CINÉMAS D’ASIE DU SUD-EST

LA LETTRE DE l’AFRASE ASSOCIATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE EN ASIE DU SUD-EST

NUMÉRO1 95 - 2018 CONTACT AFRASE [email protected] SITE INTERNET ET RÉSEAUX SOCIAUX [email protected] PUBLICATIONS [email protected] REVUES [email protected] THÈSES [email protected] MISE EN PAGE, PAO BUREAU DE L’AFRASE [email protected] Louise Pichard-Bertaux, présidente CONCEPTION DE LA MAQUETTE [email protected] Joseph Herbelin Paul Sorrentino, vice-président COUVERTURE [email protected] Portrait de Dome Sukvong, fondateur de la Cinémathèque thaïlandaise, datant des Rémi Desmoulière, trésorier années 80, © Cinémathèque thaïlandaise [email protected] REMERCIEMENTS Marie Aberdam, secrétaire L’Afrase remercie Pierre Brocheux et [email protected] Liliane Vo-Quang pour leurs abonnements de soutien ainsi qu’Alexis Michaud pour Christophe Caudron, membre du bureau son abonnement sur plusieurs années. [email protected] L’Afrase remercie également le CERLOM pour le financement des Rencontres 2017 Amandine Dabat, membre du bureau et l’Inalco pour le prêt de l’auditorium. [email protected] François Guillemot, membre du bureau [email protected]

Votre institution peut aider Mathilde Lefebvre, membre du bureau l'AFRASE en lui versant une [email protected] subvention ou en finançant la mis- Hélène Poitevin-Blanchard, membre du sion du représentant de l'AFRASE bureau aux réunions de l’Euroseas. [email protected]

2 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — SOMMAIRE matières ÉDITO 4 DOSSIER "CINÉMAS D’ASIE DU SUD-EST " Introduction 6 Le cinéma (d’action) indonésien : a hero never dies 10 Rat Pestanyi, « gemme » du cinéma thaïlandais 15 Le cinéma lao 20 Impian Kemarau/The Rainmaker de Ravi Bharwani 22 Beautiful boxer 26 HORS CHAMP Un grand cinéaste méconnu : Georges Bourdelon, l’aventure de l’objectif 29 ACTUALITÉS Distinction 31 Deux rendez-vous importants 31 VIE DE LA RECHERCHE LANGAU ou l’archéométallurgie à Angkor Thom 32 REGARD DE CHERCHEUR Camp d’ouvriers migrants à Bangkok by night 35 RETOUR DE TERRAIN Le festival des fleurs à Chang Mai 36 IN MEMORIAM Tanete A. Pong Masak 42 VIE DE L'AFRASE Rapport moral présenté à l’Assemblée générale du 19 janvier 2018 44 Rapport financier 14 décembre 2016 – 19 janvier 2018 46 Rencontres de l'AFRASE, 27 novembre 2018 48

COMPTES RENDUS 50

OUVRAGES 58

REVUE DES REVUES 66

THÈSES ET HDR 84

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Voici donc, enfin, la Lettre 95 ! Nous avons pris un peu de retard, fait quelques détours, tordu en tous sens nos emplois du temps un peu char- gés et joint nos efforts pour, finalement, arriver à boucler et à vous présenter ce beau numéro. Comme annoncé à l’Assemblée Générale, un nouveau rythme de parution a été mis en place : un seul numéro annuel de la Lettre sera édité – normalement en juin ! — et présentera les inter- ventions des Rencontres ayant eu lieu en fin d’an- née précédente. Vous trouverez donc, en premier lieu, un dossier Cinéma qui fait suite aux riches rencontres organisées par Paul Sorrentino et Caroline Herbelin en janvier 2018. Cinq articles présentés et introduits par Paul sont ainsi ras- semblés. Bernard Sellato nous a offert un article supplé- mentaire qui, s’il n’entre pas tout à fait dans la thématique du dossier, s’y rattache par les acti- vités cinématographiques de Georges Bourdelon dont il est ici question. Deux rendez-vous incontournables en 2019 sont ensuite présentés : le 7e Congrès Asie et la 10e Conférence Euroseas. Dans la rubrique Vie de la recherche, Brice Vincent nous présente le projet LANDAU qui nous entraîne à Angkor dans les mystères de l’archéométallurgie. Un peu plus loin, François Robinne exerce avec finesse et poésie son Regard de chercheur sur l’habitat précaire des camps de travailleurs au cœur de Bangkok. Nolwenn Lacoume, qui vient de soutenir un Master 2 à Aix-Marseille Université, parcours

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Tourisme, langue et patrimoine, nourrit un Je voudrais également vous rappeler que l’Afrase Retour de terrain après un séjour à Chiang Mai ne vit que de ses adhésions et que votre soutien où elle a pu se rendre grâce à une bourse EFEO. est donc essentiel pour que l’association puisse Tanete Adrianus Pong Masak, spécialiste du continuer à organiser des Rencontres riches et cinéma indonésien, est décédé le 10 décembre passionnantes et à publier La Lettre régulière- 2017. Jean-Marc de Grave nous parle de cet éru- ment. N’oubliez pas qu’entre deux numéros de dit, réalisateur et chercheur, qui a fait sa thèse la Lettre, vous trouverez plein d’actus et d’in- sous la direction de Denys Lombard. fos sur la vie de la recherche sur l’Asie du Sud- Est sur le site de l’Afrase (http://www.afrase. En cette année 2018, le 20 février, nous avons org/) ainsi que sur la page du groupe Facebook aussi perdu Claude Jacques, épigraphiste de de l’association (https://www.facebook.com/ grand talent, spécialiste incontournable des groups/146191948782576/), page que vous pou- inscriptions d’Angkor. Je me souviens qu’il me vez vous-même alimenter au fil de l’eau. poussait, pendant de passionnantes discussions à Pondichéry, à lâcher le thaï et le birman pour Je voudrais, pour finir, remercier chaleureuse- me tourner vers l’épigraphie indienne qui man- ment Caroline Herbelin, ancienne présidente de quait de chercheurs… Mais j’avais 18 ans, et l’Afrase, ainsi que Téphanie Sieng, May Ngo et plutôt le goût pour l’Asie du Sud-Est et les écrits Hélène Njoto qui ont quitté le bureau de l’Afrase contemporains ! De nombreux textes ont été après avoir formidablement œuvré pour l’asso- publiés après son décès, et l’Afrase, dont Claude ciation. Rémi Desmoulière (trésorier), Marie a bien sûr été membre, souhaite lui rendre ici Aberdam (secrétaire), François Guillemot et hommage par ces quelques lignes. Amandine Dabat ont accepté en janvier dernier d’intégrer le bureau et je les en félicite ! Dernier Vous trouverez ensuite quelques informations point avant de vous laisser découvrir ce numéro, sur la Vie de l’Afrase : le Compte rendu de l’As- Mathilde Lefebvre, éditrice de Moussons et semblé Générale de janvier 2018 (qui compte membre du bureau depuis plusieurs années déjà, pour 2017 !) et l’annonce des prochaines Ren- a accepté d’assurer la PAO de la Lettre. Merci à contres en novembre prochain ; elle ! En fin les rubriques habituelles, mais ô com- Bonne lecture et belles recherches sur l’Asie du bien précieuses, vous informeront sur les Sud-Est ! ouvrages parus, les Journées DocAsie 2018, les sommaires des revues et les thèses soutenues au Louise Pichard-Bertaux cours de l’année.

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Cinémas d’Asie du Sud-Est

La Palme d’Or décernée à Oncle Boonmee par le Sud-Est. Oncle Boonmee fut à peine vu en Thaï- jury cannois de Tim Burton, en 2010, a mis sur lande : malgré un succès relatif dans une unique le devant de la scène internationale un cinéma salle de Bangkok, il y resta essentiellement d’auteur sud-est asiatique habituellement montré, comme les autres films de son réalisa- réservé aux cercles restreints des cinéphiles. teur, à l’occasion de projections privées – et la Peinant à trouver un distributeur français dans censure relative dont il fit l’objet (interdiction les mois précédant le Festival de Cannes, le film aux moins de 15 ans) n’en fut que très partiel- fut finalement exploité dans 84 salles à travers lement responsable. En effet, le cinéma sud-est le pays. Surtout, la projection du film dont le asiatique primé sur les festivals internationaux sous-titre était Celui qui se souvient de ses vies est rarement destiné aux marchés de ses pays antérieures a offert à plus de 120 000 spectateurs d’origine. À l’inverse, un cinéma plus populaire français une plongée inédite dans un imaginaire – ou plus commercial – reste inconnu des spec- oscillant entre métempsycose bouddhiste et his- tateurs étrangers. Surtout, les cinémas d’Asie du toire de la guerre « froide » en Asie du Sud-Est. Sud-Est ont, pour la plupart, une histoire plus 120 000 entrées, c’est modeste pour le box-office longue et moins linéaire que celle suggérée par français, mais une visibilité inhabituelle pour un le récit convenu d’une entrée progressive dans le auteur tel que Apichatpong Weerasethakul, dont marché mondial du film. le succès critique Tropical Malady (2004) n’avait Cette coexistence entre plusieurs cinémas – guère attiré plus de 25 000 spectateurs dans évidemment tous dignes d’intérêt pour nous l’hexagone. Oncle Boonmee venait donc rappe- en tant que chercheurs mais aussi en tant que ler au public français – et à celui de la quaran- spectateurs – a été le fil conducteur des Ren- taine de pays l’ayant accueilli sur leurs écrans – contres de l’Afrase 2017, qui se sont tenues en la vivacité du cinéma d’Asie du Sud-Est. Celui-ci, janvier 2018 dans le confortable auditorium de malgré des contraintes souvent lourdes, sur les l’Inalco. Outre la diffusion de deux films aussi plans financier et politique notamment, semble rares que passionnants, ces Rencontres ont été éclore irrésistiblement depuis les années 1990. l’occasion d’une table ronde réunissant Aliosha Toutefois, l’abondance croissante de films d’au- Herrera, auteure d’une thèse fondée sur une teurs de la région sur les circuits internationaux longue enquête au sein de la Cinémathèque tend à donner un portrait simplifié de l’histoire Thaïlandaise, Claire Lajoumard, productrice et de la cartographie du septième art en Asie du forte d’une longue expérience d’accompagne-

Illustration haut de page : photo Aliosha Herrera. 6 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — DOSSIER

ment de films sud-est asiatiques (Vietnam et Les aspects économiques, techniques de la Singapour notamment) ayant également été production cinématographique sud-est asia- coordinatrice pédagogique, experte, et jury tique et ses réseaux transnationaux furent l’un dans nombre de festivals et formations destinés des fils rouges de notre table ronde. L’impor- aux cinéastes de la région, Bastian Meiresonne, tance des diasporas chinoises et des circuits de directeur artistique du Festival International production hong-kongais apparut notamment des Cinémas d’Asie de Vesoul et connaisseur comme tout aussi déterminante – si ce n’est intime du cinéma indonésien, et Jérôme Samuel, plus – que celle des puissances coloniales. Autre professeur d’indonésien et vice-président de constat peu surprenant : le septième art fut plei- l’Inalco, qui anime notamment un atelier annuel nement mobilisé dans les projets de construc- de traduction audiovisuelle avec ses étudiants. tion nationale. Mais cette mobilisation ne s’est La présence du réalisateur indonésien Garin pas limitée à une contribution du cinéma aux Nugroho était également envisagée, mais elle a récits nationaux, dans le sens où le développe- malheureusement été impossible pour des rai- ment de cet art en tant que tel était revendiqué sons de calendrier. comme signe de modernité. Toutefois, même Cette table ronde donna à voir la richesse de lorsqu’il est question des contraintes technolo- l’histoire du cinéma en Asie du Sud-Est, où giques, les cheminements tracés par les cinémas les premiers tournages locaux et projections d’Asie du Sud-Est sont loin d’être linéaires. Alio- publiques ont eu lieu quelques années à peine sha Herrera nous exposa ainsi comment, après après la première présentation parisienne du une première ère bénéficiant d’importations de cinématographe des frères Lumière. Comme matériel 35 mm et de techniques de prise de son souvent, les récits linéaires ne font pas justice direct sur les tournages, le cinéma thaïlandais à la réalité, comme en témoigne merveilleuse- d’après-guerre est devenu plus artisanal avec ment le documentaire Le sommeil d’or de Davy l’adoption du format 16 mm sans bande-son. Chou (2011), qui reconstruit à partir d’entre- Ses coûts plus réduits étaient adaptés à cette tiens filmés un âge glorieux du cinéma khmer période marquée par les conséquences de l’oc- dont les images restent invisibles, emportées par cupation japonaise et des bombardements de la violence destructrice khmère rouge. Qui ima- Bangkok. Ces changements techniques n’étaient ginerait aujourd’hui que Phnom Penh comptait, pas indépendants des choix esthétiques : ce pas- avant 1975, une trentaine de salles de cinéma ? sage à un cinéma muet, plutôt qu’un retour en Au-delà des films eux-mêmes, tout un imagi- arrière, fut l’occasion de donner une place de naire était porté par les campagnes de promo- premier plan à l’oralité, incarnée par les dou- tion accompagnant les sorties. L’un des protago- bleurs professionnels qui accompagnaient les nistes du film de Davy Chou se souvient ainsi projections. Bien que ces formes n’existent plus des visages des acteurs occupant les têtes d’af- aujourd’hui, le travail de la bande-son est resté, fiche, alors qu’il reste incapable de se remémo- d’après l’expérience de Claire Lajoumard, un rer ceux de ses parents. Comme nous le précisait point d’achoppement récurrent dans l’entrée des Aliosha Herrera pour le cas thaïlandais, la pro- cinéastes sud-est asiatiques dans les circuits de motion d’un film pouvait représenter la moitié production internationaux. Au Vietnam, où elle de son budget total, allant des chansons pro- a beaucoup travaillé, malgré des budgets par- motionnelles aux immenses publicités peintes à fois importants, la prise de son en direct sur le la main par des artistes et le personnel de leurs tournage reste rare, et peu d’ingénieurs du son ateliers – parfois avant même que le tournage ne locaux y sont formés. Une précision s’impose soit achevé. toutefois lorsqu’on parle de circuits internatio- naux. Il ne faut pas forcément entendre par là

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des réseaux centrés sur l’Amérique du Nord ou « Enfers et fantômes d’Asie » au Musée du Quai l’ : Busan, Taipei mais aussi Singapour Branly, qui faisait une place importante aux phi sont devenus d’importantes plateformes pour phet et autres vampires du cinéma populaire la formation des professionnels du cinéma et le thaïlandais – plusieurs salles du parcours étaient marché du film asiatique. Des ateliers interna- d’ailleurs décorées par un studio d’effets spé- tionaux sont régulièrement organisés à Bangkok ciaux de Bangkok, dont les démons et dispositifs ou, plus récemment, à Danang, sous l’impulsion de torture infernaux en carton-pâte avaient été du jeune réalisateur Phan Đăng Di, qui a créé acheminés à Paris par conteneur. un « Autumn Meeting » annuel associant pro- Toutefois, soulignait Jérôme Samuel, le carac- fessionnels locaux et internationaux. tère « vernaculaire » de la production cinéma- La prégnance des traditions orales dans les tographique ou audiovisuelle commerciale doit formes de récit fut un autre thème récurrent des être évalué au cas par cas. Si les modalités orales discussions de la table ronde, car elle informe de leur récit sont indéniables, les films indoné- tant les esthétiques du cinéma en Asie du Sud-Est siens en langue malaise des années cinquante, que la constitution de ses publics. Les improvi- produits et promus par les milieux sino-indo- sations des doubleurs professionnels du cinéma nésiens, reprennent des thèmes plus tirés de thaïlandais, évoqués plus haut, constituaient la littérature du début du vingtième siècle que ainsi jusqu’aux années soixante-dix le véritable d’une tradition vernaculaire bien enracinée. Ces clou du spectacle des projections publiques, thématiques – telle la concubine abandonnée souvent organisées dans le cadre d’événements à la solitude de ses charmes – ont été supplan- festifs plus larges. Les Rencontres de l’Afrase tées dans les années soixante-dix-80 au profit de s’étaient ouvertes avec le documentaire motifs effectivement plus anciens (et fortement Power de Bastian Meiresonne, qui met jus- javanisés), qui traversent tout le cinéma d’action tement en scène, au service de sa chronique et d’horreur de cette période – que le documen- nostalgique mais énergique de l’art disparu du taire de Bastian Meiresonne (et son article dans cinéma d’action indonésien, l’installation d’un ce dossier) a fait revivre sous nos yeux. Cer- écran mobile dans un village. En effet, on peut tains réalisateurs, comme Usmar Ismail dans les voir une cohérence entre, d’une part, l’appro- années cinquante, ont pour leur part rassem- priation des formes épiques et des « saveurs » blé un large public indonésien avec des œuvres (rasa) d’origine indienne qui marquent la formellement très marquées par l’académisme construction narrative peu linéaire de bien des nord-américain. Quant à la dimension « popu- films thaïlandais et indonésiens et, d’autre part, laire » de la production cinématographique très les formes de performances publiques rituelles historiographique qui s’est imposée pendant les ou dramatiques (telles que les différents types de années quatre-vingt, elle reste encore à démon- ) qui ont constitué la base de la pratique trer… De même, l’effort de guerre occupa une autrefois courante des projections cinématogra- place centrale dans la production cinématogra- phiques en plein air. Ce rapport particulier au phique des deux Vietnam, et les studios saïgon- déroulé du film sur l’écran, qui n’a pas besoin nais durent se convertir au réalisme socialiste d’être suivi de manière continue, se traduit dans après 1975. Toutefois, à partir des années quatre- des formes narratives n’imposant pas une atten- vingt-dix, bien que le cinéma vietnamien reste tion de chaque instant au développement de essentiellement sous le contrôle de l’État, des l’intrigue. Au-delà des épopées classiques, dif- lectures de la guerre plus critiques et moins ali- férents thèmes traditionnels ont pu, au gré des gnées sur la propagande officielle virent le jour. époques, nourrir les cinémas d’Asie du Sud-Est, Aujourd’hui, la part croissante du financement comme en a témoigné cette année l’exposition privé contribue à diversifier la production ciné-

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matographique vietnamienne et, comme dans de films, la constitution d’un corpus du cinéma la Thaïlande et l’Indonésie d’avant-guerre, et le d’Asie du Sud-Est fait face à un autre problème, film devient un objet de coups commerciaux, celui de la difficile conservation des supports marqué par une influence importante des finan- d’images filmées, notamment en milieu tropi- ceurs sur le cahier des charges des œuvres. Les cal. Cette thématique de la patrimonialisation nouveaux centres commerciaux intègrent des et de la conservation, la dernière prévue au multiplexes aux places onéreuses, où les produc- programme de la table ronde, n’a pu être dis- tions locales côtoient les comédies romantiques cutée que brièvement, car il fallait à nouveau coréennes et autres blockbusters hollywoodiens. plonger l’auditorium dans le noir afin de pro- Il faut d’ailleurs signaler la récente fermeture, jeter Les larmes du Tigre Noir, de Wisit Sasa- au profit d’un projet immobilier de ce type, de natieng (2002). Toutefois, cet hommage acidulé la Hanoi Cinematheque, un petit cinéma privé aux westerns thaïlandais des années 50 illustra animé par un duo de producteurs (un Améri- – non sans une dose de tendresse et d’humour – cain et une Franco-vietnamienne), dont la pro- la recherche doctorale d’Aliosha Herrera, docu- grammation éclectique sera regrettée dans la mentée par une immersion de plus de deux ans capitale vietnamienne. au sein de la Cinémathèque thaïlandaise. Cette structure, soutenue par l’État siamois depuis La censure politique est largement pratiquée 2009 mais fondée, avec des moyens très limités, dans la région, mais sous des régimes différents, sur une initiative privée en 1984, s’est attelée à associés ou non à des aides financières de l’État la constitution d’un patrimoine cinématogra- pour la production cinématographique. Claire phique, projet inédit dans la région. On se réfé- Lajoumard, qui a eu à en négocier les termes à rera à ladite thèse, soutenue en 2016 à la Sor- bien des reprises, remarquait ainsi que les règles bonne Nouvelle pour une lecture critique de pouvaient être relativement explicites, à Singa- ce projet, dans lequel son observation fut par- pour notamment, ou n’être formulées nulle part, ticipante puisqu’elle contribua à l’inventaire des laissées pour chaque film à l’appréciation des archives de la Cinémathèque. autorités ad hoc, comme c’est le cas au Vietnam. Elle nous raconta ainsi comment la diffusion de Bastian Meiresonne et Aliosha Herrera nous Bi, n’aie pas peur de Phan Đăng Di au Festival de fournissent en outre, pour le dossier tiré de ces Rencontres, deux témoignages de spectateurs Cannes en 2010, resta jusqu’aux dernières heures engagés. Le premier parcourt avec un enthou- suspendue aux négociations avec le comité de siasme communicatif l’histoire du cinéma indo- censure vietnamien, qui avait parallèlement nésien, dans sa diversité et dans ses contradic- mobilisé des observateurs au Palais des Festi- tions. La seconde a fait le choix du portrait, vals. De l’écriture de faux scénarios pour obtenir convoquant le réalisateur Rat Pestanyi comme les autorisations de tournage à l’enregistrement émissaire d’un âge d’or du cinéma thaïlandais. de nouveaux doublages à des stades tardifs de Ces deux textes sont complétés par un tour d’ho- production, les stratégies de négociation et de rizon du cinéma lao, contrepoint proposé par contournement sont tout aussi diverses. Api- Marc Mouscadet. Kati Basset, pour sa part, nous chatpong Weerasethakul décida ainsi, lorsque offre une lecture à la fois érudite et sensible du plusieurs scènes de son Syndromes and a Cen- Rainmaker de Ravi Bharwani (2004), fournis- tury (2006) furent supprimées, de les remplacer sant les clés d’une interprétation tantrique de ce par des noirs de durée équivalente. film indonésien inspiré par la culture kejawèn. Si la violence politique sous toutes les formes, Enfin, Louise Pichard-Bertaux et plusieurs de dont le cas cambodgien n’est que le plus extrême, ses étudiantes se livrent à une expérience de a contribué à faire disparaître un grand nombre regards croisés sur le film thaïlandais Beautiful

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Boxer de Ekachai Uekrongtham (2003). Parmi Ingawanij, may Adadol et McKay, Benja- les lectures complémentaires permettant de par- min, éd., Glimpses of Freedom : Independent courir l’Asie du Sud-Est au travers de sa produc- Cinema in , Cornell University tion cinématographique, on consultera le dos- Press, 2011. sier « South East Asia on Screen » édité en 2006 Margirier, Gaëtan et Gimenez, Jean-Pierre, par Rachel Harrison, pour le numéro 14 (2) de éd., Southeast Asian Cinema = Le cinéma South East Asia Research ainsi que les quatre d’Asie du Sud-Est, Asiexpo, 2012. volumes consacrés aux cinémas d’Asie du Sud- Est en 2012 : sans oublier le livre pionnier de David Hanan Film in South East Asia (Vietnam Film Institute, Lim, David C. et Yamamoto, Hiroyuki, éd., 2001). Film in Contemporary Southeast Asia : Cultu- ral Interpretation and Social Intervention, Paul Sorrentino Maître de conférences en anthropologie, EHESS Routledge, 2012. Baumgärtel, Tilman, éd., Southeast Asian Independent Cinema, Hong Kong University Press, 2012

Le cinéma (d’action) indonésien : a hero never dies

Magie noire, têtes décapitées, cadavres éventrés, Genève en 2010 et au Festival International des hommes-scorpions et amazones enchanteresses… Cinémas d’Asie de Vesoul en 2013, mais je m’en voici seulement quelques-uns des nombreux voulais de définir ces métrages comme étant du ingrédients, qui ont assuré les plus grands succès « cinéma indonésien » : ces films étaient pour la du cinéma indonésien des années 1970 et 1980s. plupart des films d’auteur, produits en marge du Un cinéma d’action, populaire, qui rassemblait les système et rarement montrés dans leur propre foules et élevait les personnages aux bras musclés pays. À l’instar de 99,9 % des pays asiatiques, au rang d’idoles ; mais derrière le simple divertis- l’Indonésie produit des films non pas au nom de sement se cache une face plus tragique qui en dit l’art, mais dans le seul but de gagner de l’argent. long sur toute une nation. Il n’existe pas de circuit de salles d’art et essai dédié comme en France. La plupart de mes L’envie d’écrire cet article est issue de mes amis indonésiens – même cinéphiles – n’avaient recherches et de mes réflexions personnelles jamais entendu parler des films que je diffusais. suite à l’organisation de deux importantes En leur demandant de citer le film qui définis- rétrospectives dédiées au cinéma indonésien et sait – selon eux – le mieux leur cinéma, ils m’ont de la réalisation de mon documentaire Garuda tous répondu : « Jaka Sembung ! ». Si j’avais déjà Power – L’esprit du cinéma (d’action) indoné- entendu parler du titre, j’étais très loin de me sien. J’avais été fier de présenter ce que je consi- douter de la popularité du film, ainsi que de l’en- dère comme étant des chefs-d’œuvre du 7e Art gouement plus général pour le cinéma d’action pour la plupart inédits au Festival Black Movie à des années 1980. Comme je n’aurais jamais ima-

