(2) Au lieu-dit actuel de Moravagno, village témoin de l'organisation de l'élevage au temps de la royauté où existait encore en 1968, le grand parc à boeufs de Toera. - 30 -

le nom de l'endroit: "veux-tu que je te dise ce que tu as promis au sorcier: tu lui as d'abord donné 2 pots dorés, puis en cas de réussite, tu dois lui faire cadeau d'une jolie esclave etc... La Vali-Be confondue se retira, et s'enfuit dans l'intérieur près de Manamboule dans les hauts où elle a son village et ses boeufs. Tsihandrou fit chercher l'esclave qui prévenu, se retira dans l'enceinte de Touere, mais le roi était absent et Tsihandrou entrant avec ses esclaves s'empara de lui et le fit sagayer à la porte. Touere instruit de ce fait, fut très mécontent car au roi seul appartient le droit de faire tuer sauf cas de vol pris sur le fait ou de défense. Tsihandrou voyant les choses assez mal tourner est allé lui de son côté aux montagnes dans l'intérieur de Lehy-Malaze où il a ses boeufs, et où, com me les autres chefs, il 'se trouve à peu près indépendant. Au temps des rois sévères, la femme convaincue de sorcellerie devait être vendue et rachetée par son mari. Mais il n'y a plus de grand. chef âgé, et les' choses en restèrent là, Tsihandrou était puissant. Voilà à quoi mène la pluralité des femmes dans ce pays.

Il est aussi arrivé un assassinat dans les hauts du Manamboule ces jours-ci. Un homme était convaincu qu'un de ses amis avait des relations avec sa femme. Pour se venger, il lui dit que 2 de ses esclaves s'étaient sauvés, et qu'il savait le lieu de leur retraite, de venir avec lui l'aider à s'en emparer, et que chacun d'eux en prendrait un et qu'ils iraient les vendre aux Ovas. L'ami consent, et arrivé dans un endroit solitaire au milieu des montagnes de Bemahra (sur le sommet desquelles habitent les Behosy, ceux qui donnent au roi les pierres à Tahake) il le sagaye. On a reconnu le Lambe et la sagaye avec l'assassin• ••• Je mange une racine de Hatreo (racine de nénuphar à fleurs blanches) cuite sous la cendre (ce n'est pas la graine qui se mange), ce n'est pas mauvais mais un peu amer; c'est farineux un peu comme la pomme de terre. On dit le Kapaka mei~leur•

•••A Mitraihe (700 m de la rive droite du Manamboule) je vois le 23 juin 1869 une nuée de sauterelles passant; elles venaient du nord. L'aspect du ciel était complètement comme un jour d'hiver de chez nous lorsqu'il tombe une forte pluie de neige. A Mitrahe, je prends des hauteurs circumméridiennes du soleil le 23 juin 1869. Le chef Anakaye et beaucoup de gens s'assemblent autour de moi. Samat lui explique à quoi sert mon instrument, à prendre la hauteur d'un point à un autre. Au bout d'un instant, un des chefs d'Anakaye dit: "je me retire car les blancs sont beaucoup trop intelligents pour moi. En voici qui me disent qu'en regardant le soleil avec une Mason-Lavitse (nom que les malgaches donnent aux longue-vues, littéralement yeux loins) ils peuvent savoir à quelle distance du bord de la mer ils se trouvent. J'aurais beau regarder pendant des jours et des jours le soleil, je ne saurais rien de plus pour cela. Non, tout cela ne me paraît pas bon, je ll m'en vais • Il signifiait que je venais jeter un sort au pays. Un autre chef se retire en disant: "je ne veux pas rester, car est-ce que ces blancs veulent prendre des remarques ici pour venir ensuite nous faire la preuve 7" Un seul qui avait été souvent à bord en rade, parla en ma faveur: "cet instrument est employé par tous les capitaines de navires pour connaître la route. C'est l'âme du navire"••• Et cependant, cette fois-là, j'avais M. Samat qui depuis 22 ans habite ce pays, y a toujours été aimé à cause de ses générosités, de sa patience et de sa connaissance des moeurs••• - 31 -

•.•Le grand chef du Menabe-Reranou étant mort, on a proscrit au Manamboule le nom de Ranou, qu'on a remplacé par Maji, mot Souaheli••• (l)

.••Maroumianka, nom qu'Anakaye a pris après la mort de Reranou, nous raconte que son devin consulté sur l'avenir de son nouveau village, lui avait dit: "pars un jeudi, ce jour te sera favorable. A peine seras-tu arrivé qu'il te viendra une visite de l'Est et tu en seras content. Reviens ensuite terminer tes affaires dans ton ancien village, et repars encore un jeudi. Tu recevras alors une grande visite du Sud, une autre te viendra du Nord, et ton village sera prospère". "Et bien, tout s'est vérifié, nous disait-il, à la première fois des Ovas sont venus commercer et m'ont apporté un cadeau. A ma seconde venue, à Mitrahe, j'ai rencontré une centaine d'Antimailaka qui se rendaient à Andaye pour faire le MifaU au roi; Is n'ont pas manqué de me donner quelques petits clous, et voilà qu'aujourd'hui, vous venez du Sud. Je serai heureux dans mes entreprises". Quelques jours après nous apprenons que le roi n'était pas satisfait de le voir établi si loin dans l'intérieur et qu'ordre lui était donné de quitter ce village qui avait un avenir si brillant. Il aura dû en pleurer de rage. Il lui faudra retourner à Bedieghi. Reranou avait conquis une position de roi par sa générosité. Des amendes, il distribuait presque tout aux assistants. Sa propre fortune, il la dilapidait entre tous, si bien qu'on l'aimait, le louait, le fêtait par dessus tout... •••Le mois de voulembita (lune de juin 1869) est celui où les rois Marsaragne du Nord font les cérémonies à leurs ancêtres. Les rois prohibent à n'importe quel individu de travailler alors au tombeau d'un parent. Celui qui meurt en ce mois est enterré provisoirement, on tire quelques coups de fusil, et il est défendu de travailler au tombeau lui-même••• •~.Dans l'Est de la case du Vazimbe auprès de laquelle nous déjeunons (rive gauche du Manamboule) le 25 juin 1869, je remarque un petit tréteau composé de 4 barattes dont les bouts supérieurs repliés forment un quadrilatère. Quand ils ont un voeux à faire, une demande à adresser à Dieu et aux ancêtres, ils y mettent un plat de bois ou calebasse dans laquelle est déposé un peu de riz cuit, etc.•• Ils font alors l'offrande à Dieu et aux Lolobe, ils prient, puis après avoir jeté une pincée vers l'Est, ils mangent le reste. Pour prier, ils se mettent à genoux, accroupis sur les talons; souvent ils tendent les mains à hauteur des seins (la paume vers la figure) comme s'ils tenaient un livre••. •••Si les Sakalaves devaient partie de leurs pratiques religieuses aux musulmans, les prières ne se feraient pas vers l'Est, mais vers le Nord••.

.••Le nom de Manamboule, signifie qui a des plantations. Celui de Toundroulou, donné à un petit bras de mer vient de ce que le 1er Sakalave qui s'y établit pour y planter, creusa d'abord un puits dans le sable; il fut blessé pendant ce travail par quelque morceau de bois; son doigt s'enfla, s'envenima, se pourrit et fut perdu: de là ''Toundroulou", doigt perdu.

(1) Ne serait-ce pas Mija désignant les Sakoambe proches de ce chef Reranou : Vezo Antandranou dont nous a parlé notre informateur Sakoambe-Mija (marque d'oreille de boeufs en fer de lance proche de celle des Maroserana de la Tragnovinta de Mitsinjo. Cf. p.194, Généalogie qui montre que ce lignage descend des Tsialifo, chef de la lignée Hohimalagno actuelle. - 32 -

A Ambaratta (1), le village des boeufs blancs sacrés, Nord de Belo, les Katrakatraka sont Fali••• ••• De Soua-Hazo à Maroumouke, la terre s'appelle Mirafe ; de Maroumouke à Soua-Hani, elle s'appelle Miara. Les habitants sont tous des Antimenes. Quand on fait le cadeau aux rois du Nord, il faut bien faire attention que les divers objets forment un nombre pair (2). A Maineterana, les arabes par leurs blagues élèvent des difficultés insurmontables à notre voyage chez le roi. Ils vont jusqu'à nous empêcher de pouvoir trouver à quelque prix que ce soit un boutre. Vous faites des sondes et des relèvements partout disent-ils. C'est pour venir prendre ces pays, c'est pour y amener les navires de guerre. Si nous vous conduisons à toutes les embouchures de mer, on nous fera plus tard des Kabars, et nous ne voulons pas nous exposer à être pillés. Leur dire que c'est pour faciliter le commerce est à leurs yeux la plus mauvaise raison de tout, car ils veulent accaparer le commerce et ils savent que si les blancs viennent, ils devront céder le pas et se retirer. Ce sont nos ennemis déclarés. Tous ces bruits malveillants sont très répandus sur toute la côte et m'empêchèrent de faire mon voyage sur la côte depuis Maineteranou à Madzanga, comme je l'avais désiré. Encore un de ces déboires si communs dans la vie des voyages (3) !

Les Antalaotse ont une manière originale de consulter l'avenir. Ils n'entreprennent jamais de voyage sans consulter leur médecin. Un boutre partait pour la Côte d'Afrique chercher des noirs pendant ma présence sur les lieux, le médecin lui a fait retarder son départ de deux jours•••

•••Mainterane est situé sur une petite île de sable, à la partie Est. Les cases sont entourées d'enclos et sont presque à se toucher, elles sont couvertes en feuilles de palmier Moukouke. La plage est d'un ••• ? ••• Le village est assez important; beaucoup d'Antalaotses, Comoriens, Souaheles, Indiens, qui font le commerce. Beaucoup de peaux de boeufs, un peu d'orseille, beaucoup de cire, du bois d'ébène et de santal venant des ports voisins, quelquefois des (••• ) venant du Sud, voilà ce qu'on exporte. La peau de boeuf vaut 3,5 à 5 F suivant la grandeur, l'orseille 5 F, la cire 32 F, la bille d'ébène de 20 c de diamètre et 5 à 6 pieds de longueur 2 F etc••• Tous les bords de la baie, sauf la partie Est et Sud sont couverts de palétuviers. Rien à chasser aux environs, pays stérile. On m'accuse d'être un français payé par les anglais pour sonder toutes les passes et revenir avec une flotte pour prendre tout le pays et brOler les boutres arabes. Mainterana étant le principal marché d'esclaves (un boutre part pendant mon séjour (4)) sur la côte Ouest qui approvisionne les Ovas et les Sakalaves. Les arabes ont très peur des blancs depuis que leurs boutres ont été brOlés par les croiseurs en grand nombre, aussi les cancans les plus faux et les plus perfides ayant été répandus, on me craignait "beaucoup et on a tellement causé que

(1) Village actuel d'Ambaratta, situé non loin des tombeaux Tragnovinta Misara de Kekarivo. (2) Les chiffres impairs évoquent la sorcellerie. (3) Concurrence manifeste entre réseaux commerciaux dans l'Océan Indien. (4) La traite n'est pas encore abolie dans les faits sur cette partie de la côte Ouest en 1868. - 33 -

malgré cadeaux et amitiés, il nous a été impossible d'aller à Marouhazou (0 chez le roi. Il a été fait des médecines pour que notre navire échoue sur la barre du sortant et se perde corps et biens; il nous a fallu faire des Kabars chez Alidy le chef (de la famille qui entretient des relations avec ses soeurs et ses filles (2); le Siquil a déclaré que le père mourrait de ses déportements et qu'il fallait demander pardon à Dieu publiquement, mais la soeur a dit qu'elle avait eu des relations avec son frère et celui-ci avec ses filles, c'est que de tout temps cela avait été l'usage dans leur famille, et qu'il n'y avait rien à dire, elle ne voulut pas qu'on demandât pardon et fit le Tsipaseranou mais elle-même s'adressa à Dieu et fit la prière) pour ne pas laisser s'aggraver ces bruits qui ont une plus fâcheuse influence qu'on ne pourrait croire dans ces corps ignorants et superstitieux et peuvent quelquefois amener de terribles résultats, quoique Mainterane soit le pays le plus catholique des pays de la côte Ouest. On n'a encore pillé ni tué ni arabes ni blancs. Toutes les maisons de Mainterane sont en feuilles de Moukouke, murs et toits. Je vais acheter à Mainterane deux petits Cafres, l'un de 7 ans qu'on a payé 26 piastres, l'autre de 9 qui valait 32. Lorsque les boutres arrivent; le prix est bien plus bas. Il y en a dix en expédition en ce moment, ils sont alles un peu au Sud de Quillimane chez les Portugais. Il paraît qu'ils ne vont plus à Sofala•••

•.• Au Manamboule, il nous a fallu faire les cadeaux suivants: - marmite - brasses de toile, patère - verre, poudre, dé - couteau - balles et pierres

Au chef de Mafaye-Dranou (3) Au chef de Benezaville (sur la rive Nord de la baie) (4) A Maindrike, richard habitant la rivière ~u fils du richard A Zaffini-Casi et à ses gens Au grand chef Anakaye, ses femmes, ses gens, Et divers objets, verres de poudre pour les mendiants qu'on doit ménager.

Les petits objets, comme des clous dorés, couteaux, dés, patères, balles, pierres sont très utiles en ce qu'on peut donner une quantité aux gens des chefs qui se les partagent plus facilement et chacun ayant qui une balle, qui une pierre etc.•• est content•••

••• Les Antsantsas étaient autrefois les Antimahilaks, les Antimarahas et les Antimilanza; Antsantsa était le pays depuis le Menabe au Cap St André. Depuis que plusieurs rois ont pris le pays, il y a d'autres noms. Les Antsantsas aujourd'hui sont plutôt les Antimarahas et les Antimahilaks. Ces rois étaient peu puissants jusqu'à la mort de Ramitrah. Ambalike est synonyme d'Ankavandre.

(0 Saohazo actuel. (2) Les Hohimalagno actuels sans doute. (3) Mafaidrano actuel. (4) Benjavilo actuel. - 34 -

A Mainterano, il y a plus de comoriens que d'Antalaotses (une centaine environ) ; on compte une vingtaine de Banians, et une vingtaine de Khodias et Bhoras (1), en tout trente, plus trente Souahelis et Arabes••• On peut compter sur 300 étrangers à Mainterane, dont la population dépasse l 000 individus. Il paraît qu'on exporte de l 500 à 2 000 peaux de boeufs directement à Zanzibar, de Mainterane•••

(1) Indiens d'obédience religieuse différente, fonde les circuits d'échange. - 35 -

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IV-5 Textes inédits d' A. GRANDIDIER in bibl. Grandidier Mada ascar Manuscrits inedits 1867-1872)

•••"Ports de commerce avec les Français en pays Sakalava Tulear, St Augustin, Mouroundava, Tsidsibou, etc••• A propos du com merce dans ces ports: Ce sont toujours les hommes les plus dangereux du pays qui entourent et circonviennent les rois; intelligents mais corrompus, hais de leurs propres concitoyens mais craints pour les vices, ils savent adroitement dissimuler devant les officiers des navires de guerre, dont ils redoutent les armes, mais ils reprennent leurs exigences hautaines devant les matelots d'un navire de com merce qui est hors d'état de se défendre. Il est à désirer que nos avisos à vapeur visitent plus souvent ces parages pour y faire respecter notre commerce. L'arbitraire le plus déplorable règne en effet, dans ces petits royaumes et durera tant que les traités con1us, avec les chefs Sakalava par l'Amiral Fleuriot-de­ Langle ne seront pas strictement observés. Un navire entre-t-il en rade, pour quelques réparations, aussitôt les Vezes (Sakalava de la Côte) par ordre du roi s'en emparent, au mépris des conventions et le livrent au pillage. Un européen établi dans le pays meurt-il? Avant même qu'il ait rendu le dernier soupir, les F"Ihyezes ou soldats pénètrent dans sa demeure et emportent tout ce qu'elle renferme au repaire de leur maître. Le présent de bienvenue, ou droit d'ancrage que doit payer chaque navire à son arrivée augmente de jour en jour; non seulement c'est au roi, mais à une dizaine de chefs qu'il faut distribuer des cadeaux, et la valeur de ces cadeaux, le nombre de donataires s'accroit à chaque voyage. Rien de stable, rien de fixe. Si le capitaine ne cède pas aux exactions, tout commerce lui est interdit, il ne peut même pas embarquer à son bord les marchandises achetées pendant son absence par son traitant et conservées dans ses magasins. Il faut être rompu aux insolentes exigences de ces Vezes, pour parvenir à faire sans trop de danger le commerce avec eux, et cependant Mr Fleuriot-de-Lang1e avait stipulé des conventions qui réglaient tous ces cas dans des traités, tombés aujourd'hui en dessuétude. Si les habitants couraient moins de danger, le commerce prendrait plus de développement, et notre influence deviendrait prépondérante sur ces côtes où ne vont jamais les négociants anglais; on pourrait même ouvrir aux entreprises industrielles, des régions riches et fertiles, telles que ce royaume indépendant du Menabe. Aujourd'hui, le commerce d'exportation consiste en orseille, salaison, tortues, haricots du Cap; les importations comprennent Iles toiles communes, la poudre, les teerotenes, les fusils à pierre".

"P illage de la Marie-Caroline" : Il me faut raconter en détail cette affaire encore récente pour mieux saisir le caractère de ces peuples si différent de celui des Ovas. Des ennuis semblables ne sont pas rares sur cette côte inhospitalière. Le capitaine du navire se trouvant à terre avec un mousse et un homme de bord, Vinang, roi du Menabe indépendant, à l'instigation de deux matelots déserteurs, d'un mulâtre de Bourbon et d'un Betsimisarak et poussé par Zouma, arabe de Zanzibar, fit assassiner le capitaine et le mousse. Le second, mandé à terre par le mulâtre qui se disait chargé de cette commission par le capitaine n'eut pas plus tôt touché le rivage qu'il fut sagayé. Un petit boutre monté d'une vingtaine d'hommes armés de courtes lances qu'ils tenaient sous leurs vêtements, vinrent à bord, annonçant le retour du second et du capitaine dont on avait mis - 37 -

par précaution la balenière sans voile à l'entrée de la rivière. Accueillis sans défiance, ils se jettent tout à coup sur les matelots qu'ils massacrent sans résistance. Fmandrou qui est aujoud'hui le gouverneur du roi Toueykre et qui m'a reçu lors de mon voyage sur Tsidsoubou porta le premier coup. Les chefs du pays désapprouvèrent, il est vrai ce crime, et lorsque Vinang mourut quelques mois après, les devins annoncèrent / que dieu et les ancêtres du roi l'avaient puni, pour avoir versé le sang des blancs, ainsi que pour avoir violé le tombeau de Leilanharrivou, son père (sur les conseils de l'arabe Zouma, Vinang avait voulu transporter le cercueil de son .père dans l'ile en face, Antonga). Zouma fut condamné à mort comme instigateur de deux crimes, il put se sauver à Maineteranou, et de là à Zanzibar. Narouve, la soeur de Vinang, succéda à son frère et lors du passage de Mr Fleuriot-de-Langle, au Menabe, elle promit une indemnisation de boeufs et conclut un traité d'amitié. Finandrou, un des principaux coupables du crime de la Marie-Caroline, soulève le peuple contre la reine au sujet de cette alliance avec les Français, elle dut s'enfuir à Ampasilava ; après une inutile tentative pour ressaisir l'autorité, elle s'est réfugiée aux iles stériles, où elle habita jusqu'en 1868, époque à laquelle elle a pu rentrer dans son pays. Depuis cette époque, nos navires vont de temps en temps réclamer les boeufs, dOs par l'indemnité promise. Mais on n'est jamais prêt, et on prie le commandant de bien vouloir repasser l'année suivante. C'est une vraie plaisanterie. Les Antimenes ne nous craignent pas en effet. Leur grand devin Lahymena qui chaque année fait des talismans pour le bonheur et la sécurité du pays et dont par hasard les prédictions 1 se sont presque toujours réalisées, a annoncé solennellement qu'aucun navire de guerre français ne relâcherait au Tsidsibou que pour faire des vivres et qu'on attaquerait jamais ce Menabe. Il conseilla du reste d'offrir le sacrifice à Dieu d'un boeuf et de jeter son sang dans la rivière, avec une pièce d'or: la Tsidsibou en cas d'attaque devrait se fermer par des bancs de sable sur lesquels avaient échoué les embarcations. En 1861, la cérémonie fut faite par ce prince Tsimaroui devant un grand concours de peuple. Les évènements ont confirmé le peuple dans ses croyances. Des navires parviennent de temps en temps, stationnent 24. heures et repartent. Les commandants auxquels notre centralisation exagérée ne laisse aucune initiative ne peuvent malheureusement prendre sur eux de ternir immédiatement la mauvaise foi du roi; il leur faut retourner à la station génétale faire leur rapport. On a exigé une indemnité de Narouve, c'était une femme; on n'ose plus, disent les Antimenes, s'adresser à des hommes. Le Tsidsibou qui est une des plus grandes et des plus belles rivières de Madagascar, et qui traverse des régions fertiles (assez) riches surtout en 1 pâturages, pourrait facilement être ouverte à notre commerce."

Lettre au Gouvernement à Peuvre

•••"11 me serait facile de m'étendre longuement sur les moeurs curieuses de ces peuples inconnus, mais je m'arrêterais à ces principaux traits qui suffisent . pour donner une idée générale de leurs croyances et de leur caractère. Je me réserve d'entrer dans de plus amples détails dans la partie ethnologique de mon ouvrage sur Madagascar/. Mais si aujourd'hui, comme dans le Menabe nous avons un impôt d'un certain nombre, de centaines de boeufs à nous faire payer, ils reculent indéfiniment non pas faute d'avoir ce qu'il faut, car leur pays est des plus riches - 38 -

sous ce rapport parce qu'ils sont persuadés que nous n'oserons pas les attaquer (sic>; Lahymena le devin royal, et il n'est pas un Sakalava qui n'ait pas la confiance absolue de ces talismans et les prédictions des sorciers, a prédit qu'il protégerait le Menabe contre toutes les tentatives des Français, et chaque année il fait un nouveau talisman dans ce but... Il n'y a pas longtemps, en 1861, un prince de sang Tsimaroui, aidé de Lahymena, a fait, devant le roi du Menabe et la plupart des sujets, une grande cérémonie où on a sacrifié un boeuf à Dieu et jeté une pièce d'or trempée dans le sang dans la rivière Tsidsibou. Il n'y a pas un Sakalava qui ne croit fermement à la prédiction annoncée, qu'au cas où nous voudrions attaquer leur pays, la rivière se fermerait par des bancs où échoueraient les embarcations et périraient les hommes. Faute d'avoir exigé catégoriquement la somme due, ces peuples ne nous craignent plus et nous perdons de plus en plus notre influence. "Les traités sur le pillage des navires, sur l'héritage des nationaux décédés sur la côte Ouest sont-ils respectés? Non, si un navire revient en avaries sur un port, on le pille toujours en totalité et malheur à l'équipage s'il veut résister: j'ai vu un navire Gênois, où une voie d'eau s'était déclarée que le roi n'a pas voulu laisser réparer en rade, et sans la présence de 4 navires français ayant de l'influence dans le pays par leur commerce continuel avec ce point, il n'y eût pas échappé. Il n'y a pas deux ans qu'un malheureux européen est mort à Tulear ; avant qu'il ait rendu le dernier soupir, malgré les protestations des deux autres européens, les Fihezes ou soldats du roi sont entrés dans son domicile et se sont emparés de tout? Je cîte ces deux ~oints récents; mais combien n'aurais-je pas d'injustices à constater, d'horreurs a enregistrer? Malheureusement, il faudrait des visites plus fréquentes des navires de guerre, et une conduite ferme avec les naturels. Car que peut dire le malheureux traitant au commandant qui s'informe de la nature de la relation avec les Malgaches, il n'osera pas faire de plainte, car aussitôt le navire parti, il sera pillé. Ainsi comme je l'ai dit, c'est le petit nombre des Vezes qui sont les intermédiaires avec les .,traitants dont il faudrait maintenir! l'insolence dans de justes bornes et laisser la liberté la plus grande à la traite, une fois le droit d'ancrage, bien et dûment spécifié, payé, sans que les habitants puissent être ennuyés de demandes subséquentes. Cela relèverait notre autorité. Maintenant les Ovas cherchent par des guerres injustes, ou par des protectorats insidieux à s'emparer de ces pays libres, car sauf une portion du Menabe et la baie de Bombetok, ils n'ont rien; notre politique contraire à celle des anglais semble devoir être, quelles que puissent être nos vues ultérieures, de ne pas laisser les Ovas s'agrandir à notre désavantaç;e, nous devrions, tout en nous faisant respecter, nous et notre commerce, proteger ces états, qui sous peu sans cela iront augmenter la puissance Ova, au lieu de l'affaiblir jusqu'à aujourd'hui!. •••Si comme je le pense il est utile pour notre commerce national et pour les autres intérêts français de sortir de cette pénible situation, les combinaisons diplomatiques me sembleraient devoir tendre vers deux buts, mettre une barrière à l'ambition des Ovas, et rétablir notre influence sur tout le littoral en question• •••Je me suis assuré par mes relations personnelles avec certains rois indépendants de la reine Rasoherina qu'ils redoutent cette dernière et seraient volontiers appuyés de notre protection. Nos intérêts, commerciaux et autres exigent que nous ne laissions pas absorber ces divers petits royaumes par les Ovas. - 39 -

••• Le commerce sur les côtes dont je parle est exclusivement français, il offre à l'Ile de la Réunion et diverses maisons de France des bénéfices importants; les mouvements des affaires s'élèvent à plusieurs millions de francs, c'est aujourd'hui une des principales ressources de notre colonie de la Réunion!.

(Manuscrit remis au Ct Delafrange vers 1872 pour M. Le Play)

"Divisions des Sakalavas :

Antifiherenes Antimenes Antimahilaka Antimaraha Antimilanja Antamboungos Antibouenis Antankars du Nord (Nord du Lac Alaotra)" - 40 -

IV -6 Carnet N° 25

LES VAZIMBES

•••"Les Vazimbes prétendent être orIgmaires de la Côte Ouest (ils ne viennent pas de l'extérieur>. Ils se sont ensuite répandus partout, sauf chez les Mafales, parce que le pays était tranquille. Ralefoutouka est le premier de tous leurs chefs, aussi loin qu'ils peuvent se rappeler, puis Rafousa qui a aussi une grande réputation. Les Hazoulahes leur servaient aux funérailles seulement. Sous Dianihanaine, le roi demanda à en avoir, (Andrianihanina, seigneur regretté) pour lui, mais ne leur retira pas, et ce n'est que depuis Touvounkere qu'il leur est défendu d'en avoir. Ils sont Zives avec les Vezes parce qu'ils habitaient toujours l'Ouest et qu'habitant les bords des rivières, ils étaient en contact continuel avec les Vezes. Leur Fanompoua (pour les rois Marosaranes) était les bananes, les Rerehes, les poissons et la garde des femmes (I), mais cette dernière charge a passé successivement aux Mikeas et aux Vezes depuis. Ils étaient dans le pays avant l'arrivée de Diandahefouti. Antanandrous, Vezes, Vazimbes, Mikeas, étaient tous dans le pays avant l'arrivée de Marosaranes = ils étaient les maîtres du pays; pas de rois. Toutes les grandes familles sont venues plus tard (Soungoures, Antambis, etc••• ) aussi surtout chez ces grandes familles, remarque-t-on souvent le type indien et les cheveux droits. Les Ovas n'auraient-ils pas été chassés du Sud-Est, du Sud et du Sud-Ouest successivement par les indo-arabes ? Les Vazimbes sont les créateurs des Moulangues (2).

Les Sandangouatses sont aussi des Vazimbes (Bali>.

"•••Ils n'avaient pas de sagaye de fer, ni d'argile. Il n'y avait pas de boeufs, pas de moutons, pas de cabris jusque peu avant l'arrivée des Sakalaves; jadis on faisait les Sours sur de petits Taratals avec des Voemes, bananes, riz, etc••• Le mouton est très Fali pour eux; mais pas le cabri.

Ils n'ont fait d'Azoumangs que lors de l'arrivée des boeufs.

Les oreilles des boeufs ont été marquées que lorsqu'il y en a eu beaucoup et que les vols étaient nombreux, mais cela ne daterait pas de très loin.- Ils adoraient un seul Dieu, mais c'était les Loules, l'objet de leurs adorations; la circoncision est assez récente (daterait des Sakalaves). L'esclavage même date des rois ou chefs de race étrangère•••"

(l) Cf. COACM, Collection des ouvrages anciens concernant Madagascar. Description de la côte Ouest par Luis Mariano et Pedro Freire.

(2) Pirogues à balancier. - 41 -

".••Les moeurs ont changé à cause des richesses; mais jadis toujours Souri C'était toujours le chef de famille paternelle qui faisait le Sour, et tourné vers l'Ouest. Ce n'est que lorsque les boeufs sont arrivés qu'on a fait vers l'Est/avec Hembouke (encens) (pour les ancêtres).

Les Vazimbes et les Sakalaves encore aujourd'hui que Dieu et les Loulous ­ Voukatse (revenants). Angatse est inconnu.

Pas de cérémonie dans l'ancien temps pour les mariages; quelquefois Sour pour demander un enfant. Jadis beaucoup de Falls, même avant l'arrivée des Sakalaves.

Aucune autre différence que celle de l'enterrement aujourd'hui entre les Vazimbes et les Sakalaves. Ils s'entremarient maintenant avec les Machicoures, Vezes, mais autrefois ils ne se mariaient qu'entre eux. Ils sont aussi planteurs que pêcheurs. Bananes, surtout manioc, peu de riz•

•••"11 Y a une tradition parmi les Vazimbes qui dit que jadis un des leurs épousa au commencement de l'invasion Sakalave, une fille d'un roi Marosarane ; mais tous ses parents et amis lui reprochèrent de s'allier aux conquérants et de vouloir abandonner sa nation, renier sa famille. On fit même courir le bruit que ceux qui' agiraient ainsi deviendraient fous, idiots, aussi depuis se sont-ils toujours entremariés, jusque assez récemment où ils se sont mêlés aux Vezes et Machikoures, mais pas aux familles venues du dehors. Je cite ce fait pour montrer combien a été fort le préjugé qui s'opposait au croisement des diverses races conquérantes et vaincues". II - ORGANISATION GENERALE DE L'ENQUETE BELO SUR TSIRIBIHINA ET VALLEE DU MANAMBOLO (Années 1969 - 1970)

Le Fitampoha 1968

Le Lohavogny 1969

La Réunion du Menabe 19 69

Le Fitampoha 1968, analyses rétroactives - 43 -

ORGANISATION GENERALE DE L'ENQUETE SELECTION ET CLASSEMENT DE L'IN FORMATION

Les deux enquêtes que nous avons effectuées sur la Côte Ouest, la première à Morondava-Mahabo (1967-1968), et la seconde à Belo-sur-Tsiribihina et la région du Manambolo (1968-1969) répondaient à des objectifs et se sont déroulées dans des conditions matérielles bien différentes. Nous avons fait le choix de ne retenir dans cette présentation que les données relatives à la seconde étude. En effet, les quatre missions qui composent cette seconde enquête sont moins encombrées d'une problématique de développement qui a été le cadre de notre première étude. Elles ont enregistré plus fidèlement les comportements, les manières de se dire, de penser la société, ou de se cacher, et cela en dépit de la thématique sous-jacente à tout travail de cette sorte. Les principes méthodolo$iques que nous avons établis au chapitre 1 et II de la 1ère partie, nous ont amene à considérer cette seconde enquête à Belo et dans le Manambolo comme un stade plus pur de notre démarche anthropologique où les problèmes posés au départ ne pouvaient plus être formulés de la même manière, où le découpage de la société, et en particulier le découpage ethnique était totalement remis en cause, où l'objet d'étude était à construire, où la problématique et sa causalité circulaire ne pouvaient plus être pré-établies.

Il nous restait donc une thématique large qui devait permettre d'appréhender les formations sociales telles qu'elles se manifestaient à l'observation, et de révéler les liens existant entre les institutions et la production, lieu d'émergence des rapports économie-société. En définitive, l'étude des institutions est restée le seul support de nos analyses, l'étude de l'organisation sociale de la production n'a pas donné les résultats escomptés, elle ne permettait pas de spécifier les rapports de l'économique et du politique, malgré l'existence de nombreux conflits liés à la production. Il était évident que tout le système social, politique, et économique trouvait sa rationalité ailleurs, dans l'échange, et la production idéologique servait en réalité à structurer ou transformer des réseaux potentiels d'échange entre unités territoriales qui étaient loin de correspondre aux villages administratifs. Les éléments d'information recueillis dans nos interviews ont permis progressivement d'élaborer une thématique d'enquête liée aux situations sociales représentatives des modes de transformation sociale et de comprendre comment les rapports sociaux s'inscrivent de manière durable dans l'espace et dans le temps.

Quatre missions au total on été effectuées da;ns la région de Belo sur Tsiribihina. Au cours de la première, nous avons participé au Fitampoha de 1968, situation i.

qui s'étaient entre temps appropriés le projet de l'enquête. Nous avons donc quitté le village pour quinze jours, accompagné au départ, et largement accueilli à notre retour. Ce voyage nous a permis de faire les mêmes recherches qu'au village d'Andranofotsy, en remontant le réseau social de nos interlocuteurs et les relations que nous avions créées, et accompagné par Mpitoka originaire du village d'Aboalimena et qui fut notre médiateur auprès des autres chefs de lignage dans les villages situés au sud de la vallée du Manambolo (Cf. carte de situation hors texte). La quatrième mission enfin a été une recherche systématiquement menée à l'aide d'un questionnaire un mois .plus tard dans ces villages du Manambolo, et au cours de laquelle les discussions ont été enregistrées.

Il a donc fallu sortir du cadre trop strictement monographique tracé au départ pour comprendre les rapports sociaux, économiques et politiques de la région de Belo sur Tsiribihina, et pour saisir de quelle manière la societé rurale, destructurée avec la colonisation - la "pacification" - s'était recomposée. De même, il importait de comprendre sur quels liens étaient fondés les rapports sociaux villageois, et de connaître l'histoire de la création de nouveaux tombeaux, toujours révélateurs de segmentation sociale et témoins d'une nouvelle organisation hiérarchique. Les relations entre le Nord et le Sud de la commune rurale de Belo témoignaient de cette histoire récente, souvent gommée justement parce qu'elle était trop présente et active dans les rapports du moment. C'est cette dernière étude régionale qui a servi à étayer nos hypothèses, à centrer notre réflexion, et à organiser les faits d'observation autour du sens et du rôle de l'Histoire dans l'actualité.

Nous présenterons exhaustivement et dans l'ordre chronologique les étapes de ces quatre missions et les différents thèmes abordés. Il sera précisé à chaque fois la qualité de l'informateur, la situation d'enquête qui est a l'origine de la libération d'information, un résumé succinct de l'entretien, et des indications sur la nature de l'information obtenue et les enchaînements significatifs qu'elle a suscités. - 45 -

11-1 Le Fitampoha de 1968, notes et documents - première mission

Le but de cette mission a été d'élargir les cadres d'analyse qui avaient servi lors de notre enquête dans la région de Morondava-Mahabo et dont les objectifs, trop directement centrés sur les questions de développement, ne nous avaient pas permis de saisir la logique propre de la société rurale. En gros, la thématique retenue était celle qui, partant de la complexité de la composition sociale de cette société (due au fait qu'il s'agit d'une zône traditionnelle de migration), laissait entrendre que les rapports inter-ethniques étaient la base des rapports économiques et politiques locaux et la cause du faible impact des opérations de développement. La nécessité d'un mode de compréhension incluant la dimension historique des rapports sociaux nous a conduit à infléchir notre recherche en étudiant les différenciations sociales liées à la société originaire Sakalava.

Le Fitampoha (H, cérémonie dynastique Sakalava, dont la célébration n'avait lieu que tous les dix ans, devait être célébré en AoQt 1968. Annoncé dans la presse nationale, notamment par le journal "Lumière", il était pour nous l'occasion de mettre au point cette nouvelle orientation, et de choisir le prochain lieu d'implantation de nos enquêtes. Nous supposions déjà qu'il devrait se situer dans la région de Belo-sur-Tsiribihina, lieu de migration des chefferies Sakalava et de leurs alliés dépendants, qui n'avaient pas voulu se soumettre au protectorat Merina sur la région de Morondava-Mahabo, établi avant la colonisation. L'annonce de ce Fitampoha, cérémonie exceptionnelle, la périodicité de dix ans étant liée à l'âge -dix ans - qu'avait le roi Ndrianinhanina lors du premier Fitampoha à Mahabo, lui assurait une large audience auprès de tous les étrangers intéressés par les traditions, quelles que soient leurs qualités: nous les cîterons en bloc, touristes, intellectuels malgaches ou étrangers de toutes nationalités, fonctionnaires etc••• La famille Kamamy, héritière dynastique, et ses proches, qui étaient les organisateurs de la cérémonie, en avaient demandé l'autorisation auprès du Ministre de l'intérieur, ce qui leur avait été accordé. Le dernier Fitampoha ayant eu lieu en 1958, celui de 1968 était le premier à se situer dans le cadre du fonctionnement administratif normal, celui de l'Administration malgache indépendante depuis dix ans, et ce souci de légalité anticipait sur les relations qui allaient se jouer au cours de la cérémonie entre l'étranger, l'Administration, et la société locale.

Nous avons pu tirer parti de ce brusque afflux d'étrangers, donc de circonstances particulières indépendantes de notre enquête, et c'est en qualité d'étranger absolu, dont la place était en quelque sorte pré-programmée, que nous avons assisté à la céremonie. La façon dont nous avons éte impliqué correspondait très exactement à ce qu'est de tout temps la fonction de l'étranger recherchées au cours de la cérémonie ou des évènements auxquels il participe. Il dans cette société: sa présence révèle et conforte l'émergence des légitimités nous paraît important de relater les circonstances dans lesquelles, malgré les

(1) Pour illustrer les développements des pages qui suivent sur le Fitampoha, nous avons proposé à l'OR5TOM en vue de la publication, l'achat de "duplicata, arts graphiques", auprès de Monsieur Jacques HENNEBIQUE, photographe et qui dispose de magnifiques diapositives effectuées au Fitampoha 1968 où il était présent. - 46 -

les mises en garde qui nous avaient été faites, nous nous sommes trouvé, pris au jeu de l'enquête, dans la situation de transgresser un interdit majeur, validant ainsi le rôle de transgresseur par excellence de l'étranger. Au moment du rituel du bain des Dady (reliques royales) dans les eaux de la Tsiribihina, au jour du Fitampoha, nous sommes entre dans l'eau sacrée, incité à le faire par certain des participants. Prévenu pourtant du sens que pourrait prendre un tel acte, et nous interrogeant ensuite sur les raisons qui avaient pu provoquer chez nous cette baisse de la vigilance, nous nous sommes aperçu que cette transgression avait été suscitée par les héritiers de la branche cadette Maroserana-Vezo. Cet acte, vécu comme transgression par la plupart des participants, comme par ceux qui avaient une charge rituelle dans la cérémonie, nous impliquait dans le conflit des héritiers directs, où nous avions dès lors apparemment pris parti. C'est pourtant ce que nous avions eu soin d'éviter de faire pendant les huit jours précédant la cérémonie, où nous avions vécu à Ampasy la vie quotidienne des gens, en attendant ce bain des Dady, moment fort du Fitampoha. Cette implication, mais nous ne l'avons découvert que plus tard, correspondait en fait au statut qui résultait de notre appartenance salariale à l'Administration Malgache, dans le cadre de nos enquêtes à Morondava-Mahabo. Cette position particulière, qui nous avait été attribuée dès notre arrivée, et à la différence des autres étrangers, s'était traduit par le choix de la case qui nous avait été donnée, située dans le quartier où résidaient les parents dircts de la famille royale Misara-Vezo, les plus liés à la moyenne et haute administration politique et scolaire.

La présentation de cette mission comprend deux séries de textes, car nous avons du déroger au choix de la restitution de ces interviews selon l'ordre chronologique en associant aux premiers textes recueillis en Août 1968 au moment du Fitampoha, ceux qui se rapportaient au même thème et que nous avons recueillis un an plus tard.

- Les premiers textes n° l à 7, ont été pris au lieu de la ceremonie (le village d'Ampasy), dans les villages alentour, et sur le lieu des tombeaux royaux. Les tombeaux royaux ont été visités en compagnie des membres de la famille héritière et des gardiens de tombeau (Mpiamby). Ces textes se prêtent mal à un résumé car leur contenu est principalement d'ordre informatif et descriptif, et s'ils présentent des contradictions, celles-ci n'apparaissent que lorsqu'on change d'informateur. D'autre part, ils sont peu nombreux, certains enregistrements ayant été effacés accidentellement. Cependant les textes présentés décrivent bien l'organisation sociale du Fitampoha, et rendent compte du climat passionnel dans lequel il s'est déroulé. - La seconde série de textes n09 à 16, recueillis un an plus tard auprès des principaux acteurs du Fitampoha, ceux qui avaient des fonctions rituelles, se place dans un contexte bien différent. Libéré des enjeux qui le traversaient, le Fitampoha constituait une bonne approche pour notre enquête, suscitant la participation des gens à une redécouverte et à une réécriture du passé, et conduisant à une réflexion sur l'actuel. Cette quête de l'Histoire, orientée à des fins pédagogiques, faisait ressurgir les questions qui ,les préoccupaient. - 47 -

11-1-1 Interviews recueillis au cours du Fitampoha de 1968

Texte nO 1 - Arrivée à Ampasy et visite des Dady

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Ce premier texte retrace notre arrivée et l'accueil qui nous a ete réservé par la famille princière, héritière de la branche Vezo des Maroserana. Après la présentation et les cadeaux d'usage, nous avons été convié à visiter les Dady (reliques royales) sous le Rivotse (tente où se trouvent les Dady) situé à quelques mètres du village d'Ampasy, en corn pagnie du prince Mamy-Kamamyet des Mpiamby (gardiens des tombeaux royaux). Le Toka (prière aux rois Maroserana) a été fait, en suite de quoi chacun a goûté le Toaka-Tintely (alcool de miel réservé à cet usage). Les entretiens se sont déroulés en partie dans le Rivotse, aux alentours, et finalement dans la case du prince Mamy­ Kamamy.

B- Résumé du texte et contenu de l'information

Il comprend tout d'abord une description des Dady (reliques royales), et des objets disposés dans le Rivotse, puis une présentation des fonctions rituelles relatives au culte, et de l'origine et de la position sociale de chacun de ceux qui les exercent dans l'organisation Maroserana actuelle. Nous est précisée la signification symbolique des chiffres 4 et 8, liés à la royauté, alors que les nombres impairs évoquent la sorcellerie. Sont énumérés également les interdits spécifiques de la cérémonie du Fitampoha, dont on nous dit qu'ils ont été levés par les héritiers actuels. Déjà transparaît donc dans cette présentation l'opposition d'une vision traditionaliste et d'une vision mqderniste de l'institution dont nous avons su plus tard qu'elle recoupait le conflit de légitimité des héritiers Maroserana. Ceux qui exprimaient la position moderniste et favorable aux changements étaient aussi ceux qui parmi, les héritiers ou leurs alliés, exerçaient une fonction administrative. Suit la description précise des reliques, et notamment la nature des essences des bois sacrés qui sont enfermés avec les reliques dans des boîtes en argent: ces bois de Lopingo, Tsivoanio et Tsilaitsy sont réputés avoir des fonctions protectrices. Le bois qui soutient les reliques est du Hazomaimbo, bois sacré réservé à l'usage des rois.

La transmission des charges honorifiques a occupé une partie importante du temps consacré à l'entretien en présence des Dady, à l'endroit le plus sacré de la cérémonie. On pouvait déjà pressentir que les principes de succession clairement énoncés de ces dignitaires, Mpiampy (1), Mpibaby (2), constituaient une trame conflictuelle sous-jacente à l'évènement impliquant à divers titres différents et dépendants qui étaient groupés autour d'eux, ceux qui participaient à l'évènement par fonction ou par tradition et enfin les absents -pour quelque raison inconnue­ et ne seraient présents qu'au moment du bain des Dady. Le sens niveaux de

(1) Mpiamby: porteurs des objets rituels. (2) Mpibaby : porteurs des reliques royales. - 48 -

participation à la cérémonie: la famille dynastique d'abord, les alliés et dépendants qui étaient groupés autour d'eux, ceux qui participaient à l'évènement par fonction ou par tradition et enfin les absents -pour quelque raison inconnue­ et ne seraient présents qu'au moment du bain des Dady. Le sens général du Fitampoha a été indiqué comme lié au symbolisme des prémices, le culte des Dady ayant une influence sur les éléments naturels, sécheresse, pluie, dont dépendent culture et élevage.

D'autres indications, concernant l'organisation de la ceremonie, ont été données, mais on voyait surtout se profiler -et cela dès le premier jour de la cérémonie- les éléments du conflit entre les héritiers directs de la dynastie. De même apparaissaît une distance entre ce qui était dit du Menabe Sakalava, par référence aux tombeaux royaux où sont enterrés les rois dont on célèbre le culte (Benghe, Mahabo-Magneva, Tomboarivo et Tsianihy) (C'est-à-dire l'ancien Menabe historique de Ndrianinhanigna) et la représentation sociale effective dont témoignaient l'audience et la participation à la cérémonie, plus que réduite et géographiquement limitée à l'actuelle mairie de Belo. Enfin les fonctions administratives occupées par les héritiers Maroserana ont été énumérées, situant la cérémonie dans le contexte administratif de l'époque.

L'entretien a été arrêté par l'intervention d'une Sazoka (possédée) de Pierre Kamamy. Il s'est poursuivi en dehors du Rivotse, dans la case du Prince Mamy­ Kamamy, sur le thème de la comparaison entre l'organisation Maroserana passée et l'organisation administrative actuelle, et la nécessité de moderniser l'institution: il en a été ainsi des interdits concernant le travail pendant les jours Fady (néfastes) qui ont été levés, où la permissivité des relations hommes­ femmes durant le Fitampoha était génératrice de désordre, et pour laquelle il avait fallu au contraire les réintroduire. Les problèmes d'alliance des héritiers Maroserana n'ont été qu'effleurés.

II-I-2 Texte n02 - Avec le Fokonolona d'Andranofotsy - La distanciation du monde rural

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Cet entretien" avec le Fokonolona (assemblée de village) d'Andranofotsy est en quelque sorte un reportage. En effet, au bout de quelques jours passés à Ampasy, il nous est apparu que la participation des habitants des villages proches était réduite. Ainsi aucun habitant d'Andranofotsy, village du delta Nord de la Tsiribihina ne s'était déplacé, hormis un Andrasily, du fait de sa fonction de Mpibaby (porteur de Dady), et dont nous avons noté que du point de vue de la parenté c'était un fils, et un cadet. Le Fokonolona n'avait pas non plus participé au Fitampoha par des dons à la famille royale, rompant avec la tradition des prémices. Nous avons choisi de rendre visite à ce village, où nous avons été reçu sous le Kily (tamarinier, sous l'ombre duquel on reçoit les étrangers), par les notables, dont deux ou trois Mpitoka (chefs de lignage), leurs femmes et les enfants. En nous présentant comme désireux de connaître l'Histoire, nous avons cherché à comprendre la raison de cette apparente désaffection. - 49 -

B- Résumé du texte

Après la présentation de l'équipe d'enquête, une première définition du Fitampoha est donnée, moment du souvenir des ancêtres Ampanjaka (qui ont régné), de la transmission de cette histoire, et signe de reconnaissance. Une question sur la périodicité de la cérémonie oriente l'entretien sur les principes de la succession des Mpanjaka (rois) et sur les conflits de pouvoir, entre les rois Toera et Ingerezza à la veille de la colonisation, et pour le Fitampoha de 1968, entre les descendants actuels de la famille royale, Laguerre et Félix Kamamy. Le Fokonolona ne sera pas consulté, celui qui détient le Dady règne.

L'absence de participation du Fokonolona d'Andranofotsy pendant les jours précédant le bain des Dady correspond à une rupture dans la tradition d'hospitalité du Mpanjaka. D'autre part, le Fokonolona ne détient pas de fonctions rituelles, il n'a pas de Mpiamby (gardien des Dady) ; quelques precisions sont apportées sur la fonction des Mpiamby et les principes de succession dans cette fonction. Des questions posées sur les rapports des Vazaha (étrangers) avec les rois Sakalava au début de la colonisation amènent des réponses prudentes. Enfin la fonction objective du culte des Dady, celle d'implorer les Raza (ancêtres) pour obtenir de bonnes récoltes et une protection est suggérée.

C- Eléments d'information retenus

L'accueil qui nous était réservé dans ce villaç;e, montrait une distanciation vis-à-vis de l'équipe d'enquête, équivalente a celle que le Fokonolona prenait vis-à-vis de l'Institution Fitampoha. Comme étranger, nous avions pour eux partie liée avec cette manifestation, et ceci semblait encore augmenter la méfiance des villageois. A titre d'hypothèse, on peut évoquer une fonction latente du Fitampoha, celle de véhiculer l'idéologie d'un monde urbain en voie de formation, la famille royale étant largement impliquée dans c!i:­ processus. La microsociété Fitampoha apparaît comme un Fokoany (regroupement clanique) formé des parents, alliés dépendants, clientèle de la famille royale.

11-1-3 Texte n03 - Premier entretien avec Laguerre Kamamy Signification politique du Fitampoha et conflits de succession

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Cet entretien avec le Prince Laguerre-Kamamy, descendant de la branche aînée des Maroserana, et héritier lé9itime dans l'ordre de la succession dynastique, s'est déroulé avec un certain céremonial. La demande avait été faite la veille par la médiation des Mpiamby (gardiens des Dady), l'équipe d'enquête sera reçue dans la case du prétendant, qui assis sur sa natte, maintiendra une certaine distance. Le contexte général de l'interview est celui du conflit de succession entre Laguerre, contesté par la branche cadette parce que, fils aîné de Pierre Kamamy, il est issu d'une union avec une femme Makoa, et Félix et - 50 -

Vittel-Kamamy, sont issus de cette branche Maroserana-Vezo. Cette opposition se manifestera plus tard, au moment du bain des Dady, Laguerre apparaîssant cornme officiant dans la barque, alors que Félix et Vittel induiront la transgression majeure de l'eau 'sacrée que nous avons relatée plus haut.

B- Résumé du texte

Invité à donner la signification politique du Fitampoha dans le contexte de l'Etat moderne, Laguerre-Kamamy se garde bien d'opposer institution Fitampoha et Gouvernement. L'autonomie des Mpiamby, représentants naturels du peuple et garant de l'interprétation de la coutume (Fomba>, est entière dans la désignation du Mpanjaka. Selon la coutume, c'est l'aîné -donc lui-même- qui doit être investi du titre de Mpanjaka, et le fait qu'il soit fonctionnaire ne doit pas intervenir. Le conflit de succession a pour effet d'affaiblir l'audience du Fitampoha et explique par une mauvaise organisation le fait que l'assistance soit peu nombreuse. Le double enjeu du Fitampoha tant vis­ à-vis de l'héritage dynastique que de l'accès à l'administration est clairement indiqué. Est abordée la question de l'immatriculation des terres et du risque d'expropriation et celle de la perte du contrôle des boeufs, puis on revient au thème de l'organisation du Fitampoha telle qu'elle aurait dO se faire. Un paragraphe assez confus concerne le père de notre informateur, Pierre Kamamy, et le fait qu'il ait eu ou non une femme française, et par extension les rapports de Toera et Ingerezza à la veille de la colonisation.

Une distinction est faite entre le Tromba "banal", esprit inconnu qui s'exprime dans le Bilo, et le Tromba-Sazoka, esprit d'un Ampanjaka mort, et personnage important du Fitampoha qui exprime le mécontentement des Dady. Indications sur les fonctions des Mpiamby et des Mpibaby. Suit une partie descriptive des Sazoka qui arrivent. Notons la mention précise de l'interdit de _ l'eau sacrée.

C- Eléments d'information retenus

La signification du conflit interne à la famille royale est à rechercher dans les enjeux électoraux qui existaient à l'époque du Fitampoha: un an seulement après le Fitampoha, les élections organisees pour la mairie de Belo confirmaient le maire dans ses fonctions, mais amenaient un renouvellement de toute l'équipe municipale. Les villageois apparaissent comme indifférents car non-concernés par les élections. Nous avons noté chez certains villageois une prise de distance vis-à-vis de l'institution royale. Ce qui provoquera la colère, ce sera la transgression de l'interdit, manifestant l'irrespect vis-à-vis du caractère sacré des Dady. Ainsi, la croyance reste, mai l'Institution est niée dans sa fonction légitimante. - 51 -

11-1-4 Texte n 0 4 - Textes enregistrés au cours de la cérémonie du bain des Oady

A- Situation d'enguête et gualité des informateurs

La cérémonie du bain des Oady constitue le temps fort du Fitampoha. On se reportera pour la présentation du Fitampoha au travail de E. Nerina (l) qui s'intéresse plus aux éléments du rite, des symboles et des représentations, qu'à leur intégration dans une pratique sociale. D'autre part, cet auteur replace le Fitampoha de 1968 dans le contexte général de cette institution, alors que pour notre part, nous avons surtout cherché à en dégager les aspects spécifiques. Les textes qui suivent comprennent des fragments de Kabary (discours prononcés par Félix Kamamy, fils cadet de P. Kamamy et l'Adjoint au Maire de Belo, fonctionnaire présent le plus important), d'autre part des commentaires de l'assistance et de certains fonctionnaires du culte. On peut noter l'absence de la haute administration, Préfet, et du Maire de Belo, par ailleurs Ministre de l'Education Nationale. Ces interviews se situent entre la Tranolay (ou Rivotse, tente où se trouvent les Oady) au centre du village d'Ampasy, et le bord de la Tsiribihina dont une boucle entoure le village.

B- Résumé des textes

Le court Kabary, discours de l'Adjoint au Maire, intègre la ceremonie du Fitampoha dans l'ensemble national en rappelant les origines Tsimihety du Président Tsiranana, et en niant dans le même temps l'importance du clan vis-à-vis du Parti P.S.D. Il affirme surtout la continuité entre les institutions centrales, Pierre Kamamy et celui qui lui succédera. Le prince Félix Kamamy remercie à son tour le Gouvernement d'avoir autorisé le Fitampoha, et l'assure du soutien du Menabe. La question de la succession reste posée tout au long de la cérémonie, et sera le sujet de rumeurs et d'interprétations, les uns affirmant que Félix a été choisi, les autres en tenant pour Laguerre. Le prince Vittel semble être exclu de la succession. Description du défilé qui accompagne les Oady dans l'eau sacrée, identification des fonctionnaires du culte, commentée par les participants. A l'appui de la nomination de l'aîné, le prince Laguerre, le fait qu'il soit seul entré dans la barque. Un élément de distinction est noté, entre les Oady portés sur le dos, rois ayant régné, et ceux qu'on porte dans les bras (enfants ou dépendants). Le suspense sera gardé jusqu'au bout, chacun des trois frères pourrait régner -et un participant affirme que "dans le temps", le sort en décidait, mais Laguerre est l'aîné et préféré par les gens de la campagne, Félix est un instituteur plus proche de l'Administration et qui a modernisé les rites, Vittel est trop jeune et n'a pas grand'chose à offrir.

(1) Eléonore Nerina, Le Fitampoha, in "Les Souverains de Madagascar", Karthala, 1983. - 52 -

C- Eléments d'information retenus

Le premier élément à retenir est négatif: la prise de distance des hauts-fonctionnaires vis-à-vis du Fitampoha en 1968 est manifeste. Cependant que la ville de Be1o-sur-Tsiribihina était bien représentée, en particulier par les conseillers ruraux. La légitimité des fonctionnaires du culte, Mpibaby ou Mpiampy sera étudiée dans son aspect général et dans le contexte spécifique de l'époque où l'idéologie dominante s'organise autour du Dady-Ndremisara, tandis que des légitimités partielles intègrent les autres Dady cîtés dans le Toka-Maroserana. Enfin, les hauts-lieux de référence que sont les tombeaux de Tomboarivo­ Tsianihy, Mananjaka de Belo, les Tragnovinta de Kekarivo-Mitsinjo et BevUo, doivent être considérés comme le cadre spatial et temporel de l'émergence des Tromba-Sazoka ou des Tromba-Andrano. Ils témoignaient de l'intensité de la vie politique locale, sorte de médiation entre les villageois et l'administration dont l'enjeu restait l'accumulation des boeufs donc le contrôle des circuits d'échange. Enfin, cet évènement éclaire particulièrement le rapport au passé réel ou mythique de la société locale et le rôle des fonctionnaires originaires dans le processus d'intégration régional de ce Mena.be "historique" de Ndrianinhanina.

11-1-5 Texte n° 5 - Deuxième entretien avec Laguerre-Kamamy, après la cérémonie du bain des Dady - Orthodoxie et légitimité

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

C'est un personnage tout différent de celui qui nous a reçu lors du premier entretien que nous retrouvons ici au coeur de la cérémonie dynastique. Laguerre s'est senti doublement isolé, abandonné par le peuple Sakalava, et par l'Administration qui soutient ses frères Félix et Vitell. Dès lors, il se situe comme le prétendant légitime, et prône un retour aux sources dans le mode de désignation du Mpanjaka. Il peut s'appuyer sur les Sazoka (possédés d'un esprit royal) qui l'entourent et parlent au nom des ancêtres royaux.

B- Résumé du texte

Aux questions qui lui -sont posées par l'enquêteur, Laguerre répond avec autorité, celle qU'il définit par le titre (en français) de "représentant", le successeur designé par son père. Il définit clairement ses prérogatives, celles d'accompagner les Dady dans la pirogue, celles qu'il partage avec ses frères de porter le Lamba-Landy (vêtement rituel), ou les "rubans" que portent aussi certains fonctionnaires du culte. Des précisions sont apportées sur les interdits durant la cérémonie, les symboles rattachés à la façon de porter les Dady (les Dady des 4e et 8e rangs dans l'ordre de la cérémonie sont portés dans les bras et non sur le dos parce qu'ils n'ont pas régné), ou au bain (trempés à 4 reprises dans l'eau). - 53 -

Selon Laguerre, le peuple choisit le Mpanjaka que lui a désigné le père (ici, Pierre Kamamy), et il revient au conseil des notables (Vohitsy-chefs de lignage des groupes alliés aux Maroserana) de ratifier et consacrer ce choix. Compléments d'information concernant les fonctionnaires du culte: les Mpanompo (esclaves royaux) responsables de certains rites (quand se découvrir devant les Dady en signe de respect, interdit dont l'application semble avoir fait problème), les Mpibaby, dont les fonctions sont héréditaires et les lignages d'appartenance bien établis, les Mpiamby, dont l'indépendance économique est assurée vis-à-vis de la famille royale, et qui sont nommés et révoqués par le peuple (Vahoaka).

II-I-6 Texte n06 - Entretien avec Félice Kamamy, après la cérémonie du bain des Dady - Le Mpanjaka èclairè

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

C'est un prétendant, presque un candidat qui nous reçoit en la personne de Félice Kamamy (dit aussi Mamy-Kamamy), entouré de notabilités, représentants de la Mairie de Belo, membres du P.S.D. local. Notons que son discours s'adresse à travers nous à un étranger appartenant à l'Administration Malgache. Au soir de la cérémonie du bain des Dady, le conflit de succession reste ouvert, les points de vue des deux frères sont loin de se rapprocher et les mêmes éléments sont interprétés de manière toute différente.

B- Résumé du texte

Félice se présente comme le successeur désigné de Pierre Kamamy, choisi par les ancêtres parce que le plus capable dans les trois attributions du Mpanjaka, relations avec les étrangers, relations avec les ancêtres, relations avec le peuple. Il est légitimé par la bouche d'un Sazoka (possédé) de son père, et il ne reste plus au Menabe (1) qu'à le consacrer. Certes cette nomination peut mécontenter son frère Laguerre qui est l'aîné, mais lui, Félice, lui déléguerait le pouvoir d'organiser le culte des ancêtres, ainsi qu'il l'a fait ce jour même en le laissant officier dans la pirogue.

Son rôle dans la cérémonie a été de faire un Kabary' (discours) au peuple, et de lever des interdits (celui de rester découvert tout le temps de la cérémonie, celui de ne pas travailler les lundi, mercredi et dimanche, ou de ne pas se déplacer, et certaines marques de respect vis-à-vis des Dady. Il règnera bien que son travail d'instituteur, et une décision de l'Administration qu'il respecte l'oblige à demeurer à Tulear, mais justement son frère pourra le remplacer.

(l) Le Fitampoha, 1968. - 54 -

La fin de cet assez long entretien va porter sur la gestion des terres et des boeufs de la famille Kamamy. La plus grande partie des terres est cultivée par des métayers, qui, selon la nouvelle loi agraire, devraient en principe se les voir attribuer. Le Mpanjaka ne peut vendre ces terres qui sont des terres Lova (d'héritage) alors que les terres que l'on a acheté (Fila) peuvent être vendues. Réponses très vagues sur la question des boeufs. Discussion sur les Vohitsy, les Mpiamby, les Mpibaby, les porteurs de Fisoho (qui récoltent les écorces d'arbre servant de savon), leur Razana (parenté), leurs fonctions et leurs possessions en terres et en boeufs. Impression peu convaincante de l'ensemble de ces informations. Noter sur la question des boeufs que la tradition voulait que les boeufs blancs soient réservés au Mpanjaka, mais la famille Kamamy n'en possède plus.

c - Eléments d'informations retenus

Présenter l'histoire des fonctions administratives occupées par la lignée Maroserana, complétée en fin d'enquête et consignée p.

11-1-7 Texte nO 7 - Interviews et observations réalisés par C. Henriet et M. Henriet au cours de la cérémonie du Fitampoha de 1968 Parti-pris d'ouverture et souci de précision

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Intellectuels, respectivement pasteur et enseignante à Tananarive, familiers de l'approche anthropologique et installés à Madagascar depuis plusieurs années, M. Henriet et C. Henriet ont recueilli des documents originaux qui complètent notre information, nous permettant de recouper certaines de nos interprétations. La principale différence entre leur information et la nôtre, réside dans leur statut d'étranger: accueillis comme la plupart des étrangers présents à la cérémonie, ils ont été logés dans le quartier réservé à cet effet, non loin des familles de Mpiamby (gardiens des Dady, porteurs des objets ayant appartenu au roD et des Mpibaby (porteurs des Dady). Durant la cérémonie, nous n'avons à aucun moment opéré ensemble, en sorte que leur approche est restée indépendante de la nôtre. Notons ici le rôle des Sazoka (possédés d'un esprit royal) qui, fréquem ment, provoquaient les étrangers, en entrant en possession, pour leur dire qu'ils étaient indésirables ou au contraire leur marquer une certaine proximité. Le texte comprend la description des moments forts de la cérémonie, transport des Dady du Zomba (maison des Dady) de Belo à Ampasy, bain des Dady, discours prononcés, retour des Dady à Belo. - 55 -

B- Résumé des textes

Le texte commence par des indications concernant les Dady eux­ mêmes, le rôle éminent du Vohitsy (chef des Mpibaby), les Mpibaby et Mpiamby, les coutumes à respecter (en particulier un interdit concernant la jalousie entre époux), enfin ne deviennent Dady que les rois ayant régné (Claude Kamamy décédé en 1967 ne deviendra pas Dady). Les informations concernant l'origine des Dady et du Fitampoha, les relations avec l'Administration, la nature des clans représentés sont imprécises. L'exclusion des Antambihy est illustrée par un texte de tradition orale "l'aiguille dans la crotte de chien".

Dans une deuxième partie, l'enquête cherche à identifier les Raza (lignages) des différents Mpibaby (porteurs de Dady). A chaque Mpibaby et à chaque lignage est attribué l'un des dix Dady. Selon cet informateur:

Le Mpibaby du lignage Hirijy porte Ndremanotrona "" Misara Ndremisara "" Magnolobondro Ndremandresy " Vazimba Andremandriarivo " Andrenatelo Andretsynianarivo " Andrevola Andriamitsokanarivo " Andramballa Pierre Kamamy " Andralefy Ndriantserehe " "X" Andriamanetsinarivo Le lignage Vangovato est porteur de fusils Le lignage Sakoambe est porteur de sagaies Le lignage Andralefy est porteur de Lefona

Court échange mettant en scène l'opposition entre l'obébience politique (d'un dissident) et les liens de parenté. L'informateur est un membre de la famille royale.

Aperçu sur la cérémonie du Fikone (sacrifice du boeuf). La graisse servira à oindre les Dady. Le boeuf est fourni par le lignage Misara d'Ankilizato-Nord. La viande est destinée aux Sazoka (possédés, mais aussi serviteurs, esclaves).

Le texte éclaire les principes de succession de la famille Kamamy, bien qu'en l'absence de certitude quant à l'identité du ou des interlocuteurs, ces informations soient sujettes à caution. Filiation en ligne directe selon l'ordre de la primogéniture, les frères cadets règnant avant les fils de l'aîné; les femmes ne règnent jamais (sinon à Mahabo). Le frère de Pierre Kamamy ne peut lui succéder car ce n'est que son demi-frère. Indications concernant les tombeaux d'Ambiky, l'origine des Dady et les premiers Fitampoha. Sous sa forme "moderne", le premier Fitampoha est celébré en 1905 avec la restitution des Dady, puis en 1908 et 1915, avec l'assentiment du pouvoir colonial.

On trouve ici l'indication d'un conflit portant sur l'organisation du Fitampoha de 1968, l'élimination du Mpitoka (chef de lignage) Mahakasa, oncle maternel de Pierre Kamamy, et officiant en 1958. Accusé d'avoir commis une faute dans l'invocation aux Dady, et malgré sa compétence, il est démis de ses fonctions par Félice Kamamy. - S6 -

Le reste du document consiste en un descriptif détaillé du bain des Dady fait par un témoin oculaire, et dont l'analyse sort du cadre que nous nous sommes tracé.. Il comprend également les réponses à des questions posées lors d'interviews à caractère très directif et principalement axés sur les détails de la cérémonie.

C- Eléments d'information retenus

Le texte présenté ci-dessus contient de précieux éléments d'information sur la cérémonie du Fitampoha, à comparer à d'autres sources ethnographiques. Nous avons souligné cependant la difficulté de l'interprétation d'un texte isolé conçu selon une démarche différente de la nôtre. Certains points confirment ou précisent les thèmes que nous développons par ailleurs. L'information qui a paru la plus intéressante est celle qui complète l'analyse du conflit entre les héritiers, et qui a trait à la querelle de légitimité du Vohitsy, principal fonctionnaire du culte en 1958. Cette élimination n'apparaît nullement de façon aussi claire dans nos interviews, et nous pensons que ceci s'explique par la situation objective très différente que nous avons occupée, résidant près de la branche Vezo-Kamamy, et dépendant de l'Administration Malgache.

11-2 La cérémonie du Lohavogny à Tsianihy Une manifestion de la branche cadette Vezo-Kamamy

Le texte qui suit est le compte-rendu de la cérémonie du Lohavogny qui s'est déroulée à Tsianihy le 23 août 1969, un an après le Fitampoha. L'enquête a été volontairement confiée à 1'Assistant (originaire du Nord-Est) seul; le chercheur ayant été trop impliqué dans le Fitampoha opérant un repli stratégique. Il est suivi de 2 textes d'interviews, le Texte n~ étant antérieur au Lohavogny, et le premier qui ait suivi le Fitampoha de 1968.

COMPTE-RENDU DE LA CEREMONIE DU LOHAVOGNY A TSIANIHY

La cérémonie du Lohavogny accom pagne le nettoyage annuel de l'enceinte qui entoure les tombeaux royaux. Elle correspond pour le commun, à la cérémonie du Fafalolo. Les tombeaux de Tsianihy sont les tombeaux des rois Maroserana, qui sont Toera et la famille Kamamy. Les organisateurs de cette cérémonie étaient les princes Félice et Vittel-Kamamy, donc la branche Vezo­ Maroserana issue des soeurs d'origine Vezo mariées à Pierre Kamamy. Le prince Laguerre-Kamamy n'y sera en quelque sorte que comme invité. Sont invités également tous les Mpiamby de Tomboarivo, les Kinanga (possédés, qui sont Sazoka dans l'état de possession) des rois Ndrenilainarivo, Pierre Kamamy­ Kasatroka (soeur de Pierre Kamamy), Lebaria, (fils de P. Kamamy), enfin les villages de Kiboy, et Mahavelomy. - 57 -

1ère Partie: Préparation ou Mitsokomotro

La veille de la cérémonie, les Sazoka s'emparent de leurs Kinanga, et la famille vient les consulter sur le déroulement de la cérémonie, la boisson joue un rôle important dans cette préparation. Le lendemain, les Mpiamby vont au tombeau et nettoient l'enceinte. Entre temps, les Mpiamby de Tianihy et de Tomboarivo ont réparé le Zomba (maison des Dady-Maroserana). La véritable cérémonie commence à midi, au son de l'Antsiva situé au Nord Est de la Tragnovinta, en un lieu dénommé Halodahy. Les femmes s'installent au pied d'un autre Kily légèrement à l'Ouest de celui des hommes. Au Sud du Halodahy se trouve une sorte d'estrade sur laquelle se placent les Sazoka, le plus ancien Ndrenilainarivo de Tomboarivo au Sud, puis celui de Pierre Kamamy, celui de Lebaria, fils de Pierre Kamamy, et enfin celui de la femme de Pierre Kamamy. La famille royale s'installe par terre en face des Sazoka, et les nobles (Olohe) se placent au Sud des Sazoka. Les Mpiamby se mettent devant la Tragnovinta, préparent le Haramy (encens), déposent les Hazolahy, les Antsiva et d'autres ustensiles venant du Zomba. Quand l'encens braIe, le chef des Mpiamby adresse une prière qui dit en substance "nous allons vous ouvrir, ne soyez pas irrités". On ouvre alors les portes des cinq tombeaux qui se trouvent en avant, en commençant par celui de Toera, et deux Mpiamby l'annoncent l'un en sonnant de l'Antsiva

2ème Partie: Visite de la Tragnovinta et sacrifice du boeuf

L'entrée en scène des Sazoka lui sert de prologue. Le Sazoka­ Ndrenilainarivo rassemble autour de l'estrade tous les Mpiamby et le Menabe (le peuple), qui se placent tous devant les Sazoka, au Sud-Ouest. Les interventions des différents Sazoka, et la mise en scène du conflit de succession entre Laguerre et Félice Kamamy seront reprises ci-après, Texte n08, et analysées avec celui-ci.

Les assistants, du moins ceux qui n'ont plus leur père (seule la génération la plus ancienne en a le droit), entrent dans la _Tragnovinta (enceinte du tombeau royal) et boivent le Toaka-Tintely (alcool de miel) avec le Mpagnito (roi). La prière, si elle est faite est courte, ou écourtée par le prince qui ne la sait plus. Les objets du culte sont une simple carafe qui contient la boisson, et un Babaky (petite écuelle en bois avec laquelle on boit le Toaka). La cérémonie ne donne pas lieu à des échanges spécifiques, on discute plutôt de la qualité de la boisson. Les assistants jettent un coup d'oeil à l'intérieur des tombeaux, le Mpagnito n'en fait pas l'inspection. Finalement, le Mpagnito donne l'ordre aux Mpiamby de fermer les tombeaux et lève la séance.

Les Mpiamby referment les tombeaux, et tout le monde revient à sa place. Les femmes, sans se déplacer, continuent de chanter en frappant dans leurs - 58 -

HALODAY ­"'">- C'"> KIL Y :z Q -< (hommes ou -:; Endroi t des MENABE) >- chaussures Cl o~ Tombeau . ieu en KATRAfAY (joueur de VALIHA) (tombeau roya 1)

r Pied du KILY où se (,- ~. réunissent les MPIAMBY

·Qcocococococo 0)0

r-~ ZOMBA détrui t 1L--J1

~~'Cle' 10M" ('b"d.".)

Nouveau ZOMBA Etal où l'on fait le OTAKITAKY{sacrifice du boe f)·

rig i LOHAVOGHY à TSIHANIHY - 59 -

mains (Antsa). Aucun signe ou remerciements de la part du Mpanjaka ne clôture la cérémonie, les assistants et les Sazoka eux-mêmes s'en vont, et la suite se déroule dans le Zomba (maison des Dady, à 800 m de là).

Les Sazoka entrent dans le Zomba; ils y boivent, les femmes battent des mains et chantent quand arrive le Sazoka de Toera. Le moment du sacrifice du boeuf est arrivé (v. schéma ci-dessus). L'autel du sacrifice est orienté Nord-Sud, la tête du boeuf étant orientée au Sud. Le Mpanjaka et le Mpitoka se trouvent au Nord, le Prince Félice debout, le Mpitoka accroupi. Deux hommes portant le Hazolahy (tambour> se placent en arrière d'eux, un peu à l'écart, et se tiennent debout en battant le Hazolahy. Tous les Sazoka entourent le prince qui tient le sabre. Le Mpitoka (il s'agit de Mahaloka qui joue le rôle de Mpitoka temporaire, bien qu'il n'en ait pas le droit, fait la prière. Puis le Prince Félice tranche la gorge du boeuf avec son sabre, suivi par le couteau du Mpitoka. Un grand feu flambe à l'Est du lieu du Takytaky (sacrifice), et vient alors le moment du partage du boeuf. La part du Mpanjaka est grillée au feu qui est fait au bois de Katrafay, et lui et sa suite y mangent. Une autre part est distribuée à l'assistance (I).

11-2-1 Texte nog - Entretiens et interventions enregistrés au cours de la cérémonie du Lohavogny

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Les entretiens, en forme de dialogue, se déroulent sur le lieu même de la cérémonie. Le texte commence d'ailleurs avec la visite du tombeau royal de Tsianihy, commentée par le Prince Laguerre-Kamamy puis par le chef des Mpiamby, Mahaloka. Une longue séquence est constituée par l'enregistrement des paroles des Sazoka (possédés d'un esprit royaI> qui interviennent en prologue à la cérémonie. Autour de la possédée (Sazoka) de Ndrianilainarivo s'établit un dialogue avec les participants et avec les autres possédés, placés en situation hiérarchique par rapport à elle, en fonction des rapports de parenté entre les Dady qu'ils incarnent. Puis le dialogue reprend avec les différents acteurs de la ceremome." .

B- Résumé du texte

La viste du tombeau royal est l'occasion pour le chef des Mpiamby de présenter ceux qui occupent une fonction rituelle dans les cerémonies dynastiques. Ce sont des groupes de parents, et la règle est la division des tâches. Parmi eux se trouvent les femmes possédées de l'esprit des rois enterrés dans les tombeaux royaux.

(1) Au moment du partage du boeuf, l'Assistant ne sera pas présent car Laguerre l'a appelé dans sa case. Lui-même était absent au moment du Takytaky (sacrifice), s'étant volontairement tenu à l'écart. - 60 -

La séance de possession est centrée sur le conflit des alliés Maroserana : les Dady s'expriment, par la voix de leur Sazoka, prenant parti activement pour Félice Kamamy, exhortant L~guerre à accepter de céder le pouvoir au cadet, comme.l'a fait autrefois Ndremisara. Ce reportage est suivi de commentaires de Laguerre Kamamy sur le fonctionnement de l'administration et le rappel de sa position. Il conforte la légitimité de Mahaloka par rapport à Fandrohiza. L'entretien évolue vers l'analyse de l'organisation politique telle qu'elle existait du temps de Ndriamilafikarivo (P. Kamamy de son vivant), et en particulier" le rôle des Masondrano (ministres) élus dans les clans nobles et investis de la confiance du roi. Cette organisation est tombée avec la lutte Sakalava-Merina sous le règne de Radama 1er, qui est présentée comme un épisode de la colonisation, et qui aboutira à la mort de Toera à la suite d'une trahison. Au temps de Ndriamilafikarivo, ses rizières étaient cultivées et sa moisson faite, il recevait les prémices de la récolte de riz (Lohavogny: prémices) et le don des boeufs royaux (Tsimirango) qui porteraient une marque d'oreille particulière et seraient choisis parmi des boeufs d'une robe spéciale. La relation entre l'oq}anisation sociale et les fonctions attachées aux tombeaux royaux est abordee dans un paragraphe difficile de ce texte. La segmentation sociale, attestée par l'existence de plusieurs tombeaux royaux, ceux de Tomboarivo, Tsianihy, Mahabo-Magneva d'une part, pour les Misara ceux de Kekarivo, Mitsinjo, Befifitaha et pour les Maromany celui de Bevilo, ressort dans la référence à plusieurs lignages, affectés aux mêmes fonctions en des lieux géoGraphiquement distincts. Des termes précis englobent plusieurs groupes lignagers attachés aux mêmes tâches ,ainsi, les Tamoto recouvrent les membres des groupes Maromena, Marofohy, Tsibitiky, serviteurs, char~és de faire le nettoyage du tombeau, de la distribution de la boisson lors des cerémonies, et du gardiennage des boeufs royaux. Chez les Maromany ces esclaves s'appelaient Teboke, et chez les Misara, Famaly. Le texte montre la nécessite de la segmentation chez les descendants Maroserana, dont seul le descendant aîné pourra régner. Du rappel des luttes ayant opposé les royautés Sakalava, on peut retenir que les conflits "des héritiers Maroserana s'imposent toujours au peuple, et une citation du mythe de Ndremisara comme théorie de la non-violence à propos du conflit qui a opposé Toera à Ingerzeza. Le rôle des Antankarana, originaires de Vohemar, et amis du Dady­ Ndriamagnetsy (et dont on sait qu'ils ont confectionné les Dady) est évoqué à la fin de cet entretien.

