L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

VILLES ET FESTIVALS VOLUME MONOGRAPHIQUE

AURILLAC ANGOULÊME LORIENT NANTES RENNES SAINT-MALO

DEP - MINISTÈRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002

Les rédacteurs du volume monographique sont : - C. Barthon pour le festival Interceltique à Lorient, - V. Frappart, pour ECLAT à Aurillac, - I. Garat pour les deux festivals nantais, Tissé et Métisse, Musiques sur l'Ile, - M. Gravari pour les Tombées de la Nuit et les Transmusicales à Rennes, - V. Veschambre pour le Festival International de la Bande Dessinée à Angoulême. - Enfin, le volume sur Étonnants voyageurs à Saint Malo a été co-rédigé par C. Barthon et V. Veschambre.

Attention : Chacun des sites est présenté par ordre alphabétique et fait l'objet d'une pagination propre.

L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA BANDE DESSINÉE

À ANGOULÊME

DEP - MINISTÈRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002 I - CONTEXTES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE 2

1. ANGOULÊME : VILLE-CENTRE D’UNE AGGLOMÉRATION MULTIPOLAIRE OÙ LE DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE EST ENRAYÉ 2 2. UNE VILLE MARQUÉE PAR L’INDUSTRIE 3 3. SITUATION POLITIQUE : LE FANTÔME DE BOUCHERON 4

II - LA SPECIALISATION FESTIVALIERE 4

1. DES ÉQUIPEMENTS CULTURELS EN LIEN AVEC LA BD 4 2. ANGOULÊME, LA CITÉ DES FESTIVALS 6

III - HISTORIQUE DU FESTIVAL DE LA BANDE DESSINÉE 8

1. L’AVANT FESTIVAL ET LA PREMIÈRE ÉDITION EN 1974 8 2. LES GRANDES ÉTAPES DU FESTIVAL 9

IV - LE FESTIVAL ET LA FABRIQUE DES LIEUX 19

1. LES LIEUX DU FESTIVAL 19 2. UNE VOLONTÉ GÉNÉRALE DE PÉRENNISER L’ÉVÉNEMENT FESTIVALIER 21 3. DES ORGANISATEURS EN QUÊTE DE LIEUX ET DE TERRITOIRE 24 4. RAPPORTS AUX LIEUX DU PUBLIC 25

V - DES ACTEURS EN CONCURRENCE 35

1. LES ACTEURS EN PRÉSENCE 35 2. RELATIONS ENTRE ACTEURS : INTERDÉPENDANCES ET CONCURRENCES 37

VI - PUBLICS 42

1. CE QU’EN DISENT LES ORGANISATEURS 42 2. ANALYSE DES ENQUÊTES MENÉES AU FESTIVAL D’ANGOULÊME (ÉDITIONS 1999 ET 2000) 43

CONCLUSION - AUTOUR DU FESTIVAL DE LA BD, UNE CONCURRENCE TERRITORIALE 45

BIBLIOGRAPHIE 47

ANNEXES 48

Lorsque il a fallu proposer des sites pour mener cette étude, notre intérêt s’est porté immédiatement sur la ville d’Angoulême, dont le festival de la BD figure parmi les plus connus et les plus fréquentés, dans un contexte de ville moyenne. Nous avions l’intuition qu’un tel événement devait avoir un impact considérable sur la vie politique, économique et culturelle de cette agglomération. Cet impact s’est avéré encore plus important que nous ne pouvions l’imaginer : il est aujourd’hui impossible de comprendre le jeu des acteurs locaux, les orientations politiques et économiques adoptées, et les évolutions urbaines contemporaines sans revenir à cet événement lancé en 1974 autour de la bande dessinée.

I - CONTEXTES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

1. Angoulême : ville-centre d’une agglomération multipolaire où le déclin démographique est enrayé

Parmi les quatre chefs-lieux de département qui se partagent l’organisation de l’espace régional Poitou-Charentes, Angoulême est de loin le moins peuplé, avec 43000 habitants au dernier recensement. Mais si l’on raisonne en terme d’agglomération, la ville se situe avec un peu plus de 110 000 habitants au même niveau que Poitiers et La Rochelle, devant Niort. Cela nous indique d’emblée l’originalité d’Angoulême par rapport aux autres villes moyennes de la région, à savoir son caractère multipolaire et l’étalement de l’urbanisation, avec plusieurs communes dépassant les 5 000 habitants. Dominée par la vieille ville, place forte maintes fois assiégée jusqu’à son démantèlement au XVIIIème siècle, l’agglomération est marquée par une topographie compartimentée. Compte tenu de ces contraintes de site, et de l’intensification des migrations alternantes, les problèmes de circulations sont particulièrement vifs autour d’Angoulême. Ville centre et communes de banlieue sont aujourd’hui regroupées au sein d’une communauté d’agglomération, La Comaga. Au cours de la dernières période intercensitaire, la tendance démographique s’est inversée, avec le retour à une légère croissance de la population d’Angoulême (+ 0,08 %/an). Cette inversion s’explique par une forte réduction du déficit migratoire, dans un contexte économique qui est aujourd’hui moins défavorable que durant les deux dernières décennies.

2 2. Une ville marquée par l’industrie

L’autre originalité d’Angoulême dans le contexte régional, c’est en effet son profil industriel. Même en perte de vitesse, cette industrie continue à marquer le tissu urbain et le profil social de l’agglomération. Les contraintes liées à la reconversion et à l’innovation économique sont exacerbées par rapport à ce que l’on peut observer dans les trois autres villes moyennes de Poitou-Charentes. C’est la papeterie, apparue au XVIème siècle le long des petits affluents de la Charente, qui est à l’origine de l’industrialisation précoce et de l’étalement urbain. Comme en témoigne l’existence d’un musée du papier à cigarette (NIL), installé dans d’anciens bâtiments sur la Charente, cette orientation papetière est aujourd’hui révolue, même si quelques entreprises d’imprimerie ou d’emballage de luxe (liées au Cognac) maintiennent la tradition. Angoulême a été également marquée par la présence militaire, avec l’installation d’un arsenal pour la Marine au XVIIIème siècle (fonderie de canons de Ruelle). Les industries de la Défense emploient encore aujourd’hui plus d’un millier de personnes, principalement à la Direction des constructions navales de Ruelle, mais aussi à la poudrerie de la SNPE. Autour de ces entreprises gravitent de nombreux sous-traitants en mécanique et informatique. Cette forte présence des industries de la Défense constitue en ces temps de restructuration de l’Armée un facteur de fragilité pour l’économie locale. C’est le secteur électrique et électronique qui pèse aujourd’hui le plus lourd économiquement, représentant près de 7 000 emplois dans l’ensemble de l’agglomération. Les plus grandes entreprises françaises du secteur sont représentées : Leroy-Somer, Saft , Schneider-Télémécanique… Le secteur de l’Image numérique, même s’il ne fait travailler encore que 900 personnes, est celui qui incarne les espoirs de développement économique, dans un contexte marqué par des héritages difficiles. Son essor est fortement soutenu par les collectivités locales, Conseil général et ville d’Angoulême, à travers un “ Pôle image ” créé en 1997 et rebaptisé depuis Magelis. De l’avis même des principaux acteurs de ce développement, le festival de la bande dessinée est à l’origine d’une telle spécialisation, qui fait de l’agglomération le second pôle français dans le domaine de l’image, après Paris. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect important des retombées du festival.

3 Même si le poids du secteur tertiaire croît ici comme ailleurs, Angoulême apparaît beaucoup moins attractive que ses voisines et rivales. Nous pouvons illustrer cet état de fait à travers le tourisme, dont l’offre reste manifestement insuffisante (en hôtellerie notamment), comme le révèle chaque année le festival de la BD. La ville est cependant bien desservie par de grands axes de transport, quatre voies et TGV Sud-Ouest notamment.

3. Situation politique : le fantôme de Boucheron

Nous sommes dans une agglomération où la tradition politique et le profil sociologique sont favorables aux candidats de la gauche, et tout particulièrement à ceux issus du parti socialiste : la communauté d’agglomération (Comaga) est d’ailleurs tenue par la gauche. Dans la commune centre, plus “ bourgeoise ”, la situation politique est plus incertaine. Mais aux dernières élections, contrairement à ce qui semblait se dessiner quelques mois auparavant, Ph. Mottet a réussi à se maintenir à la mairie, dans un contexte national très favorable aux candidats de droite. Douze ans après la chute de J.M. Boucheron, qui a laissé les finances communales dans une situation catastrophique, le challenger socialiste n’a pas réussi à reconquérir la mairie au profit de la gauche.

II - LA SPECIALISATION FESTIVALIERE

1. Des équipements culturels en lien avec la BD

À Angoulême, la vie culturelle et les principaux lieux où elle se déroule, entretiennent des relations plus ou moins étroites avec le festival de la BD. Comme nous le verrons un peu plus loin, le théâtre et le musée des Beaux Arts, en tant qu’institutions culturelles les plus légitimes de la ville, ont joué un rôle moteur dans le lancement de l’évènement en 1974. Le théâtre, qui a été entièrement rénové à la fin des années 1990, constitue toujours l’un des piliers de la manifestation, en accueillant certaines des expositions les plus importantes, ainsi que les cérémonies officielles de remise des prix (les alpharts). Le musée des Beaux Arts a quant à lui passé le relais au Centre national de la BD et de l’image, qui est la plus grosse structure culturelle générée par le festival, inaugurée au début des années 1990.

4 Les principales institutions et infrastructures culturelles de la ville d’Angoulême (source : service culturel, Ville d’Angoulême, janvier 2002)

Arts plastique et musées Ecole supérieure de l’Image (ancienne école des Beaux Arts) FRAC (Fonds régional d’art contemporain) Musée des Beaux Arts Centre national de la bande dessinée et de l’image (bibliothèque, musée, salle de cinéma) Musée du papier “ Le Nil ”

Musique Ecole nationale de musique et de danse La Nef (salle consacrée aux musiques amplifiées)

Spectacles Théâtre scène nationale Espace Franquin (salle de spectacles)

Livre et archives Bibliothèque centrale adultes Bibliothèque centrale jeunes Archives départementale

Légende :

Structures : issues du festival de la BD Ayant eu ou ayant encore un rôle central dans le fonctionnement du festival (accueil d’expositions) Associées au déroulement des derniers festivals Sans lien avec le festival

Si dans le domaine des arts plastiques (musées et lieux de formation), du spectacle vivant (scène nationale) et de la musique (classique et “ amplifiée ”), Angoulême paraît bien dotée, il manque de l’avis des élus une structure du type médiathèque. La décision vient d’être prise par la communauté d’agglomération1 de créer cet équipement dans une ancienne usine proche de la Charente, en contrebas du centre-ville. Cette décision de mise en valeur d’une friche industrielle est à mettre en relation avec l’implantation toute proche, il y a une dizaine d’années, du CNBDI dans une ancienne brasserie. Ce qui montre bien qu’à Angoulême, la dynamique culturelle a toujours quelque chose à voir, de près ou de loin, avec la bande dessinée.

1 En janvier 2002.

5 2. Angoulême, la Cité des festivals

Si la mairie d’Angoulême mise beaucoup sur cette dynamique de la BD et de l’image, il faut préciser cependant qu’il ne s’agit pas de son vecteur de communication exclusif. A côté du slogan “ Angoulême, ville de la BD et de l’image ”, la direction de la communication a mis en avant “ Angoulême la Cité des festivals ”. Comme nous l’a signifié le responsable de ce service, cette déclinaison autour des festivals, au pluriel, vise à prendre de la distance vis-à-vis d’une association trop exclusive entre Angoulême et la BD, et par là même entre Angoulême et J.M. Boucheron2.

2.1 Six festivals tout au long de l’année Pour évoquer la spécialisation festivalière de la ville, il faut évoquer un personnage-clef, J. Mardikian, élu à la culture entre 1971 et 1977, puis de nouveau après 1989, après la fin de l’ère Boucheron. Il est co-fondateur des deux principaux festivals, le festival de BD en 1974, et le festival de jazz en 1976 (avec C. Mousset). Ce festival est devenu depuis “ Musiques métisses ”, en s’élargissant progressivement aux musiques traditionnelles et urbaines d’Afrique, de la Caraïbe, de l’Océan indien et de l’Amérique latine. Sans prétendre égaler la notoriété du FIBD3, ce festival a atteint aujourd’hui une envergure européenne, comme en témoigne sa participation en 1991 à la création du European forum of worldwide music festival, qui a pour objectif la promotion et la diffusion des musiques des pays du Sud. Depuis 1989, et son retour aux affaires, J. Mardikian a participé au lancement deux nouveaux événements culturels. Le successeur de J.M. Boucheron à la mairie, G. Chavanes, est directement à l’origine du festival Piano en Valois (dont il est le président), qui a pris place depuis 1994 dans la calendrier culturel de la ville. Le dernier festival en date, Gastronomades, est un salon de la communication gastronomique ouvert à la fois aux professionnels et au grand public. Il a été lancé en 1995, au début du second mandat de G. Chavanes, à l’initiative du président de la région, J.P. Raffarin. Pour expliquer son choix de la ville d’Angoulême, son initiateur invoque non seulement sa position de carrefour gastronomique, mais aussi sa “ réputation de ville de festival ” et son

2 Cf. entretien avec Jean-Marc Joussen, directeur de la communication, 17 mars 2000. 3 Festival international de la bande dessinée.

6 “ savoir-faire ” en la matière4. Signalons également que c’est le directeur du CNBDI de l’époque qui été chargé d’organiser la première édition de ce festival et que les affiches sont dessinées par des auteurs de BD5. Le dernier né des festivals angoumoisins illustre bien l’influence exercée par le grand ancêtre, le FIBD. Ludoland est le seul festival qui n’ait pas été impulsé par un élu. Il a été créé en 1986 par des étudiants de BTS action commerciale, depuis le lycée Marguerite de Valois. C’est un salon d’application dans lequel professionnels et étudiants animent des aires de jeu. Il attire environ 25 000 enfants chaque année Pour faire bonne mesure, on a rebaptisé “ festival ” le traditionnel Circuit des remparts6, qui rassemble des voitures de compétition anciennes et attire environ 15 000 spectateurs chaque année. Sous un même intitulé festival sont donc réunis des événements très divers. Même si festival de la BD reste le modèle implicite, ne serait-ce qu’à travers l’usage des “ bulles ”, ces tentes qui sont réutilisées par la mairie tout au long de l’année, les finalités, les effectifs rassemblés (de quelques milliers à plus de 200 000) et les emprises spatiales, sont très différenciés. Sur ce dernier point, il faut signaler que les festivals de second rang ont pris le parti de se centrer sur un lieu précis : c’est le site de l’Isle de Bourgines au bord de la Charente pour Musiques métisses, le parc des expositions de Bel-Air pour Ludoland et les rues qui escaladent la vieille ville pour le Circuit des remparts ; seul Gastronomades joue la carte de la diffusion dans la ville, à l’image de son “ grand ancêtre ”.

Les subventions de la mairie d’Angoulême aux différents festivals (2000)

Festivals Subventions (2000) FIBD 5,1 MF Musiques métisses 1,1 MF Piano en Valois 0,5 MF Circuit des remparts 1,2 MF Gastronomades 0,3 MF Source : direction de la communication (2000)

4 Cf. Sud-Ouest, 7 novembre 1995. 5 Sempé et Solé, pour ne citer que les premières affiches. 6 Fondé en 1939.

7 2.2 Festival : “ un événement qui valorise la création ” L’entretien que nous accordé J. Mardikian, est révélateur du point de vue de la mairie et d’un certain nombre d’acteurs économiques locaux : un festival, c’est avant tout l’occasion de valoriser, au sens économique du terme, des formes de création, des initiatives, des lieux… Le festival de la BD est bien entendu le grand rendez-vous (le seul en ) des éditeurs, à une échelle internationale. Ludoland7, Gastronomades sont des salons destinés à promouvoir l’industrie du jouet ou les produits gastronomiques. Le Circuit des remparts est de l’avis des commerçants et professionnels du tourisme celui qui a le plus de retombées économiques directes. Dans cet esprit, l’adjoint à la culture envisage la création d’un nouvel “ événementiel ” pour accompagner le développement du secteur de l’image numérique. Il verrait d’un œil très favorable l’implantation d’Imagina à Angoulême, ce salon lancé par l’INA qui se cherche aujourd’hui un avenir.

III - HISTORIQUE DU FESTIVAL DE LA BANDE DESSINÉE

1. L’avant festival et la première édition en 1974

Le salon international de la bande dessinée (SIBD) voit le jour en 1974, grâce à la volonté de deux nouveaux élus8, un conseiller municipal “mordu” de BD, Francis Groux, et l’adjoint à la culture venu du journalisme agricole, Jean Mardikian, et au soutien du Maire de l'époque, Roland Chiron. L’idée avait été testée dès 1972, lors d’une quinzaine de la lecture voulue par l’adjoint à la culture, durant laquelle F. Groux avait obtenu de consacrer deux journées à la BD. A une époque où le genre était pourtant encore bien peu considéré, cette initiative a rencontré un vif succès, attirant durant deux années de suite des dessinateurs et des scénaristes de premier plan à Angoulême et surtout un public nombreux9. Un troisième homme, Claude Moliterni, président de la société d’études et de recherches de littérature dessinée, a contribué à ce succès avec ses conférences consacrées à l’âge d’or de la BD américaine. Mais son rôle a été surtout décisif en tant qu’organisateur

7 Toujours dans le domaine de la valorisation, cet événement s’est accompagné de la mise en place en 1990 d’une formation complémentaire bac + 3, la “ formation marketing jouet ”, complétée en 1997 par une maîtrise des sciences et techniques “ marketing des produits de l’enfant ”. 8 Il font partie de la nouvelle équipe municipale, qui entoure l’avocat R. Chiron, qui succède en 1971 à R . Thébault. 9 Ce pré-festival se tenait déjà dans les salons de l’Hôtel de ville et au Musée des Beaux Arts.

8 de l’unique salon de la bande dessinée de l’époque, celui de Lucca : sur son conseil, F. Groux et J. Mardikian sont allés chercher en Toscane en 1973 la légitimité nécessaire pour lancer leur propre salon international. Il ne restait plus qu’à trouver une date : le choix s’est arrêté sur le dernier week-end de janvier, afin d’éviter toute concurrence. Parrainé par Alain Saint-Ogan (Zig et Puce), Hugo Pratt (qui réalise l’affiche) et l’américain Hogarth (Tarzan), cette première édition est un succès, avec près de 10 000 entrées au Musée des beaux arts10. Le salon se déroule en plein cœur de la cité, dans un triangle formé par l’hôtel de ville, le théâtre et le musée des beaux arts (cf. carte n°1). Les médias nationaux s'étonnent de la ville choisie pour ce salon : "L'action se déroule à Angoulême", titre le Figaro, "c'est-à-dire nulle-part"11.

2. Les grandes étapes du festival Lancé à l’initiative d’élus municipaux, le salon, devenu depuis festival de la BD, a toujours été étroitement lié à la vie politique locale. Nous nous sommes donc calés sur le calendrier municipal pour décrire à grands traits l’évolution de cet événement qui fait aujourd’hui partie des festivals français les plus médiatiques et les plus fréquentés.

2.1 Le mandat de R.Chiron : le lancement (1971-1977) “ Même si on était des amateurs, même si on avait que quelques moyens, quatre bouts de ficelle on a réussi finalement à organiser cette manifestation, que les dessinateurs, que les scénaristes, que les éditeurs ont vécu avec une ambiance extraordinaire ! C’était très convivial : on venait faire la fête de la BD à Angoulême. C’était ça les premières années. Et quand Hergé est venu en 1977 et nous a consacrés, c’est sûr que là on a pris une autre envergure et ça nous a permis de dire finalement : de cette idée toute simple on a fait un événement ”.(J. Mardikian, entretien du 15 janvier 2001). Dès la deuxième édition, le nombre de visiteurs double pour atteindre les 20 000. Du point de vue de l’organisation matérielle, la grande nouveauté est la première apparition d’un chapiteau, place Henri Dunant, où se tient l’essentiel de la manifestation. La première véritable “ bulle ”, structure gonflable sur le modèle de ce qui existait à Lucca, est installée

10 Cf. CANNET H., 1994, Le grand 20ème, La Charente Libre, 240 p. 11 Cité in Info matin, "En vingt ans Angoulême est sorti de son nulle part", 26-29 janvier 1995.

9 l’année suivante place du Champ de Mars. Cette première période du festival, culmine en 1977 avec la venue de Hergé, qui inaugure au Musée des Beaux Arts la Galerie Saint- Ogan, préfiguration du Musée de la BD. A la surprise générale, c’est un jeune instituteur, J.M. Boucheron qui arrache la mairie à l’avocat H. Chiron, en mars de la même année, mettant fin à la période des “ pionniers ”.

2.2 Le mandat de J.M. Boucheron : le décollage médiatique et la folie des grandeurs (1977-89) Le nouveau maire socialiste (élu député en 1978), a fait campagne contre le salon, en prétendant que la BD "c'était inutile, luxueux et pas digne de l'éducation... de la sous- culture"12 . Il menace de retirer la subvention accordée par la ville et pour la première fois (ce ne sera pas la dernière), l'événement risque d'être dissocié de sa ville d'accueil pour s'implanter ailleurs. Mais après son élection, J.M. Boucheron change de ton : il ne s'agit plus désormais de supprimer la subvention accordée par la municipalité à l'association (que les créateurs du festival avaient eu la précaution de fonder avant l’élection), mais "d'abandonner le sympathique côté boy-scout pour se tourner vers la grande foire, vers l'aspect des affaires"13. La professionnalisation de l’association se traduit par l’embauche de permanents et le recours à un cabinet de relations publiques, dont l’efficacité médiatique est indéniable. J.M Boucheron (ainsi que tous les maires qui vont suivre) commence donc par être hostile, puis finit par accepter la manifestation, avant de tenter de se l’approprier. L'équipe des bénévoles de l'association emploie à l'époque le terme de "kaboulisation"14 pour désigner l'emprise nouvelle de la ville. Ainsi, dans les années 1980, la BD devient l'axe culturel de la ville d'Angoulême et cette dernière devient "la ville qui vit en ses images". Le festival prend une dimension nouvelle, avec plus de 50 000 visiteurs dès 1979 et une occupation progressive de l’ensemble du centre-ville (carte n°2). La Mairie est étroitement liée au salon et J.M. Boucheron en devient le président en 1982. La période Boucheron coïncide avec la montée en puissance de la politique culturelle des collectivités locales, soucieuses de légitimité et d’image de marque. Cette

12 Cf. CANNET H., 1994, op. cit., p. 57. 13 Ibid, p. 58.

10 politique prend ici une forme exacerbée : Angoulême est la ville qui consacre la plus grande part de son budget à la culture.15 Cette période correspond également à une reconnaissance officielle de la BD et à l'implication de l'Etat, par l'intermédiaire du Ministère de la Culture, implication favorisée par la couleur politique et les relations du maire. Formulée dès 1980 par le Maire, la demande de création d’un département communication et bande dessinée au sein de l’école des Beaux-Arts aboutit à la rentrée 1983, avec à la clef la reconnaissance d’un diplôme national par le ministère de la Culture. C'est également au début des années 1980 que le projet d'un centre permanent dédié à la BD, porté initialement par J.M. Boucheron, commence à prendre corps. La visite de F. Mitterrand en 1985, appuyée par J. Lang, est une forme de reconnaissance et de témoignage en faveur d'un genre culturel, la BD ; elle entérine le "grand projet présidentiel" qui sera celui du CNBDI. Les conflits ne s'arrêtent pas pour autant. La "municipalisation" du salon devient trop forte aux yeux du directeur du festival, P. Pascal, qui accuse le maire de vouloir contrôler l’association et d’utiliser le salon à des fins médiatiques. Après sept années de fonctionnement en tandem, c’est le divorce entre le Maire et le directeur du festival qui finit par démissionner en 1988. P. Pascal se tourne alors vers Grenoble (la ville de l’éditeur Glénat), où un maire d’une autre couleur politique, A. Carignon, semble prêt à récolter les fruits d'un événement déjà rodé et ayant une notoriété certaine. Un festival concurrent, intitulé Salon européen, est alors organisé en mars 1989 dans la préfecture de l’Isère.

2.3 Le mandat de G. Chavannes : nouvelles menaces et entrée du privé (1989-1995) En mars 1989, Georges Chavannes, ancien PDG de Leroy Sommer, ancien ministre du commerce et de l’artisanat de J. Chirac, regagne la mairie au profit de la Droite. La même année, le rapport de la Cour des Comptes révèle un déficit de 164 MF pour la ville d'Angoulême. Le salon, qui accuse en 1990 un déficit de 2,7 MF16, semble devoir être sacrifié. Le maire ne semble pas avoir d’états d'âme quant à sa pérennité. Avec son collègue du gouvernement, A. Carignon, il propose en 1990 la formule de la biennale, en alternance avec Grenoble, pour des raisons de rationalité économique. Les animateurs du SIBD, les partenaires économiques et les hôteliers de la région, refusent alors la formule de

14 Ibid, p. 78 15 14%, chiffre indiqué par Pilote (janvier 1986).

11 la biennale, qui signifie selon eux la disparition programmée du salon de la BD d’Angoulême. Dans ce contexte de restrictions budgétaires et d’incertitude quant à l’avenir même du festival, l’édition 1990 est marquée par l’instauration d’un droit d’entrée pour l’accès aux bulles et aux expositions (carte n°3). C’est également l’année de l’inauguration du CNBDI, en présence de son architecte R. Castro et du ministre de la Culture J. Lang. En 1991, l'intervention de Michel-Edouard Leclerc, un proche de G. Chavanes, fait pencher la balance du côté d’Angoulême. Avec la volonté de faire à la fois un coup commercial et médiatique, il n’hésite pas à apporter un soutien de 3 MF annuel, afin de compenser le retrait de la ville (document n°1). Le S.I.B.D. traverse donc une période extrêmement difficile et incertaine, mais réussit à se maintenir sur place sans hiatus. La concurrence grenobloise n’a pas réussi à s’imposer, ne dépassant pas les trois éditions. Le projet de P. Pascal était pourtant soutenu par quelques grands éditeurs, qui préféraient s’installer dans une plus grande ville, aux infrastructures hôtelières plus développées, mais l’ambiance festivalière n’a jamais été au rendez-vous dans l’immensité d’Alpexpo. Le souvenir de cette tentative de dissociation Angoulême-événement et de délocalisation du festival semble cependant hanter, jusqu'à aujourd'hui, les esprits des responsables du festival et de la mairie. Malgré son désengagement vis-à-vis du festival, G. Chavanes ne résiste pas, tout comme ses prédécesseurs, à la tentation de contrôler l’association qui le porte, en cherchant à imposer son président, ancien directeur commercial de la Caisse d'Épargne17, en 1996.

Le désengagement de la ville, dans une période de grave crise financière, se traduit par l’affirmation des sponsors privés et tout particulièrement de M. E. Leclerc qui devient ainsi le premier partenaire financier du festival, le second étant la Caisse d’Epargne. Au moment de son intervention, il avait précisé que cette subvention était ponctuelle et qu’elle devait baisser après quelques années, lorsque le festival aurait atteint l’équilibre financier. Elle est ainsi passée à 1,2 MF après 4 ans et se renégocie chaque année.

16 Ibid, p. 185 17 Il faut souligner que la Caisse d'Épargne a été le premier sponsor privé d’envergure à soutenir le festival.

12 Document n°1 : Dessin satirique de l'évolution du festival

Source : dessin de J.C. Menu (Cannet, 1994).

2.4 Le mandat de Ph. Mottet : "bâtir la capitale de la BD" (depuis 1995) En 1996 le salon devient festival. La même année G. Chavannes passe la main à son premier adjoint Philippe Mottet, peu près avoir été réélu. Le discours du nouveau maire se démarque rapidement de celui de son prédécesseur. Il renoue ainsi avec l’ère Boucheron et la campagne "la ville qui vit en ses images", en associant l'identité angoumoisine à la BD. L'heure est à la "pérennisation" de l'image de la BD tout au long de l'année : “je suis extrêmement attentif à ce qu’Angoulême vive 365 jours par an avec et pour la BD ; elle doit être dans ses rues en permanence”18. Ce mot de pérennisation est désormais récurrent dans toute la communication non seulement de la ville, mais aussi de l'association du festival. Le maire actuel lance un programme ambitieux de “murs BD”, confié à l’atelier de muralistes lyonnais Cité de la création19 (document n°2). Son mandat correspond, sans qu'il en soit l'instigateur, avec la phase de lancement du "Pôle Image" ou Magelis, le grand projet de la ville pour les années à venir20. Au cours de ce mandat, les relations entre la mairie et le festival sont marquées par une incompréhension réciproque. Le directeur nommé en 1998, Jean-Marc Thévenet, se plaint de manière récurrente d’un manque de soutien de la part de la municipalité, qui proteste de son engagement logistique pendant la manifestation (carte n°10).

En bientôt trente années d’existence, cet événement a considérablement évolué, de la promotion festive de la BD au grand rendez-vous médiatique et économique du secteur le plus dynamique de l’édition. Ce festival a fait l’objet de tentatives de contrôle de la part des municipalités successives. Il faut dire que les retombées locales sont considérables, comme nous aurons l’occasion de le développer par la suite.

18 Charente Libre, 27 janvier 1997. 19 Pour une présentation de cette structure, voir en annexe 20 Signalons tout de même que Ph. Mottet est vice-président du Conseil général, le principal acteur de ce projet. A ce titre, il a obtenu une augmentation de la subvention du Conseil général en faveur du festival (édition 2000).

15 Carte 1 Statut et accessibilité des lieux : Angoulême 1974

La Charente Gare

Les Halles

Palais de Justice Musée Pl. du Champ -de-Mars Cathédrale Place Marengo St Martial

Hôtel de Ville

Théâtre

Carte 2 Statut et accessibilité des lieux : Angoulême 1981

La Charente Gare

Les Halles

Palais de Justice Musée Pl. du Champ Hôtel -de-Mars Cathédrale St Simon

Place Marengo St Martial

Hôtel de Ville

Théâtre

Statut des lieux du festival Accès aux lieux Lieux publics Accès payant 0 200 m Lieux privés Accès gratuit Carte 3 Statut et accessibilité des lieux : Angoulême 1990

La Charente Gare N.I.L.

C.N.B.D.I.

Les Halles

Musée Hôtel Pl. du Champ St Simon -de-Mars Palais de Justice Place Marengo Cathédrale St Martial

Hôtel Cons. Nat. de Ville de musique Pl. de New-York

Théâtre

Carte 4 Statut et accessibilité des lieux : Angoulême 2000

La Charente Gare N.I.L.

C.N.B.D.I.

Les Halles

Pl. du Champ Musée Hôtel St Simon -de-Mars Cathédrale Palais de Justice Place Marengo St Martial

Hôtel de Ville

Théâtre

Statut des lieux du festival Accès aux lieux Lieux publics Accès payant 0 200 m Lieux privés Accès payant pour partie

Accès gratuit Source : programme FIBD 2000 Accès réservé aux professionnels Carte 5 Lieux du Festival, 1974

La Charente Gare

Les Halles

Palais de Justice Musée Pl. du Champ Hôtel -de-Mars Cathédrale St Simon

Place Marengo St Martial

Hôtel de Ville

Théâtre

0 200 m

Carte 6 Lieux du Festival, 1989

La Charente Gare

Les Halles

Palais de Justice Musée Pl. du Champ Hôtel -de-Mars Cathédrale St Simon

Place Marengo St Martial

Hôtel de Ville

Théâtre

0 200 m

Permanents In

Provisoires Off

IV - LE FESTIVAL ET LA FABRIQUE DES LIEUX

Le festival de la BD a été particulièrement moteur en matière de production et de valorisation d’un certain nombre de lieux qui structurent aujourd’hui la ville d’Angoulême.

1. Les lieux du festival 1.1 Angoulême : une ville de taille festivalière D’initiative locale, le salon/festival s’est caractérisé d’emblée par son ancrage marqué dans la ville. Ce rapport spécifique du festival à son espace d’accueil peut expliquer la pérennité de sa localisation, malgré plusieurs tentatives de délocalisation et de captation d’un événement “ porteur ”. La comparaison avec Grenoble, ville de l’éditeur Glénat, nous renseigne sur les avantages et inconvénients d’une ville moyenne comme Angoulême par rapport à un événement international. Alors que la manifestation s’est avérée peu visible à Grenoble lors de l’édition 1989, se déroulant dans un espace périphérique au sein d’une agglomération d’environ 400 000 habitants, elle investit de manière évidente la ville d’Angoulême et plus particulièrement son centre-ville (carte n°10). Cette taille de ville est jugée par de nombreux interlocuteurs (notamment parmi les festivaliers et les auteurs…) favorable à la convivialité, au caractère festif de l’événement. À l’inverse, il faut souligner que le parc hôtelier est tout à fait inadapté à ce genre d’événement, ce qui a fait pencher en son temps plusieurs éditeurs vers la solution d’une grande ville comme Grenoble.

1.2 Une diffusion de l’événement dans le centre-ville Ce qui constitue donc l’un des atouts de cette manifestation, c’est sa capacité à investir un site “ à taille humaine ”, à savoir le centre-ville. L’événement n’a jamais concerné la commune d’Angoulême (a fortiori l’agglomération) dans son ensemble. Si l’on excepte l’édition 1977, durant laquelle il a fallu en catastrophe délocaliser le salon dans un gymnase du grand ensemble Ma Campagne (le vent avait provoqué la déchirure de la “ bulle ” du Champ de Mars), la présence de l’événement BD en périphérie a toujours été ponctuelle et marginale. Les quartiers périphériques n’apparaissent d’ailleurs même plus sur les programmes des dernières manifestations.

19 Dès la première édition, le festival s’est inscrit en plein cœur de ville, à l’intérieur d’un triangle “ hôtel de ville, théâtre, musée des Beaux-Arts ”. D’emblée, ce sont donc des bâtiments publics, représentatifs du pouvoir politique local et de ses expressions culturelles les plus nobles, qui sont investis par la manifestation (carte n°9). La “ colonne vertébrale ” du festival, à savoir l’axe qui relie l’hôtel de ville à la place du Champ de Mars, en passant par la place Marengo se met en place dès 1977-1978, le long de la principale rue piétonne (cartes n°2 et 10), avec l’installation de la première “ bulle ” sur le vaste espace du Champ de Mars. Investie par une deuxième “ bulle ” à partir de 1989, cet espace du Champ de Mars (qui est d’ailleurs le plus proche de la gare) est de loin le plus fréquenté, car c’est là que s’installent les éditeurs et “ leurs ” dessinateurs, qui se relayent pour des séances de dédicaces très courues (carte n°8). C’est le long de cet axe Hôtel de ville-Marengo-Champ de Mars que se concentre l’essentiel du flux des festivaliers et la plupart des marchands ambulants (carte n°10). A partir de l’Hôtel de ville, l’espace festivalier se subdivise en trois appendices : - L’espace de petites rues piétonnisées, situé entre le Palais de Justice et les Halles, marqué par la concentration des restaurants, bars et galeries. Cet espace a été le premier choisi pour créer une ambiance BD permanente, avec la réalisation d’un parcours consacré à Juillard en 1997 et la réalisation fin 1998 du premier grand mur BD véritablement inséré dans le paysage urbain, à partir de l’univers d’Yslaire (document n°2). En 1999 (rue Boucq) (document n°3) et dans une moindre mesure en 2000 (Rues Astérix), le FIBD a joué la carte du décor temporaire dans cet espace intime et convivial. Mais depuis, le festival semble préférer l’efficacité d’un marketing professionnel avec banderoles sponsorisées tendues au travers des rues et en devanture des bars, au lourd travail bénévole des éditions précédentes. - L’axe qui relie l’Hôtel de ville à l’ensemble Musée-cathédrale, a été renforcé à partir de 1999 par l’usage du Palais de Justice et de la place qu’il domine (place Louvel). Cet axe a été également souligné de manière permanente par une fresque conçue par M. A. Mathieu. - L’espace situé entre l’Hôtel de ville et le théâtre, renforcé à partir de 1985 par l’installation d’une bulle sur la place New-York (carte n°9). C’est là que se sont installés, à proximité des jardins de l’hôtel de ville, les petits chalets qui proposent des produits du terroir (carte n°10).

20 Mis bout à bout, ces espaces constituent le cœur de la manifestation, ce que souligne d’ailleurs la sonorisation (carte n°10). La délimitation de l’espace sans-voiture lors de l’édition 2000 pourrait constituer une bonne approche de l’espace festivalier au sens large, incluant des espaces de déambulation et de consommation qui ne sont pas directement investis par le festival. Il a fallu attendre le début des années 1990 et la mise en service du Centre national de la Bande dessinée pour voir la manifestation descendre en contrebas du plateau qui porte le centre ancien, sur les bords de la Charente : le CNBDI et l’école supérieure de l’Image, constituent aujourd’hui un pôle secondaire de la manifestation (carte n°8). Il faut noter qu’aucune signalisation n’est visible indiquant que l’on peut rejoindre le CNBDI depuis la ville haute, par les jardins situés sous les remparts. Comme si dans l’esprit des organisateurs et des services techniques de la ville, il n’était pas envisageable de faire marcher les festivaliers entre la ville haute et les bords de la Charente : afin de desservir cet espace, on a privilégié les navettes qui font le tour des principaux sites (carte n°10). Cet élargissement de l’espace festivalier révèle un problème urbanistique d’articulation entre ville haute et ville basse qui n’est toujours pas résolu.

2. Une volonté générale de pérenniser l’événement festivalier

2.1 Pérenniser l’entreprise festival La pérennisation de l’événement, au delà des quatre jours durant lesquels il bat son plein, est une préoccupation constante des différents acteurs qui gravitent autour du festival depuis sa création. La structure associative, à travers notamment son directeur actuel, s’interroge en termes économiques sur sa permanence tout au long de l’année. Dans une logique de rentabilité, l’idée est de créer une filière commerciale, de type SA, SARL ou SAS, pour gérer la circulation d’expositions, le lancement de produits dérivés et proposer des services de conseil juridique pour les professionnels de la BD. Le siège en serait probablement parisien et l’échelle envisagée dépasserait très largement la région d’Angoulême, avec l’ambition avouée de constituer l’interlocuteur de la BD francophone auprès des éditeurs de mangas (Japon) et de comics (États-Unis). Le directeur actuel, J. M Thévenet parle significativement de “ désenclaver la manifestation ”. C’est la

21 conception d’un festival “ label culturel ”, “ produit commercialisable ” qui semble l’emporter aujourd’hui.

2.2 Une ville qui “ respire la BD toute l’année ” (P. Mottet) La ville elle-même, dont le nom est associé étroitement au festival et à la BD, cherche à capitaliser tout au long de l’année les retombées de l’événement, en terme culturel, touristique et plus largement économique. J. M. Boucheron a beaucoup communiqué à partir de la bande-dessinée (“ Angoulême, la ville qui vit en ses images ”) sans pour autant matérialiser ces images dans le paysage urbain : les premières fresques sont apparues durant les années 1980, mais en petit nombre, dans des espaces péricentraux ou périphériques (grands ensembles). Il faut attendre le mandat de P. Mottet, élu en 1995, pour qu’un programme ambitieux de murs peints soit commandé au collectif lyonnais Cité de la création. Ce programme a débuté en centre-ville en 1998 et se prolonge actuellement vers la périphérie, à raison de 800 000 F annuels (122 000 euros) (carte n°11). Dans le même esprit, des "bulles" remplacent désormais les traditionnelles plaques des rues et les bus sont progressivement ornés de personnage de BD. Selon les mots du Maire, il s’agit que la ville “ respire la BD ” durant toute l’année.

2.3 Un tissu économique et culturel issu du festival Un certain nombre d’institutions ont été créées à Angoulême, qui procèdent directement ou indirectement du salon/festival de la BD. C'est grâce à cet événement éphémère, qui s’est rapidement imposé sur la scène nationale et internationale, qu’Angoulême a été “tout naturellement”21 choisie en 1983 pour accueillir le Centre national de la bande dessinée (CNBDI), l’un des 15 "Grands Projets" de Mitterrand en région, visant à légitimer des genres culturels considérés comme “mineurs” (photographie, musiques populaires, arts du spectacle, BD...). Comme le reconnaît le directeur du musée de la BD, le festival n’a pas généré le CNBDI, qui s’inscrivait dans une politique culturelle nationale, mais “sa localisation à Angoulême est une conséquence directe du festival”22. Dans le même cadre (le “plan BD” de J. Lang) et la même année où se décidait l’implantation du CNBDI, l’école de Beaux-Arts est devenue la première en France à ouvrir un département de

21 Sous l’impulsion du festival, le Musée des Beaux-Arts de la ville acquiert des planches originales dès 1976 pour la galerie Saint-Ogan, préfigurant ainsi la politique patrimoniale du CNBDI.

22 communication audiovisuelle et de bande dessinée. Autour de ces deux pôles culturels et technologiques, une première vague d’entreprises œuvrant dans le domaine de l’image numérique est venue s’installer à la fin des années 1980, mais sans postérité durable. Au cours des années 1990, sous les mandats de G. Chavanes et Ph. Mottet, sont venues se greffer autour du laboratoire d’imagerie numérique (LIN) du CNBDI et de l’Ecole supérieure de l’Image (héritière de l’école des Beaux Arts) un ensemble de formations qui tournent autour de la BD et de l'image (6 aujourd'hui), qui vont du BEP au Bac + 6. Angoulême est le seul endroit en France, voire en Europe avec Bruxelles, qui forme des artistes qui se destinent aux métiers d’auteurs ou de scénaristes de BD ; mais au delà ce sont les formations aux métiers de l’image numérique qui ont été particulièrement développées. Ce pôle de formation constitue aujourd’hui le support d’une stratégie de développement économique, portée par une structure initiée en 1997 par le Conseil général et la Chambre de commerce et d’industrie, à laquelle la ville d’Angoulême s’est associée au sein d'un syndicat mixte : le Pôle Image. Rebaptisée Magelis depuis janvier 2000 (cf. annexe), cette structure a implanté son siège sur les bords de la Charente dans le château de Dampierre, en face du CNBDI. Cette implantation a été l’occasion pour la ville de lancer une ZAC, dans un quartier anciennement industriel et socialement paupérisé (cf. annexe). Dans l’un des premiers immeubles réhabilités, à l’entrée de la ville haute en venant du CNBDI, Magelis a installé la Maison des auteurs, pour accueillir le collectif de créateurs BD qui s’est constitué à Angoulême à partir de l’ancienne école des Beaux Arts23. A son volet formation et aide aux entreprises, Magelis a l’ambition d’ajouter un grand parc d’attraction, autour du projet de fusée Tintin, dont il a acquis les droit exclusifs auprès de la Fondation Hergé. Le premier projet visait à attirer plus de 300 000 visiteurs par an, dans une ville où la capacité hôtelière actuelle est de l'ordre de 1 500 chambres. L’inondabilité du site initialement prévu a freiné l’évolution du projet. Elle conduira probablement à une dissociation spatiale entre le pôle ludique et le pôle entreprises, sans pour autant remettre en cause le projet. Angoulême est d’ores et déjà devenu le premier centre français de production d’images après Paris. Si les projets portés par cette structure aboutissent, la Charente

22 Entretien T. Groensteen, 5 novembre 1998. 23 Collectif intitulé l’Atelier Sanzot, en hommage à Hergé.

23 deviendra une "Valley” de haute technologie et Angoulême un des premiers pôles “ image ” en Europe.

3. Des organisateurs en quête de lieux et de territoire Comme nous l’a expliqué le responsable de la logistique, l’un des plus anciens permanents de la structure organisatrice, le salon/festival a toujours été en quête de nouveaux espaces, que ce soient des locaux publics (Le Palais de justice par exemple est investi à partir de 1999), des locaux privés (en 2001, l’exposition consacrée à l’Echo des savanes s’installe dans un ancien restaurant) et surtout des espaces publics occupés par des structures temporaires (depuis l’édition 2001, la bulle “ jeunes talents ” coiffe la place F. Louvel et sa fontaine)24, qui constituent l’essentiel de la surface d’accueil. La conquête de nouveaux espaces publics marque d’ailleurs le pas depuis l’édition 1999, autour de 9000 m2 couverts, ce qui pose le problème du développement du festival.

Evolution des surfaces temporaires ("bulles")

10000 9000 8000 ? 7000 6000 5000 4000

surfaces (en m 3000 2000 1000 0 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 annˇ es

source : FIBD 2001

Nous touchons là à l’une des regrets formulés par le FIBD, par la voix notamment de son président actuel, Yves Poinot : “ au bout de 25 ans on est toujours sous des tentes, voilà, et puis d'un autre côté on voit qu'une structure arrive, qu'elle s'appelle Magelis et puisqu'on va mettre 200 millions pour construire une fusée ”25. En près de 30 années d’existence, le salon/festival a induit la construction d’un certain nombre de lieux culturels

24 Cf. Entretien avec J.L Bittard, directeur logistique-relations exposants, 5 novembre 1998. 25 Cf. Entretien avec Y. Poinot, 15 février 2001.

24 et économiques (CNBDI, Maison des auteurs, siège de Magelis, Espace Magelis…) mais n’a pas réussi à se faire construire une structure en propre, qui lui aurait permis d’asseoir son existence, de se pérenniser, d’être plus visible et légitime sur la scène locale.

Le rôle du festival dans la fabrique des lieux : exemple de l’Espace Magelis

En quête de lieux pour l’édition 2001, le FIBD a profité de la vacance d’un bâtiment commercial de grande ampleur, encore surmonté d’une enseigne Harley- Davidson, pour exposer dans de bonnes conditions les espoirs helvétiques, à deux pas du CNBDI. Lors de l’édition suivante, on apprenait que ce lieu, stratégiquement placé, était devenu Espace Magelis, consacré à l’information sur le Pôle Image. Voici un bon exemple de la capacité de l’événement à “ inventer ” de nouveaux lieux, mais qui échappent à la structure organisatrice du festival.

4. Rapports aux lieux du public 4.1 La fréquentation des lieux du festival : les espaces marchands devant les lieux culturels Le traitement porte sur 192 enquêtes, menées durant deux années de suite (77 en 1999 et 115 en 2000)26. Les questionnaires ont été administrés dans trois types de lieux principaux, les bulles du Champ de Mars (60%), espace où convergent la grande majorité des festivaliers, au CNBDI, lieu des expositions les plus prestigieuses (10%) et dans diverses expositions temporaires pour les 30% restants (exposition Boucq en 1999, Uderzo en 2000...). Nous avons demandé à nos interlocuteurs de faire la liste des lieux qu’ils avaient visité depuis leur arrivée au festival. Les principaux lieux cités sont les suivants :

• les bulles du Champ de Mars : 83% • la bulle New-York : 55% • l’exposition Boucq (99) : 51% • le CNBDI : 35 %

26 Ont participé aux enquêtes : V. Frappart, I. Garat, M. Gravari-Barbas et V.Veschambre.

25 • l’Hôtel de ville : 32% • le théâtre : 29 % Arrivent largement en tête les espaces “ marchands ” (les trois grandes bulles) où sont présents les éditeurs et les auteurs. Puis on trouve une exposition consacrée au président du festival, elle aussi installée sous une structure temporaire sur la place des Halles, et enfin seulement les lieux culturels institutionnels (CNBDI, théâtre), avec les expositions les plus ambitieuses.

Nous pouvons recouper ces résultats d’enquêtes par la lecture de quelques statistiques (carte n°8). Outre les bulles “ commerciales ” et la bulle exposition place des Halles, nous voyons apparaître parmi les lieux les plus cités la bulle cyberbédé, qui était installée cette année là sur l’axe majeur du festival, Rue St Martial. En terme de fréquentation, les expositions du théâtre et du CNBDI viennent un cran en dessous, ce qui rejoint nos propres évaluations.

4.2 La perception des lieux par les festivaliers Parmi ces lieux, ceux qui sont jugés les plus adaptés à la BD par les visiteurs sont les institutions culturelles (théâtre, CNBDI). Bien que plébiscitées en terme de fréquentation, les “ bulles ” sont assez souvent critiquées. Le Palais de Justice et l’Hôtel de ville sont jugés peu adaptés à la présence d’expositions, ce qui peut traduire la surprise des festivaliers de voir la BD investir des lieux “ sérieux ”, des lieux de pouvoir.

Il faut noter à l’inverse que les festivaliers ont beaucoup apprécié la présence du festival dans la rue lors de l’édition 1999. La rue de Genève, qui avait été investie par l’univers du président (Boucq), a été parcourue par 60% des personnes rencontrées, ce qui la situe au niveau des lieux les plus pratiqués. La majorité des personnes rencontrées aspirent même à une plus grande diffusion de l’univers BD dans l’espace public, ce qui va à l’encontre des tendances du festival depuis trois ans27. Les références permanentes à la BD sont inégalement repérées par les festivaliers. En 1999, les murs peints ont été perçus par les 2/3 des festivaliers, notamment celui

27 Dans une logique d’économie de temps et d’argent (la Rue Boucq a représenté un budget de 90000 F en 1999). En 2002, c’est grâce au festival “ off ” qu’il y a eu des animations de rue, mais sans référence spécifique à l’univers BD.

26

28 d’Yslaire. Il est probable que cette proportion serait aujourd’hui supérieure, compte tenu de la diffusion de ces murs peints dans le centre-ville. En revanche, le parcours Juillard n’avait été repéré que par un cinquième des festivaliers en 1999, ce qui confirme les impressions des acteurs touristiques qui ont constaté le peu d’animation autour de ce parcours mis en place par le président de l’édition 1998 (carte n°10).

Nous avons plus largement interrogé les festivaliers sur leur perception de la ville d’Angoulême. Les lieux jugés les plus marquants à Angoulême sont les suivants (en % de citations) : • la vieille ville : 30% • l’hôtel de ville : 20% • le CNBDI : 14% • les remparts-la vue : 13% • la cathédrale : 12% • les bulles : 11% • les rues piétonnes : 11% • pas de lieux (seulement la BD) : 11%

C’est donc le site qui ressort en premier, le premier monument mentionné étant l’Hôtel de ville. Dans le contexte du festival, les espaces consacrés à la BD apparaissent nettement, le CNBDI devançant même la cathédrale. Les hommes citent plus volontiers les remparts, les bulles et le théâtre, tandis que les femmes évoquent plus nettement la cathédrale et la vieille ville.

27 Carte 7 Lieux du Festival, 2001

La Charente Gare

Les Halles

Palais de Justice

Mus e Pl. du Champ H tel -de-Mars Cath drale St Simon

Place Marengo St Martial

H tel de Ville

Th tre

Permanents In

Provisoires Off

Carte 8 La fr quentation des lieux du Festival (2001)

La Charente Gare

6 C.N.B.D.I.

Les Halles 4

Palais Pl. du Champ 7 de Justice -de-Mars 1 Mus e Cath drale Place Marengo 3 H tel de Ville St Martial

2

Th tre 5

Lieux les plus fr quent s Fr quentation Lieux les plus fr quent s (derri re les "Bulles") (nombre de passages) 1 Bulles du Champ de Mars 3 Espace cyber BD 6 Exposition F. Cestac 0 200 m 2 Bulles New-York 24000 4 Exposition Mangas 7 Espace jeunes talents 15500 12000 5 Exposition Y. Chaland

29 8 2 Carte 9 L'extension progressive de l'espace occupé par le festival (1974-1999)

La Charente Gare

C.N.B.D.I.

Les Halles

Musée Hôtel Espace Pl. du Champ St Simon -de-Mars Palais Franquin de Justice Place Marengo Cathédrale St Martial

Cons. Nat. Hôtel de musique de Ville Pl. de New-York

Théâtre

Apparitions Lieux utilisés en continu depuis leur apparition (jusqu'en 1999)

Les 3 lieux entre 1977 entre 1983 entre 1989 après 1991 Lieux utilisés temporairement ou en pointillé d'origine et 1982 et 1988 et 1991 1974 0 200 m

Source : plaquettes d'information du FIBD Carte 10 Angoulême 2000 : l'emprise spatiale du festival

NIL La Charente Gare

C.N.B.D.I.

St André Les Halles

Place du

Musée Espace Franquin Champ- Palais de Justice St Martial de-Mars Cathédrale Place Marengo

Cons. Nat. Hôtel de musique de Ville

Pl. de New-York Théâtre

Les lieux et les espaces du festival Décors et animation de rues Festival et transports

Espaces temporaires FIBD Rues et places sonorisées Lumières Arrêts navettes (structures provisoires)

Bâtiments investis par FIBD (officiel) Rues Astérix Décor BD "temporaires" Périmètre "journée sans voiture"

Bâtiments utilisés par d'autres organisations ("off") Banderoles FIBD Vitrines BD Rues piétonnes

Espaces temporaires commerciaux Affiches FIBD Galeries avec BD 0 200 m

Siège du FIBD Conception : V.Veschambre, Réalisation N.Monnier,CARTA 2001. Source : relevés festival 2000 Carte 11 Angoulême : La BD dans la ville

La Charente Gare

C.N.B.D.I.

St André

Les Halles

Place du

Palais Cathédrale de Justice Espace Franquin Champ-

de-Mars St Martial

Hôtel de Ville Bd de Bury

Rue de Montmoreau

0 200 m

Années 80 Années 90 Campagne murs peints 98-2000 (date de la création) Murs en images Dalles gravées 1998 Statue Marsupilami 1999 Fresques festivals (parking souterrain) 2000 Itinéraire de découverte des fresques murales du dessinateur André Juillard (1997)

Source : Ville d'Angoulême 2000 Conception : V.Veschambre, Réalisation N.Monnier,CARTA 2001. Document 2 : Les lieux du festival à Angoulême

De haut en bas : - la bulle New York qui se situe derrière l'hôtel de ville en face du théâtre, - une exposition en plein air, phénomène assez rare à cette saison. Il s'agit du concours de la BD scolaire, lors de l'édition 1999, dans les Jardins de l'hôtel de ville, avec en toile de fond les tentes de la bulle New York. - " Mémoire du XXème siècle " : le premier mur peint réalisé par Cité de la création en décembre 1998, d’après un dessin original d’Yslaire (square St André, janvier 1999). Document n°3 : L'année Boucq : l'univers de la BD dans la rue

Le quartier Boucq, avec la reproduction de la voiture de son héros, Jérôme Moucherot. Au second plan, le Magic mirror et les Halles (place des halles, janvier 1999). L’entrée de la rue Boucq (Rue de Genève, janvier 1999). V - DES ACTEURS EN CONCURRENCE

Autour de l’évènement festival gravitent un certain nombre d’acteurs qui tentent de bénéficier des retombées de la manifestation. Ce qui génère inévitablement des situations de concurrence, voire de conflit, qui se jouent notamment en terme d’appropriation de l’espace urbain.

1. Les acteurs en présence 1.1 L’association FIBD Cette association loi 1901 a beaucoup évolué depuis sa création par quelques passionnés en 1977. Elle s’est “ professionnalisée ” au début des années 1980 avec le recrutement des premiers permanents. Aujourd’hui, la structure de son conseil d’administration reflète le changement d’envergure de la manifestation et la nécessité de nombreux partenariats. Sur 27 membres du CA, 14 sont membres de droit, le ministère de la Culture, le Conseil régional, le Conseil général, la Ville, la communauté d’agglomération, les deux sponsors officiels, Leclerc et la Caisse d’Epargne, deux représentants des éditeurs, le club entreprise, le CNBDI, la scène nationale (théâtre) et le dernier arrivant, Magelis. Les autres membres du CA sont élus parmi la centaine de membres adhérents, ces bénévoles qui incarnent la tradition de la manifestation et assurent son enracinement local. Le président actuel, Y. Poinot, est l’un d’entre-eux, qui a participé à la manifestation depuis Angoulême, il dirige un bureau d’étude local en thermique du bâtiment. Les permanents qui assurent la préparation de la manifestation tout au long de l’année étaient au nombre de six au début de l’année 2001. Parmi eux le directeur actuel J. M. Thévenet, qui est originaire du monde de l’entreprise, tout en connaissant bien le milieu de la BD28. Il a été nommé en 1998 pour gérer le festival "comme une entreprise". Il lui a été demandé d'équilibrer le budget du festival, en déficit au moment de son arrivée (le festival s'autofinance pour l'instant à hauteur de 42 %), et de compenser le retrait progressif de certains investisseurs privés, notamment les centres Leclerc. Il s'agit dans un premier temps d'aller vers une dimension plus commerciale, en dissociant les aspects artistiques et

28 Il est notamment le biographe de Bilal et a travaillé pour Leclerc avant d’occuper le poste de Directeur général du FIBD..

35 culturels du festival gérés toujours par l'association, des aspects plus commerciaux gérés par une SA, une SARL ou une SAS. Dans ses efforts de mieux se vendre et d'assurer ainsi sa pérennité, le festival semble sous-estimer ce qui fait son caractère premier, c'est-à-dire la dimension festive inhérente à une telle manifestation. Il veut ainsi se débarrasser d'un côté "fête de la bière" pour évoluer vers une manifestation plus intellectuelle : c'est en quelque sorte le côté "salon" de ses débuts qui resurgit.

1.2 La ville La contribution de la ville au déroulement du festival est essentiellement fournie "en nature", sous forme de prêts de salles, de matériel, d’intervention du personnel municipal... La ville s’occupe notamment de la location des structures temporaires, qui sont d’ailleurs utilisées pour d’autres festivals que le FIBD. Son rôle est également déterminant pour l’organisation des transports durant la manifestation. En 2000, la ville a pris l’initiative de faire coïncider le dernier jour du festival (un dimanche) avec la “ journée sans voiture ”, définissant pour l’occasion un périmètre interdit aux automobilistes. Initiative qui a d’ailleurs été mal vécue par le FIBD (qui en a fait la cause d’un fléchissement de sa fréquentation), et montre bien que la ville tient à rester “ maîtresse chez elle ” pendant la manifestation. La structure organisatrice du festival est en situation de dépendance vis-à-vis du pouvoir municipal et se doit de négocier chaque année son déploiement dans la ville.

1.3 Le CNBDI Créé en tant que lieu de conservation et de connaissance du patrimoine BD29, le CNBDI joue un rôle important durant le festival, en tant que lieu de création des expositions les plus ambitieuses. Ce rôle ressort d’autant plus depuis quelques années que le FIBD se désengage dans ce domaine de la mise en scène de la création BD30. Trois grosses expositions sont programmées chaque année, dont deux coïncident avec la période du festival. Malgré ce rôle culturel de premier plan que joue le CNBDI, ce lieu reste un peu à l’écart durant la manifestation, par rapport aux “ bulles ” du centre-ville. De l’avis de son

29 Le CNBDI gère le dépôt légal des imprimés de BD par délégation de la BNF. 30 Il faut noter que les coproductions avec le FIBD ont été assez peu fréquentes.

36 directeur, T. Groensteen, il n’a pas été non plus approprié par les habitants tout au long de l’année et reste sous-utilisé, malgré la présence d’une librairie BD parmi les mieux achalandées et d’une bibliothèque qui rassemble la première collection BD du monde31.

1.4 Le festival “ off ” Derrière cet intitulé qui n’est pas vraiment en usage à Angoulême, on retrouve deux principaux acteurs qui se positionnent durant la manifestation et cherchent à bénéficier de ses retombées. Après une longue période durant laquelle le festival a inséré ces manifestations dans son programme, il ne veut retenir aujourd’hui que les événements qu’il contrôle. Il faut souligner que le salon/festival a su “ intégrer ” un certain nombre d’initiatives parallèles, notamment du côté des fanzines32, qui ont aujourd’hui toute leur place sous la bulle New-York. Le groupe Chrétiens-media constitue une équipe œcuménique de 20-25 personnes tout au long de l’année qui monte à 90-100 bénévoles au moment du festival. Trois sites sont utilisés pour des expositions : la cathédrale, qui est le premier édifice à avoir été utilisé par le groupe dès le milieu des années 1980, l’église St Martial, qui est stratégiquement placée sur le parcours des festivaliers, et le temple protestant, situé derrière le théâtre qui est le dernier lieu apparu. Le groupe loue par ailleurs un stand sous la bulle New-York. Compte tenu du refus du directeur du FIBD de faire figurer ces expositions sur le programme officiel, le groupe produit depuis deux ans son propre programme et son propre plan de signalisation (cf. annexe).

Dans un tout autre registre, la Maison du peuple, qui est située sur l’axe majeur du festival, constitue le “ haut lieu ” du “ off ”. C’est un lieu de présence militante, mais aussi de création graphique et artistique. Lors de l’édition 2002, le collectif Underboom a su créer l’événement avec sa parodie de supermarché.

2. Relations entre acteurs : interdépendances et concurrences “ On ne peut imaginer un développement séparé du CNBDI, du Pôle de l’image, de l’école de l’image et du festival dont ils sont nés. Tous sont intimement liés”33. Cette

31 Cf. Entretien T. Groensteen, 5 novembre 1998.

37 réflexion de P. Mottet résume assez bien l’interdépendance des principaux acteurs en présence et sous-entend les chevauchements conflictuels que cela suppose.

2.1 Ville-FIBD : “ je t’aime, moi non plus ” Le FIBD et la ville d’Angoulême sont deux partenaires forcés dont les relations sont à la fois étroites et conflictuelles. Après R. Chiron, qui a soutenu le lancement du festival, les maires successifs ont tous entamé leur mandat par une forme de rejet du festival et ont essayé par la suite de mieux le contrôler. La structure organisatrice du festival, elle a été justement créée afin de maintenir l’autonomie de la manifestation vis-à- vis de sa ville d’accueil. C’est une culture de méfiance et d’incompréhension réciproque qui semble prévaloir, l’absence de convention apparaissant révélatrice des difficultés “ à vivre ensemble ”34. Aujourd’hui, le débat tourne autour des subventions, jugées insuffisantes par le FIBD, notamment par rapport aux investissements consentis autour du Pôle image. A cela la mairie rétorque qu’elle demeure le principal soutien de la manifestation, par ses apports logistiques, et que sa situation financière reste fragile, un peu plus de 10 ans après le départ de J. M. Boucheron. Le type même de prestations fournies par la mairie prête à discussion, comme en témoignent les estimations différenciées de la valeur qu’elles représentent.