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giné que cinéma populaire et politique puissent et contrairement aux exploitants hollandais, les être autant liés. Chinois prennent soin de proposer leurs projec- La première difficulté de mes recherches était tions à des tarifs abordables pour une population de glaner des informations. Il existait bien une indonésienne peu fortunée. Ils vont même réus- Cinémathèque, mais sans réelles ressources et sir à mettre en place un système d’exportation sans conservation d’aucune copie des près de 500 aux communautés chinoises du monde entier, films d’action tournés depuis les années 1930. notamment de productions martiales, après que Le seul historien du cinéma indonésien refusait la Chine interdit toute production de film fan- de me parler, ne reconnaissant pas le cinéma tastique et d’action pour éviter « les troubles à populaire comme faisant part du « 7e Art », ni l’ordre public » dans les années 1930. les films tournés avant 1950 comme faisant par- Les années 1920 signent l’âge d’or des « serials », tie de l’histoire du cinéma de son pays. Effecti- des feuilletons à succès dont chaque épisode se vement, tous les métrages tournés entre 1926 termine par un ultime rebondissement fantasque et 1950 ont été produits soit par des Hollandais, pour faire revenir les spectateurs la semaine sui- soit par des Chinois, avant que The Long March vante. Ces serials vont inspirer aux producteurs d’Usmar Ismaïl en 1950 ne soit déclaré premier chinois un film d’aventures à rebondissements, long-métrage entièrement financé et réalisé par The Secret of Borodurur (Réal. inconnu, 1928) des Indonésiens. Or, la quarantaine de métrages dans lequel une jeune aventurière chinoise se tournée avant 1950 a très certainement contri- trouve confrontée à une série de pièges mortels bué à jeter les bases de l’Histoire du Cinéma dans un temple en Indonésie – un croisement Indonésien – et surtout celui du cinéma d’action. de Lara Croft et Indiana Jones avant l’heure, en quelque sorte. Au rayon des plagiats éhontés de Premières armes succès américains de la même période, citons De 1800 à 1945, l’Indonésie est colonisée par les franchises de Zorro et de Tarzan, souvent les Hollandais, qui contrôlent tous les moyens de copiés, mais jamais égalés comme le prouvent communication – dont le cinéma. Les longs-mé- Grass (The Teng Chun, 1939) ou Black Wolf trages produits par l’occupant sont des échecs (Tan Tjoei Hock, 1941), dont quelques minutes retentissants, simples publicités pour vanter la (d’action) sont toujours visibles. colonie aux Hollandais restés au pays. De toute Le premier âge d’or du cinéma indonésien façon, les exploitants n’avaient aucune chance des années 1920-1930 survient en pleine crise d’attirer les foules en interdisant l’accès des salles financière mondiale. Le scénariste/réalisateur/ aux Indonésiens, et en vendant les billets d’en- producteur The Teng Chun est le seul qui ose trée à un tarif rédhibitoire à des expatriés – les- continuer à produire des films durant les années quels considéraient le cinéma au mieux comme 1930. Après plusieurs copies de mélodrames un divertissement de « pauvres ». américains, il décide de concentrer ses efforts Les vrais pionniers du cinéma indonésien sur la communauté chinoise des Peranakan, les sont les Chinois. Communauté présente depuis descendants de vagues successives d’émigrés des siècles en Indonésie et très liée à l’évolu- chinois à s’être établis en Indonésie. Familiers tion historique du pays, elle a été la première à de la mythologie, les Peranakan ont en revanche penser à construire des salles et à s’appuyer sur souvent perdu la pratique du mandarin. The un réseau d’importation de films extrêmement Teng Chun décide de réadapter les plus grands développé depuis Shanghai. Les films muets classiques du folklore chinois, qui existent éga- chinois plaisent aux Indonésiens en exploitant lement dans la mythologie indonésienne. Parmi des histoires issues d’une mythologie commune d’autres, Black and White Snakes (The Teng

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Chun, 1934) est la transposition de La femme thrillers d’espionnage pour glisser quantité de serpent, dans lequel une déesse serpent prend messages anti-communistes et inciter les spec- forme humaine pour séduire l’homme de ses tateurs à dénoncer d’éventuels « cocos » parmi rêves. Évidemment, sa vraie nature est révélée, leurs proches et leurs voisins. la femme traquée, mais sauvée, car enceinte. Une large porte ouverte pour permettre une Rebelle… mais pas trop suite, le bien nommé Child of the White Snake Le vrai âge d’or du film d’action démarre au (The Teng Chun, 1936) dans lequel l’enfant part début des années 1970 avec le succès surprise à la recherche de sa maman déesse. Perdu dans de Si Bongkok (Lilik Sudjio, 1972). Le film est la forêt, il devra affronter un singe géant – l’in- l’adaptation d’une bande dessinée (support qui fluence américaine (et King Kong) n’est jamais jouit d’une incroyable popularité à l’époque), très loin. elle-même inspirée de la littérature et du cinéma En 1941, l’occupant japonais met un brusque chinois d’action martiale, et raconte l’histoire terme au développement du cinéma en interdit d’un enfant témoin du massacre de ses parents la diffusion de films. Au sortir de la Seconde par une bande de voyous. Suivant un entraîne- guerre Mondiale les Chinois tenteront – sans ment intensif sous l’égide d’un vieil ermite, le succès – de renouer avec les formules d’antan. jeune deviendra un guerrier aux prouesses mar- C’est la fin de l’âge d’or d’un cinéma de pur diver- tiales hors normes qui se vengera de ses bour- tissement – et le début d’une nouvelle ère étroi- reaux. Le film n’est pas très , souffrant d’un tement liée à la politique du pays. manque de budget évident, mais n’empêchera pas de faire rêver des milliers de spectateurs, Sous la présidence de Soekarno (1945-1967), séduits par ce genre « nouveau » puisé dans leur le cinéma devient un outil de communication pour forger l’identité d’un peuple marqué par « propre culture ». Et, surtout, il impose dans le plusieurs siècles d’occupation. Le succès de The cœur des spectateurs (et spectatrices) l’acteur Long March (Usmar Ismail, 1950) va lancer une Dicky Zulkarnean, premier héros d’action et série de films de guerre, qui vont dénoncer les interprète du cultissime Si Pitung, une sorte de occupants hollandais et japonais. Des métrages Robin des Bois indonésien, qui se soulève contre nécessaires pour exorciser les anciens démons, l’occupant hollandais pour le bien de son peuple. mais qui reviennent cher (scènes de combat et Un personnage qui précède d’une bonne d’explosions coûteuses) et ne font pas toujours dizaine d’années une autre figure mythique qui recette auprès d’un public plus enclin à oublier donnera les lettres de noblesse au cinéma d’ac- qu’à se remémorer son douloureux passé. La tion : Jaka Sembung (aka Le Guerrier, Imam mode est aux épopées, vaguement adaptées des Tantowi, 1981). Il s’agit, là encore, de l’adaptation Contes des Mille et Une Nuits et de la mytho- d’une bande dessinée extrêmement populaire, logie indonésienne pour titiller la fibre patrio- qui met en scène un héros se dressant contre tique. l’occupant hollandais pour le bien du peuple Le régime dictatorial de Soeharto (1967-1998) (du moins dans les premiers épisodes, avant de va de pair avec un renouveau du cinéma. Lassé prendre une tournure plus fantasque). Certes, le des fresques historiques, le public plébiscite les film détonne par ses effets spéciaux et par l’in- histoires modernes d’amourettes citadines et de croyable charisme de son acteur principal Barry lycéens rebelles, mais aussi les copies éhontées Prima, mais il y a une raison beaucoup plus pro- des James Bond, comme le truculent Djakarta – fonde pour l’attachement des spectateurs. Hong Kong – Macao (Turino Djunaidy, 1968). Jaka Sembung est sorti durant la période par- Le régime profitera de l’engouement pour ces ticulièrement trouble du régime dictatorial, au

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début des années 1980. Nombre d’Indonésiens spectaculaires et vous obtiendrez… une désaf- m’ont dit à quel point ils avaient besoin de voir fectation record du nombre des spectateurs et des films d’action pour relâcher leur propre une production cinématographique annuelle en violence réprimée à cette époque. Jaka Sem- chute libre. De 125 films en 1991 (avec plus de la bung était un prophète, qui défiait l’ordre et le moitié des films produits étant du genre action), « méchant occupant hollandais », qui n’était que elle est passée à… 4 métrages en moins de dix métaphore des hommes de Soeharto. Le suc- ans. cès phénoménal de Jaka Sembung a entraîné En réaction, le régime de Soeharto décide de pléthore de films de même genre – si bien que réagir en réhabilitant le « layar Tancap », des l’État a fini par sévir. Sentant que les person- séances de cinéma organisées sur une toile ten- nages rebelles pouvaient susciter un sentiment due en plein air pour réunir familles et amis de révolte, le régime a décidé de s’en prendre à autour de projections de films. Une pratique la source même de ces histoires : la bande dessi- répandue dès les années 1930 pour permettre née. Les BD (sauf éducatives et propagandistes) notamment la diffusion de films éducatifs et qui furent interdites – et les bibliothèques publiques s’est perpétuée au fil des décennies. Le régime a fermées dans la foulée, sous prétexte que l’on favorisé le développement dans les années 1990 y trouvait ces « BD subversives ». Quant aux pour pallier la fermeture des cinémas, contrôler producteurs de cinéma, ils étaient « priés » de les rassemblements à la campagne, mais surtout tourner des films d’action contemporains, qui, à pour favoriser les films nationaux au détriment l’instar des films d’espionnage des années 1960, des métrages américains, à nouveau interdits reflétaient la politique menée par le régime. Soit d’importation. Ironie du sort, la plupart des des personnages de policiers (au look de Sylves- métrages diffusés sont des films d’action issus de ter Stallone de Cobra ou Tango and Cash sortis à l’âge d’or des années 1980 – dont Jaka Sembung la même époque) glorifiés dans leur lutte contre et consorts, pourtant subtilement interdits une les cartels de la drogue ou des réseaux de pros- dizaine d’années plus tôt… titution, tandis qu’au même moment les milices du régime s’évertuaient à démanteler massive- Le renouveau du cinéma indonésien est allé de ment cartels de drogue et réseaux de prostitu- pair avec la chute du régime de Soeharto à la fin tion… des années 1990… et de l’avènement numérique. Toute une nouvelle génération de réalisateurs Une balle dans la tête avait enfin la possibilité de se nourrir au cinéma mondial, d’aller se former à l’étranger et surtout L’une des principales raisons du déclin du film d’exprimer leurs idées avec du matériel relati- d’action dès la fin des années 1980 tient donc à la vement peu cher. L’Indonésie est d’ailleurs l’un « modernisation » des scénarii : le nouveau héros des premiers pays au monde à avoir abandonné policier était beaucoup moins charismatique le 35 mm au profit du numérique. En revanche, que le rebelle Jaka Sembung, mais – surtout – le gros du public de ce genre de films vivait dans le cinéma d’action n’a jamais su retrouver la les campagnes. Or, ces gens ne s’identifiaient ni superbe de son âge d’or des années 1970 et 1980. au stéréotype du policier, ni à l’environnement La raison est tout simplement économique : le urbain de . Ajoutez à cela des scénarii coût de production d’un film d’action reste élevé, interchangeables tournés à la va-vite avec de bien plus onéreux que celui d’une comédie ou moins en moins de moyens pour tenter d’en- d’un film d’amour, par exemple. Il y a générale- granger un maximum de bénéfices, l’arrivée de ment un temps de préparation plus long et une la télévision, de la vidéo, des chaînes satellites, implication de coûts annexes très forte (équipe des films d’action américains beaucoup plus technique plus importante, assurances, effets

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spéciaux, post-production…). Si les Indonésiens Cadavre exquis n’étaient pas trop regardants sur la qualité dans les années 1970 et 1980, il en va autrement depuis Plus important que la relance du genre, la pré- la réouverture du pays aux importations de films servation des films. Si la plupart sont loin d’être étrangers. Un film indonésien au budget moyen des chefs-d’œuvre, ils en disent beaucoup sur de 500 000 dollars est incapable de rivaliser avec leur époque. Or, en une dizaine d’années à peine, un métrage américain de 100 à 200 millions de la disponibilité de ces films s’est rapidement dollars. Alors qu’il y a eu plus de 300 films d’ac- réduite. La cinémathèque ne conserve aucune tion entre 1970 et 1990, on n’en dénombre qu’une copie de films de genre et le marché vidéo est vingtaine tournés entre 1998 et 2018. quasi inexistant. Le seul moyen de se procurer ces métrages par le passé était (malheureuse- Mais rien n’est impossible. En 2011, The Raid ment) de chiner des copies de cassettes VHS prend d’assaut les salles mondiales. Tourné ou d’enregistrements de télévision de piteuse avec un budget ridicule, sa réussite tient avant qualité sur les marchés noirs des grandes villes tout au génie de son réalisateur (gallois) Gareth indonésiennes ; mais même ces sources se sont Evans, qui redouble d’inventivité pour pallier taries. Désormais, les « vendeurs » ne proposent le manque de moyens locaux, comme se servir plus que des CD bon marché regroupant les d’un décor unique (un entrepôt à deux niveaux, fichiers d’une dizaine de titres pixelisés, à peine transformé en tour de 30 étages par la magie du lisibles sur un petit écran. montage). Le film doit également beaucoup aux prouesses martiales (athlétiques) de son inter- Il y a certainement d’autres priorités pour un prète principal Iko Uwais, qui s’est préparé au pays que de chercher à préserver des films d’ac- tournage pendant des mois. Mais si le film et tion. D’un autre côté, il est alarmant pour une son ambitieuse suite de 2014 ont replacé l’Indo- nation comme l’Indonésie, en pleine recherche nésie sur la carte cinématographique mondiale identitaire après des siècles d’occupation, de voir et ravivé le fameux raccourci « film asiatique disparaître tout un pan de sa propre culture à = film de ‘kung-fu’», il n’a malheureusement grande vitesse – peu importe qu’elle soit définie pas provoqué le renouveau attendu du cinéma comme étant « populaire » ou non. Il y a suffi- d’action indonésien. Investissement trop ris- samment d’exemples de régimes totalitaires dans qué financièrement, les producteurs locaux lui l’histoire de l’humanité (et notamment en Asie), préfèrent les films d’horreur tournés au rabais, dont l’instauration passait systématiquement les histoires d’amour ou les comédies avec des par la suppression des artistes et de la culture stars du petit écran en tête d’affiche pour espérer populaire pour ne pas rester vigilants. Espérons décrocher la timbale. que le souvenir de Jaka Sembung continue long- temps à hanter le peuple indonésien. Bastian Meiresonne Réalisateur et programmateur, spécialiste du cinéma asiatique

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Rat Pestanyi, « gemme » du cinéma thaïlandais

Aux origines, une hybridité revendiquée Rat Pestanyi Pour comprendre l’importance de ce doyen (1908-1970) révéré par les artistes d’aujourd’hui, il faut Voix langoureuses, âcres et sémillantes ; souvenir remonter au commencement de la cinéma- d’enfance lancinant tel un long ruisseau de sang ; tographie apparue dans le royaume de Siam promesse brisée sous un pavillon lointain, un (ancien nom de la Thaïlande jusqu’en 1939), jour de pluie battante ; duel au pistolet sur fond de qui fut l’une des plus précoces d’Asie du Sud- ciel peint, nitescent… Lors de sa sortie en France Est. En 1897, le roi Chulalongkorn (Rama V) en 2002, peu après sa présentation au Festival de fait un voyage en Europe en compagnie du Cannes dans la section « Un Certain Regard », prince Sanphasat Suphakit. Ils y découvrent le Fa thalai chon [« Les Larmes du Tigre Noir »], Cinématographe des frères Lumière, avant que film le plus nostalgique de Wisit cette invention captive les Bangko- Sasanatieng, donna à voir un pan kois dans le cadre de projections largement méconnu du cinéma publiques organisées en juin pen- produit en Thaïlande à la suite de dant la même année. Le prince la Seconde Guerre mondiale. Ce rapporte du matériel de tournage bijou mélodramatique émaillé acheté en Occident et commence d’humour tendre pourrait être à réaliser des films en amateur. reçu comme une joyeuse halluci- Mais il faut attendre 1923 pour voir nation dans la lignée du Pink Nar- apparaître le premier organe local cissus de James Bidgood (1971) de production de films : le Dépar- ou des films que Gregg Araki réa- tement cinématographique des lisait à la même époque. Mais loin chemins de fer royaux, créé pour d’une fantaisie arbitraire, il se pré- faire la promotion du tourisme sente aussi et surtout comme un ferroviaire. Deux chefs opérateurs pastiche amoureux des fictions Affiche de Fa thalai chon ("Les notoires y sont recrutés : Khun tournées dans l’ensemble du pays Larmes du Tigre Noir"), réalisé Patiphak Phimlikhit, qui participe jusqu’à la fin des années 1960 ; un par Wisit Sasanathieng en 2000 au tournage du premier long-mé- western haut en couleur célébrant la générosité trage de fiction rassemblant exclu- exubérante de cette tradition cinématographique sivement des acteurs siamois, Nangsao Suwan autrefois populaire et tombée peu à peu en désué- [« Mademoiselle Suwan », réalisé en 1923 par tude ; un hommage à un père fondateur dont le Henry Alexander MacRae] ; et Luang Konkan seul prénom (« gemme ») évoque l’âge d’or du Chenachit (né Phao Wasuwat), qui joue avec ses cinéma thaïlandais dans tout son orbe : Rat Pes- quatre frères un rôle déterminant dans l’émer- tanyi (1908-1970), passé maître dans l’art de la gence d’une industrie du cinéma au Siam. prise de vues avant de s’imposer comme un réali- Les frères Wasuwat fondent l’imprimerie Si sateur aux ambitions esthétiques singulières. Krung et inaugurent la publication de livrets

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contenant des résumés de films étrangers. En par l’équipe Si Krung pendant l’entre-deux- 1919, ils achètent la caméra de marque Pathé guerres sont le principal terrain de répétition de du prince Sanphasat Suphakit, défectueuse, et la cette transformation, témoignant à la fois d’une réparent afin de pouvoir l’utiliser. Six ans plus problématique de propagande identitaire face à tard, ils conçoivent le premier long-métrage de l’Occident et de la capacité des Siamois à s’em- fiction authentiquement siamois : Chok song parer des plus récentes innovations techniques chan [« Double chance »]. À force de persévé- venues de l’Ouest pour les mettre au service rance, ils parviennent à fabriquer une caméra de d’une expression culturelle originale. tournage pour films parlants « à la Wasuwat », en s’inspirant du système sound-on-film connu « Bricoleurs » magnifiques en Occident, et fondent leur propre compagnie Cette évolution prend un brusque tournant de production, Phaphayon Siang Si Krung, en après la guerre, lorsque ceux qui marchent dans ambitionnant de développer un « Hollywood le sillon de ces pionniers adoptent le format du Siam ». Pour ce faire, ils veulent inventer une Kodachrome 16 mm couleur inversible pour esthétique représentative d’une certaine spécifi- faire des films muets accompagnés en direct cité nationale, dont l’élément clé est une musique par des doubleurs professionnels nommés nak phak, dont la longévité égalera celle des benshi japonais bien après l’introduction des films parlants. Cette ventriloquie étonnante propre à « l’ère du 16 mm » (1945-1970) présente un paradoxe intéressant pour l’historiographie contemporaine, en ce qu’elle rappelle à certains égards le « cinéma des premiers temps » (précé- dant 1910), tout en allant à rebours de « l’évo- lution » du cinéma institutionnalisée de longue date en Occident. Les retombées économiques de l’occupation

Intérieur du studio Phaphayon Siang Si Krung, pendant le tour- japonaise pendant la guerre ont en partie déter- nage de Phleng wan chai ("Une douce mélodie") en 1937 miné ce mode d’œuvrer. La cessation des impor- tations de matériel cinématographique depuis hybride dite thai-sakon, alliant de manière iné- les pays alliés a rendu difficile la production de dite des instruments occidentaux avec la tradi- films, supplantée par les spectacles de théâtre. tion de la poésie classique locale, et s’illustrant Les premiers films thaïlandais en format 16 mm à travers des décors et des costumes à la croisée sont produits par une nouvelle génération de du raffinement siamois et des dernières modes professionnels venus du monde de la scène. Leur apparues à l’Ouest. Le terme sakon, employé structure anti-linéaire repose sur une mosaïque initialement sous la plume de Luang Wichit de « saveurs » [rot] en filiation directe avec la Wathakan (ministre de la propagande respon- notion indienne de rasa. Inspirés de légendes sable de la transmission d’une forme euro- ou de contes folkloriques, de chroniques histo- péenne de nationalisme sous le gouvernement riques ou de la littérature classique fleurie à par- dictatorial de Plaek Phibunsongkhram), devient tir des années trente, en passant par les romans à investi de connotations relatives à la modernité l’eau de rose publiés de manière épisodique dans occidentale et aux critères de « progrès » qui lui la presse et adaptés sous forme de drames radio- sont associés. Les comédies musicales produites phoniques, ils sont tournés en extérieur avec des

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moyens de fortune, dans des conditions spar- figures héroïques dont le règne restera indis- tiates. À cause de la faible sensibilité à la lumière puté sur la production cinématographique des du film Kodachrome, les nouveaux opérateurs années soixante, n’ont jamais à incarner un rôle thaïlandais utilisent surtout une lumière natu- de composition. Les acteurs les plus sollicités relle, en usant sans modération de réflecteurs. n’ont pas même le temps de répéter et se laissent Ils acquièrent leur métier sur le tas, travaillent dicter leurs répliques par des souffleurs, sachant avec une seule caméra, et ne tirent qu’une seule que leur véritable voix ne sera pas enregistrée. copie positive de chaque film, ainsi qu’une copie Autant d’aspects dont l’altérité radicale, loin d’exploitation pour chacune des cinq régions du de s’apparenter à un « retour en arrière » dans pays, en recourant aux services de laboratoires l’histoire des techniques, prend plutôt l’ampleur japonais, hongkongais ou australiens. Il s’agit, d’un art « hors du temps », presque premier et en quelque sorte, d’un cinéma « d’artisans » : donc absolument irrécupérable par le standard les cinéastes les plus prolifiques travaillent avec cinématographique international. une virtuosité « touche-à-tout », et réalisent plusieurs dizaines de films en appliquant une Itinéraire d’un pur esthète méthode de travail familiale, à commencer par Dok Din Kanyaman, « Marut » (Thawi Na L’œuvre de Rat Pestanyi contribue à perpétuer Bangchan), « Neramit » (Amnuai Kalasanimi), ces codes profondément appréciés du grand « Phankham » (Phromsin Sibunrueang), So public thaïlandais, tout en leur apportant une Asanachinda, Rangsi Thatsanaphayak et Thae sophistication exceptionnelle. Les films qu’il Prakatwuthisan. signe se situent tôt à la croisée de la tradition des « saveurs » et de certaines figures de style Après le triomphe commercial de Suphap burut assimilables au classicisme hollywoodien des Suea Thai [« Suea Thai, bandit d’honneur »], années 1940 et 1950. Son parcours embléma- réalisé par Mom Chao Sukonwanadit Ditsakun tise en fait une tension fondamentale, dans le en 1949, le caractère vivant de la transmission cinéma thaïlandais de cette période, entre un orale est préféré de loin, en Thaïlande, au syn- profond attachement à la tradition du spectacle chronisme dominant du cinéma parlant. La pra- siamoise et la volonté croissante de s’adresser, en tique du doublage en direct, érigée en corps de même temps, à un spectateur universel. métier vingt ans plus tôt par « Thit Khiao » (Sin Sibunrueang), demeure un pilier crucial de la Né le 22 mai 1908 et descendant d’ancêtre représentation, prévalant sur l’autonomisation perses, Rat étudie la photographie en Inde et de l’espace cinématographique. Les fictions en l’ingénierie à Londres, avant de présenter son 16 mm plaisent parce qu’elles racontent des his- premier court-métrage en format 16 mm noir toires déjà connues du public et perpétuent une et blanc, Taeng, dans un festival de cinéma tradition orale issue des arts dramatiques sia- amateur tenu à Glasgow en 1937. Il remporte mois, à commencer par le théâtre d’ombres et la là-bas la première récompense de sa carrière. danse masquée khon mettant en scène des récits Son court-métrage suivant, Ruea bai si khao tirés du Ramakian. Comme dans ces formes [« Le voilier blanc »], est couronné d’un prix à séculaires de spectacle, les acteurs, figures arché- l’Exposition universelle de New York en 1939. typales, sont porteurs de valeurs immuables Mais son entrée dans l’industrie du cinéma selon deux séries hiérarchiques de personnages locale advient seulement lorsque le prince Pha- représentant respectivement le bien et le mal. nuphan Yukhon, fondateur de la compagnie Une part primordiale est accordée au symbo- Asawin Phaphayon, l’invite en 1949 à être chef lisme, et les plus grandes vedettes, à commencer opérateur sur le tournage de Phanthai Norasing par Mit Chaibancha et Phetchara Chaowarat, [« Le capitaine Norasing »], et finance deux ans

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plus tard son unique long-métrage en format Phibunsongkhram, alors Premier ministre pour 16 mm muet, Tukata cha [« Tukata »], racon- la seconde fois, se laisse convaincre et confie en tant l’histoire d’une petite fille abandonnée dans juin 1956 au Département les bois et adoptée par deux bûcherons. Avec des relations publiques la l’assistance d’un talentueux ingénieur du son, mission de créer une unité Pong Asawinikun, il décide d’adopter le format de production cinémato- 35 mm et de recourir dorénavant au synchro- graphique dotée des meil- nisme, sans plus faire appel à un commentateur leures infrastructures pos- oral, même en voix-off. sible, Erawan Phaphayon. Mais le coup d’État mené par Sarit Thanarat en sep- Photogramme tiré deChua fa din tembre 1957 met brus- salai ("Pour l'éternité"), filmé et produit par Rat Pestanyi en 1955 quement fin à cette entre- prise… Qu’à cela ne tienne : Rat fait aussitôt le choix inattendu du noir et blanc avec Rongraem narok [« L’hôtel de l’Enfer »]. Ce premier long-métrage réalisé par lui-même en format 35 mm à partir d’un scénario écrit de sa propre main est salué par la critique à sa sortie en septembre 1957 ; mais son accueil public reste très limité, en Photogramme tiré deTukata cha ("Tukata"), raison d’un parti-pris stylistique audacieux au réalisé en 1951 regard des conventions thaïlandaises. Ce drame repose en effet sur la fameuse « règle des trois La compagnie de production que Rat fonde lui- unités » propre au théâtre classique occidental, même, Hanuman Phaphayon, devient l’une des à cela près que son intrigue, censée se dérou- plus influentes du royaume. Le premier long-mé- ler le temps d’une nuit entière et un matin, ne trage qu’il produit et dont il signe la photogra- dure pas plus de deux heures vingt. À l’hôtel phie, Santi-Wina, portant sur l’éveil spirituel du Paradis, établissement à une seule chambre d’un orphelin aveugle confié à un moine dans dirigé par un affable quadragénaire et son neveu une grotte au cœur de la province de Phetcha- champion de bras de buri, reçoit trois récompenses au premier festival fer (Prachuap Rik- du film asiatique organisé en 1954 à Tokyo par yamdi), le chef comp- la fédération des producteurs de cinéma d’Asie table de la compagnie du Sud-Est. Sa deuxième production, Chua fa Prida Thai (Chana din salai [« Pour l’éternité »], une histoire d’adul- Si-ubon) doit recevoir tère tragique tirée d’un roman de Malai Chuphi- de l’argent, sans savoir nit, sort en décembre 1955 et obtient plusieurs quelle personne vien- prix à la cérémonie des Tukata Thong présidée dra le lui remettre. annuellement par le roi Phumiphon Adunya- En attendant, il se det. Exposé toutefois à une constante adversité concentre tant bien financière, Rat commence à militer pour solli- que mal sur sa lecture, citer le soutien du gouvernement, avec le souci Rongraem narok ("L'hôtel car le bar-salon de de donner à l’industrie du cinéma thaïlandais de l'Enfer"), réalisé en l’hôtel est fréquenté un véritable retentissement international. Plaek 1957 par des musiciens