C- Eléments d'information retenus

Un premier élément qui ressort de la séance de possession enregistrée est la f.onction politique des Tromba-Sazoka qui apparaît dans la manière dont ils tranchent le conflit de succession des héritiers Maroserana. Acteurs importants des cérémonies dynastiques, ils sont évidemment l'objet de manipulations politiques. - 61 -

11-2-2

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Cet entretien avec le Prince Lar;uerre Kamamy a lieu dans sa case à Belo sur Tsiribihina, huit jours avant la céremonie du Lohavogny, en présence du Chef de quartier Dafinely, d'origine Ndrenatelo, Mpibaby du Fitampoha en 1968. Il nous proposera de venir assister à la cérémonie quand elle aura lieu, et nous mettra en relation avec les Mpiamby de Tomboarivo et les Sazoka de ses Dady.

B- Résumé du texte

La première partie de l'entretien est consacrée à une description précise du rituel de la cérémonie du Lohavogny permettant une bonne approche du système symbolique:

- Préparation de la cérémonie Lohavogny • Choix de la période favorable pour la récolte du miel (qui sert à préparer le Toaka) par le Manantany (astrologue) • Invitations adressées à chaque chef de lignage • Cadeaux en alcool et en boeufs

- Fonctions assumées par les représentants des différents lignages au cours de la cérémonie (indicatives de la différenciation sociale) • Origine sociale du chef de lignage pouvant invoquer les ancêtres royaux durant la cérémonie: fonction du Vohitsy • Héritage royal, transmission héréditaire et cooptation (consensus). Laguerre Kamamy désigné par son père devant le peuple du Fitampoha de 1958.

- Moments cérémoniels • Veillée (2 jours avant) alcool et viande (de boeuf) • Cérémonie proprement dite, chants spécifiques, conque marine et tambour, partage hiérarchisé du boeuf sacrifié et grillé (part du roi = croupe, serviteurs = tête, Vohitse = poitrine, gardiens = morceaux pris à la périphérie de la poitrine)

- Interdits spécifiques de la cérémonie • Toute personne dont le père est encore vivant ne peut participer à la cérémonie à l'intérieur de l'enceinte royale • Les femmes, à l'exception des femmes Maroserana, ne sont pas admises à l'intérieur de l'enceinte royale • Les boeufs au pelage rouge et noir sont interdits pour le sacrifice et ils doivent être nécessairement castrés - 62 -

La seconde partie élargit le débat aux éléments de différenciation sociale passée et actuelle que contient la cérémonie:

- Rôle des clans Ziva des Maroserana, Andrevola, Sakoambe, Maromany, .Miandrarivo (?), qui représentent des alliances stabilisées.

- Rôle des clans nobles, touchant aux affaires des reliques, Marotsiraty, Andrambe, Andrasily, qui représentent les alliances avec les autochtones, encore validées à l'heure actuelle.

- Spécificité des Misara, à propos desquels est rapportée la tradition orale de l'abandon du pouvoir par Ndremisara à son frère cadet Ndremandresy.

Un dernier paragraphe enfin concerne la relation entre Lohavogny, Fitampoha et organisation passée Sakalava, et le Gouvernement actuel. La séparation des pouvoirs n'exclut pas des relations de complémentarité, ainsi les phénomènes naturels, sécheresse, érosion, n'obéissent pas aux lois de l'Administration, mais peuvent justifier d'une intervention dans l'ordre du culte des ancêtres.

C- Eléments d'information retenus

La présentation du Lohavogny anticipe sur le déroulement de la cérémonie telle que nous l'avons rapportée ci-dessus, et ne vaut qu'en référence à celle-ci. Nous retiendrons plutôt l'information qui a trait à l'actualité de la cérémonie Lohavogny dans la suite du Fitampoha de 1968.

Nous retrouvons dans ce texte la même rationalité symbolique qui s'est développée dans le Fitampoha, sur fond conflictuel, celui de l'héritage dynastiq':Je et sa relation avec des stratégies politiques locales où Ndremisara fait figure de référence unificatrice.

Notons aussi comment ces évènements sont liés au contexte économique par le recours aux ancêtres royaux dans les périodes de sécheresse. L'administration locale ne semble pas ignorer ce facteur, et ferait appel à Laguerre Kamamy pour ces invocations (cf. "Anthologie", Tome III, p. 131 à 170).

11-3 La réunion du Menabe à Tomboarivo - Pouvoir des Sazoka et mort de l'institution Mpagnito 08-09-1969)

La cérémonie du Lohavogny à Tsianihy, organisée par la branche cadette Vezo-Kamamy, s'était terminée sans aboutir à la solution du conflit de succession ouvert depuis le Fitampoha. Un mois plus tard, la réunion du Ménabe (ici, peuple ou ses représentants chargés de désigner le Mpagnito) est une nouvelle tentative pour le résoudre, inspirée par Laguerre Kamamy, donc la branche aînée. Cette assemblée sera également un échec, et l'institution Mpagnito en sortira affaiblie, le Menabe marquant sa distance vis-à-vis de la famille royale et de ses conflits. - 63 ­ RE UNION DU MEN ABE

1- LHY­ Z-HAHAKASA ­ [Antankara r

CilS • • 3-FILOHA­ ~-BABAKOIlY [Bej: [Sakoa .. be-Iol: 5-HOLErO [Kiboy: Fig. 1 [~ndrevolaJ Réunion du 6- rELICE- MEHABE de TOMBOARIVO et KAT::

Pieux pointus de KATHFAY IJIIJIIIIIIIIIIIIIII ,:", 1 _l.J rélice et notables de TOM90HI": s~ ( r•••• ._ 1) Il Ma ha 10 ka- MPi 311 bY- •.' Heha-Mpi3llby J Cl 1 Lehity 1 --." ~ zOHu----l CJ" ----1------La gy etcer t il i ns r epré sen tan t s :: 1 ,1 J ~--~~~!------::::::r:' J t

-l 111 II ~--l l Z0MBA AND APAN AMP( LA ·-tCJ c====J---t---ZOMBA [Gardien -Heha] . [g 1 ]Gardien Mahaloka]· '---_.....'

Fi 9 3 1 ~--l 1 Dt L '··1 ·····ZOMBA [Gardien en chef:Tsitova]·

L'astérisque qui accompagne les noms des acteurs de la cérémonie indique nos informateurs; l'on remarque que l'enquête a permis de tous les interviewer. - 64 -

Compte-rendu de la réunion du MENABE à TOMBOARIVO (18 et 19-09-69)

Cette assemblée se tient un jeudi soir à Tomboarivo. Y participent un Andrevola venant de Kiboy, un Sakoambe venant de Bejio, Flloha-Vohitse d'Andimaky, un Antankarana venant de Nosynanakomby-Anosibe, des habitants de Sahamaka et de Tomboarivo. La Famille Royale est représentée par Laguerre Kamamy et sa femme, Vittel, Félice et Sianaka. On s'installe dans la case du Tali-Be, le chef des Mpiamby (gardien des Dady) Tsitova. Les Mpiamby sont Tsitova, Heha, Mahaloka. Les Sazoka (possédés) présents sont Mahasiloko ou Ndrenilainarivo, Kamamy et Ndriantahoranarivo; les Kinanga (personnages qui sont possédés) sont Horojo-Sahamamy (Ndrenilainarivo), Edwige (Ndriantahora Vinany de son vivant), Tomara (Kamamy Pierre) Laurette (Kasatroka-Kimosy).

Première réunion

Les princes Vittel et Félice, précédés par Mahaloka le Mpiamby, et suivis d'autres Mpiamby se rendent à la case de Tsitova (où loge l'enquêteud. On forme un cercle en dehors et à l'Est de cette case (V. schéma ci-contre) autour duquel se disposent les participants: au nord, les partisants de Laguerre ou ceux qui le suivent, les Olo-Be (représentants) du Menabe. Au Sud, les Mpiamby et certains habitants de Tomboarivo du lignage Makoa, et qui soutiennent Félice. Il y aura peu de discussions, et il s'agit peut'être d'une rencontre improvisée. Le premier à prendre la parole est Mahaloka qui parle au nom de Félice et ses amis. Ils viennent pour demander la participation de l'assemblée à l'érection d'un Aloalo (pieu rituel> à l'endroit où est mort Ndrenilainarivo/Mahasiloka, à sa demande (celle de son Sazoka). L'atmosphère est très tendue, on se regarde, personne n'ose prendre la parole, par timidité ou parce que chacun est conscient du conflit sous-jacent. Après quelques minutes d'hésitation, Mahaloka reprend la parole pour inviter l'assistance à participer au Rombo (invocation des ancêtres sujets de la possession) cette nuit auprès du Sazoka-Andrianilainarivo, fait par la famille de Félice. Holefo, Andrevola venant de Kiboy prend à son tour la parole pour remercier le prince Félice et le porte-parole Mahaloka, il accepte au nom du parti de Laguerre, tout en précisant qu'ils ne sont pas venus pour cela. Flloha, le Vohitse, reprend à peu de chose près le même discours. La première réunion est terminée, on attend la tombée de la nuit et l'arrivée du Sazoka de Ndriantahoranarivo qui appelle (pour le Rombo).

Le culte de Ndrenilainarivo - Eclatement du conflit et intervention du Menabe

La première entrevue avait montré la division du groupe, Félice ayant le soutien des Mpiamby-Makoa de Tomboarivo, détenteurs du pouvoir à Tomboarivo. Celui-ci est manifeste lors de la seconde entrevue, où ils sont protégés par les Sazoka sauf Ndriantahora. Ainsi, l'Alohalo sera érigé à Antamboara, lieu où est enterré le roi Mahasiloko (nom posthume Ndrenilainarivo), et ce lieu est choisi par référence au tombeau de Tomboarivo, de façon que Tomboarivo reste un haut-lieu pour le Mpagnito du Menabe et pour tous les Maroserana. - 65 -

Les premiers installés sont les gens de Tomboarivo qui nous reçoivent. ILs sont réunis, discutant du vol d'étoffes et d'objets dans le Zomba (maison des Dady), dont on accuse Daniel. Laguerre et quelques Olo-Be arrivent. Le Sazoka­ Ndriantahora prend la parole, contestant le fait que le Verara (sabre du sacrifice) soit aux mains de Félice Kamamy. Les Olo-Be (représentants du Menabe) se placent entre les deux groupes qui s'opposent. Le Sazoka-Ndriantahora accuse Kamamy (son Sazoka) d'avoir délaissé son fils Laguerre et celui-ci s'en défend énergiquement.

C'est à ce moment qu'intervient le Menabe, par la bouche de son représentant Holefo qui demande à savoir exactement pourquoi on a donné le Verara à Félice. Il s'ensuit une discussion houleuse, et Mampitovo, Andrevola habitant à Tomboarivo exprime clairement la position du Menabe: "Nous ne voulons plus d'Ampagnito, que chacun reste chez soi, il n'y a plus de Menabe, abolissons tout. Car ce n'est plus la peine, et ce sont vous, les rois qui abolissez le pouvoir royal de vos descendants". De même Lehity, Makoa de Tomboarivo s'adresse aux Sazoka et leur dit: "vous n'êtes plus Mpagnito, il n'y a plus de respect, les traditions sont déjà abolies". La contestation s'exprime surtout chez les gens de Tomboarivo, à cause de la présence à leur porte du Zomba et des Karanka (tombeaux) qu'ils ont la charge de garder sans être payés. Les alliés de Laguerre ne trouvent plus rien à dire, la réunion se termine par une beuverie, et une bagarre éclate entre Tsimana et Lehity de Tomboarivo. On se donne rendez­ vous pour le lendemain.

Recherche d'un compromis

Le lendemain, les Sazoka-Kamamy et sa soeur Kasatroko se trouvent à Andapanampela, deuxième Zomba du Sud au Nord (V. schéma ci-dessus). Kamamy n'appelle à lui que Filoha, le Vohitse, Mahakasa, l'Antankarana, Babakony, le Sakoambe de Bejio et Laguerre Kamamy et leur dit de partager le territoire du Vohitse: à FIloha le territoire de Belo et Tsianihy pour le compte du roi Laguerre, à Mahaloka, Mpitoka de Tomboarivo, Katsao pour celui de Felice.

Le Menabe n'a pas pris part à la décision, puisqu'elle est prise par le Sazoka. Il se tait, puisque les formes légales ne sont pas respectées et qu'on ne lui reconnaît même plus le droit de parler. Laguerre et certains personnages du Menabe sont insatisfaits, mécontents de l'insuccès de la réunion. Dans son ensemble toutefois, le Menabe est satisfait de cet échec, il a abandonné le parti auquel il s'était rallié et ne le défend même plus. Au fond, ils laissent agir et parler les Sazoka dont la décision l'emportera de toute façon sur celle du Menabe.

On peut se demander si, du temps où le Mpagnito règnait encore, quand le Menabe exerçait son pouvoir de décision, il consultait alors les Sazoka. Car dans la scène décrite ci-dessus, les Sazoka ont bien pris la décision de conforter ou d'abolir l'Institution Royale. Avaient-ils déjà ce pouvoir? Ecoutons la réponse de Babakony, Olobe du lignage Sakoambe: "Dans le temps, c'était le Menabe qui prenait la décision. Actuellement, le Menabe laisse faire parce qu'il n'a plus le pouvoir, et ensuite ils ignorent le Mpagnito, puisque les règles traditionnelles ne - 66 -

sont plus respectées, et qu'il fait ce qu'il veut. Ce qui reste à l'heure actuelle, c'est une tradition, un vestige.•• Q. - Et depuis quand assiste-t-on à ce déclin de l'Institution Maroserana ? B. - Depuis Pierre Kamamy, c'est lui qui est à l'origine du déclin de l'Institution Maroserana. Pour commencer, il s'est converti au christianisme, ce qu'il ne devait pas faire. Ensuite, il a changé le rôle de chacun des lignages auprès des Dady, par exemple les Mpibaby. Et aujourd'hui, le Mpitoka-Mahaloka ne devrait pas jouer le rôle de Mpitoka­ Maroserana, mais ceei également remonte au temps de Pierre Kamamy.

Dernière réunion - Le verdict

Le lendemain, le Sazoka Pierre Kamamy confirme la division du rôle du Vohitse: FUoha est Mpitoka à Belo et à Tsianihy, tandis que Tomboarivo, Katsao, Bejio appartiennent à Mahaloka. Laguerre est abandonné, il ne reçoit que des paroles de réconciliation avec son frère. Les représentants du Menabe, peu nombreux lors de cette dernière réunion, n'insisteront pas. Tous l'abandonnent, ainsi en est-il de l'Andrevola de Kiboy, de Ndrenatelo, de Sahamaka et de bien d'autres. Finalement, au Zomba d'Andapanampela ne restent plus que Filoha le Vohitse, Laguerre et Babakony le Sakoambe, il n'y a plus aucun représentant de Tomboarivo. Un message particulier sera adressé à Laguerre, laissant le Menabe dans l'ignorance de sa propre fin. Peut'être assiste-t-on en effet à l'abolition de ce qui fut autrefois une institution puissante, l'assemblée du Menabe.

Epilogue

Félice Kamamy et ses partisans, gens de Tomboarivo et de Katsao, accompagnés par des Sazoka (Ndrenilainarivo, Pierre Kamamy) se rendent à l'endroit où se trouve la dépouille momifiée de Mahasiloka. Le cercueil en bois de Nanto, confectionné à la mort de Ndrenilainarivo est exposé sur un monticule de sable à l'ouest du village de Tomboarivo. On l'entoure d'une enceinte de pieux de bois épointés; c'est ce qu'on appelle le Fatyfaty.

Message du Sazoka Pierre Kamamy à son fils Laguerre

De bonne heure, vers 5 h du matin le Sazoka Pierre Kamamy fait réunir Laguerre, Fùoha le Vohitse, et Babakony le Sakoambe au Lapanampela (palais des femmes, Zomba indiqué sur le croquis pei-dessus). Ils seront cinq avec le Sazoka-Kasatroka soeur de Kamamy et Mampitova-Andrevola habitant à Tomboarivo. Il s'adresse alors à (son fils) Laguerre : il conseille à son fils Laguerre de ne pas écouter ce que disent les gens•••

"Moi-même je t'offre le Verara (sabre), je ne t'ai pas ôté ce Hazomanga auquel tu t'es accroché, il t'appartient encore, et tu le garderas jusqu'à ta mort. C'est devant le Vohitse que je parle, afin que ma parole soit respectee, car il est le représentant du Menabe. A-t-on déjà vu un Sazoka, ou un Tromba qui adopte un fils? Ctest bien sOr impossible. Donc dans tout ce que j'ai dit il n'y a pas de contradiction. - 67 -

Ce que je dis à Félice Kamamy et à ses admirateurs, ce sont des mensonges afin de les flatter. Ce n'est pas la réalité. Faites connaître au Menabe ma décision, car les admirateurs de Félice veulent t'éliminer. Pour apaiser leur rancune, il faut que je joue un double jeu, mais quant à toi, n'écoute pas ce que je leur dis.

Ainsi, se termina la réunion du Menabe à Tomboarivo en présence des Sazoka et des représentants du Menabe et des villageois de Tomboarivo.

ELEMENTS D'IN FORMATION RETENUS

Le groupe des alliés de Félice Kamamy est constitué d'anciens esclaves, les Mpiamby, représentés par les gens de Tomboarivo et d'autres campements des environs. Ils essaient par tous les moyens d'éliminer Laguerre pour plusieurs raisons:

- la première est qu'ils se mettent du côté de Félice pour des raisons matérielles, car Félice distribue du Toaka (alcool de miel> et cherche à les -attirer à lui, et qu'ils mettent à profit ce conflit interne au lignage du Mpagnito pour éliminer à tout jamais l'Institution Maroserana, qui les dérange dans une vie paisible dans l'îlot de Tomboarivo.

- La seconde est que Laguerre connait mieux la tradition historique Maroserana que Félice, et que cette connaissance empêche les anciens esclaves de relever la tête, mais les oblige au contraire à se baisser définitivement (rôle des Mpiamby, qui sont actuellement d'anciens esclaves). Conscients de cela, ils cherchent le moyen d'éliminer ce gêneur, et préfèrent se mettre du côté de Félice qui ferme les yeux par ignorance des règles traditionnelles.

Ainsi, les anciens esclaves essaient-ils de prendre une position dominante en abolissant l'Institution Mpagnito qui garde encore un certain pouvoir dans le Menabe. Leur quartier général se trouve à Tomboarivo, et ce village, qui fut le premier village Maroserana auprès de la Tsiribihina est occupé par les Makoa qui ont assis leur pouvoir depuis longtemps. Ils n'obéissent plus au Mpagnito, et attribuent le même pouvoir au Menabe. Ils se disent donc Menabe pour avoir réellement le pouvoir, et dès qu'ils accèdent à cette classe et ont droit au pouv.oir, ils enclenchent le processus d'abolition de cette institution gênante pour eux. Ils utilisent à cette fin les Kinanga possédés des Sazoka (esprit royal) auxquels les Mpagnito-Maroserana croient. En effet, les Raza (lignages) des Kinangana sont tous Makoa ou anciens esclaves. Ces fem mes se marient aux Mpiamby, et on voit aussi que sous cet angle les anciens esclaves peuvent dominer. Les Kinangana (possédées) utilisent aussi la fraude, comme elles connaissent exactement les rites des Sazoka, elles trouvent les moyens de ne pas être entièrement possédées: lors de la réunion du Menabe, le Sazoka­ Ndrenilainarivo est complètement saoule, au point de ne pas pouvoir se tenir debout, et de vomir, ce qui est inhabituel, car les possédés ne le sont pas même s'ils boivent beaucoup. Elle a d'ailleurs failli mourir au cours de la nuit, pour avoir feint la possession et pour avoir trop bu. Félice Kamamy profite de ce rapport avec les Makoa de Tomboarivo pour obtenir le Hazomanga qu'il disputait depuis tant d'années à Laguerre. - 68 -

Quel est le jeu du Menabe (représentants du peuple du Menabe) vis-à-vis de l'attitude provocante de Tomboarivo? On peut dire qu'ils n'entrent pas dans la mêlée, et pour comprendre leur point de vue, il faut remonter quelques années en arrière. Le Menabe actuellement n'est plus uni. Cela ne veut pas dire qu'il soit divisé, non, mais il se tait, il observe. Cet attentisme, ce silence sont les signes d'un déclin qui a pour origine le mécontentement, l'exaspération provoqués par Pierre Kamamy qui a commencé à ne plus respecter les règles traditionnelles. Prenons en pour preuve la façon dont Pierre Kamamy changeait l'ordre de la transmission du Hazomanga entre ses fils, d'abord à Laguerre, puis à Georges Kamamy en 1952, puis à nouveau à Laguerre. Au Fitampo~a (de 1968), il voulait encore donner le Verara (sabre rituel) à Félice Kamamy. Ainsi, il apparaît comme inconstant aux yeux du Menabe dans les décisions concernant sa succession. De même en ce qui concerne les rôles dévolus aux Mpiamby, Mpitoka, et Mpibaby, tout est changé. La conséquence sur le Menabe est celle que nous avons notee ci-dessus, car au lieu de manifester clairement son mécontentement, vis-à-vis de pratiques ne respectant pas la règle et retirant le pouvoir de décision au Menabe, ce Menabe se retire, observe et laisse faire. Quand maintenant Laguerre se trouve en difficulté et cherche secours auprès du Menabe, celui-ci ne refuse pas, mais on sent qu'il n'est plus là, qu'il ignore jusqu'à l'existence du Mpagnito. D'où la faible audience de la réunion du Menabe à Tomboarivo. Les quatre représentants sont pris de façon improvisée lors de leur passage à Belo, comme l'Andrevola de Kiboy. D'autres sont convoqués, mais ne viennent pas en prétextant qu'ils ne peuvent pas y aller: ainsi en est-il de Dafinely. Le Mpagnito n'est plus celui qu'on écoute, celui sur lequel on s'appuie. L'assemblée du Menabe a été détruite par Pierre Kamamy, et s'est écroulée, et le Menabe est conscient de cet écroulement et préfère s'abstenir. Cette rupture avec le Menabe n'est pas brutale, mais se manifeste petit à petit.

Il faut également rappeler que la plus grande partie du Menabe se trouve dans le nord, au Manambolo.

11-4 Retour sur le Fitampoha - 1969

11-4-1 Texte n° 10 - Entretien avec Laguerre-Kamamy à Belo Propos dépassionnés sur le Fitampoha

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Cet entretien est le premier que l'équipe d'enquête ait eu, un an après le Fitampoha de 1968, à Belo, lieu de résidence du Prince Laguerre Kamamy. Nous l'incluons ici car dans notre esprit, il était déterminant pour toute la suite de notre enquête. Rappelons en effet la transgression de l'interdit majeur par les étrangers et nous-mêmes, et la dramatisation qui avait suivi cet incident, dont nous pouvions craindre qu'il affecterait notre insertion sociale dans la région, et la crédibilité d'un projet de travail centré sur l'Histoire Sakalava. - 69 -

L'entretien s'est en définitive bien déroulé, c'est le prince Laguerre Kamamy lui-même qui nous a présenté aux gardiens de tombeaux de Tsianihy qui nous ont reconnu, et nous avons visité ces tombeaux. Au bout de quelques jours, nous nous som mes convaincu que l'incident avait été banalisé, de même que la participation au Lohavogny nous a montré qu'était banalisé le conflit entre les héritiers Maroserana.

B- Résumé du texte

Interrogé sur l'origine du Menabe, Laguerre Kamamy en trace les limites géographiques, notamment la limite Sud qui sépare le Menabe, au nord, du Fierena, région de Manja, au Sud. Un long développement expose sous une forme idéalisée l'origine des Mpanjaka du Menabe. Ndremisara et Ndremandresy étaient deux frères. Ndremisara, l'aîné, le plus sage, versé dans les arts du bois, abandonne le pouvoir au profit de son cadet, abdiquant devant le peuple et s'assurant de la bienveillance des Razana (ancêtres) par des sacrifices de bœufs. Un Hazomanga (pieu de circoncision) sera planté à l'Est de la maison du Mpanjaka, signe de ce transfert de pouvoir. Ainsi la branche cadette issue de Ndremandresy donnera naissance à la dynastie des Maroserana (qui signifierait "ceux qui sont chez eux partout"). Des trois branches d'origine royale, seuls les Maroserana auront le pouvoir de confectionner les Dady, les Ndremisara et les Maromany conservant le droit d'avoir un tombeau (Tragnovinta). De nouvelles précisions sont apportées sur la confection des Dady, leur composition, la répartition des tâches attribuées à certaines castes (les Antavela confectionnent seulement les boites, les Antankarana et les Ndrenatelo les reliques, les Mpibaby portent le Dady appartenant à leur caste). La situation des Mpiamby est différente, nommés par le Vahoaka (le peuple), il suffit qu'ils ne soient pas d'une caste esclave, et la charge n'est pas forcément héréditaire.

Laguerre Kamamy décrit l'organisation du Fitampoha, telle qu'elle existait du temps de son père: à l'initiative du fils aîné, une réunion des familles nobles autour de la famille royale établissait la liste des Mpibaby, une autre procédait au partage des responsabilités, Mpibaby, .porteurs de fusils, porteurs de Lefona (sagaie), de Basy (marmites en terre), envoyés du roi chargés d'inviter les gens des villages (Masondrano). A l'opposé de cette tradition, en 1968, c'est le cadet, Félice Kamamy qui a décidé seul de demander l'autorisation du gouvernement, alors même que lui, Laguerre Kamamy avait été désigné par son père en 1956 comme héritier des Maroserana et que cela avait été confirmé en 1957. De là vient la mauvaise organisation du Fitampoha en 1968, notamment le refus du peuple d'offrir ses boeufs. Ainsi, comme pour Ndremisara et Ndremandresy, c'est le fils aîné qui est le détenteur du pouvoir, il peut le céder au cadet mais c'est à lui qu'il appartient de le faire. C'est pourquoi seul Laguerre Kamamy est monté dans la pirogue pour le bain des Dady. Cette affirmation de légitimité repose aussi sur le fait que le conflit oppose des frères de mères différentes. La fin de ce texte apporte peu d'éléments autres qu'anecdotiques sur le Fitampoha, le sort des boeufs royaux, les prérogatives du Mpanjaka. - 70 -

E- GENEALOGIE DE FILOHA

1 - TS) 0NDA cr ~ -r.---, _.>--_._--j ,-__t-M_PELArO/YÇ;? -NORI.AMBOLA cr 4-NDR l ArvlB,u.R INDRY cr .

8-MATS1ROBOLA~ 7-HO~N y 6-LAlEN,OKE Ç;?

9_HIl:AZAcr 10-T IVELOMA Inconnue 0 "t-- cr r.,. I~SAY 12 - TS y In:pnnUe

LEGENDE: INOrE:S: 1,2,3,4,5, Du clan MAROSERANA l )Les MATSEROB(lL.~ dont HILAZA, 7 Du clan VAZIMBA -MAROLAHY premier gouverneur de BELO,ont élevé le prünce héritier P. KAMA!"lY Rapport de descendance (coonsanguinité) Z) TS I\!ELOI~lA était MP ITOKA-!"lAROSERANA ï....,...r r~ariage TSIFOSAY, son fils lui a succédé Gans sa fonction Sexe masculin ()cr Puis, VARINDRY, MFITOKA de KAMAMY prit ~ Sexe féminin l a succession. C'est certainement un oncle • Informateur:Cf texte N0 12-13 1 ou un cousin de FILDHA Rapports sociaux fondateurs dJ Enfin FILDHfl, fils de ïSIFOSAY reprit la ·u la légitimité MPROSERANA fan ction de MPITOKA MARDSERANA s- lb' MFIBABY de NDRIAMAGNETSY 3) Idéologie matrilignagère J- G[\r~LUGll MAROSERA\A - De la légcnd~ è l'hlstoirp

Chép. 3 1- RPMIKHlIKld'L.....r__---...... -- --,._ï2- Inconnue

3- Fille<;?

Chap. 3 6- VAÙniORIOd' ~ . 7- RAV';Or-'IENAd'

8- RAvlOtJ,EOKYd' tr . 9- RAWlùFOTYd'

10- BARtRATAVOKOKEd'

11- VOKtKETSIMIBABY(f 13- HIRIJY d'

12- NDRtA~lANDAZORA(f ï Chap. 3

------~ende et Notes N° I- Le premier homme (Maroseragna) N° 13 est le premier Hirijy donneur de Après la mort du nO 2, il épousa femme au roi. Ses deux filles sa 3e fille nO 5- 15 aînée, 14 cadette) étaient les De cette liaison est né le nO 6 ( enfant épouses du nO 12. incestueux). N° 16 et 17 deux frères issus de deux N° 6-7-8-9-10-11- Il est difficile de déter­ soeurs. miner leur sexe. N° 16 n'a pas eu d'enfant N° 17 est le matoe vrai des Maroserana (ancêtre personnalisé) N° 16 et 17 sont les premiers Dédy iag~ Ma ... Idéolo~ : L' informélteur Filoha, Mpitoka S llxe ma çc.u. Li V\ des ~AROSERA~A au Fitampoha 1968 présente les traditions orales fondatrices du S ~ "10 e ~ ~ r~1. 1 f"\ : rl . pouvoir royal. - 71 -

C- Eléments d'information retenus

Un an après le Fitampoha, l'héritier à la succession dynastique reprend à son compte la légitimité de Ndremisara, exprimée cette fois de manière positive: A-t-il entre temps intériorisé le fait que dans la réalité il ne règne pas, il n'apparaît pas comme son demi-frère étant comme le représentant des Maroserana dans le système d'influence administrative? Se satisfait-il de régner dans la pratique, c'est-à-dire de rester influent au niveau du pouvoir local? En montage thématique, la manière dont il se réfère à Ndremisara complètera celle présentée par bien d'autres informateurs, qui permet de mettre en evidence les théories sociales-historiques de Ndremisara, fondatrices de légitimités nouvelles.

11-4-2 Textes n° 11 et 12 - Entretiens avec Filoha à Andimaky et Andranofotsy (30-09 -69 et 08-10-69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Notre informateur, Filoha, était le Mpitoka du Fitampoha de 1968, celui qui avait pour charge d'invoquer les ancêtres royaux Maroserana au cours de la cérémonie. Il résidait à Andimaky, compement 'situé dans le delta nord de la Tsiribihina, rattaché au village d'Andranofotsy. Le premier de ces deux entretiens a suivi celui que nous relatons par ailleurs (Texte n° 25, p.llO) avec les Mpitoka (chef de li&,nage) du village d'Andranofotsy et auquel Filoha avait participé. Il a eu lieu a Andranofotsy. Le second obtenu suite à notre demande, a eu lieu à Andimaky; il fut mené dans un contexte rituel, et n'a pu commencer qu'une fois le soleil couché car le jour choisi était Fady (interdit) pour les rois Maroserana.

Ces entretiens concernent tout à la fois la fonction rituelle de l'informateur qu'il exerce du fait de son ascendance matrilinéaire Marolahy et les traditions lignagères provenant de son appartenance patrilignagère Vazimba­ Tsimahalilo. Il n'exerçait la fonction de Mpitoka-Maroserana que depuis le "règne" de Pierre Kamamy, mais son père était déjà Mpitoka de Ndrianinhanina (nom posthume de Ndriandahifotsy), roi régnant à Mahabo. Vis-à-vis du village d'Andranofotsy, il était socialement marginal, car il avait comme seul lien de parenté, un lien de mariage avec la soeur de Nampia, ancêtre Tsitompa fondateur du village, mais dont il avait divorcé. Cependant, à l'occasion de notre enquête, il a participé à la cérémonie de circoncision des Andralefy, dont une partie résidait à Andimaky et est fortement représentée dans les Tromba­ Andrano d'Andranofotsy. Lui-même participe aux Tromba-Andrano qui regroupent une bonne partie des résidents d'Andimaky (la composition du campement a pu être étudiée au cours de ces entretiens). - 72 -

B- Résumé des textes

Le texte recueilli à Andranofotsy concerne plus directement l'appartenance patrilignagère de notre interlocuteur dans ses rapports avec son origine royale Marolahy, des commentaires sur les photos du Fitampoha de 1939, 1958 et 1968 et le récit du voyage organisé par Pierre Kamamy au sources premières de la royauté à Benghe (information qui fut également donnée par les autres Mpitoka qui avaient participé à ce "pélerinage"). La synthèse personnelle que fait notre informateur de sa double appartenance lignagère apparatt dans ce texte. Elle témoigne du jeu politique qui est possible au travers de la parenté où l'une des clefs du contrôle social de l'espace et du temps réside semble-t-il dans ces possibilités de déplacement. Les légitimités que notre informateur revendiquait dans le cadre de l'exercice de ses fonctions rituelles font tomber l'image d'Epinal de la succession dynastique patrilinéaire et de primogéniture, et montrent alors mieux le jeu concret et complexe de la recherche d'une identité lignagère satisfaisante à travers les mutliples alliances possibles. Le texte permettra ce jeu de reconstruction sociale, puzzle à plus de mille pièces, en fournissant les points de repère nécessaires: organisation sociale des tombeaux royaux et des haut-lieux sont témoins d'une segmentation sociale antérieure au fait colonial. Mais le texte ne va pas jusqu'à dévoiler le secret des tombeaux qui serait pourtant la meilleure base historique•••

Le texte pris à Andimaky concerne essentiellement l'institution dynastique Fitampoha et Lohavogny, le conflit des héritiers qui a éclaté à ces occasions, l'organisation sociale de la Tsiribihy du temps de Pierre Kamamy, et la fonction spécifique que lui ruoha occupait comme Marolahy. Il a bien distingué sa fonction de Mpibaby de celle de Mpiamby, en montrant qu'il pouvait tout à la fois invoquer les ancêtres Maroserana et ses propres ancêtres, de par sa qualité de Maroserana-Mananila, sa qualité de noble par sa lignée matrilinéaire royale, alors que les alliés matrilinéaires des rois sont loin d'être tous d'origine royale. Ces derniers, s'ils font le Toka (prière des Maroserana), ne peuvent exercer la fonction de Mpitoka dans leur propre lignage, ils doivent alors déléguer cette fonction à leur frère. Le type d'information transmis se veut systématique, puisqu'elle part de l'invocation des rois (Toka) qui sera commentée sous forme de petites traditions concernant autant la période mythique que la période historique réelle. Le Toka (voir Tome I) comprend la version généalogique du mythe de Ramiky-Miky et Vatovoria. Par la suite ont été discutées les divisions sociales passées et actuelles autour des fonctions assurées par les différents lignages par rapport à l'Institution Royale, leur répartition géographique et leur segmentation. Les hauts-lieux, tombeaux royaux et Tragnovinta sont de bons points de repère de cette segmentation sociale déjà amorcée avant la colonisation. Le texte montre comment les segmentations dynastiques entrainent celles de leurs alliés dépendants. L'information centrale, qui aurait pu être noyée dans une enquête un peu trop systématique sur les Fitampoha, si nous n'avions connu la position sociale de notre interlocuteur dans la vie sociale et politique au plan local, concernait le Dady-Ndriamagnetsy (celui dont il avait la charge, et qu'il portait en tant que Mpibaby). Il nous rapporte qu'il est issu de l'eau, expliquant par là sa participation aux Tromba-Andrano du village. Ainsi les mythes d'origine de la royaute ont-ils une fonction justificatrice de son comportement dans les cérémonies dynastiques et dans les Tromba-Andrano dont il est adepte. - 73 -

A- GENEALOGIE DE MAHAKASA

1- IABOSANDRYd'

2-T5IANITSY+ d'

~ , 3-HA~INY 9 4-KENEKE 9 t-~~ 7-TSITAKOAcr 5-RELOPY cr ~ 8-Fame ,MAKOA~ t 6- Tl~,,-O_R_A_cr__+-F_emre_~.In:crn.e9 12-HOE.,tl.O_K_E--:Q~_1_3_-~r~(MGHDFftlY'cr

9-ingerezzad' 11-~ELY9 14-HQLEFOd' 15-BOAYd' 16-NIHANGYd' - l . 17-TSIMIHITATS~ IB-HANJAVOAd' 19-BOS IPO

20- ..MAHAKASA cr

Légende: Notes: Rapport de descendance 1-D0UBLE LEGIr 11'1 ATl 0i'l : (consanguinité) Alliance du roi NDRIANTAHORA (TA~ORA) et d'un Prince MAHAFALY.Lien de ZIVA scellé pour don de L....J' Mariage boeuf de 4 ans.Marques d'oreille de boeufs données d'() Sexe masc~lin aux descendants seront le signe de la reconnaissance l à~5-S~~ê~;~'~N~NTAKARANA, des deux groupes MAROSERAN~~ MAHA~ALY rivau~ et .. l' t d l f b' apparentés. Le ZIVA lève l 1nterd1t des mar1aaes spec1a 1S es e a a r1":" ,. . . ~ , d DADY entre COUS1ns cro1ses.Marque d'ore1lle des boeufs, ca t lon es est celle des rois KOPOKE 6­ Ancien roi (i'mIA\JT.A.l-ŒMAAIVO 7- Descendants TSITOMPA à II-IDEOLOGIE: ANDRANOFOTSY a) ANTANKARANA,spécialistes de la confection des DAO' 12- Marotsiraty i1isara 6,11,12,13- ZIVA, don de femme b)ZIVA et de marque d'oreilles .c) Prévalence des rapports de descendance en ligne de beouFs maternelle. Rapport statutaire fondé sur le lien ZIV~ 15 à 19, Frères et soeurs de La légitimité sociale actuelle est fondée sur l'ori­ holefo,père de MAHAKA5A gine des mères MI5ARA et MAROT5IRATY Do Rapport Nord-Sud • Informateur-textes 13-14 - 74 -

C- Eléments d'information retenus

Le texte apporte une information complémentaire sur le conflit dynastique et sa solution dans le cadre du Lohavogny.

Le Toka (invocation des rois Sakalava) est un élément important de l'analyse que nous avons faite (V. chap. III, Tome 0 de la manière dont la société interprète son passé. En effet, les traditions orales de la période mythique, malgré leur contenu parfois lapidaire et leur forme dialoguée, sont évidemment chargées du contexte précis du Fitampoha de 1968. La version généalogique du mythe de Ramiky-Miky et Vatovoria était indicative des rapports constitutifs du roi et du peuple à ce moment de l'enquête. Notre informateur s'est référé à deux périodes, la période tout à fait mythique entre les premiers rois Sakalava et Ndriamagnetsy (dont il est le Mpibaby) et la période plus récente -avant 1850-qui concerne les rois enterrés à Tomboarivo et Tsianihy. Ces mêmes périodes seront cîtées dans d'autres sources, nous permettant de les analyser comme les niveaux idéologiques exploités au cours de l'évènement.

Les rapports entre la hiérarchie sociale passée et la hiérarchie sociale actuelle sont parfaitement illustrés par l'analyse des tombeaux royaux et des Hauts-lieux. Cette information se recoupe avec celle fournie par d'autres textes (notamment Texte d'entretien avec Mahakasa nO 13 et 14 qui suivent) et nous servira dans la présentation de la région à la veille de la colonisation.

L'analyse enfin de la situation et de la position sociale de notre informateur nous permet de tenter une explication de la contradiction matrilignages partrilignages, celle qui nous paraît le mieux coincider avec la lecture qui pouvait être faite des mythes d'origine de la royauté dont il nous avait parlé. Sa participation aux Tromba-Andrano témoigne d'une forme larvée de contestation de l'institution royale, première explicitation des relations Tromba-Fitampoha que nous avons développées (V. Chap. V et VI, Tome O.

11-4-3 Textes nO 13 et 14 - Entretiens avec Josoa-Mahakasa à Anosibe et Belo 08-09 -69 et 22-09 -69 )

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Le premier entretien avec Josoa-Mahakasa a eu lieu après la Réunion du Menabe, sur le lieu de résidence de notre informateur Anosibe, cameement difficile d'accès situé dans le Delta, au nord de Belo. Le second a eu lieu a Belo, où résidait sa fille, et devant la famille réunie le soir à cet effet.

Josoa-Mahakasa est un Masy (devin), origine Antankarana, et jouissant d'une position favorable dans l'ancien ordre royal, par sa qualité de descendant direct de Toera par les femmes. A l'égard des héritiers Maroserana, il occupait une position d'oncle maternel. Il atteste par ailleurs de son origine récente Makoa, dans un contexte politique où les élections à la mairie de Belo qui se préparaient, allaient les évincer au profit des groupes alliés Maroserana, Misara- - 75 -

Vezo. Quant à la référence Antankarana, elle était globalement utilisée dans la région de Belo par des Mpitoka (chefs de lignage) qui faisaient prévaloir l'intégration politique et économique Nord-Sud; elle remonte au règne de Vinany (nom posthume Ndriantahoranarivo).

Il nous a livré des informations importantes, en raison -nous a-t-il dit dans le texte- de sa réprobation devant la dégradation des traditions et de l'ancien ordre royal auquel lui-même participait. Le second entretien, par la présence de ses enfants et petits-enfans prenait l'allure d'un testament.

B- Résumé de ces textes

Cet informateur nous livre une photographie intéressante des relations qui existaient à la période pré-coloniale, et en particulier atteste les relations de Toera avec les chefs arabes Comoriens. Dans les relations de Toera et Ingerezza, frères nés de deux mères différentes, dont l'un était d'origine Makoa par sa mère mais aîné (Ingerezza), l'autre d'ori~ine Misara par sa mère mais cadet (Toera), on trouve le conflit de légitimite, qui ressurgit dans les conflits des générations actuelles dans le contexte nouveau de l'Indépendance qui réactive ces divisions. A propos du Fitampoha, de son origine et de l'origine des Dady, le texte éclaire plusieurs points restés obscurs. Le premier Fitampoha, qui aurait eu lieu alors que Ndrianinhanina avait dix ans, (d'où la tradition d'une périodicité de dix ans) serait la transformation d'un culte antérieur, le culte des prémices. A l'occasion de celui-ci, le peuple offrait au roi les premiers grains de la récolte du riz, et on distillait aussi l'alcool de miel. Cette cérémonie était annuelle. Son sens fut élargi, et son objet déplacé sur la demande de la fem me Sakoambe du roi qui exigeait la légitimation de son fils devant le peuple. C'est de ce moment que lui fut attribué le nom posthume de Ndriamagnetsy. Il apparaît dans ce texte, que cette légitimation ne s'est pas faite sans problème (vol de Dady ?).

Notre informateur, de par son origine mythique Antankarana, de la branche Zafimanely-Sakalava venue du Sud, est devenu spécialiste de la confection des Dady. Dans le Sud, ces Dady ont été l'enjeu de luttes entre formations sociales rivales, et plus particulièrement celles dont sont issues les grandes dynasties du Sud, celles-là même cependant dont les traditions montrent qu'elles sont très attachées à démontrer une origine première unique. Les Dady furent encore objet de luttes à l'intérieur de la formation Maroserana, entre les héritiers présomptifs. Tous ne pouvant pas régner, certains d'entre eux, bien que directement apparentés au roi, sont devenus Ana-Dapa (vassaux) (ce qui semble être le cas des ancêtres mythiques de notre informateur>. Ces descendants Ana­ Dapa, ne pouvant régner dans leur région d'origine, étaient condamnés à la migration s'ils souhaitaient légitimer leur appartenance royale, et se sont donc alliés à d'autres familles régnantes dans les régions de migration. C'est d'ailleurs ainsi que le Royaume Sakalava s'est étendu à toute la côte Ouest de l'Ile. C'est là la raison de la migration des ancêtres mythiques de notre informateur, Masy (devins) de par leur origine Antankarana et descendants des rois Zafimanely, l'intégration Nord-Sud se faisant grâce au lien Ziva, référence constante des relations établies selon cet axe. - 76 -

Enfin ces Dady sont restés ce lieu des luttes pour la légitimité du pouvoir qu'ils étaient à l'origine, et ce quelle que soit la forme du pouvoir, et malgré les manipulations dont ils furent l'objet, au temps de la colonisation et depuis l'Indépendance par le fait des originaires qui ont acquis un pouvoir au sein de la Haute Administration.

C- Eléments d'information retenus

Nous avons pris appui sur ces deux textes, dont la traduction était loin d'être satisfaisante, pour présenter l'image donnée du Menabe à la veille de la colonisation dans la première partie de ce travail (V. Chap. III et IV, Tome 1). En effet, l'information qu'ils apportent sur les règnes de Toera et Ingerezza est d'autant plus intéressante qu'elle est précise sur des éléments de différenciation sociale qui ressurgissent dans les conflits actuels. C'est la qualité de l'informateur qui fait la valeur de ce document, en dépit des anachronismes ou des erreurs. Celles-ci ne sont certes pas plus nombreuses que dans les documents d'archive de cette époque, ou les carnets manuscrits de Grandidier (0, qui présentent une observation juste, mais restituent une réalité sociale "aplatie" compte tenu de son statut et de sa faible insertion au cours de ses missions.

Le mythe de Ndremisara rapporté dans ces textes fera l'objet d'une présentation thématique (2). Ce thème fonde l'analyse transversale de la société a laquelle nous nous sommes attaché, car ce mythe fut cité en d~ multiples occasions et sous diverses formes; il constitue le noyau rationnel de notre étude.

11-4-4- Textes nO 15 et 16 - Entretien avec Tsiheniagny, Mpitoka­ - Hiriiy de Moravagno (3) A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur.

Nous avons eu deux entretiens avec cet informateur. Le premier, le groupe d'enquête composé du tandem assistant malgache-chercheur étranger, assisté du Mpitoka (chef de lignage) Tsimangataky (originaire d'Aboalimena et résidant à Andranofotsy). Ce médiateur a été fort efficace, sachant éviter les questions qui auraient pu le mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ses parents ou accuser les tensions existantes entre groupes lignagers co-résidents. Lors de ce premier passage toutefois, l'accueil fut réservé, prudent, la case où nous avons logé n'était pas celle que l'on attribue ordinairement aux invités de marque. Les informations données ont été libérées sous le contrôle du Mpitoka-Hirijy (Tsihenjagny). En revanche, lors du second passage de l'assistant, venu cette fois seul, l'accueil fut chaleureux. On lui réservera une belle case à deux chambres a vec nattes et meublée d'une table et d'une chaise.

(0 Cf. ci-dessus. (2) Chapitre III, Tome 1 et Tome III, p.162. (3) Le village de Moravagno est situé à mi-chemin entre la vallée de la Tsiribihina, et le Manambolo, sur la piste non carrossable. Nous sommes passé à plusieurs reprises dans ce village d'accès difficile, étape obligatoire entre Aboalimena et Andramasay. - 77 -

B- GENEALOGIE DE TSIHENJAGNY

I-Père de Tsim i po l_y_Ocr --2---N-I-A~V0 TSE 9 T i · - 3-TSIMJP[lLYcr 5 -1"1_,l A__VOT rRA RI Vrd'

. ~~ 8-ITère MI SA RA

9- MAR I ~,-K_E....;cr=-______12 -F~ H1RI J Y~

14-F emme ~_nconnue 9 _ . 13- REN~NGOTSE (j

15·- T5 1~JAGNYcl' .Hirijy-Prdrarbe)

Légende: Notes: 1- hirijy Alliance: Référence de caste MISARA 2- Maromany MIAVOTRARIVO-HIRIJY. 3- Père adoptif de TSIMANENDRE Le N°7 s'appuie sur le clan de son père (Tsimar.andray) adoptif N°3, HIRIJY, clan dooneur de femmes aux souverains.Marques d'oreille de boeufs 4- Princesse MISARA de Benghe TSI~IAHABE 9,13,15- Ttombeau d'ANKILIDA 4 , 5 , 7- Tombeau de BEF IF I TA HA Idéologie: Rapport statutaire 1,2,3, 7-Rapports sociaux fondateurs Préférence patrilignagère.Revendi~ation d'autochtonie par élimination de l'identité du tombeau d'ANKILIDAHA misara, toutes des femmes.Nouveau tombeau ~ Rapport de descendance à ANKILIDAHA.C'est une segmentation de (rnnsanguinité) celui de BEF IF ITAHA )- Rayport d'adoption Mide de légitimation des rapports actuels: Mpitoka HIRIJY de MORAVAGNO. Sexe masculin Sexe féminin Informateur:Texte 15-16 4,5,6-Tombeau MISARA de BEFIFITAHA TSITSAHA est gardien de ce tombeau:Textes N° 23,47,48 - 78 -

L'objet des entretiens, présenté par l'assistant comme orientés sur l'Histoire qui, "écrite essentiellement par des étrangers souffre de beaucoup d'imprécisions ou d'erreurs",' a été bien perçu par notre informateur, libérant ainsi des informations concernant la période pré-coloniale et post-coloniale. Cette information concerne les Matee (ancêtres personnalisés après la mort) de notre informateur et couvre trois générations ascendantes à partir de lui, ce qui nous fait remonter aux règnes de Vinany ou Narova, vers 1850: Elle traite des réactions des chefs Sakalava, Matoe des héritiers actuels de ces familles, comme Ozoe (Maromany), ou Havana (dont l'un des descendants résidait au village d'Andramasay), vis-à-vis de la colonisation. Ces chefs ont fait partie de ceux qui se sont groupés en vue d'une résistance de la première heure à la pénétration coloniale, et le fait de délivrer cette information montre bien le degré de confiance manifesté par notre informateur. Celui-ci souhaitait visiblement attester de cette résistance qui contraste tant avec la période de collaboration progessive qui a suivi la colonisation. La narration des évènements concernant l'opposition des Sakalava à Radama était d'autant plus riche en détails que le theâtre en fut Ankirijy, village voisin de Moravagno, et . On verra donc dans ces deux interviews l'importance de ces deux formes d'opposition dans la structuration des rapports qui existent actuellement entre le Nord et le Sud dans la sous-préfecture de la Tsiribihina qui formait à la veille de la colonisation une partie du Menabe indépendant. On sait en effet que les chefs Sakalava se sont réfugiés au Nord, et qu'il était resté à Belo une chefferie divisée, plus ou moins groupée autour des anciennes résidences royales et des lieux de résidence des grandes familles et de leurs alliés dépendants (actuels Tragnovinta). L'informateur insistera donc dans ce texte sur la restructuration des relations sociales o~ l~s Hauts-li~ux restent les points de repère ~e la se~ment.a~ion, mais dont la reference deVient les nouveaux tombeaux qUi sont a l'ongine de la création des villages permanents. Il est à noter que les informations les plus importantes, celles qui concernent l'origine des groupes, les alliances fondamentales, le secret des tombeaux, les rapports à l'étranger et à la dynastie Maroserana, ont été obtenues en l'absence du chercheur étranger, condition même de la libération de cette information. Cette division du travail était consciente au moment de l'enquête, et c'est de concert avec l'assistant que nous nous sommes tenu à distance en cette occasion.

B- Résumé des textes

Le point de départ de nos entretiens centrés sur l'Histoire fut le Fitampoha, qui avait pour intérêt non seulement de mettre en scène les conflits des actuels héritiers Maroserana, conflits passionnés au cours de la cérémonie de 1968, et qui l'étaient encore avec le Lohavogny de 1969, mais aussi de plonger dans l'organisation passée et actuelle des formations locales. Bien plus les identités lignagères de l'époque pré-coloniale, celle des Hirijy dont il a été longuement question au cours de l'entretien, étaient souvent inséparables de l'origine de la royauté. Le groupe Hirijy de notre informateur Tsihenjagny, fait partie des Longo, véritablement Longo-Amin-Raza (alliés par mariage) des rois ayant régné, et cela à la période mythique et actuelle de la dynastie Maroserana. C'est cette position-clef, tout autant que leur opposition aux tout débuts de la colonisation période où un conflit a éclaté avec les actuels héritiers Maroserana, qui permettent de comprendre la situation de notre interlocuteur à Moravagno, - 79 -

D-GENEALOGIE DE TSIMORAY (texte de TSIHENJAGNY P 34)

I-TALATAd' 2-Femme(inconnue~() T T :;:

3-FtRAFARAY cf 4~AMINDROA9

- l nconnL'd _..f/-:-"__...J'

lO-TSH'u':'.AYd' (Misara-Mikea) MPIBABY en 1958,1968,19 78 .

Légende: Notes: l , 2 Ou clan MIKEA-FOTSY -Contestation de légitimité en vue de la fonction de MPIBABY par TSIHENJAGNY 4 r·lISARA 7 Roi, père adoptif de TSIMORAY l-"...Qui est cette soeur qui avait donné (Andrambe-Magnolonbondro) un enfant au [v'IPAGNITO(roi)?" ~ Rapport de descendance 2-" .....Qui est donc cette C"lil

t-=.1 t"1ar iage ~ Rapport statutaire.Adoption et ~ alliance Mikea-Misara-Kekarivo - 80 -

village central pour la communication Nord-Sud qui se fait par piste, mais marginal et hors d'accès des voies de communication modernes. A cette marginalité choisie répond en fait une situation centrale quant à la parenté et l'alliance: il fut ùn interlocuteur capable de nous décrire la totalité des rapports interlignagers des groupes co-résidents, et même ceux des groupes habitant les villages au Sud du Manambolo, et les relations induites de la connaissance des tombeaux royaux et Tragnovinta et des nouveaux tombeaux créés à partir de leur segmentation. En précisant les ramifications induites des relations de parenté du groupe Hirijy lui-même, il nous permettait d'analyser la formation des tombeaux de Befifitaha par rapport à la Tragnovinta de Kekarivo par la segmentation secondaire qui s'est faite avec le Dady (Mariaka, fils de Tsimanendre) de notre informateur. Ainsi se trouvait justifiée la création d'Ankilidaha au Sud de Moravagno, par opposition à celle du tombeau royal (Tragnovinta) de Bevilo par les Maromany que Tsihenjagny estime avoir usurpé ce droit avec la caution du roi (Mpagnito) Pierre Kamamy, Gouverneur à cette époque.

Les catégories temporelles de notre interlocuteur lors du second entretien sont intéressantes à relever car elles rejoignent, sur ce terrain fortement conflictuel, celles que nous avons pu repérer dans d'autres textes. Elles apparaissent quand l'interviewé tient à marquer son implication personnelle dans les évènements rapportés, à légitimer le mieux possible l'information qu'il libère. Comme précédemment, trois périodes sont isolées et viennent à l'appui de l'analyse de la situation actuelle. La période mythique correspond à celle où les rapports entre Hirijy, Misara et Maromany se sont institués de façon parallèle aux rapports des Hirijy avec les Maroserana. Elle permet aux Hirijy de se présenter comme redresseur de torts, vis-à-vis de la prétention des Maromany à l'époque du règne de Pierre Kamamy, de posséder une Tragnovinta à Bevilo, donc à s'instituer ancêtres royaux des groupes alliés dépendants de .cette région (1).

L'interférence des rapports mythiques dans les rapports présents est également notable quand notre informateur met en lumière les modes de segmentation des groupes lignagers et les restructurations actuelles. Elle apparaissait encore plus dans la manière dont il expliquait comment l'identité particulière Hirijy avait été donnée par le roi et coïncidait, comme pour toutes les formations lignagères autochtones et résidant au foyer d'origine de la formation Sakalava, avec la création d'une marque particulière d'oreille de boeufs. Si les généalogies mythiques en effet s'inscrivent dans l'organisation des tombeaux, leurs segmentations elles, s'inscrivent dans de nouvelles identités lignagères qui ont fleuri à certaines époques, e. Le groupe Hirijy de notre informateur Tsihenjagny, fait partie des Longo, véritablement Longo-Amin-Raza (alliés par mariage) des rois ayant régné, et cela à la période mythique et actuelle de la dynastie Maroserana. C'est cette position-clef, tout autant que leur opposition aux tout débuts de la colonisation période où un conflit a éclaté avec les actuels héritiers Maroserana, qui permettent de corn prendre la situation

(1)Quartier Nord de la mairie de Belo, de Menahavo. - 81 -

de notre interlocuteur à Moravagno, Maroserana, les légitimités sociales des fonctionnaires du culte, toutes ces situations remettent sans cesse en cause la légitimité passée. Elles remettent en cause également les positions nouvellement acquises. Ce texte illustre bien le fait qu'il n'y a pas de légitimité en soi, et que celle-ci s'institue dans le poursoi, c'est-à-dire dans les faits et à posteriori. Notre vision de l'Histoire s'est ainsi trouvée radicalement transformee, et opposée à toute classification figée des groupes lignagers; la recherche du passé ne peut s'élaborer qu'en référence aux sites chargés d'Histoire, ce qui explique l'importance accordée dans notre étude aux tombeaux, Hauts-Lieux et tout ce qui s'inscrit dans l'espace comme éléments potentiels de rite et de représentation du sacré susceptible d'intervenir dans la vie quotidienne.

Ce texte enfin, permet de faire état de la présence permanente de tranches d'Histoire disponibles pour l'édification des rapports présents, et nous avons pu, sans perdre de vue ces rapports passés, aborder des themes aussi variés que l'installation des groupes co-residents, les rapports économiques locaux et leur transformation, ou l'organisation politique passée ou actuelle. Le Mpitoka­ Hirijy Tsihenjagny, en reconstruisant le passé et en expliquant le présent, tendait simultanément une réhabilitation personnelle et collective. C'est le sens que nous avons essayé de conserver à ces textes dont certaines parties sont traitées directement dans le corps de l'ouvrage (V. Chap. III et IV) et d'autres sont intégrées au montage thématique et analytique qui suit (Tome III, p. 136).

C- Eléments d'information retenus

Plus qu'une base d'information, ce texte a qualité d'enseignement au sens que nous lui donnons ordinairement, celui d'un échange inégal, où la relation d'enquête s'étant trouvée inversée, une véritable connaissance de la réalité passée et présente devenait possible. Il occupe dans nos analyses une place particulière, celle d'un témoignage unique, où la marginalité subie autant que choisie par notre informateur accordait à notre projet de recherche du passé une valeur d'actualité. Pour cette raison, nous nous sommes écarté du cadre de ce type de présentation préférant l'analyse thématique à la relation linéaire de ces entretiens. Les informations données seront utilisées dans plusieurs chapitres différents de ce travail, cependant que le plan final que nous avons adopté pour présenter notre recherche s'inspire beaucoup des relations que ces textes nous ont permis de faire. III - ANDRANOFOTSY, village du Delta Nord de la Tsiribihina

- La socialisation du projet d'enquête

- L'invitation

- L'assimilation

- L'intégration

- Conclusion - 83 -

DI - ANDRANOFOTSY, VILLAGE OU DELTA NORD DE LA TSIRIBIHINA

DEUXIEME MISSION

Les notes et documents qui suivent ont été recueillis au cours de notre deuxième mission entre septembre et décembre 1969. Un an après la Cérémonie du Fitampoha de 1968, nous ne pouvions dire si notre implication dans le jeu de l'interdit et de la transgression allait contrarier le développement de nos recherches dans la région de Belo-sur-Tsiribihina. Nous nous étions convaincu entre temps que le choix de cette nouvelle localisation élargirait sans nul doute la problématique des transformations économiques et sociales telle qu'elle s'était presentée à Morondava et Mahabo dans le contexte des politiques économiques mises en place par l'administration. C'est en partie pour nous rendre compte de ce qui pouvait subsister des représentations dont nous avions été l'objet, comme étranger ayant participé au Fitampoha que fut organisée une pré-enquête de huit jours.

Les premiers contacts avec les représentants de l'Administration locale furent aisés, et relativement ouv~rts, surtout quand étaient abordées les difficultés locales liées au développement concurrent, souvent anarchique de l'élevage et de la riziculture. Les représentants élus de la Mairie, plus directement gestionnaires de la vie sociale et politique, nous ont reçus avec une certaine réserve. L'Adjoint au maire de Belo, au terme d'un entretien souvent tendu, nous a finalement suggéré de rencontrer le Chef de quartier de Belo. Dafinely, lui-même Mpibaby de Dady, et d'origine Ndrenatelo. Ce fut le premier signe d'ouverture par rapport aux questions centrées sur l'Histoire locale et régionale que nous avions cherché à évoquer. L'entretien que nous avons eu avec le Chef de quartier, ceux que nous avons obtenus auprès du prince Laguerre Kamamy (Cf. Texte nO 10) et les nouveaux contacts auprès des Mpiamby au moment de la visite des tombeaux royaux, ont fait tomber notre inquiétude: il apparaissait de façon évidente que notre implication en tant "qu'étranger­ trans9resseur" dans le Fitampoha n'avait jamais eu aucune importance puisque cet etranger avait été symboliquement tué. Seuls restaient véritablement importants les rapports internes qui s'étaient joués- au travers de cette exclusion.

Il restait alors à préciser le choix du village d'enquête. Au départ, nous avons pensé nous installer dans le Delta Sud de la Tsiribihina, non loin des tombeaux royaux de Tomboarivo, les chercheurs de .l'Orstom (1) ayant fixé leur choix sur les villages du lac Bemarivo. En définitive, le village d'Andranofotsy est apparu comme idéal pour une nouvelle enquête, car il était le lieu de regroupement de segments de lignage venus de Belo, des villages du lac Bemarivo, et de la vallée du Manambolo. C'est à ce titre, mais également parce

(l) A l'époque de cette enquête, nous n'étions pas à l'ORSTOM. B. SCHLEMMER et J. LOMBARD, chercheurs de l'Office avaient un projet concerté de recherches centré sur Belo-sur-Tsiribihina. Nous avons choisi notre nouvelle implantation en tenant compte de leur programme. - 84 -

que le Delta Nord de la Tsiribihina était à nouveau bien alimenté en eau au détriment du Delta Sud, que des déplacements de population notables se sont faits au profit de villages comme Andranofotsy et Iaborano, qui ont vu leur population augmenter. C'est au cours d'un nouveau passage dans ce village (le premier contact ayant eu lieu au cours du Fitampoha de 1968) que nous avons exposé le projet de notre étude: reçus par les Mpitoka, parmi lesquels se trouvait un conseiller rural, nous avons demandé à être reçus par eux, à vivre parmi eux pour une réflexion commune sur l'Histoire et sur leurs conditions de vie. Un mois plus tard notre assistant s'installait pour quinze jours au village, il avait pour. mission de préparer la venue du chercheur étranger en lançant les thèmes qui seraient approfondis, en recueillant les données sociales, en créant les conditions d'une insertion approfondie et de longue durée.

I1I-l La socialisation du projet d'enquête

A son arrivée au village, l'Assistant fut présenté au conseiller rural du village, Mpitoka (chef de lignage) influent, par l'intermédiaire du notable Batozy, dont nous saurons par la suite qu'il n'occupe socialement qu'une position marginale, mais que son mariage récent avec une femme d'origine Samoky lui permet d'opérer une médiation positive. Nous sommes donc entré de plein pied dans le réseau d'alliances polarisé sur le lignage Tsitompa, pour nous éviter d'être impliqués directement dans les conflits existants et être cependant dans une situation suffisamment centrale pour nous permettre d'être un nouveau lieu de redistribution sociale objet de multiples représentations. Nous n'avons donc pas éprouvé le besoin de changer de case (d'habitation) en cours d'enquête, comme nous avons eu à le faire dans d'autres villages. En réalité, une certaine attente de la part du village, nos discussions avec les représentants de l'Administration locale, nos différents contacts avec le village, ont concouru pour faciliter cette première phase d'enquête. En témoigne la présence simultanée de fonctionnaires locaux, gendarmes ou secrétaire du P.5.0 (O. Un petit entretien, organisé par le conseiller rural du village, nous a permis d'aborder la création du village et sa formation sociale actuelle, tandis qu'un programme de visites nous a fait découvrir les jours suivants les campements d'Andimaky, Ampasiabo à l'ouest et Iaborano au sud, et Andramasay au nord qui délimitaient le territoire villageois; les tombeaux, lieux de culte, Antragnovato (sorte de grotte) où sont vénérés les ancêtres mythiques de la communauté villageoise; enfin le campement de Belengo, l'embouchure du fleuve, où ont lieu les Tromba-Andrano, le Kily (tamarinier> pour les fêtes des prémices ou les Tromba-Antety.

Toutes ces données ont été consignées et cartographiées, et chaque déplacement était l'occasion d'enregistrements pour de courts interviews auprès des villageois qui acceptaient de discuter. La visite des campements rattachés au, village d'Andranofotsy révélait des segmentations sociales latentes de la formation Andranofotsy, mais cette dimension des rapports généraux campement-village n'a pu être précisée qu'en fin d'enquête (Cf. Texte n 0 47, 48 et 52).

(I) Parti Social Démocrate, parti unique du pouvoir. - 85 -

Cette première phase de notre enquête à Andranofotsy, entre le 26-07-69 et le 11-08-69, est représentée par trois textes. Le premier de ces entretiens a été recueilli à Belo-sur-Tsiribihina auprès du Chef de quartier Dafine1y, d'origine Ndrenatelo, et Mpibaby au Fitampoha de 1968. Ce texte ouvre en réalité l'étude monographique, et c'est pourquoi nous avons choisi de l'intégrer dans ce chapitre consacré à la dynamique de l'insertion sociale au village, bien que son contenu soit- proche des textes relatifs au Fitampoha. Les deux autres textes émanent d'informateurs résidants au village d'Andranofotsy. Ils occupent par leur appartenance lignagère une position sociale symétrique, l'un dans le lignage Tsitompa, et l'autre parmi les Misara, où ils sont les héritiers désignés des Mpitoka. Ceux-ci sont respectivement le frère de notre informateur Mbamizoky du lignage Tsitompa, et le père de notre informateur François chez les Misara, et sont eux-mêmes demi-frères nés d'une même mère Marotsiraty.

A l'achèvement de notre première semaine d'enquête à Andranofotsy, une insertion sociale limitée encore à la génération des "jeunes" (ce qualificatif ne s'appliquant d'ailleurs pas à leur âge réel, mais au fait qu'ils n'étaient pas détenteurs de Hazomanga) nous permettait de tracer une problématique en quelque sorte "balbutiante" qui orientait notre réflexion vers le système des rapports d'alliance. Cette découverte était en contradiction avec l'importance que nous avions accordé à la descendance comme principal facteur de légitimité. Le recueil des données sociales que nous avons pu faire au cours de ces huit jours, une fois ces éléments portés sur la carte parenté-résidence (l), montrait clairement que le fondement de l'unité villageoise se présentait comme un système d'alliance généralisé (V. Fig. 13 Tome 1). Cette première semaine nous faisait donc entrer au coeur d'une nouvelle réalité sociale, dont nous ne pouvions soupçonner les multiples effets économiques et politiques.

La seconde période de huit jours verra s'élargir l'insertion sociale de l'assistant au niveau des principaux Mpitoka (chefs de lignage) Tsitompa, Marofohy bien que pour les Misara la rela~ion restera centrée essentiellement sur François fils du Mpitoka en place. Plusieurs éléments vont faciliter cette ascension sociale: la participation à la vie quotidienne (en particulier la pêche à l'anguille), et, fait plus important, la participation à une cérémonie funèbre. L'assistant y avait été invité par les Tsitompa, groupe qui organisait la cérémonie, il y avait participé et avait offert la contribution d'usage en argent. Aucun enregistrement n'a été fait de cette cérémonie, mais un compte-rendu détaillé en a été effectué. A partir de cet évènement, l'assistant s'est senti autorisé à dévoiler clairement les méthodes de l'enquête, à préciser l'utilisation du magnétophone, et à annoncer l'arrivée prochaine du chercheur étranger.

Dans le même tem ps, furent com pIétées et recueillies des généalogies et des traditions relatives à l'origine des Raza (lignages) Tsitompa et Marofohy. Bien qu'incomplètes, ces généalogies nous ont servi à identifier les niveaux "idéologiques" de cette formation sociale. De plus, rencontrant au cours de ses visites du territoire villageois ou de ses voyages à Belo, des gens qui avaient des parents à Andranofotsy, l'assistant fut bientôt convié à leur rendre visite. Ainsi en fut-il du Chef de Village d'Andramasay (par l'intermédiaire de son fils), du maire de Tsimafana (d'origine Tstitompa et frère de Tsimikora). Les thèmes qui

(I) Carte hors texte nO 3 en annexe. - 86 -

furent évoqués au cours de ces entretiens étaient prémonitoires. Ainsi, le Hazomanga et son importance, thème qui fut éclairé quelques jours plus tard au cours de la cérémonie de circoncision des Andralefy. Ou encore, les Hauts-Lieux du village comme le Togny et Antragnovato, question qui serait reprise en fin d'enquête. Enfin les formes d'entraide, les échanges, et les relations de parenté et d'alliance font l'objet de notes déjà consignées sur les cahiers de terrain.

Enfin, des fonctionnaires locaux ont été interviewés, et les textes de ces entretiens sont présentés à l'exception des deux premiers qui ont été perdus: deuxième entretien avec Dafinely, Chef de Quartier de Belo, avec Borida, huissier à la Mairie, et Joseph Tamamy, conseiller rural de Belo. Le Mpitoka­ Misara d'Andranofotsy fut interviewé pour la première fois à Belo. D'autres entretiens eurent lieu avec des représentants du groupe Misara, avec Tsitsaha­ Mpitoka du village, et Saohanaky, descendant des Misara de Kekarivo. Tous ces entretiens amorçaient un type d'insertion différent qui complétera ceux de la première phase d'enquête. Il s'agit en effet d'informateurs qui participaient au monde urbain de Belo sur Tsiribihina, et l'on pouvait repérer que les branches Misara qui nous étaient présentées étaient des segmentations récentes. Certaines d'entre elles comme les alliés Misara-Samoky comptaient de petits et moyens fonctionnaires (instituteur, agent de l'agriculture, vétérinaire), d'autres groupes anciens dépendants-alliés des Misara de Kekarivo comptaient des Hauts Fonctionnaires et des membres des professions libérales, enfin les Andralefy­ Misara, des Hauts Fon:tionnaires. Les conseillers ruraux et chefs de quartier pouvaient tous se revendiquer d'une origine partielle Misara ou Maroserana, et plusieurs d'entre eux étaient cousins ou demi-frères. En somme, on retrouvait dans la formation de la Mairie de Belo les mêmes interférences sociales que celles qui existaient entre les représentants Mpibaby du Fitampoha.

Il est intéressant d'un point de vue méthodologique, de mettre l'accent sur l'expérience originale d'insertion qu'a vécue l'assistant au cours de cette seconde semaine. En effet, passant sans transition d'Andranofotsy à Belo, chacun des liens établis dans le village trouvait sa correspondance et sa légitimité à Belo: ainsi, le conseiller rural d'Andranofotsy se trouvait être le cousin de Joseph Tamamy, "de même Foko" selon l'expression de ce dernier, et lui-même conseiller à la mairie. D'autre part, les relations entre le Mpitoka-Misara d'Andranofotsy et la branche Misara de Kekarivo sont celles de gens qui se considèrent comme frères par référence à leur Dady (ancêtre de la seconde génération). Les Andralefy eux-mêmes ont une origine Misara dont ils n'ont pas voulu faire état. La cérémonie de circoncision des Andralefy devait marquer le moment d'équilibre optimum de cette insertion. Cet évènement, autant que la cérémonie funèbre aux tombeaux de Besely avec les Tsitompa, nous a permis de nous trouver simultanément au centre des rapports internes de parenté et d'alliance du village, tandis que nous avancions a la périphérie de ces mêmes rapports par le jeu des relations d'alliances passées entre groupes. Nous comprenions peu à peu cette dynamique interne/externe, fondement des relations administration/village. A cette époque cependant, malgré des contradictions souvent fortes, aucune rupture ne semblait devoir se faire jour dans la situation sociale. - 87 -

Interviews, note et documents

III-l-i Texte nO 17 - Interview du chef de Quartier Dafinely à Belo (27-07-69 )

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Notre interlocuteur, ancien chef de Canton durant la colonisation, fut démis de ses fonctions pour une affaire de détournement de fonds, par le Gouverneur Pierre Kamamy. Il semble cependant ne pas avoir été le bénéficiaire des malversations dont il fut soupçonné. Actuellement chef de Quartier, il n'est pas rémunéré pour cette fonction, qui comporte de multiples tâches de contrôle, et représente le premier niveau de contact entre les villages et l'Administration dont il est un rouage important. Très occupé, il participait à différents sta$es d'animation rurale. Il aurait été impliqué dans une association de collectivite rurale du lac Bemarivo, le Fisema, qui fut dissoute parce qu'elle apparaissait comme trop indépendante du pouvoir et qu'elle exploitait les rapports sociaux de type Longo d'une façon qui s'opposait à la logique productiviste et marchande de la coopérative rizicole récemment mise en place.

En tant que Mpibaby, il était plutôt favorable à Laguerre Kamamy, du fait de son origine sociale. Il a participé au Lohavogny de Tsianihy (Cf. textes 8-9), pour se retirer ensuite comme Laguerre lui-même quand il eQt constaté les manipulations dont les Sazoka (possédés des rois ayant régnés devenus Dady) étaient l'objet. Comme membre du parti P.S.D. au pouvoir, il était très actif et militait pour toutes les élections. C'est lui qui nous avait révélé la stratégie qui consistait à susciter une multitude de candidatures (plus de 100 candidats pour 15 postes à pourvoir), afin que le jeu de cooptation fasse ressortir les Longo de Longo (les alliés des alliés), médiateurs obligés des rapport sociaux dominants sur le plan local, induits des formations sociales villageoise. -

Son accueil vis-à-vis de notre équipe fut ouvert, notre entrevue ayant été en quelque sorte program mée par l'Adjoint Philippe Roziers au maire de l'époque, qui, un an plus tard sera remplacé à l'issue des élections.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

Le début de l'entretien est consacré aux présentations, occasion de préciser les origines sociales des interlocuteurs. L'Assistant se présente comme originaire de la région de Mandritsara, d'où est issu le Président Tsiranana. Le Chef de Quartier Dafine1y, est originaire de Tsitakabassia, ses grands parents matrilinéaires étaient à Ankilizato, ils étaient Ziva des Maroserana. Ce lien Ziva est explicité comme un lien de solidarité institué pour résoudre les conflits entre groupes rivaux, dont l'un deviendra protecteur de l'autre. Ce lien est héréditaire et comporte des droits réciproques sur les plans politique et économique. Les groupes Ziva des Maroserana sont invités aux cérémonies, ce sont:

- Les Andrevola, le lien Ziva existe entre descendants de deux frères de même père et de même mère. - Les Makoa qui sont Ziva des Antaimoro. - 88 -

Le lien Ziva explique la séparation entre Andrevola, Zafimanely et Maroserana : origine unique, segmentation et territoires séparés. Le lien Ziva qui rattache notre informateur d'origine Maromena aux Maroserana lui confère certaines attributions: au moment du décès de Pierre Kamamy, c'est lui qui a fait sa toilette. De même les Ziva peuvent partager le repas du roi.

Oafinely énumère les fonctions qu'il a exercées: chef de Canton au temps de la colonisation, chef de quartier, actuellement conseiller rural, chef de quartier et Mpibaby. Il précise la répartition géographique des villages dépendants du quartier de Belo, en tout 17 villages. Il détaille les différentes fonctions qui incombent au chef de Quartier:

- Conciliateur dans les affaires de famille (exemple d'un conflit opposant une fille et ses parents) - Recouvrement des impôts (la stratégie sociale employée est d'utiliser les parents (Longo). - Vols de boeufs.