Plus largement le FIBD regrette un manque de reconnaissance de la part de la municipalité, et souffre d’être “ rabaissé ”, pour reprendre le terme du directeur du FIBD, au même niveau que les autres festivals, à travers le slogan “ Angoulême, la cité des festivals35 ”. Cette ligne de communication semble plus consensuelle dans le sens où elle peut satisfaire de manière plus générale une partie de la population locale (par exemple les commerçants) qui ne se reconnaît pas dans une manifestation BD. Pour résumer le sentiment d’incompréhension mutuelle entre les deux partenaires, J. M Thévenet parle “ d’une manifestation en parallèle à la ville ”36.

32 Terme anglo-saxon construit autour de fan et magazine, qui désigne la production non professionnelle de revues de BD. 33 Charente Libre, 28 janvier 1997. 34 Une négociation était programmée pour l’après-élections municipales (2001). 35 C’est nous qui soulignons. Le site de la ville d’Angoulême s’ouvre sur deux slogans : Cité des festivals, Ville de l’image et de la BD. La référence à la BD est donc toujours présente mais vient en troisième position. 36 Cf. entretien avec J.M. Thévenet, 20 mars 2000.

38

36 Cf. entretien avec J.M. Thévenet, 20 mars 2000.

39

“ Angoulême, Cité des festivals ” : commentaire de J. Mardikian (adjoint à la culture)

“ Il y a un événement phare, il y a un événement porteur et il y a un événement j’allais dire “ porte-avion ”, c’est le festival international de la bande dessinée. Il y a d’autres événements, piano en Valois, Ludoland, Gastronomades, Circuits des remparts, Musiques métis qui ont leur spécificité et qui ont leur propre dimension. Ayant participé à la création de Musiques métisses, ayant participé à la création de piano en Valois, ayant participé à la création de Gastronomades, le mot Gastronomades, c’est votre serviteur qui l’a inventé, Musiques métisses vient du festival de jazz que votre serviteur a créé avec Christian Mousset, piano en Valois avec Georges Chavanes, votre serviteur a inventé piano en Valois, c’est à dire piano en pays des Valois, (…) est-ce que je vais dire tout cela est au même niveau que le festival de la BD ? Mais pas du tout, pas du tout. On peut faire du marketing avec Angoulême “ la cité des festivals ”, certes, mais quand on commence à gérer et à penser l’évolution de ces festivals, y’a pas de doutes qu’il y a le porte-avion qui est là et le porte-avion il faut pas faire comme le Charles de Gaules, il faut lui donner des hélices qui fonctionnent, hein, c’est ça mon esprit ”.

Entretien du 15 janvier 2001.

2.2 Liens du festival aux autres collectivités locales et à l’Etat Les relations avec les autres collectivités locales, principalement le Conseil général et la Région, sont par nature moins intenses et moins conflictuelles. En 2000, le FIBD a signé deux conventions avec ces deux partenaires, qui se sont engagés dans la durée et ont augmenté significativement leur soutien financier. Cela représente pour le FIBD une diversification et un élargissement de ses soutiens publics. En revanche, il semblerait que l’Etat soit aujourd’hui moins présent qu’il ne l’a été, son principal relais dans le domaine de la BD à Angoulême étant fort logiquement le CNBDI, qui a le label “ musée national ”.

2.3 La concurrence FIBD/CNBDI

40 Dès sa mise en place durant le mandat Boucheron, le CNBDI est perçu par le festival comme un concurrent, comme en témoigne alors P. Pascal : “ je voyais la ville engager des frais extraordinaires avec le CNBDI : j’étais contre. Je n’y croyais pas : la bande dessinée n’a pas besoin d’un tel monument .37 ” Après avoir partagé pendant longtemps les mêmes locaux, le FIBD et le CNBDI sont entrés dans une phase de conflit ouvert. Le besoin de s’inscrire dans la durée, met inévitablement le FIBD en concurrence avec le CNBDI, acteur dont le rôle est, par définition, d'assurer la pérennité de la BD et de l'image. Le directeur du festival regrette qu’au moment de la création du CNBDI. le “volet BD” n’ait pas été négocié en faveur du festival, qui aurait pu être chargé de “ l'itinérance des expositions, de la mise en place des colloques, de la mise en place des conventions, et pourquoi pas, de la mise en place de la dimension muséale de la BD, assurant par là- même la première permanence du festival”38. La seule activité du CNBDI qu’il juge parfaitement légitime, c’est l’activité “intellectuelle” et éditoriale. D'autre part, le festival estime que les deux structures ne sont pas sur un pied d’égalité, le CNBDI n'ayant pas à se soucier de boucler un budget qui est garanti par l'État. Le festival regrette que lors de la dernière édition (janvier 2000), sa participation aux expositions organisées au CNBDI soit passée totalement inaperçue39, et que le Centre ait bénéficié de toutes les retombées médiatiques. Alors que dans le même temps, les restrictions budgétaires n’ont pas permis au FIBD d’assurer les expositions de prestige et les animations de rue dignes de sa tradition. De son côté, le CNBDI revendique cette mission de pérennisation de la BD dans la ville, se considérant comme “le complément naturel” d’une “manifestation ponctuelle, éphémère”40. Le directeur du musée se demande par conséquent s'il est sain de voir le festival étendre ses activités tout le long de l'année, étant donné que les deux structures sont déjà en concurrence dans le domaine des expositions, notamment sur le marché des autres festivals de BD.

37 CANNET H ., 1994, Le Grand 20e, La Charente Libre, p. 162. 38 Entretien avec J.M. Thévenet, 20/03/2000. 39 Alors que lui-même a dû reverser 11% de ses recettes pour l'accueil de ces expositions. 40 Entretien T. Groensteen, 5/11/1998.

41 2.4 La place des acteurs privés Un certain nombre d’acteurs privés sont également présents dans la manifestation. Il s’agit tout d’abord des sponsors, et tout particulièrement de M.E. Leclerc qui est venu compenser au début des années 1990 le désengagement financier d’une ville en cessation de paiement. Ce dernier se retire progressivement, ne se privant pas de critiquer ce qu’il considère comme un manque d’engagement de la part des collectivités locales. Les relations avec les éditeurs sont également capitales, le festival retirant sa légitimité économique de la présence de la quasi totalité d’entre eux sous les bulles du Champ de Mars. Du point de vue de la mairie, et notamment de l’adjoint à la culture, co-fondateur du festival, cet engagement demeure insuffisant par rapport aux retombées économiques et médiatiques dont bénéficient les éditeurs et les grands groupes financiers qui sont derrière. Localement, un certain nombre d’acteurs locaux tentent de tirer leur épingle du jeu et de profiter de la manifestation pour faire des affaires ou se rendre visibles. Le discours de l’association des commerçants du centre-ville est ambigu, puisqu’ils avouent préférer des manifestations socialement mieux fréquentées (Circuit des Remparts, Gastronomades), tout en étant obligés de reconnaître que certains de leurs adhérents profitent beaucoup des quatre jours du festival. L’association a d’ailleurs initié la mise en place de chalets du type marché de Noël, ce qui correspond d’ailleurs tout à fait à la volonté du festival d’éviter les baraques à frites et merguez, et de changer son image de “ fête de la bière ”.

VI - PUBLICS

1. Ce qu’en disent les organisateurs Le FIBD a commandé plusieurs enquêtes, afin de mieux connaître son public41. Corroborés par nos propres enquêtes, les résultats montrent une sous-représentation des catégories populaires (ouvriers, employés) et inversement la surreprésentation des étudiants, des cadres et professions intermédiaires, et notamment des enseignants. Ce qui va tout à fait dans le sens voulu par la structure organisatrice du festival, qui vise plutôt des populations à fort pouvoir d’achat, susceptibles de donner une bonne image à la manifestation. Les jeunes sont également un public particulièrement visé, comme en témoigne l’ouverture récente d’un espace jeunesse et la forte incitation à faire venir les

42 scolaires : il s’agit en effet de fidéliser le public et le lectorat de demain. En 2001, le thème des mangas avait été spécialement choisi pour attirer la tranche des 15-25 ans.

2. Analyse des enquêtes menées au festival d’Angoulême (éditions 1999 et 2000)

2.1 Profil social et démographique des personnes interrogées Le profil social des personnes enquêtées est proche de celui obtenu lors de la dernière enquête réalisée pour le festival. Par rapport à l’échantillon de 1995, où elles étaient déjà très peu présentes, les catégories ouvriers, agriculteurs, artisans-commerçants, apparaissent sous-représentées. Le poids des cadres et professions intermédiaires, ainsi que des inactifs (étudiants en majorité), se confirme à travers nos résultats.

Profil social des personnes enquêtées (1995-1999/00) Catégories sociales enquête festival 1995 enquête CNRS 1999/2000 agriculteurs/artisans/commerçants 4 % 0 % Ouvriers 4 % 1 % employés. 15 % 16 % cadres et prof. intermédiaires 42 % 46 % sans activité (dont étudiants) 35 % 37 %

Grâce à une grille plus fine, nous avons pu repérer le poids de la catégorie des enseignants (18 %), des étudiants (25 %) et des professions du graphisme, du livre, de la publicité (10 %). Plus de la moitié des personnes interrogées appartiennent à cet univers social lié à la culture et plus particulièrement au livre et près de la moitié (46 %) à l’univers scolaire ou universitaire. Nous avons affaire à un public plutôt jeune, avec 70 % de notre échantillon qui a moins de 34 ans (82 % moins de 44 ans), ce qui est à mettre en rapport avec la place importante des étudiants. Les hommes apparaissent légèrement surreprésentés, avec 55 % des personnes interrogées. L’univers de la BD, où les auteurs masculins sont encore très majoritaires,

41 Nous avons pu consulter celle de 1995.

43 conserve un profil genré. La majorité des femmes interrogées viennent d’ailleurs en couple ou en famille, alors que les hommes viennent plutôt seuls ou entre amis. Le public originaire d’Angoulême et ses environs représente 29 % de notre échantillon. Si nous ajoutons le public qui provient du reste du département, nous dépassons le tiers des personnes interrogées (36 %). Au delà, le festival recrute à l’échelle nationale (avec une bonne proportion de parisiens), voire internationale. 2.2 Pratiques festivalières des personnes interrogées Près de la moitié des personnes interrogées viennent pour la première fois au festival (45 %), dont une majorité n’étaient encore jamais venus Angoulême (30 % du total de l’échantillon). Ces chiffres traduisent une bonne capacité de la manifestation à renouveler sont public, notamment du côté des plus jeunes. On note la présence d’une minorité “ d’habitués ” (20 %), qui sont venus déjà plus de cinq fois. Mais au total, les deux tiers des personnes rencontrées ont découvert le festival depuis moins de trois ans. Une minorité de ces participants ont une culture festivalière pour être allés au moins une fois dans un autre festival (40 %). Les festivals cités concernent prioritairement la BD et la musique, ce qui correspond à la jeunesse des festivaliers. Parmi les habitants de l’agglomération d’Angoulême, les deux tiers ont participé à un autre festival local, principalement aux Musiques métisses et au Circuit des remparts. L’offre festivalière locale semble avoir un impact sur les pratiques culturelles des angoumoisins.

A la question “ que venez-vous chercher à Angoulême ”, nous pouvons identifier trois principaux groupes de réponses. Les plus nombreuses (40 %) correspondent à la volonté de rencontrer des auteurs et obtenir des dédicaces, de voir les BD et les auteurs ou encore d’acheter des BD neuves ou d’occasion : pour ce type de réponse, enseignants et étudiants sont surreprésentés, ainsi que les moins de 34 ans. Le second type de réponses, qui correspond à 17 % de notre échantillon, évoque la curiosité, la recherche d’une ambiance et la convivialité : les 35-44 ans apparaissent surreprésentés dans ce groupe. Enfin, 13 % des réponses correspondent au fait de suivre ou accompagner quelqu’un : les femmes sont ici nettement surreprésentées. Il semble qu’il y ait deux grands types de publics : l’un averti est passionné, plutôt jeune, diplômé et masculin, l’autre, plus âgé et plus féminin, attiré par l’ambiance festivalière ou accompagnateur du premier groupe.

44 Le logement constitue une difficulté certaine pour de nombreux festivaliers : parmi les personnes qui ne sont pas d’Angoulême, 34 % ont la chance d’être hébergées dans la famille ou chez des amis, mais 42 % n’ont pas de logement et doivent faire l’aller-retour dans la journée ou dormir dans leur voiture. Une minorité (26 %) a pu prendre une chambre d’hôtel.

CONCLUSION - AUTOUR DU FESTIVAL DE LA BD, UNE CONCURRENCE TERRITORIALE

Alors que le festival international de la bande dessinée commence à préparer la célébration de ses trente ans d’existence, nous disposons du recul nécessaire pour analyser le jeu des acteurs et leur inscription territoriale dans la ville. Ces rapports plus ou moins conflictuels entre acteurs qui gravitent autour du festival, peuvent se résumer en terme de compétition pour s’approprier l’espace urbain. La situation de fragilité du FIBD tient beaucoup à son manque de visibilité dans la ville tout au long de l’année, à son manque d’assise territoriale. Et même durant les quatre jours que dure la manifestation, le FIBD peine ces dernières années à marquer une présence festive dans les rues de la ville, privilégiant la signalisation et la visibilité des sponsors. C’est la ville qui progressivement matérialise l’image BD dans ses murs, ce qui fait dire au directeur du FIBD que les “ territoires ne sont pas respectés ”42. Alliée au Conseil général, dans un département où la majorité de Droite est fragile, la ville profite également des retombées du festival pour intervenir sur certains quartiers anciennement industrialisés le long de la Charente et sur le raccordement entre la ville haute et la ville basse. Le Conseil général, associé également à la Chambre de commerce et d’industrie, semble être le principal bénéficiaire en terme d’appropriation de l’espace, par son installation durable dans la ville préfecture, à travers la structure Magelis. De plus en plus impliqué localement, le Centre national de la bande dessinée constitue le principal point d’ancrage de cette construction territoriale, héritée d’un évènement éphémère lancé il y a près de 30 ans.

42 Entretien avec J.M. Thévenet, 20/03/2000.

45 BIBLIOGRAPHIE

Ouvrage et mémoires

CANNET Hervé, 1994, Angoulême : le grand 20ème, Charente libre, Angoulême, 240 p. JOBARD Martine, 1985, Angoulême, capitale de la bande dessinée, Infoplan, Paris, 5 p. VERNERET Adrienne, 1991, Le salon international de la bande dessinée d’Angoulême, mémoire d’IUT, Université de Bordeaux III, 40 p.

Documents et revues exploités :

Programmes du FIBD Revues de presse du FIBD Images du pôle (Magelis) La Charente libre. Angoulême magazine (mairie d’Angoulême)

Entretiens réalisés (en gras, les entretiens retranscrits) :

- pour le festival : le président (Y. Poinot : 5 novembre 1998 et 15 février 2001), le directeur (J.M. Thévenet : 5 novembre 1998 et 20 mars 2000) et le responsable technique (J.L. Bittard ) - pour la mairie : le responsable du service communication (J.M. Joussen), le responsable du service urbanisme (M. Denay), l’adjoint à la culture, co-fondateur du festival (J. Mardikian, 15 février 2001). - pour le Conseil général : le responsable du Pôle image (P. Mourier). - pour Magelis/Pôle image : F. Doucet. - pour les commerçants : le co-président de l’association Cap 2000 (L. Arlot). - pour l’office de tourisme : M. Bergez. - pour Chrétien media : J.C. Renault (17 mars 2000).

47 Annexe n°1 : La ZAC Magelis et ses principaux éléments structurants en 2000 Annexe n°2 : le projet de fusée Tintin (Images du pôle, n° 3, janvier 1999). Annexe n°3 : Plan distribué par le groupe Chrétien media (édition 2001) Annexe n°4 : couverture du n°6 de la Purée, journal du festival "Off", édition 2001. L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

FESTIVAL ECLAT Ë AURILLAC

DEP - MINISTéRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002 I - CONTEXTES POLITIQUE, DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE 2

1. ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES 2 2. ÉVOLUTIONS POLITIQUES ET TERRITORIALES 3 3. L’IMPACT ÉCONOMIQUE ET TOURISTIQUE DU FESTIVAL D’AURILLAC 5

II - POLITIQUES CULTURELLES LOCALES 7

1. ÉQUIPEMENTS ET SERVICES CULTURELS 7 2. LES AUTRES FESTIVALS 8

III - HISTORIQUE DES FESTIVALS 8

1. LA NAISSANCE DU FESTIVAL 8 2. LE BUT AFFICHÉ DU FESTIVAL : S'EMPARER DE L'ESPACE URBAIN 10 3. LE DÉVELOPPEMENT DU FESTIVAL 11

IV - LES LIEUX (LIEUX FONCTIONNELS, ESTHÉTIQUES, SYMBOLIQUES) 13

1. LES LIEUX DU FESTIVAL 13 2. L’IMPLANTATION DU FESTIVAL PAR RAPPORT AUX ARRÊTÉS MUNICIPAUX 15 3. QU'EST CE QUI RESTE PENDANT L'ANNÉE ? 15 4. RAPPORTS AUX LIEUX DES ORGANISATEURS 16 5. RAPPORT AUX LIEUX DU PUBLIC 20

V - ACTEURS 26

1. PRÉSENCE DE L’ÉQUIPE DU FESTIVAL 26 2. DE FORTES RELATIONS AVEC LA MUNICIPALITÉ 26 3. DES RELATIONS MOINS ÉTROITES AVEC LE DÉPARTEMENT ET LA RÉGION 29 4. LE SOUTIEN DU MINISTÈRE DE LA CULTURE 30 5. RÉSEAUX 31

VI - PUBLICS 32

1. CE QU'EN DISENT LES ORGANISATEURS 32 2. LES PERSONNES ENQUÊTÉES 33

ENTRETIENS 35

I - CONTEXTES POLITIQUE, DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE

1. Évolutions démographiques Aurillac, chef-lieu du Cantal, se distingue dans un département rural encore marqué par l’agriculture (18,5 % de la population active) et l’industrie agroalimentaire. La part de cette dernière, dans la répartition de l’emploi salarié par secteurs d’activités, était de 32,8 % (contre 13,3 pour l’Auvergne) au 31/12/1998. Le Cantal fait partie de la région Auvergne avec l’Allier, la Haute-Loire et le Puy de Dôme. Par le chiffre de sa population, le Cantal se classe au 88e rang des 96 départements métropolitains. Il s’agit donc d’un département faiblement peuplé.

La population depuis 1901 Année Cantal Auvergne France 1901 230 511 1 510 787 40 681 415 1968 169 330 1 311 943 49 780 543 1975 166 549 1 330 479 52 655 802 1982 162 838 1 332 678 54 334 871 1990 158 723 1 321 214 56 615 155 1999 150 778 1 308 878 58 518 748 Source : INSEE - Recensements de la population

Dans la plupart des arrondissements, solde naturel et solde migratoire sont négatifs, ce qui conduit à une baisse de population. En termes de tailles de communes, ce sont les plus importantes qui sont touchées par le déclin migratoire, par contre, elles connaissent un solde naturel positif, insuffisant toutefois pour arriver à gagner de la population.

Évolution de la population 1990-1999 Zones Population Variation Solde Solde géographiques naturel migratoire Absolue Relative Département du Cantal 150 778 - 7 945 - 5,3 % -4 979 - 2 966 Par arrondissement : Aurillac 82 116 -1 599 -1,9 % - 987 - 612 Mauriac 28 649 2 455 - 8,5 % -1 943 - 502 Saint-Flour 40 013 -3 901 - 9,7 % - 2 049 1 852 -1 10 Par taille de commune : Communes < 500 hab 40 681 -3 829 - 9,4 % - 2 721 8 500 à 1999 hab 52 779 -2 373 - 4,5 % - 2 431 + 58 2000 habitants et plus 57 318 -1 743 - 6,8 % +173 - 1 916 Source INSEE 2000

2

2. Évolutions politiques et territoriales

Les forces politiques en présence “ En quinze ans il y a eu deux directions, il y a eu deux maires, il y a eu, je ne sais pas combien d’adjoints à la culture. Le festival, il a quinze ans, il a changé fondamentalement de nature parce qu’il a changé de dimensionnement à partir de la même intention, est-ce que cette intention est toujours aussi lisible, ça, après, la lecture à 15 ans. Après, à ceux qui ont des responsabilités de le faire, pour imaginer encore le marchepied de demain. ” Michel Crespin, fondateur lors des rencontres professionnelles (25 août 2000)

En 2001, trois listes étaient en course : le maire sortant Yvon Bec (MDC, ex premier adjoint PS de René Souchon) faisant cause commune avec les Verts. René Souchon (PS) allié au PRG et au PC et Yves Coussain (député), présentant une liste RPR-UDF. À l'issue du premier tour, l'ancien maire René Souchon dispose d'une avance confortable et retrouve son fauteuil de maire après une parenthèse de 6 ans1, pour un mandat annoncé comme “ le dernier ”. Les deux autres listes se sont maintenues alors qu’en 1995, la liste d’Yvon Bec avait été élue à la mairie grâce au retrait de celle de la droite. Il avait alors évité la triangulaire. L'opposition entre les deux leaders de la gauche aurillacoise, est connue à Aurillac comme la “ guerre des deux roses ”, elle a des répercussions relativement importantes sur la vie culturelle et les arts de la rue. Après la question du déplacement du “ camping sommaire ” festivalier de Peyrolles au site des Tronquières lors des précédentes élections, ce sont le centre de création de Tronquières et la reconstruction du théâtre en centre-ville qui ont été l'objet en 2001 de vives querelles, René Souchon s'étant clairement exprimé contre ces deux propositions. Les changements de Maire ont donc pour conséquence le retard pris dans la mise en place d’un lieu permanent de création, alors que la bataille d’Eclat, depuis 5 ans, est d’arriver à construire un lieu de fabrique pour les arts de la rue.

1 A premier tour, avec un taux de participation de 70.82 %, Yvon BEC 32.65 %, René SOUCHON 42.51 %, Yves COUSSAIN 24.85 % Au second tour - 18 mars 2001 avec une participation : 73.58 %, Yvon BEC 39.79 %, René SOUCHON 45.05 %, Yves COUSSAIN 15.16 %.

3 De la ville à l’intercommunalité

En 1990, les communes d’Aurillac, Arpajon-sur-Cère, Crandelles, Giou-de Mamou, Naucelles, Reilhac, Sansac-de-Marmiesse, Saint-Simon, Velzic Vézac et d’Ytrac ont décidé de créer le District du bassin d’Aurillac. En 1995, la Commune de Yolet, et la commune de Saint-Paul-des-Landes, en 1997, ont rejoint la structure communautaire. En 1999, le District est transformé en Communauté d’agglomération. Trois nouvelles communes proches : Jussac, Teissières de Cornet et Ayrens décident d’adhérer à la nouvelle communauté. Le 1er janvier 2000, la Communauté d’Agglomération du bassin d’Aurillac dénommée “ Aurillac Communauté ” regroupe 16 communes et 55 000 habitants. Cette évolution a permis d’accroître les moyens financiers de la collectivité, la dotation globale de fonctionnement est passée de 5 millions de francs à environ 12 millions de francs.

Avec la création de la Communauté d’Agglomération, les compétences exercées par le District du Bassin d’Aurillac se sont renforcées et diversifiées : - Développement économique : Création, aménagement, entretien et gestion des zones d’activités économiques. Actions de développement économique et touristique. - Aménagement de l’Espace : Définition du schéma directeur, création des zones d’aménagement et organisation des transports en commun. - Equilibre social de l’habitat : action d’intérêt communautaire, notamment en faveur des personnes défavorisées. - Politique de la ville : dispositifs de développement urbain, d’insertion économique et sociale, de prévention de la délinquance - Environnement : collecte et traitement des déchets ménagers, eau et assainissement. - Grands Equipements sportifs : construction, aménagement et gestion.

Il n’y a donc pas de compétences culturelles bien que la communauté finance depuis 2001 le festival.

Depuis 1995, le Pays d'Aurillac a peu à peu pris corps après qu’aient été menées des études et des réunions de réflexion des différentes structures intercommunales et de leurs

4 présidents. Un comité de pilotage (ou comité de pays) a vu le jour le 10 janvier 1997. La Présidence de ce comité est assurée par Yves Coussain (Député) et le secrétariat général revient à Yvon Bec (Président de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac jusqu’en mars 2001) dans un souci de représentation équilibrée du milieu urbain et du monde rural. Afin de formaliser cette coopération, un document recensant les éléments constitutifs en vue de l'élaboration d'une charte du pays d'Aurillac a été rédigé puis adopté. Quelques axes de développement autour d'une stratégie commune ont été dégagés ; il est fait référence à la culture de manière très générale : “ Coordination et Développement des échanges culturels ville/campagne en encourageant soit la mobilité des événements culturels, soit celle du public. ”

3. L’impact économique et touristique du festival d’Aurillac Il n’y a pas de données “ scientifiques ”, juste des estimations en termes de retombées économiques. Signalons qu’Aurillac est l’un des sites festivaliers sur lequel nous avons trouvé très peu d’études, de rapports, de mémoires universitaires. Ceci s’explique par l’absence d’université dans la ville, il est probable que de tels travaux puissent exister à Clermont-Ferrand, Limoges ou ailleurs mais nous n’en avons pas eu connaissance. Les organisateurs du festival bien qu’accueillant des étudiants stagiaires n’ont pas souvent le retour de leurs écrits.

La question des apports touristiques du festival est donc abordée via les entretiens, en particulier celui de Mme Darson, directrice de l’Office de Tourisme. À tous les points de vue, celle-ci juge les retombées du festival indéniables, elle en veut pour preuve les coûts de fil, les passages des touristes, les réservations d’hébergement à l’Office de Tourisme. Tous les hébergements (hôtel, chambre d’hôte, camping…) sont réservés lors du festival sur les 2/3 du département, ce qui montre que celui-ci ne profite pas qu’à Aurillac. “ L’arrivée du festival troisième, ou quatrième, ça dépend, semaine d’août et bien ça allonge la saison c’est sûr, ça fait au moins une semaine de plus pleine. Donc déjà à ce niveau-là, sans compter bien sûr après toutes les dépenses que font les festivaliers ici, qui se feraient pas avec une clientèle classique de touristes fin août, donc au niveau économique et touristique oui, ça un impact et puis on a, donc le festival dure 4 jours, c’est toujours du mercredi au samedi, et on a remarqué depuis je dirais 4 ans à peu près, une clientèle festival qui vient quand même de plus en plus pour la semaine, donc qui arrive le samedi qui précède, puisqu’on prend

5 généralement des hébergements à la semaine, et qui fait du tourisme pendant les trois premiers jours de la semaine. Donc ça c’est un phénomène je vous dis qui date de 3-4 ans qu’on avait moins avant, parce qu’on avait le festivalier pur et dur qui venait le mercredi ou le jeudi et qui faisait son festival. Maintenant non, on a pas mal de gens qui viennent avant on le voit nous parce qu’on est ouvert tous les jours, et qui viennent chercher, qui viennent demander de la doc. (…). ” MD (OT).

Si l’on en croît le quotidien La Montagne (25/08/2001), 2000 retraits d’argent par jour à Aurillac ont été comptabilisés lors de l’édition 2000, ce qui représente 7 millions de francs contre 4 à l’ordinaire. Via les agences bancaires, le journal estime donc les festivaliers à 70 000 par jour. En 2001, les retraits avaient augmenté de 15 % sur les deux premiers jours. Et le journal chiffrait les retombées sur le bassin d’Aurillac à 60, 70 millions de francs. Quant à la Tribune (22/08/2001), elle estime que les distributeurs de bière réalisent 13 millions de chiffre d’affaires en 4 jours, ce qui constitue un autre élément de retombée économique. Celle-ci ne se pose pas que dans l’environnement local, il ne faut pas oublier qu’Aurillac, dans le registre du théâtre de rue, comme Avignon dans celui du “ théâtre de salles ” est également le premier marché des professionnels, ce que nous rappelle ici Dominique Gruczszinski (2001). “ Et la dimension économique aussi mais d’ailleurs elle est faussée parce que quand on parle de la dimension économique on n’analyse que les apports sur le territoire, or ce qu’il faut savoir quand même c’est que, s‘il y a autant de compagnies Off et même les In qui viennent à Aurillac, c’est pour leur propre économie. Leur économie professionnelle je veux dire et donc il y a des Compagnies, moi j’en ai vu des Compagnies sur le Off qui grâce à leur venue sur Aurillac signent 70 dates. Donc, ça fait vivre des gens quoi. Et donc c’est un peu restrictif de parler simplement de l’économie locale. ”.

En outre, les retombées ne se mesurent pas qu’en termes économiques, les questions du lien social et de l’identité sont tout aussi importantes. La coordinatrice du festival insiste sur ce point : “ Il faudrait mesurer pas simplement l’impact direct mais l’impact indirect aussi, ce qui n’est jamais fait, pas suffisamment fait en tout cas. Parce que moi je connais des commerçants qui ont refait par exemple toute leur façade, qui ont retapé leur bistrot par exemple parce qu’il y a eu le festival donc ça fait aussi travaillé après les artisans etc etc. Et cette analyse-là, je crois pas qu’elle soit faite. Il n’y a jamais eu d’enquête économique sur le festival mais il serait dommage de faire l’analyse du festival que par cette approche-là. Parce qu’elle est très restrictive et dangereuse. Si on cherche que la rentabilité dans la culture c’est difficile

6 (rires). Alors après, pour moi tout ça fait que je pense que ce festival, cette manifestation participe d’une démarche de développement local, dans la mesure où d’ailleurs il y a certains indicateurs qui seraient intéressants d’analyser c’est la transformation de l’identité, l’image interne et externe. C'est-à-dire que les Aurillacois sont fiers de cette manifestation quand ils vont à l’extérieur, donc, alors ça ce serait intéressant à faire mais il faudrait analyser comment ils se perçoivent, qu’est-ce que ça a transformé dans leur identité propre, dans leur perception interne. Évidemment dans la perception externe, l’image de la ville d’Aurillac elle en bénéficie, la Ville, le Département, la Région. Ça c’est plus facile à prouver parce que, maintenant quand vous allez à l’extérieur, “ Ah oui Aurillac la ville la plus froide de France ” et “ la ville où il y a le festival de Théâtre de rue ” même à l’étranger. Donc, il y a une transformation de l’image surtout qu’il y a beaucoup de stigmates ici quand même, on trimballe plutôt la ruralité (…). C’est quand même une image positive qui est véhiculée, une image de dynamisme, de jeunesse, d’innovation qui permet un peu de transformer et bien celle qui est véhiculée jusqu’à présent quoi ou c’est plutôt le trou, la désertification, enfin tous les stigmates qui sont trimballés ici et d’ailleurs si on analyse la communication des collectivités territoriales, malheureusement ils utilisent pas au mieux cette image qui est véhiculée parce que c’est encore toujours la terre les grands espaces, etc. etc. Et c’est un peu dommage parce que à mon avis on peut utiliser les deux. À la fois une terre effectivement sauvage etc. nature, mais aussi une dynamique qui existe par la population et ça ils l’utilisent jamais et ça je trouve ça dommageable. (…) ”

II - POLITIQUES CULTURELLES LOCALES 1. Équipements et services culturels En termes d’équipements culturels, il existe des musées (musée des volcans et musée de la photographie) et une cité des congrès. Cette dernière est utilisée lors du festival : c’est dans cet espace, Les Carmes, que sont logés les bureaux provisoires de l’association Eclat.

La ville s’est très clairement positionnée dans le choix du maintien du festival. En effet, en 1991, quand la scène nationale et le festival étaient simultanément en déficit (respectivement 1,2 M sur un budget total de 2,5M ! et 800 000 francs pour le festival), la municipalité a décidé de conserver le festival, c’est-à-dire l’éphémère, plutôt que la scène nationale. Depuis, il existe une programmation culturelle à l’année, mais elle est privée de théâtre - détruit dans un incendie en 2000. Cette situation ne satisfait pas les organisateurs du festival, ainsi J.M. Songy estime qu’il y a des déficits en matière culturelle à l’année et le déplore d’autant plus que le festival est en situation délicate du fait du soutien financier

7 de la ville face aux autres acteurs de la scène culturelle locale. Le festival n’est-il pas souvent vu comme la “ danseuse ” d’Aurillac ? “ Ils ont fait le choix du festival plutôt que de la scène nationale. Mais je pense qu’une scène nationale ici, ça mérite, ouais ici on est dans un département, il n’y a rien d’autre qu’Aurillac, ouais ce serait sympa qu’il y ait une structure du spectacle vivant qui soit un peu costaud parce qu’il y a 70 000 - 80 000 personnes qui vivent par là, qui vivent tout le temps, c’est pas que le festival. ” (…)“ Moi, je, en faisant ce que je fais, je passe pas mon temps ici, parce que je me ferais emmerder tout le temps parce que je représente le faste, tu vois, le délire, les 4 jours par an qui pètent 80 % du budget du spectacle vivant ” (Jean- Marie Songy, 2001).

La faiblesse de la vie culturelle à Aurillac va de pair avec l’inexistence d’un service culturel, les questions culturelles sont traitées au sein du secrétariat général à la culture, au sport, à la citoyenneté et aux associations. Ceci est, bien évidemment, lié à la petite taille de la commune et n’a pas d’incidence sur l’accueil du festival à Aurillac. L’Adjoint à la Culture est membre du CA de l’association Eclat, ce qui est stratégique pour Eclat, mais va au-delà d’un rôle de figuration pour l’adjoint.

2. Les autres festivals Il n’y a pas d’autres festivals dans la ville. Le festival d’Aurillac est même le seul festival recensé dans le Cantal (L. BENITO, 1995, p.51), ce qui a sans doute pour conséquence de multiplier son impact. Quant à l’ensemble de la Région Auvergne, le nombre de festivals recensés se situe aux alentours de vingt quatre dont dix pour le seul Puy de Dôme.

III - HISTORIQUE DES FESTIVALS

1. La naissance du festival

Le festival d’Aurillac est né en 1986 à l’initiative de Michel Crespin et Lieux Publics (Centre National de création des Arts de la rue), créé en 1983 par le même Michel Crespin. Ils cherchaient une ville d’accueil afin d’y organiser un festival d’un genre encore peu diffusé : le théâtre de rue. L’accueil fut favorable à Aurillac à la fois de la part de l’association ADAC d’Aurillac (Association de Développement de l’Action Culturelle) co-

8 organisatrice (et cofinanceur) et de celle d’Yvon Bec, alors adjoint à la culture de l’équipe municipale de Souchon. Il ne subsiste pas de plaquette de la première édition, mais il y avait là une programmation de six compagnies dont deux françaises et quatre européennes, cela sur trois jours (du 28 au 30 Août). Bien que non annoncé dans le dépliant programme, le Festival démarrait dès le 27 août avec une parade de Zingaro à 17h00, suivie à 21h d'un banquet d'ouverture dans le Jardin des Carmes. Tout de suite, le festival s’est affiché "festival européen du théâtre de rue" et, la période - fin août - fut choisie dans le dessein de rallonger la période touristique.

La naissance du festival racontée par les “ acteurs ” Michel Crespin, “ père fondateur ” lors des rencontres professionnelles (25 août 2000) “ Comment une rencontre se fait à partir de quelque chose qui n’existe pas. D’un côté un artiste qui a déjà une expérience, qui a un projet, qui a un projet de développement, quelque chose qui n’existe pas, il sait qu’il a besoin d’une plate-forme, pour montrer et il cherche où il va le faire. Il est implanté dans la région parisienne. Ce n’est pas là qu’il le fait, parce qu’il ne revendique pas son appartenance et il cherche, qu’est- ce qu’il cherche ? D’abord, j’ai cherché un co-latéral, c'est-à-dire quelqu’un avec qui je pouvais causer culturellement, donc il cherche un partenaire culturel (…). Ensuite effectivement, on sait que ça coûte des moyens, donc vous avez une tutelle c’est le ministère de la Culture et vous avez un rendez-vous annuel avec son directeur (…) Et puis lui vous dit, “ non, non, c’est intéressant, on trouvera les moyens qu’il faut ” (…). Là, vous partez autrement à la quête, là je lance un ballon à l’ensemble du territoire : je dis “ qui est intéressé ? ”. Je passe par des réseaux culturels, il y a des soutiens intermédiaires, c’était l’ONDA, qui dit “ j’envoie moi aussi le message ”. Et effectivement, ça arrive à l’oreille d’un monsieur qui habite Aurillac. Jean-Pierre Lacoste qui dirige à ce moment-là ici l’ADACA, - association de gestion municipale - dit ça m’intéresse, on fait la rencontre à l’ONDA, avec Philippe Thierry et il me dit : “ Le mieux c’est que tu viennes à Aurillac, est-ce que tu connais Aurillac ? ”. Je suis arrivé en hiver 85 à Aurillac, après le train de nuit, à la gare. Et de la neige, pas un chat à la gare et puis Jean-Pierre me fait rencontrer deux élus, l’adjoint à la culture de l’époque qui était Yvon Bec et puis Mireille Lacombe qui avait le développement local si mes souvenirs sont bons. Et on va manger dans un restaurant (…) Voilà, et l’histoire commence comme ça. Vous avez en face de vous un conteur professionnel artiste qui a envie de trouver des partenaires parce qu’il a les idées, il sait qu’il peut trouver l’argent parce qu’il a la reconnaissance de sa tutelle (…). Après, c’est à eux de parler, c’est l’élu local qui a parlé, ça s’est fait à l’Auvergnate, à la maquignon. Après avoir discuté de modalités un peu plus fines, tope là on le fait. C’est pas avec le maire, c’était l’adjoint à la culture, il avait certainement l’aval de son maire, mais c’est vrai que ça a été d’abord une prise de risque … ” Yvon Bec, Maire d’Aurillac lors des rencontres professionnelles (25 août 2000) “ Comment l’élu a réagi par rapport à ça ? Mettre le théâtre dans la rue à Aurillac, je crois qu’il y a quelque chose qui est difficile d’expliquer, le courant est passé, à partir du moment où il y a eu une sorte de confiance

9 qui est passée, on a pu effectivement démarrer le projet pour trois ans. En se posant, du côté de l’élu, quelques questions quand même, (…). Moi, la question que je me suis posée, au-delà de l’envie de faire quelque chose avec Michel (Crespin), Aurillac n’est pas une ville du Midi, n’est pas une ville, compte tenu de son climat, où l’on vit dans la rue. Ma hantise était de faire un spectacle de rue pour lequel il n’y aurait pas eu de spectateurs. Le premier spectacle, le premier festival, quand nous sommes arrivés sur cette place de l’Hôtel de ville, il y avait en tout et pour tout dix personnes, dix personnes… ” Dominique Gruszczinski, coordinatrice d’ECLAT, entretien réalisé le 24 avril 2001 “ À l’époque Michel, en 85, donc il était encore directeur du Centre National des Arts de la Rue à Marne La Vallée à l’époque, il avait déjà mis en lui des événements et il souhaitait créer en France une manifestation sur les arts de la rue, qui n’existait pas. Théâtre de rue, lui, il l’appelle. Attention, lui, c’est pas les arts de la rue, c’est le théâtre de rue, qui n’existait pas, et donc à l’origine c’est quand même un lieu, créer une manifestation avec un aspect purement diffusion au départ avec dans l’esprit montrer aussi ce qui existait en Europe parce que dès le début à Aurillac c’était déjà ouvert à d’autres pays européens. (...) Il a été voir le ministère, il cherchait des villes pouvant accueillir ce type de projet, bon, puis souvent comment ça se passe quoi, on lui a dit “ tiens, il y a l’ADACA ici, Jean-Pierre Lacoste ” qui était directeur de l’Association de Développement de l’Action Culturelle qui pourrait être intéressé. Ils se sont vus, ils ont rencontré les élus, autour d’un repas, ils ont rediscuté, ils se sont vus à Paris, il est venu voir, en plus la ville, elle est petite, agréable, avec des petites places, enfin l’architecture est intéressante. Il y avait un souci une volonté politique à l’époque aussi, parce qu’il y avait une manifestation dont je m’occupais d’ailleurs, que je coordonnais, qui s’appelait Musiques en Mai, qui s’essoufflait quand même pas mal, c’était une opération, donc au mois de mai, qui était plutôt tournée sur la musique, ça s’essoufflait, ça faisait plusieurs années que... Et donc la ville souhaitait trouver un nouvel événement aussi mais, quand ça a été créé ce n’était pas avec l’ambition de faire une manifestation aussi importante qu’aujourd’hui. On ne pouvait pas le savoir. C’était quand même une gageure, je trouve, à l’époque, parce que le théâtre de rue quand on regarde l’histoire, est plutôt né dans les friches industrielles, dans les anciennes industries, les choses comme ça, les usines désaffectées, ou autres et de créer la première manifestation de théâtre de rue en pleine ruralité dans un environnement quand même assez éloigné de tout c’était quand même je trouve une belle gageure, un beau pari. Et je pense qu’à l’époque si on avait fait venir un cabinet d’événementiel ou un audit…, on ne l’aurait jamais fait là. J’en suis sûre maintenant. ”

2. Le but affiché du festival : s'emparer de l'espace urbain

“ Le théâtre, comme la musique ou les arts plastiques, va d'autant plus naturellement s'emparer de l'espace urbain que sa tradition la plus populaire et la plus fondatrice vient de la rue et de l'espace public. Toutefois la nécessité d'inventer des formes nouvelles, d'adapter au temps, aux langages, aux situations, une forme aussi codifiée que le théâtre de rue s'impose aux artistes et les expériences sur ce terrain s'organisent selon différents axes :

10 - l'aspect festif (revendication majeure des années fin 60 début 70) envahit l'espace public et c'est la reconnaissance des promesses (clowns, saltimbanques, cracheur de feu...), - l'aspect politique est réactivé au travers de recherches s'appuyant sur des mouvements plus récents que le théâtre de foire ou de tréteau: l'Agit prop par exemple, et croisent des pratiques venues en particulier d'outre atlantique: Théâtre de l'Opprimé d', Théâtro Campesino, Living Théâtre, Bread and Puppet... - Plus profondément et en raison des échecs relatifs des formes citées ci-dessus, une nouvelle démarche vise "à une interrogation sur le fait théâtral, sur le rôle du spectateur, sur le mode de réalité du théâtre et la théâtralité du réel". ”2

Sur le plan de la communication, il y avait une volonté d’impliquer la région :

“ AUVERGNE, TERRE D’ELECTION POUR UN VERITABLE PROJET ARTISTIQUE EUROPEEN ” tel est le titre du dossier de communication réalisé en 1986

3. Le développement du festival De 1986 à 1988, le festival démarre avec 7, 8 compagnies, des itinéraires dans la ville, un Off qui émerge (5 compagnies en 1987) et environ 7 à 10 000 personnes, badauds ou spectateurs avertis. “ Sur le plan artistique : sept troupes ont donné au total une trentaine de représentations dans différents quartiers de la Ville, investissant aussi bien les rues piétonnes du centre ville que les places, les jardins ou les quartiers périphériques H.L.M. Les sept troupes choisies par LIEUX PUBLICS (Centre National des Arts de la Rue), co-organisateur de la manifestation, parmi les meilleures troupes européennes au niveau de cette discipline, représentaient la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie, l'Espagne et la France. ” (Compte-rendu officiel du festival européen de théâtre de rue, 1987).

De 1989 à 1997, on compte 18 à 25 compagnies présentes, auxquelles se rajoutent des compagnies de passage. Et, dès 1991 plus d’une centaine de compagnies Off sont signalées dans les plaquettes. C’est cette année-là également que la production du festival est placée sous la triple houlette de la Ville d’Aurillac, du ministère de la Culture et de Lieux publics, que J.M. Songy devient conseiller artistique (il deviendra directeur artistique en 1993), et Dominique Gruszczinski, coordinatrice d’ECLAT. L’investissement des commerçants commence également à ressortir très clairement des plaquettes de présentation du festival. Seule l’année 1992 offre quelques changements puisque le nombre de compagnies In est alors réduit à dix.

2 Dossier de définition du projet.

11 En 1994, J.M. Songy prend la direction du festival, les premiers spectacles en dehors d’Aurillac démarrent, en particulier à Arpajon-sur-Cère et Saint Simon, communes de la périphérie d’Aurillac dans lesquelles des programmations In ou Off auront lieu également en 1995, 1997. La décentralisation des spectacles se fera plus importante à partir du milieu des années 1990, avec la généralisation des navettes gratuites. Dans Aurillac même, la donne change également puisque la notion de quartier du Off apparaît en 1996. Les quartiers sont des regroupements de compagnies dans des lieux retranchés de l’espace public, il s’agit essentiellement de cours d’école où le festival met à disposition des conditions techniques mutualisées (il s’agit essentiellement d’un point électricité). Les Quartiers sont “ autogérés ” par les compagnies et désormais présentés dans les plaquettes. Enfin, toujours à Aurillac de nouveaux concepts sont introduits : - le cabaret, à partir de 24 heures, près de la Jordanne, où sont sélectionnées quelques unes des compagnies repérées dans la journée, ce concept n’a pas perduré par la suite, - le regroupement des commerçants non sédentaires sur le parking du Gravier (cours Monthyon).

À partir de 1999, des compagnies s’installent en résidence à Aurillac, telle la compagnie Teatro del Silencio, pour trois ans, les spectacles sont de plus en plus déconcentrés vers la périphérie ou le département.

En 2001, le bilan officiel fait mention de 12 compagnies officielles, 13 spectacles officiels (2 spectacles présentés par la compagnie Zic Zazou), 151 représentations, 237 artistes, 402 compagnies de passage, 1520 spectacles présentés par les compagnies de passage, 471 professionnels dont 126 venus de l’étranger (26 %) : Afrique du Sud, Allemagne, Angleterre, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Colombie, Corée, Ecosse, Italie, Japon, Pays-Bas, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suisse, Vénézuela. On compte 130 journalistes pendant le festival et le public est estimé à 140, 150 000 spectateurs.

12 IV - LES LIEUX (LIEUX FONCTIONNELS, ESTHÉTIQUES, SYMBOLIQUES)

1. Les lieux du festival

Dans le centre de la ville, de la place des Carmes à la place Saint Géraud, toutes les rues sont investies, J. M. Songy appelle ce secteur “ la fournaise ”. Elles sont très étroites, assez courtes : il s’agit d’un espace extraordinairement densifié le temps du festival. Du coup, aujourd’hui, la rue devient “ illisible ” sous l’effet de la foule très compacte qui y circule tandis que les compagnies se tassent au maximum. Pourtant, parfois à une distance très faible, la présence du festival est faiblement ressentie. Dans l’avenue de la République pourtant très proche du square à l’Ouest ou dans la rue du collège à l’Est, l’ambiance festivalière disparaît aussi brutalement qu’elle envahit le badaud, rue des Carmes ou du Rieu. En intérieur, se déroulent des rencontres professionnelles. Quelques compagnies élisent également les caves, les balcons, les quais de gare, les bus, en fonction de leurs projets artistiques, et bien évidemment toutes les cours intérieures, des établissements scolaires en particulier, appelées les “ quartiers ”.

La transfiguration de la ville est évidente, elle saute aux yeux, même du primo arrivant à Aurillac. L’équipe municipale comme la direction du festival se dit largement dépassée par la quantité de compagnies, de marchands ambulants et de public. La difficulté désormais, depuis le milieu des années 90 est de réguler ce “ trop ” de monde : dans les usages de l’espace, dans le respect des règles de sécurité. Ainsi, ce que J.M. Songy appelle : “ la foire d’Aurillac ”, c’est-à-dire les baraques à frites, kebab, tartiflettes, aligots, colifichets, est désormais rassemblée en un même lieu, le cours Monthyon, ce qui permet de dégager les rues et les ruelles. Toutefois, de plus en plus de cafés, restaurants, magasins alimentaires demandent des autorisations municipales pour investir leurs pas-de-porte. La seconde régulation tient au respect de la vocation d’Aurillac, soit le théâtre de rue. Les musiques amplifiées sont donc écartées autant que faire se peut, mais là encore les abus sont nombreux, notamment du côté des cafés ou des associations qui attirent le chaland avec la musique. Tout cela donne à Aurillac des airs de feria et non plus de festival. J.M. Songy s’en amuse et s’en préoccupe à la fois, dans la mesure où le vendredi et le

13 samedi soirs, l’impression est celle d’une grande fête, à la limite de la beuverie collective comme dans le Sud-Ouest, à Dax ou Bayonne. On observe d’ailleurs à Aurillac comme dans ces villes, la récupération par des associations de pas-de-porte, anciens garages ou locaux artisanaux par des associations festives, réunions amicales ou associations de rugby. La fête dure jusqu’à quatre, cinq heures du matin, la part du théâtre de rue semble alors très réduite, quasi invisible. Le théâtre de rue a besoin du décor urbain, ceci est reprécisé à plusieurs reprises lors des conférences publiques données par J.M Songy et O Desjardins en 2000 et 2001, or le décor urbain disparaît sous la densité des affichages sauvages la plupart du temps, la ville ressemble à un panneau d’affichage. Et très peu de compagnies travaillent sur la scénographie en rapport avec le lieu, sur les arts plastiques dans l’espace public, sur la “ dramaturgie ” (J. M. Songy) de la ville. L’étalement du festival au-delà du noyau de haute densité serait une solution, puisque l’équipe ne veut pas sélectionner les compagnies, si ce n’est évacuer tout ce qui porte sur les musiques amplifiées. Toutefois “ tout le monde veut la place des Carmes ”. Tous les dossiers déposés par les compagnies émettent comme premier vœu une installation sur ou à côté de la place (J. M. Songy, conférence de presse 2001). La troisième régulation est de nature technique et sécuritaire, elle se fait en rapport entre les compagnies, les services techniques, les pompiers. Que ce soit dans le In et le Off, les problèmes liés à la foule sont nombreux : monter sur les abris bus pour mieux voir un spectacle du In, dépasser les 50 personnes dans une cour d’école. En fait, les contraintes sont moindres dans les rues que dans les cours d’école, puisque la législation est plus floue pour les premières que pour les secondes, mais les compagnies, les plus impliquées, les plus anciennes préfèrent aujourd’hui les cours que la rue. “ On n’est plus dans la rue ” signale J.M. Songy.

Les contreparties du succès sont assez nombreuses : le phénomène de Travellers, puis de Technival qui pose des questions de consommation de drogue, de déviances, d’hygiène… échappe aux organisateurs et polarise tous les débats et toutes les réunions. Cela devient la question du festival (au moment des entretiens, il n’était question que de cela entre la mairie, l’équipe du festival et la préfecture). Et cela fait réagir et se mettre autour d’une

14 table de nombreux services et associations : pour prévenir les risques encourus par une forte consommation de drogue, ou des risques du Sida etc.

Le succès est souvent présenté par l’équipe comme subi et non choisi, ce qui est largement critiqué par certains professionnels du Théâtre de Rue (dont Michel Crespin). D’un côté, certains prônent une certaine sélection des compagnies Off, pour permettre la lisibilité et la qualité de l’événement, d’autres (dont Jean-Marie Songy) la liberté d’expression dans l’espace public3. “ Ce festival aujourd’hui est ce qu’il est parce qu’il a été adopté par les artistes eux- mêmes, c'est-à-dire qu’à partir d’une programmation pertinente, un rayonnement international, dans un premier temps européen que l’on a rebaptisé international parce que j’avais envie que nous explorions les autres continents (…), dans cette démarche de qualité, de pertinence artistique, la présence des artistes qui est venue étayer, entourée cette proposition (…). À partir de là, la profession et les professionnels sont venus étayer encore plus la proposition, c’est ainsi qu’on arrive aujourd’hui à une programmation de 17 Compagnies, la présence de 350 autres propositions de Compagnie et puis on est autour de 400 professionnels présents et qui viennent du monde entier. ” J. M. Songy - rencontres professionnelles 2000.

2. L’implantation du festival par rapport aux arrêtés municipaux Les arrêtés municipaux sont un bon indicateur de cette densité de lieux centraux et de leur multiplication au fur et à mesure des années. Ils montrent les interdictions de circulation ou de stationnement sur les rues et les places et les autorisations d’occupation du domaine public pour étalage ou terrasse On passe de quatre rues frappées d’interdiction de circulation ou de stationnement, en 1986, à vingt six, en 1994 et de trois autorisations d’occupation du domaine public, en 1986 à neuf en 1994, tandis que cinq bars avaient reçu des autorisations de fermeture tardive (4 h du matin). En 2000, quarante quatre rues sont interdites à la circulation et soixante quatorze commerces ont reçu une autorisation d’occupation du domaine public.

3. Qu'est ce qui reste pendant l'année ? Rien, enfin pas grand-chose…

La faiblesse de l’inscription pérenne par rapport à d’autres festivals est criante (cf. Angoulême). Rien ne se voit durant l’année, pas même les affiches du festival dans les

3 Cela lui permet également de faire le plus gros festival de théâtre de rue avec une budget artistique réduit !

15 lieux de vie et d’accueil. Le lieu de fabrique n’existant toujours pas, il n’y a pas de marquage en termes de lieux : “ Je pense quand même, on est pris en compte politiquement quand il y a le festival quoi, pendant les quatre jours. Le reste du temps, on est un peu oublié, il n’y a pas une démarche jusqu’à maintenant et on se bagarre pour ça, il n’y a pas eu une démarche d’inscrire non plus le festival dans le temps et de donner des bureaux affectés, dans un état correct ” (D.G. 2001) L’équipe du festival a même un temps été abritée dans des algeco.

4. Rapports aux lieux des organisateurs Dans le cadre du festival d’Aurillac, la perception des lieux par les “ acteurs ” (pris au sens figuré mais également propre) est sans doute particulière par rapport à d’autres types de festivals. Elle est réfléchie voire conceptualisée. Pour Michel Crespin, l’espace public - dans sa dimension “ spatiale ” et “ sociale ” - est consubstantiel au théâtre de rue. Michel Crespin est d’ailleurs intervenant dans des formations d’architecture et de scénographie.“ C'est en paraphrasant le Napolitain Pino Simonelli : “ la ville est un théâtre à 360° ” que peut s'argumenter en grande partie l'évolution des Arts de la Rue et plus particulièrement du Théâtre de Rue contemporain. Durant la période intuitive et festive des années 70, de “ nouveaux saltimbanques ” se forgent une “ pratique de rue ” entre le plaisir de jouer pour un public nombreux, acquis et avide de convivialité, et la dure réalité d'animer artistiquement les ZUP et les ZAC dans la périphérie des grandes villes. De ces chocs contradictoires se dégage un genre spécifique. Les artistes dans la rue deviennent des artistes de rue ; ce déplacement du “ dans ” au “ de ” reposant sur le simple constat d'altérités multiples. Altérité des lieux, de leurs dimensions, de leurs matériaux et matières, de la lumière. Altérité des espaces sociaux et des pratiques sociales où se “ joue ” l'enjeu artistique. Ces altérités constituent une part importante du fondement des Arts de la Rue modernes. ”4

Il y a pour la plupart des organisateurs et des participants une réflexion omniprésente sur la ville, l’urbain, la rue qui est souvent en lien avec une approche politique souvent anarchiste - issue des courants post-68. Les “ anciens ” du théâtre de rue ont commencé par travailler dans les villes nouvelles ou les grands ensembles dans les années 70. L’objectif du théâtre de rue “ c’est remettre une âme dans les cités qui l’étaient de moins en moins ” (J. L. P. , responsable de Compagnie et d’un quartier lors de l’édition 2000). Le passage de la cité de banlieue aux petites villes de province isolées n’est pas le moindre des paradoxes, à moins de considérer que dans les deux cas on demeure dans des espaces stigmatisés.

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“ Il faut faire la place à d’autres genres itinérants qui sont notamment le commerce, notamment l’itinérance tout court, ce qui nous amène à réfléchir plus à l’idée d’une ville qui s’ouvre, une ville libre, comme je l’avais écrit dans un programme “ Aurillac la libre ”, ça me plaît bien parce que c’est fondamental, le théâtre de rue, en tout cas l’acte artistique dans l’espace public est un acte de liberté. Evidemment ce n’est pas simple de garder cette notion de liberté, mais il faut l’organiser (…). Aujourd’hui, on est dans une vraie réflexion de ville parce qu’il faut accueillir tout le monde. Les publics, les différents publics. Et il faut que tout le monde se retrouve bien dans ce festival. ” Jean-Marie Songy, directeur artistique, rencontres professionnelles 2000.

Ou encore “ Moi j’aime bien les champs de foire dans les villes parce que c’est des lieux qui sont faits pour accueillir l’éphémère, qui sont faits pour accueillir l’itinérance pour construire, déconstruire. ” JMS

Sur le choix des lieux, l’entretien avec le directeur technique, Olivier Desjardins est très intéressant, il montre à la fois la spécificité de chaque projet artistique et le travail de l’équipe (collaboration entre Jean-Marie Songy, Olivier Desjardins et Dominique G. qui elle connaît très bien la ville). Le travail du directeur technique consiste à mettre en adéquation projet artistique, lieu et public, il utilise le mot “ d’appropriation ”.

“ Dans les grandes lignes, je sais pas pour aller vite, je dirais l’accueil de la Cie, donc au niveau technique, et donc par ça c’est, ce qu’on décline c’est tout ce qui est lié aux techniques spécifiques du spectacle qu’on connaît, ça c’est une part, ce qui est bien identifié, au son, à la lumière, à la machinerie, la scène etc. et puis les choses qui sont un peu moins bien identifiées, c'est-à-dire tout ce qui va être lié à son environnement spatial justement, si c’est un déambulatoire, comment on va tisser pour qu’effectivement pour que ça se passe bien la circulation, donc voirie, etc. toutes ces choses-là, je dirais l’accueil du public, là comment mettre en adéquation la proposition artistique et le public, comment on arrive à essayer d’harmoniser, harmoniser en fait. Voilà, dans les grandes lignes, c’est un schéma très simple, ça peut se décliner quoi, en fonction de la proposition. Alors ce qui certainement est très, très bien, en tout cas moi, j’adore mon travail par rapport à ça, c’est justement la non limite des cultures artistiques dans le théâtre de rue enfin, la non limite, il y en a mais en tous les cas il y a une ouverture, beaucoup d’ouverture puisque ça mêle beaucoup de disciplines (…), qui nous amènent dans des propositions, dans des écritures uniques. ” (OD 2001)

4 “ L'espace public de la ville : la scène d'un théâtre à 360° ” Note d'intention de l'intervention de Michel Crespin au centre d'études théâtrales de l'Université de Louvain La Neuve - Décembre 97.

17 La ligne directrice de Jean-Marie Songy n’est pas de passer des commandes, pour tel ou tel lieu, il reste à l’écoute des propositions des artistes.

“ On n’est pas quand même dans une conception de scénographie, moi par exemple j’essaie d’utiliser les places au maximum mais en même temps c’est les artistes qui décident, si le Funck qui vient cette année me dit je veux pas travailler en centre ville, je veux trouver un lieu ailleurs, bon, on cherche un lieu ailleurs et ils vont jouer à 15 km d’Aurillac. Donc cette année on a des spectacles qui joue à la campagne. ” JMS

Les lieux mythiques

Les lieux utilisés par le festival sont très nombreux et ont évolué dans le temps. Bien évidemment, viennent en premier les lieux situés dans la vieille ville, les grands espaces que constituent les places et les lieux “ en attente ” de réhabilitation ou de réaffectation d’activités. Place de l’hôtel de ville, de la Bienfaisance, St Géraud, de la Paix, Square et plus encore Jardin des Carmes constituent des hauts lieux du festival, et ont été utilisés dans la longue durée. Par contre tous les espaces en reconversion n’ont connu qu’un usage temporaire. Enfin, il faut ajouter, les lieux extérieurs à la vieille ville, plus associés au bucolique campagnard qu’à la vie urbaine, ils se situent aux haras, sur les routes de campagne, dans les villages alentour.

“ Les lieux mythiques, on va dire, enfin de toute façon mythique, qui existent toujours parce que de toute façon on utilise ce qui existe. Donc c’était effectivement au départ place de l’Hôtel de ville, le Jardin des Carmes, parce que nos bureaux au départ étaient ici. (…) Les lieux, donc on en revient à ça, donc place de l’Hôtel de ville, Jardin des Carmes, à l’époque la place des Carmes n’était pas faite, la place de la Paix oui et le Gravier, c'est-à-dire les grands espaces quoi. Au départ on avait aussi des lieux en friche qui n’existent plus maintenant notamment les anciens ateliers municipaux, ce qu’on appelait le Remonte, qui est devenu une maison de retraite (rires) évidemment là c’est fini. Je ne sais plus comment ça s’appelait, on avait un espace pas loin de Ruplaste, le Parapluie, c’était un truc qui appartenait à la gendarmerie (note, il s’agit de la Caserne de Baradel). Bon pareil qui n’existe plus (…), on perd d’année en année quand même pas mal d’espace (…) Ce qui explique un peu parce que c’est vrai que les friches, tout ça, il est normal qu’une collectivité mette en état sa ville. Par exemple place de la Bienfaisance avant St Géraud, c’est là où avait lieu la première Cie off d’ailleurs, et c’est resté un espace vraiment pour le off. (…) Il y en a deux là, St Géraud et place de la Bienfaisance c’est celle qui est bordée d’arbres. Et alors un moment dans cet espace-là il y avait aussi une friche. Ça fait ça, là il y a le gymnase

18 comme ça, donc là c’est la place de la Bienfaisance, là St Géraud avec la fontaine et ici dans le bout, avant l’école, il y avait tout un espace qui était abandonné, qu’on utilisait bien évidemment, et bien c’est fini celui- là, parce que ç’a été reconstruit et donc tout est reconstruit, place de la Préfecture qui était utilisée pour nous, ç’a été remis en état mais impossible à utiliser pour des Cies si on peut mettre des tout petits trucs quoi parce qu’il y a trop de mobilier urbain. ” DG.