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venus répéter ici en cacophonie et par plusieurs née malgré elle dans individus d’apparence peu honnête. Excédé par une sombre affaire de ce tumulte, il déclare que ce lieu devrait plutôt meurtre. L’unique fille de avoir pour nom « l’hôtel de l’Enfer », avant l’ar- Rat, Ratanawadi Ratana- rivée d’une énigmatique jeune femme (Sarinthip phan, tient le rôle princi- Siriwan) voulant occuper sa chambre à sa place. pal, et deux de ses trois Références ouvertes à la screwball comedy amé- fils, San et Adel Pestanyi, ricaine, incongruités frôlant parfois le nonsense l’assistent tout au long du anglais, éclairage expressionniste… Malgré la tournage, mené au stu- présence de deux stars comiques (Somphong dio Hanuman comme Phongmit et Chusi Misommon), le coup d’essai en extérieur. Ce nouveau de Rat s’inscrit sensiblement en marge des codes long-métrage produit que la plupart des spectateurs de l’époque sont par ses seuls soins est en droit d’attendre. sélectionné en compéti- Un an plus tard, la compagnie Khanchara Pha- tion au onzième festival phayon lui confie la réalisation deSawan muet international du film de [« Paradis obscur »], une comédie musicale Berlin. Il s’agit aussi de Phrae Dam ("Soie noire"), réalisé en 1961 portant sur l’amour d’un jeune homme aveugle son premier projet en et d’une belle mendiante, ayant pour vedettes format Cinémascope. La le chanteur Suthep Wongkhamhaeng et Suep- sobriété ascétique de sa mise en scène, poussée à nueang Kanphai. Le cadre artificiel du studio son plus haut point au moment de la « mue » de Hanuman, où se déroule le tournage de bout en l’héroïne se dépouillant de ses cheveux et de ses bout sur pellicule Ferraniacolor, y exacerbe l’at- vêtements noirs, en fait une remarquable excep- mosphère résolument irréelle des fictions ciné- tion à la règle du mélange de genres qui préside matographiques thaïlandaises de ce temps, sans au succès des autres films thaïlandais. donner lieu, pourtant, à des expérimentations Atteint d’une grave maladie du cœur qui pro- aussi fougueuses que dans le huis clos de « l’hô- voquera sa mort en 1970, Rat achève sa carrière tel de l’Enfer » : ce film de commande, tiré d’un commercialement décevante en convoquant roman de Suwat Woradilok, apparaît comme le finalement dans une perspective parodique les plus impersonnel du cinéaste. Mais en 1961, Rat motifs canoniques du cinéma thaïlandais qu’il s’écarte de ces sentiers battus en inventant une cherche depuis longtemps à transfigurer. Comme autre histoire originale le suggère habile- placée sous le signe ment son titre, Nam- du film noir : Phrae tan mai wan [« Nam- Dam [« Soie noire »], tan n’est pas douce »] décrivant le chemine- offre une lecture au ment d’une tisseuse second degré de l’uni- portant le deuil de son vers « sucré » [wan] mari depuis deux ans des films d’amour de et revêtant la tunique cette époque, trans- blanche des nonnes posé dans un écrin en du bouddhisme the- Cinémascope d’une ravada pour trouver grande richesse chro- refuge dans la Namtan mai wan ('Namtan n'est pas douce'), matique. L’héroïne de après avoir été entraî- réalisé en 1964 cette histoire, Namtan

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[« sucre »], incarnée par la célèbre Metta Rungrat, l’univers visuel des mélodrames qu’il tend à tour- est originaire du monde indien, berceau des ner légèrement en dérision. émotions d’ordre esthétique qui ont imprégné la L’héritage que cet auteur a laissé, hautement culture artistique siamoise de très longue date. valorisé par la Cinémathèque thaïlandaise Le héros auquel elle est promise, un fils de bonne depuis 1984, est ainsi bel et bien à redécouvrir. famille nonchalant incarné par Sombat Methani, Les images sont reproduites avec l’aimable autorisa- lui inflige, contre toute attente, un traitement tion de la Cinémathèque thaïlandaise et de la Thai extrêmement hostile, en n’ayant d’yeux que pour Film Foundation. le copieux héritage qu’elle lui permettra d’obte- nir ! Tout comme dans Les Larmes du Tigre Noir, Aliosha Herrera Docteure en études cinématographiques et audiovisuelles à la mise à distance réflexive au cœur du geste de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3 ([email protected]) Rat se présente comme un hommage sincère à

Le cinéma lao

Le cinéma de fiction lao est apparu dans les résident en France. En 1988 le metteur en scène années soixante mais on n’en a guère gardé de indépendant Som-Ock Southiphonh réalisa traces. À cette époque de guerre civile quelques Le lotus rouge. Ces deux films, projetés alors films ont été tournés dans les deux camps. Du de façon assez confidentielle, ont été montrés côté du Neo Lao Hak Xat (Front patriotique une nouvelle fois en 2015 au Festival Interna- lao), en sus de quelques documentaires de pro- tional du Cinéma d’Asie à Vesoul. En cette fin pagande, on retient Fate of the girl qui daterait du xxe siècle les conditions matérielles et idéo- de 1960. Le gouvernement royal stimula lui logiques ne sont guère propices à la production aussi le cinéma entre 1960 et 1975 ; on garde le cinématographique. souvenir de quelques titres : Trois roues, Lorsque Il faut attendre 1997 pour observer un renou- le brouillard disparaît, Taidam Lamphanh, Le veau du cinéma laotien, renouveau qui s’est net- cœur de la fille de Saravane, Le tigre du sommet tement accentué ces dernières années. L’ouver- de la montagne, Les larmes de la jeune réfugiée, ture de salles à Vientiane au National Cultural Deux rives du Mékong, Kalaket, Khounlou Nang Hall (2000) et surtout au centre Lao-ITECC Oua. Le cinéaste dont le nom a survécu à l’ou- (2003) permet une diffusion des œuvres et la bli est Khamking Bandasak. Toutes les bobines naissance de deux festivals consacrés essentielle- semblent avoir disparu. ment aux films étrangers, l’un à Luang Prabang Après 1975 le nouveau régime ne fit pas de la (depuis 2010) l’autre à Vientiane (depuis 2009, la production cinématographique de fiction une Vientianale) réveille l’intérêt du public. Les pre- priorité. Le printemps, œuvre de propagande, miers pas sont de l’initiative de Vithoune Soun- fut produit en 1977 en Chine. Il fallut attendre dara qui tourna en vidéo Le charme des forêts 1983 pour que fût tourné avec la coopéra- (1997), Ciels clairs après la pluie (2001), L’illicéité tion vietnamienne Coups de feu dans la Plaine (2004), films qui furent diffusés à la télévision. des Jarres par Somchit Pholséna, aujourd’hui Les productions de qualité internationale sont

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plus récentes : elles sont dues à une nouvelle de Vesoul a mis le cinéma lao à l’honneur en génération de cinéastes, largement ouverte vers 2015. Les moyens mis à la disposition des jeunes l’étranger et dotée d’une solide formation. Ses réalisateurs restent modestes mais plusieurs ins- moyens financiers restent rudimentaires mais la titutions internationales telles Oxfam n’hésitent qualité est au rendez-vous. plus à contribuer au financement. La censure On attribue généralement à Anousone Siri- officielle s’est montrée jusqu’à présent clémente sackda, formé à Kiev, le mérite d’avoir rendu ce et l’on peut désormais escompter une produc- renouveau possible grâce à sa ténacité. C’est à tion cinématographique laotienne régulière lui que l’on doit Sabaïdi soutenue également par des réalisateurs de la Luang Phrabang co-réa- diaspora comme Souriphone Phonsavanh, lisé avec le Thaï Sakchaï Thavisouk Phrasavath et Kevin Sourivong. Deenan en 2008 puis Only love en 2010. Ce premier film qui, der- rière un argument sen- timental promeut les fleurons touristiques du Laos, connaît un succès mérité et a propulsé le cinéma lao sur la scène mondiale. Mais ce sont de jeunes auteurs qui se revendiquent de la « Nouvelle vague » qui réalisent désormais les films les plus audacieux. Anysay Kéola, Vannaphone Sitthirath, Pha- noumad Disattha, Mattie Do, Xaysongkham Indouangchanthy sont, entre autres, les repré- sentants de cette nouvelle école qui n’hésite pas Sources à aborder des thèmes sociétaux, sans renon- • http://lepaysdessourires.xooit.com/t278-Le-ci- cer à un sens de l’humour bien laotien, et sans nema.htm négliger non plus à l’occasion le goût bien connu • http://www.vogazette.fr/spip.php?article1440 pour le fantastique. Que serait l’Asie sans les fan- • https://www.c-et-c.asso.cc-pays-de-gex.fr/spip. tômes ? On doit à ces jeunes des films tels que php?article696 Another love story (court métrage Anysay 2011), • http://sensesofcinema.com/2017/feature-ar- A l’horizon (Anysay 2012), Chanthaly (Mat- ticles/womens-stories-arent-told-laos-inter- tie Do 2012), Hak Amlam (Phanoumad 2013), view-mattie/ Vientiane in Love (film à sketches 2014), Noy • https://culture360.asef.org/magazine/cur- (Anysay 2015), Nong Hak (Mattie Do 2016). rent-audiovisual-and-cinema-situation-laos Ce nouveau cinéma franchit les frontières. Le Marc Mouscadet Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) Inalco, lao

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Impian Kemarau/The Rainmaker

Impian Kemarau/The Rainmaker de Ravi Bharwani, pologie de la culture javanaise que je le décrypte Indonésie, 2004, 1h23, en javanais et indonésien, pour et avec mes étudiants. À chaque visionnage sous-titré en anglais. Réalisation : Ravi L. Bharwani. Scénario : Ravi L. Bharwani, Abduh Aziz, Aramantono. et arrêt sur image j’y fais une nouvelle décou- Images : Yudi Datau. Bande son, musique : Thoersi verte, comprenant chaque fois quelque chose de Argeswara. Montage : Sashta Sunu. Avec Clara Sinta, plus et sachant qu’il m’en reste encore à perce- Levie Hardigan, Ria Irawan, Japbrik Gelanggang, voir. Moertri Purnomo, Hery Sadewa et des villageois de la région de Gunung Kidul. La forme : sophistiquée et très signifiante Prix du meilleur film, catégorie Nouveaux Il n’y a pas que les détails qui font sens et se Talents, au Festival International de Films d’Asie répondent en résonance dans l’image et le son, de Shangaï en 2004. Nominé 3 fois aux meilleurs mais aussi la relation entre le fond et la forme, films et sélection officielle dans de multiples fes- une structure de composition cyclique et strati- tivals internationaux. fiée que je suppute extrêmement raffinée, peut- Pourquoi ce film magnifique, bien que primé, être comparable à celle qui, au-delà des appa- nominé et sélectionné en festivals internatio- rences, sous-tend à la fois la grande musique naux, reste-t-il méconnu ? javanaise (gendhing), les représentations de Wayang Kulit, certains poèmes indo-javanais et Sans doute parce qu’il est si chargé de sens qu’il l’architecture hindou-bouddhique des candi. faut le voir et revoir pour en décrypter les mille détails et que cela implique de bien connaître Plusieurs strates d’évènements se déroulent la culture javanaise dite kejawèn, cosmique, simultanément, avec les retours cycliques de métaphysique et mystique (principalement leitmotiv sonores et visuels, comme dans la tantrique). Sans cela, à première vue, le spec- mystérieuse polyphonie, pour ne pas dire hété- tateur – même javanais, d’après le réalisateur – rophonie, de la musique javanaise savante. en reste à la superficie, à l’apparence d’un film Beaucoup de scènes sont muettes – il faut alors d’atmosphère d’une beauté lente, épurée et énig- tendre l’oreille à d’autres sons. Les paroles sont matique, sans pénétrer les multiples strates de rares, presque toutes en javanais, et presque signification ou niveaux de lecture que le film toutes chantées : les messages passent par les superpose, à l’instar de l’univers de représen- discours du dalang (mage-marionnettiste du tation du Wayang qui y tient une place impor- Wayang Kulit) et les chants classiques tembang tante. Certains verront le drame sentimental et de la culture kejawèn. Le soleil aveuglant, la social ainsi que la critique politique, les seuls chaleur écrasante, la sécheresse implacable niveaux restitués par le sous-titrage anglais. Or sont amplifiés en une stridence de sons métal- cela va bien au-delà et le javanais doit être retra- liques. Par contraste, la tiédeur de l’ombre dans duit sans les distorsions et simplifications cau- la grande maison de la chanteuse est toute en sées par le mode de pensée occidental. Et je n’ai courbes mélodiques de chant. L’intimité des trouvé personne qui ait remarqué le double jeu personnes – les rites étranges de la servante et de la servante, pourtant crucial à mon avis. la sensualité, torride, sans pour autant afficher J’ai regardé ce film des dizaines de fois, comme l’union des amants maudits – surgit dans une aucun autre. Il est si exemplaire pour l’anthro- sorte d’inversion de la captation du son : les

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bruits les plus imperceptibles du quotidien sur- village, sa chanteuse sindhèn (nommée Asih, gissent au premier plan sonore (froissements de « Amour » et « don »), en fait son pusaka sakti tissus, ouvertures de boutons-pressions, respi- (trésor d’énergie cosmique sakti) dont on verra rations, mouvements d’insectes, etc.) en même que dépendent équilibre et prospérité. Mais, temps qu’à l’image, on entend ou croit entendre le dalang le prédit dans la représentation de le cœur et la peau. Wayang Kulit qui suit : le météorologue envoyé La qualité des images et de la lumière est telle par Jakarta – la marionnette de Pétruk affublée que chaque plan paraît être travaillé comme de sa caméra et son ballon – ne fera que leur un tableau de maître flamand… sauf les plans prendre leur chanteuse et l’avion ne répandra sur la transpiration et la modernité de l’outil- que des prospectus de propagande pour les élec- lage du météorologue, qui font volontairement tions. Il ne faut rien attendre d’autre chose que contraste. des traditions, qu’il faut préserver, à commencer par les chanteuses. En fait, tout résonne avec tout dans ce film, au plan « des » sens et « du » sens, comme dans Chaque fois que la chanteuse Asih reçoit un l’harmonie kejawèn ou plus largement hin- homme la nuit, sa jeune servante en apparence dou-bouddhique tantrique, nourrie de la cen- dévouée coût sur elle ses vêtements ajustés, tout tralité de l’énergie (sakti) et de sa vibration. en la respirant, le nez collé à sa peau.

Le synopsis, en partie décrypté La région de Gunung Kidul est frappée d’une sécheresse telle qu’on ne recueille l’eau que louche par louche à des dizaines de mètres de profondeur dans un puit ou goutte à goutte tom- bant d’une stalactite dans une vaste grotte et que les fillettes baignent leurs poupées avec du sable.

Puis elle sort piler le riz. Ensuite, dans la cabane de la vache, elle se livre à d’étranges jeux avec des insectes nuisibles destructeurs de cultures (leitmotiv de sons de pilage, de clochette, de bol tibétain, de stridences de grillon et de métaux). Or, Johan le météorologue vient lui-aussi se faire laver les pieds – partie la plus infâme du corps – par Asih, tandis qu’elle le rassérène avec Johan, un jeune météorologue de Jakarta, son chant. s’épuise sous un soleil de plomb à faire des rele- Une nuit suivante, dans un échange de chants vés qu’il transmet quotidiennement au gouver- et de pipe à eau, tandis qu’elle lave ses pieds, l’an- nement central tout en suppliant par radio qu’on cien chef de village rappelle à la chanteuse les envoie un avion pour provoquer la pluie. beaux jours où il était son amant privilégié et où Lors de la fête du village, on fait la queue pour leur union garantissait le bien-être de tout le vil- se faire photographier aux côtés de la belle du lage (tradition des filles publiques comme sakti

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municipales, qui fonde aussi le livre Ronggeng amoureux qui s’est emparé d’elle. Le dalang est Dukuh Paruk de Ahmad Tohari). son mentor (encore comme dans Ronggeng Dukuh Paruk). Il mâche le bétel, plante sacrée, Mais sans un mot, l’attirance va encore grandir comme le font tous les dalang en représentation entre les deux beaux jeunes gens. théâtrale, tout en la sermonnant : elle ne doit rien La servante semble y être pour quelque chose désirer pour elle, elle ne s’appartient pas. Elle avec ses rituels secrets dans la cabane de la vache est une fille publique, implicitement une « sakti (symbole shivaïte important, notamment de la municipale », vouée à l’équilibre cosmique par parole – et le réalisateur a des origines en Inde). le don à la communauté de son chant et de son Muette au quotidien, la servante émet quelques corps (comme les chanteuses-danseuses rong- sons enroués tentant d’imiter la chanteuse gèng, qui sont parmi les éclats manifestés de la Asih. La voix de la servante va émerger près sakti de Shiva/Siwa). de la vache, au fur et à mesure qu’Asih perdra Une autre scène récurrente vient encore ren- la sienne ainsi que ses cheveux, que la servante forcer – au moins à mes yeux – l’évocation (pour récolte avec la bouche, un à un, sur sa couche, ne pas dire l’invocation) de la sakti, en l’occur- pour se fabriquer, toujours en secret, un gros rence de Ratu Kidul, la « Reine du Sud », la chignon de chanteuse. déesse régnant dans l’Océan Indien. Ratu Kidul Une autre nuit près de la vache, la servante est un aspect local de Durga, l’énergie sakti de termine à la craie de couleur et brûle trois effi- Shiva/Siwa diffusée dans l’impureté de l’aval, gies en bois qu’elle a réalisées dans le style du dont l’union mystique aux souverains et chefs Wayang, de trois personnages du Ramayana : javanais perdure jusqu’à nos jours pour la pro- Rama, Sita et Anoman, probablement les substi- tection de l’île : chaque soir, sur une plage de tuts de Johan, Asih et du dalang. Gunung Kidul où tout Javanais sait que règne Ratu Kidul, la chanteuse Asih accueille d’une La sorcellerie s’ajoutant à la nature, dans la phrase chantée le crépuscule. C’est un moment maison, Asih finit par se laisser embrasser le de transition du temps crucial où Batara Kala bras par Johan, tandis qu’elle se punit en faisant « l’ogre du Temps qui passe » (qui apparaîtra volontairement brûler son pouce droit sur l’en- plus tard dans le scénario) chasse ses proies. Et censoir. Mystérieusement avertie, la servante elle le fait en revêtant un chemisier bleu – cou- surgit tout à coup et s’empare aussitôt du pouce leur, avec le vert, de Ratu Kidul, maudite pour pour le bander, devant Johan atterré. Le lende- qui n’est pas elle – et ses immenses cheveux main, Asih mange comme un bébé, à cause de lâchés comme ceux de la déesse. son pouce brûlé. Mais l’inéluctable arrive, dans la scène à la fois L’énergie sakti est en train de se déplacer, la plus pudique et la plus torride que j’aie vue comme on sait qu’elle le fait quand un contenant n’est plus assez pur pour la concentrer – cela, qui figure notamment dans la « prophétie de Jayabaya », a été évoqué à propos des troubles naturels et sociaux annonciateurs de la chute du président Soeharto. Après un autre jour grillé de soleil, la nuit revient. Dans une scène où l’on ne voit que leurs ombres et celle d’un grand crachoir, Asih confie au dalang, par un chant, la brûlure du trouble

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au cinéma. Les godillots crottés de Johan restent toute l’énergie sakti bien que ceux qui n’ont pas chez Asih toute cette nuit fatale. remarqué ses rituels secrets antérieurs n’y voient Alors la malédiction s’abat : une météorite sur que tendresse et dévouement. une cabane, où un pendu est découvert à l’aube. Puis, avec la vache, la servante et Asih entre- Il faut purifier le village, avec un rituel prennent un trajet qui semble remonter le temps (tantrique) ruwatan mené par le mage-dalang. et l’espace – paysages étranges où jour et nuit, De la nuit jusqu’au matin, une marche aux flam- saisons, climats, amont et aval paraissent inver- beaux puis ascensionnelle conduit les villageois sés —, sur un chant qui évoque ce voyage initia- et de grands plateaux d’offrandes au site sacré tique de retour en fusion dans l’Un. Cela jusqu’à (pundhen) du village. Les chants invoquent une large rivière — enfin de l’eau ! On voit alors les bhuta et kala, les micro-composants de la Asih en posture de méditation tout au fond de matière et du temps, symbolisés en paroles par l’eau verte, ses longs cheveux flottants, et l’allu- les membres (cités, buta ceci, buta cela…) d’un sion à Ratu Kidul est encore plus frappante ; c’est corps démantelé devenant autonomes… et qu’il bien la sakti principielle qui est l’origine où elle s’agit de réarticuler, en un « endorcisme » (mon va se fondre. néologisme pour signifier le procédé intégra- teur inverse de l’exorcisme occidental). Ensuite, en plein jour malgré l’écran de théâtre d’ombres, se déroule, au moyen du Wayang Kulit, le ruwa- tan Murwa Kala (purwa = origine, levant, est) : le mage-dalang, agissant en tant que Vishnou (Wisnu), le Dalang Sejati (primordial, principiel, alias divin) combat Batara Kala l’ogre divin (hin- dou-bouddhique) du Temps avec la roue cakra (arme de Vishnou), puis il le renvoie à l’origine, au moyeu atemporel de la roue du temps. Mais quand le dalang lui demande de chan- ter, Asih, qui s’est sans doute reconnue dans la Johan, qui voit mourir la luciole qu’il avait femme enlevée par Batara Kala, ne parvient plus capturée dans un bocal une nuit où la présence à émettre un son. du dalang l’empêchait d’entrer chez Asih, n’a même plus la force de se lever quand on entend Ensuite, chez la chanteuse, le dalang signi- enfin un avion et que se répand une pluie… de fie à Asih qu’elle doit renoncer à son amour et prospectus électoraux. La sombre prophétie du à sa vie, retourner elle aussi à l’origine, en se dalang est accomplie. plongeant dans une rivière à l’ouest du village (voyage en sens inverse du temps, svastika tour- Mais le village a, je crois, une nouvelle sind- nant sur la gauche, de l’est au nord, salvatrice et hen pour assurer son avenir : la servante, même non nazie). Asih pousse vers Johan sa panière si son ambition a concouru à la catastrophe au de matériel de chanteuse-masseuse – leurs pos- moins autant que l’appel des sens chez Johan et tures ressemblent alors à celles des statuettes de Asih. mariés javanais. La servante enlace une Asih Catherine/Kati Basset vidée de ses forces ; elle semble finir d’en aspirer CASE (CNRS, EHESS)

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Beautiful boxer

Le film Beautiful boxer (บิวตี้ฟูล บ๊อกเซอร์ ; le titre tidienne des Thaïs, notamment en milieu rural : thaï est en anglais) est un biopic de la vie de la vie rude des ouvriers agricoles, l’éducation Parinya Charoenphol (ปริญญา เจริญผล) surnom- monastique, les fêtes de temple et bien sûr le mée Nong Toom (น้องตุ้ม), boxeuse transgenre fonctionnement d’un camp d’entraînement de thaïe née en 1981 qui, en alliant la force de la muay thai. boxe et la sensibilité de sa personnalité, a per- Réalisé par Ekachai Uekrongtham (เอกชัย เอื้อ mis un nouveau regard sur la transexualité dans ครองธรรม) en 2003, le film a connu un succès le monde de la muay thai. Le relatif en Thaïlande mais a été primé réalisateur utilise le prétexte dans de nombreux festivals euro- d’une interview entre un jour- péens et a notamment reçu le prix naliste étranger et Nong Toom du meilleur film au Festival inter- pour raconter la vie de celle-ci, national du film gay et lesbien de ce qui permet l’imbrication de Milan en 2004. Né en 1963, Ekachai plusieurs temporalités. Asanee Uekrongtham vit à Singapour et est Suwan (อัสนี สุวรรณ) incarne de surtout connu ces dernières années façon très réaliste Nong Toom à pour la réalisation d’épisodes de la l’âge adulte. série fantastique Halfworlds tournée Petit garçon, Nong Toom naît à Jakarta en Indonésie. Comme la dans une famille pauvre d’ou- plupart des réalisateurs thaïs primés vriers agricoles en 1981. Trim- à l’étranger, il n’est que peu apprécié ballé de régions en régions, il dans son pays. En réalité, le « cinéma est confié à un monastère pour d’auteur » n’a que très peu d’audience parfaire son éducation mais il en Thaïlande et n’est prisé que par n’est pas très assidu, plus captivé par l’extérieur une élite intellectuelle bangkokienne. La majo- et la découverte du monde que par les ensei- rité des spectateurs thaïs préfèrent les films d’ac- gnements bouddhiques. Il est déjà convaincu tion, d’épouvante ou les mélos sirupeux, qu’ils d’être une fille enfermée dans un corps de gar- soient thaïs, asiatiques ou occidentaux. çon. Comme il fait souvent le mur du monastère Lors de mes enseignements de thaï à Aix-Mar- pour aller gagner un peu d’argent afin d’aider ses seille Université, j’ai projeté plusieurs fois ce parents, il est finalement renvoyé. Il part alors à film aux étudiants. Pour documenter la récep- pied sur les routes avec un moine errant pendant tion de ce film auprès des Européens, je leur quelques mois. Rentré auprès de ses parents, il ai demandé de me livrer leurs impressions, intègre un camp d’entraînement de boxe un peu remarques et réactions. Neuf étudiantes m’ont par hasard et gagne très vite des matches. À par- donné leurs sentiments. Toutes l’ont apprécié et tir de ce moment-là, il va utiliser son corps et sa leurs différentes réflexions convergeaient vers force de garçon pour gagner des compétitions et quatre thèmes principaux : l’intrigue autour de de l’argent afin de pouvoir payer l’opération qui la transexualité ; l’esthétique notamment pour lui permettra de vivre femme. les combats de boxe ; les choix de réalisation qui Au-delà de l’histoire de Nong Toom, le film autorisent différentes lectures ; les personnages donne à voir de nombreuses scènes de vie quo- principaux et secondaires.