Il développe l'idéologie P.5.0. "Le Fanjakana (Gouvernement) c'est le Vahoaka (peuple)", à propos de ces tâches. Selon Dafinely, la composition sociale de Belo a changé, il y aurait beaucoup plus de migrants que de Sakalava. Ces derniers se sont éparpillés et forment les villages environnants, ils se sont rapprochés de leurs rizières. Suit une discussion sur la notion d'ethnie (Foko) et de Raza (lignage) :

Sont Foko :- Les Koroa (Antaisaka) - Les Betsileo - Les Antagnalana (branche d'Antandroy située entre le pays Mahafaly et l'Antandroy) - Les Sakalava

Les Sakalava sont divisés en Raza qui sont Maromena, Vongovato, Ndrenatelo, dont Dafinely est issu, ou encore Antavela••• Tous sont Sakalava. Un Sakalava peut a voir sept appartenances lignagères, ainsi lui-même bien que Ndrenatelo, se considère comme appartenant aux lignages Ndrenatelo, Vongovato, Zazamainty, Sakoambe, Antifolay, Antavaratra, Antihareha. Les Raza-Mpibaby (parmi lesquels se recrutent les porteurs de Dady) sont les Ndrenatelo, Andrambe, Antimifora (Marofotsy ?), Berindreky (nom de village ?), Sakoambe, Andrambala. La charge est héréditaire: lui-même, Ndrenatelo, fut préféré à celui qui était descendant du frère, lui-même descendant de la soeur du roi (sans doute Narova).

Le paragraphe suivant du texte enchaîne sur l'organisation du Fitampoha, et certains des interdits propres aux Mpibaby. Ainsi les relations sexuelles leur sont interdites durant la cérémonie de la préparation de l'alcool de miel (Toamena). En revanche, ils jouissent de certains privilèges, comme de construire leur hutte non loin de celle du roi, ou de partager entre eux les cadeaux du Menabe (peuple). Parmi les interdits du Fitampoha, notons celui de sacrifier un boeuf rouge. De fait, il est interdit de consommer les boeufs présentant certaines robes: Lekaso, Omby-Mena (boeuf rouge), Letomboloho (tachés de vermillon), Omby-Joby, Mitomboko-Tagna. A ces interdits, en effet sont rapportés le récit de faits qui causèrent la mort du fils du roi, transmis par certains Masy (devins) qui sont Ravaratra, Rahotsary, Ramijoha, Ramihota. Mais ces interdits ne sont plus respectés. - 89 -

Après avoir laissé entendre qu'une réunion du Menabe "Levahaoka" sera organisee, seront évoquées les différentes charges honorifiques dans les cérémonies dynastiques. Des précisions seront apportées quant à ce qui différencie les Mpibaby propriétaires des Dady-Maroserana et les Mpiamby qui ne sont que les serviteurs. Ils sont d'ailleurs bien différenciés dans leurs habits cérémoniels.

Il parle de l'organisation du Fitampoha, des objets qui sont tombés dans l'eau au moment du bain des Dady et évoque les conflits de succession qui tiennent au fait que les héritiers Maroserana sont issus de mères différentes. Les alliés matrilinéaires s'opposent entre eux à cette occasion.

Suit enfin un discours nationaliste qui fait état de la colonisation contre laquelle certains leaders politiques nationaux se sont insurgés. Il cite Ralaimongo et Ravelomaka pour l'opposition au début de la colonisation, et plus tard Raseta, Ravohangy, Rabemananjara qui furent emprisonnés et enfin l'avènement du Président Tsiranana pour qui il a fait campagne.

Il établit une comparaison entre le mode de gouvernement antérieur des rois dont le Fitampoha est la manifestation centrale et le gouvernement actuel. Les effets de la politique coloniale qui a abaissé les anciens chefs locaux, les nobles, les effets de la scolarisation qui expliquent que les hiérarchies passées se trouvent fortement modifiées, voire inversees.

C- Eléments d'information retenus

Ce texte ne fera pas l'objet d'un montage thématique.

Il est ici suffisamment résumé pour le contenu qu'il apportait car c'était le premièr interview réalisé après le Fitampoha. Les vrais questions, débats sont indiqués mais de manière allusive. Rien n'est vraiment discuté, les interlocuteurs sont trop préoccupés de s'évaluer.

III-l-2 Texte n° 18 - Entretien avec Mbamizily, héritier présomptif du Mpitoka-Tsitompa (30-07-69)

A- Situation d'enguête et qualité de l'informateur

Cet entretien ainsi que le suivant ont été recueillis au retour à Andranofotsy, au soir d'une journée consacrée à la visite du campement d'Andimaky. Mbamizoky (ou Mbamizily), frère cadet du chef de lignage Tsitompa, Tsimikora, héritier du pouvoir de Nampia, résidait en partie à Andimaky. Ni lui ni son aîné ne se trouvaient au campement quand nous l'avons visité, et ce n'est que le soir que nous avons pu obtenir une interview.

La création d'Andimaky remonte à 1922, grâce au gouverneur de l'époque, Tinoka, du lignage Vazimba et père du Ministre de l'intérieur Resampa. Les gens qui se sont regroupés dans ce campement habitaient l'ancien site du village d'Andranofotsy, au nord du site actuel. La formation d'Andimaky regroupe les Vazimba, Andralefy, Tretre et Samoky. Ceux qui se sont installés alors ont contribué au développement de la riziculture, et gardaient les boeufs du village - 90 -

d'Andranofotsy. Deux d'entre eux ont participé à la mise en valeur rizicole du Bemarivo. De fait, la formation économique et sociale d'Andimaky ne s'éclairera qu'en fin d'enquête (Cf. p.180) et ce n'est pas sur ce point qu'ont porté les \ entretiens. Avant d'arriver au campement lui-même, qui est situé au nord-ouest d'Andranofotsy, il fallait suivre la piste qui mène aux tombeaux de Besely qui sont à l'origine de la création du village et où sont enterrés les descendants patrilignagers Tsitompa et Miavotrarivo. Il fallait traverser la rivière Andranofotsy très importante en saison des pluies, puis les rizières du lieu-dit Ankodokodo (de saison des pluies). Non loin de là, se trouve au bord de la route sur la hauteur, un endroit sacré nommé Antragnovato. Ce haut-lieu est identifié à la création du village, et remonte à l'époque des fondateurs Tsitompa, à Nampia, ancêtre de la première 9énération, "règne" au cours duquel un homme d'origine Miavotrarivo fut possedé. (Tromba), donnant naissance à ce site Antragnovato. Le gardien de ce culte, Malaitsy, deviendra plus tard notre médiateur privilégié et nous ouvrira à la connaissance de ces categories dans leur fonction unificatrice.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

Le thème principal de l'entretien a été une réflexion sur des catégories comme celles de Foko (ethnie), Longo (parent) et Tariky dont l'acceptation générale est connue depuis l'étude d' H. Lavondes (1), mais qui dans la pratique recouvraient parfois les mêmes rapports sociaux. Ces questions n'ont d'ailleurs jamais été développées dans leur ab~traction, mais l'approche suivie, déroutante parfois pour un occidental imprégné de cartésianisme, nous a permis de nous familiariser avec un mode de pensée itératif, procédant par une succession d'exemples précis et d'approximations analogiques. Dans la progression de ce raisonnement, l'informateur ne cesse jamais de situer sa réflexion sur les catégories sociales en fonction de sa situation propre et de la position sociale qu'il occupe dans son groupe, ici le lignage Tsitompa et le village d'Andranofotsy. Sa prise de parole, en ce début d'enquête, ne pouvait aller au­ delà de ce qui l'identifie comme individu dans le groupe social. En dehors de sa problématique personnelle transparaissait cependant une information utile, le reflet des contradictions qui traversaient l'univers villageois. Mais cela, nous ne l'avons compris que plus tard.

Concernant la notion de Fokoany, l'informateur en fait une référence unitaire qui intègre les Tsitompa, Marotsiraty et Sakoambe. le Raza est un produit historique constitué-autour des relations externes des groupes qui se sont pérennisées dans le lien Ziva, fondement des interdits et des transgressions partagés en corn mun.

E.nfin, la dernière partie du texte concerne les rites propres aux Tsitompa, et permet de les situer par rapport à l'institution Mpagnito. Leur Hazomanga (pieu de circoncision) est en Mangarahara et non en Katrafay ou en Kily, car ces bois sont réservés au Mpagnito. Il est planté dans la nature, sous un Kily, et non pas à l'Est de la case, et on ne peut le faire que les mardi et vendredi, car les

(1) Cf. Bibliographie. Ouvrage cité: Bekoropoka••• - 91 -

lundi et jeudi sont interdits pour les Sakalava. Toutefois, cet interdit ne s'étend pas au travail de la terre. La couleur des boeufs sacrifiés pour la circoncision est indifférente. Il semble donc que les Tsitompa se soient largement émancipés des règles liées au système Mpagnito. L'importance de la cérémonie de la circoncision vient de ce qu'elle a pour signification la reconnaissance de l'enfant (Tarikosy), son adoption par la lignée paternelle qui offre le boeuf du sacrifice aux parents de la lignée maternelle. La succession est instituée dans la circoncision (Soron Tapak'Anaky). Retenons enfin que les circoncisions ne peuvent être célébrées en novembre (Valasira et Asaramaty) en liaison avec le cycle lunaire.

C- Eléments d'information retenus

- Unité de référence sociale pour l'informateur en relation avec sa position sociale et la stratégie du groupe Tsitompa dont il est l'héritier potentiel.

- Notion de Raza, considérée plutôt comme un produit historique, et dont la signification est variable. N'indique pas dans ce texte un point de départ, ni une origine première, ni une identité immuable.

- La notion de Fokoany inclut les rapports fondamentaux sur lesquels s'appuyait le Mpitoka-Tsimikora pour conserver une position centrale dans les rapports interlignagers du village.

- Les Marotsiraty sont les matrilinéaires de la génération la plus ancienne Tsitompa.

- Les Sakoambe et les Tsitompa sont les 2 lignages qui ont pratiqué l'échange de soeur; cette alliance égalitaire est la base de certaines différenciations maintenues au cours des générations.

III-I-3 Texte n° 19 - Entretien avec Fran ois héritier du M itoka­ Misara - Règles de mariage et strategie d'alliances 30-07-69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Comme le texte précédent, ce second interview recueilli le soir à la veillée auprès de François, héritier présomptif du Mpitoka (chef de lignage) Misara marquait bien le type d'insertion réalisé en ce début d'enquête. La génération auprès de laquelle l'assistant prenait place était celle des héritiers, vis-à-vis des Mpitoka qui détenaient le Hazomanga dans leur segment de lignage respectif. François Misara et Mbamizily occupaient dans leurs lignages respectifs une position sociale symétrique, à cette nuance près que le Mpitoka-Misara était le pere de François, et le Mpitoka-Tsitompa frère aîné de Mbamizily. Rappelons que par ailleurs les Mpitoka-Tsitompa et Misara étaient demi-frères de même mère, et que de ce fait, il existait un interdit de mariage entre les deux lignages. - 92 -

Cet entretien a été centré sur le thème du mariage et de ses règles, qui s'est avéré un merveilleux moyen de pénétrer cette réalité sociologique de la construction du pouvoir à travers les structures lignagères. Les interdits de mariage entre groupes co-résidents imposent des stratégies d'alliance si l'on veut constituer pour les générations à venir une position hégémonique durable. La situation locale était favorable au Mpitoka-Tsimikora, branche cadette héritière du Hazomanga. Le Mpitoka-Misara, père de notre informateur, lui jalousait quelque peu ce statut, sans pour autant le contester. Lui-même aussi produisait une forme de légitimité sociale, basée sur la référence dynastique et sa fOnction de gardien propriétaire du tombeau Misara de Befifitaha. Toutefois, la légitimité Misara exerçait -et nous l'avons compris plus tard- une fonction ambiguë vis-à• vis de ce pouvoir induit de la parenté. Le texte qui suit montre bien que notre informateur avait parfaitement intériorisé "l'idéologie de l'alliance" qui repose sur l'utilisation des rapports externes pour accumuler le pouvoir dans les rapports internes.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

D'un long exposé sur les coutumes du mariage, nous ne retiendrons ici que quelques traits saillants, utiles à la définition d'une problématique de l'alliance, et notamment le sens des échanges. Ail1si le père du g'3.rçon offrira de l'alcool au beau-père (avant, c'était de l'alcool de miel>. La jeune fille préparera un repas de volaille et de riz (Sosoa = riz bouilli), et ce repas (Ranovake) sera pris par les futurs époux. La quantité préparée sera d'un Kapoaka (la contenance d'une petite boite de Nestle) de riz, dont 2 cuillères seront prises par chacun des époux, puis la volaille et le riz. Enfin on donne de l'argent au beau-père. Les époux forment une nouvelle unité économique, la récolte est vendue, et l'argent sert à acheter des boeufs, des machines à coudre, des charrettes etc••• La séparation ne donne pas lieu à un dédommagement, comme cela se passe dans le Nord (200 FM, et 4 bouteilles d'alcool>. Si la femme prend un amant, elle est répudiée, mais l'homme peut avoir une maîtresse qu'il pourra se faire pardonner par un don en argent, boeuf ou poterie à sa femme légitime. La séparation amène le partage des biens à raison de 2/3 - 1/3, ou 1/2 ­ 1/2, en tenant compte des torts réciproques, et en évitant la confrontation avec la famille de la femme.

Le deuxième volet de la discussion porte sur l'adoption de l'enfant né du mariage. Tout d'abord, un enfant qui n'a pas été présenté, dont le Soro-Anaky (adoption) n'a pas été célébré est considéré comme étant de père inconnu. Le père de l'enfant, accompagné des notables de sa famille amène l'enfant chez ses beaux-parents, leur offre de l'alcool, il doit passer la nuit sur place et non partir tout de suite (littéralement = ne pas donner de coups de pied au Hazomanga). L'enfant sera donc présenté au Hazomanga paternel, et un sacrifice de boeufs sera célébré. Il n'y a aucun interdit pour les boeufs, sinon les interdits habituels: boeuf au pelage blanc et rouge, boeuf à la queue coupée, ou boeuf dont une corne est cassée. Le boeuf noir sera cependant marqué avec de la terre blanche au milieu du front, pour devenir Mazava-Loha (tête claire). C'est le beau-père qui frappe le boeuf au cours de la cérémonie, le gendre doit se tenir du côte Est de la maison. Enfin la viande du boeuf sacrifié est distribuée. La croupe, les pattes (Santagnany) et la tête reviennent au beau-père, seul l'avant revient au gendre (Sandaviny). Remarquons que l'enfant adopté par le lignage paternel peut être répudié et rendu au lignage maternel, mais non les neveux et nièces, enfants de la soeur; importance donc de l'oncle maternel. - 93 -

Nous ne détaillerons pas un paragraphe concernant les nomenclatures de parenté, et la description de la cérémonie de circoncision. La problématique de la polygamie est présentée de façon plutôt anecdotique. .

A la fin de l'entretien apparaît enfin la problématique personnelle de l'informateur: parce qu'il est petit-fils issu de l'union de son père avec une femme Marotsiraty, et que son père est le demi-frère de même mère que le Mpitoka-Tsitompa et descendant de Nampia, fondateur du village, son tombeau d'appartenance n'est ni Besely (patrilignages Tsitompa), ni Iaborano (matrilignages Tsitompa -Marostiraty), mais Befifitaha. L'appartenance au tombeau est déterminante vis-à-vis du pouvoir accumulé au cours des générations. La succession du Hazomanga, l'appartenance au tombeau, assurent la transmission du parc à boeufs dont le Mpitoka est le gestionnaire, et les alliances se manifestent par le sytème complexe des marques d'oreilles de boeufs.

C- Eléments d'information retenus

Le contenu strictement analytique de ce texte est d'un intérêt inégal. Le niveau d'analyse ne permet pas d'atteindre la dimension sociale des règles du mariage. En revanche, la dernière partie est une synthèse, à travers la problématique personnelle de l'informateur, de la fonction éminemment politique et économique du mariage, et fournit une première clef pour la compréhension des contradictions principales propres à ce village. .

Que l'on se place du point de vue de la petite histoire de la formation du village, ou du processus d'unification en cours, on voit que les pratiques individuelles des notables plus ou moins liés à la haute administration remettaient en cause l'unité villageoise, et particulièrement au moment de notre enquête.

L'importance des marques d'oreilles de boeufs vient de ce que celles-ci sont différenciées dans un même parc, et que cette différenciation atteste des rapports externes du groupe patrilignager qui se sont pérennisés.

La réalité sociale historique de l'unité de tombeau trouve sa traduction en partie dans le mode de dévolution des biens et de la succession des Mpitoka­ Hazomanga (chefs de lignage détenteurs du pieu de Circoncision, symbole de l'unité du groupe) qui sont responsables de l'héritage du groupe. Ce point sera largement développé au cours des entretiens suivants.

I1I-1-4 Texte n020 - Traditions orales concernant les interdits Tsitompa (03-08-69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Il ne s'agit pas ici d'un texte enregistré, mais de traditions orales concernant les Fady (interdits) spécifiques des Tsitompa. Le jour précédant la cérémonie aux tombeaux de Besely, ces interdits ont été évoqués - 94 -

par le Masy (devin) Malaitsy, gardien du Togny (talisman de la création du village) et du culte Antragnovato. Les deux Fady (interdits) sur lesquels il a insisté sont ceux du sel, qu'on ne peut ramasser, et l'oiseau HagoIy (sorte de perroquet) qu'on ne doit pas tuer. A chacun de ces interdits est rattachée une tradition.

B- Résumé des traditions recueillies

Selon la première, un homme du clan Tsitompa ayant ramassé du sel est mort subitement, et ses descendants, par cet interdit évitent de provoquer le destin.

Quant à l'oiseau HagoIy, il aurait porté secours à un homme de ce clan prisonnier du caïman. L'homme étant entraîné dans un trou au pied d'un arbre où l'oiseau était perché, il put s'échapper grâce à l'oiseau qui le prévenait du retour du caïman (D.

Enfin, furent évoqués les jours bénéfiques pour les Soro (cérémonies) de ce lignage, et les noms de trois Masy (devins) célèbres: RatsikiloIo, Ralavalefy, Rarandra.

C- Eléments d'information retenus

Nous ne comprendrons que plus tard l'importance des "généalogies" de Masy, l'association des Tromba dans les cérémonies leur sont liées, et au-delà des migrations du groupe, ils représentent une permanence spatiale-historique, les acteurs d'une sorte de géopolitique des rapports présents.

111-1-5 Corn te-rendu de la cérémonie funèbre aux tombeaux de Besei 04-08-69 )

Les tombeaux de BeseIy sont ceux des groupes Tsitompa, descendants partrilinéaires de Nampia, branche cadette héritière du Hazomanga par le jeu normal de la chronologie des décès des àscendants directs, et de ceux des ascendants matrilinéaires Miavotrarivo de la branche aînée Tsitompa.

La matinée du 4 est consacrée aux préparatifs de la cérémonie funèbre. Dans l'après-midi vers 15 heures, tout le village part pour Besely en empruntant la route qui va au Nord à Andramasay. Besely est l'endroit où les Tsitompa enterrent leurs morts, leur tombeau ancestral, qui se trouve à 10 km au nord d'Andranofotsy. On suit la route sur 9,5 km, puis on prend à gauche, à l'endroit où sur le côté droit de la route se dresse un Kily (tamarinier). Le tombeau se trouve à 500 m de cet embranchement, et nous y arrivons vers 17 heures. Le tombeau -à

(1) Cette tradition orale concernant l'interdit de l'AgoIy (poule d'eau) est également rapportée par E. Nerina "La Littérature Orale dans le Pays Sakalava-Menabe", Thèse de Doctorat de troisième cycle, E.H.E.S.S., Paris, Avril 1982, p. 218. Selon cet auteur, l'interdit s'applique au groupe clanique FoIay, dont la marque d'oreille de boeufs est Tsiteve ou Misondrota. - 95 -

vrai dire les tombeaux car il y en a plusieurs sont construits à flanc de côteau par son bord ouest, alignés du nord au sud. Ils sont construits avec des pierres entassées les unes sur les autres. Beaucoup d'entre eux sont du type Sakalava, en forme d'enclos avec à l'est une grosse pierre plate dressée marquant la tête, et au pied, une pierre taillée moins haute que celle de la tête. Dans ce petit enclos qui définit la tombe, se trouvent les objets qui appartenaient au mort. Ce rite est important chez les Sakalava, car on ne doit pas prendre les objets, plus exactement les ustensiles de ménage du mort et on les porte sur son tombeau au moment de l'enterrement. Les Sakalava en effet croient à la survivance de l'âme après la mort. Comme le mort doit vivre d'une autre vie, il aura besoin de ses ustensiles. Cet acte symbolique résume bien la religion Sakalava qui a pour base cette survivance de l'âme qui occuperait une situation plus élevée que les êtres humains. Ils joueraient un rôle intermédiaire entre Dieu et les êtres humains, d'où les cérémonies de l'Alafaroratra et de l'Asa-Lolo.

L'Alafaroratra consiste à désherber l'enclos où se trouve le tombeau et ses alentours. Ce travail est confié à certaines personnes faisant partie du Foko (lignage) du mort. L'Asa-Lolo au contraire est une grande cérémonie, qui est une occasion de fête. Comment se fait la préparation de l'Asa-Lolo? Les préparatifs ont lieu dans le village. La veille du jour où l'on va au tombeau, le soir, tout le monde assiste au Tsokomotro rite qui consiste à héler les Lolo (âmes) des Raza (ancêtres), pour en quelque sorte les prévenir de ne pas partir, d'avoir à rester à l'endroit où ils sont car il y aura un Asa-Lolo; les femmes chantent. Le matin tout le monde se rend auprès du Foko (représentants du lignage) qui fait l'Asa­ Lolo pour prendre (quelques gorgées -deux en fait) du Ody-LOlo (infusion ou décoction de plante à laquelle sont attribuées des vertus magiques ou religieuses), et dont on se met quelques gouttes sur la tête. Le sens de ce rite repose sur la croyance que de même que chez les êtres humains, il y en a toujours de mauvais, de même ceci doit se perpétuer dans l'au-delà et les esprits maléfiques doivent jouer un rôle; et prendre de cette boisson signifie chasser les esprits mauvais. C'est l'Ombiasa (guérisseur ou sorcier qui indique l'arbre qu'il faut prendre pour préparer L'Ody-Lolo. Il varie selon l'Ombiasy qu'on a consulté. Cette fois, je (l'Assistant) prends comme tout le monde deux cuillérées de cet Ody-Lolo. Il a un goût très amer (mais ce n'est pas toujours le cas me dit-on). Les conclusions de l'assistant concernant son insertion et le sens de cette cérémonie seront claires: "La cérémonie à laquelle je participe aujourd'hui joue deux rôles, à la fois Alafaroratra et Asa-Lolo. Arrivés au tombeau, chacun choisit sa place. On y mange, dort, chante ou joue de la musique. On y boit également, au fond c'est une fête, qui n'a guère de signification symbolique. Le lendemain, on sacrifie le boeuf choisi pour cette circonstance, chacun prend sa part. Enfin, un Olobe (ancien) du clan (Foko) qui organise cette cérémonie remercie tous les participants. Chacun rentre chez soi, la cérémonie est terminée".

"Au cours de cette cérémonie, j'ai pris contact (l'Assistant) avec les Olobe (notables) du village, je me propose de leur montrer ce que c'est qu'un interview, en prenant un exemple. J'entame une discussion avec Malaitsy, un ancien (Olobe) du village, en prenant pour thème "l'enterrement, et tout ce qui tourne autour de la mort chez les Sakalava". La discussion n'est pas d'une très grande qualité, mais je l'ai prise à titre d'exemple et pour faire tomber leur méfiance à mon égard. Je leur dis en substance que je fais partie de leur Longo (alliés), et que c'est la raison pour laquelle j'ai accepté bien volontier leur invitation, et même que j'apporte comme les autres ma contribution (lOO FMG pour les jeunes et 200 FMG pour les Olobe). C'est pourquoi je me sens de plus en plus lié avec les villageois, je peux dire que je fais partie du village comme si j'y étais né". III - ANDRANOFOT5Y, VILLAGE DU DELTA NORD DE LA T5IRIBIHINA

III-2 L'INITIATION - 97 -

Les évènements marguants

La présentation du chercheur étranger auprès des Mpitoka (chefs de lignage) les plus importants du village fut l'aboutissement logique du processus d'insertion sociale de l'Assistant que nous avons décrit plus haut. Utilisant toutes les médiations qui se présentaient en partageant la vie quotidienne des villageois, sa mobilité dans l'espace géographique du village, comme ses allées et venues à Belo-sur-Tsiribihina, ont permis de réunir de nombreuses informations tant sur l'organisation des cultures ou les échanges de produits, que sur les rapports sociaux à l'intérieur du village. L'arrivée du chercheur étranger dans le village marquera une accélération dans cette collecte d'informations, et ouvrira un nouveau mode de relations entre le village et l'équipe d'enquête, une phase "initiatique" d'apprentissage du code des relations internes et de leur modulation par le jeu des rapports externes.

Au jour prévu pour notre arrivée au village d'Andranofotsy, nous avons choisi de rencontrer dans une buvette proche de l'aéroport de Belo, le notable Batozy, Tsimangataky dont nous devions être l'hôte privilégié, le conseiller . Tagaga des Marofohy, et le chef de village FIrengea du lignage Tsitompa. Cette buvette appartenait à un Karany (indien Pakistanais) qui nous lôua pour 500 FMG une Peugeot 203 avec laquelle nous avons pu ramener tout le monde au village. Un accueil "officiel" nous était réservé, d'emblée ritualisé, dans la case qui nous était attribuée et où nous attendaient les Mpitoka réunis à cet effet. Il contrastait avec les réunions qui avaient eu lieu un an plus tôt, et qui s'étaient tenues à l'entrée du village non loin de l'école primaire, au pied d'un Kily, endroit réservé aux visites officielles de l'Administration. Nous avions prévu d'offrir les cadeaux rituels, plus symboliques que réels. Devant cette assemblée qui ne rassemblait qu'un petit nombre de personnes, on pouvait noter déjà la présence de Tsimikora, héritier de l'ancêtre fondateur du village, alors que le Masy­ Malaitsy était absent, lui qui par la suite devait s'associer à notre travail au point de l'orienter de manière déterminante.

Selon le scénario que nous avions choisi, l'assistant sur la suggestion duquel nous avions apporté avec nous une bouteille de vin et une bouteille de bière, fut chargé de presenter l'étrangère et d'offrir les boissons. Il insista particulièrement sur le respect absolu des traditions auquel lui-même était attaché et dans lequel s'inscrivait l'ensemble du projet de recherche, s'engageant à ne pas divulguer ce qui à propos des ancêtres devrait rester secret. Les prises de par<~le virent se succéder dans l'ordre, l'Assistant pour cette présentation, parlant comme quelqu'un de connu par son séjour parmi eux, le conseiller rural Tagaga qui comptait parmi ses parents alliés des Hauts-Fonctionnaires et notamment le Chef de Province (préfet igame) de Tulear, enfin Tsimikora, descendant direct de l'ancêtre fondateur du village. Avant de prendre la parole, le conseiller Tagaga s'adressera en premier en signe de respect, à Tsimikora, puis à nous pour nous remercier, enfin il fera une invocation avant de boire. Tsimikora, servi le premier en signe de respect, reprendra les invocations faites par le conseiller. Cette présentation rapide se terminera par une visite du village, que nous ferons moins comme information que pour nous montrer. Ce sera l'occasion de revoir les éléments du sacré qui s'inscrivent dans l'espace habité du village: Hazomanga (pieux de circoncision), les uns à l'est de la case du Mpitoka qui en est le responsable, les autres au pied d'un Kily (tamarinier) partageant la même ombre, quelques autres épars au pied d'un Kapoaka (cotonnier>; le Togny-Tany, arbre sacré talisman de la fondation du village. Nous notons à nouveau les cases - 98 -

abandonnées, les regroupements sociologiques sur la base du Tariky (segment de lipnage) et enfin les parcs à boeufs à la periphérie du village (Cf. carte parenté residence : hors texte n° 3).

Ces visites se poursuivront le lendemain et le jour suivant, en même temps que sera complétée et discutée la généalogie du lignage fondateur Tsitompa. La réalisation de cette généalogie, incluant à partir du Mpitoka-Tsimikora trois générations ascendantes et cinq générations descendantes nous fournissait une matrice sociologique qui nous permettait de saisir les différenciations et les statuts. Nos informateurs furent fort utiles pour la constituer et parmi eux Malaitsy, le Masy gardien du Togny et unificateur des relations du village, capable d'anticiper et de prévenir les conflits sous-jacents dans les rapports entre les formations sociales composant le village. La relation entre les campements et le village d'Andranofotsy révélait les segmentations partielles, tolérées et contrôlées par l'appartenance aux tombeaux de Besely, Iaborana et Nosy-Lava, comme par les regroupements cérémoniels induits des Tromba­ Andrano et Antety (cérémonies de possession). Nos entretiens seront centrés sur les évènements qui se passaient au village, l'enterrement, la circoncision, le Tromba-Andrano. Ils apportaient une précision remarquable dans l'analyse de ces cérémonies et l'interprétation des rapports symboliques qui s'y jouaient. Les liens généalogiques des différents groupes lignagers (descendance) et interlignagers (alliance) furent éclaircis, avec la mise au point des principales généalogies: Tsitompa, Sakoambe-Mija, Misara, Andralefy (Cf. Tome l, Chapitre IV).

C'est par un entretien auprès du Mpitoka-Tsimikora des Tsitompa, détenteur du Hazomanga, que nous terminerons cette phase initiatique. Il est le véritable coordinateur de la communauté villageoise, mais aussi le principal acteur économique en tant que gestionnaire de l'activité productive et d'échange. A la fin de cette période d'initiation, nous avions clarifié les modes de fonctionnement socio-économique du village, identifié les médiateurs des rapports internes-externes, et la référence Misara apparaissait déjà fonder certains rapports politiques induits des hauts-lieux comme les tombeaux et Tragnovinta.

III-2-l Texte n° 21 - Entretien avec le Chef de village d'Andramasay, avec le Masy-Malaitsy et Batozy, Chef de lignage Tsimanangataky 04-08-1969)

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Cet entretien se situe trois jours après notre arrivée et notre présentation aux principaux chefs de lignage du village d'Andranofotsy. Les textes recueillis à cette période sont importants, car nous disposons de peu d'enregistrements pour les quinze jours durant lesquels l'Assistant avait eu pour fonction de préparer le village à notre arrivée et de présenter l'enquête que nous envisagions de faire avec leur concours, et les méthodes que nous allions utiliser. Dans cette première phase où l'Assistant opérait seul, les notes journalières étaient la base du suivi de l'analyse des informations obtenues. Aucun entretien n'avait été mené systématiquement, pour éviter les pièges d'une problématique enfermante. Celui-ci cependant s'inscrit directement dans le déroulement de la - 99 -

pratique d'enquête, quelques jours après la participation de l'Assistant à la cérémonie funèbre de nettoyage des tombeaux Tsitompa de Besely. Cette expérience avait permis de dresser un protocole thématique pour cet entretien, qui ne devait servir que de guide.

Nous avions réuni pour cette discussion deux Mpitoka (chefs de li&nage) qui se trouvaient l'un et l'autre à la charnière de l'intégration sociale réalisee par les Tsitompa, le Masy-Malaitsy, et Gaston, chef du village d'Andramasay. Ils occupaient des positions sociales caractéristiques de cette unité. Le Masy­ Malaitsy, gardien du Togny et du culte Antragnovato, enfant adopté par Nampia, ancêtre Tsitompa à la génération Dady, était d'origine paternelle Hirijy et ses parents résidaient plus au Nord, à Moravagno, où nous devions nous rendre plus tard. Nous avons compris par l'interview du chef de lignage Hirijy (Tsihenjagny, Textes n° 15/16 p.76) que ce groupe Hirijy occupe une position sociale historique particulière qui en fait les médiateurs obliges de toute une série de relations et notamment celles qui touchent aux alliances avec les Maroserana. L'adoption de Malaitsy par le groupe Tsitompa le plaçait au coeur des contradictions sociales du village, et sa tendance était sans cesse d'atténuer les conflits induits des relations de parenté et d'alliance. Moralisateur au niveau du village, il l'était par nature et par fonction. C'est lui qui a codifié, contrôlé, fait avancer notre prise de conscience de la réalité, en sorte que notre insertion s'est toujours effectuée en douceur, sans contrarier ni accentuer les tensions que l'on sentait pourtant vives dans le village. Ainsi, peu de temps avant cet entretien, avions-nous été pris à témoin de la difficulté que le village avait à s'unifier pour créer un Dynam-Pokonolona (assemblée de village) et réaliser l'immatriculation du terroir pour lutter contre la main-mise de fonctionnaires sur les terres de pâture et de culture. Le chef de village d'Andramasay, Gaston, faisait partie des alliés des Tsitompa fondateurs du village, à la génération la plus ancienne par son ori9ine Marotsiraty. De plus, le culte d'Antragnovato d'Andranofotsy était célebré auparavant à Andramasay, attestant de l!.unité historique de ces deux villages qui socialement n'en formaient qu'un seul, et qui économiquement etaient indissociables puisque le village d'Andramasay apparaissait comme la clef des relations concernant l'élevage des boeufs d'accumulation. Quant à Batozy, chef de lignage Tsimangataky qui nous hébergeait, c'était un fils et un cadet au plein sens du terme, tant symbolique que réel. Son mariage avec une femme Samoky le plaçait à l'opposé de Malaitsy car le clivage éleveur­ cultivateur impliquait très fortement le groupe Samoky qui, pourtant faisait partie des Longo-Amin-razana (alliés par mariage) des Tsitompa à la génération de Nampia, père de Tsimikora. Il restait volontier neutre et marginal dans les situations difficiles et s'abstenait de prendre la parole autrement que sous contrôle. Il fut constamment associé à notre travail mais ne l'a pas marqué. Il nous accompagnait et observait.

B- Résumé et principaux thèmes

Cet entretien a pour principal thème la mort et les rites de l'enterrement. La description de la cérémonie en précise les différents moments, la préparation et l'invitation des parents et amis, la veillée funèbre, la préparation du cercueil, et les pri.oncipaux rites de l'ensevelissement: les effets du mort sont mis dans le cercueil, et leur nombre est obligatoirement pair -les - 100 -

chiffres impairs évoquant la sorcellerie-, le tombeau est orienté de façon différente selon que le mort est ou non d'origine royale, enfin il y a différentes sortes de tombes. Ce sont les Rarivato (tombeaux en pierres), Harikitsoko (sorte de parc construit en bois d'Hazomaimbo), les Lolo-Fafy (tombeau spécial aux Vezo avec des Aloalo), et enfin les Lolo-Fehiloha (tombeaux avec des statues en bois d'Hazomaimbo). La présence de statues signifie en général que le propriétaire du tombeau était riche. Une importance particulière est donnée aux coutumes qui régissent l'appartenance du tombeau au Hazomanga (pieu de circoncision, symbole de l'appartenance au lignage).

La partie la plus importante de ce texte concerne la relation entre les morts et les vivants, celle qui s'institue au travers des interdits spécifiques de la communauté villageoise, dont il est dit qu'elle "partage la même ombre", donc les mêmes ancêtres, les mêmes morts. L'émergeance de Tromba (cérémonie de possession) est liée à la présence des morts qui se réincarnent et contre lesquels les Ody-Lolo (charmes) prescrits par le Masy (devin) doivent apporter protection. L'invocation devant le tombeau au moment de l'enterrement est faite par le Ziva (allié par le lien Ziva) de la famille qui fait une prière pour tenir à distance les morts des vivants, et empêcher une éventuelle action néfaste.

La présentation des principaux interdits du village d'Andranofotsy précède une discussion sur les raisons de la moindre longévité des gens actuellement. Nos informateurs l'attribuent au fait que depuis la colonisation, les interdits sont de plus en plus fréquemment transgressés ou ignorés. Enfin, l'organisation de la veillée funèbre est une occasion de mettre en scène et de mettre en valeur les inégalités sociales liées à la parenté.

C- Elements d'information retenus

Nous retiendrons et ferons apparaître en montage thématique, les éléments les moins descriptifs de cette discussion:

- Relation tombeau et interdits collectifs - Lien Ziva - Tromba - Les différenciations sociales que traduit l'organisation et la préparation d'une telle cérémonie.

1II-2-2 Texte n022 - Cérémonie de Rombo au campement de Belengo (20-08-1969 )

A- Situation d'enguête

La cérémonie de Rombo fait partie de ces multiples manifestations auxquelles la présence constante dans le village permet à l'équipe d'enquête d'assister. 11 s'agissait ici d'un Tromba (cérémonie de possession) d'un type particulier. La cérémonie Rombo se pratique une fois l'an, elle est destinée - 101 -

à invoquer les esprits Tromba issus de l'eau, pour qu'ils prennent possession des individus susceptibles d'être intégrés à la communauté Tromba (ces possédés sont nommés Kinangana). L'Assistant s'est présenté à cette cérémonie accompagné de notre informateur Malaitsy, Masy d'Antragnovato, qui n'est pas adepte de ce Tromba, et n'est pas impliqué dans cette manifestation. Il le qualifiera même de Ratsy (mauvais), faisant preuve d'une évidente partialité. La femme possédée, Tiny, organisatrice et chef du Tromba (Bandra), n'a pas été interviewée. L'enregistrement réalisé est très court, il a été coupé quand les participants ont refusé que la cérémonie soit enregistrée.

B- Résumé du texte

Le texte est constitué de questions posées par l'enquêteur, auxquelles Malaitsy répond le plus souvent de façon breve. On y trouvera des éléments descriptifs de la cérémonie, et des bribes d'information à caractère général.

Les éléments du rite sont l'encens, et du rhum blanc Vazaha (étranger). Il comporte des danses et la musique du Valiha, instrument à cordes qui dans le Rombo est nommé Marovany. Le nom de Bandra est donné au chef de Tromba.

L'organisatrice du Tromba, Tiny, est possédée par un esprit nommé Vahatsara (liane). Les esprits invoqués sont qualifiés de méchants. Ils viennent de l'eau, autrefois ils étaient des hommes comme les autres, et à leur mort (non naturelle ?) on les a mis dans l'eau.

C- Eléments d'information retenus

- Notons que les Tromba-Andrano, et les Tromba-Sazoka, ou Boeny, ou Doany viennent tous de l'eau, mais les Tromba-Andrano sont des hommes ordinaires.

- Difficulté à aborder les Tromba-Andrano, par leur caractère anti­ étranger, bien qu'ils aient impliqué le plus souvent la formation citadine, et donc des individus habitués de longue date aux rapports avec les étrangers, et dont ils savent bien tirer les légitimités utiles dans d'autres situations.

III-2-3 Texte nO 23 - Entretien avec le Mpitoka-Misara, Tsitsaha, à Belo (23-08-1969)

A- Situation d'enguête et gualité de l'informateur

Cet entretien a eu lieu à Belo sur Tsiribihina, dans notre case d'habitation, et n'avait pas été particulièrement programmé: de fait, nous avons rencontré le Mpitoka (chef de lignage) Misara d'Andranofotsy à la kermesse organisée à Belo par le parti P.S.D. Selon notre habitude lors de chaque premier entretien avec un nouvel interlocuteur, la discussion a été engagée sur l'origine - 102 -

lignagère de notre informateur, afin de préciser le contenu de l'identité Misara à laquelle il se référait quasi exclusivement. Ce qui allait commencer comme une banale et classique investigation, allait se révéler bien au contraire comme à l'origine d'une interrogation quasi épistémologique des catégories t1historiquestl de parenté. De cet entretien, date sans doute l'ouverture d'un véritable débat où chaque nouvel interlocuteur apportait son poids, et modifiait les synthèses et les équilibres provisoires auxquels nous étions parvenus.

Si nous ravivons un instant le souvenir que nous avons gardé de cet entretien, tel qu'il fut mené par l'assistant en notre présence mais sans notre intervention directe, nous ne pouvons que témoigner du sentiment de malaise que nous éprouvions alors à voir s'évanouir les certitudes de la validité de nos catégories d'analyse. La notion de Raza, par exemple, opérait un renversement de sens quand à propos de la référence Misara, elle n'était plus soutenue par une origine unique, mais se perdait dans les justifications apportées à cette identité. Cette expérience d'écoute discrète et de compréhension immédiate allait être déterminante: achevant de dissoudre les rares certitudes que nous avions acquises au contact de cette société, elle nous obligeait à remonter au sens comme les autres, et à leur mort (nocaché du discours produit, en identifiant constamment les t1lieux de paroletl de nos informateurs. Le Mpitoka-Misara, qui est resté très coopératif dans la suite de l'enquête, était un maître ès-qualité en matière idéologique. L'identité de caste qu'il prônait, s'appuyait sur les pratiques sociales convergentes de groupes locaux, validées par les héritiers Maroserana, anciens interlocuteurs du pouvoir colonial, et certains nouveaux hommes d'Etat.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

1 - Origines Miavotrarivo-Misara du Mpitoka

Le Mpitoka-Tsitsaha est d'origine paternelle Miavotrarivo et maternelle Misara. Les ancêtres mythiques qu'il cite en ligne paternelle Miavotrarivo sont au nombre de 12 et en ligne maternelle Misara au nombre 7.

Miavotrarivo: Ratale Misara: Ndremisara Rampata Ndramandalarivo Ratarihy Ndrakisanarivo Ravato Ndramitsakarivo Ndramonasanarivo Ndramamonjiarivo Ndrambaranarivo

En réalité, le grand-père de l'informateur nommé Berivotse était Miavotrarivo, son arrière grand-père également, la mère de son grand-père était Misara (Cf. Tome l, Chapitre IV, Tombeau de Befifitaha). On peut dire que l'identité Misara est matrilinéaire. D'autre part, l'appartenance au tombeau de Befifitaha se fait selon la succession patrilineaire depuis sa création. - 103 -

2 - Le mariage, un choix stratégique et une réalité sociologique

Le choix des alliés des descendants actuels s'oriente vers les anciens groupes dominants. Ainsi, les villages de Mananjaka où résidaient les Misara de Kekarivo, et Tsimafana, où résidaient les Maroserana descendants de la branche Makoa-Ingerezza, sont les villages où ils ont pris des femmes.

Le choix d'Andranofotsy comme résidence est le fait du mariage avec les Marotsiraty. L'informateur ne sera pas clair quand il s'agira d'expliquer son installation à Andranofotsy. Il cîtera le fondateur Alimpito, frère de Nampia, et dira que tout le monde devient Longo (parent).

3 - Une théorie sociale politique de l'identité Misara

La connaissance qu'a notre informateur de ses ancêtres mythiques est liée au fait qu'il énumère dans le Toka (prière des ancêtres Maroserana) tous ces noms appris par coeur, mais aussi qu'il a participé en 1939 au voyage organisé par le Gouverneur Pierre Kamamy à Benghe aux sources de la royauté.

Les Mpitoka qui ont été associés à ce voyage étaient Managnila (de branche royale) :

Rabehava Nobles Antaisaka Maromany Finaoky Descendants de Ndriandahifotsy Marolahy Sikily Autochtones du Sud Homankazo Tsiarana Autochtones du Nord Andrevola Vassaux des Maroserana de même origine Zafitsimeto Lignée de Masy-Antaimoro Zafimagnely Bara de même origine que les Maroserana

Ils ont fait serment devant le Hazomanga-Vy, c'est-à-dire l'autel Togny­ Tany (1) du premier Menabe au temps de Ndremandazoaia, Ndremisara, Ndremandresy. Au talisman royal, est attaché le principe de solidarité qui établit les groupes qui font allégeance Ziva entre eux, et cela malgré les conflits qui les traversent, puisque Ndremisara et Ndremandresy sont frères et que Ndremisara est à l'origine de tous les Raza.

(1) Nous verrons Chapitre IV, Tome 1 que c'est la même idéologie d'intégration politique qui est sous-jacente au culte d'Antragnovato par référence aux catégories mythiques du Toka, prière adressée à ce culte. Le Tromba Antety montre également que l'idéologie Misara procède abstraitement de cette délégation. - 104 -

4 - Géopolitique au temps de la colonisation

On ne trouve pas dans ce texte de distinction faite entre les différentes périodes de la colonisation (ordre militaire, appui sur les nobles jusqu'en 1939, etc.••)

Les différenciations sociales politiques dont le Mpitoka-Tsitsaha fait état se rapportent à la segmentation des groupes Misara de Kekarivo, Mitsinjo, Befliitaha et aux divisions préexistantes des Maroserana: Mananjaka, Tomboarivo, Tsianihy.

Il distingue ceux qui parmi les Misara ont une Tragnovinta-Kekarivo et Mitsinjo,

- des tombeaux Maroserana - et de la Tragnovinta de Bevilo appartenant aux Maromany, mais ces derniers l'ont usurpée en conséquence de quoi ils n'ont pas de descendants (sanction de la violation de droit).

Dispersion des Misara à partir de Kekarivo (rive Est du Bemarivo) vers la rive Ouest (Befifitaha, Bekiria), au Nord à Aboalimena et Tanambao, au Sud à Mitsinjo et Belo.

La période d'expansion est évoquée comme la conséquence des échanges Est-Ouest (marmites en terre, Lamba en Landy (toile de lin, tissu très coloré), que la colonisation n'a jamais pu soumettre le Menabe, mais qu'eux-mêmes (les Sakalava) sont responsables de la pénétration coloniale: "les Ambaniandro poussaient les Vazaha à faire la guerre avec les Sakalava". Une fois le roi Toera tué, la résistance (évoquée en termes de brigandages, pillages) s'est organisée. Ensuite, les Longo ont trahi les Longo. Ceux qui résistaient étaient jetés à l'eau avec une pierre autour du cou. Il y a eu l'impôt, au début du riz blanc, puis un franc, 5 francs, 7 et dix francs.

Les résistants furent en premier lieu les cadets de Kekarivo d'origine Misara, qui ont migré au nord à Tanambao Manambolo, puis les descendants des Mpagnito (Mitsinjo) au nord à Manambolo et au sud de la Tsiribihina, d'autres qui ont migré vers les plateaux du Bemahra puis du Bongolava jusqu'à Majunga, enfin ceux de Mananjaka.

5 - Relations sociales - historiques de Befliitaha et Kekarivo

Les Kekarivo sont de souche très ancienne, descendants du lignage aîné, ce sont les "Tariky (segment de lignage) du fils aîné". La succession pour la Tragnovinta chez les Misara se fait comme celle du Hazomanga dans les autres groupes lignagers. On apprend qu'Horieka, femme Misara à l'origine de Kekarivo était la soeur du. grand-père paternel de l'informateur. - 105 -

6 - Stratégie particulière des femmes d'origine royale

Le texte présente une ambiguïté, il est vraisemblable qu'il s'agisse des femmes dites Misara. Les femmes d'origine royale donc, filles ou soeurs des rois choisissent elles-mêmes leurs époux, ne reconnaissent pas leurs descendants, qui ont tout de même droit à l'orientation Sud-Nord dans le tombeau. Seul le mariage avec un groupe de même origine royale sera reconnu.

7 - Tradition de Miky-Miky, Tompon-Tany

Il est clair dans ce texte que le roi n'a rien en propre, mais qu'il a tout, il a droit aux prémices, mais n'a pas de marque d'oreille de boeufs particulière.

8 - Présentation du Fisema

Il s'agit d'une association de jeux sur le lac Bemarivo, à laquelle participaient les villages environnants, et parmi eux le village d'Andranofotsy, mais qui fut dissoute. Elle a duré deux ans.

Personne ne participait plus à la foire annuelle, car le Fisema l'avait en fait bien remplacée.

C- Elément d'information retenus

L'importance l1énéralement accordée au fait d'appartenir ou non à une Tragnovinta indique dejà une connotation politique, puisqu'à ce haut-lieu sont attachés une surveillance et des rites particuliers auxquels sont astreints les dépendants du groupe. Même réduit, ce type de "clientélisme" existait en rapport avec ces lieux, et c'est aussi à partir de ces lieux fortement marqués par l'Histoire qu'ont emergé les Tromba-Sazoka (cérémonies de possession d'esprits royaux). Il existe également d'autres Tromba associés, dont nous n'avons qu'une faible connaissance.

Le texte donne un aperçu des liens généalogiques susceptibles de devenir le support de constructions mythiques rattachées aux Hauts-Lieux de référence.

Certains Tromba-Andrano ont leur origine dans des faits remontant à la période d'expansion coloniale, qui sont des morts violentes, non naturelles, dont le résultat a été la soumission forcée, mais pas forcément intériorisée. - 106 -

I11-2-4 Texte n024 - Entretien avec François et Saohanaky, tous deux d'origine Misara (14-08-l969)

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Cette entretien fait suite au précédent, avec Tsitsaha, Mpitoka­ Misara d'Andranofotsy {Texte nO 23 ci-dessus}. Il en précise bien des points qui ont été repris ici avec son fils François. L'informateur Saohanaky de la branche Misara-Kekarivo, est parent de Tsitsaha, il a des rizières situées à côté de celles des résidents d'Andranofotsy sur le Lac Bemarivo, non loin de Mangotroky, village de la rive Est du Lac (Cf. carte terroir rizicole sur le Bemarivo, p.146) .

A l'époque où cet entretien a été enregistré, nous ne savions pas encore que les segmentations Misara, évoquées au cours de ces entretiens mais également en de multiples occasions et. par des informateurs très différents, deviendraient l'élément déterminant de la matrice sociale des différenciations présentes. Nous n'avions pas non plus conscience du degré d'implication des Misara dans les alliances successives des Maroserana depuis un siècle. Certes, à la toute première origine, il était clair que les Misara étaient le point de référence et le point de départ de la différenciation de caste. Mais dans la région, sans doute par le biais des mi&rations Sud-Nord des groupes dominants insoumis et de leurs dépendants à l'epoque de l'expansion Merina comme de la colonisation, cette référënce avait acquis une fonction nouvelle. Unificatrice et intégratrice de ces segmentations, l'identité· Misara s'est trouvée confondue avec l'identité Maroserana, de sorte qu'elles sont devenues substitutives. La pratique des surnoms et des noms posthumes s'est à tel point pratiquée pour les Matoe, ancêtres personnalisés de ces groupes Misara, qu'il ne nous sera sans doute pas possible de restituer la classification de ces groupes au regard des évènements marquants d'une part, et connaissant d'autre part leur filiation, quand leur destin se sépare de la lignée dynastique. .

Les ancêtres mythiques Misara cités précédemment par Tsitsaha ne seront pas explicités par ce nouvel entretien. Seul un court passage de ce texte évoquera la dispersion des Misara au travers de laquelle se sont créés les villages permanents du Bemarivo qui n'existaient pas avant la colonisation. De manière sous jacente, il faut comprendre que les seuls lieux de regroupement de population aux débuts de la colonisation étaient les actuels tombeaux royaux, anciennes résidences royales, Tomboarivo, Mananjaka, Tsianihy pour les branches Maroserana et les Tragnovinta de Kekarivo-Mitsinjo pour les branches Misara.

Notons que notre informateur Saohanaky n'entrera dans le vif du sujet . qu'après une rapide mais cinglante mise à distance. La nature des relations engagées avec notre enquête dans cet entretien est précisée de façon nette. L'Assistant ayant pris la précaution oratoire de preciser que le chercheur étranger et lui-même partagaient le même projet d'enquête, la réponse sera brutale: "seuls les gens haut-placés ont des paroles compliquées"••• "Après votre départ, nous prendrons nos enfants et petits-enfants à part et nous leur dirons la vérité sur votre séjour ici"••• "ils doivent peser le pour et le contre".•• Jamais ne sera plus clairement exprimée l'impossible assimilation de l'étranger. Quelque part pourtant, ces affirmations nous rassuraient, elles montraient que dès le départ de l'enquête, les jeux de rôle étaient distribués, et que nous étions agis dans les rapports internes. C'est bien ce que nous cherchions, puisqu'une bonne mise à distance au départ devait assurer la dynamique de notre insertion sociale. - 107 -

B- Résumé du texte et principaux thèmes

1 - Description du territoire villageois

Le territoire villageois est présenté au travers d'un récit de la création du monde, où Ndranahary (Dieu) crea la terre, les animaux et les plantes (1). Ce mythe de l'origine est la trame que choisit notre informateur pour définir les limites du territoire villageois, présenter les différents types de paysage qu'on y rencontre, les cultures qui y sont pratiquées, les plantes qui y poussent, "chaque chose a sa place". Une importance particulière est donnée aux plantes sauvages, leur variété, leurs usa&es, les espèces comestibles et celles qui ne le sont pas, bref tout ce qui a trait a la cueillette:

- Il nomme les différentes herbes que l'on trouve dans les rizières: Ahibivy, Alalanda, Andraondra, Mangatakenomenjaza.

- Les différentes espèces de Jijo (jonc) qui servent à fabriquer les nattes et poussent dans les marais: Jijo, Hatrevo qui donnent des fruits comme des noix de coco qui ont un goOt amer, Kapaike, Tsiambaravale, Dongaritse.

- Les Asoritse qui poussent aussi dans les rizières.

L'héritage est présenté comme facteur de tensions sociales:

- L'héritage de la terre se fait en ligne indifférenciée.

- Chaque descendant ~érite de son père et de sa mère.

- On ne peut pas hériter de son grand-père.

- S'il n'y a pas d'héritier, les terres reviennent au lignage d'origine (maternel ou paterne!). Suppose un accord entre frères et soeurs.

- L'héritage se partage avec la belle-fille. - Si le père est inconnu, l'héritage revient à la famille de la mère.

- Si une femme s'est mariée avec deux hommes, chaque descendant hérite de son père.

- Si la mère se remarie avec le frère ou un parent, pas de problème d'héritage, puisqu'ils sont de la même famille.

(l) Le thème de l'origine du Menabe-Andranofotsy ne se présente pas comme une tradition orale, mais il reprend les thèmes de la tradition orale recueillie par E. Nerina auprès de Madame Rimake à Belo sur Tsiribihina le 8-12-1977 (E. Nerina, Thèse de Doctorat de Troisième Cycle, EHESS, Paris 1982, ppl-l7>. La différence des deux textes tient à la complémentarité établie par Madame Rimake entre les cultures sèches totalement intégrées à l'économie de l'élevage, et le pouvoir légitime des autochtones sur la terre. Le thème que développe Saohanaky intègre la riziculture à l'élevage au point d'en être l'origine et le support de son développement. - 108 -

- Les enfants de pères différents se partagent l'héritage de leur mère.

- Dans le cas fréquent du mariage d'un homme avec trois femmes, les enfants héritent de leurs mères respectives: "à la mort de leurs parents, les enfants héritent chacun de leur mère, ensemble ils héritent de leur père.

Les nouvelles mises en valeur font l'objet de décisions collectives, le partage des nouvelles terres est fait par les notables, chaque Fokoany a sa part.

La notion de terre libre n'existe pas, la collectivité est garant du droit sur la terre: "on ne dit jamais: cette terre appartient à l'Etat".•• "terre vierge, propriété de l'Etat, sont des expressions récentes". De même, l'expression "nous sommes tous des Zana-Tany" est récente aussi.

2 - Parenté et Alliance

Fatidra - Interdit de mariage entre Fatidra. Signification de ce lien de sang "goûter le sang••• pour que nous devenions parents. Même si nous ne som mes pas sortis du même ventre, je voudr?is que nous devenions parents".

- Jours fastes pour le Fatidra, ils sont déterminés par le Masy (devin). Les jeudi, lundi et dimanche sont interdits.

- Chacun d'entre les partenaires prend les enfants de l'autre comme ses propres enfants.

- Eleménts du rituel: un repas partagé, on y mange une herbe spéciale le Fandrotsara (sorte de trèfle). On l'arrache, on le coupe de manière arrondie, on en fait du Harimbelo ( ), on y met du sel et de la suie. On plante la pointe de la sagaie dans l'assiette contenant le mélange. Les partenaires tiennent les mains superposées "demandé en haut, demandeur en bas, on y trace la terre, les points cardinaux". C'est le Mpanitsike.

- Prière à cette occasion: "vous les huit coins de la terre où habite ''Tsokahitsell (esprit)•••"

Fatidra et Ziva - Assimilation Fatidra et Ziva: avant Fatidra et Ziva ne pouvaient s'insulter en disant à l'autre "Manjay-Sira" (devenir seI), c'était interdit.

- On ne peut devenir Fatidra quand on est apparenté, mais là encore la tradition se perd et une cérémonie lève l'interdit "Mifanaky-Rano" (repentirl.

- Le lien Ziva Am'in Fatidra: après plusieurs liens de Fatidra dans les familles, le Fatidra se transforme en Ziva.

- L'héritage n'existe pas dans la réglementation des rapports entre Ziva et Fatidra. Seuls les biens achetés, acquis par le travail peuvent être objet de partage entre Fatidra et Ziva. - 109 -

Ainsi Baiboho, rizières, Hatsake (terres de brûlis) n'entrent pas dans le partage car il s'agit de biens durables, et non du produit des efforts. Quant aux boeufs, ils sont le produit du travail et sont conservés par le père pour le fils, car "c'est la conscience du père qui joue". .

3 - Origine des boeufs, fonction sociale et économique des boeufs

"Si tu ne connais pas tes ancêtres, ni la marque ·d'oreille des boeufs de ton clan, c'est que tu es un descendant d'esclave". C'est sur cette formule imagée que s'engage la discussion sur l'importance des boeufs.

- "Les boeufs sont la première des richesses", car l'argent ne doit pas être dépensé pour les objets sans valeur, mais pour des biens dont les enfants pourront hériter".

- Les marques d'oreille de boeufs permettent de reconnaître que leurs propriétaires sont parents, descendants d'un même ancêtre. Cette continuité est le produit de l'identité d'origine et des rapports des Raza entre eux au moment des successions.

- La tradition orale concernant l'origine du boeuf marque l'identité entre la reproduction des boeufs et celle des segments de lignage.

- Le gardiennage des boeufs nécessite une entente pour le gardiennage "Kijana" par les bouviers dans le parc à boeufs.

- La commercialisation des boeufs se fait par l'intermédiaire d'acheteurs ou de parents, vers le Nord. Du temps de la colonisation, il y avait la Compagnie 5erinamo. De toutes façons, les échanges, même marchands se font selon les rapports sociaux spatialisés, car "la Tsiribihina existe non à cause des boeufs, mais des clans qui l'habitent".

- Le sacrifice d'un boeuf pour demander la guérison d'un malade, exige un boeuf d'une marque d'oreille précise.

4 - Problème du village à propos d'Ankotraka

Il s'agit d'une zone de pâturage des boeufs nouvellement mise en rizière dans le cadre de la mise en valeur rizicole. Le village cherche une solution par le biais d'une convention "Dynam-Pokonolona" et l'immatriculation du terroir villageois.

C- Eléments d'information retenus

Le parti-pris de réalisme de l'informateur et son souci didactique sont visibles dans ce texte, où les relations entre les différentes productions, en particulier le riz et l'élevage, sont présentées corn me fondées sur les systèmes d'héritage respectifs des boeufs et des terres rizicoles. Il apparaît pourtant que l'identité sociale du groupe est totalement contenue dans la reproduction du - 110 -

troupeau et les différenciations des marques d'oreille de boeufs. On peut dire que la succession des terres est tributaire de la formation et de la reproduction du capital-boeufs, et de sa transformation en bien durable capable d'assurer l'identification du groupe et des rapports permanents entre groupes.

- Fonction des rapports Longo Amin Fatidra et Ziva dans le processus de reproduction du groupe ainsi identifié.

- Le texte comprend une tradition orale sur l'origine du boeuf.

- Importance de l'identité lignagère, ici Misara, par rapport aux parents Longo co-résidents.

111-2-5 Texte n025 - Première réunion de groupe des Mpitoka du village (24-08-1969 )

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

La première réunion de groupe des Mpitoka (chefs de lignage) du village d'Andranofotsy, organisée par l'équipe d'enquête reprendra exactement en les élargissant, les problèmes évoqués par les principaux chefs de lignage réunis huit jours plus tôt à l'initiative du conseiller Tagaga (17-08-1969). Le conseiller Tagaga sera présent aux deux réunions. La question débattue était celle de l'immatriculation collective d'un terroir rizicole de 260 ha (Cf. p.Ul), situé à l'Ouest d'Andranofotsy (1). Nous résumerons en premier cette réunion du 17-08­ 1969, à laquelle nous avions assisté.

1

(1) Les limites de ce terroir (Cf. carte nO 2 hors-texte) sont le Tombeau de Iaborana-Nosy-lava au sud, Be1engo, Antsakoa et Sofidambo à l'Ouest, Ambivy-Ankotraka Antragnovato, Ankodokodo (lieu de pêche à l'anguiIle) au nord et la fontaine à l'est du village. - III Fig. l

ZONE OU OELT" LE TERRorR RIZICOLE ICAlnE 21 ANDRANOFOTSY Echello ~u 112S 000 o 0 Limüo· occldentalo do la fort' o .;. ~ .;. O··..·• o o .. e ,. o "', i- .•;:0 '/. Paf~cuvl.fS

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Résumé de la réunion du 17-08-1969 :

A 9 h du matin, les Mpitoka-Tsitompa, Andra1efy, le Chef de village Firengea (Tsitompa), un représentant des campements de Belengo et Andimaky se réunissent au pied du Kily (tamarinier> qui se trouve au centre du village. C'est le conseiller Tagaga qui ouvre la discussion. Le groupe s'est disposé en forme de fer à cheval, les plus anciens se plaçant à l'Est. La demande d'immatriculation faisant l'objet du débat remontait à quatre ans: le Fokonolona (assemblée de village) avait réuni une somme de 15 000 FMG, et cette contribution recueillie par le précédent chef de villa~e Bernard Befilaza (Misara et gardien de la Tragnovinta de Mitsinjo) avait éte volée. Soupçonné d'être à l'origine de cette malversation, il avait été démis de ses fonctions au profit de Firengea. Une participation était demandée aux résidents des villages d'Andranofotsy, Belengo, Andimaky, Ampasiabo et Sofidambo. Le terrain à immatriculer englobait une terre du ministre-maire de Belo, utilisée comme camp pénal, et où travaillaient les détenus, voleurs de boeufs... etc dont les peines de justice avaient été prononcées. La contribution avait été fixée à 200 FMG pour chaque homme imposable, les femmes célibataires et les jeunes gens âgés de plus de 19 ans. C'est donc pour relancer ce projet à la suite de cet échec que le conseiller -rural Tagaga réunissait à nouveau les notables, fixant une date limite (le 22-08-1969) pour réunir la somme de 33030 FMG, coût de l'opération.

La réunion que nous avions organisée eut lieu deux jours après cette date limite, elle regroupait dans notre case d'habitation cette fois, les mêmes participants et le conseiller rural Tagaga qui fut l'un des plus actifs dans la discussion. Les participants étaient ceux parmi lesquels se trouvaient les plus fervents défenseurs du projet d'immatriculation. Nous avons nous-mêmes exceptionnellement pris parti en faveur du projet, incitant surtout les participants en fin d'entretien à réduire leurs divergences et à trouver les conditions de leur union.

Le début de l'enregistrement a malheureusement été effacé accidentellement, et le texte présenté ne comprend que la seconde partie de la réunion. Ces documents sont d'ailleurs fort intéressants puisqu'ils concernent l'élevage, dont le développement devait être garanti par cette immatriculation. En effet, les "terres libres" situées à Ankotraka étaient un lieu de pâturage des boeufs en saison sèche et jouxtaient l'activité rizicole. La division du terroir villageois, par les imr(latriculations demandées par les hauts-fonctionnaires était un problème réel, et l'existence du camp pénal, au travers duquel il n'était plus permis de circuler, devenait le symbole d'un processus d'appropriation privative engagé et favorisé par certaines personnes alliées à ces hommes d'Etat dans le village.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

1 - Organisation de l'élevage durant la colonisation

Les deux principales régions de pâturage étaient Behara et Behoraka au début du siècle. Cette période est présentée un peu comme un âge d'or du point de' vue de l'élevage: "en ce temps-là, les boeufs étaient nombreux, il n'y . avait pas de voleurs, les boeufs ne coûtaient pas cher, ils vivaient paisiblement". - 113 -

Les boeufs étaient appropriés par Fokoany et gardés par des voisins-alliés (Fatidra) ou encore par un membre du groupe lignager chez qui on a pris femme (Longo). Il n'y avait pas de distinction pasteurs-agriculteurs car tous faisaient beaucoup d'élevage.

Depuis 19 12, la population étant rassem blée à Belo, les gens envoyaient leurs parents dans les zones de pâturage:

à Behara - Les Misara-Miavotrarivo (Tariky de Tsitsaha à Befifitaha) - Les Sambitia - Les Misara de Tanambao-Kekarivo - Les Makoa"Mangiriky" de Mbohimaro, Tariky de Fikogny et de son frère Mpiaro, qui se sont inventés une marque d'oreille de boeuf Mangiriky - Les Tsitompa, Tariky de Kasimo-Karapatsantsa - Les Sakoambe - Les Tsimatinompay de Sahamamy

à Ankoririka, près de Moravagno les Marofohy

à Soahazo - Les Tsialoaky - Les Antagnagno - Les Maromahia de Bevilo - Les Hirijy - Les Misara

Dans le Nord enfin (sans doute au Nord du Manambolo) - Les Andrasily - Les Andralefy - Les Marotsiraty, - Ces derniers laissent leurs boeufs à leurs parents (ainsi le descendant Andrasily avait choisi d'établir sa résidence du côté matrilinéaire à Maintirano, branche la plus riche).

"Les zones de pâture des gens de Belo étaient au Nord, depuis le terrain d'aviation jusqu'au Manambolo, tout était recouvert de forêt, là où il y a maintenant des brûlis (Hatsake). A Behara, il y avait des zones de prairie, couvertes de hautes herbes et de Satrana (palmier-main) appelées Hiaky, particulièrement favorable à la pâture du bétail: l'une d'elles s'étendait à Ankilida, entre Ankirijy et Moravagno, là où se trouvent les tombeaux.

2 - L'organisation des vols de boeufs

Les vols de boeufs sont révélateurs de ces échanges:

- LeL!r recrudescence coincide avec les migrations Bara de Manja et Betagnatagna. Les lieux où ils s'installèrent ont pris le nom du chef de Tariky à l'origine de la migration. - 114 -

- Le vol de boeufs se pratiquait par Fokoany entiers, il avait lieu en saison sèche, où les traces disaparaissaient dans les brûlis. Les troupeaux volés étaient emmenés à et Ankavandra et à leur lieu de résidence Kondeo entre ces deux régions.

- Les voleurs choisissaient les boeufs les plus gras, et opéraient dans les zones de pâture où les troupeaux sont mêlés en saison sèche: Ankotraka à Antsakoa et Sofidambo (pour le village d'Andranofotsy).

- Les voleurs de boeufs sont en général alliés et mêlés dans les Fokoany où ils opèrent: ceux qui viennent de l'Est volent ceux de l'Ouest, les boeufs sont revendus aux bouchers.

- Les gens du Nord vont à l'est à Ankavandra vendre les boeufs volés.

3 - Exemple du Conseiller Tagaga dont la migration Sud-Nord et d' à Andranofotsy, est lié au vol des boeufs

Après avoir pratiqué le vol de boeufs, il est à son tour volé. A Tsiantamby tout d'abord, son troupeau est volé par sept hommes venant du Manambolo. Il quitte alors le village et s'installe à Betsioky. Neuf Bara de Bekopaka et certains Sakalava de Bahamotra veulent voler leurs boeufs, mais ils échouent grâce à un Ody (charme). Son père (Dady) alors lui conseille de quitter le village. Il échappe à ses agresseurs par la tactique qui consiste à ne jamais se présenter de face à ses adversaires, et à la suite d'un jeu de poursuite à travers les pistes, il s'installe à Ankimato puis Andranofotsy. - 4 - Echanges pratiqués avant et après la colonisation Autrefois, le bois de Lopingo, bois dur dont on fait en particulier la canne du Tromba, le Siky-Be appelé Kikoany (vêtement analogue du Gora actueI), de la taille d'un Lamba, le Siky-Kisotro () qui étaient plus beaux et plus solides que ceux qu'on trouve maintenant. Une vache et un veau valaient 10 FMG. Aujourd'hui, on construit des cases (souvent deux cases), on achète des ustensiles, des bijoux, des lits (deux ou trois, et des tissus en grande quantité, en particulier les tissus en Landy (toile de lin) dont on habille les morts qui sont des gens importants. Il faut vendre des boeufs pour payer l'impôt, en acheter pour l'héritage.

5 - Stage d'animation

Le conseiller annonce au village qu'il participera à un stage d'animation rurale. Il répercutera au village les informations et les nouvelles possibilités utiles au développement du village. - 115 -

C- Eléments d'information retenus

Le contenu est strictement informatif et ne nécessite pas de citer certains passages en montage thématique. En revanche, la situation d'enquête fut porteuse pour élargir notre insertion; nous avions acquis la confiance des villageois.

1II-2-6 Texte n 0 26 - Entretien avec Malaitsy (Tsitompa) (26-08-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Le but de cet entretien était de compléter la généalogie des Tsitompa, dont nous devions apprendre qu'elle englobait une bonne partie des segments de lignage résidant au village. Nous ne nous attendions pas non plus à voir apparaître les alliances des soeurs Tsitompa, puisque par le jeu strict de la succession en ligne paternelle, les enfants issus de leurs unions avec des hommes d'autres lignages auraient da prendre l'identité paternelle.

En réalité, le raisonnement sur lequel s'établit la généalogie réelle est tout autre. L'institution fondamentale qui est l'aboutissement logique des rapports entre groupes lignagers maternel et paternel est l'adoption, qui apparaît ici dans son sens véritable. Notre informateur lui-même, Malaitsy est, rappelons-le, de père Hirijy marié à une soeur de Nampia. Adopté par Nampia, son oncle maternel, détenteur du Hazomanga-Tsitompa et père de Tsimikora, il est Tsitompa. La fonction de Masy qu'il exerce, et celle de Mpitoka apanage de Tsimikora, sont une division du pouvoir qui renforce les liens de parenté issus de l'adoption. Leur "fraternité" devient un lien indissoluble, alors qu'on se serait plutôt attendu à des conflits. Ici, ce n'est pas le cas, la solidarité de ces descendants de Nampia s'institue dans la vie sociale politique du village.

C'est dans ce type de relations, dont le jeu s'exprime en toutes circonstances, et plus encore aux périodes de tension, qu'éclate le mieux le "génie" proprement politique de cette société. Ce niveau d'analyse nous permet d'échapper à l'erreur anthropocentrique qui consiste à surdéterminer le rôle de l'individu dans la société. Dans le village d'Andranofotsy, la fonction du Masy­ Malaitsy atteignait une dimension proprement "historique", restituait un ordre transcendant aux situations concrètes. Le fait qu'il n'agissait pas directement sur les supports politiques, rendait encore plus immanente sa capacité anticipatrice, et conférait une plus grande efficacité à son idéologie de la communauté de parents originellement liés par le Togny-Tany, talisman de la création du village.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

1 - Histoire du Raza (lignage Tsitompa)

- Leurs Longo (alliés). Ainsi les Misara sont-ils les Longo des Tsitompa. Leurs Ziva, leurs Fatidra.

- Notre informateur n'apportera aucune précision quant aux relations d'alliance Longo avec les Misara. En revanche seront évoquées les relations anciennes avec les Tsitompa du Sud (à Morondava) et au Nord dans le - 116 -

Manambolo, ainsi qu'avec les segments de lignage Tsitompa des villages Ankotrofotsyoù des filles Tsitompa sont mariées.

- La migration du groupe est liée à l'époque d'expansion Merina, mais la connaissance des origines lignagères est rendue difficile depuis que les traditions lignagères ne sont plus transmises aux descendants.

- Malaitsy évoque les guerres avec les Ambaniandro, tandis que les Antandroy et les Antaisaka en migrant vers le Nord ont cherché à établir de nouveaux liens.

- Les Sakalava ont été vaincus durant la colonisation "parce que leurs fusils étaient mauvais", mais l'informateur insiste sur les guerres entre Foko, entre Sakalava, entre frères, qui ont suivi l'installation des étrangers en pays Sakalava. La dispersion n'est donc pas une simple conséquence de la guerre, mais aussi le résultat de luttes locales.

- Parler de Matee (ancêtres personnalisés après la mort), tous concernés à des degrés différents par la colonisation Merina et coloniale, revient à se souvenir d'évènements sur lesquels on sait peu de choses. Seuls sont connus les lieux où ces Matee, devenus Lolo (esprits) sont morts sans avoir pu être enterrés. Ils se déplaçaient en combattant dans les forêts, et c'est souvent là qu'ils trouvaient la mort. Parfois des pierres marquaient les lieux de ces évènements. D'autres guerriers ont été jetés à l'eau avec des pierres. C'est pourquoi dans le Bemarivo, il y a tant de Lolo (esprit d'un étranger). A Antragnovato, les esprits qui habitent le lieu sont connus, car on connait leur propriétaire (Malaitsy en est le gardien).

2 - Situation sociale précise de Malaitsy

- Histoire de son adoption et de la succession qu'il a prise (après initiation sans doute) dans le culte Antragnovato.

- Sa position sociale vis-à-vis de Tsimikory, Mpitoka-Tsitompa., héritier du Hazomanga. Analyse de la succession du Hazomanga dans le lignage: le Hazomaoga est passé à la branche cadette par le jeu de succession des décès. C'est ainsi que le Tariky cadet a hérité du Hazomanga, transmis au frère plutôt qu'au fils. De plus le frère de Tsimikory, converti à la religion protestante, ne pouvait plus hériter du Hazomanga. .

- Analyse des relations Longo, Ziva, Fatidra des Tsitompa. • Sont Longo (alliés par mariage) les Misara Samoky Sakoambe Marotsiraty Miavotrarivo Marofohy

• Et les Longo des Tsitompa hors village • Pas d'interdit de mariage entre Ziva - 117 -

H-GENEALOGIE DE JOSEPH TAMANY (cf Texte N°2)

f ; . 1- TO~ 2-Soeur de TOERA<;? 5-1nconnud' 7-NAGNOMAd'

46SŒLRl:--Œ_MA_H_A_K_A_S---=z~3;;;-;;P;;.;;K;;A;;M;:...C'1_A_Y<:!__6_-_K_A~R!;;:A_N_tY_<:!-!;.-.__~_11.J1yc;;.9 9~'C

§ 11-Ln,<;? l.J-J. j'l)\IlANd

LEGENDE N.OTE s:

Rapport de descendance (consc:trlguinité' 13-Appui matrilignager, car créaticn d'un nouveau tombeau à ANTSIFITSY chez Mariage sa mère au Nord de BELO cr Sexe masculin Sexe féminin On retrouve le même mode de légitimation 9 social par référence aux maternels, dans --:--~ Rapport d'adoption l'ordre MAROSERANA comme dans l'ordre de Informateur, ancien chef la parenté nouvellement instituée avec canton et conseiller rural la création du tombeau. \~- ~'IRapports sociaux fondateurs Les SAMOKY étaient des anciens ôlliés- ~de l'identité MAROSERANA dépendants MISARA .Les FOLAY ,anciens 8 du clan SAMOKY dépendants MAROSERANA.J. tamany revendique cette légitimité FDLAY.Il était anClen 9 D'origine FOLAY, dont le rôle mpiamby de TOMBOARIVO social fut d'être le guide du roi. C'est le père de 13.Son tombeau est à Tor~BOARIVO 1,3 sont devenus DADY 1,2,3,6, Rapports statutaires - 118 -

· Les Longo sont en général interdits de mariage; l'identification du couple originel dans la relation Longo est donc le fondement de toute analyse généalogique.

· Les Ziva sont les médiateurs dans les conflits entre Longo, c'est la· raison pour laquelle ils font le Toka (invocation) auprès des tombeaux.

• Le Fatidra est un allié personnel et inconditionnel.

3 - Histoire de' l'activité d'élevage dans le lignage

- Au début, les boeufs des Tsitompa. étaient à Mahabo; - Puis, ils étaient gardés à Behara-Ankilida, avec Tsimikory, mais le troupeau a été décimé par une épidémie. - En 1965, ils ont vu leurs parents Tsitompa. qui résident dans le Nord, à Iabohazo dans le Manambolo. .

li- - Tombeaux

Description des tombeaux de Besely

C- Eléments d'information retenus

1 - Hypothèse d'une révolution interne à la Société Sakalava par le fait colonial, processus commencé avec l'expansion Merina

L'analyse de la période coloniale qui ressort de ce texte, en continuité avec la période d'expansion Merina qui la précédait immédiatement, et avec la période de luttes internes qui l'a suivie, vécue non comme une rupture, mais comme un processus de transformation politique local, est manifestement très différente des présentations qui en sont ordinairement faites. Elle confirme en revanche tout à fait l'hypothèse que nous avions formulée à l'époque de notre enquête à Morondava-Mahabo, et la formule de "révolution politique interne par le fait colonial" que nous avions employée. Elle se basait sur les résultats de notre investigation sur le sytème foncier. Avec la colonisation, il semble bien en effet que des formations sociales nouvelles induites de la constitution de villages permanents, se soient émancipées de la tutelle des groupes anciennement dominants. C'est sur quoi cet informateur a voulu insister, et c'est son point de vue que nous avons suivi.