Les quartiers

Par rapport à ces quartiers, le festival arrive à une certaine contradiction : le festival de théâtre de rue ne se passe plus dans la rue. “ En fait au départ, c’était du pragmatisme (rires), c'est-à-dire que ça permettait d’avoir un lieu géré par les Cies qui nous permettait de mettre un point électrique mais qui concernait plusieurs groupes, troupes. Pour les Cies, c’est bien parce que ça permet de mettre en place un espace vivant, d’être mieux repéré par les spectateurs ou les professionnels parce qu’on sait qu’à tel endroit il y a quelque chose, pour nous ça simplifie l’utilisation de l’espace, normalement c’était bien pour tout le monde (rires). Y a quelques effets pervers maintenant par rapport à ça, heu dans la mesure où c’est vrai que ça vide un peu l’espace public, enfin l’espace public, la rue, et que souvent ce sont des Cies qui sont bonnes quoi, qui ont un réel travail, qui présentent des spectacles intéressants, ce qui fait qu’il y a beaucoup trop de personnes, il y a un problème par rapport à la sécurité, l’accueil des gens etc. Donc il y a quelques effets pervers comme ça. Le plus, heu le plus, l’effet pervers le plus difficile je trouve c’est que ça vide l’espace de la rue. ” DG

“ Les lieux sont des plus en plus éclatés, et je crois que ça été bien géré parce qu’ils mettent des navettes en place systématiques. Donc le public a quand même facilement accès à ces différents sites, s’il y a de la place évidemment, mais au détriment à mon sens, moi, mais ça c’est plus un avis perso qu’un avis professionnel, mais au détriment de la vie dans la rue. Bon maintenant les bonnes compagnies off, il faut vous y prendre _ d’heures avant, et aller dans des cours d’école ou aller dans des cours d’écoles un peu extérieures à St Joseph etc, vous y passez l’après-midi, vous voyez plein de trucs sympas mais en naviguant du Jardin des Carmes à St Gérault et retour, c’est beaucoup plus aléatoire de tomber sur une bonne compagnie quoi, donc c’est vrai que, je crois, l’idée d’espacer c’est bien parce que dans les endroits où on se retrouve on est parfois moins nombreux et là, on a vraiment de la qualité quoi, mais d’un autre côté ça permet pas un accès facile et je pense ça permet pas non plus l’unité. ” MD (office de Tourisme).

De nombreuses critiques sont exprimées quant aux rapports à l’espace, le trop amène le manque : manque de lisibilité, manque d’investissement, manque de scénographie : “ La rue à Aurillac est l’espace de la saturation (…) on peut considérer que le trop plein fait penser à un supermarché et que l'espace de la rue est ici une machine à consommer du divertissement (…). À Aurillac, la

19 Implantation spatiale du festival ECLAT à Aurillac

Av enue de la R N épub lique

Square Place de rue des Carmes l'Hotel de Ville

Place Saint-Géraud

rue du Rieu

Cours Monthyon

Jordanne

QG association ECLAT Compagnie Off Rue à trés forte densité 0 100 200 m Compagnie In Vente programme "Off" Commerces ambulants Billeterie In Conférence Document n 1 : Les Carmes, haut lieu du Aurillac

La place des Carmes, le Jardin des Carmes qui les dessert, constituent des lieux névralgiques du festival. Dex spectacles In s'y déroulent, les compagnies Off les signalent comme premer voeu d'installation aux organisateurs d'ECLAT. Document n°2 : L'investissement de l'espace public

Les affiches des compagnies sont partout à Aurillac, pas le moindre lampadaire, pas la moindre boutique qui ne soit envahie. Les compagnies quant à elles préférent pour les plus établies, même dans le Off l'espace des bâtiments publics. Ici une cour d'école. Document n¡3 : Les bords de la Jordanne

À proximité de la vieille ville, les bords de la Jordanne servent de lieu d'hébergement aux plus jeunes. ville peut-elle encore être maîtrisée, fluide le temps du festival si l’on veut se distinguer de la fête et proposer une composition urbaine donnant à lire des œuvres ? ”5

5. Rapport aux lieux du public L’image de la ville est associée au festival, dans la mesure où très souvent, la population qui vient du reste de la France ne connaît Aurillac qu’au moment du festival. L'image préalable au séjour à Aurillac est pour ces personnes, celle de la "ville la plus froide de France". Ceux qui pensent que le festival ne correspond pas à l’image de la ville considèrent la ville à l’opposé du festival (ville calme, ville de vieux, ville morte, ville Auvergnate, image du Cantal...). La question des lieux parcourus ne fonctionne que les premiers jours du festival, ensuite les réponses se résument souvent à “ tous ”, alors que la majorité du public en fait ne s’éloigne pas du centre-ville... Le public signifie ainsi ses incessants déplacements de la place de la Paix jusqu’à la place St Gérault à l’Est. Quelques lieux sont cités systématiquement : la rue et le Jardin des Carmes, le Square, les rues piétonnes, St-Géraud, ce qui correspond effectivement au trajet de la “ transhumance ” obligatoire pour le public, surtout en ce qui concerne le Off. Viennent ensuite la place de l’Hôtel de ville, la Place de la Paix (qui accueille les gros spectacles) et le cours Monthyon (ou Gravier) qui est l’espace réservé aux commerces itinérants. Enfin, les quartiers, surtout les cours d’école (P. Doumer, Ecole d’Application), sont évoqués.

Par rapport aux lieux marquants, certains s'expriment sur la “ qualité ” des lieux (les bords de la Jordanne, la vieille ville...) d’autres par rapport à ce qui s’y passe pendant le festival, d’où la référence à la place de la Paix qui est très “ laide ”, mais où se déroulent les attractions les plus spectaculaires, on note encore les nombreuses références au Square qui est le lieu central d’Aurillac puisque situé entre quartier des Carmes et Quartier du Vieux Aurillac.

5 Jean-Luc Baillet, “ Le festival d’Aurillac ”, Cahier thématique LeArts de la Rue, 13, 4ème trim. 1996, pp. 23-25.

20 On “ ressent ” anfin que la majorité des gens interrogés ont une pratique du festival par le Off, ceci autant en 2000 qu’en 2001, il est vrai que la plupart des spectacles In fonctionnent à guichet fermé s’ils sont payants ou demandent beaucoup d’attente. Les questions, sur l’adéquation entre spectacles et lieux, introduites en 2001 montrent que le public est plutôt indifférent au lieu : 24 personnes sur 46 ne répondent pas à la question et huit seulement ne le trouvent pas adapté. Les personnes évoquent des lieux qu’elles apprécient pendant le festival mais très peu mettent en lien, lieux et spectacles, très peu ont un regard averti sur ce point. 14 toutefois (sur 46) font des propositions de lieux pour la tenue de spectacles : la place des Carmes est la première citée (6 réponses). On retient de la vision des lieux par le public qu’ils apprécient surtout la vieille ville, les rues étroites, ce qui permet la densité.

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V - ACTEURS

1. Présence de l’équipe du festival

Le festival est “ parachuté ”, l’équipe artistique et technique du festival ne vient que ponctuellement. La coordinatrice du festival jusqu’en mai 2001 était la pièce maîtresse qui créait le lien quotidien entre les acteurs locaux et le festival, puisqu’elle résidait sur place, mais elle devait partir au moment où nos entretiens ont été réalisés. Jean-Marie Songy, quant à lui, se consacre à la stricte programmation artistique, même s’il défend, depuis plus de cinq ans, l’idée d’un “ lieu de fabrique ” pour inscrire (territorialement et temporellement) le théâtre de rue. Signe révélateur : Jean-Marie Songy comme Olivier Desjardins sont payés en tant qu’intermittents du spectacle.

Toutefois, Eclat est aujourd’hui au centre d’une réflexion sur le développement local, même s’il s’agit des prémisses. Lors de l’édition 2000, des rencontres professionnelles sont organisées avec en particulier avec des élus et des professionnels du Massif central. Une action de cohérence des acteurs culturels locaux du Massif central est défendue, notamment par la présidente de la Région Limousin. “ Il faut qu’on ait une meilleure communication, il faut qu’on ait une meilleure vigilance entre les deux Régions qui constituent le cœur du Massif central : le Limousin et l’Auvergne et bien sûr en agglomérant le plus possible parce qu’il me semble que cette Région, il faut regarder les choses en face, au plan géographique, au plan démographique, au plan économique n’est pas en pointe dans l’Europe d’aujourd’hui, cette région n’a de chance d’avenir que si elle sait mettre en avant le lien culturel qui est le sien, nous avons un atout formidable qui est la langue (…) Il faut faire dans les 20 ans, un front pionnier européen, donc il faut maintenir des structures, créer et surtout maintenir le lien culturel et social qui existe dans cette Région. ” Mme BOURZAI Bernadette, Vice-Présidente du CR du Limousinors de la rencontre professionnelle des élus locaux du Massif central 25 août 2000.

2. De fortes relations avec la municipalité En 2001, le Conseil d’Administration de l’association Eclat était constitué : - de 3 représentants de l’Etat (2 DRAC Auvergne et 1 conseiller DMDTS),

26 - de 3 représentants de la ville (dont deux sont dans le bureau, l’adjoint à la culture Jack Caldéfie est alors président et Henry Pogran, adjoint est trésorier, plus un conseiller municipal), - du directeur d’Athéna Pierre Raynaud (secrétaire) - et de Michel Crespin, fondateur. À chaque CA, Jean-Marie Songy, directeur, Dominique Gruczszinski (coordinatrice) et Marie Josée Montourcy - Serieys (secrétaire) sont présents, plus l’expert-comptable, au minimum. Le Maire Yvon Bec participait également à certains CA.

Les partenaires financiers du festival sont : la ville d’Aurillac avec 2 millions de subventions plus du nature et du métier, le ministère de la Culture (DMDTS) à hauteur de 1,4 M, le ministère de la Culture (DAI, département des Affaires Internationales). le ministère de la Culture (DRAC) à hauteur de 300 000 francs (dont 100000 pour s’occuper des classes théâtre à l’année), la Région, le département, et la Communauté d’agglomération depuis 2000 (avant cette date, les communes comme Arpajon, St Simon, participaient parfois à l’achat des spectacles lorsqu’ils se déroulaient chez eux). En termes de répartition, on voit l’importance dans le budget d’un côté de la participation de la ville (42 %) alimentée également depuis 2000 par celle de la communauté urbaine (10 %) et de l’autre du ministère de la Culture via ses différents services : sectoriels (DMDTS et DAI) ou déconcentrés (DRAC)

Le festival est énormément associé à la ville, il y a même des confusions qui sont faites :

“ La ville non, la ville évidemment ça été au départ une volonté politique qu’elle conserve actuellement puisque quand même c’est deux millions de francs directement, financièrement, plus des services, elle est complètement partie prenante de cette manifestation. À tel point que pour la population et même pour les gens qui travaillent à la Mairie, il y a une confusion parce que nous on est quand même (association) loi 1901 et que c’est pas du tout perçu par la population. Et pour beaucoup de gens, faites un sondage, à 80 % on va dire que c’est un service municipal. ” (D.G)

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Pour la ville, il y a un affichage du festival certain : sur le bandeau du site municipal par exemple, l’image du théâtre de rue est présente, aux côtés de joueurs de basket

(probablement), d’un écran d’ordinateur et de jeunes et on peut lire : “ Manifestation phare de la vie culturelle, sociale, artistique, festive, créatrice, conviviale, touristique, nationale, européenne et internationale d'Aurillac et même du Cantal, le Festival de Théâtre de Rue a vécu, en 2001, sa 16e édition réussie en tous points. Tous les records ont été battus, tant en affluence qu'en satisfaction. ”6

Le festival d’Aurillac permet une réelle collaboration entre les différents acteurs de la ville. Il suffit de lire les entretiens de Jean-Marie Songy, Olivier Desjardins et Dominique Gruczszinski pour le vérifier. Les références aux différents services municipaux sont constantes, la collaboration avec l’office de Tourisme, les services de police, les pompiers, les services des Douanes, la DDASS, certains commerçants est sans cesse signifiée, avec relativement d’intérêt et de plaisir, par l’équipe d’ECLAT. La ville s’investit toute l’année sur ce festival, établit des plannings annuels d’intervention : “ Le festival c’est un événement de l’année qui nous demande, j’allais dire pfui, 7-8 mois de travail quoi, quand même parce que bon, mine de rien, il faut travailler en amont, il faut travailler en aval, parce qu’il y a des bilans, parce qu’il y est qui, qui demande aussi un investissement en moyen humain très important parce que là aussi on est en train de se demander est-ce qu’il faut axer le festival dans le cadre d’un bénévolat par rapport au personnel municipal ou est-ce qu’il faut axer tout ça en disant bein est ce que ça fait parti des activités municipales donc vous devez y participer. Donc est-ce qu’on s’impose par rapport aux agents territoriaux ou est-ce qu’effectivement on laisse la part belle au bénévolat, c'est-à-dire à la spontanéité et au naturel que les uns et les autres peuvent avoir vis-à-vis du festival sachant que le personnel qui s’investit et qui s’investit à pas d’heure hein, en amont, en aval et pendant le festival est un personnel qui lui-même ne peut pas participer au festival. Donc qui se sent un peu frustrer par rapport à ça, vous voyez ce que je veux dire. ” (N.G. 2001)

Par contre, il y a souvent – au fil des entretiens – l’expression d’un sentiment de méconnaissance, parfois de distance entre ces deux mondes. “ La problématique qu’on a par exemple, en quinze ans, on a déménagé six fois nos bureaux. Parce que je pense quand même, on est pris en compte politiquement quand il y a le festival quoi, pendant les quatre jours. Le reste du temps, on est un peu oublié, il n’y a pas une démarche jusqu’à maintenant et on se bagarre pour ça, il n’y a pas eu une démarche d’inscrire non plus le festival dans le temps et de donner des bureaux affectés, dans un état correct, ça fait quand même quinze ans qu’on déménage tout le temps. ” DG

6 http://www.ville-aurillac.fr/

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En 2001, en particulier, lors du renouvellement de l’équipe municipale, on sentait une distension entre les objectifs “ ville ” et les objectifs “ festival ” autour de deux éléments récurrents : le site des Tronquières (aspect sécuritaire) et le lieu de fabrique (pérennisation et inscription du festival). “ La plus grosse difficulté dans le cadre du festival, c’est de faire comprendre à l’équipe artistique et culturelle que (rires) qu’il y a aussi le juridique et le financier derrière, quoi, je crois que ça, vous savez bien que l’administration est très mal vécue par l’artistique par le monde artistique, par le monde culturel et qu’on est un petit peu des empêcheurs de danser en rond quoi. ” N.G. “ Les réunions en préfecture dès fois tu hallucines, on ne parle que de ça, que de l’arrivée des drogués, des raveurs, de la techno… ” (J. M. S. 2001)

La gestion du festival pose enfin la question de la répartition des compétences entre structure organisatrice, collectivités territoriales et services de l’Etat. “ ça rejoint la problématique de notre société : dans quelle mesure on partage réellement les responsabilités, sur un territoire entre l’Etat, la ville ? Qui sont les principaux responsables ? Et puis le reste des collectivités ? C'est-à-dire qu’aujourd’hui, sur ce festival, l’Etat a toujours, toujours freiné sur ses responsabilités alors qu’il est à l’initiative de cet événement, tu vois ? ” JMS “ Nous ce qu’on voudrait c’est qu’il y ait restitution des opérations de droit commun et des compétences de chacun là où il faut quoi. C’est pas clair tout ça, c’est pas clair tout ça ” NG

La nécessité d’une régulation de la part de l’Etat se fait entendre sur ces problèmes qui dépassent les organisateurs et le personnel local. Il ne s’agit pas de points de vue sécuritaires mais plutôt d’invoquer la nécessité de mettre l’accent sur le manque de moyens quant à l’encadrement sanitaire de populations jeunes en si grand nombre.

3. Des relations moins étroites avec le Département et la Région Sur le site Internet de la Région, le festival est présent, situé juste après le festival "Sauve qui Peut" de Clermont Ferrand et le festival de la Chaise Dieu, il s’agit juste d’un lien sur le site du festival. Le conseil général n’a pas de site. La distance avec ces deux collectivités est bien plus grande qu’avec la municipalité, élus et personnels, d’Aurillac. Les rapports noués se cantonnent à de l’administratif pur : montages de dossiers de subventions etc. Visiblement, le positionnement politique de ces collectivités ne permet pas la reconnaissance du genre culturel, vu comme marginal, ni de son public, plus encore ressenti comme marginal.

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“ Depuis quelques années ils ont créé l’association de développement de la musique et de la danse, mais c’est pareil il n’y a pas vraiment de politique bien affirmée culturelle. Bah, les élus ici sont confrontés, comme je vous disais, à des problèmes de démographie etc. et donc leur priorité c’est le développement économique et ils ne se rendent pas compte qu’à travers justement, c’est là où je parle de développement local, à travers notre participation dans une démarche de développement local on peut apporter des choses. Mais c’est pas vraiment perçu comme ça. Mais là c’est, c’est, c’est les politiques en général je veux dire mais il y a aussi peut-être le problème de fond dans le Cantal que depuis longtemps, la Région et le Département sont à droite et depuis longtemps la Ville est à gauche, il y a des clivages aussi vraiment politiques, ce qui n’aide pas les choses quoi. ” D.G.

“ Giscard considère que cette manifestation c’est pas de la culture, c’est pas, ça amène de la zone, ça vous pouvez demander aux élus du département, ça amène de la drogue enfin c’est l’aspect purement négatif qui est pris en considération, ce n’est pas de la haute culture quoi. Et ça, ça joue quand même, la perception (rires) de ce que peut être la Culture, les Beaux Arts, c’est pas les Beaux Arts quoi. ” D.G.

4. Le soutien du Ministère de la culture Depuis les débuts du festival, Michel Crespin a été soutenu par le Ministère de la culture En 2002, encore, le discours de Michel Duffour au festival d’Aurillac (25 août 2002) souligne l’engagement du ministère pour “ ce rendez-vous incontournable ” qui “ incarne l’une des valeurs défendues par les politiques publiques ” à savoir l’accès à la culture et la démocratie culturelle. Il évoque toutefois l’inévitable évolution qu’il doit connaître. On retrouve là la thématique de l’inscription territoriale par le lieu de fabrique notamment.

Les liens avec la DRAC par contre, assurés institutionnellement par la présence d’un de ses membres au CA n’assurent pas pour autant des rapports de confiance, du fait, toujours de la difficulté de faire admettre les Arts de la rue comme une expression culturelle à part entière. “ Moi, je peux vous dire que le conseiller actuel théâtre à la DRAC ne supporte pas le théâtre de rue, pour lui, c’est nul, il l’affirme même en conseil d’Administration. Non, c’est bizarre, c’est une politique qui vient du national, une politique nationale des Arts de la rue maintenant qui est prise en compte par la DRAC obligatoirement, mais je suis pas sûre qu’individuellement, les gens qui travaillent sont convaincus. ” D.G. On lit au fil des CA de 2000 les principales critiques formulées par le représentant de la DRAC, lequel s’interroge aussi sur la ligne artistique d’un festival qui “ manque de lisibilité ”. Or les rapports entre organisateurs et représentants de la sphère municipale ou étatique tels que relatés dans les entretiens sont vus comme des relations étroites et très personnalisées. Ce n’est déjà plus le cas pour les relations avec les autres partenaires, conseil général ou

30 régional, sans doute jugées de moindre intérêt, dans le domaine artistique ou organisationnel.

5. Réseaux L’un des réseaux très présent du côté des organisateurs est celui des Arts de la rue. Le fondateur, Michel Crespin est la personne incontournable des Arts de la rue en France, Professeur de sciences physiques, il est co-fondateur en 1972 de la compagnie Théâtracide avec Jean-Marie Binoche et Bernard Maître et oriente son travail vers le spectacle forain. En 1982, il fonde Lieux publics, avec le soutien de Fabien Janelle, dans la ville nouvelle de Marne la Vallée qui devient en 1993, le Centre National de Création des Arts de la Rue (basé à Marseille). Il oeuvre à la reconnaissance institutionnelle des Arts de la Rue en France (Edition du premier guide des Arts de la Rue : le Goliath à partir de 1984, Création et direction du Festival Européen de Théâtre de Rue à Aurillac en 1986),

Pour l'organisation du Festival Eclat 86, les deux structures de base sont donc Lieux Publics et l'ADACA qui fondent une société en participation, en mai 1986, elle cesse son activité le 30 août 1986. Le contrat définit les modalités de travail, d'apport et d'organisation des deux structures pour mener à bien l'organisation d'ECLAT 86. En 1987, les structures, Lieux Public et l'ADACA, de l'organisation du Festival Eclat 86 sont officiellement rejointes par la Ville d'Aurillac. Une convention tripartite définit les modalités de travail, d'apport et d'organisation des deux structures (l'ADACA agissant également au nom de la Ville d'Aurillac) pour mener à bien l'organisation d'ECLAT 87. Cette convention fixe également les rôles administratifs, et donne à l'ADACA le rôle de “ producteur délégué ” du Festival. C'est elle qui, à ce titre, passera tous les contrats et assurera les paiements correspondants. Puis, une association est créée, l’association Eclat. Dans l’équipe de 1987, on voyait la mise à disposition importante de personnels de l’ADACA et de la ville d’Aurillac pour la réalisation du festival. Michel Crespin confie la direction du festival d'Aurillac à Jean-Marie Songy à partir de 1993. Depuis, la question de l’évolution du festival est récurrente, l’instrumentalisation par la ville est soulignée par J. M Songy ainsi que l’absence de consultation de l’équipe ECLAT dans les transformations urbaines, or les travaux de réhabilitation, de rénovation,

31 de transformation plus encore des espaces publics ont des retentissements sur l’organisation du festival. “ Le festival d’Aurillac est fragile parce que dominé dans son organisation et sa logistique technique par la ville : c’est ici que paraissent les limites de l’autonomie d’un projet culturel et son instrumentalisation politique. (…) La ville a-t-elle intérêt à réduire le public (qui consomme), les professionnels (qui consomment), à changer la date du festival (fin de saison relancée…), à organiser une véritable programmation à l’année (qui dépense…) : poser les questions c’est déjà répondre. ”7 “ Il y a des places qui sont, qui sont ratées tu vois, enfin des réaménagements de places, sur les derniers, les deux derniers mandats, la place de l’hôtel de ville a été rénovée, on n’a pas été consulté et la place de la préfecture aussi on a pas été consulté ” JMS

VI - PUBLICS L’estimation du public est faite par le service des Renseignements généraux : depuis quelques années, il est estimé aux alentours de 100 000 personnes, soit trois fois la population d’Aurillac.

1. Ce qu'en disent les organisateurs De même que la place dévolue à l’espace imprègne fortement la “ philosophie ” du théâtre de rue, le public est tout aussi central, dénommé “ public-population ” par Michel Crespin,

“ la vigilance de faire de ce festival un festival exemplaire dans le rapport à la société et au public ”. Jean- Marie Songy, lui, évoque l’utopie de l’accès à tous, au peuple, afin de se retrouver ensemble sans discrimination sociale et raciale8, et la coordinatrice met l’accent sur la diversité de ce public, en termes d’âges, de CSP : “ il y a un public familial, des papas et mamans avec leurs enfants qui viennent, il y a toutes les catégories socioprofessionnelles qui viennent, moi j’étais surprise de voir des agriculteurs venir à Aurillac pendant le festival, c’est vrai que a priori on se dit “ ils vont pas venir quoi ”. En fait si, ils viennent. Donc ce brassage, d’âge, de catégories socio etc. C’est sur ce type de manifestation qu’il existe le mieux, c’est une richesse incroyable qu’il faut absolument développer à mon avis ”. J. M Songy dans l’analyse du public semble moins frappé par la diversité parce que le public est selon lui, avant tout très jeune :

7 Jean-Luc Baillet, “ Le festival d’Aurillac ”, Cahier thématique Les Arts de la Rue, n°13, 4ème trim. 1996, pp. 23-25. 8 Pour de la “ culture urbaine ”, il est intéressant de noter la faiblesse de la présence de Français issus de l’immigration, que ce soit dans les publics, ou parmi les artistes.

32 “ C’est des gamins quoi ont entre 15 et 25 ans qui pratiquent le festival, à 75% après il y reste les familles qui continuent à venir, évidemment, heureusement, autrement, ce serait un peu dommage, mais en fonction des heures de la journée. C'est-à-dire que dans la journée jusqu’à la tombée de la nuit, un peu avant ça reste très, très, très, pluri-social, pluri-familial génération etc. mais dès que la nuit tombe c’est une espèce de fête un peu inquiétante, et on est évidemment dans un espèce d’espace de liberté qui n’est peut-être plus tout à fait dans l’identité première qui était de dire : “ eh bien voilà, on vient voir des spectacles et puis après voilà, quand on a vu nos spectacles, on rentre se coucher, ou on va boire un coup ”, comme au théâtre, tu vois, tu vas boire un coup puis tu vas te coucher, non là, c’est 50% des gens qui viennent faire la fête. ” (J.M. S. 2001)

“ Il y a deux types d’Aurillacois pendant le festival, il y a les Aurillacois qui fuient le festival et puis il y a les Aurillacois qui au moment du festival heu, par effet de, mimétisme ne sont pas reconnaissables, ça va du PDG. qui est costard cravate toute la semaine et qui au moment du festival, il est en short en pantalon Afrique du sud ou je ne sais quoi vous voyez ? J’exagère là, il ne faudrait pas que quelqu’un se reconnaisse là-dedans parce que sinon (rires) coupez ça. Ce que je veux dire c’est que c’est ça le phénomène du festival, c’est ça, soit ça fait fuir soit au contraire, on est à fond dedans et on a envie d’y participer quoi ” (N.G. 2001)

2. Les personnes enquêtées 50 questionnaires en 2000, 46 en 2001 permettent de dresser quelques constats. Les personnes ont été interrogées dans la rue, les 3e et 4e jours du festival, afin d’avoir une idée des lieux pratiqués. Les lieux principaux d’enquêtes étaient la place et la rue des Carmes, la place St Gérault.

Caractéristiques générales du public

Il s’agit d’un festival qui a une renommée nationale, le tableau ci-dessous le montre clairement.

Origine 2000 2001 Ville 8 7 Département Cantal 2 5 Région Auvergne 1 Autres régions 38 28 Étranger 2 5 Total 50 46

33

Le public interrogé est jeune, 23/50 en 2000 a de moins de 25 ans, 10/46 en 2001. 31/50 a moins de 35 ans, 22/46 en 2001 contre deux personnes en 2000 et trois en 2001 qui ont plus de 55 ans. La moitié de l’échantillon en 2000 et le tiers en 2001 fréquentait ce festival pour la première fois. La majorité va au camping, les autres sont hébergés chez des amis ou en famille, certains dorment dans la rue ou à la belle étoile, quelques-uns encore louent des gîtes. Les personnes viennent très rarement seules au festival et si cela arrive, pour les jeunes, c’est dans le but de retrouver d’autres jeunes rencontrés sur d’autres festivals ou technivals précédemment dans l’été.

Ce public réside à proximité de la ville, les 2/3 à chaque édition sont hébergés dans l’agglomération.

V. Frappart

34 ENTRETIENS

Tous les entretiens ont été réalisés lors de l’édition 2000 du festival ou à la mi-avril 2001.

1- DG, Dominique Gruczszinski - coordinatrice générale d’Eclat, entretien très intéressant pour avoir la maîtrise de l’ensemble des questions. C’est celle qui a le regard d'ensemble sur le festival, c’est elle qui rédige tous les rapports et qui habitait à l’année à Aurillac (donc en relation en permanence avec les acteurs locaux). La question de sa succession est assez intéressante à suivre. 2- JMS, Jean-Marie Songy, directeur artistique du festival ayant pris la suite (dans la continuité) de Michel Crespin. L’entretien n’est pas très intéressant, il reste très focalisé sur sa réunion de l’après midi. 3- OD, Olivier Desjardins, directeur technique, entretien intéressant sur les rapports aux lieux, aux aménagements réalisés, mais de mauvaise qualité sonore. 4- NG, Nicole Grive, entretien réalisé au dernier moment, donc assez court (à peine une heure) par contre intéressant pour faire le contrepoids du point de vue artistique d’Eclat. Elle a la position institutionnelle et administrative de la Mairie. 5- MD, Me Darson, entretien très intéressant par sa position professionnelle (directrice de l’office du tourisme) et en tant que personne représentative des Aurillacois adhérant complètement au festival

Mais aussi, 6- M. Nicol, directeur du service commerce de la mairie, entretien intéressant pour comprendre l’implication des services de la mairie dans l’organisation du festival 7- M. Jean-Luc Presvost, responsable de la compagnie des Obsessionnels 8- Rencontres professionnelles du 25 août, rencontre avec les élus du Massif central sur la place du théâtre de rue dans les politiques culturelles territoriales

Documents : - plaquettes de présentation depuis 1988,

35 - plaquette du In en 2000 et 2001, 3 plaquettes du Off (jeudi, vendredi, samedi) en 2000 et 2001, plus le catalogue des compagnies en 2000, - Compte-rendu 2000, ce qui permet d’avoir quelques données simplifiées - Compte-rendu des Conseils d’administration de février 2000, mai 2000, de l’AG mai 2000, du CA de décembre 2000 - bilans financiers de l’association Eclat des dix dernières années (1991-2000) - bilans financiers des petits-déjeuners de la Ponétie (camping payant) - compte-rendu des services incendie et secours - planning du service commerce 2001 comme exemple d’implication des services dans l’organisation du festival - extraits des arrêtés municipaux 2000 pour les extensions de commerces - extraits des arrêtés municipaux 2000 pour la circulation et le stationnement, - extraits des arrêtés municipaux concernant les commerçants non sédentaires - courrier envoyé aux commerçants non sédentaires - dossier presse 2000 - plan de ville, plan de l’agglomération, guide de l’hébergement 2001 - Festival et expositions, ministère de la Culture, Paris 1995, in L. BENITO, Tourisme et festival, DEA d’économie du tourisme et des loisirs, sept 95 p.51) - Articles présents au centre de documentation du DEP, sur les Arts de la rue avec pour thèmes récurrents sur Aurillac : le théâtre de rue entre manque de légitimité et dérive commercial, la festivalomanie, l’institutionnalisation du théâtre de rue, l’évolution du festival d’Aurillac, les raisons de l'absence de sélection des compagnies Off, l’absence de la rue et de l’espace public dans le festival, l'absence des “ grands ” responsables de la culture à Aurillac, le manque de légitimé des Arts de la rue par rapport aux autres arts.

36 L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

FESTIVAL INTERCELTIQUE DE LORIENT

DEP - MINISTÈRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002 I - CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE, DÉMOGRAPHIQUE ET POLITIQUE 2

II - POLITIQUES CULTURELLES LOCALES 4

III - HISTORIQUE DE L'ÉVÉNEMENT 4

IV - LES LIEUX DU FIL 8

1. EMPRISE SPATIALE DU FESTIVAL ET ÉVOLUTION : 8 2. RAPPORTS AUX LIEUX DES ORGANISATEURS 14 3. L'ABSENCE DE VOLONTÉ COMMUNE DE PÉRENNISATION DE L'ÉVÉNEMENT 16 4. RAPPORTS AUX LIEUX DU PUBLIC 17

V - ACTEURS 18

1. LES ACTEURS EN PRÉSENCE 18 2. RELATIONS ENTRE ACTEURS 20 3. RÉSEAUX 24

VI - LES PUBLICS 26

1. CE QU'EN DISENT LES ORGANISATEURS 26 2. SYNTHÈSE DES ENQUÊTES 27

CONCLUSION 28

BIBLIOGRAPHIE 29

ANNEXES 31

I - CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE, DÉMOGRAPHIQUE ET POLITIQUE

Née en 1666 par la volonté de Louis XIV d'y implanter la Compagnie des Indes et instituée un siècle plus tard comme port militaire, Lorient contraste en Bretagne par son rattachement au Royaume puis à l'Etat français. Cette implantation stratégique (entre Ter, Scorf et Blavet, ouvert sur une large rade) lui vaudra d'être un haut lieu d'affrontement pendant la Seconde Guerre mondiale. La construction de la base des sous-marins (1941- 1945) par les Allemands lors de l'occupation entraînera sa destruction à 80% à la Libération. Lorient garde les stigmates de cet épisode : ville reconstruite par l'urbaniste parisien Georges Toury selon le modèle des années 1950-1960, elle conserve une emprise militaire importante, malgré le désengagement de l'Etat (1992) et la fermeture du chantier des sous-marins de la Direction des constructions navales (1997).

Aujourd'hui sous-préfecture du Morbihan, Lorient compte 59 189 habitants au dernier recensement (1999). Si la ville paraît avoir enrayé son hémorragie démographique ( 0,1% entre les deux derniers recensements), elle observe toujours, et contrairement au reste du département, un solde migratoire négatif (-2 336 habitants). D'ailleurs, Lorient reste à part dans le Morbihan. Ville de gauche1, de tradition industrielle, moins marquée par le vieillissement mais plus touchée par le chômage (19 % contre 11,4 %), elle tente depuis la crise de la pêche, de la Marine nationale et plus globalement de l'industrie de diversifier son économie.

Face à ces difficultés, la municipalité se bat sur plusieurs registres : - l'intercommunalité : Lorient est à la tête d'une communauté d'agglomération de 18 communes regroupant 185 000 habitants. Depuis les années 1990, ce nouveau territoire est l'assise d'une politique de développement touristique, orientée sur le potentiel balnéaire, le nautisme et le tourisme d'affaires. Disposant d'une capacité d'accueil de 80 000 lits (20 % de celle du Morbihan), le pays de Lorient se trouve néanmoins dans une situation

1 Depuis 1946, la mairie est socialiste ou communiste avec un seul intermède "de droite" entre 1959 et 1965. Lorient demeure le principal fief socialiste dans le Morbihan, département qui reste cependant le moins favorable à ce parti en Bretagne

2 paradoxale :"malgré un potentiel touristique et culturel indéniable, son image est fortement décalée car marquée par les pôles industriels" (Office de Tourisme du Pays lorientais). Si le Festival Interceltique de Lorient (FIL) ne fait pas partie des trois segments privilégiés cités précédemment, il apparaît dans les "séjours culturels" auprès des thèmes de la celtitude, du Lorient des années 1950 et du patrimoine. - la modernisation des ports de commerce, de pêche et de plaisance : "Encore fragile, le port de pêche veut consolider son rang de deuxième complexe de production, de commercialisation et de transformation du poisson frais. Le port de commerce mise sur des voies de diversification" (Ouest France, 3-4 mars 2001). Quant au port de plaisance, sa situation en centre-ville l'intègre dans les projets de requalification urbaine menés par la DGAU. - la requalification urbaine. Après une phase de démolition programmée dans le cadre d'une OPAH en 1980, le patrimoine architectural de la ville de Lorient s'est progressivement imposé auprès de la DGAU comme digne d'intérêt. Aujourd'hui, la spécificité urbaine lorientaise s'inscrit dans les documents d'urbanisme par le biais d'une Zone de Protection du Patrimoine Architectural de la Reconstruction et du classement des principaux édifices remarquables. Cette reconnaissance se concrétise également par la labellisation "Ville du XXe siècle". A ce titre, Lorient fait figure de ville pilote en matière de valorisation et de sensibilisation du patrimoine des années 1950. Parallèlement à cette action sur le bâti, la DGAU a orienté sa politique sur une requalification des liaisons entre la ville et ses ports, en valorisant les repères visuels de sa mémoire maritime. En centre-ville, le renouveau des équipements tels que le port de plaisance, le centre nautique, la nouvelle gare maritime, la Thalassa (navire d'Ifremer transformé en musée des gens de la mer et des pêches maritimes), et la promenade piétonne jusqu'à l'ancien phare, assure une ouverture sur la mer. Dans le quartier de Keroman, la reconversion du site de la base des sous-marins a été établie autour de cinq pôles : stratégies maritimes, nautisme / plaisance, archéologie sous-marine, prévention des risques en mer, pêche et aquaculture. Le site devrait également accueillir "l'Espace Tabarly" en hommage au navigateur. Enfin, les rives du Scorf comprenant l'Arsenal et l'hôpital Calmette devraient faire l'objet d'aménagements dans les années à venir et offrir un nouvel accès maritime et fluvial aux Lorientais (DGAU Lorient, 2000).

3 - l'éducation, à travers notamment l'implantation de l'université de Bretagne Sud depuis 1995, et qui accueille aujourd'hui 5 000 étudiants. - la culture, thème que nous développerons à part, en raison de ses liens avec les festivals.

II - POLITIQUES CULTURELLES LOCALES

La ville mène depuis la fin des années 1980, une politique d'équipement culturel intensive, "de remise à niveau" selon le Directeur du Développement culturel (Bouillère J.C, 2000) : - 1988 : construction d'une nouvelle école nationale de musique et d'un centre dramatique, - 1992 : ouverture de la médiathèque, - 1995 : rénovation du centre dramatique, - 1996 : arrivée de nouveaux studios de répétition "musiques actuelles", - automne 2001 : inauguration de la nouvelle école nationale d'arts par Catherine Tasca, - automne 2002 : inauguration d'un espace culturel central, comprenant une salle de 1 100 places, un centre de ressources bretonnes et celtiques, une salle d'exposition et des salles de répétition. Au terme de ce programme, Lorient disposera d'un équipement culturel digne des villes de sa catégorie, voire même supérieur si on la compare à Vannes (Préfecture du Morbihan) et si l'on ajoute les équipements des quartiers et la salle de concert les Arcs à Quéven. En 1999, le budget de la ville consacré à la culture (6,258 millions de francs, soit 9,4 % du budget global) restait cependant légèrement inférieur à la moyenne des villes françaises (10,2 % du budget global) - ZIPPER, 2000. Parallèlement à cette politique d'équipement, la mise en place d'une Direction du Développement Culturel (DDC), en 1989, témoigne d'une forme de municipalisation de la culture, à laquelle semble échapper le Festival Interceltique. Cette situation paraît d'autant plus ambiguë que la dimension celtique fait partie des trois principaux axes de la politique culturelle de la DDC, aux côtés de la démocratisation de la culture et de la maritimité.

III - HISTORIQUE DE L'ÉVÉNEMENT

4 Si le FIL n'est pas le seul festival de Lorient2 , il en est aujourd'hui l'événement majeur en termes de reconnaissance nationale et internationale, et d'antériorité. Pourtant, son implantation à Lorient en 1971 relève du hasard puisqu'elle fait suite à la décision de la ville de Brest de mettre fin (pour raisons financières) à la fête des cornemuses qu'elle organisait depuis 1953. Afin de pérenniser le championnat national de bagadoù3 l'assemblée des sonneurs bretons (Bodadeg Ar Sonerion) prend contact avec le Comité des fêtes de Lorient. Son président, P. Guergadic, négociant en bière et aujourd'hui président- fondateur du FIL accepte d'accueillir la manifestation. A l'époque, selon J.P. Pichard (actuel directeur artistique), ce comité "faisait surtout des fêtes de la bière, des fêtes de majorettes, des fêtes de tout un tas de trucs ; il avait, l’année précédente fait une fête bretonne, des ports bretons". Aussi, son président "ne se sent pas tout à fait à l'aise avec les responsables de la musique et de la culture bretonne qui étaient un petit peu passéistes pour certains d'entre eux". Le budget est alors de 350 000 francs (LE MOUEL, 1997), avec une garantie municipale de 50 000 francs en cas de dépassement.

Dès la 2e édition, J.P. Pichard intègre l'équipe de P. Guergadic et se charge de la programmation. La fête des cornemuses devient le "Festival Interceltique des Cornemuses" en signe d'ouverture aux autres nations celtes (Galice, Irlande puis Ecosse). Dès lors, deux objectifs sont fixés : élargir la base en faisant entrer dans le festival d'autres communautés culturelles et notamment celtiques et faire en sorte que le festival ne soit pas une vitrine de souvenirs, mais un moteur de promotion et d'évolution culturelle (REGION BRETAGNE, 1995). En 1978, le festival Interceltique des Cornemuses devient le festival Interceltique de Lorient et chaque année, une nation celte est mise à l'honneur.

Selon Guy Delion (ancien président du festival), pendant plus de 15 ans, le festival interceltique vivote et reste un événement local avec, à l'affiche, le championnat

2 Un autre événement ponctue la vie culturelle de la ville : DEZIOU, "le festival breton au cœur de l'hiver" organisé en février par Emglev Bro An Oriant (Union des associations du Pays de Lorient) et financé par la ville depuis 1991. Expositions, stages, concerts, théâtre, fest-noz, conférences ont lieu durant tout le mois de février à Lorient et dans la communauté d'agglomération (Caudan, Ploemeur, Quéven, Guidel, Riantec, Port Louis, Lanester pour l'édition 2000). Notons que le FIL ne fait pas partie de ce collectif ; il n'intervient aucunement dans le déroulement de cet événement, si ce n'est par le biais d'une annonce publicitaire sur le programme.

3 Bagad (pluriel Bagadoù) : ensemble breton de cornemuses, bombardes et batterie.

5 national de Bagadoù et une fête estivale de quartier. Les premiers programmes (1973- 1978) détaillent le déroulement du championnat et les "fêtes" qui lui sont associées (semaine interceltique, fête du poisson, Jeux sportifs des nations celtes ou tournois interceltiques). Il faut également y ajouter des expositions (produits, livres et peinture), un tournoi d'échecs et une messe en langue bretonne. L'organisation repose essentiellement sur l'investissement des bénévoles, auxquels le Président du festival et le Maire de Lorient rendent hommage à chaque édition (Programmes FIL, 1973-2001). A cette époque, le manque de reconnaissance nationale et son assimilation à une culture d'arrière-garde n'en font pas encore une manifestation reconnue.

L'inauguration par Jack Lang de l'édition de 1985 ne modifie pas ce constat4, et pour son directeur artistique, c'est plus"l'engagement décisif du festival dans la modernité qui lui valut à l'époque bien des railleries des milieux parisiens et encore plus de Bretagne : la guitare électrique et la harpe celtique de Stivell, ça n'était pas breton" (REGION BRETAGNE, 1995). Pourtant, le FIL trouve son public :"en gros, on commence à 30 000 la première année. Jusqu’aux années 1980 il y a une progression qui nous amène à 80 000 à la fin des années 1980. Ensuite, début des années 80 à 90, on arrive à 90 000. Donc là, on voit qu’il y a un tassement dans la progression. Je vous donne une moyenne qui est pas très loin de la réalité (...) et ensuite, début des années 90 et jusqu’à 2000, on arrive à 150 000 entrées payantes." (J.P. Pichard, 2001). L'événement s'est d'ailleurs étoffé en terme : - de durée : de 2 jours en 1971, le FIL est passé à 7 jours en 1973 et à 10 jours en 1979. Depuis cette date, la durée du festival reste inchangée. - de programmation (cf. programmes en annexe 1). - de lieux touchés par l'événement (10 en 1973 et 20 en 2001).

Le début des années 1990 marque un tournant. Les difficultés financières de 1989 vont pousser son directeur artistique à rechercher de nouveaux financements et à engager une nouvelle stratégie de communication.

6 Dès 1989, le mandat de J.P. Pichard à la présidence de France Festival (association dépendant du ministère du tourisme) lui permet d'assurer la promotion du pays mais aussi du FIL à l'étranger :"J’ai vendu la France pendant la journée, une ville par jour (...). Et la nuit je vendais la Bretagne et je vendais le festival interceltique. A partir de ce moment-là, je me suis rendu compte des potentialités qu’il y avait à l’extérieur avec le lobby écossais, irlandais, galiciens, asturiens (...) un peu partout dans les pays hispanophones et anglophones et là j’ai commencé à essaimer un peu partout". Il se lancera ensuite à la conquête des médias parisiens afin de rompre avec une image jugée soit trop folklorique, soit pas assez. En 1993, une attachée de presse (S. Collery) est chargée d'organiser les relations publiques du festival sur Paris. De cette collaboration naît l'opération "la Saint-Patrick à Paris". Financé par Heineken, cet événement annonce en mars la programmation du FIL par des concerts de musique celtique et des fest-noz. Profitant du nouvel engouement pour les musiques du monde et pour la Bretagne, cette manifestation trouve un écho favorable auprès des médias parisiens : "A partir du début des années 90, il y a une volonté marketing culturel, 93 c’est le détonateur. Stivell avait été le détonateur des années 70, là c’est la St Patrick qui est le détonateur, l’année suivante il y a des St Patrick dans toute la France" (J.P. Pichard, 2001). 1993 est également la date où le FIL commence à communiquer par le biais d'un semestriel "l'Interceltique". L'actualité du festival, les activités corollaires de l'association (exportation du concept FIL et partenariat à l'étranger) sont développés ainsi que tout ce qui gravite autour du celtisme. Edité à 3 000 exemplaires, ce magazine interne est envoyé aux partenaires et sert à la communication de l'événement. Enfin, la création d'une société de production EROMI (1994) et d'un site Internet (1997) permettant à la structure de conserver une vitrine internationale à l'année, parachève ce dispositif d'ouverture aux médias.

D'un simple regroupement de fêtes thématiques organisées autour du championnat national de bagadoù, le FIL est donc devenu une véritable institution. Association "Loi 1901" au sein du Comité des fêtes de Lorient, il assure son autofinancement à hauteur de 70 % grâce à la billetterie (la totalité des spectacles étant payants) et à la vente de produits dérivés (le FIL gérant les débits de boissons et les repas).

4 Notons que le ministère de la Culture finance le festival depuis 1982.

7 À cette particularité relevée dans le rapport Deschartre en 1998, s'en ajoute une seconde : le CEFRAC (1995) qualifie l'organisation et le fonctionnement du FIL d'atypiques, comparés à ceux d'autres "gros" festivals. La masse salariale (3 permanents) est alors l'une des plus faibles, en valeur absolue comme en pourcentage du budget général. Depuis, le nombre de permanents a été multiplié par trois : en 2 000, on dénombre 10 salariés dont 3 emplois jeunes (2 à Lorient et un affecté à l'antenne parisienne). Deux sont rémunérées par la DDC de la ville de Lorient : J.P. Pichard (fonctionnaire de l'Éducation nationale mis à disposition de la ville et détaché au festival) et la comptable (Francine Guilbot). S'ajoutent à ce dispositif, l'assistante de J.P. Pichard (Armelle Simon), une chargée de relation presse- marketing (Rozenn Dubois) une secrétaire (Florence Guénal) et un informaticien (Bernard Clergeon) employés directement par le festival. Le nombre de bénévoles, à la base même du festival reste important. Évalués par le CEFRAC à 200 en 1985 et à 400 en 1995, les effectifs ne semblent pas évoluer depuis (400 à 500 selon les sources) si ce n'est au cours des entretiens (un millier selon Guy Delion !). D'ailleurs, il paraît difficile de dénombrer précisément ces acteurs ponctuels, sachant qu'au sein même de l'association, personne n'est chargé de leur gestion.

IV - LES LIEUX DU FIL

1. Emprise spatiale du festival et évolution :

Le FIL s'est toujours déroulé en centre-ville, utilisant un espace qui s'étend du Parc des sports (contigu à la mairie) jusqu'au bassin à flot du port de plaisance. À partir de cet axe Ouest/Nord-Ouest, Est/Sud-Est, conçu à l'image du Royal Mail du festival d'Edimbourg, s'égraine un certain nombre de lieux fixes (palais des congrès, salle Carnot, gymnases et écoles) et provisoires (chapiteaux, tentes) dont le lien est assuré dans la ville par un espace piétonnier et des commerces ambulants :"si vous allez au festival d'Edimbourg qui est un grand festival de l'Ecossitude, vous avez aussi une longue rue qu'ils appellent le Royal Mail, et là c'est vraiment là où tout se tient. L'idée qu'on a transposé à Lorient c'était justement de tout faire sur un axe précis que les gens puissent fréquenter à pied" (Guy Delion, 2001).

8 Cette volonté de concentrer un maximum de manifestations dans un périmètre urbain "captif" fait partie des prérogatives des organisateurs, à la fois pour des raisons d'ambiance festive mais aussi pour des raisons économiques. Un spectateur qui doit reprendre sa voiture pour assister à un spectacle en périphérie en début de soirée est un spectateur perdu pour l'organisation, ce dernier hésitant à revenir en raison des problèmes de circulation et de parking (cas du Gymnase de Kervaric, cité par J.P. Pichard, 2001). L'évolution spatiale de l'emprise du festival entre 1973 et 2001 montre d'ailleurs une multiplication par 2 du nombre de sites, sans pour autant affecter sa centralité (cf. cartes).

Au cours des différentes éditions, cet axe s'est effectivement étoffé vers l'est (en limite de l'Arsenal) pour occuper tout l'espace piétonnier du centre-ville jusqu'à la rue Foch et le Cours de la Bôve où se déroule la Grande Parade, moment-phare du festival (cf. photos). Légèrement décalés par rapport à ce couloir central et présents dès la première édition, le port de pêche et l'avenue de la Perrière sont les lieux de la nuit du port de pêche (chants marins) et de la Cotriade (gastronomie de la mer). En dehors de ce périmètre, seuls quelques sites ont été investis ponctuellement (Gymnase de Kervaric, Parc du Bois Château, Parc exposition de Lanester, Eglise de Kerentrech...) afin de répondre à un manque de salles et d'espace centraux. Les quartiers périphériques ne sont généralement que le point de départ de défilés rejoignant le cœur du festival. D'autres lieux excentrés apparaissent depuis 1990, en relation avec la politique d'équipement culturel menée par la ville : c'est le cas de la médiathèque ou encore de l'Ecole Nationale de Musique au niveau de l'Université. À noter que dès 2002, le nouvel Espace Culturel situé en centre-ville devrait être utilisé par le FIL. Enfin, les golfs des communes de Ploemel, Ploemeur et de Quéven ont été successivement sollicités dans le cadre du tournoi de golf organisé à chaque édition.

9 Le Festival Interceltique de Lorient : emprise spatiale des lieux du festival Evolution des lieux touchés par le Festival Interceltique de (1973-2001) Lorient (1973,1986, 2001)

Pont 1973 1986 d'Oradour Gare SNCF ène Cosmao Dumanoirrue dudu Mal.Mal. FerdinandFerdinand Foch Foch Bd Eug Médiathèque al Joffre Maréch ène Cosmao Dumanoir u Cours Louis de Chazelles d Bd Eug d B Place de la B d Libération . G Espace a l L Cosmao e c l Dumanoir Bd Emmanuel Svob re e off r l J c Halle du cha Moustoir aré M Espace u Place de l'Hôtel d Allende de Ville

on Blum d ARSENAL

é Maison des B Place A. ARSENAL Loisirs Lorraine Rampe de l'Hopital des Bd Gal Leclerc Armées rue de la Patrie Ecole des Quai des Indes Espace rue Paul Bert Bisson Beaux Arts Boulevard L Parc/stade Place H. Port de du Moustoir de Ville Plaisance

e Village Celte Village Entreprises u q i l b u p é a R Place Jules e l Cabaret Avenue de la Marne d Ferry (pub) 0 250 m Bd

Square Rio ARSENAL Avenue Jean Jaures Espace Salons Le Scorff Palais des congrès Bassin à flot Port de Plaisance Lieu permanent Salle Carnot 2001 Lieu provisoire Maison de la mer Avenue de la Marne Lieu payant

Golf du Val Lieu gratuit (Quéven) Lieu payant-gratuit * pas d'information payant-gratuit en 1973 Parc Expo.de Commune de Lann-Sévelin Parcours "Triomphe des Sonneurs" Lorient (Lanester) Parcours "Grande Parade" Limite de la commune de Lorient Voie ferrée

Rue de Canel

Les Celtibars : édition 2000

Kervaric Le Scorff Le E.N. de Musique Lieux du festival sur 63 lieux répertoriés Quai de Rohan : 1 bar ayant été touché au moins une fois par le Cours de la Bôve: 1 bar Golf de FIL, 10 n'ont pu être Ploemel N 465 localisés Rue de Belgique : 1bar Musée Rue de la Poisonnière : 2 bars Port Louis 0 0,25 0,5 km Place Aristide Briand : 4 bars Place Jules Ferry : 12 bars Document n°1 : L'égrainement des lieux le long des allées qui mènent au port de plaisance

Depuis la Mairie au Nord, en face de laquelle se situent les premières installations provisoires, la foule (photo en haut, à gauche) défile entre village celte à droite et tente du Pub à gauche (photo en ahut à droite). En se déplaçant en direction du port, les badauds s'ils lèvent le nez passeront devant le siège du FIL et un peu plus loin, s'arrêteront à la Cité des Congrès, lieu de spectacle et d'informations, dont on voit ici l'arrière tandis que l'entrée donne directement sur le port. Document n°2 :

La signalétique, lors de l'édition 2000 du FIL

La signalétique du FIL repose sur les affichages des cartes Ouest France, souvent illisibles parce que non protégés, près du Palais des Congrès. Les différents lieux sont indiqués sur quelques carrefours, ici en face de la Cité des Congrès (photo n°2). L'ensemble est un peu confus. Toutefois, les affichages les plus présents restent ceux des médias et des marques d'alcool. Document n¡3 :

La grande parade, clou du spectacle

L'attente de la grande parade dure longtemps, elle est moins difficile à supporter pour ceux qui ont eu accès aux rares gradins, ici devant le Palais des Congrès. Le spectacle est plutôt folklorique, il est très populaire et représente le celtisme pour bien des spectateurs.

15

2. Rapports aux lieux des organisateurs

À l'instar de la majorité des festivals, la durabilité et l'extension du FIL reposent sur une double logique de conquête de nouveaux lieux et d'adaptation à la configuration de la ville. Si le caractère central du FIL est fondamental pour les organisateurs comme pour la ville, ces derniers ne justifient pas cette nécessité de la même manière. L'exemple de la Grande Parade est révélateur des divergences d'opinion. Rappelons les faits : à la suite d'un recours en justice de la part d'une association de riverains contestant le péage prélevé sur la voie publique, la Grande Parade de l'édition 2000 qui se déploie chaque année en centre-ville a été annulée, entraînant un manque à gagner pour l'association. Au cœur du conflit repose donc l'usage de l'espace public par une association et la gratuité de cette attraction. Lorsque nous avons rencontré Jean-Pierre Pichard, ce dernier évaluait la possibilité de délocaliser la Grande Parade sur un terrain militaire de la marine, à l'extérieur du centre- ville afin d'en préserver le péage :"c’est moins large que la ville, mais ça, ou perdre 1,2 millions (...). On est pas un service public et petit à petit les commerçants ont pris l’habitude de nous considérer comme un service public, ce qu’on est pas". En d'autres termes, si le directeur artistique du FIL considère l'insertion au centre-ville comme "sympathique" pour l'ambiance festive, il n'en demeure pas moins qu'il gère son festival comme une entreprise. Pour le maire, cette nouvelle implantation est "utopique " car la force du festival réside justement sur le fait qu'" il se déroule en ville.(...) Il y a peu de festivals qui fonctionnent comme ça. (...) Cela lui donne son côté attrayant, chaleureux, convivial, sur un espace urbain où les gens peuvent déambuler au sein d’une fête permanente". Ce dernier a d'ailleurs déposé un amendement au Parlement afin de permettre aux collectivités qui organisent un événement une fois dans l'année, d'obtenir une dérogation. Dans l'attente, la Grande Parade de 2001 sera gratuite, le manque à gagner étant financé par une subvention supplémentaire de la part de la municipalité, de la région Bretagne et du Ministère de la culture.

Cette différence de discours se retrouve également sur le thème de l’offre urbaine en équipements et en capacité d'accueil. À la question sur les limites de la ville dans la mise

14 à disposition de lieux, le maire considère qu'elles n'existent pas à l'heure actuelle et encore moins demain au regard de l'ouverture de l'Espace Culturel lorientais. J.P. Pichard ne semble pas partager ce point de vue. Aujourd'hui, le festival lui paraît "disproportionné" par rapport à la taille de la ville. Selon lui, Lorient est "une ville, dans laquelle il n'y a pas d’hébergement, où il n’y a aucune infrastructure culturelle à part le théâtre de Vigny. Il y a rien. Il y a un Palais des Congrès mais c’est un Palais des Congrès, c’est pas fait pour les spectacles. (...) Avant même de commencer le festival, rien qu’en bidouillant les chapiteaux, les gymnases pour mettre du son, de l’éclairage, on a dépensé toutes nos subventions parce que les lieux n’existent pas". Il est vrai que le FIL utilise proportionnellement plus d'écoles et de gymnases que d'équipements culturels, le Théâtre de Vigny ne faisant pas partie des lieux de programmation des dernières éditions. Cette situation a d'ailleurs poussé le directeur artistique à reconsidérer l'événement en fonction de nouveaux critères : "il y a bien longtemps qu’on s’aperçoit qu’on arrive à des limites de taille pour l’hébergement (...). Notre politique depuis 4-5 ans a été de préparer une exportation du FIL sur le marché étranger et de travailler sur les spectateurs de proximité qui avaient un lit, même s’ils étaient à 100 ou 150 kilomètres de là". La délocalisation du FIL dans une autre ville est même abordée. J.P. Pichard ne nous cache pas y avoir pensé à un moment, "parce qu’au niveau de nos cadres5, la plupart ne sont pas des gens qui habitent Lorient (...). Parce qu'il n'y avait pas d’aide tangible de la ville de Lorient -ce qui n’empêche pas des rapports humains sympathiques avec le maire de Lorient ou le président du District avec lequel on s'entend bien tant qu'on ne parle pas de business-". Tour à tour, les avantages et les inconvénients des principales villes de l'Ouest sont listés. Seule Nantes lui semble intéressante : "il y a un dynamisme à Nantes que je ne retrouve pas complètement à Rennes par exemple. Et puis quand je vois la manière dont les Allumées ont fonctionné à une certaine époque. Et comment les Folles Journées fonctionnent maintenant. On sent qu'il y a une volonté. Bon, j'ai eu l'occasion de travailler avec, comment il s'appelle, Blaise qui fait du business ; parce que tous les collègues font du business, ailleurs".

5 C’est ainsi qu’il désigne les bénévoles qui encadrent eux-mêmes d’autres bénévoles. Il s’agit de personnes souvent très qualifiées et/ou diplômées.

15 Finalement, les rapports à la ville et aux lieux des organisateurs paraissent purement fonctionnels. Si l'insertion locale et le caractère ouvert et festif du festival sont désignés comme essentiels par le maire, ils ne représentent, pour J.P. Pichard, qu'une valeur ajoutée. Cette absence d'implication directe dans la vie lorientaise explique d'ailleurs en grande partie l'absence de pérennisation des missions du FIL à l'année.

3. L'absence de volonté commune de pérennisation de l'événement

En plus de 30 ans d'existence, le FIL reste une manifestation ponctuelle et estivale. Passée la première quinzaine d'août, aucune trace visuelle ne permet d'imaginer l'ampleur de l'événement. Pourtant, des projets à l'année ont bien été suggérés par les acteurs institutionnels locaux mais sans résultat. En 1993, dans un entretien réalisé pour le Conseil Economique et Social sur les festivals en Bretagne, J.Y. Le Touz, membre du Conseil municipal de Lorient et conseiller du Maire pour la langue et la bretonne, ne cachait pas sa volonté"d'utiliser le dynamisme du festival pour étendre ses activités à l'année". L'élément essentiel du projet reposait sur la création d'une Maison des Nations celtes afin d'établir un lieu où se concrétiserait la volonté de faire de Lorient un pôle de la vie culturelle et de la création celtique à l'année. Ce lieu ne vit jamais le jour. Pour J.P. Pichard, seul le Conservatoire régional de musique traditionnelle (dont il était le directeur) représentait un lien cohérent avec le festival, lui permettant d'intervenir de la formation-création à la diffusion. Issu de la charte culturelle de Bretagne énoncée par V. Giscard d'Estaing en 1978, ce dernier fonctionnera de 1981 à 1985, avant de disparaître. Depuis, d'autres acteurs interviennent sur le champ de la formation et de la diffusion de la culture bretonne. L'Ecole Nationale de Musique et de Danse a ouvert en 1988 un département de musique traditionnelle. Emglev Bro An Oriant (collectif de 28 associations culturelles bretonnes) organise des animations, dont le festival breton "Deziou" qui a lieu chaque année, en février, la Médiathèque dispose d'un espace breton, l'association Amzer Nevez (Ploemeur) a pour objectif de promouvoir la formation et la diffusion de la culture bretonne ... (inventaire non exhaustif). Toutes ces associations révèlent l'intérêt et le renouveau pour la culture régionale. Mais entretiennent-elles des relations directes avec le FIL ? Sont-elles des émanations du festival ? Pas vraiment.