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L’intrigue et l’approche choisies par le réalisa- Ce sont aussi les aspects culturels (boxe, cou- teur pour raconter la vie de Nong Toom ont par- tumes, vêtements…) du film qui ont beaucoup ticulièrement plu à toutes les spectatrices. Pour intéressé certaines spectatrices : « Je trouve aussi Mona, « Beautiful Boxer est un film très tou- le côté boxe très intéressant dans le sens où on chant, très entraînant qui – je dois l’avouer – m’a réalise bien la dureté de l’entraînement en plus beaucoup fait pleurer. Son histoire est d’actualité de la pauvreté du club qui se trouve être en cam- et nous donne envie de nous battre avec Nong pagne. » (Marie) « J’ai surtout aimé les scènes Toom dans son combat pour son identité ». La de combats et d’entraînements » ajoute Laurie question de l’identité sexuelle et son traitement S. Pour Mathilde « Tout l’environnement cultu- dans ce film ont bien sûr interpellé en premier rel est aussi très important, quand iel (il/elle ; lieu. « Ce qui était intéressant aussi c’est de voir Mathilde est la seule à utiliser le pronom « iel » comment la société thaïlandaise accepte (ou pas parfois utilisé pour désigner une personne sans d’ailleurs) les personnes dont le sexe ne définit la genrer) est en camp d’entraînement de boxe, pas le genre. C’est quand même l’élément princi- jusqu’aux combats eux-mêmes. Cela nous fait pal de l’intrigue ! » (Anna) « Dès le début, quand découvrir d’autres coutumes et je trouve ça on voit l’enfance de Nong Toom, j’étais à la fois magnifique. » Et Laurie G. de conclure « Le film attendrie de le voir se maquiller et danser, et est aussi une manière de découvrir une partie triste de le voir maltraité par les autres enfants de la Thaïlande, les danses, les costumes, la vie pour cela. Sa sensibilité est très touchante quand quotidienne… » il grandit, et malgré cela il devient quand même l’un des meilleurs boxers. Le fait qu’il ait pu com- Célia a été particulièrement frappée par l’esthé- biner deux côtés de lui qui semblent opposés est tisme des scènes de boxe : « Le réalisateur a réussi une force en soi, je pense que c’est un très beau à mettre en avant la beauté du muay thai sans film sur l’acceptation de soi. » (Laurie G.). Dans cacher sa violence. Les scènes d’entraînements, le même ordre d’idée, Amandine déclare « L’un autant celles dans la forêt que celles en ombres des messages du film est selon moi, d’inciter à chinoises sont vraiment magnifiquement bien se chercher, se connaître, et de s’accepter tel que tournées ! » Pour Amandine, c’est la valorisation l’on est. De ne pas se laisser abattre par des per- des couleurs qui est déterminante : « J’apprécie sonnes qui ne nous acceptent pas, et de ne pas se énormément l’esthétisation de la boxe dans ce flageller face aux moqueries, mais de faire face. » film, il y a un grand travail sur les couleurs. Je me souviens surtout de la scène d’entraînement Pour toutes, il s’agit en tous cas « d’une belle des boxeurs dans la forêt où le vert est domi- leçon de vie » (Diane). Certaines d’entre elles nant, et les nombreuses scènes de combats où le ont déjà une bonne connaissance des séries rouge ressort le plus, surtout avec le maquillage thaïes et font un parallèle avec Beautiful boxer : du personnage principal. » « Je regarde un bon nombre de dramas thaïs, et de par ce que je vois j’ai l’impression que la Troisième point relevé par les étudiantes, les culture transgenre ou du travestissement semble choix de réalisation et de tournage qui donnent bien intégrée dans les esprits, mais il est toujours un intérêt supplémentaire au film et évitent une très puissant et parlant de voir un film, une his- narration trop linéaire. Amandine et Laurie S. toire vraie qui plus est, traiter d’un sujet aussi ont beaucoup apprécié la façon dont le film est controversé qu’émouvant. » (Mathilde). Sur l’ac- introduit par l’entretien entre Nong Toom et un ceptation de la culture transgenre dans la société journaliste étranger et Mathilde a commenté thaïe, Marie est plus circonspecte « Ce film ainsi la construction du film « J’ai beaucoup démontre bien la place difficile des transgenres aimé le fait que le film commençait par la fin, dans la société. » pour nous donner envie de savoir, de connaître

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le développement du personnage et de son his- qu’il valait. Peu importe qu’il porte du maquil- toire. Découvrir toute la vie du héros, à travers lage, un grand boxeur est un grand boxeur. La son enfance et ses difficultés à totalement s’iden- confiance, l’assurance qu’iel a gagné au fil du tifier en tant que garçon nous amène à apprécier film était extraordinaire, allant de l’appréhension ce personnage et à le voir réussir. » Célia quant d’être vu porter du rouge à lèvres au courage de à elle a une interprétation très intéressante « Le se faire opérer pour devenir ce qu’iel était à l’in- choix de ne pas montrer son visage de femme térieur mais pas à l’extérieur, comme un papillon avant la toute fin (on ne voit jamais plus haut qui sort de sa chrysalide. » Diane insiste sur une que ses épaules dans l’interview), c’est aussi scène à la fin du film quand « Nong Toom (après un bon choix pour montrer que ça a été long son opération) retire le maquillage du visage du avant qu’elle ne soit pleinement femme. » Diane petit boxeur et lui dit que si cela ne venait pas de apprécie beaucoup « la scène où le journaliste se lui-même, il ne devrait pas le faire ». C’est une rend compte qu’il a oublié d’enregistrer le récit allusion à la récupération de l’histoire de Nong de Nong Toom. Je trouve que c’est mieux qu’il Toom pour faire gagner de jeunes boxeurs qui n’ait pas pu le publier car ça nous donne l’im- ont voulu se maquiller alors qu’ils n’étaient pas pression que son passé est un secret, que Non transgenres. Les personnages secondaires sont Toom partage son récit seulement avec le spec- aussi remarquables et pour Marie « mon préféré tateur et le journaliste. » est l’entraîneur, il est assez surprenant dans sa À propos des personnages du film et des scènes réaction lorsqu’il découvre le secret du person- les plus marquantes, Anna déclare « Le person- nage principal ». nage principal est vraiment très intéressant, de Ce film a donc beaucoup marqué les étudiants par son caractère et son histoire, mais je trouve et étudiantes qui ont pu le voir ces dernières que sans les personnages secondaires le film années et a toujours été bien accueilli dans les n’aurait pas été aussi bien. C’est différentes classes. Je laisse la comme si le développement du parole à Mathilde pour conclure : personnage principal dépen- dait presque uniquement de « Beautiful Boxer est un voyage la façon dont les personnages personnel intérieur, au cœur secondaires le traitent/uti- d’une culture différente de la lisent. » Pour Amandine « Le nôtre, qui nous emporte avec personnage principal est com- douceur sur les traces d’une per- plexe et sait se distancier de sonne qui a donné le meilleur la norme sociale en utilisant d’elle-même pour réussir, mal- l’humour pour répondre aux gré les obstacles et le regard des moqueries. » Mathilde décrit autres. » ainsi Nong Toom « Je me Louise Pichard-Bertaux souviens de cet engouement avec la collaboration d’Anna que nous avions dans la salle Castellini, Marie Denivet, quand iel se battait contre un Mathilde Estevan, Laurie ancien ami, après que celui-ci Galli, Amandine Janas, Célia lui a demandé de perdre pour lui (à cause de sa Pinguet, Diane Ramahefatiana, Laurie San- mère soi-disant mourante). Nous aimions ce chez et Mona Tavernier, étudiantes en Thaï côté naïf et pur du personnage principal mais à Aix-Marseille-Université (2017-2018). voulions à tout prix qu’il prouve aux autres ce

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Un grand cinéaste méconnu Georges Bourdelon, l’aventure de l’objectif

Georges Bourdelon (1924-2000) fut un authen- 1956 le vit partir pour l’In- tique libre esprit. Né à Brignoles (Var), tout près donésie et la Malaisie, où il de chez moi, il découvrit sa vocation à la suite demeura plusieurs années, d’une rencontre avec Marcel Pagnol et d’un stage filmant à , Flores et dans ses studios de cinéma de Marseille. Sa colla- Komodo, et prenant part boration en tant que cameraman à de nombreux à l’expédition à Bornéo du longs-métrages à Paris, en particulier avec l’au- zoologiste Pierre Pfeffer teur dramatique et réalisateur de cinéma Sacha (1927- 2016), du Muséum Guitry, le conforta dans cette vocation, mais il national d’histoire natu- aspirait ardemment à des espaces plus vastes relle. que les scènes de théâtre. Il travailla alors avec Cette fameuse expédition Léon Poirier (1884-1968) dans le Sud marocain, donna lieu à un ouvrage de avec Henri Lhote (1903-1991) dans le Hoggar Pfeffer, Bivouacs à Bornéo et l’Ennedi, avec François Balsan (1902-1972) (1963 ; réédité en 1990), au Kalahari. C’est chez les Touaregs Haddad du un autre de Guy Piazzini, Hoggar et du Tibesti qu’il tourna son premier Départ de l’expédition Bornéo, membre de l’expédition et 1956 ; G. Bourdelon au centre ; film personnel, Les Forgerons du désert (1952). navigateur, Chez les Res- photo : P. Pfeffer 1963 En 1950, Bourdelon rencontra Louise Weiss capés du Déluge (1959 ; (1893-1983), grande femme de lettres, politi- édition anglaise, The Children of Lilith, 1960), cienne féministe et européenne, qui le considéra un disque 33 tours de musique traditionnelle, comme son fils spirituel et lui demeura toujours Musique de Bornéo-Kalimantan (1957), et un très proche. Au fil des ans, jusqu’en 1962, elle remarquable long-métrage, Les Dayaks, chas- comme réalisatrice, lui comme directeur de la seurs de têtes (1957), qui fut montré dans l’Eu- photographie et preneur de son, ils partirent à rope entière. Jalon majeur dans la carrière de la rencontre d’autres peuples à travers leurs reli- Bourdelon, ce film lui apporta la notoriété (une gions, leurs éthiques, leurs politiques de dévelop- version sonorisée en anglais, The Dayak, People pement – en Syrie, au Liban, en Inde, au Cache- of Borneo, fut distribuée un peu plus tard aux mire, dans l’Himalaya, en Éthiopie, à Zanzibar, États-Unis). aux Comores, au Kenya, à Madagascar et à l’Île En 1963, c’est la rencontre de Caroline Gazaï, Maurice ; ils tournèrent ainsi vingt-quatre docu- qui avait travaillé, sous le nom de Caroline Nor- mentaires de court-métrage (qu’il serait intéres- mandin, auprès du général de Gaulle en 1945, sant de localiser) et publièrent deux ouvrages, La puis comme journaliste avec Pierre Lazareff, le Syrie (1951) et Le Cachemire (1955). pionnier de la télévision française. Également Entre ses films avec Louise Weiss, Bourdelon photographe et exploratrice, elle avait déjà voyagea en Iran, en 1955, avec Noël Ballif (1922 publié un ouvrage sur l’Iran (1961). Elle devint -1993), un ami ethnologue avec lequel il tourna bientôt son épouse et sa partenaire profession- deux films, Persépolis et Isfahan, et publia un nelle. Ils fondèrent ensemble leur société, les ouvrage, La Perse millénaire (1957). Et l’année Productions du Dragon.

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Au cours des trente années qui suivirent, sait ses jours à Bora-Bora, et il en rapporta un devenu réalisateur et producteur, Bourdelon poignant document pour la télévision. Puis il poursuivit ses voyages et tourna une quantité se retira en Arles, où il devait bientôt se trouver de films documentaires, couvrant toutes sortes « réuni avec ses ancêtres provençaux ». de sujets, de la vie privée de l’impératrice Farah En 2005, Caroline Normandin créa l’associa- Pahlavi en Iran ou du Négus en Éthiopie aux tion, « Les Amis de Georges Bourdelon », sous derniers jours de Patrice Lumumba au Congo, le parrainage du réalisateur de cinéma Jean- des problèmes de la jeunesse au Moyen-Orient à Jacques Annaud, pour qui Georges avait été à la ceux de l’industrie pétrolière offshore au Gabon, fois un maître et un grand ami. Caroline se sou- de la vie quotidienne de la Garde républicaine vint qu’Annaud avait tourné son tout premier à la mise en place d’un pipeline de gaz sous le film avec Georges : c’était une publicité de trois détroit de Magellan, entre la Patagonie et la Terre minutes pour les cigarettes Bastos. de Feu. Cette nouvelle passion, la recherche pétrolière sous-marine, l’amena à tourner, aux quatre coins du monde et particulièrement au Moyen-Orient, des films de commande, dont le fameux Magellan, le défi (1978), qui lui valut de nombreux prix. Retour à Kalimantan. En 1994, bien qu’âgé et affaibli, Bourdelon se laissa convaincre par le documentariste Gérald Duduyer de repartir en compagnie d’une équipe de tournage pour le haut cours de la rivière Bahau, dans l’est du Bornéo indonésien, qu’il avait exploré presque Georges Bourdelon, Paris, c. 1995 ; quatre décennies plus tôt avec l’expédition Pfef- source : Gaumont Pathé Archives fer. Après m’avoir rendu visite à Jakarta (nous L’association organisa en Arles en 2007 une nous étions rencontrés dans les années 1970 belle exposition, intitulée « Georges Bourde- au siège des Productions du Dragon à Leval- lon. L’Aventure de l’objectif », d’une centaine lois-Perret), Bourdelon et l’équipe du film se de ses photos et de trois de ses documentaires rendirent dans ces villages des Dayak Kenyah de exotiques de long-métrage, dont Les Dayaks, l’amont où j’avais longtemps travaillé, y retrou- accompagnée d’un catalogue du même titre, vèrent des anciens que Bourdelon avait connus publié par le service culturel de la ville. En 2013, en 1956-1957 et y montrèrent aux vieux et aux quelques années après le décès de Caroline, la jeunes son film et ses photographies. Ces retrou- famille Gazaï fit don au Musée d’ethnographie vailles furent empreintes d’une grande émotion, de Genève des archives photographiques de surtout, comme me l’ont rapporté les villageois, Georges Bourdelon, soit plus de 40 000 clichés lorsque ces anciens l’interpellèrent, comme illustrant toute sa carrière de documentariste. avant, par le nom de Shoshi, le rendu de Georges J’ignore ce qu’il est advenu de ses archives fil- en kenyah. Le film, Retour à Kalimantan, distri- miques, qui sont peut-être encore conservées au bué en 1999, est encore souvent programmé sur siège de l’association. les chaînes de télévision. *Texte basé sur une recension en anglais parue dans L’année suivante, en une sorte de « baroud Moussons 11, 2007 (p. 246-247) et sur la documentation d’honneur », ainsi que l’écrivit Caroline, Georges rassemblée à cet effet. rendit visite à l’explorateur polaire Paul-Émile Bernard Sellato CASE (CNRS, EHESS) Victor (1907 – 1995), son ami et pair, qui finis-

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Distinction

Pierre Brocheux et Daniel Hémery du grand lettré réformiste-moderniste (1872- La Fondation Phan Chau Trinh pour la culture 1926). Elle dirigea la délégation du FLN sud vietnamienne a décerné son prix annuel 2018 vietnamien à la conférence de Paris (1973) et fut aux historiens français Pierre Brocheux et vice-présidente de la République socialiste du Daniel Hémery pour leurs contributions à la Vietnam. Cependant la Fondation est une insti- connaissance du Vietnam. La Fondation est pré- tution non officielle et qui prend des initiatives sidée par Madame Nguyen Thi Binh, petite fille indépendantes de la doctrine officielle.

Photomontage extrait du blog "Mémoire d'Indochine" Hypothèses.org, F. Guillemot

Deux rendez-vous importants en 2019

7e Congrès Asie (GIS Asie) 10e conférence EUROSEAS Cette année associé à l’ICAS, il aura lieu à Elle se tiendra du 10 au 13 septembre 2019 à Ber- Leiden du 16 au 19 juillet 2019. L’appel à com- lin. L’appel à contribution, sous forme de panel munication s’est fermé le 10 octobre 2018 mais de 4/5 personnes organisé, de table ronde ou de il sera toujours possible de s’inscrire en auditeur. « laboratoire », est ouvert jusqu’au 1er décembre Toutes les informations sont à lire ici : http:// 2018. Les détails sont là : http://euroseas.org/ www.gis-reseau-asie.org/ et là : https ://icas. asia/en/icas11-cfp.

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LANGAU ou l’archéométallurgie à Angkor Thom

À Angkor, au Cambodge, un site de fonde- repérée sur une surface de près de 2000 m2. rie royale fait actuellement l’objet d’une étude Parallèlement, une caractérisation préliminaire archéométallurgique dans le cadre du pro- du riche assemblage mobilier associé (creu- jet de recherche LANGAU, ou « cuivre » en sets, parois de fours, tuyères, moules, fragments vieux khmer, résultat d’une collaboration nou- d’objets cuivreux, chutes de fonderie, scories, velle entre l’Autorité nationale APSARA et outillage en fer et en pierre) avait aidé à recon- l’École française d’Extrême-Orient (co-dir. naître une production de haute qualité, à la fois Brice Vincent [EFEO] et S. E. Tan Boun Suy de grande et de petite fonderies (pour plus de [APSARA]). Le site s’inscrit au sein de l’espace détails, voir la chronique publiée en 2014 dans urbain dit d’Angkor Thom, ancienne ville-capi- le numéro 100 du Bulletin de l’École française tale du royaume khmer fondée dès le ixe siècle d’Extrême-Orient : Martin Polkinghorne, Brice sous le nom de Yaśodharapura et occupée de Vincent, Nicolas Thomas et David Bourgarit, manière continue jusqu’au moins le xve siècle. « Casting for the King : The Royal Palace bronze Plus précisément, il est localisé aux abords workshop of Angkor Thom », p. 327-358). immédiats du palais royal, à une cinquantaine Cette découverte par l’archéologie d’une fonde- de mètres au nord de son mur d’enceinte. rie royale à Angkor Thom a ouvert une nouvelle page du passé artisanal angkorien, aux contours certes encore relativement flous. Toujours est-il que les fondeurs au service du souverain d’Ang- kor, lui-même à l’origine de leur installation, semblent avoir eu pour charge spécifique de fournir de nouveaux instruments de légitima- tion du pouvoir royal (images et accessoires de culte notamment), d’abord pour le palais, mais sans doute également pour les sanctuaires de la capitale. Ce site de production métallurgique est ainsi d’un intérêt exceptionnel pour l’étude de Localisation de la fonderie royale dans le quadrant l’artisanat du métal pré-moderne, d’autant plus nord-ouest d’Angkor Thom (rouge : palais royal ; qu’il ne connaît jusqu’ici aucun autre équivalent, jaune : aire prospectée depuis 2012). Carte : Cam- bodian Archaeological Lidar Initiative (CALI) que ce soit au Cambodge ou en Asie du Sud-Est. Inscrit dans la continuité de ces travaux pion- Des premières fouilles conduites en 2012 et en niers, le projet de recherche LANGAU s’est fixé 2013, dans le cadre du Sculpture Workshops of deux objectifs complémentaires. En suivant une Angkor Project (APSARA et University of Syd- approche d’abord technologique, il cherchera à ney, dir. Martin Polkinghorne), avaient permis inventorier l’ensemble des savoir-faire métallur- d’identifier le site comme un atelier métallur- giques maîtrisés par ces artisans spécialisés que gique lié au travail du cuivre et de ses alliages. sont les fondeurs royaux, tout en restituant les Attestée entre au moins le milieu du xie et le chaînes opératoires correspondantes. Un intérêt début du xiie siècle, son activité avait alors été spécifique sera en particulier porté à un procédé

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de fonte très largement privilégié sur le site, à crire l’extension spatiale de la fonderie royale, savoir la fonte à la cire perdue, même si d’autres en mettant éventuellement en évidence l’exis- techniques de mise en œuvre sont aussi attes- tence d’autres ateliers métallurgiques dans ses tées. Parallèlement, dans une perspective davan- environs immédiats. Une étude de la pollution tage historique, le projet de recherche LANGAU des sols en métaux lourds (cuivre, plomb, étain, s’emploiera à définir en termes socio-écono- fer, ou encore mercure), outil méthodologique miques les modalités d’organisation propres à particulièrement adapté à l’identification de une production artisanale pré-moderne carac- traces d’activités métallurgiques, a ainsi été ini- térisée par une forte interdépendance vis-à-vis tiée sur une zone test de près de 7 500 m2. Une du pouvoir royal. Cela impliquera de traiter du étude complémentaire de la pollution de l’air et problème des termes et des mécanismes de la de l’eau, là aussi en métaux lourds, a été menée commande, mais aussi des questions de réseaux en parallèle, en sélectionnant cette fois une série d’approvisionnement en matières premières d’aménagements hydrauliques plus ou moins (cuivre et autres métaux, argile, cire, produits proches de la fonderie. végétaux), d’échelle de production, ou encore de réseaux de distribution des produits finis. Deux campagnes de fouilles ont déjà été menées en 2016 et en 2017 dans le cadre du projet de recherche LANGAU et de la mission archéologique qui lui est associée. Si cette der- nière a d’abord bénéficié d’un soutien de l’EFEO, elle est désormais majoritairement financée par la Commission consultative des fouilles archéo- logiques à l’étranger du Ministère de l’Europe et Étude de la pollution de l’air et de l’eau : carottage des Affaires étrangères. Elle se compose d’une en cours dans le bassin du Srah Ta Set (Angkor équipe de chercheurs issus de plusieurs insti- Thom), juillet 2016. Photo : Martin Polkinghorne tutions, cambodgiennes et non cambodgiennes La seconde priorité était de mieux documenter, (outre l’APSARA et l’EFEO, le Musée national voire de compléter, le phasage chronologique du Cambodge, l’Institut national de recherches du site, se résumant jusqu’alors à cinq grandes archéologiques préventives [INRAP], le Centre phases d’occupation depuis le ixe jusqu’au début de recherche et de restauration des musées de du xxe siècle. Pour affiner en particulier la France [C2RMF], le Laboratoire Archéoma- datation de l’activité de la fonderie royale, une tériaux et Prévision de l’Altération [LAPA] du série de charbons de bois, utiles à l’obtention CEA Saclay, le Metropolitan Museum of Art, la de dates absolues par datation radiocarbone, Smithsonian Institution, la University of Sydney ont été prélevés. Pour les occupations succes- et la Flinders University), ainsi que de diverses sives postérieures, l’étude du mobilier céra- disciplines (archéologie, archéométallurgie, mique, largement plus abondant (céramiques géoarchéologie, céramologie, géologie, physique khmères et importées), a été privilégiée, tout en et restauration des métaux). tenant compte de l’histoire architecturale com- À travers une série d’opérations tant sur le plexe, et encore en grande partie mal comprise, terrain qu’en laboratoire, les campagnes 2016 des grands monuments environnants (palais et 2017 visaient à répondre à trois priorités de royal, terrasses des Éléphants et du Roi lépreux, recherche. La première était de mieux circons- monastère bouddhique de Tep Pranam).

33 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — VIE DE LA RECHERCHE

Enfin, la troisième priorité était de poursuivre La plupart des études spécialisées initiées dans l’étude technologique des quelques structures le cadre du projet de recherche LANGAU sont métallurgiques déjà identifiées, mais aussi du toutefois encore en cours et leurs résultats en très riche assemblage mobilier associé à la fon- attente, en particulier l’étude de la pollution des derie royale. La fouille a ainsi été reprise sur sols, de l’air et de l’eau en métaux lourds. L’une une zone de fours seulement en partie dégagée des spécificités méthodologiques de ce projet, en 2013, de même que l’inventaire du mobi- bien inséré au sein d’un réseau de laboratoires lier métallurgique, en particulier de celui issu français et étrangers, est en effet de recourir à des campagnes 2016 et 2017. Cela a également une très large gamme de moyens analytiques, impliqué de restaurer une partie de ce mobilier, afin de répondre le mieux possible aux particu- notamment les objets cuivreux, tout en recou- larités offertes par le site étudié. Ainsi, toujours rant à diverses techniques d’analyse pour carac- sur le même modèle, les prochaines campagnes tériser leurs matériaux. qui s’échelonneront sur la période comprise L’un des principaux résultats de la fouille a été entre 2018 et 2020 verront alterner recherches la mise au jour de nouvelles structures métal- de terrain, post-fouille et analyses de laboratoire. lurgiques. Onze au total, dix fours et une forge, Ajoutons enfin que, fort de l’expérience et du sont aujourd’hui identifiées et elles-mêmes asso- savoir-faire de collaborateurs reconnus inter- ciées à quatre sols construits nationalement, le projet de les uns sur les autres, depuis recherche LANGAU aidera l’installation de la fonde- à l’émergence d’une nouvelle rie jusqu’au scellement de génération d’archéologues son activité (Fig. 3). Deux et d’étudiants cambodgiens types de fours sont en outre acquis aux méthodes et aux désormais attestés, à savoir techniques de l’archéométal- des fours à creuset-bassin et lurgie, encore peu dévelop- des fours à creusets de cou- pée au Cambodge. Dans ce lée, chacun occupant une but, un programme de for- position distincte dans la mation couvrant la plupart chaîne opératoire associée à des aspects de la discipline, la fonte à la cire perdue (pré- depuis les recherches de ter- paration des alliages pour rain jusqu’aux analyses de l’un et fonte proprement laboratoire, avec une spécia- dite pour l’autre). Cette série lisation dans la métallurgie de découvertes, qui s’ajoute du cuivre et de ses alliages, à un corpus de données ana- sera mis en place tout au lytiques documentant divers long du projet en partenariat savoir-faire métallurgiques avec, d’un côté, l’APSARA et, (pratiques d’alliage, prépa- Structure de forge présentée à des étu- de l’autre, l’Université royale rations à base d’argile, tech- diants de la Faculté d’Archéologie de l’Uni- des Beaux-Arts et l’INALCO niques de dorure), marque versité royale des Beaux-Arts de Phnom (projet Manusastra – Univer- une avancée considérable Penh, mai 2017. Photo : Sea Sophearun sité des Moussons). dans la connaissance et la Brice Vincent compréhension de l’activité de la fonderie royale Maître de conférences, EFEO, UMR 8170 d’Angkor Thom. CASE, [email protected]

34 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — REGARD DE CHERCHEUR

Camp d’ouvriers migrants à Bangkok by night

Univers de contrastes. La tôle ondulée des camps mobilité entrepreneuriale à la recherche de de travailleurs migrants – birmans, cambod- meilleures conditions de travail ; déplacement giens, laos, indonésiens, philippins, mais aussi des camps quand les tours évincent les friches ; thaïs – au pied des condominiums cossus du renouvellement des équipes qui se dispersent et centre-ville de Bangkok. La verticalité vs l’hori- se recomposent d’un chantier à l’autre. zontalité, la sédentarité vs la mobilité. Contrastes encore ces tours et ces camps : le Mobilités plurielles et déstabilisatrices. Mobi- regroupement vs l’éclatement familial ; le confort lité transnationale des sans-papiers ; mobi- vs l’insécurité et la précarité. lité urbaine dans l’errance d’une ville à l’autre ; Au-delà de cet univers de contrastes auquel est censée nous réduire cette image de Bangkok, la nuit, au retour des pick-up, du chantier au camp et du camp au chantier, quelques fondamen- taux plus diffus mais partagés. Tours et camps imbriqués dans un même espace carrefour. Des identités diffuses, effacées, cachées, tues sous le couvert de la ville inclusive. Un même espace cosmopolite multi-culturel, multi-linguistique, multi-religieux. Un espace de dispersion similaire à bien des égards à ceux rencontrés dans les hautes terres… d’où viennent pour la plupart les travailleurs migrants en milieu urbain. En béton, en tôle ondulée, en bois-bambou, en tout cela à la fois, les paysages de l’hybridité fabriquent plus sûrement du social que ne le donnent à voir des marqueurs identitaires trompe-l’œil. Car par-delà les continuités et les contrastes, ce sont des choix, des par- cours croisés et des métamorphoses – le papillon ne redevient pas chenille – que reflètent les lumières de la ville.