2 - La généalogie, base sociale de la compréhension du village

La 'généalogie des Tsitompa., complétée lors de cet entretien, a ete présentée in extenso (D. Retenons ici l'importance de liens comme l'adoption, équivalent au lien de sang, mais celle aussi des relations de Longo, Ziva ou Fatidra, qui se perpétuent au cours des générations. C'est la connaissance de l'ensemble de ces relations qui fonde l'analyse de cet univers, de ses clivages et de ses conflits.

(1) Tome l, Chapitre IV. - 119 -

3 - Informations sur l'élevage

Elles compIètent celles qui sont contenues de manière dispersée dans d'autres textes.

III-2-7 Texte n027 - Entretien avec Joseph Tamamy, ancien Chef de Quartier de Belo (28-08-69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Notre informateur est Joseph Tamamy, d'origine patrilinéaire Folay de Tomboarivo -anciens dépendants des Maroserana-, mais Samoky en ligne maternelle et du village d'Ankirondro déplacé à Belo à la génération précédente. Son héritage maternel lui donne qualité quasi-royale, puisque sa mère a été mariée une première fois avec un Maroserana fils de la soeur de Toera. Cette lignée Samoky est aussi liée aux Misara, puisque le plus vieux de ses représentants s'est marié avec une soeur de Tsialoza de la lignée Misara de Kekarivo.

Ainsi, si l'on considère la génération à laquelle appartient notre informateur, et sa position sociale, nous pouvons reconnaître dans ses lignées paternelles et maternelles à trois générations ascendantes, des relations qui l'unissent à d'autres notables qui ont été nos informateurs, comme le conseiller Marofohy-Tagaga ancien résident d'Ankirondro et récemment installé à Andronofotsy, et Mahakasa, ancien Mpitoka-Maroserana d'origine mythique Antankarana.

Sa qualité d'ancien Chef de Canton, Chef de Quartier, actuel Conseiller à la Mairie, donc élu local dont l'appartenance rurale reste déterminante, nous permet de le classer par l'origine sociale avec de petits et moyens fonctionnaires (gendarmes, instituteurs, techniciens de l'agriculture) et parmi eux certains représentants de la haute administration.

En arrière-plan de ce texte, on voit se dessiner une "problématique" de la formation urbaine de Belo, où ces petits fonctionnaires ne peuvent avoir une stratégie autonome pour asseoir ou développer la position qu'ils ont acquise. Ils dépendent à la fois du monde rural dont ils sont issus, et du monde urbain qui leur a permis d'accéder à des postes rémunérés. Leur dette à l'égard de ces deux mondes est totale, et ils participent par des dons en argent à l'accumulation des boeufs de leurs parents, garants de l'héritage et donc de la reproduction du groupe lignager, tandis que le jeu politique réel se fait sans eux et se joue sur le registre des rapports d'échange. Ces échanges sont centrés sur les cultures de marché, mais surtout et plus encore sur les circuits d'échange des boeufs. Est-il utile de préciser ici que les grands absents de notre enquête seront ces nouveaux hommes d'Etat et leurs conseillers occultes en perpétuel remaniement? Peut'être aurions nous pu en voir la trace dans la multiplication des Masy (devins) et de leurs activités concurrentes? Une chose qui apparaissait en tout cas comme certaine, et que l'on retrouvait à l'état latent dans plusieurs de nos enregistrements, et dans celui-ci sûrement, était que la région de Belo subissait des tensions venues d'ailleurs, du Sud et du Nord surtout et que l'activité d'échange en était le véritable enjeu. - 120 -

B- Résumé du texte et principaux thèmes

1 - Situation sociale de Joseph Tamamy dans le système Maroserana et dans l'administration , - Hiérarchie Ampagnito, telle qu'elle existait sous le regne de Ndriantahoranarivo (Vinany) :

• Les Folay étaient Mpiamby (Mpitaridalaria, Chef du défilé), ils distillaient l'alcool de miel (Toaka-Tintely) dans le Hangolo (dame­ jeanne en bois) en Harofy ou Hazomaimbo.

• Les Ndrenatelo étaient Mpibaby (porteurs de Dady).

• Les Antagnala récoltaient le miel et l'apportaient au Mpagnito au moment des cérémonies.

• Les Maromiangatra étaient ceux qui soufflaient dans l'Antsiva ou conque marine (Mpitoka-Antsiva). Ils étaient installés à Tomboarivo et résident maintenant à Mahavelo.

- Origine sociale de l'informateur (Cf. ci-dessus).

- Les Ziva des Folay sont les Ndrenatelo et les Antankarana (Mahakasa est "oncle maternel de Laguerre Kamamylt, son surnom est Tsimahadiso).

- Actuellement, il est conseiller rural.

2 - Origine de la ville de Belo

- Chefs du quartier Sakalava : • Remboha (Finaoky selon l'informateur Tsihenjagny, Cf. Texte nO 15-16 p. 76) de "Raza" Tsialoaka

• Tsisoroa et Fagnoboha: Maromany (Cf. Texte nO 36 p.225 de l'entretien avec le Mptitoka-Maromany d'Ankirijy); leurs Longo sont les Mitahia du Tariky de Mahakaka et marques d'oreille de boeufs Andrarasa.

A travers cette présentation surgit la référence aux anciens groupes dominants: Finaoky, Maromany, les Misara étant assimilés à l'organisation Mpagnito. Les Maromany cités sont les descendants de la famille de Ozoe citée dans les archives.

- L'organisation sociale de Belo distingue: • Le Quartier Est, là où est la Mission Protestante, qui appartient aux migrants. • Le Quartier Sud, qui appartient aux Sakalava, et où résident le Conseiller, notre informateur d'origine Folay, et les Samoky alliés aux Misara d'Ankirondro. • Le Quartier Ouest est aux Makoa, d'où est issue Madame Rimaka, Conseiller à la commune, fille de Tsilagnosa. - 121 -

3 - Organisation rizicole et succession des travaux agricoles

- Calendriers culturaux dans le Delta à Tomboarivo: (mais, manioc, patates) (riz).

- Calendrier cultural du riz à Bemarivo.

- Histoire du Bemarivo : • Lieu où la productivité rizicole est la meilleure. • Il existe cependant des problèmes concernant les terres cultivées. · Ces problèmes sont liés à la concentration des terres par le système de l'héritage.

- Terres Lova ( ) des riverains: • Ankirondro : Misaka Samoky • Mangotroko : Vazimba

-Villages à l'Est du Bemarivo : • Ampasimandroatsy Vazimba Tsibitiky • Samoky Misara Fila Tsitsaha Tsialoza • Antanambao Misara de la famille de Kamamy Marofotsy leurs dépendants

-Villages à l'Ouest: • Befifitaha

q. - Notions de Tompon-Tany et Zana-Tany

L'informateur marque une certaine réticence à aborder le sujet, car selon lui: "ces Tompon-Tany (A mpagnito), rois, sont affaiblis"••• cependant ce sont ceux qui vivent de cette terre, les Raza-Sakalava originaires qui restent Tompon Ny Tany (maîtres de la terre). .

C- Eléments d'information retenus

1. Les données concernant les rapports sociaux de parenté-alliance de certaines personnes occupant des fonctions administratives locales

L'utilisation de ces relations dans les stratégies du P.S.D. parti unique au pouvoir, à la période des élections pour le renouvellement de la municipalité. - 122 -

99------_.KILY -~---_·o MOREIIGY(Jeunes) Vieux tHAZOMANGA ~;;;o:~·- ----~----w 0--­ jeur,e ~------Case de SOALff!·

Fig 1.. SOROH TAPAKA AN AXA DES ANDRALEfY (ZAVAH ALOKA:veilleé)

+ ------Lieu de réu- nion après .~ cérémonie

\ ' - Danses D

fig~ SORON TAPAKA ANAKA DES ANDRALEfY (TOKA:moment fort de la cérémonie) - 123 -

2. L'histoire de la création des villages du Bemarivo et de la ville de Belo, qui complète les informations obtenues lors d'autres interviews.

3. Les classifications sociales de l'époque' Maroserana seront comparées avec celles que l'on trouve dans les archives de la période d'administration militaire.

III-2-8 Texte n028 - La cérémonie de circoncision des Andralefy Oer et 02-09 -19 69)

A- Situation d'enquête

Dans le cours de notre enquête au village d'Andranofotsy, la ceremonie de circoncision des Andralefy se place iuste après la cérémonie du Lohavogny à Tsianihy (V. Notes et Documents p. 56). Au retour au village, nous avons recueilli auprès du Mpitoka Sakoambe-Tsimangiriky la généalogie de son Tariky (segment de lignage). En restituant ici son histoire, nous mettrons en évidence un lien avec la cérémonie des Andralefy qui sera explicité plus loin.

La venue du Mpitoka Sakoambe-Tsimangiriky au village, et son installation récente à Andranofotsy'résultaient du lien de Fatidra qui existait entre Nampia (1), père du Mpitoka-Tsitompa, Tsimikora et son propre père Tsivoanino, chef connu de la rebellion organisée aux premières heures de la colonisation (2). Rappelons qu'au cours de notre premier entretien de groupe avec les Mpitoka du village quelques jours avant cette cérémonie, fut précisée l'origine des Sakoambe-Tsimangiriky, celle de Makoa (esclaves) qui ont pris les marques d'oreille de boeufs de leurs anciens maîtres. En 1912, ils résidaient au Nord où ils pratiquaient l'élevage des boeufs.

A ce moment de l'enquête déjà, les relations de migration dans le sens Nord-Sud et Sud-Nord, nous apparaissaient comme favorisées par la complémentarité du Manambolo et de la Tsiribihina en matière rizicole: les migrations saisonnières de main-d'oeuvre maintenaient l'étroitesse des relations de parenté et d'alliance entre les groupes. Ces liens étaient encore renforcés du fait de l'équilibre toujours instable et difficile à réaliser entre élevage et riziculture. Le village d'Andranofotsy depuis sa formation avait déjà accueilli plusieurs segments de lignage qui avaient fixé leur résidence au Nord au début de la colonisation. Ce sont les Sakoambe-Tsimangiriky, les Andrasily, les Andralefy, les Tsimangataky. Certains d'entre eux, comme les Andralefy, avaient déjà des relations Longo, d'autres comme les Andrasily et les Tsimangataky sont devenus Longo et se sont installés au lieu de résidence de leurs femmes, enfin les Sakoambe-Tsimangiriky avaient une relation ancienne de Fatidra avec l'ancêtre fondateur Nampia. Tous ces groupes ont contribué à élargir la communauté de parents-alliés qui sont à l'origine de la création du village.

(1) Le lien de Fatidra n'est pas ici la cause de la migration, mais la condition de l'installation au village de ce groupe lignager. (2) Archives Nationales de la République Malgache-Tananarive A 254 "Rapport du capitaine Gramont, Cdt le secteur de la Tsiribihina (15-12-1903). - 124 -

vieux TSITOMPA TSIVOGNE SAKOAMBE MIJA Tous vêtus de LAN Y(riches) S

Médiateurs

Fig ~ SORON TAPAKA ANAKA DES ANORALEfY (après la céré~onle) - 125 -

La réunion des Mpitoka du village fut un évènement marquant, car elle mettait en évidence l'asphyxie progressive du village, peu à peu privé de ses terres de pâturage. Outre la solution légaliste consistant à réaliser l'immatriculation collective du terroir villageois, des stratégies nouvelles commençaient à se développer: certains Mpitoka, gardiens du parc et du capital de leur Fokoany, songeaient à faire partir les boeufs dans le Nord en saison sèche, la plus rude pour les boeufs. Dans cette idée, ils comptaient sur leurs parents et alliés résidant plus au Nord pour les aider à réaliser ce projet, et éventuellement pour assurer le gardiennage moyennant une contre-partie en boeufs ou en argent. Ils auraient pu également accueillir chez eux ces gardiens de boeufs, choisis souvent parmi les alliés Longo, ou des migrants salariés avec qui existaient des relations de Fatidra. Inversement, nous avons constaté qu'Andranofotsy était devenu un lieu d'accueil pour le Tariky-Andrasily, dont le père fut un gros propriétaire de boeufs du Nord. Le Mpitoka-Andre est devenu "fils d'Andranofotsy" à la suite des vols de boeufs dont son Fokoany a été l'objet au Nord. Au décès de son père, enterré à Maintirano, il s'est réfugié au Sud où ses parents Tsitompa l'ont accueilli. De même, Andranofotsy a été un lieu d'accueil pour le Mpitoka-Tsimangataky, cadet en conflit de Hazomanga avec son aîné au Nord.

L'intérêt de la cérémonie des Andralefy, qui sera relatée et commentée dans ce texte, est justement qu'elle allait mettre en scène ce jeu d'intégration des groupes lignagers récemment arrivés au village, où les liens d'alliance sont au départ des liens personnels. Le groupe Andralefy occupait une position sociale qui lui permettait de jouer un rôle vis-à-vis d'une contestation larvée, intégrée aux rapports dominants de parenté et d'alliance, ceux qui étaient polarisés autour du lignage Tsitompa.

B- Com te-rendu de la cérémonie du Sora-Ta circoncision) des Andralefy

Cette cérémonie peut se diviser en trois grandes parties: Tsokomotro , Zavahaloka et la cérémonie proprement dite (Soro). La famille qui organise la cérémonie est celle des Andralefy et de leurs Longo. Les enfants adoptés sont Pierre, le fils du Mpitoka des Andralefy, Sola, fils de la nièce du Mpitoka (Masy de Belengo), et Marombinta (Cf. fig. Il, p.170). Il ne s'agit pas d'une cérémonie de circoncision proprement dite (Sora-Tapakanaky), puisque le.s enfants sont tous les trois dejà grands, mais d'une cérémonie d'adoption (Famoahana). Elle dure trois jours.

1ère Partie: Tsokomotro (nuit du 31-08 au ler-09-1969)

Elle consiste surtout en une invocation des Raza (ancêtres). Le Mpitoka­ Mahatafy est chargé de la prière, qui est une litanie des principaux personnages parmi les ancêtres du lignage, pour les appeler à être présents à la cérémonie.

Dès 19 heures, tout le monde se rassemble à l'Est de la case du Mpitoka où se fait la cérémonie, on y restera jusqu'au matin. Les femmes chantent, battent des mains, battent les Daba (tambours), elles se groupent au Sud par rapport aux hommes. Les hommes parlent entre eux, de tout sujet qui les intéresse, sans - 126 -

thème précis, les anciens (Olobe) et les jeunes à part. Parfois, les jeunes dansent au son de la Valiha (instrument à cordes), ou d'instruments en cuivre, ou encore organisent des combats (Morengy, sorte de boxe). On fait un grand feu sur la place, on boit toute la nuit.

2ème partie: Zavahaloka Oer-09-1969)

Cette 2ème partie commence à 16 heures le lendemain, un membre de la famille organisatrice crie d'une voix forte "Anjavahaloka Isika E" (littéralement allons laver l'ombre, de Zava rendre propre et Haloka, ombre). Dans un autre sens, on peut noter que le Hazomanga se trouve à l'Est de la case du Mpitoka, et qu'à partir de 16 heures, l'endroit où l'on fait la cérémonie se trouve dans son ombre. On peut y voir un symbole de la présence des ancêtres que l'on a invoqués la veille, et le Zavahaloka affirme le lien entre les vivants et les morts (Raza). Tous se regroupent autour du Hazomanga pour veiller. Comme la veille, on dormira sur place, si l'on peut, tant la fête est animée. Trois dame-jeannes de vin seront bues, une pour les 0lobe, une pour les femmes et une pour les jeunes. Dans chaque groupe, sera désigné un responsable du partage de la boisson, pour les jeunes ce sont Robson, le chef des jeunes du clan Tsitompa et Fidison des Samoky (Cf. schéma ci-contre, Fig. D.

3ème partie: Soro proprement dit

Au lever du jour, vers 6 heures, le son de l'Antsiva

Les hommes vont chercher dans la forêt le tronc d'arbre que l'on va planter. Le Mptitoka s'adresse au Fokonolona (assemblées de village): "nous allons chercher le tronc d'arbre". Un homme qui représente le Fokonolona répond: "de quelle sorte de bois avez-vous besoin, du Katrafay ou du Mangarahara ?" Il répond "Mangarahara", et tout le monde se dirige vers la forêt. L'arbre choisi est abattu par les jeunes, non sans qu'il ait été arrosé de Toaka (Rhum) pour apaiser l'esprit du bois dont on fait le Hazomanga. Le tronc est rapporté en triomphe au village, au son de l'Antsiva, épointé et planté à l'endroit choisi. - 127 -

Vient le moment du sacrifice de boeufs, il y a deux boeufs, un de la mère et un du père, on les place à l'Ouest derrière le Hazomanga. C'est le Toka-Raza (invocation des ancêtres) qui est écouté avec respect. Les enfants adoptés (Haboaka) tiennent la queue du boeuf au moment du sacrifice. Le Toka terminé, chacun prend ~lace pour le partage du boeuf, les OIobe près du Mpitoka, les jeunes un peu a l'écart, les femmes au Sud. Dès ce moment, les enfants pour lesquels on a célébré le Soro sont adoptés. L'un d'entre eux porte les queues des boeufs sacrifiés, c'est le fils du Mpitoka, celui qui le remplacera à sa mort (Cf. schémas ci-dessus p. 122 et 124).

C- Résumé des enregistrements réalisés au cours de la cérémonie

- Entretien avec Mahatafy-Mpitoka des Andralefy

Tradition concernant l'origine des Andralefy: les Andralefy étaient des guerriers armés de sagaies, et qui refusaient les fusils quand le Mpagnito les leur donnait. Comme ils ont sauvé le roi, celui-ci les a nommés Andralefy. Le premier Andralefy se nommait Berama et sa femme était Iampilia.

- Préparatifs de la cérémonie. Ce sont les oncles des enfants qui les habilIent (chapeau paré d'or et d'argent, bracelet•••).

- Rite de l'adoption. Bien noter que les deux autres enfants qui ne sont pas les fils du Mpitoka sont adoptés. L'un d'eux est le fils de sa soeur qui n'a pas de père légitime, de ce fait, l'enfant appartient au tuteur qui l'a adopté.

- L'enregistrement de la veillée n'apporte rien de nouveau par rapport aux notes. ,.. - Conversation avec les femmes: la mère des enfants porte une tresse en forme de queue de boeuf, avec du coton dedans, c'est la Taly-Joka. Il y a cinq tresses différentes chez les femmes Sakalava: Randra, Bemikijy, Lalam-Trambo, Lambomiditry, et la tresse Joka.

- Signification de cette cérémonie: chez les Sakalava, il n'y a pas de mariage, quand l'enfant est né, on demande l'enfant aux beaux parents, afin d'unir les Raza. Le Hazomanga est le témoin de cette cérémonie.

- Hiérarchie des bois sacrés (Hazo-Masina) dont on fait le Hazomanga, d'abord le Katrafay (réservé au roi ?) puis le Mantora, puis le bois de tout le monde Mangarahara.

- Tradition différente des Tsitompa et des Andralefy, pour planter le Hazomanga. Auparavant à l'Est de la case, mais les Tsitompa ont un interdit (suite à une mort subite) et le plantent à l'ombre d'un arbre (Haloka).

- Précisions sur l'écorcage du Hazomanga (privilège roya!).

- Choix du boeuf sacrifié, seuls sont iQterdits les boeufs tachés rouge et blanc (Vandamena), violet foncé (TomboIoho) et boeuf (Veragnoritsy) (tache qui divise du nez au front). - 128 -

- Enregistrement complet du Toka-Raza, prière adressée aux Matoe, d'abord du côté des Andralefy, puis du côté des Folay.

- Discussion sur le partage de la viande du sacrifice, le train postérieur pour le Mpitoka, la bosse pour les adoptés, la tête et le cou pour le Masy.

Eléments d'information retenus

- Tradition d'origine des Andralefy - Toka-Raza - Hazomanga

III-2-9 Textes n° 29 -30 - Entretien avec Fanitony, Mpitoka-Misara gardien de la Tragnovinta de Mitsinjo, ancien chef de village d'Andranofotsy (l et 02-09 -19 69 et 16-09 -19 69 )

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Les deux entretiens que nous avons obtenus avec cet informateur ont eu lieu le premier, un mois environ après notre arrivée au village durant la ceremonie de circoncision des Andralefy (Cf. Texte nO 28 p. ), le second à l'occasion de la visite de la Tragnovinta de Mitsinjo.

Le premier entretien n'a nullement été provoqué, c'est le Mpitoka-Fanitony qui s'est proposé pour un interview au moment de la veillée cérémonielle du Soron Tapai<' Anaky, choisissant la case où nous logions à Andranofotsy comme lieu de l'entretien. Il a duré une bonne partie de la nuit, et pendant tout le temps, beaucoup d'assistants, surtout des femmes et des enfants se sont groupés pour écouter ce qui se disait. L'entretien a été ponctué de réactions venant du groupe de femmes, qui semblaient parfois mettre en doute la fiabilité des informations données. Il s'est poursuivi le lendemain matin, et il fut décidé de visiter la Tragnovinta de Mitsinjo, haut-lieu situé au nord de Belo, proche de la ville, où sont enterrés les ancêtres Misara-Maroserana dont il est le gardien et le descendant.

Il est certain que cet entretien qui se passait pendant la cérémonie, nous a empêché de participer à la veillée, et nous a pour un temps dissocié du village. D'autre part, cet ancien Chef de Village avait été récemment marginalisé, évincé de sa fonction à la suite de son rôle négatif dans l'affaire de l'immatriculation du terroir villageois (rôle de Bernard Befilaza, ou Fanitony Cf. Texte nO 25 p.llO). Sa marginalisation le désignait comme étranger, traître objectif aux rapports de parenté et d'alliance qui cherchaient à s'instituer au travers de l'immatriculation collective du terroir. Nous verrons ci-après, en liaison avec la notion de Fahavalo (bandit, voleur de boeufs) quelle parenté de situation existait entre notre informateur, et Soavelo, dernier Fahavalo connu de la Tragnovinta qui comme lui-même remettait en cause les équilibres sociaux de parenté et d'alliance si difficiles à pérenniser. C'est cette symbolique qui était sous-jacente à nos entretiens. Ajoutons que l'information a été justement libérée - 129 -

au moment où la communauté villageoise mettait en scène ses rapports collectifs lors de la circoncision, et cela en présence de notre équipe de recherche nouvellement introduite. La majorité des villageois était plus soucieuse de se présenter unis face à cet étranger, dont ils savaient qu'il était susceptible de mettre en cause leur union, leurs inégalités plus ou moins acceptées.

B- Résumé des textes et principaux thèmes

Le contenu informatif présent dans le premier de ces entretiens sera difficile à apprécier, car notre informateur y projetait constamment sa problématique d'ancien dominé. Il y est question des groupes sociaux dominants de haute lignée, répartis dans la région de Belo, et actuellement fortement segmentés: les Misara, Maromany, Finaoky et Miavotrarivo. Mais on ne sait pas toujours de qui il parle, il donne même l'impression de brouiller les pistes, alors qu'à d'autres moments son discours apparaît comme logique. En definitive, on peut relever trois thèmes principaux abordés lors de ces entretiens:

- Le premier concerne la problématique personnelle de notre informateur, qui le rapprochait momentanément de l'ancêtre fondateur de la Tragnovinta de Mitsinjo, et la contestation qui s'est développée autour de cette Tragnovinta au début de la colonisation.

- Le second est une sorte de théorie sociale, politique et économique de l'identité Misara.

- Enfin, et surtout lors de la visite de la Tragnovinta de Mitsinjo apparaîtront les relations Maroserana-Misara depuis le règne de Vinany (nom posthume Ndriantahoranarivo), leur segmentation, et sa traduction dans les haut-lieux, Tragnovinta et tombeaux.

Le mode d'accumulation des boeufs dans la région sera développé comme l'aboutissement logique de ces rapports sociaux.

1 - Problématique personnelle

La façon dont Fanitony présente les relations concernant les Vezo, Makoa et Koroa (Antaisaka) ne peut se comprendre qu'en tenant compte de la marginalité de ce chef de lignage dans le village d'enquête. Ceci qu'il s'agisse des Makoa (esclaves), des Vezo dont il nous dit qu'il ne s'agit pas d'un lignage mais d'un certain mode de vie et de production (de Vezo, éthymologiquement, pagayer> lié à l'activité de pêche et de com merce, et plus généralement aux relations avec l'étranger. Cette marginalité reflétait celle des ancêtres enterrés à Mitsinjo, une fois la résistance Sakalava à la colonisation définitivement éteinte. Ceux d'entre eux qui ne se sont pas soumis après la période de "pacification", sont devenus "voleurs de boeufs" ou Fahavalo (bandits), retardant pour un tem ps la reconstitution sociale, et l'implantation des groupes lignagers dans les villages permanents. - 130 -

La relation à l'étranger a été exploitée de manière variable par les pouvoirs locaux qui se sont institués durant la colonisation, et a influencé la reconstitution d'alliances entre groupes lignagers. A l'époque même de l'enquête, les Tromba (cérémonie de possession) qui existaient a Andranofotsy liés à la Tragnovinta de Mitsinjo, ceux de Ndriamanjoro et Ndriantsereha étaient anti­ étranger. Et notre informateur cite à cette occasion un évènement du temps de la colonisation qui affirme le caractère de ce haut-lieu: un étranger, ayant transgressé l'interdit de Mitsinjo, est décédé subitement, signant le pouvoir de Ndriantsereha qu'il présente sous la forme d'une bête féroce (Biby). Nous avons indiqué comment cette symbolique de l'étranger intervenait dans la situation d'enquête.

2 - L'identité Misara

Lors du premier entretien, notre informateur avait dès le début rappelé son origine Makoa, qui le fait Ziva des Koroa, et, avait-il précisé, ''Ziva parmi les Longo", donc totalement intégrés, partageant la même maison et le même repas. Il est issu d'une union avec la soeur de Ndriantahoranarivo, Narova. Alors que les reconstitutions généalogiques induites de son origine Maroserana de l'époque de Ndriantahoranarivo (Vinany de son vivant) sont imprécises, et sujettes a caution (nous ne les avons véritablement reconstituées que grâce au Mpitoka-Filoha du Fitampoha Cf. Textes N° 11-12 p. 71), nous pouvons retenir en revanche une série de liens généraux de cette lignée Maroserana. Ces liens englobent des groupes lignagers plus ou moins segmentés, et tracent les contours d'une aire de diffusion des rapports sociaux partant de -la Tragnovinta de Mitsinjo-Belo, incluant les tombeaux royaux de Tomboarivo, et fondent le noyau de parents­ alliés dépendants vivants qui se reconnaissent comme faisant partie de cette lignée Maroserana. Le Fokoany a~nsi formé à partir de Ndriantahoranarivo se revendique d'une double légitimité, celle d'appartenir en ligne paternelle et maternelle au lignage royal. La théorie sociale historique qui englobe tous ces rapports est liée aux Misara et c'est Ndriantsehera, d'origine paternelle Misara qui fait la puissance de ce haut-lieu Mitsinjo. C'est le lieu d'inscription et de référence d'une territorialité diffuse où les alliés potentiels se reconnaissent unis par le lien Ziva.

Les Tromba qui étaient actifs à l'époque de Ndriantsehera, et Ndriantahoranarivo, celui de Soaleha, ancêtre personnalisé (Matoe) de notre informateur, participaient à une représentation unitaire des liens sociaux qui mêlaient l'identité ethnique Makoa, Antaisaka, Antankarana et Vazimba, et où l'on peut reconnaître la trace des mouvements migratoires. Migration Sud-Nord, l'identité Misara étant selon notre informateur largement dépendante des segmentations successives de ces groupes migrants, les Misara étant globalement assimilés à des descendants dont l'origine paternelle est inconnue (de Zinara, éthymologiquement, séparés). Migrations Nord-Sud, celle des Makoa et Angajija originaires des îles du Nord (Grande Comore et Morimo), et celle plus récente de ses ascendants directs Maroserana-Ziva des Misara et venant de la Soahanina au Nord de la Tsiribihina. Migration Est-Ouest enfin des Vazimba venus de l'Imerina à l'époque de Ndriamagnetsy. Les Tromba issus de ce haut-lieu avaient pour fonction de mettre en scène ces différents types de rapports, par ailleurs support des réseaux d'échanges pour l'élevage entre le Moyen Ouest au Nord de la Tsiribihina jusque dans l'extrème Sud en pays Antaisaka. Cette dynamique perceptible au niveau des rapports locaux, implicite dans les cérémonies de possession, rencontrait la stratégie politique de certains élus (le représentant Antaisaka qui était ambassadeur en Allemagne en 1969). - 131 -

3 - Relations Maroserana-Misara

L'enregistrement réalisé à l'occasion de la visite de la Tragnovinta de Mitsinjo présente clairement la formation de ce haut-lieu, et notre informateur, gardien de la Tragnovinta, parlait véritablement sous contrôle. Les deux Tragnovinta-Misara de Kekarivo et Mitsinjo et la relation qu'ont les descendants de ce lignage avec les tombeaux royaux de Tomboarivo et Tsianihy, sont indispensables à la compréhension des évènements qui ont suivi la première période coloniale, segmentation sociale et apparition d'une nouvelle organisation sociale avec la constitution de villages permanents. Les informations obtenu.es mettent en évidence l'importance des rapports d'alliance des groupes dominés avec les groupes dominants dans l'organisation de la contestation, et montrent comment le lien Ziva joue le rôle d'un point de repère pour les solidarités partielles qui se sont mises en place. Les conflits entre les différentes lignées Maroserana se révèlent au travers de la segmentation des groupes Misara qui, idéologiquement, apparaîssent avoir récupéré la légitimité royale au double sens de la contestation et de la remise en ordre. Les Tromba-Andrano et les Tromba­ Sazoka locaux sont liés à l'existence de Masy (devins) qui ont tiré leur pouvoir des ancêtres personnalisés après la mort (Matoe) et les ont transmis à leurs descendants. Les Matoe sont devenus les "héros fondateurs" des groupes lignagers locaux qui se reconnaissent en eux.

Notre informateur, après avoir présenté son idéologie de référence Misara dont il a fait la théorie, son appartenance sociale historique qu'il a précisée (1), les migrations Sud-Nord de certains de ses ancêtres qu'il privilégie, mettant enfin en avant les relations d'alliance créées à l'occasion de ces migrations, développera la manière dont l'activité d'élevage s'inscrit dans la région, car l'accumulation de boeufs ne peut se faire qu'au Nord, ce qui suppose d'intégrer les rapports sociaux dans l'espace-temps utile à cette accumulation.

C- Eléments d'information retenus

- Formation de la Tragnovinta de Mitsinjo et segmentation des Misara. Ces renseignements ont été complétés par les entretiens avec Filoha, Mpitoka du Fitampoha (Cf. Textes nO 11-12 p. 71 ) et avec les chefs de lignage résidant dans le Manambolo (Cf. Texte nO 59 , p. 250) .Ils apportent une information utile à la compréhension des rapports résiduels des descendants avec les rois Maroserana depuis vinany (1850). De plus, cette période nous est connue par les notes de voyage de A. Grandidier (Cf. Notes et Documents ci-dessus, p. 10, 11, 12, 13).

- La Tragnovinta de Mitsinjo représente le réseau d'alliés dépendants qui fut mis en minorité aux élections au profit de la Tragnovinta de Kekarivo, dont le chef de lignage, descendant de la mère de Toera, Ndriamilafikarivo, était Mpibaby de Ndremisara au Fitampoha de 1969. Alors qu'au Fitampoha de 1958, les descendants des ancêtres Maroserana de la Tragnovinta de Mitsinjo avaient offert le boeuf à sacrifier, en 1968, il avait été offert par les Andrambe.

(1) Cf. Planche F. p. 251 et G, Tome 1. - 132 -

- Mode d'émergence des Tromba, leur relation avec les hauts-lieux et les migrations passées (les grandes migrations qui furent à ·l'origine des différenciations ethniques).

- Exploitation du lien Ziva interethnique et interne aux groupes lignagers.

- Références spatiales-temporelles utiles à la pérennisation de relations passées entre groupes lignagers résidant au Sud et au Nord. Nécessité de ces relations dans le processus d'accumulation des boeufs.

111-2-10 Texte n° 31 - Entretien avec la centenaire Kele à Belo (lignage Samoky de Befifitaha) (04--09 -19 69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur Cet entretien eut lieu à Belo sur Tsiribihina dans la maison de la fille aînée de notre informateur, et fut obtenu grâce à la médiation du fils du propriétaire de la maison où nous logions, il devint maire-adjoint en 1970. Ce quartier regroupait les familles d'origine Misara, et notre maison voisinait celle du Secrétaire Général du P.S.D. En 1969, l'organisation de la campagne électorale pour le renouvellement de la municipalité y suscitait une grande activité. Notre propriétaire Rerika devint quelques mois plus tard, le nouvel adjoint au maire, en lieu et place de Philippe Rosier d'origine Antankarana. Nous avions déjà rendu visite une première fois à notre informatrice Kele, centenaire d'origine Misara, et mariée à Sanabo-Samoky. Elle avait déjà abordé avec nous certains points d'histoire concernant la création de la ville de Belo, et il fut décidé avec elle et ceux de sa famille qui désireraient participer à l'entretien, de se réunir à Belo. Effectivement, nous avons trouvé tous les enfants rassemblés pour écouter leur aieule parler de leurs origines, et parmi eux beaucoup de jeunes gens scolarisés à Belo, alors en vacances. L'instituteur du village d'Andranofotsy, Visy-Kely, était d'ailleurs issu de cette famille.

Il est utile de rappeler pour mémoire que Sanabo fut l'un des chefs locaux nommés sous-gouverneur au début de la colonisation, comme Tsitakoa, ancêtre Matoe des Tsitompa. d'Andranofotsy, parent et ancien ministre d'Ingerezza. Le capitaine Gramont (1) dira que "Sambilo, Hanabo, et Tsivoanino étaient conservateurs de la mémoire des rois", en d'autres termes, Mpitoka des Maroserana. Toutefois les relations que nous faisons ici, bien qu'elles aient été possibles puisque nous avions réalisé un travail de recherche d'archives, ne l'ont pas été au moment de l'enquête, mais beaucoup plus tard, au moment où opère la mémoire sélective. Nous ne sommes pas loin de penser .que cette dissociation entre l'écoute immédiate, qui permet d'appréhender l'identité sociale qui est revendiquée, et l'interprétation qui tient compte d'une identité historique est une bonne chose. Il n'en reste pas moins que l'information centrale qui a été libérée au cours de cet entretien nous avait échappé: elle impliquait la formation sociale d'Andranofotsy à sa toute première origine, celle des Matee (ancêtres personnalisés) Tsitompa., et ne nous sera révélée qu'en fin d'enquête. L'ancêtre

(I) Capitaine Gramont. Archives Nationales de la république Malgache­ Tsaralalana : Dossier A 254-, déjà cité. - 133 -

fondateur du village d'Andranofotsy est en réalité Tsitakoa, qui fut sous­ gouverneur en même temps que Sanabo au début du siècle, à la période militaire d'administration coloniale. D'autre part, c'est au cours d'un entretien avec le Prince Laguerre-Kamamy (Cf. Texte nO 10 p. 68) que nous apprendrons que Kele, notre informateur était de la famille de sa mère, puisque sa mère et la sienne sont du même clan Antankarana. En fait, la qualité technique de cet entretien est médiocre. Nous en avions beaucoup escompté, mais il fut difficile à réaliser, compte tenu du grand âge de cet informateur, des conditions de la rencontre, du nom bre des participants. Le contenu de l'entretien est dans l'ensemble décevant, décousu et fragmentaire. Il n'a pas été possible d'organiser un nouvel entretien, en ne gardant que la fille aînée comme unique médiatrice de la relation. C'est pourquoi ce texte ne sera pas repris en montage thématique, et nous nous contenterons de citer ci-dessous les passages les plus significatifs.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

1 - Origine mythique de Belo

Tout ce qui a trait à la création de Belo remonte à la migration Antankarana, dont elle, Kele, est issue. Kele dira:

"Nous sommes Zafin-Rabay" (descendants de Rahay).

"Rahay est parti. Il allait à l'Est et arriva en pays Tsimihety. Il épousa lafille de Ravogno"••• "Celle-là est la fille de Ravogno, quand elle fut enceinte, il rentra chez lui, il retourna à l'ouest•••" "Quand il arriva à l'ouest, on ne savait plus d'où il venait, il avait perdu son Raza, son origine". Quand son enfant est né, son père vint le chercher, car il ne voulait pas qu'il reste puisqu'on ne connaissait pas son origine. Ravogno n'avait rien dit quant à son origine•••"

Elle interrompra cette histoire, par crainte de dévoiler un secret qui ne peut être divulgué, puis reprendra:

"Sept hommes sont partis, et sont arrivés ici, au Menabe. Bien qu'issus de basses classes, ils étaient Berazana (intraduisible dans le contexte)".

"Leurs tombeaux se trouvent à l'Est de Belo, tout près des tombeaux Karana (indiens)".

"Leur fils est Hamoko, qui a un fils Tarora qui est Tsimihato".

Leur origine Antankarana est alors précisée dans une généalogie mythique :

- Ramenavoaky - Ravalikaliky - Ndriamavo - Ndriambazaha - 134 -

- Ndriamagnarihary -Iabosandry, et plus tard, - Homeko

"Ces Antankarana venaient du Nord de Lamboana"••• "Il y a Ndriatsialama, et d'autres Mpanjaka Mahomed Hamady, qui est encore vivant et dont les descendants sont à Ambilobe".

Il Y a dans ce développement certains noms que l'on retrouve dans le texte de notre entretien avec Mahakasa, d'origine Antankarana, ancien Mpitoka- Maroserana et oncle maternel de Laguerre Kamamy (Cf. Textes n° 13-14 p. ).

2 - Formation de Belo à la période coloniale

Ce second développement est plus précis et concerne l'installation des français à Tsimanandrafozana où résidaient les Vezo et Comoriens (Silamo) d'Angajija, et la formation de Belo:

- Création d'un hôpital à l'Ouest (Tsimanandrafoza). - Installation à Belo-Bereketa en amont. - Enumération des premiers scolarisés à Belo.

- Havana, chef de la rebellion (Maroantsoro) serait originaire de Tsimanandrafoza et d'origine Vezo.

- Installation des migrants Merina, arrivée de Razafindrazaka. - Lutte avec les Sakalava : évènements d'Ambiky. , - Rassemblement des Sakalava à Belo par T~iatakoa, surnomme Ndriamavo. Il serait Antankarana d'origine.

- Certains se réfugient dans les forts. - Division de Belo en deux quartiers, puis trois.

C- Eléments d'information retenus

Comme nous l'avons noté plus haut, l'information essentielle est relative à la formation sociale d'Andranofotsy. Le groupe Samoky-Misara dont il est question est manifestement apparenté à la lignée Makoa maternelle d'Ingerezza et Pierre Kamamy. Le Masy (devin) Antankarana de ce groupe était Mahakasa, ancien Mpitoka-Maroserana, démis de ses fonctions en 1968. Cet évènement coïncide avec le renversement des alliances à l'intérieur de la formation administrative et politique, mutation qui se situe dans les années 1963-1965 et correspond au décès de Pierre Kamamy, et à l'ouverture de la succession dynastique.

Rappelons cependant que les informations correspondantes à l'origine des Antankarana et leur arrivée dans la région du Menabe méritent une attention particulière, mais nous ne pourrons véritablement la traiter car notre - 135 -

informateur ne pouvait visiblement pas en dire plus. Cependant, nous avons pu rapprocher ce qui nous a été dit en 1968 avec ce que notait A. Grandidier dans ses notes de terrain manuscrites inédites: Cahier nO 16 lors de son voyage de Morondava à Madzanga (Majunga) p. 848 à 924, en 1869 cent ans plus tôt.

Dans une partie où l'auteur évoque la fonction de l'Ombiasy et son art divinatoire, partie où il précise les pratiques particulières des Antanosy et plus particulièrement le Bi!o alors que chez les Sakalava, ce sont les Ndremandresy qui interviennent dans les cérémonies de possession, nous lisons quelques annotations concernant les Antankars.

"••• Les rois Zaffi-Rabaye qui commandent aux Antankars, Betsimisarks et Betanimenes sont.•• (description physique). Ils ne se circoncisent pas quoique leur peuple pratique cette cérémonie•

••• Chez les Antankaras, le prépuce coupé est tiré dans un fusil. On fait une fête qui dure 8,15 ou 30 jours suivant la richesse de l'individu, avant l'opération à laquelle n'assiste pas la famille proche. On craint l'oeil d'un sorcier lors de l'amputation qui pourrait nuire à l'enfant et on plante de suite le Hazoum-Voutou (actuel Hazomanga)••• •••Pour les Ndremandresy et les Helou, on se contente de danser et chanter (j'ai vu pour Nambine, concubine de Lahymerissa chanter une grande journée). Les Helous boivent du miel. Comme il leur arrive souvent d'aller dans le bois et de vivre d'animaux, poissons crus, on les a appelés du nom donné de Kalanoro, qui est chez les Antankars: Helou. On prétend que dans cet état, ils montrent à leurs amis les plantes utiles dans les maladies de sorte que les amis des gens HeIou deviennent du jour au lendemain de bons médecins.

III-2-1 Texte n032 - Entretien avec Tsimikory, Mpitoka-Tsitompa (06-09 -19 69 )

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Pour cet entretien avec le Mpitoka-Tsimikory, nous avions pris rendez-vous la veille, et nous nous sommes rendus sur le lieu de production rizicole d'Andimaky à l'Ouest du village d'Andranofotsy. La nouvelle mise en valeur rizicole du Delta, à l'Ouest du village, sera présentée comme une initiative du Mpitoka lui-même pour assurer à ceux dont il a la charge des conditions de vie satisfaisantes. Leur permettre une accumulation suppose au minimum une auto-suffisance dans la production de riz, et si possible la constitution d'un surproduit à échanger.

Comme Mpitoka, Tsimikory apparaît bien comme un gestionnaire, celui qui prend les initiatives ,celui qui coordonne mais aussi régule l'activité économique. C'est bien le sens qu'il voulait donner à cet entretien sur le lieu de production, où lui-même ne produit sans doute pas directement. Son rôle est avant tout de se tenir informé des conflits, en restant à distance, afin de mieux les résoudre concrétement. Cet entretien nous a confirmé ce charisme particulier que nous avions observé lors d'autres entretiens: il est bien celui qui résout les problèmes - 136 -

au fond, même si d'autres médiations plus symboliques, comme celles du Masy­ Malaitsy, ou des acteurs des Tromba (cérémonies de possession), permettent de différer la décision. Quand il intervient directement, on peut dire que les choses sont déjà prêtes à trouver une solution. Ainsi, autour de sa personne se réalise le consensus qui permet à chacun d'intérioriser la place, le rôle, le statut qui leurs sont dictés au terme du conflit.

B- Résumé du texte et principaux thèmes

L'entretien se déroule sur le registre des rapports réels,. de nature économique. Les relations entre les modes de production relatifs à la mise en valeur rizicole et à l'élevage des boeufs, sont ici clairement mis en évidence, et transparaîtront à propos de chacun des thèmes évoqués. .

1 - Le mode de production, tel qu'il était initialement

Initialement, les Tsitompa de Belo se sont installés à Andimaky, Belengo, Andranofotsy, ainsi qu'une partie du groupe de parents issus d'Alimpito. Les cultures comprennent du riz de trois sortes différentes (Masikivo, Hery et ?), le manioc et l'arachide.

La répartition des récoltes se fait à l'intérieur du Fokoany par Hazomanga, autour duquel se différencient les Tariky (segments de lignage), dans le cadre cérémoniel du culte des prémices. En réalité, c'est le Mpitoka-Hazomanga qui gère et redistribue les stocks de riz selon les besoins. A l'origine, on peut dire que "les gens d'un même Foko partagent le même repas" (Ray Finana, ray Fokoany).

Quand aux boeufs, auparavant l'augmentation des troupeaux était financée ... par la vente des pois du cap. A l'intérieur du Fokoany, on s'entendait pour acheter un boeuf, ou une vache de qui on attendait une descendance qui etait ensuite répartie par le Mpitoka. Les boeufs d'un même Fokoany sont dans un même parc. Il n'y a donc de différenciation de parcs que parce que le troupeau augmente. Sous Alimpito et Nampia, le parc était uni. Depuis que Tsimikora est Mpitoka, il a été séparé parce que les descendants sont de même père mais de mères différentes (Marotsiraty pour Tsimikora, et Miavotrarivo pour Mahalagno). Dans son propre Tariky cependant, l'unité du parc à boeufs est maintenue (Cf. fig. l, Tome O.

2 - Histoire de la propriété des terres

- L'installation sur les campements rizicoles d'Andimaky et d'Ampasiabo de création récente (Cf. terroir rizicole zône du delta, p.lll est présentée comme s'étant faite à l'initiative du Mpitoka-Tsimikory. Il est plus exact de dire que la répartition des terres de culture s'est faite après accord entre les Dady de différentes lignées, en particulier celle des Tsitompa et celles des descendants Maroserana de la branche 5irikary, celle d'lngerezza (on peut noter à ce sujet que Tsitakao, ancêtre le plus éloigné des Tsitompa, était un oncle mater-nel d'lngerezza). - 137 -

- Par la suite, la répartition des terres s'est faite entre frères et soeurs d'un même Fokoany-Tsitompa, d'où sont issus des Tariky d'origines différentes en fonction des mariages des soeurs. Certains d'entre eux, comme les Samoky, ont épousé des soeurs du lignàge atné et cadet Tsitompa. Leurs descendants habitent la terre de leur mère.

3 - L'héritage

- L'héritage des terres rizicoles se fait en ligne indifférenciée, ce qui n'est pas le cas de l'héritage du troupeau qui se fait en ligne paternelle, et surtout qui reste indivis tant que l'unité sociale du lignage n'est pas rompue par une segmentation. L'équilibre démographique et l'equilibre économique sont en relation étroite. L'appartenance au tombeau enfin, qu'il y ait eu segmentation du Hazomanga ou non, régit le réseau d'alliances internes au Foko, et son système d'interdits. Besely est le tombeau commun des patrilignages Tsitompa­ Miavotrarivo.

4. - L'accumulation

- Elle se réalise en premier au travers de la production de riz, qui est vendu àu commerçant Karana (indien). De l'argent ainsi acquis sont déduits les impôts. Le solde est consacré à l'achat de boeufs, la part de riz nécessaire à la consommation annuelle ayant été évaluée auparavant.

- Il y a une certaine autonomie des unités de production qui composent le Tariky pour des activités complémentaires du type salariat et métayage. De même, si les sommes consacrées à l'achat du boeuf sont identifiées comme étant le produit de l'unité domestique, le boeuf lui sera reconnu comme un bien propre, quoiqu'il soit dans le parc commun du Mpitoka-Hazomanga qui le gère.

C- Eléments d'information retenus

L'information apportée par ce texte ne nécessite aucune interprétation. Son traitement se fera donc au premier degré, et tous les éléments en sont à prendre en compte. Ils entreront dans les chapitres traitant des rapports institutions-économie (V. Tome Il.

CONCLUSION .

Cette seconde période dans le cours de l'enquête, et que nous avons qualifiée d'initiatique, déjà riche en informations de toutes natures, se terminait logiquement. L'entretien auprès du centre d'action de la communauté villageoise, le Mpitoka-Tsimikora, était un gage certain d'une insertion réalisée dans de bonnes conditions. Cependant, il était clair que les analyses qui nous étaient présentées, les liens sociaux qui nous étaient accessibles, restaient encore à la surface des choses. Un certain attentisme présidait à nos relations. Ainsi, les ascendants auxquels les villageois faisaient référence dans nos entretiens, ne - 138 -

remontaient pas au-delà de la génération des Mptitoka des années 40: celle d'Alimpito,Dady de Nampia, fondateurs du village, grands-parents de Tsimikora. Il faudra attendre la fin de l'étude pour obtenir les ancêtres de la génération précédente, Matoe, contemporains de la première période coloniale. Nous les avons cependant mentionnés dans certains textes, anticipant quelque peu sur le mouvement de l'information réellement obtenue, étant donné leur importance.

La participation à la cérémonie de circoncision des Andra1efy fut un élément décisif de "l'empathie" qui s'est créée entre le mode de connaissance que nous recherchions, et un véritable dialogue qui reposait sur un parti-pris de confiance des villageois à notre égard. Cette participation était encore sous conditions. Elle l'est restée. Cependant dans la période suivante, celle qui a pris forme au retour de l'étude régionale dans la région du Manambolo au nord, étude quasiment programmée par les villageois, la volonté de participation s'est accrue à un niveau que nous n'espérions pas et qui nous a porté au-delà de toute communication objectivable. A ce moment, où les frontières du réel et de l'imaginaire avaient tendance à se confondre, notre perception des évènements ne pouvait qu'épouser les rapports sociaux dans lesquels nous étions enfermés. La direction de l'enquête nous a alors échappé. Elle appartenait désormais à ceux qui se faisaient les interprètes de leur société, ceux qui étaient les intellectuels de cette société. III - ANDRANOFOTSY, VILLAGE DU DELTA NORD DE LA TSIRIBIHINA

III-3 L'ASSIMILATION - 140 -

III-3 Introduction

Nous définirons cette troisième phase d'en9uête, comme celle où la distance savamment entretenue entre la communaute villa&.eoise et notre équipe a eu tendance à s'effacer, nous permettant d'accéder enfin a une connaissance de "l'autre" plus immédiate et plus globale. Les entretiens que nous avons pu recueillir à cette période sont différents, l'idéologie y tient une part déterminante, les conflits sont interprétés avec plus de finesse et leur analyse rend mieux compte de l'ensemble des situations individuelles des protagonistes. La saison voulait que la plupart. des villageois se trouvaient au bord du Lac Bemarivo, lieu de production rizicole, et c'est aussi là que furent menés les entretiens, souvent le soir après avoir partagé avec eux les travaux de récolte du riz.

La mise en forme des généalogies étant achevée, c'est sur la base des rapports sociaux que les entretiens se sont engagés, intégrant des éléments concernant l'origine mythique des lignages et des indications sur leur origine réelle. L'évocation des rapports économiques se présentait naturellement sous une forme sociale, à la lecture de ces textes, les lieux de parole sont précis et les thèmes idéologiques aisément repérables. L'étude rétrospective de ces textes d'interview relatifs aux formations lignagères du village, les contradictions dont témoigne chacune des identités présentées au regard de l'intégration villageoise actuelle, nous engageraient volontier à ne pas suivre strictement la chronologie de ces données d'enquête recueillies. Cependant, conserver le cheminement au jour le jour de l'enquête permet au lecteur de se rendre compte précisément de la manière dont l'objet sociologique a été reconstruit et dont le sujet de notre thèse s'est imposé à notre analyse. En effet, c'est bien au travers de la succession chronologique des interviews que l'on voit naîre la problématique générale et particulière des lignages. Ceux-ci mettent en scène les contradictions sociales et économiques entre groupe de parents d'origine différente. Leur succession témoigne de ces rapports, c'est ainsi que l'on comprend que l'interview des Samoky suit immédiatement celui des Andrasily. Leur conflit en matière d'héritage qui fait leur identité est pris de manière différente, la rationalité historique des termes du conflit devient alors intéressante pour comprendre ce qui unifie et différencie ces groupes. De la même manière, l'interview dernier en date des Andralefy précède le premier entretien des Sakoambe qui commencent à nous livrer deux traditions orales fondatrices de la société et du pouvoir. Ces deux groupes occupent une position symétrique et inverse dans la formation sociale Andranofotsy au regard de la reproduction du pouvoir dans le cadre des générations. Les Sakoambe, groupe le plus riche était aussi celui en qui l'on voyait la succession du pouvoir villageois et qui occuperait à la génération des jeunes futurs détenteurs de Hazomanga une position hégémonique dans le cadre des rapports de parenté et d'alliance. Enfin les Marotsiraty, segment de lignage le plus ancien, se présentait comme a­ conflictuel, mais il témoignait concrétement de la manière dont la matrilinéarité a9issait dans les rapports sociaux et avait tendance à se confondre avec une realité diffuse et abstraite, sorte de qualité intrinsèque dont le groupe Marotsiraty, par ses origines premières quasi-mythiques avait acquis l'expérience. Ce pouvoir informel devolu aux mères au sens générique du terme, les identifiait totalement. Ils étaient ceux par qui l'unité et la différenciation des groupes locaux avaient été possibles. Mères communes aux différents lignages porteurs de conflits d'autant plus forts qu'ils n'étaient jamais totalement exprimés au plan des rapports réels et objectivables. Tous ces textes sur le - 141 -

thème des formations lignagères du village ont servi de base à la rédaction du Chapitre III "Les héritiers" et le "Menabe, acutlle préfecture de Morondava". Ils ont permis de présenter le schéma de relation instituant-institué qui se jouait dans les identites lignagères projetées. A cet égard, les textes centraux de cette phase d'assimilation sont révélateurs. Ils portent sur l'origine première qui fonde les identités recherchées. Ce sont les Mpitoka-Misara, et Tagaga conseiller ainsi que le Masy-Malaitsy du village qui se sont fait les interprétes de différentes formes de rationalité contenues dans cette notion d'origine première. La référence générique qui y tient la première place est celle de Misara capable de matérialiser mais aussi d'idéaliser les processus de séparation des groupes locaux à partir de leur ancienne appatenance à des hauts-lieux: Kekarivo, Befifitaha et Mitsinjo. Tous ces hauts-lieux restent le vivant témoignage d'unités politiques passées en voie de dissolution au moment des enquêtes mais agissantes dans les circuits de communication et d'échanges parce que ces hauts-lieux sont les points de référence spatiale-temporelle de catégories mythiques fondatrices de Tromba-Andrano, Antety ou Sazoka. Les tombeaux royaux Maroserana, à proprement parler Tomboarivo-Tsihanihy totalement impliqués dans l'institution dynastique Fitampoha n'avaient pas la même importance dans les rapports quotidiens vécus par les villageois.

L'assimilation dont nous avons parlé plus haut, correspond à ce stade très éphémère dans une enquête, qui consiste à devenir objet indifférencié des rapports internes. C'est pourquoi, nous avons eu accès à la connaissance de l'expression symbolique des rapports fondamentaux engagés dans les Tromba­ Antety et le culte d'Antragnovato. Par défaut, nous avons compris la relation entre les Tromba-Antety et Andrano au travers des relations que ces cultes entretiennent avec les hauts-lieux de référence des groupes lignagers: essentiellement Befifitaha et Kekarivo et secondairement Mitsinjo. Dans ce système cultuel, étaient contenues' les représentations jouées durant le Fitampoha. Nous arrivions au stade où la matière première de la recherche formée par les interviews effectués au jour le jour coTncide avec l'élaboration d'une problématique 9énérale qui tienne compte de la réalité observée. Les thèmes de discussion evoqués en entretien de groupe partici~nt totalement à ce mouvement d'explicitation progressive des rapports et les cerémonies qui ont eu lieu en découvrent la mesure. Le cahier de terrain met quant à lui très justement l'accent sur les rapports établis entre l'échange, le pouvoir et les représentations.

Il comprend des données chiffrées, des compléments d'information sur les généalogies, le détail des fonctions administratives exercées par nos informateurs sur le plan local et national••• L'histoire des campements est une source d'information témoignant des forces centrifuges .et centripètes qui agissent la communauté villageoise. Après la seconde réunion des Mpitoka du village (voir texte n040 p.152) que nous avions provoquée et qui avait bénéficiée d'une bonne participation, nos entretiens se sont centrés sur les institutions qui sont à l'origine des cérémonies: Antragnovato, les Hazomanga et les Tromba. Il nous a été donné de participer à un Tromba-Antety concernant la branche alliée Miavotrarivo-Misara des Tsitompa et par conséquent les tombeaux de Besely et Befüitaha.

A l'issue de cette période, nous devions rejoindre Belo, alors que l'assistant devait encore poursuivre le travail un mois durant, dont quinze jours seraient consacrés à un nouveau voyage dans le Nord pour réunir des éléments d'ordre quantitatif, et recueillir des informations complémentaires lors de nouveaux entretiens avec les Mpitoka rencontrés. - 142 -

Les textes que nous présenterons en montage thématique sont pris en grande partie parmi ceux de cette phase d'enquête, sans négliger pour autant toute l'investigation menée sur le thème des institutions dynastiques commentée en première partie de ce mémoire. C'est en effet au retour de cette enquête régionale en septembre 1969 que nous avons assisté à la réunion du Menabe, qui clôturait le Fitampoha à une époque où les enjeux électoraux pesaient de plus en plus sur la vie locale. Le village d'Andranofotsy n'a pas échappé à cette réalité, et nous avons pu observer comment se jouaient les différenciations actuelles sur le registre des rapports passés. Les formes sociales politiques qui trouvaient leur légitimité dans certaines institutions Tromba et dans les institutions dynastiques trouvaient leur rationalité dans le fonctionnement de l'appareil d'état par le relai des leaders politiques originaires de la région. Le village Andranofotsy à cet égard semblait partagé entre deux influences du fait de sa parenté quasi-directe avec le Ministre de l'intérieur et de l'éducation nationale. Les notables locaux accusaient de leur parenté avec des hauts-fonctionnaires, anciens gouverneurs de l'époque coloniale. Toutes ces influences étaient actives dans la vie politique et économique locale. Le Fitampoha et son fonctionnement en 1969 n'en était pas la moindre preuve.

Les textes présentés dans l'ordre chronologique de l'enquête, seront, le cas échéant, accompagnés d'annotations confirmant le bien-fondé des analyses faites par la comparaison avec les sources écrites datant de la période coloniale.

Le texte introductif de ce chapitre est une relation de l'accueil qui nous a été réservé au retour de l'enquête régionale dans le Manambolo. Nous lui avons conservé délibérément son caractère anecdotique, pour restituer une ambiance, et un ensemble de petits signes, cadeaux symboliques de noix de coco ou de manioc etc... qui montraient le désir des villageois de voir se prolonger la réflexion engagée. Les huit jours qui seront consacrés à préparer notre participation à la "réunion du Menabe", nous avons rencontré une deuxième fois Dafine1y, chef de quartier de Belo, et pour la première fois Mahakasa, de la lignée des Masy, personnage influent de l'entourage des rois. Ce Mahakasa avait un rôle certain dans l'émergence des cultes locaux, et peut-être même dans celui d'Antragnovato et il nous a dit que ses ancêtres avaient confectionné les Dady (reliques des rois). Il pourrait être à l'origine de certains Ody (talisman) vénérés par la communauté territoriale villageoise d'Andranofotsy. A mesure que nous avançions dans la corn préhension du non-dit du Fitampoha, nous progressions en sens inverse dans l'insertion de la communauté villageoise. Voilà ce qui devait par la suite compter pour le choix d'une interprétation plutôt qu'une autre: celle qui voulait que les légitimités sociales du village se jouaient de manière inverse aux légitimités royales.

ACCUEIL RECU PAR L'EQUIPE D'ENQUETE AU RETOUR DU MANAMBOLO (11+-09 -19 69)

Notre convoi arrive à Andranofotsy peu après 17 h. Sitôt arrêtés auprès de la case de Batozy, tous les habitants du village accourent à notre rencontre, surtout des jeunes et des femmes. La femme de Batozy, qui, à notre arrivée, se trouvait sur le seuil de la case de son frère Fidison (Samoky) n'a pas l'air contente de nous voir, elle rentre un instant, hésite, puis se décide à venir nous dire bonjour. Les enfants accourent, ils ont l'air contents, joyeux de nous revoir. - 143 -

Puis arrivent les femmes habitant près des Misara, Samoky, puis la femme de Malaitsy, Tsitompa et Mbamizay, Tsitompa, pour nous dire Nahoa, ,terme de bienvenue utilisé dans la région pour saluer les Longo (parents). .

Nous faisons entrer Batozy et sa femme dans leur case, et l'ayant remercié de nous avoir accompagné et d'avoir participé à notre travail en jouant le rôle d'un excellent médiateur, nous lui comptons la somme de 5 000 fmg qui lui sont remis en présence de sa femme, en cinq billets de mille fmg en le remerciant à nouveau et promettant de le demander à la prochaine occasion. Le chercheur repart à Belo, et tandis que l'Assistant le raccompagne en passant près des Misara, tous se précipitent la main tendue pour nous dire bonjour, même le Mpitoka-Tsitsahy, Misara sort de sa case pour nous saluer. C'est la première fois qu'il manifeste ainsi son contentement. Au retour, nous voyons Malaitsy venir s'asseoir à côté de Batozy pour que celui-ci lui raconte notre voyage; il vient nous dire bonjour et nous souhaiter la bienvenue au village. Puis Mbamizay le Tsitompa vient les rejoindre et Batozy leur fait un compte rendu de trente minutes.

Le soir même, nous rendons visite au conseiller Tagaga, qui nous accueille amicalement, en disant qu'il rentre à l'instant d'Ankirondro. Nous lui racontons la tournée dans le Nord. Il n'est pas très loquace, et indique qu'il doit se rendre dès le lendemain à Belo où il a été convoqué par l'Animation Rurale pour une session de quinze jours. Nous le quittons avant le dîner du soir en' lui souhaitant bonne nuit. Il ne montre ni contentement ni ennui de notre visite, mais se dit préoccupé pour des raisons personnelles, peut'être à cause de cette convocation, et si nos anciennes relations se maintiennent, son problème le rend peu communicatif. Le lendemain, Malaitsy vient nous dire bonjour dans notre case, c'est donc que le lien avec le Tsitompa n'est pas rompu, car nous rendre deux fois visite, c'est témoigner de notre Filongoa (alliance). D'autres gens du village viennent nous voir, comme Harison épicier du village, Tsitsahy le Misara. Batozy leur raconte ce que nous avons fait pendant notre tournée. Ils écoutent attentivement, et nous disent que le Manambolo est loin de Belo, et qu'ils craignaient que les gens ne s'enfuient à notre arrivée, et qu'ils attendaient notre retour avec impatience. Mais puisque tout s'est bien passé, Tahim-Dragnahary que Dieu vous bénisse D.

Enfin, nos "premières impressions" de ce retour au village furent consignées sur le cahier de terrain, et ainsi annotées par l'assistant:

I) "Notre rapport avec le village s'est maintenu. Le fait d'accourir pour en entendre le récit est un signe qui montre que le Filongoa (alliance) s'est maintenu. De même, la femme de Mbamizay quand elle m'apporte un plat de manioc qu'elle a préparé pour moi. Ou encore, quand nous rendons visite à Malaitsy et à sa femme dans leur case, et qu'ils nous ont offert un Hadrafo (noix de coco jeune et pleine de lait) que Malaitsy lui-même a décroché, a préparé, et nous a offert.

2) Les gens s'intéressent au récit de notre tournée du Manambolo, et à la comparaison que nous pouvons faire de l'attitude des gens du Nord avec l'accueil que nous avons reçu à Andranofotsy. Certains s'attendaient à ce que nous soyions mal reçus. D'autres pensaient que les ~ens du Manambolo connaissent mieux l'Histoire qu'eux, et que cela nous amenerait à les abandonner et à perdre confiance en eux. - 144 -

3) Nous avons bien insisté sur le rôle indispensable de Batozy pour établir le climat de confiance et résoudre les difficultés d'insertion". La relation inégale inscrite au départ de l'enquête s'est trouvée radicalement changée, nous étions à leur école et ils acceptaient cette tâche.

Activités de production et d'échange sur le lac Bemarivo

A- Activités d'échange

Le lac Bemarivo est une vaste plaine en saison sèche, qui se trouve à l'Est d'Andranofotsy à 3,5 km du village. On y cultive alors le riz, et les villages environnants et certains habitants de Belo y possèdent des terres de culture. On distingue les villages situés à l'Est du lac, comme Ankirondro, Antanandava, Mangotroko, et ceux de la rive Ouest comme Ampasimandroatsy, Ankotrofoty, et Ambohidrahay. Les villages du delta Nord et Sud de la Tsiribihina comme Andramasay, Andranofotsy et ses campements, Bejio, ceux de Tomboarivo, Sahamaka (de Saha : femme du roi, sans doute le village des concubines royales), Katsao, Anosibe, Anosinanakomby, cultivent également le riz à Bemarivo, et pratiquent des échanges sur le lieu de culture en saison sèche. Ils transportent des poissons, des patates douces, et d'autres produits qu'ils échangent contre du riz. Ainsi, en 1969, un ou deux gros poissons s'échangeaient contre une gamelle de riz. Cette activité de troc était généralisée. Des femmes apportent également des Mokary, évalués à 5 F pièce, contre une gamelle de Paddy. Ces échanges se pratiquent chaque jour de bon matin, et les vendeurs se déplacent de Toby en Toby (campement provisoire où vivent les cultivateurs pendant la saison de la préparation et de la récolte du riz, ainsi que pendant la campagne de battage). Rien d'étonnant alors à ce que le marché de Belo soit quasiment désert à cette saison, le troc se pratiquant partout, dans la vallée du Manambolo comme sur le lac Bemarivo.

B- Les transports en charette

Les transports par charette à boeufs sont importants dans la région. C'est un moyen de locomotion que nous avions d'ailleurs utilisé pour nos missions au Nord dans le Manambolo. Des boeufs de trait sont élevés spécialement en vue de cet usage aux alentours des villages.

Dans le village d'Andranofotsy, on transporte par charettes le bois de chauffage à Belo, et les billes de bois destinées à la construction des cases. Le prix d'une charretée de bois de chauffage varie de 300 à 400 fmg. Pendant la saison de la récolte sur le lac Bemarivo, les villages environnants viennent du Manambolo à la rive Sud de la Tsiribihina et jusqu'au Delta Sud (Tomboarivo, Sahamaka), ce qui explique la difficulté du ravitaillement en bois de chauffage à Belo, et le prix d'une charretée atteint 400 fmg. De même à la saison des pluies, les routes étant coupées, c'est la période de soudure et beaucoup de denrées manquent à Belo qui dépend des villages environnants comme Andranofotsy, alors que les gens sont occupés aux travaux du riz à Andriaka, ou des cultures sèches Hatsaka. - 145 -

A Andranofotsy, ce sont les jeunes le plus souvent qui sont chargés de la vente du bois de chauffage à Belo. C'est le cas de Nova, Robson (Sakoambe), Dezine (Tsitompa). Dans la semaine, Dezine a fait trois voyages à Belo, ce qui lui rapporte 1 200 fmg, et il préfère vendre du bois que de se salarier au Bemarivo. Si 50 ares de riz rapportent 3 Daba de Paddy à 190 fmg le Daba, cela fait 570 fmg, et il faudra trois jours à deux pour faire la récolte de ce demi Ha. C'est pourquoi il préfère faire le commerce du bois. Pour les billes de bois, une poutre de 3,50 m se vend 50 fmg, et une charrette peut en contenir une centaine. Elles sont corn mandées par les gens de Belo lors de la construction des maisons. Mbamizay (Tsitompa) a ainsi emmené cent poutres à Belo le 5 octobre 1969.

C- Les travaux au Bemarivo

La plus grande partie des travaux au Bemarivo exige l'utilisation de moyens de transport. Les jeunes pousses à repiquer sont transportées en charrette ou en pirogue. En effet, les pépinières des gens d'Andranofotsy se trouvent à Maroataola ou à Beftlita, à deux km environ de la rizière appartenant au village. Chacun a sa petite pépinière; certains ont deux charrettes, d'autres trois, selon la superficie à cultiver, pour les propriétaires, ou selon la surface obtenue par les Mpisasaka (métayers) qui font moitié-moitié. Ces métayers partagent la récolte en deux parts égales. Le Mpisasaka doit faire le repiquage, le moissonnage, le battage, et assure même le transport des pousses et la récolte de riz. Au moment du battage, on invite le propriétaire de la rizière avec lequel on a passé contrat. Il faut une journée de travail pour le battage d'un Kobo (tas de riz coupé long de 3 m, large de 1,50 m, et atteignant l,50 à 1,70 m de haut). Une fois le travail fait, on partage le paddy en deux parties égales, après avoir mis de côté 3 Daba pour le prix du moissonnage, 2 Daba pour le battage, et ce qu'on a mangé pendant les travaux. Le riz paddy est alors transporté en charrette au village, et ces transports se font tout le temps de la récolte, de début octobre à fin novembre. .

Pour la vente, on met encore les sacs de paddy dans une charrette, pour les porter aux Karany qui les achètent, à Belo où dans les villages avoisinants où sont installés certains commerçants, et qui sont: à l'Ouest, Ankotrofoty, Befifita, et à l'Est du Bemarivo-Ankirondro, Mangotroko et Ampasimandroatsy.

D- Propriété des charettes, location et prêt

. On peut louer une charrette pour se rendre dans le Nord à Aboalimena et retour pour 1 500 fmg; d'Andranofotsy à Belo ou l'inverse pour 200 fmg, sans limitation de bagages. Le cas ne se présente que pour des gens de passage ou des étrangers. Dans le milieu villageois, la location se fait peu, ils empruntent plutôt. Quand les gens n'ont pas de charrette à eux, ils empruntent celle de leur Longo. Dans un Tariky ou un Fokoany, une charrette peut passer de l'un à l'autre. Tous ceux qui appartiennent au Fokoany peuvent s'en servir quand ils en ont besoin. C'est le cas d'André Andrasily et de Milnette Tsimialisa: André a deux boeufs de trait, et Milnette a une charrette, mais pas de boeufs. Ils se mettront d'accord pour utiliser la charrette et les boeufs, une journée ou une semaine, alternativement. - 146 - Fig. 2

::::;;;:;::: Lac Bemarivo ~\\'\ Cane agrandie 6 1:25000 TERROIR RIZICOLE D'ANDRANOFOTSY .-- Routes photo 68 MAO 225/250 SU R LE LAC 8 EMARI VO CARTE 3 __-/' Fleuve T51RIBIH INA 1:25000

,/' " ." . .

Limites des terres inondables

Lit majeur du lac

1 1

• Tombeaux

Limite du terroir rizicole

Ankazomena Lieux-dits: zones de Kily

1------.,.1' 1 1 MANGOTROKO J---~. 1 Ankilimivola 1

Ankililozy

Ankazomena

(tombeau Misaral •

• ""__~ ....,,.r •

1 1 ANKIRONDRO 1 1 - 147 -

I1I-3-l Texte nO 39 - Entretien avec André d'ori ine Andrasil sur le lieu de production rizicole du Bemarivo 25-09 -19 69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Cet entretien eut lieu sur les terres de riziculture du lac Bemarivo. Il a suivi une présentation détaillée des activités d'échange au cours de la saison sèche. Nos deux informateurs, André du lignage Andrasily, et Paoly du village de Mangotroko sont propriétaires de terres Lova. La région connaissait d'importants conflits fonciers, certains d'entre eux étaient insolubles et pouvaient compromettre la récolte à venir si une solution n'était pas trouvée à temps. En effet, la culture du Bemarivo en saison sèche est une culture de décrue. Le repiquage du riz se fait en plusieurs étapes pour suivre le reflux de l'eau. La première et la plus importante d'entre elles est la culture en pépinière d'où sortiront les premiers plants de riz. Or les habitants d'Andranofotsy, originaires des villages de Mangotroky, Ankotrofotsy et Befifitaha ont bien des terres Lova, héritées de leurs parents (pères ou mères), mais ne disposent pas de pépinières. Ce sont les résidents des villages de Befifitaha et Ankotrofotsy qui leur délèguent les terres de semis. C'est à ce propos qu'éclatent des conflits qui peuvent dégénérer jusqu'à l'arrachage pur et simple des semis. Nos informateurs d'origine Andrasily jouissent d'une position privilégiée en tant qu'Andrasily dans la communauté de parents d'Andranofotsy. Etant Longo Amin Raza des Tsitompa, issus d'une lignée paternelle "noble", ils ont hérité de leur mère Tsitompa. Leur conflit d'héritage avec les Samoky était exemplaire; en effet ces derniers, Longo Amin Raza des Tsitompa, mais en conflit ancien avec le Mpitoka-Tsimikora à propos de l'héritage des boeufs de leur mère, du fait de leur nombreuse descendance s'opposaient aux Andrasily. Ce conflit sera présenté à sa manière par le Mpitoka-Andrasily, et nous verrons à cette occasion les rapports sociaux engagés dans cette affaire. - B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

1 - Origine du Lova des Andrasily sur le lac Bemarivo

Notre informateur .se placera à deux niveaux de généralité pour présenter l'origine des terres Lova dans le Bemarivo. Le premier niveau consiste à remonter à l'histoire de l'installation des groupes lignagers dans les villages situés sur les rives du lac. Les premiers à avoir pratiqué la riziculture de décrue sur le lac, seraient les Koroa, établis avec ses parents à lui (3e génération ascendante) à Mangotroko, Ankirondro. L'alliance Fatidra, pour la mise en valeur entre Antalsaka et Sakalava aurait donc été le point de -départ du développement rizicole. La formation des villages permanents du lac Bemarivo a eu pour conséquence la sédentarisation progressive des groupes Sakalava; la répartition des terres rizicoles remonte au début de la colonisation, en raison des rapports d'alliance entre groupes lignagers locaux co-fondateurs de villages. C'est pourquoi les habitants d'Andranofotsy, originaires pour partie de Mangotroko et Ankotrofotsy, se trouvent avoir des rizières sur le Bemarivo en terres Lova. D'autres les ont parce qu'ils les ont achetées. Ainsi la répartition des terres rizicoles sur le lac Bemarivo, est une mesure des migrations et segmentations­ successives qui ont eu lieu en 3/4 de siècle. C'est principalement à ce titre que le terroir d'Andranofotsy, des terres rizicoles du Bemarivo nous intéresse. - 148 - Fig. 3

TERROIR RIZICOLE D'ANDRANOFOTSY SUR LE LAC BEMARIVO

ANKOTROFOTSY

ANKILIMIVOLA

AMPANDROBIA

ANKALALO (tombeaux ANTAIMOROI .''---:,..---~ agrandissement mission 68 MAO 225/2!SO echelle 1 : 8000 ~ Rizi.res \ \ ~ Limite. de. terra. inondables \ Lit majeur du lac ) MG130 Propriétaire. de. rizières S Ciroup" lignager 38 Individu propriétairo • Tombeaux 1 1 Villages BEKIRA liaux-dits zones de Kily Limite de la forêt 1 \ l \ f - 149 -

Mais ce texte n'apporte pas une reconstitution historique fidèle et détaillée. Notre informateur se borne à préciser l'ordre de l'installation des migrants et groupes lignagers Sakalava, pour ensuite se situer dans l'ordre de l'histoire lignagère dont il est le bénéficiaire, et qui l'a fait propriétaire de terres Lova. Nous verrons, repris d'un point de vue ethna-historique l'histoire globale du terroir rizicole, actuellement contrôlé par les groupes Misara de Befifitaha. La terre Lova des Andrasily est d'ailleurs originellement le produit de l'héritage de la mère d'André, terre donnée par Nampia en vertu du principe de succession des terres rizicoles en ligne indifférenciée.

2 - Les termes du conflit

Il existe au moins trois types de conflits qui sont précisés par notre informateur. L'un concerne le Lohavogny, prémices de la récolte dues au Mpitoka, gestionnaire du Hazomanga, l'autre les terres utilisées comme pépinières, et le troisième les terres transmises par héritage. Ce qui préoccupe le plus notre interlocuteur, ce sont les pépinières à propos desquelles les conflits sont souvent portés jusqu'au tribunal de Belo. Pour les terres Lova, ce sont les limites qui sont contestées du fait des tentatives des Samoky, co-héritiers avec les Andrasily des terres des mères Tsitompa, femmes de Lovy. Commentant cette situation, André rappelle que du temps des ancêtres, les neveux avaient leur importance. En effet, sa mère Misara était la troisième femme de Lovy. Ce sont les descendants de même père, mais de mères différentes qui s'opposent. Les querelles se manifestent toujours en saison des pluies. Dans cette situation, le Mpitoka-Tsimikora, gardien du Hazomanga­ Tsitompa intervient le moins possible. Son rôle est surtout de rappeler la loi qui régit les successions, et qui s'exprime de la façon suivante: "•••Chacun a son ancêtre et l'a enterré. Chacun hérite de ses parents qui ont hérité de leurs ancêtres. Une génération remplace l'autre, à l'image des plants de bananier. Chaque pied qui tombe a ses descendants••• Quand un enfant a grandi, il reprend les activités de ses parents••• Les anciens ont aussi été des personnes vivantes".

Au fond, le conflit est ancien, il se réfléchit dans les générations suivantes en des termes nouveaux. Les personnes impliquées dans le conflit sont nombreuses, et appartiennent à quatre générations. Cependant, c'est une seule personne, le Mpitoka-Tsimikora, qui peut et qui doit arbitrer le conflit.