16 Pour le Maire, "la vocation du festival aujourd’hui c’est plutôt de se tourner vers l’extérieur c’est-à-dire d’être un petit peu l’ambassadeur de Lorient, de la musique bretonne, de la musique celtique. Bon, ils organisent par exemple la Saint Patrick à Paris ; il y a le souci de prospecter dans le monde : le festival est connu en Australie, en Nouvelle- Zélande, aux EU, bien sûr dans les pays celtes... Il y a plutôt le souci de s’ouvrir à l’extérieur. (...) L’animation, le festival contribue à l’entretenir mais ce n'est pas le festival qui s’en occupe forcément, directement " Les relations entre le FIL et le milieu culturel local semblent donc très lointaines, même si ses organisateurs ont tendance à se considérer comme dépositaire de la nouvelle vague en faveur de la culture bretonne. Aujourd'hui, J.P. Pichard envisage plutôt de créer une entreprise d'ingénierie culturelle afin de mettre à profit son savoir-faire : "Une des idées, ce serait de créer une SA à côté, avec des gens que je formerai (...). Créer une boite d’ingénierie parce que les gens qui s’occupent de gros festivals sont très sollicités et on sait qu’ils ont fait leur preuve et quand ils demandent des subventions, si c’est le patron du festival de ceci ou de cela, ça débloque plus facilement ".

4. Rapports aux lieux du public

Le public enquêté, lors des deux dernières éditions du festival (2000-2001), ne paraît pas très attaché aux lieux. À la question "ce festival pourrait-il se tenir dans une autre ville ?", ils répondent massivement par l'affirmative, mais dans une ville située en Bretagne, Quimper, Brest, Nantes et Vannes étant respectivement -dans l'ordre décroissant- les villes les plus citées. Si, pour la majorité, le festival semble : - plutôt bien intégré dans la ville, - adapté à la taille de Lorient, - et étroitement lié à son image, peu sont capables d'identifier clairement les différents sites où se déroulent les manifestations. Le positionnement du FIL en centre-ville et la forte concentration des lieux autorisent effectivement la déambulation et l'improvisation : le Palais des congrès, le port, les allées et le Village celte paraissent les plus fréquentés. Les observations de terrain ont d'ailleurs montré que les "festivaliers" étaient autant vacanciers et/ou badauds que spectateurs. L'enquête réalisée par le FIL en 1998 conforte

17 ces observations : plus d'1/3 des festivaliers viennent pour l'ambiance des rues ou aux terrasses. "Les motivations de venue au festival sont de l'ordre du plaisir de la consommation de spectacles et d'ambiance." (PICHARD J.P., 2000)

V - ACTEURS

1. Les acteurs en présence

L'analyse des financements publics et privés du FIL permet d'identifier les différents acteurs intervenant dans l'organisation du festival.

1 800 000 1 600 000 CR(Bret) 1 400 000 1 200 000 District 1 000 000 800 000 Ville 600 000 F) 400 000 CG(56) 200 000 000 000 DRAC

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Source : FIL A. N : Pour la ville, seule la subvention DGDC au festival est mentionnée : la prise en charge du personnel et les prestations DGDC ne sont pas comptabilisées.

La distribution des subventions publiques est significative de l'engagement des institutionnels et de leur évolution vis-à-vis du festival. Entre 1992 (date pour laquelle nous disposons des premières sources fiables) et 2000, la part des financements publics du festival est multipliée par 3 et le budget total par 2,4, atteignant 24 millions de F lors de l'édition 2000.

Selon les chiffres du FIL, la Région apparaît comme le premier partenaire du festival depuis 1996, devant la Ville, le District, le Conseil général et l'Etat. Cette observation nous a été vivement contestée lors de nos entretiens avec le DGDC et le Maire : " le premier financeur public c’est la ville de Lorient puisque je vous disais, nous versons cette année 1,6 millions en subvention directe. Mais il y a deux millions en subvention, pas en subvention mais en aide logistique : quand on met du personnel à travailler à cette période-là, il travaille en heures supplémentaires, il faut le payer ! Il y a des coûts qui sont

18 des mises à disposition (...) et ça, ça représente à peu près deux millions de francs et puis on va dire qu’il y a un million de francs en mise à disposition de matériel qui de toute façon existe mais qu’on met à disposition. Vous savez c’est une grosse structure le festival, donc le plus gros financeur c’est la ville, 1,6 millions en direct et 2 millions en aide indirecte" (N. Métairie, 2001). L'examen des chiffres de la DGDG révèle effectivement une toute autre comptabilité. L'ensemble "subvention municipale - coût d'immobilisation des structures - salaires des deux agents permanents du FIL - subvention pour le championnat des Bagadoù versée à l'association Bodadeg Ar Sonerion" monte l'apport de la ville à 4,622 millions de F en 2000, soit une augmentation de 55 % depuis 1995.

L'évolution des subventions consenties par l'Etat et les autres collectivités territoriales consacre la phase ascendante du festival et sa reconnaissance comme événement culturel majeur à partir du début des années 1990. Aujourd'hui, J.P. Pichard ironise sur la faiblesse du montant accordé par l'Etat et la DRAC : "Comme disait le DRAC, depuis que je suis arrivé, j’ai multiplié ta subvention par 55. C’est vrai que quand il est arrivé, on avait 10 000 francs de subvention de l’Etat et à cette époque-là ce que je voulais c’est faire une quête pour rembourser l’Etat. En plus médiatiquement c’était bien. Mais mon président de l’époque a dit : 10 000 francs c’est toujours 10 000 francs ”. Lorsque que l'on sait que le Ministère a apporté une subvention complémentaire de 500 000 francs en octobre 2001 afin de résorber le déficit du festival lié à la gratuité de la Grande Parade (ce qui fait au total plus d'un million de francs), on comprend mieux le chemin parcouru et la satisfaction du directeur artistique quant à la considération nationale de l'événement.

Pour la Région, J.P. Pichard ne cache pas la politique de lobbying qu'il a exercé dès les débuts du festival sur le Conseil régional. Avec la décentralisation, une convergence d'analyse et d'intérêt s'est progressivement installée entre ces deux entités, surtout à partir de 1990. Le discours de J.P Pichard sur les relations entre l'économie et la culture (REGION BRETAGNE, 1995), conjugué à l'arrivée au sein du Conseil régional de J.Y. Cozan, fervent défenseur de l'identité culturelle, expliquent la croissance de l'engagement de la Région vis-à-vis du FIL.

19 Quant au Département et à la Communauté d'agglomération, aucun interlocuteur n'a été rencontré. En revanche, la présence de J.Y. Le Drian (ancien député-maire de Lorient jusqu'en 1999) à la tête de la Communauté est un facteur favorable au FIL. La participation croissante de cette nouvelle collectivité territoriale, quand le FIL ne touche que le centre- ville de Lorient, peut s'expliquer par son rôle moteur dans la politique de développement touristique du district de Lorient, ce que nous confirmera le directeur de l'Office de Tourisme du pays de Lorient, M. Rihouays.

Parallèlement à ces subventions publiques, le FIL a également recherché des partenaires privés, en faisant valoir la notoriété et l'image internationale du festival. En 1993, la création du Club K par Guy Delion (ancien directeur du Crédit Agricole du Morbihan et Président du FIL de 1997 à 2001) s'inscrit dans cette optique. Composé de chefs d'entreprises qui sponsorisent l'événement ou cotisent à cette structure (environ 100 adhérents pour une participation financière de l'ordre de 10 000 francs par entreprise), ce club permet à la fois de rapprocher l'économie et la culture, tout en procurant de nouvelles recettes. L'association "Produit en Bretagne" participe également à ce dispositif d'ouverture sur le monde de l'entreprise. Aussi, les financements privés, pour l'édition 2000, représentent-ils 2,4 millions de francs (soit 10% du budget), dont près d'un tiers provient des alcooliers (cf. tableau partenariats du FIL en annexe 2). La présence du lobby des marchands d’alcools est très nette tant dans les banderoles présentes au centre ville, bien plus visibles que la signalétique du festival que dans tous les hôtels lorientais puisque leurs représentants y séjournent.

2. Relations entre acteurs

Les liens entre la structure associative du FIL et la municipalité sont complexes. Alors que le Directeur artistique revendique l'autonomie du festival par le biais de son autofinancement et le caractère apolitique de l'événement, il reproche néanmoins le manque de considération de la part de la municipalité et l'absence de lien entre son action et la politique culturelle lorientaise. Selon lui, cette absence de reconnaissance du festival (justifiée par la faiblesse des subventions municipales) va à l'encontre de sa notoriété qui nourrit largement l'image et la communication de la ville. D'ailleurs, lorsque l'on évoque la

20 permanence socialiste de la mairie comme pouvant influencer la pérennité de l'événement, celui-ci ne paraît pas totalement convaincu : "Ça a eu une influence au niveau de nos partenaires. Il y a des partenaires bretons, de très grosses entreprises, qui nous ont dit qu'elles ne voulaient pas donner d'argent à une ville de gauche. (...) Et au niveau du Département, il est certain que d'être dans une ville de gauche, ça ne nous a pas aidés. (...) Le festival n'a rien à voir avec la couleur politique de la ville puisqu'il est loi 1901, et il est complètement indépendant" (in. MARTIN, 1999). Ce serait même un inconvénient pour un éventuel changement de lieu : "on y a bien pensé parce qu'il n'y avait pas d'aide tangible de la ville de Lorient. (...) Mais là, on se trouve un petit peu bloqué parce que toutes les villes de Bretagne sont passées à gauche ; or Jean Yves le Drian a assez d'entregent et de relations pour dire à Jean-Marie Ayrault (sic) ou au Maire de Brest ou au maire d'ailleurs, même si ça les intéresserait de nous prendre...".

Cette analyse n'est pas partagée par Guy Delion, membre du CA de l'association depuis 15 ans, devenu Président sur sollicitation de l'ancien député-maire et démissionnaire6 de cette fonction en janvier 2001 du fait de sa mésentente avec J.P. Pichard. Pour l’ancien Président, le chantage au départ tout comme les annonces de déficit font partie du jeu mené par J.P. Pichard vis-à-vis de la municipalité : "C'était la question quasiment hebdomadaire des responsables municipaux à mon égard, "mais tu crois que le festival peut s'en aller ?" Pfft, vous rigolez ! Parce qu'ils en ont la trouille, bien entendu. Et c'est comme ça que fonctionne Pichard avec la ville. C'est “je te tiens par la barbichette”". D'ailleurs, selon lui, le FIL ne peut se passer de la ville et de ses habitants en termes d'organisation (poids des bénévoles et de l'assistance technique des services municipaux). En terme de sécurité, la municipalité est aussi garante du bon déroulement de l'événement puisque les autorisations de manifestations nocturnes et la possibilité d'interrompre la circulation dépendent d'autorisations municipales. Aussi, l'ancien président nous informe t'il qu'une convention a été signée en juin 2000 entre la ville et le festival afin de préciser les engagements de chacun. Cet accord, apparemment difficile à mettre en place si l'on en croit les tentatives avortées de 1991- 1992, serait à l'origine de la multiplication par deux de la subvention municipale en 2000. Le DDC insiste sur la difficulté qu’il y a eu à établir une telle convention “ on avait de

21 gros soucis avec le festival pour établir cette convention. Parce que eux, toujours leur fameuse parano “ si la ville veut nous mettre une convention dans les pattes, c’est qu’ils ont l’intention de mettre la main sur le festival ”, c’est une parano normale, une logique que vous retrouverez chez tous les directeurs de festival. Donc, ça a traîné pour la signature et, à un moment, on a laissé tomber sauf qu’aujourd’hui il y a une loi et un décret qui est tombé qui dit que toute association qui reçoit plus de 23 000 euros ou un truc comme ça de la collectivité, elle est tenue d’avoir une convention avec cette collectivité (…). On a profité de cette excuse pour remettre les pendules à l’heure. Malheureusement, on pouvait espérer qu’il y ait du contenu à cette convention et puis… ” Le Maire lui aussi a mis l’accent sur la nécessité d'une clarification des droits et des devoirs réciproques et sur l’évolution nécessaire du festival :"il y a un virage sans doute à prendre dans les années qui viennent"

Vu de la ville, on observe donc une forme d'arrangement coopératif entre la municipalité "allocataire de ressources" et le FIL qui, malgré ces financements, revendique haut et fort son indépendance. Selon G. MARTIN (1999), les motivations de cette coopération relèvent à la fois de la visibilité de l'événement et de ses impacts en termes de communication et d'image pour la ville. On notera cependant qu'aucune étude n'a été réalisée par la municipalité sur ce point.

"En termes de communication et de reconnaissance sur le plan national, c'est essentiel" DGDC (in. MARTIN, 1999)

"Si la ville de Lorient devait engager une campagne de promotion de son image par les moyens traditionnels, cela lui coûterait infiniment plus cher que ce qu'elle donne au festival" Armand Guillemot, ancien adjoint à la culture de 1973 à 1995 (in. MARTIN, 1999)

"Pour nous, c’est un de nos vecteurs de communication comme la voile ou comme le football, puisque Lorient est en première division et l’a déjà été et là on a mesuré que ça avait un impact" (N. Métairie, 2001).

Les retombées économiques du festival et son rôle moteur pour le tourisme sont également mis en avant par la municipalité (et par la Communauté d'agglomération) pour justifier leur engagement financier. Mais là encore, l'évaluation de ces retombées est des plus aléatoires et dépend largement des sources et des méthodes. Les commerçants ne

6 cf. extrait de la lettre de démission publiée par Le Télégramme du 20-01-2001 en annexe 3.

22 paraissent pas directement associés au festival. Seuls les bars labellisés "celtibars" par le FIL sont présentés dans le programme7. Quoi qu'il en soit, au regard des acteurs de la ville, le festival est un atout touristique qui permet à Lorient de se positionner par rapport à des villes comme Vannes ou Quimper plus prisées pour leur patrimoine."Si le festival est relativement consensuel au niveau des élus, il l'est, non pas d'un point de vue culturel mais d'un point de vue touristique. À partir de là, le district apporte une subvention, mais c'est plus sur le volet touristique que sur le volet culturel" DDC (in. MARTIN, 1999)... dont il n'a d'ailleurs pas la compétence. Effectivement, du point de vue des prises de position sur la culture, les avis divergent :

"La Celtie, pour moi, ça ne représente rien du tout. (...) En revanche, on est dans une région qui a une très forte identité culturelle, donc battons-nous pour la rendre encore plus dynamique et encore plus reconnaissable" DDC (in. MARTIN, 1999)

"Il (le FIL) en fait partie, on a une politique culturelle globale qui s’appuie sur tous les arts de la scène, sur la démocratisation de la culture et sur l’appui apporté à la culture bretonne et aux cultures celtes parce que ça fait partie de notre patrimoine et on le valorise, le festival y contribue, la culture bretonne et l’identité culturelle fait partie de notre politique culturelle globale. Donc le festival y contribue largement bien sûr et c’est la raison pour laquelle on le finance et on le soutient" (N. Métairie, 2001)

Pourtant, jusqu'à maintenant, les rares tentatives de la ville visant à pérenniser l'action culturelle du FIL se sont soldées par des échecs (cf. épisode de la création de Maisons Celtes). La seule activité directe de J.P. Pichard qui aurait pu s'inscrire à l'année dans la ville et promouvoir les musiques celtiques ne s'est manifestée qu'entre 1980 et 1985 par le biais de la direction du Conservatoire des musiques traditionnelles. D'ailleurs, aujourd'hui ce dernier considère que ce n'est pas au FIL de pérenniser son action dans la ville, même si chaque tentative de la municipalité est interprétée comme une récupération de sa notoriété. D'ailleurs, la création d'un Centre de Ressources Bretonnes et Celtiques au sein du nouvel Espace Culturel ne semble pas rallier les deux interlocuteurs en présence : non citée par J.C Bouillère (DDC) lors de nos entretiens, ce centre n'aurait pas non plus de lien direct avec le FIL, selon J.P. Pichard.

Finalement, la non-municipalisation du FIL semble être le résultat de son histoire et d'une conjonction de dynamiques convergentes entre la ville et l'association. Ce statut, combiné

7 Cf. article du Télégramme du 27-05-2000 en annexe.

23 à la personnalité de J.P. Pichard, au fort taux d'autofinancement du festival et à son succès international en font une véritable institution. Cependant, l'internationalisation de l'événement, l'augmentation du public et la gratuité de la grande parade nécessitent de nouveaux moyens. A ce titre, la signature de la première convention en 2000 et la réalisation d'une étude sur les objectifs de développement à moyen et long terme peuvent être interprétées comme le signe d'une perte d'autonomie pour le festival. Selon le maire "il faut lui donner un élan qui le booste un petit peu au-delà des limites qui sont les siennes aujourd'hui, avec une nécessité de renouvellement, avec une programmation qui puisse être de qualité". Doit-on en conclure que l'autonomie artistique du festival est remise en question ? Pas vraiment selon le DDC, pour qui la signature de la convention relève plus de la mise en conformité avec la législation sur les collectivités territoriales, que d'un réel avancement sur le contenu culturel de l'événement (Bouillère J.C, 2001).

Les liens extérieurs au champ lorientais que ce soit les collectivités territoriales, l'Etat, l'Europe ou encore les médias semblent mieux établis dans le sens où, comme le souligne MARTIN (1999), ils légitiment le festival, permettent de contourner l'échelon municipal et renforcent donc l'idée d'indépendance de l'événement. Ce travail de reconnaissance ne s'est pas fait tout seul et repose essentiellement sur l'activisme du directeur artistique du festival (cf. historique). D'ailleurs, au cours de notre entretien, J.P. Pichard manifestera en permanence sa connaissance personnelle des acteurs culturels (directeurs des festivals de Bretagne) et politiques de la Région Bretagne, de l'administration culturelle de l'Etat en région, ou encore de l'administration de la culture de l'UE et de l'association France Festival créé par le Ministère du Tourisme.

3. Réseaux

L'événement est aujourd'hui intégré à un certain nombre de réseaux qui dépassent la ville même de Lorient.

À l'échelle internationale, les responsables du FIL se sont intégrés dans d'autres réseaux de festivals (par le biais de journalistes et de l'activité de J.P. Pichard à France-Festival), mais aussi dans des filières qui représentent les lobbies écossais, irlandais et gallois dans le

24 monde. Le FIL a d'ailleurs commencé à susciter la création d'une nouvelle génération d'événements interceltiques. Il travaille avec l'Irish festival de Dallas, l'Interceltic festival de la Nouvelle-Orléans, le Festival celtique de Tokyo... En 1994, il aurait également contribué à la mise en place d'une unité de production de télévision à l'origine de la diffusion de 14 heures de programme depuis NHK au Japon jusqu'à CNN aux Etats Unis (PICHARD J.P., 2000).

A l'échelle européenne, le FIL a reçu une subvention européenne par l'intermédiaire du programme Kaléidoscope. L'Europe est un acteur avec lequel le FIL souhaite développer des relations : "l'Europe des régions, c'était un de mes postulats" affirme J.P. Pichard (in. MARTIN, 1999). Ce dernier est d'ailleurs membre de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes d'Europe.

A l'échelle nationale : La stratégie de marketing culturel élaborée par le FIL à Paris, via le recrutement d'une attachée de communication, la création d'un bureau parisien et la mise en place d'un événement tel que la Saint Patrick organisé cette année au Stade de France conduit à "déplacer" le cadre Lorientais du festival.

A l'échelle régionale, le FIL entretient des relations de plus en plus fortes avec le milieu économique. Il est un des partenaires culturels principaux de "Produit en Bretagne", association créée par des industriels bretons qui mise sur l'identité bretonne pour donner une image à leur produit. La création du Club K comme structure interne au festival poursuit le même principe qui tend une fois de plus à placer le FIL en position de force sur le terrain local. Pour finir, le FIL est depuis environ 5 ans de plus en plus proche des instances régionales. Ces dernières, via J.Y. Cozan, vice-président, chargé de la culture et de l'identité bretonne, misent d'ailleurs sur les festivals : "parce que les principaux festivals d'été contribuent à "vendre" l'image de la Région à l'extérieur, à favoriser le tourisme et à créer des emplois, le Conseil régional a décidé de débloquer 7,25 millions de F pour les soutenir (dont 600 000 F pour le FIL), soit 50% de plus que l'an passé. Un sacré coup de pouce" (Ouest-France, 21 juin 2001). Le FIL est d'ailleurs associé au Festival de Cornouaille de Quimper et aux Tombées de la Nuit de Rennes dans le cadre d'un regroupement "3 festivals pour un été", destiné à assurer une communication commune de

25 ces trois événements. Depuis février 2002, cette entente s'est d'ailleurs élargie aux Vieilles Charrues (Carhaix).

VI - LES PUBLICS

1. Ce qu'en disent les organisateurs

Dès les années 1980, le FIL s'est intéressé à la connaissance de ses publics afin de mieux cibler sa clientèle tout en cherchant à l'élargir :"Moins on a d’argent, plus on est obligé d’avoir de l’imagination pour survivre. (...) On était le premier festival, il y a 20 ans, à faire des études concernant la fréquentation du festival. À l’époque mes collègues des autres festivals m’ont pris pour un fou : nous, on fait de la culture, on ne fait pas du marketing, on ne fait pas du supermarché ! Mais pour nous, il a fallu qu’on optimise tout ce qu’on avait, pour savoir qui venait chez nous. (...) On s’est aperçu qu’en moyenne, les gens étaient venus 6 fois au festival. Au minimum, ils avaient pris 6 ans donc on ne voulait pas faire un truc de gérontologie, on voulait pas que les festivaliers vieillissent à la même vitesse que les organisateurs, ce qui a généré chez nous une politique de communication auprès des jeunes, dans les CROUS, vers le monde universitaire, tout simplement pour ramener sans cesse du sang neuf sur le festival" J.P. Pichard, 2001. Pourtant, depuis cette date, aucune méthodologie concrète n'est arrêtée par l'association. Chaque année, les enquêtes sont confiées à des stagiaires (d'IEP ou de formation supérieure en tourisme) ce qui limite toute tentative d'analyse comparative dans le temps.

J.P. Pichard nous relate cependant l'évolution du profil de la clientèle : " (Au départ) les Bretons sont plutôt minoritaires, les Lorientais encore plus. Les Lorientais ne se retrouvent pas dans le festival ; c’est pas vraiment leur truc puisque la politique de la ville ne s’intéresse pas à ce genre de choses. Ensuite, dans les années 80, on a une montée en puissance des étrangers puisque ça fait partie de la politique qu’on a mise en place. C’est l’époque à laquelle on lance des types de communication différents dans un certain nombre de départements.(...) Années 90, c’est la Saint Patrick et les Bretons qui redécouvrent leur festival, et les Lorientais qui découvrent leur festival. On doit arriver de 8 % à 18 % en quelques années."

26 2. Synthèse des enquêtes

Le traitement repose sur 86 enquêtes réalisées en administration directe pendant les éditions 2000 et 2001 du festival, essentiellement sur le site du Village celte, la première année et devant le Palais des Congrès, la seconde. La comparaison des caractéristiques de la clientèle de ces enquêtes par rapport à celle du FIL de 1998 (PICHARD J.P., 2000) montre de fortes divergences, même si l'on constate une forte représentation : - de la tranche d'âge 35-40 ans, - des CSP : étudiant, cadre-profession intermédiaire-enseignant et employé, - d'un public d'origine extérieure à l'agglomération lorientaise.

FIL (1998) Étude 2000-2001 % à titre indicatif (effectifs) Age -25 26% 18 21% 25-34 25% 16 19% 35-49 29% 34 40% 50 et + 20% 18 21% CSP étudiant 19% 18 21% cadre / PI /enseignants 40% 14 16% employé 12% 35 41% ouvrier 10% 4 5% artisan / commerçant 0% 3 3% sans emploi 5% 2 2% retraité 6% 2 2% autres 8% 8 9% Origine France (sauf Bretagne) 37% 55 64% Etranger 7% 3 3% Région Lorient 35% 7 8% Bretagne (sauf Lorient) 21% 21 24%

Par ailleurs, notons que plus de la moitié des festivaliers interrogés lors de nos enquêtes fréquente pour la première fois le FIL, une personne sur cinq déclarant y participer depuis plus de 10 ans. Le renouvellement de la clientèle souhaité par J.P. Pichard semblerait donc effectif. Cependant, près d'un enquêté sur deux déclare ne pas assister à des animations payantes : on vient au FIL plus pour la convivialité, la chaleur de l'événement et pour la

27 musique traditionnelle, que pour la programmation ou pour manifester son appartenance à une identité celtique. Quant à la fréquentation d'autres festivals, près d'une personne sur deux déclare ne pas avoir assisté à un autre événement durant ces trois dernières années. Pour l'autre moitié, les festivals des Vieilles Charrues (Carhaix) et de Cornouaille (Quimper) sont les plus représentés, sachant que plus de 2/3 des événements cités se déroulent dans l'Ouest (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes). Sur le plan de l’image, il nous faut enfin relever combien Lorient pour ces festivaliers est associée à la Bretagne et à la Celtitude ce qui est surprenant pour qui est Breton, né ou résidant en Bretagne. Lorient = Celte n’est pas ainsi ressenti localement, parce que la ville est un pur produit de la création de l’Etat et qu’elle a longtemps été à part des autres villes. Mais l’on comprend bien l’association qui se produit au moment du festival, lié à la présence de celui-ci. Par contre, l’image de ville reconstruite est complètement occultée par les festivaliers, ce qui signifie peut-être que le festival réussit à transfigurer une ville traditionnellement décrite comme laide.

CONCLUSION

Au terme de cette étude, il semble que le FIL soit entré depuis la fin des années 1990 dans une nouvelle échelle de représentation, privilégiant une interconnexion aux réseaux régionaux, nationaux et internationaux, plutôt qu'une véritable insertion au milieu local. La récente Saint-Patrick (13-14 mars 2002) organisée au Stade de France est révélatrice de cette tendance : 100 000 spectateurs sont attendus par les organisateurs ce qui représente en deux soirées, près des 2/3 des entrées payantes du festival en 2000, sur 10 jours. Après cet événement, Lorient restera-t'elle le centre des rencontres interceltiques comme elle a pu l'être jusqu'à maintenant ? La personnalité du directeur artistique sur lequel repose le festival n'est pas étrangère à ce changement. Manifestant peu d'intérêt pour le "local", ce dernier se perçoit plus comme le directeur d'une entreprise culturelle, ce qui peut paraître paradoxal au regard du statut associatif du FIL. La question de la transmission du savoir-faire accumulé depuis plus de trente ans est d'ailleurs envisagée sous la forme d'une société indépendante. Enfin, sur le

28 plan culturel, on est en droit de s'interroger sur le décalage entre le discours du directeur artistique qui considère sa programmation comme "une vitrine d'expression contemporaine des pays Celtes" et celui du public auquel il s'adresse, qui l'assimile plus à un folklore.

C. Barthon

BIBLIOGRAPHIE

CCI du Morbihan (1983) - Les retombées économiques du FIL. Lorient, 9 p. FIL (1971 à 2000) - Programmes des différentes éditions du FIL (lacunes éd° 1971-1972- 1998). FIL (1993 à 1997) - Le magazine du FIL. Lorient ICEA, IDEA Imprimeur. GESTIN Franck (1995) - Le festival de Lorient, 25 ans de passion interceltique. Ar Men n°69, pp. 2-12. HALLIEN Hélène (1998) - L'espace tourisme et culture du FIL. Rapport de Stage, Université Catholique de l'Ouest, 44 p + annexes non numérotées. LE MOUEL Delphine (1996-1997) - Culture et économie : mariage forcé ou union libre, la stratégie du FIL. Mémoire de DESS Développement international culturel et touristique, Université de Cergy-Pontoise, 34 p + annexes. MARTIN G (1999) - Le FIL de Lorient et le pouvoir municipal : le jeu des acteurs autour de l'indépendance des festivals. Mémoire IEP Rennes, 143 p. PICHARD J.P. (2000) - FIL, Pourquoi, comment, organisation et coulisses, n.p. + annexe "Informations sur le public" 8 p. REGION BRETAGNE (1995) - Les Festivals en Bretagne. Conseil économique et social, 1ère réunion ordinaire en janvier 1995, pp. 1-18. ZIPPER Maëlle (1999-2000) - Le développement culturel de la ville de Lorient et le FIL. Mémoire de DESS "Développement culturel de la ville", FLASH, Université de La Rochelle, volume 1, 98 p + volume 2 (annexes) .

ENTRETIENS :

G. Delion (2001) : Président du FIL (démissionnaire), entretien le 23/02 au Crédit Agricole de Vannes. M. Rihouays (2001) : Directeur de l'Office de Tourisme du Pays de Lorient, entretien le 05/02 à Lorient.

29 J.P. Pichard (2001) : Directeur artistique du FIL, entretien le 9/02 au siège du FIL. J.C. Bouillère (2001) : Direction du Développement culturel de Lorient, entretien le 5/02 et le 30/11 à la DGDC de Lorient. N. Métairie (2001) : Maire de Lorient, entretien téléphonique le 9 juillet.

30

ANNEXES

1 - Programmes du FIL (éditions 1973-1986) 2 - les partenaires privés du FIL (édition 2000) 3 - les celtibars, un partenariat entre le FIL et les cafetiers lorientais 4 - la demission du president du FIL, G. Delion

31 2 - les partenaires privés du fil (édition 2000)

PARTENAIRES édition 2000 Kronenbourg / Guinness 400 000,00 F Kronenbourg St Patrick 20 000,00 F Crédit Agricole 250 000,00 F Paysan Breton / Laïta 220 000,00 F Géant 200 000,00 F CSR Pampryl 220 000,00 F Caisse d'Epargne 150 000,00 F Comité des Vins de Nantes 150 000,00 F Nestlé 125 000,00 F Médiastore 125 000,00 F France Télécom 100 000,00 F The Macallan 105 000,00 F Orangina 60 000,00 F La Fermière 50 000,00 F Cie Exploitation des Ports 50 000,00 F Ricard / Jameson 50 000,00 F CCIM 30 000,00 F Armor Lux 35 000,00 F SILL 25 000,00 F SACEM 40 000,00 F Total Partenariat 2 405 000,00 F

Source : FIL

33 3 : les celtibars, un partenariat entre le fil et les cafetiers lorientais (le Télégramme, 27-05-2000) L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

FESTIVALS NANTAIS AUTOUR DE "MUSIQUES SUR L'ILE" ET "TISSÉ MÉTISSE"

DEP - MINISTÈRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002 I - CONTEXTES POLITIQUE, DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE 2

1. DE L’ALTERNANCE POLITIQUE À LA CONTINUITÉ POLITIQUE 2

2. EN TERMES DE POPULATION, LA BANLIEUE PREND DU POIDS 3

3 LA GLOIRE ÉCONOMIQUE D’ANTAN MISE EN VALEUR SUR LE PLAN CULTUREL 4

II - LA POLITIQUE CULTURELLE NANTAISE DEPUIS 1989 6

1. D’UNE CULTURE SOCIALE À UNE CULTURE ASSOCIÉE À L’ÉCONOMIQUE ET À LA NOTORIÉTÉ 6

2. SERVICES CULTURELS ET ÉQUIPEMENTS CULTURELS 10

3. LES FESTIVALS NANTAIS 11

III - HISTORIQUE DES DEUX FESTIVALS INVESTIS 20

1. LE FESTIVAL D'ÉTÉ 20

2. TISSÉ MÉTISSE 22

IV - LIEUX FESTIVALIERS 25

1. EVOLUTION DES LIEUX DES FESTIVALS 26

2. QUE RESTE-T’IL PENDANT L’ANNÉE ? 35

3. RAPPORTS AUX LIEUX DES ORGANISATEURS, LIENS AUX LIEUX, LOGIQUES DE LIEUX 35

4. RAPPORTS DU PUBLIC AUX LIEUX 36

V - ACTEURS : RELATIONS, RÉSEAUX 38

1 L'IMPORTANCE DU MAIRE DANS LA CONDUITE DE LA POLITIQUE CULTURELLE 39

2. L’INVESTISSEMENT DE RÉSEAUX NATIONAUX 40

3. LA PLACE DES DEUX FESTIVALS DANS LA POLITIQUE CULTURELLE NANTAISE 41

VI - PUBLICS 45

1. LES ENQUÊTES RÉALISÉES À MUSIQUES SUR L’ILE 45

2 LES ENQUÊTES RÉALISÉES À TISSÉ MÉTISSE 47

CONCLUSION 50

ANNEXES 56 La ville de Nantes connaît une réputation désormais nationale sur le plan culturel. De nombreux festivals ont contribué à ce phénomène. Toutefois sont ici analysés deux festivals, moins connus par la médiatisation, mais très ancrés localement. Le festival d’été, devenu Musique sur l’Ile, et Tissé Métisse seront sans cesse mis en perspective avec les autres festivals nantais, et resitués dans le contexte local politique, socioéconomique, culturel.

I - CONTEXTES POLITIQUE, DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE Il ne s’agit pas ici de faire le tour de toutes les transformations nantaises des vingt dernières années mais de donner au lecteur des éléments de compréhension des évolutions de la politique culturelle. La thèse de V. Frappart (2001), celle de D. Guyvarch, le rapport de recherche au PUCA (2001) nous y aideront. Nantes est une ville dont on dit aujourd’hui qu’elle est “ culturelle ” mais sa domination en la matière est récente. Elle est liée au contexte politique nantais, avec la “ guerre des cultures ” qui se produit dans un régime d’alternance Gauche- Droite- Gauche entre 1983 et 1989. La politique culturelle vise au rayonnement urbain sur une agglomération où la banlieue prend de plus en plus de place, pour cela elle utilise les référents symboliques issus du passé maritime et industriel de la ville.

1. De l’alternance politique à la continuité politique

1977-1983 A. Chenard s’oppose en 1989 à M. Chauty, ce dernier sera élu.

1983 – 1989 Michel Chauty est élu, il est rapidement surnommé le “ sécateur Maire ” dans les milieux culturels nantais, du fait de la suppression de nombreuses subventions auprès d’organismes culturels.

1989-2001 : Jean Marc Ayrault remporte les élections de 1989. Il est ensuite réélu en 1995 et en 2001 au sein d’une municipalité d’Union de la gauche.

Après une première alternance Droite / Gauche en 1977 qui voit un militant socialiste, Alain Chenard, accéder au poste de Maire, le mouvement inverse se produit en 1983. Contre toute attente, la mairie passe à Droite avec l’élection de Michel Chauty. Cette situation explique l’esprit de reconquête qui anime la Gauche nantaise à partir de 1987- 1988. La croissance urbaine a entraîné, comme dans la majorité des agglomérations urbaines, une importante modification des structures sociales. Les nouvelles populations,

2 élites culturelles ou techniciennes s’opposent sur le plan politique aux anciennes, bourgeoisies marchandes et industrielles et marquent leur présence dans le paysage politique à partir des élections de 1977, lesquelles, modifient en profondeur l’orientation politique de l’agglomération nantaise : “ la ceinture rose se met en place ” à Saint- Herblain, Rezé et Bouguenais, communes de la banlieue nantaise. Jean-Marc Ayrault est issu de ce mouvement, élu PS, il remplace Michel Chauty à Saint- Herblain puis en 1989, il mène une liste, élue au premier tour avec 50,18 % des suffrages exprimés. Il est présenté comme un “ pacificateur ” : ancien professeur d’allemand, élu très jeune à la municipalité de Saint-Herblain, proche du monde culturel nantais, il correspond parfaitement au nouveau profil sociologique de l’agglomération nantaise marqué par la tertiairisation et l’émergence de la nouvelle petite bourgeoisie. En 1995 et 2001, il est réélu au premier tour. Il rompt ainsi avec un système d’alternance politique très marqué à Nantes.

2. En termes de population, la banlieue prend du poids

L’agglomération nantaise totalise au dernier recensement de la population (1999) 545 063 habitants, dont 270 343 vivent dans la ville de Nantes et 274 720 se répartissent dans les 19 communes de sa banlieue. L'agglomération (Unité Urbaine au sens INSEE) a gagné 48 854 habitants entre les deux derniers recensements soit 1,05 % de croissance annuelle sur la période 1990-1999. Il s'agit d'une des plus fortes croissances urbaines françaises après celles de l'agglomération toulousaine et montpelliéraine. L'agglomération nantaise se classe au 8e rang des agglomérations françaises en termes de taille (P. Julien, 2000). Nantes a connu au recensement général de la population (RGP) de 1975 et 1982 des taux de variation annuel négatifs, par contre depuis le RGP 90, ses taux de variation sont positifs et en 1999 supérieurs à ceux de sa banlieue, ceci étant lié à un fort développement de la construction, en particulier dans les secteurs péricentraux des bords de l’Erdre et dans toutes les dents creuses proches du centre-ville. La population de l’unité urbaine de Nantes est désormais plus importante dans les communes de banlieue que dans la ville centre et ceci depuis le recensement de 1990 (49,4 % pour Nantes, 50,6 % pour la banlieue). Cette part de la ville centre est allée en décroissant depuis 1975 et a légèrement remonté en

3 1999, mais la part de la population de la banlieue est toujours supérieure à celle de Nantes, au sein de son unité urbaine.

3 La gloire économique d’antan mise en valeur sur le plan culturel

Ville de fond d’estuaire, Nantes s’est enrichie grâce à ses activités portuaires liées au négoce et à l’industrie. Les Nantais ont tout d'abord été des négociants, mais à partir de 1817, suite à l’ordonnance royale interdisant la traite des noirs qui a bâti l’opulence de la ville, leur activité s'étiole et ils investissent dans l'industrie - indiennage, raffinage du sucre ; construction navale et métallurgie ; filatures et industrie textile ; salaison et conserverie ... Les années 70 sont une époque charnière dans l’histoire de Nantes ; après avoir connu une forte croissance liée à la reconstruction et aux Trente Glorieuses, l’économie locale s’essouffle et prend de plein fouet les deux crises successives de 1974 et 1979. C’est sur cette période que la ville perd pratiquement la totalité de ses dynasties patronales, 80 à 85 % des investissements dépendent de sièges sociaux situés hors de la région. Le port s'est déplacé vers l’aval et a disparu physiquement du cœur de la cité ne laissant au regard que des quais vides et abandonnés. Dès la fin des années 1980, la vie maritime à Nantes se fait moins visible, les derniers chantiers navals, Dubigeon ferment en 1986. Les images des quais surchargés, du pont transbordeur, des chantiers navals ne sont plus qu’un souvenir qui resurgit entre mémoire nostalgique et slogan incantatoire. La présence du maritime dans l’imagerie et le marketing urbain devient incontournable, tout comme l’esclavage, autre élément-clé de l’histoire nantaise. La thèse de Virginie Frappart qui analyse les discours des élus sur cette période montre que des images récurrentes viennent constituer le socle d’une identité collective. Ces images se fondent sur une mise en récit de l’histoire qui définit des héritages ; la tradition de Tolérance et l’Edit de Nantes, l’ouverture sur les mondes atlantiques et l’histoire portuaire... Les “ icônes ” nantaises tiennent également d’un géographisme qui définit les vocations “ naturelles ” de la ville ; la présence de l’eau, la proximité de l’Atlantique, la situation de porte... V. Frappart analyse dans le tableau suivant la teneur de ces différentes images après avoir étudié de manière approfondie les discours des élus :

4

Document 1 : Les ingrédients des images et des lieux de mémoire

Référents Images et lieux de mémoire Référents géographiques La place de l’eau dans la ville, Venise de l’Ouest Loire Nantes la bleue, effet côte Ouest Rivières ( Erdre, Sèvre, Chézine...) Métropole Atlantique - ouverture sur le monde Estuaire Atlantiques. Interculturalité Océan Région d’équilibre, bonne qualité de vie, parcs et Climat tempéré jardins - Muscadet, gros plan, muguet - Floralies - Région agricole Nantes la verte. Ouest de la France et de l’Europe Porte - Capitale régionale - Métropole du Grand Ouest Marges de la Bretagne, de l’Anjou et de la Vendée Référents historiques Château de Bretagne Cité des Ducs de Bretagne Cité de la Tolérance Édit de Nantes Quai de la Fosse Port Ile Feydeau - architecture du 18ème siècle. Port négrier et ville d’armateurs Métropole internationale - Plate forme logistique Ville tournée vers le négoce Ville républicaine - le kyste urbain 1793 LU - Chantiers navals Industries issues des activités portuaires Ville déchirée, ville névrosée Comblements de la Loire et de l’Erdre Ville résistante aux totalitarismes Guerre 39-45 - Bombardements Ville ambitieuse et visionnaire ; ville qui s’inscrit dans Jules Verne la modernité (le tramway) Surréalistes Ville culturelle - ville à part - ville “ allumée ” Référents ethnologiques et sociaux Quartiers populaires (Chantenay, Doulon) Breton / Vendéen Ville solidaire et sociale Catholique Ville tranquille - ville de province - belle endormie Ville bourgeoise / Ville ouvrière Nantes la grise Anarcho-syndicalisme / antagonismes sociaux Tissu militant actif Identité complexe Source : Virginie Frappart dans El Kens, Frappart, Garat, Retière, Suaud, Villes et hospitalité, rapport de recherche au PUCA, mars 2001

5 II - LA POLITIQUE CULTURELLE NANTAISE DEPUIS 1989

1. D’une culture sociale à une culture associée à l’économique et à la notoriété

Les mentions de la culture dans les programmes électoraux des candidats à ces différentes élections montrent le passage d’une culture en lien avec le social en 1983, en continuité avec ce qui a été entrepris entre 1977 et 1983 à une culture étroitement associée au domaine économique et à la recherche d'une notoriété internationale pour la ville. Le candidat Chenard veut "permettre l’épanouissement de tous par l’accès à la culture" (programme électoral PS, 1983). Pour cela, l’équipe veut "équilibrer les équipements culturels entre les quartiers, promouvoir des lieux et des espaces de rue pour animer la ville". (Programme électoral PS, 1983), elle a également l’ambition que "Nantes devienne la capitale culturelle de la région" (ibid.) Jean-Marc Ayrault a les mêmes préoccupations en 1989 tout en insistant sur la nécessité de "l’insertion de la culture dans l’économie" (programme électoral PS, 1989). Il est lié depuis 1983 à Jean Blaise, qui avait créé, à Nantes, en 1982, une des dernières maisons de la culture. Après l’élection de Chauty, J. Blaise s’était replié à Saint-Herblain dont le Maire était J.M. Ayrault. J. Blaise a alors créé, dans la plus importante commune de banlieue de l’agglomération, un festival de rue (1986 : festival de la Gournerie). Quant à la Maison de la culture, elle est devenue en 1984, le CRDC (centre de recherche pour le développement culturel), lequel a obtenu le statut de Centre d’action culturelle en 1988, puis de scène nationale en 1991. À partir de 1991, il n’est plus financé que par les villes de Nantes et Saint-Herblain et le ministère de la culture. À la demande de J.M. Ayrault, J. Blaise revient à Nantes lorsque celui-ci est élu Maire, il reçoit alors la mission de dynamiser la vie culturelle nantaise, via le CRDC. Il lance le festival des Allumées qui fera connaître la ville sur le plan culturel. En 1995, le programme électoral rappelle la notoriété acquise par les Allumées : “ dès 1990, la notoriété des Allumées s’est étendue loin de notre région ” (…) “ Nantes a prouvé qu’une culture de qualité pouvait être à la portée de tous ”. Jean Blaise, pris dans “ la guerre des cultures de 83 ”, s’est appuyé sur un syndicat intercommunal d’Action Culturelle basé sur cinq villes socialistes (La Roche-sur-Yon, Saint-Nazaire, Saint-Herblain, Saint-Sébastien, Rezé). De 1983 à 1989, Pierre Leenhardt et Yannick Guin sont administrateurs du CRDC. Pierre Leenhardt, écrivain, comédien,

6 metteur en scène de théâtre représente la DRAC et Yannick Guin, professeur d’histoire des idées politiques est membre du PS. En 1989, Pierre Leenhardt devient directeur du service de développement culturel à la ville de Nantes et Yannick Guin, adjoint à la culture. Jean Blaise, quant à lui, rejoint Jean-Marc Ayrault à Nantes comme conseiller du Prince sur les affaires culturelles. Jean Blaise a accueilli à deux reprises Pierre Oréfice et Alain Courcoult (de la Compagnie Royal de Luxe), au festival de Saint-Herblain. En 1990, ils quittent Toulouse et cherchent une nouvelle ville d’accueil, ils appellent Jean Blaise qui plaide devant Pierre Leenhardt (Développement culturel), avec l’appui de Philippe Bouler (ATC International) : Royal de Luxe viendra à Nantes. Malgré leurs différences et leurs conflits (sur la définition de la culture en particulier), tous ces acteurs partageaient une même représentation de la ville : une ville figée, clivée. Nombre d’entre eux ont également connu “ la guerre des cultures ” de la période Michel Chauty, entre 83 et 89. Au même titre que les résistants de 39-45 sur la scène politique aux lendemains de la guerre, ils ont acquis, avec le retour de la Gauche au pouvoir en 1989, la légitimité de représenter le pouvoir culturel nantais. L’élément moteur du projet des Allumées, festival qui a marqué le premier mandat de J.M. Ayrault est l’ouverture de la ville, notamment l’ouverture sur l’Europe. En 1990, lors de la première édition, Jean Blaise développe une vision d’avant-garde qui doit dépoussiérer Nantes et présente les villes Allumées comme “ de grandes métropoles européennes, féminines et noctambules, hyperactives le jour et délirantes la nuit ”. Pour l’édition 1992, s’il choisit Buenos Aires, c’est qu’il a été convaincu par Philippe Bouler et Pierre Oréfice de coupler l’événement avec Cargo 92. Le cargo Melquiades-ville de Nantes part en 1992 vers l’Amérique Latine avec à son bord Royal de Luxe, la Mano Negra et Philippe Decoufflé. C’est seulement à partir de cette date que la référence portuaire et l’ouverture sur le monde deviennent permanentes dans l’affichage culturel et dans l’imagerie nantaise. Jean-Marc Ayrault a voulu changer l’image “ ankylosée ” de Nantes, il parle désormais systématiquement d’ouverture internationale et de dynamisme : "De même qu’à intervalles réguliers le flux et le reflux, à travers le large estuaire, remontent jusqu’à Nantes, un goût d'aventure revient, persiste au cœur de mes concitoyens ” écrivait, dans les années 1920, le grand Aristide Briand. Comme lui, je suis intimement persuadé que Nantes, quand elle ouvre grand portes et fenêtres est une ville capable de se

7 dépasser. Après avoir trop longtemps traîné une image ankylosée de “ belle endormie ”, Nantes retrouve le goût de l'aventure, une aventure inscrite dans ses gènes, et dont elle a fait sa fière devise : “ Favet Neptunus eunti ”, Neptune favorise ceux qui partent, sourit à ceux qui osent. Ce flux océanique vivifiant dont parlait Briand, nous l'appelons aujourd’hui “ l'effet côte Ouest ”. Et mon intuition est que cette ville, dont l'identité profonde est d'être de l'Atlantique, a toujours connu des périodes d'essor quand elle s'est ouverte sur le monde. Nantes est une ville de brassage et de métissage. À travers les aventures que sont “ Cargo 92 ”, “ les Anneaux de la Mémoire ”, “ les Allumées ” ou le “ Festival international d'Eté ”, dont ce numéro estival de Nantes Passion se fait l'écho, Nantes renoue avec ses racines pour mieux rester en phase avec son temps.(…)" (Nantes Passion, éditorial, Juillet 92) Les événements Cargo 92 et Les Allumées offrent la notoriété, l’éclat, le lustre. Les promoteurs de ces événements, malgré les rivalités, ont joué la complémentarité, dans cette même dimension identitaire : ces événements ne pouvaient avoir lieu qu’à Nantes qui a "l’obsession du grand large". Toute une communication politique de type identitaire s'établit autour des nombreux festivals nantais, mettant en lien symbolique des événements dont les créateurs, dont le déroulement ne répondent pas toujours aux mêmes philosophies. Le développement économique est indéniablement une des raisons d’une telle volonté d’ouverture ; attirer investisseurs potentiels et touristes est l’un des buts à atteindre, développer une offre culturelle diverse dans ses contenus et étalée sur l'année en est une autre. La culture peut être un moyen d’y arriver, culture spectacle et spectaculaire, celle de Royal de Luxe, des Allumées, de Fin de siècle, des Folles Journées, celle des grandes expositions qui permettent aux villes de jouir d’une forte médiatisation et d’une image capable de soutenir tout au moins celle des villes capitales. En dix ans, la ville s’est ouverte grâce à sa politique d’image. Sa politique culturelle y a largement contribuée qui a consisté à faire venir des acteurs culturels reconnus : Royal de Luxe, Brumachon, le festival Utopia. Tous les acteurs de la scène culturelle reconnaissent le succès culturel nantais, tout en déplorant pour une partie d'entre eux le faible soutien aux compagnies et artistes locaux. Tous désignent le Maire comme porteur de ce changement, personnage incontournable pour tout projet culturel d'envergure, bien plus que l'élu à la culture, Y. Guin ou que le directeur du développement culturel, P. Leenhardt tout d’abord puis J. L. Bonnin.

8 Document 2 : Politique de communication et culture

Source : 4e de couverture du programme Tissé Métisse 1996

2. Services culturels et équipements culturels

À Nantes, depuis janvier 1997, l’action culturelle est partagée entre deux services : la Délégation du développement culturel (DDC) et la Direction des Musées, jusque-là les services ne faisaient qu’un. La DDC travaille au suivi et au contrôle des établissements sur le plan budgétaire, des personnels, de la coordination de l’action culturelle, des relations aux associations (relations nationales, européennes, internationales). Six établissements relèvent de cette direction : le service action culturelle, l’Ecole régionale des Beaux Arts, le Théâtre Graslin, le Conservatoire national de région, les bibliothèques, le musée Jules Verne, les archives municipales. En dehors de son rôle vis-à-vis de ces établissements (187 millions de francs vont vers eux en 1996), elle aide financièrement et en termes de conseils les associations culturelles y compris le CRDC et l’Orchestre National des Pays de la Loire : soit, pour 1996, 40,5 millions. Parmi les dotations les plus importantes, celles qui sont attribuées aux : - Acteurs culturels de premier plan : CRDC, Royal de luxe, Brumachon - Musiques actuelles : Trempolino, Bouche d'Air, Olympic, Nantes Jazz action - Festivals : Folles Journées, Rendez-vous de l’Erdre, Trois Continents, Festival d’été Printemps des Arts, Tissé Métisse

Il convient donc de dissocier dans l’action culturelle de la Mairie de Nantes, la gestion d’infrastructures classiques, souvent héritées : musées, bibliothèques, patrimoine, archives des opérateurs et l’espace où va réellement s’exprimer la politique culturelle de la municipalité. C’est-à-dire, tout ce qui tourne autour du soutien à des opérateurs culturels particuliers, CRDC, Royal de luxe, Brumachon, autour de grands projets et de grands événements comme les festivals. Quant aux équipements, ils sont nombreux, nous n’évoquerons pas ici les bibliothèques, ni les musées, mais plutôt les salles de spectacles. Certaines d’entre elles sont occupées par les structures culturelles tout, ou partie du temps (Olympic, salle Paul Fort, usine LU, opéra), elles appartiennent à la municipalité ; d’autres sont indépendantes de la municipalité, c’est le cas de La Maison de la Culture de Loire-Atlantique (MCLA) qui appartient au Conseil général. Quant à la Cité des Congrès dans laquelle se déroulent de

10 plus en plus d'événements culturels nantais, c’est une SAEM : société anonyme d’économie mixte, contrôlée par les collectivités locales, majoritaires au sein du capital social. La Ville de Nantes et le Conseil général participent à 67,8 % du capital (en 1999), les autres actionnaires sont très nombreux (GAN, groupe société générale, CRCA, CE des Pays de la Loire, CCI, CIO, BPBA, GMF assurances, GL mobilier, Chambre des Métiers, Chambre d’agriculture, Crédit Lyonnais développement économique, GSF Celtus). La dotation de fonctionnement livrée par la Mairie de Nantes en 1999 est de 50 561 037 francs TTC. Le loyer du bâtiment versé par la cité à la ville s’élève à 26 468 000 francs. Autrement dit, le coût pour la ville est de 24 093 037 francs. Elle est aussi l’héritage de la municipalité Chauty, héritage considéré comme un gouffre financier dont il s’agit de redéfinir les missions. Elle deviendra donc outil de développement, d’animation et de communication économique et culturel, contribuant au rayonnement national et international de la ville de Nantes, ainsi qu’à la promotion du tissu économique régional : grands congrès, assises nationales, colloques. Son activité à ses débuts est essentiellement économique, puis à la suite d’un audit interne en 1996, elle se donne une nouvelle voie à explorer : celle de l’action culturelle. En 1998 : 353 manifestations commerciales (assises, congrès, salons, expositions, assemblées générales, conventions, séminaires, réunions, cocktails) sont accueillies, soit 128 000 congressistes et dans le domaine culturel, 100 390 spectateurs sur 122 jours. Tous les concerts de l’ONPL s’y déroulent depuis 1995 et son siège s’y est installé à partir de 1999. C’est le cadre de Tissé Métisse depuis 1993, des Folles Journées depuis 1995, du festival de science fiction Utopia et de Ram Dam, festival des passions jeunes, depuis 2000.

3. Les festivals nantais Les festivals sont très nombreux à Nantes, certains existent avant l’arrivée de Jean-Marc Ayrault à la tête de la municipalité. Le tableau et la carte suivants tentent de synthétiser chronologiquement leur apparition pour l’un, de localiser leurs lieux de déroulement pour l’autre. Plusieurs mémoires de maîtrise en géographie, tourisme et sciences politiques ont permis de réaliser cette synthèse. Les références de ces travaux universitaires sont présentés dans la bibliographie. Bien que l’on attribue au municipe de J.M. Ayrault la plupart des créations de festivités urbaines ; en réalité, leur existence s’échelonne sur un laps de temps plus long.

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Festivals et animations, première période (1979-1987) Le plus ancien des festivals, le Festival des trois continents est créé, en 1979, par Alain et Philippe Jalladeau. Ce festival du cinéma est devenu d’ailleurs l’un des plus attractifs en termes d’accueil d’artistes étrangers. Situés en dehors des grands circuits commerciaux mondiaux, les films sélectionnés demeurent peu connus, sortant peu des Etats dans lesquels ils sont produits. Ce festival est soutenu par les municipalités successives, mais dans des proportions variables. La programmation et l’organisation sont toujours demeurées à l’intérieur d’une association familiale, celle des Jalladeau. Le festival d’été, créé en 1986 par Bertrand Pinel, repris par Bertrand Delaporte en 1995, a changé plusieurs fois de dénomination, Festival des arts et traditions populaires à ses débuts, il est ensuite devenu festival international d'été de Nantes puis festival d'été et enfin en 1999, Musiques sur l'Ile. Les Rendez-Vous de l’Erdre se déroulent le premier week-end de septembre, il s’agit d’une manifestation gratuite qui offre également une programmation musicale ouverte sur les différentes cultures du monde (jazz, blues, jazz manouche, musique tzigane, ska, chants de marins...). Il n’est festival que pour son organisateur et pour la municipalité, les Nantais voient quant à eux cela comme une fête de rentrée, l’une des plus populaires.

Festivals et animations deuxième période (1990-2002) Festival des 3 Continents, Festival d’été de Nantes, Rendez-vous de l’Erdre sont des événements intégrés dès leur création dans une politique de mise en valeur culturelle de la cité, sans que pourtant celle-ci ne prenne directement en charge leur organisation, sans qu’elle ne colle à l’événement. C’est Jean Blaise et le CRDC qui seront à partir de 1989 associés en permanence, dans les journaux, au Maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault. Mais les événements culturels mis en place par le CRDC ne sont pas “ municipalisés ”, le statut associatif garantit une certaine souplesse et le financement est national (Ministère de la Culture) et local à la fois (municipalités de Nantes et Saint-Herblain). C’est la mise en valeur de la ville que soutient financièrement l’équipe de J.M. Ayrault. Les Allumées, premier festival mis en place par J. Blaise et son équipe transforment la ville de Nantes en une scène, mais aussi en acteur, puisque Nantes se transforme en la ville qu’elle accueille.

12 D’autre part, dans le projet initial des Allumées, il y a à la fois un message de tolérance, d’accueil de l’étranger et de rencontre des différences, permis par ce moment unique de la fête. Il s’agit d’une ré-interprétation du jumelage urbain dans un sens plus ludique, avec une mise en scène à l’échelle urbaine. L’ouverture au monde de la ville, marque un désir de civilisation, non plus de seul voyage. Mais le voyage est encore présent avec des villes dont le choix ne doit rien au hasard, dont le seul nom déclenche tout un imaginaire (Le Caire, Saint-Pétersbourg, Buenos Aires). La formule aura un succès et une médiatisation considérable. Le festival devait durer six ans, c’était l’un de ses principes de départ (6 ans, 6 jours chaque année, de 6h du soir à 6h du matin). Fin de siècle pourtant sera une reformulation de ce principe. De 1998 à 2000, ce nouveau festival mis en place par le CRDC va reprendre cette l’idée de la découverte culturelle d’une autre cité. Johannesburg, New York, Tokyo seront tour à tour mises à partie, en 1998, 1999, 2000, en théorie, puisqu’en réalité, l’édition Tokyo a été remplacée par les festivités d’entrée dans le nouveau millénaire et que les deux autres éditions ont été raccourcies. Trafics, l'autre événement mis en place par le CRDC vise quant à lui le lien entre art et commerce. Son aura sera moindre que celle des Allumées, Trafics sera supprimé en 1998. À partir de 1997 en effet, le CRDC connaît des difficultés financières ce qui vaut à Ouest- France de titrer de manière alarmiste "l'Etat et la ville ont lancé deux audits sur un déficit qui atteindrait 4 millions de francs", (10 et 11 janvier 1998). Par la suite, l’équipe du CRDC qui n’avait pas d’espace propre affecté a reçu un lieu, l’usine LU (plus exactement de ce qui en reste), réhabilitée, devenue désormais espace dédié à la culture, le Lieu Unique s’est ouvert au public le 31 décembre 1999 (10 000 visiteurs). Après avoir mis en valeur une quantité de lieux publics ou privés dans la ville et l'agglomération, l'équipe s'est centrée exclusivement sur LU.

L’ensemble des festivals mis en place par J. Blaise a été largement médiatisé et a contribué à la reconnaissance de Nantes en tant que ville culturelle et en tant que ville célébrant l’étranger. Cette médiatisation est due à l’usage maîtrisé des chargés de communication et de promotion, entretenant des liens avec les agences de presse et tenant eux-mêmes revue de presse. Beaucoup d’autres manifestations nantaises s’appuient sur "l’esprit d’ouverture" qui serait propre à la ville, sur l’interculturalité brandie comme valeur humaniste et

13 sociale : Cargo 92, Royal de Luxe et ses géants noirs, Tissé Métisse, les grandes expositions “ Anneaux de la mémoire ” de 1992 à 1994, autour de la traite négrière, "Mémoire d’immigrés", entre octobre 1998 à mars 1999, la Coupe du Monde de football. La politique internationale est tellement importante qu’elle mobilise deux élus sur la scène municipale, l’élu à la culture se situe en position plus avantageuse, plus proche du Maire a priori et l’élu aux relations internationales, en position plus lointaine sur la liste. La promotion de l’ouverture, à tous les aspects de l’international, à tous les publics se réalise en particulier du point de vue de la culture. Cette politique est le fait de J.M. Ayrault. Il n’y a pas dans l’agglomération de politique culturelle aussi puissante tant par les moyens engagés que par les opérations de communication mises en place. Seule à organiser plusieurs festivals, la municipalité de Saint-Herblain a tout d’abord créé une agence culturelle municipale puis trois événements. Deux d'entre eux mettent en scène la présence étrangère : Couleurs 99 (où l’on retrouve associations communautaires et CID, présents également à Tissé et Métisse et au Festival d'été) et Jours de fête. Saint-Herblain se classe comme la seconde commune de l’agglomération aussi bien pour le total de ses habitants que pour celui de ses habitants d’origine étrangère. Toutefois, ces événements qui mettent en scène des artistes, des expositions, des associations n’ont pas la même envergure, pas la même promotion et donc pas le même pouvoir d’attraction qu’à Nantes. Il en est de même à Saint-Sébastien, toujours dans la banlieue nantaise qui organise un festival des Arts de la rue, depuis quelques années déjà.

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Document 3 : Les festivals nantais de 1978 à 2001

FESTIVAL THÈME STRUCTURE CRÉATION CALENDRIER LIEUX AUDIENCE 1999-2000 Trois continents Cinéma Assoc 1978 Fin novembre, Cinémas (Katorza, 36 000 Afrique, Asie, 7 jours Cinématographe, Amérique Gaumont) + Cité des Congrès

Printemps des Arts Musique Assoc 1983 Un mois entre Théâtre Graslin 500 Baroque Mai et juin Musée Beaux Arts Cité des Congrès MCLA + Lieux hors Nantes

Festival d’été Musiques du Assoc 1986 Début juillet, Château des Ducs 20 000 monde 5 jours Puis Ile Ste Anne

Rendez vous de Musique, jazz, ASSOC = comité 1987 1er week-end Quai de Versailles 120 000 l’Erdre folk des fêtes de septembre Île de Versailles Approximatif

Allumées Pluridisciplinai CRDC = 1990-1995 Octobre 6 jours Lieux multiples - re Scène nationale

Folles Journées Musique CREA 1995 Un week-end fin Cité des Congrès 24 000 classique janvier Tissé Métisse Musiques du Assoc 1993 2ème week-end Cité des Congrès 8000 monde de décembre Fin de siècle Pluridisciplinai CRDC 1998-2000 Octobre Lieux multiples 30 000 payants re Scène nationale puis décembre Trafics Pluridisciplinai CRDC 1996-1997 juin LU - re Scène nationale UTOPIA Festival de Cinéma, BD, Assoc 2000 Début novembre, Cité des Congrès 12 000 Science Fiction livres 6 jours

Sources : sites web Mairie de Nantes, mémoires maîtrise G. Kerhornou, entretiens 2000-2001

15 Document 4 : Penser les festivals et les lieux

Des lieux multiples pour les Allumées...