©François Robinne, mai 2017 François Robinne IAO ENS-Lyon

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Le festival des fleurs à Chang Mai

Introduction Terrain Le tourisme en Thaïlande, qu’il soit internatio- Je suis venue à Chiang Mai, grâce à l’allocation de nal ou domestique, est un phénomène impor- terrain de l’École Française d’Extrême-Orient, tant qui est bien établi depuis les années 1970. du 25 janvier au 21 mars 2018. En raison d’un Aujourd’hui, le pays se place parmi les dix pre- problème logistique, je suis arrivée une semaine miers pays les plus touristiques dans le monde plus tard que prévu. Je n’ai donc eu qu’une e avec un nombre de 35 millions de visiteurs en semaine de préparation avant la 42 manifesta- tion de la fête des fleurs qui a eu lieu cette année 2017. Les acteurs du tourisme, à travers l’or- du 2 au 4 février. Mon terrain s’est déroulé en ganisme Tourist Autority of Thailand1, font deux parties. La première correspondait à la la promotion de la Thaïlande en se basant sur préparation de la fête (installation des fleurs et différents types de tourisme comme l’éco-tou- des infrastructures dans et autour du parc Suan risme, le tourisme de loisirs ou encore le tou- Buak Hat, préparatifs des chars pour la parade risme culturel. Dans le cadre de mes recherches dans deux districts participants) tandis que la du Master Langues et Cultures Étrangères en deuxième partie était consacrée au déroulement Études Asiatiques spécialité Tourisme, Langue de la fête elle-même. et Patrimoine, j’étudie la partie du tourisme Je suis allée tous les soirs prendre des photos et 2 culturel qui s’intéresse aux événements festifs . assister à l’avancement des préparatifs du parc, En Thaïlande, de nombreuses fêtes sont organi- qui était pour cette occasion fermé au public. sées dans l’année. Cela fait partie de la culture Ensuite, le mercredi 31 janvier avec l’aide de thaïe (Antonio 1997, Gabaude 2013 : 798). Nous Louis Gabaude, je suis allée voir les prépara- pouvons distinguer deux types : les fêtes issues tifs dans le district de San Sai dans lequel nous d’une origine religieuse comme le Songkran ou espérions rencontrer un des représentants du le Loi Krathong ainsi que les fêtes mises en place district afin qu’ils nous en apprennent plus sur dans un but d’attractivité touristique. Je m’inté- le fonctionnement des préparatifs (financement, resse à cette deuxième catégorie, et particulière- choix de l’idée du char, participants et division ment, à la fête des fleurs3 se déroulant à Chiang des tâches…). Lorsque nous sommes arrivés, Mai. le représentant n’était pas là. Nous avons alors décidé d’aller dans le district de Doi Saket et 1 Organisme fondé en 1960 par le gouvernement et de voir comment cela se passait là-bas. Je suis dont l’un des objectifs est de promouvoir le tourisme en retournée le vendredi 2 février à Doi Saket pour encourageant les festivals sur le territoire (Yavaprapas voir leur évolution et récolter plus d’informa- 2004 : 12) tions auprès d’une personne travaillant pour 2 J’emploie le terme « d’événements festifs » pour faire référence à la fois aux fêtes, aux festivals et aux carnavals. l’Office du district en l’interrogant de manière 3 En thaï, elle est appelée งานมหกรรมไม้ดอกไม้ประดับ ŋa:n informelle. Nous avons alors pu voir deux fonc- máhàkam máj dɔ̀k máj pràdàp qui, littéralement, signifie tionnements différents : le premier district fonc- « fête festival fleur plante ornementale ». En thaï, les tionnait avec peu de personnes dans la maison notions de travail et de festivités sont indissociables et sont employées à travers le même mot de ŋa:n (Gabaude d’un particulier tandis que le deuxième regrou- 2013 : 817). pait toutes les générations confondues de la

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communauté à l’intérieur du local du district. j’ai rencontré des personnes thaïes en costume Toutefois, dans les deux cas, chaque participant traditionnel ainsi que des visiteurs venus de a une tâche précise à exécuter. Un troisième Chine, du Québec, d’Australie et de France. fonctionnement nous a été dévoilé par Cathe- Pendant la journée, il était possible de se 4 rine Raymond qui a pu observer le montage rendre au niveau du parc Suan Buak Hat et d’ad- dans la cour du Wat Up Khut (วัดอุปคุต) de deux mirer les chars posés en plein soleil à la vue et chars appartenant à la municipalité de Chiang au toucher des passants, ces derniers les abîmant Mai et à la compagnie Central Pattana Public parfois. Tout autour, des stands de fleurs étaient Company la veille de la parade. J’ai pu observer exposés (orchidées, bonzaï, cactus…) ainsi que le résultat de ce long travail le lendemain lors de des stands d’artisans vendant des produits cer- la parade des chars (voir le parcours en Annexe). tifiés OTOP5. Ce qui m’a le plus étonnée était le nombre de lieux d’exposition permettant de se prendre en photo. Une des questions que l’on peut se poser concerne la notion de l’image dans les festivals : qu’est-ce qu’on veut rapporter/ montrer de son voyage ou du festival, quel rap- port avec les réseaux sociaux

Image du char du district de Doi Saket (11e position dans la parade)

Na Mon, mon informatrice, en troisième position en partant de la gauche

Il était intéressant d’observer le comportement Images de touristes se prenant en photo dans de la foule et des personnes qui voulaient abso- des espaces réservés lument prendre des photos ou des selfies. Les publics étaient de tous âges et d’origines diverses. 5 OTOP : One Tambon One Product est un label crée Il est difficile de savoir de quels pays ou ethnies par le gouvernement thaïlandais pour développer et les gens viennent mais ce qui est certain c’est que promouvoir le travail dans les communautés. L’objectif est de faire connaître les produits OTOP dans toute la Thaïlande et à l’étranger qui sont gages de qualité et qui 4 Professeure d’histoire de l’art en Asie du Sud-Est, possèdent des caractéristiques particulières (Senawong Université de Northern Illinois. 2007 : 110-112).

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L’aménagement du territoire étant un élé- ambassadeur » du développement durable, avec ment clé à prendre en compte lors de toutes une place importante qui lui est réservée dans installations touristiques, je me suis intéressée les politiques économiques et sociales (Tapie aux différents acteurs de la fête qui agissent en et al. 2018 : 21). réseau. Ceux-ci sont nombreux et agissent à Une autre part de mes recherches a porté sur la différents niveaux : les acteurs locaux (munici- communication de l’événement qui me semblait, palité, districts, écoles, fermes horticoles, arti- au départ, inexistante. Il s’est avéré que celle-ci sans, temples), les acteurs nationaux et (fonda- passe par différents moyens : magazines tou- tion royale, organisme touristique, ministères ristiques, vidéo promotionnelle, conférence de et départements), les acteurs commerciaux presse, affiches, voitures publicitaires ou encore (centres commerciaux, opérateur mobile, com- brochures bilingues thaï/anglais. pagnies alimentaire, artistique, aérienne, hôte- lière et médiatique). Les festivités se sont dérou- La majorité de mes données viennent donc de lées à plusieurs endroits, ce qui nécessitent des mes observations et de mes notes prises lors du aménagements particuliers et des réglementa- terrain. Celles-ci ont été complétées par mes lec- tions : arrêt de la circulation, mise en place de tures au Centre EFEO de Chiang Mai qui pos- barrières ou encore espaces réservés (espace sède une bibliothèque fournie. détente ou espace musical dans le parc, espace d’exposition de plantes, espace de vente…). La Une fête traditionnelle fête va donc impacter et transformer le paysage. Une des parties de mon analyse concernant Je me suis également penchée sur la question les aspects traditionnels mis en avant lors de la de l’apport en ressources. En effet, les festivi- fête, j’ai consulté les ouvrages de la bibliothèque, tés ont recours aux fleurs qui sont produites en notamment pour ce qui est de la composition grande quantité et sont utilisées lors des céré- florale et de la musique traditionnelle. Les soi- monies religieuses. Celles-ci ont besoin d’eau rées du festival étaient animées de performances pour vivre et le volume d’eau utilisé pour arroser artistiques : chants, musiques, théâtres, danses. les plantes sur plusieurs jours doit être impor- Elles étaient produites par les élèves du collège tant. Les systèmes d’approvisionnement et de d’art dramatique de Chiang Mai, institution qui traitement des eaux étaient mis à l’honneur de eut un rôle important dans le développement de panneaux exposés par la compagnie L’analytic la musique Lanna dans les années 1970. Water Work. L’autre ressource majeure est celle de l’électricité. Un générateur fonctionnant au diésel a été installé pour alimen- ter toutes les illuminations qui vont embellir le parc ainsi que la sonorisation lors des repré- sentations culturelles. Cepen- dant, le fait de produire des res- sources a pour conséquence de produire des déchets. La ques- tion de la production et de la gestion doit donc se poser lors d’un tel événement, surtout que la Thaïlande est vue comme un « Fon lep ฟ้อนเล็บ la danse des ongles (samedi 03/02)

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Fin du spectacle dramatique suivant les histoires de Ramakien รามเกียรติ์ (dimanche 04/02)

De plus, j’ai pu observer des danses et des ins- truments traditionnels lors de la parade.

Danse observée à l’écran géant (à l’angle de Tha Pae Road et du pont Nawarat))

Défilé de la municipalité de Chiang Mai : tam- bour et mong โมง sur un char accompagné de flûtes

Les éléments traditionnels du Lanna et de la Thaïlande sont donc une partie intégrante de la fête. Celle-ci permet de mettre en valeur des éléments patrimoniaux, qui sont pour cer- tains utilisés principalement lors de cérémonies religieuses ou de mariages. Cela est le cas, par exemple, des compositions florales, considé- Sous forme de phan rées comme un art patrimonial, visibles dans la pum พานพุ่ม, bouton de lotus posé sur un décoration des chars. plateau avec un pied Sous forme de baj sǐ บายศรี, récipient-offrande décoré de fleurs et confectionné avec des feuilles de bana- niers empilées sur plusieurs étages

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Il y a déjà vingt ans, la fête des fleurs était vue du monde touristique. Certains journaux et comme une innovation pour mettre en valeur la magazines présentent d’ailleurs ce festival tradition. Certains considèrent que la fête célèbre comme une fête strictement touristique (Holi- le début de saison des floraisons et sert à remer- day Time in Thailand, Guidelines Chiang Mai, cier la nature comme une sorte de bénédiction City Life). Cela est confirmé par le fait qu’on pour les événements et les avantages qu’offre la trouve le nom du festival dans les guides tou- ville de Chiang Mai (Ogan 2002 :14). Nous pou- ristiques français. Et qui dit fête touristique dit vons alors nous questionner sur la place de la fête marchande. Cela s’illustre par la vente de religion dans le festival. Même si celui-ci n’a pas fleurs ainsi que par la présence de concours de une origine religieuse, on retrouve des éléments toutes sortes, des concours de beauté pour les en lien comme sur certains décors de chars hommes et les femmes ainsi que pour les chars (représentation du Suphannahong, du naga ou et les plantes. Toutefois, même si des recherches du Bouddha) ou encore avec la présence de ven- ont montré que les festivals sont un succès éco- deurs d’oiseaux en cage. En outre, une cérémo- nomique pour les compagnies hôtelières et les nie religieuse est célébrée à Doi Saket la veille de agences de voyage, ceux-ci ne permettent pas la parade pour récompenser tout le monde du une bonne transmission de la tradition (Yava- travail fourni et souhaiter bonne chance pour prapas 2004 : 75). Le tourisme est alors vu aussi le défilé. Toutes les personnes bénévoles qui ont bien comme une opportunité qu’une menace pris part à la préparation du char prient alors (King & Pathumporn 2017 : 226). avec les moines du district. Il s’agit en tous cas d’un événement éphémère Conclusion qui fait appel à toute une organisation et beau- Cette recherche s’inscrit dans les recherches coup de travail de la part des participants. antérieures qui questionnent le lien entre le fes- tival et le tourisme depuis plus d’une trentaine Une fête touristique d’années (Getz & Page 2016). Par manque de La fête des fleurs a été créée en 1977 par l’office temps et de compétence langagière, je n’ai pu administratif provincial, la municipalité, l’office étudier tous les aspects du festival. Je me suis de tourisme thaïlandais (TAT) en coordination essentiellement basée sur de l’observation et des avec des associations s’intéressant aux plantes recherches bibliographiques. Il faudrait alors (l’Association des Orchidées de Chiang Mai et observer le festival sur plusieurs années et l’ana- le Club des plantes décoratives et des fleurs) et lyser de manière plus approfondie pour pouvoir quelques organisations d’ordre privé. La date de comprendre tous les mécanismes mis en jeu et création correspond à la période de développe- en comprendre la complexité. Cette étude est ment touristique (Byer-Bayle 2012), notamment seulement un aperçu de ce qui peut être fait dans le Nord de Thaïlande. Par ailleurs, à partir et une amorce pour une prochaine recherche. des années 1970, un programme est établi dans Elle renforce néanmoins l’idée que les festivals cette région pour réduire la culture de l’opium et jouent un rôle économique, politique, social et faire pousser des fleurs à la place (Van Beek 2017 culturel à la fois (Hall 1989, Nicolas 2010). : 42). Chiang Mai étant connu pour ses fleurs grâce à son climat doux et pour son surnom Remerciements de la « Rose du Nord », les fleurs apparaissent Je finirai ce rapport d’activité en remerciant comme un argument de vente touristique. chaleureusement toutes les personnes que j’ai De plus, certains acteurs et sponsors qui per- rencontrées au Centre EFEO, pour leur accueil mettent la mise en place du festival sont issus et leur aide : le directeur Michel Lorillard, la

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bibliothécaire Rosakon Siriyuktanont, la secré- King, R. & Pathumporn, J., « Heritage and the taire Rampa Meador ainsi que les chercheurs Dispersal of Culture : the Phutai », in R. King, Louis Gabaude et Catherine Raymond, qui ont dir., Heritage and identity in contemporary joué un rôle important dans le déroulement et Thailand, : NUS Press, p. 213-227. l’avancée de mon terrain. Sans oublier ma direc- Nicolas, J., 2010, « Le Carnaval, un imaginaire trice de mémoire, Mme Louise Pichard-Bertaux, politique », in B. Ndagano, dir., Penser le car- qui a fait vivre le thaï à l’Université d’Aix-Mar- naval : variations, discours et représentations, seille et sans qui ce voyage n’aurait jamais eu lieu. Paris : Editions Karthala, p. 232-243. Références Ogan, W. L., 2002, « Flower festival », What’s on CHIANGMAI. Antonio, J., 1997, The 1904 Traveller’s Guide to Bangkok and Siam, Bangkok : White Lotus Senawong, P., 2007 [2006], Les liens qui unissent Co. les Thaïs : coutumes et culture, Bangkok : Samaphan Publishing. Byer, Bale B., 2012, « Les politiques du passé face aux usages sociaux de la restauration des Tapie G., Parin, C., Malignon, C. & Gerbeaud, temples bouddhiques », CeROArt. [En ligne]. F., 2017, Développement durable territorial : vol 8., disponible le 01/02/2018 sur le site une comparaison Franco-Thaïlandaise. Rap- http://journals.openedition.org/ceroart/2835. port final du programme D2RT PUCA 2005- 2008, Bordeaux. [en ligne le 13/08/2018]. Gabaude, L., 2013, « La fête bouddhique en Disponible sur le site : http://www.urba- Thaïlande », in T-M. Coureau & H. De La nisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-de- Hougue, Rites : fêtes et célébrations de l’huma- veloppement-durable-territorialcomparai- nité, Paris : Bayard, p. 796-845. son-france-thailande.pdf. Getz, D. & Page, S. J., 2016, « Progress and Pros- Van Beek, S., 2017, Thailand Tourism : The Early pects for Event Tourism Research », Tourism Days, Bangkok : Dusit Thani Public Company management, 52 : 593-631. Limited. Hall, C. M., 1989, « The Definition and Analysis Yavaprapas, S., 2004, Loy Krathong Festival, of Hallmark Tourist Events », GeoJournal,19, Bangkok : Ministère de la Culture 3 : 63-268. Annexe

Carte de la parade La parade a débuté par le discours du gouverneur à 8h30 et a fini à 11h45 le samedi 3 février 2018. La distance parcourue par les participants est d’environ 5,1 km (calcul par la projection « à la volée », elle ne prend pas en compte les propriétés du sol).

Nolwenn Lacoume M2 Tourisme, Langue et Patrimoine, AMU

41 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — IN MEMORIAM RUBRIQUE

Tanete A. Pong Masak

Après sa soutenance de thèse, Tanete est rentré en Indoné- sie pour prendre un poste de maître de conférences à Hasa- nuddin, au département de Lettres romanes, pour y ensei- gner le français et la civilisation française. Après quatre années, il a poursuivi sa carrière acadé- mique à la Faculté de sciences administratives (FIA) de l’uni- versité Atma Jaya de Jakarta, dont il est devenu le doyen. En parallèle, il a eu une activité marquée – notamment d’ensei- Conférence-débat organisée le 27 Juin 2016 à l’IKJ gnements sur le thème du cinéma, à la Faculté Tanete Adrianus Pong Masak nous a quittés le du film et de la télévision – à l’Institut des arts 10 décembre 2017. de Jakarta (IKJ). Tout en étant lecteur à l’INALCO Tanete a Perfectionniste jusqu’au bout des ongles, depuis débuté un DEA à l’EHESS. Puis, grâce à une des années il travaillait aussi à reprendre une par- bourse de son université de rattachement, l’uni- tie de sa thèse pour la traduire en indonésien et versité Hasanuddin de Makasar (Indonésie), il la compléter, ce qui l’a conduit à publier en 2016 a entrepris un doctorat – sous la direction de Sinema pada masa Denys Lombard – dont la thèse, soutenue en Soekarno (éd. IKJ), qui a suscité de 1989, s’intitule Le cinéma indonésien (1926- nombreux débats 1967). Étude d’histoire sociale. en Indonésie et qui Durant 12 années passées en France à cette représente une des occasion, Tanete a réalisé deux films documen- rares études pous- taires. Le premier date de 1981 et porte sur les sées sur la question. funérailles toraja de son propre père. Il a été filmé Il venait de prendre en Super 8 par Guy Sinelle – cameraman attaché sa retraite en juil- au service audiovisuel de l’INALCO – dans la let 2017 lorsqu’il a région de Makale. Il s’agit d’un document visuel été frappé par un ethnographique rare. Le second date de 1988 et second et fatal AVC, s’intitule Mékong-sur-Seine (16 mm, 21 mn). Il alors qu’il instal- a été produit dans le cadre des Ateliers Varan et lait en Pays Toraja porte sur les difficultés d’adaptation des réfugiés l’énorme quantité 1re de couverture de son livre sur du Cambodge, du Laos et du Vietnam accueillis de livres qu’il avait le cinéma indonésien à l’époque par l’association France terre d’asile. de Soekarno

42 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — IN MEMORIAM

accumulée au fil de sa carrière dans un tongko- rire de la dernière farce qu’il nous joue et de nan familial, en vue d’en faire une bibliothèque. l’imaginer en film, comme il aimait à le faire, La cérémonie funéraire toraja Rambu Solo a sur le chemin qui le conduit au puya, chez ses été tenue le 30 décembre 2017 avec le ancêtres. de quatre buffles et de trente porcs, en présence Jean-Marc de Grave de sa famille, de ses amis et de notables de la MCF-HDR Aix-Marseille Université, IrAsia région. Son corps a été enterré dans le cime- tière familial le 2 janvier 2018, suite à une messe Témoignage (en indonésien) catholique durant laquelle son souvenir a été https://www.atmajaya.ac.id/web/KontenFakultas. commémoré. aspx?gid=berita-fakultas&ou=fiabikom&cid=obi- tuari-pak-tanete. Ses amis et collaborateurs retiennent de lui un homme très humble, toujours le cœur sur la main et prêt à rendre service. Un homme plein d’humour aussi, certainement en train de sou-

43 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — LA VIE DE L'AFRASE

Rapport moral présenté à l’Assemblée générale du 19 janvier 2018 Inalco, Paris

En 2017, l’AFRASE a publié le numéro double été décidé que désormais : les membres sont 93-94 de la Lettre (73 p.) présentant le dossier considérés comme étant à jour s’ils ont réglé leur « Corpus et langues d’Asie du Sud-Est : traite- cotisation avant le 1er juin de l’année en cours. ment et exploitation numériques » dirigé par Les membres qui souhaiteraient que leur coti- Louise Pichard-Bertaux. sation émise avant le 1er juin soit reportée pour Les rencontres et l’assemblée générale qui l’année suivante doivent le signaler au moment se tiennent habituellement en décembre ont du paiement. été décalées exceptionnellement de quelques Suite à une demande de plusieurs membres, semaines, à la mi-janvier, pour pouvoir bénéfi- nous soumettons au vote la possibilité d’étendre cier de l’auditorium de l’Inalco. Elles sont dédiées le tarif de 18 € (jusqu’ici réservé aux étudiants) cette année aux Cinémas d’Asie du Sud-Est, elles aux enseignants ou chercheurs non titulaires ont été organisées avec le Cerlom (voir ci-des- ainsi qu’aux retraités. La décision est prise à sous). Paul Sorrentino (AFRASE) et Inthano l’unanimité. Theeraphong (CERLOM) en ont été les maîtres d’œuvre. Deux films ont été projetés : Garuda Collaborations et soutiens Power en présence de son réalisateur, Bastian IRASEC Meiresonne, et Les larmes du tigre noir. La table L’Afrase poursuit sa collaboration avec l’Ira- ronde a réuni Alyosha Herrera, Claire Lajou- sec. Outre les contacts des attachés culturels des mard, Jérôme Samuel et Bastian Meiresonne. ambassades pour diffusion de la Lettre, l’Irasec Le buffet a été assuré par l’Association solida- a pris en charge l’impression des exemplaires de rité Indonésie. la Lettre. GIS Asie Campagne de financement L’Afrase a disposé d’un stand de présentation La parution de la Lettre a été décalée au début lors du Congrès du GIS Asie en juin 2017. de l’automne pour mener une large campagne Caroline Herbelin est entrée en contact avec d’appel aux adhésions et à renouvellement des la nouvelle direction du GIS et a pu s’entrete- cotisations. La campagne a été un succès. nir longuement avec Aurélie Varrel. Malgré un Le bureau tient à ce propos à remercier tous accueil favorable du dossier qui avait été envoyé les membres qui ont répondu présents et plus pour les Rencontres dédiées aux Cinémas d’Asie particulièrement Pierre Brocheux et Liliane Vo du Sud-Est, la demande de financement n’a pas Quang pour leur abonnement de soutien, ainsi été accordée par le GIS. L’institution en transi- qu’Alexis Michaud pour son adhésion double. tion entre deux présidences ayant alors gelé son budget. Toutefois, une perspective est encou- Adhésions rageante : la mise en place prochaine d’appel à Nous avons procédé à une clarification concer- projet pourrait représenter une possibilité de nant la date de validité des adhésions. Il a donc financement pour les Rencontres.

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CERLOM l’unanimité au poste de représentant de la France Cette année les Rencontres ont été coorganisées à l’Euroseas. Les représentants sont donc pour avec le CERLOM (Centre d’étude et de recherche l’année à venir Jérôme Tadié et Paul Sorrentino. sur les littératures et oralités du monde) dans le cadre du cycle « Paroles de créateurs ». Nous Changement de statut avons pu bénéficier non seulement de l’accueil La proposition pour changer le nombre de des Rencontres et de l’AG dans le grand audito- membres dans le bureau de 9 à une fourchette rium de l’INALCO mais la journée a été finan- de 8 à 10 membres est votée à l’unanimité. cée par le laboratoire. Nous remercions Cristina Birsan pour le suivi de la logistique. Perspectives MAP La possibilité de faire une transition d’une lettre A partir du prochain numéro de la lettre, bisanuelle à une lettre annuelle est envisagée. Ce Mathilde Lefebvre, éditrice de la revue Moussons changement répond à une difficulté grandis- et membre du bureau assurera gracieusement le sante à collecter des articles de la part des cher- graphisme de la Lettre. Nous la remercions de cheurs (souvent plusieurs mois de relance qui cette initiative, rendue possible par la Maison se finissent parfois par des désistements). Cela Asie Pacifique. répond également à un changement de voca- EUROSEAS tion de la Lettre qui a été constaté ces dernières années : elle était devenue de moins en moins Jérôme Tadié présente un compte rendu de la une lettre informative des événements concer- dernière réunion de l’Euroseas (voir le détail nant l’Asie du Sud-Est (le relais de ce point de dans les pages qui y sont consacrées dans ce vue étant pris par les réseaux sociaux de l’asso- numéro). Il évoque les masters classes 2019, ciation), pour être une publication qui présente la possibilité d’organiser des événements (en du contenu éditorialisé. Désormais, la Lettre anglais) en collaboration avec l’Euroseas. Pour s’appuiera principalement sur la publication du la conférence 2023, il serait bienvenu qu’un dossier thématique de l’année, rassemblant à la laboratoire Français organise le congrès. fois les articles des intervenants des Rencontres Le mandat d’Elsa Clavé, arrivé à son terme, est ainsi que des articles complémentaires. ouvert à candidature. Paul Sorrentino est élu à Rapport moral rédigé par Caroline Herbelin.