3 - L'origine lignagère Andrasily de notre interlocuteur

Le texte permet d'expliciter l'origine des Andrasily, telle qu'elle est vécue et validée par notre informateur. La généalogie que nous avons construite et complétée grâce à l'interview est partielle. Elle atteste l'existence d'ascendants de haute lignée, et témoigne de la segmentation de lignages comme les Andralefy, les Tsitompa, du fait d'alliances antérieures avec des femmes Misara, soeurs des rois. Cette réalité sociale-historique se matérialise dans l'organisation des terres Lova rizicoles du Bemarivo. Ainsi les Andralefy ont leurs rizières groupées autour du tombeau de Bekiria, ce qui marque les relations passées des Andralefy avec les femmes Misara. (Bekiria est le tombeau des femmes Misara nous dira dans'l'interview n° 47-48 p.1721e Mpitoka-Misara). - 150-

GENEA LOG l E DES AND RAS l L Y Fig 5

Un conflit ..upllire ISlIOHPA/SAMOO/UOIASILY propos dis terres LOYA du IEHAlIYO. ~A95 ANKEVO N' LAVA Fig 5 _0X---° A99

FATIDRA à SOAHAZO m EX-ANKEVO Il

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4 - Les échanges locaux

Le riz (0 s'échange contre toutes sortes de produits en cette saison de récolte. Il s'échange sur le lieu de production contre des légumes, patates, boulettes cuites, poissons, boeufs, porcs, chèvres, moutons. Notre informateur note qu'en saison sèche, le riz que l'on dépense ainsi est d'environ un bidon par jour. Les fluctuations tiennent aux passages plus ou moins fréquents des colporteurs. Lui-même pense qu'il est préférable d'éviter les tentations afin de préserver le riz. A cette époque de l'année, il est plus raisonnable de ne pas rester inactif. Pour préserver les stocks de riz, il est bien préférable d'assurer soi-même les transports, voire d'échanger le riz hors du lieu de production, à Belo, contre de l'argent. Quant à l'impôt de capitation, par exemple, il est aussi évalué en riz : 20 bidons, auxquels s'ajoutent les impôts sur le revenu, soit environ 30 à 40 bidons au total.

C- Eléments d'information retenus

- Grâce à ce texte, complété par les enregistrements des entretiens avec les Samoky (Texte n0 42 p. 161>, avec lés Andralefy (Texte n 0 44 p. 172), avec les Misara (Texte n0 47 et n0 48 p. 172 ), nous avons pu reconstituer la genèse et le développement des rapports de production de la riziculture et de l'élevage, en tenant compte des segmentations sociales récentes, donc de la formation du village d'Andranofotsy.

- La planche fig. 5 p. 150 ci-contre, présente le conflit exem plaire qui concerne la répartition des terres rizicoles Lova du Bemarivo, où l'on voit s'inscrire les rapports sociaux réels des lignages Tsitompa, Samoky et Andralefy dans l'organisation des terres rizicoles du Bemarivo, Cf. fig. 3 plus haut p. 148.

- La politique de Tsimikora, gardien de l'unité politique et économique villageoise s'explicite quand on rappelle certains faits du passé qui concernent l'héritage du troupeau des soeurs Tsitompa de Nampia, fondateur d'Andranofotsy.

- La généalogie des Andrasily sera commentée d'un point de vue idéologique par les références au passé Maroserana qu'elle contient, et qui sont parfois utilisées dans l'ordre des différenciations sociales actuelles du village exprimées par la possession de boeufs.

- La répartition des terres Lova du Bemarivo sera complétée grâce au texte n 0 47-48 p. 172 qui présente l'histoire récente des segmentations Misara, la formation des villages riverains du Bemarivo, et la situation particulière d'Andranofotsy par rapport au clivage ancien lié à la royauté Maroserana, entre Kekarivo, Befifitaha, et Mitsinjo.

(0 Le riz est bien utilisé comme forme intermédiaire d'échange et d'accumulation. Il intervient au même titre que les boeufs pour payer l'impôt. - 152 -

III-3-2 Texte nO 40 - Réunion des Mpitoka (chefs de lignage) du village d'Andranofotsy - Notions de Raza, Foko, Longo, Tariky, Ziva, Fatidra

A- Situation d'enquête

La première discussion se déroule le matin et durera quatre heures. Les Mpitoka présents sont Firazagna (Marotsiraty), le Conseiller Tagaga (Marofoy), Firengea du lignage cadet Tsitompa, Etienne (Andralefy), notre hôte Batozy (Tsimangataky), et Malaitsy le Masy d'Antragnovato (Tsitompa). Chacun de ces représentants joue un rôle particulier, son propre rôle, tout au long de la discussion. Le Conseiller Tagaga se présente comme l'interprète de la société toute entière. Ses explications sont enracinées dans le passé Maroserana, système selon lequel toutes les fonctions importantes sont ramenées à celle qu'exerçait le Mpagnito, le roi qui a distribué les terres et institué les Raza. Le représentant Andralefy dont on peut noter qu'il n'est pas le Mpitoka en titre, absent ce jour, reprend en général les propos du conseiller. Toutefois, il présente l'histoire des règnes passés sous leur aspect social, en actualisant les problèmes historiques, dont le principal est de favoriser l'expansion démographique du groupe qui fait son pouvoir et sa richesse, tout en luttant contre la dispersion géographique. Pour ne pas perdre son identité lignagère, le groupe établit des stratégies qui concernent notamment le mariage et l'adoption. Malaitsy se tient à son rôle habituel, celui de moraliste. Il interprète les règles traditionnelles pour y trouver une solution à tout conflit susceptible de mettre en cause l'unité des groupes. . Firazagna apparaît comme le plus subtil dans ses analyses et dans les exemples qu'il donne à l'appui de sa thèse. Il fait fréquemment la synthèse de ce qui a été dit par d'autres de manière dispersée, emploie volontiers des expressions imagées et simples qui résument pour l'essentiel les relations existantes. Batozy, enfin, peu bavard comme toujours, se contente d'observer, et évite surtout de prendre partie.

Cet entretien sera malheureusement pour partie inaudible, et nous devrons reprendre les mêmes thèmes de discussion le soir à la veillée. Les mêmes personnes seront présentes, et se joindront à eux le fils du Mpitoka Sakoambe­ Mija et futur chef de li9nage, Marintoetsy, et le Mpitoka Misara Tsitsaha. Au cours de cette seconde reunion, le Conseiller Tagaga, qui avait beaucoup parlé le matin et avait longuement développé son idéologie, se taira, laissant les autres s'exprimer. Ce changement-d'attitude tient sans doute à ce qu'il estime avoir joué le matin sa partition et trouve inutile de reprendre ce qui a déjà été dit. En revanche, il sera présent tout au long de la veillée, car être actif dans cette enquête -qui jusque là l'a respecté dans son rôle- fait partie de sa stratégie de pouvoir vis-à-vis du village. Lorsque la discussion prendra un tour différent, abordant le thème du Hazomanga qui n'avait pas été évoqué le matin, ce sera le conseiller qui ouvrira le feu: prenant son propre exemple, il défendra sa position, développant son idéologie de la fonction du Mpitoka-Hazomanga. - 153 -

Le Mpitoka-Vazimba, Firesa, dont nous rappelons ici qu'il réside à Andramasay, et qu'il est Ziva de Gaston, chef du lignage AntaveIa, est plus d'une fois intervenu pour souli~ner la division des lignages du village. Ses interventions en réalité, ne sont pas etonnantes, si l'on se souvient de ce que l'idéologie des habitants d'Andramasay est celle d'une communauté primitive de parents liés par le Ziva, et qui partagent la même maison et le même repas. Ce qui était quasiment réalisé à Andramasay ne pouvait être vécu de la même manière par les habitants d'Andranofotsy, du fait de leur nombre, et des segmentations normalement intervenues entre parents au cours des générations. Le village d'Andranofotsy avait atteint un seuil maximum d'intégration démographique, il était certain qu'au cours des dix ans à venir, se produirait l'éclatement du village. L'intérêt de la discussion que nous avions proposée venait justement de ce que le seuil critique d'équilibre démo-économique était atteint.

Il est important de noter que cette discussion a été très animée, et qu'il y a eu mise en commun d'une réflexion des uns et des autres. L'humour qui parfois fleurissait, évoquait le symbole de l'unité du village, leur participation à la fête des prémices des Tsitompa. C'est à ce signe que les groupes sociaux co-résidents liés par la parenté reconnaissent l'autorité des gestionnaires du Hazomanga. Cette partie de la discussion, lancée de manière ironique par le Conseiller, est devenue par la suite très vive. Certains des participants insistaient sur le fait que l'aspect économique des prémices avait disparu, qu'il n'existait plus qu'à l'état de symbole et qu'il s'agissait de dons. C'est au moment où les clivages commençaient d'apparaître dans les stratégies réformistes ou traditionnalistes de certains Mpitoka, que le Masy-Malaitsy, gestionnaire avec le Mpitoka Sakoambe­ Mija de cette fête des prémices développera en termes moralisateurs la nécessité de rester unis.

Deux jours plus tard, ce même Malaitsy nous conviera à visiter les hauts­ lieux du village, ceux qui représentent l'inté9ration sociale et reposent sur la patrilinéarité, l'exogamie de clan et le rôle determinant du Mpitoka-Hazomanga dans les segments de lignage qui partagent les mêmes mères. Il développera la stratégie politique commune aux Tsitompa et Sakoambe-Mija qui sous-tend la fête annuelle des prémices.

On peut dire que nous avions atteint ici un stade d'insertion nouveau, puisque le village commençait à mettre en scène ses divisions internes en présence de l'étranger. Nous sommes devenu alors un enjeu pour les forces d'intégration et de division contenues dans le village.

B- Résumé des textes et principaux thèmes évogués

l - Réunion du matin

Le but de la réunion est à nouveau de tenter de préciser l'acceptation des termes de Tariky, Raza et Foko. Tagaga définit le terme de Raza comme une hiérarchie naturelle, de l'Ampagnito aux Vohitse et aux Raza communs: on ne choisit pas son Raza. La conservation du Raza, se fait par la transmission patrilinéaire du Hazomanga, et par l'exogamie. Sont Longo et interdits de mariage ceux qui appartiennent au même Raza. Malaitsy renchérit et précise les règles de patrilinéarité. Les autres participants paraphrasent ce qui a été dit. - 154 -

Malaitsy revient plus tard sur la distinction entre Ampagnito de droit divin, et Ampanjaka par l'autorité que les hommes lui ont conférée. Il cîte une tradition, orale sur l'origine des Tsitompa, "les taureaux se battent, la cruche de lait reste" (1).

L'assistant laissant entendre, que en ce qui concerne les grands Raza, l'attribution de noms correspond peut'être à des situations ou à des lieux, Tagaga restitue l'orthodoxie de la tradition lignagère, où tout nom qui n'a pas été attribué à la naissance est mensongé (Feigny). Ce système tient parce qu'il y a un régulateur. qui est l'Ampagnito, de même que le village tient parce qu'il yale gouvernement.

- Cas particulier de Fanitony-Komaroko, qui a perdu un nom tombé en déssuétude, pour retrouver un nom du type fils de untel, qui est devenu son nom.

- Réalisme du soir: Les concepts de l'organisation sociale Introduction de l'idée que le Raza a été créé par ceux qui ont reconnu à un ' même ancêtre le pouvoir du Mpitoka-Hazomanga, analogue de l'Ampagnito, et que le Raza persiste malgré l'éclatement géographique. La succession patrilinéaire suppose l'exogamie de clan; la femme qui ne peut avoir le Hazomanga est la source des alliances, mais le Raza de son père peut se perpétuer dans ses fils "la femme fait repartir le Raza". .

- Origine des noms (suite) dans les moqueries, les petites plaisanteries que les gens racontent quand ils sont rassemblés "attention, le lait déborde" (Tsitompa).

- Les règles interclaniques (Lilin Draza Be) précisent au-delà du mariage exogame le statut des enfants issus de ces réunions: en donnant une fem me, le clan donne son Raza, et l'enfant est récupéré par le fait de l'adoption. Ainsi, si le clan arrachait un enfant non sevré à sa mère, et que celui-ci en mourait, sa mort retombait sur tous; ces règles se sont assouplies et le droit du père est mieux reconnu (notamment en cas de métissage avec un Vazaha).

- Le thème de l'actualité des règles claniques et des interdits est abordé, en relation avec les coutumes nouvelles apportées par la colonisation. La circoncision "qui donne à l'enfant son statut d'homme", "les interdits de mariage, les interdits alimentaires. Ces règles sont en général suivies, mais il existe des arrangements dans les cas de transgression. La transmission du Hazomanga est possible pour l'enfant non circoncis si le rituel est pratiqué sans tarder, mais la transgression de l'interdit alimentaire est punie par la maladie (lèpre), l'avortement, signe d'une faute, d'une union interdite, est l'objet d'un rituel d'expiation. La loi est le signe de l'ordre ancien, et si d'autres transgressent les interdits élèvent des boeufs Vandamena (rouge-blanC> ou tuent l'oiseau Katrakatra pour le manger comme les Vazaha, d'autres gardent leur dignité en respectant les interdits.

(1) Image symbolisant la fonction centrale de Tsitompa dans les rapports interlignages, eux qui intègrent par la parenté les conflits susceptibles de se développer entre les lignées. - 155 -

- Chez les Andralefy, il existe des circonstances où l'on sacrifie un boeuf, et d'autres où on ne le fait pas. La maladie et la mort sont l'oeuvre de Dieu, et c'est à l'occasion de la guérison et non de la mort que l'on fait le sacrifice. De même, si un enfant est né, on remercie Dieu de l'avoir épargné. Ou encore quand une fille doit se marier, l'homme qui veut l'épouser sacrifie un boeuf. Un autre participant confirme que le sacrifice manifeste actuellement la reconnaissance envers Dieu quand l'enfant est né, alors qu'autrefois il servait à écarter le danger de la grossesse et le sacrifice était du Toaka, du riz et du miel.

- La discussion qui suit distingue le Fomban-Draza (tradition ancestrale) du Lilin-Draza (tradition propre au Tariky ?). Peut-être y-a-t-il un glissement entre les rituels originaux (rite du Toaka par exemple) et certaines traditions plus récentes d'offrir des sacrifices de boeufs, alors que ce n'est pas la richesse qui autorise à sacrifier un boeuf, mais un droit 'ancien. Pour les rites de l'enterrement qui précisent la forme des tombeaux, le nombre de pierres, il s'agit d'un Lilin-Draza propre au Fokoany et au Tariky.

- Dans le prolongement de ces définitions, la marque d'oreille de boeufs est un Lilin-Draza, propre au Raza, et la reconnaissance de l'ensemble de ces Sofin'Omby est le Fomban-Draza. La marque d'oreille est le signe d'un Longo unique, d'un ancêtre commun, elle permet de reconnaître les membres d'un même lignage que les migrations auront dispersés.

- L'éloignement est un facteur de division, il entraîne l'oubli des coutumes et des interdits, ou l'oubli volontaire. Quand l'enfant est né au loin, il se marie (à Antsalova ou à Morondava), sans chercher à savoir l'origine de la femme qu'il veut épouser, ~t le Tariky est détruit (Trobo). Ainsi il n'y a pas de risque à épouser une femme sur place, alors que quand la femme est d'Antsalova, il faut enquêter pour connaître d'éventuels interdits de mariage. Si les enfants se sont unis sans consentement, un rituel pratiqué à l'Est de la maison protégera le Raza.

- Une très longue séquence va reprendre les critères d'inclusion et d'exclusion des termes de Tariky, Fokoany, Fokon'Olo, leur utilisation dans di verses circonstances de la vie quotidienne, et par rapport aux générations ascendantes.

• Tariky et Fokoany ont pour plusieurs participants la même signification, la parenté au sens large, celle que l'on convie lors des cérémonies, encore que Tariky représente plutôt les parents (ascendants, descendants, collatéraux et famille par alliance limitée aux conjoints) et Fokoany un cercle plus large (amis, connaissances, Ziva). Fokon'Olo signifie plutôt l'ensemble des habitants du village, par opposition à Fokoan'Tena (à soi). Longo s'emploie pour la parenté par alliance: "Le Tariky de mon Longo est mon Longo".

• Importance de l'information, au fond le Tariky s'étend jusque là où on peut encore l'atteindre, et le rassembler.

• On peut également remonter le Tariky, qui dès lors inclut le Dady et le Matoe à l'origine du lignage et descend aux Zafy (petits-enfants), Afiafy (arrière-petits-enfants) et Kitro (arrière-arrière-petits-enfants). En parlant du Tariky d'un détenteur de Hazomanga, on peut donc ne pas nommer le Raza. Raza a de plus le sens d'ancêtres indéterminés, intermédiaires entre Ndragnahary (Dieu) et le Matoe. - 156 -

• Le Raza est en quelque sorte plus solide que le Tariky, car en cas de dissension, (Antariky), il est possible de nier le Raza au cours d'une cérémonie, mais le plus souvent ce sont les Tariky (aînés/cadets) qui se séparent et "ne peuvent plus manger ensemble".

- La notion de Longo de Raza est l'occasion de revenir sur les marques d'oreille de boeufs: une marque unique en deux endroits distants implique la parenté, un Longo de Raza (amis ou parents depuis l'originge du lignage). Ceci est différent du Longo habituel, qui ne se dit que de gens que l'on connait, et que l'on reconnait comme des intimes (Ziva, Fatidra, amis). Peu d'information en ce qui concerne les marques d'oreille de boeufs, sinon qu'on ne peut changer une marque d'oreille, qu'elle situe le Tariky de boeufs, ou le Fokoany de boeufs.

- On passe à la définition des termes Hazomanga et Mpitoka. Le Hazomanga n'est pas une personne physique, c'est le pieu qui "une fois dressé est la référence du Tariky. Le Mpitoka est celui qui est chargé d'invoquer (Mpitoka) le Matoe ou le Raza, au pied du Hazomanga. Le Hazomanga est bien le pieu de circoncision, auprès duquel on sacrifie le boeuf et on invoque les ancêtres. L'aîné est le responsable du Hazomanga.

- L'assitant introduit la notion d'Ampagnito, comme une extension de celle de Mpitoka-Hazomanga, et un participant répond en un long développement: en forme de récit, ou de parabole, il semble affirmer la primogéniture "que l'on soit laid ou riche, c'est l'aîné qui possède le Hazomanga" telle qu'on peut la trouver intacte chez ses parents d'Antsalova, alors que quand il s'agit des Ampagnito "qui se disputent à cause des Dady", alors qu'un souverain connaît toujours son Dady. Quel est ce riche cadet qui "tient les rênes et reçoit de l'argent à chaque fin de mois" ? Ils se détruisent entre eux, en conséquence ils n'ont plus de Hazomanga, et ce sont les Misara qui détiennent leur Hazomanga"••• Suit une explication des règles et des rites de succession du Hazomanga, ou de la fonction royale. Il y a parrallelisme entre Tariky et Menabe.

C- Eléments d'information retenus

Les rôles sociaux tenus durant la réunion ont été utiles à une nouvelle compréhension des rapports internes de pouvoir entre les Mpitoka-Hazomanga du village. Ils caractériseront cette formation sociale. Les différentes définitions et précisions concernant les notions de Foko, Longo, Tariky, Dady-Raza et Fomban-Raza circonscrivent leur champ d'application sémantique et nous en avons tiré profit quand nous avons été amené à les utiliser dans nos analyses et surtout quand nous avons présenté la formation sociale Andranofotsy. Les cérémonies différentes qui vont de pair avec des sacrifices de boeufs, d'autres où il n'y a pas d'abattage de boeufs étaient importantes à connaître. Notons ici que les rites de guérison pour les Andralefy adeptes de Tromba­ Andrano vont de pair avec le sacrifice de boeufs. Enfin, la dernière partie sur le Mpitoka-Hazomanga géré par l'aîné et les Ampagnito qui s'opposent à propos de leur Dady et de l'héritage dynastique est importante pour la conclusion du Fitampoha: ce sont les Misara qui, en fait, possèdent leur Hazomanga et nous ajoutons Kekarivo et Mitsinjo, seuls vrais Tragnovinta. - 157 -

Dans le cheminement de la discussion, nous retenons aussi au final, que pour cette société, un avantage peut se perdre et l'identité sociale témoignée par le Raza doit perdurer au cours des générations, le signe en ~st la possession des marques d'oreille de boeufs, synthèse .des rapports d'alliance passés, manière de lier dans l'espace et le temps les Longo véritablement Longo.

La problématique sociale des activités d'élevage et de riziculture

- En application des notions de Razana, de Fokoanyet de Tariky. - Les participants répondent en indiquant concrètement les rapports de parenté dans l'organisation des terres autour d'Ankotraka "c'est la verité qu'il faut chercher à Ankotraka". Le gendre de Tolotsy, Sakoambe et son fils (?) possèdent ou défrichent à l'extrème Nord. Giritry Bernard (le fils de Bernard), Antagnandro défriche aussi posséder = défricher = ne pas respecter la loi (qui veut qu'on ne possède que ce que l'on peut cultiver ?). L'informateur lui-même a une grande propriété, il l'a cultivée un an s'en estime propriétaire, mais on lui en a pris une partie (en métayage ?), il s'agit d'un Tariky-Andimaky, Antandroy, alors que l'informateur est Vazimba. D'autres possèdent des terres: Gaspard, Viky (Antandroy et son fils Tretre­ Zandavibe, Delimasy fils de Tolotsy, Soasily, et Tsimahabe mère de Zandavibe et de Delimasy; Tsihefa etc••• énumération de tous les propriétaires, plus de 20 à l'Ouest, plus de 30 en comptant ceux qui en ont plus au nord de l'autre côté de l'eau (Cf. Centre du territoire villageois n° 4- en annexe).

- L'assistant fait préciser les chefs, ceux qui possèdent une maison, Paul, fils de Gaspard, Faliagnara, Tsimahatindra, Zobera et Bato. Ces deux derniers gardent les boeufs. Faliagrara et Paul possèdent un Valanomby (parc à boeuf). Il y a encore Maharesy, un Koroa qui habite Belo, né au Menabe, et allié par mariage à Marintoetsy.

- Suit une description "géographique" du paysage: à l'Ouest, Mavoatohy, dont la population est faite de Betsileo et de Koroa venant de Belo et d'Ankirondro de l'autre côté. A l'Est Antsakoa. Fagnomeza serait le fondateur d'un campement d'Antsakoa, il vient de Antanandava. Entre Maovatohy et Antsakoa, il y a des relations de voisinage, mais pas d'entente, ni pour la culture ni pour l'utilisation des boeufs de trait. Pas de conflit aigü non plus.

- Lieux et saison de pêche, pêche en eau douce et en eau de mer, espèces pêchées, description précise des techniques utilisées~ Propriétaires de pirogues- la pirogue,. moyen de transport le plus utilisé, on en possède ou on en loue, ou on troque contre du riz.

- Les terres aujourd'hui cultivées étaient des terres de pâture, on y gardait les boeufs des Samoky. Ce sont les Betsileo qui ont amené l'eau douce et fait partir les boeufs. Il y a eu des procès. Les boeufs ont quitté les lieux et sont partis à Ankotraka. Une fois les boeufs partis, leurs propriétaires se sont mis à cultiver à leur tour. C'est depuis ce temps qu'ils ont aussi des rizières. Ce départ des boeufs, et la mise en place de riziculture, ont créé un conflit entre l'informateur et son frère aîné Tsarafitry qui a gardé tout le troupeau de près de - 158 -

200 boeufs, et l'a transmis par héritage à son fils unique. Ainsi les riziculteurs ont fait les frais des conflits avec les Betsileo, et n'ont pas bénéficié des boeufs qui leur revenaient.

- Distinction entre les troupeaux de boeufs et les boeufs de trait. Les Betsileo en ont beaucoup, car ils peuvent les revendre.

- Des précisions sont apportées sur les campements (provisoires?) où se trouvent les gens d'Andranofotsy, Tsimahavily, un Andralefy (celui qui a "habillé" les garçons lors de la cérémonie d'adoption des Andralefy), un seul Antanosy (qui habite Morafeno), et enfin le Foko de Bernard (qui habite sur l'île). La famille de Faliagnara seule élève des boeufs, celle de Bernard n'a que des boeufs de trait.

- Explications sur le système d'entraide: échanges de main-d'oeuvre pour nettoyer la rizière ou pour le repiquage du riz, pas de salaire, chacun apporte son riz.

- La fin du texte rapporte une situation qui fait intervenir les rapports de parenté et la collecte des impôts. Le fils Sambo, Antanosy, fait venir son père par ruse, et celui-cise trouve mis en prison alors même qu'il avait payé une partie de ses im pôts.

III-3-3 Texte n04l - Entretien avec le Masy-Malaitsy, gardien du culte Antragnovato du village d'Andranofotsy (30-09 -19 69 )

A - 1tinéraire

Nous partons du village vers 14 h 30, en direction du Nord, traversons la rivière gui arrose Andranofotsy, pour rejoindre l'endroit de la forêt où l'on avait coupe le Hazomanga lors de la cérémonie de circoncision des Andralefy. Nous traversons les Hatsake (terres de brOlis) des Andralefy et des Miavotrarivo, où sont pratiquées les cultures sèches, et nous coupons les pistes à boeufs qui mènent au lac Bemarivo et au campement provisoire du village d'Ankotraka. Nous descendons le talus et arrivons au pied d'un Kily, où notre informateur, le Masy-Malaitsy, organise le culte des prémices aux mois de novembre et décembre. Il nous indique un autre Kily, lieu où le chef de lignage Sakoambe-Mija célèbre le même jour le culte des prémices. Nous reprenons notre route, et après environ une demi-heure de marche, nous nous trouvons devant un talus où s'ouvre une grotte. C'est Antragnovato, lieu d'un culte célébré chaque année au mois de mars. Tout le village y participe et apporte du miel.

B- Situation d'enquête

Cet entretien marque une étape importante du processus d'insertion de notre équipe d'enquête dans la communauté villageoise d'Andranofotsy. La nature et la qualité de l'information obtenues sont là pour attester du désir de notre informateur, représentant les notables du village, de nous faire comprendre o de l'intérieur ce qui est essentiel dans les rapports du village. Les deux visites - 159 -

C- BORYBORY par TSIHENJAG~Y

1- BORYBORY (Masy) 1 2- TOERA (roi) 1 1 1 ------~------3- HAVANA 4- KAMAMY (Du clan MAGNATSORO. (Prince héritier) Chef d'autorité militaire sous l'influence de BORYBORY

" ••• Borybory est un Hasy (sorcier et devin-guérisseur). Je ne sais pas Si il est Haro.ena ; en tous cas, autrefois, il était avec les Haromena... Le combat eut lieu à Ankaraobato contre les envahisseurs (ennemis) ••• Il était le Hasy de Toera. Il eut pour homme de main Havana (Marotsiraty). Cl est ce dernier qui amena le jeune prince héri tier KamalllY à Ankevo (actuel SOAHAZO) alors qu'il était en fuite dans la région du Hanambolo après la mort de Borybory et 'du roi Toera •••• " Cf p. 79-81 du texte Malgache de Tsihenjagny.

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que nous avons faites ce même jour, l'une à Andimaky, l'autre à Antragnovato devaient se révéler significatives. Elles exprimaient la bipolarisation sociale du village autour des cultes Andrano et Antety, transposition de la contradiction principale, de nature politique et économique qui opposait d'une part l'élevage et la riziculture, mais aussi certains représentants de l'Administration et les villageois.

C'est à l'époque de cette visite aux hauts-lieux du village que nous avions atteint le niveau maximum de notre intégration, celui qui était possible sans que nous soyions impliqué dans les conflits de façon trop précise, celui que nous avions jugé raisonnable. A un stade de plus, il aurait fallu franchir une nouvelle barrière culturelle, nous laisser impliquer dans les Tromba. Cependant, l'équilibre de relations que nous avions atteint était le plus instable qui soit. De plus en plus souvent, notre équipe était différenciée, la présence du chercheur étranger étant réservée à certaines situations comme celle de cette visite aux lieux sacrés du village. Nous nous sommes abstenu cependant de visiter les tombeaux, préférant attendre un moment opportun dont il ne nous appartenait pas de décider. Pour les visiter d'ailleurs, notre informateur nous avait précisé qu'il fallait l'accord de deux chefs de lignage propriétaires des tombeaux de Besely, Tsimikora, Mpitoka­ Tsitompa, et Maharesy-Tsivogne, Mpitoka, Sakoambe-Mija, leur alliance réciproque fondait en effet tout le réseau social et de parenté du village.

C- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

La première partie de ce texte décrit le culte des prémices tel qu'il est célébré par les chefs de lignage Tsitompa et Sakoambe-Mija pour éloigner la colère des esprits. Ceux-ci se manifestent par l'intermédiaire d'une femme à laquelle ils apparaissent en rêve, et qui rapporte leurs paroles. Ces rêves sont souvent provoqués par les malheurs de la vie courante, accidents survenus aux enfants, stérilité, etc••• La cérémonie se pratique au pied de deux Kily, où notre informateur Malaitsy emmène huit filles à celui qui est situé au Nord, tandis que le Masy Sakoambe-Mija emmène six filles à celui qui est situé au Sud, donc un nombre pair dans l'un et l'autre cas. Il n'y a pas d'intervention du Sikily à cette occasion, et les jours interdits pour les cérémonies royales le mardi et le vendredi ne sont pas interdits pour ce culte. On offre du riz blanc décortiqué et du manioc à raison d'un Kapoaka (Le contenu d'une boîte de Nestlé) par Tariky (segment de lignage).

Puis vient la description du culte d'Antragnovato. Rappelons que notre informateur, Malaitsy, gardien de ce culte, est aussi le gardien du Togno-Tany (talisman qui a présidé à la création du village). Ce culte nous est présenté comme remontant à l'origine des Masy, et les invocations aux esprits sont liées aux traditions d'origine du monde et de la société que nous avons recueillies. Le texte évoque certains Masy réputés, comme Borybory qui vivait au temps de Toera, ou Somotro qui vivait encore à l'époque de l'enquête. Or ce nom de Borybory se retrouve dans la tradition des "Trois Frères Cultivateurs" que nous avons rapportée (V. Tome l, chapitre III), et qui est ponctuée d'un refrain: "Je suis Borybory Lavasomotse•••" Cette liaison, entre d'une part le culte d'Antra9"0vato et sa reconnaissance par un groupe de parents liés par la patrilinearité, et d'autre part le thème de l'opposition entre élevage et riziculture présent dans ce conte qui rapporte l'activité d'un Masy résidant à - 161 -

Belengo, aurait pu être faite en visitant ce haut-lieu. En réalité, nous nous en sommes tenu à l'aspect descriptif, parce que ces relations n'avaient pas encore été faites. Nous sommes maintenant en mesure de présenter en détail les rapprochements effectués sur le plan symbolique, les représentations liées à l'émergence de ce culte, son enracinement dans le passé pré-Sakalava, sa relation avec l'institution royale. Il apparaît comme un équivalent du culte des Dady, réglant les interdits de la communauté, le hau-lieu jouant le rôle du Zomba où sont gardés les effets personnels du roi. Le terme de Zomba est d'ailleurs employé dans le texte pour qualifier cet endroit. Nous disposons de toute une série d'informations qui permettent de comprendre comment les groupes lignagers locaux se reconnaissent une filiation mythique directe avec les esprits invoqués: cela tient aux relations réelles que les Masy des différentes époques ont entretenu avec ces mêmes groupes. On voit l'importance de groupes territoriaux comme les Mikea dans ces chaînes de communication qui intègrent les déplacements et les segmentations passées de ces groupes. Gardiens des territoires de forêt, liés à l'institution royale par le rôle fondamental de la forêt dans les périodes de luttes où il importe de survivre, tel est le contenu sédimenté des rapports avec l'institution royale qui s'est manifesté à travers cette présentation du culte d'Antragnovato.

Dans ce culte, le roi comme l'étranger, sont phagocytés, et n'interviennent plus comme facteur de différenciation. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pu visiter ce lieu qu'en nous conformant au rite qui veut que l'on soit habillé à la façon malgache, en signe d'allégeance ou du moins de respect pour les esprits.

D- Eléments d'information retenus

- La quasi-totalité de ce texte sera reprise au chapitre traitant des Tromba du village d'Andranofotsy et présentant la formation sociale villageoise et une analyse de contenu en sera faite (V. Chap. IV, Tome O. _

- Des fragments de ce texte seront présentés en montage thématique (V. Tome IIO.

- Ce texte est à comparer avec l'entretien avec le Masy-Mikea crAboalimena (V. Tome III, p. 2 et suivantes ).

- L'économie du miel et ses relations avec l'élevage, articulation fondamentale du passé comme du présent de ces groupes.

III-3-4 Texte n° 42 - Entretien avec Kabaly du lignage Samoky 00-10-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

C'est sur le lieu de résidence du Mpitoka-Kabaly, chef du lignage Samoky, au campement d'Anosimba, que l'entretien aura lieu en présence de la femme Bangoe de ce dernier. Ce campement, situé non loin d'Andranofotsy sur le Delta Nord de la Tsiribihina est un refuge pour ce Mpitoka atteint de cécité: - 162 -

c'est une pratique courante en effet pour un handicapé que de s'isoler plutôt que d'obliger les gens de sa famille à l'aider dans tous les gestes de la vie quotidienne. Il s'assure ainsi une autonomie et une liberté qu'il n'aurait pas eues dans un village trop peuplé.

La généalogie des Samoky, qui sera commentée au cours de cet entretien, avait été recueillie en plusieurs circonstances. Tout d'abord, une partie du lignage Samoky figurait sur la généalogie des Tsitompa, que nous avait donnée le Masy-Malaitsy au début de l'enquête. Mais il n'avait alors mentionné que l'alliance de Lovy, Samoky avec Trinambo, mais non pas celle de Nasomby, soeur de Nampia, Tsitompa. Cet oubli sélectif s'explicite parfaitement quand on analyse comme nous l'avons fait, la situation sociale des Samoky vis-à-vis des Tsitompa, fondateurs d'Andranofotsy. Par la suite, nous avons complété la généalogie auprès de différents membres du lignage. Le but de ce dernier entretien était de remettre au Mpitoka le résultat de ce travail, afin de préciser ce document où figuraient les Samoky mentionnés lors de l'entretien avec Malaitsy. Il a été l'occasion de discuter les relations internes au groupe de parents, et d'évoquer les problèmes propres aux Samoky. Le texte enregistre nous a permis d'opérer une synthèse de toutes les informations et d'identifier les liens généalogiques fondamentaux.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

1 - la migration Samoky et sa segmentation dans la Tsiribihina

Nos informateurs font remonter la migration Samoky à environ 200 ans, qui précéderait l'installation des Misara de Kekarivo issus à l'ori&ine de deux femmes Hotseha et Horiaka. Les Samoky invoquent dans leur priere du Toka-Razan, Ndremandresy et Ndremisara (Rasery et Rasara). Ils ont plusieurs tombeaux d'appartenance, témoins de leurs anciennes résidences et de la segmentation récente du groupe. Leur première résidence était à Bevoay, sur la rive Est du lac Bemarivo, puis ils se sont déplacés à Ankotrofotsy sur la rive Ouest, et plus récemment à Andranofotsy. Les tombeaux Samoky sont Ankazomaroseragna sur la rive Est, Antsifitsy sur la rive Ouest, et Nosy-Lava au Sud d'Andranofotsy.

2 - L'identité lignagère Samoky

Elle est inséparable de celle des Misara : que ce soit à Ankirondro-Bevoay, ou encore à Ankotrofotsy, les Samoky sont liés aux Misara. Ils sont liés aux Misara de Kekarivo, et parmi eux à Sanabo, ancien Gouverneur de la colonie, et demi-frère de même mère (Retepo) que Tsialoza, père du Mpitoka-Soantignana, descendant héritier de la Tragnovinta de Kekarivo. Ils sont é alement alliés par mariage aux Misara-Miavotrarivo de Befifitaha, et Fidison, heritier9 Samoky, est demi-frère de même père que Tsitsaha, Mpitoka-Misara d'Andranofotsy, gardien du tombeau de Befifitaha. Leur segmentation sociale est liée à celle des Misara qui a vu vers 1850 la création du tombeau de Befifitaha, correspondant sans doute à une révolution de palais liée aux conflits des groupes dominants de l'époque, et marquée au niveau de la légitimité dynastique par l'opposition Toera-Ingerezza au travers desquels les Makoa-Misara s'opposaient. , NOSY LAVA !.!.H!!!._ ...., . r--l D.c.ndl"C' L..-J Horl.g. .. ~f~o c VIe> "o•••/r •••• ... ~, · VI.lnt/Mo,t .. .L ,_~ Info, .. I.u' U'"...,. S,~ li.ld.nls p,."litll, •• d. CI"S, .. -.. c... • ,hU,es L_ 1..$ i Hplto.. , Incl ... t Iclu.1 ...·- -.iL __ Haro... gl 1. Sud d•• lllIg. c c .. 0 ++++ hlC .. dlnt. porllg,.nl .t .. ..- ..-.. . mlllOAlIM1NA) HIl 0" ngl ,... 10.tl~.I.' L e::: • .. 0 [ANAIALAlOI1) li •• d. ,f.td.nc. ~ U - ~ ~ .. , .. " •• g... ·t de I1gnlg. L• ~.. ~o,' -.. tr\ ,i.ld •• t .llllge u .. J" ... 'C. & boeufs u c • -+ tub ... o L SAMIIIIA ll,nl'" .lllf. P" •• ,I.ge ~ ..- ',.p,lélll, •• d. ,Irlè,e ••• , _ c 1. d.ltl &l'O.e.t du .111'0' -.... t><3p,op,létal,. d. ,Irli, ••• , ..... N .. L 1. 11MAIIVO&I·l.t d•• 111.gc L .. 0 HAROHANY ... c .. 1 r.. 10H 5 o- •L... ~ .r: -IOIA tAlAN lUlU: USIU/ USUA ... -C> .. ••• nt lOllA 11I(101( .ISIHAIIOIA ...... MUOllU C> -. >- C"') '" .... \0 lAUIl ...... :.: -.-C> •C 0 to.b ••• AIIIIOIOIO IlIOl' Z ... [IEU-ill NARAIIII tlnu ..--. X ....- '- tllOH1l1 .... 0< 1000A _ .. c 5 III •••• 101IA-llVOA' 5010100' ·.. L_ - I!lAMAPll[ -00.,.u. " • lOIU ...... C_L ( AMlOIlOrOI IAP1HA .. oc III HAKOA VII&IO - .. ..sAHBITIA - l&l lo.b ••• AIIOIIOrOIS, SlIllU L ·.,.0_.." . IAN 10 110 r ° Il •• -dlt AIISlrllsl HAIOIlAlS[ ...... 1 Q 5AMS.d d. MAIOAIAOlA'raou -cc_ " "IMUGY - .... L" .. IIIO'U ..~- _...C> • l&l lOMI1AMAtlM(l 10i'-lAVA - ...... c.-__ -...... HAKOA ~~.++++++++-Ancl~.HASIIOIAIO d. 101lA. rAllIIA ••• t _L• 0 l"'''' L_• .. L t 1•• SAIOAHI1-MIJAqll ,i.id.I •• t t ••••••• i 11VOA' ...... 0 -AI.AIOMAIOSIIAIA .11 d •• d. 101IA.l. •• •• •• pit.,., ....,.-.. .J "o ••• t.tl •• d. t •• d,", Il, •• ,e. c"' •• p.nd i .n. • c ... C 0 0< •• ton •• I. i l'fol'd d. 1. d,n •• tl. Ind.I ••• t Il dl.l­ c - '. .110•• Inl/c.d.t.t. 10.t 1•• c.d.t. q.1 I •• t ,.'dl ••• .... W ·0.,. -• d. boeuf •• Z • c.. u .,.. l&l -Ils 1. lont In.t.llf. i AIIOIIOrOlS' ••• c 1•• MISAIA­ .r:-'"·u_ .. 0 MIAVOIIAIIVO.l •• , t~.b•• u.s.'~AklSJrllSJ .,.I~(l' '·I~lt,1uo _ • -.. • ANTIVAIIA I.nt i 11VOA' .t (IlVOO) 4 BETSILEO -lnfln ~~r~lit..eg.e.l.tl ••••• c lOV' .t t.ob ••• i lOS' I_nglltf, lAVA.Ils ,.t,o ••• _t 1•• SAIOAHI(-MIJA tl,I., cadet (.o.s lOIIA)-MI.ond'llo -t ••• eoe.ent.tions co".spond.nl &un. dlff'-'oo,l.tlon f,ono.lq •• dln. 1. cid,. d.s Ilgni.s:l'oo '.tr •••• 1. ~;}.

La dépendance des Samoky à l'égard des groupes dominants Misara est visible par la difficulté qu'ils éprouvent et l'incapacité dans laquelle ils sont de s'iI)stituer groupe lignager à part entière. Leur statut social est loin d'être affermi, si l'on considère leur intégration dans l'ordre patrilinéaire du village d'Andranofotsy. Leur situation économique est affaiblie à la suite d'un conflit d'héritage (de boeuf), alors que leur situation sociale passée d'alliés par mariage des Misara conforte leur position dans le domaine de la production rizicole. Ils possèdent en effet à Ankotrofotsy, leur ancien lieu de résidence et lieu d'origine de leur segmentation d'avec les Misara de Kekarivo, des terres Lova voisines de elles des Misara d'Andranofotsy.

3 - Situation économigue et sociale des Samoky d'Andranofotsy

Les terres rizicoles des Samoky sur le Bemarivo sont donc VOlsmes de celles des Misara (l), et notre informateur nous expliquera l'histoire de ces terres Lova. Les Samoky possèdent également des rizières à Ankotraka, sur le Delta Nord de la Tsiribihina (2), terroir rizicole nouvellement mis en valeur du village d'Andranofotsy. Ainsi les anciens lieux de pâture des groupes lignagers résidant autour des Misara du Bemarivo, sur la bordure Est ou Ouest, sont devenus depuis 194-0 environ, les pâturages des nouveaux villages. Comme pour Andranofotsy et Iaborana, issus de la segmentation des lignages anciennement dépendants, c'est en fondant de nouveaux tombeaux et de nouveaux villages que les Samoky, corn me les Sakoambe, les Andralefy, et les Hirijy ont acquis une réelle autonomie.

Les Samoky pratiquent donc la double riziculture, et leur accumulation vient de cette activité principale. Les terres Lova du Bemarivo rappellent leur ancienne alliance avec les Misara, celles d'Ankotraka du Delta Nord, sur les anciens lieux de pâture des Misara-Tsitompa marquent leur alliance par mariage avec les Tsitompa, à la génération de l'ancêtre fondateur. Ils ont un parent qui élève des boeufs dans le Manambolo, et sont les seuls du village à pratiquer un commerce local. Par leurs parents (au sens large) représentés depuis la colonisation dans l'Administration, ce lignage apparaît comme très lié au monde urbain de Belo. Leur segmentation nous paraît être une forme de différenciation économique interne au lignage, non compensée par une organisation collective de l'élevage analogue à celle que l'on rencontre chez les Sakoambe. De plus, les problèmes démographiques qu'ils rencontrent, ne leur permettent pas de s'imposer comme partrilignage dans le village.

Trois fem mes, mères des descendants Samoky actuels indiquent leur situation sociale dans la nouvelle communauté villageoise d'Andranofotsy: il s'agit de Hoempo, Nasomby, et Trinambo. La première fut mariée

(I) Terroir rizicole du Bemarivo, p.146,148. (2) Terroir rizicole du delta, p.lll. - 165 -

successivement à trois Mpitoka dans le village: ce sont Tsimikory, Mpitoka­ Tsitompa, Fagnohara, père du Mpitoka':"Tsitsaha, descendant de l'union Misara­ Miavotrarivo des ancêtres de Befifitaha enfin Karany, frère de notre informateur. Les descendants de même mère et de pères différents sont le fils cousines' pour fem mes. En quelque sorte, ce segment de lignage s'est placé au centre du conflit aînés-cadets, et matrilignage-patrilignage Tsitompa, au moment même ou celui-ci s'instituait Fokoany-Andranofotsy. Cette réalité sociale s'est traduite sur le plan économique à propos de la succession des boeufs, au moment du décès de leur mère Nasomby. Ces problèmes se sont renforcés par le fait qu'outre ces unions, deux mariages successifs et préférentiels avec les Betsileo ont été contractés, mais qu'ils n'ont pas eu l'effet démographique aîné du Mpitoka-Tsitompa, maire de Tsimafana (qui n'héritera pas du Hazomanga parce qu'il est christianisé), et Tsitsaha, gardien du tombeau de Befifitaha, enfin Fidison héritier Samoky.

Les autres femmes, mères de segments de lignage Samoky du village, sont deux cousines, soeurs de Nampia et Mahalagno fondateurs du village. Le conflit potentiel entre segments de lignage aîné et cadet Tsitompa, est alors intimement vécu par les descendants Samoky issus de Lovy qui a pris ces deux fem mes Tsitompa des lignées aînées et cadettes. Le lignage est en perte de vitesse sur le plan démographique, l'absence de reproduction étant liée à des décès successifs, et à la naissance d'une très grande majorité de filles. C'est ce que nous avons appris par la femme Betsileo de notre informateur.

D'un point de vue économique, le blocage est réel puisqu'ils ont perdu les boeufs qui devaient leur venir en hérita~e. Signe du destin tout se passe comme si, ayant transgressé fortement pour l'elevage au moins, le mode de succession patrilinéaire, en portant leur conflit d'héritage jusqu'au tribunal de Belo et en favorisant l'implantation des migrants Betsileo, ils se trouvaient dans une impasse. Les problèmes de répartition des terres rizicoles sur le Bemarivo ne font qu'accentuer ce problème.

Le Mpitoka-Misara, Tsitsaha, par sa situation particulière, il est demi-frère de même mère que Tsimikora et demi-frère de même père que Fidison, héritier Samoky, est un élément de pondération dans ce conflit toujours prêt à éclater. Son fils, héritier présomptif des Misara, est d'ailleurs marié avec la fille issue de l'union des Tsimangataky avec une femme Samoky. Tsimangataky et Samoky sont aussi Ziva, raison pour laquelle le Mpitoka-Tsimangataky, originaire d'Aboalimena et en conflit avec son oncle pour le Hazomanga s'est récemment installé au village. .

C- Eléments d'information retenus

- C'est autour des Samoky que l'opposition élevage-riziculture se manifeste dans le village. C'est grâce à eux que nous avons saisi les modalités du contrôle social-politique institué dans les cultes. Cette problématique est détaillée dans le Tome l, et fournira le lien entre l'économique et le politique par la production idéologique autour des cultes. - Les termes réels des conflits sont explicités par la présentation de la Fig. 5 p. 150, "Un Conflit Exemplaire". - 166 -

I1I-3-5 Texte n043 - La cérémonie de Rombo à Antragnovato (03-10-1969)

A- Situation d'enguête

Cette cérémonie, célébrée un vendredi matin, se situe dans la chronologie de notre enquête quelques jours après la visite d'Antragnovato que nous avons faite en compagnie de Malaitsy, gardien de ce culte (V. Texte nO 41, p. 158). Il s'agit d'un Tromba-Antety, qui se tiendra au Sud d'Antragnovato, au pied d'un KUy à l'Est du chemin qui mène à la grotte. La personne pour laquelle est organisée cette cérémonie est Botra, soeur de même père, mais de mère différente de Sylvain, Miavotrarivo qui officie avec Faliagnara, le grand-oncle maternel, qui fait office de Masy. Cette cérémonie est la troisième qui est pratiquée dans le but d'identifier l'esprit maléfique responsable du décès successif des deux enfants en bas âge de cette femme, désormais sans descendance.

Notre participation imprévue à la cérémonie fut en réalité bien acceptée. A notre arrivée au village, c'est le Mpitoka-Misara qui nous a appris l'existence de la cérémonie et nous a accompagné sur le lieu cérémoniel. C'est par sa médiation que nous avons été admis par la communauté Tromba, l'assistant étant inséré dans le groupe des hommes, où une place lui fut faite. Cette distinction fut manifestée également au moment de la distribution de l'alcool de miel, où nous avons été servi en même temps que les femmes.

B- Description et déroulement de la cérémonie de Rombo

Le Kily sous lequel a lieu la cérémonie est l'élément central du culte. Arbre sacré, il est vénéré et considéré comme un personnage digne de respect. Il lui sera réservé une part d'alcool, qui sera versée sur le tronc en fin de cérémonie vers midi, après qu'une goutte en ait été versée sur la tête de la femme, objet de ce Rombo. La communauté Tromba, les officiants et la femme possédée sont réunis sous ce KUy.

La femme "malade" est assise sur une natte. Devant elle, sont disposées deux cruches de Toaka-Tintely (alcool de mien. L'une de ces cruches est très ancienne, fabriquée en terre cuite par Samy, soeur de Nampia, d'origine Tsitompa. ; elle a deux ouvertures et contient de 6 à 8 litres. Elle a été achetée par le père de la "malade". La seconde cruche est une calebasse. Ces cruches reposent dans des corbeilles tressées par les femmes. Il y a aussi un Kapaoka d'encens (Ramy) et une bouteille d'eau. L'instrument de musique utilisé pour susciter l'entrée en possession de la malade est le Valiha.

Les éléments du culte symbolisent le genre d'esprit dont la malade est possédée: il appartient au monde Koko, et cela nous le savons indépendamment de ses manifestations propres. Son identité restera cependant inconnue puisque cette troisième séance n'aboutira pas. La malade secoue la tête, pleure, mais n'accédera pas à la possession véritable. Il faudra sans doute une nouvelle intervention. Pourtant la communauté Tromba est nombreuse, présente, et - 167 -

rythme de ses battements de mains l'attente des manifestations de l'esprit. Par celle-ci devait se dévoiler son identité, à travers les interdits à satisfaire, les solidarités qu'il établit avec les autres esprits et qu'il institue en les appelant. Il ne nous a pas été donné de voir l'aboutissement de la thérapie proposée par le . Masy.

La communauté Tromba est en majorité constituée de femmes Samoky, Tretre, Miavotrarivo, Marofohy, Antavela, Tsimangataky, Maromahia, Maromena (Nalosy), Sakoambe (Hoeta), Sambirafia (Gery). Les officiants regroupent la famille organisatrice Miavotrarivo, le Masy Tsitompa Falignara, ainsi que le Mpitoka-Tsitsaha et Fanitony tous deux gardiens des tombeaux Misara­ Miavotrarivo de Befifitaha et Misara-Maroserana de Mitsinjo. Parmi eux, nous retrouvons ceux qui sont liés par la patrilinéarité Miavotrarivo-Misara, en particulier Mahafaky qui a les marques d'oreille de boeufs MUa des Miavotrarivo et qui réside à Mangotroky. Le Mpitoka-Misara, gardien de la Tragnovinta de Befifitaha apparaît au cours de la cérémonie comme le personnage le plus haut placé. Au moment du partage du Toaka-Tinte1y, qui marque la clôture provisoire de cette cérémonie, le Masy Faliagnara Tsitompa s'adresse à tous, mais préférentiellement à Tsitsaha. C'est pourquoi, ce culte, Tromba-Antety lié à Antragnovato par le genre particulier d'esprit auquel il s'adresse, doit être relié au tombeau Misara de Befifitaha.

A titre d'hypothèse de travail, l'alliance Misara~Miavotrarivo intervient comme principe unificateur des groupes liés à la communauté Tromba ici instituée. Le médiateur de ces rapports d'alliance stabilisée est le segment de lignage Tsitompa cadet, du village d'Andranofotsy, qui conserve le contrôle de la reproduction lignagère de type patrilinéaire, et qui se conforte au travers des rapports externes limités et permis par ces alliances. La géopolitique de ces rapports est donnée par référence aux tombeaux d'appartenance des groupes impliqués directement par la cérémonie: Befifitaha, Bese1y, et Antragnovato, haut-lieu qui inscrit les rapports territoriaux dans l'espace géo-politique des migrations passées de ces groupes. Dans le culte d'Antragnovato, la prévalence est donnée aux relations Sud-Nord, sens de la migration originelle des groupes Tsitompa, Miavotrarivo-Misara. L'ensemble des groupes lignagers liés originellement au tombeau de Befifitaha, qui ont des Hazomanga différents mais partagent le même tombeau, sont solidaires dans les rapports d'échange et de production qui se jouent avec l'élevage: marques d'oreille de boeufs et couleurs de robe sont des éléments de différenciation qui interviennent dans les cérémonies Tromba, et qui symbolisent la reproduction biologique du groupe et sa remise en cause par le destin individuel de chacun de ses membres.

C- Résumé et principaux thèmes du texte recueillis auprès de l'officiant Sylvain après la cérémonie

Le texte précise le déroulement de la cérémonie, aborde la relation générale du Sikidy, la relation des figures du Sikidy avec le destin de l'enfant et son jour de naissance, et indique le type de boeuf à sacrifier pour effacer les conséquences d'un destin funeste. Notre informateur présente ensuite les esprits d'Antragnovato, tous Koko, puis indique une première hiérarchie entre eux. Il montre l'importance du Foko-Miavotrarivo dans cette cérémonie, comment se passe la succession du Hazomanga dans ce lignage, comment leur tombeau est à Antragnovato tandis que l'origine de leur identité lignagère renvoie à Befifitaha.

Dans la suite de l'entretien, est évoqué le lien que les Miavotrarivo ont maintenu avec les Andrambe, dont le "Matoe", chef de la rebellion de la - 168 -

première heure, cîté dans les archives, est Marobalo, ami personnel de Havana et Tsivoanino. Ce fait explique les rapports actuels des Miavotrarivo avec le chef de village d'Andramasay où l'un d'entre eux réside une partie de l'année, le parc à boeufs commun des Antavela (descendants de Havana), des Misara et Miavotrarivo à Besely, et les relations qui existent avec les descendants de Marobalo restés au Nord, à l'Ouest d'Aboalimena.

Enfin, la communauté sociale historique qui sert de base à la future communauté Tromba est parfaitement située.

D- Eléments d'information retenus

- L'invocation et la présentation des esprits Koko seront repris en montage thématique. De même, la logique du Tromba par rapport à la reproduction biologique du groupe qui montre comment le décès en bas âge des enfants de Botra la femme possédée, est un signe néfaste qui remet en cause cet équilibre.

- La communauté sociale d'appartenance de ce Tromba et sa relation avec l'entité sociale-économique et politique du village d'Andranofotsy sont analysées en seconde partie, ainsi que sa signification au regard de la reproduction et de la transformation de la communauté de résidence.

III-3-6 Texte n044 - Généalogie des Andralefy (05-10-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Cet entretien qui a suivi la cérémonie de Tromba Antety Miavotrarivo s'est déroulé sur le lieu de cultures des Andralefy. Comme cela s'était fait auprès d'autres lignages, l'Assistant venait de participer à la récolte du riz avec eux. La généalogie recueillie en début d'enquête lors de la cérémonie de circoncision avait été mise au propre. Quelques compléments d'information y seront apportés, et en particulier celle concernant l'identité du Matoe (ancêtre personnalisé après la mort) de notre informateur, et des précisions sur les liens de parenté qui ont justifié l'adoption de Marombinta et.Sola par le Mpitoka, lors de la cérémonie de circoncision.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

1 - Les circonstances de l'adoption

L'adoption de Marombinta et Sola est justifiée par le fait qu'il s'agit des enfants de la soeur du Mpitoka, mais qui sont nés de peres différents. Sola, dont nous savons qu'il est le chef d'un Tromba-Andrano récent à Belengo résidait au Nord dans le Manambolo. Beaucoup de femmes Andralefy étaient adeptes du Tromba-Andrano. Par ailleurs, ce lignage installé récem ment à Andranofotsy résidait en majorité à Andimaky, tandis que les boeufs étaient gardés à Ampasiabo. - 169 -

2 - La généalogie proprement dite

Elle marque une préférence dans le choix des alliés Antavela et Andrasily. Les unions Antavela et Andra1efy correspondent à un échange de frères et soeurs. Quant à l'alliance première de Berama avec une femme Hirijy, soeur de la mère de Ma1aitsy, Masy d'Antragnovato, elle remonte à la première résidence des Andra1efy à Ankirijy, où était installé à l'époque le Mpitoka-Tsihenjagny. On verra dans un texte suivant (V. Textes nO 4-7-4-8), les Andra1efy attestant, comme beaucoup de groupes li~nagers de la Tsiribihina, d'une relation d'alliance avec les Misara de Kekarivo. La encore la segmentation des Andra1efy trouve son origine autour des Tragnovinta et tombeaux Misara.

3 - L'organisation de l'élevage et la riziculture

Elle est présentée de manière détaillée, et ceci marque l'importance de l'activité économique dont la gestion centralisée est assurée par le Mpitoka. Celui-ci tient à préciser que la coutume des prémices est respectée. La résidence de ce groupe à Ampasiabo et Andimaky s'explique par les nécessités de l'agriculture et de l'élevage. Chacun des campements du village remonte à l'installation première des soeurs des Tsitompa, Horojo et Samy. De la même manière, le tombeau de Nosy-Lava a été créé par Nasomby et Trinambo, soeurs Tsitompa à la génération de Nampia. .

C- Eléments d'information retenus

- Le statut des Andra1efy dans la communauté villageoise Andranofotsy, s'explicite dans la participation importante des membres de ce lignage aux Tromba-Andrano.

- D'une manière générale, la formation économique et sociale d'Ampasiabo­ Andimaky, campements rattachés au village montre sans équivoque la manière dont le lignage Tsitompa occupe une position centrale vis-à-vis de la riziculture et de l'éleva&e pratiqués sur le territoire villageois. L'histoire de ces campements temoigne aussi des conflits importants qui agitent la société villageoise: la patrilinéarité est ici avant tout un fait avant d'être un principe. Elle s'institue ou ne s'institue pas au travers des conflits de génération.

- En montage thématique, Tome III: système social, système de . production, élevage-riziculture p. 75.

1II-3-7 Textes n°4-5-4-6 - Traditions orales recueillies auprès du Mpitoka Sakoambe-Mija : "Ravato-Rabonia" et liTelo Miraha1ahy Mpambolo" (Les trois frères cultivateurs)

- Situation d'enguête -

Ces récits pris le soir à la veillée amorçaient la dernière phase de notre enquête, celle de la véritable intégration de l'Assistant, mais nous n'en avons pas 170 -

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B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

L'histoire du Bemarivo, celle de la formation de la ville de Belo, attestent des segmentations sociales multiples, et des regroupements successifs qui ont eu cours en 70 ans, depuis le début de la colonisation. La complexité de la situation telle qu'elle est évoquée ne permet guère d'isoler les facteurs qui sont intervenus dans les processus de segmentation et d'intégration sociale.

1 - Ayant la colonisation

Les habitants de la région de Belo étaient groupés autour des villages royaux du bord de mer et de l'intérieur: Tomboarivo, Kekarivo et Tsianihy. Quand il y avait un décès, les lieux d'habitation étaient abandonnés, et c'est ce qui explique la présence des nombreux tombeaux qui bordent le lac Bemarivo: Beampombo, Antsifitsy, Mitsinjo, les plus anciens tombeaux se trouvant à proximité du village royal. Cette évocation de la période précédant la colonisation n'est pas très riche, l'organisation de l'élevage n'y est pas abordée, et nous savons par ailleurs (Textes nO 13-14, Tome III, p. 74) que le Bemarivo fut un lieu de confrontation entre les lignages regroupés sous l'autorité de Toera et d'lngerezza. La ligne de démarcation entre les territoires dominés par l'un et l'autre, était la rive Ouest du lac Bemarivo. Des incursions fréquentes, dans le but de voler les boeufs sur le Bemarivo se faisaient aux dépens des lignages groupés sous l'autorité de Toera et Narova (Kekarivo et Mitsinjo). Ces points d'histoire ne seront pas mentionnés, nous les rappelons pour éclairer les propos de nos informateurs. Ce conflit, bien qu'il ait perdu de son acuité, reste un clivage dans l'actuelle commune de Belo. Le conflit fut réactivé au cours du Fitampoha de 1968, l'enjeu des Dady est globalement resté le même, celui de l'accumulation des boeufs, symbole du pouvoir exercé sur les alliés-dépendants dans le processus de commercialisation et le système d'échanges de biens et de personnes au plan local. - 2 - La formation de Belo

Elle est présentée comme un regroupement des lignages Sakalava autour des Misara. Au Sud de Belo, non loin de la sous-préfecture et qui fut la résidence du gouverneur, se sont installés les Misara d'Antanandava-Kekarivo, qui sont les Misara dit Mitahia et Vazimba-Sambikida (Tariky-Marokaka et Roamavatse). Au Nord de Belo, quartier de l'hôtelier grec, se sont regroupés les Ambalava et Tsialoaky. Ainsi trouve-t-on d'une part les Misara, plus liés à Befifitaha sur la rive Ouest du Bemarivo, et d'autre par les Tsialoaky, qui dépendaient d'lngerezza.

3 - Formation des villages de la rive Est du Bemarivo

Les villages qui se sont formés sur la vie Est du Bemarivo correspondent à des regroupements successifs liés aux relations d'alliance qui existaient dans le passé, quand les nouveaux Fokoany ont rejoint les terres nouvellement mises en culture rizicole sur le Bemarivo, et cela grâce à l'installation récente des immigrants Koroa. Cette mise en valeur rizicole a pronfondément transformé l€s conditions générales de production.• L'élevage fut réorganisé, le delta de la Tsiribihina devenant zone de pâture pour les riziculteurs du Bemarivo. - 172 -

eu conscience immédiatement. C'est plus tard que la situation d'enqête nous est apparue comme révélant le statut reel de notre intervention dans le village. C'est pourquoi nous avons privilégié ces traditions en leur accordant le statut théorique que nous avons explicité par ailleurs.

Nous retiendrons ici la manière particulière dont cette société se présente à l'étranger: dans cet univers social villageois où tout le monde est apparenté s'exprimaient des différenciations de tous ordres, source de toutes sortes de conflits. Le principe de fonctionnement politique et économique qui s'imposait dans le village, au travers des cultes et de la relation aux ancêtres fondateurs, était la patrilinéarité, dont l'institution, récemment introduite a pour vertu sa faiblesse: une centralisation effective autour d'un petit nombre de Mpitoka -six ou sept au maximum- dans un village de près de 300 habitants. Cette famille élargie ou Fokoany, hiérarchisée selon les degrés de parenté, la position dans l'ordre patrilignager dominant, le système des adoptions, signe de la prédominance des frères sur leurs soeurs, est traversée de conflits d'autant plus violents qu'ils ne peuvent s'extérioriser autrement que par la médiation d'un pouvoir externe totalement transgressif, pouvoir du roi, pouvoir d'Etat. Les catégories mythologiques de référence communes aux parents-alliés du village d'Andranofotsy imprègnent cette société au point que la tradition des "Trois Frères Cultivateurs" et celle de "RavatO-Rabonia" symbolisent des formations sociales inverses et complémentaires l'une à l'autre. Cette inversion symétrique des rapports sociaux fondamentaux du village, présentée sous la forme de traditions, loin d'être le fait du hasard, était un signe et la manifestation d'une volonté d'ouverture vis-à-vis de cette enquête. La communauté villageoise contrôlait les conflits majeurs qui la traversaient en les interprétant sous la forme de mythes d'origine fondateurs de la parenté et du pouvoir.

Point d'orgue, moment privilégié dans le déroulement de l'enquête, ces traditions furent simplement enregistrées, archivées; mais nous sommes "passés à côté" de leur sens profond. Il nous aura fallu dix ans pour trouver une interprétation qui en donnerait la mesure, en substance, Notre••• Votre••• Leur•••

1II-3-8 Textes n047-48 - Entretien avec Tsitsaha, gardien du tombeau Misara de Befilitaha, Tagaga, descendant de Mpiamby gardiens de la Tragnovinta de Kekarivo, et Maintoetsy, hériter Sakoambe-Miia (07-10-1969)

A- Situation d'enguête

Cet entretien se déroule sur les terres de culture du lac Bemarivo, et re9roupe les représentants des groupes anciens dépendants des Misara. La presence du fils du Mpitoka Sakoambe-Mija marque à nouveau la bonne intégration de notre équipe en cette fin d'enquête, comme nous l'avons indiqué plus haut. - 173 -

B- Résumé du texte et principaux thèmes évogués

L'histoire du Bemarivo, celle de la formation de la ville de Belo, attestent des segmentations sociales multiples, et des regroupements successifs qui ont eu cours en 70 ans, depuis le début de la colonisation. La complexité de la situation telle qu'elle est évoquée ne permet guère d'isoler les facteurs qui sont intervenus dans les processus de segmentation et d'intégratlon sociale.

l - Avant la colonisation

Les habitants de la région de Belo étaient groupés autour des villages royaux du bord de mer et de l'intérieur: Tomboarivo, Kekarivo et Tsianihy. Quand il y avait un décès, les lieux d'habitation étaient abandonnés, et c'est ce qui explique la présence des nombreux tombeaux qui bordent le lac Bemarivo : Beampombo, Antsifitsy, Mitsinjo, les plus anciens tombeaux se trouvant à proximité du village royal. Cette évocation de la période précédant la colonisation n'est pas très riche, l'organisation de l'élevage n'y est pas abordée, et nous savons par ailleurs (Textes n° 13-14, Tome III, p.162) que le Bemarivo fut un lieu de confrontation entre les lignages regroupés sous l'autorité de Toera et d'lngerezza. La ligne de démarcation entre les territoires dominés par l'un·et l'autre, était la rive Ouest du lac Bemarivo. Des incursions fréquentes, dans le but de voler les boeufs sur le Bemarivo se faisaient aux dépens des lignages groupés sous l'autorité de Toera et Narova (Kekarivo et Mitsinjo). Ces points d'histoire ne seront pas mentionnés, nous les rappelons pour éclalrer les propos de nos informateurs. Ce conflit, bien qu'il ait perdu de son acuité, reste un clivage dans l'actuelle commune de Belo. Le conflit fut réactivé au cours du Fitampoha de 1968, l'enjeu des Dady est globalement resté le même, celui de l'accumulation des boeufs, symbole du pouvoir exercé sur les alliés-dépendants dans le processus de commercialisation et le système d'échanges de biens et de personnes au plan local.

2 - La formation de Belo

Elle est présentée comme un regroupement des lignages Sakalava autour des Misara. Au Sud de Belo, non loin de la sous-préfecture et qui fut la résidence du gouverneur, se sont installés les Misara d'Antanandava-Kekarivo, qui sont les Misara dit Mitahia et Vazimba-Sambikida (Tariky-Marokaka et Roamavatse). Au Nord de Belo, quartier de l'hôtelier grec, se sont regroupés les Ambalava et Tsialoaky. Ainsi trouve-t-on d'une part les Misara, plus liés à Befifitaha sur la rive Ouest du Bemarivo, et d'autre par les Tsialoaky, qui dépendaient d'Ingerezza.

3 - Formation des villages de la rive Est du Bemarivo

Les villages qui se sont formés sur la vie Est du Bemarivo correspondent à des regroupements successifs liés aux relations d'alliance qui existaient dans le passé, quand les nouveaux Fokoany ont rejoint les terres nouvellement mises en culture rizicole sur le Bemarivo, et cela grâce à l'installation récente des immigrants Koroa. Cette mise en valeur rizicole a pronfondément transformé les conditions générales de production.. L'élevage fut réorganisé, le delta de la Tsiribihina devenant zone de pâture pour les riziculteurs du Bemarivo. - 174 -

- Ankirondro fut un lieu de regroupement pour la riziculture; s'y installèrent les Samoky, les Andralefy maries avec des Misara qui sont venus rejoindre leurs beau-frères (ceux qui leur avaient donné des femmes). Vinrent aussi les Bara-Bekobeko (Tariky de Fianjogna, fils de la reine Finaly du royaume Sakalava de Manja), et enfin les Koroa.

- Bevoay-Vohemar s'est formé plus tard, il regroupe les Misara (alliance passée Misara-Antaisaka) venus d'Ankavandra, établis d'abord à Harakate puis à Bevoay qu'ils nomment Vohemar. Alliance Misara-Samoky, leurs descendants se sont installés à Ankirondro. Opposition de Bevoay-Ankirondro avec Mahavelomy, village des alliés dépendants de P. Kamamy.

- Kekarivo-Antanambao devenu Ankomanga-Morafeno, y résident des Marofotsy (Tariky de Tsialoza).

- Mangotroky est le produit du regroupement des Vazimba-Tsimahalilo (Tariky de Somongay et Iabidy-Bareo), avec les Tariky du Nord, Maromany parmi lesquels Tsimatahotse, qui gardait les chèvres de Tsialoza.

4 - Les villages de la rive Ouest du Bemarivo

- Ampasimandroatsy où se trouvent Revalake et Iendake (Andranonjaza) et c'est non loin de ce village qu'est l'îlot sacré de Kajomby, que l'on rapporte à la mort d'un Koroa à la suite d'une transgression dont la nature ne nous a pas été fournie. >

- Ankotrofotsy dont les habitants viennent de Belo, et plus particulièrement du quartier nord.

- Befifitaha où résident des femmes Ampanjaka-Misara d'Andranatsara, dont deux soeurs jumelles Razogna et Tohiny, et Tognary.

- Maroatoala est un village où l'on regroupe les boeufs en saison sèche.

5 - Le village Andranofotsy

C'est un regroupement autour des Tsitompa. Sont venus s'y installer des Samoky, Sakoambe, Miavotrarivo du Bemarivo. Cette formation sociale récente a entraîné la segmentation des tombeaux des groupes alliés aux Tsitompa, en particulier les Samoky et Sakoambe. Les Tsitompa eux-mêmes ont subi plusieurs migrations-segmentations. Ils ont encore actuellement des parents dans le Manambolo: leurs Longo maternels à la génération des Matoe (ancêtres personnalisés) se trouvent à Soahazo, ce sont des Vezo-Hohimalagny, et Ndranatsara. Le campement rizicole d'Andimaky s'est développé à une période récente sous l'impulsion du Gouverneur, père du Ministre de l'Intérieur de l'époque. - 175 -

Conclusion:

Nous pouvons conclure ici cette énumération qui peut à la fois tout dire et ne rien dire. En effet, cette société montre ici sa manière particulière de se dissoudre en marquant l'ultime segmentation pour mieux recomposer l'ensemble social. Tout se passe comme s'il n'y avait pas de transition entre l'individualisation de plus en plus poussée des segments de lignage impliqués dans une compétition sociale et économique extrème, et une forme de communauté indissociable de relations d'alliance superposées, symétriques ou dissymétriques. Certains segments de lignage en effet ne comptent plus que l'unité domestique, réduite à un couple et aux enfants d'une femme ayant eu plusieurs unions {trois en généraD.

Dès lors, dans cet enchevêtrement de relations aux connotations historiques, politiques, économiques, que signifie être Misara, Tsitompa, Andralefy, Hirijy? Nous aurions tendance à dire "rien" en dehors de la vie sociale, économique et politique locale, tant ces catégories sont l'objet de manipulations. La catégorie Misara, si homogène, si chargée d'Histoire apparemment, est en fait celle qui contient les origines ethniques les plus diverses si l'on analyse les alliances spécifiques qui la caractérisent; c'est aussi celle qui permet le mieux de repérer le degré actuel de décomposition de la dynastie Maroserana, et à l'inverse les modalités de production idéologique de l'inégalité par l'exploitation de la relation Ziva, sorte de contrôle à distance de la fécondité des soeurs. Le mythe de la fraternité des Ndremisara devenus Tromba dans le Boina est le schéma de référence de ces rapports sociaux (Longo) dans l'espace, et la base de la différenciation des marques d'oreille de boeufs qui résulte de ces alliances et des échanges préférentiels entre groupes à propos des boeufs et des femmes. La possession de nombreux descendants et de nombreuses têtes de bétail sera le véritable enjeu de ces échanges. Ils sont tout à la fois réels et symboliques. C'est donc vers cette époque que s'est précisé l'objectif que nous avons fixé à notre fin d'enquête, l'identification des rapports entre groupes, Longo Amin Raza, -Amin-Fatidra, -Amin-Ziva, pour lequel nous avons réalisé l'enquête régionale. L'ensemble des résultats obtenus est repris en un tableau synoptique (V. Tableau en annexe Tome I). - 176 -

III-3-9 Entretien avec le Mpitoka-Misara, Tsitsaha, gardien du Tombeau de Befifitaha, Discussion sur les généalogies Misara - Notes de terrain -

Situation d'enquête

La pénéalogie du Mpitoka-Misara, gardien du Tombeau de Befifitaha a été rassemblee sous forme d'un document qui a été remis au Mpitoka-Tsitsaha, comme nous l'avions déjà fait pour d'autres, après que nous ayions participé aux travaux de récolte du riz.

La Planche fig. nO 9 -10 p.177ci-après consigne les informations recueillies lors de cet entretien, sur les segmentations Misara de la Tsiribihina; les généalogies obtenues sont partielles et n'éclairent pas véritablement le mode de dévolution de l'identité Misara.

l - Les Misara de Befifitaha

Les Misara d'Andranofotsy, qui ont habité auparavant à Ankotrofotsy détiennent le Hazomanga, Tombeau de Befifitaha. Ils sont issus de l'union d'un Miavotrarivo (ligne paternelle) avec une femme Misara. Les Dady qui sont enterrés à Befifitaha sont Ratale, Rampata, Ratarihy, ancêtres paternels Miavotrarivo. Les ancêtres invoqués dans le Toka par Tsitsaha, sont des ancêtres Misara éloignés: Ndriamena, Ndremisara, qui sont enterrés à Benghe, puis Ndramandalarivo, Ndriankisanarivo, Ndriamitsakarivo (enterrée à Mitsinjo), Ndramorasanarivo, puis Ndrambaranarivo avec qui fut créé le tombeau de Befifitaha, tombeau des Misara résidant à Bevoay au Sud d'Ankirondro. C'est Fagnohara, le père de notre informateur, qui créa le tombeau de Befifitaha.

Ces noms posthumes énumérés dans le Toka, n'ont pas été recueillis devant le tombeau, comme cela avait été pour la Tragnovinta de Mitsinjo; la situation d'enquête ne se prêtait pas en effet à une mise en scène du code de préséance. Bien plus, les noms posthumes ne peuvent être rapportés de façon précise à la migration et segmentation des Misara, et ne révèlent pas non plus le mode de segmentation effectif de ces groupes. Cependant, rappelons que la présentation du tombeau de Befifitaha nous a été faite en d'autres circonstances (V. Textes nO 15-16) par le Mpitoka-Hirijy, Tsihenjagny de Moravagno. Dans son analyse, il apparaît evident que la segmentation Misara sur le lac Bemarivo est le produit des alliances multiples des femmes "Ampanjaka" avec les groupes locaux.

Befifitaha occupe-un statut particulier par rapport aux Tragnovinta de Kekarivo (la plus ancienne) et de Mitsinjo (qui remonte à 1860 environ), car ce tombeau représente les descendants de ces femmes dont le père est inconnu, et pour lesquels le lien d'adoption fixe l'identité sociale. Les groupes lignagers locaux, devenus Ziva parmi les Longo-Misara, -Miavotrarivo pour les Befifitaha, -Mikea pour les Kekarivo, et -Finaoky pour les Mitsinjo, ont acquis ainsi un contrôle politique de l'espace, dans lequel le tombeau de référence Misara joue le même rôle que celui du Mpitoka-Hazomanga. Par le jeu des règles d'alliance distinguant les groupes lignagers obligatoirement exogames de ceux (couple originel fondateur> pour lesquels l'endogamie est permise, s'effectue la différenciation des marques d'oreille de boeufs afférant aux groupes lignagers alliés. 177

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C'est pourquoi notre informateur, gardien du tombeau de Befifitaha, distingue dans le Toka les Miavotrarivo des Misara car, comme il nous le dit, ils n'ont pas le même tombeau. L'unité du tombeau de Befifitaha se présente alors comme le lieu de regroupement des alliés en ligne maternelle des Miavotrarivo. Ces Longo se reconnaissent une mère générique commune à partir de laquelle on peut identifier les unions interdites en vertu de la loi d'exogamie, et grâce à qui on peut lever l'interdit relatif à un Ziva ancien connu.

Ce que nous avons compris de manière sous-jacente, en commentant cette généalogie, c'est que l'accumulation "Ugnagère" des Misara qui ont des marques d'oreille de boeufs symétriques en forme de fer de lance, se réalise au travers de la différenciation des marques d'oreille de boeufs de leurs alliés, les Miavotrarivo, segment de lignage résidant ailleurs, à Bevilo, instituant la " patrilinéarité dans l'espace-temps utile aux échanges.