Source : Plaquette Allumées CRDC 1994

À l'un des lieux uniques : la Cité des Congrès.

Répartition des animations et concerts dans les différentes salles de la Cité, lors de l'édition 1996 de Tissé et Métisse. Chaque année et à chaque festival s'y déroulant, ce type de document est édité. Les salles de spectacles à Nantes (état des lieux en 1998)

Théatre Cinéma Musique Divers genres artistiques

Théâtre Universitaire Théâtre de Poche Théâtre Graslin Cinéma Scribe Cinéma Cinéma UGC Apollo Katorza Théâtre Graslin Cinéma 0 200 m Gaumont

Studio Théâtre Espace 44

Théâtre Salle Paul Fort

Cinéma le Cinématographe Salle F. Vasse Ex. Usine LU Cinéma Concorde Cité des congrès Trempolino Théâtre Jules Verne

Conservatoire

Salle Olympic 0 2,5 km

Cinéma Bonne Garde

Source : Référentiel de la Ville de Nantes, 1998 Les lieux des festivals nantais en 2001

ligne 2 ligne 3

l'Erdre 9

7 ligne 1 4 10 Bouffay 6 8 3 5 2 1

Madeleine

P

3 P Ile Sainte-Anne

0 500 m LA LOIRE Fond de plan : Référentiel de la ville de Nantes

Secteur sauvegardé Rendez-vous de l'Erdre Ligne et arrêt de Tramway 3 Continents : réseau des cinémas P Parking 3 Katorza 4 Cinématographe Musiques sur l'Ile 1999-2001 C.G.R. Nouvel espace enclos du festival d'été 5 Grande cale 1 Cité des congrès Magic Mirror CRDC 3 Grue 6 Ex Usine LU Ancien bâtiment de direction Printemps des Arts (à Nantes et hors Nantes) des chantiers navals Animation du festival à la FNAC 7 Musée des Beaux Arts 2 (hors site) 8 Théatre Graslin 9 Espace 44 Tisse Métisse, Folles journées, Utopia 10 Château 1 Cité des congrès 1 Cité des congrès Source : I. Garat, enquête personnelle, 2001 Du festival d'été à Musique sur l'Ile (1986 - 2001)

ligne 2

ligne 3 l'Erdre

l ligne 1

Bouffay

1

Madeleine

P

3 P Ile Sainte-Anne

0 500 m LA LOIRE Fond de plan : Référentiel de la ville de Nantes

Ligne et arrêt de Tramway Nouveau site 1999-2001 P Parking Nouvel espace enclos du festival d'été Secteur sauvegardé Grande cale l Siège du FE et de Royal de Luxe Magic Mirror Place Saint-Pierre "Lieu Révé" 3 Grue

Ancien site du FE 1986-1999 Ancien bâtiment de direction des chantiers navals Concert payant Palais de justice Off des douves (association, groupes, repas) Passerelle Extension du festival à la zone Animation du festival à la FNAC 1 de cafés, restaurants (hors site) Source : I. Garat, enquête personnelle, 2001

III - HISTORIQUE DES DEUX FESTIVALS INVESTIS On pourrait penser que les deux festivals du fait de leur thématique, du fait de leur statut de deuxième rang parmi les événements nantais sont très proches. Or il n’en est rien, que cela soit du point de vue de la programmation : Tissé Métisse privilégie plus les têtes d’affiches, Musiques sur l’Ile, la découverte musicale, ou de leur action : Tissé Métisse cible l’accès à la culture de publics défavorisés, l’interculturalité, la citoyenneté ; Musiques sur l’Ile, la diffusion musicale.

1. Le festival d'été

Pour résumer les propos de Bertrand Delaporte directeur artistique du festival depuis 1995, le festival est né en 1986, porté par Bertrand Pinel qui fut son directeur de 1986 à 1993, date de son décès. Celui-ci, étudiant et danseur dans une troupe folklorique s'était inspiré des festivals folkloriques des multiples villes où sa troupe s'était produite. La création de ce festival à Nantes était donc un projet personnel et il avait été faiblement soutenu par la municipalité de Droite dirigée par M Chauty. Par contre son projet suscitait l'adhésion du conservateur du Château des Ducs. Le festival s'installe donc au Château, c'est un festival folklorique fondé sur la danse. B. Pinel, présenté comme jeune homme très débrouillard, se démène à la fois pour constituer un Conseil d'Administration permettant d'accéder aux subventions municipales, des Conseils général et régional, mais également pour transformer son festival au fil des années. De folklorique, il deviendra festival des Musiques du Monde. J.M. Ayrault une fois élu confortera le festival en termes de dotation et de soutien "la municipalité d'Ayrault donc se met en place et heu... et là il reçoit plutôt un accueil... un accueil favorable... puisque la subvention, je sais pas il faudrait re-regarder dans les subventions de la ville, mais je crois que dés 89, c'est-à-dire que donc Ayrault est élu en mars et il y a un conseil municipal peu de temps après et la subvention passe à un million cinq (...) à l'époque c'est un des rares festivals hein sur les musiques heu, à la fois traditionnelles et extra européennes (…) ”. Le festival continue donc son existence, participant à la découverte en France, de talents africains, intégrant les musiques urbaines, proposant une semaine de spectacles musicaux, dans les années 1990, centrée sur un espace : 1996, année de l’Inde, 1997, sentiers

20 américains, pistes africaines en 1998, Europe et Méditerranée en 1999, espaces lusophones en 2000. Son équipe est réduite : un directeur artistique, une assistante et des jeunes stagiaires, en charge des relations avec la presse, de la communication, des partenariats etc. À cela s'ajoutent une trentaine de techniciens, une trentaine d'agents de sécurité embauchés au moment même du festival et 150 bénévoles. À la fin des années 1990, le festival est remis en question, son directeur autant que la Conservatrice du Château en ont assez de le voir se dérouler en ce lieu. B. Delaporte trouve que le festival découvreur de musiques du monde qui se produit à l'intérieur de l'enceinte tend à se confondre avec la kermesse off, à faible production culturelle mais très festive, qui se déroule dans les douves du Château. La conservatrice, elle, est lassée de voir le lieu investi par les camions de matériels avant et après l'édition. Et le Maire s'inquiète des conditions de sécurité tant la population qui passe dans les douves est nombreuse. B Delaporte réfléchit dès lors à de nouveaux sites mais c'est le Maire qui propose un lieu, lequel agrée la petite équipe du festival. Depuis trois éditions désormais, le festival investit l'Ile aux Ducs, baptisée depuis quelques années Ile Sainte Anne ou encore projet urbain du XXIe siècle par la municipalité. Le transfert s'accompagne d'une dotation plus forte, il faut en effet louer des tentes, et d'une convention signée pour trois ans entre ville et association festivalière.

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2. Tissé Métisse L'histoire de Tissé Métisse nous a été retracée par Cyril Prévaud, l'un des organisateurs actuels. Elle est liée à l'ACENER, association des comités d'entreprises de Nantes et sa région qui s'appuie sur les réseaux syndicaux "l’ACENER c’est quand même la CFDT". Elle regroupe "184 CE adhérents, sur TM on a 35 comités d’entreprises qui s’investissent vraiment et quand je dis qu’ils s’investissent vraiment c’est-à-dire que sur les 35 CE ils mettent tous de l’argent sur TM (…) Et ils fournissent des bénévoles tous". L'ACENER organisait depuis longtemps des actions en direction des salariés des entreprises, actions classiques d'arbre de Noël, de spectacles de cirque dans les halls d'exposition de la Beaujoire à Nantes mais également des programmations culturelles dans une période de fin d'année (octobre à décembre). En outre l'association agit avec une logique sociale, dans la lutte contre l’exclusion, pour l'implication des salariés dans la vie locale et culturelle, dans l'organisation de temps de réflexion sur les questions de société. En 1992, l'association décide d'innover et d'allier action citoyenne et action culturelle dans un même moment. Ceci s’inscrit dans une période politique où les lois Pasqua font réagir les militants : "l’ACENER avait une nécessité de repositionnement par rapport alors à la fois, sa fête de fin d’année et puis toutes les préoccupations qu’elle a toujours eu, c’est-à-dire sur la société civile et là notamment sur des questions politiques qui concernaient plus directement les questions de l’intolérance et le symbole des lois Pasqua de l’époque était évidemment fort et a provoqué au sein de l’ACENER des réactions et donc un concept s’est mis en place, une discussion s’est mise en place autour de deux questions : la première c’était comment créer un événement pour les salariés d’entreprise qui soit un événement marquant de fin d’année dans le cadre traditionnel des arbres de Noël et tout en sortant de ce cadre-là mais dans la période traditionnelle de l’arbre de Noël pour l’entreprise et puis aussi comment ouvrir cette initiative à l’extérieur, à la société civile parce que l’idée, c’était de ne plus se faire un petit truc entre soi, entre nous entreprises, les salariés d’entreprise, les enfants mais aussi ouvrir cette fête à des partenaires extérieurs, des participants" (C.P, 2001). L'ACENER mobilise des fonds via les comités d'entreprise et s'occupe de la programmation artistique. Très vite, elle associe la Fédération des Amicales laïques (FAL) et le Centre Interculturel de Documentation (CID) à l'événement. La première, est interpellée sur les animations “ jeune public ”, la seconde, sur sa connaissance des "quartiers", euphémisme pour désigner les populations immigrées ou issues de l'immigration : " (…) En revanche sur l’ambition de la manifestation et notamment sur ce qui était des animations enfants et de la mobilisation du tissu associatif l’ACENER n’était pas compétente sur ces

22 domaines-là et donc là aussi par l’intermédiaire d’un certain nombre de connaissances et, de réseaux, l’ACENER fait appel au CID qui est à la fois un pôle de ressources bibliothèque sur l’histoire de l’immigration locale mais aussi un centre associatif, d’aide aux associations, d’aide à la gestion etc., Et donc qui avait des connaissances et qui connaissait très bien le tissu associatif nantais et donc ça pour mobiliser un certain nombre d’associations sur le projet TM et concernant la partie animation enfants et l’animation enfants c’est à la fois des animations sportives, des animations plus “ culturelles ” et puis même de la programmation de spectacles enfant et donc là l’ACENER a fait appel à la fédération des Amicales Laïques en Loire-Atlantique pour prendre en charge tout ce qui concernait la programmation pour enfants, quelle que soit la nature des activités. Donc, trois partenariats de compétences se mettent en place pour l’organisation de cette première édition de TM et ces partenariats sont toujours valables au jour d’aujourd’hui" (C. P, 2001). Les trois associations sont donc en capacité de toucher un large réseau d'acteur et un public nombreux : l'ACENER né en 1982 à l’initiative de la CFDT, regroupe 170 comités d’entreprise et des associations de personnels. Le CID, soutenu par le Maire de Nantes (l’association relève de l'adjoint aux Affaires sociales), fait découvrir la culture des communautés issues de l’immigration, vise à l'amélioration des relations interculturelles. La Fédération des Amicales Laïques (FAL) regroupe 350 associations dans le département 44. Après un temps de décalage, la municipalité soutient l'événement, attribuant une subvention à l'ACENER et lui permettant la location de la Cité des Congrès, l'un et l'autre cumulés n'auraient pu être surmontés par les organisateurs : "(…) La subvention pour la première année est tombée après que TM ait eu lieu, c’est-à-dire que l’ACENER prend un risque financier monstrueux, puisque là ça engage quand même l’association à part entière parce qu’on est producteur et s’il y a un problème financier c’est l’ACENER qui assume totalement le déficit, là c’est le déficit qui était en question. Donc, la Mairie de Nantes met un temps assez long à se décider et les subventions tombent après TM, après que TM ait eu lieu en décembre 1993. Par contre, ce qui est négocié avant c’est la question de la Cité des Congrès, la location, c’est un prix monstrueux " (...) “Grosso modo pour TM on nous demande, grosso modo 700 000 francs, ah, donc à l’époque l’ACENER ne peut absolument pas assurer à la fois la location d’un espace comme ça, enfin à ce prix-là en tout cas et puis derrière une programmation qui se tient à peu près, une implication associative où il faut donner peu de sous pour que les assoc s’impliquent ” (C.P, 2001). Parmi les autres financeurs, on trouve en 2000 : le Fonds d'Action sociale (90 000 francs), la Caisse des Dépôts et Consignations, le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, la Commission européenne (des affaires sociales sans doute) pendant 4 ans, le Ministère de la ville (80 000 à 120 000), le département circulation des étrangers en Europe, pendant deux ans, (150 000), le Fonds interministériel à la ville (35 000), la DRAC (15 000 francs, la

23 première année, 90 000 francs en 2 000), le Conseil général (30 000), le Crédit municipal (70 000 : partenariat publicitaire). Seul le Conseil régional ne finance pas l'événement, sans doute parce que l’événement est difficilement classable, jouant sur le registre social et culturel à la fois : "on a fait des demandes Conseil régional, Conseil général les deux demandes sont faites simultanément et on a eu une réponse négative du régional, négative la première année, du Conseil général qui après est revenu sur sa décision parce qu’on avait fait une demande au niveau du service culturel au niveau de Conseil général et ils ne voulaient pas qu’on dépende du secteur culturel mais du secteur social et donc on a une subvention qui vient du social et non pas du culturel, mais ça a bougé et il y a des négociations toujours et je crois que cette année, mais j’ai pas la précision, et on a un bout du social et un bout du culturel bon, c’est le problème de la lecture de TM d’ailleurs et on pourra peut-être y venir sur le fond après parce que là il y a des débats intéressants aussi, la question sociale et la question culturelle quoi." (C.P, 2001). Tissé Métisse est une manifestation qui est subventionnée par la DDC sur la ligne "festival" et qui pourtant ne se donne pas ce titre. Il s'agit d'une fête associative, la seule à afficher un mot d’ordre social et interculturel. L’idée est de lutter contre le racisme, de donner à voir la diversité culturelle présente à Nantes, de mener une activité militante sur l’intégration des étrangers, de faire accéder le plus grand nombre à la culture et à l’appartenance urbaine qui passe par l’accès à ce monument emblématique qu'est la Cité des Congrès. Tissé Métisse n’est pas qu’une fête d’un jour une fois par an, elle implique toute l’année toute une série de partenaires, le but est de poursuivre une réflexion au-delà de la fête. Musiques actuelles, musiques du monde sont très représentées avec des têtes d’affiches pour le public jeune et des découvertes d’artistes moins connus. Les spectacles s'étalent de 19h à 1h du matin, précédés d'animations enfantines. La politique des organisateurs est aussi de permettre via des tremplins dans les quartiers, organisés durant l’année, la participation de groupes qui n'accéderaient pas à de telles scènes et à autant de public. Les associations qui militent en faveur des droits de l’Homme, de l’intégration des étrangers ou "communautaires" en profitent pour tenir des stands sur leurs activités et mettent à jour la présence étrangère dans l’agglomération. Elles vendent également des mets exotiques, les stands ne désemplissent pas. Tissé Métissé est une des rares occasions où des publics peu favorisés et d’origine culturelle différente se côtoient à Nantes. Notamment les "Blacks, Beurs, Blancs" dont le mélange constitue la preuve visible de la diversité pour la plupart des individus présents. Pour les jeunes des cités HLM, il s'agit

24 d'un événement important, qu'ils s'approprient et qu'ils peuvent aborder. Ceci, dans la mesure où la politique de tarification est, selon les vœux des organisateurs, vue à la baisse, en particulier pour les demandeurs d'emplois et ceux qui reçoivent des prestations sociales : "pour les jeunes de quartier notamment TM c’est leur fête et la Cité des Congrès c’est leur lieu le temps de TM, ça c’est clair et ils le disent. TM c’est vachement attendu au niveau des jeunes. Alors après il y a des choses qui font qu’il y a des petits décalages qui s’opèrent parce que la programmation est pas suffisamment adaptée au public jeune enfin bon, mais ce qui est sûr c’est qu’il y a une appropriation du lieu à ce moment-là, c’est clair" (C. P, 2001). Au niveau de la diffusion des billets, les réseaux des comités d'entreprises, du CID, de la FAL permettent au public d’accéder à une tarification à bas prix. Seules 15 % des places sont vendues par des opérateurs de type FNAC, Leclerc. On retrouve dans les deux festivals un tissu associatif, il n’est pas tout à fait le même, seules les associations communautaires, notamment les moins militantes vont dans les deux. Ce qui distingue ces manifestations, c’est la motivation qui préside à la programmation, l’objet de Musiques sur l’Ile ce n’est pas le lien social, ce n’est pas l’expression des associations, c’est la découverte musicale. Alors que pour Tissé Métisse, la programmation musicale est le moyen de faire venir des publics et de donner à voir une activité militante. De fait, les subventions accordées rendent compte de ces logiques différentes, Tissé Métisse se situe à la croisée des domaines culturel et social, Musiques sur l’Ile se positionne sur le seul registre culturel.

IV - LIEUX FESTIVALIERS

Plusieurs événements culturels nantais se sont inscrits dans un projet de requalification urbaine de lieux ou d'espaces. Les anciens emblèmes économiques de la ville doivent retrouver vie aux travers d'activités tertiaires et de manifestations culturelles. Il en ainsi pour Les Rendez-vous de l'Erdre qui ont permis la revalorisation des bords de l'Erdre, ou pour les Allumées et fin de siècle qui ont contribué à la réhabilitation de l’usine LU et à la découverte du quartier de la Madeleine dans lequel s'inscrit cet élèment du patrimoine industriel nantais. Bien évidemment, les événements ne font pas tout, transferts d’activités, constructions d’immeubles de bureaux, ou d’habitation jouent fortement sur les

25 requalifications. Le transfert du festival Musiques sur l'Ile va aussi en ce sens, passé du Château aux bords de Loire à la pointe de l'Ile Sainte Anne dans ce que J.M. Ayrault qualifie de ville du 3e millénaire : "La construction de la ville du XXIe siècle se fera là" (l’Express - 6 mai 1996). D'autre part, et c’est paradoxal, on est forcé de constater que les lieux des événements culturels sont de plus en plus clos (cf carte des festivals) . L'unité de lieu devient importante à mesure que les années passent tant pour les structures qui ont toujours ainsi pensé l’organisation d’un festival : Musiques sur l'Ile, Folles Journées, Tissé Métisse, que pour celles qui ont fonctionné sur un ensemble de lieux, comme le CRDC qui désormais privilégie le lieu structurant, polarisant. Les espaces industrialo portuaires ont été délaissés par le CRDC : les contraintes sont évidemment plus pesantes tant en qualité de sonorisation que parce que des installations éphémères, sont nécessaires pour abriter les spectateurs.

1. Evolution des lieux des festivals

Les deux festivals ont pour particularité de se dérouler en des lieux clos, l’un totalement fermé au regard extérieur, la Cité des Congrès, l’autre juste enclos de grilles. De fait, cette caractéristique retentit fortement sur l’absence d’ambiance urbaine, si ce n’est en début de soirée pour Tissé Métisse, où la circulation est un peu accentuée et où, sur le parvis de la Cité des Congrès, les gens se retrouvent, rien ne se déroule dans l’espace public. D’autre part, il n’y a pas de signalétique particulière, seul l’affichage permanent le mois précédant l’événement rend compte de sa tenue dans la ville. On ne peut donc parler de transfiguration de la ville par ces événements, les Rendez-vous de l’Erdre, le festival des Trois Continents, du fait des allées et venues des cinéastes, de la présence des banderoles, les Allumées plus encore marquent, ou ont marqué, bien plus l’espace public et l’animation urbaine. Tissé Métisse, les festivals d’été, de Science fiction ou les Folles Journées parce qu’ils se déroulent en lieux clos, dans des espaces sans liens avec leur environnement : il y a peu de bars et de restaurants tout autour de l’Ile Ste Anne et de la Cité des Congrès, marquent peu l’espace urbain. Seuls les quotidiens locaux voire les chaînes de télévision rendent compte de ces événements et les rendent visibles via l’espace médiatique, ainsi que la présence à la FNAC des musiciens venus à Musiques sur l’Ile. À

26 noter dans les années 80, 90 et même en 2000 que ce festival présentait des déambulatoires dans le centre-ville, du Cours des 50 otages à la place Graslin. Ceux-ci sont tout de même devenus rares au cours des temps et ils ne marquent pas le centre-ville avec autant d'ampleur que le Carnaval par exemple. Il en est de même quant à la présence du festival dans les "quartiers", entendons là quelques quartiers marqués par l'habitat social, celle-ci se raréfie au cours des temps. 1.1 Le festival d’été : du Château à l'Ile Il investissait la cour du Château où se déroulaient les spectacles payants et les douves accueillaient les associations dites communautaires autour desquelles la foule se pressait pour des animations musicales improvisées (percussions) ou pour manger et boire des produits plus ou moins exotiques. En cours de soirée, cette foule pouvaient se disperser dans les restaurants et cafés des quartiers voisins du Bouffay et de l’île Feydeau. Les douves étaient surpeuplées notamment les soirées des vendredi et samedi depuis quelques années, tandis que la structure du festival ne profitait ni de la venue de cette population lors des concerts, ni des retombées des ventes des associations. Si l’on ajoute à cela, les problèmes de sécurité générés par la foule et les travaux lourds de réhabilitation du Château, on comprend que la municipalité ait désiré un nouvel emplacement pour le festival. Les vœux de Bertrand Delaporte directeur du festival allaient vers le cours St Pierre, contigu au Château et au siège du festival. Le Maire en a décidé autrement, lui faisant la proposition de s’installer sur l’Ile Sainte-Anne, face aux quais de la Fosse, ancien lieu de prospérité des armateurs, sur le site des anciens Chantiers navals Dubigeon. Le lieu correspond à une friche industrielle, vierge de construction. Ne subsistent que la grande cale de lancement des navires et l’ancien bâtiment de direction, actuellement occupé par des associations et par l’Université permanente. Tout cela voisinant pêle-mêle avec des hangars de tôle ondulé, abandonnés ou occupés par des activités telle La Trocante, dans le même îlot, tandis qu’en face, on trouve un blockhaus, quelques bâtiments administratifs, un café, un hangar de meubles coloniaux et exotiques : ce bric-à-brac paysager demeure, à ce jour encore, peu avenant. La municipalité, du fait des nombreuses plaintes de riverains souhaitait visiblement conserver, le moins possible, des animations urbaines tout autour du Château et sur le cours St Pierre. Il ne s’agit pas d’un cas unique puisque beaucoup de municipalités en France souhaite le départ d’activités “ nuisantes ” en termes de bruit. Ce déplacement du

27 festival est donc à relier à une volonté d’évacuation du bruit dans la ville centre mais aussi à la volonté de mise en valeur d’une friche urbaine, dans un espace vierge aujourd’hui de constructions. Le projet de mise en valeur de l’Ile Sainte Anne est un vieux projet, mais son aménagement se fait encore au coup par coup. L'île de Nantes fut présentée comme l'un des enjeux dès les élections de 1995, c'est là que J.M. Ayrault projette le futur cœur de l’agglomération Nantes Saint-Nazaire. Le Palais de Justice signé Jean Nouvel (ouverture juin 2000), la Maison des syndicats dans l’ancienne gare de l’Etat (2001), le projet Chemetoff-Berthomieu retenu quant à la valorisation générale de l'espace sont autant de signes de cette attention. Le déplacement vers l’Ile Sainte-Anne, désormais dénommée Ile de Nantes, a donc été accepté par B. Delaporte et par les membres du conseil d'administration du festival, visiblement ravis de l’offre tout en sachant qu’il s’agissait d’un cadeau empoisonné puisque les répercussions quant à l’organisation et à l’attraction du public pouvaient modifier considérablement la donne. D’où la négociation menée sans problèmes avec le

Maire afin que la dotation du festival soit augmentée : "Sur l'île Sainte-Anne, moi j'avais négocié avec le maire directement, qu'il augmente un peu le budget parce que je veux dire, il y a des implantations de chapiteaux, des implantations pour fermer le site etc. qui font que c'est encore pire qu'au château. Déjà au château, il fallait tout amener, mais là en plus sur place, il faut presque amener le château en plus avec nous, c'est dire qu'il y a rien là-bas, c'est heu... c'est le désert quoi. Alors est-ce que... est ce que dans l'avenir les choses vont bouger, ça heu... l'avenir nous le dira". (...) "Moi il y a quatre ans, (…) J'avais émis deux conditions : la première c'était effectivement une augmentation de budget, ça a été négocié en trois minutes hein auprès du maire heu... ce qui prouve que c'était... je pense le désir de la mairie de déplacer le festival vers l'île Sainte-Anne était un vrai désir parce que quand on lui explique que ça va payer plus cher, il dit oui heu... combien et il paye. Heu moi je crois beaucoup aux réponses budgétaires sur les projets. Je crois que c'est toujours un signe de... c'est toujours un signe de l'intérêt ou du désintérêt. (…) et la deuxième condition c'était une convention c'est-à-dire que je voulais que on précise bien que pour trois ans on avait heu... on pouvait travailler sur une optique de trois ans quoi" (B. Delaporte, 2001). La formule du festival a alors quelque peu changé, non pas dans la programmation mais dans l’intégration des stands associatifs de restauration ou d’artisanat au sein même de l’enceinte. L’ensemble s’insère dans un espace clos de grillages, les lieux de spectacles correspondent à des tentes blanches. Les têtes d’affiche du festival se produisant les deux premières années autour de la grande cale avec pour toile de fond la vue sur la Loire. Toutefois la troisième année, les têtes d’affiche se produiront sous une tente plus grande tandis que la cale sera utilisée pour des spectacles aux artistes moins réputés. Aux côtés de

28 ces espaces où se déroule la programmation, se tient un “ village ”, dont les maisons (toiles de tentes toujours) se côtoient, séparées par un vaste espace bâché où sont alignés des bancs en bois. L’ensemble lors de l’édition 2000 n’était pas aménagé, bien des gens ont estimé que cela ressemblait à une kermesse. D’autre part, l’espace où se tenait le festival, considéré comme hors la ville par les Nantais ne voisine pas du tout avec des restaurants et bars, ceux qui font face au site, de l’autre côté de la Loire étaient tous fermés. Du fait de la conception même du festival, il n’y a pas de parcours de lieux, si ce n’est l’arrivée de parkings quasi sauvages (places non marquées, sol non imperméabilisé) et mal signalés, jusqu’aux barrières et guichets (ressemblant à des baraques de chantier) et aux toiles de tente du festival. Les deux premières années, on se trouve dans une friche urbaine couverte de sable, très ventée, soit un environnement anciennement industriel, actuellement commercial, désert la nuit, et pour tout dire assez glauque. Aucun traitement urbain de cet espace n'a été mené. Les bords de Loire présentent un panorama intéressant, mais le lieu n'est pas relié à la ville, le pont Anne de Bretagne assez long constitue une séparation suffisamment forte. On ne retrouve pas la symbiose entre lieu festivalier et quartier urbain de centre-ville qui mettait en lien le Château, les Douves et le quartier du Bouffay, quartier de forte concentration de restaurants et de cafés dont la contiguïté permettait la création d'une ambiance urbaine très forte. La troisième année quelques aménagements ont été réalisés sur les quais (rambardes, consolidation, goudronnage) et l’intervention d’une scénographe pour la mise en valeur du lieu a considérablement amélioré le site même du festival. Les parkings par contre et l’arrivée sur le lieu n’ont pas été modifiés.

29 Document 5 : Les lieux du festival Musiques sur l'Ile en 2000

Photo n°1 : L'ancien bâtiment de direction des Chantiers Navals qui abrite aujourd'hui l'Université Permanente et des associations, se situe en toile de fond du festival. Des expositions y étaient organisées mais le public n'a pas fait le lien avec le festival. Il faut dire que les grilles et les algecos marquaient une rupture très nette.

Photos n°2, 3, 4 et 5 : le "village" et ses déclinaisons, ventes de vêtements et accessoires exotiques, expositions. Les festivaliers déambulent entre les tentes sur un sol de sable et s'arrêtent dans l'espace consacré à la restauration exotique. Document 6 : Les lieux du festival Musiques sur l'Ile en 2001

Photo n°1 et 2 : Installations permanentes sur le site, les traces du passé portuaire : la grue et la grande cale aux côtés des tentes, installations provisoires. La grande cale en 2001 n'offrait plus en toile de fond le paysage de la Loire mais s'ouvrait en direction du Bâtiment des Chantiers Navals. Photo n°4 : Une installation éphémère, systématiquement présente dans les festivals, le Magic Mirror situé en dehors de l'enclos de Musiques sur l'Ile. En 2001 comme en 2000. Document 7 : Les bords de Loire

Le temps pluvieux en 2000 a sans doute plus encore révélé l'absence d'aménagement du lieu. Celui-ci bien que situé face au quai de la Fosse, haut lieu de l'histoire nantaise, n'était guère convivial en 2000. Les spectateurs s'attardaient peu sur un point de vue absolument pas mis en valeur. En 2001, le travail de la scénographe mais aussi les débuts de l'aménagement des quais rendaient le lieu plus agréable.

Source Ouest France 14/07/2000 1.2 Tissé Métisse : un lieu fermé mais emblématique C'est donc dans l’ancien quartier industriel et populaire Madeleine Champs de Mars, au voisinage de l'usine LU, que la Cité des Congrès est implantée. Le quartier a complétement été restructuré ces quinze dernières années, à la fois sur le plan de l'habitat, de la voirie, des constructions nouvelles. Il est de plus en plus un prolongement du centre-ville nantais. On trouve là des entreprises tertiaires, des sièges sociaux d’entreprises, des constructions haut de gamme, en particulier le long du canal St Félix. Ce qui demeure de l’Usine LU est devenu, après réhabilitation un pôle culturel qui n’est pas réservé uniquement à la culture, on y trouve un bar et un restaurant qui accueillent autant le public de la culture que les cols blancs travaillant dans le secteur. Toutes ces activités ont provoqué l’arrivée, ou la transformation de petits commerces. L’ensemble est proche de la gare et bien desservi par les transports en commun, la ligne 1 du tramway passe non loin de là. Le choix du lieu est lié au réseau constitutif de Tissé Métisse. La présence de militants, proches de la municipalité (le directeur de la communication de la Mairie qui s’occupe également de la communication de la CFDT), l'intérêt et le soutien accordés à l'événement par le Maire et l’adjoint à la culture ont autorisé l'ouverture d'un lieu emblématique, plus connu aujourd'hui pour accueillir les Folles Journées que Tissé Métisse. Il s'agit de la Cité des Congrès : "(...) l’idée est venue dans les débats en disant : “ tiens la Cité des Congrès ça peut être intéressant ”, bon, alors évidemment, lieu prestigieux avec des objectifs quand même particuliers, faire des colloques, des salons etc., ou du culturel mais du culturel cher, des artistes, et 200 francs, 250 francs la place, bon, bref, donc il se trouve qu’à cette époque une personne qui était à la communication de la mairie de Nantes connaissait bien le réseau CFDT, (...) Et donc la personne en question chargée de la communication à la Mairie de Nantes était à l’époque en liens très étroits avec les lignes de développement sur la Cité des Congrès, la communication Cité des Congrès et donc du fait relationnel l’ACENER a pu obtenir la Cité des Congrès (…) Avec l’accord quand même de la direction de la Cité des Congrès qui avait elle-même dans sa propre politique de développement, alors évidemment les colloques, le culturel, là aussi prestigieux, mais qui avait là aussi sur le fond de sa réflexion l’intention d’ouvrir ce lieu aux Nantais et aux Nantaises, que ça soit un lieu privilégié mais qui s’ouvre bien à l’ensemble des citoyens. C’était une valeur qu’ils défendaient et qu’ils défendent toujours d’ailleurs puisqu’ils ont ouvert la Cité des Congrès à de nombreuses manifestations dont TM reste la plus populaire aujourd’hui (…) Et donc l’image évidemment si on parle en termes de communication, en tout cas pour cette première manifestation de TM c’est un événement populaire impulsé par le monde du travail qui va avoir lieu et qui va avoir lieu dans un lieu très central et qui allait venir emblématique aussi de la ville de Nantes, donc la Cité des Congrès." (C. Prévaud, 2001).

34 Les organisateurs louent donc ce lieu une journée, la Mairie de Nantes leur autorise une ristourne sur le prix de la location puis en 2000, le festival paye la totalité de la location, la Mairie lui versant une subvention plus importante. Le lieu est, ce jour-là, totalement détourné de son usage habituel. Les groupes : jeunes, familles (on y vient très peu seul) s'installent à même le sol et mangent, boivent, fument sur les moquettes du premier étage : (...) "après les gens qui mangent au sol et tout, bon, bah, nous on a des équipes de nettoyage, la Cité a des équipes de nettoyage qui viennent et je peux vous assurer que la Cité 24 heures après vous diriez jamais que TM s’est passé là et pourtant ça a été la zone, c’est clair". (...) Il y a une espèce de... terrorisme sur le lieu, de détournement, oui, c’est clair, mais la Cité joue le jeu aussi, enfin... Oui, c’est un pari pour eux, du simple technicien au régisseur général, ils sont tous à fond sur TM, tous, parce que pour eux c’est la vraie fête, c’est la vraie fête, ça change de l’organisation des colloques". La restauration sur place fait que le public ne se rend pas à l’extérieur du lieu. Il faut dire que le quartier contigu est un quartier où les cafés et les restaurants sont fermés la nuit, à quelques exceptions près.

2. Que reste-t’il pendant l’année ?

La différence entre les deux événements, c’est que l’un se déroule dans un lieu fixe, non dévolu au seul accueil des manifestations culturelles, l’autre est éphémère puisque les tentes et les grillages sont démontés dès la fin de l’événement. Pourtant de l’un et de l’autre, on peut dire que, matériellement, il ne reste aucune trace. Symboliquement par contre, ils s’inscrivent dans un ensemble d’événements qui tous manifestent l’ouverture nantaise au monde. D’autre part, pour Tissé Métisse seulement, les réseaux associatifs maintiennent une activité toute l’année, pour recruter, dans les quartiers, des groupes qui se produiront sur les scènes de la Cité des Congrès.

3. Rapports aux lieux des organisateurs, liens aux lieux, logiques de lieux

Dans le cas de B. Delaporte, Nantais d’origine comme la plupart des membres du CA de Musiques sur l’Ile, les bords de Loire et le passé portuaire tourné vers l’exotisme (bien que peu glorieux mais c’est toute l’ambiguïté de la glorification du passé nantais) sont fascinants et l’idée de participer à la transformation de cet espace l’intéresse. Il accepte visiblement avec plaisir le changement de lieu : "Et je dois dire que, j'étais avec mon président de l'époque, ce jour-là, notre réaction a été immédiate. Notre réaction, ça a été putain, c'est vraiment bien, super.

35 (…) Guin nous dit “ attendez allez voir sur place ”, et moi quand je suis arrivé sur place j'ai dit “ oui c'est effectivement là qu'il faut être parce qu’il y a le symbole, il y a la Loire, il y a les anciens chantiers et il y a... ”. Bon c'est vrai que moi je suis Nantais et ces lieux peut-être me parlent plus etc., mais moi j'y crois... en tout cas j'ai envie d'y croire à cette notion de... de centralité. Et en tout cas, heu... je pense que pour un festival, le débat, le débat urbanisme heu... urbanisme, action culturelle heu... qu'on le place dans des logiques politiques heu... qu'on le place dans de simples logiques d'aménagement du territoire, il est complètement lié, je veux dire c'est évident, l'implantation d'un théâtre dans une ville, c'est la création d'un pôle, c'est la création d'une référence qui va permettre à certains d'y venir et pas à certains autres, c'est très, très, lié" (B. Delaporte, 2001). Toutefois, B. Delaporte est plus préoccupé par la programmation et par la recherche de nouveaux artistes que par la transformation du lieu, les deux premières années ont montré que transformer un lieu vierge n’était pas une opération facile à mener, sans expérience en la matière d’où le recours à une scénographe en 2001. L'adaptation du festival au lieu s'est alors nettement améliorée. Pour les organisateurs de Tissé Métisse, il y a une jubilation à occuper la Cité des Congrès parce qu’elle est un lieu emblématique de la ville sur le plan politique, elle se situe au centre, là où le pouvoir s’exerce et, vu sous l'angle des catégories sociales, c'est un lieu fréquenté par des individus dotés d'un fort capital économique et/ou culturel. Voir le lieu occupé par des catégories plus modestes marque une volonté d’intégration à la cité : l’intégration est bien évidemment au centre des préoccupations du réseau CFDT, FAL, CID.

4. Rapports du public aux lieux

Le public ne s’intéresse pas de la même façon aux lieux des deux événements. Le départ du festival d’été du Château a créé un traumatisme auprès du public. Toutefois, il y avait deux publics, celui qui ne payait pas et venait pour une fête populaire au pied d’un bâtiment symbolique, celui-là regrette l’aspect festif et s’intéresse peu à la programmation, celle-ci n’est qu’un prétexte au festif, au lien social. Ce public, venu sur l’Ile Sainte Anne n’a pas retrouvé l’ambiance passée et a sans doute vite abandonné le Festival d’été. L’autre public, payant l’entrée des spectacles dans la cour du Château a quant à lui suivi le changement de localisation, mais a regretté l’austérité du lieu et son manque d’intégration à la cité, tout en appréciant au fil des éditions le site. Ce second public par contre continue

36 à adhérer, il y a tout de même encore, à la troisième édition, 18 000 spectateurs qui, c’est la première motivation à venir, s’intéressent avant tout à la programmation musicale. De fait, les enquêtes réalisées sur le site rendent compte de cette situation, les critiques, portées à l’organisation, sont liées au fait que les premières éditions s’adaptent difficilement au lieu. Très virulentes les deux premières années, elles sont bien moins nombreuses à la 3ème édition. La difficulté du passage d’un lieu à l’autre se ressent également dans la lente adoption du nouveau nom du festival : on confondait encore Festival d’été et Musiques sur l’Ile en 2001. Ainsi, 20 % des individus lors de l’édition 2000 invoquent comme motif d’insatisfaction le site même du festival, c’est le second motif de récrimination après le système des tickets (22 %) qui consiste à acheter “ de la monnaie de singe ” laquelle permet un accès aux consommations des stands associatifs. Le fait qu’en 2000, les tarifs des consommations n’apparaissent pas clairement, la perspective de faire la queue pour obtenir des bouts de papier a exaspéré bon nombre de consommateurs et a, évidemment, eu des répercussions sur “ l’ambiance ”, autre motif d’insatisfaction (9 %). Si l’on ajoute à cela que les spectacles en dehors des têtes d’affiche étaient peu nombreux, que le sol sableux, volait au moindre coup de vent et se transformait en marigot dès qu’il pleuvait (or le festival a subi vents et pluie), on comprend mieux ces critiques. En 2001, ils ne sont plus que 5 % à trouver le site inadapté. Ce que le public reproche au site en 2000, c’est de n’être pas le Château des Ducs, mais aussi et, c’est lié, l’éloignement du coeur de la ville ainsi que l’esthétique des lieux. Ce qui explique qu’à la question “ quels sites seraient, à Nantes, appropriés à la tenue d’un festival ”, 32 % des individus interrogés aient répondu “ le Château ”, soit un monument patrimonialisé et central, viennent ensuite les bords de l’Erdre et les parcs de Nantes ou de la périphérie (respectivement 12 et 10,8 % des réponses), espaces choisis en fonction de leur esthétique. Le Cours Saint Pierre, vaste espace contigu au Château, figure en quatrième position (7,3 %) dans les choix. L’organisation des stands associatifs fut très critiquée par le public : en moins grand nombre qu’avant, plus espacés les uns des autres, leur accès était devenu payant. On retrouve les mêmes lieux en 2001, à ceci près que la part des personnes préférant le Château se réduit (23 %).

37 Le site en tant que tel, c’est-à-dire sans considération de son environnement et de son esthétique, est jugé facile d’accès (208 réponses en ce sens sur 246, en 2000, soit 80 %), le tour en est vite fait, 70 % des individus l’ont déjà effectué au moment où nous les avons interrogés, les 30 % restant se préparaient à le faire tout en jugeant qu’il n’y avait “ pas grand-chose à voir et à faire ”. Évidemment, du fait de sa petite taille et de son unicité, les spectateurs n’ont pas de mal à se repérer à l’intérieur. De manière globale, ce n’est pas le site en tant que tel qui pose problème, 174 personnes le jugent bien adapté mais ce sont plutôt son aménagement et son intégration dans la ville qui restent à construire. Nombre d’entre eux apprécient de se retrouver en bord de la Loire, bien que pluie et vents aient été au rendez-vous, face au quai de la Fosse, haut lieu du passé commercial et portuaire nantais et sur le site même des Chantiers Navals, haut lieu de la mémoire ouvrière nantaise.

Dans le cas de Tissé Métisse, le lieu comme modalité des raisons de venir au festival est évoqué, mais peu d’enquêtés l’ont choisi (8 en 1999 et 13 en 2000 sur 100 personnes interrogées à chaque édition) pour expliquer leur venue. Ce qui pourrait donner l’impression que la venue à la Cité des Congrès est anodine alors qu’elle ne l’est pas, équivalant au centre-ville, à l’ouverture du centre-ville “ aux banlieues ”. Les liens à la ville se retrouvent au travers de la question sur l’image de Nantes. Tissé Métisse cadre bien avec l’image de la ville. L’événement contribue à l’image d’une Nantes “ ville ouverte ”, 92 personnes sur 125 pensent que la ville est métissée alors que la part des étrangers n’y est que de 4,2 % (2 % dans l’agglomération) et n’a jamais dépassé, à aucun des recensements précédents, les 4 %, ce qui signifie que la population étrangère ou issue de l’immigration est faiblement représentée. Le contexte plus multiculturel que d’autres a pu influencer les réponses : Tissé Métissé est une des rares occasions où des publics peu favorisés et d’origine culturelle différentes se côtoient, (Blacks, Beurs, Blancs). La couleur de peau et les regroupements en bandes constituent la preuve visible de la diversité pour la plupart des individus présents.

V - ACTEURS : RELATIONS, RÉSEAUX

38 Les multiples entretiens tout comme la lecture de la presse locale (Ouest France, Talents 44 jusqu'en 1999), mettent en évidence d'une part, des liens entre acteurs et notamment des concurrences, des positions plus établies que d'autres quant au rôle à jouer dans le domaine de la culture, dans la mise en place de la politique culturelle et d'autre part, les orientations anciennes et nouvelles de ces politiques. Ainsi, il paraît évident, lors des entretiens et à leur lecture et relecture ultérieures, que le Maire détient une position majeure dans la politique culturelle et au sein des réseaux, ce qui ne se produit pas dans toutes les villes étudiées. Ce personnage clé entretient des liens privilégiés avec deux acteurs qui par contre n'ont pas entre eux, des liens de connivence aussi forts : Jean Blaise, directeur du CRDC et Yannick Guin, adjoint à la culture. La forte présence du Maire explique que ni les services culturels, ni l’adjoint, encore moins les autres partenaires, associations organisatrices des festivals, CRDC excepté, ne maîtrisent réellement le contenu et les perspectives données à la politique culturelle. Il n’y a pas non plus de mise en lien, de la part de la municipalité, des acteurs soutenus au titre de la politique culturelle. De fait, ceux-ci s’intègrent dans des réseaux nationaux, mais ne connaissent pas les tenants et les aboutissants des différents événements, ni même la ligne culturelle de la municipalité. Bien évidemment, des réseaux individuels d’interconnaissance existent.

1 L'importance du Maire dans la conduite de la politique culturelle

Le rôle majeur du maire nous est expliqué par B. Delaporte depuis longtemps présent dans les réseaux culturels de l'agglomération (il a travaillé au CRDC puis pour la Mairie de

Rezé avant de diriger le festival d’été) : "on a des relations tout à fait heu... tout à fait normales et cordiales avec le service culturel de la ville de Nantes. C'est plutôt heu... je dirais peut-être à contrario de certain de mes petits camarades, c'est plutôt un bon service. Je pense que le problème de ce service c'est que... il a pas les moyens de sa politique et ça c'est pas lui qui le décide. (…) En tout cas le robinet à fric c'est pas là qu'il s'ouvre, c'est pas la peine d'aller s'emmerder à la Psallette (là où sont installés les services culturels) pour demander trois francs six sous, c'est... au château qu'il faut aller". Le Château est le sobriquet donné au cabinet du maire. Il ajoute : "je pense effectivement que l'intérêt... l'intérêt d'un homme comme Ayrault c'est que je crois qu'il est profondément persuadé de... du rôle que joue la culture dans une ville. Ça je crois que... et c'est quelque chose dont il est persuadé depuis longtemps hein puisque quand il était maire de Saint-Herblain heu... il a quand même fait la Gournerie (…) Putain, mais il y a des

39 villes, il y a des maires où c'est dix fois pire que ça parce que la culture, ils comprennent rien à rien et ils ne s'intéressent à rien, en rien à la culture. Et heu... moi je préfère quand même malgré tout heu... avoir affaire à un type comme Ayrault heu... qu'à un élu qui heu... pour qui les trucs de théâtre c'est des trucs qui coûtent des sous (…) ” Les liens forts du Maire à Jean Blaise et la politique elle-même ont été très critiqués, à la fin des années 1990, par l'ancien directeur du développement culturel ou par les directeurs du festival des Trois Continents. Les critiques étaient également présentes lors de la dernière campagne des Municipales (2001) : "certains reprochent à l'actuelle politique culturelle de privilégier les dinosaures" (Ouest-France, 2 mars 2001). La profession culturelle s'exprime pourtant assez rarement et fonctionne comme nous l'explique B. Delaporte dans des réseaux verticaux (nationaux ou internationaux) et très peu dans des réseaux locaux. Il n'y a pas de mise en lien des différents porteurs de structure culturelle, ni de prise de parole dans l'espace public de ceux-ci : "un problème c'est que... les seuls commentaires qu'on a finalement sur la ville c'est la presse. Qui s'exprime sur la ville ? La presse. La profession... culturelle... Motus et bouche cousue. Et on se doute, on se doute à peu près pourquoi, quoi que, on pourrait l'analyser. (I.G. : il y a Blaise qui parle...). Non mais Blaise il parle pas il fait le singe. Non, Blaise, il fait le singe, il parle pas. Il a pas de discours, Jean, il a pas de discours sur la ville, original, il raconte à un moment donné il dit que c'est beau que c'est bien d'abord je suis... c'est moi le plus beau donc ce que je dis c'est vrai. Si on analyse rapidement son discours, heu en plus, éventuellement dés qu'il va un plus profond dans l'analyse, il dit tout et son contraire parce que... (I.G. : mais c'est le seul interlocuteur culturel qu'on voit dans la presse) . Oui. (V. F. : il y a René Martin...). Oui un peu ”.(B. Delaporte, 2001)

2. L’investissement de réseaux nationaux

Les relations entre acteurs de la vie culturelle ne sont donc pas organisées localement, bien qu'il y ait eu des réunions en 1995 : “ (...) Ben, non seulement il y a aucune instance (…) Je dirais, officielle, qui pourrait... il en avait été question à un moment d'ailleurs mais on pourrait penser par exemple que la ville une fois par an ou tous les deux ans crée les assises de la culture. (...) Il pourrait y avoir des discussions, ça, ça existe pas et la profession, elle même ne s'est jamais dotée de ce genre de... c'est-à-dire que la profession heu la profession sur Nantes elle est organisée heu... elle est assez organisée, c'est assez rigolo parce que Nantes, c'est une ville de directeurs et de présidents. X, il est président de la fédération des petites scènes de jazz, heu... moi-même heu... je suis donc président de cette association Zone Franche, Eric Boistard de l'Olympic est quand même vice-président de la fée du Rock heu... qu'est-ce qu'il y a encore ? Je me souviens, une fois, c'était rigolo, parce qu'on s'est retrouvé à une réunion à Paris, il n'y avait quasiment que des Nantais, c'était assez étonnant, il n'y avait qu'à faire une réunion à Nantes (...). Mais le

40 paradoxe, c'est que tous ces gens-là qui sont très organisés, je dirais dans une certaine verticalité, en fait, heu... au niveau horizontal au niveau local heu... ça arrive parfois qu'il y ait des rencontres informelles etc., mais je veux dire par exemple... les problèmes heu... je mets de côté les problèmes de la scène nationale mais heu... quand, par exemple, Trempolino a subi une crise terrible... financièrement... il y a pas eu... c'est pas l'objet d'un débat dans la profession, la profession est pas heu... Non seulement elle est pas mobilisée, mais elle est même pas interrogée. (...) D'où, effectivement ,je crois à un moment donné aussi heu... une fuite vers la verticalité hein. Je parle pas de toutes les casquettes de Boninn parce que Bonnin lui c'est lui qui les cumule... ” (B. Delaporte 2001).

De fait, les liens existants font se rencontrer: "Alors tous les ans on a un bilan, tous les ans on fait une réunion-bilan avec les services culturels de la ville. Moi en général, je rencontre le maire, on discute un peu de ce qui s'est passé et de ce qu'il faut faire de... etc" (B Delaporte, 2001). En dehors des relations officielles de bilan et d'orientation, entre le Directeur et le Président du festival, Y. Guin et le personnel de la DDC, les réseaux sont affinitaires fondés sur la sphère associative militante pour l'ACENER, sur la sphère musicale, avec Trempolino ou les Escales de Saint-Nazaire, pour le directeur de Musiques sur l'Ile.

3. La place des deux festivals dans la politique culturelle nantaise

La politique culturelle municipale telle que posée depuis les années 1990 et accentuée depuis 1995 va dans le sens d'une prédilection donnée aux grands événements très médiatisés que furent les Allumées, que sont aujourd'hui les Folles Journées. Face à cela, le soutien au Festival d'été et à Tissé Métisse est moins important, ce que nous montrent le directeur des services culturels et la chargée de mission sur les publics nouvellement nommée au moment de l'entretien. Jean-Louis Bonnin démarre l'entretien en exprimant sa surprise : "Alors par contre, là où je suis surpris, c’est que vous ayez choisi le festival d’été. (Q : Pourquoi ?). Autant Rennes, tout de suite on pense Transmusicales et Tombées de la Nuit comme les deux manifestations les plus importantes, autant, je ne suis pas sûr que le festival d’été ou Tissé Métisse, bon... Il ajoute un peu plus tard "c’est pas par hasard si on a pris le théâtre Royal de Luxe à Nantes et ça c’est cent fois plus significatif que toute analyse que l’on pourrait faire sur le Festival d’été dont nous pensons qu’il doit se régénérer, se réorganiser au travers d’une conception autre sur la métropole entre Nantes et Saint-Nazaire. Vous voyez... Si vous faites votre étude sur le festival d’été, à la limite on s’en ... pour nous c’est...".

41 Bertrand Delaporte lui-même met en relief la position de deuxième rang de son festival

"Ben moi je pense d'abord qu'il y a eu heu... je crois qu'il y a des choix qui sont... il y a des choix qui ont été faits par la ville de Nantes. (…) Et ça je veux dire personne peut les nier parce qu'il y a une traduction budgétaire évidente heu qui fait que le festival heu... qui peut-être en 89 se trouvait encore dans les premiers plans, va passer de fait au second plan. Je veux dire ça se traduit heu... c'est ce que j'ai toujours expliqué moi à Yannick Guin, ne me dites pas que c'est une opération importante pour la ville à partir du moment où t'as un million cinq et que tu donnes à d'autres heu... cinq fois plus, dix fois plus etc. Ça c'est... moi c'est des choix que, entre guillemets, je peux les commenter en tant que... C'est vrai que moi je fais la gueule quand le CRDC ramasse deux millions de plus. Mais je veux dire en tant que tel, j'ai pas à les commenter je veux dire le choix des politiques, bon un élu... une politique ça se traduit par des choix budgétaires, s'ils le font c'est qu'ils ont des raisons de le faire et c'est à eux d'expliquer après à leurs électeurs pourquoi, comment etc. Mais il n'en demeure pas moins que oui, le poids du festival a sérieusement heu... a sérieusement diminué dans la politique heu... dans l'investissement politique de la ville de Nantes, ça c'est clair, hein. (…)". La politique culturelle nantaise est clairement définie par les deux responsables du service culturel comme une politique qui vise au positionnement de Nantes dans la concurrence des villes européennes, à la recherche de crédits européens, c'est dans cette visée que le rapprochement de Nantes et de Saint-Nazaire doit se faire afin que les deux communes fusionnent dans une même métropole. Du coup, l'activité culturelle doit, ou s'internationaliser, ou valoriser le rapprochement métropolitain pour obtenir un soutien marqué. Tels sont les propos tenus par J.L. Bonnin : "(…) Comment impliquer la relation Nantes Saint-Nazaire, qui est un projet politique, comment le rendre réel en termes économiques et culturels, ça c’est des vraies réalités. (...) C’est un projet politique de territoire. C’est comment on affirme que l’on puisse devenir dans les dix ans qui viennent une des métropoles de l’Ouest en Europe et donc pour nous c’est beaucoup plus intéressant de se positionner sur comment nos festivals vont intégrer l’idée de l’Europe, rentrer dans des financements européens, comment ils vont travailler avec d’autres villes européennes et un jumelage que l’on est en train de constituer avec Lisbonne, Bilbao, Glasgow, Anvers etc ? (…) On a choisi des villes portuaires qui sont sur l’Atlantique, ça c’est la ville en tant que telle. Après, ces villes et ces jumelages, on les fait pas par hasard, on prend Lisbonne parce qu’à Lisbonne il y a les Folles Journées, parce qu’on a monté un DESS - La Rochelle Nantes et Bordeaux qui va créer un DESS sur les politiques culturelles de ville à Lisbonne, qui sera jumelé avec nous, parce qu’à Lisbonne on va faire des échanges d’expo et on va faire un travail sur le patrimoine. Avec Bilbao, parce qu’il y a un travail précis par rapport au musée. Vous voyez. Glasgow parce que c’est des villes avec lesquelles plusieurs artistes plasticiens travaillent depuis deux trois ans".

42 Dans cette optique politique, plusieurs festivals font l'objet d'une critique dans leur conception : le festival Musiques sur l'Ile ou celui des Trois Continents. Le second paraissant encore pouvoir se maintenir dans la politique culturelle. "Je pense que le festival depuis un certain temps est arrivé à un nœud de son histoire, il va devoir s’interroger sur son image. (…) Ce festival-là a un aspect conjoncturel qui va lui imposer de réfléchir sur son image. Il n’est pas sur une thématique un peu universelle. Bon, les Trois Continents, on peut penser que ça va durer (...)" (D. David, chargée de mission sur les publics, 2001) Tissé Métisse qui n'entre pas plus dans le cadre de ces réseaux internationaux et dans une politique de notoriété est soutenu du fait du lien entretenu avec les quartiers d'habitat social, de son inscription dans un projet social : "Et le projet de Tissé Métisse rentre là. Dans cette deuxième partie particulièrement. C’est un contact avec les quartiers, que l’on veut développer à l’année avec les gens de l’ACENER, c’est pas simplement Tissé Métisse pendant une semaine, c’est comment on prolonge ce travail toute l’année, on prépare. C’est le point de l’iceberg qui est visible, mais pour nous, ce point visible n’a d’intérêt, il ne peut tenir que parce qu’il y a un travail de fond." (D. David, chargée de mission sur les publics, 2001)

Les discours sont parfois contradictoires, ainsi Les Folles Journées sont présentées comme exemplaires et citées à plusieurs reprises dans l'entretien ("Pourquoi n'avez-vous pas étudié Les Folles Journées ?") par l'un et l'autre des interlocuteurs de la Mairie, la diffusion du concept à

Lisbonne est rappelée et pourtant J.L Bonnin ne dit-il pas à un moment : "Moi je pense qu’un festival qui a lieu là, si on est capable de dire, demain on le fait dans une autre ville, c’est que le concept du festival, il ne doit pas être très bon. C'est-à-dire que ce festival n’est pas suffisamment inséré et issu d’une vraie réflexion dans la population, dans le territoire etc". De toute évidence, il oublie les Folles Journées et réserve ses propos aux festivals de World Music (du type Musiques sur l'Ile) qui se sont multipliés en France ces dix dernières années et qui ne lui semblent plus du tout innovants. Le discours d’Y Guin diffère, qui estime que Tissé Métisse et le festival Musiques sur l'Ile méritent un soutien dans la mesure où ils font le lien entre les cultures et qu'ils valorisent la figure de l'étranger. Discours qui s'inscrit en droite ligne avec le positionnement sur la culture, présent au sein de la municipalité des années 1989 à 2000. Toutefois, et c'est Cyril Prévaud de l'ACENER qui nous le relate, lui aussi cherche à inscrire Tissé Métisse dans des actions en réseaux, proposant aux organisateurs de s'essayer à transposer l'événement dans d'autres villes : "(…) Yannick Guin a toujours soutenu TM alors avec plus au moins de force. Parce

43 qu’il y a toujours une ambiguïté dans le discours en disant : “ TM vous existez à part entière, mais il y a la question de la récupération, "comment la mairie de Nantes peut s’approprier cet événement aussi " et par exemple cette question est symbolisée par le fait que Yannick Guin nous avait demandé à plusieurs reprises, alors au titre de l’adjoint de la culture à la mairie de Nantes mais aussi au titre du président de l’association des adjoints de la culture en disant que le projet TM ne pourrait pas se conduire dans d’autres villes, en disant que ça serait bien que ça se développe au niveau national et nous, on n’a jamais fait un effort ou, en tout cas on a pas abordé la question dans ce sens-là, en disant bon : TM c’est un produit local avec une réalité locale et il est extrêmement difficile de reconduire un événement de ce type-là dans d’autres grandes villes".

En résumé, on peut dire que la maîtrise de la politique culturelle n'est pas totale pour ceux qui y sont le plus impliqués : adjoint et directeurs des services, du fait sans doute de la place du Maire en ce domaine. D'où des rivalités qui ressortent, d'où la difficulté aussi d'expliciter et de mettre en lien les choix politiques pour l'adjoint et les services. Quant aux objectifs de cette politique, ils visent de plus en plus à faire entrer la ville dans la cour des capitales européennes via la culture, les projets se portent vers les jumelages avec des capitales européennes plutôt que vers les pays du Sud comme ce fut le cas auparavant. Or, bien des manifestations nantaises ne s'inscrivent pas du tout dans cette optique, oscillant plus ou moins fortement entre programmation culturelle et animation sociale voire action sociale. De ces événements-là, la DDC ne retient que Tissé Métisse, soit le versus action sociale plutôt que la programmation culturelle, type musique du monde, ou cinéma du monde, assez présente à Nantes, mais désormais jugées par eux "has been". Or ces événements sont ceux qui sont les plus populaires auprès des Nantais, du fait de leur faible coût et de leur accessibilité culturelle. Peut-on faire l'hypothèse que ces événements seront sacrifiés dans les années qui viennent ? Ou bien le tiraillement des choix au sein de la municipalité (Maire, adjoint à la culture, voire adjoint aux relations internationales) et des services administratifs de la culture permettra-t-il à ces événements de se maintenir ? Bien qu'ils tiennent parfois plus de l'animation urbaine que la culture, ils offrent une programmation culturelle, sont peu onéreux pour le public et du coup fidélisent les Nantais et habitants de l'agglomération nantaise, tout en attirant chaque année des spectateurs nouveaux. Enfin, il faut noter qu'à aucun moment, nos interlocuteurs, directeurs de festival, élus, directeur du développement culturel n'ont fait mention de l'offre, ni même de coopérations

44 possibles à l'échelle de la communauté urbaine. Or, Saint-Herblain, ou Saint Sébastien développent des festivals. Les liens entre les politiques culturelles ne sont pensés qu'entre Nantes et des agglomérations bien plus importantes qu'elle, Glasgow, Lisbonne etc, ou encore entre Nantes et Saint-Nazaire, dans un projet métropolitain culturel fort récent. La proximité immédiate de festivals en banlieue par contre ne fait pas l'objet de velléités de rapprochement.

VI - PUBLICS

1. Les enquêtes réalisées à Musiques sur l’Ile

1.1 Qui est le public de Musiques sur l’Ile ? Le public de Musiques sur l’Ile interrogé réside majoritairement dans la localité. Il est Nantais pour plus de 50 % et à 88 % issu du département de la Loire-Atlantique en 2000. Les quelques individus des Pays de la Loire interrogés viennent de la Vendée ou du Maine-et-Loire, ceux-là font l’aller-retour dans la soirée, ils connaissent déjà la ville de Nantes. La volonté d’attraction touristique qui avait été celle de ce festival n'a donc pas porté ses fruits. C’est un public fidèle, les 2/3 sont déjà venus à des éditions précédentes du festival (ils ne sont que 50 % à Tissé Métissé). 60 % viennent un seul soir, 20 % deux soirs. Les tranches d’âges les plus représentées se trouvent chez les 25-34 ans, mais le public est constitué pour moitié des 25-44 ans (51 %). Les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes (54,8 contre 45,2), les enquêtrices étaient toutes des femmes en 2000, ceci explique peut-être cela. Cadres et professions intermédiaires (rassemblés), employés et étudiants figurent parmi les PCS les plus représentées (34,4, 25,1, 20,1), les enseignants en particulier sont nombreux. Les individus viennent plutôt entre amis (44 %), en famille (22,4 %), en couple (20,1 %) plutôt que seuls. 1.2 Les motivations et les pratiques festivalières des visiteurs À la question “ que venez vous chercher dans ce festival ? ”, le public invoque les animations (92 réponses, 35 %), la programmation (53 réponses) ou encore l’ambiance (52 réponses), le dépaysement (40), la découverte (60). Il en ressort que l’attraction festivalière ne repose pas sur la seule affiche musicale mais que les festivaliers recherchent autant une

45 participation à un spectacle, hors des salles de programmation habituelle (et à un prix différent) qu’une occasion de sortie ou encore qu’une occasion d’entrer en contact avec les autres, du lien social en d’autres mots. On comprend qu’au terme “ festival ” soit associés ceux de “ fête ”, “ animation ”, “ ambiance ”. Pourtant, l’affluence sur le site est surtout liée à la programmation. Lors de deux soirées, mercredi et samedi, la très grande partie du public interrogé affirme n’être venue que pour les têtes d’affiches, Cesaria Evora et Christina Branco en 2000, , Kassav et Massilia Sound System en 2001. Ce public-là est satisfait du festival puisqu’il offre un prix réduit pour voir des spectacles habituellement d’un coût plus élevé. Par contre les mécontents comportent des personnes venues par tradition, par fidélité à l’ancien festival, celui se déroulant au Château, venues pour la fête populaire, celle que l’on trouvait dans les douves plutôt que pour les spectacles. Ces personnes-là sont d’extraction plus populaire que les premières.