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LA VIE DE L'AFRASE

Rapport financier14 décembre 2016 – 19 janvier 2018

État des finances au 19 janvier 2018 paiement postérieur vaudra pour l’année sui- vante. Lors de l’assemblée générale (AG) du En outre, nous avons décidé d’introduire un 12 décembre 2016, l’association était créditrice nouveau tarif destiné aux membres contractuels de 1 404,68 euros. Elle enregistre aujourd’hui de l’enseignement supérieur (et non étudiants), un crédit de 1 722,82 euros, soit 318,14 euros de d’un montant de 20 euros. plus que l’année précédente. Mais à cet excédent, nous n’avons pas encore intégré les cotisations Détail des sorties qui demeurent sur le compte PayPal de l’associa- tion (774 euros). Les Lettres de l’AFRASE : 859,36 euros. L’exercice comptable de l’année inclut la Lettre Au cours de cet exercice, qui s’étend sur 13 n° 92 et la Lettre n° 93-94 (numéro double). Ces mois et une semaine, nous avons enregistré : deux numéros ont représenté une dépense de En recettes : 2 437 euros. Elles étaient de 809,12 euros, dont 725,12 euros pour la rémuné- 1 360 euros sur l’exercice précédent, soit une ration de notre graphiste, et 84 euros de charges augmentation de 1 077 euros. Ce chiffre tient payées à la Maison des Artistes pour cet emploi. compte des encaissements de chèques et des La Lettre demeure donc le poste de dépense le cotisations PayPal, bloquées pour le moment. plus important de notre budget. En dépenses : 1 559,29 euros. À titre indicatif sur l’exercice précédent, nos dépenses s’élevaient à 2 105,84 euros, soit une baisse de 546,55 euros. AG et Rencontres de l’AFRASE en 2015 : 666,89 euros. Détail des Entrées Pour l’exercice 2016-2017, les Rencontres et l’AG, qui ont eu lieu toutes deux le 13 décembre Nos entrées proviennent des cotisations et des à la Maison de l’Asie, ont représenté une dépense dons. Le nombre de cotisations personnelles a de 666,89 euros. connu une augmentation significative puisque 66 membres se sont acquittés de leurs cotisa- Les dépenses ont principalement impliqué le tions par chèque et PayPal contre 41 membres buffet, les courses et la logistique pour les deux en 2015-2016. La campagne de rappel de cotisa- évènements (393,89 euros), et en second lieu les tions que nous avons entreprise entre septembre défraiements des intervenants – Michel Ferlus et novembre 2017 a donc eu un réel effet. et Made Windu Antara Kesiman — pour les Rencontres (273 euros). Nous rappelons aux adhérents que le montant des cotisations est de 35 euros pour les statu- L’AFRASE tient par ailleurs à remercier l’Asso- taires (et non 33 euros) et qu’elle est de 18 euros ciation Solidarité Indonésie qui s’est occupée du pour les étudiants et les non statutaires. buffet et la direction de l’INALCO pour l’accueil gracieux des événements au sein de ses locaux. Avec la campagne de rappel de cotisations, nous avons été conduits à clarifier les périodes Frais bancaires : 70,88 euros d’effet des cotisations : tout paiement antérieur Face au coût prohibitif facturé par la BNP pour au 1er juillet vaudra pour l’année en cours, tout le service de gestion du compte nous avons

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LA VIE DE L'AFRASE décidé de la résilier en 2017. Cette résiliation a cieux au bureau, en participant à la campagne de pris effet à partir de mai. Nous avons donc dû relance des adhésions ou bien encore à la tenue nous acquitter des cotisations pour le début de de la trésorerie. l’année 2017, soit 70,88 euros. Le nouveau bureau est donc constitué et les Bilan fonctions réparties de la manière suivante : • Présidente : Louise Pichard-Bertaux Nos recettes ont connu une belle augmenta- tion, et nos dépenses ont baissé. Ces tendances • Vice-Président et représentant EURO- sont dues, pour les recettes, à notre appel de SEAS : Paul Sorrentino cotisations, et, pour les dépenses, à l’absence de • Trésorier : Rémi Desmoulière missions de membre du bureau, l’organisation • Secrétaire : Marie Aberdam des Journées et de l’AG le même jour et au même endroit, et à la résiliation des services bancaires • Chargée d’édition : Mathilde Lefebvre en ligne. La tendance cette année est donc à • Chargé de communication : Christophe une amélioration de notre situation financière. Caudron Néanmoins, nous espérerons que les membres continueront à s’acquitter des cotisations comme • Membres : Amandine Dabat, François ils l’ont fait cette année, car elles constituent un Guillemot et Hélène Poitevin-Blanchard soutien nécessaire au maintien de nos activités. L’assemblée générale remercie vivement à cette occasion Caroline Herbelin pour ses années de Renouvellement du bureau présidence ainsi que tous les membres sortants Quatre membres du bureau souhaitent quitter pour leur engagement auprès de l’association. leurs fonctions : Caroline Herbelin, Téphanie Rapport financier rédigé par Sieng, May Ngo et Hélène Njoto. Téphanie Sieng et Rémi Desmoulière. Quatre candidats se présentent devant l’AG : Marie Aberdam, Amandine Dabat, Rémi Des- moulière et François Guillemot. Tous quatre sont élus à l’unanimité. Précisons que Marie Aberdam et Rémi Des- moulière avaient déjà apporté en tant que membre de l’Association un soutien très pré-

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Le 27 novembre 2018 RENCONTRES DE L’AFRASE L'ASIE DU SUD-EST EN VOYAGE TOURISME, ESPACES ET SOCIÉTÉS Suivies de l’Assemblée générale (18h15) Photo Rémi Desmoulière Rémi Photo

Les prochaines Rencontres de l’Afrase auront lieu le mardi 27 novembre 2018 à partir de 13h30 à la Maison de l’Asie (22 av. du Président Wilson, Paris 16e). La thématique de cette année interroge le tourisme en Asie du Sud-Est. À 18h15, nous ouvrirons l’Assemblée générale de l’association qui sera suivie d’un buffet vers 19h15.

Argumentaire L’Asie-Pacifique constitue aujourd’hui le second bassin touristique du monde. Accueillant moins d’1 % des flux touristiques internationaux en 1950, il en reçoit près d’un cinquième depuis les années 2000. En dépit du poids de la Chine dans cet ensemble régional, l’Asie du Sud-Est y joue un rôle de plus en plus affirmé et son secteur touristique s’est montré suffisamment résilient pour surmonter rapidement un ensemble de revers survenus au tournant du xxie siècle : la crise financière de la fin des années 1990, la recrudescence du terrorisme dans la région, l’épidémie de SRAS en 2003 et le tsunami qui a touché les côtes de l’Océan Indien l’année suivante. Loin de se limiter aux ruines et paysages magnifiés de longue date par le regard orientaliste – Ang- kor, , baie de Ha Long – ou aux hauts lieux du tourisme balnéaire – Phuket, Bali, les espaces touristiques de l’Asie du Sud-Est s’étendent désormais du cœur des métropoles – Singa-

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pour, Kuala Lumpur, Bangkok – aux marges des États – chaînes montagneuses indochinoises, Papouasie-Nouvelle-Guinée –, reflétant l’insertion poussée de la région dans la mondialisation. Le tourisme est une réalité sociale plus difficile à définir qu’il n’y paraît. Les statistiques pro- duites par les organisations internationales ont tendance à le dissoudre dans un ensemble plus large de mobilités, en se fondant sur le seul critère de la durée : sont considérés comme touris- tiques les déplacements d’une durée supérieure à une journée et inférieurs à un an. Depuis la fin des années 1990, des travaux de sciences sociales, notamment ceux des géographes réunis dans l’équipe « Mobilités, Itinéraires, Tourisme » (MIT), se sont attachés à dégager les caractéristiques permettant d’isoler le tourisme des autres types de mobilités. Les mobilités touristiques se fondent sur un déplacement choisi et effectué pour lui-même, dans le but de rompre avec l’espace et les temporalités du quotidien, une démarche qui peut être qualifiée de « recréation ». Ainsi défini, le tourisme apparaît à la fois comme une forme de mobilité productrice d’espaces spécifiques, et comme un prisme révélant le regard que les sociétés portent sur les paysages proches ou lointains. Les journées 2018 de l’AFRASE proposent d’interroger les particularités de l’inscription et de la pratique des mobilités touristiques dans les sociétés d’Asie du Sud-Est, et, en retour, ce que le tourisme dit de ces sociétés et de leurs transformations. programme 13h30 — Accueil des participants et du public 14h10 — Introduction par Rémi Desmoulière (INALCO/Université Paris-Est Marne-la-Vallée, CESSMA)

Les groupes ethniques marginaux face aux tourismes : confron- tations et (re)constructions identitaires 14h30 — Evelyne Gauché, université de Tours, CITERES Paysage et aménagement en Chine : la mise en tourisme des villages shui du Guizhou 15h00 — Sarah Coulouma, Aix-Marseille Université, IrAsia La fabrique de la "dernière tribu primitive de Chine" : enjeux idéologiques, écono- miques et sociaux de la mise en tourisme d’un village wa (province du Yunnan) 15h30 — Martin Michalon, EHESS, CASE Le tourisme comme enjeu des relations interethniques : revendications territoriales et politiques sur les rives du lac Inlé 16h00 — Pause

Les échelles du développement touristique en Asie du Sud-Est 16h30 — Emmanuelle Peyvel, Université de Bretagne Occidentale, Institut de géoarchitecture Au-delà de l’enclave : le quartier routard de Pham Ngu Lao (Saigon), entre global et local 17h00 — Clotilde Luquiau, Université de Cergy-Pontoise, CASE Une géographie du tourisme en Malaisie 17h45 — Eugénie Mériau : présentation d'ouvrages 18h15 — Assemblée Générale de l’AFRASE 19h15 — Buffet

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doutes et les problèmes rencontrés dans l’année. Ces échanges, toujours aussi riches, montrent la vitalité des fonds asiatiques et leur indispensable appui à la recherche et aux études sur cette partie du monde. Ils pointent également les difficultés auxquelles les bibliothèques et centres de docu- mentation se heurtent au quotidien : manque de personnel, de financements et de place. Claude Lorentz (BNU) a ensuite présenté les fonds spécialisés et précieux sur l’Asie de la Bibliothèque nationale et universitaire de Stras- bourg qui comprennent notamment manus- crits, récits de voyage et cartes. Olivia Pelletier (ANOM) a pris la suite en exposant un fonds d’archives reçu en 2004 qui concerne Albert Sal- let, médecin colonial en Indochine. Les docu- ments sont le fruit de trois enquêtes menées par A. Sallet : des questionnaires sur l’histoire et les coutumes de villages, les légendes et pratiques de la magie conjuratoire et la pharmacopée. L’après-midi s’est achevé par une visite com- En rassemblant plus de soixante participants, mentée par Isabelle Poujol, responsable de la les 12es Journées annuelles DocAsie ont connu photothèque de l’EFEO, de l’exposition tempo- un véritable succès. Organisées conjointement raire « Ombre et lumière, danses et théâtres au par le Centre Asie du Sud-Est (CNRS-EHESS- Cambodge » dans la salle de lecture de la Mai- Inalco) et l’École française d’Extrême-Orient, son de l’Asie. ces Journées se sont déroulées du 20 au 22 juin Les interventions du jeudi 21 juin ont eu lieu 2018 à Paris et à Aubervilliers. Les thématiques à l’auditorium de la Maison des Sciences de choisies cette année s’organisaient autour de l’Homme Paris Nord (Campus Condorcet, deux groupes de questions, l’un centré sur les Aubervilliers) et ont exploré la thématique des fonds sonores, l’autre sur les fonds spécialisés et fonds sonores. Après l’ouverture faite par Sté- précieux. phanie Groudiev directrice du Grand Équi- Les séances ont débuté le mercredi 20 juin à la pement Documentaire du Campus Condor- Maison de l’Asie où Clément Froelicher-Chaix, cet, Michel Jacobson (Huma-Num) a présenté conservateur des bibliothèques de l’EFEO, a Cocoon. Créée en 2006, cette plateforme est accueilli les participants et ouvert les Journées. dédiée au stockage et à la documentation de Le traditionnel tour de table a permis à chacun corpus de données sonores primaires issues de donner des nouvelles des fonds, de présenter notamment d’enquêtes linguistiques. Conser- les projets en cours et à venir et d’exprimer les vatrice du département d’ethnomusicologie du

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Musée Ethnologique de Genève, Madeleine titut d’études indiennes du Collège de France. Leclair a ensuite exposé les archives sonores Contenus, formes variées et règles de conserva- d’Asie du MEG et les projets en cours autour tion ont été décrits et analysés au cours de l’in- de ces archives. Après une pause-café, Ingrid tervention. Soline Lau-Suchet (Bulac) a ensuite Le Gargasson (CREM/UMR7186) a relaté son présenté les manuscrits naxi. La complexité de expérience au sein de la Bibliothèque Publique l’étude de ces manuscrits réside dans la lecture d’Information (Centre Pompidou) et comment et la compréhension des pictogrammes alors elle a réalisé un dossier sur la musique indienne qu’il ne reste que très peu de shamans vivants à partir des enregistrements présents. Puis pouvant encore les déchiffrer. La Bulac en pos- Edouard Degay-Delpeuch (doctorant au CASE) sède une vingtaine qui ont été répertoriés dans a décrit et analysé l’univers très particulier des Calames. Responsable de la bibliothèque de la collectionneurs de disques et de la réédition de Maison du Japon à la Cité Internationale Uni- morceaux des années soixante et soixante-dix en versitaire de Paris, Yoshinori Ichikawa est inter- Thaïlande. venu sur le fonds de la Société franco-japonaise, À 14h, Pascal Cordereix (BNF), Aude Julien Da créée en 1900. France Besson-Girard (UNIGE) Cruz Lima (CREM) et Elodie Saget (MBQ-JC) a conclu cette matinée en présentant les collec- ont présenté leurs fonds et le projet sur les tions de chinois, coréen et japonais de la biblio- sources de l’ethnomusicologie dans le cadre du thèque de l’Université de Genève indispensables Labex Les passés dans le présent. Les archives pour les enseignants et les étudiants du départe- sonores d’Alexander W. Macdonald ont ensuite ment d’études est-asiatiques. été exposées par Françoise Robin (Inalco), Ema- L’habituel bilan des Journées et le tour de nuela Garatti (CDAT) et Anne-Marie Blondeau table final ont eu lieu en début d’après-midi. Le (EPHE). 54 bandes magnétiques et 22 cahiers comité de pilotage du réseau a été remodelé : ont été donnés au Centre de documentation sur Hélène Poitevin (CASE) et Miyuki Yamamoto l’aire tibétaine (EPHE). Ces documents sonores (IAO) ont quitté le CP alors que Véronique et textuels portent notamment sur l’épopée du Béranger (BnF) et Soline Lau-Suchet (Bulac) y roi Gesar et les diverses versions des contes du cadavre. Travaillant également sur des cor- sont entrées. Le CP remercie Hélène et Miyuki pus sonores et textuels de chercheur, Alice Vit- pour leur précieux engagement dans le réseau. trant (DDL/AMU) et Aurore Candier (CASE) Les prochaines Journées DocAsie auront lieu exploitent et documentent les enregistrements en Belgique à Louvain-la-Neuve les 19, 20 et faits par Denise Bernot dans les Chittagong Hill 21 juin 2019. Tracts et en Birmanie. Déposés sur la plateforme Une visite guidée de l’exposition temporaire Cocoon, ces documents sonores sont à mettre « Enfers et fantômes d’Asie » au Musée du Quai en relation avec les carnets de D. Bernot en ligne Branly s’est révélée délicieusement terrifiante. sur la plateforme ODSAS. Il n’a pas été fait mention dans ce Compte Une discussion générale sur les problèmes rendu des repas et pauses-café qui sont pour- inhérents aux métiers de bibliothèques a conclu tant sources de débats passionnés au sein du CP la journée. chaque année… Le mercredi soir, un restaurant La matinée du vendredi 22 juin, a été consa- coréen a été très apprécié. Offert par les organi- crée à la thématique des fonds précieux et spé- sateurs, le dîner du jeudi soir s’est déroulé dans cialisés. Caroline Riberaigua (IEI-CdF) a ouvert un délicieux restaurant indien et de savoureux la séance à la Maison de l’Asie en interrogeant les buffets ont été servis sur place pour les déjeu- quatre-vingt-deux manuscrits sur ôles de l’Ins- ners le jeudi et le vendredi.

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L’organisation de ces journées a été magnifi- Ces Journées passionnantes ont une fois de quement réalisée par Maïté Hurel (EFEO), Lau plus prouvé le caractère indispensable de l’exis- Dat-Wei (EFEO) et Hélène Poitevin (CASE). tence du réseau DocAsie dans le paysage de la Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés. documentation sur l’Asie en France, en Bel- Le CP est également très reconnaissant aux gique et en Suisse. C’est un apport essentiel pour institutions qui ont financé, accueilli et parti- l’exercice des métiers de la documentation et un cipé au bon déroulement des Journées : le CASE, appui primordial à la recherche sur l’Asie dans l’EFEO, le GIS Asie, le Campus Condorcet et le nos contrées. Musée du Quai Branly. Louise Pichard-Bertaux avec les relectures attentives de Eun-Joo Carré-Na, Pascal Fort, Maïté Hurel et Caroline Riberaigua (CP DocAsie)

Comptes rendus d'ouvrages

GOSCHA Christopher, The Penguin History of Modern Vietnam, Allen Lane, Penguin Books, 2016, 688 p.

Le Viêt-Nam « vu d’en haut » : Christopher Goscha, professeur à l’UQAM, pose un regard distancié et circonstancié. le tableau et invite immédiatement à la décou- verte des « many differents Vietnams » annon- L’ouvrage que proposent les éditions Penguin cés en introduction : multiple, modern, impe- sur l’histoire du Viêt-Nam est une somme iné- rial and divided2. Son histoire scrute plusieurs 1 dite investiguant les multiples et possibilités du logiques à la fois pour mieux les confronter, les Viêt-Nam, principalement depuis le XIXe siècle. opposer ou les faire interagir comme dans son chapitre 4 sur l’échec du républicanisme colonial 1 Les précédentes histoires générales sont datées : Lê ou celui sur la réalité du communisme vietna- Thành Khôi (Le Viêt-Nam, histoire et civilisation. Le milieu et l’histoire, 1955), Joseph Buttinger (The small- er dragon, 1958 ; Vietnam, a dragon embattled, 1967, 2 2 D’autres thématiques sont abordées ou pourraient vol. ; Vietnam, a political history, 1968), Stanley Karnow faire l’objet d’un développement plus spécifique : un (Vietnam: a history, 1983). On assiste depuis 2010 à « spatial Vietnam » (chapitre 14), un « demographic l’émergence de nouvelles histoires privilégiant la longue Vietnam » car l’ouvrage est parsemé de données so- durée avec Keith W. Taylor, A history of the Vietnamese, ciaux-démographiques, un « economic Vietnam » et Cambridge, Cambridge University Press, 2013 ; Ben enfin un « unified Vietnam » dans le sens où la réunifica- Kiernan, Viet Nam : a history from earliest times to the tion de 1975 est aujourd’hui un fait majeur de l’histoire present, New York, Oxford University Press, 2017. du pays (cf. chapitre 13).

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mien dans son chapitre 13. En matière d’histoire tique particulière. Basé sur une historiographie connectée et d’histoire globale, l’auteur n’est pas récente et nouvelle, l’ouvrage rebat les cartes de un néophyte. Il a publié et/ou dirigé de nom- notre compréhension de l’histoire du Viêt-Nam. breux ouvrages en français ou en anglais sur Le récit brosse à grands traits deux mille ans l’Indochine coloniale, la révolution communiste d’histoire et pose un jalon essentiel de la défi- et la guerre dont la particularité fut d’élargir la nition du nouvel espace qui prend le nom de perspective nationale au champ des connexions Viêt-Nam sous le règne de l’empereur Gia Long, individuelles et spatiales, au transnational, aux premier souverain de la dernière dynastie, en interactions intérieur/extérieur, aux fins d’éla- 1802. Il s’agit en début d’ouvrage de replacer le borer une histoire plus globale3. En s’interdisant Viêt-Nam ancien dans sa configuration spa- les logiques paresseuses, en s’obligeant à fran- tiale, ancrée dans le delta du Fleuve rouge, et chir les limites des territoires géographiques, de rappeler son déplacement multiséculaire et Christopher Goscha s’est souvent réclamé d’une guerrier vers le Sud, la construction de ce nou- perspective « braudélienne » de l’histoire ou, sur veau royaume régional sous les deux premiers l’aire culturelle sud-est asiatique, d’une perspec- souverains de la dynastie des Nguyen, leurs réa- tive « lombardienne »4. Il a replacé le Viêt-Nam, lisations et leurs limites, puis l’effondrement de tout au long de sa production historique, dans cette dynastie face à la conquête militaire fran- un espace plus large et un temps plus long. Cet çaise. Cette mise en perspective débouche sur espace-temps élargi et connecté avec les autres le cœur du sujet de cet ouvrage, l’hybridation nations et ses acteurs l’a amené à se lancer dans franco-vietnamienne : le processus colonial et l’entreprise ambitieuse de concevoir cette his- l’élaboration d’une Indochine française phago- toire globale du Viêt-Nam en se focalisant sur cytée par l’occupant étranger mais organisée ses interactions avec le monde mais ici surtout sous bien des aspects par les Annamites et les avec la France dont l’empreinte domine une Chinois5. L’auteur montre comment le Viêt- grande partie de l’étude. Nam, perdu pour les uns et démantelé par les autres, doit être repensé tant par les colonisa- Un Viêt-Nam français sans horizon teurs que les colonisés, en l’occurrence ici par Les quatorze chapitres chrono-thématiques de les anticolonialistes. L’échec du républicanisme cette somme de 688 pages revisitent chacun une colonial est concurrencé par l’émergence d’un période clé de l’histoire du pays ou une théma- Viêt-Nam de l’au-delà péninsulaire qui s’incarne dans les réseaux du communisme international en Asie, une des thématiques clés de la réflexion 6 3 L’auteur a publié six ouvrages en nom propre et en a historiographique de l’auteur . L’économie et la co-dirigé huit autres. Formé à Washington puis étudiant société coloniales pour en souligner sa struc- à Hanoi, Bangkok, Vientiane et Cambera, il a poursuivi ture et sa diversité notamment culturelle et reli- ses études et a enseigné en France avant de devenir pro- gieuse. L’aventure du « French Vietnam », un fesseur d’université à Montréal. Sa maîtrise de plusieurs langues (anglais, français, vietnamien, thai) et son profil Viêt-Nam français, oublié de l’historiographie international ont joué dans la construction de son ap- qu’elle soit nationaliste ou coloniale, comme le proche historique à la fois globale et attachée au terrain dénomme l’auteur car 1945 marque indéniable- et aux sources. 4 Cf. Denys Lombard, Le carrefour javanais. Essai d’his- toire globale, Paris, Éditions de l’École des hautes études 5 Cf. Christopher Goscha, Indochine ou Vietnam ?, en sciences sociales, Paris, 1990, 3 vol. Une filiation que Paris, Vendémiaire, « Chroniques », 2015. l’auteur revendique, voir sa conférence vidéographique 6 Cf. sa thèse de doctorat : « Le contexte asiatique de en ligne : Cornell University, Towards a History of la guerre franco-vietnamienne : Réseaux, relations et Modern Vietnam (may 5th 2016) : https://www.youtube. économie (1945-1954) », Paris, École pratique des hautes com/watch?v=1l7-JuArFdc études, 2000.

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ment une rupture. Au temps colonial, succède place aux interactions. Sans vouloir interférer le temps de l’indépendance fractionnée et de la dans la construction de l’ouvrage, cette histoire guerre fratricide. de près de deux siècles peut être scindée en deux grandes parties : la première consacrée à la nais- Révolution indépendantiste et sance et la chute du Viêt-Nam français (i.e. « the guerre fratricide birth and collapse of French Vietnam »), du cha- pitre 1 à 6 et la seconde à la recomposition d’un Le moment révolutionnaire de 1945 qui abou- nouveau Viêt-Nam dans la décolonisation bru- tit à la création de la RDVN, est replacé dans tale, du chapitre 7 à 11 (i.e. « thinking and acting son contexte de guerre globale (Seconde guerre for a new decolonized Vietnam »). mondiale et Guerre du Pacifique) et de déclin des deux empires français et japonais. Le déclin Mutations fondamentales de ces deux impérialismes permet à la fois l’émergence d’un « nouveau Viêt-Nam » et d’une Dans une sorte de troisième partie induite, l’au- « nouvelle France ». La confrontation de ces teur casse la chronologie pour se concentrer sur deux entités nouvelles, qui en réalité coexistent des thématiques fondamentales constitutives de depuis plus de quatre décennies (si l’on s’attache l’histoire du pays lui permettant de répondre, à à la date de la fondation de l’Union indochinoise la manière de Renan, à la question « Qu’est-ce en 1887), débouche sur la reconquête militaire qu’une nation ? » ou, à la manière de Benedict et le départ de la guerre civile vietnamienne qui Anderson, de décrypter les tenants et les abou- 8 elle-même plonge ses racines dans les années tissants de la communauté imaginée . Pour ce vingt. La modernité de 1945 interroge le lecteur faire, l’auteur interroge successivement les chan- e sur l’étiquette « nouvelle » que les acteurs s’oc- gements culturels au cours du xx siècle en met- troient à cette époque. La première phase de la tant l’accent sur la révolution de l’écriture et donc Guerre d’Indochine est resituée dans la logique de la pensée (s’il y a révolution c’est bien ici qu’il de deux États en guerre, et/ou de la guerre entre faut chercher) ; la modernité et son accès par le deux États nationalistes concurrents. La pre- tragique (révolution politique, guerres civiles et mière phase de la RDVN et de sa greffe colo- internationales) et la pluralité spatiale, ethnique niale est décrite avec soin7. La seconde phase de et culturelle placée sous la contrainte politique la Guerre d’Indochine replonge les lecteurs dans et la conjoncture historique. Des mutations fon- l’imbroglio international marqué par la Guerre damentales construisent l’espace et la société froide. Dans ce contexte, l’auteur analyse la sépa- vietnamiens et les questions philosophiques et ration du Viêt-Nam après 1954 et la reconstruc- politiques (individu/collectif ; liberté/autorita- tion de ce pays par deux États concurrents qui risme ; communisme/non communisme ; quel finissent par se faire la guerre. La perspective de nationalisme ?) participent de cette construc- la réunification par la force est brossée à grands tion. Ces dernières, toutes aussi vives que dans traits jusqu’à la victoire communiste de 1975. les années vingt, continuent de travailler les Le récit tumultueux du Viêt-Nam, globalement dirigeants ou la population du pays comme le de son apparition comme état unifié de 1802 souligne d’ailleurs l’auteur à propos des libertés à 1975 est présenté sous ses aspects sociaux, individuelles (par exemple p. 372 : « That debate politiques et militaires en redonnant une grande is still going on today »).

7 Ce chapitre reprend des éléments de son étude sur 8 Cf. Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ? (1882), la RDVN, traduite de l’anglais et parue en France sous le Paris, Berg International, 2016 ; Benedict Anderson, titre : Vietnam, un Etat né de la guerre, 1945-1954, Paris, Imagined communities. Reflections on the origin and Armand Colin, 2011. spread of nationalism, London, Verso, 2006 (revised ed.).