2 - Segmentation récente des Misara de Befifitaha

Auparavant, les Misara habitaient à Ampandrobia, sur la Tsiribihina avec les Hirijy : le père Tsifanoany du Mpitoka-Hirijy de Moravagno, et Fagnohara, père de Tsitsaha. Les Miavotrarivo habitaient à Belo. Notre informateur nous rapporte comment son père, gardien de boeufs du côté de Befifitaha pour les gr"oupes alliés aux Misara, a procédé au partage des boeufs au moment du regroupement des gens à Belo au début de la colonisation. Ces groupes alliés étaient les Samoky, Marotsiraty, Hirijy. Ils avaient en tout plus de 1 000 têtes de bétail, et chacun reçut un boeuf. A ce propos, le système Longo, alliance généralisée des Misara sera présenté sous une forme très allusive.

3 - Les Longo des Misara de Befifitaha

Ce sont Bekoahita et Hiaguara à Harindrano (Antsalova). Ceux-ci se sont mariés avec des Tsimihety. Puis Tsiteveha à Belengo, oncle de Fanitona dont le tombeau est Mitsinjo-Belo. Puis le Tariky des Misara d'Aboalimena, avec Tsitaky, père de Zalahy (segment de lignage, cadet des Kekarivo) et enfin Tsimoray, Mpibaby des Misara résidant à Belo.

Lors d'une ceremonie, ces Longo sont systématiquement invités. Cette alliance généralisée des Misara est encore confortée par la règle de dévolution du tombeau d'appartenance, qui veut que l'on soit enterré là où on a vécu et où l'on est décédé. Ici la relation Longo est déterminante, la descendance est atténuée, et ce n'est pas la filiation qui régit le mode d'appartenance au groupe des parents (Fokoany). A titre d'exemple de cette pratique 'pénéralisée parmi ceux qui se réclament des Misara, notre informateur cite le decès de son propre fils à Aboalimena. Il fut enterré au tombeau du Mpitoka-Zalahy, Misara d'Aboalimena. De même Tsialoza, père de Sahoanaky, héritier de la Tragnovinta de Kekarivo fut enterré à Iaborana, là où se trouve son Longo matrilinéaire. Ses fils qui sont à Andranofotsy le suivront. Ainsi le tombeau de Iaborana-Nosy-Lava est un regroupement des matrilignages Tsitompa dans lesquels les Misara peuvent prendre place quand ils résident dans le village d'Andranofotsy. Ce tombeau apparaît alors comme symbolisant une matrilinéarité renforcée. - 179 -

I(SCLI , llil!~l______~lll _ Vlllag. d'ANOUIUSAI ,...... Oescendance Ciri.onle IROMBA AMIEII, m Harlag. nfant dieidé d. MV 106 BEFIFITAHAAHIOIRAI H!RIJY / Ho •••/f.... Vi,ant/Hort ·Group. llgnager qui té,oi­ HV105 risident proprlitaire d. n. de la seg ••ntatlon passé, SZ case, rlzièr.s sur le d.lta • IEIARIYO/BEflfIIAHA, .Hpitota .EflfllAHA/AHIILIOA .t BESEL' fe••e possidi. ltOHBA ANIEII • ,., Huy du IROHBA ANIEII 'Les aet.urs du I~OH8A AHIEI' Has y, gardien du cult. ont les p.rsonnag.s-el.f * AH 1RAGHOVA 10 . ·u village ANOR AH Of OISY 1 Hpitota des AHOULErr **fl~ -arqu.s de bo.ufsPl 'are 'S'9~entltlon de ta.beau, ..... Inforuteur ega.ntatlon de aarqu.s d' I-::H~a-;l-::a~i:-:-t~s-::y-<::JIHV1(iï lerre LOVA sur le delta,; l' r.llles de bou.fslsyaétrl­ 1[ Oues\ du ,llllge AHOUHOfOlSY UIS ** , to.belu ~~~~---

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GEE A LOG l E DES M l A VOT RAR l V 0 fig }.~ et lesponslbles rituels du lROHBA AMIEll AMORAMOfOISY - 180 -

Serait-ce ainsi que les groupes dits Misara sont devenus dans la région Ziva de tout le monde, et revendiqués comme tels? Ne représenteraient-ils pas le principe matrilinéaire, ceux qui ont été exclus de l'ordre dynastique patrilinéaire, et qui détournent le projet de patrilinéarité qui cherchait à s'instituer après dix ans d'indépendance et trois générations fondant de nouvelles légitimités sociales? Les anciens dominants n'étaient-ils pas en train de perdre leurs dépendants? Et enfin, le Fitampoha de 1968 n'était-il pas la marque de cette révolution pacifique?

Enfin et pour clôturer cet entretien, ont été relevés les noms des Mpitoka et lignages qui au Fitampoha de 1939 ont participé à un voyage, retour aux sources de la royauté, au moment où l'Administration coloniale s'ouvrait aux catégories d'anciens esclaves. Une mention particulière sera faite de Fiahy et Fianjogna, partis avec P. Kamamy à Tananarive pour y faire des études. Ce sont les fils de la reine Finaly de Manja qui furent adoptés en 1904, au moment où l'Administration militaire optait pour la reconstitution de l'ancien Menabe de Ndriandahüotsy. La filiation dynastique se trouvait ainsi unifiée.

111-3-10

Notes de terrain

F"'lloha, Vazimba, habite le campement d'Andimaky, un campement qui se rattache au villape d'Andranofotsy d'où viennent ses habitants. Les premiers à s'y installer ont éte les Tsitompa qui ont occupé la partie Nord de cet îlot. Ce campement n'abrite qu'un regroupement de Tariky, et compte 25 cases environ. Les principaux Raza qui sont représentés à Andimaky sont les Vazimba (Tariky de Filoha), les Andralefy (Tariky de Mahevy), les Tretre (Tariky de ,Gaspard). Filoha a épousé une des filles de Nampia, et c'est Nampia qui invita son gendre à s'installer à Andimaky. Il a pour marque d'oreille de boeufs Vazimba Mitory Tsimahalilo. Il a pour Ziva les Antanandro (Betsileo). Il est Mpitoka parce qu'il est Marolahy en ligne maternelle. Les Marolahy sont issus d'une femme Mpagnito venant du Sud et qui a régné dans le Nord à Ankevo ; celle-ci épousa un Vazimba. Comme descendants d'une femme Mpagnito-Maroserana, les Marolahy sont orientés vers le Sud (au moment de leur mort). Le tombeau de Filoha est situé à Ambinda-Belo, partie Sud de Mitsinjo. Ils habitaient auparavant sur la rive Sud de la Tsiribihina au Baiboho ; le village a été détruit par les eaux de la Tsiribihina qui recouvrent actuellement le Baiboho. Son père était le Mpitoka d'Andrianihanigna roi de Mahabo. Quant à lui, sa fonction de Mpitoka n'a commencé qu'avec les Kamamy.

La seconde partie de l'entretien est consacrée à une présentation générale de l'histoire des Mpagnito. Le texte enregistré (Textes nO 11-12 p. ) concerne l'organisation des Mpibaby, leur rôle dans le Fitampoha et plus particulièrement auprès des Dady. Suit une discussion du Fitampoha à partir des photos réalisées lors des cérémonies de 1958 et 1968. Le rôle des femmes porteuses d'eau, ou chargées des effets du Mpagnito est indiqué. - 181 -

Le campement d'Andimaky est divisé en hameaux. Dans celui qui est situé au Nord, habitent Mbamizay, Tsitompa qui possède un parc à boeufs; Mahafaky­ MUa, Miavotrarivo et la case la plus à l'Est appartient à TQvonoigny, Makoa. Les 3 parcs à boeufs situés au Sud de cette case appartiennent à Mbamizay, Etienne, Andralefy et Tovonoigny. La rizière située à l'Est de ce hameau appartient à Etienne (V. Carte du terroir d'Andranofotsy p. ). Plus au Sud se trouve un champ clos, au centre duquel se trouve une case et dont le propriétaire est Mbamizoky, Tsitompa; ce champ est cultivé, et il est clôturé car il se trouve dans la zone d'élevage des boeufs. On trouve ensuite à main gauche, sur le bord de la rizière, cinq cases qui appartiennent à des Vazimba-Antagnandro, d'un même Tariky auquel appartiennent aussi les rizières. Plus au Sud enfin, se trouve le principal village d'Andimaky qui compte 25 cases, dont la liste des propriétaires a éte relevée. Les Raza représentés sont les suivants: Vazimba­ Tsimahalilo, Andralefy-Tretre, Vazimba-Antagnandro, Tandroy-Ankarimbola. Chaque Tariky a son chef de Tariky, et Filoha, Mpitoka-Maroserana est le chef de Tariky-Vazimba. Les autres membres du Tariky sont Maitso, Anjorovola­ Peziny, Damo, lzoa et 1zoe. La rizière de Filoha se trouve à Sofidambo, de l'autre côté de la rivière Belengo ; il possède une pirogue. C'est Tinoka, Vazimba (Tariky des Andralefy) qui a fondé ce village. Leur tombeau se trouve à près de Belo au Sud de Mitsinjo. Mahevy est le chef du Tariky des Andralefy qui comprend Etienne, Zandry, Victoire, Mariety, Ze, Tsifahana, l'yiartin, Mamy, et Zinja. Gaspard est le chef du Tariky des Tretre, dont font partie Alianibe, Lerany, Ali~kely,RahalifaetPaw.

Le campement est lié au village d'Andranofotsy, à l'exception du Tariky de F"ùoha. Filoha n'a pas beaucoup de liens avec le village d'Andranofotsy. Il a épousé une fille de Nampia et en a divorcé; ce lien étant coupé, il n'y a plus de rapports entre lui et le village. Il est quasiment autonome à Andimaky, car il paye ses impôts à Belo. Il aurait dû normalement être présent à la cérémonie (de circoncision) des Andralefy, et on peut se demander pourquoi il n'a pas été invité. En effet, comme Andimaky est un campement rattaché au village, ses habitants sont considérés Longo ou non, comme faisant partie du même village, d'autant plus que le Tariky de Mahevy, Andralefy habite le même campement. Il entretient des rapports avec le village d'Andranofotsy par l'intermediaire des Andralefy et Tretre qui ont des Longo sur place. Enfin, son Baiboho se trouve près de Belo sur la Tsiribihina. Ainsi les rapports entre Filoha et Andranofotsy ne sont pas clairs.

III-3-11 Texte nO 4-9 - Entretien avec Finizagna, Mpitoka-Marotsiraty 01-10-1969)

A- Situation d'enguête et gualité de l'informateur

L'entretien a eu lieu sur le lac Bemarivo, après tout un après-midi passé à couper le riz sur pied, car le Mpitoka était en plein travail de récolte au moment de l'arrivée de l'assistant. Très complet pour tout ce qui concerne l'analyse des rapports actuels et le jeu d'alliances dans lequel sont pris les Marotsiraty, l'entretien prend la forme d'un récit tout à fait mythique dès qu'il s'agit de l'origine du lignage. Cependant, les Matoe (ancêtres de la 3e 9énération ascendante) seront cités, et parmi eux Fiaro personnage connu, cîte dans les - 182 -

ascendante) seront cités, et parmi eux Fiaro personnage connu, cîté dans les archives militaires comme l'un des chefs réputés du Manambolo (Cf. Millot, Projet de Protectorat (U. Aucune précision ne sera donnée sur ce Matoe, non plus d'ailleurs que sur tout ce qui concerne le rôle des ancêtres lignagers au début de la colonisation. Ce n'est donc que par recoupements que nous avons découvert cette période dont visiblement rien ne devait être dit durant cette enquête.

Le statut social des Marotsiraty s'éclaire totalement à la suite de cet entretien. Ils sont la référence matrilignagère pour la plupart des segments de lignage du village, et en particulier les Mpitoka les plus influents sont unis par l'intermédiaire des femmes Marotsiraty. Ces éléments ressortent clairement des définitions données par ce Mpitoka concernant l'intégration sociale villageoise ou Fokonolo. De plus, certains représentants de l'Administration, anciens gouverneurs de Belo, ont eu des unions, peut'être temporaires mais revendiquées par le Mpitoka, avec des femmes Marotsiraty. Il en serait ainsi de Natsatsiky et de Tinoky (ancien gouverneur de Belo, et père du Ministre de l'Intérieur de l'époque de notre enquête). De la même façon, les Marotsiraty sont liés par mariage aux Makoa de la branche Sirikary, lignée d'Ingerezza.

Ainsi ce lignage, dont l'importance sociale n'apparaît pas de prime abord, met en scène une série de rapports de parenté et d'alliance capables d'intégrer la période coloniale de la premiere heure, celle qui a préparé l'avènement ou au contraire la disparition de la scène politique de certains représentants Hgnagers locaux, et l'intégration sociale villageoise telle qu'elle etait au moment de l'enquête. La mise en évidence de ces relations ne permettait plus aucune hésitation: pour comprendre les formations sociales villageoises, et la formation sociale étatique, il fallait envisager une réciprocité de perspective, et multiplier les recoupements chaque fois que ce serait possible, vis-à-vis des catégories de parenté et d'alliance qui nous étaient présentées.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évogués

- Origine mythique des Marotsiraty.

- Histoire de l'installation.des Marotsiraty à Belo et Belengo, puis de leur installation à Ankatsaka-Ankilizato, village où se trouve leur Hazomanga.

- Histoire des Dady (deux générations ascendantes). Ils étaient 4- soeurs et un frère à partir desquels se sont organisés les différents lignages, les Marotsiraty étant issus du frère. Ces femmes ont leur tombeau à Nosy-Lava.

- Histoire de leur Ziva avec les Andrafanga, à la suite de mariages réciproques. Cette explication du lien Ziva est nouvelle, car en principe les liens de mariage sont interdits entre groupes qui sont Longo Amin Raza. Le lien Ziva avec les Andrafanga (Antaimoro) rend posible ces mariages. Son origine viendrait d'un épisode où les Antaimoro avaient soigné un membre du groupe Marotsiraty.

(l) Archives Nationales de la République Malgache, Chef de bataillon Millot commandant le cercle de Morondave : Dossier A 256, septembre 1904-. - 183 -

- Histoire de l'élevage. Du temps du Dady-Fizeha, les Marotsiraty élevaient leurs boeufs dans le Nord. Le troupeau a été décimé quand il s'est déplacé à Belo, au moment de la'mort de ce Dady, 39 boeufs furent volés.

- Origine récente des tombeaux situés à l'Ouest d'Antragnovato, ils appartiennent aux Tariky-Tsimialisa, Sakoambe, Tsimangataky et Hirijy.

- Succession du Hazomanga dans le lignage.

- Explication de l'intégration sociale du village d'Andranofotsy: énumération des liens sociaux fondateurs de la communauté d'appartenance villageoise.

- Importance de la matrilinéarité dans la société: autrefois les matrilignages étaient Marotsiraty, leurs successeurs seront les Tsimialisa.

- Lien indestructible des Tsitompa et des Marotsiraty: Longo Amin Raza à plusieurs générations.

C- Eléments d'information retenus

- Ce texte est totalement d'ordre informatif, et plusieurs des définitions de notions comme celles de Fokonolona, Tariky qui concernent l'intégration sociale du village seront· reprises dans le chapitre de la présentation de la formation sociale d'Andranofotsy.

- L'origine mythique des Marotsiraty, qui est souvent évoquée au cours de cet entretien et ponctue en quelque sorte le développement de ce texte, sera reprise en montage thématique. Notons l'importance de cette référence mythique pour cet informateur.

III-3-12

1 - Le Hazomanga, les Hazomanga

Cette discussion sur le thème du Hazomanga, des différentes sortes de Hazomanga, de leur localisation et. du sens qui s'attache à chacun d'entre eux viendra à la fin de l'enquête proprement dite clôturer ce qu'il est convenu d'appeler "l'investigation systématique". Nos informateurs ont été très précis dans l'inventaire des différents Hazomanga, et sont remontés sans difficultés à la génération des Dady pour les différents lignages du village. En revanche, tout ce qui s'attachait à la signification symbolique du Hazomanga est resté obscur au cours de cet entretien. Il apparaît que ce thème recouvre des stragéties propres à chaque lignage et au Mpitoka détenteur du Hazomanga. C'est à partir du Hazomanga que les différenciations sociales économiques transparaissent. GENEAL n G 1 E DES MA ~ 0 ~ SIR ATY Fig 6 '.setnd,nc. MHi,g • ••••• /1 •••• VI .. nt/M.rt Inf ... ,t.ur lé,ld.nt, pr.prlét,lr. d. c,s', d. rlzl.r., {AnkotroJotsyJ Ilzlèr.s LOVA sur 1. d.ll. OH7j i l 'Ou.,t du vlllIg. HEl INA Longo .. In roll[.lllé, por .HI.g.] [Belo] • • '.ng.l.ly HE:R1NA ll.u d. r'sld.nc o Mpil 1 0 k• [ ch. 1 d. 11g n a g. 1 o Ch.1 l.c.l cllé d.n, 1., .rchl •• ,[d.,c.ndant d'.n. , •• 111. d. ch.1 IAINAV'[d ••• n. Â so.,-gou •• rn •• r .pris •• olr réslslé {Hasoarivo-EstJ d.ns 1. Nord,ch.1 ',.c MAIOtALO .1 MAVANAd. HANAHBOLOdur.nl 1. pérl.d. d. ·p.clllc.ll.n· .llnlgny • 1 •• b ••• I •• b••• NOSV lAVA d•• d.sc.nd,nts d • .+++++lIlEHA! L Ig6~ aHqu.s d'.r.llles d. bo.uls V.tob. .... I .... s ISIIOHPA d. NAHPlA lond.t .. r ~ d. ,Ill.g. ANDIANOIOIS' 10 TE 5 .. Ole 2 - Ancêtr•• ythlq •• cité VAIOIE:ê.oq •• l'.rigln. S.d d. 1. ~.ndl •• n. algr.tlon:c.ntr. d.s DHllASV.·VAIOHASINA"cl lASSANGAP B~ .. 0] Me, 11'u désigné p.r IALIIAVAIAIIA ••• nl son r.lo.r .n Ar.bl. jo.r 1. séjo.r d. s. dsc.nd.nc • ..K1HOSr .. -lIVA d.s ANIAIMOIO[ANDRAIAIGA] ANTAGNANDRO .. -Orlgln. ~thlq•• ANIANIARANA.d.sc.nd.nts d. IEBEIA cl.A • .. GRANDIDIEI Horo Sanj. • ~ .~.."'."' .IAISV:gr.nds , •• yanls d. t •• p' d. ILACOURI o -HAIOE:IIAIO, ch.1 local d. 1. ISIIIIIHINA, d.sc.nd,nt d. TSITOHPA" SAHFJIIC1DA r.lna,y d.,.n. 10.S- go.,.rn •• r •• début d. 1. col.nl.s~l.n (Andranof0 yJ H!LA .pr.s 1. IIIAMPOHA.t 190~ -l'.olgn.nt d. I•• r .111.nc ,.c I.s .ncl.ns go~p.sdo.ln.nls ..

2 - Localisation des Hazomanga dans le village d'Andranofotsy

La carte de parenté-résidence (V. Carte nO 3 hors texte) présente de manière exhaustive cette réalité diversifiée des Hazomanga dans le village. Un premier regroupement s'impose: celui que présente les Hazomanga alignés au pied d'un Kily au Sud-Ouest du village. On y trouve treize Hazomanga différents, dont dix partagent la même ombre (donc les mêmes ancêtres) et trois sont associés aux précédents. Les Mpitoka qui ont célébré les cérémonies de circoncision propres à chaque Hazomanga; Nampia, Tsimikora (Tsitompa), Tsarafitry (Samoky), Maharesy-Tsivogne (Sakoambe-Mija) -sont ceux qui sont alliés par mariage dès le début de leur installation au village. Il en est de même des Magnolobondro et des Makoa. L'explication donnée de l'implantation des Hazomanga au Sud-Ouest tient à un évènement, un décès interprété par le Masy d'alors comme un signe du destin. Auparavant les Tsitompa plantaient leur Hazomanga comme les Andralefy à l'Est de la case. En définitive, les groupes lignagers locaux, alliés par mariage aux Tsitompa qui ont planté leur Hazomanga au Sud-Ouest matérialisent ainsi l'origine de la migration de leur groupe.

Les groupes lignagers qui valident ainsi l'orientation Sud-Nord manifesteraient ainsi le souvenir des liens sociaux fondateurs de leur identité véritable (qui serait antérieure à la formation dynastique) et surtout ne valoriseraient pas les rapports interlignagers originellement institués dans le Ziva, et auxquels le Togny-Tany et le culte d'Antragnovato participent? Ce Ziva, qui établit une relation de protecteur à protéger n'a pas la même connotation politique qu'il a eu dans la formation dynastique. Celle-ci avait en quelque sorte renforcé l'inégalité de cette alliance en l'appliquant strictement à la cause dynastique: être Ziva parmi les Longo-Maroserana, c'est être indissolublement lié à l'identité Maroserana, c'est accepter la compétition sociale et réduire son identité à celle de la reproduction démographique du groupe transposée dans celle de la reproduction du troupeau et des marques d'oreille de boeufs distinctives. Retrouver le sens originel de la migration du groupe lignager, ce serait ainsi valider des liens d'alliance fondamentaux entre groupes lignagers distincts de la nécessité de la reproduction dynastique. Les groupes lignagers qui ont leur Hazomanga à l'Est de la case du Mpitoka, Andralefy, Marotsiraty, Sakoambe-Tsimangiriky, Marofohy, auxquels s'ajoute Tsitsaha, gardien du tombeau Misara, acceptent la prévalence Maroserana dans la dénifition de leur identité lignagère. Tous ces groupes, anciens alliés ou dépendants Maroseragna sont liés aux Hauts-Lieux Maroseragna-Misara. Leur origine lignagère est marquée par la matrilinéarité. Ils invoquent dans leur Toka des ancêtres Maroseragna : les Andralefy invoquent les Finaoky (Tragnovinta de Mitsinjo), les Misara invoquent les Miavotrarivo (Befifitaha), et quand aux Marotsiraty, ils attestent toujours dans les entretiens que nous avons eus avec eux, de l'importance que revêt pour eux la matrilinéarité.

3 - La localisation des Hazomanga des Dady des Mpitoka du village

Elle atteste de l'ancienne résidence des lignages d'Andranofotsy. La formation sociale d'Andranofotsy étant somme toute récente, cette information complète celle qu'apporte la connaissance des tombeaux d'appartenance et de leur segmentation. La relation Hazomanga-Tombeau qui apparaît si l'on compare l'appartenance aux tombeaux de Besely et Nosy-Lava avec les lignages dont les - 186 -

Hazomanga sont situés au Sud-Ouest du village oriente notre réflexion sur la signification des stratégies lignagères à l'égard de la communauté de résidence.

4- - Segmentation sociale, segmentation de Hazomanga et Tombeau d'appartenance

La segmentation des Hazomanga révèle des différenciations internes au lignage et dans le cadre desquelles s'exerce la compétition économique et sociale; c'est la fonction du Mpitoka gestionnaire du Hazomanga lié au tombeau d'appartenance, symbole et garant de l'identité du groupe. Ainsi, en prenant pour exempIe le lignage Tsitompa, les Hazomanga nO 1,2,3,6,8,9;10 au Sud-Ouest du village (V. Carte nO 3 hors texte) appartiennent aux descendants Tsitompa de Tariky aîné et cadet (Cf. fig. l, généalogie des Tsitompa. Certains parmi eux ont été institués frères par une cérémonie de circoncision effectuée le même jour, par le même Mpitoka, et ils ont même Hazomanga de référence. La segmentation des Hazomanga des Tsitompa s'est faite à la génération de Nampia, en sont témoins les Hazomanga n02 et 3, tandis que son successeur Tsimikory est le garant de l'unité du tombeau de Besely. Les cérémonies successives de circoncision effetuées par le Mpitoka-TSimikory témoignent d'une anticipation des segmentations sociales, mais elles sont aussi une manière de contrôler les conflits potentiels. En général, ceux qui ont des Hazomanga sont associés à la gestion des parcs à boeufs et sont responsables de l'accroissement du troupeau qui leur est confié.

Cette pratique de segmentation économique et sociale de type lignagère est tout à fait générale. On la trouve dans des formations dites Misara qui ont systématisé leurs segmentations sociales au point de n'être dans leurs villages de résidence que des segments de lignage limités. Ils ont cependant conserve leur tombeau de référence, et, bien plus, les Tragnovinta-Misara ont tendance à signifier l'unité de Hazomanga, plus que l'unité de tombeau. En général, on est enterré sur le lieu où on a vécu et où on est décédé. En revanche, la gestion du troupeau, les stratégies de marquage des boeufs, la compétition sociale et économique, se font par référence au lieu d'origine de la migration. De plus, la tendance générale des Misara est d'instituer, là où ils vivent, l'alliance généralisée entre tous les Misara dont les lignages locaux sont issus.

Des pratiques sociales et économiques concurrentes se faisaient sentir à Andranofotsy, où les formations lignagères bénéficiaires de la patrilinéarité et de la patrilocalité se recentraient autour de la référence au Sud, origine première de leur migration; les autres, pour lesquels les références Misara­ Miavotrarivo, Misara-Mikea, Misara-Finaoky circonscrivaient un espace géo­ politique plus orienté sur l'ancienne géographie des royautés, et plus sensible aux divisions internes des anciens groupes dominants qui en migrant vers le Nord, ont ouvert les marchés locaux dans les zones d'échanges intermédiaires vers les côtes ou le Moyen-Ouest. Les groupes sociaux locaux du village, qui privilégiaient l'orientation Est-Ouest, participaient implicitement à cette réalite diffuse d'un espace géo-politique ouvert aux échanges. Ils invoquaient les ancêtres Misara, Maroseragna et s'y référaient, tout en poursuivant des stratégies adaptées à leurs intérêts sur le plan local. - 187 -

III-3-13 Compte-rendu de la fête organisée par nous à l'occasion de notre départ d'Andranofotsy (13-10-19 69 )

Nous avons organisé une petite fête pour tout le village d'Andranofotsy, y compris les campements d'Andimaky et d'Ampasiabo. Batozy et Firengea organisent trois groupes entre les participants: celui des Olobe (anciens) dans la case, celui des femmes, et celui des jeunes. Les discussions du groupe des anciens ont été enregistrées (Cf. Texte nO 5l>. Les principaux participants dans ce groupe sont Fikona Bernard, Malaitsy, Filoha, Etienne, Tsimikora, Tsitsahy, Firazagna (voir schéma de la disposition des Olobe dans la case Fig. ci-contre). C'est Fidison (Samoky) qui fait le partage, puis plus tard, Batozy.

La fête est ouverte par un petit Kabary (discours) fait par l'Assistant, où il remercie le village pour son hospitalité et pour le magnifique travail réalisé en commun, et plus particulièrement les Olobe. Il fait ses adieux au village, pour lui-même et surtout pour le chercheur, qui va bientôt rentrer dans son pays, enfin il offre de l'alcool pour s'unir et se dire adieu.

Les discussions portent sur différents thèmes. Sur l'éducation des enfants jugée trop libérale, sans qu'une solution puisse être trouvée. C'est l'inexistence du Menabe qui dégrade le système d'éducation, les jeunes n'ont plus de respect••• etc Filoha rapporte des contes et légendes sur l'origine des Mpagnito. Le problème de l'agriculture et de l'élevage est abordé, et surtout celui de la division du village en agriculteurs et éleveurs, ceux qui ont des parcs à boeufs et ceux qui n'en ont pas. Les agriculteurs, représentés par les Samoky, les Marotsiraty et Magnolobondro, défendent leurs intérêts: plus vous avez étendu les terres de pâturage, leur disent-ils et plus nous nous sommes rapprochés de vous. Ainsi, à Andranofotsy, il n'y avait pas de cultures, tout était pâturage, et maintenant nous n'avons presque plus de pâturages, dit un Samoky. Un autre appuie cette idée en prenant l'exemple des gens qui habitent le Manambolo. Les propriétaires de boeufs se défendent en cherchant à s'unifier notamment Tsimikora, les Tsitompa et Marintoetsy qui appuie cette idée. Ils s'attirent une réplique de Filoha, qui demande qui a déjà volé des boeufs lorsque ses cultures ont été dévastées par des boeufs? Personne ne répond, ce qui veut dire qu'on veut éviter les dissensions. La femme Samoky de Batozy intervient dans la discussion pour dire que s'il y a un conflit entre le propriétaire des boeufs et celui des cultures, le propriétaire des cultures peut exiger le lait quand il y en aura, en réparation. Une vive discussion éclate quand un Misara dit que les Misara sont Ziva des Tsimangataky•• Batozy le nie et va jusqu'à dire que son père étant décédé, il n'a plus peur de personne, en s'adressant à Tsitsaha, il dit que les Misara sont Ziva des rmaoky et pas des Tsimangataky. Ou bien il subit l'influence des Samoky de son entourage, ou il situe les Tsimangataky au même plan social que les Misara, parce que les uns et les autres ont un Hazomanga en bois de Katrafay et orientation Sud.

Tsitsaha est le seul à offrir à l'équipe d'enquête un poulet, par amitié ou pour montrer son appréciation de l'étroite collaboration qui s'est instituée avec les Misara au cours du travail. Il reviendra pour cela, suivi de Malaitsy, puis le Tariky-Filoha. La discussion aggressive de Filoha et Tsisaha se poursuit, et Filoha montre au Misara sa supériorité de caste. - 188 -

R r UNI 0 H DES MPITOKA

1-Assistant ; 2 2-fIRAZAGHE(Marotsiratyj o o ;-TAGAGA [Marofohy] ~-(TI("HE [Andralefy] 50 fo----·· __.T ab le 5-TSITSAHA [Misara] 6-fIRESA [Vaziaba] 1 .. o 7-MARINTOrTSY ~akoa~be-~~· Por te -- a-HALAITSY [Tsito.pa] 6 0

7°() ~n v - a o Note Les HPITOKA titre TSlrO . ------rT SAKOAHBE-HIJA sont a~se·· mais représentés par le gardien du TOGNY TAHY don: les TSITOHPA sont propriét:: res et le futur hériti~r d. HAZOHANGA·

fï g. - 189 -

Le soir même, nous allons voir Tagaga, pour lui offrir sa part et lui raconter la fête. Ceci se passe en présence de Firengea et Malaitsy. Son absence à l'occasion de cette fête était symptomatique de la relation "ambiguë" qu'il avait à l'égard de cette étude susceptible de révéler la duplicité des rapports qu'il entretenait avec le village comme interlocuteur de l'administration.

1II-3-14 Texte n° 51 - Entretien avec les Meitoka (chefs de li na e) du villa e au moment du de art du chercheur etranger : Theme Education-Elevage 13-10-1969

- Le texte s'ouvre sur un Kabary de remerciement fait par l'Assistant auquel un premier intervenant répond, remerciant à son tour pour avoir fait revivre les Raza, et pour consigner les Tantara dans les livres, et enfin pour cette fête qui manifeste le Fihavanana. Un second intervenant remercie à son tour au nom de tous "nous vos Zandry, nous vos Havana, nous vos Longo", affirme qu'ils ont dit tout ce qu'ils savaient du temps des Rayet des Matoe. Des femmes intervie~nent également.

- Un petit incident oppose les Olobe et les jeunes que l'on voudrait faire sortir pour la suite de l'entretien. "On est Olobe quand le Baba est mort, ce ne sont pas les cheveux blancs qui font le Olobe mais la responsabilité que l'on exerce•.•"

- Filoha résume en quelques phrases ce qui fait pour lui l'essence du Menabe : "Les traditions Sakalava se perdent. Certains ne viennent même plus honorer les morts. Les habitants (Nanaka ?) du Menabe à l'époque où vivait notre mère, la mère de notre Baba, étaient Vazimba. Ni ceux-là, ni les Sakalava qui viennent d'en haut, originaires d'Andriaka, n'auraient osé trahir les Betsileo, car c'était leur propre Ziva. Le Sakalava, ce qui fait de lui un Sakalava, et ce qui fait du Menabe d'ici le Menabe, ce sont les boeufs qui viennent de là-haut. A partir d'Andrianampoinimerina, les Lolo (âmes) des Vazimba ont habité chez Andrianampoinimerina jusqu'à maintenant. C'est de lui que les Vazimba sont sortis, en suivant les Sakalava jusqu'ici, ils ont été battus, et c'est pour cela qu'ils se sont installés sur la côte près de la mer".

- Importance du rôle du Olobe, détenteur du Hazomanga - Exemple du Sorony de l'adoption par laquelle l'Olobe peut se créer 6 enfants parce que c'est chez lui qu'est plante le Hazomanga - Commentaires sur les enfants qui perdent le respect, et le rôle de l'école. Il n'est pas dans les habitudes de contraindre l'enfant à aller à l'école, on se contente de lui en donner les moyens••• pour la contrainte, il y a les chefs de canton, les gouverneurs et les chefs de district.

- On passe de l'autorité parentale à celle de l'Ampagnito, autorité que Dieu lui a donnée, en le faisant Tompon-Tany, pour en venir au problème de la concurrence de l'agriculture et de l'élevage, discussion souhaitée depuis le début, mais autour de laquelle on tourne. - 190 -

Discussion générale sur les relations entre cultivateurs et propriétaires de boeufs, faut-il mettre les boeufs dans un parc, la cohabitation est-elle possible?, mais les propriétaires de boeufs (Mpana-Omby> sont toujours aussi des cultivateurs (Mpambola>. Il faudrait qu'ils s'entendent et soient Longo. Autrefois, l'autorité de l'Ampagnito, du Mpanjaka, décidait des terres de pâtures et des terres de culture, actuellement le cultivateur qui a subi des dommages peut se plaindre au Fanjakana ou au Fokonolona, mais ils ne peuvent pas déplacer les familles qui vivent de la culture. Le Fanjakana n'a plus la même autorité. Le Tale-Tsimanda lance un appel à l'union, puisqu'on ne peut plus savoir qui est le propriétaire: "nous devons manger, donc cultiver la terre, et nous voulons être riches donc avoir des boeufs", arrangeons-nous pour cohabiter.

- La discussion reprend, et un participant fait remarquer que même si les villageois s'entendent entre eux, d'autres viendront s'installer sur leurs terres de pâture, et si les boeufs piétinent les cultures, le Fanjakana ce second Ampagnito qui détient la terre prendra l'affaire en main.

- Producteurs de riz et éleveurs, vendeurs de lait s'affrontent.

- La discussion s'achève sur un discours sur l'union: "le Tompon-Tany est en premier lieu le Firazana, l'union", les accords "qui nous rendent tous égaux". A la suggestion "officielle" de s'en tenir aux terres désignées par le Fanjakana à l'intérieur du Dina d'Ankotraka, répond un tenant des Maroserana et du Fomban­ Razan dans une violente diatribe "autonomiste".

- La suite du texte paraphrase quelque peu tout ce qui vient d'être dit, et il est difficile de retrouver une progression.

- Un intervenant rappelle que le Menabe a été "vendu" par Kamamy, le peuple a été vendu pour travailler, et le mécontentement date de là.

- Un autre analyse ceux qui accumulent des boeufs par coquetterie, de même que certains achètent du tissu pour s'habiller et d'autres pour se montrer, "avec tout argent amassé on achètera un tissu".

L'essence du discours est de compter sur ses propres forces, pour qu'au moins le village se présente uni. Ainsi on pourra délimiter les terres de pâture et surtout em pêcher les autres de s'y établir. Si les terres sont enregistrées, en théorie on ne pourrait plus porter plainte contre les éleveurs, mais le Fanjakana ne s'intéresse pas autant aux boeufs qu'aux cultures. Il cherche à diviser.

III-3-15 Texte n° 52 - Entretien avec le Masy-Tsitompa du village d'Andranofotsy, Malaitsy, au campement rizicole de Sofidambo (16-10-19 69 )

A -Itinéraire et situation d'enquête

"Nous partons à Sofidambo en pirogue, car ce campement n'est pas accessible par terre: nous suivons le bras de mer appelé Maroheta, puis le bras de Belengo qui est beaucoup plus large. Nous accostons sur sa rive gauche, et laissons la pirogue au pied d'un Mangrove. Nous traversons la rizière, au milieu - 191 -

de laquelle se trouve une case sur pilotis qui appartient au chef de lignage Tsitompa-Tsimikora. On a de cet endroit une vue générale des rizières de ce campement, et nous dressons la liste des propriétaires de rizières, en la reportant sur la photographie aérienne du terroir".

"C'est en mesurant la difficulté d'accès à ce campement, et au cours de la longue traversée en pirogue que nous avons pu saisir concrètrement les contraintes du milieu naturel et la façon dont il modèle les rapports sociaux: aucune situation sociale et économique ne peut être totalement acquise en un lieu où l'alimentation en eàu varie d'année en année, avec une périodicité d'environ sept ans, tantôt au profit du bras sud de delta, tantôt au profit du bras nord. Le village d'Andranofotsy, situé au nord de la Tsiribihina est actuellement bien alimenté en eau, mais la riziculture qui se pratique sur le Delta est de faible productivité, à cause de la salinité du sol. "Nous arrivons un peu tard à cet entretien, qui nous avait été proposé trois jours auparavant, et trouvons notre informateur inquiet, croyant que nous ne viendrions plus alors qu'il avait remis à plus tard les travaux de récolte dans les rizières du Bemarivo"•.

Ainsi cet entretien était fortement souhaité par notre informateur ce Malaitsy, qui outre sa qualité de Masy et gardien du culte d'Antragnovato, a été pour nous celui qui a guidé notre étude, l'a fait évoluer, contrôlant sans cesse la libération des informations tout en donnant aux faits leur pleine signification chaque fois que cela lui semblait nécessaire. Cette attitude a été utile à l'approfondissement de notre insertion, elle confortait la représentation unitaire que le village pouvait donner de lui-même, sans pour autant masquer l'existence de nombreux conflits sous-jacents qui étaient loin d'être résolus. Dans cet entretien, les thèmes abordés touchent à tous les aspects de la vie sociale, politique et économique du village, et montrent bien sa récente et nécessaire transformation.

B- Résumé du texte et principaux thèmes abordés

Ce texte mérite une place à part parmi ceux que nous avons recueillis, car peu d'entre eux présentent un contenu informatif aussi directement et complètement utile, en dehors même du décompte des parcelles par lequel il débute, et qui était destiné à dresser la cartographie du terroir de ce campement (Cf. carte du terroir p. 111).

En effet, à partir de l'activité rizicole et de l'élevage, les thèmes des rapports interethniques, des rapports internes aux groupes lignagers, des différents cultes Andrano, des rapports administration/village et des petits, moyens et haut fonctionnaires, seront successivement abordés. Au centre de tous ces rapports, le système des échanges, qui règle é~alement l'organisation cérémonielle. Il en est ainsi des boeufs qui sont restés a ce campement et qui servent principalement au transport des produits. - 192 -

c - Eléments d'information retenus - En montage thématique: passage de ce texte qui concerne les différents Masy, les Tromba-Andrano et Sazoka et les possédés du village d' Andranofotsy.

- Les thèmes abordés sont repris en Tome 1 dans les chapitres traitant des relations entre institutions et économie. Ici, les rapports de production sont englobés dans les rapports d'échange et sont identifiés dans le cadre des formations sociales de base regroupées autour du même Hazomanga. Les stratégies politiques et économiques de ces formations se différencient en partie par la manière dont elles valorisent les relations historiques Nord-Sud et Est­ Ouest. III - ANDRANOFOT5Y, VILLAGE DU DELTA NORD DE LA T5IRIBIHINA

III-li- L'INTEGRAnON - 194 -

" "" ~I ~ .. 1 1 7 , Ul'\ariage !ZlIzliru d.ltl i -TOKA KAZAN MATOE rLt be.c:endanc:e l' DU Ilt du vii la e ~llolllllll!/felllllle -Suc:e ••ion de. anc:ére.' maternels ~ r~nso ,énéra­ Yi 1119 Rompa o.'fj'Vivant/flJDrt '*btlUr.. y 'arc i bOl Amin uza l troia uOluor ISY () Ré.ident propr.étaire de c:a.e t'on. a.c:endante. et par ordre de rizière• d'anc:ienneté • Chef de TROMBA ANDIlANO:BOENY VEZO ANTANDIlANO ColllOrien MISARA/SAMOKY Informateur MIlŒA FOTSY (ATAMBAHY) Mpitoka Hazomanga d~. SAKOAME Futur détenteur du Hazomanga -ce. Lanso Amin raza ,marque. d'o••111e de boeuf. MIJA .ont ZIVA de. HIRIJY 'Tombeau le. relation. A.~ 1;7 f .c:héma -Explic:ite e boeufs SAXOAMBE du villa e SOLA. -lt1.t'y AGNET 1K)1\'TRO ~i-To-a-n-y--

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GENEALOGIE' DES SAKOAr.BE-MIJA lIC ~ - 195 -

111-4 Introduction

Cette dernière phase d'enquête compte peu d'enregistrements. Elle est fondée sur la seule participation de l'assistant à la vie quotidienne du viHage et aux manifestations qui eurent lieu un mois durant. L'on voit en effet, l'assistant convié à participer a deux cérémonies, le Soron-Anaka des Sakoambe-Mija, et l'enterrement d'une femme Tsimialisa qui associe les segments de lignage Tsitompa-Andrasily et Makoa mariés avec les soeurs de la femme décédée. Notre équipe d'enquête avait déjà eu l'occasion de participer à des cérémohies funèbres, circoncisions, Tromba. Mais jamais le déroulement de ces évènements n'ont donné lieu à une mise en scène aussi complète des enjeux et des contradictions qui se développaient en ces occasions. Nous pensons que là, se trouve révélé le mode de communication de cette société à l'étranger, expérimenté de longue date et qui ne propose au candidat -étranger à la participation de la vie de la communauté qu'une forme de contrat où ce dernier ne peut que découvrir progressivement que pour rester il lui faut perdre son identité, sa qualité étrangère. Assimilé, il est toléré, phagocyté il devient utile à la diffusion des rapports internes-externes de pouvoir qui conditionne la reproduction sociale. Le statut social de l'assistant se révèlera différent une fois l'étranger définitivement parti. Il est totalement admis, il partage les secrets de la communauté villageoise, ceux qui demeurent cachés et n'auraient jamais été mis en scène de cette manière devant l'étranger.

Ainsi, le Soron-Anaka, cérémonie de présentation de l'enfant des Sakoambe-Mija, en fait son adoption par le lignage paternel, met en scène les liens sociaux fondamentaux qui traversent le lignape or9anisateur de la fête. Les marques d'oreille de boeufs citées à l'appui de l'enumeration des parents-alliés des Sakoambe-Mija enregistrées au moment du Toka-Razana ne furent jamais explicités en pareille occasion pour d'autres lignages. Cette marque de confiance du Mpitoka ordonnateur de la cérémonie à l'égard de l'assistant était le signe même de son intégration au stade final de cette enquête. Car, les Sakoambe­ Mija, derniers interviewés étaient ceux qui détenaient le pouvoir social réel, incontestés, les plus riches et sans doute ceux dont la stratégie de reproduction lignagère était la plus avancée aidée en cela par le soutien et la relation égalitaire et forte des Tsitompa fondateurs du village••• Avec ces derniers, ils étaient organisateurs de la fête des prémices. Ils géraient ainsi de manière indirecte les conflits internes des groupes li nagers locaux à propos de la production et des échanges. Leur segmentation etant9 fort ancienne, le Mpitoka a insisté sur le fait particulier des Sakoambe de pouvoir se marier entre Sakoambe dont les marques d'oreille de boeufs sont différentes. Cette information libérée en fin d'enquête était la meilleure preuve de la prévalence des rapports Nord-Sud par référence au Sud, lieu d'origine première de leur migration, aux tombeaux de Manometinay dans la vallée de la Maharivo au Sud de la sous-préfecture de Morondava. Ainsi se trouvait confortée l'hypothèse du sens symbolique attaché au choix préférentiel d'implantation des Hazomanga dans le village: les Tsitompa et les Sakoambe-Mija avaient le leur situé à l'ombre du Kily, d'autres implantaient leur Hazomanga à l'Est de la case du Mpitoka. L'on retrouvait la signification politique qu'avaient prises les catégories cardinales inversées dans l'ordre Maorserana passé. L'intégration de l'assistant dans le village s'appuyait sur le pouvoir nouvellement construit des groupes lignagers locaux qui se référaient d'un pouvoir autochtone ancien plutôt que la caste, de la patrilinéarité plutôt que de la matrilinéarité et où la primogéniture était effectivement appliquée dans le jeu de la succession. - 196 -

La cérémonie funèbre du li~nage Tsitompa à propos d'une de leur femme Tsimialisa, confirmera cette integration. Elle mettait en scène les rapports internes à la communauté villageoise projetés sur la référence matrili~nagère Tsimialisa qui se présentaient comme les mères génériques des génerations candidates à l'héritage. Les conflits de l'époque seront évoqués de manière tout à fait directes, ils opposaient les ligna~es alliés de la génération Dady des actuels Mpitoka où les soeurs Tsitompa restees proches de leurs pères et frères étaient le lieu de diffusion des conflits. Ces mères génériques de la génération Dady, celles Marotsiraty de la génération Matoe, celles Tsimialisa des générations à venir opéraient une distribution sociale des légitimités recherchées, elles étaient support des conflits antérieurs non résolus qui se trouvaient réactivés en ces occasions. Ce sont les femmes en effet, ces mères communes à différents li~nages qui permettent de vérifier si la loi d'exogamie a été appliquée et designent les cas où cette loi peut être aménagée ou transgressée. La manière dont le conflit s'est développé pendant la veillée funèbre, et qui sera détaillé plus loin, est particulièrement révélatrice de la nature de l'insertion de l'assistant qui sera le témoin d'une lutte pour la réécriture d'un conflit passé qui a opposé les lignages alliés des familles en deuil. C'était un conflit jugé grave car il avait causé mort d'homme. Le même conflit se jouait encore à propos de l'immatriculation des terres rizicoles du delta. Mais, alors que nous avions été pris à témoin en début d'enquête, nous n'avions pas été admis à pénétrer ces rapports complexes que sont la lutte pour l'interprétation rétroactive d'un conflit exemplaire pour le village, fondamentalement non résolu puisque susceptible de réapparaître à l'occasion d'une cérémonie mortuaire. La lutte pour le pouvoir entre deux Masy reconnus, leur connaissance de la sorcellerie et de la divination, voilà la joute verbale qui manquait à notre investigation. Elle ne fut d'ailleurs pas enregistrée par l'assistant qui, fort justement s'est abstenu préférant transcrire l'évènement par après sous forme de notes.

Les textes recueillis durant cette dernière phase d'enquête, met au premier plan les deux segments de lignage au pouvoir manifeste dans le village en 1969 Tsitompa et Sakoambe-Mija qui se renforçaient l'un l'autre. Si, l'hypothèse d'un partage d'influence du village était exact par référence aux haut-fonctionnaires locaux qui avaient des parents sur place, notre insertion, l'intégration de l'assistant que nous croyons pouvoir dégager ici, ne furent possible que parce que nous avons bénéficié sans le savoir d'une caution minimum de la part des autorités de l'époque. L'origine Tsimihety de notre assistant, proche parent du Président Tsiranana n'est pas sans avoir eu quelque influence pour la réussite de cette enquête placée sous contrôle tandis que les rapports Nord-Sud, nous le savions, se jouaient sur terrain fortement conflictuel. Le grand art de notre collaborateur que nous remercions ici est d'avoir su bien évaluer les situations qui se présentaient, d'avoir su jouer selon les règles de rapports historiques qui permettaient la libération de sentiments d'appartenance nationale. Un nationalisme certain fut présent dans les situations d'enquête, nous l'avons senti toujours accepté car somme toute, nous ne faisions que passer. Nos méthodes furent naturellement testées et nous avons été convoqué plus d'une fois pour enquête administrative, nos déplacements étaient connus et souvent précédés de visite, le contrôle social-politique était permanent, mais le village Andranofotsy assurait notre protection nous dirent-ils, partout nous étions accompagné••• Au demeurant, les conflits avaient besoin d'une expression verbale et nous avons été pour beaucoup l'occasion de parler de choses ordinairement tabouées, c'est peut­ être la véritable raison pour laquelle cette enquête a pu se poursuivre sans difficulté en pleine période électorale, moment où la vie politique locale battait - 197 -

son plein et où l'on pressentait un changement dans les rapports d'alliance antérieurement établis avec les représentants originaires de la Haute Administration.

Quand nous avons quitté Belo, nous savions que nous avions épuisé notre temps de parole, il eut été impossible et en tout cas risqué de poursuivre l'enquête car, cette société, quand elle admet le partage vous soumet simultanément à ses lois. Le pouvoir èirculait fort peu malgré les apparences, il était préférable d'en rester là. Poursuivre plus avant, c'était entrer dans un mode communication où "la parole est d'argent, le silence est d'or", ce qui signifie dans la symbolique propre à l'ordre Maroserana passé que nous n'aurions pû communiquer l'essentiel. L'acculturation que nous avons choisi de vivre en ces temps d'enquête n'était pas uniquement de surface, l'expérience du Fitampoha et de certains Tromba auxquels nous avons été associé en témoigneraient, mais nous n'avons jamais été adepte, ni croyant. Tout au plus, avons-nous joué sous une forme dramatisée notre prore rôle ou celui de "nos ancêtres les Gaulois" pour prendre une formule imagée, dans un jeu dérisoire et de dérision, exacte situation de l'Indépendance octroyée. L'étranger est dehors, mais il est aussi inscrit dans les rapports internes. Nous avons bénéficié de ces zônes d'ombre, et avons largement exploité cette ambiguïté des rapports passés d'une société qui s'est trouvée par les évènements et dans les faits en situation globale de collaboration avec la colonisation. Nous avons rencontré une société en pleine mutation et tous les textes d'interviews doivent· être lus comme une réinterprétation d'une société par l'intermédiaire des représentants, Masy, notables, chefs de lignages, hommes politiques rencontrés.

IV-4-1 Textes nO 53-54 -Généalogies des Sakoambe-Mija ­ Cérémonie du Soron-Anaka des Sakoambe-Mija 09-10-1969 et 24-10-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Notre informateur est le Mpitoka Sakoambe-Mija, Maharesy­ Tsivogne, gardien et propriétaire des tombeaux Nosy-Lava appartenant aux alliés des femmes soeurs des Tsitompa. Avec Besely, ces deux tombeaux symbolisent les différenciations lignagères internes au Fokoany-Tsitompa depuis la création du village d'Andranofotsy.

Ce ne sera qu'en fin d'enquête que le Mpitoka Sakoambe-Mija acceptera de s'impliquer personnellement. La confiance que ce Mpitoka, gros propriétaire de boeufs du village nous a ainsi témoignée est celle d'un observateur attentif des effets de notre travail d'enquête mené depuis plus de deux mois. Avant de se décider à livrer une information directement accessible, il avait pourtant accepté de la libérer sous forme allégorique. En effet, c'est à lui que nous devons les traditions orales de Ravato-Rabonia et Telo Mirahalahy Mpambola, témoins des idéologies contradictoires qui traversaient la société villageoise. Elles devaient orienter notre réflexion, sans pour autant dévoiler les rapports sociaux concrets et les contradictions réelles liées à ces idéologies. Les deux textes que nous présentons sont inséparables l'un de l'autre: le premier apporte la généalogie du lignage Sakoambe, commentée à chaque génération; la prière qui suit, le Toka-Razan a été enregistrée le lendemain à l'Est de la case du Mpitoka, au lieu cérémoniel choisi quelques jours plus tard pour le Soron-Anaka, présentation de l'enfant par le lignage paternel. - 198 -

B- La généalogie des Sakoambe-Mija et le Toka-Razan

La planche qui figure la généalogie Sakoambe-Mija du villa~e (Planche Fig. 7, p. 194) précise le manière dont la patrilinéarité est affirmee par le Mpitoka Maharesy-Tsivogne, et résumée dans la situation d'enquête sous la forme synthétique du Toka-Razan. La structure fondamentale qui apparaît dans cette invocation met en scène trois générations patrilinéaires ascendantes à partir des Dady du Mpitoka-Maharesy officiant dans cette cérémonie et chargé de l'invocation des ancêtres. Les ancêtres mythiques énumérés sont les maternels de ces patrilignages. Dans l'ordre de succession généalogique, apparaissent les Vezo-Antandrano, les Misara-Samoky, les Mikea Fotsy-Antamba qui sont Longo Amin-Raza des Sakoambe. Une importance particulière est donnée aux ancêtres de la lignée paternelle du Dady du Mpitoka: Marovata de marque d'oreille de boeufs Malady.

La place privilégiée accordée à la lignée paternelle du Mpitoka trouve son explication dans d'anciens conflits d'héritage à propos des boeufs de Nasomby et Trinambo, soeurs de Nampia, Tsitompa mariées à Lovy-Samoky. De cette époque, date également la création du tombeau de Nosy-Lava pour les descendants héritiers des mères Tsitompa mariées aux Samoky. Le Mpitoka­ Sakoambe se présentait lui-même comme le détenteur de la succession patrilinéaire de par l'origine de sa grand'mère Samoky. Il renforcera cette position en revendiquant comme son frère le Mpitoka-Tsihenjagny puisqu'ils sont issus à la génération de leur grand-parents d'un frère et d'une soeur de même mère Samoky-Marovata. L'entretien avec le Mpitoka Tsihenjagny Hirijy (Cf. Textes nO 15-16 p. 76), procédait lui aussi d'une affirmation de patrilinéarité par négation systématique de ses ascendants matrilinéaires d'origine Misara. Il confirmait la problématique patrilignagère sous-jacente à l'héritage des boeufs: Tsihenjagny indique que le groupe ne fait plus de marque d'oreille de boeufs Marovata alléguant l'absence de reproduction du troupeau interprétée comme une juste sanction.

Ainsi, la patrilinéarité, avant d'être un principe de succession est une réalité sociale qui se construit et doit se vérifier à chaque génération. La clef de ces réseaux patrilinéaires, qui s'inscrivent dans la possession de troupeaux aux marques d'oreille de boeufs différenciées, est à rechercher dans les ligna~es maternels Longo Amin-Raza, devenus Ziva parmi les Longo, alliances stabilisees depuis l'origine et co-fondatrices de l'identité Sakoambe. Le réseau social d'appartenance, qui fonde l'accumulation économique et politique de notre informateur, se confirme à l'examen de la socio-matrice du lien Ziva, telle que nous avons pu l'établir au moment de nos enquêtes régionales auprès du Mpitoka­ Hirijy, Tsihenjagny. Leur "fraternité" évoquée plus haut se vérifie dans le lien Ziva: les Longo Amin-Raza des Sakoambe-Mija sont les Ziva des Hirijy. Ainsi ces deux Mpitoka peuvent attester de leur patrilinéarité reconstituée, trois générations après la colonisation. Quant à la référence dynastique citée dans le Toka, elle devient quasiment dérisoire et disparaît devant les relations antérieures au mariage des soeurs Ravalondrefo et Ramatseroko avec des rois. Le Mpitoka-Sakoambe semble attacher une très grande importance à distinguer qui était l'aînée (Ravalondrefo) et qui la cadette. Du roi Ndrianinhanigna, il n'est nullement question. La référence dynastique mettait l'accent sur la matrilinéarité à l'origine. Le Mpitoka reprend ici au compte de son lignage d'appartenance Sakoambe, le mythe originel de Ndremisara: nous'avons vu dans cet ordre de rapports, l'importance de préciser qui était l'aîné et qui le cadet. - 199 -

Enfin, l'ancienneté de la segmentation des groupes Sakoambe en groupes aux marques d'oreille de boeufs différentes est telle que notre informateur se plait à préciser qu'il n'y a pas d'interdit de mariage entre Sakoambe. Nous passons de la légitimité patrilinéaire à la reproduction lignagère avec prévalence des rapports Sud-Nord: le lieu d'origine de la migration Sakoambe est le Sud, les liens avec les Bara sont antérieurs à la royauté Maroserana, l'espace politique et économique est ainsi défini.

C- La cérémonie du Soron-Anaky

Elle se présente comme une cérémonie fort simple, limitée aux parents-alliés directs du Mpitoka. Pour l'assistant, cette invitation revêtait une grande importance, car elle était une preuve de son intégration dans le village.

L'invocation du Toka-Raza débute par une référence à l'eau associée aux Vazaha, aux femmes, symboles d'une contestation de l'ordre patrilignager que défend le Mpitoka. Cette observation conforte notre hypothese de la nature antagonique et complémentaire des Tromba-Antety et Tromba-Andrano.

Ce Saro est simple aussi dans son déroulement: pas de Tsokomotro (veillée), pas de danse rituelle. Au jour fixé par le Masy pour la cérémonie, les invités des deux familles organisatrices se réunissent à l'endroit choisi. Celui-ci est situé à l'Est de la case du Mpitoka Maharesy Tsivogne des Sakoambe. On y plante un Hazomanga différent du Hazomanga utilisé pour le Soro-Tapakanaky, plus petit, qui peut être un jeune Kily ou Man&arahara. La famille qui demande cette cérémonie d'alliance, celle de l'époux amene un Tarikosy (boeuf), dont elle fait le Soro (offrande). La famille de la femme fait le Toka, la prière au moment du Soro et après elle le Mpitoka de la famille.

- Maharesy-Tsivogne, Sakoambe-Mija - Tsimikora, Tsitompa - Tagaga, Marofohy - Un membre de la famille du père de l'enfant.

Le Toka est constitué surtout .de l'énumération des ancêtres, que l'on prie de venir assister au Soro, et auxquels on demande de reconnaître les enfants issus de cette union comme leur appartenant, enfin on les prie d'apaiser leurs conflits. Le Toka terminé, on partage la viande du boeuf sacrifié, chacun des participants reçoit sa part, puis l'assemblée se disperse. Ce Soro-Anaky est donc très simple et n'a duré que deux heures en tout; il a réuni une trentaine d'invités. On peut dire qu'il n'a pas vraiment le caractère d'une cérémonie, on n'y distribue aucun alcool, il s'agit plutôt de la réunion de deux Tariky auxquels se sont joints quelques personnes du village choisies pour le représenter. A ce titre, la participation de l'Assistant est significative. Aucune participation en argent n'a été demandée, la présence seule suffit. - 200 -

l.EGENDE NOTES

r-l d~~r~ndAnce SZRlllires Îur Il TOICA RAZAN MATOI! RAMATSEROICA ~ aari.~~ della i 1'0 du ylll RAOLINA ~O HOIII"I'/FellllDe RAVALONA A/."vivant/mort REKAJY T~' ndividu propriét.ire:c.se, riiires TSIAFIRY ....IHpitok•• chef de lign.ge TSlKAMAXO Informateur . po BOTERA 1i~.8 Marques de boeufs ANTANANY .. .- de TROMBA ANDRANO 7l' CI tés dan s le s arc hl y 1 s -Migration récente NordI- Sud .llllaires,chefs locau. ISIVOANINO rAlIORA dl lAMPIA fonallur d'ANORANO o don t l' 1 n f 1 u en ce full. par 1 a n -Lien de FATIDRA .vec le KPITOICA ANDRJ.EFY rOI Sy le au débul de la colonlsll!on plu spa r tic u II i ri. en t dan s -cadet .depte ~IUlKllA-..uIIlRA:iO d.....aELENGO. II réslstlnCI dl la lire hlur TROMBÂ BOEN'i, Comorien. , lo.bllU ri Pire i bOlufs ! AlOHIMCNA lIG a

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CONCLUSION

Deux jours après cette cérémonie à caractère familial, l'Assistant repartait en mission dans les villages du Manambolo auxquels nous avions déjà rendu visite. Cette quatrième mission fera l'objet du chapitre IV. Il est manifeste que ce départ s'est fait avec le soutien actif des villageois. A son retour, au Masy Tsitompa Malaitsy, comme si le village, sachant proche le départ définitif, opérait par avance un repli stratégique, tout en satisfaisant aux lois de l'hospitalité. Certains Mpitoka avaient repris une attitude de réserve, sans marquer toutefois aucune hostilité. Peut'être aussi la survenue récente d'un décès dans le village, et la préparation de la cérémonie funèbre modifiaient-elles la situation antérieure: nous verrons l'importance de cet évènement dans sa réalité par rapport aux lignages concernés par ce deuil, mais aussi parce qu'il fut l'occasion de reactiver des conflits anciens non résolus.

Autour de cette situation se joueront les rapports sociaux fondamentaux du village, permettant une analyse du village en termes politiques. L'enquête sera enfin complétée par la présentation de l'organisation administrative du village, dans le contexte pré-électoral qui était celui de l'époque. On y verra les rapports hommes-femmes, jeunes-vieux, et aînés-cadets, enfermés dans une multiplicité de fonctions sociales où chacun trouve sa place. En réalité, nous savions bien, en cette fin d'enquête, que le pouvoir circulait fort peu, que ce soit dans les rapports de parenté, ou au sein de cette organisation administrative: la démocratie est avant tout apparente. Notre analyse se vérifiait à l'observation des stratégies électorales locales, qui consistaient à susciter une multiplicité de candidatures pour mieux assurer par la cooptation, elle-même régie par l'équilibre des rapports de parenté-alliance, un choix pré-programmé. On peut noter que l'indicateur d'un changement d'éqUilibre dans les rapports généraux d'alliance au plan local nous avait été fourni par le déroulement du Fitampoha.

Les deux textes qui suivent concernent donc le premier la cérémonie funèbre et ce qu'elle révèle des rapports politiques internes au village, l'autre l'organisation administrative du village dans son contexte électoral.

IV-4-2 Compte-rendu de la veillée funéraire célébrée à Andranofotsy pour une femme du lignage Tsimialisa ­ Analyse politigue du village - Relation avec le Tromba

Cette cérémonie eut lieu quelques jours après le retour de l'Assistant du second voyage dans le Nord, et Malaitsy est resté le médiateur efficace de nos rapports sociaux. Le mort est une vieille femme du lignage des Tsimialisa, depuis longtemps malade, et que sa famille avait fait venir d'Andimaky où elle résidait quand elle était mourante" Le lignage ne comprend à Andranofotsy que trois autres femmes, qui sont Andrava, l'aînée, femme de Tsimikora, Gonaky, femme d'André Andrasily, et la femme de Malaitsy. Les familles touchées par ce deuil sont les Tsitompa, donc la famille de Tsimikora, la famille de Malaitsy, et le Tariky de Tata, fils de la défunte. - 202 -

Quand la malade a rendu le dernier soupir, on appelle une ou plusieurs vieilles femmes du village pour tresser ses cheveux, la laver, lui fermer les paupières et donner au corps une position naturelle. La famille se réunit alors pour discuter du boeuf ou des boeufs à abattre pour les funérailles, et de l'endroit où se passera la cérémonie, généralement au pied d'un Kily, non loin du village. Au bruit des pleurs de la famille, les villageois accourent auprès de la case où se trouve la morte. A Andranofotsy, il existe trois Kily où se célèbrent les veillées funèbres: Au Nord, le Kily situé tout près de la case de Mahatafy (Andralefy) pour ceux dont le tombeau est à Besely ; le Kily qui se trouve auprès des parcs à boeufs de Faliagnara (Tsitompa) pour ceux dont les tombeaux sont à Anosilava ; celui où aura lieu la cérémonie est un Kily situé au Sud-Est de la case, dans l'ancien parc à boeufs de André Andrasily. Ainsi le choix du Kily est dicté par l'appartenance au tombeau (Cf. carte nO 3 hors texte).

On veillera toute la nuit au pied du Kily. On installe à l'Est une tente pour la morte. On chante, les femmes battent du Daba (tambour, le terme Hazolahy est réservé au Mpagnito). Les hommes dansent, ceux qui dansent sont en général les fils, gendres et filles de la défunte. Des jeunes gens engagent des joutes (Doranga, sorte de lutte ou Morengy) pour laquelle sont venus spécialement des jeunes gens des villages environnants. Les Olobe (anciens) s'expriment sur les évènements de la vie quotidienne, où sur les problèmes difficiles qui se posent au village. Il est certain qu'on touche là l'un des points-clés de la vie sociale du village; si certains choisissent un interlocuteur particulier, la plupart participent à une discussion sur un sujet d'intérêt général. Les Olobe. se divisent alors en deux groupes:

- Les personnages actifs, qui ont un rôle à jouer dans la soirée, qui interviennent à propos des problèmes sans solution ou des conflits qui demandent une mise au point.

- L'autre groupe, que l'on pourrait appeler les spectateurs qui écoutent - attentivement, laissant les "acteurs" jouer leur personnage. Ils interviennent parfois si le problème les touche de près.

Ainsi, il s'agit d'un théâtre, où les acteurs sont libres de choisir leur thème. Ils sont assis en cercle, autour de ce qui semble être une table ronde, d'autant plus que s'y trouve la dame-jeanne d'alcool qui circule dde temps en temps. Voyons maintenant les thèmes abordés au cours de cette veillée funèbre:

Tout d'abord les jeunes abordent le problème des rapports agriculture/élevage, évoquant les rapports du Ministre Maire de Belo avec le village. "Le ministre, disent-ils prend toutes nos terres, et il a l'intention de faire de nous ses métayers un jour où l'autre à ce qu'on nous a dit". Ils posent le problème du passage des boeufs "sur les terres qu'on nous a prises" et rapportent les menaces de tuer les boeufs qui s'y aventureraient. Le mécontentement des jeunes est apparent, et s'exprime avec force. Ils demandent la restitution des sommes collectées en vue de l'immatriculation des terres, provoquant de vives réactions et un désaccord entre eux et les Olobe. Ils mettent en question leurs capacités comme gestionnaires, ou même l'honnêteté de ceux à qui ils ont confié des fonds. La question ne sera pas tranchée et la discussion sera reportée à plus tard. - 203 -

Les Olobe, représentés par Tsitsaha apportent un point de vue différent: "laissons-faire, disent-ils en substance, la terre nous reviendra un jour". Ils rappellent que les cocoteraies de Soahazo-Amboanio, Andramasay ont un jour appartenu aux Vazaha, et que maintenant tout cela appartient au village. Riposte vigoureuse des jeunes, qui rappellent qu'un Vazaha-Mainty (étranger originaire) a une descendance, contrairement aux Vazaha-Fotsy (blancs), et que ceux-là hériteront des terres qu'ils auront acquises. A ce point critique de la discussion, la collecte en vue de la cérémonie funèbre vient bien à point pour restaurer l'unité. Réclamée par les jeunes, bientôt suivis par les Olobe, elle s'inscrit dans les cahiers que tiennent chacun des groupes, celui des jeunes, des vieux et des femmes. Chaque groupe a son caissier et son secrétaire. Chez les Olobe, c'est Malaitsy qui tient le cahier et chacun doit payer 50 fmg. Les fem mes, elles, apportent du riz, à raison de 2 Kapoaka chacune, soit une valeur d'environ 20 fmg. Quand tout le monde a payé, chaque groupe apporte la collecte à la famille en deuil. Ainsi se manifeste à la fois l'unité et l'indivisibilité du village, on peut dire qu'il y a égalité sociale à l'intérieur du village.

Cette nécessité d'union, ressentie par un certain nombre de gens correspond au projet de Dynam-Pokonolona au villa$e, soutenu par la majorité des villageois, et dont les statuts doivent être adaptes à l'évolution sociale. Mais par rapport à l'unité, l'exception qui confirme la règle est ici un réfractaire, qui refuse de s'associer aux collectes. Bien que ses propres frères aient payé leur part, lui continue de refuser, et ce problème auquel il faut trouver une solution est posé par Malaitsy. Faut-il le priver de l'aide du village, le jour où il enterrera sa mère, au risque de pénaliser les autres membres de sa famille qui s'acquittent de leurs dettes? Faut-il, si on ne le condamne pas, lui laisser donner le mauvais exemple? Un blâme en cette affaire, serait du ressort du Dynam-Pokonolona.

La discussion va prendre un nouveau tour, et les principaux personnages concernés sont alors les suivants:

- Tagaga, le Conseiller, il impose son pouvoir et, quand il parle, tout le monde l'écoute.

- Firengea, le Chef de Village, situé tout prêt de Tagaga, il forme équipe avec lui et appuie ce qu'il dit.

- Befilaza, Antagnandro, ancien Chef de Village, ancien confident de Tagaga, et que ce dernier rejette. Depuis que Befilaza a été écarté du pouvoir, il existe une jalousie entre les deux hommes, et leur rivalité éclate à l'occasion de ces cérémonies. .

- Maharesy-Tsivogne (Sakoambe-Mija), et Tsimikora interviennent comme les gardiens de la tradition.

- Malaitsy enfin, dont le rôle est celui de régulateur des conflits, mais qui, en la circonstance, est empêché de jouer ce rôle parce qu'il fait partie de la famille qui est en deuil et que sa vigilance en est diminuée. - 204 -

Une première discussion oppose Tagaga et Befilaza sur la question de la connaissance des Hasy (sorcellerie). Marintoetsy qui y était impliqué laisse bientôt le champ libre aux deux protagonistes. Chacun d'eux est ambitieux, mais aucun n'a véritablement le soutien du village. L'affaire tournera à l'avantage de Tagaga dont l'habileté est une fois de plus manifeste. Il saura entraîner son adversaire sur un terrain où ils se retrouveront nécessairement en accord. Pour cela, il attaquera le Tariky en deuil, branche aînée Tsitompa et les Sakoambe qui leur sont liés, en rappelant une affaire de sorcellerie avec mort d'homme où les Samoky avaient été accusés. Il met ainsi de son côté le clan Samoky et entraîne avec lui Befilaza qui se trouve isolé par rapport à la majorité du village. Tagaga s'opposera même à ce que la morte soit enterrée avant que son mari ne soit present. Les spectateurs resteront silencieux et les Tsitompa éviteront de répondre pour éviter que le conflit ne soit ouvert.

C'est donc le jeudi soir qu'on se réunit au pied du Kily, au son rythmé du Daba, qui accompagne les tristes chants des femmes, pour un dernier adieu à la morte. Les jeunes gens préparent un brancard, et Malaitsy indique Antragnovato comme lieu de l'enterrement. Firengea qui se tient près de lui ordonne de passer à l'Est du village sans le traverser avec le convoi funèbre car c'est Fady. C'est la famille qui choisit le lieu de la sépulture, assistée par les Olobe-Tsitompa, la décision finale revenant à Tsimikora et Malaitsy. Le convoi funéraire arrive à l'endroit désigné au bout d'un quart d'heure de marche. Ceux qui portent les restes mortuaires courent, ainsi que les jeunes filles et l'enterrement s'accompagne de chants. Arrivés au tombeau d'Antragnovato, la famille indique encore l'emplacement qu'elle préfère et l'on creuse la tombe, allongée d'Est en Ouest et d'une profondeur de l,50 m, puis le cercueil y est descendu. Avant de le recouvrir de terre, la coutume veut que les quatre enfants âgés de moins de dix ans de la morte se jettent dans la tombe, la face tournée à l'Ouest, puis ressortent, geste destiné à écarter le mauvais sort de ces enfants auxquels la morte était si attachée. On recouvre le cercueil de terre et la tombe de branchages. Pour clore la cérémonie, Malaitsy annonce le montant des sommes collectées par le Fokonolona pour la cérémonie et qui s'élèvent à dix mille fmg••• Ensuite, il remercie toutes les personnes présentes, annonce le Asa-Olo dont la date sera précisée ultérieurement et l'assemblée se sépare et tout le monde retourne au village pour se retrouver à la case du chef de la famille où a eu lieu le décès. Des gens qui n'ont pas assisté à l'enterrement les y rejoignent et Malaitsy, porte parole, fait un compte-rendu de l'enterrement. On se sépare à nouveau, l'enterrement est terminé, le deuil durera jusqu'au moment où le Asa­ 010 (tombeau) sera achevé.

Les signes du deuil sont:

- Pour les hommes, de ne pas se coiffer, ne porter que de vieux vêtements et l'habit noir qui a été introduit très récemment dans la société Sakalava et est d'origine étrangère.

- Pour les femmes, de ne plus tresser leurs cheveux elles-mêmes et de porter, comme les hommes des vêtements de deuil.

Au cours de cette cérémonie, l'Assistant a adopté une position volontairement neutre, évitant par exemple l'emploi du magnétophone, afin que les &ens puissent s'exprimer sans réserve. Cet évènement aura surtout mis en lumiere la domination que le Conseiller Tagaga exerce sur le village, fort de ses - 205 -

appuis hauts placés et de sa richesse. Toutefois, l'approche des élections rend sa position moins assurée, dans la mesure où les candidatures aux postes de conseillers ne sont pas connues.

IV -4-3 Organisation administrative du village

En terminant la monographie du village d'Andranofotsy par une présentation de l'organisation administrative et politique, nous sommes frappé de voir une nouvelle fois que ce sont bien les rapports d'alliance qui fondent l'organisation politique moderne. En effet, l'administration villageoise est confiée à trois sections politiques du P.5.0., celle des hommes, celle des femmes et celle des jeunes. Le Président de la section locale du P.5.0. est le Conseiller Rural Tagaga, lui-même Marofohy, le Vice-Président en est l'instituteur du village d'origine Misara-Samoky, le Secrétaire est Sakoambe et le Trésorier, Etienne est Andralefy. Les conseillers de cette instance P.S.O. sont les Mpitoka en titre, Longo Amin Raza des Tsitompa. Il est important de noter que Maharesy-Tsivogne délègue son pouvoir à celui qui est son héritier. La Section des femmes est Tsitompa. Les Oeuvres sociales sont confiées au Masy-Malaitsy, qui préside un comité formé des Marotsiraty, Tsimangataky et Antandroy, représentants n0t:\-essentiels dans les rapports de parenté et d'alliance. Enfin, la section des jeunes P.5.0. est présidée par les héritiers en titre des principaux Mpitoka des groupes alliés à l'origine de la formation sociale villageoise: Sakoambe, Tsitompa, Samoky et Misara. Ils devraient être actuellement, toutes choses égales par ailleurs, les personnages-clefs du village. Les jeunes P.5.0. comptent environ 75 adhérents. Le Chef de Village, enfin, est le Mpitoka du segment de lignage cadet Tsitompa, Firengea, qui avait remplacé Fanitona, gardien de la Tragnovinta de Mitsinjo, accusé d'être responsable du vol de la collecte des fonds destinés à l'immatriculation du terroir villageois.

Cette organisation sociale, administrative épousait -au sens propre-les rapports de parenté et d'alliance fondateurs de la communauté villageoise et la distribution des rôles socio-politiques était conforme aux fonctions idéologiques assumées par chacun des Mpitoka. Ainsi voit-on Malaitsy, le moralisateur, responsable des oeuvres sociales et son rôle idéologique dans le village prendre ici sa forme économique, celle de la redistribution; c'est bien le rôle qu'il joue dans le culte des prémices. Le grand absent est le représentant le plus riche en boeufs, celui dont le mode d'accumulation ne rencontre pas forcément les objectifs de l'économie de marché dans l'organisation centralisée aux mains des fonctionnaires d'Etat locaux. Combien de temps allait encore durer cette relative autonomie villageoise, telle était la question symboliquement posée dans le déroulement du Fitampoha, et à laquelle devaient répondre les éléctions à la Commune Rurale. - 206 -

IV -4-4 Le contexte électoral: stratégies globales et partielles

Le Fitampoha célébré en 196& se trouvait manifestement placé dans un contexte pré-électoral. Ceci est plus qu'une hypothèse, car nous avons assisté à un remaniement "quasi-ministériel" (pour reprendre l'image employée par nos informateurs) parmi les fonctionnaires du culte. Le personnage supplanté dans la célébration du Fitampoha a été l'un de nos principaux informateurs, Mahakasa, Antankarana proche d'Ingerezza, oncle maternel de Lag-Kamamy de la branche Makoa. Ce fait témoigne de l'enjeu politique direct du Fitampoha de 1968. Il semble que l'ancien conflit opposant l'Ouest et l'Est du Bemarivo, les branches Makoa aux branches Misara alliés aux Maroserana, se rejouaient, se réactivaient dix ans après l'Indépendance. En arrière plan de ce conflit interne, on pouvait déceler des influences externes, qui se manifestaient dans les Tromba, d'origine Arabe, Comorienne ou Indienne. Les notes inédites de A. Grandidier, dont nous avons donné en 1ère partie des extraits dans cet ouvrage témoignent d'une réalité analogue: il y a cent ans déjà, les influences externes modifiaient les rapports internes, et les règnes de Vinany-Narova ont été traversés par ces enjeux de corn merce extérieur.