1.3 Rapport ville festival D’autre part, le public estime, malgré les critiques, que le festival est plutôt bien intégré dans la ville (61 %), il est connu de tous et jusque-là plutôt populaire. Il s’accorde bien à l’image de la ville. Il met en valeur l’ailleurs, le voyage, tous deux éléments forts de la communication municipale. Les 23,6 % des individus qui ne le trouvent pas “ bien intégré ” et les 15,8 % qui s’interrogent sont les plus critiques sur le déplacement du festival vers un nouveau site. Le festival d’été fait partie avec Les rendez vous de l’Erdre des événements où les individus se rendent le plus souvent. 50 % des individus interrogés se rendent aux rendez vous de l’Erdre au mois de septembre contre 20 pour le festival des Trois Continents et 13,5 % pour les Folles Journées. À noter que 25% des individus interrogés ne se sont jamais rendus dans aucun autre festival nantais et que 65 % des individus n'ont jamais participé à des festivals extérieurs à Nantes.

46 2 Les enquêtes réalisées à Tissé Métisse

2.1 Le public de Tissé Métisse En 2000, le public de Tissé Métissé vient de l’agglomération nantaise à 70 % (86 personnes sur 125), du département de Loire-Atlantique à 85 % (106/125). Il faut noter que les 5 individus venus d’autres départements et les 5 autres, venus de l’étranger sont étudiants à Nantes. La formulation de la question "d’où venez-vous ?" fait qu’ils ont répondu en fonction de leurs attaches à leur pays ou région d’origine. Quant aux 6 individus des Pays de la Loire, ils viennent des départements proches, Maine-et-Loire et Vendée. Le public se répartit très également en une moitié primo arrivante (60 individus), une autre (65) déjà venue à Tissé Métissé, un tiers de ces derniers n’est qu’à sa deuxième édition du festival tandis que la moitié est venue plusieurs années (3, 4 ou 5 fois). Moins d’une personne sur 10 a suivi l’événement depuis ses débuts. La majorité du public est jeune, ainsi 50 personnes sur 125 ont moins de 25 ans, 78 sur 125 ont moins de 34 ans. À l’opposé, on ne compte que 2 personnes de 55 ans et plus. Si les tranches d’age les plus jeunes sont fortement représentées, cela tient sans doute à la jeunesse des enquêteurs eux-mêmes (étudiants de maîtrise), mais aussi à la réalité de la soirée, les jeunes y sont très nombreux et de plus en plus présents à mesure que la soirée avance puisque les familles (enfants, parents, grands parents) quittent les lieux avant 23 heures. La part des femmes est supérieure à celle des hommes, on compte 68 femmes et 57 hommes dans l’échantillon. La forte présence de la population étudiante ou lycéenne va de pair avec la jeunesse du public. Chez les actifs, les professions intermédiaires, les cadres, les employés sont présents en des effectifs voisins (une vingtaine de personnes pour chaque catégorie) tandis que les ouvriers et les chômeurs sont très peu représentés (4 personnes). Si on les compare à la population active nantaise ou à la population active de l’agglomération, cela veut dire que vraisemblablement les cadres et professions intermédiaires sont sur représentés tandis que les employés, ouvriers et chômeurs sont sous-représentés. L'enquête 2000, réalisée par C. Blandin, étudiante en maîtrise, montre des résultats proches quant à la répartition géographique, sexuée, sociale et démographique du public.

47 Enfin Tissé Métisse n’est pas un événement où l’on vient seul mais plutôt en famille (38), en couple (31) ou avec des amis (67). De fait, l’ensemble des conjoints, enfants, amis a souvent participé aux réponses.

2.2 Les motivations et les pratiques festivalières des visiteurs Parmi les raisons de venir à Tissé Métissé, la programmation vient en premier lieu (79 réponses), suivie de l’ambiance (64), du côté militant (49), du prix (15), de la curiosité (13). À noter que le prix n’est pas donné en première réponse, c’est une raison de venir qui est signalée souvent en troisième ou quatrième position. L’aspect militant de l’événement, présenté comme une fête interculturelle, explique la tonalité des réponses, la part dans le public des individus membres d’un comité d’entreprise (22 personnes), d’une association multiculturelle (25), d’une association de défense des droits de l’homme (6) est présente en plus grand nombre que dans la population totale nantaise ou de l’agglomération. L’obtention ou l’achat du billet montre encore que 47 l’ont obtenu via un comité d’entreprise. Enfin, si la moitié (63) des individus ne savent pas qui organise la soirée, plus du tiers l’attribue aux comités d’entreprises (44), le reste se distribuant entre les associations (18) et la Mairie (11). On retrouve comme réponse à la question "Qu’est qui vous plaît à Tissé Métisse", les mêmes réponses qu’à la question "pour quelles raisons venez-vous à Tissé Métisse", c’est- à-dire le trio “ programmation, ambiance, militantisme ” mais s’ajoutent fréquemment les termes de musique (20), spectacles (13) ce qui montre que l’aspect artistique est important pour le public. Les termes de rencontre, mélange, diversité, variété ou encore mixage et métissage, tant pour désigner la programmation et les spectacles que le public “ les gens ” sont également très présents. 45 réponses tournent autour de ces mots, parmi elles, 20 évoquent directement les termes de métissage, rencontres de cultures différentes, interculturel, multiculturel. Si on leur ajoute "festival anti-raciste", "confédération autour du non-racisme" ou "aspect militant", cela manifeste indéniablement la particularité de Tissé Métissé.

2.3 Les liens festival-lieu, festival-ville Les liens à la ville se retrouvent au travers de la question sur l’image de Nantes. Tissé Métisse cadre bien avec l’image de la ville (98/125 répondants). L’événement contribue à

48 l’image d’une Nantes “ ville ouverte ”, 92 personnes sur 125 pensent que la ville est métissée. Le contexte plus multiculturel que d’autres certainement influencé les réponses. D’autre part, Tissé Métisse s’inscrit dans une série de festivals et de fêtes nantais. On distingue très nettement comme pour Musiques sur l’Ile, ceux qui assistent à des événements populaires : les rendez-vous de l’Erdre ou encore le festival d’été (63 % et 57,6 % s’y rendent respectivement), gratuits (ou aux tarifs très peu élevés), des festivals payants, ou nécessitant un capital culturel et social, le Festival des Trois Continents (25,6 %) ou encore les Folles Journées (20 %). Le prix n’est d’ailleurs peut être pas le seul élément d’explication puisque les événements plus populaires sont fondés sur des programmations musicales (jazz, musiques du monde) tandis que les autres sont dédiés au cinéma et à la musique classique. Enfin, il ne faut pas oublier qu’une personne sur cinq ne s’est jamais rendue à aucun de ces festivals et que, d’autre part, la moitié ne se déplace pas en dehors de Nantes pour se rendre à un festival. De fait, la pratique festivalière est une pratique limitée à l’espace régional de proximité. Les vieilles charrues (13), les Transmusicales (7), le festival interceltique (5) ou encore les Francofolies.(5) sont cités par un public de Tissé et Métisse fort jeune, faut-il le rappeler ? La distinction entre ce qui fait ou non un festival n’est pas claire dans l’esprit des enquêtés lesquels demandent à l’enquêteur “ ça, c’est un festival ? ”, ou encore attribuant comme synonyme de festival, le mot fête.

49 CONCLUSION

À Nantes, depuis 1989, politique culturelle et politique de communication ont souvent été associées et se sont très certainement servies réciproquement. Des liens entre les festivals ont été établis de manière à valoriser vis-à-vis de l'extérieur une cohérence en matière d'image, cohérence fondée sur l'ouverture au monde, sur le registre multiculturel, sur la diversité des genres artistiques et leur foisonnement. Cette image aujourd'hui est parfaitement intégrée, elle colle à la ville de Nantes, tant du point de vue des non Nantais que du point de vue des résidents de Nantes et de l'agglomération. La quantité de festivals participe à l'offre culturelle, elle complète celle des structures établies autour d'équipements, l'ensemble donne l'impression d'un foisonnement culturel. Le rapport aux lieux des festivals est important, les Allumées ont permis la découverte de nombreux lieux publics, privés, souvent friches industrielles et ont participé à la requalification de quelques uns de ces lieux, à l'intérêt porté à la ville. Ce corps à corps avec la ville de Nantes paraît désormais dépassé : la multiplicité des lieux, leur originalité ont disparu du paysage festivalier nantais. Désormais, c'est l'unicité qui compte : la Cité des Congrès ou l'Usine LU sont devenues des pôles de la vie festivalière et événementielle. Les contraintes de sécurité, les plaintes riveraines contre le bruit jouent fortement sur cette évolution, l'institutionnalisation des porteurs d'événement aussi. La requalification d'espaces urbains toutefois passe toujours par les festivals, c'est ainsi que Musiques sur l'Ile a été incité à s'installer sur l'Ile de Nantes. Toutefois, transformer paysagèrement un espace en friche et le requalifier dans sa vocation économique et symbolique n'est pas chose aisée, les moyens mis à disposition ont sans doute été insuffisants.

Les festivals nantais sont de nature différente, on peut dans une tentative de typologie, toujours réductrice il est vrai, distinguer ces événements par leurs dotations, leur médiatisation qui joue toujours très fortement sur le rayonnement qui leur est attribué, leurs publics. Sur le plan des dotations, il est à Nantes, comme à Rennes, et comme sans doute dans toutes les grandes villes françaises, des événements majeurs dans les dotations et d'autres moins portés par la collectivité locale. Tissé Métisse et Musiques sur l'Ile ne sont pas

50 désignés tant du point de vue des services municipaux (ou de la DRAC) que de leurs organisateurs comme des événements majeurs, mais ils ont pu l'être autrefois, tout au moins Musiques sur l'Ile. Sur le plan médiatique, ces deux événements ne sont pas au centre des préoccupations des journalistes, si ce n'est des médias locaux. Mais, là encore, ils ont fait l'objet en d'autres temps d'une médiatisation, avec le label Télérama par exemple pour Tissé Métisse au milieu des années 1990. Les Allumées autrefois, les Folles Journées, ou le festival des Trois Continents, sont bien plus au centre de l'attention médiatique désormais. Sur le plan des publics, on distingue très nettement à Nantes, selon les festivals, des segmentations sociales, générationnelles, bien plus que géographiques. Ainsi, Les Rendez- vous de l'Erdre, le festival d'été/Musiques sur l'Ile, Tissé Métisse sont des événements populaires, du fait de la gratuité pour le premier qui tend à confondre badauds et amateurs de musique, de la faible tarification et du genre culturel, Musiques du monde ou variétés, pour les deux autres. Le qualificatif de "populaire" ne désigne pas pourtant les catégories les moins aisées en termes de revenu et d'emploi : ainsi, dans les deux derniers festivals, les ouvriers sont faiblement représentés, il en est de même pour les chômeurs. Au contraire, les Allumées en leur temps, Trafics par la suite, Les Folles Journées, le festival de Musique Baroque, le festival des Trois Continents sont marqués par la présence d'un public au capital économique ou/et culturel indéniable. L'enquête de Marie Masson menée lors des Folles Journées 1998 le montre très bien, employés et ouvriers viennent à cet événement, mais ils y sont présents en des proportions très modestes eu égard à la très forte participation des enseignants et autres composantes des catégories "cadres et professions intellectuelles supérieures", "chefs d'entreprise" ou "professions intermédiaires". Les différences générationnelles sont également très nettes, les publics de Tissé Métisse ou Utopia sont jeunes (majorité de 15-24 ans), les Rendez vous de l'Erdre, Musiques sur l'Ile, les Trois Continents sont plus mélangés en termes d'âges, les Folles Journées sont marquées par un déficit des 15-24 ans et une forte présence des plus de 55 ans. Là encore, on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas de public jeune aux Folles Journées mais ce public y est sous représenté. Enfin, les origines géographiques montrent quelques différences entre les festivals, mais elles ne sont pas aussi accusées que les précédentes. Ainsi, le public de Tissé Métisse, des

51 Rendez-vous de l'Erdre, de Musiques sur l'Ile est un public d'agglomération à 85, 90%, tandis que les Folles Journées attirent des individus venus de tous les départements français, bien plus que les Allumées ne le faisaient (80% du public était issu de l'agglomération). On surestime souvent trop la capacité d'attraction des festivals, le public est local avant tout dans les métropoles françaises.

I. Garat

52

ENTRETIENS Blaise Isabelle (CRDC). Responsable de la communication, octobre 1999 Teffhaï Rida, directeur du Centre Interculturel de Documentation, structure co-responsable du festival Tissé Métissé, novembre 99 Fraslin Pascal, programmation théâtrale CRDC à l'époque, aujourd'hui en charge du festival de théâtre de rue de Saint-Sébastien (banlieue nantaise), mars 2000 Guin Yannick, adjoint à la culture, Mairie de Nantes, mars 2000 Delaporte Bertrand, Directeur du festival d’été, juin et septembre 2000, mars 2001 Morizeau Paul, agence culturelle de Saint-Herblain, février 2001 Cyril Prévaud, responsable de l'ACENER, structure porteuse de Tissé Métisse, mars 2001 Jean-Louis Bonnin, responsable de l'action culturelle et Dominique David, chargée de l’observatoire des publics à la Mairie de Nantes, mars 2001 Mme Richardeau, politique culturelle de la région Pays de la Loire, mai 2001

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55

ANNEXES

RÉSULTATS DES ENQUETES

À TISSÉ MÉTISSE ET MUSIQUES SUR L'ILE

56 Comparaisons des résultats des enquêtes de Tissé Métisse (2000), Musiques sur l'Ile (2000 et 2001)

Origine géographique du public, TM, 2000 Origine géographique du public, MI, 2000 et 2001

2000 % 2000 % 2001 % Nantes 57 45,6 Nantes 73 28,18 49 47,11 banlieue 29 23,2 banlieue 65 25,09 31 29,8 Total UU 86 68,8 Total UU 138 53,28 80 76,92 Autre commune du 20 16 Département 92 35,5 9 8,7 Pays de la Loire 6 4,8 Pays de la Loire 14 5,4 3 2,9 Bretagne 3 2,4 Bretagne 4 1,5 1 1 autres régions 5 4 Autres régions 11 4,2 11 10,6 Etranger 5 4 TOTAL 259 100 104 100 TOTAL 125 100

Part des primo arrivants au festival, TM Part des primo arrivants au festival, MI

Effectifs % 2000 % 2001 % 1ère fois 60 48 1ère fois 81 31,3 58 55,8 Plusieurs fois 65 52 Plusieurs fois 178 68,7 46 44,2 TOTAL 125 100 TOTAL 259 100 104 100 Comparaisons des résultats des enquêtes de Tissé Métisse (2000), Musiques sur l'Ile (2000 et 2001)

Raisons de venir au festival en 2000 Raisons de venir au festival en 2000 Raisons de venir au festival en 2001 TM MI MI Effectifs % Effectifs % Réponses Effectifs % programmation 54 43,2 Non réponse 0 0 Non réponse 1 ambiance 20 16 Animations 92 35,5 Qualité artistique 54 51,9 côté militant 17 13,6 découvrir 60 23,2 Convivialité, esprit festif 45 43,3 curiosité 11 8,8 Programmation 53 20,5 Tête d'affiche 20 19 Ambiance 52 20,1 Sortie 18 17,3 Seules les plus importantes modalités de Dépaysement 40 15,4 Autre 8 7,7 réponse sont reportées ici, pour TM Autres 32 12,4 Découverte 5 4,8 distraction 26 10 TOTAL 151 TOTAL / interrogés 259

Image de Nantes, TM, 2000 Image de Nantes, MI en 2000 Image de Nantes, MI en 2001

Effectifs Effectifs % Réponses Effectifs % Non réponse 2 Non réponse 1 0 Non réponse 1 oui 98 Autres 76 29,3 Autre 37 35,9 non 5 Ouverte 69 26,6 Multiculturelle, métissée 33 32,03 nsp 20 Dynamique 56 21,6 Ouverte 29 28,15 TOTAL 125 Culturelle 44 17 Dynamique 21 20,4 Portuaire 36 13,9 Accueillante 9 8,7 Diversité 34 13,1 nsp 4 3,8 Négative 21 8,1 TOTAL / int 103 Agréable 18 6,9 Pourcentages calculés sur la base des interrogés. TOTAL / interrogés 259 136,7 Plusieurs réponses possibles Répondants: 258 / Réponses: 354 Comparaisons des résultats des enquêtes de Tissé Métisse (2000), Musiques sur l'Ile (2000 et 2001)

Participation aux festivals nantais Festivals qui ont été pratiqués à Nantes Festivals qui ont été pratiqués à Nantes TM 2000 MI 2000 MI 2001

Effectifs Effectifs % Réponses Effectifs Non réponse 0 Non réponse 1 0 Non réponse 25 RV de l'Erdre 79 RV de l' Erdre 129 49,8 RDV Erdre 69 festival d'été 72 Autres 76 29,3 Tissé métisse 42 fin de siècle 37 Aucun 65 25,1 Folles Journées 30 festival des 3 continents 32 3 Continents 54 20,8 Festival St Herblain 28 aucun 28 Allumées 52 20,1 Théâtre de rue St Seb 19 folles journées 25 Fin de Siècle 52 20,1 Printemps des Arts 6 TOTAL / interrogés 125 Folles Journées 35 13,5 Autre 3 Réponses: 274. TOTAL / interrogés 259 178,8 TOTAL / int 79/104 Pourcentages calculés sur la base des interrogés. Répondants: 258 / Réponses: 463 Le public Musiques sur l'Ile 2000 et 2001

Distribution des effectifs par jour

Effectifs Effectifs 2000 % 2001 % mardi 47 18,1 mercredi 62 23,9 14 13,5 jeudi 51 19,7 18 17,3 vendredi 46 17,8 38 36,5 samedi 53 20,5 34 32,7 TOTAL 259 100 104 100

Origine géographique du public

2000 % 2001 % Nantes 138 53,3 80 76,9 dont banlieue 65 31 Département 92 35,5 9 8,7 Pays de la Loire 14 5,4 3 2,9 Bretagne 4 1,5 1 1 Autres régions 11 4,2 11 10,6 TOTAL 259 100 104 100

Part des primo arrivants au festival

2000 % 2001 % 1ère fois 81 31,3 58 55,8 Plusieurs fois 178 68,7 46 44,2 TOTAL 259 100 104 100

Répartition par âges

2000 % 2001 % -de 18 6 2,3 5 4,8 18-24 50 19,3 23 22,1 25-34 76 29,3 29 27,1 35-44 59 22,8 22 21 45-54 45 17,4 19 18 55et + 23 8,9 6 5,8 TOTAL 259 100 104 100 Répartition par sexe

2000 % 2001 % Homme 117 45,2 64 61,5 Femme 142 54,8 40 38 TOTAL 259 100 104 100

Répartition par catégories sociales

2000 % 2001 % Etudiants 52 20,1 23 22,1 Enseignants* 24 9,3 Employés 65 25,1 52 50 Artisans Comm 10 3,9 7 6,7 Cadres et PI 69 26,6 15 14,4 Ouvriers 11 4,2 4 3,8 Sans emploi 10 3,9 3 2,9 Retraités * 9 3,5 Autres* 9 3,5 TOTAL 259 100 104 100

* Attention ! Certaines catégories présentes en 2000 n'ont pas intégrées en 2001 (enseignants) ou n'ont pas été rencontrées "retraitées", "autres"

Hébergement - Question présente en 2000 uniquement

Effectifs % Non réponse 0 0 surplace 199 76,8 A/R 36 13,9 Famille 24 9,3 TOTAL 259 100 Le public et les lieux - Musiques sur l'Ile 2000 et 2001

Le repérage des nouveaux aménagements du site, en 2000 et 2001

2000 % 2001 % Non réponse 83 32 43 41,3 Oui 126 48,6 44 42,3 Non 31 12 17 16,3 NSP 19 7,3 TOTAL 259 100 104 100

Ce que pense le public des aménagements en 2001

Réponses Effectifs % Non réponse 57 54,8 TB 5 4,8 Bien 25 24 Mieux 11 10,6 Total positif 41/104 39,4 Pas Bien 5 4,8 Autre 1 1 TOTAL 104 100

En 2001, ce que pense le public du lieu où se déroule le festival

Réponses Effectifs Non réponse 80 Importance de la Loire 10 Espace 5 Disposition mieux 6 Autre 4 Organisation meilleure 3 Grand 1 TOTAL / int 29/104

Défauts du lieu, soulignés en 2001

Réponses Effectifs Non réponse 87 Préférence Château 8 Chantier 5 Préférence grande cale 4 Froid 2 organisation pas bonne 2 Autre 1 TOTAL / int 22 En 2000, festival est-il intégré dans la ville ?

Effectifs % Oui 158 61 Non 61 23,6 NSP 40 15,4 Interrogations 41 15,8 TOTAL / interrogés 259 115,8 Répondants: 259 / Réponses: 300

Image du festival, en 2000

Effectifs % Non réponse 112 0 Autres 54 20,8 Agréable 26 10 NSP 24 9,3 Rencontre 21 8,1 Ouvert 17 6,6 Découverte 10 3,9 Voyage 10 3,9 TOTAL / interrogés 259 62,5 Répondants: 147 / Réponses: 162

Le festival cadre t'il bien avec l'image de Nantes ? (2000 et 2001)

2000 % 2001 % Non réponse 0 0 1 1 oui 211 81,5 87 83,7 Non 28 10,8 9 8,7 NSP 20 7,7 7 6,7 TOTAL 259 100 104 100

Image de Nantes en 2001

Réponses Effectifs % Non réponse 1 Autre 37 35,9 Multiculturelle, métissée 33 32,03 Ouverte 29 28,15 Dynamique 21 20,4 Accueillante 9 8,7 nsp 4 3,8 TOTAL / int 103 Pourcentages calculés sur la base des interrogés. Plusieurs réponses possibles Image de Nantes en 2000

Effectifs % Non réponse 1 0 Autres 76 29,3 Ouverte 69 26,6 Dynamique 56 21,6 Culturelle 44 17 Portuaire 36 13,9 Diversité 34 13,1 Négative 21 8,1 Agréable 18 6,9 TOTAL / interrogés 259 136,7 Répondants: 258 / Réponses: 354

Le site géographique du festival est-il bien adapté ?

Effectifs % Non réponse 0 0 Oui 174 67,2 Non 68 26,3 NSP 17 6,6 TOTAL 259 100

Sites à Nantes appropriés à la tenue d'un festival, en 2000

Effectifs % Non réponse 44 0 château 83 32 Erdre 31 12 Parcs 28 10,8 cours StPierre 19 7,3 île SteAnne 16 6,2 Autre 54 20,8 NSP 53 20,5 TOTAL / interrogés 259 109,7 Répondants: 215 / Réponses: 284 Sites à Nantes appropriés à la tenue d'un festival, en 2001

Réponses Effectifs % Non réponse 8 7,7 proposition 50 48,1 nsp 46 44,2 TOTAL 104 100

Propositions de lieux Effectifs % Non réponse 52 50 Château 24 23,1 Hors de Nantes 8 7,7 Jardins publics 4 3,8 50 otages 2 1,9 Gloriette 1 1 Autre 13 12 TOTAL 52/104 100 L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

FESTIVALS

À RENNES

DEP - MINISTÈRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002 I - CONTEXTES DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE 2

1. LA DÉMOGRAPHIE 2 2. L’ÉCONOMIE 2 3. UNE VILLE UNIVERSITAIRE 3 4. LA GOUVERNANCE DE LA VILLE 3

II - LA POLITIQUE CULTURELLE RENNAISE 3

1. QUELQUES POINTS DE REPÈRE 3 2. LES ÉQUIPEMENTS CULTURELS 4 3. LE BUDGET DE LA CULTURE 5 5. LA POLITIQUE CULTURELLE RENNAISE ET LE ROCK 6

III - HISTORIQUE DES DEUX FESTIVALS INVESTIS 9

1. LES TRANSMUSICALES 9 2. LES TOMBÉES DE LA NUIT 13

IV - LES LIEUX 17

1. L’INSCRIPTION DES ÉVÉNEMENTS PENDANT LEUR DÉROULEMENT 17 2. QUE RESTE-T'IL PENDANT L’ANNÉE ? 28 3. RAPPORTS AUX LIEUX DES ORGANISATEURS 30 4. RAPPORTS AUX LIEUX DU PUBLIC 30 5. LA PÉRENNISATION “ IMMATÉRIELLE ” : LES RETOMBÉES MÉDIATIQUES 32

V - LES ACTEURS 33

1. PERSONNES –CLÉS, STATUT, PERSONNELS 33 2. LES RAPPORTS ENTRE LES FESTIVALS ET LES PARTENAIRES LOCAUX 37 3. LES RAPPORTS DE FORCE ENTRE ACTEURS LOCAUX 41

VI - PUBLICS 46

1. COMMENT LES ORGANISATEURS CERNENT LEUR PUBLIC 46 2. RÉSULTATS DES ENQUÊTES AUX TOMBÉES DE LA NUIT 46 3. RÉSULTATS DES ENQUÊTES AUX TRANSMUSICALES 47

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 49 I - CONTEXTES DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

Avec 206 229 habitants pour la ville, Rennes occupe le 12e rang national. Rennes Métropole, la communauté d'agglomération rennaise, s'étend sur 55 800 hectares et regroupe 36 communes. Sa population est de 375 569 habitants. Le Pays de Rennes regroupe 419 559 habitants et 67 communes. Il comprend la communauté d'agglomération de Rennes, les communautés de communes de Châteaugiron, du Pays d'Aubigné, du Val d'Ille, le SIVOM de Liffré et Bourgbarré.

1. La démographie Entre 1990 et 1999, l’aire urbaine de Rennes a vu sa population augmenter de 1,31 % par an, elle se hisse au 3e rang national des aires urbaines de plus de 150 000 habitants pour la croissance démographique. Prise isolément, la ville de Rennes affiche un solde migratoire négatif. En revanche, l’aire rennaise a attiré environ 19 500 personnes dont 28 % d’étudiants. Les moins de 20 ans représentent 25 % de la population ; les 60 ans et plus seulement 15 %.

2. L’économie Capitale administrative régionale, Rennes est, avant tout, un pôle administratif et de services. Les actifs sont répartis à 73,04 % dans le tertiaire, à 16,13 % dans l’industrie, à 5,78 % dans la construction et à 5,06 % dans l’agriculture. Le secteur industriel est marqué par l’automobile (l’usine Citroën de la Janais concentre environ 10 000 emplois tandis que CF Gomma, à la Barre Thomas, en conserve un peu plus de 3 000). Ouest France et les deux établissements Oberthur constituent d’autres gros pourvoyeurs d’emplois. De nombreux autres établissements de taille plus modeste sont implantés dans l’unité urbaine de Rennes et procurent à ce pays une spécialisation dans l’imprimerie-presse-édition. La fabrication des composants et équipements électroniques est un autre point fort : six établissements employant de 100 à 700 salariés étaient spécialisés dans ces activités en 1998 (Canon, Thomson, Matra, New Bridge et SETBT). La mécanique, regroupant la fabrication de machines (Mailleux, Jeantil), les équipements militaires (GIAT) et les raccords industriels (Legris), est bien implantée.

2 Enfin, les entreprises de matériaux de construction (200 salariés chez Eternit) et d’agroalimentaire (800 personnes réparties sur les trois sites de Bridel) sont également de gros employeurs.

3. Une ville universitaire Rennes s’affiche depuis le XVIIIe siècle comme une grande ville universitaire avec près de 60 000 étudiants. Cette tradition a favorisé la création, en 1984, de la technopole Atalante, centre de recherche le plus important de l’Ouest, regroupant aujourd’hui près de 3 500 chercheurs. L’Université de Rennes I regroupe 24 657 étudiants en formation initiale, 3 500 en formation continue et environ 600 enseignants. L’université de Rennes 2 Haute Bretagne regroupe quant à elle 19 411 étudiants en formation initiale, 700 en formation continue et environ 600 enseignants.

4. La gouvernance de la ville Selon Vion et Le Galès (1998), la ville de Rennes se caractérise (schématiquement) en termes de gouvernance urbaine par le poids important du local et la coopération/concurrence entre deux réseaux : le réseau de gauche autour de Edmond Hervé (Mairie/District/Université (en partie)/syndicats /mouvements associatifs) et le réseau de droite, autour de P.Méhaignerie, (patronat/CCI/Ouest-France, Université). En termes de stratégie, la politique de développement économique local se caractérise par la trilogie "Culture/Communication/Recherche et nouvelles technologies" et présente certaines similitudes avec les villes de Grenoble, Toulouse et Montpellier.

II - LA POLITIQUE CULTURELLE RENNAISE 1. Quelques points de repère - De 1953 à 1977 : Fréville (MRP), initialement allié aux socialistes, voulait promouvoir, dès les années 1950, le rayonnement culturel de sa ville dans l'espoir de stimuler son développement économique. Un "service culturel" est créé ; l'Office Socio Culturel (OSC) date aussi de cette période. Deux festivals existent déjà : le Festival International des Variétés et le Festival des Arts Traditionnels qui sera, à partir de 1983, éclipsé par les Tombées de la Nuit, puis délocalisé à Vitré où le maire n'est autre que P. Méhaignerie.

3 - 1977 : Arrivée de Edmond Hervé. L'OSC devient l'OSCR ce qui permet de mettre en place des conventions cadres directement négociées avec les associations. La DDC est également mise en place. Dès lors, suit une politique d'équipement de quartiers et de bibliothèques sur le modèle grenoblois. - 1980 : La politique de développement culturel de la ville s'appuie sur le dynamisme des acteurs locaux. C’est à cette époque qu’émergent les Transmusicales et les Tombées de la Nuit. En parallèle, 11 équipements de quartiers sont créés entre 1979 et 1990. - 1988-1989 : Ces années correspondent à la crise (financière) du système rennais, symbolisée par la faillite de la Maison de la Culture. La politique culturelle de la ville est restructurée. Un comité d'expert est réuni, sous la direction de F de Singly, et distingue deux pôles d'excellence pour la ville : le Théâtre et le Rock. À l'issue de ces conclusions, le TNB (Théâtre National de Bretagne) est créé et les Transmusicales sont restructurées en ATM-Transaction. - 1990 : Mise en chantier du NEC. - 2000 : Le Maire aurait annoncé un mandat "culturel" selon B. Macé (2001).

2. Les équipements culturels La construction d’ici 2003 du Nouvel Équipement Culturel (NEC) sur une surface de 20 000 m2 correspond au souhait affiché du député maire Edmond Hervé de renforcer le poids culturel de Rennes. Le Nouvel Équipement Culturel (Nec) ouvrira ses portes en 2003 à Rennes, on lui prête d'ores et déjà la dimension et le rayonnement d'un vrai "Beaubourg breton". À la fois musée de Bretagne, bibliothèque et centre scientifique, le NEC s'installera dans un bâtiment sur le site de l’ancienne gare routière, à mi-chemin entre la gare SNCF et le complexe commercial 3 Soleils-Colombier. Le directeur du NEC, Gilles Ribardière, un fonctionnaire proche du maire de Rennes, travaille sur le dossier depuis une bonne dizaine d'années. Le projet est ambitieux1, c'est une opération de 500 millions de francs TTC pour une surface d'exposition de 4.000 m2. La ville de Rennes en prend plus de la moitié à sa

1 L'architecte, Christian de Portzamparc, a conçu trois ensembles à la fois distincts et imbriqués. Le premier niveau accueillera le Musée de Bretagne, actuellement à l'étroit sur les quais du centre ville. La bibliothèque centrale, elle aussi à l'étroit et peu fréquentée, s'installera dans une pyramide à l'envers. Le troisième pôle : l'"Espace des sciences", lieu de diffusion de la culture scientifique et technique, conçu en partenariat avec

4 charge, l'État environ 30 %, le reste sera réparti entre le département d'Ille-et-Vilaine et la région administrative Bretagne. Le NEC vient se rajouter aux équipements de la zone sud et creuser davantage le déséquilibre culturel entre la partie sud de la ville (où se trouvent le TNB, l’UBU, le Liberté, la Criée, la Fnac, Le Colombia) et le nord, où il n’y a pas d’équipement majeur, si ce n'est la salle de la Cité, mais où se trouvent les cafés, les bars et les lieux qui concentrent les jeunes. Les équipements qui concernent plus précisément les festivals investis seront présentés plus loin. Notons pour l’instant que la ville dispose globalement de sept salles de spectacles qui permettent d’accueillir 9 725 personnes.

3. Le budget de la culture Officiellement le budget de la culture représente 10,3 % (on trouve 9,6 % dans d’autres documents) du budget total de la Ville, soit environ 230 millions de francs pour 1999. Toutefois ce chiffre est peu lisible dans les derniers documents consacrés au budget, distribués par la Ville. La culture y est souvent mêlée avec le domaine social, elle recouvre à la fois des activités strictement culturelles et des actions plus “ périphériques ”. Selon les documents de la mairie, le budget de la culture et de la vie sociale est pour 1999 de 458 millions de francs. Il se répartit entre les dépenses de fonctionnement (288 millions) et les dépenses d'investissement (170 millions). Les principaux investissements spécifiquement culturels inscrits pour l'année 1999 sont l'opéra de Rennes (22 millions de francs), le NEC (10 millions), la création de la salle du quartier de l'Arsenal (3,8 millions), la restructuration de la maison de Suède (2,7 millions) et la troisième tranche de travaux pour Le Liberté (2 millions de francs). Une quarantaine de millions au total. Pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, quatre cents fonctionnaires travaillent à la mairie exclusivement pour la culture sur les 1 500 salariés de la direction culture, éducation et sport. Quant aux subventions accordées par la Ville aux différentes institutions, la bibliothèque centrale et les treize bibliothèques de quartier absorbent 25,5 millions de francs ; les

l'université de Rennes-I, investira deux étages. Le rez-de-chaussée du NEC sera réservé à l’accueil du public et aux espaces communs (dont des salles de spectacle et de conférence)

5 différents musées de Rennes, 18 millions de francs, le conservatoire, 18 millions de francs également, l'École des beaux-arts, 13, l'opéra, 9, etc. Un autre poste concerne les subventions accordées aux multiples associations particulièrement actives à Rennes où la culture de proximité a toujours été privilégiée. Selon Jack Maignan, 60 millions de francs sont ainsi versés chaque année aux différentes associations, toutes n'ont pas une vocation strictement culturelle.

4. Les festivals Huit festivals importants ont lieu au cours de l’année : Travelling festival de cinéma sur le thème de la ville, Les Mythos, festival consacré au conte et à la parole, Les Tombées de la Nuit, festival de la création contemporaine en région, Travelling junior, festival de cinéma jeune public, Jazz à l’ouest, festival de jazz, Les Transmusicales, festival de découverte des futurs talents du rock et des musiques actuelles, Marmaille, festival jeune public (danse, marionnettes, mimes...), Mettre en scène, rencontre de metteurs en scène et de chorégraphes. À côté de ceux-ci gravitent d’autres, peut-être de moindre importance : le Grand Soufflé, autour de l’accordéon, Station électronique, autour des technologies nouvelles. Par ailleurs, de nombreux salons et foires se tiennent au Parc des Expositions de Rennes. Parmi cet ensemble de festivals, quatre sont qualifiés de “ majeurs ” par le Directeur de l’Action Culturelle : Les Transmusicales, les Tombées de la Nuit, Travelling et Mettre en Scène (Biard, 2001). Selon l’adjoint à la culture de la ville de Rennes, l’attachement de la ville aux festivals est lié à l’idée que les acteurs locaux ont de la culture et à “ l’importance (qu’ils accordent) à la notion des rencontres, de réseaux interpersonnels, comme facteur déterminant du développement culturel ” (Gabillard, 2001).

5. La politique culturelle rennaise et le rock Dès avant le premier ministère Lang, la ville de Rennes s’engage aux côtés des associations diffusant des musiques actuelles. Selon L.Zago (1995) “ l’engagement ancien de la municipalité rennaise dans le subventionnement des musiques actuelles a été largement contraint d’une part par la vitalité du milieu rock local et d’autre part par son propre discours de démocratisation culturelle ”.

6 La ville n’a pas investi assez tôt dans les salles de musiques actuelles. Le Liberté, la salle qui a plus la plus grande jauge à Rennes est une ancienne salle de sport, aménagée en salle de spectacles après coup. Selon B.Macé, les acteurs publics “ n’ont pas, dans un premier temps, tenu compte du phénomène des musiques actuelles… Depuis les années 1990 avec l’explosion des musiques électroniques, il n’y a actuellement aucun lieu en France qui a totalement intégré cette donnée-là ” (Macé, 2001). En juin 1998 l'association LE COLLECTIF (12 salariés) s'installe dans l'ancien entrepôt des laboratoires Kodak en zone industrielle de Lorient à Rennes dans un lieu rebaptisé LE JARDIN MODERNE. Celui-ci deviendra un outil destiné à satisfaire au mieux les besoins des amateurs ou professionnels des musiques actuelles, une pépinière où musiciens, organisateurs, techniciens, managers, plasticiens, vidéastes se côtoient autour de nouveaux projets. Malgré une situation géographique excentrée, près de 60 000 personnes y passent chaque année.

6. Les politiques culturelles locales vues par les acteurs interrogés Selon B. Macé, co-directrice des Transmusicales, le traitement des affaires culturelles à Rennes a essentiellement été de nature politique. “ Le bureau d’action culturelle, alias DAC, n’existe que depuis deux ans (1999). Donc, déjà, c’est excessivement symptomatique du manque de traitement des affaires culturelles dans l’administration. Pendant des années, il y a eu un directeur général, M.Ribardière qui n’a pas fait autre chose que de passer son temps avec une pompe à incendie et qui n’a jamais pu construire et qui n’en a jamais eu la volonté non plus. Politiquement, de toute manière, il s’en foutait (...) Donc, déjà, le traitement des affaires culturelles est un traitement administratif excessivement récent et donc l’accompagnement a été un accompagnement exclusivement politique, via Martial Gabillard, via Martial Rogement2 ” (...). “ En fait le traitement était uniquement un traitement politique et nettement lié aux personnes ”. (...) “ Je ne pense pas que ce soit (la culture) la tasse de thé de la mairie quoi. La dimension culturelle…alors peut-être que je suis militante culturelle un peu extrême, ou un peu extremiste... Moi, je pense qu’ils ont mis en place un système de gestion ”. Contrairement à une idée répandue, et d’ailleurs promue par les acteurs locaux, qui veut que la culture locale soit jeune et dynamique, les acteurs de la culture rennais trouvent ce

7 domaine plutôt classique et sclérosé : “ A Rennes il n’y a pas eu de traitement, je dirais, des nouvelles formes de culture. La ville de Rennes, de mon point de vue, a une politique très attentive, sur les cultures traditionnelles, le théâtre, les grandes institutions ”. (B. Macé, 2001) Si cette réalité n’est pas au bout du compte spécifique à Rennes, mais reflète plutôt la frilosité des politiques culturelles dans plusieurs villes, la spécificité de Rennes est due, toujours selon B.Macé, à la dichotomie entre culture des grandes institutions et culture populaire : “ la différence à Rennes est qu’il y a eu une politique socioculturelle très forte quoi. Une politique socioculturelle très forte… il y a d’un côté une culture académique et de l’autre une culture populaire, au sens éducation populaire et, au sens, euh, arrières pensées politiques ”. Cependant, pour la directrice administrative des Transmusicales, l’existence du DAC, depuis 1999, change un peu la donne culturelle locale : “ ça change un peu, ça commence. Le problème étant…qu’au-delà de Martial Gabillard, tout le monde s’en fout de la culture à Rennes, dans l’équipe municipale et que donc, bien, tout ce qu’on a est lié à la personnalité de M.Gabillard ”. Elle reste cependant optimiste : “ je pense que le maire a changé. Je pense que…Il y a eu une évolution de sa réflexion sur la culture quoi. Je crois qu’il avait une vision de la culture un p’tit peu, encroûtée quoi, un petit peu vieillotte ” (idem). Dans tous les cas, la culture est liée à Rennes au fait étudiant : la programmation culturelle, plus étoffée pendant l’hiver, se fait plus sporadique l’été avec le départ de ce public. “ En fait, si vous restez à Rennes vous vous embêtez (…) il ne se passe rien l’été à Rennes ” (Hamon, 2001).

La culture a été choisie comme compétence facultative de la métropole. Le NEC a été le premier dossier traité à un niveau métropolitain. Pour ce qui concerne les festivals, trois relèvent de la métropole : Travelling, les Transmusicales et Mettre en Scène.

2 L’ex-adjoint à la culture, auparavant adjoint à la finance.

8 III - HISTORIQUE DES DEUX FESTIVALS INVESTIS 1. Les Transmusicales Qu’est-ce qui prédisposait Rennes à devenir un haut lieu du rock et des musiques actuelles en France ? A priori rien : “ rien ne prédestinait Rennes, capitale tranquille, à se plonger régulièrement dans ce drôle d’état, aux antipodes d’une douce hibernation bourgeoise ” (Guillot, 1998). Comme c’est souvent le cas, le festival rennais doit son existence à quelques passionnés. En 1970 H. Bordier, âgé à l’époque de 16 ans, crée l'association GAM (Groupe d'action musicale) destinée à programmer des concerts sur la ville de Rennes. Six ans plus tard, en 1976, il met en place une nouvelle association, TERRAPIN, avec une programmation musicale plus dense. En 1978, Jean-Louis Brossard et Béatrice Macé rejoignent TERRAPIN. Ils constitueront le trio fondateur des Rencontres Transmusicales, avec d'autres figures comme Maurice Lidou (en 1995 au Ministère de la Culture) ou J.Michel Lucas (universitaire et directeur de la DRAC de Bordeaux)3. La 1e édition des Transmusicales a lieu en 1979. Douze groupes sont programmés sur 2 jours à la salle de la Cité. Selon Le Dreve (1995), "la municipalité rennaise et les institutions culturelles locales la remarquent à peine". La première demande de subvention des Rencontres Transmusicales à la Mairie est d’ailleurs refusée alors que celle d’une association pour la promotion de la nouvelle chanson française est acceptée (ZAGO, 1995). Au sein de l’Office Social Culturel rennais, TERRAPIN entend promouvoir des idées et développer des projets pour Rennes. L’association se battra pour la mise en place d'une maison de la musique, avec studios, locaux de répétition et une petite salle polyvalente (Ouest France, juin 1979) Malgré un déficit de 14 000 F, la 2e édition (1980) a lieu avec le soutien de l’Office Social Culturel Rennais qui verse une subvention de 4 000F. Le public est présent (2 400 personnes) et la presse nationale diffuse un écho favorable à ces rencontres. Les premières négociations sont engagées avec la mairie. La 3e édition témoigne d’une croissance du nombre de groupes et du public. Les Transmusicales privilégient alors la découverte de nouveaux talents. Le premier mandat de J. Lang au ministère de la Culture va donner un coup de pouce au rock, et plus globalement au développement des musiques dites actuelles.

9 En juin 1982, François Paul-Pon, directeur de la Maison de la Culture de Rennes, permet à H. Bordier l'utilisation de la salle de l'UBU pour y créer les "Nuits de Jarry". En septembre, H. Bordier est nommé au poste de responsable variétés jazz à la Maison de la Culture. En décembre 1982, les Transmusicales bénéficient davantage de subventions de la ville (10 000 francs). En 1983, H. Bordier s’inscrit sur la liste municipale d'Edmond Hervé, actuel maire de Rennes. L’année suivante, le ministère de la Culture charge H. Bordier de coordonner, sur la région Bretagne, l'opération "Coups de Talents sur l'Hexagone". Parallèlement, le ministère commande un rapport sur le rock et la politique culturelle à Rennes à Jean- Michel Lucas, intermédiaire culturel local connu. Selon ZAGO (1995) cette commande marque l’intérêt des politiques de la culture pour des domaines jusqu’alors considérés comme des loisirs de masse, des sous-cultures ou des pratiques de groupes sociaux spécifiques. En 1985, J. Lang clôt l'opération "Coups de Talents sur l'Hexagone" à Rennes. Le festival acquiert une dimension plus large : l'association TERRAPIN se scinde en deux : ATM pour l'organisation des Transmusicales et PIP-POP, pour l'organisation des concerts toute l'année. L’année suivante (1986), ATM obtient une subvention de 600 000 F de la municipalité (contre 60 000 F habituellement) pour concurrencer la proposition de Montpellier qui voulait attirer le festival à elle (contre précisément une subvention de 600 000 F). En 1987, ATM obtient de la ville la rénovation de l'UBU4. J-L. Brossard et B. Macé sont nommés à la Maison de la Culture en tant que directeurs de l'UBU et chargés de projet pour la production des musiques nouvelles. Le festival investit la salle de la Cité, l'UBU et les apéros-trans démarrent. L’année suivante (1988), H. Bordier devient directeur artistique chez Barclay puis directeur des éditions chez Polygram. L’année 1989 marque le naufrage financier de la Maison de la Culture (25 millions de francs). 35 salariés seront licenciés dont J-L. Brossard et B. Macé. La salle de l'UBU ferme temporairement. Un audit de cette structure est réalisé. Un comité d'expert rassemblant des personnalités culturelles de la ville sous la direction d'un sociologue, François de Singly, est mis en place par la municipalité. Ce dernier propose de grands axes autour desquels la

3 Ce dernier est l'auteur d'une étude sur les Transmusicales, commandée par le ministère de la Culture 4 (1 800 000 F + subvention du ministère de la Culture de 400 000 F)

10 politique culturelle pourrait se développer. Le pôle d'"excellence" rennais, c'est-à-dire les activités culturelles pour lesquelles la ville montre une vitalité et une qualité particulière serait composé de 2 activités : le théâtre et le rock. Dans ces conditions, la fermeture de l'UBU est à reconsidérer. Le trio d'ATM prépare le projet TRANSACTION qu’il soumet à la ville et au Ministère de la Culture. L'accueil est favorable. En septembre 1989, l'UBU ouvre à nouveau ses portes sous la direction d'une nouvelle structure semi-privée : ATM/TRANSACTION (remplaçant de fait l'association PIP-POP). Le bénévolat est abandonné au profit de la professionnalisation de toute l'équipe. Ces deux structures juridiques ont des rôles qui se complètent : l'association ATM gère les rapports avec les différentes institutions (Ville, Ministère, Département...) reçoit et répartit les subventions qui lui sont attribuées. Transaction (SARL), outil de l'association, possède une licence d'entrepreneur de spectacles et fonctionne en tant que cellule de production artistique, notamment avec les concerts organisés à l'UBU, la salle de la Cité, Le Liberté, L'Espace, à la Maison du Champ de Mars et parfois au TNB (théâtre National de Bretagne). Elle emploie huit permanents en 1995 et 10 techniciens. ATM garde le plein pouvoir au sein de la SARL avec 80 % des parts (Le Dreve, 1995). En 1991, une convention liant ATM, l'État et la Mairie est signée. Elle garantit l'engagement financier des deux partenaires, en échange du respect par ATM des missions qui lui sont confiées. La même année se tient la 1e édition des Quartiers en Trans (organisation de concerts gratuits dans les quartiers excentrés). Tous les lieux de la ville sont investis (Cité, UBU, l’Omnisports, pub Satori, Bar en Trans-Off-). C'est à cette période que l'on parle d'hégémonie des Transmusicales sur la scène culturelle rennaise. Selon Le Dreve (1995), en 1993, sur 3,5 millions de francs consacrés par la Mairie à la ligne budgétaire "musiques actuelles", 3,4825 étaient destinés à ATM. L’association "La Mafia" et Canal B, la radio rock de Rennes dénoncent cette situation (Le Dreve, 1995) La convention de 1991 est renouvelée en juin 1992 pour trois ans. 5 millions de francs sont attribués à ATM/TRANSACTION avec pour mission l'organisation des Rencontres Transmusicales, la gestion des locaux de l'UBU, l'organisation d'actions de création artistique et la mise en place d’outils d’information et de communication sur les musiques actuelles. ATM lance les premières "Folies rennaises", dont le but est de mettre en scène

11 les talents locaux. Une fois ce nouveau festival lancé, ATM se désengage pour laisser place à une nouvelle équipe dirigeante. En juin 1994, ATM programme des concerts jazz à l'UBU. Les élus manifestent leur mécontentement sur cette concurrence informelle avec la MJC de Bréquigny très active en ce domaine. Pendant ces années, le succès des Transmusicales ne se dément pas. Le budget augmente en conséquence. En 1994 le budget total (ATM+TRANSACTION) dépasse les 9 millions de francs. En 1995, la convention de 1992 est renégociée. Elle doit permettre de compenser le retrait financier du Ministère de la Culture (-25 % en 3 ans). Des travaux sont effectués sur un projet baptisé "le Village" qui permettrait d'intégrer les différents pôles artistiques (photo, musique, sculpture...) de la ville en un lieu unique, afin de concentrer tous les maillons de la chaîne de création (locaux de répétition, de création, de diffusion et de promotion). Pour M. Ribardière, il s’agit d’un projet prématuré car si la ville de Rennes est très en avance pour l’expression rock, elle a dix à quinze ans de retard sur les musées et les bibliothèques (actions prioritaires). En 1996, à la suite d'un fort déficit du festival, la ville de Rennes dépose le nom de "Transmusicales de Rennes" à l'INPI. L'association ATM-Transaction n'est donc plus "propriétaire" du nom du festival. La même année, l'association "3 P'tits Tours" prend en charge la programmation des "Bars en Trans". Apparemment l'association Bistrock marche au ralenti à partir de cette date en raison du départ de son fondateur. À partir de 1997, le Liberté devient le nouveau centre du festival. Cette année-là, l'espace "rencontre, expositions, musique (espace ailes bleues, nescafé etc.)" se situe dans le jardin du Thabor ce qui pose le problème de son éloignement du Liberté. L’année suivante (1998) le problème sera résolu par l'ouverture du “ Village ”, espace de rencontre du public et des professionnels, organisé à l’entrée du Liberté. En 1999, l’association ATM-TRANSACTION, organisatrice du festival, dépose à son tour le nom des Bars en Trans à l'INPI. L’année 2000 est selon B. Macé une bonne année pour les Transmusicales puisque le déficit n'est que de 150 000 francs. Au niveau de l'implantation spatiale du festival, l'avenir des Transmusicales réside dans l'intercommunalité. Les organisateurs s'intéressent aux nouvelles salles des communes du District de Rennes (Le Rheu, Pacé et Cesson).

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2. Les Tombées de la nuit5 En 1979, Martial Gabillard (adjoint à la culture) envisage de lancer une action culturelle d'été. Quatre objectifs sont alors fixés : - changer la saison culturelle rennaise qui depuis 10 ans est réduite à 6 mois ; - mettre en valeur la richesse architecturale rennaise ; - promouvoir la ville dans les grands circuits touristiques de Bretagne et de France ; - rechercher un nouveau public rennais pour l'action culturelle. Cette action serait réalisée dans le cadre d'un contrat avec le Syndicat d’initiative (avec J-B Vighetti tout juste recruté), pour une subvention de 150 000 francs. Quelques mois plus tard, le projet est présenté au conseil municipal : le festival se dénommera les “ Tombées de la Nuit ”. Il s'articulera en termes de contenu artistique autour de la musique classique, du jazz et de la danse, en plein air si possible sur la place du Palais, au Thabor, au Vieux Saint-Étienne et aux Lices. Cette manifestation est l'occasion de mettre en valeur le grand patrimoine architectural de la ville, alors en cours de réhabilitation. L'arrivée de J-B Vighetti modifie la donne. Il écrit un plaidoyer en faveur d'un festival sur la création en Bretagne, appuyé sur 3 idées : il faut que la manifestation soit adaptée à Rennes, "Rennes doit pouvoir plus facilement que d'autres villes assurer la promotion des créateurs bretons et jouer pleinement son rôle de métropole, de moteur culturel" ; le festival doit être dynamique et attractif : "un festival de la création bretonne (...) doit immédiatement créer un élan en sa faveur" ; enfin, il doit avoir un caractère touristique. De ces deux acteurs naît le concept des Tombées de la Nuit : celui d'un festival de la création en Bretagne, puis d'un festival de la création en régions. Une manifestation culturelle de plein droit et de haut niveau, urbaine, actuelle, et non une entreprise folklorique traditionnelle comme on peut en rencontrer ailleurs. En 1980, la 1e édition se met en place, sous la houlette de Martial Gabillard et J-B Vighetti, mais dans l'urgence, en collaboration avec le Théâtre de la Ville. Les Tombées de la Nuit sont traitées très vite de “ Tombées de l'ennui ” ou encore de “ Tombées de la pluie ” en raison des mauvaises conditions météorologiques. Pourtant, cette première manifestation réunit 12 000 spectateurs (fréquentation des spectacles). Théâtre de rue, concerts, théâtre,

5 La source principale de cette partie est le livre de A.G. HAMON, Le Chant de la Chouette, O.T-S.I, Ville de Rennes, 1995, 120 p.

13 cinéma, ballet, ballet-théâtre, musique celtique, conte, artisanat, chanson, danse, photographie, chant choral, visites guidées du vieux Rennes sont au programme. Rapidement, le Festival se constitue en une grande famille créatrice qui va permettre aux artistes bretons, de quelque horizon qu'ils viennent, d'être confirmés ou de s'affirmer. La 2e édition du festival, en 1981, affirme sa vocation à défendre la création bretonne. Le festival dure 7 jours et les animations commencent dès midi avec des débats en matinée. Les lieux se multiplient également (Cf. carte). Cette même année, le premier jour du festival est marqué par le changement de nom de la place du Palais qui devient la place du Parlement de Bretagne. Pour sa troisième édition, en 1982, le festival s'impose définitivement. Il a lieu sur 10 jours. "Malgré le programme gargantuesque, il faut se rendre à l'évidence, il n'est pas assez important pour donner à la ville cet air de fête qui doit emballer le rythme des rues de la cité (...). Il faudrait les multiplier par dix tant la ville apparaît, dans ces temps d'animation, mangeuse d'espaces et de musiciens". Malgré les bons résultats de l'édition de 1982, les Tombées de la Nuit sont contestées. Il est vrai que les finances municipales interrogent et que les élections sont proches. J-B. Vighetti est mis en cause. En 1983, à l'ouverture de la 4e édition, il monte au créneau pour expliquer le concept du festival : il est tourné vers la Bretagne, enraciné mais pas pour autant enfermé sur celle-ci. L'édition est d'ailleurs bâtie sur la notion d'échanges : entre les Pays de Bretagne, la ville et le milieu rural ; entre les différentes formes d'expression, culture savante et culture du peuple ; entre le patrimoine local et les influences extérieures. Ainsi, le festival bouge, mais sans grands bouleversements... . L'édition 83 ne se déroule pas dans les meilleures conditions. Pourtant, les Tombées de la Nuit à venir vont réellement s'ouvrir à d'autres régions, d'autres pays, d'autres appétits culturels et intégrer les musiques actuelles L'ambiance de la 5e édition (1984) n'est pas meilleure malgré la multiplication des commandes d'œuvres pour le festival. Les auteurs programmés eux-mêmes ne sont pas tendres avec le festival. Pour André Hélard, il manque une pensée artistique. Pour Alain Levrier : "on pourrait demander aux organisateurs d'être plus vigilants ou exigeants sur le terme de création (...) de même, je me méfie de certaines opérations de prestige sur la place du Parlement sous couvert de spectacle populaire". Pour J-B. Vighetti c'est la création bretonne qui est remise en question : "à partir du moment où, dans une région

14 comme la Bretagne, on organise un festival de création bretonne, on trouve cela bizarre. C'est bien révélateur du complexe des Bretons vis-à-vis d'eux-mêmes". Deux thèmes sont retenus pour la 6e édition (1985) : les grands mythes celtes et la diaspora bretonne. Des musiciens du Limousin, du Lyonnais et des artistes génois, québécois et irlandais sont invités. Les Tombées de la Nuit ont pris du corps et convaincu le public estimé alors à 80 000 spectateurs grâce aux spectacles de la place du Parlement, les animations de rues et à l'ouverture à de nouvelles formules musicales, d'autres cultures. La rue, les espaces publics prennent en 1986 (7e édition) le pouvoir créatif. Cette volonté d'investir l'extérieur est lié à deux facteurs : l'ouverture en secteur piétonnier de la place de la mairie et l'obligation pour les organisateurs de faire patienter les spectateurs en centre ville, jusqu'aux spectacles plus tardifs. Le bilan de cette édition est remarquable : 1 000 artistes pour plus de 100 000 spectateurs. Les Tombées de la Nuit consacrent alors 40 % de leur budget à la commande d'œuvres nouvelles et deviennent de la sorte le principal mécène en Bretagne pour les arts du spectacle. Pour la 8e édition, plusieurs lieux seront sollicités. "Outre la volonté d'intégrer totalement le patrimoine à l'œuvre jouée, l'innovation du festival se situe aussi dans la recherche d'animations, de traitements artistiques spécifiques aux différents types de lieux rencontrés dans le Vieux Rennes et susceptibles d'être retrouvés ailleurs". Si les deux places royales (Parlement, Mairie) se prêtent particulièrement aux grands spectacles, les petites places de quartiers (St Germain, Cathédrale, Psallette, Portes Mordelaises), les cours intérieures (Carmes, Maison Internationale, Société Générale) et les rues médiévales (St Georges, St Michel, Pont-aux-Foulons, Vasselot, Chapitre) sont plus propices aux spectacles intimistes. Les jardins (Thabor, Oberthur) sont également investis tout comme les voies d'eau navigables, excellents sites d'accueil pour le café-théâtre, les spectacles sur l'eau et les parades nautiques. C'est donc toute une typologie des spectacles de plein air que le festival propose aujourd'hui. Il fait également connaître au public des lieux fermés par le biais de spectacles adaptés : concerts en églises, au théâtre de la ville et au Parlement, expositions à l'hôtel de ville et au Parlement, veillées de pays au cloître Ste Melaine, théâtre au Vieux St Etienne. En conclusion, toutes les ressources du patrimoine architectural de la ville sont exploitées afin de faire connaître et d'ouvrir au plus grand nombre les richesses artistiques de la ville,

15 tout en leur redonnant une fonction contemporaine. Le festival s'inscrit dans la stratégie Ville d'Art poursuivie par Rennes. Dès la fin des années 1980, les premiers actes d'une entente avec les villes de Lorient et de Quimper sont pris pour favoriser le développement de la production artistique bretonne. La 10e édition s'ouvre aux musiques novatrices. L'espace Orphée prend de l'envergure : ce qui n'était au début qu'une heure de lecture devient un espace d'exposition, de rencontres, de lecture... Pour la 11e édition (1990) la place du Parlement de Bretagne, poumon du festival depuis son origine, est abandonnée (sous les pressions diverses) au profit de l'une des pelouses du Thabor. L'éloignement du centre pose des problèmes au festival. Cette année-là se crée par ailleurs un festival Off. La 12e édition (1991) dont le thème général est "les îles et les ports" se veut plus conviviale. La décision est prise de ne plus étendre le périmètre actuel : celui-ci doit rester à la dimension du piéton et, afin de palier la disparition des manifestations sur la place du Parlement, des liens fonctionnels entre les différents lieux sont favorisés par le biais de spectacles processionnaires. Sur le plan de la communication, Martial Gabillard affirme qu'il a beaucoup de difficultés à faire comprendre sa démarche dès qu'il quitte la région. Les médias suivent avec difficulté ce festival différent, sans identité thématique, contrairement aux autres. En 1993, pour la 14e édition, le festival s'ouvre à l'Europe. Il a comme nouveau partenaire le théâtre national de Bretagne. Son ambiance est pourtant en baisse : elle est peut-être liée à la dispersion des lieux : du TNB aux jardins du Thabor, il y a un monde et la Vilaine à traverser ! Il manque le théâtre processionnaire qui sait rassembler les acteurs de la cité. Les organisateurs ressentent l’urgence de rétablir les manifestations sur la place du Parlement. Ils obtiennent gain de cause, même s’il a fallu inclure la restauration des jardins de la place dans le budget de la manifestation. En 1994, la 15e édition réinvestit la place du Parlement malgré l'incendie de ce dernier la même année. Les commandes sont moins nombreuses que les années précédentes, mais le festival retrouve son site originel. Depuis cette date, les Tombées de la Nuit se maintiennent dans le calendrier culturel rennais, sans pour autant susciter un réel enthousiasme.