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En balayant cette histoire tumultueuse et ses cité de travail de l’auteur, notamment sa maîtrise multiples possibilités (cf. le chapitre 13 repasse de l’état de l’art sur les plans méthodologique en revue les différentes options politiques), en en et philologique, et sa volonté de contribuer à faisant le récit circonstancié depuis le xixe siècle, l’émergence d’un nouveau savoir sur l’histoire l’ouvrage s’adresse tout autant à un public de spé- de ce pays. Une des questions clés qui sous-tend cialistes – qui pourront, le cas échéant complé- l’ouvrage de Goscha : à partir de quelle date ter leurs connaissances historiographiques de ce doit-on dater, d’un point de vue historique, l’ap- pays – qu’à un large public désireux de connaître parition d’une nation ? Le Viêt-Nam existait-il le destin de ce pays plusieurs fois mythifié (par la il y a 4000 ans comme l’enseigne l’histoire offi- colonisation puis par la guerre de résistance). Ce cielle ? Quel Viêt-Nam et quels Vietnamiens ? récit, par bien des aspects romanesques, possède Comment interpréter sa construction et les une vertu essentielle : pédagogique en ouvrant répétitions de son histoire (divisions, guerres, l’histoire de ce pays à une compréhension plus hégémonie) ? De même, pour la constitution de large, moins vietnamo-centrée et plus dyna- l’espace vietnamien, quelle est la nature et que mique (par ses interactions). Les lecteurs sont fut le modus operandi de l’impérialisme vietna- invités à s’immerger dans une véritable fresque mien ? Ces questions basiques ne manqueront appuyée par une écriture dense où sont expo- pas de soulever des débats intenses parmi les sés de très nombreux détails historiques quitte, historiens du pays. parfois, à s’étourdir. Le second point fort de l’ou- En réalité, le succès académique attendu de cet vrage réside dans la réintroduction dans l’his- ouvrage – outre sa diffusion massive par Pen- toire de ce pays de faits et de données sensibles guin – est d’être plus qu’un simple livre d’his- de l’histoire contemporaine (la réforme agraire toire. Il est désormais un instrument de travail radicale, les purges, les stratégies guerrières, bref incontournable qui questionne l’histoire d’une une histoire de la violence dans la construction nation dans sa complexité – à la manière des 9 du Viêt-Nam communiste) . grandes monographies de référence des histo- Anatomies d’une nation riens sociaux – et un ouvrage qui pousse à la réflexion dans une perspective résolument non Bien entendu, toute entreprise de cette ampleur téléologique à travers une approche globale. comporte un danger. Celui de faire perdre de C’est là son principal atout. Au fil de son analyse vue ce qui est déterminant pour une époque multiscalaire l’auteur prend « de la hauteur » (par exemple dans le chapitre « Global cultu- pour dépasser les anciens clivages historiogra- ral changes in French Vietnam »). De même on phiques partisans qui ont marqué la production observe quelques répétitions, quelques chiffres académique en France (coloniale/anticoloniale) discutables (les données fiables sur ce pays sont ou aux Etats-Unis (Revisionist vs Orthodox). souvent difficiles à obtenir), voire quelques Mais cette prise de hauteur n’en néglige pas pour oublis mais l’essentiel de la production acadé- autant l’extraordinaire complexité du terrain mique de ces trois dernières décennies est inté- comme ses pages remarquables sur « a savage war gré au récit10. Ceci démontre d’une part la capa- of sovereignties » (p. 238-246). Ainsi, la lecture nous invite à de constants allers-retours entre le 9 L’historien américain Peter Zinoman fait remarquer que l’ouvrage de Goscha est la première monographie bibliographique sur l’histoire intellectuelle, les ouvrages historique sur ce pays depuis la publication, il y a plus de de Bui Xuan Bao (Naissance et évolution du roman viet- trente ans, de l’ouvrage de Stanley Karnow, essentielle- namien moderne, 1925-1945, 1972, réédité en 1985 sous ment une histoire militaire. ce titre) et de Hoang Ngoc Thanh (Vietnam’s social and 10 Par exemple les chiffres de la communauté catho- political development as seen through the modern novel, lique diffèrent selon les sources (p. 25). En complément 1991) auraient pu nourrir les références du chapitre 11.

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terrain (des hommes et femmes qui cohabitent, tautologiques, et ouvrant sur de nouvelles pers- s’instruisent, bataillent entre eux, réfléchissent pectives de recherche. Pour démêler cet éche- aux mutations identitaires, cultivent la rizière, veau complexe « des Viêt Nams » (au pluriel) organisent la presse) et la dimension interna- entrelacés qui ont marqué l’histoire moderne et tionale, la logique des États. Pour résumer, la contemporaine, il fallait ce regard à la fois pro- hauteur de vue est un point clé de cette étude fond et distancié à la fois attractive, détachée des vieilles problé- François Guillemot matiques vietnamo-centrées, nationalistes ou IAO, CNRS, ENS de Lyon.

SABRIÉ Marion, Dictionnaire insolite de la Birmanie, Paris, Cosmopole éditions, 2018, 159 p.

Le principe de la collection des Dictionnaires poraines comme la consommation du « coffee- insolites publiés par Cosmopole est de dépasser mix . » (p 38). Volontairement, je ne vous donne- les clichés et les idées préconçues sur les pays rais pas les clés de ces pratiques pour que vous explorés. En Asie du Sud-Est, le Cambodge, ayez le plaisir de les découvrir vous-même dans l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et le Viêt l’ouvrage de Marion Sabrié ! Nam ont déjà intégré cette drôle de collection Les entrées de ce dictionnaire explorent dif- qui donne à voir les facettes les plus originales des sociétés et coutumes étudiées loin des sen- férentes thématiques telles que la politique, la tiers battus et rebattus de l’exotisme facile. nourriture, les coutumes, la culture et les lieux importants. Pour ce qui de ces derniers, Marion Bien sûr, il sera question de pagodes et de Sabrié nous fait visiter entre autres le Hkakabo pavot, de bonzes à la robe safran et de femmes Razi (p. 62) l’un des sommets les plus hauts girafes, de Pagan et du lac Inlé qui restent d’in- d’Asie du Sud-Est autour duquel un parc natio- contournables thèmes et lieux attachés à l’ima- nal a été créé, l’île du lavage de cheveu (p. 64) ginaire occidental sur la Birmanie. Mais Marion située à l’embouchure de la Salouen et le col des Sabrié nous entraîne bien au-delà de ces thèmes convenus. Titulaire d’un doctorat en géographie trois pagodes qui fait frontière entre la Birmanie soutenu à l’EHESS en 2015 (Le fleuve Irrawaddy, et la Thaïlande. Pour visiter Rangoon, l’auteur facteur d’intégration de la Birmanie ?), l’auteur a nous invite à emprunter la Circular line, ligne également suivi les enseignements de Birman à de train qui, comme son nom l’indique, permet l’Inalco et vécu plusieurs années en Birmanie. Sa de faire tout le tour de la ville et d’en décou- fine connaissance du pays lui permet d’interro- vrir les faubourgs à moindre coût (un dollar en ger les sujets les plus divers et d’expliquer aux 2016). En plus de la balade au travers de quar- ignorants curieux des pratiques traditionnelles tiers excentrés, c’est la vie fourmillante des mar- comme « faire gadaw . » (p 57) ou très contem- chands et maraîchers montant et descendant du

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train selon les lieux de production et de vente nationale pour la démocratie (p. 75), parti qu’elle qui donne tout son intérêt à ce circuit urbain. a créé en 1988. L’actualité récente est également À la descente du train, si une petite faim se fait convoquée avec l’entrée Rohingya (p. 124) et sentir, il sera temps de découvrir p. 84 le déli- celle concernant Ashin Wirathu (p. 19) bonze cieux mohinga, soupe de poisson aux vermicelles qui a attisé la haine contre les musulmans dans de riz ou bien un crémeux ohn no khauk swe tout le pays ces dernières années. (p. 97), nouilles de blé dans une sauce au lait de J’adorerais vous parler de Bo Phyu (p. 15), le coco ou encore un curry (p. 43) avec une cuiller chanteur albinos, ou bien des collines de Sagaing de ngapi (p. 97) revigorant. (p. 39) recouvertes de stuppas dorés ou encore de Ce sera alors le moment d’aller écouter un tapisserie birmane traditionnelle (p. 69). Mais le hsaing waing, orchestre traditionnel (p. 103) ou, plus simple est encore que vous lisiez ce livre, pour mieux digérer, de faire une partie de chin- que vous naviguiez au gré des entrées selon vos lone (p. 34), balle en rotin tressé que les joueurs envies du moment. Nul doute que vous appren- en cercle se renvoient sans utiliser les mains. À drez beaucoup de choses sur la Birmanie ! Une moins qu’on ne préfère fumer un bon cheeroot courte bibliographie vient clore l’ouvrage et peut (p. 35) en suivant les péripéties d’un zat pwe emmener le lecteur un peu plus loin s’il le désire. (p. 155), pièce de théâtre agrémentée de danses Sur l’organisation générale de l’ouvrage, un et de chants jouée sur une scène montée en exté- index rappelant toutes les entrées du dictionnaire rieur. aurait été bienvenu et aurait facilité la manipu- De nombreux traits culturels sont expliqués, lation. Mais le plus grand défaut, à mon sens, est ainsi que certaines coutumes comme l’éta- l’absence totale de caractères birmans pourtant blissement de l’horoscope à la naissance d’un ô combien insolites pour le lecteur français. Je enfant (p. 62), les fêtes de pagode (p. 113) ou la suppose que ceci est à imputer à l’éditeur tout consommation de bétel (p. 27). La langue bir- comme c’était le cas pour l’excellent Dictionnaire mane (p. 27), peu connue en France, est assez insolite de la Thaïlande de Jean Baffie et Thanida longuement décrite. Rappelons que la spécia- Boonwanno paru en 2011 dans lequel certains liste française de la langue birmane, Denise mots étaient en caractères thaïs et d’autres en Bernot, a créé la chaire de Birman à l’Inalco en transcription sans que l’on comprenne bien la 1960 et qu’en ce qui concerne les études eth- logique. Il aurait été ici judicieux que les entrées no-linguistiques birmanes, tous ses élèves lui en birman soient écrites en caractères bir- doivent beaucoup. La Birmanie étant composée mans, en transcription et traduites en français. de nombreuses ethnies, les Arakanais (p. 18), les Quelques imprécisions et maladresses seraient Karen (p. 71) et les Môn (p. 85) ont également aussi à corriger pour une prochaine édition. leurs entrées. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage est Plusieurs termes traitent de politique. On ne un bel apport à la connaissance de la culture bir- pourrait en effet passer sous silence la dicta- mane par le grand public et qu’il ne manquera ture mise en place par Ne win (p. 95) en 1962, pas d’intéresser aussi bien celles et ceux qui les événements d’août 1988 (p. 11) ou la censure connaissent déjà le pays que les personnes qui (p. 32) qui fait loi encore aujourd’hui. Daw Aung souhaitent y aller ou en rêver. San Suu Kyi est bien évidemment citée plusieurs Louise Pichard-Bertaux fois (p. 45 et 136 notamment) ainsi que la Ligue IrAsia, AMU-CNRS

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Cristophe Munier-Gaillard et à les réformer en les conformant à l’idée qu’ils se font de Alexey Kirichenko, La vie du l’hindouisme. La question n’est donc pas de déterminer si les Balinais sont hindous, s’ils l’ont été, ni même s’ils sont Bouddha : peintures murales de en train de le devenir. L’objectif de cette étude est double : Haute-Birmanie, Suilly-la-Tour : d’abord élucider les raisons pour lesquelles les Balinais Éditions Findakly, janvier 2017 ont fait de l’agama Hindu le marqueur diacritique de leur Pendant les siècles qui suivent la « balinité », ensuite rendre compte des recompositions destruction du grand empire dont identitaires qui en ont résulté. le centre était Bagan, le boudd- hisme demeure le ciment de Dominique Barjot, Jean-François l’identité birmane. Klein (dir.), De l’Indochine Pour manifester leur piété, les notables birmans qui coloniale au Việt Nam actuel règnent sur les petits fiefs régionaux de Haute-Birmanie [actes des] premiers Entretiens vont commanditer le travail de centaines de peintres. d’outre-mer, [Paris, Académie Ces derniers auront pour tâche de couvrir les murs des des sciences d’outre-mer, 20-22 innombrables temples et grottes de peintures narratives illustrant les principaux épisodes de la vie du Bouddha et mars 2014], Paris : Académie des de ses incarnations précédentes. sciences d’outre-mer : Magellan & Cie, juillet 2017 Pendant plus de trois siècles, des générations d’artistes locaux anonymes vont élaborer un style populaire très Cet ouvrage résulte de la décision éloigné des influences indiennes qui avaient été la marque des deux gouvernements de la République socialiste du de l’art médiéval à Bagan. Ce style Nyaung-yan porte le Việt Nam et de la République française de célébrer l’année nom de la période éponyme et ne doit rien non plus aux croisée France-Việt Nam, et Việt Nam-France en 2013- influences siamoises qui se feront sentir ultérieurement. 2014. Tenus à l’Académie des sciences d’outre-mer, les Cette production, exclusivement religieuse, est la mani- premiers entretiens d’outre-mer ont porté sur le thème festion artistique originale et féconde d’une période de de l’Indochine coloniale au Việt Nam d’aujourd’hui. Si l’histoire birmane peu connue que C. Munier-Gaillard et le Việt Nam bénéficie de la part de la France d’un sou- A. Kirichenko étudient depuis de nombreuses années. venir très fort, de l’Empire colonial à la mondialisation actuelle, malgré les événements douloureux de la guerre Ils ont sillonné cette région pour faire l’inventaire détaillé d’indépendance, il est devenu un acteur de premier plan de ses monuments. Leur connaissance intime de la pein- dans l’économie globalisée, un membre influent de l’Asso- ture et du bouddhisme birmans se conjuguent avec leurs ciation des nations de l’Asie du Sud-Est et un partenaire travaux universitaires pour faire de cette Vie du Bouddha de premier plan de la Francophonie. Fruit de la rencontre un document vivant et inédit. des meilleurs spécialistes vietnamiens, francophones et anglophones venus du monde entier, ce livre consti- Michel Picard, Kebalian : la tue une mise au point la plus complète possible sur l’état construction dialogique de actuel des connaissances issues des travaux de chercheurs l’identité balinaise, Paris : confirmés et plus récents. Il témoigne d’une relation fran- Association Archipel, mai 2017, co-vietnamienne apaisée et sereine et d’une vision d’un Cahier d’Archipel 44 monde actuel appuyé sur un passé compris et accepté… Ce livre retrace la construction dia- logique de ce que les intellectuels Bérénice Bellina (ed.), Khao Sam balinais ont appelé la « balinité » Kaeo : An Early Port-City between (Kebalian), qu’ils se représentent the Indian Ocean and the South comme un arbre dont les racines China Sea, Paris : École française sont la « religion » (agama), le tronc la « tradition » () d’Extrême-Orient, août 2017, et les fruits la « culture » (budaya). Ce mouvement de Mémoires archéologiques 28 réflexivité identitaire remonte à la conquête de l’île de Bali et à son intégration dans l’empire colonial des Indes néer- Two thousand years ago, the Wu landaises au début du xxe siècle. Et il s’est trouvé réactivé Emperor of China sent south a naval après l’indépendance de l’Indonésie, lorsque les Balinais expedition to seek op-portunities to ont eu à lutter pour faire reconnaître la légitimité de leur increase trade. The leaders en-coun- religion par l’État. Ce faisant, les réformateurs balinais tered a Southeast Asian kingdom, with an established en sont venus à définir leur identité ethnique en termes , laws, cities and flourishing trade with d’agama Hindu, alors même que pour faire accepter leur and Rome. The expedition report survives in the Chinese religion ils ont dû s’en laisser déposséder. Cette hindoui- dynastic archives, and poses a fascinating challenge to sation de leurs pratiques religieuses a suscité un conflit archaeologists: what was the nature of this mari-time Silk récurrent entre les Balinais désireux de préserver la spé- Road, when did it begin, what manner of people ran it, cificité de leurs traditions ancestrales et ceux qui aspirent and how did it affect their lives ? Answers to these key questions are now emerging from five years of excavations

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and a decade of intense analyses that centre on the Kra Aujourd’hui, ces tatouages ont dépassé les frontières Isthmus, the narrow neck of land that provides the easiest des pays qui les ont vus naître. Dans les « studios de passage between the Indian Ocean and the South China tatouage » des maîtres de Sak Yant se croisent des acteurs Sea. Here, the trade route is dominated by the urban d’Hollywood, des sportifs internationaux et des hommes centre of Khao Sam Kaeo, a sprawling settlement atop d’affaires de Singapour ou d’ailleurs. Devenue plus popu- four hills, next to the Tha Tapao River. For the first time laire que jamais, la pratique ne concerne pas uniquement in Southeast Asia, a multi disciplinary project involving les célébrités. Des hommes et des femmes de toutes les geoarchaeology, botany and metallurgy, combined with nationalités, de tous les âges et de tous les niveaux sociaux geographical information systems, has been deployed to veulent avoir un de ces tatouages encrés sur leur peau. unravel the timing of the emergence of the maritime Silk De leur côté, les maîtres sont invités à pratiquer leur art Road and its social impact. We have found that its origins aussi bien en Australie, qu’aux États-Unis, en Europe ou are far earlier than suspected, stretching back into the 4th dans d’autres pays d’Asie. Pourquoi ces tatouages pro- century BC. Over the centuries, Khao Sam Kaeo became a voquent-ils une telle passion ? Qui sont ces hommes qui cosmopolitan hub that drew merchants and artisans from pratiquent le Sak Yant et qui sont ceux ou celles qui se India and other Asian horizons. Gold and silver, carne- font tatouer ? Fondé sur une enquête menée pendant trois lian and glass jewellery came from new workshops. In the années auprès des maîtres de Sak Yant, laïcs et religieux et fields beyond the city walls, new crops of Indian origin de tatoués, et s’appuyant sur des études dans des domaines were grown alongside the traditional rice fields. Chinese aussi divers que l’anthropologie, la religion, l’histoire, l’art, ceramics, Vietnamese bronzes, even Roman tradewares la médecine et la psychologie, Tatouages sacrés – Thaï- made their way to the markets of Southeast Asia. The vital lande, Cambodge, Laos et Myanmar – un tatouage peut-il importance of Khao Sam Kaeo in documenting and illu- changer votre vie ? est le premier ouvrage écrit en langue minating the early maritime trade is seen in the later rise française consacré à la pratique du tatouage sacré dans les of states like Pasai, , Melaka and Ayutthaya. Here pays bouddhistes de l’Asie du Sud-Est Theravāda. again, on a magnified scale, there were highly specialised manufacturing industries con-trolled by powerful kings. Revealing the deep seated cultural changes that took place Francis Engelmann, Trésors du at Khao Sam Kaeo thus illuminates for the first time a cri- patrimoine végétal au Laos : guide tical stage in the history of Southeast Asia. ethnobotanique de la ville de Luang Prabang, Paris : Magellan & Cie, novembre 2017 Isabelle Azevedo Drouyer, René Drouyer, Tatouages Beaucoup de visiteurs à Luang sacrés, Thaïlande, Cambodge, Prabang sont émerveillés par la Laos et Myanmar : un tatouage beauté et l’abondance de la végéta- peut-il changer votre vie ?, tion dans cette petite ville classée au Paris : Soukha Éditions, patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1995, à la fois pour son architecture et novembre 2017 pour son environnement naturel. En revanche, beaucoup Dans les pays d’Asie du Sud-Est de de ces fleurs et de ces arbres leur sont inconnus. Grâce à ce doctrine bouddhiste Theravāda, guide, ils pourront en identifier plus de cent quatre-vingt certains tatouages sembleraient et comprendre leur histoire, la place et le rôle qu’ils jouent détenir une influence magique. Ils auraient le pouvoir dans la vie de Luang Prabang. Ce livre d’ethnobotanique d’apporter la chance, la santé, la richesse et l’amour. Réa- est un guide du paysage culturel végétal de la ville. lisés par les meilleurs maîtres, certains protégeraient des Il devrait contribuer aux efforts de préservation de ces coups de couteau et des blessures par balle les porteurs de trésors fragiles et à la protection de l’environnement natu- ces tatouages. Il existe, dans cette région, une longue tra- rel urbain très particulier de ce site. Visiteurs, habitants de dition de tatouage sacré. Appartenant au monde boudd- Luang Prabang, autorités locales en charge de la gestion histe et connus en Thaïlande sous le nom de Sak Yant ou des espaces verts et des plantations, ayant une meilleure Roi Sak, ces tatouages exerceraient une certaine influence connaissance des plantes de la ville, les aimeront et les sur la vie des tatoués. Ont-ils réellement un pouvoir et protégeront mieux. comment fonctionnent-ils ? Chaque plante présentée dans ce livre est illustrée par une Ces interrogations soulèvent le problème de l’influence ou plusieurs photos, et fait l’objet d’une brève description des croyances, des rituels, des tatouages et autres formes complétée par des informations sur son origine et son his- d’amulettes sur l’esprit et la santé des individus. Autre- toire, ses différents noms, son importance culturelle et sur fois considérées comme irrationnelles, ces questions les lieux où on peut la rencontrer à Luang Prabang. Beau- sont maintenant abordées par le monde scientifique. coup de ces informations seront utiles aussi aux voyageurs Des études récentes ont démontré que non seulement visitant les pays voisins du Laos : Cambodge, Thaïlande, nos croyances peuvent conditionner nos vies mais que Viêtnam, Birmanie, province chinoise du Yunnan. tatouages et autres formes d’amulettes peuvent agir Le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris (Pha- comme de véritables placebos. nérogamie, Herbier, Flore du Cambodge, du Laos et du

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Viêtnam) a accepté de superviser la partie scientifique de des luttes auxquelles se livrent six pays asiatiques (dont ce travail. quatre pays d’Asie du Sud-Est) pour le contrôle d’espaces maritimes et insulaires. La rivalité entre les pays d’Asie du Sud-Est et la Chine ne peut être appréhendée qu’à la Archipel : Indonésie, les royaumes lumière des incidents récents. Plus qu’une simple dispute de la mer, Gent :Éditions Snoeck, territoriale, elle expose des situations maritimes et fronta- novembre 2017 lières multiples, enchevêtrées et incompatibles. Situées au cœur d’une Asie "au sud de Si la position chinoise est bien connue (sans être pour la Chine, à l’est de l’Inde", l’Indonésie autant légitime), les raisons qui permettent aux pays et ses plus de 17 000 îles s’étendent d’Asie du Sud-Est de revendiquer des territoires en mer sur un espace équivalent à celui de de Chine méridionale le sont un peu moins. Qu’en dit l’Europe. Aire de confluences et de le droit international ? Quels sont les enjeux politiques, rencontres, l’archipel indonésien a de économiques et géopolitiques de ces conflits ? Nous diri- tout temps été l’un des plus impor- geons-nous vers une impasse militaire ou vers une solu- tants carrefours du commerce mondial, où ont amarré tion politique ? Quels sont les arguments et les demandes les bateaux austronésiens, les boutres arabes, les jonques des pays d’Asie du Sud-Est ? Quels sont les desseins de chinoises, les navires ibériques et autres nefs des Compa- la Chine, et quelles sont les répercussions de ceux-ci sur gnies des Indes orientales avant les porte-conteneurs et les politiques de voisinage en Asie du Sud-Est ? Faisant pétroliers d’aujourd’hui. appel à des expertises croisées, le présent ouvrage répond Superposés, mêlés, réinterprétés par des sociétés riches à ces questions et cherche à montrer dans quelle mesure et complexes, ces apports extérieurs ont forgé des mondes les conflits actuels s’articulent autour de paradigmes aux multiples, que le rapport à la mer a finement colorés et contours encore mal définis. ciselé. C’est à la découverte de ces mondes que nous invite ce livre, avec la mer comme trait d’union et une sélection Éric Mottet, Frédéric Lasserre, exceptionnelle d’œuvres majeures comme marqueurs Barthélémy Courmont, d’une histoire à découvrir et admirer. Géopolitique de la mer de Chine méridionale : eaux troubles en François Joyaux, Monnaies Asie du Sud-Est, PU Québec, 2017 et numismates d’Indochine Les tensions en mer de Chine méri- française, Paris : Les Indes dionale sont bien ancrées dans l’ac- Savantes, 2017 tualité internationale, cristallisées L’auteur propose une étude aussi autour des luttes auxquelles se livrent complète que possible sur l’histoire six pays asiatiques (dont quatre pays des monnaies du Vietnam, ainsi que d’Asie du Sud-Est) pour le contrôle d’espaces maritimes et du Laos et du Cambodge. Le sujet n’a insulaires. La rivalité entre les pays d’Asie du Sud-Est et la été que peu traité, dans des ouvrages Chine ne peut être appréhendée qu’à la lumière des inci- remontant au début du xxe siècle. dents récents. Plus qu’une simple dispute territoriale, elle expose des situations maritimes et frontalières multiples, Les colonisateurs français découvrent un (ou plutôt des) enchevêtrées et incompatibles. systèmes monétaires complexes, inspirés par la Chine, et fort différent de ce qui existe en Europe. Ils vont essayer Si la position chinoise est bien connue (sans être pour de se servir de ces monnaies très diverses, souvent de très autant légitime), les raisons qui permettent aux pays faible valeur (mais correspondant aux besoins de la vie d’Asie du Sud-Est de revendiquer des territoires en mer économique des Vietnamiens), de les copier en faisant des de Chine méridionale le sont un peu moins. Qu’en dit frappes de sapèques en France. le droit international ? Quels sont les enjeux politiques, économiques et géopolitiques de ces conflits ? Nous diri- Mais les intérêts économiques coloniaux demandant geons-nous vers une impasse militaire ou vers une solu- des valeurs supérieures vont peu à peu prévaloir, et des tion politique ? Quels sont les arguments et les demandes piastres, des dollars et autres « grosses » pièces vont faire des pays d’Asie du Sud-Est ? Quels sont les desseins de leur apparition. la Chine, et quelles sont les répercussions de ceux-ci sur L’auteur consacre une large part aux techniciens et aux les politiques de voisinage en Asie du Sud-Est ? Faisant méthodes de frappe de ces monnaies, ainsi qu’aux numis- appel à des expertises croisées, le présent ouvrage répond e mates qui, dès la fin du xix siècle ont étudié les pièces à ces questions et cherche à montrer dans quelle mesure locales, ainsi qu’aux belles collections existant aujourd’hui les conflits actuels s’articulent autour de paradigmes aux dans différentes institutions françaises. contours encore mal définis. Eric Mottet, Frédéric Lasserre, Barthélémy Courmont, Géopolitique de la mer de Chine méridionale : eaux troubles en Asie du Sud-Est, PU Québec, 2017 Les tensions en mer de Chine méridionale sont bien ancrées dans l’actualité internationale, cristallisées autour