Nous avons décrit dans le chapitre IV intitulé "Les Héritiers" les implications historiques et politiques du conflit de légitimité des descendants Maroserana qui occupait le devant de la scène. Les idéologies produites au profit. de notre équipe d'enquête par nos informateurs nous conféraient un statut et nous demeurons persuadé d'avoir été alors utilisé pour restituer le non-dit de cet évènement. En d'autres termes les exclus (nombreux) du Fitampoha ont choisi véritablement de parler. Après dix ans d'indépendance, les différenciations sociales s'accusaient, la pression d'une petite et moyenne bourgeoisie se faisait sentir, l'appareil d'Etat ne pouvait plus absorber tous les nouveaux scolarisés. On peut dire qu'une véritable course de vitesse était engagée entre les sytèmes d'échange antérieurs, représentés par certains intermédiaires appelés à disapraître et les projets gouvernementaux qui s'appuyaient sur les nouveaux gestionnaires de l'Etat. Parmi ces intermédiaires, il y avait les Indiens Pakistanais, bouc-émissaires désignés, accusés de l'extorsion des surplus de production, mais il existait d'autres intermédiaires qui alimentaient les échanl?es extérieurs centrés sur l'Océan Indien. Ce dernier type d'échange, au caractere idéologique marqué, s'opposait aux grands projets de développement dont la rationalité économique était centrée sur les pays d'Europe.

Le contexte pré-électoral du Fitampoha à Belcrsur-Tsiribihina, n'était que l'expression locale d'une réalité politique et économique complexe. Les élections qui suivront apporteront un changement dans la composition de la mairie de Belo. En 1958, l'indépendance avait ouvert un maximum de possibilités et permis l'intégration des principaux notables locaux; on avait assisté à l'effacement ou à l'atténuation des anciens conflits, puisque chacun ou presque trouvait sa place. Après dix ans d'indépendance, l'évolution était sensible. La situation des nouveaux "urbains" de la première et de la deuxième génération était inconfortable, l'établissement en ville n'offrait plus la garantie d'une réussite sociale et économique durable. La voie royale qui s'offrait encore était à Belo et Morondava celle de la réussite scolaire, premier stade vers l'obtention de postes salariés dans l'administration locale et centrale. La carrière politique elle-même passait par d'autres voies, où le lien personnel avec les hommes d'Etat originaires, le soutien des notables ruraux devaient se conjuguer. Les élections à la mairie représentaient un premier stade de légitimité politique, où les rapports - 207 -

de parenté et d'alliance, dominants dans la communauté villageoise, n'étaient pris en compte qu'autant que les affaires de famille ne viennent compliquer le jeu politique des fonctionnaires d'Etat. Ceux-ci en effet avaient déjà produit en dix ans leurs antagonismes et leurs complémentarités.

La logique de la carrière politique voulait que tout homme d'Etat nouvellement institué eût à produire la preuve de sa force et l'étendue de sa puissance en l'engageant dans des actions économiques locales et nationales. La région de Belo-Sur-Tsiribihina et Morondava avait ses figures nationales en la personne du Ministre de l'Intérieur, de celle du Ministre de l'Education Nationale et de celle du Vice-Président, ancien Ministre du Travail. D'autres personnages gestionnaires des affaires locales poursuivaient des politiques individuelles en fonction de leur esprit d'initiative et de leurs convictions. Nous avons décrit les institutions issues de ces politiques économiques attachées à tel ou tel homme d'Etat, il s'agit du Syndicat des Communes et des Coopératives Rizicoles (V. Tome n. La Mairie de Belo étant dominée par la personnalité du Ministre de l'Education Nationale, qui n'agissant pas directement, les politiques économiques locales, était relativement peu impliqué dans les processus de différenciation sociale. Il était perçu et se présentait volontiers comme un traditionaliste. Son appartenance Misara-Vezo le plaçait au centre des légitimités locales nouvellement produites. Cependant, le déroulement du Fitampoha de 1968 et le résultat des élections, montraient qu'il n'était plus possible d'atténuer les clivages qui existaient dans la commune. Les stratégies étaient trop différentes, une partie des notables ruraux se trouvaient dans une opposition de fait et les luttes internes au P.5.0. n'étaient plus contrôlables. Enfin, ajoutons que la région de Belo était particulièrement sensible à la situation politique nationale du fait des échanges qui s'opéraient vers le Nord, le Sud et l'Est.

Dans ce contexte, il n'est évidemment pas possible d'évaluer le degré de démocratie atteint par la société au cours de cette consultation électorale. Le jeu électoral et le jeu social, tel que nous l'avons compris se fait sur un mode cooptatif. Si donc on connait le mode de fonctionnement ordinaire des rapports de parenté, on peut facilement anticiper ceux des candidats qui surgiront du scrutin. Bien plus le jeu de dédoublement et de division des rôles que nous avons vu fonctionner à Andranofotsy, diminue l'importance du pouvoir personnel au profit du contrôle de celui qui apparaît comme le représentant officiel et du lien a sa communauté d'appartenance. Ainsi, le Conseiller rural Tagaga était souten.u par le village malgré la position ambivalente qu'il adoptait en certaines circonstances à l'égard de la communauté de parents. Sa qualité Masy, interprète du Sikidy, son art de la parole lui servaient en de nombreuses circonstances. Il savait jouer selon les règles de la parenté et s'en émanciper. Il était également soutenu par l'Administration car, sachant gérer et régler les conflits sociaux locaux au lieu même où ils s'exprimaient, il n'y avait aucun risque de surenchère politique quand il intervenait dans une affaire de famille.

Il n'en était pas de même du conseiller d'Ankirondro d'origine Antaisaka­ Misara. Le conflit des Longo (alliés) Samoky et Misara (Misara-Antaisaka) avait pris un tour politique, et fondait la division du village entre P.5.0. et A.K.F.M. Lui-même était impliqué socialement dans ce conflit car il appartenait aux deux lignages par ses lignées paternelle et maternelle. L'évènement qui avait eu un impact politique local était une cérémonie Asa-Lolo (nettoyage de tombeau), .....J0'7. r 1 !!!!-!!ll!' '1'.I,",L,a••,••:." ', .. e. .II ..... U II" III ": ..... Ulll .. Il Il .U.II ... h.. .. r---:---T;;;;.;;-;;;;;;;j;:-;;;;e;:;T'~--" , ..... lt. ~:::'l:~'"..Il . ..;. ,u. le Ull." . r m II.h •• IU Ut' -=: .aIII11h' IIII1J t ,.uur.. uttaLli I.U' r 'I,H """ , "... Il.'' ' l'IU'U.'' *tl'II"."'···""1""' Il.,. lit "

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durant lequel les Longo du Conseiller s'étaient opposés entre eux. En conséquence, seuls les migrants (Antaisaka, Betsileo), avaient participé à cette cérémonie tandis que ses parents Samoky liés au PSD ne sont pas vel1us. Le mandat de ce représentant n'allait pas être renouvelé, nous fut-il dit, afin que les conflits des Longo n'interviennent pas dans la vie politique et économique locale et de peur que l'Akfm qui avait l'audience des migrants ne prenne de ce fait du terrain. Ce même conflit se répercutait dans les rapports intervillageois de la vallée du Manambolo à propos de la répartition des terres de culture et de pâture. Il y avait duplication des enjeux politiques' et économiques comme d'ailleurs dans le Fitampoha.

D'autres informations furent libérées concernant l'éventuelle réélection des maires de Tsimafana (frère de Tsimikora, Tsitompa d'Andranofotsy), le maire d' et Serinam. Le premier ne serait pas admis à se présenter à l'élection. Et notre informateur, chef de quartier de Belo d'origine Ndrenatelo et Mpibaby, quant à lui, il gardait toutes ses chances comme informateur privilégié de l'administration pour tout évènement susceptible d'affecter la vie locale: arrivée d'étrangers•••

Quant aux stratégies électorales, elles étaient simples et orientées en vue de susciter le plus de candidature possible: 110 candidats pour 16 postes, tous de la formation PSD. Le secrétaire fédéral qui éta~t notre voisin à Belo avait une activité intense et recevait chaque jour les candidatures. Il était lui-même candidat au poste d'adjoint au Maire. Le maire qui fut élu était Misara de Kekarivo, à cette élection, avait participé le conseiller rural d'Andranofotsy. Ainsi se clôturait le Fitampoha qui avait vu triompher les défenseurs de Felice plutôt que de Lag, et confirmait l'exclusion des représentants Makoa­ Antankarana dont le personnage influent était Mahakasa. Les alliances politiques n'étaient cependant pas fondamentalement changées, l'on avait surtout assisté à une redistribution des rôles, le monde urbain accusait ses différenciations tandis qu'une partie de plus en plus importante du monde rural se retranchait "sur ses terres" tout en assurant les conditions de transformations économiques et sociales réelles, que nous avons décrites dans le Tome 1. IV - VOYAGE DANS LA VALLEE DU MANAMBOLO - TROISIEME MISSION - 211 -

IV - VOYAGE DANS LA VALLEE DU MANAMBOLO - TROISIEME MISSION

Ce voyage au Nord (Cf. cartes nO 8-9 hors texte), dans la région. du Manambolo, s'est déroulé du 7 au 15 septembre 1969. L'idée de cette enquête et son itinéraire furent élaborés avec le chef de lignage Malaitsy du lignage Tsitompa, gardien du Togny et du culte d'Antragnovato du village d Andranofotsy ainsi qu'avec Batozy, chef de lignage Tsimangataky chez qui nous étions logés, et qui, ancien résident du village d'Aboalimena, était originaire du Nord.

Motivations et signtlications de ce voyage

Pour les villageois d'Andranofotsy, monter vers le Nord était une démarche normale pour qui voudrait approfondir l'histoire locale et celle des lignages. Mettant en avant cette motivation, nous voulions également faire apparaître les relations qu'auraient pu établir ceux des villageois qui avaient des alliés au Nord: Sakoambe, Hirijy, Andralefy, Marotsiraty, Andrasily, Marolahy, Misara, et Vazimba. Ces relations n'étaient que potentielles, car tous n'utilisaient pas ces médiations assurément utiles à ceux qui voudraient obtenir des pâturages pour les troupeaux de boeufs d'accumulation. Il devenait pourtant urgent pour certains villageois de trouver une solution au problème de l'insuffisance des pâturages qui existaient sur place. A l'époque de l'enquête en effet, les villageois se plaignaient d'une progressive main-mise par les fonctionnaires locaux sur les terres libres avoisinant les tombeaux de Besely, lieu de pâture du village. De plus, la récente mise en valeur rizicole du Delta avait eu pour conséquence d'interdire la libre circulation des boeufs au voisinage du village et leur approvisionnement en eau en saison sèche. Le recours à la transhumance était la seule issue aux conflits entre agriculture et élevage.

Pour notre médiateur Tsimangataky, l'une des motivations qui guidait sa démarche, était de s'assurer une position privilégiée par la référence à-son origine noble et de redresser quelque peu sa situation de cadet, lui qui résidait là où était sa femme et n'y avait pas de Hazomanga en propre. D'autre part, dans son village d'origine d'Aboalimena, en nous mettant en communication avec ses parents et ses alliés, il retrouvait aussi au moins pour un temps une situation favorable et pouvait renouer ses relations sans entrer en conflit avec son aîné.

Différenciation des rôles dans le cadre de l'étude

Notre médiateur Batozy a toujours gardé le rôle qui lui était assigné en tant que parent et qui le différenciait de l'Assistant et du Chercheur. A aucun moment, il n'est intervenu dans les discussions. Au début des entretiens, il présentait les nouveaux arrivants et donnait le sens de nos enquêtes. A la fin, il agissait comme le redistributeur des relations, en offrant de manière ritualiséeles cadeaux qui les symbolisaient. Ces cadeaux, argent, cigarettes, café, sucre, ou alcool avaient une fonction bien précise dans les rapports qui s'étaient institués au travers des entretiens. C'est ainsi que l'alcool servait en général aux invocations adressées aux ancêtres pour que toute prise de parole où ils seraient évoqués se fasse sous leur contrôle strict. C'est également le médiateur qui suggérait l'importance et la nature des cadeaux qui seraient offerts et qui étaient inégalement répartis en fonction du statut social de celui qui allait être interviewé. . - 212 -

Quant aux rôles respectifs de l'Assistant et du Chercheur, ils ne furent jamais confondus. Le Chercheur n'est jamais intervenu sur le vif. Les entretiens étaient préparés à l'avance. En cours d'enquête, les relations qui unissaient l'Assistant et le Médiateur étaient volontiers exprimées, alors que le Chercheur étranger qui représentait la condition d'une mise en communication n'en était aucunement le sujet et vivait fréquemment une situation de marginalité. Evènements et discussions se déroulaient sur un rythme trop rapide et de plus, il n'y avait guère d'instants où les discussions puissent être reprises en privé. Même dans la case qui nous fut assignée, nous recevions des visites et une présence constante se manifestait, en particulier celle des fem mes et des enfants du village. Nous avons véritablement travaillé "sous contrôle".

De fait, les contrôles sociaux étaient nombreux et diversifiés. Celui de notre Médiateur, tout d'abord soucieux de ce que tout se passe bien, notre garant au regard de ses parents et alliés vis-à-vis desquels il était le seul véritablement impliqué. Celui du village, que nous avons noté ci-dessus. Celui, enfin de l'Administration, manifesté par une visite à domicile et par la convocation de l'Assistant au poste de gendarmerie d'Aboalimena.

Un mode de déplacement adapté : la charette à boeufs

Le mode de transport que nous avons choisi pour ce périple est celui que les gens utilisent ordinairement dans leurs déplacements, la charette à boeufs. Deux boeufs de trait furent loués pour une somme de 5 000 fmg auprès de notre médiateur et la charette fut empruntée par lui à des alliés. Il est intéressant de noter que ce coOt de location était peu cher et qu'il correspondait au tarif pratiqué par les villageois entre eux. Le voyage, fait par les pistes à boeufs de l'intérieur, représentait environ 80 km aller et retour, et présentait les contraintes spécifiques à ce mode de locomotion. Il faut savoir que les boeufs arrivent à destination fort amaigris, et que le souci majeur en cours de route est de ne pas surcharger les boeufs, en sorte que nous avons marché à pied à tour de rôle pour ménager les bêtes. A l'arrivée à chaque étape, la première chose est de faire pâturer les boeufs pour qu'ils reprennent des forces.

IV-l Première étape: Andranofotsy-Andramasay

Partis d'Andranofotsy vers 15 heures, nous suivons la piste à boeufs qui traverse la forêt au nord du village jusqu'à Andramasay (Cf. cartes nO 5 hors texte), village situé quasiment en bord de mer. Il faut noter que les anciennes cartes militaires du début de la colonisation indiquent que le village d'Andranofotsy était situé au lieu où se trouve actuellement le village d'Andramasay. En réalité, ces deux villages sont liés historiquement, leur séparation est récente et leur relation de complémentarité vis-à-vis de l'élevage n'a rien d'étonnant. L'un et l'autre appartiennent au même tombeau de Besely. Nous traversons la zone de brûlis forestiers, où les villageois pratiquent les cultures sèches (maTs, manioC>, dont nous complétons la carte en chemin (Cf. carte nO 4 hors texte). Du côté Ouest, les terres sont la propriété du village d'Andranofotsy. A l'Est, les terres appartiennent aux migrants d'origine Antandroy qui résident au campement d'Anjamalandy (Ankatsaka) (1). A

(l) Cf. Cartes hors texte. - 213 -

l'extrème nord, se trouvent les tombeaux du village, ceux de Besely à la limite des zones de brûlis forestiers. Cette division Est-Ouest des terres libres en terres appartenant au village d'Andranofotsy et terres attribuées aux migrants Antandroy avait été faite par l'Administration. Toutefois, le village originaire Andranofotsy conserve un droit d'usage pour les pâturages et l'exploitation du bois sur le territoire des migrants. . A notre arrivée à Andramasay, nous rencontrons les descendants du lignage Tsitompa d'Andranofotsy. Bien que le contact ait été facilité par le fait que le Chef de Village connaissait notre enquête, il était présent à la cérémonie de circoncision des Andralefy, les relations immédiates sont empreintes d'une certaine réserve. Cependant, la case qui nous est octroyée montre que l'on nous accueille comme des invités de marque. Les entretiens que nous aurons témoignent surtout d'une limite qui est fixée à la connaissance que nous pouvons avoir de leurs ancêtres••• Le meilleur sera obtenu à la veillée en présence des deux chefs de lignage résidant à Andramasay. D'entrée de jeu, ils nous ont révélé les relations particulières de Ziva qui les unissent ''Trano-Raiky, Hanina-Raiky" (une même maison, un même repas), marquant ainsi leur union et leur indissociation.

A l'issue de cette étape, nous mettons au point un code de relations pour le moment de l'accueil, si important pour la prise de contact. Nous obtenons pour la veillée un entretien en présence des parents et alliés et pour le lendemain, une visite du territoire villageois enregistrée.

IV-l-l Texte n033 - Entretien avec les chefs de lignage Vazimba et Marotsiraty du village d'Andramasay (Veillée du 07-œ -19 69) A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Notre arrivée au soir de la première étape de cette enquête régionale n'a pas été une surprise pour les deux principaux chefs de lignage résidant à Andramasay. En effet, au cours de la pré-enquête, un premier entretien avait eu lieu avant l'arrivée du chercheur étranger avec le Chef de Village, Gaston d'origine paternelle Marotsiraty et maternelle Antavela (1), (Cf. Texte n021 p.98).

Ces entretiens sont riches en informations, malgré la limite que respectaient nos interlocuteurs à la révélation de faits qui ne peuvent en aucun cas être communiqués dans un tel cadre. Quand le secret empêchait l'informateur d'aller plus loin, ou quand il ne s'autorisait pas à parler des Raza (ancêtres) des autres, il l'indiquait tout simplement. L'entretien, recueilli à la veillée, porte essentiellement sur l'origine des lignages Marotsiraty et Antavela du chef de village et d'autre part, sur les différentes sortes de Vazimba. Notons, au sujet du chef de village, qu'à un moment donné, l'Assistant a un peu forcé la confidence en l'entraînant sur le terrain de ses ascendants matrilinéaires et que,

(0 Le père de notre informateur Havana, épousa la veuve du roi Toera. Cf. photo prise lors du Fitampoha 1904. In les Souverains de Madagascar, Karthala, 1983. - 214 -

c'est là que sa réticence s'est faite la plus grande. Pourtant, au cours de l'entretien, à la suite de questions portant sur le travail du bois et la sculpture, l'histoire mythique de ses ancêtres Antavela originaires du Nord est présentée comme la levée d'un secret. Il a été clairement indiqué dans ce texte que le village d'Andramasay est la zône de pâturage des boeufs d'accumulation d'une partie des gens d'Andranofotsy, plus précisément ceux qui sont liés par certains rapports d'alliance qui doivent se traduire dans des marques d'oreilles de boeufs: Misara, Andrasily, Marotsiraty, Tsitompa et Sakoambe-Tsimangiriky. Economiquement lié, ce village s'est également présenté comme historiquement uni. Le culte qui fonde la territorialité d'Andranofotsy était auparavant un culte situé à Andramasay et conservé par les Miavotrarivo, réactualisé par l'héritier "charismatique" du Masy-Miavotrarivo décédé depuis: Malaitsy, vraisemblabement initié, est devenu le gardien du même culte au lieu dit Antragnovato, lieu de refuge résidence des esprits Koko et Tsiny, liés à l'ordre de la nature, gardiens du territoire et de ses habitants.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évogués

Le texte concerne principalement l'origine sociale de nos informateurs, Gaston, Marotsiraty-Antave1a, et Firesa, Vazimba. A ce sujet, ont été évoquées certaines séquences de l'histoire mythique de ces groupes, relatant l'origine première perdue et méconnue des Marotsiraty, ou la disparition quasi complète du groupe à une période non datable comme pour les Antave1a, ou encore la lutte systématique des Ambaniandro contre les Vazimba qui, ne voulant pas se soumettre à 'l'autorité Merina, ont migré vers l'Ouest.

En retraçant ces évènements avec beaucoup d'imprécisions, ou au contraire, avec beaucoup trop de précisions quant aux lieux et dates où ils sont censés se passer, c'est à la mise en place de véritables théories sociales politiques que nous assistons. Elles consistent à indiquer les liens durables qui se sont noués en ces occasions entre groupes lignagers, le Ziva, expliquant leur unité actuelle, le culte de référence qui tourne autour de l'eau et précise leurs interdits communs. Leurs tombeaux sont ceux de Bese1y, les mêmes que ceux d'une partie des villageois d'Andranofotsy, les Tompon-Tany (créateurs du village), propriétaires du Togny (talisman) dont le culte est complété par le culte d'Antragnovato qui gère ces interdits communs.

Lorsque fut évoquée la relation des Marotsiraty avec les rois Maroserana, notre informateur a précisé avec quelque amertume que la méconnaissance de leur identité première a changé leur statut. Devenus patrilinéaires et exogames, ils ont été obligés à se segmenter après avoir été unis, alors qu'ils sont d'origines très diverses. Ce qui fait que leur unité actuelle est leur activité d'élevage. La structure du texte montre bien que c'est l'élevage qui lie leur double appartenance matrilinéaire et patrilinéaire et que cette activité fondée sur le système Longo a permis cette synthèse et cela en dépit des conflits. Avant d'aborder le thème de l'identité matrilignagère, suit tout un développement sur l'économie d'élevage et le rapport Tompon-Tany, Zana-Tany. Relevons dans ce texte une définition, sans doute la plus précise que nous ayions eue de la notion de Zana-Tany : "ceux qui résident là où est enterré leur Tavony" (le placenta de leur mère). Il y a dans cette explication une matrilocalité évidente depuis la fixation des groupes locaux dans des villages permanents. - 215 -

C- Eléments d'information retenus

- Nous présenterons en montage thématique les traditions orales présentes dans ce texte qui concernent l'origine des groupes Marotsiraty, Antavela, et du groupe Vazimba dont les marques d'oreille de boeufs sont Baratany et qui sont Longo du Vazimba-Tsimahalilo (résidant à Andimaky et ancien Mpitoka du Fitampoha de 1968).

- Nous retiendrons également les informations concernant le système social et économique de l'élevage.

- L'entretien s'est terminé par une demande d'aide adressée à l'Administration pour un poste de gendarmerie et une école. Ce qui remettait les choses dans l'ordre des rapports supposés quant à l'initiative de l'enquête••• rappel parfois utile comme nous avons eu l'occasion de le développer.

IV-1-2 Visite du territoire villageois d'Andramasasaavec le Chef de Village et le Mpitoka du lignage Vazim (08-09 -19 69 )

Nos informateurs sont ceux qui nous ont accueilli au village et ils nous ont accompagné de bon matin pour nous faire visiter le territoire villageois. Une telle visite était intéressante à plusieurs titres. Tout d'abord, elle nous obligeait à changer totalement de perspective, de partir de leur cadre de vie concret et actuel, et non plus d'une formation sociale décrite en termes d'identité lignagère. D'autre part, elle nous amenait à prolonger les discussions que nous avions eues la veille au soir, en passant par les haut-lieux du village, ceux où étaient célébrés les cultes de possession, ceux où avaient lieu les circoncisions. Nous n'avons cependant pas revu à cette occasion les tombeaux de Besely, communs à Andramasay et à Andranofotsy.

Situé en lisière de forêt, le territoire d'Andramasay débouche sur une large étendue de sable, recouverte à marée haute et qui isole alors le village. On comprend de ce fait l'importance du système de communications intervillageois. Si Andramasay paraîssait être au bout du monde, nous pouvions observer qu'il était loin d'être replié sur lui-même: plusieurs visiteurs sont arrivés pendant notre séjour, venant d'Aboalimena ou de Moravagno, villages que nous devions visiter par la suite. Le village d'Andramasay est constamment relié aux villages bordant le lac Bemarivo au moment de la récolte du riz et les activités d'échange sont intenses sur les lieux de production. La communication par mer est loin d'être négligeable: le cabotage occupe une place importante dans les relations Nord-Sud, il évite les ruptures de charge fréquentes dans le Delta.

Sur le relief généralement plat, on est frappé par les dénivellations qui distinguent les zones inondables à marée haute et les terres émergées en permanence. Sur les dunes de sable, on trouve les puits artésiens qui assurent l'approvisionnement en eau de la population et surtout des boeufs. Nous nous sommes arrêté devant le puits où puisaient les villageois et ceux qui étaient réservés aux boeufs, et il était intéressant de noter que seul le puits servant d'abreuvoir faisait l'objet d'une organisation collective. Cette organisation jouait pour le creusement du puits, qui était en quelque sorte approprié collectivement: seuls pouvaient y abreuver leurs boeufs, ceux qui disposaient d'un parc à boeufs et étaient admis à faire pâturer les boeufs sur le territoire du village. - 216 -

La visite aux Hazomanga (pieu de circoncision) du village fut l'occasion de préciser, com me à Andranofotsy, la rè&.le qui veut que les Hazomanga soient plantés au pied d'un Kily, par opposition a la coutume de les planter à l'Est de la case du Mpitoka. Pour les Marotsiraty, les Hazomanga sont plantés au pied d'un Kily, car ceux qui partagent la même ombre partagent les mêmes ancêtres. Cette évocation permettait de rappeler l'unité sociale historique d'Andramasay et d'Andranofotsy, en tout cas des groupes lignagers qui sont à l'origine de la création du village Miavotrarivo, Tsitompa, Marotsiraty, Misara, Vazimba.

En ce qui concerne l'élevage, nous avons obtenu des précisions nouvelles qui montraient à l'évidence que l'activité d'élevage et l'organisation sociale Longo vont de pair. Le système Longo est le paramètre social déterminant de l'accumulation, de la succession, et de l'échange malgré l'organisation des marchés officiels.

) Enfin au retour, une discussion s'est engagée sur les différentes formes de Tromba, et sur le Togny (Talisman de la création du village). Ces éléments d'information, ainsi que ceux concernant l'ombre du Kily seront repris en montage thématique (V. Tome III, p. 88 et suivantes).

IV -2 Deuxième étape: Andramasay-Moravagno (08 et 09 -09 -1969 )

Nous quittons Andramasay vers Ill- heures pour arriver au moment de la marée basse à Moralihy, bras de mer ql,le l'on peut traverser à gué une fois que la mer s'est retirée. Cette rivière marque la limite nord du village d'Andramasay. C'est alors que nous mesurons concrètement l'importance des ruptures de charge dans les communications Nord-Sud hors des pistes carrossables. Nous longeons la côte sur 2 km après la rivière Moralihy pour retrouver une piste en direction de l'Est. Le point de repère de la déviation est un grand arbre. La piste elle-même suit une sorte de banc de sable qui s'appelle Antakabo. Elle franchit alors une sorte de marécage asséché en saison des pluies. Cette zone, dénommée Andranobareko est aussi la zone de pâturage des boeufs de Moravagno, où nous arrivons vers 22 heures.

La case qui nous est assignée n'est pas occupée par ses propriétaires qui sont absents en ce moment. A notre retour, nous bénéficierons d'une belle case et d'un acceuil fort différent: c'est symboliquement la preuve qu'au départ, il y avait méfiance et que peu à peu nous avons acquis la confiance du chef de lignage Hirijy, notre principal informateur, et le créateur du village où il a accueilli les immigrants Koroa. Le village est formé de Sakalava et de migrants Koroa. Ceux-ci résident dans la partie Sud et Est du village et occupent encore quelques cases à l'ouest. Le village comprend environ 90 cases habitables pour 50 personnes imposables. Il est bâti sur un terrain plat bordé à l'Ouest par les terres de brûlis où les villageois cultivent mais et manioc e~ saison des pluies. La zone rizicole se trouve à l'Ouest du village, tandis qu'à l'Est et au Nord, s'étendent de vastes forêts. - 217 -

Le nom du village, Moravagno, si~nifie un lieu ou la reproduction est facile, annonçant un terrain fertile, propice a la culture et à l'élevage. Lors de leur arrivée, les migrants ont demandé aux Tompon-Tany (originaires) Hirijy, de leur donner des terres à cultiver. Leur entente avec les Sakalava est bonne, ce dont témoigne la manière dont ils choisissent entre eux le Chef de Village qui alternativement est un migrant Koroa et un Sakalava-Hirijy. Les migrants cultivent le riz en métayage sur le lac Bemarivo en septembre. Tous les deux ans environ, ils retournent à Vangaindrano leur pays d'origine, où ils ramènent les boeufs qu'ils ont accumulés dans l'intervalle. Ils se marient de préférence entre eux, mais il arrive parfois que des hommes Antaisaka (Koroa) épousent des fem mes Sakalava.

Quant aux Hirijy, c'est leur Mpitoka (chef de lignage) qui sera avec le Masy-Mikea d'Aboalimena notre meilleur guide et informateur durant cette enquête dans le Nord. Autrefois, ses parents résidaient à Ankirijy, village d'origine des Hirijy, puis ils se sont déplacés à Amboka pour y élever des boeufs. L'ancien village où ils vécurent est situé à peu près à 2,5 km à l'Ouest du village actuel. Nous avons visité cet endroit, accompagné du Chef de Village Koroa, cousin du Mpitoka-Hirijy. Nous y avons trouvé les vestiges d'une importante activité d'élevage et notamment un ancien parc à boeufs capable de contenir plus de mille têtes de boeufs. Bâti sur une hauteur au Sud de l'ancienne résidence des Hirijy, ce parc imposant, était entouré d'une clôture, et devant son entrée s'élevaient deux Kily, arbres plus que centenaires. Nulle part ailleurs nous n'avons mieux retrouvé le témoignage de l'ancienne organisation centralisée de l'élevage. Ce parc ne contenait plus qu'environ cent boeufs, ce qui constitue la limite supérieure du nombre de têtes accumulé par les segments de lignage les plus riches, et qui correspond à la segmentation sociale et économique des groupes locaux. De plus, la plupart des éleveurs sont devenus agriculteurs ou plutôt riziculteurs, manière la plus efficace pour assurer l'indépendance de la production des boeufs. La zone de culture rizicole, qui ne se pratique qu'en saison des pluies, se trouve non loin de la zone de pâture.

La structuration du territoire (Cf. carte n° 4 hors texte) villageois de Moravagno évoque celle d'Andranofotsy et on y retrouve les mêmes activités complémentaires. L'intégration des différentes productions est rendue obligatoire par des conditions de vie de plus en plus rudes. L'extension de l'activité rizicole, moyen pour les groupes locaux de développer l'élevage, est devenue une nécessité pour ne pas vendre les boeufs durant la période de soudure. Nous retrouverons ce phénomène à Aboalimena et de manière générale, l'intégration de la riziculture et l'élevage est un aspect déterminant des nouvelles conditions de production et d'échange dans la région. Au fur et à mesure que nous avons progressé vers les villages voisins, nous avons mieux perçu les relations de production et d'échange, et l'intégration des rapports économiques et des rapports sociaux manifestés dans les cultes locaux et les cérémonies liées à la vie quotidienne. Nous avons pu analyser systématiquement ces cérémonies et ces cultes largement évoqués lors de nos entretiens. Notons encore à propos de Moravagno que c'est dans ce village que persiste une forme particulière de production, le Mamahoaka (l'entraide) qui a disparu à Andranofotsy. - 218 -

Les entretiens relatifs à Moravagno se rapportent à deux thèmes distincts. La description du terroir villageois, dont nous avons fait la visite ave le Chef de Village migrant Koroa, a fait l'objet d'un enregistrement mais la transcription de ces commentaires n'a pas été faite. C'est pourquoi nous avons résumé ci-dessus les éléments d'informations retenus, à l'aide de nos notes de terrain. Les autres entretiens étaient centrés sur l'Histoire et notre informateur était 'le chef de lignage Hirijy-Tihenjagny. Le premier s'est déroulé en présence du chercheur étranger, le second en son absence. Ces entretiens ont été intégrés aux textes relatifs au Fitampoha. Ils seront repris en présentation thématique, compte tenu de leur importance, tant pour leur contenu informatif que du point de vue de la progression de l'enquête elle-même.

IV -3 Troisième étape: Moravagno-Aboalimena et séjour à Aboalimena

Nous partons vers quinze heures de Moravagno et nous nous acheminons à nouveau vers le Nord. En cours de route, nous rencontrons un habitant du village de Soahazo, d'origine Vezo. Nous traversons la forêt de Soahazo qui est particulièrement belle à cette saison parce qu'elle est traversée par une petite rivière, alors qu'elle est totalement inondée en saison des pluies. Nous débouchons assez brusquement sur le Plateau d'Ankilida~ Le paysage change totalement, car il n'y pousse pratiquement que des Hahidambo et des arbustes rabougris. Nous croisons la route carrossable venant de Belo, puis nous traversons l'étendue dénudée de Sirasira, où aucune plante ne pousse et que l'eau recouvre aux fortes marées. Nous atteignons un petit îlot dénommé Anosiny-Vanindry, du nom d'un Sakalava qui trouva la mort à Ankirijy et qui n'ayant pas de Longo, fut enterré sur cet îlot au pied d'un baobab Zaha. Nous n'avons pas approfondi cette histoire, trop préoccupés sans doute d'arriver. Nous trouvons à 500 m de là deux Kily renversés et c'est l'endroit où les gens d'Ankirijy se baignent en saison des pluies. Là commence le village d'Ankirijy, où nous ne nous arrêtons pas car il est désert en cette saison: tous les habitants résident sur un campement à proximité de leurs terres de culture, à Besihanaka sur la rive sud du Manambolo. Ankirijy ne compte que dix-huit cases, dont plus de la moitié sont abandonnées. Plus tard, nous prendrons contact avec ses chefs de lignages Maromany et Homankazo sur les terres qu'ils cultivent. Le village d'Ankirijy connut son heure de gloire, au temps de Radama, où il tint en échec le corps expéditionnaire envoyé au Menabe: on rapporte qu'à Ankirijy se trouvait un puits (Hirijy = puits) qui fut empoisonné sur les indications d'un Masy-Sakalava, et qui causa la mort des soldats de Radama. Au Nord de ce village, se trouvent les parcs à boeufs, au lieu-dit Ankilioly, et la limite nord du village est Antalianihy. Nous traverspns à nouveau une forêt, celle d'Agnalamay, et arrivons vers 18 heures à Aboalimena.

Nous avons prévu de rayonner à partir de ce village et l'accueil que nous y recevrons est important pour la réussite de notre enquête. Notre médiateur est en fait acceueilli par ses parents et Longo (alliés) auxquels il nous présente. Le Chef de Village d'origine Mikea étant absent, c'est son frère cadet qui nous reçoit. Il habite une case située sur la partie Est du village, bien construite et d'un style particulier, avec un Lavaranga en ''Volo'' tresse. Il nous attribue une case au Nord de la sienne, très belle et nouvellement construite. Nous nous y installons, tandis que notre médiateur va rendre visite à ses parents et nous recevons la visite de plusieurs personnes à notre case. Les premières sont un - 219 -

Tsimangataky, Longo de notre médiateur Batozy, puis un Mikea. Au cours de la discussion, apparaissent les principaux caractères du village d'Aboalimena: les principaux lignages sont les Mikea, les Misara et les Tsimangataky qui occupent des quartiers différents. Le village est divisé en deux unités de résidence, Aboalimena Nord où résident les Mikea-Misara et Aboalimena Sud dont la partie Nord et Est est occupée par les Mikea et la partie Ouest est occupée par les Tsimangataky. Entre ces deux unités, d'ailleurs assez distantes l'une de l'autre, se trouvent les bâtiments administratifs, hôpital et gendarmerie. L'installation toute récente de ce poste de gendarmerie a renforcé de vives tensions qui existent entre lignages: tous sont apparentés, mais certains ont opté pour le métayage dans la concession Karana (indienne) qui se trouve non loin, et d'autres l'ont refusé, accusant des différenciations économiques, le métayage ayant permis aux segments de lignage qui l'ont choisi de s'enrichir.

Le lendemain matin, nous recevons la visite d'un habitant du village d'Andranofotsy, qui repart le jour même puis peu après, celle de l'adjoint du chef de la brigade de gendarmerie qui vient pour faire son enquête administrative et établir le rapport sur notre passage. Pendant ce temps, notre médiateur est allé visiter ses Longo, (parents au sens large), pour leur demander de nous recevoir. Notre premier entretien se fera avec ses parents directs. Nous n'en ferons qu'un résumé car la bande d'enregistrement effectuée a été perdue. Pièce maîtresse de nore stratégie d'insertion sociale dans le Nord, il avait fait l'objet de notes détaillées, portant sur les principaux éléments d'information, et sur les conditions dans lesquelles il s'était déroulé. Au demeurant, il fut fort codifié. Notons que la ritualisation du comportement des gens au cours de ces entretiens a été très utile à la compréhension de ce qui se jouait à travers cette enquête, mais aussi à la diffusion et à la socialisation ex-ante de notre projet. Ainsi, malgré un contexte de conflit toujours prêt à éclater, étant donné les tensions, nous pouvons dire avoir été bien toléré durant les quelques jours où nous sommes restés au village. Nous savions en partant que nous pourrions revenir plus tard à Aboalimena pour approfondir certains points et nous l'avons laissé entendre en partant. Ce fut effectivement le cas et il n'y eut pas d'obstacle majeur.

Au retour à notre case après notre premier entretien avec les représentants du lignage Tsimangataky, le chef de village Mikea nous rend visite et nous apporte en cadeau de bienvenue un poulet et du riz blanc. Cette visite se déroule en présence d'un gendarme qui s'est trouvé pris dans un type de rapports qui l'a empêché de jouer son rôle administratif et d'exercer son contrôle: il se situe lui-même comme originaire du Sud-Ouest, au Fier~na. Ainsi, pris dans les rapports de parenté, il devient difficile pour un agent administratif de faire valoir des rapports d'un ordre différent, quand la réference politique fait défaut, faute d'une idéologie qui prenne en compte ces rapports de parenté. De plus, le cadeau qui nous est offert par le groupe Mikea est totalement symbolique, il signifie le Fihavanana, le FJ.1ongoa. Par ce geste, nous sommes adopté par le village et en même temps, agissons comme protecteur du village vis-à-vis de l'Administration. Tant que nous serons présent, il ne peut y avoir de pression véritable et les villageois le savent. Lorsque le représentant de la gendarmerie est parti, la discussion qui a suivi va dans le sens des rapports ainsi engagés. Le chef de lignage Mikea parle de son origine, de ces Mikea qui avaient pour fonction de récolter le miel du temps des rois Maroserana. A ce titre, ils ne sont pas nobles, mais serviteurs du roi, qui les "appelait" quand il avait besoin d'eux, d'où leur nom (de "héler"). Victimes autrefois du système Mpagnito, ils cherchent - 220 -

dans le système Fanjakana de la nouvelle Administration à établir des relations plus favorables et à obtenir la reconnaissance de leur nouveau statut. Dès lors, il nous paraît possible de demander un entretien au Mikea, qui aura lieu dans l'après-midi à Aboalimena-Nord.

Entretien avec les représentants du lignage Tsimangataky 01-09-1969)

Nous avons été reçu le matin dans la case du Mpitoka-Tsimangataky, frère aîné de notre médiateur Batozy, et Mpibaby du Dady lors du Fitampoha de 1968, que nous connaissions et avec lequel nous nous étions entretenu à cette occasion l'année précédente. L'accueil qui nous fut réservé était très intimidant car nous étions d'emblée confronté à la communauté sociale de parents hiérarchisés, où chacun avait sa place définie en fonction des catégories cardinales, et où chaque intervenant était placé dans une situation de contrôle, constant pour toute parole prononcée. La place qui nous fut assignée était située au Nord-Ouest, et ce choix pour l'ensemble des étrangers au village n'était pas le fait du hasard et comportait des degrés: nous-mêmes, en qualité de Vazaha (étranger au pays) à l'extrême Ouest, notre assistant au milieu, et le médiateur au Nord-Ouest. Les trois personnages qui nous recevaient étaient tous assis à l'Est, étagés de l'extrême Est, où se trouvait le personnage le plus important et le médiateur direct par rapport aux ancêtres, qui n'a pratiquement pas pris la parole, au Nord­ Est où était le Mpitoka, celui qui a parlé et à répondu le plus fréquemment à nos questions; au milieu, se trouvait celui que l'on peut considérer comme le conseiller et qui complétait, contrôlait, voire même censurait ce qui était dit par le Mpitoka. Au Sud, se trouvaient les femmes et les enfants admis à assister à l'entretien. Au moment du partage de l'alcool utilisé rituellement pour l'invocation aux ancêtres, le premier servi fut le plus vieux, le personnage situé à l'exrème Est signe de sa prééminence, ensuite celui du milieu, le "conseiller", et en dernier notre interlocuteur direct et principal informateur.

Le fonctionnement de cette assemblée, apparent dans les prises de parole pourrait être le suivant: le centre d'action de la société, représenté par le Mpitoka est totalement séparé du centre de décision représente par le Masy à l'extrème Est. C'est ce dernier qui "déCide de ne pas décider", maniere particulière dont les Masy interviennent dans cette société qui les a toujours protégés de la perversion liée à des rapports trop directs avec l'extérieur et qui fait que leur pouvoir perdure dans la clandestinité. Cette clandestinité est d'ailleurs toute relative car elle n'est possible qu'une fois leur notoriété acquise. Dans le processus de légitimation de leur pouvoir, les rapports externes jouent au contraire un grand rôle et c'est la raison pour laquelle lors de nos enquêtes nous avons bénéficié de la révélation de certains secrets, cette transgression étant le point de départ de leur individualisation. Il n'est pas impossible que notre enquête aît eu quelque effet favorable au pouvoir du Masy-Mikea d'Aboalimena et à sa prise en considération par l'Administration puisque c'est lui qui dix ans plus tard, sera pris comme Masy du Fitampoha de 1978.

La place qui nous était assignée à l'Ouest était, nous en avons été immédiatement consciente, celle qui est réservée aux étrangers qui ne sont tolérés que parce qu'ils sont de passage. Nous avons senti assez vite le climat de tension qui régnait dans ce village et que notre présence risquait encore - 221 -

d'aggraver, sachant que l'étranger est presque immanquablement celui par lequel ordinairement, les différenciations s'accusent, et cela quelle que soit son attitude et son souci de neutralité. En effet, nous pensons, et notre expérience nous l'a prouvé, qu'il n'y a pas·de neutralité possible dans une enquête de ce type. C'est pourquoi, compte tenu du climat général, nous avons décidé avec l'Assistant qu'il fallait travailler vite, ne pas trop s'attarder et partir en ayant eu soi de socialiser l'objectif de l'enquête, laissant ainsi les gens rassurés et éventuellement désireux de nous revoir. Nous avons alors formé le projet de revenir un mois et demi plus tard; pour travailler selon un mode différent et d'un point de vue plus global et statistique, sans pour autant avoir recours au questionnaire.

Le contenu objectif de l'entretien comprend toutes sortes de thèmes sociaux et économiques, aborde les points d'histoire en partant de l'origine lignagère du groupe et en insistant sur le statut qu'il a occupé du temps de la royauté et sa situation actuelle. Une importance particulière est accordée aux transformations économiques de la région et à la redistribution des terres de pâture rendue nécessaire par la nouvelle mise en valeur rizicole des terres de décrue du Manambol0.

IV -3-1 Texte n034 - Entretien avec les Mikea-Fotsy à Aboalimena (10-09-1969)

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Cet entretien s'est déroulé en présence des trois chefs de lignage Mikea et des fem mes du village. Les trois chefs de lignage sont de père Misara et de mère Mikea, l'un d'entre eux étant de mère Maromany. Ces Mikea sont sédentarisés depuis longtemps, mais conservent une activité de cueillette dans la forêt, et la tradition de la collecte et de la préparation du miel.

A l'époque, nous avions jugé sévèrement cet entretien qui avait eu lieu dans un climat de suspicion, dO au fait que, nous intéressant à leur origine et explicitant leur fonction vis-à-vis des rois, nous leur rappelions leur dépendance ancienne et réactivions surtout le souvenir de l'exploitation qui avait été faite de ce genre de renseignements durant la colonisation. Cette crainte s'étant depuis reportée sur l'Administration envers laquelle ils étaient méfiants, compte tenu du contexte répressif qui entourait dans la région la collecte des impôts, et du mépris qu'affichaient certains fonctionnaires locaux pour des gens qu'ils considéraient comme des "sauvages" et des '''hommes des bois".

A la réflexion, et à la relecture du contenu de cet entretien, nous y avons trouvé des informations utiles. Il met en évidence résiduellement des relations entre cette activité principale de prédation, où le fait de territorialité s'inscrit dans l'espace lui-même, et le pouvoir des sédentarisés cultivateurs-éleveurs Sakalava, qui l'exploitaient, plaçant ce groupe dans une position stratégique pour les communications internes sur une longue distance. . - 222 -

Ce n'est que lors de notre second passage dans le Manambolo que le Masy­ Mikea d'Aboalimena nous accordera un entretien, qui montrera combien fondamentale est la médiation des Mikea dans les rapports qu'ont eu entre eux les différents groupes lignagers dans leur migration Nord-Sud et Est-Ouest.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évogués

Le-principal thème de cet entretien est l'économie centrée autour de l'activité de récolte du miel, très particulière et qui suppose une connaissance de la forêt, et de fréquents déplacements. Nos informateurs insistent sur ces déplacements à de longues distances. Leurs implantations successives sont des lieux-dits de forêt, et les déplacements dont ils nous parlent du temps du "Fanjakana-Ampagnito" (Administration du temps des rois) et depuis le règne de Toera et le pouvoir colonial qui les a contraints à se sédentariser, nous montrent commènt s'effectuaient probablement ces communications à longues distances dans un milieu souvent hostile pour qui ne connaît pas les ressources de la forêt. Ce système de communication est le système Longo, Fatidra et Ziva, et c'est très vraisemblablement à travers les Mikea que les autres groupes lignagers dans leurs segmentations successives ont organisé leurs rapports d'alliance au cours de leurs migrations. A cette fonction, s'ajoute celle d'accueillir des réfugiés "politiques" qui se sont récupérés en choisissant la clandestinité, et dont la survie est alors assurée par ceux qui connaissent la forêt. Si l'on ajoute leur connaissance de la pharmacopée et la pratique de la divination pour anticiper l'avenir dans l'attente d'un destin à nouveau favorable, on a tous les éléments qui pouvaient intervenir pour fonder la position sociale particulière de ces groupes Mikea. Leurs règles de parenté n'étant vraisemblablement pas les mêmes que celles des autres groupes lignagers, ils étaient sans doute peu soumis aux règles de patrilinéarité des groupes sédentarisés. Un flou "artistique" règne chez eux quand on aborde ces catégories, et ils parlent plus volontiers de Foko et Longo, caté~ories lignagères très larges et leur intervention dans le domaine des - representations vient certainement des alliances temporaires et des relations de service qu'ils ont eu de tout temps vis-à-vis des agriculteurs-éleveurs devenus sédentaires. Le miel est ainsi devenu et est resté l'élément clef dans le rituel des cérémonies qui marquent la vie des communautés.

Cependant, si ce· texte montre bien la complexité de l'activité de prédation, il montre en même temps que cette spécialisation des Mikea, encore notable dans le Manambolo, était en voie de disparition. En effet, chaque groupe li$nager tendait de plus en plus, en particulier à Andranofotsy, à assurer la recolte et la préparation du miel nécessaire aux cérémonies. La conséquence des alliances multiples conclues par les Mikea était en effet de pouvoir trouver dans beaucoup de groupes des gens qui aient acquis la connaissance de la forêt.

C- Eléments d'informations retenus

- Description de l'économie du miel, qui sera reprise Tome III p.66 où l'on établira sa relation avec l'activité d'élevage, considérée elle-même comme une prédation, avec l'aspect particulier de l'élevage de boeufs sauvages' ou redevenus sauvages. - 223 -

- Eléments concernant le mode de communication à longue distance, notion de territorialité entendue comme le contrôle des espaces dits "libres" par les communautés de résidence dont ils sont les "résidents". Ils s'intégreront aux informations issues de l'entretien avec le Masy-Mikea d'Aboalimena (V. Texte n060 p. ) qui présente une synthèse de tous les aspects de l'intégration sociale politique et économique particulière à ce groupe.

IV-4 - Visite aux campements près des lieux de production Besihanaka

Les journées suivantes sont consacrées à des entretiens avec les habitants du village d'Aboalimena, sur les campements temporaires qu'ils habitent à cette saison, a proximité des rizières de décrue. A l'époque de la récolte, la même activité regne sur la rive du Manambolo que sur les bords du lac Bemarivo, les mêmes campements temporaires y sont installés, bâtis sur pilotis, ils permettent à tous les membres du lignage de s'installer tout le temps que dure la récolte. Nous rencontrons également les chefs de lignage résidant à Ankirijy, village que nous avons trouvé quasiment désert quand nous y sommes passé. Enfin, nous avons décidé également de nous rendre sur la rive Nord du Manambol~ à Bepilopilo, pour y rencontrer le chef de lignage Tsiarama à cause de sa grande connaissance de la région, et parce que les bons rapports qui existent avec le lignage Tsiman9ataky nous assurent d'être bien accueillis. Nous couvrons la distance qui separe Bepilopilo d'Aboalimena à pied et passons devant les tombeaux d'Aboalimena, grands tombeaux de pierre impressionnants, où nous ne nous arrêtons pas, car on ne visite pas les tombeaux de n'importe quelle manière, à n'importe quel moment et sans être accompagné•••

Les entretiens obtenus sur le campement de Besihanaka ont été sans doute trop rapprochés et trop rapides, nous nous en sommes rendu compte plus tard. Certains d'entre eux furent difficiles et menés dans un climat de tension, tels par exemple l'entretien avec les Maromany-Homakazo (V. Textes n° 35-36, p. 221) et les Misara (V. Texte n° 37, p. 227) •

Nous avons pu, à partir de la carte tracer les limites des campements et leur répartition dans l'espace (Cf. carte n° 8 hors texte). Ce qui domine, c'est une impression d'espace, il n'y a pas de problème de terre à proprement parler. La répartition des zones de production s'est faite par Fokoany, et l'on saisit bien ici le mode d'organisation de la production du riz. Si l'on veut comprendre quelque chose aux modes de production locaux, il faut prendre pour référence le Hazomanga dans sa relation au tombeau. C'est lui qui désigne le successeur légitime de l'unité lignagère passée, détenteur du Hazomanga, et parmi les descendants celui qui lui succèdera. Si les se$ments de lignage gardent une relative autonomie dans l'aménagement des differentes formes de production, et des différents modes d'accumulation, l'accumation finale reste gérée par le seul détenteur du Hazomanga. - 224 -

IV-4-2 Texte n035 - Entretien avec le chef de lignage Homankazo du village d'Ankirijy aux Baiboho de Besihanaka 00-09-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur Notre informateur appartient à l'un des groupes lignagers co­ fondateurs du village d'Ankirijy, il est allié aux Maromany de ce village, ainsi qu'aux Mikea et aux Hirijy. Evoquant son origine lignagère du Sud, il nous rapporte une tradition fort ancienne de son groupe qui les a fait spécialistes du travail du bois. Curieusement, cette même tradition nous avait été à plusieurs reprises racontée en d'autres circonstances comme se rapportant historiquement à Ndremisara. Dans la région de Belo, cette tradition proposait une explication de la séparation des pouvoirs entre les deux frères Ndremisara et Ndremandresy : occupé a sculpter le bois, Ndremisara aurait préféré abandonner à son cadet les affaires politiques. Ainsi, le renversement des relations aînés-cadets dans le cadre de la succession dynastique était-il rapporté sans référence à un conflit ouvert, alors que pour certains ce conflit bien réel aurait eu pour épilogue le meurtre de Ndremisara par son cadet Ndremandresy. Spécialistes du travail du bois, les Homankazo le furent certes, et nous ne pouvons cependant pas aller plus loin dans l'interprétation de cette tradition, dans les limites que nous avions fixées à cette enquête régionale. Il n'est pas impossible que notre informateur nous aît rapporté cette tradition pour signifier symboliquement son appartenance à une branche cadette Maroserana-Mahafahy.

La situation d'enquête, au départ de ce second entretien sur le campement de Besihanaka après ceux d'Aboalimena, était celle d'une tension apparemment renforcée par un antagonisme avec l'assistant qui se serait développé a propos de l'histoire. De ce fait, les informations d'ordre historique sont tout à fait lapidaires ou procèdent par allusions. En sorte que nous som mes restés dans l'actuel et peu à peu le chef de lignage Homankazo, qui était par ailleurs aussi Chef de village d'Ankirijy, s'est détendu. L'entretien s'est terminé sur un enregistrement de la musique de Valiha jouée par le fils de notre informateur. Il nous a même été offert du poulet, en signe de la confiance qui s'est nouée au cours de l'entretien. Celle-ci n'est revenue que parce qu'il s'est cantonné à des questions d'organisation sociale et économique interne au village, et à la description sociale et économique de la nouvelle mise en valeur des terres au Sud du Manambolo sur les Baiboho de Besihanaka.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Le système social qui unit les habitants d'Ankirijy, village déserté en saison sèche tandis que ses habitants vivent sur le campement provisoire situé au milieu de leurs cultures et de leurs pâturages, est fondé sur l'alliance Ziva issue de Fatidra successifs. L'organisation des cultures, la répartition des terres et des tâches sont fondées sur ces rapports, et les relations de village à village s'inscrivent dans le système plus global des relations de Longo. Il s'agit en l'occurence des villages de Moravagno, Aboalimena et Ankirijy. Il n'y a pas de répartition privative des terres de pâture, et l'organisation des 'pâturages est avant tout collective. - 225 -

La construction des parcs à boeufs a été évoquée et les règles qui président à leur construction sont analogues à celles qui régissent l'organisation de l'habitat. La confection des Hazomanga demande différentes essences de bois selon le lignage. Les essences utilisées sont le Katrafay, le Kily et le Mangarahara. On peut noter au passage dans cet entretien, mais également dans celui que nous avons eu avec les Mikea (V. Texte nO 60 p. 256 ) l'im portance de la distinction des espèces végétales pour délimiter les zones de forêt. C'est vraisemblablement un élément important dans le contrale de l'espace, et la raison réelle de la différenciation symbolique des essences végétales dans la pharmacopée populaire, qui sont utilisées dans le traitement de certaines maladies indépendam ment des principes actifs qu'elles contiennent éventuellement.

Le texte aborde les différents modes de culture et modes d'exploitation, ainsi que les problèmes de la commercialisation des produits et des boeufs. Comme dans le texte qui suit, celui de l'entretien avec les Misara (V. Texte n037 p. 227) l'on peut noter une bonne appréciation de la valeur argent. Chez les Misara, elle sera poussée jusqu'à faire prévaloir l'évolution du pouvoir d'achat.

Quelques indications sont enfin données sur la relation Ziva des Homankazo et des Maromany, d'autres concernent l'invocation des ancêtres le Toka, où sont cités d'abord les ancêtres en ligne parternelle et ensuite les ancêtres en ligne maternelle. Sont évoquées les règles qui régissent les rapports des Fatidra entre eux, notamment l'interdit de courtiser la soeur de son Fatidra et la nécessité et l'obligation de pratiquer l'exogamie de clan. Tous ces thèmes ne sont qu'effleurés. On pressent leur importance dans les rapports présents, éventuellement par les conflits auxquels ils donnent lieu, mais la question n'est pas véritablement cernée. Il eut fallu un rapport de confiance plus complet, et de fait ce type d'analyse ne peut se faire qu'au cours des entretiens qui se déroulent en fin d'enquête••• - C- Eléments d'informations retenus

Ce texte ne fera pas l'objet d'une présentation thématique, et nous nous bornerons à en reprendre les divers contenus pour la partie de notre travail qui concerne les rapports institutions et économie (V. Tome 1), et dans la présentation de l'enquête régionale.

- Tradition d'origine Homankazo analogue à celle qui a fait Misara, Ndremisara complétée en commentaire par les traditions d'origine Homankazo du Nord (Cf. Tome III, p. 30).

IV-4-2 Texte n036 - Entretien avec le Mpitoka-Maromany,Firoroa et avec son frère cadet Fialofa, sur leur lieu de culture (11-03 -19 69)

A- Situation d'enguête et qualité de l'informateur

NÇls informateurs, comme les Homankazo, résidaient à Ankirijy et étaient Longo des Mikea, Hirijy et Homankazo. Notre entretien fut difficile au - 226 -

départ du fait de la situation particulière de ce groupe. En effet, possesseurs d'une Tragnovinta, signe de leur origine royale en ligne directe, ce groupe lignager se voyait contester dans la région ce si9ne distinctif qu'il n'avait acquis qu'à l'époque de Pierre Kamamy. Les récents decès successifs de leurs enfants semblaient la marque du destin, et étaient interprêtés comme la sanction de la transgression majeure qu'ils auraient commise en détenant cette Tragnovinta à Bevilo. Peu à peu, le climat de la discussion s'est cependant détendu, et les informations recueillies ne sont pas négligeables.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Cet entretien très homogène porte sur le système économique et social qui existait autrefois, et le système actuel, les transformations récentes avec l'introduction de la riziculture de décrue et la réorganisation des pâturages, enfin les échanges commerciaux des produits entre régions.

La partie "historique" est le noyau rationnel de cette organisation spatiale et économique récente. Elle montre comment les villages de résidence construits depuis la colonisation et Ankirijy en particulier se sont formés. En actualisant des relations anciennes entre formations lignagères Homankazo et Maromany, les Mikea d'Ankirijy semblent être le lieu de l'enracinement originel de ces rapports, comme médiateurs obligés des relations qui se sont créées à l'occasion des grandes migrations Sud-Nord de ces groupes. Le Togny, institution ancienne existant avant l'intégration Maroserana, et qui s'est transformée avec la naissance de la royauté, est aujourd'hui encore le support rituel autour duquel se sont légitimés les rapports entre groupes, le talisman auquel se réfèrent les groupes lignagers co-résidents, et institue une alliance privilégiée entre ces groupes par le lien Ziva. L'origine du Ziva nous est fournie par notre informateur: dans le cas de son groupe lignager, il s'identifie à des relations successives de Fatidra, donc élargit des rapports personnels à des rapports entre groupes. Ce sont les Mikea qui sont le lieu de la permanence des rapports des groupes Homankazo, Hirijy et Maromany.

C- Eléments d'information retenus

1 - Système Togny, montage thématique, et origine des Maromany, Tome III, p. 26-27.

2 - Système de production et d'échange: avant le commerce des boeufs ll était centralisé par la Compagnie IISerinamo • Il y a eu transformation récente des circuits de commerce: Masoarivo et Bekopaka et Trangahy sont les marchés locaux d'échange. Certains poussent jusqu'à Tsiroanomandidy-Morafenobe, Ankavandra. - 227 -

IV -4-3 Texte n 0 37 - Entretien avec le Chef de lignage Misara du village de Aboalimena aux Baiboho de Besihanaka 01-03-1969)

A- Situation d'enguête et qualité de l'informateur

Cet entretien, le dernier d'une matinée trop chargée, fut comme le précédent, lourd et difficile à mener. Le chef de lignage Misara, descendant de la Tragnovinta de Kekarivo du segment de lignage cadet, se refuse à discuter de l'origine de leur groupe Misara. S'il rappelle que l'origine première des Misara est au Sud, il ne sait plus ce qui fait que les Misara sont Misara. Ils n'ont pas droit à une Tragnovinta comme leur aîné, descendant de Horieka (une femme) de Kekarivo, et ils ne transgressent pas cet interdit, à la différence des Maromany. Le motif affirmé de leur migration vers le nord est l'élevage des boeufs, mais nous savons par ailleurs qu'il remonte à la colonisation.

Notre informateur atteste de ses liens Ziva avec les Marolahy et les Fmaoky et en ce sens, il se réfère de l'identité de caste de ces groupes à l'époque de la constitution du Menabe sous le règne d'Andriandahifotsy, tous ces groupes étant les descendants directs de ce roi. Les marques d'oreilles de boeufs sont à cet égard parlantes.

Il était clair, à l'issue de ces entretiens, que le programme de la journée avait été trop chargé, des entretiens successifs au cours de la même matinée amenant nécessairement une baisse de la vigilance et de la concentration. D'autre part, quand des difficultés de contact apparaissent, comme ce fut le cas pour les Homankazo et les Misara, il devient difficile de contrôler la situation. Peut-être enfin, eut-il été bon de revenir plus tard, en ayant prévenu nos interlocuteurs plus longtemps à l'avance, afin de faire tomber la méfiance qu'il n'est pas toujours possible de lever en une courte présentation. En fin d'entretien, nous avons offert des cadeaux, café, Paraky (tabac à priser>, et nous avons été soucieux, tout au long de l'entretien, de manifester le respect que nous avions particulièrement pour les Misara.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évogués

Une fois affirmé le respect que notre informateur conserve à l'égard de ses aînés restés dans le Bemarivo et après avoir affirmé l'étroitesse de l'importance des liens qui unissent les villages et les villageois entre eux, manifestée par la croyance en leur Lolo (esprit, âme), la discussion se centre sur les conditions de vie, de production et d'echange dans la région et sur leurs transformations récentes.

Il est frappant de constater combien l'appréciation de la valeur d'échange des produits et de l'évolution du pouvoir d'achat était juste. On pouvait penser que notre interlocuteur était parfaitement au courant de la politique de l'Administration en matière de fixation des prix et d'organisation des échanges, et qu'il était bien intégré à cette politique économique. Il parle longuement de la politique actuelle du propriétaire Karana (indien), et des effets du métayage sur sa concession, et de la manière dont le réseau commercial lié à cette activité de production (pois du Cap, haricots, mais) intervient dans les différenciations - 228 -

internes aux groupes lignagers locaux. Il insiste d'ailleurs pour distinguer parmi eux les pauvres et les riches. Bref, cet entretien complète utilement celui que nous avons eu avec les Homankazo car il ne reste pas au niveau descriptif, mais contient de manière sous-jacente la preuve de l'insertion partielle des modes de production locaux dans des réseaux commerciaux où Karana et Administration apparaissaient plus ou moins concurrents. Les informations que nous ayons obtenues à Belo confirment ce point de vue, dans la mesure où les indiens ayant perdu le contrôle de la commercialisation du pois du Cap par suite de la politique du syndicat des communes, cherchaient à s'orienter vers la production rizicole. Dans cette activité, ils étaient encore des intermédiaires à ne pas négliger, notamment par l'implantation de rizeries destinées à transformer sur les lieux de production le riz paddy en riz usiné. C'était d'ailleurs le projet du propriétaire Karana.

Notre informateur insiste particulièrement sur l'importance du lien Ziva dans la différenciation des marques d'oreilles de boeufs. Il précise que c'est une des raisons pour laquelle ces liens sont gardés en mémoire. Ainsi, en était-il des Misara, Flnaoky et Marolahy. Or, tous ces groupes que l'on retrouve également dans la vallée de la Tsiribihina, ont conservé de leurs migrations passées des relations privilégiées selon l'axe Nord-Sud. Ainsi un Tromba-Finaoky était actualisé à Ampasimandroro, campement rattaché au village d'Aboalimena, et dont la composition sociale historique était liée à Aboalimena. Les Kimosy en étaient les gardiens. Le second type d'alliance évoqué par les Misara concernait les Tsimangataky, Mikea, et Kimosy, entre les autochtones et les groupes anciennement dominants qui ont migré pour des raisons politiques et économiques avant et après la colonisation.

C- Eléments d'information retenus

l - Rapports entre Institutions et économie: l'information utile sera reprise directement dans le Tome 1.

2 - Histoire des Misara : l'insuffisance des informations contenues dans ce texte ne nous permet pas de l'inclure dans une présentation thématique. D'autres textes Misara nous ont permis de reconstituer la matrice sociale historique de ce groupe et leur répartition géographique à l'époque de l'enquête. Nous savons au demeurant sur un plan global, que les lignages Misara du Manambolo sont issus de la séparation aîné-cadet des Misara regroupés autour de la Tragnovinta de Kekarivo, tombeau de fem me qui a Horieka pour origine.

3 - Deux thèmes sont particulièrement bien liés et présents: celui de la relation Ziva et marques d'oreilles de boeufs, et les stratégies d'alliance propres aux Misara où la descendance des femmes est contrôlée par leurs frères et en filigranne pour ceux qui appartiennent aux Tragnovinta mariage préférentiel entre cousins croisés, base de la succession de la Tragnovinta et des marques d'oreilles de boeufs, interdits de sacrifier pour les robes de boeufs spécifiques. - 229 -

IV-4-4 Texte n038 - Entretien avec le chef de lignage Tsiarama résidant à Bepilopilo, sur la rive Nord du Manambolo 02-09 -19 69)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

L'appartenance de notre médiateur au lignage Tsimangataky a fait que la confiance de notre informateur nous a été acquise d'emblée, et nous a permis de mener cet entretien de façon approfondie. Nous av6ns offert en début d'entretien de l'alcool et une somme de 300 fm9, et une fois l'entrevue terminée notre informateur a pris les billets, les a plies et les a arrosés d'une goutte d'alcool pour marquer le cadre formel dans lequel il avait accepté de parler, sous contrôle des ancêtres qu'il avait invoqués avant la discussion. A chaque énumération, il utilisait dans sa prière le terme de Soloho, terme spécifique employé dans la prière et pour marquer le respect dQ aux ancêtres par les autochtones, premiers installés dans l'ouest avant même la migration Maroserana. Ainsi, la nature de l'information transmise nous était indiquée par des éléments montrant qu'il existait de manière larvée une contestation de la royauté Sakalava à travers des ancêtres qui ont perdu leur identité première et ne lui ont pas donné totalement leur adhésion. En effet, ce lignage a dû se segmenter au départ de la formation Sakalava du Nord, et ceux des Tsiarama qui ne sont pas alliés à la royauté et dont faisaient partie les ascendants de ce chef de lignage, ont du se retirer sur les marges du Royaume Sakalava du Nord et du Sud. Ils se sont réfugiés dans la forêt de l'Antsingy où résidaient les Beosy et ne se sont sédentarisés que depuis la colonisation.

L'entretien terminé, le fils de cet informateur nous a reconduit jusqu'à la rive du Manambolo, et nous a fait traverser le fleuve dans sa pirogue. Notons que ce fils était très réticent vis-à-vis de l'entretien avec son père, qu'il n'avait cessé de modérer tout au long de l'entretien, et souhaitait visiblement notre départ.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués L'essentiel de l'entretien concerne l'organisation de la ré9ion dans le passé, durant les règnes des différents Dady-Maroserana enterres dans les tombeaux de Tomboarivo, et qui sont Ndrianilainarivo, Ndriantahoranarivo, et Ndriamilafikarivo, autrement dit Kelisambaye, Vinany et Toera. Et l'on peut constater, que plus on remonte dans le Nord, et plus les précisions qui nous sont apportées concernant les règnes des rois Sakalava remontent dans le temps. A Belo, les règnes évoqués le plus fréquemment sont ceux de Toera, Ingerezza et Pierre Kamamy, et l'attention est plus volontiers portée sur Ingerezza et Kamamy que sur Toera qui n'est mentionné que pour signifier la fin des Maroserana et le début de la colonisation.

On trouve également dans ce texte la position prise par les Tsiarama devant l'apparition de la royauté dans l'Ouest, leur choix de rester en dehors de l'intégration hiérarchique et l'effet de la colonisation qui n'a peut-être pas changé fondamentalement leur situation de dépendance, mais leur a permis de conserver cette part de marginalité à laquelle ils demeurent attachés. Ils conservent le culte de leurs ancêtres, maintiennent la tradition du respect aux - 230 -

anciens et de la hiérarchisation des statuts, participent aux cérémonies d'offrande des prémices au moment de la récolte en signe de respect, et parlent du Fitampoha d'une manière extérieure. Ils décrivent l'élevage, tel qu'il était organisé avant la colonisation et avant la création -récente- des villages permanents. Bien que toute la toponymie ait changé depuis la colonisation, notre interlocuteur y repère bien les lignages autochtones d'autrefois dont il est capable de citer de mémoire les déplacements successifs, qui ne sont pas des migrations, mais des changements de lieu pour des raisons de culture et d'élevage. Cela les distingue radicalement des groupes anciennement dominants, venus s'installer au nord pour des raisons politiques, et parce que la colonisation a exacerbé les conflits internes aux groupes de parents des anciens dominants.

C- Eléments d'informations retenus

Malgré tout l'intérêt des informations recueillies au cours de cet entretien, nous ne l'avons pas retenu pour une présentation thématique de textes, car il ne demande pas d'interprétation et la présentation du passé n'y est guère dialectisée. Nous nous contenterons de suivre le fil du raisonnement et de l'intégrer à la présentation de l'enquête régionale qui traitera de la création des villages du Manambolo.

IV-5 Bilan de l'étude régionale et programmation d'une nouvelle mission - Retour à Andranofotsy (Vallée du Manambolo)

Les principaux entretiens terminés et en dépit du fait que nous n'ayions pu visiter Soahazo trop difficile d'accès, nous avons décidé de ne pas retarder notre départ. Le village de Soahazo, pourtant est celui à partir duquel furent créés les villages permanents au temps de la colonisation, et c'est là aussi que s'est opérée la segmentation des groupes locaux avec la création de nouveaux tombeaux.

Nous avons décidé de revoir nos informateurs, chefs des différents lignages, afin de leur annoncer notre départ, leur remettre des cadeaux pour les remercier, leur rappeler une nouvelle fois le sens de notre enquête, et enfin apaiser les craintes de ceux qui en auraient encore. C'est ainsi que tous les chefs de lignage, Tsimangataky, Mikea, Maromany, Misara, Homankazo et Hirijy ont été successivement revus. C'est notre médiateur Batozy qui a eu le rôle principal au cours de ces visites: il offrait les cadeaux, et surtout prenait àO son compte les craintes qu'avaient suscitées nos questions pour mieux les apaiser. L'assistant prenait sa suite, indiquait quel était notre objectif, et pourquoi nous avions cherché à connaître l'origine des Raza (lignages). Le schéma général de son discours était qu'il était important de conserver ce qui restait des traditions, l'Histoire n'ayant été écrite que par des étrangers poussés par des motivations d'ordre politique, il était utile de la réécrire avec eux.

Ainsi, ce qui a été exprimé au chef de lignage Homankazo résume-t-il bien le sens de notre démarche. Nous comprenions, lui avons-nous dit, quelles pouvaient être ses craintes devant une telle enquête, faite en un temps si court, et dont la soudaineté pouvait rappeler les méthodes propres à un certain type de contrôle administratif, plutôt qu'elle n'était propice à gagner une véritable confiance. Les villageois, pris dans les difficultés de la vie quotidienne n'aiment - 231 -

pas en général en parler à n'importe qui, fut-il présenté par quelque Longo. Ce chef de lignage a également exprimé sa crainte de voir di vulguer les informations reçues par le canal de la radio. Le fait d'avoir enregistré l'entretien faisait qu'il était sOr qu'un jour il entendrait parler de lui-même et de son lignage. L'assistant lui a alors répondu qu'il n'était nullement question de divulguer les secrets des Raza, les seuls enregistrements qui pourraient éventuellement être diffusés étant les bandes de musique enregistrées. Nous avons formellement indiqué que la connaissance des Raza ne serait pas exploitée de n'importe quelle manière, et que nous veillerions, à ce que reste secret ce qui doit le rester. Cette réponse a apaisé les craintes qu'il avait exprimées.

En revanche, la seconde visite auprès du Mpitoka-Hirijy de Moravagno, marque une progression véritable dans les rapports engagés, le contact fut même chaleureux, et l'enregistrement réalisé en témoigne. La réécriture du passé a été visiblement l'argument déterminant de sa participation, et il n'a pas ménagé sa peine pour nous transmettre ce qui lui paraissait devoir être dit pour, en quelque sorte, réhabiliter le passé. Le point de départ de ces confidences a été de marquer négativement les deux périodes-clefs qui ont induit les changements politiques fondamentaux dans la région, et qui sont les expéditions de Radama 1er et la colonisation. Puis furent évoqués les conflits qui ont traversé son lignage dans la période récente, c'est-à-dire à l'époque de ses Dady (au sens propre: ancêtres de la seconde génération ascendants par rapport à l'informateur), lui qui a été impliqué dans un conflit qui a amené la scission de son groupe au regard de la légitimité dynastique, et l'a mis définitivement à l'écart de manifestations cultuelles comme le Fitampoha. Exclu, il l'était vraiment, et son installation à Moravagno, village très difficile d'accès en était le signe.

Nous ne nous sommes pas arrêté au village d'Andramasay pour le retour et nous sommes rentré d'une seule traite à Andranofotsy, où nous sommes arrivé en fin de journée. La description de l'accueil chaleureux que nous y avons reçu a été faite plus haut (V.P •142).Il fut pour nous l'occasion de mesurer l'importance pour le village de ces relations Nord-Sud, et aussi celle qu'avait prise pour lui notre enquête. Nous avons pu envisager une nouvelle enquête, qui serait destinée à recueillir des données analytiques, des listes nominatives et des éléments d'ordre statistique. Le questionnaire que nous avons élaboré à cet effet était directement issu des discussions que nous a vions eues, ou des réunions thématiques qui s'étaient tenues. Elles nous avaient permis d'éclairer l'origine des différents lignages, leurs migrations successives, et de donner un contenu sémantique et sociologique précis à des notions comme celles de Foko, Lon~o, Fatidra, Ziva. Une carte à contenu sociologique et économique, qui avait eté tracée grâce à la transcription de documents de mission-photos aériennes, et les données rapportées de notre premier voyage dans le Nord, pourrait être complétée et actualisée lors de ce second passage (V. Cartes nO 8-9 hors-texte).

Les mêmes villages furent visités, et nos interlocuteurs furent en grande partie les mêmes Mpitoka, au cours de cette nouvelle mission, mais nous avons pu rencontrer également les Mpitoka des villages de Soahazo, Ampasimandroro et Andrano1ava. AAntanambao, nous n'avons pu rencontrer que le Chef de Quartier, et obtenir de lui un entretien enregistré. - 232 -

v - SECONDE ETUDE REGIONALE DANS LA VALLEE DU MANAMBOLO

DU QUALITATIF AU SEMI QUANTITATIF: QUATRIEME MISSION - 233 -

DU QUALITATIF AU SEMI-QUANTITATIF

SECONDE ETUDE REGIONALE DANS LA VALLEE DU MANAMBOLO,

Quatrième mission (du 26-10 au 10-11-1969)

'Cette nouvelle enquête dans la vallée du Manambolo fait suite à la période d'intégration véritable dans le village d'Andranofotsy qui avait conclu deux mois de présence presque continue. Nous avions pu suivre les villageois, et participer tant à l'activité quotidienne qu'à l'activite de production sur le lac Bemarivo. Plusieurs cérémonies eurent lieu, auxquelles nous avons été convié en vertu du lien de "Fihavanana" que nous avions avec le village. Le départ du chercheur étranger et le caractère un peu solennel que nous avions voulu donner à la petite cérémonie organisée à cette occasion, avaient confirmé le sentiment que nous avions d'une vraie réussite sociale de ce travail de réflexion partagé avec les villageois. La cérémonie du Soron-Anaky du Mpitoka Sakoambe-Mija, à caractère familial, nous a donné la possibilité de compléter les généalogies, d'enregistrer pour la première fois le Toka-Razan (l'invocation aux ancêtres) de façon très complète et de mieux saisir la dynamique de reproduction lignagère, objet. même de cet évènement.

C'est donc bien encore investi de la confiance des villageois que l'équipe d'enquête, cette fois réduite à l'assistant, put repartir dans le Manambolo. Les relations d'évènements et les textes d'entretien qui suivent, sont donc le fruit de son travail (O. Il est utile de mentionner que l'absence du chercheur étranger a favorisé la libération d'une information, que nous n'avions jusqu'ici jamais réussi à obtenir, en dépit de protocoles d'interviews précis. Nous adopterons la même démarche que précédemment et restituerons le déroulement chronologique de cette nouvelle étude à l'appui duquel s'inséreront les textes d'interviews obtenus qui sont beaucoup moins nombreux mais dont le contenu présente des questions très générales concernant l'intégration "régionale" et la diffusion des rapports sociaux dans l'espace. L'un de ces textes à déjà été présenté dans la partie concernant le Fitampoha bien qu'il eût été recueilli au final de cette enquête (Cf. p. 72 et suivantes, Textes n° 15-16).