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IV - LES LIEUX 1. L’inscription des événements pendant leur déroulement

1.1. L’implantation des Transmusicales dans la ville

"Les Trans c’est d’abord un festival rennais quoi. C’est sûr que nous, on attache beaucoup d’importance au lieu dans lequel on est né et dans lequel on vit puisque l’équipe qui est à l’origine des Trans c’est une équipe de gens qui vivent à Rennes… Donc on situe le festival dans un ancrage rennais" (Macé, 2001). "Rennes c’est une petite ville donc déjà au niveau humain on s’y sent assez bien. On est pas dans un contexte de pression ” “ Je pense qu’il y a un véritable attachement des Trans à la ville et de la ville aux Trans quoi. Je pense qu’on est… En fait je pense que les Trans sont bien à Rennes" (Hamon, 2001).

Les différentes salles Ce festival a ses lieux mythiques : - La Cité (1200 places) “ salle propice aux communions ” (Le Monde, 5 décembre 2000) est probablement le plus emblématique, l’âme du festival, la salle de sa naissance, même si elle devient "une trop petite salle maintenant" et "une salle périphérique" (B.Macé). Le cœur du festival bat désormais plus au sud. - L’Ubu est une salle de 500 places qui est gérée par l’équipe des Transmusicales à l’année : "En fait, on conçoit notre travail comme une sorte d’aller-retour entre l’UBU et les Trans" (Macé, 2001). - Le Liberté est une salle investie depuis une date plus récente. Son intégration parmi les lieux des Transmusicales a certainement influencé la manière dont se monte l’événement. L’investissement de ce "gros paquebot" marque selon Béatrice Macé, un nouveau départ, pour "y faire voyager le public" (Guillot, 1998b). Le Liberté avec ses 6 000 places devient aujourd’hui l’équipement principal du festival. - À côté du Liberté se trouve le Village, seul lieu finalement “ ouvert ” du festival. Sa mise en place est essentielle pour donner une dimension festivalière à un événement qui autrement risquerait d’être cantonné dans des salles :"Il était important que via les activités du Village qui sont gratuites, on ait une relation construite à des gens qui s’intéressent à un événement parce que c’est un événement de proximité" (Macé, 2001). Le Village est en fait le complément nécessaire du Liberté. Il permet au public qui passe la nuit au Liberté de sortir, de se reposer, de se restaurer. Il a été construit parce qu’il "n’y

17 avait aucun lieu à Rennes qui répondait aux besoins d’infrastructures des Transmusicales" (Macé, 2001). En l’espace de trois ans, le Village a doublé de superficie, il est passé de 1 500 à 3 000 m2 "parce qu’en fait, le succès aidant, le public étant de plus en plus présent et de plus en plus demandeur en nouveauté… et bien on a augmenté les espaces" (Macé, 2001). Peut-on parler d’une alchimie particulière entre les Transmusicales et les salles rennaises ? Oui, selon B. Macé "Le public des Transmusicales porte les groupes. Ceux qui jouent à la Cité ne donneront pas le même concert deux jours plus tard à Paris". (Guillot, 1998 b).

- Avant le Liberté, les Transmusicales étaient au TNB "qui est une très bonne localisation… tout près de l’esplanade Charles de Gaulle… en centre-ville… près de la gare, près de tous les grands hôtels" (Macé, 2001). Le problème du TNB était celui de la complémentarité de sa programmation avec celle des Transmusicales. - Le Thabor est aussi un autre lieu qu’a expérimenté l’équipe des Transmusicales. Son problème principal était cependant d’être excentré. En fait, la question de la centralité semble essentielle pour les organisateurs. Les différents lieux du festival forment, selon sa codirectrice, une étoile : "En fait on travaille vraiment sur une étoile. En fait, on considère qu’on a un lieu un p’tit peu central, qui est le Liberté et le Village" (Macé, 2001). Les autres salles de concerts du festival (La Cité, l'Antipode, l'Ubu...) rayonnent à partir de ce lieu central : "L’esplanade Charles de Gaule est très connue des Rennais ; c’est l’esplanade où il y a la fête foraine et où il a plein de fêtes. Donc, en fait, tout le monde la connaît". Autour de ce centre constitué par le Liberté-Village,"pour nous on les accole toujours" (Macé, 2001), une couronne de petites salles se constitue, avec des propositions artistiques complémentaires du Liberté : "l’idée est d’avoir une sorte de réservoir de situation qui permette de traiter le panel d’artistes le plus important (...) Le centre est donc le Liberté- Village, mais toutes les flèches de l’étoile sont, peu importe… ça peut très bien être l’UBU, la Cité, Antipode, le Triangle et d’autres sommets qui vont arriver en métropole quoi" (Macé, 2001). Ces autres salles sont celles de la métropole. Actuellement, seule L’Aire Libre est occupée, à terme celles des communes de Pacé et du Rheu pourraient le devenir.

18 Les Quartiers Des concerts ont lieu également dans les quartiers de Rennes. Ceux-ci faisaient partie de l’opération "Quartiers en Trans", inaugurée en 1986. Cet intitulé est désormais abandonné "pour ne pas encore en rajouter dans le terme de ghetto" (Macé, 2001). Les "Quartiers en trans" sont "nés d’une déception" : en 1990 le programme rap des Transmusicales n’avaient pas trouvé son public (Le Monde, 7 décembre 1996). L'opération visait à décentraliser des concerts dans les quartiers. L’initiative fait partie "du travail fait sur la notion de la ville" (B.Macé, cité dans Le Monde). L’Antipode, gérée par la MJC Cleunay se situe en dehors du centre et l’Aire Libre, dans une commune de la banlieue rennaise. Ces différentes salles ont une identité musicale bien marquée : le Liberté s’oriente plus autour des musiques électroniques, la Cité autour des musiques électroniques et du rock, l’Antipode autour du rock alternatif et du rap, l'Aire Libre autour d’un artiste invité.

19 Document 1 : Les hauts lieux des Transmusicales

En haut à droite, la salle de la cité, salle des débuts des Trasmusicales. Au milieu et en bas, le Liberté, salle principale des Transmusicales, la plus grande de Rennes désormais, devant laquelle est installé le Village (installation provisoire). Document 2 : Les différentes salles des Transmusicales

Le Liberté sur les deux premières photographies, à l'heure de l'affluence, en 2001. L’Antipode, gérée par la MJC Cleunay se situe en dehors du centre et l’Aire Libre, dans une commune de la banlieue rennaise Le festival " Les Transmusicales " à Rennes : emprise spatiale des lieux du festival (1979-1990-1991-1992-2000-2001) Les "Bars en Trans" en 2000

Limite de commune Lieu permanent Lieu provisoire Lieu privé Théâtre de Lieu public l'Aire Libre

0 1 2 km

Editions 2000, 2001 Evolution des lieux touchés par le festival " Les Transmusicales " à Rennes selon les éditions

Edition 1979 Editions 1990, 1991, 1992 Editions 2000, 2001

Lieu payant Lieu gratuit

Nombre d'animations et /ou de spectacles programmés sur le site (éditions 1979, 1992, 2001) 39

12 0 1 2 km

Les Bars en Trans La formule des Bars en Trans est lancée par ATM en 1986. Derrière les appellations successives ("Apéros Trans", "Trans Bars", "Bars en Trans" l’idée est de proposer au public des Transmusicales de se retrouver dans un bar en début de soirée, pour assister à un concert. La plupart des bars qui participent à l’opération se trouvent dans le centre-ville, dans la partie Nord de la ville, relativement loin de la plupart des salles (qui se trouvent au Sud). Ces bars sont concentrés dans le quartier Saint-Michel, place Sainte-Anne, un des quartiers les plus animés de la ville et fréquentés par un public jeune et étudiant. Occupant jusqu'à vingt bars dans les années 1990, l’opération "Bars en Trans" se limite à onze bars en 2000. Ils proposent pour la plupart des concerts et des animations gratuites. Certains bars ont un statut différent et l'entrée est alors payante, c'est le cas du Muséum Café, seul lieu où l’association "Trois P'tits Tours" organise les spectacles. Le cœur des Transmusicales se trouve dans tous les cas en centre-ville. C’est la "dominante de l’implantation des Trans… c’est un choix très important, le centre-ville. Lieu dynamique, lieu festif, lieu où il y a les bars, où on peut sortir, lieu commercial bien sûr, lieu de vie le soir... " (Gabillard, 2001). La ville de Rennes a d'ailleurs refusé, en accord avec ATM, l'installation d'un "Zenithon" (salle de spectacles de grosse capacité destinée à s'implanter dans les villes de province selon un plan d’aménagement décidé par le Ministère de la Culture). La ville et l’association ont ainsi privilégié la rénovation de la salle de l'UBU (300 places) en 1987. Selon H. Bordier (2001) l'implantation d'un Zénithon aurait été une erreur stratégique pour une politique de découverte de nouveaux talents6. Dans tous les cas, on sent le souci de garder la culture dans le centre de Rennes (Gabillard, 2001).

1.2 L’implantation des Tombées de la Nuit dans la ville Les Tombées de la nuit sont essentiellement (ou voudraient être) un festival qui se déroule dans l’espace public à la fois dans sa matérialité (rues, places, plateau piéton) et dans son acception citoyenne (l’espace du public). Dans ce sens, c’est un festival marqué par les

6 D'autre part, l'existence de la salle de la Cité d'une capacité de 1 000 places et de la salle Omnisports (Le Liberté) pouvant accueillir 7 000 spectateurs, devaient permettre de répondre au besoin de la ville pour l'accueil de groupes plus populaires

23 débats de la fin des années 70 et du début des années 1980, lesquels ont porté les arts de la rue sur la scène publique. "C’est la naissance des plateaux piétonniers dans les villes qui ont fait qu’un nouvel espace culturel au public est né, de ces théâtres de rue. Les spectacles de rue viennent de la possibilité de cette offre de lieux que sont les plateaux piétonniers. On l’a nous, exploité au maximum durant les 20 ans des Tombées" (Gabillard, 2001). Il s'agit d'une manifestation qui se déroule au centre-ville. Ceci présuppose une attitude volontariste, voire souvent militante "Il faut se battre, il faut avoir la volonté de mettre en place des transports, des navettes des bus". Elles ne sont pas pour autant totalement absentes des quartiers. "On fait des manifs dans les quartiers ; on en fait même des quantités" Gabillard, 2001). La présence prédominante du festival dans le centre-ville est censée réaffirmer la centralité urbaine. Pourtant plusieurs élèments ont porté tort à l'investissement de l'espace public ces dernières années : ainsi, les chantiers de la ville de la deuxième moitié des années 1990, notamment le VAL ont perturbé l’implantation du festival. De même, l’application de la loi sur la non-fermeture de l’espace public a sérieusement dérangé le déroulement des Tombées. Enfin, le caractère de "festival de la rue" s’est estompé du fait de l’utilisation plus systématique des équipements comme le Liberté. Tous cela ne remet pas fondamentalement en cause la centralité du festival, mais change incontestablement son caractère "ouvert" et "accessible". L’utilisation du Liberté crée par ailleurs une coupure entre les spectacles du centre-ville (partie nord) et les grandes scènes installées dans l’équipement. Au-delà de la différence de contenu des spectacles (ceux du Liberté s'inscrivent dans le registre des "variétés"), l’utilisation du Liberté change l’organisation du festival. Il est ici intéressant de faire le parallèle avec les Transmusicales : l’adoption d’un équipement, dans les deux cas pour des raisons d’ordre pratique, a modifié considérablement l’aspect et l’organisation des événements. L’événement est relativement peu visible pendant son déroulement, mis à part, bien entendu, les espaces où se jouent les spectacles, notamment à l’extérieur. Cette discrétion est selon M.Gabillard relativement récente et due aux travaux dans la ville : "il y avait beaucoup plus d’installations, il y a 3,4 ans (…) On a eu un moment où la place, là, ici (place de l’Hôtel de Ville) était très, très occupée d’installations diverses. On eu des

24 pavoisements qui couvraient l’ensemble des deux places". Cette présence plus importante pourrait effectivement correspondre à une époque révolue. La discrétion actuelle contribue à l’impression générale d’un événement qui “ a vécu ” et qui n’est maintenant entretenu que grâce aux acteurs, toujours présents dans la vie de la cité, et aux loyaux services rendus dans le passé. On prête au festival de moins en moins d’âme.

Les conflits liés à l’utilisation des espaces Les conflits liés à l’appropriation d’espaces festivaliers sont essentiellement lisibles au niveau de l’utilisation des salles. D’une part, autour de l’utilisation de ce grand espace “ culturel et festif ” que constitue l’esplanade Charles De Gaulle. Sa multi-utilisation pose quelques problèmes d’arbitrage : par exemple, pour le choix des dates, entre les Transmusicales et la foire (Biard, 2001). D’autre part, au niveau de l’utilisation des salles de rock, le fait que la gestion de l’UBU ait été cédée aux Transmusicales a probablement gêné d’autres acteurs qui bougent autour de la scène “ musiques actuelles ”. L’Ubu géré par les Transmusicales, est désormais loué au prix fort aux différentes associations qui cherchent à y organiser des concerts (Hamon, 2001). Ainsi, "Le Collectif" serait monté, entre autres, pour que les Transmusicales ne s’approprient pas également la salle de la Cité.

25 Le festival " Les Tombées de la Nuit " à Rennes : emprise spatiale des lieux du festival (1980-2001) Commune de Rennes

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0 250250 500500 mm Lieu privé Lieu public

Evolution des lieux touchés par le festival " Les Tombées de la Nuit " à Rennes (1980, 1990, 2000, 2001) 1980 1990

Lieu payant Lieu gratuit 0 250 500 m Lieu payant-gratuit Absence d'information en 1990 2000 2001 Nombre d'animations et/ou de spectacles programmés sur le site 25 5 1 Document 3 : Les Tombées de la nuit dans un cadre patrimonial

Les Tombées de la nuit utilisent le patrimoine rennais, notamment les places. Ici en haut la place du Parlement, puis de gauche à droite, la place Saint Germain et la place de l'hôtel de ville. Sur chacune d'entre elles se déroulent des spectacles, des arts de la rue sur les deux premières où l'on aperçoit les installations provisoires liées aux spectacles (arènes, tente), musicaux pour la troisième.

30 Document 4 : Places et bâtiments aux Tombées de la Nuit

C'est dans le quartier Saint Michel, où l'on voit ici à gauche, un déambulatoire et sur la place Hoche (en bas à gauche) que la foule était la plus dense en 2001, les spectacles étaient gratuits et non limités en quantité de public. Le vieux Saint Etienne est un de ces lieux découverts par les Tombées de la nuit. Il est aujourd'hui dédié à la culture et très prisé des jeunes.

2. Que reste-t'il pendant l’année ?

2.1. La pérennisation des Transmusicales Certains équipements culturels, notamment le Liberté, ont été aménagés essentiellement pour les besoins des festivals (notamment des Transmusicales). Les festivals sont aussi pris en compte au niveau de l’aménagement de l’espace adjacent. Selon M.Gabillard, "si on fait évoluer aujourd’hui l’aménagement du Liberté, c’est bien pour tenir compte de cette demande … Effectivement, on transforme peu à peu le Liberté pour répondre mieux aux demandes soit festivalières, soit de manifestations autres… et on restructure peu à peu l’ensemble de ce lieu ” (…) “ et en plus toute cette utilisation que nous venons de dire font qu’on conçoit même l’ensemble de la place, là, comme elle est en train de se faire, comme une place urbaine culturelle (…) on a pensé qu’il serait important d’avoir comme ça une grande place qui serait à vocation culturelle, et elle le sera". À part la contribution du festival à l’aménagement d’un équipement culturel, rien d’autre ne permet de voir, hors période des Transmusicales, que Rennes est organisatrice d’un festival majeur de musiques actuelles. La pérennisation des Transmusicales se fait à l'année par l'intermédiaire de l'UBU qui assure une programmation en Musiques actuelles et travaille à l'éducation musicale des jeunes rennais.

2.2. La pérennisation des Tombées Dès le départ, les Tombées de la Nuit se sont fixé comme objectif le rapport au patrimoine bâti, avec pour optique la découverte de ce patrimoine par les Rennais. C’est peut-être là que réside à la fois la particularité des Tombées et sa pérennisation hors festival. Les différents lieux successivement utilisés par le festival (cf. carte), ne sont aujourd’hui pas marqués par le festival. Hors période festivalière, aucun ne porte la trace de l’événement et pratiquement rien ne laisse supposer que cet événement a lieu en juillet. Grâce cependant au festival, un certain nombre de lieux patrimoniaux rennais, fréquentés et visités pendant l’événement ont été en quelque sorte “ découverts ” par la population locale. Après quelques éditions, ils ont été restaurés, réhabilités, ils ont trouvé une fonction pérenne, tout en continuant d'accueillir le festival pendant le période de son déroulement. "Le couvent des Jacobins, qui un jour deviendra certainement un musée, a été découvert

28 par les Tombées. Le lieu du vieux Saint-Étienne qui est aujourd’hui un lieu utilisé à des fins culturelles a été découvert par les Tombées : c'est-à-dire qu’il était une église qu’on a occupée, et puis les gens l’ont appréciée et il est resté lieu culturel. La Criée (…) qui est une ancienne criée commerciale a été aussi découverte et utilisée à des fins de spectacle et devenue lieu culturel grâce aux Tombées de la nuit (...) C’étaient des lieux non utilisés, fermés, c’est le cas du Vieux Saint-Étienne (et des autres) et qui effectivement ont été aménagés à cette occasion-là, découverts, appréciés et qui sont devenus des lieux permanents" (Gabillard, 2001). D’autres lieux n’ont pas changé de fonction, mais ont été révélés comme des lieux culturels. C’est le cas du Parlement "on ne peut pas toujours l’utiliser parce ce que sa fonction de justice est maintenue (…) lui il est resté dans sa fonction, mais depuis des animations régulières se font à l’intérieur du Parlement parce qu’il a été démontré par les Tombées de la Nuit, qu’on pouvait investir un lieu par des manifestations culturelles" (Gabillard, 2001). "Et puis je serais tenté de dire que l’ensemble de l’espace urbain lui-même, puisque les Tombées de la nuit sont quand même une manifestation des Arts de la Rue, la mise en valeur du plateau piétonnier a été particulièrement utilisée par les Tombées" (Gabillard, 2001). D’autres lieux resteraient probablement à découvrir à Rennes, mais l’essentiel a été déjà été utilisé au moins dans le centre ville. Selon Gabillard, “ la découverte peut continuer à se faire” "au niveau des cours intérieures, il y a encore quelques possibilités de découvertes nouvelles". "Je crois que c’est vrai aussi pour les Tombées de Nuit, au début c'est-à-dire, une sorte de réinvestissement du centre-ville, une volonté de faire découvrir le patrimoine à travers des mises en valeur et la présence des spectacles dans des lieux qui étaient moins identifiés de la part du public. Bon, je crois que ça reste un peu limité à ça. Je pense que les Trans jouent un peu un rôle dans ce sens-là, mais quel véritable effet ça a ? Je crois que 3 jours c’est un peu trop limité pour véritablement avoir un effet dans le temps" (Biard, 2001). Dans les deux cas, la pérennisation n’a pas l’ampleur qu’on peut voir dans d’autres festivals.

29 3. Rapports aux lieux des organisateurs La prédominance du centre ville dans les cas des deux festivals est évidente. Elle a été souhaitée par les différents acteurs de la scène culturelle rennaise." on a eu une volonté marquée de maintenir au centre-ville un certain nombre de festivals, de manifestations sportives pour créer un fort sentiment d’appartenance à la ville… faut éviter de se voir développer une évolution du type grandes surfaces commerciales qui ont cassé les commerces du centre-ville et qui surtout ont cassé les spécificités urbaines. Parce que finalement, ces centres commerciaux sont les mêmes partout alors que nos villes ne sont pas les mêmes partout. Et donc, on a eu une stratégie de politique générale, qui concerne le commerce, le sport, enfin tous les domaines, de renforcer, maintenir les pratiques du centre-ville … c’est parce qu’on a un centre-ville fort qu’on a un cœur de ville et de ce fait là on a une ville différente : le cœur de Rennes n’est pas celui de Nantes ou de Bordeaux. D’où en matière de festival cette volonté de rester dans le cœur du centre-ville. À titre d’exemple, j’ai eu à un moment la proposition de J.Lang de créer un Zénithon et de l’implanter sur une surface type foire expo (...) on s’y est refusé parce que je souhaitais moi, avoir le maintien de la grande salle du Liberté (…) je préfère réinvestir cette salle et garder son implantation de centre ville et son rapport à la ville. C’est un choix constant …Voilà pour le territoire si on peut dire des Trans. En ce qui concerne les Tombées, c’est la même volonté " (Gabillard, 2001).

4. Rapports aux lieux du public7

4.1 Les Tombées de la nuit En 2000, le festival des Tombées de la nuit était ventilé en 19 lieux différents8. Les visiteurs ont plébiscité les spectacles qui ont eu lieu dans, ou à proximité, des “ lieux- phares ” de Rennes : le Parlement de Bretagne, la place Hoche, la place de la Mairie. Le Théâtre Saint Etienne avait également attiré un public relativement important, tandis que plusieurs autres sites retenaient une petite partie du public. La plupart des spectateurs

7 Les commentaires ci-après sont basés sur deux enquêtes faites aux Tombées de la Nuit (2000 : 42 questionnaires ; 2001 : 40 questionnaires) et sur une enquête faite aux Transmusicales en 2000 (51 questionnaires). 8 Le Liberté, les Portes Mordelaises, le parc du Thabor, l’Hôtel de Blossac, la péniche “ L’arbre d’eau ”, le Parlement de Bretagne, le théâtre du vieux Saint Etienne, l’Adec, l’espace Orphée, l’église Notre-Dame, l’Ecole des Beaux-arts, le centre chorégraphique, la chapelle du Conservatoire, la place Saint-Germain, la place de la mairie, la place Hoche, la place des Lices, la rue de Bastard.

30 avaient repéré les aménagements, pour la plupart provisoires, fait à l’occasion du festival. En 2001, c’est encore la place de la Mairie et la Place Hoche qui concentrent les deux tiers des réponses. Ces lieux sont suivis de près par le vieux Saint-Étienne. Le Parlement et la rue des Lices sont cités par un tiers des personnes. Il existe une grande proximité entre les lieux de spectacles fréquentés par les visiteurs et les lieux qu'ils considèrent comme "marquants" à Rennes. Les réponses apportées en 2000 concernaient le Parlement, la place des Lices, le vieux Rennes, les rues Sainte-Anne et Saint-Michel. En 2001, c’est encore le Parlement qui est le plus cité, suivi de la place de la Mairie, la place des Lices, le vieux Rennes, tous lieux du festival Tombées de la nuit. Peut- on supposer que la fréquentation d'un festival dont les objectifs étaient de mettre en lien public et patrimoine rennais entraîne une lecture monumentale de la ville ? Dans tous les cas, la comparaison de ces résultats avec ceux des Transmusicales est très instructive.

4.2 Les Transmusicales Les spectacles des Transmusicales concernaient également plusieurs sites en 2000 : le Village, le Liberté, la Cité, l’Aire Libre, l’Antipode, Villejean, le Triangle. Aucun spectacle officiel n’était donné à l’Ubu, ce qui n’a pas empêché le public de le citer. La majorité des interviewés ont plébiscité en premier lieu la salle du Liberté et celle de la Cité mais aussi les bars et le village, seuls lieux non payants. De manière générale, les gens qui viennent aux Transmusicales se déplacent quasi-uniquement pour les spectacles et ne se promènent pas en d'autres lieux de la ville. Comme le public est très ciblé, la lecture qu’il fait de la ville, ciblée elle aussi, est celle des équipements urbains. Les citations du public des Transmusicales à la question "quels sont selon vous les lieux marquants de la ville de Rennes" tranchent significativement avec les réponses du public des Tombées de la nuit. Patrimoniale et monumentale pour ce dernier, la lecture de la ville est beaucoup plus festive pour le public des Transmusicales. Les deux festivals dessinent une géographie différente, y compris dans l’esprit de leurs publics. Ainsi, des “ hauts lieux ” rennais comme le Parlement, majoritairement cité par le public des Tombées, ne l’est que très minoritairement par le public des Transmusicales, moins que les salles de spectacles de Rennes comme la Cité, l’Ubu ou le TNB. Les lieux les plus cités sont cependant les rues Sainte Anne et Saint Michel (les rues de la soif rennaises), où sont concentrés les “ Bars en Trans ”.

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5. La pérennisation “ immatérielle ” : les retombées médiatiques Si les Transmusicales sont un événement de renommée nationale, l’impact des Tombées est essentiellement local et régional. Les Transmusicales " c’est le seul événement à Rennes qui attire 500 journalistes français et étrangers, donc ce n’est pas inopérant ” (Biard, 2001) “ En termes d’image bien sûr, les Trans c’est énorme. Moins les Tombées sauf par rapport à la Bretagne. On s’est créé là une image de ville ouverte sur l’avenir mais ne niant pas sa solidarité bretonne" (Gabillard, 2001). " Les TDN ont une notoriété très faible, locale, départementale, régionale aussi, mais on ne peut pas dire qu’elles ont acquis une notoriété très forte". Selon Gabillard, il est nécessaire de faire un travail de repositionnement9 de ce festival " qui touche à tout" et qui, sous-entendu n’a pas une ligne de communication forte. Les retombées médiatiques des Tombées sont donc jugées désormais très faibles : " ça l’a été au début, à la création des Tombées, il y a 20 ans ; il y avait cette volonté de faire repérer Rennes sur la scène estivale au niveau français. Bon le résultat c’est que c’est pas ça" (Biard, 2001). Le résultat touristique des Tombées (initialement montées par J.B. Vighetti dans un but de développement du tourisme urbain à Rennes) a également été limité : "ce qu’on sait c’est que Rennes n’est pas devenue depuis 20 ans une ville touristique. Donc, les Tombées, n’ont pas, sur ce plan-là, généré quelque chose de nouveau" (Biard, 2001). Les acteurs nuancent cependant ces propos liés à l’image (dans le sens de la communication externe) par l’attachement des populations locales aux événements. On pourrait parler de communication interne, voire d’un travail de “ pacification ”, de régulation locale : des "jeux du cirque" à destination des habitants de la ville. Ainsi, selon Gabillard, " c’est pas l’image qui est la retombée essentielle pour une ville. L’image c’est le dynamisme qui ça produit dans une ville, et ça, c’est un levier de développement, parce que cela crée, et c’est vrai pour toutes les manifestations culturelles (…) Les gens se rencontrent et vous avez un effet de retombées d’entreprise qui est formidable (…) J’ai résumé souvent ça dans une formule : Les villes qui gagnent sont les villes qui sortent le soir" (Gabillard, 2001)

9 Le thème pourrait être l’Arc Atlantique.

32 Dans le même registre, c’est la demande locale qui maintient encore en vie les Tombées de la nuit, qui sur le plan culturel et artistique montrent plusieurs signes de vieillissement : "il y a une demande forte, il y a un public important quand même qui vient aux Tombées.C’est 150 000 personnes sur 8 jours. Sur le plan strictement des personnes touchées, c’est 3 fois plus, 4 fois plus que les Trans" (Biard, 2001).

V - LES ACTEURS

1. Personnes –clés, statut, personnels

1.1. Les Tombées de la nuit Personnes Clés Les deux personnes clés à l'origine des Tombées de la Nuit sont Martial Gabillard (1er adjoint du maire et adjoint à la culture de la ville de Rennes jusqu'en 2001 -4e mandat-) et Jean-Bernard Vighetti (directeur de l'OT de Rennes et directeur artistique des TDN). Ces deux acteurs sont à l'origine du "concept" de l'événement : "un festival de la création en Bretagne, puis un festival de la création en régions". Statut Du fait du statut de son directeur artistique (J.B. Vighetti), le festival dépend essentiellement de l’Office de Tourisme10, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes (E. Rougé et G. Maillard, 2001). En effet, le rattachement de l’Office de Tourisme à la Métropole de Rennes a nécessité l’intervention de la mairie pour que les Tombées de la Nuit restent sous la responsabilité de la ville. Par ailleurs, le festival n’a pas une identité propre. Sa reconnaissance auprès des acteurs culturels n’est pas affirmée car la structure des Tombées de la Nuit n’est pas rattachée au code APE des entreprises culturelles, bien qu’elle possède une licence de spectacles (ce qui d’ailleurs est assez original pour un Office de Tourisme). E. Rougé et G. Maillard, soulignent qu’ils sont sans cesse obligés de justifier la vocation culturelle de leur action lorsqu’ils présentent les Tombées de la Nuit auprès des institutions culturelles. De plus, leur dépendance à l’Office de Tourisme les prive de certaines subventions (notamment du ministère de la culture), ce qui ne serait probablement pas le cas si l'événement était organisé par une association.

10 Le statut des Tombées de la Nuit : Manifestation interne à l'OT de Rennes. Siège: 11 rue St Yves, Rennes.

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Personnels Avant 1990, la structure à l’origine des Tombées de la Nuit était relativement pauvre en personnel : J-B. Vighetti était assisté par Catherine Ferré (personnel détaché de la ville de Rennes et coresponsable avec J-B. Vighetti des Tombées de la Nuit et d’une secrétaire à mi-temps (travaillant à l’Office de Tourisme). À partir de 1990, l’équipe s’agrandit avec l’arrivée de Gérard Mallard, ancien directeur du Centre Culturel de Fougère, ayant le même attachement au développement de la culture bretonne que J-B. Vighetti. En 1999, Erwann Rougé, ancien programmateur poésie du festival, est recruté afin d’assurer la programmation et la communication de l'événement. Il est aujourd’hui le seul à travailler sur le festival à temps complet, ce qui est un avantage par rapport à la situation antérieure mais aussi un handicap comparé à des structures telles que le Festival Interceltique de Lorient ou encore les Transmusicales où B. Macé et J-P Pichard assurent un suivi et une communication sur l’ensemble de l’année et ce, depuis déjà longtemps. La faiblesse du personnel peut partiellement expliquer les problèmes liés à l’image du festival, sa médiatisation, son problème de reconnaissance et sa visibilité à l’échelle nationale. Lors du festival, il faut ajouter un régisseur, un responsable par lieu de spectacle et deux agents techniques de la ville de Rennes qui s’occupent de l’installation des scènes (COUSIN E, LE CONTE E, MONTEZIN H, 1991). En 2000, cinq personnes s’occupent du festival, à temps variable.

1.2 Les Transmusicales Personnes Clés Les Transmusicales sont l’œuvre d’un trio d’acteurs : Hervé Bordier, Jean-Louis Brossard Béatrice Macé. Hervé Bordier est le créateur de l'association GAM (Groupe d'action musicale) destinée à programmer des concerts sur la ville de Rennes au début des années 1970. En 1976, il crée une nouvelle association (TERRAPIN) afin d'organiser une programmation plus dense. En 1988, il devient directeur artistique chez Barclay puis directeur des éditions chez Polygram. Directeur artistique des Transmusicales jusqu'en 1996, il est le personnage central pour l'organisation et les relations institutionnelles. En 1982 par exemple, Martial Gabillard le nomme organisateur des activités musicales à la Maison de la Culture ; en 1983, il est inscrit sur la liste d'Edmond Hervé. Par ailleurs, les

34 différents projets et demandes de subventions sont écrits en son nom. En 1996, alors que les Transmusicales sont confrontées à des difficultés financières (licenciement de la moitié de l'équipe permanente soit cinq personnes, appropriation du Label "Transmusicales" par la ville de Rennes), Hervé Bordier quitte l'équipe pour la direction de la salle de l'Aéronef à Lille. Jean-Louis Brossard est le directeur de la programmation musicale, sur lequel repose les relations avec la scène des musiques actuelles sur Rennes, en France et à l'étranger. Béatrice Macé est la directrice administrative du festival, sur laquelle repose les relations institutionnelles d'ATM-Transaction. Jean-Louis Brossard et Béatrice Macé sont donc des personnes qui ont “ porté ” l’événement depuis le début et qui ont été présentes à tous les rendez-vous annuels des Transmusicales. Ils sont, en quelque sorte, le “ papa ” et la “ maman ” des Transmusicales (Guillot, 1998b).

Statut Le statut d’ATM/TRANSACTION est semi-privé depuis 199011. L'association ATM gère les rapports avec les différentes institutions (Ville, Ministère, Département...) reçoit et répartit les subventions qui lui sont attribuées. Transaction (SARL), outil de l'association, possède une licence d'entrepreneur de spectacles et fonctionne en tant que cellule de production artistique, notamment pour les concerts organisés à l'UBU, la salle de la Cité, Le Liberté, L'Espace, la Maison du Champ de Mars et parfois au TNB. ATM garde le plein pouvoir au sein de la SARL avec 80 % des parts. Une convention liant ATM, l'État et la Mairie, est signée depuis 1991. Elle garantit l'engagement financier des 2 partenaires financiers en échange du respect par ATM des missions qui lui sont confiées.

Personnels En 1995, ATM-Transaction employait huit permanents et dix techniciens (Le Dreve, 1995). En 2000, ATM-Transaction employait entre neuf et douze salariés suivant les périodes. Aucun ne travaille à temps plein sur le festival : l'ensemble s'implique soit sur tous les projets, soit sur l'UBU. Pour le festival, l'équipe des Transmusicales démarre à

35 partir du 19 août. À cette période, l'équipe monte à environ 30 personnes ce qui correspond à une arrivée de 15 personnes, pour la Communication (8), la production artistique (3), la technique (3), les partenariats (1), la décoration (2) ... et ce, sur cinq mois. Pendant les quatre jours du festival, il y a 250 salariés directs par le festival et 100 salariés extérieurs (pour la sécurité par exemple) (B. Macé, 2001). À ces personnels, se rajoutent environ 140 bénévoles "qui sont revenus au festival avec quartiers en Trans et qui travaillent avec les maisons de quartiers. Ils font le service au restaurant, le nettoyage au bar, les montages et des démontages en technique" (B.Macé, 2001).

11 Siège : 12, rue Jean Guy, Rennes.

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2. Les rapports entre les festivals et les partenaires locaux

2.1 Les rapports financiers entre les Tombées de la Nuit et les partenaires locaux Les rapports avec la ville La ville (par l’intermédiaire de l’adjoint à la culture) est à l’origine des Tombées de la Nuit. Le festival a participé ainsi à la période de "municipalisation de la culture" de la ville (VION et Le GALES). On observe d'ailleurs une baisse relative de la part de la ville dans les subventions de l'événement qui reste cependant financé à plus de 75 % par des financements publics. D’ailleurs, selon M. Gabillard, pour les Transmusicales il y a d’autres financeurs, tandis que pour les Tombées la ville a été pratiquement le seul "porteur" : "si bien qu’au total, les Tombées nous coûteraient plus cher que les Trans".

Les rapports avec la DRAC La DRAC est présente depuis 1982 avec, à l’époque une subvention de 30 000 francs. Depuis 1992 elle est de l’ordre de 100 000 francs. Pour M. Decaux (membre de la DRAC interrogé par COUSIN E, LE CONTE E, MONTEZIN H, 1991), l'initiative est pertinente. L'animation estivale correspond à une demande des commerçants et des Rennais en général. Le but était de faire de Rennes le pôle culturel de la Bretagne. À cela s'ajoute la volonté de valoriser les productions et les artistes de la région, bien que J-B. Vighetti ait plus été choisi pour sa force médiatique qu'artistique.

Le Conseil régional et le Conseil général Le Conseil régional soutient le festival depuis 1984. La subvention a été multipliée par trois entre 1992-2000. Le Conseil général est présent depuis 1989 avec une subvention multipliée par six entre 1992-2000.

37

Tableau No 1 : Subventions Tombées de la nuit

TDN SUBVENTIONS BUDGET % 1/2 TOTAL CR(Bret) Europe Ville CG(35) DRAC (1) Partena- Billeterie riat 1992 400 000 3 350 000 092 000 100000 3 942 000 243 600 867 933 5 053 533 78% 1993 430 000 3 400 000 100 000 100000 4 030 000 035 000 784 458 4 849 458 83% 1994 440 000 2 576 000 100 000 114 375 3 230 375 139 705 826 466 4 196 546 77% 1995 440 000 3 000 000 100 000 110 000 3 650 000 158 105 740 706 4 548 811 80% 1996 500 000 2 600 000 130 000 105 000 3 335 000 166 780 818 556 4 320 336 77% 1997 600 000 331 125 2 600 000 150 000 090 000 3 771 125 125 000 667 148 4 563 273 83% 1998 700 000 2 631 200 165 000 120 000 3 616 200 260 675 869 590 4 746 465 76% 1999 1 000 000 2 657 512 200 000 115 000 3 972 512 320 698 710 570 5 003 780 79% 2000 1 200 000 2 684 687 600 000 125 000 4 609 687 398 696 847 595 5 855 978 79% 2001 Coef. 3,0 0,8 6,5 1,3 1,2 1,6 1,0 1,2 X * Source : OT Rennes, Gérard Mallard.

- Les chiffres fournis par l'OT ne prennent pas en compte les prestations "en nature" allouées par la ville correspondant à la mise en œuvre technique des TDN puisque selon J-L Biard, la subvention ville varie entre 3,3 et 4 MdF sur cette période. - En 2000, les subventions du CG (35) se décomposent en 250 000F du CG et 350 000F de charges de centralité. (1) : Total financement public * : Coefficient X entre 1992 et 2000

Graphique No 1 : évolution des subventions Tombées de la Nuit, 1992-2000

3 500 000

3 000 000 CR(Bret) 2 500 000 Europe 2 000 000 1 500 000 Ville 1 000 000 CG(35) 500 000 DRAC 000 000 92 93 94 95 96 97 98 99 00

38 2.2 Les rapports financiers entre les Transmusicales et les partenaires locaux Les rapports avec la ville L’analyse des relations entre les Transmusicales et la ville témoigne de rapports d’abord méfiants, ensuite hésitants et finalement de pleine reconnaissance. Tout cela se traduit en termes de financement. Entre 1979 à 1981, la mairie hésite à financer une association qui accuse déjà des déficits structurels (14 000 francs de la 1ère édition). L'OSCR accorde néanmoins une subvention de 4 000 francs en 1980. L’année 1982 marque le début de la reconnaissance officielle des "musiques actuelles" par la municipalité. A la suite de la rédaction d'un "cahier de doléances" des musiciens rock par l'association Terrapin, la mairie inscrit dans son programme de développement culturel le soutien du rock et passe une convention avec l'Etat qui aboutit à une subvention de 100 000 francs et en 1986, elle suit la surenchère de la ville de Montpellier et augmente sa subvention. En 1991, la première convention tripartite est signée entre ATM-Transaction, l’État et la Municipalité. La subvention de la municipalité passe de 1,9 MF en 1990 à 3,2 en 1991 et les Transmusicales participent à la politique sociale et culturelle des quartiers. En 1996, à la suite du fort déficit de l'édition 1995, la municipalité est une fois de plus sollicitée pour jouer les "sapeurs pompiers" selon l'expression de B. Macé (2001). En 1998, la formule d'Edmond Hervé (Le Monde 2/12/98)," Les Transmusicales font partie du patrimoine de Rennes" consacre les rapports entre l’événement et sa ville d’accueil, même si les subventions mairie stagnent autour de 4,5 millions de francs. En 2000-2001, les Transmusicales s'orientent vers de nouvelles salles dans les communes de l'agglomération, sans doute afin d'obtenir de nouveaux moyens.

Les rapports avec la DRAC L'État est présent depuis 1982. Le Ministère demande même à J.M. Lucas (membre de Terrapin) de rédiger un rapport sur le rock à Rennes. La reconnaissance des musiques actuelles par le Ministère de la Culture dans les années 1980 et celle apportée à H.Bordier par J. Lang (il viendra d'ailleurs à l’édition de 1987) ont certainement contribué à l'intégration des Transmusicales dans la politique culturelle de Rennes. Selon Le Dreve (1995) la subvention de l’État croît de 1985 jusqu'au début des années 1990. À partir de cette période, le désengagement est progressif: entre 1992 et 1993, l'État a réduit sa subvention de 15 % et annonce pour 1994 une baisse de 25 %. Pour Edmond

39 Hervé "les collectivités locales ne pourront pas compenser à elles seules le désengagement de l'État" (Le Monde, 7 décembre 1993).

Les rapports avec le Conseil régional Sollicitées dès les années 1980 par Hervé Bordier, les demandes de subventions se soldent par des refus jusqu'à la fin des années 1980. La programmation rock des Transmusicales largement ouverte sur l'étranger depuis 1986 ne rentre pas dans les missions culturelles du Conseil Régional (Bretagne) qui finance cependant le festival international des variétés de Rennes.

Récapitulatif des subventions et progression du financement des Transmusicales :

Les chiffres de l’année 200012 Le chiffre d'affaires ATM-Transaction est de l’ordre de 16 millions de francs (dont 11 sur le festival). Subventions en francs Ville 4 450 000 dont 3 pour le festival DRAC 1 750 000 dont 1,2 pour le festival Conseil général 750 000 Conseil régional 300 000 Partenaires privés 1 450 000 L’autofinancement du festival oscille entre 50 et 60 %, suivant les années.

Progression du financement des Transmusicales Conseil régional de Bretagne : En 2000, la subvention est de 300 000 francs, contre 200 000, 2 ans plus tôt, 150 000, cinq ans avant. Il y a dix ans, elle était de 80 000 francs.

Conseil général (35) :

12 Donnés oralement pas Béatrice Macé lors de son entretien.

40 En 2000, le financement du Conseil Général s’élevait à 750 000 francs, divisés en 150 000 francs de subventions directes de fonctionnement et 600 000 de charges de centralité, données à la commune qui les reverse à ATM. Avant 2000, l’évolution est la même que pour la région, on passe de 80 000 francs les premières années à 100 000 puis 120 000. On arrive désormais à 150 000. Le Conseil général (35) et le Conseil régional auraient commencé à financer les Transmusicales à partir de 1988-1989.

DRAC et Ville : La DRAC subventionne depuis 1985-86, comme la ville. "Avant on passait par l'OSCR (Office socioculturel de Rennes) ; après on est passé en direct. On a fait 400 000 francs, 500 000, 600 000, enfin on a monté très vite, à la ville. En 1990, on était à 3 millions de francs, et maintenant à 4,45 millions de francs" (B.Macé, 2000).

Tableau No 2 : Subventions Ville accordées aux deux festivals (en MF)

1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Transmusicales 1,25 1,9 3,2 3,3 3,482 4,46 4 4,8 4 4,8 4,5 TDN 3,335 3,335 3,4 4 4,2 3,3 3,8 3,3 3,8 3,5 4 Source : entretien J-L Biard (DAC ville de Rennes)

SUBVENTIONS ACCORDÉES PAR LA VILLE DE RENNES AUX FESTIVALS DES TRANSMUSICALES ET DES TOMBEES DE LA NUIT (1989-1999)

5 4,5 4 3,5 3 2,5 2 Transmusicales 1,5 1 TDN 0,5 0 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

3. Les rapports de force entre acteurs locaux

3.1 Les Tombées de la Nuit

41 Les rapports entre le festival et la ville La particularité du montage des Tombées, l'investissement de l’adjoint à la culture et du directeur de l’Office de Tourisme font que les rapports événement-ville sont particuliers et de fait, biaisés. On peut même se demander si ce n’est justement cette relation, cette filiation particulière qui assure la pérennité du festival. L’arrêter serait en quelque sorte une forme d’infanticide. D’ailleurs, les conflits locaux sont moins accusés entre la ville et ce qui est qualifié de “ grosses manifestations ” par le DAC (les Tombées, les Transmusicales, Travelling) qu’avec des manifestations plus modestes et donc plus revendicatrices : "les conflits sont plutôt le fait (…) d’autres manifestations qui voudraient jouer dans cette cour-là" (Biard, 2001).

Les rapports entre les organisateurs et les acteurs culturels de la ville. Assez paradoxalement, les collaborations entre les Tombées et les autres événements ou équipements locaux sont peu nombreuses. Les Tombées utilisent certes certains équipements, le Liberté par exemple et ont pris des contacts avec les autres festivals, dont les Transmusicales. Elles ont cependant peu mobilisé les ressources locales : "elles ont été un petit peu coupées du terrain culturel, du territoire culturel" (Biard, 2001). Le DAC donne l’exemple de l’Elaboratoire, collectif d’artistes qui travaille dans le domaine des arts de la rue, or "le seul endroit où il ne se produisait pas, c’était à Rennes, alors qu’à Rennes, il y a un festival qui…voilà cette coupure est assez forte" (Biard, 2001). Il est assez tentant d'établir un parallèle avec les Transmusicales et leur coupure avec le Collectif du Jardin moderne … Le statut de "manifestation officielle", porté par le pouvoir, contribuerait-il à susciter des rivalités ?

Les commerçants Selon M. Evellin, Président de l'Union des Commerces interrogé par (Cousin E, Le Conte E, Montezin H, 1991), les Tombées de la Nuit sont une excellente animation pour la ville à une période de l'année où Rennes est considérée comme une "ville morte". Les commerçants participent d'ailleurs à la campagne d'affichage du festival. Les restaurateurs sont associés aux Tombées de la Nuit par le biais d'"un festival gourmand" (concours

42 gastronomique du pays de Rennes -depuis quasiment le début), concours de Galette (depuis 1999), concours des tables étrangères (depuis 2000). Il convient cependant de noter qu’au début des Tombées de la Nuit, les commerçants étaient opposés au festival en raison de ses effets sur la piétonisation des rues.

3.2. Les Transmusicales Les rapports entre le festival et la ville Selon B.Macé, les rapports, entre le festival et la ville, globalement bons (voire très bons) ne sont pas pour autant automatiques : "la ville ne sait pas bien lire les dossiers… elle reconnaît aux Trans un caractère un peu exceptionnel mais… par exemple elle attend 2 ans, elle attend 3 ans avant d’en tirer les conclusions quant aux manques d’infrastructures quoi. Alors quand on leur dit… qu’on est bloqué par l’infrastructure des lieux dans lesquels on travaille… ils ne nous accompagnent pas là-dessus (…). Donc, en fait, je suppose que la ville n’a pas envie, n’a pas les moyens de suivre on va dire des acteurs, de manière forte quoi. Elle est toujours là en tant que sapeur pompier, ça s’est sûr, y a jamais de problèmes là-dessus. Elle est toujours là dans des coups durs ; elle a toujours été à la hauteur dans les coups durs, mais on pourrait quand même anticiper un peu plus les coups durs quoi, parce que je veux dire, c’est clair comme de l’eau de roche que des manifestations comme Travelling, comme les Trans, ont besoin de conditions particulières, quoi… " (B.Macé, 2001). Tout en estimant finalement que la ville accompagne les événements, la co-directrice des Transmusicales estime qu’il existe un certain décalage entre la ville et les associations des festivals. Selon elle "il n’y a pas d’analyse. Et, il n’y a pas volonté de dire : on va faire avec vous, on vous propose, bref, il n’y a pas d’impulsions, quoi". On avait par ailleurs montré plus haut cette opposition entre culture populaire – culture élitaire mise en avant par B. Macé. Selon elle, ces deux formes de culture (populaire et officielle) s’opposent à une troisième, issue d’expressions plus personnelles et n’ayant pas forcément une revendication politique. Il s’agit d’un "champ culturel issu de l’alternatif, issu de l’autodétermination… ", dans lequel elle inclut Travelling, les Transmusicales, le Jardin Moderne. Il est ainsi assez intéressant de constater la manière “ décalée ” dont la directrice des Transmusicales situe un événement qui par d’autres est vu comme

43 municipalisé. Pour elle, les Transmusicales relèvent du "tiers secteur", elles ne sont "ni le TNB - ni les MJC des quartiers". Cependant, elle admet qu’à Rennes, l'équipe des Transmusicales reste libre : "Dans d’autres villes qui ont une politique municipale très dirigée, par le maire et tout, au niveau liberté quelques fois, ça craint quand même. Le dirigisme va jusqu’à l’instrumentalisation et va jusqu’à décider des actions quoi. Nous à Rennes on est libres, c’est-à-dire, jamais le maire, jamais Martial ne nous a demandé de faire quelque chose, nous a dit : tiens se serait bien si quoi".

Les rapports entre les Transmusicales et les acteurs culturels locaux Il n’existe apparemment pas de réseaux formalisés entre les Transmusicales et les autres acteurs présents sur la scène culturelle rennaise. Le festival collabore ou “ rencontre ” d’autres acteurs, festivaliers entre autres. Si les Transmusicales travaillent par exemple avec Travelling, elles ne font que "commencer à se rencontrer avec les Tombées de la Nuit", événement pourtant plus ancien. En fait, la collaboration entre les deux festivals qui nous intéressent ici semble globalement difficile à la co-directrice des Transmusicales "parce qu’on est quand même dans des sphères et des périodes bien différentes". En ce qui concerne les équipements, des collaborations existent avec la Criée, les Beaux Arts et, depuis peu, avec le Conservatoire.

Les rapports entre les acteurs de la scène locale des “ musiques actuelles ” En termes de rock, l’association Terrapin dans un premier temps et ATM/Transaction par la suite, a été l’interlocuteur privilégié de la municipalité. Cette relation institutionnalise pratiquement l’association ATM/Transaction. À part "ce projet durablement installé, les autres initiatives ne sont soutenues que très ponctuellement et pour des sommes tout à fait modestes, ce qui fait dire à nombre d’associations œuvrant dans le champ des musiques actuelles qu’ATM monopolise les fonds publics " (Zago, 1995). D’autres dynamiques existent pourtant. C’est le cas des "Bars en Trans" ou encore du "Jardin Moderne" "créé aux forceps et qui n’est pas initiative des Trans" (Hamon, 1995). Celui-ci regroupe les associations formant "Le Collectif". Mais il semblerait que si les Transmusicales ont créé une dynamique locale, voire des vocations, elles n’ont pas toujours servi de tremplin aux associations qui gravitent autour des musiques actuelles à

44 Rennes. Y. Hamon explique cette situation ainsi : "je pense que si y avait pas les Trans, je ne travaillerai pas dans la musique, malgré tout. Mais par contre, je n’ai jamais eu un véritable coup de main des Trans. C’est... y compris sur les Bars en Trans (…) Je suis toujours parti du principe que si ils nous donnaient quelque chose c’est qu’ils avaient un intérêt" (Hamon, 2001). Les rapports sont ainsi relativement tendus entre ATM et l’association "3 p'tits Tours" qui organise les "Bars en Trans". Le dépôt du nom "Bars en Trans", déposé par ATM à l’INPI, comme s’il était "the spirit of Transmusicales" (Hamon, 2001) a été mal vécu par "3 p'tits tours". De même, les rapports organisationnels semblent relativement compliqués et en tout cas, peu spontanés ou automatiques. Malgré l’image qu’on peut avoir de l’extérieur de deux événements qui se déroulent en parallèle et en symbiose, les conflits et les tensions ne sont finalement pas absents. Il s’agit en réalité de deux entités qui ont souvent des conflits, dont les intérêts convergent ou divergent selon les jours. Les "3 p’tits tours" se sentent "très récupérés" même s'ils sont entièrement liés aux Transmusicales : "je pense qu’on est un peu condamné à s’attendre, enfin surtout nous d’ailleurs. S’il y a une rupture, on est dans la merde. Par contre, je pense que, si il y a une rupture dans l’autre sens, je ne suis pas sûr qu’ils soient pas dans la merde non plus. Pour d’autres raisons. Nous, on est, pour des raisons liées au fonctionnement, alors qu’eux c’est par rapport à leurs missions" (Y.Hamon, 2001). Cette absence de spontanéité ou d'automaticité dans les rapports est à l’origine selon "3 p'tits Tours" de négociations, tensions, conflits entre les différents acteurs de la mouvance musiques actuelles à Rennes, où tout le monde semble défendre son territoire, y compris les Transmusicales qui ont a priori " fait leur trou" : "y’a pas de générosité. Et c’est pour une structure qui a dû effectivement faire son trou à Rennes, qui s’est battu pour ça, je pense qu’ils ont juste oublié un truc dans leur projet (…) Le renouvellement, quoi. On a vraiment l’impression qu’ ils défendent jalousement leur territoire et ne pensent pas à ce qui se passe après" (Hamon, 2001).

45 VI - PUBLICS 1. Comment les organisateurs cernent leur public Selon B. Macé, le public rennais est un "public boulimique" : "les gens ont une boulimie culturelle parce que c’est vraiment des boulimiques… je veux dire qu’ils font un succès à Travelling, ils font un succès aux Trans, ils font un succès à Mettre en scène, c’est des boulimiques culturels les gens de Rennes. On a un public qui est très particulier, un public assez exceptionnel" (B.Macé, 2001). Ce rapport au public, est fondé sur la confiance que celui-ci accorde aux organisateurs : "il y a une adéquation entre le public et le festival, une adéquation entre le monde musical et le festival" (Gabillard, 2001).

2. Résultats des enquêtes aux Tombées de la nuit

Résultats des enquêtes des Tombées de la Nuit Deux enquêtes ont été effectuées aux Tombées de la Nuit, pendant les éditions 2000 et 2001. 42 et 40 questionnaires ont été respectivement réalisés. Le public interrogé lors des deux éditions est majoritairement local (Rennes et département). Les non-rennais connaissaient déjà la ville. Une grande partie du public avait déjà fréquenté les précédentes éditions des Tombées de la Nuit. Quelques assidus ont assisté à toutes les éditions des Tombées au cours des vingt dernières années. Si la majorité du public pensait assister aux Tombées pendant toute la durée de l’événement en 2000, la majorité du public en 2001 est venue pour un ou deux jours uniquement.

Les motivations L’ambiance et la convivialité d’une part, l’aspect sortie en général et les spectacles, le contenu artistique, d’autre part, sont les éléments principaux que cherche la majorité des visiteurs des Tombées. Les autres modalités sont la curiosité et l’originalité ou la nouveauté, la découverte. C’est par ailleurs la convivialité, l’ambiance et la variété, la diversité des spectacles que les visiteurs apprécient le plus aux Tombées. La gratuité est également appréciée. Peu de personnes portent un jugement négatif aux Tombées si ce n’est, en 2001, qu’il y a trop de monde et pas assez de place.

46 De manière générale, les visiteurs des Tombées associent le mot “ festival ” à la fête, au divertissement. Moins nombreux sont ceux qui pensent à la rencontre et à l’échange, au rassemblement, à la foule ou à la joie et à la bonne humeur. Les autres pensent à la culture, à des genres culturels (musique, danse) ou à des villes hôtes de festivals célèbres (Avignon, Cannes). La plupart des visiteurs des Tombées pratiquent d’autres festivals dans la ville de Rennes ou ailleurs. Pour ce qui concerne la première question, les festivals les plus fréquentés sont les Transmusicales et Travelling en 2000, Les Transmusicales, Travelling et Mythos en 2001. Pour ce qui concerne les festivals hors Rennes, peu de festivals semblent se dégager du lot, si ce n’est l’Interceltique de Lorient.

Les caractéristiques du public La majorité du public se situe dans la tranche d’âge de 25-34 ans, mais toutes les tranches sont représentées. Les femmes sont légèrement sur représentées. La majorité des gens interrogés sont des étudiants. L’enquête confirme que la pratique festivalière est une pratique collective : la plupart des personnes sont venus entre amis, en couple, ou en famille.

3. Résultats des enquêtes aux Transmusicales 51 questionnaires ont été réalisés en 2000 devant la salle du Liberté La majorité du public touché vient de Rennes et du département. Une partie significative vient cependant d’autres départements. La majorité a déjà assisté à une précédente édition des Transmusicales. La plupart les fréquentent depuis moins de cinq ans, ce qui témoigne du renouvellement du public des Transmusicales. Plusieurs font partie d’un public fidélisé qui a assisté au festival entre cinq et huit fois. Peu nombreux sont cependant les inconditionnels qui suivent les Transmusicales depuis plusieurs années, voire depuis les débuts. Il s’agit d’un public assidu : la plupart des gens interrogés affirmait avoir l’intention d’assister aux Transmusicales pendant plusieurs jours. Il s'agit également, et là ce sont les enquêtes réalisées directement par les Transmusicales qui le montrent, d'un public jeune et peu fortuné. Ces enquêtes rappellent également combien chaque salle attire un public

47 particulier : les jeunes (- de 25 ans) vont plus particulièrement au Liberté les 25-45 ans par contre, c'est-à-dire la première génération touchée par le festival préfère la Cité.

M. Gravari Barbas

48 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Entretiens

Biard, J.L., DAC, 2001, entretien réalisé aux bureaux de l’action culturelle, le 15 janvier, par C.Barthon et M.Gravari-Barbas.

Brossard, J.L., Co-directeur des Transmusicales, 2001, entretien organisé dans les bureaux des Transmusicales, le 15 janvier, par C.Barthon et M.Gravari-Barbas.

Gabillard, Martial, 1er adjoint chargé de la culture, 2001, entretien réalisé à la mairie, le 15 Janvier, par C.Barthon et M.Gravari-Barbas.

Hamon Yann, 2001, Entretien effectué aux bureau de l’Association 3 p’tit Tours, organisatrice des Bars en Trans, le 12 mars par C.Barthon et M.Gravari-Barbas.

Macé, Béatrice, Co-directrice des Transmusicales, 2001, Entretien réalisé aux Bureaux des Transmusicales, le 12 mars, par C.Barthon et M.Gravari-Barbas.

Malard G. et Rougé E. administrateur et programmateur des Tombées de la Nuit, 2001, entretien réalisé le 18 janvier par C.Barthon.

Vighetti, J.B. (Directeur de l’Office de Tourisme et des Tombées de la Nuit), 2000, entretien effectué à l’Hôtel de Ville, le 5 juillet, par C.Barthon, M.Gravari-Barbas et Ph.Violier.

49

Ouvrages

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Transmusicales ATM-Transactions (1979-2000) - Programmes des 22 éditions des Rencontres Transmusicales + Programmes "bars en Trans" (1987-2000)> lacune 1992. ATM-Transactions (1995-2000) - Analyse des publics des Transmusicales > lacunes 1998. BARS en TRANS- Assos 3 P'tit Tour (2001) - Rapport d'activité, n.p. CHEVROLIER V (1992) - La ville de Rennes et les Transmusicales. Mémoire de Sciences politiques, Université de Rennes 1. COLIN O (1992) - Eude économique des festivals. Mémoire de maîtrise de Sciences Économiques, Université de Rennes 1.. FREMEAUX I (1995) - De l’influence de la communication médiatique sur une manifestation culturelle : le cas des Transmusicales de Rennes. Maîtrise IUP de Rennes 2, Département InfoCom, 87 p. LE DREVE J.P (1995) - La dynamique des rapports d’intérêts entre la ville de Rennes et ATM/TRANSACTION. Mémoire de maîtrise d’AES, Université de Rennes 2, 41 p + 12 annexes. LEHOUX S LESAGE J-P (1996-1997) - L’avenir des Transmusicales. IUT-GEA Rennes, 56 p + annexes non numérotées. LUCAS J.M (1984) - Rock et politique culturelle. L’exemple de Rennes 1979-1983. Eude pour le Ministère de la culture. TEILLET P (1992) - Le discours culturel et le rock : l’expérience des limites de la politique culturelle de l’État. Thèse de Doctorat d’État en Sciences Politiques, Rennes 1, x p. THOMAS A (1995) - Les festivals rock : un nouvel atout dans la communication des villes ? Maîtrise IUP de Rennes 2, Département InfoCom, 84 p. ZAGO L (1994-1995) - Musiques actuelles et politiques culturelles à Rennes 1983-1995. Mémoire de sciences politiques de 3e année, IEP de Rennes, 78 p + annexes non numérotées.

50 Politiques culturelles des villes ARLAIS P-O (1998) - Les sources d'influence de la politique culturelle des villes de Nantes et de Bristol : les relations avec les institutions, l'instrumentalisation économique et communicationnelle. Mémoire IEP Rennes. CHATEAU T (1999) - Politiques urbaines et recherche locale : le cas rennais de l'évaluation de la politique socioculturelle. Mémoire IEP, Rennes. GOUJON A (1999) - Politique publique locale et pratiques musicales : le cas du jardin Moderne à Rennes. Mémoire IEP Rennes. GUILLOT, D., 1998, “ 20e rencontres d’un drôle de type ”, Édition Spéciale du District Info, Le Rennais. GUILLOT, D., 1998b, “ Papa et mama : il n’y a jamais eu de préméditation ”, Édition Spéciale du District Info, Le Rennais. HUET A (1994) - L'action socioculturelle dans la ville. Actes du colloque de Rennes (1-2 octobre 1992), Paris, l'Harmattan, x p. LARES (1995) - Évaluation qualitative et quantitative de la politique socioculturelle de Rennes (1988-1991). LE GALES P, VION A (1998) - Politique culturelle et gouvernance urbaine : l'exemple de Rennes. in. Politique et management public 1, vol. 16, mars 1998, pp. 1-33. MOUGIN G (1995) - Conduite et gestion des politiques culturelles municipales depuis le ministère Lang et la décentralisation (1981-1995). Mémoire IEP Rennes, 75 p. SAEZ G (1983) - Politique de style, politique de ville : Grenoble et Rennes devant la culture. in. Les Cahiers de l'animation III, n° 41, x p. TUFFREAU M (2000) - Le développement des partenariats publics et privés et la précarité des associations culturelles à Rennes : étude comparée de 3 associations rennaises productrices de festivals : Transmusicales/Travelling/Mythos. Mémoire IEP Rennes. VIMEUX N (1994) - Le jeu des acteurs intervenant dans l'élaboration et la conduite d'une politique culturelle depuis la décentralisation : le cas du CRDC à Nantes. Mémoire IEP Rennes, 68 p. YOUINOU B (1994) - Le jeu des acteurs intervenant dans l'élaboration et la conduite d'une politique culturelle depuis la décentralisation : le cas du TNB de Rennes. Mémoire IEP Rennes, 65 p. Les Annales de la recherche urbaine n° 20, 1983.

