Hommage À Herbert V on K Arajan
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vendredi 25 janvier – 20h Hommage à Herbert von Karajan Ludwig van Beethoven Concerto pour violon entracte Piotr ilitch Tchaïkovski Symphonie n°6 « Pathétique » Berliner Philharmoniker Seiji Ozawa, direction Anne-Sophie Mutter, violon | Vendredi 25 janvier 25 | Vendredi Toute photographie et tout enregistrement sont strictement interdits. La Deutsche Bank se réjouit d’être le partenaire du Berliner Philharmoniker. Fin du concert vers 21h55. Hommage à Herbert von Karajan Hommage à Herbert von KARAJAN.indd 1 18/01/08 14:27:24 herbert von Berlin Herbert von Karajan a été le chef principal – à vie, à sa demande expresse – des Berliner Philharmoniker de 1954 à 1989. Sans équivalent jusqu’à aujourd’hui dans l’histoire de la formation, cette durée conséquente n’est pas en soi exceptionnelle. Pourtant, la spécificité du couple Karajan-Berlin et son prestige auprès des mélomanes ne se mesurent à aucuns autres. Au-delà du travail en profondeur, prolongé et démultiplié par le lien ininterrompu entretenu avec l’industrie du disque, cette spécificité tient à l’émulsion particulière née de la rencontre fusionnelle de ces deux entités également exceptionnelles. Karajan a dit à son biographe Richard Osborne avoir éprouvé, dès sa première rencontre avec l’orchestre, en 1938, le sentiment qu’il ne « pourrait jamais mieux s’exprimer que par lui »1. Autocrate n’ayant jamais rien laissé au hasard sa vie durant, Karajan a pu assouvir à sa tête son désir d’assumer un pouvoir sans partage, son désir de succès aussi, au fil d’une histoire commune qui ne fut pas sans nuages. Choisi par les musiciens dès après la mort, en 1954, de son prédécesseur Wilhelm Furtwängler, Karajan entreprit de réformer la façon de travailler de l’orchestre, étant revenu assez insatisfait de sa première tournée avec lui. Werner Thärichen, compositeur, timbalier et délégué des Philharmoniker, a laissé de Karajan un témoignage vécu de l’intérieur : « Il symbolisait les temps nouveaux. Souple et élégant, il savait “prendre” ses partenaires (…). Il lui importait, lors de ses interprétations, de dégager les structures pour l’analyse et l’architecture. Rien ne devait sembler flou ou être modifié par des émotions. L’œuvre d’art devait ressusciter pure et intouchable, transparente pour tous, compréhensible dans toute son étendue. Il était intraitable quant au tempo, même si cette sévérité n’était pas visible dans ses gestes – au contraire, ses bras, jusqu’au bout des doigts, dessinaient des lignes extraordinairement douces. Cependant il ne permettait pas la moindre liberté, ni à lui-même, ni à l’orchestre. L’expression la plus passionnée devait respecter la mesure et la discrétion. Cela aussi était fascinant. Contrairement à Furtwängler, Karajan ne laissait pas percer la moindre émotion. »2 L’orchestre entrait ainsi dans une ère d’« extase contrôlée », pour reprendre le sous-titre judicieux d’un essai de Peter Csobádi. Tous les légendaires directeurs des Berliner Philharmoniker ont bénéficié du travail accompli par leur prédécesseurs : Nikisch de Bülow, Furtwängler de Nikisch, Karajan de Furtwängler, et ainsi de suite. Furtwängler avait laissé en héritage un ensemble extrêmement éloquent, profond, puissant, aux basses inépuisables. Karajan aimait répéter à fond avec chaque pupitre, par sections. Il a enrichi et infléchi le son, devenu au fil des ans extraordinairement mat et concentré, en travaillant sur l’individualisation des pupitres, sur celle des couleurs, aussi sur une expressivité nouvelle nourrie du lien fort qu’il entretenait avec l’opéra – il trouvera un premier aboutissement avec la création en 1967 du Festival de Pâques de Salzbourg, puis l’enregistrement d’une Tétralogie de Wagner en forme de manifeste esthétique. Thärichen encore : « Les membres de l’orchestre avaient toujours joué à la manière de musiciens de chambre, maintenant nous nous écoutions presque davantage encore. Un son bien pondéré et doux en découlait (…). L’orchestre avait l’habitude de jouer en se donnant entièrement. Devant nous, au centre de l’évènement, 2 KARAJAN.indd 2 18/01/08 14:27:25 VENDREDI 25 JANVIER se trouvait maintenant un homme qui donnait l’impression que la qualité du son pouvait s’obtenir facilement et sans effort. »2 Et notamment via cette maîtrise légendaire du legato, qui n’est qu’une composante de l’art magistral et si complet de Karajan. Le disque a laissé cent miroirs successifs de l’évolution du son des Berlinois au fur et à mesure de la progression du travail accompli avec leur mentor. Les premières années, alors que le chef était sous contrat chez Columbia-Emi, l’influence des codes esthétiques de son prédécesseur était encore perceptible, en particulier dans le jeu des basses. Mais très vite, il a imposé sa propre marque, reposant notamment sur la perfection de la mise en place. Quelles que soient les différentes phases (audibles) de son évolution, on est ainsi en droit de considérer les enregistrements laissés chez Deutsche Grammophon dans les années