Comme cela s'était passé lors de notre première mISSIon, les préparatifs de cette nouvelle enquête dans le Nord ont été faits avec l'appui des villageois d'Andranofotsy. Fielison, du clan Samoky, et François du groupe Misara, l'un et l'autre futurs détenteurs du Hazomanga, furent efficaces et très présents. Les anciens également, tels le conseiller rural Tagaga, le Masy-Malaitsy et le Mpitoka-Misara, Tsitsaha, se sont manifestés chacun à leur manière, pour nous témoigner leur confiance, ainsi que le Mpitoka-Sakoambe, qui nous avait invité. Tous ont tenu à affirmer avec nous une relation personnelle avant le départ•

.(1) J.F. RABE DIMY, Maître-Assistant à la Faculté de Tuléar. Département anthropologie, plusieurs fois cité au cours de ce travail. - 234 -

V-1 Village de Moravagno (26-10-1969)

Cette fois-ci, nous nous rendons directement à Moravagno par la piste carrossable, et sans passer par Andramasay. Nous traversons sans nous y arrêter, les villages d'Ambinda (village Antandroy), Lohena (village Tanala), Menahava (village Bara), chef-lieu de quartier que nous laissons à l'Est, et enfin Tsimanantomboko, campement rattaché a Menahava. C'est le Mpitoka-Hirijy, Tsihenjagny, qui nous reçoit à Moravagno. Son accueil très ouvert contraste avec l'accueil que nous avions reçu à notre premier voyage et le mode sur lequel s'est déroulé l'entretien que nous avons eu avec lui montre bien le chemin parcouru et combien cette fois-ci il a pris à son compte notre projet d'enquête. A ce moment" nous avions atteint sans le savoir le point optimum des relations ainsi créées, et sans nul doute ceux qui acceptaient de parler, ou se livraient à des confidences ne le faisaient pas sans but. Certains Masy avaient décidé de parler, et nous avons bénéficié de la crise de légitimité ouverte par le Fitampoha.

Tous les renseignements que nous avons obtenus dans le village de Moravagno, nous ont été livrés par le Mpitoka-Tsihenjagny. Dans ces circonstances particulières, il a osé parler des autres lignages, transgression à la mesure du pouvoir exclusif qu'il exerçait alors sur le village. Sa connaissance des rapports internes était étonnamment grande et du fait de son âge avancé, il nous faisait pénétrer dans les générations Matee du début de la colonisation, déroulait sous nos yeux le tableau complexe des relations Longo, et Longo de Longo des personnages-clefs du début du siècle, ceux-là mêmes dont sont issus les Mpitoka actuels des nouvelles formations lignagères. Toutes ces relations convergent autour des Hauts~lieux de la période pré-coloniale. Débarrassées de la dépendance à la dynastie, les rapports horizontaux dont il s'est fait le défenseur acharné, restauraient un type de relation où l'inégalité n'est plus principale. Il a rappelé à ce sujet les liens anciens qui unissent les Andrambe et Hirijy dans la problématique Misara. Lui-même n'est pas du tout identifié par la référence Misara, qu'il nie en ce qui le concerne, de même qu'il semblait l,a nier pour les Maromany. Nous avons perçu dans cet entretien, une sorte d'autochtonie retrouvée. Les éléments qu'il nous a fournis nous ont permis de reconstituer en quelque sorte la théorie sociale politique de son tombeau d'appartenance. Il n'a malheureusement pas poursuivi son développement au point de nous fournir les enchaînements qui auraient situé le marquage des boeufs et les stratégies de ma(quage qui tendent à pérenniser ou non les rapports d'alliance, transformés ainsi en "idéologie", c'est-à-dire en théorie sociale politique. Sans doute n'avions nous pas, nous-même, conscience de cette réalité, si tant est que l'on n'obtient une information que lorsqu'on sait par avance ce que l'on cherche. En sorte que nous avons développé plus avant nos hypothèses sur ce point pour combler ce manque d'information.

Au demeurant, les égarements, les "temps perdus" au cours d'une enquête sont loin d'être inutiles, et ne le furent pas au cours de ces entretiens. Bien des thèmes en effet furent évoqués, et en particulier, l'organisation de la rébellion à l'époque de Havana à Ambondrombe non loin d'Ankevo dans le Manambo10. Le Masy de l'époque était Borybory, et cela se passait du temps de son Dady (père) Tsifanoany. Notre informateur insiste sur la manière dont le camp d'Ankalalobe fut repris aux Français par les Sakalava. Ceux-ci pénètrent dans le camp occupé par les Français avec des Bozaka (terr.e pour la toiture) où leurs sagaies étaient cachées. L'un d'entre eux demanda une cigarette au gardien - 235 -

du magasin d'armes qui fut attaqué à ce moment là. Ce fut le seul camp militaire pris par Havana, lui-même et Lemavo, furent par la suite fusillés à Maintirano. Il est utile de noter que c'est la seule fois au cours de cette enquête que ces évènements nous ont été relatés, bien qu'il s'agisse de faits connus. C'était donc un indice d'intégration, qui, par la suite, nous a amené à considérer cet entretien comme une source très sûre, bien que marquée, comme tout entretien, d'idéologie. Cette idéologie transparaît nettement dans le texte, parce que les données sociales et économiques y sont chaque fois précisées.

L'entretien précise enfin la composition du village qui comprend les Hirijy, Sikily, Kimosy, Tsimangataky et Mikea, et la répartition du lien Ziva, qui servira comme dans les autres villages à la présentation des réseaux potentiels de communication Nord-Sud.

V-2 Village d'Ankirijy

Nous ne nous rendrons pas au village d'Ankirijy lors de ce second voyage et les renseignements qui le concernent ont été recueillis auprès du Mpitoka-Hirijy de Moravagno. Situé à mi-chemin- entre Moravagno et Aboalimena, ce village est en effet quasiment abandonné par suite du manque d'eau en saison sèche.

Le village d'Ankirijy compte 35 habitants répartis dans 17 cases construites pour la plupart en Trano-Tany (torchis). Le territoire villageois est limité à l'Est au lieu-dit de forêt Antsorondava, au Nord-Est au lieu-dit Ampagnoromay, au Nord Agnalamafana, à l'Ouest Besihanaka-Ambalatany, et enfin au Sud-Est Andombirolava (V. carte n° hors texte). Le campement de Besihanaka-Ambalatany est le lieu où les habitants cl'Ankirijy (Maromany, Homankazo, et Marofotsy) cultivent en saison sèche. Les Baiboho se divisent en trois part~es : la partie Nord appartient aux gens d'Aboalimena, la partie Sud aux gens d'Ankirijy, quant à la partie Est, elle est occupée par les habitants de Menahava qui sont des Bara.

Les habitants d'Ankirijy et de Moravagno ont le même tombeau, celui d'Ankilida. Les zones de forêt qui délimitent le territoire villageois servent de pâturage: Ankilida (lieu des tombeaux), Antsorondava, Ampagnoromay, Agnalamafana. Deux pistes à boeufs sont empruntées pour l'abreuvage des boeufs en saison sèche, celles de Besihanaka et de Marohejy du côté d'Ampasimandroro, campement rattaché au village.

L'entretien que nous avions recueilli lors de notre premier passage montrait comment le lien Ziva entre Maromany et Homankazo était inscrit dans le Togny-Tany (talisman fondateur du village). Cette fois-ci, nous avons obtenu des informations très générales sur la correspondance entre liens d'alliance des lignages, appartenance aux tombeaux et marques d'oreilles de boeufs, que nous donnons dans le tableau en annexe. Prises en elles-mêmes, ces informations ne sont pas suffisantes, mais replacées dans le contexte régional des rapports intervillageois, elles indiquent les rapports d'alliance stabilisés au moment de l'enquête. - 236 -

V-3 Village de Soahazo (28-10-1969)

Nous n'avions pas pu visiter le village de Soahazo lors de notre premier passage dans la région; cette fois-ci, nous en ferons notre deuxième étape, inversant notre premier itinéraire.

La route qui mène à Soahazo est très pénible. Peu après avoir quitté Ankirijy au Nord, nous empruntons la route qui part vers la gauche. Comme nous sommes en période de flux, il nous faut suivre le chemin qui mène à Aboalimena et traverser le bras de mer qui longe le campement de Besihanaka. Arrivés au campement où réside Kiringy (Homankazo), il nous indique la route qui mène à Soahazo. Il nous suggère aussi de passer par Ampasimandroro, campement rattaché à Ankirijy, situé à 3 km de Soahazo et légèrement plus au Nord; on y pratique l'élevage des boeufs, et sa situation quasiment à l'embouchure du Manambolo, en fait un point stratégique en période de sécheresse.

Le village de Soahazo dépend administrativement du quartier de Menahava, il a pour limites le Manambolo au Nord, le bras de mer appelé Vakivao au Sud, à l'Est le lieu-dit de forêt Agnalamafana et le bord de mer à l'Ouest (Cf. carte nO 8-9 hors texte). Le premier fondateur du village fut Allio du lignage Hohimalagny, Vezo et c'était autrefois un port de commerce sous la protection de cet Allio. Les principaux lignages résidents sont les Hohimalagny, Antavaratsa, Ravimboamanga et Antave1a. Les premiers villageois que nous rencontrons sont Matsovy et Koby. A notre arrivée, ils sont occupés à tisser un filet de pêche. Ils nous indiquent où trouver le chef de village, mais leur accueil est froid et méfiant, ils se demandent visiblement ce que nous venons faire ici. La fatigue aidant, nous renonçons à attirer plus de bienveillance, et nous réserverons pour le Chef de village les explications quant au but de notre visite. Ce Chef de village est Bakara-Hamada du lignage Antave1a. Il ne peut pas refuser de nous accueillir, car c'est là son rôle, vis-à-vis de tout étranger qui vient au village. Mais il le fait visiblement de mauvaise grâce, se bornant à nous indiquer une case où passer la nuit. Il ne nous accompagnera pas et ce n'est qu'à la seconde entrevue que les relations deviendront sinon cordiales, du moins suffisantes pour nous permettre de procéder à nos investigations: formation sociale villageoise, appartenance aux tombeaux, liens Ziva, Fatidra et "Longo­ Amin-Raza", marques d'oreilles de boeufs. Egalement historique de la création du village, limites actuelles du territoire villageois, et évocation des conditions de production et d'échange•••

Nous avons trouvé le village assez peu animé, car la plupart des habitants sont à Belo pour la culture du riz sur le Bemarivo, et ne sont restés que ceux qui sont chargés plus particulièrement du gardiennage des boeufs pour leurs parents. Comme il fallait s'y attendre, notre enquête auprès des représentants des différents lignages s'avère difficile. Les villageois se tiennent à l'écart, et leur méfiance ne désarme pas. Dans ces conditions, nous n'insistons pas. Seul le vieux GUy du lignage Hohimalagny, frère de la femme qui nous loge, nous rend régulièrement visite. De fait, des conflits permanents opposent les différents Tariky (segments de lignage), et nous l'avons constaté à l'occasion d'un fait précis: comme nous étions allé rencontrer Solonga du lignage Ravimboamanga dans sa case, pour enregistrer un air de Valiha, GUy et sa soeur ont marqué leur désapprobation, car, disaient-ils "ce sont eux qui doivent venir chez toi, et non toi chez eux". Leurs insistance suggérait une rivalité sous-jacente et nous proposait une interprétation de cette méfiance du village à l'égard des étrangers. - 237 -

Le village n'est pas assez uni pour qu'il puisse supporter une quelconque ingérance étrangère. Nous n'avons pas fait l'analyse de ces rapports, respectant la mise en garde qui nous était faite. Nous sommes donc resté sur un registre de rapports assez formels, accédant à une certaine compréhension de ce village, important dans l'histoire de la segmentation régionale et dans l'organisation sociale et économique actuelle de la région. Parmi nos informateurs, les meilleurs intermédiaires furent Sambofialofa et Mahatafibe, Mpitoka­ Hohimalagny et Antavaratsa, auprès desquels nous avons eu l'entretien rapporté plus loin et qui concerne l'origine des Vezo. Le frère cadet de Mahatafibe, Mahatafikely, avec lequel nous avons eu un bon contact, est gardien des boeufs du lignage Andranatsara à Andranolava, et c'est en partie grâce à lui que nous connaîtrons la nature des conflits agriculture-élevage dans cette région du Manambolo, l'opposition entre Andranolava et Soanafindra dont la dualité s'inscrit dans les rapports des autres villages. Parmi ceux-ci, les plus anciens sont ceux de Soahazo et Ankorobe, et c'est de leur division que sont nés au temps de la colonisation les villages permanents que nous avons étudiés au cours de cette enquête.

La création du village de Soahazo est attribuée aux lignages Hohimalagny, dont est issu Alifo le fondateur du village et Ravimboamanga. C'est à l'époque de Tsimifatsy, fils d'Allio, que le pays fut colonisé par les français, et la tradition rapporte le nom d'un lieutenant Ciseau. D'abord installés à Tsimanandrafoza, les français organisèrent par la suite un camp à Soahazo, qui était un ancien port de commerce. Dans la période actuelle, beaucoup d'habitants du village se sont déplacés à Belo, pour des raisons de scolarisation d'une part, et aussi parce que nombreux parmi eux sont ceux qui occupent des postes d'administration intermédiaire (gendarmerie, douane, postes). Par ailleurs, l'ancienne différenciation des activités de production, qui spécialisait les Vezo dans les activités de pêche et le cabotage, n'est plus aussi évidente, les pirogues à balancier ont tendance à disparaître au profit de l'activité d'élevage et de la culture du riz. Comme pour les }Iikea, les modes de production de ces groupes ont tendance à s'homogénéiser, et ils pratiquent tous l'élevage et la riziculture. Tous les groupes Vezo ont des rizières à Marohejy, et leurs pâturages sont à Andranolava.

La situation particulière de ce village de Soahazo l'apparente au village d'Andramasay. Village chargé d'histoire, Soahazo est comme Andramasay, situé en bord de mer à l'embouchure d'une rivière, lieu d'accostage des bateaux. Mais à ces embouchures, sont associés des lieux sacrés où se célèbrent des Tromba-Andrano. A Soahazo le bras de mer Vakivao, où se jette la rivière Soahazo et Bevava à l'Est de Vakivao sont les lieux des Tromba-Andrano. Des Tromba-Antety sont célébrés en un lieu de grotte à Antragnonankay à l'Est du village. Enfin, comme à Andranofotsy, il y a un lieu sacré réservé au culte des prémices, au lieu-dit Marohejy (Kily). Une première liste des personnes Tromba habitant à Ankirijy et Soahazo a été recueillie: elles sont d'origine Antavela, Kimija et Milanja. Le Masy du village de Soahazo serait Betsileo. - 238 -

V-3-1 Texte nO 55 - Entretien avec Mahatafibe, d'origine Antavaratse et Mahazaihatsy, d'origine Ravimboamanga à Soahazo (969)

A- Situation d'enquête et qualité des informateurs

Notons tout d'abord une différence entre ce qui nous sera dit au cours de cet entretien concernant les Vezo de Soahazo, et le contenu de l'entretien que nous aurons quelques jours plus tard auprès de Sambofialofa, Vezo de marque d'oreille de boeufs Hohimalagny. L'interprétation historique que nous présenterons nos deux informateurs quant à l'origine des groupes Vezo­ Tsimagnavadraza, Ravimboamanga et Antavaratse et à leur differenciation exclut totalement les Hohimalagny, alors que le second entretien (Cf. Texte nO 57 p. ), fera état de rapports d'alliance de tous ces groupes à une période récente.

Mahatafibe et Mahazaihatsy appartiennent respectivement aux groupes Vezo-Antavaratse et Ravimboamanga. Mahatafibe est un descendant en ligne maternelle des Antavaratse. Il est fils adoptif de Tsiboka, Matoe (ancêtre personnalisé après la mort) dont la richesse était légendaire et auquel on attribuait près de 3 000 boeufs. Mahatafibe serait issu de l'union de cet ancêtre avec sa propre fille, il est donc Zafianaka (fils et petit-fils). Par la cérémonie d'adoption, l'interdit de l'inceste a été levé et il est devenu l'héritier de Lery, son demi-frère. C'est de plein droit qu'il exerce donc la fonction de Hazomanga des Antavaratse aux marques d'oreille de boeufs Tsimagnavadraza. Plus difficile à interpréter, la situation sociale de Mahazaihatsy est celle de Mpitoka­ Hazomanga du li&nage Ravimboamanga. L'origine du lignage serait la vallée de la Maharivo, d'apres le texte qui suit; mais le texte parle parfois de Zafimbolamena en lieu et place de Ravimboamanga. Or les Zafimbolamena (descendants de l'od s'opposent aux Zafimbolafotsy (descendants de l'agent), et ce clivage correspond dans la formation dynastique Maroserana à l'opposition entre les aînés qui peuvent régner et les cadets qui sont écartés de la royauté. Cette confusion nous apparaît rétrospectivement comme opposant de manière symbolique les Vezo dits Antavaratse, de marque d'oreille de boeufs Hohimalagny présentés par notre informateur comme les autochtones, très nombreux et bien représentés à Maintirano et les nouveaux venus, ori~inaires du Sud, de la vallée de la Maharivo et sans doute nobles et de lignage aîne.

Tous deux Mpitoka, nos informateurs sont cependant liés depuis leur ancêtre Alifo, et ce sera Sambofialofa, Masy et Mpitoka des Vezo-Hohimalagny qui nous donnera l'explication sociale des rapports d'alliance entre les Vezo du Nord et les Vezo du Sud, qui se différencient en quatre groupes aux marques d'oreille de boeufs différentes.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Nos informateurs déclinent leur situation sociale et' cette analyse débouche sur la différence entre les Zafimboamanga et Hohimalagny : seuls les Hohimalagny sont Antavaratse. Ils ont donné des femmes aux Vezo habitant à Bosy, port situé non loin de Tsimanandrafoza. Quant aux Zafimboamanga, c'est par l'échange de femmes qu'ils se sont installés et ont acquis des marques d'oreille de boeufs. - 239 -

Le reste de l'entretien sera consacré aux relations commerciales (de troC> entre le littoral et les populations de l'intérieur. L'essentiel de ce troc concerne les échanges de tortues de mer contre des boeufs. En Asara (saison des pluies), les Lakampiara (pirogues à balancier> permettent de s'approcher des rochers où se trouvent les tortues de mer. Une tortue s'échange contre deux boeufs. Suit une description de la pêche à la tortue, de la chasse au Fesoko (petites baleines) et au Moera (cachalot). On pratique aussi la chasse aux boeufs sauvages, surtout au moment du paiement des impôts. Le port de Soahazo fut autrefois important pour le commerce du bois de Masonjany. Les plantations de cocotiers et d'eucalyptus remontent à la colonisation ainsi que la mise en culture des terres; des puits ont été creusés. Soahazo a d'abord été un lieu de rassemblement de la population, puis les habitants se sont à nouveau dispersés sur les terrains nouvellement cultivés. De là, date la séparation d'Andranolava et Soahazo aux activités économiques complémentaires et de même pour Ankirijy et Soanafindra.

L'entretien s'est déroulé sur un mode de questions-réponses et paraît assez décousu. Toutefois, les informations concernant les activites de production et d'échanges ont été recherchées dans chacun des villages traversés. Il sera donc possible de les analyser transversalement pour donner une idée de l'unité économique régionale et faire apparaître les problèmes qui lui sont liés.

C- Eléments d'information retenus

La présentation des liens fondateurs des différenciations de marques de boeufs dans les groupes Vezo nous paraît particulièrement parlante. A titre d'hypothèse en effet, on peut penser que les groupes Vezo du Nord et du Sud sont tous des groupes sociaux totalement métissés, dont la fonction d'intermédaires dans les échanges avec l'extérieur nécessitait une intégration sociale localement incontestée. Elle ne pouvait dès lors se réaliser qu'en surdéterminant les valeurs socialement légitimées. Leur organisation sur le mode des différenciations locales est alors tout à fait révélatrice des facteurs de perennité de la société, et de la manière dont elle se remet en cause. La manière ambivalente dont les rapports Nord-Sud de ces groupes est présentée rejoint l'unité formellement maintenue des groupes lignagers locaux entre ceux qui parmi eux sont restés au Sud et ceux qui se sont se~mentés et ont migré vers le Nord. Car, il n'est pas facile de saisir de maniere précise ce qui fonde la préférence et le sens de ces relations Nord-Sud dans cette région et surtout cette vallée Sud du Manambolo bipolarisée vers le Nord ou le Sud.

Nous avançons, à titre d'hypothèse et parce que notre enquête nous a permis d'approcher les Mikea en la personne du Masy-Soavela, gestionnaire de certains cultes et partant de certains réseaux de communication internes, que ce sont ces groupes eux-mêmes comme les Vezo différenciés par leur activité de production qui peuvent servir de point de référence pour identifier les réseaux d'alliance plus ou moins stabilisés à travers eux. Là où les rapports préférentiels se feraient au Sud, ce ne serait plus le terme générique de Mikea qui est employé mais celui de Vazimba. Au demeurant A. Grandidier affirmait que les Vazimba du Sud se nommeraient Mikea au Nord. Et Vazimba et Vezo sont liés depuis longtemps par le lien Ziva. Voilà l'axe de recherche que nous a ouvert cette enquête. - 240 -

V-4 Campement d'Ampasimandroro (31-10-1969)

Ce campement où nous sommes particulièrement bien accueillis par Restakely, cadet du lignage Maromine, apparaît comme un village-tampon sur l'échiquier des rapports intervillageois. Notre informateur paraît très libéral et s'efforce en tout point de répondre à nos questions. C'est quelqu'un qui a beaucoup voyagé, et qui a passé plusieurs années dans la région de Majunga.

Les originaires Maromine du village d'Ampasimandroro seraient venus de Mafaidrano dans le canton de Masoarivo-Nord, pour s'installer à l'embouchure du Manambolo. Ils ont pour habitude de suivre les changements de lit du fleuve et de se fixer à son embouchure. Ils ont demandé aux Hirijy et aux Hohimalagny de Soahazo l'autorisation de s'installer. Ils possédaient des bateaux à voile avec lequel ils pratiquaient le commerce. Cette petite histoire de l'installation des Maromine marque d'abord leur volonté de ne pas se mettre en conflit, et de garder leur neutralité à l'égard des deux villages concernés. Cependant les conflits sont là, et la zone où ils cultivent au Nord du Manambolo, à l'Ouest de Soanafindra, non loin d'Andranolava les place au centre du problème agriculture­ élevage qui oppose Soanafindra et Andranolava, et par voie de conséquence Ankirijy et Soahazo. Leur zone de pâturage était auparavant Ankorobe. Enfin, outre ces activités agricoles, les Maromine ont toujours pratiqué la pêche au thon, ce qu'ils font encore dans les eaux stagnantes et peu profondes du bras de mer d'Andombirolava. Cette pêche au Vango (thon) ne se pratique qu'en saison sèche, la saison des pluies (Fian-Drano) étant la période de reproduction des thons. Ces thons, très réputés, se vendent 20 fmg les huit à la vente sur place, et 20 fmg les quatre au marché de Belo. .

En dehors des Maromine, lignage fondateur, les lignages représentés sont les Kimosy et les Zazamainty. Les Maromine et les Kimosy sont Ziva, et leur alliance ainsi scellée est stabilisée. Elle résulte du rapport de voisinage, mais s'enracine, comme toute relation de ce genre, dans l'histoire des migrations de ces deux groupes. Toutefois, notre informateur est resté très discret sur ce point. Les marques d'oreille de boeufs font apparaître pour ces deux groupes des segmentations internes liées aux rapports d'alliance qu'ils ont créés. Les Maromine ont une marque d'oreille Sambosa, mais aussi Mirangitry qui leur vient de leur relation de Longo Amin Raza des Finaoky. Sans doute ont-ils eu de tout temps des rapports privilégiés avec les anciens dominants, car ils sont également Longo Amin Razan des Misara et des Maromany. Quant aux Kimosy, ils ont les marques de boeufs Madeke, la plus ancienne et, Rahambasoa, issue de la scission interne au lignage par segmentation en deux Tariky. En l'absence du Mpitoka­ Kimosy, nous n'avons pu obtenir l'histoire de cette création d'une nouvelle marque d'oreille de boeufs. Les tombeaux des Maromine et des Kimosy sont pour les premiers Mafaidrano et Ankilida pour les seconds. Il est frappant que ce campement qui ne compte que 30 habitants répartis en dix cases d'habitation, dépend administrativement de Soanafindra-Antanambao pour ce qui concerne les Maromine et d'Ankirijy-Menahava pour les Kimosy et Zazamainty.

Enfin, le village est le lieu d'un Tromba-Finaoky. Ce sont les Kimosy, Longo des Finaoky qui en assurent la garde. La cérémonie au Zomba a lieu chaque année durant les mois de juillet (Tsaramatseroke) et septembre (Volambinta). - 241 -

V-4-l Texte n° 56 - Entretien avec Restakely, d'origine Maromine au campement d'Ampasimandroro <01-11-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Le contexte général de l'entretien a été précisé dans la présentation du campement d'Ampasimandroro. Ce paragraphe est plutôt une réflexion sur la situation d'enquête particulière de ce campement. A bien des égards, elle rappelle une situation analogue rencontrée. dans la région de Morondava, à la visite du campement d'Ankoronadabo (V. Tome D. Dans cet autre village, nous avions été là aussi particulièrement bien accueilli; il s'agissait aussi d'un campement dépendant socialement et économiquement, mais dont la dépendance s'effaçait devant le rôle idéologique de premier plan qu'il jouait dans une région où des conflits importants s'exprimaient par une bipolarisation des rapports intervillageois. Les habitants d'Ankoronadabo gardiens des tombeaux royaux de Maneva avaient pour fonction idéologique, de valoriser une intégration ethnique dans un contexte pluri-ethnique où les migrants avaient réactualisé un Tromba-Andrano local.

De la même manière, les Kimosy, gardiens du Zomba-Finaoky à Ampasimandroro, se trouvaient placés au centre d'un système de communications qui ne .recoupe vraisemblabelemnt pas la division en villages. Ainsi, ce petit cél.mpement à l'embouchure du Manambolo, et dont les habitants suivent le fleuve dans ses déplacements, malgré sa situation périphérique, était le lieu de l'analyse des contradictions de tous ordres qui se jouaient. Cette société se manifeste donc bien à la périphérie d'un jeu de rapports réels dont le centre actif a une traduction en terme de rapports économiques et politiques. Le texte qui suit est très court, mais il est remarquable par l'enchaînement des différents thèmes qui ont été développés.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Originaires de Mafaidrano, les Maromine ont conservé leur tombeau d'origine depuis la colonisation, qui s'est faite à l'époque de leurs Dady, Vomboke et Tsimiasy dont sont issus les segments de ligna~e frères et soeurs du village. Bien qu'installés depuis le début de la colonisation a Ampasimandroro, ils enterrent leurs morts en rapatriant leurs corps à la saison des pluies. Leur migration récente est évoquée dans les termes suivants: "lorsque les collines se sont unies, les Maromine ont émigré à Ankorobe, qui était jusque là un lieu de pâturage" ..•A présent, tandis que les Hohimalagny (Mahafatsy) se sont installés à Soahazo, eux, se sont installés à Ampasimandroro pour y cultiver le riz (à Marohejy). L'ensemble du texte montre l'intégration des activités de pêche et des activités agricoles, elles-mêmes centrées sur l'élevage. Des relations de complémentarité existent depuis longtemps au moment de la récolte du riz, le poisson est vendu au bord du lac Bemarivo et sur les autres lieux de production où vivent les gens. Parmi les habitants d'A mpasimandroro, quatre ont encore des Molanga (pirogue) pour ces échanges et les déplacements locaux. Pour le commerce à plus longue distance, jusqu'à Belo, par exemple, on utilise les boeufs - 242 -

de trait et la charette et l'importance de ces échanges n'est pas négligeable. Une charrette, ou une pirogue se louent 500 fmg à Ampasimandroro, trois personnes possèdent une charrette, deux d'entre elles ont pirogue et charrette. Chacun des lignages possède en propre les deux moyens de locomotion.

Les marchés aux boeufs se trouvent soit à Trangahy, sur la rive Nord du Manambolo, soit à Masoarivo. Le choix de vendre ou acheter sur place appartient au Mpitoka. Certains optent pour l'acheminement direct de leurs boeufs jusqu'à Rafiraty, Tsiroanomandidy ou Mandroro. D'autres acceptent de vendre, dans l'intervalle des marchés, à des rabatteurs. A la lecture de ce texte, on ne peut plus raisonner le monde paysan à partir d'un comportement a priori non rationnel, parce non centré sur la valeur marchande des produits. Nous n'avons pas approfondi les raisons qui font choisir de vendre sur place au moment des foires et marchés, ou sur les lieux de vente plus éloignés comme Tsiroanomandidy, ou encore par l'intermédiaire de rabatteurs. Mais les critères économiques ne sont sûrement pas négligés, et d'autres entretiens, comme ceux que nous avons eus auprès du Mpitoka-Misara (V. Texte n° 37 p. 227) .Zalahy d'Aboalimena, comme avec le Mpitoka-Homankazo d'Ankirijy (V. Texte n° 35 p. 224 )montrent que l'évaluation marchande des boeufs entre pour une bonne part dans les choix et les modalités de vente. Cependant, les cérémonies de tous ordres tendent à maintenir des réseaux sociaux de communication préférentiels: qu'il s'agisse de circoncision ou de Tromba, les marques d'oreille des boeufs ou les interdits relatifs à la couleur de la robe des boeufs sacrifiés sont là pour le rappeler. Les grands gestionnaires de ces circuits commerciaux sont indéniablement les Masy, eux qui interprétent le Sikily, lèvent les interdits etc••• Ils sont aussi les plus riches, car ils sont payés en boeufs et en argent. Rappelons à ce propos l'entretien qui clôturera cette enquête auprès du Masy-Mikea d'Aboalimena (V. Texte nO 60 p. 256) • L'entretien se termine tout naturellement sur la distinction entre Bilo, Tromba et Sazoka.

C- Eléments d'information retenus

Le texte dans son ensemble sera repris dans la présentation des "modes de production et d'échanges locaux" (V. Tome 1). Il est plus riche par le lien qu'il établit entre les différents thèmes évoqués que par l'approfondissement de chacun d'entre eux. On voit bien cependant que c'est l'activité d'échanges qui régit les comportements sociaux, échange étant pris ici dans son sens le plus général (produitsJ personnes, liens symboliques:••). (Définition des différentes sortes de Tromba en montage thématique).

V-5 Village d'Andranolava (03-11-1969>

Nous arrivons au village d'Andranolava, guidé par les villageois d'Ampasimandroro. Ce village compte environ 40 habitants de plus de quinze ans, répartis dans une vingtaine de cases d'habitation. Nous portons sur la carte (V. carte hors texte) les limites du terroir villageois sur les indications de nos informateurs: à l'Est, ce sont les mêmes que celles des villages d'Ambohipasy et Belobaka, au Nord celles du village d'Amboamena, au Nord-Ouest d'Ankorobe et au Sud de Betsiala. Un entretien (V. Texte n° 57 p.244) nous apportera l'historique du peuplement et l'histoire de la création de ces différents villages. - 243 -

Les ancêtres fondateurs d'Andranolava, Mpondy et Lodaky, tous deux d'origine lignagère Antavaratse-Hohimalagny, résidaient auparavant à Soahazo, comme d'ailleurs la plupart des lignages fondateurs des villages qui bordent la rive Nord du Manambolo. A cette époque, Soahazo était le pôle de regroupement des lignages résidant dans le Manambolo, et Andranolava était une zône de pâturage où se trouvaient les troupeaux de Toera. Plusieurs Mpitan-Hazomanga du lignage Hohimalagny se sont succédés: Falia, ami personnel de Toera, Jemely, Hiakata, Tsietrevo, gardien de boeufs de Toera et enfin Sambofialofa, notre informateur et actuel Mpitoka. Au début de la colonisation, Soahazo et Andranolava étaient liés par l'activité d'élevage, et c'est Tsietrevo qui s'installa à Andranolava pour le gardiennage des 500 boeufs de Toera. Ces boeufs restèrent ainsi huit ans sous le contrôle des Hohimalagny, mais la neuvième année, ils redevinrent sauvages, c'est-à-dire libres de toute appropriation. Cet épisode marque la fin de l'intégration économique et sociale autour du troupeau royal comme seul mode d'accumulation.

On peut dire que depuis cette époque la configuration socio­ économique a bien changé. Les Hohimalagny qui sont restés à Soahazo et dont Sambofialofa est le survivant, conservent à Andranolava un troupeau d'environ 200 têtes, tandis que les Vongovato, dont le Mpitoka est Kanama Ginnot, possèdent actuellement 300 boeufs. Ces deux formations li&,nagères sont liées de Fatidra, mais se différencient par leur réseau d'alliances, ou le lien Ziva permet d'identifier les alliances stabilisées au moment de notre enquête. Les Hohimalagny sont Ziva des Andralefy et des Ambalava, tandis que les Vongovato sont Ziva des Misara et des Folay (I). Ces réseaux différenciés d'alliances renvoient aux Longo Amin Raza de l'époque de Toera qui ont impliqué les Vongovato Misara-Samoky et Folay, tandis que les Vezo-Hohimalagny ne semblent pas avoir été alliés par mariage, donc avoir eu des descendants des Maroserana: ils étaient gardiens de boeufs et Fatidra, alors que les Vongovato étaient Masondrano et Longo du roi.

Remarquons que la corn position sociologique de ce village est particulière en ce sens que les descendants des deux Tariky-Hohimalagny issus du frère et de la soeur résident en grande partie en ville, Tulear et Belo surtout, ainsi que Morondava. Les jeunes sont scolarisées, certains représentants du lignage sont instituteurs ou gendarmes, et l'un d'entre eux est même sénateur à Belo.

Andranolava et le problème des rapports agriculture-élevage

Zône traditionnelle d'élevage, le villa&,e d'Andranolava, situé non loin de la rive Nord du Manambolo et donc bien placé a l'égard de l'approvisionnement en eau en saison sèche, était au centre des enjeux dans les conflits agriculture­ élevage dans cette région du Manambolo.

(I) Les Tsitompa d'Andranofotsy sont le produit de ces alliances stabilisées depuis un siècle environ, ce dont témoigne la formation lignagère et les marques d'oreilles de boeufs droite et gauche de ce lignage. - 244 -

Considéré d'un point de vue général, le conflit principal oppose les villages de Soanafindra et Andranolava, mais cette vision bipolaire n'en révèle qu'un aspect superficiel. La réalité du cQnflit est beaucoup plus complexe: elle englobe la totalité des villages des rives Nord et Sud du Manambolo que le développement des cultures et de la riziculture en particulier a profondément transformé. Cet aspect global du conflit fera l'objet d'un développement (V. Tome 0, notre informateur s'étant limité au conflit le concernant qui l'oppose aux Antavela ainsi qu'à ceux qui font partie de leur réseau d'alliés-dépendants.

En gros, le conflit se présente de la manière suivante: Soanafindra village de formation récente, barre la route des boeufs quand ils vont s'abreuver dans le Manambolo au moment de la saison sèche. En effet, quand le point d'eau existant au sud du village de Soanafindra est asséché, les boeufs pâturent sur le Manambolo. L'installation récente du village de Soanafindra dont la vocation essentielle est la mise en culture des Baiboho met en question l'économie de l'élevage sur la base de laquelle a toujours fonctionné le village d'Andranolava depuis l'époque de Toera ; ce village est resté fidèle à sa vocation initiale même si les groupes sociaux qui profitent de l'élevage ne sont plus tout à fait les mêmes. Le dédoublement de l'activité des habitants de Soahazo existe encore actuellement, et suppose la spécialisation d'Andranolava comme lieu de pâturage de leurs troupeaux: anciennement port de commerce entre le Nord et le Sud, Soahazo reste un village dont les habitants Vezo sont devenus éleveurs et agriculteurs, m~lis restent présents et actifs en matière économique dans l'appareil d'Etat.

La solution préconisée par le Mpitoka Vongovato Kanama Ginnot, est l'immatriculation des terres d'Ambohipasy, qui aurait permis aux boeufs de s'abreuver dans le Manambolo. Mais bien entendu, Soanafindra faisait objection à cette immatriculation, et de plus chaque année trente à cinquante boeufs disparaissaient abattus par malveilIance. Nous retrouvons dans ce conflit les solutions habituellement envisagées en matière de terres de pâture ou de droit de passage, celles d'immatriculer et d'instituer un Dynam-Pokonolona. C'est la solution qu'avait adoptée le village d'Andranofotsy, pour lutter contre le camp pénal situé en plein milieu des terres de pâtures (V. Chapitre VII Tome O.

V-5-1 Texte nO 57 - Entretien avec Sambofialofa, Mpitoka-Vezo, Hohimalagny d'Andranolava

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

La visite de ce village nous a permis de compléter les informations que nous avions recueillies à Soahazo. A Andranolava, l'investigation fut plus aisée qu'à Soahazo, car c'est un village qui vit directement le conflit des autres, et à ce titre ne pouvait que béneficier d'un élargissement de l'information quant à la réalité de sa situation. Notre informateur, Sambofialofa, également appelé Vandimbe, est le Mpitoka du segment de lignage cadet des Hohimalagny, celui qui a hérité du Hazomanga et exerce la fonction de Masy. Celle-ci est importante, car il existe de nombreux lieux sacrés, Tromba-Andrano, et Sazoka-Bilo dans la région. Comme à Andranofotsy il y a un Tromba-Antety et des Tromba-Andrano à l'embouchure des rivières. - 245 -

La contradiction générale sur laquelle repose le conflit agriculture­ élevage semblait opposer les formations sociales locales dans les rapports qu'elles entretenaient entre le Nord et le Sud au travers des réseaux d'échanges de boeufs: la différenciation des Veze originaires du Nord et du Sud, celle des Mikea-Fotsy et des Mikea-Mainty inclut ces fonctions différentes, dans l'ordre des rapports externes et des échanges pour les Vezo, et dans l'ordre des rapports internes pour les Mikea. Soulignons à ce propos que le poste de douane est confié au segment de lignage fondateur des Hohimalagny héritiers d'Alifo à Soahazo.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Le texte obtenu à l'issue de cet entretien est très ramassé, et la thématique qui apparaît ne donne nullement d'indication sur le jeu de personnalisation des conflits. L'information donnée laisse à l'auditeur la charge de comprendre entre les lignes ce qui est dit, de l'entendre en termes de différenciations économiques et politiques. C'est pourquoi, si nous conservons à cet enregistrement l'enchaînement des thèmes, où l'on voit notre informateur s'étendre sur l'origine des Vezo, pour finalement clôturer l'entretien sur l'origine des Mikea, d'autres thèmes transparaissent en contre-point. Le conflit agriculture-élevage sera explicité, en référence à la position sociale de notre informateur qui n'est bien sOr pas neutre. Cependant, il se gardera bien d'indiquer clairement quelle cause il défend: à son interlocuteur d'apprécier les termes de la contradiction sociale-historique qui lui est présentée.

l - Origine des Vezo et de Soahazo, ancien port de commerce sous Toera

Les Vezo de Soahazo-Andranolava se divisent en Antavaratse­ Hohimalagny et Antavaratse-Lelasefo, qui correspondent aux marques d'oreille de boeufs. Ceux-là viennent du Nord, non loin de là où vivent les comoriens. Il y a également des Vezo originaires du Sud (Tulear) de Belalanda. Ce sont les Tsimagnavadraza aux marques d'oreille de boeufs Sambaentoho et les Tsimagnendrike aux marques d'oreille Kimija. Les Veze du Nord descendent de Allio, tandis que ceux du Sud descendent de Lahimara.

Gardiens de boeufs de Toera, les Veze ont contracté des alliances avec des groupes Sakalava. Parmi ceux-ci, notre informateur citera ceux qui résident à Aridramasay (vraisemblablement Gaston, chef de village, qui n'avait pas attesté de son origine Vezo-Hohimalagny, et n'avait insisté que sur son origine Antavela-Marotsiraty, ainsi que sur le lien Ziva qui l'allie aux Vazimba­ Baratany (V. Texte n° 33 p.213) de même, il y a des groupes Vezo-Misara à Aboalimena. A l'époque de Toera, Soahazo était un port de commerce; Samat, commerçant à Morondava, avait l'habitude d'y accoster pour faire le commerce des boeufs. Les gens qui habitaient Soahazo étaient des douaniers, fonction que certains d'entre eux ont conservée. Les liaisons commerciales par mer étaient importantes pour le transit du Nord au Sud (Tulear, dans le Fiherenena), car c'était là-bas qu'on vendait les produits. Actuellement, les pirogues à balancier existent toujours, mais leur nombre a diminué et le commerce par terre est de plus en plus important. - 246 -

2 - Les nouvelles formations sociales villageoises depuis la colonisation et les segmentations

Cette partie de la discussion ne peut être résumée purement et simplement. En effet, si la composition sociale de la région est quasi exhaustivement décrite (nous en avons eu confirmation au travers de notre enquête, puisque tous les ligna&es et noms cités sont ceux que nous avons rencontrés ailleurs), l'accent a éte mis sur une segmentation récente qui implique l'ancien village d'Ankorobe, lui-même issu de la segmentation d'Ankirijy­ Moravagno et Aboalimena. Ce thème rejoignait en réalité la problématique du conflit agriculture-élevage qui oppose deux à deux les villa~es actuels de Soahazo-Andranolava et Soanafindra-Ankirijy : chaque village "mere" Soahazo et Ankirijy, jouant symétriquement et inversement l'intégration élevage-riziculture. Ankorobe, à l'Ouest de Soanafindra, lieu de pâture des habitants d'Ankirijy est concurrent d'Andranolava, lieu de pâture de Soahazo, pour l'approvisionnement en eau et le droit de passage des boeufs. En revanche, les formations sociales concurrentes ne seront pas citées. Notre informateur met au devant de la scène les Antavela, anciens résidents d'Ankorobe qui se sont segmentés et répartis dans différents villages: Soanafindra, Bevilo, Ambalavary et Maroabaly. La description socio­ géographique qui ressort de ce texte est cependant fondamentale, car elle permet de saisir sur le vif la complexité des rapports Nord-Sud qu'elle fait apparaître.

3 - Histoire du lien Ziva des Hohimalagny, Andralefy, Ambalava

Ce thème qui clôture le descriptif des rapports socio-économiques, n'est évidemment pas neutre. Il indique les alliances permanentes de ces trois groupes et celles qui sont reconnues comme telles. Ces alliances sont en relation directe avec les éch!3-nges potentiels, les stratégies de marquage des boeufs et la reproduction du capital boeufs par les segments de lignage apparentés du village de Soahazo qui dépendent du même Mpitoka-Hazomanga. Au demeurant, les segments de lignage Andralefy dont parle notre informateur, sont ceux que nous avons rencontrés à Andranofotsy, Andimaky (Mahatafy et Kalikaly). Le problème des Tsitompa du village d'Andranofotsy, dont certains possèdent des marques d'oreille Ambalava n'a pas été résolu, car cette identite est refusée par notre informateur: les Ambalava, selon lui ont comme marque d'oreille de boeufs Tsimahahefo (1).

4 - Origine des Mikea et Antambahy

Dans sa relation de l'origine des Mikea, l'informateur va à l'essentiel, indiquant la capacité des Mikea à survivre dans la forêt (thème déjà évoqué par le Masy-Mikea, Cf. Tome III, p. 2 et suivantes).

(1) C'est la marque d'oreille de boeuf des Andralefy. L'identité des Tsitompa est sans doute le produit d'une séparation d'avec léS Andralefy: relation endogame masquée ?? - 247 -

Les marques d'oreille de boeufs dont ils ont bénéficié auprès du roi correspondent à leur relative sédentarisation: Antambahy évoque le fait qu'ils ont pour nourriture des lianes de la forêt, Kitoky évoque leur spécialisation dans la recolte du miel et le quasi-élevage des abeilles.

C- Eléments d'information retenus

- En montage thématique: histoire des Ziva, des Mikea, (Tome III, p. 55).

- En Tome l, la description sociologique de la région et l'analyse du conflit agriculture-élevage dans le contexte géo-économique local (Chapitre VII).

- Un texte de statut particulier, base d'une interprétation globale des données d'enquête.

Ce nouveau texte recueilli à Andranolava explicite l'identité des groupes lignagers qui pratiquent l'élevage dans le Manambolo et possèdent chacun plus de mille boeufs. Il ne peut être compris indépendemment du contexte socio-économique décrit ci-dessus, où s'opposent Andranolava et Soanafindra et par là même, Ankirijy-Moravagno et Soahazo. Le schéma des relations Nord-Sud que ce texte permet de formaliser complétera utilement la socio-matrice du lien Ziva des groupes lignagers résidant au Manambolo. Ces informations ont été transcrites sous forme de deux tableaux synthétiques (relations Nord-Sud, ci­ après et sodo-matrice du lien Ziva, Tome l, chapitre IV) et mises en relation avec les tombeaux d'appartenance et l'origine de la migration des différents groupes (quand elle est connue). Ces tableaux nous permettront d'analyser les types de rapports engagés dans l'activité de production (éleva~e-agriculture)en les plaçant dans le système de communications et d'échanges, a l'échelle micro­ régionale (la Mairie de Belo, les cantons, les quartiers) et régionale (Cf. carte N° 5 hors texte). Nous les situerons dans les rapports généraux Nord-Sud et Est­ Ouest qu'ils tendent à valider au profit de ce Menabe historique, actuelle Préfecture de Morondava, et véritable enjeu des stratégies politiques et économiques observées.

Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Ce texte comprend trois parties. La première concerne la migration après segmentation des groupes qui résidaient au Sud dans la vallée de la Tsiribihina (Bemarivo, Belo et le Delta), vers le Nord et dans le Manambolo. La seconde partie évoque la manière dont les conflits agriculture-élevage se sont radicalises à la suite de cet afflux de boeufs en provenance de la Tsiribihina dans le Manambolo. Enfin, on trouvera une énumération de ceux qui possèdent plus de mille boeufs dans le Manambolo. - 248 -

Considérée du point de vue de notre informateur, qui appartient au Tariky-Hohimalagny de Tsiboka, ancien propriétaire de 3000 boeufs, la situation actuelle de l'élevage à Andranolava est présentée avec précision. De même, il décrit le conflit local qui existe pour la répartition des terres de pâtures au regard de l'organisation passée sous le règne de Toera, en montrant quelle transformation a apportée l'administration militaire au temps de la colonisation, et quel est le rôle de l'actuelle administration dans ce conflit.

Eléments d'information retenus

Sur le schéma ci-contre qui respecte le cadre géographique de la localisation des villages et l'échelle des distances entre la Tsiribihina et le Manambolo, sont identifiés :

- les flux de déplacement des boeufs du lieu de résidence aux lieux de pâturage,

- les groupes lignagers qui pratiquent cette transhumance,

- leur tombeau d'appartenance s'il est connu, ou encore le lieu d'origine de la migration du groupe s'il est mentionné.

Une analyse précisera en termes locaux le conflit élevage­ agriculture, le lien Ziva, système relationnel le plus caractéristique de ces rapports conflictuels, et fera apparaître la manière dont ce conflit vécu au Nord de la région de la Mairie de Belo, se répercute au Sud, dans la vallée de la Tsiribihina. Ce conflit, situé au départ dans le domaine de la production, était également vécu au niveau électoral et politique: ainsi, Ankirondro, village à l'Est du lac Bemarivo était particulièrement impliqué dans le conflit en raison d'une minorité liée à la population urbaine de Belo. De la même manière, le conflit concernait certains groupes du Delta qui avaient Tomboarivo pour lieu d'origine de leur migration.

V-G Village d'Antanambao-Behara (02-11-1969)

Le village d'Antanambao était situé autrefois à Behara, ce qui explique sa double dénomination. C'est un Chef-lieu de quartier. Il est divisé en deux secteurs, Tanambao-Ouest et Est. Il possède une école primaire et un commerçant. Le village proprement dit compte environ cent habitants répartis en une quarantaine de cases d'habitation. Les trois quart d'entre eux sont des migrants Betsileo et Koroa. Plusieurs villages et campement dépendent d'Antanambao: ce sont à l'Est Ankiseny, au Nord-Ouest Amboriabo, à l'Ouest Andimaka l, et au Sud-Est Ankorobe et Andranolava. Ankorobe qui fut le lieu de pâturage des boeufs de Toera est actuellement quasiment abandonné. Il s'est subdivisé en plusieurs villages dont le Chef-lieu se trouve à Soanafindra auquel se rattache Bepilopilo. A Tanambao, sont rattachés les campements d'Ampanihy, au Sud, qui compte 23 cases et 40 habitants environ, Be1obaka-Sud dont les habitants sont des Koroa, et enfin le campement temporaire sur le Baiboho au lieu-dit Ankerabe. - 249 -

Les zones de pâturage se trouvent à Behara, au Nord, à Ankilitelo à l'Est, Ampanihy au Sud, à Nosikapiky à l'Ouest d'Ampanihy et à Antsakoabetrongo également à l'Est. Une organisation complexe des pâturages est en rapport avec les différenciations lignagères et avec celles que sous­ tendent les différentes marques d'oreille de boeufs. Les principales formations lignagères sont les Misara, les Andranatsara, les Tsimahavily et les Tsiarama. Les marques d'oreille de boeufs sont liées aux rapports Longo Amin Raza et Ziva de ces groupes.

C'est le Chef de Quartier, arrivé tard le soir avec sa femme après sa journée de travail sur les Baiboho qui nous reçoit et sera notre principal informateur pour la collecte des données sociales, historiques et économiques. Il accepte de se prêter à une interview enregistrée et nous apporte de précieuses informations sur la vie économique locale. Si le village est quasiment vide à cette époque de l'année, nous explique-t-il, c'est que c'est à la fois la saison des cultures sur les Baiboho, et le moment de l'élevage itinérant. En ce qui concerne les cultivateurs, il y a à Tanambao ceux qui, riverains du Manambolo au Sud, vont à Bemarivo, et qui sont essentiellement les migrants. Les autres, dont les terres sont au Nord, pratiquent le métayage à Bemamba dans la sous-préfecture d'Antsalova. Ceux des groupes lignagers qui font de l'élevage, ont à résoudre tous les jours le problème de l'alimentation en eau des boeufs qui souffrent de la sécheresse en cette saison. C'est pourquoi les Mpitoka se rendent chaque jour de bon matin à leur Kijana (lieu où campent les boeufs). Là, ils regroupent les boeufs, les gardent une partie de la journée, puis les amènent s'abreuver au Manambolo. Ceux qui sont très éloignés de tout point d'eau voient leur troupeau décimé par le manque d'eau et d'herbage. Le village a pour principale activité l'élevage et les campements qui lui sont rattachés, sont des zônes de pâture. L'activité commerciale est importante dans cette région de riziculture et d'élevage, et de plus située à la croisée des routes qui mènent vers l'Est à Masoarivo et Tsiroanomandidy et vers le Nord à Trangahy. Pour le commerce des boeufs, des acheteurs patentés viennent de Tsiroanomandidy, d'Antsalova où achètent à Trangahy au moment de la foire qui se tient à la période où l'on paye l'impôt. Pour les produits, le commerçant Karany achète environ 100 tonnes de riz aux producteurs et quelques 20 tonnes de haricots chaque année. Toutefois, ces chiffres sont sujets à variations selon les années.

Les entretiens recueillis au cours du séjour dans ce village nous permettront de reconstituer dans ses grandes lignes la socio-matrice du lien Ziva. Elle est la clef de certaines différenciations lignagères, celles qui concernent les alliances permanentes entre groupes, qui se retrouvent parfois dans la création d'un nouveau tombeau. C'est la connaissance de toutes ces différenciations lignagères qui permet de comprendre l'orientation préférentielle des communications et des échanges, qu'il s'agisse de produits ou encore de liens sociaux comme le mariage ou l'adoption. Nous avons pu ainsi reconstituer un diagramme social historique des échanges et des communications Nord-Sud. - 250 -

V-6-1 Texte nO 59 - Entretien avec Kimpao et Jacques Kakay, Mpitoka-Misara, Chef de quartier, au village d'Antanambao (11-1969 )

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Cet enregistrement a été effectué lors d'un entretien avec le Chef de village de Tanambao, Kimpao, et le Chef de quartier Jacques Kakay, qui fait suite à l'entretien informel au cours duquel nous avons reçu des informations sur les activités commerciales de la région et l'organisation de la production. Une partie de l'entretien n'a pas été enregistrée non plus, il concernait la politique de Jacques Kakay comme Chef de quartier, et actuel Conseiller rural de Tanambao, qui est aussi ancien Chef de canton de Serinam (en 1920).

Notre informateur se présente comme le principal acteur économique de la région et un homme dont la marge de manoeuvre reste grande vis-à-vis des directives gouvernementales. Sa position devant les multiples pressions économiques, taxe d'abattage des boeufs, ou relatives aux cérémonies de Rombo (450 fmg), droits de circulation des boeufs (D, etc.••, est influencée par le respect qu'il conserve lui-même à l'égard de certaines traditions. Sa force sur le plan local, vient de ce qu'il est le seul à s'occuper des quatre quartiers du Nord: Tanambao, Menahavo, , et Serinam et que son rôle a été important lors de la campagne électorale de 19 69. C'est pourquoi il se sent autorisé à présenter aux hauts-fonctionnaires d'Etat ses revendications à percevoir un salaire compte tenu des lourdes tâches qu'il assume. Dans le conflit dynastique du Fitampoha de 1968, il se sentait plus proche de .Felice que de Laguerre.

B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués

Le thème central de cet entretien est la segmentation Misara et la reproduction lignagère de ce groupe, qui s'appuie paradoxalement sur les segmentations successives. La matrice sociale-historique de ces évènements est difficile à reconstituer car l'identité précise des Matoe (ancêtres personnalisés) est masquée par les surnoms et noms posthumes qu'on emploie pour les déSigner. De plus, en général, ce sont les femmes qui, dans ce système de parenté, permettent le repérage des liens de solidarité entre groupes dispersés. Or les femmes ne sont jamais nommées directement, elles sont citées par rapport aux frères, pères ou époux. Nous avons fréquemment. constaté dans d'autres entretiens, que la position économique du groupe lignager lui vient d'une femme Misara, ou-encore d'un lien d'adoption avec un personnage "royal", ou un personnage important de l'entourage du roi. C'est le cas de notre informateur, dont nous avons reconstitué les liens sociaux, fondant son identité Misara.

L'intérêt de cette reconstitution est qu'elle met en évidence le rapport permanent établi entre les hauts-lieux: Tomboarivo, Kekarivo, Mitsinjo, Befifitaha et les nouveaux tombeaux: Ankilida, Aboalimena, Ambalabe, Bekiria, Kekinosy (d'origine première Misara, à l'époque pré-coloniale, celle des Matoe).

(D L'impôt était loin d'être la seule forme de prélèvement. - 251 -

F- GENEALOGIE DE FANITONR

9 I-NDRIANILAINARIVOcr 5- Inconn .... 2-N~'R IA!T-A-H-OR-A-(J-3---ND-R-I~R95-prirœ _.r fISMAd' 4-BE~OAH l Tpd

~-+- ...;,7_-N~QD(::JR.fi.!NTSE ____...:l:.;:O:...--..;.TOIvIBOARIVO cr ll-SOAJEHA 12-Iconnue <;>

17-ANtANDRANC916-FISAORA 14-NJ:TSIKY li? r 15-Tsf1ÈvE; 19~J. ~Yd' 18-F:t:TONA(J (WIJlM3Y cE la TRAG\OVINTA cE MITSINJJ)

LEGENDE NOTES/ Mariage P) La mère du N°8 était la soeur utérine Rapport de descendance du N° 16:Parenté entre 18 et 19 (consanguinité) B)4 était roi et adopta Il-Tombeau à Sexe masculin MITSINJO Sexe féminin C) 18 est le produit d'une relation endogame Il,est arrière petit-fils de 8 tant par Rapport d'adoption son père que par sa mère (FOTINOND) Ancêtre cité par le MASY D)8, riche en boeufs, avait trois liaisons ANTANKAKANA ,ancien MPITOKA MAROSERANA en 1958 avec 7,9,10 E)Le surnom donré à NDRIANTSERE N°7 est 7 ndriantsere est un nom devenu marque d'oreilles de boeufs posthume donné par FANINTONA (TSEREHENDRAY) des parents, gardiens de à BAHARY cité par J. KAKAY boeufs du roi BEKOAHITA. 17 MIKEA FOTSY- ANTANDRANO G) Idéologie:Ce qui s'institue dans et par Informateur, ancien chef de le Haut-lieu de MITSINJO, c'est l'erndogamie village d'ANDRANOFOTSY permise et limitée par le lien ZIVA. - 252 -

Les rapports se sont pérennisés au travers de la fonction de gardiens de tombeaux près des hauts-lieux d'origine Misara. Les titulaires sont en général des descendants issus du lien qui a fondé l'identité Misara en même temps qu'il. a marqué l'exclusion du tombeau: il y a une continuité ;formellement maintenue entre ces différents regroupements Misara, au travers de leur résidence, de leurs tombeaux d'appartenance respectifs et du haut-lieu de référence à l'origine de leur migration. Ce réseau de solidarités se complique si l'on inclut les alliances de chacune des lignées, dont certaines sont stabilisées par le lien Ziva, celui qui consiste, selon les informateurs, à être "Ziva parmi les Longo.

C'est ce qui nous permet d'interpréter la seconde partie de ce texte, où notre informateur apparaît comme solidaire de Fanitony, gardien de la Tragnovinta de Mitsinjo, que nous avions nous-même longuement interviewé (Cf. Textes nO 29-30 p. 128). Au fur et à mesure que l'entretien se poursuit, sont repris de proche en proche et de manière concentrique les liens entre ces deux lignées et celles de Kekarivo, Befifitaha, qui peuvent être considérées comme un même Fokoany à la génération de Ndriantahoranarivo et Ndriamagnotroarivo (respectivement Vinany et Narova). Ces frère et soeur Maroserana, devenus Dady puisqu'ils ont tous deux régné, ont en effet épousé une femme et un homme choisis parmi les Misara de Kekarivo.

La troisième partie de ce texte engage à une nouvelle lecture de ces rapports, en déplaçant le lecteur vers la périphérie' des relations Maroserana­ Misara, au cours des générations. Il s'a~it cette fois-ci des alliés communs aux différentes lignées. Ce sont eux qui differencient les groupes Misara, et tendent à les inclure dans des rapports externes et des réseaux d'appartenance sociale où ils ne sont plus support de l'identité, mais médiateurs des rapports entre groupes. Deux systèmes d'alliance généralisée, l'un à partir des Misara de Mitsinjo, l'autre à partir de ceux de Befifitaha, ont été décrits. Le premier, celui de Mitsinjo auquel appartient notre informateur, circonscrit un espace social-historique précis qui relie les groupes sociaux de Masoarivo et Belo qui s'en revendiquent. Le second, celui de Befifitaha, auquel appartenaient nos informateurs d'Andranofotsy, circonscrit un autre espace social historique, qui place les Antavela-Vazimba Baratany au centre du dispositif d'alliance centré sur Ankorobe. Les Miavotrarivo eux-mêmes, participent de ce réseau d'alliances, eux qui ont récupéré en quelque sorte la légitimité Misara de Befifitaha (V. Textes nO 4-7-4-8 p. 172, entretien avec Tsitaha, et Textes nO 15-16 p.76, entretien avec Tsihenjagny).

Au terme de cette discussion, nous retrouvons une analyse du Fitampoha de 1968" centrée sur la légitimité de Tsimoray, seul Mpibaby permanent depuis 1958, et qui le restera en 1978. Il témoigne de cette stratégie particulière aux Misara qui reconstituent "l'illusion" dynastique dans ce jeu de segmentation des tombeaux qui sont équivalents à la segmentation des Hazomanga pour les autres groupes lignagers. Les gardiens des Hazomanga­ Misara seront cités à l'appui de cette thèse: ce sont les gardiens de tombeaux, Tsitsahy, Zalahy, J. Kakay et Tsimoray lui-même. Leurs invocations des sept ancêtres Misara (plus ou moins mythiques) sont identiques.

Le dernier thème évoqué est le don de 4-0 boeufs offerts par Manja pour la cérémonie du Fitampoha, qui semblait avoir posé problème en son temps. Les régions qui avaient le plus participé par leurs dons au Fitampoha auraient été - 253 -

Masoarivo, Antsalova, Bekopaka et Manja. On le voit, notre informateur ne cite pas les villages au Nord de la Mairie de Belo, comme ayant pris une part active au Fitampoha.

C- Eléments d'information retenus

- La totalité de ce texte sera reprise pour l'étude des légitimités sociales. Il complète les données recueillies auprès d'autres Mpitoka­ Misara. Il existe en particulier un parfait recoupement entre ce texte et celui de l'entretien avec le Mpitoka-Fanitony lors de la visite à la Tragnovinta de Mitsinjo (V. Textes nO 29-30 p. 128).

- Cet informateur nous a donné par son analyse des réseaux sociaux d'appartenance Misara, la méthode d'investigation qu'il convient d'utiliser pour comprendre le système généralisé d'alliance qui s'inscrit dans l'espace­ temps utile aux rapports du moment dans le lien Ziva. La socio-matrice du lien Ziva, qui se matérialise dans les stratégies de marquage des boeufs, prendra alors sa pleine signification dans le jeu des différenciations locales régionales.

V-7 Village d'Aboalimena (06-11-1969)

Autrefois, Aboalimena ne formait qu'un seul village, qui était situé un peu plus au Nord et s'appelait Manongarivo. Certains de ses habitants étaient métayers dans la concession de Goulamaly, commerçant indien résidant à Belo• .Les métayers se sont enrichis et se sont installés plus au Sud en gardant l'ancien nom du village. Cette différenciation, d'ordre économique à l'origine et non sociale, s'est accentuée sous la pression démographique, qui agissant à l'intérieur d'un groupe lignager a rendu necessaire la segmentation du Hazomanga, tandis que pour un temps l'unité du groupe était maintenue. C'est ce qui s'est produit quand le village du Sud s'est séparé de celui du Nord. Il s'agit là de segmentations lignagères" donc internes aux groupes de parents et toutes les formations lignagères constitutives du village sont concernées par cet évènement. Les lignages segmentés ont cependant maintenu l'unité de référence au tombeau, l'invocation dans le Toka des mêmes ancêtres mythiques et réels, et l'habitude de s'inviter réciproquement lors des cérémonies. De cette manière, les rapports de parenté ont eté préservés malgré les disparités économiques. A l'extérieur, c'est l'image d'une même formation sociale qui s'entend pour demander certains avantages à l'Administration, comme une école ou 'un poste sanitaire. Fait plus récent, ils ont même demandé une représentation du service de l'Agriculture pour faire face aux problèmes posés par le développement concurrent de l'élevage et de nouvelles mises en valeur rizicoles et éviter la multiplication des conflits par une nouvelle organisation de l'élevage.

Les segmentations lignagères sont confirmées par le dédoublement des charges parmi les lignages co-résidents. Ainsi, les Misara ont deux Mpitoka, Zalahy et Sergent (Tsiniambany). Les Mikea se subdivisent en Mikea-Fotsy (de marques de boeufs Kitoky), dont le Mpitoka est Niry, et Mikea-Mainty, dont le Mpitoka est Soavelo (marques de boeufs Antambahy). Quand aux Tsimangataky, ils ont trois Mpitoka, et nous avons déjà noté que le conflit interne à ce groupe a provoqué l'assimilation de l'une de ces lignées aux Finaoky. Ils auraient préféré - 254 -

cette identité et renoncé à leur ancienne appartenance qui les faisait Tsimangataky. C'est le Mpitoka qui représente cette stratégie d'assimilation; Kosy qui est Mpibaby et détenteur d'une Antsiva et de la conque marine, se présente com me très proche de la lignée Maroserana, et enfin conserve son identité première. Cette division interne des Mpitoka se traduit certainement dans les marques d'oreille de boeufs que nous n'avons pas pu relever du fait de l'absence des représèntants Tsimangataky à ce second passage.

Du point de vue politique, ce village est celui qui illustre le mieux la contradiction principale qui traversait la Mairie de Belo, celle-là même qui avait été mise en évidence au cours du Fitampoha de 1968 : derrière l'enjeu dynastique transparaissait un jeu strictement politique qui impliquait des réseaux d'alliance différents. Un ancien clivage était réactivé, entre les groupes vivant autour de Belo et les descendants des groupes nobles regroupés dans la résistance de la première heure à la colonisation et qui avaient migré vers le Nord, autour d'Aboalimena. Cette région du Manambolo, le Miary, qui est le lieu d'accumulation des boeufs, la banque bovine en quelque sorte, a de tout temps été une région de culture et d'élevage qui échappait au contrôle de l'Administration. Le poste de gendarmerie créé en 1964 était destiné à renforcer le contrôle sur une région où les groupes nobles perpétuaient une économie basée sur l'élevage et un système d'échanges fondés sur les rapports sociaux qu'ils maintenaient. Ces échanges se pratiquaient d'ailleurs tant sous une forme officielle que sous la forme officieuse, de vols de boeufs. Le village d'Aboalimena exprimait bien ces deux aspects d'une même réalité dans le passe et à l'époque actuelle: une organisation économique fondée sur les rapports de parenté et d'alliance, périodiquement remise en cause par la segmentation des groupes lignagers dont les nouvelles relations s'inscrivent dans l'espace et dans le temps. De son côté, l'Administration issue de l'Indépendance cherchait à intégrer par un contrôle de l'espace, cette activité économique qui lui échappait. Or ceux qui maîtrisaient l'espace-temps utile aux rapports économiques avec l'Est et en particulier avec Tsiroanomandidy, étaient ces nobles anciennement opposants, qui n'avaient pas tous perdu leurs dépendants, ceux qui leur étaient liés par le Ziva -lien social d'essence inégale dans l'ordre politique Maroserana- et vivaient dans le nord de la commune de Belo. De plus, les contradictions qu'avaient fait naître au Sud, à Belo même, plus de dix ans d'indépendance, rendaient nécessaire un recentrage au Nord des relations, ainsi que nous l'avions noté à Andranofotsy. Cette dialectique des relations Nord-Sud ne fut nulle part plus parlante qu'à Aboalimena. Les deux Masy du village, qui appartenaient l'un au village d'Aboalimena-Sud, Soavelo-Nagnandroa du lignage Mikea-Mainty, et l'autre au village Nord, Kanintsy, du lignage Tsimangataky, avaient pour tâche difficile de maintenir uni ce qui est séparé, de sorte que les rapports de parenté et d'alliance susceptibles d'être entraînés dans un conflit généralisé restent stables. C'était la présence de ces Masy qui garantissait au village son autonomie. Ainsi, à la différence d'Andranofotsy, le village n'était pas soumis aux rapports externes par le biais de la domination exercée par un conseiller rural qui s'arrogeait tous les droits. Ce n'était pas le cas du conseiller rural Misara, cadet de Zalahy, Mpitoka et Chef de quartier. Un certain équilibre de relations régnait entre ces différentes fonctions, tandis que la bipolarisation autour des Masy rendait supportables les conflits entre les quartiers Nord et Sud d'Aboalimena, et contribuait à les résoudre. - 255 -

L'organisation économique récem ment mise en place à Aboalimena était exemplaire, en ce sens qu'il s'agissait là d'une initiative paysanne, témoin de transformations économiques et sociaJes qui n'étaient venues ni de l'Administration ni d'experts étrangers. Il s'agit de la mise en valeur rizicole de la zone inondable de la rive sud du Manambolo (V. carte nO 8 hors texte). Cette zone était exploitée en commun par tous les villages riverains, Soahazo, Ankirijy, Moravagno et Aboalimena et par Fokoany. Ainsi, la partie sud autour de Marohejy était occupée par les résidents du campement d'Ampasimandroro. Immédiatement au Nord,' près du campement de Besihanaka-Ambalatany, se trouvaient les terres exploitées par les Maromamy et Homankazo du village d'Ankirijy (que nous avions rencontrés lors de la première enquête). Encore plus au Nord, venaient les gens d'Aboalimena-Nord et Sud. Enfin à l'extrème limite nord, on trouvait les terres des villageois de Soaserana. Chaque Tariky ou Fokoany occupait une parcelle, à vrai dire une surface assez grande, la salinité des terres rendant le sol peu productif. Ils y cultivaient des bananiers, des patates douces, le riz en première saison, et pour la première fois l'année de notre enquête (1969), ils essayaient de pratiquer un riz de contre-saison. C'était incontestablement une réussite pour ceux qui s'étaient lancés. Sur le terrain, la délimitation des terres de chaque Fokoany n'était pas très précise, et la présence de broussailles, de petites herbes et l'absence de limites naturelles montraient que les gens n'attachaient pas beaucoup d'importance à ces limites et qu'elles n'étaient pas occasion de conflit.

On peut dire que l'objectif d'Aboalimena et des villages du Manambolo était de faire de Besianaka (lieu-dit où se trouvaient ces concessions) le grenier du Manélmbolo. Pour le réaliser, ils étaient décidés à résoudre tous les conflits sociaux qui pourraient naître de leur initiative. Cet enjeu était perceptible, de même qu'on pouvait anticiper la situation nouvelle à laquelle ils auraient à faire face. Les répercussions politiques étaient déjà présentes car cet ensemble de villages cherchait à construire son indépendance vis-à-vis de Belo pour devenir un chef-lieu de canton à part entière. Ainsi dans cet endroit au bout du monde, isolé pendant six mois de l'année par les ruptures de charge en saison des pluies, difficile d'accès, cette enquête donnait une image du paysanat fort differente de celle qu'on s'attendait à voir. Ces villageois se battaient sur tous les plans, administratif, social-religieux (le système cérémoniel étant géré par les Masy) et enfin économique, pour assurer son autonomie. Il y avait là une réalité bien différente de l'image d'une paysannerie passéiste, non-productiviste, archaïque, et c'est la conclusion que nous pouvions tirer.

Les relations ont pu être établies pour ce village, entre l'unité de tombeau, les formations lignagères plus ou moins segmentées, les relations de Ziva, Longo Amin Raza et Fatidra avec les différenciations liées aux marques d'oreille de boeufs. L'entretien avec le Masy Mikea Mainty d'Aboalimena résumé ci-après nous a fourni une bonne base d'analyse pour retrouver la logique de ces corrélations. - 256 -

V-7-1 Texte nO 60 - Entretien avec le Chef de Lignage Mikea-Mainty d'Aboalimena (09-11-1969)

A- Situation d'enquête et qualité de l'informateur

Cet entretien illustre le schéma général des transformations sociales et économiques selon lequel les formations sociales villageoises parvenaient à s'instituer pleinement au regard des rapports de parenté et d'alliance construits depuis la colonisation.

Notre informateur était surtout un Masy réputé, grand connaisseur de la pharmacopée locale, et qui exerçait dans le village d'Aboalimena où il résidait une fonction unificatrice. En effet, ce village était traversé par des conflits d'ordre politique et économique qui remettaient en cause les rapports de parenté et d'alliance, au point qu'il en était presque coupé en deux. Les tensions dues aux inégalités économiques et politiques étaient encore renforcées par la création d'un po~t~ de gendarmerie ,dont le r9le était d'assurer peu à peu le contrôle de cette reglon. De plus, un recent amenagement des terres situees dans le delta du Manambolo avait profondément modifié l'élevage, les zônes de culture et les circuits de pâturage. Les conflits étaient nombreux et les enjeux étaient d'importance, puisque la région servait au regroupement des boeufs d'accumulation pour les parents et alliés dont certains résidaient dans la Tsiribihina. Ainsi, CO'1lme zône d'échange et d'accumulation, cette région comptait beaucoup dans la politique locale de la Mairie de Belo.

Notons qu'en 1968, notre informateur n'avait pas assisté au Fitampoha, alors qu'en 1978, il était le Masy de la cérémonie dynastique, mais les deux Fitampoha n'avaient pas la même signification politique••• B- Résumé du texte et principaux thèmes évoqués - L'origine des Mikea, et leur différenciation en Mikea-Mainty et Mikea-Fotsy est présentée, et il est intéressant de noter que leurs ancêtres mytiques, ceux qui furent à l'origine de leur installation à Madagascar, sont présentés comme des descendants de Karana (Indiens) originaires du Nord de l'île de Mayotte. Leur .spécificité leur vient d'un mode de production basé sur la cueillette. Ce point est particulièrement développé et l'on voit le rôle économique de la forêt, sa fonction symbolique d'attirance et de répulsion, comment elle leur a conféré un pouvoir. Seuls à la connaître, ils ont joué un rôle dans la communication entre les groupes, que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix. Connaissant la pharmacopée locale, ils sont naturellement devenus Masy. A ce sujet, est développée de façon sous-jacente une théorie sociale des Misara, qui seraient ceux qui ont été marginalisés, ou encore ceux qui se sont réfugiés dans la forêt et auxquels les Mikea auraient été alliés.

Le système de communication qui est décrit fait des Mikea les intermédiaires obligés: gardiens des forêts où ils étaient répartis, le roi ayant attribué à chaque groupe Mikea une parcelle, le passage était basé sur le lien de Fatidra, rapport personnalisé qui seul permettait aux membres des autres groupes de se risquer dans la forêt. - 257 -

Les Mikea sont aussi ceux qui peuvent parler le mieux des ancêtres mythiques, sorte de panthéon local qui réapparaît sous forme de Tromba-Antety dont les Masy sont les 9ardiens. Ici, les Tromba-Antety se présentent comme le lieu de la territorialite eu égard aux forêts et aux esprits qui y règnent et auxquels ils se réfèrent.

En fin d'entretien, est évoquée l'origine des Masy. Notre informateur précise que depuis la colonisation ceux-ci sont sortis de la clandestinité, à cause de l'affaiblissement du pouvoir royal et de la collaboration qui s'est instituée entre les anciens chefs et le pouvoir colonial. Il marque en conclusion l'origine étrangère des Mikea et montre simultanément leur rôle déterminant dans les rapports et le système de communication interne. On peut dire qu'il a développé une vériable théorie sociale, politique et économique du groupe qu'il représente. La relation qu'il établit entre les Mikea et les Masy est fondamentale par la position straté9ique qu'occupaient ces deux formations dans le Manambolo et la Tsiribihina à l'epoque de l'enquête. .

c - Eléments d'information retenus Nous présenterons en montage thématique (V. Tome III) le texte concernant l'origine des Mikea, la position particulière qu'ils ont occupée vis-à-vis de la royauté, leur différenciation selon les parcelles de forêt dont ils ont eu la garde en différents points du Menabe.

Le rôle social politique des Mikea apparaîtra dans le Tome l, chapitres IV et VII). Plus précisément, la relation entre la position stratégique qu'ils ont occupée dans le processus de territorialisation, et les segmentations successives, et d'autre part leur fonction particulière dans la reproduction idéologique d'un passé mythique permettant aux légitimités sociales nouvelles de s'instituer. Maîtres de la forêt, ils sont aussi les gardiens des génies de la forêt et c'est cela leur génie politique en uri monde où l'espace est devenu plus que jamais un enjeu politique, et où il s'agit de préserver les pratiques sociales et économiques d'un mode de vie lié à l'élevage. Les Vezo Ziva des Mikea occupent la même position socio-économique au regard des circuits de communication et d'échanges centrés sur les côtes que celle des Mikea dans les circuits internes du Nord au Sud-Est. - 258 -

CONCLUSION

Au final de cette enquête, la rencontre avec le Masy-Mikea d'Aboalimena et Sambofialofa d'Andranolava, complétée par les entretiens du leader PSD de Tanambao-Behara, furent suffisants pour comprendre la problématique générale des rapports antagoniques et complémentaires du Nord et du Sud de la Mairie de Belo. L'économie du Miary, entité géo-politique de la vallée du Manambolo (Cf. cartes nO 8-9 hors texte) avant Toera et reconstituée depuis la colonisation ne peut être comprise qu'au travers de l'organisation de l'élevage. C'est ce que le Mpitoka, Masy-Sambofialofa a tenté de nous faire comprendre. C'est ce que nous avons "entendu" quand J. Kakay, chef de quartier de Tanambao, PSD très actif a présenté la segmentation propre aux Misara témoignant en même temps de son réseau social d'appartenance par référence à la Tragnovinta d'origine Misara-rmaoky. Elle a généré localement au campement d'Ampasimandroro un Tromba-Finaoky dont le chef gardien du culte est d'origine Maromine du fait de l'alliance par mariage d'une femme de ce lignage•.• Par ce Tromba., s'opérait une redistribution sociale, une intégration politique partielle liée à des rapports passés utiles aux rapports présents.

Nos interlocuteurs Masy, gardiens de culte, détenteurs de la connaissance du Sikidy se présentaient comme des théoriciens des rapports sociaux-historiques (I), mais organisaient le plus souvent les rapports politiques­ économiques locaux: les données que nous présentons ci-après sont marquées de l'influence discrète de ces Masy dans la vie sociale et économique. Nous laissons ici le pas à la description des faits. Les interviews où la part idéologique est la plus importante sont cités en tome III IlAnthologie sociale-politique économique ".

(I) Nous renvoyons aussi le lecteur aux travaux de J.F Rabe-Dimy. Pratiques de divination à Madagascar. Travaux et Documents n051. Paris, 1976. plus particulièrement Introduction (p. 5) et Chapitre 1 (p. 25 à 33 et 4-9 à 55) : référence faite à cette enquête et citation des Masy Soavelo et Sambofialofa (respectivement Mikea et Vezo).