Revue de presse “10e anniversaire des T de Rennes ” Le Monde, 6 décembre 1988, p.17. “Les XIe Transmusicales à Rennes ” Le Monde, 7 décembre 1989, p. 33 “Transmusicales : le rock et ses alentours ”, Le Monde, 10 décembre 1991, p18. “ Transmusicales : la fête est dans les marges ”, Le Monde, 7 décembre 1992, p13. “ Culture : bilan des 11e rencontre Transmusicales à Rennes : l'imagination contre la crise ”, Le Monde, 7 décembre 1993, p. 18 “Arts et spectacles rock ”, Le Monde, 1er décembre 1994, p. 10 “ Les XVIe Transmusicales ”, Le Monde, 6 décembre 1994, p.21 “ 3 découvreurs contraints de passer à la vitesse supérieure ”, Le Monde, 29 décembre 1995, p.26 “ Les T lancent la musique électronique sur scène ”, Le Monde, 2 décembre 1995, p.24.

51 “ Les T sont confrontées à des difficultés financières ”, Le Monde, 25 décembre 1996, p. 25. “ Délicate restructuration du festival ”, Le Monde, 6 décembre 1996, p 27 “ La banlieue au centre des Transmusicales ”, Le Monde, 7 décembre 1996,.p.27 “ 25 000 spectateurs ont fêté le 18e anniversaire des Trans ”, Le Monde, 10 décembre 1996. “ 12 500 ravers ont fêté la clôture de 19e Trans ”, Le Monde, 9 décembre 1997, p 29. “ 20 ans de fête et de rock aux Transmusicales”, Le Monde, 2 décembre 1998, p.27. “ Les Transmusicales transforment la ville en concert-promenade ”, Le Monde, 5 décembre 1998, p.29 “ Aux Trans, la prise de pouvoir des musiques électroniques ”, Le Monde, 7 décembre 1998. “ Le Liberté, nouveaux coeur des Trans ”, Le Monde, 8 décembre 1998, p 33. “Changement de comportement”, Le Monde, 7 décembre 1999, p. 33 “ Une flamboyante fin de siècle pour les Transmusicales de Rennes ”, le Monde, 5 décembre 2000. “ Les Transmusicales ajoutent un étage funk à leur tour de Babel ”, Le Monde, 27 novembre 2001. “ Les Transmusicales à Rennes affichent leur convivialité ”, Le Monde, 4 décembre 2001.

Programmes Programmes des Tombées de la Nuit. (1980-2000). Lacunes 1981-1986-1989-1991-1992- 1997.

52 ANNEXES

Tableau No 1 : Les différents lieux de Rennes investis par les Tombées de la nuit

0 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 8 8 8 8 8 8 8 8 8 8 0 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 Tombées de la nuit adresse 1 ADEC(maison du rue Papu X X X X X X X théâtre amateur) 2 Basilique St Sauveur rue St X X X Sauveur 3 Biblio municipale rue Borderie X X X ? 4 Cafe Carmes rue St X Georges 5 Cathédrale Cathédrale X X X X X X 6 Champs de Mars Champs de X X X X X X Mars 7 Centre rue Melaine X X X X Chorégraphique* 8 Centre culturel du rue d'Antrain X X X X Rallye 9 Centred'information rue le X sur l'urbanisme Bastard 10 Cité (la) rue St Louis X X X 11 Chapelle du rue Hoche X X X Conservatoire 12 Chapelle St Yves rue St Yves X (OT) 13 Cloître Sainte- rue Ste X X X X X X X X Melaine Melaine 14 Cour de Blossac rue du X Chapitre 15 Cour de la BPO place de la X Trinité ? 16 Cour de l'UDAF ? X 17 Cour de la DRAC rue du X Chapitre 18 Cour du Centre rue Griffon X Communal d'action sociale 19 Cour (école de la rue des X Liberté) Carmes 20 Cour (école St Yves) rue St Yves X 21 Cour intérieure rue Motte X Fablet 22 Cour (rue Hoche) rue Hoche X 23 Cour (Ecole rue Hoche X X régionale des Beaux Arts 24 Cour (Parlement Place du X Bretagne) Parlement 25 Cour des Carmes rue Vasselot X 26 Cour de la rue Le X Soc.Générale Bastard 27 Couvent des rue St Malo X X Jacobins

53 28 Criée (La) Place Honoré X X X Cormmeurec 29 Ecole régionale de rue Hoche X X X X Beaux-Arts* 30 Ecole rue StYves rue St Yves X 31 Eglise Notre-Dame* rue Melaine X X X X X X X 32 Eglise Saint-Etienne Bas des Lices X 33 Eglise St Germain Place St X Germain 34 Eglise St Augustin X X 35 Espace Orphée quai X X X X X X X X X Chateaubrian d 36 Esplanade du Esplanade du X Colombier Colombier 37 Halle Martenot Place des X X Lices 38 Hotel de Blossac rue du X X X X X Chapitre 39 Hôtel de Ville Hôtel de X X X X X X X Ville 40 Institut Franco- Quai X Américain Chateaubrian t 41 Librairie Breizh rue de X Penhoët 42 Liberté Champs de X X X X Mars 43 Maison de la Culture rue de St Hélier 44 Maison des Métiers Cours des X Alliés 45 Maison du Champs Cours des X X X de Mars Alliés 46 MJC La Paillette rue Pré de X X X X X X Bris 47 Musée de Bretagne Quai E. Zola X X 48 Opéra Place de la X X X mairie 49 Palais de Justice X 50 Palais St Georges X 51 Parc Oberthur Parc X X Oberthur 52 Parc/place du Thabor Parc/place du X X X X X X X X X X X X X Thabor 53 Parlement de Place du X X X X X X Bretagne Parlement 54 Péniche la Dame Quai Saint- X X X Blanche Cyr 55 Péniche l'Arbre Quai Saint- X X X X X d'Eau Cyr 56 Péniche écluse du Quai St Cyr ? X X mail 57 Péniche le Mistral Ecluse de la X mission 58 Place de la Place de la X X Cathédrale Cathédrale 59 Place de la mairie Place de la X X X X X X X X X X mairie 60 Place des Lices Place des X X X X X Lices

54 61 Place des portes Place des X X X X X X X X X Mordelaises portes Mordelaises 62 Place du Parlement Place du X X X X X X X X X X de Bretagne Parlement de Bretagne 63 Place Hoche Place Hoche X X 64 Place St Germain Place St X X Germain 65 Place St Michel Place St X X Michel 66 Rues piétonnes Rues X X X piétonnes 67 Rue le Bastard Rue le X Bastard 68 Rue Baudrairie Rue X Baudrairie 69 Rue de la Chalotais Rue de la X Chalotais 70 Rue de la Psalette Rue de la X X X X Psalette 71 Rue Saint-Michel Rue Saint- X X X Michel 72 Rue Vasselot Rue Vasselot X X 73 Temple Protestant X 74 Théâtre de la rue de la X X X X X X X X Parcheminerie Parchemineri e 75 Théâtre de la ville Place de la X X X X X X Mairie 76 Théatre du Cercle rue de Paris X X Paul Bert 77 Théâtre et parvis du rue X X X X X X X X X X X X vieux Saint-Etienne d'Echange 78 Ubu Av. J. Janvier X

55 L'INSCRIPTION TERRITORIALE ET LE JEU DES ACTEURS DANS LES ÉVÉNEMENTS CULTURELS ET FESTIFS

FESTIVAL

ETONNANTS VOYAGEURS

À SAINT-MALO

DEP - MINISTÈRE DE LA CULTURE CNRS - UMR 6590 - ESPACES GÉOGRAPHIQUES ET SOCIÉTÉS Avril 2002 I - CONTEXTE URBAIN, SOCIO-ÉCONOMIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE 2

1. UNE VILLE MARQUÉE PAR SON HISTOIRE ET SES PORTS 2

2. LE "GRAND SAINT-MALO" : PROFIL DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE 3

II - LA POLITIQUE CULTURELLE LOCALE 4

1. SERVICES ET ÉQUIPEMENTS CULTURELS 4

2. UNE POLITIQUE CULTURELLE ÉVÉNEMENTIELLE ÉTROITEMENT LIÉE AU TOURISME 5

III - HISTORIQUE D'ÉTONNANTS VOYAGEURS 6

1. LES RAISONS DE LA CRÉATION DU FESTIVAL SELON M. LE BRIS 6

2. UN CONCEPT "SALONS-RENCONTRES-EXPOSITIONS" QUI ÉVOLUE PEU 7

IV - LES LIEUX D'ETONNANTS VOYAGEURS 9

1. EMPRISE SPATIALE DU FESTIVAL ET ÉVOLUTION 9

2. RAPPORTS AUX LIEUX DES ORGANISATEURS 16

3. L'ABSENCE DE PÉRENNISATION "MATÉRIELLE" DE L'ÉVÉNEMENT SUR LE SITE : 17

4. RAPPORTS AUX LIEUX DU PUBLIC 18

V - ACTEURS 19

1. LES PRINCIPAUX ACTEURS EN PRÉSENCE 19

2. UN FESTIVAL TRÈS INDÉPENDANT VIS-À-VIS DU MILIEU LOCAL 22

VI - LES PUBLICS 25

1. CE QU’EN DISENT LES ORGANISATEURS 25

2. LES ENSEIGNEMENTS DES ENQUÊTES SUR LE PROFIL DES FESTIVALIERS 26

BIBLIOGRAPHIE 28

ENTRETIENS 28

I - CONTEXTE URBAIN, SOCIO-ÉCONOMIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE

1. Une ville marquée par son histoire et ses ports1

Située à l'embouchure de la Rance et limitée au nord par la Manche, la ville de Saint-Malo porte en elle l'image d'une cité maritime au riche passé. Il suffit d'évoquer les noms de Jacques Cartier et de Mahé de La Bourdonnais (découvreurs de terres lointaines), de Duguay-Trouin (lieutenant général des Armées navales de Louis XIV) ou encore de Surcouf (célèbre corsaire) pour mieux s'en persuader. Isolée de la terre ferme par une flèche sableuse (l'actuelle plage du Sillon) et des zones de marais (actuels quartiers de la gare, de Rocabey, de la Découverte...), Saint-Malo "Intra Muros" restera confinée dans son enceinte fortifiée jusqu'au XVIIIe siècle. Face à Saint Servan dont elle supplante l'activité portuaire dès le bas Moyen Age, la ville sortira de ses remparts qrâce aux endiguements successifs permettant l'aménagement du port actuel et l'assèchement des marais. Ces espaces, gagnés sur la mer aux XVIII et XIXe siècles seront rapidement occupés par des quartiers industriels, tandis que la vague des bains de mer transforme le village de Paramé en station balnéaire. Dès la fin du XIXe siècle, E. Hébert (un banquier parisien) créé une société anonyme afin de financer l'implantation d'un lotissement balnéaire et la construction du Grand Hôtel et du Casino au niveau de la plage de Rochebonne. De ces principales phases d'extension, la ville actuelle garde une organisation spatiale divisée en 3 pôles : - Intra-Muros : site originel de Saint Malo, la ville close détruite à 80% en 1944 a été reconstruite "à l'identique", en respectant la silhouette et les matériaux traditionnels. De fait, elle conserve l'image "légendaire de la cité corsaire" (Office de Tourisme de Saint- Malo) et demeure le haut-lieu touristique de la ville. Surplombant le port et le Sillon, ce quartier apparaît comme le centre de Saint-Malo. - Paramé : station balnéaire, le quartier résidentiel se développe en front de mer, tandis que l'intérieur est progressivement gagné par la péri urbanisation

2 -Saint-Servan : orientée sur la Rance, cette commune historiquement opposée à Saint-Malo est aujourd'hui incluse dans son aire d'attraction et comprend les principales zones commerciales de la ville. En effet, depuis 1967, ces trois communes ont fusionné pour former le Grand Saint-Malo. De son côté, l'agglomération malouine regroupe 63 communes, 29 km de littoral et 135 000 habitants. Dans un futur proche, la ville se prépare à accueillir le TGV en 2 004/2 005. Aussi s'est- elle engagée à réaménager la gare et quartier de Rocabey qui, à terme, devrait devenir le centre d'affaires ou d'activités malouin, selon l'adjointe à la culture. Des travaux visant à améliorer la circulation et le stationnement sont également prévus, afin de faciliter la desserte interne entre les trois principaux pôles de la ville.

2. Le "Grand Saint-Malo" : profil démographique et économique

Entre 1990 et 1999, le grand Saint-Malo a vu sa population augmenter de 0,6 % par an et compte actuellement 50 675 habitants. Cette croissance est liée au solde naturel (+ 0,2 %) mais surtout au solde migratoire (+ 0,4 %). La sous-préfecture de l'Ille et Vilaine semble donc attractive, même si son taux de chômage reste important : 14,6 %. On retrouve d'ailleurs cette caractéristique dans l'ensemble de sa zone d'emploi qui observe le taux le plus élevé de Bretagne (13,8 % en 1998). La population malouine est répartie de manière homogène selon les classes d'âge : les moins de 20 ans (23 %) et les plus de 60 ans (26%) sont sur-représentés par rapport à Rennes, par exemple, tandis que les jeunes adultes y sont nettement déficitaires (25 % contre 41 %). Les activités économiques, outre celles d'une sous-préfecture traditionnelle, reposent sur les ports et le tourisme : "Saint-Malo n'est pas seulement une belle carte postale. C'est une ville en pleine évolution autour d'un port dynamique (le premier de la côte Nord de Bretagne), d'une industrie diversifiée et d'un tourisme vivant, élément majeur du développement économique" (CCI de Saint-Malo).

1 Cf. Ville de Saint-Malo (2000) - D'Alet au grand Saint-Malo : 2 000 ans d'urbanisme, catalogue d'exposition, 173 p.

3 Avec plus de 2 millions de tonnes par an, le trafic du port de commerce est composé d'engrais, de bois et de granit pour les importations ; les exportations concernent l'industrie automobile et l'agroalimentaire. Par ailleurs, plus d'un million de passagers par an transitent par Saint-Malo, à destination ou en provenance de Grande-Bretagne, d'Irlande ou des îles de Jersey et Guernesey. Enfin, le port de pêche Saint-Malo / Cancale et les ports de plaisance (mouillage de Solidor, port des Sablons et bassin Vauban) parachèvent cet ensemble qui assure le maintien de la maritimité de la ville. Le tourisme se décline selon plusieurs facettes : balnéaire, nautique, thermal, culturel, événementiel, d'affaires et industriel. En période estivale, on dénombre près de 200 000 résidents, ce qui multiplie la population par 4. La ville dispose donc d'une infrastructure d'accueil conséquente : 97 hôtels (2 444 chambres) en 2 000, soit presqu'un tiers des hôtels homologués d'Ile et Vilaine, 4 campings et 5 633 résidences secondaires (19 % des logements malouins). Les deux sites les plus fréquentées sont le Casino (700 000 entrées) et le Grand Aquarium (431 000 entrées), les musées ne représentant "que" 50 000 entrées. La volonté de la ville de développer son tourisme hors saison l'a conduite à s'orienter vers l'événementiel : six à sept festivals ont lieu chaque année (Cf. tableau p 6), auxquels il faut ajouter des manifestations maritimes telles que la Route du Rhum, la Cutty Sark, la Transat Québec-Saint Malo ou encore l'opération "les plus grandes marées d'Europe".

II - LA POLITIQUE CULTURELLE LOCALE

1. Services et équipements culturels

À l'instar de nombreuses villes moyennes, l'action menée par la Direction du Développement Culturel de Saint-Malo repose dans un premier temps sur une politique d'équipement. La ville est en train de se doter d'un centre dédié au musiques actuelles de 900 places ; elle a également acquis le domaine de la Briantais. Ce dernier, composé d'un château et d'un jardin sur les bords de Rance devrait être destiné à l'imaginaire et au voyage. Cependant, il n'aurait pas de liens avec Etonnants Voyageurs. D'ailleurs, la vie culturelle de Saint-Malo et les principaux lieux où elle se déroule n'entretiennent pas de relations directes avec le festival.

Les principales institutions et infrastructures culturelle de Saint-Malo

4 (source : Lefort-Bénéjam C., Giraud-Petit C., 2002)

Arts plastiques et musées Académie malouine d'arts plastiques Musées municipaux d'histoire et du long cours. Musique Conservatoire de musique Centre de musiques actuelles Spectacles Théâtre de Saint-Servan * Livres Bibliothèque centrale de Saint-Malo * (annexe Saint-Servan et Paramé) Exposition Halle à Blé *, la Tour Bidouane, la Chapelle Saint-Sauveur *, la Briantais Maison de Quartier (X 2)

Légende : lieux utilisés par Etonnants Voyageurs : au moins une fois (*) / lors des deux dernières éditions (*)

Aujourd'hui, selon l'adjointe à la culture et la directrice du développement culturel, il manque à Saint-Malo une médiathèque. A terme, cette carence devrait être résolue puisque la Ville est en train de rédiger l'appel d'offre pour son implantation. En outre, Saint-Malo ne dispose pas de grande salle de spectacle de 3 000 places. Dans ce domaine, la compétence de la communauté d'agglomération devrait être requise assez rapidement pour éviter la multiplication de petites salles sur chaque commune.

2. Une politique culturelle événementielle étroitement liée au tourisme

La volonté de la ville d'étendre la saison touristique et de se positionner vis-à-vis de Dinard, plus reconnue pour son attractivité balnéaire et son festival de cinéma, l'a conduite à s'orienter sur l'événementiel culturel et sportif. Aussi, les six festivals annuels malouins se déroulent-ils soit durant les mois de juillet et août, soit en avant ou arrière saison. Six mois (de novembre à mai) sont donc exclus de la programmation.

Les festivals de Saint-Malo FESTIVALS THEME STRUCTURE CREATION SUBVENTION CALENDRIER 2000 Quai des Bulles * Bande Dessinée Association 1981 1 000 000 F fin octobre

La Route du Rock* Musiques actuelles Association "Rock 1990 600 000 F 2e week-end Tympan" d'août Etonnants Voyageurs* Livre d'aventure et de Association + Agence de 1990 1 980 000 F week-end de voyages Communication Pentecôte "Mégaliths"

5 Folklore du Monde Chants, musiques et Maison des Associations 1996 1 000 000 F 1e semaine de danses traditionnelles de St Malo (ville) juillet Festival de musique Musique Association des chœurs - 300 000 F Juillet/Août Sacrée* de la cathédrale St Pierre Solidor en peinture Concours / peinture Association Droits de - - fin Juin Cité

Tous les ports du Culture maritime Associative - - tous les 2 ans, monde à St Malo mi-septembre source : Direction du développement culturel (DDC) de Saint-Malo * Festivals subventionnés par la DDC

Ce constat est d'ailleurs confirmé par l'adjointe à la culture : "La critique qui peut être faite à Saint-Malo, c'est trop d'événementiel et pas assez d'activité à l'année. Moi, je ne dis pas qu'il y a trop d'événements mais qu'il n'y a pas assez d'activité à l'année." (Lefort- Bénéjam, 2002). Pour Etonnant Voyageurs, elle ne nous cache pas le caractère contesté de la manifestation, eu égard à la subvention qu’il reçoit par rapport aux autres événements malouins.

III - HISTORIQUE D'ÉTONNANTS VOYAGEURS

1. Les raisons de la création du festival selon M. Le Bris

La création d'Etonnants Voyageurs a progressivement germé et pris forme dans la tête de M. Le Bris au fil de ses expériences personnelles. Ecrivain, journaliste, l'auteur se sentait "très marginal dans ce qui était la mode dominante de la fin des années 80 : une mode littéraire chic et branchée, autocentrée sur soi même. Je me sentais pas de ce courant littéraire là. J’étais beaucoup plus intéressé par ce qui se passait en Angleterre autour d’une revue qui venait de paraître et qui s’appelle Granta (...) J’étais à la fondation du journal Libération (...) Libé c’était ça. “ sortons du commentaire et allons voir ce qui se passe dehors ” (...) Donc se battre, c’était pour moi créer des collections, faire connaître cette révolution littéraire, du moins le travel writing qui bousculait tout en Grande- Bretagne à ce moment. C’était aussi faire découvrir des auteurs qui avaient été oubliés comme Nicolas Bouvier.(...) Et je rêvais d’un festival pour rassembler tout ce monde-là, pour réunir tous les gens qui partageaient cette vision là, pour faire venir des écrivains du monde entier pour montrer que s’ils étaient encore marginaux en France, par contre, ils épousaient ce qu’était le mouvement dominant de ce qu’il se passait de plus intéressant

6 dans les littératures du monde. Donc, j’en étais là de cette cogitation, je ne savais pas trop comment monter un événement de ce type." (M. Le Bris, 2001) La concrétisation de l'événement se fera ensuite grâce au réseau interpersonnel de M. Le Bris (cf. partie 5 sur les acteurs) et à la rencontre fortuite -selon M. Le Bris- avec le maire de Saint-Malo, lors d'une exposition sur Stevenson.

La rencontre en un lieu (Saint-Malo) des deux principaux acteurs

du festival (le maire et M. Le Bris) :

"...à l’inauguration de l’expo, qui était minuscule, très modeste, il y avait quelqu’un que je ne connaissais pas, qui était le Maire, qui fait un petit discours ; je m’aperçois qu’il avait vécu un temps dans les mers du sud, parce qu’il en parlait bien. Et puis, il se tourne vers moi et me dit “ écoutez si vous avez des projets, n’hésitez pas, venez me voir ”. Je n’avais pas la moindre idée de ses tendances politiques. Et j’avais ce projet d’Etonnants voyageurs. Donc, je suis allé le voir. Je lui explique la chose. Et puis en plus, c’était tellement adapté à l’image de Saint-Malo. Mais, enfin tout ça démarrait, mes histoires de collection… donc il pouvait se dire que c’était risqué, de mettre de l’argent sur cette idée. Et il me dit “ banco ”, en un quart d’heure “ banco, on y va ”. On avait pas la moindre expérience pour monter un festival. ". (M. Le Bris, 2001)

Etonnant Voyageurs est donc le fruit d'une "convergence d'intérêts ", de "deux volontés personnelles " entre d'une part, le maire de Saint-Malo qui, par le biais du festival souhaite donner une impulsion culturelle et événementielle à la ville afin de renforcer son image, et d'autre part, M. Le Bris pour qui Saint-Malo et surtout l'Intra-Muros représentent un site idéal pour mettre en place son concept.

2. Un concept "salons-rencontres-expositions" qui évolue peu

Dès la première édition (1990), le festival est fondé sur l'idée d'un salon, agrémenté d'expositions, de projections de films et surtout de rencontres avec les auteurs. Des concerts sont également programmés mais ne constituent en aucun cas les têtes d'affiche du festival. Lors de notre entretien, M. Le Bris insiste sur le sentiment d'insatisfaction qu'il ressentait à l'époque lorsqu'il était invité à des salons : "Je me rappelle à Bordeaux, j’avais été invité avec 6, 7 autres auteurs , il y avait 15 personnes, on était dans une salle du fond,

7 c’était désespérant, il n’y avait rien. Un salon, ça consistait à s’asseoir à une table et attendre que les gens viennent pour signer votre bouquin ". D'où l'idée de créer des cafés littéraires et d'en faire le cœur du festival. Le postulat de départ est donc de privilégier la littérature du voyage et de créer une proximité entre les auteurs et leurs lecteurs :" le thème est mis en valeur et chaque écrivain vient apporter un éclairage particulier au thème. Et c’est ce qui fait la force des rencontres car au bout d’un moment l’écrivain n’est pas mis en vedette, c’est le sujet qui l’est." (S. Roué, 2002). La première année, 80 écrivains et de nombreux éditeurs répondent à l'invitation ; une dizaine d'expositions sont montées dans le Palais du Grand Large et dans un chapiteau à l'extérieur. La réaction du public, certes peu habitué au débat dans les salons traditionnels, fût extraordinaire selon M. Le Bris. Dès la troisième édition, l'effet boule-de-neige amène les organisateurs à trancher : voyant que tous les auteurs avaient tendance à se réinviter d'une année sur l'autre, le festival choisit de privilégier un thème central2 pour lequel 30 à 40 nouveaux auteurs sont invités chaque année. La programmation maintient cependant les sujets de prédilection de la manifestation, à savoir le roman policier, l’aventures, la mer et les îles. Des 80 à 100 auteurs invités lors des premières éditions, Etonnants Voyageurs en mobilise aujourd'hui près de 200, ce qui constitue un seuil à ne pas dépasser, selon les organisateurs, pour le bon déroulement de la manifestation. Quant à la fréquentation du public, le véritable déclic a lieu en 1997, date anniversaire des dix ans du festival (1999) concrétisant cette ascension (S. Roué, 2001). Car si le concept d'Etonnants Voyageurs n'a pas vraiment évolué, sa taille en termes de programmation, de fréquentation et de lieux utilisés n'a cessé de croître pour atteindre ses limites : avec plus de 200 animations sur 3 jours, 11 lieux, 10 expositions, les salons du livre grand public et jeunesse3 , l'édition 2001 a accueilli 50 000 visiteurs. Le festival a donc atteint son apogée sachant que : " potentiellement, le lieu (St Malo) ne peut pas en accueillir plus et on ne pense pas qu’on puisse avoir plus d’audience. Je pense que l’on ne changera plus d’échelle. Donc, on peut se maintenir ou alors tomber parce que ça

2 Année Stevenson en 1994 ; L'Orient, Giono et le Polar en 1995 ; l'Amérique latine en 1996 ; l'Ouest et les grands espaces américains en 1997 ; la Méditerranée en 1998 ; Année anniversaire "10 ans d'Etonnants Voyageurs à Saint-Malo" en 1999 ; les Utopies en 2000 et les écrivains du Grand Nord en 2001, pour ne citer que les thèmes principaux des huit dernières éditions du festival. 3 Mis en place en 1997.

8 n’intéresse plus. Mais je pense que l’on n‘ira pas au-delà de 50 000 personnes parce que il y a une volonté réelle de programmation et que l’on ne reçoit pas certains auteurs. Si vous voulez augmenter, il faut inviter des auteurs de best sellers, mais c’est ce qui ne rentre pas dans la ligne de Etonnants Voyageurs. Parce qu’il y a une ligne." (S. Roué, 2002). Aussi, les organisateurs se sont-ils lancés dans une logique de diffusion de l'événement en dehors des frontières : depuis février 2000, le festival Etonnants Voyageurs sillonne le monde. De Bamako à Sarajevo en passant par Dublin et Missoula, le concept "Etonnants Voyageurs" s'exporte et permet aux écrivains du monde entier de se rencontrer avant de se retrouver à Saint-Malo (Programme 2001). Pour finir, notons l'ouverture du festival en direction de la jeunesse dès 1992, par le biais d'un concours d'écriture destiné aux collégiens et aux lycéens de l'Académie de Rennes, financé par le ministère de l'Éducation Nationale, le rectorat de Rennes, et plus récemment par le Conseil général d'Ille et Vilaine et le Conseil régional de Bretagne. Les deux premiers jours du festival leur sont d'ailleurs consacrés (visites des salons, résultats du concours...) ainsi qu'aux professionnels de l'édition.

IV - LES LIEUX D'ETONNANTS VOYAGEURS

1. Emprise spatiale du festival et évolution

Etonnants Voyageurs s'est toujours déroulé dans le Palais du Grand Large où se concentre l'essentiel de la programmation. Située entre le port, le Sillon et l'Intra-Muros, cette structure de congrès s'est imposée aux organisateurs par sa position centrale, à proximité des lieux forts de Saint-Malo, mais aussi parce qu'elle représentait le seul espace de la ville susceptible d'accueillir ce type de manifestation. Dès la première édition, un chapiteau se tient en face du Palais du grand large, sur le quai Duguay Trouin et accueille une partie du salon ; quelques hôtels de la ville close se transforment en lieux de rencontres entre écrivains et lecteurs (document 1). Cette organisation, fondée autour d'un lieu central "le cœur du festival", et à partir duquel gravitent un certain nombre de lieux secondaires (du quai Duguay-Trouin à l'Intra-Muros) se perpétue. Seul le nombre de sites investis varie (de 6 en 1993 à 12 en 2001) au gré des éditions (cf. cartes).

9 Les principales phases d'extension spatiale du festival

- 1994, le salon du livre investit les halls d'exposition Duguay-Trouin4, installés sur le quai du même nom, à la place des anciens bâtiments industriel du port. La surface d'exposition passe alors de 1 500 à 2 400 m2.

- 1997, un nouveau chapiteau est greffé aux halls afin d'accueillir un salon du livre jeunesse.

- 1999-2000, les chapiteaux provisoires (L'archipel et le Magic Mirror "Gulliver"), installés dans la prolongation des halls apparaissent grâce au partenariat avec E. Leclerc. Une nouvelle exposition et un café littéraire jeunesse sont ainsi créés.

4 Géré par la Chambre de Commerce et d'Industrie.

10 Le festival "Etonnants Voyageurs" : emprise spatiale des lieux du festival (1993-2001)

Commune de Saint-Malo

Cinéma l'Amiral Cinéma le Vauban Grande Plage Plage de l'Eventail n illo u S e d Tour des Moulins Chaus sé Palais du Centre d'animation de Vallée Maison Internationale des Grand Large rouin "Salvador Allende" Poètes et des Ecrivains Archipel Quai Duguay-T Salons du Livre Maison du Québec Salons/Terrasses Gulliver Bassin de l'Univers Théâtre Chateaubriand Duguay-Trouin Yatchacht Club Hôtel du Louvre

HalleHalle du à blbléé Avenue Louis Martin Bibliothèque municipale

0 1 2 km Hôtel d'Asfeld Chapelle Saint- Sauveur Bassin

s Bassin e

r Vauban i

Anse des a Jacques Cartier s

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Sablons c

s e d e é s rue Hochelage s u a h Lieu privé C Lieu public

Bassin Bouvet

0 250 m Théâtre Saint-Servan (musique)

Evolution des lieux touchés par le festival "Etonnants Voyageurs" de Saint-Malo (1993,1996, 2001)

1993 1996 2001

Lieu permanent Lieu privé Lieu provisoire Lieu public Document 1 : Les lieux principaux du festival

De haut en bas : - l'espace central du festival. entre Intra- Muros (au loin), le Sillon (à droite) et le bassin à flot Duguay Trouin (à gauche), les principaux lieux d'Etonnants Voyageurs s'organisent le long du quai et dans le Palais du Grand Large,

- le Palais du Grand Large, il est le coeur du festival, présent depuis la première édition. Trois niveaux permettent d'accueillir des expositions, un espace débat "Radio-France" et le café littéraire du festival. Des documentaires sont également projetés dans l'auditorium.

- l'inévitable chapiteau du "Magic Mirror" financé par E. Leclerc à Saint-Malo. Il accueille le café littéraire jeunesse. Le conte, la magie et la musique sont également représentés.

- accosté le long du quai Duguay- Trouin, l'Ocean Search, voilier ayant effectué des expéditions dans le Grand Nord propose des visites Document 2 : Les tentes, installations provisoires, mais lieux majeurs du festival

Entrée et intérieurs des Salons du livre jeunesse et grand public. A première vue, rien ne différencie ces espaces des salons consacrés aux livres dans d'autres villes (Brive, Bordeaux, voire Angoulême). Lieu d'exposition, l'Archipel accueille dans l'édition 2001 une exposition consacré aux peuples de Sibérie (financement E. Leclerc). Document 3 : Les lieux du festival dans la vieille ville (édition 2001)

De haut en bas : - L'hôtel du Louvre où se tiennent des conférences ou des rencontres avec les auteurs ainsi que des projections de documentaires, - L'hôtel de L'Univers. Les terrasses ou les salons, sont utilisés comme lieux de rencontres, - l'entrée du Théâtre Chateaubriant, lieu de projection de documentaires, - la halle à Blé : lieu de rencontre et de débats avec les auteurs sur des thèmes variés ( science-fiction, polar, aventure...)

Dans l'Intra Muros, une partie du festival investit des hôtels (de l'Univers ou du Louvre), des lieux publics d'exposition (La Halle à blé, la Chapelle Saint-Sauveur, la Tour des moulins), des lieux associatif (la Maison du Québec, la Maison Internationale des Poètes et des Écrivains) ou encore le Théâtre Châteaubriant et la bibliothèque municipale. Enfin, quatre sites périphériques5 ont été intégrés ponctuellement à l'événement, mais seul le Manoir Jacques Cartier s'est maintenu jusqu'en 2001. Les organisateurs paraissent donc très attachés à la position centrale, historique et portuaire de Saint-Malo dont l'image est étroitement liée au concept du festival.

"Le succès manifeste du festival Etonnants Voyageurs, un flux de 40 000 aficionados qu'il a fallu maintes fois endiguer, doit certainement quelque chose à l'esprit des lieux ; comme un petit miracle d'adéquation." -Le Monde, 25 mai 1996-

Cependant, dire que l'ensemble de la ville de Saint-Malo vit au rythme d’Etonnants Voyageurs durant le week-end de Pentecôte serait exagéré. Les observations réalisées pendant les éditions 2000 et 2001 montrent une forte hiérarchisation entre : - le "cœur du festival", où l'on observe une forte effervescence. Le public, nombreux, y déambule dans un périmètre clos (payant) entre les salons, les chapiteaux et le Palais du Grand Large. - l'Intra-Muros, où les lieux, plus confidentiels, sont à peine signalés. D'ailleurs, aucune affiche dans la ville close n'indique la présence de la manifestation et aucun parcours entre le cœur du festival et l'Intra-Muros n'est fléché :" l’idée du parcours pour nous, elle est pas là ; elle est dans la façon dont les gens prennent leur programme, et chacun a la possibilité en une journée de voir se dérouler une programmation type." (S. Roué, 2002). Il faut ajouter que ces lieux disposent d'une faible capacité d'accueil et bien que mal signalés, les organisateurs savent pertinemment qu'ils seront complets. Doit-on néanmoins y voir une volonté de distinguer la clientèle touristique "banale" de l’Intra-Muros" de la clientèle festivalière avertie ?

5 Le centre d'animation de la Vallée "Allende" (quartier de la Découverte), le cinéma Le Solidor (disparu aujourd'hui) et le Théâtre à Saint-Servan, le Manoir Jacques Cartier (Saint-Ydeuc).

15 - le reste de la ville, où le festival n'est pas présent, si ce n'est par le biais d'affiches et d'embouteillages !

A la question "avez-vous l'impression que la vieille ville vit au rythme du festival", S. Roué répond : " Et bien, c’est compliqué, parce que il y a deux choses : un, les rendez-vous se passent à l’intérieur ; on voit des gens déambuler. Et la deuxième chose, c’est que l'on est à la Pentecôte, et que Saint-Malo est en même temps investie de touristes. C’est vrai que, parfois, les commerçants grognent ; ils ont déjà beaucoup de monde en même temps à la Pentecôte. Et, disons, que l’adjointe à la culture trouve ça formidable parce qu’elle sait que c’est la bonne date, à la fois en termes de relations avec le monde de l’édition, le monde de la presse. L’adjointe à la culture de la ville est plutôt d’accord avec cette chose- là. Et, en même temps, il y a ce deuxième intérêt pour le tourisme et le commerce. Au sein de la ville, il y a ces deux intérêts mais on sait que l’on ne changera plus de date parce que c’est aujourd’hui identifié : Etonnants Voyageurs, Pentecôte. Mais on nous le fait remarquer régulièrement."

2. Rapports aux lieux des organisateurs

Selon M. Le Bris, le festival s'est créé à Saint-Malo parce que la ville possède une image qui correspond très bien au projet. Pourtant, les infrastructures d'accueil paraissent inadaptées. Si la localisation du Palais du Grand Large est idéale, cette structure cumule cependant tous les défauts : espace perdu, mauvaise acoustique, problème de normes... “ C’est un endroit qui est relativement mal conçu. Dans l’accueil de congrès, où vous avez besoin d’une salle immense, où vous recevez par exemple 300 anesthésistes, cela fonctionne. Pour l’organisation d’une manifestation culturelle, c’est bien plus compliqué ! Il n'y a pas de salle à dimension humaine ; il y a des arrondis, des grandes salles d’exposition mais qui sont plus faites pour installer des stands que des petits modules. Il y a ces multitudes d’étages où vous savez jamais où vous êtes … Voilà, c’est pas un lieu qui a été fait pour. Après, l’auditorium est plutôt bien mais il est difficile d’accès, il est souvent pas assez grand… Il y a des problèmes de sécurité que l’on rencontre très régulièrement parce que le lieu ne peut pas contenir plus d’un certain nombre de personnes. (...) C’est extrêmement difficile, mais on est obligé de fermer les portes. Un

16 festival qui ferme ses portes régulièrement parce qu’il y a trop de monde, c’est une image assez singulière " (S, Roué, 2001) Dès les premières éditions, le festival fonctionne avec des tentes et un chapiteau, dont les surfaces ne cesseront de croître au gré du développement de l'événement. De leur côté, les lieux d'Intra-Muros ne peuvent se multiplier à l'infini en raison des problèmes de sécurité. Pour la DDC, il paraît en effet difficile d'utiliser des lieux à capacité restreinte, si c'est pour dire au public "attention vous êtes le 21ème, n'entrez pas !". En revanche d'autres sites pourraient l'être, mais à l'extérieur de la ville close et du port, ce qui entraînerait un éclatement de la manifestation, non désiré par les organisateurs. L'exemple de la Briantais est évocateur. Inutilisé en 2001, il devrait l'être en 2002 mais par une exposition proposée par l'adjointe à la culture à la directrice des expositions de Mégaliths

Les organisateurs considèrent donc aujourd'hui que le festival a investi tous les lieux susceptibles de l'être. Pour M Le Bris, il ne s'agit pas de faire plus d'entrées, vu que le festival est devenu l'un des plus important de France, après Paris : " je crois qu’on est à la limite de nos capacités. 50 000, 54 000 personnes, cela fait beaucoup de monde. Alors quand on voyait ces chiffres-là, Jean Michel a dit “ non, c’est pas assez ”. Pour lui, il fallait beaucoup plus 150 000 personnes, mais à ce rythme-là on va se casser la figure quelque part. De toute façon les gens verront bien, quand Brive annonce 100 000 personnes, les halles de Brive sont plus petites que les halles Duguay Trouin déjà. Et nous, on a le Palais du Grand Large. 15 000 m2 de chapiteau et 14 lieux de rencontres dans la ville. Alors où voulez-vous qu’ils mettent 100 000 personnes ! Physiquement, c’est impossible. Ils mettent 10 000 personnes maxi. Bordeaux annonçait 100 000 aussi et d’après la cour des comptes il y a eu 13 000 entrées. Donc on est réellement devenu le plus gros festival de France après Paris ".

3. L'absence de pérennisation "matérielle" de l'événement sur le site :

Après plus de 10 ans de présence à Saint-Malo, le festival Etonnants Voyageurs n'a laissé aucune trace concrète de son passage hors événement. L'association n'étant pas malouine, elle n'a donc pas cherché à tisser des liens avec le milieu associatif local. Elle n'a pas non plus généré la création d'un lieu culturel dédié à la littérature et au voyage comme cela s'est

17 produit dans d'autres villes (cf. Angoulême). Son implication dans la vie culturelle malouine est secondaire, même si l'on ne peut concevoir l'absence d'impacts indirects sur les pratiques culturelles de la population. En effet, si M. Le Bris est très attaché à ce lieu, il revendique clairement son indépendance (cf. partie 5 sur les acteurs). D'ailleurs, pour S. Roué (2001) "la dimension n'est pas là. Quand on a voulu pérenniser, développer des choses, on les a faites à l'étranger.(...) Ce n'est pas soit l'un, soit l'autre (...) mais plus une question de temps". Ces délocalisations du festival sous le label Etonnants Voyageurs (et non Saint-Malo Etonnants Voyageurs6) posent néanmoins problème à la Ville, dans le sens où elles participent plus à la reconnaissance de l'événement qu'à celle de Saint-Malo. Il est vrai que la pérennisation "immatérielle" du festival par le biais des retombées médiatiques est non négligeable. Une revue de presse, réalisée à partir du journal Le Monde, entre 1988 et 2001, révèle que sur 192 articles consacrés à Saint-Malo, 66 portent sur Etonnants Voyageurs, 12 sur la Route du Rock et 17 sur les courses à voile.

4. Rapports aux lieux du public

Le traitement repose sur 99 enquêtes réalisées en administration directe lors des éditions 2000 et 2001, à l'intérieur des salons et à l'entrée du Palais du Grand Large. À l'évidence, le public interrogé vient à Saint-Malo essentiellement pour le festival. Plus d'une personne sur deux déclare ne pas avoir pratiqué d'autres lieux que ceux consacrés à Etonnants Voyageurs, ce qui donne -et confirme- l'impression d'une manifestation de spécialistes ou de passionnés, un peu déconnectée de son enveloppe urbaine. Pourtant, la majorité considère que l'événement est bien intégré dans la ville, avec toute l'ambiguïté de la définition de "ville" dans un cadre urbain éclaté sur trois communes (cf. partie 1) mais où l'intra-Muros domine. Les lieux considérés comme les plus marquants à Saint-Malo sont sans surprise : l'Intra-Muros et en second les remparts. Paradoxalement, ce qui fait la maritimité de la ville à savoir la plage et surtout le port n'arrivent que bien après. A la question "le festival pourrait-il se tenir dans une autre ville", la majorité des enquêtés répond par l'affirmative. Les précisions apportées aux questionnaires 2001 révèlent deux cas de figure : sur 30 réponses positives, la moitié se justifie par le fait que d'autres villes

18 en France ont le profil du festival, à savoir l'identité maritime et portuaire. Parmi ces réponses, sept évoquent la Rochelle. Enfin, un nombre significatif de réponses sont du type "ça pourrait être ailleurs mais ce serait dommage car Saint-Malo est bien adaptée au festival". Quant aux réponses négatives (19), cinq correspondent à l'équation "Etonnants Voyageurs = Saint-Malo" et huit font référence à la mer ou au voyage. Le public n'est donc pas sans contradiction, car si les éléments de la maritimité de la cité malouine ne sont pas considérés comme les plus marquants, la mer apparaît néanmoins comme un cadre nécessaire au festival.

V - ACTEURS

Comme nous l’avons signalé à propos de la genèse du festival, le personnage clé d’Etonnants voyageurs, c’est Michel Le Bris.

1. Les principaux acteurs en présence

1.1 Le festival d’un homme : Michel Le Bris

Lors de l’entretien qu’il nous a accordé, M. Le Bris a insisté sur sa double formation de gestionnaire (il fut élève d’HEC) et d’homme de lettres, qui lui donne à la fois une bonne connaissance de la littérature contemporaine et un sens très professionnel de la gestion d’un festival. Homme de media (il fut un des fondateurs de Libération et a été directeur des programmes de France 3 Rennes avant de lancer le festival), professionnel de l’édition, Michel Le Bris a noué tout au long de sa carrière de très nombreux contacts tant auprès des décideurs que des écrivains, qui lui ont permis de lancer ce festival et d’assurer son développement. La figure de M. Le Bris est donc centrale dans le dispositif, compte tenu de son réseau de relations et de sa maîtrise absolue de la programmation : nous avons affaire à une très forte personnalisation de ce festival.

6 Propos soulignés par C. Lefort-Bénéjam, 2002.

19

“ La figure de M. Le Bris ”, par S. Roué de Mégaliths (2001)

“ Ce qui est important aussi à comprendre par rapport à ça, c’est la figure de Michel Le Bris par rapport à l’univers dans lequel il est… Aujourd’hui il a sa notoriété qui est importante, qui fait qu’il y a un certain nombre de choses qui sont portées par lui, ses relations qui facilitent le travail par rapport à toute personne que vous pouvez rencontrer. C’est vrai qu’il a une présence médiatique importante, il est très régulièrement sollicité pour écrire un film, faire une soirée thématique, pour participer à un jury, faire des émissions sur France Inter, pour … Donc, c’est quelqu’un qui a une image et qui sait la porter et qui a fait au bout de 12, 13 ans ce qui est Etonnants Voyageurs ! Donc, on part là-dessus, on a une base de travail qui est importante ” (S. Roué, 2001).

1.2 “De l’associatif adossé à une société”7 : le couple " Etonnants Voyageurs (association) / Mégaliths (SARL)

C’est une structure associative, du nom d’Etonnants voyageurs, qui a lancé le festival en 1990. Cependant, très rapidement, Michel Le Bris a souhaité professionnaliser l'organisation de cet événement et stabiliser l’équipe qu’il avait constituée : la société Mégaliths (SARL) a été créée en 1991 à Rennes. Le système est assez souple : l'association permet de "récolter" des subventions auprès des institutionnels pour organiser le festival, subventions qui, de fait, reviennent à Mégaliths chargée chaque année de la "maîtrise d'ouvrage". Cette société assure la programmation, la délégation générale, la communication du festival, ainsi que la recherche des partenariats. Constituée à l’origine d’anciens membres de l’association, cette société emploie aujourd’hui une dizaine de personnes8. Elle s’occupe essentiellement d’Etonnants voyageurs, mais traite à côté de cela de plus petits contrats avec des partenaires de l’Ouest et de la Région parisienne (festival multimédia de Morlaix, expositions à l’abbaye de Daoulas9, salon du livre du Festival interceltique, festival America à Vincennes), toujours dans le domaine culturel et notamment littéraire.

7 S. Roué, 2001. 8 Pendant le festival Etonnants voyageurs s’ajoutent aux permanents environ 180 bénévoles, localisés pour la plupart entre Rennes et Saint-Malo. 9 On retrouve là M. Le Bris qui est le responsable de la programmation des expositions, dans ce lieu culturel qui est propriété du département du Finistère.

20 Même si l’on ne peut nier l’étroite relation entre l’association incarnée par son président et Mégaliths qu’il a suscitée, il faut noter cependant une volonté de distinguer les deux structures, faisant en sorte que l’on ne puisse être membre des deux structures à la fois et en instaurant un rapport de client (l’association) à prestataire de services (Mégaliths). Une convention précise les relations entre les deux partenaires. Un cabinet de gestion vérifie la conformité du fonctionnement des deux structures.

1.3 Le premier soutien de la manifestation : la mairie de Saint-Malo

Nous l’avons vu à propos de la naissance de ce festival, M. Le Bris a d’emblée bénéficié d’un soutien important de la part du maire de Saint-Malo, M. Couanau. La contribution fournie par la ville au déroulement du festival représentait 1,98 M de francs sur un budget total de 7,6 M de francs pour l'édition 2001. À cette subvention s’ajoutent les aides en nature d’un montant quasi équivalent : mise à disposition du personnel municipal, prêt de salle, prise en charge d’un certain nombre d’opérations de relations publiques... Dès le départ, la mairie s’est en particulier chargée de payer les frais de déplacement et d’hébergement des écrivains invités. À la DDC de Saint-Malo, on souligne qu'il s'agit d'une "prestation-subventionnée" c'est à dire qu'au travers de cette contribution, l'association doit fournir un produit clé en main à la ville.

1.4 Les partenaires du festival : un soutien public affirmé

À l’aide de la collectivité locale s’ajoutent d’autres contributions publiques. En 2001, le département de l’Ille-et-Vilaine a subventionné à hauteur de 200 000 F et la Région, de 380 000 F. Au niveau de l’Etat, Etonnants voyageurs est soutenu par le ministère de la Culture (CNL : 240 000 F, DRAC : 145 000), le ministère des Affaires étrangères (entre 200 et 300 000 F selon les années). Depuis peu, le ministère de l’Education nationale soutient également la manifestation à hauteur de 200 000 F, étant donné que les deux premiers jours sont consacrés aux scolaires. Tout au long de l’année, le festival est également en relation avec le rectorat de Rennes pour l’organisation d’un concours de nouvelles. Parmi ces soutiens publics, il faut souligner le rôle stratégique du ministère des Affaires étrangères, qui a permis la diffusion de la formule Etonnants voyageurs à

21 l’étranger (Bamako, Sarajevo, Dublin et Missoula aux USA). Une négociation est en cours pour que ces quatre manifestations fassent l’objet d’une enveloppe globale de la part de ce ministère. La plupart de ces partenariats sont inscrits dans la durée à travers des conventions. Depuis trois ans, Mégaliths multiplie les contacts avec des partenaires privés. Considérant que la fréquentation et l’aide publique pouvaient difficilement augmenter, le festival cherche à financer ainsi son développement futur. Parmi ces sponsors, figurent notamment les centres Leclerc. Libraires et éditeurs sont également des partenaires “ naturels ” du festival. M. Le Bris a tenu à ce que ce ne soient pas les éditeurs en tant que tels qui soient représentés (comme c’est le cas à Angoulême par exemple) mais a préféré avoir affaire à des libraires de la région. Il a exigé que chaque libraire représente un éditeur, de sorte qu’il n’y ait pas de redondance au niveau de l’offre de livres. La mise en place de ce dispositif a fait l’objet de contestations durant les premières années, mais il semble aujourd’hui accepté.

2. Un festival très indépendant vis-à-vis du milieu local

2.1 La volonté d’Etonnants voyageurs : rester propriétaire de la manifestation

Les deux premières années ont été montées en association avec “ Saint-Malo animation ”, qui fédérait les principaux acteurs de la vie culturelle malouine. Mais depuis la création de Mégaliths, Etonnants voyageurs n’a plus eu recours à cette structure locale. De même, le partenariat initial avec Quai des bulles10, le festival de BD, n’a pas été reconduit, cette structure n’ayant pas été jugée suffisamment professionnelle par M. Le Bris et ses collaborateurs. Depuis, Quai des bulles a obtenu une reconnaissance nationale, mais le contact n’a pas été pour autant renoué. En règle générale, Etonnants voyageurs a maintenu volontairement une distance avec le tissu associatif local, afin de conserver toute son autonomie. Ce que M. Le Bris traduit dans ces termes : “ le maire nous a protégé de ses administrés, de toutes ces associations qui étaient inquiètes parce qu’elles nous connaissaient pas et pour leurs subventions ” (M. Le Bris, 2001). Comme si le festival restait marqué par les conditions mêmes de sa naissance lors d’un face à face entre deux

10 Qui a permis la venue d’Hugo Pratt.

22 personnalités, l’une qui apportait sa notoriété, son savoir faire et son carnet d’adresse, l’autre qui garantissait le soutien financier, logistique et l’indépendance du festival, compte tenu de son poids politique local. Ce pari, le maire de Saint-Malo l’a fait en comptant sur les retombées en terme d’image de marque, retombées qui sont indéniables étant donné le succès de la formule. En résumé, R. Couanau "avait le désir d'implanter un événement culturel important qui puisse qualifier la ville de Saint-Malo " (Lefort-Bénéjam, 2002) et M. Le Bris a été séduit par la proposition d’une “ ville qui avait une image qui correspondait très bien au projet ” (M. Le Bris, 2001).

Dès la première édition, une convention a été signée entre Etonnants voyageurs et la ville ; selon la DDC, elle ne précise ni les domaines d'interventions ni les devoirs des signataires et n'a pas évolué depuis 1990. L'association n'a donc pas à renégocier chaque année ce qui lui permet d'avoir une certaine liberté. En matière de programmation notamment, la mairie a tenté de se faire entendre mais sans jamais y parvenir : “ en tous cas, c’est très fermé ” nous déclare à ce propos l’adjointe à la culture (Lefort-Bénéjam, 2002). La question du nom du festival, dont l’association est propriétaire, est également révélatrice de cette indépendance affirmée : la mairie considère que l’intitulé véritable est Saint-Malo- Etonnants voyageurs et voit d’un mauvais œil le fait que le label soit aujourd’hui utilisé à l’étranger de manière tronquée, sans référence à la ville de départ.

Compte tenu de cette volonté exacerbée de la part de M. Le Bris de maîtriser la situation, les différents acteurs locaux et la population malouine dans son ensemble ont pu se sentir écartés de la manifestation, au moins durant les premières années. La situation semble s’améliorer insensiblement, comme en témoigne l’adjointe à la culture.

23

Les relations d’Etonnants voyageurs avec la société locale : un lent rapprochement (Lefort- Bénéjam, 2002)

Relations avec les libraires

" Au départ les libraires de Saint-Malo ne souhaitaient pas y participer ...Ils trouvaient que la location des stands était trop cher ; et c'est très cher mais c'est aussi l'organisation globale qui est...et on a du mal à pénétrer comme je vous le disais l'organisation. Ils mènent cela rondement donc à la limite, ils n'ont pas très envie qu'il y ait une immersion. C'est une critique que l'on peut faire (…) Au début les libraires rouspétaient parce que la location est trop chère mais petit à petit, il y en a qui y vont parce qu'ils se rendent compte que ne pas y être, c'est encore pire ! "

Relations avec les écoles

" Il y a un concours de nouvelles. On s'est aperçu que les écoles malouines ne participaient pas ou très peu. Petit à petit, elles s'y sont mis aussi ; les choses se mettent en place "

Relations avec les associations locales

" J'ai demandé à ce qu'il y ait un rapprochement et j'ai reçu un courrier de M. Le Bris qui dit qu'il va rencontrer Mme X, présidente de la Maison des Poètes et des Ecrivains. Mais je ne sais pas si ça a été fait. (...) Petit à petit peut-être ..."

Relations avec municipalité

"Cette année, je trouve que l'on travaille mieux ensemble. Enfin, pour les autre années, je n'avais pas la sensation que l'on intervenait vraiment. J'ai demandé à ce qu'il y ait une conférence de presse qui se passe à Saint-Malo, en plus de Paris pour la présentation de l'événement. On a demandé à ce qu'on ait un stand Ville de Saint-Malo dans Etonnants voyageurs pour faire connaître la ville. Alors, je ne sais pas si ça va se faire, mais on est en pourparler. "

Si M. Le Bris donne l’impression d’être en position de force pour négocier avec ses partenaires locaux, il n’en demeure pas moins qu’il reste très dépendant de la ville en terme de site et de moyens. Selon l'adjointe à la culture : " le jour où l'on supprime la subvention, il n'y a plus de festival …" (Lefort-Bénéjam, 2002). La critique est d’ailleurs récurrente concernant le coût des quatre jours de la manifestation : " C'est très contesté

24 Etonnants voyageurs... La question qu'on entend parfois c'est pourquoi on met 1,9 M de francs là-dedans ? ...Moi je trouve, et c'est vrai que cet argent-là nous empêche de faire autre chose, ça c'est certain parce qu'on a pas un budget extensible. Mais c'est pas pour autant que je dis qu'il faut supprimer Etonnants voyageurs. Mais bon, quand je vois ce que l'on donne là, et puis entre Quai des Bulles..." (Lefort-Bénéjam, 2002). Compte tenu de son engagement, la Mairie semble aujourd’hui plus exigeante par rapport aux retombées du festival Etonnants voyageurs, tout au long de l’année.

2.2 Une volonté de la mairie de pérenniser la manifestation

L’idée de pérennisation de la manifestation tout au long de l’année se fait de plus en plus pressante. Ce à quoi M. Le Bris ne manque pas de répondre qu’il est “ propriétaire du festival ” et que toute formule de rencontre pérennisée à Saint-Malo sur le thème Etonnants voyageurs doit se faire avec des gens du festival. La Mairie a engagé un projet autour du centre de la Briantais, acquis récemment en vue d'en faire un lieu consacré à l’imaginaire du voyage, dans le prolongement du festival. Mais comme M. Le Bris tient à le préciser, cela ne s’appellera pas “ Etonnants voyageurs ”. La collaboration est cependant souhaitée avec Etonnants voyageurs, comme nous l’a indiqué l’adjointe à la culture, qui a proposé une exposition d'un plasticien africain à la responsable des expositions du festival. La question de savoir qui va payer cette exposition reste en suspens : l’adjointe a l’impression que si la Mairie souhaite quelque chose de plus que le festival, avec le label Etonnants voyageurs, elle va devoir le payer, en plus de la subvention déjà versée. Cette demande se trouve en décalage avec la stratégie du festival, qui a plutôt opté pour la pérennisation par la délocalisation à l’étranger.

VI - LES PUBLICS

1. Ce qu’en disent les organisateurs

Les organisateurs du festival n’ont pas fait d’enquêtes sur la fréquentation du festival et n’ont donc pas de connaissance, sinon empirique, de leur public. Cette absence de volonté en la matière est à relier à la situation particulière de ce festival, qui n’envisage pas d’aller

25 au delà des 50 000/55 000 visiteurs payants : les organisateurs considèrent qu’ils ont atteint un maximum de fréquentation, compte tenu de la saturation des lieux principaux (le Palais du grand large et la halle notamment) et de la difficulté à en trouver de nouveaux (Cf. partie 4 sur les lieux).

2. Les enseignements des enquêtes sur le profil des festivaliers

2.1 Un public plus âgé et d’origine sociale plus élevée que dans d’autres festivals

Ce qui caractérise ce public, c’est son âge relativement élevé : les deux tiers des personnes interrogées ont plus de 35 ans, ce qui est le chiffre le plus élevé de notre échantillon de festivals. Cette proportion tombe par exemple à moins d’un tiers au festival d’Angoulême et à moins d’un dixième aux Transmusicales de Rennes. Dans ce registre du livre, le public apparaît sans surprise plus âgé que pour d’autres formes d’expressions culturelles moins classiques, plus récentes, telles que la BD ou les musiques amplifiées. Le profil social est moins spécifique, avec une très forte proportion de cadres et professions intermédiaires (2 personnes sur 5, hors enseignants), du monde de la formation (1/4 de scolaires, étudiants et enseignants) et inversement une sous-représentation des classes populaires (1/5e d’employés, ouvriers, chômeurs). Mais cette surreprésentation des classes sociales supérieures, que l’on retrouve dans d’autres festivals comme Angoulême ou les Tombées de la nuit à Rennes, est ici particulièrement accentuée. Il est à noter que malgré l’âge moyen relativement élevé, nous avons affaire à une très grande majorité d’actifs (5 retraités seulement). Dans ce contexte social et démographique, la fréquentation du festival se fait le plus souvent en couple (un tiers) et en famille (un quart)11. Le sex ratio est équilibré, alors que nous avons noté une dominante masculine à Angoulême ou aux Transmusicales.

2.2 Un rayonnement régional et un public fidélisé

Du point de vue de l’origine géographique, nous avons affaire à un public essentiellement régional (2 personnes sur 3 viennent de Bretagne), où les Malouins ne constituent qu’une

11 Aux Transmusicales de Rennes pour prendre un exemple opposé, 7 personnes sur 10 viennent entre amis.

26 petite proportion (14 sur 99). La région parisienne constitue la deuxième provenance par le nombre de participants (15), parmi lesquels bon nombre de résidents secondaires. Compte tenu de ce rayonnement avant tout régional, les personnes interrogées connaissent déjà pratiquement toutes la ville de Saint-Malo. Une bonne proportion de ces festivaliers sont des habitués d’Etonnants voyageurs : 2 personnes sur 5 sont déjà venues au moins 4 fois. Plus de la moitié des personnes interrogées ont déjà pratiqué d’autres festivals, notamment les principaux festivals bretons, à Lorient, Carhaix et Rennes par ordre d’importance.

CONCLUSION

Parmi l'ensemble des festivals de cette étude, Etonnants Voyageurs constitue une exception par : - le statut des structures organisatrices, couplant une association et une SARL12, - les lieux utilisés (principalement privés). - la volonté, dès les premières éditions, d'inscrire l'événement dans le temps (SARL + convention), sans pour autant s'investir concrètement dans la ville et dans le milieu culturel local à l'année. Cependant, et sur ce dernier point, notons que l'édition 2002 consacrée à la littérature du continent africain s'enrichit de 17 lieux d'exposition et de rencontre en centre-ville, dans le cadre d'un festival off. En revanche, on retrouve des similitudes au niveau de : - l'identification de l'événement à un homme, en l'occurrence M. Le Bris, - la forte concentration des lieux du festival en centre-ville, respectant une scénographie classique : unité de temps (pentecôte), de lieux (l'Intra-Muros et le Sillon) et d'action, qui révèle une vision assez restrictive de la ville. - l'influence croissante des entreprises privées et notamment du groupe Leclerc dans le financement , - l'impact du festival sur l'image de la ville.

12 A Rennes l'Association Transmusicales et la SARL Transactions relèvent du même principe, mais la seconde est envisagée comme un outil permettant d'avoir une action à l'année en faveur des musiques actuelles.

27 Sur ce dernier point, Etonnants Voyageurs s'inscrit dans la continuité de l'imaginaire malouin (ouverture au monde, voyage, maritimité...). Il contribue donc à conforter les représentations de la ville, contrairement à d'autres événements (FIL, Transmusicales, FIBD, Festival ECLAT d'Aurillac) qui, par leur positionnement culturel et leur envergure, contribuent à les créer ou à les modifier.

C. Barthon, V. Veschambre

BIBLIOGRAPHIE

VILLE DE SAINT-MALO (2000) - D'Alet au Grand Saint-Malo : 2000 ans d'urbanisme. Catalogue d'exposition, 173 p.

PETOUT P. (1994) - Saint-Malo, la reconstruction d'une ville historique. Actes du 2e colloque international sur les villes reconstruites, volume 1, l'Harmattan, pp. 238-248.

ETONNANTS VOYAGEURS (1993-2001) - Programmes du festival. Mégaliths.

LE MONDE (1988-2001) - Revue de Presse Saint-Malo / Etonnants Voyageurs.

ENTRETIENS

LE BRIS M. (2001) - Directeur du festival Etonnants Voyageurs : entretien le 26 novembre à Rennes (Mégaliths) en fin d'après-midi.

ROUE S. (20001) - Directeur de la communication du festival : entretien le 26 novembre à Rennes (Mégaliths) à 16 h.

LEFORT-BENEJAM C et GIRAUD-PETIT C (2002) - Adjointe à la culture et Directrice du Développement culturel de la ville de Saint-Malo : entretien le 11 février à La DDC de Saint-Malo à 14h30.

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