soixante comme un sommet exemplaire de la collaboration de Karajan et Berlin, à commencer par l’intégrale des symphonies de Beethoven de 1961-1962 – une énergie extraordinairement canalisée et concentrée, dont le cinéaste Henri-Georges Clouzot a capté des visions aussi fulgurantes que suggestives, qui font comprendre le dynamisme magnétique et impérieux du chef mieux que ne le font les films que Karajan a réalisés ensuite seul, dans sa quête obsessionnelle du contrôle absolu du tout. L’originalité avec laquelle il a en parallèle, et en toute occasion, lié musique et technique, remettant dix fois sur le métier les œuvres phares de son répertoire (Beethoven, Brahms, Tchaïkovski, Sibelius, par exemple), pour des raisons de technique d’enregistrement au moins autant qu’esthétiques, a pu faire croire que ses tentatives précédentes étaient en un sens oubliables : mais, aujourd’hui que ce perpétuel mouvement en avant s’est arrêté, il est possible de procéder à des mises en perspective aussi multiples qu’éminemment subjectives. Au fil des ans, il est possible que l’exemple ensorcelant offert par Karajan et Berlin, si souvent copié par ses cadets immédiats (sans en retrouver le secret, évidemment), ait fini arp prendre une place excessive. On ne peut nier que la « révolution baroque », qui a véritablement émergé au début des années soixante-dix, se soit construite aussi en opposition-réaction à ce son modélisé qui prétendait appliquer la même ultime réponse, par-delà siècles et styles, à tous les répertoires – et souvent avec le même opulent effectif ! Peut-être suffit-il alors, en guise de conclusion provisoire, de redonner la parole à Karajan lui-même : « Au cours des années, notre travail a consisté à découvrir des choses nouvelles tout en nous souvenant des anciennes. L’important, c’est de ne jamais tomber dans la routine, de montrer au public que nous ne cessons jamais de prendre du plaisir à faire de la musique. Pour cela, l’orchestre doit garder sa personnalité et son indépendance. » Il ajoutait plus loin : « L’un des plus grands secrets de la direction d’orchestre, c’est de connaître les moments où il ne faut pas diriger. »1 Rémy Louis 1 Herbert von Karajan : Une vie pour la musique. Entretiens avec Richard Osborne (L’Archipel, Paris, 1999, pour la traduction française). 2 Werner Thärichen : Furtwängler ou Karajan (Éditions Bernard Coutaz, Arles, 1990, pour la traduction française). 3 KARAJAN.indd 3 18/01/08 14:27:25 Ludwig van Beethoven (1770-1827) Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 61 I. Allegro ma non troppo II. Larghetto III. Rondo. Allegro Composition : 1806. Dédicace : à Stephan Breuning. Création : le 23 décembre 1806 à Vienne. Durée : environ 45 minutes. En ce début de XIXe siècle qui chérit les virtuoses, le Concerto pour violon de Beethoven refuse le déploiement d’une technique spectaculaire. Voilà qui explique sans doute les réserves de la critique, lors de la création en 1806. L’œuvre attendra plusieurs décennies pour réellement s’imposer, défendue notamment par Joseph Joachim. En effet, le genre concertant devient ici l’objet d’une nouvelle dialectique : le soliste orne les lignes mélodiques de l’orchestre et intensifie leur expression plus qu’il ne s’oppose à la masse instrumentale. Le violon évolue souvent dans l’aigu, mettant ainsi en valeur le jeu de Franz Clément (1780-1842), premier violon et chef de l’orchestre du Theater an der Wien. Les témoignages de l’époque rapportent que le créateur de la partition excellait dans ce registre. Beethoven, qui tenait Clément en haute estime, lui a laissé l’initiative des cadences. En outre, les dimensions de l’œuvre ont probablement dérouté les premiers auditeurs. Beethoven compose là le plus long de ses concertos, la durée du premier mouvement dépassant de surcroît celle des deux autres mouvements réunis. Le Concerto pour violon se caractérise également par ses couleurs en demi-teinte. Si l’Allegro ma non troppo initial contient quelques épisodes majestueux ou énergiques, il est toutefois dépourvu de l’agressivité qui émaille tant de partitions beethovéniennes. Il laisse s’épancher le chant, le soliste déroulant de délicates arabesques aux volutes toujours renouvelées. Alors que dans ce premier mouvement, la claire tonalité de ré majeur (adoptée ensuite par Brahms et Tchaïkovski dans leurs concertos pour violon) était parfois ombrée de quelques couleurs mineures, le Larghetto ne quitte guère le ton de sol majeur. Forme à variations combinant deux thèmes principaux, il captive par son climat contemplatif. L’orchestration réduite, où domine le timbre pastoral des bois, ajoute à l’impression d’intimité et d’intériorité. Le finale, qui associe les principes du rondo et de la forme sonate, réserve une place plus importante à la virtuosité du soliste. Son refrain, à l’esprit populaire, contraste avec les mélodies soutenues ou rêveuses des mouvements précédents. En concluant son Concerto avec cette fraîcheur enjouée, Beethoven n’est pas sans annoncer le finale de sa Symphonie « pastorale », composée deux ans après.