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François Guillemot, Viêt-Nam, Châu Nguyen Ngoc, Le temps fractures d’une nation : une des ancêtres : Une famille histoire contemporaine de vietnamienne dans sa traversée 1858 à nos jours, Paris : la du xxe siècle, Paris : L’Harmattan, Découverte, janvier 2018 février 2018 Le Viêt-Nam, connu pour sa L’histoire du Viêt Nam racontée à lutte héroïque pour l’indépen- travers plusieurs générations de la dance, fut un des grands mythes famille Nguyen Ngoc dont l’Ancêtre du xxe siècle. Entre décolonisa- Anh Ca est un des fondateurs de la tion et guerre fratricide, son his- religion cadoïste. Une famille que la toire apparaît comme exemplaire dureté de la guerre a durement frappée à travers la sépa- mais que sait-on de ses fractures ration, la mort et l’exil. Au fil des faits et des événements internes ? Quels furent les chemins des possibles pour de l’histoire familiale, le lecteur verra les bouleversements ce pays colonisé et décolonisé dans la violence ? Quelles dans la société vietnamienne nés de la rencontre Occident furent ses sources d’inspiration ? Quels types de révo- -Orient, conséquence de l’intervention de la France dans lutions et de guerres ce pays a-t-il traversés au cours du le pays. xxe siècle ? Cet ouvrage nous convie à une exploration inédite du Kham Vorapeth, Laos’Path towards Viêt-Nam « vu de l’intérieur » de l’empire démantelé pen- e the ASEAN Economic Community, dant le xix siècle à l’État nation réunifié d’aujourd’hui. Paris : L’Harmattan, mars 2018 Cette perspective permet de mieux comprendre le fonc- tionnement du pays, dirigé par un État-Parti, et de pen- Over the last thirthy years, Laos has ser plus largement le Viêt-Nam contemporain dans un made remarkable progress in imple- monde asiatique confronté à la puissance chinoise et la menting economic reforms and buil- mondialisation. Elle permet également de saisir l’enche- ding the institutions necessary for vêtrement des dominations internes (coloniales et postco- a market economy, culminating in loniales) et la persistance de certaines lignes de fractures. accession to ASEAN in 1997 and to the Pour accompagner ce récit, l’auteur mobilise des docu- World Trade Organization (WTO) in ments et des sources peu connus et propose des encadrés 2013. The purpose of this book is first sur des thématiques clés. to outline the Laos' economic transformation from 1986 to present and then to examine the positioning of Laos in Anne Marie Moulin, Bansa the ASEAN Economic Community (AEC). Oupathana, Manivanh Souphanthong, et al., dir., Philippe Papin, Les fraternités, Les voies de l’éthique de la Paris : Les Belles Lettres, avril recherche au Laos et dans 2018 les pays du Mékong : santé, Un vieil homme s’en retourne au environnement, sociétés, Vietnam, son pays natal, afin de [Paris] ; Dakar : l’Harmattan- comprendre les drames de son his- Sénégal ; [Marseille] : IRD, toire familiale et personnelle. Institut de recherche pour le Ni autochtone, ni colonial, c’est lui, développement ; [Vientiane] : Do Thai de son nom de guerre, le University of health sciences, février 2018 Juif français persécuté qui a rallié le communisme avant d’achever sa course en paria du Parti. Réunis à Vientiane en 2015, deux comités d’éthique, laotien et français, ont, pour la première fois, fait dia- loguer les chercheurs sur les problèmes éthiques liés à la Jean-Marie Crouzatier, santé, à l’environnement et aux sociétés dans la région du L’appropriation de la mer en Asie Mékong. Des questions vives et universelles, posées dans du Sud-Est, Paris : L’Harmattan, des contextes locaux, ont animé les débats et trouvé des mai 2018 éléments de réponse. Ce livre vise à servir de guide à tous ceux et celles qui s’engagent dans les voies de la science La mer d’Asie du Sud-Est est le lieu et s’efforcent de faire progresser la justice et régresser la de tensions et de conflits depuis plu- souffrance. sieurs décennies : d’abord limités au contentieux bilatéral entre la Chine et le Viet Nam à propos de l’archipel des Paracels, les litiges se sont « multilaté- ralisés » sur la question des Spratleys, avant de se généraliser à l’ensemble de la zone depuis les

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années 1990. Ces tensions dépassent largement le cadre rents services géographiques. Diplomates chinois, siamois régional et les enjeux sont considérables : sur les plans et européens négocient dans les capitales et dans les mon- économique, stratégique et géopolitique. tagnes, sous la tente. Topographes européens et indiens arpentent les routes et les sentiers pour lever les itinéraires et mesurer l’espace. Ils s’enquièrent auprès des habitants Paul Sorrentino, À l’épreuve du juste toponyme, collectent et font traduire des cartes de la possession : Chronique autochtones, interrogent leurs guides, les chefs locaux et d’une innovation rituelle dans le les marchands venus de Chine. Vietnam contemporain, Nanterre : Ce livre retrace les politiques institutionnelles, les pra- Publications de la Société tiques de terrain et les constructions territoriales qui en d’ethnologie, juillet 2018 découlent. Par une étude croisée de la cartographie dans Dans ce livre il est question de ces espaces, il met en lumière le statut central d’un ter- conversations fragiles avec les morts, ritoire spatialement périphérique, à propos duquel on a d’une cassette funéraire déterrée au pu parler d’une « géographie de l’ignorance ». À rebours beau milieu d’une bananeraie, de de quelques idées reçues, il montre que les cartes ont un séances de possession organisées par des associations pouvoir limité, même en contexte colonial, si l’on accepte scientifiques, de tiges de bambou qui attirent les âmes, de dépasser les discours pour observer les modalités de d’expéditions menées secrètement à la recherche des leur production et leurs différents usages. corps égarés de milliers de soldats, d’un exorcisme diffi- cile, de lutte contre la superstition et d’expérimentations Nguyen Thi Hanh, Les conflits sur « l’extra-sensorialité », de corps dont on ne sait plus frontaliers sino-vietnamiens très bien par qui ils sont animés. de 1885 à nos jours, Paris : Au Vietnam, plusieurs décennies de guerre et de chan- Demopolis, 2018, coll. « Quaero » gements politiques ont bouleversé les relations entre les vivants et les morts. Un nouveau rituel émerge, dans Pays voisins en Asie, le Vietnam et lequel des vivants prêtent leurs corps à des parents dispa- la Chine ont des frontières terrestres rus, permettant à leurs familles de rétablir un contact avec et maritimes communes. Ils se par- eux et de renégocier la place des ancêtres. tagent une frontière terrestre de plus Mais ces nouvelles pratiques suscitent débats et contes- de 1 440 kilomètres qui se déploie tations. Ce livre fait la chronique de cette innovation sur une région montagneuse au nord rituelle, dont les enjeux sont loin de se limiter à une prise du Vietnam et au sud-ouest de la en charge du deuil : des relations familiales au sécularisme Chine. S’agissant de l’espace maritime, les deux pays sont officiel du parti unique au pouvoir, ce sont de nombreux riverains de la mer de Chine méridionale et se partagent aspects de la société vietnamienne qui sont mis à l’épreuve le golfe du Tonkin ainsi que les archipels des Paracels et de la possession. Cet ouvrage décrit une réalité en deve- des Spratleys. nir : on y voit une forme rituelle en train de se stabiliser et, Le conflit territorial et frontalier est récurrent dans les dans ces séances de possession marquées par l’incertitude, relations sinovietnamiennes. Un facteur de complexité la parole des morts est elle-même mise à l’épreuve. supplémentaire tient à la réalité passée mais marquante Fruit d’enquêtes de terrain menées dans le nord du Viet- des ingérences française, japonaise puis américaine. Mais, nam depuis 2007, ce livre entend contribuer à l’ethno- bien que l’on sache depuis longtemps que le Vietnam et graphie des processus de sécularisation à l’œuvre dans le la Chine se disputent toujours sur la question frontalière, Vietnam contemporain, tout en élaborant une approche celle-ci n’a encore jamais fait l’objet de recherches appro- pragmatique des pratiques de possession. fondies. Cette monographie fait le tour du sujet. Sous l’austérité apparente de la thématique, on voit se dérouler "comme Marie de Rugy, Aux confins des dans un roman" le jeu des ambitions. Le retour sur celles empires : Cartes et constructions qu’eut la France coloniale est parfois savoureux ; la France territoriales dans le nord de la s’efforce de jouer gros jeu avec de petits moyens et reprend péninsule indochinoise (1885- à son compte la vieille lutte de l’empire d’Annam contre la 1914), Paris : Éditions de la Chine ; toute une époque révolue resurgit ici. La Chine est Sorbonne, septembre 2018 l’autre acteur majeur, faisant le gros dos dans ces temps de conflit et de difficulté mais n’ayant jamais la moindre idée Au milieu des années 1880, les de céder définitivement un pouce de ses intérêts. marges septentrionales de la pénin- sule Indochinoise sont soumises à une double conquête coloniale, celle de l’Annam et du Tonkin par les Français, et celle de la Haute-Birmanie par les Britanniques. Aux explorations fluviales s’ajoutent la délimitation des frontières et la car- tographie régulière des territoires sous l’égide des diffé-

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Abigaël Pesses, Claire Thi- Témoins privilégiés et souvent inédits, les « Journaux » Liên Tran, dir., L’Asie du Sud- et les « Relations d’un voyage aux Indes orientales » de 1690 offrent une source inépuisable de renseignements Est – 2018 : Bilan, enjeux et sur les conditions d’existence des hommes de mer à la perspectives, Paris : IRASEC, Les fin duxvii e siècle. En effet, en 1690 le jeune officier de Indes Savantes, 2018 plume Robert Challe, les gardes de la Marine Pouchot de Chaque année, l’Institut de Chantassin et le père Lenfant des Missions Étrangères, le recherche sur l’Asie du Sud-Est père Charmot et le jésuite Tachard décrivent de manière contemporaine (Irasec), basé à très réaliste la vie quotidienne à bord du premier arme- Bangkok, mobilise une vingtaine ment mixte français armé pour la Compagnie des Indes de chercheurs et d’experts pour orientales et pour Louis XIV. La navigation, les batailles décrypter l’actualité régionale. L’Asie du Sud-Est – véri- navales, les tempêtes, les conflits politiques et commer- table carrefour économique, culturel et religieux – consti- ciaux et le monde exotique découvert ou entrevu à terre tue un espace unique d’articulation des diversités sur la constituent la trame d’un véritable protocole descriptif. longue durée et le demeure plus que jamais aujourd’hui. Analysés et commentés avec précision et rigueur par Cette collection permet de suivre au fil des ans l’évolution Gaëlle Foures-Legrand, ces Journaux et Relations mis en des grands enjeux contemporains de cette région conti- regard forment un corpus passionnant tant pour l’histoire nentale et insulaire de plus de 640 millions d’habitants et des entreprises du Roi Soleil en Asie, que pour l’étude d’en comprendre les dynamiques d’intégration régionale littéraire du xviie siècle et le développement du récit de et de connectivités avec le reste du monde. voyage. L’Asie du Sud-Est 2018 propose une analyse synthétique et détaillée des principaux événements politiques, éco- Marie-Sybille de Vienne, nomiques et sociaux survenus en 2017 dans chacun des Thaïlande, une royauté onze pays de la région, complétée par un focus sur des bouddhique : aux xxe et xxie siècles, personnalités et une actualité marquantes. L’ouvrage pro- pose également des dossiers thématiques qui abordent Paris : Les Indes Savantes, 2018 cinq sujets transversaux majeurs pour les pays sud-est La modernisation de la royauté asiatiques : la question des classes moyennes, celle des bouddhique mise en œuvre par la populismes et des usages d’Internet, le développement des dynastie Chakri et ses aléas ins- relations Asean-Union européenne et les enjeux sanitaires titutionnels ont abouti sous le roi posés par l’érosion de la biodiversité. Des outils pratiques Bhumibol (r. 1946-2016) à la forma- sont également disponibles, dont une chronologie des tion progressive d’un système d’in- événements des douze derniers mois, une fiche de don- fluence articulant le Conseil Privé, le nées socio-économiques actualisées par pays et un inven- Bureau des propriétés de la Couronne (CPB) et la sym- taire des conflits territoriaux dans la région. bolique royale. Les frustrations d’une part grandissante de la population, la volatilité structurelle des élites, l’an- Gaëlle Foures-Legrand, dir., goisse eschatologique devant la fin prochaine du Roi et la décomposition de l’ordre terrestre qui l’accompagne, ont Relations et Journaux d’un voyage toutefois généré une crise sans précédent dont l’ampleur aux Indes orientales : Campagne est à proportion de l’aura de Rama IX et de l’exception- du premier armement mixte nelle durée de son règne. français 1690-1691, Paris : Les Indes Savantes, 2018 Nathalie Fau et Benoît de Un extraordinaire imbroglio reli- Tréglodé, dir., Mers d’Asie du Sud- gieux et diplomatique entre le roi Est : coopérations, intégration et de Siam Phra Narai et Louis XIV, sécurité, Paris : Editions du CNRS, entre 1680 et 1690, a donné lieu à novembre 2018 des échanges diplomatiques entre les deux Cours et à une intense circulation d’ambassadeurs, envoyés, militaires, L’Asie du Sud-Est, espace géopoli- religieux. tique majeur, est une région à domi- L’auteur a rassemblé tous les journaux et relations nante maritime : l’espace marin y connus relatant l’histoire de l’une de ces escadres, partie dépasse en superficie celui des terres vers l’océan Indien, placée sous le commandement d’un émergées et sa situation exception- marin réputé, fils du « grand » Duquesne, et petit-fils de nelle entre deux océans, Pacifique Jean Guitton, maire de La Rochelle durant le siège, Du et Indien, lui confère un rôle central dans la circulation Quesne-Guitton. maritime mondiale. Loin d’être homogène et uniforme, cette étendue maritime se structure en sous-ensembles Certaines de ces relations sont connues et ont été éditées régionaux et l’ambition de ce livre est de prendre en et rééditées (Robert Challe, le jésuite Tachard). D’autres compte cette diversité : il ne se focalise ainsi pas unique- sont publiées ici pour la première fois. ment sur la mer de Chine méridionale mais traite égale-

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ment de la mer de Sulu-Sulawesi, de Timor et d’Arafura, fait, dès le départ, en fonction même de la fin de la mis- du Golfe du Tonkin, du détroit de Malacca ou encore du sion parlementaire d’Alexandre Varenne en Indochine. Triangle de Corail. Le proconsulat de Varenne en Indochine correspond à Mers et détroits ont toujours joué un rôle central et unifi- la dernière cartouche du projet colonial associatif et pro- cateur dans l’intégration spatiale de cette région. Mais l’in- gressiste, lancé par le Congrès radical de 1907, et animé tervention des puissances coloniales, et surtout la volonté par des gouverneurs généraux éclairés comme Paul Beau, des États après leur indépendance de protéger leur terri- Albert Sarraut, Maurice Long, puis enfin Alexandre toire national ont contribué à l’émergence de différends Varenne. Mais comme souvent, une fin préfigure un frontaliers territoriaux et maritimes. Si la mer cristallise renouveau, elle inaugure en même temps la naissance de ces tensions, elle n’en demeure pas moins au coeur d’en- la doctrine socialiste en matière de politique coloniale. jeux politiques, économiques, sociétaux et environne- L’ouvrage étudie plusieurs aspects du gouvernement mentaux et de nombreuses initiatives de coopération ont Varenne : la personnalité même du nouveau gouverneur été entreprises : exploration et exploitation pétrolières général, et les conditions de sa nomination, son œuvre et gazières, pêche, recherche marine, sécurité maritime, réformatrice, la lutte politique qu’il sera amené à engager protection de l’environnement, opérations de sauvetage et contre toutes les formes de conservatisme en Indochine ; lutte contre la criminalité… mais aussi à Paris au sein du département des Colonies, et Les riches études réunies dans cet ouvrage mettent en même au Conseil des ministres. Pour faire échouer le pro- évidence le caractère transnational des questions mari- jet réformateur de Varenne, un certain nombre d’aigrefins times en Asie du Sud-Est, et croisent pour la première réactionnaires de la politique, et de la presse coloniale, fois la dimension sécuritaire et le poids des coopérations n’hésiteront pas à déclencher contre lui une campagne de régionales. dénonciation de prétendus scandales, tous plus tapageurs les uns que les autres, et qui à la fin ne déboucheront sur Gabriel Facal, La Foi et la force : rien. L’art martial silat de Banten en On ne peut s’empêcher de penser que l’œuvre de Varenne Indonésie, Paris : Les Indes est aussi une ébauche de ce que pourrait être une politique coloniale socialiste. Le travail réalisé par lui, n’aurait-il pas Savantes, 2018 servi de base de réflexion pour les socialistes qui arrive- Cet ouvrage est consacré aux arts ront au pouvoir en 1936 ? martiaux de la région de Banten, à l’ouest de l’île de Java, en Indonésie. Jacques Ivanoff, L’Âme du riz et Ces arts martiaux sont de véritables ses avatars : Les figures tutélaires « initiations rituelles martiales ». Celles-ci recouvrent des activités de l’héroïsme politique malais en aussi variées que l’entraînement au Thaïlande péninsulaire, Paris : Les combat, des danses martiales, des pratiques thérapeu- Indes Savantes, 2018 tiques, de méditation, de souffle et de concentration, des L’auteur entreprend l’étude d’une exercices de renforcement du corps et d’invulnérabilité. autre « frange » du monde malais, De plus, dans les contextes socioreligieux marqués par après les Moken. Le sud de la Thaï- le soufisme, comme c’est le cas à Banten, pour de nom- lande, peuplé de Malais musulmans breux groupes de pratique les initiations sont ultimement qui sont naturellement étrangers orientées vers la religion. Elles sont conçues sur le modèle au milieu dans lequel ils vivent : un de la Voie de l’union avec Dieu (tauhid), suivie par cer- royaume thaï et bouddhiste. Une longue guerre civile, tains grands saints musulmans. Notamment, l’exercice meurtrière, continue d’ensanglanter cette partie de la aux techniques d’invulnérabilité (localement nommées Thaïlande, à quelques encablures de l’île touristique de debus) transmises parallèlement aux techniques de com- Phu Khet… Les politiques contradictoires successivement bat, participe de la pratique religieuse musulmane. La menées par les gouvernements thaïlandais ont échoué. catégorie « arts martiaux » peut donc être incluse dans Mais veut-on vraiment la paix ? une autre, plus large, qui serait celle d’« initiation rituelle Revenant sur l’histoire de ces petits sultanats détachés martiale ». artificiellement du reste de la péninsule Malaise par un accord politique entre l’Angleterre et le Siam au début Patrice Morlat, Indochine années du xxe siècle, l’auteur étudie les mécanismes culturels de vingt, vol. 4, Le proconsulat résistance, et notamment le fonds des mythes locaux. « socialiste » d’Alexandre Varenne, « L’âme du riz » est au cœur de croyances bien anté- Paris : Les Indes Savantes, 2018 rieures à l’arrivée de l’, et par ailleurs communes à une grande partie de l’Asie, y compris hors du monde Cet ouvrage achève le cycle de quatre malais. Le syncrétisme religieux intégrant non seulement tomes, que nous avons consacré à le monde chamanique mais des éléments venus de l’Inde l’histoire de l’Union indochinoise, (hindouisme, bouddhisme) est toujours à l’œuvre et c’est couvrant la période de 1918 à 1928. ce monde riche et complexe qu’étudie ce travail ambitieux. Le choix de la date de clôture avait été

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La collation de ces mythes et récits, l’index et le glossaire Ariane Louvet, Dictionnaire qui l’accompagnent, offrent ainsi un ensemble complet, insolite du Vietnam, Paris : à la suite de l’étude historique et politique de ce monde malais en Thaïlande, toujours au cœur de l’actualité. Cosmopole, 2018 Le Vietnam est un pays au passé Marion Sabrié, Dictionnaire tumultueux, un carrefour entre le monde chinois et le monde indien. insolite de la Birmanie, Paris : C’est ainsi que Bollywood paraî- Cosmopole, 2018 tra très vietnamien ! Revisitant les Blottie entre l’Inde et la Chine, la clichés, ce dictionnaire insolite Birmanie fait toujours autant rêver donne des clefs pour comprendre les voyageurs et les artistes. Avec une atmosphère unique, des tradi- ses mille pagodes aux silhouettes tions et des croyances anciennes que côtoie parfois une dorées, ses milliers de bouddhas et modernité étonnante. Comment survivre, par exemple, à de moines à la robe safran, ses lieux la traversée des rues et au flot ininterrompu de scooters ? aux sonorités ô combien exotiques Pourquoi fait-on la vaisselle dans la salle de bains ? Savez- (Mandalay, Yangon, Mogok, le lac vous que « manger » se dit en vietnamien « manger du Inlé, Bagan, le Triangle d’or…), elle a fait fantasmer des riz », qu’un quartier culturel n’a rien à voir avec la culture explorateurs célèbres, tels Loti, Kipling ou Orwell. La ou pourquoi il vaut mieux être bon chanteur ? Dame du lac, Daw Aung San Suu Kyi, figure principale de l’opposition face à la dictature, en a longtemps été la Références compilées par Hélène Poitevin-Blanchard. seule image médiatique. Ce voyage dans l’insolite birman fera découvrir d’autres facettes d’un pays injustement méconnu.

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Archipel, vol. 95, 2018 Arts of Asia, vol. 47, n° 4, 2017 The aftermath of 1965 : an Indonesian perspective Susan ollemans, Ancient gold rings from asia : the tuyet Elsa Clavé et Asvi Warman Adam, « Introduction » nguyet collection Asvi Warman Adam, « Beberapa Catatan Tentang His- toriografi Gerakan 30 September 1965 » Arts of Asia, vol. 47, n° 5, 2017 Abdul Wahid, « Campus on Fire : Indonesian Universi- John clarke, « Highlights of the lacquer collec- ties During the Political Turmoil of 1950s-1960s » tion from myanmar (Burma) in the Victoria Ahmad Nashih Luthfi, « Kekerasan Kemanusiaan dan and Albert Museum » Perampasan Tanah Pasca- 1965 di Banyuwangi, Jawa Valentina Risdonne, Lucia Burgio, Michael Schilling, Timur » Herant Khanjian, « Scientific analysis of the v & a Hilma Safitri, « Pro dan Kontra Pelaksanaan Program burmese shrin » Land Reform dan Peristiwa 65 di Desa Soge, Kabupaten Indramayu, Jawa Barat2 » Arts of Asia, vol. 47, n° 6, 2017 Varia Ann Proctor, « Book review : Vietnamese Ceramics Henri Chambert-Loir, « Utuy Tatang Sontani et l’homme from the Yi-Lu Collection » aux yeux de braise » Simon Rae, « Sindhunata : An Indonesian Writer in his Arts of Asia, vol. 48, n°. 1, 2018 Context » Imam Ardhianto, « Contemporary Islamic Movement, Florina H. Capistrano-Baker, « Fernando Zobel : contra- Popular Culture and Public Sphere in : The puntos a philippine-spanish exhibition at the Venice #IndonesiaTanpaJIL Movement » biennale » Paula Swart, « Celebrating khmer cultural heritage : L’Archipel au Présent archaeology, research and restitution to Cambodia » Rémy Madinier, « Le gouverneur, la sourate et l’islamiste Kerry Nguyen-Long, « Nam Dinh Provincial Museum, adultère : retour sur l’affaire Ahok » Vietnam » Saskia E. Wieringa, « When a History Seminar Becomes Toxic : A Reading of the Attack on LBH Jakarta in Sep- Arts of Asia, vol. 48, n° 2, 2018 tember 2017 » Denise Patry Leidy, « South and Southeast Asian sculp- Arts Asiatiques, vol. 71, 2017 ture, 7th -9th century »

Articles (The) Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 18, n° 3, Arlo Griffiths, Marine Schoettel & Margaux Tran Quyet 2017 Chinh, « Les bas-reliefs du Rāmāyaṇa de la tour sud de Khương Mỹ » Articles Cristophe Munier-Gaillard, « Contribution à l’histoire Stefanie Steinebach, « Farmers and Pawns : The Role of de la peinture murale bouddhique de Birmanie : origine Migrants in Agrarian Conflicts and Rural Resistance in de la tradition narrative Nyaungyan (milieu du xive-se- , Indonesia » conde moitié du xvie siècle) » Carol Chan, « Not Always ‘Left-Behind’: Indonesian Activités des musées Adolescent Women Negotiating Transnational Mobility, Musée national des arts asiatiques – Guimet Filial Piety and Care » Musée Cernuschi Book review Notes Jeremy Kingsley, « Dynamics of Religion in Southeast Asia : Magic and Modernity » Adalbert J. Gail, « Notes on Khmer Iconography » Ashley Carruthers, « Vietnam’s Socialist Servants : Note de lecture Domesticity, Class, Gender and Identity » Anne Fort, « Arts du Vietnam, une invitation promet- Patrick Guinness, « ‘Getting By’: Class and State Forma- teuse à l’interdisciplinarité » tion among Chinese in » Comptes rendus Forrest McGill (éd.), The Rama Epic. Hero, Heroine, Ally, Foe (Suganya Anandakichenin)

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(The) Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 18, n° 4, Danicar Mariano, Brenda S.A. Yeoh, Yi’En Cheng, « Crossing boundaries of state and religious power : 2017 Reproductive mobilities in Singapore » Leslie Butt, Harriot Beazley & Jessica Ball, « Migrant Mothers and the Sedentary Child Bias : Constraints on Asia Pacific Viewpoint, vol. 59, n° 1, 2018 Child Circulation in Indonesia » Articles (The) Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 18, n° 5, Katherine Gibson [et al.], « Community economies in 2017 Monsoon Asia : Keywords and key reflections » Amanda Yip, Neil M. Coe, « Constrained agencies : The Potent Places in Southeast Asia emergence of Singapore’s distinctive temporary staffing Anne Yvonne Guillou, « Introduction » industry » Nicole Loring, « Overcoming barriers : Myanmar’s Potent Places and in Southeast Asia recent elections and women’s political participation » Anne-Valérie Schweyer, « Potent Places in Central Viet- nam : ‘Everything that Comes Out of the Earth is Cham’» Special Section : The Social Governance of Transna- tional Migration : Perspectives from the Asia Pacific Anne Yvonne Guillou, « Khmer Potent Places : Pāramī and the Localisation of and Monarchy in Nicola Piper, Gaby Ramia, « The social regulation of Cambodia » transnational migration : Perspectives from the Asia Pacific » Stéphanie Khoury, « On Periodically Potent Places : The Theatre Stage as a Temporarily Empowered Space for Stefan Rother, « ASEAN Forum on Migrant Labour : A Performances in Cambodia » space for civil society in migration governance at the regional level ? » Dana Rappoport, « Singing in Dangerous Places (Flores, Lamaholot, Indonesia) » Asia Pacific Viewpoint, vol. 59, n° 2, 2018 (The) Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 19, n° 1, Jonathan Rigg, « Rethinking Asian poverty in a time of 2018 Asian prosperity »

Esther Horat, « Rearranging Care, Reconfiguring Gen- Asian Affairs, vol. 49, n° 1, 2018 der : Family and Household Business in Post-Đổi Mới Vietnam » Martin Purbrick, « Pirates of the South China seas » Chika Watanabe, « The Politics of Aid to Burma : A Humanitarian Struggle on the Thai-Burmese Border » Asian Anthropology, vol. 16, n° 1 (2017) (The) Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 19, n° 3, Kumiko Kawashima & Brenda S.A. Yeoh, « Introduction 2018 for a special section on mobilities and exceptional spaces in Asia » Paul Michael Leonardo Atienza, « Censoring the Sexual Juan Zhang, Brenda S.A. Yeoh & Kamalini Ramdas, Self : Reflections from an Ethnographic Study of Gay « Self-fashioning exceptionality : flexible workers in Sin- Filipinos on Mobile Dating Apps in Manila » gapore’s casino resorts » Jennifer Alexander, « Migration, Imagination and Iden- Johan Fischer, « Middle-class projects in modern Malay- tity in Modern Sarawak » sia »

(The) Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 19, n° 4, Asian Anthropology, vol. 17, n° 1 (2018) 2018 Keiko Miura, « The politics of international guidance of Le Hoang Ngoc Yen, « The of Lepers : Compas- heritage tourism : contrasting national and local inter- sion, Discipline and Surrogate Parenthood in a Former pretations and applications at Angkor World Heritage Leper Colony of Vietnam » site »

Asia Pacific Viewpoint, vol. 58, n° 2, 2017 Asian Anthropology, vol. 17, n° 2 (2018) Linda Bennett, Mulyoto Pangestu, « Regional reproduc- Manynooch Faming, « Big (wo) man politics : gender tive quests : Cross‐border reproductive travel among equality in Laos ? » infertile Indonesian couples »

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Articles Chiara Bocci & Roderich Ptak, « The Entries on Birds in Ben Murtagh, « Double Identities in Dorce’s Comedies » Liu Xun’s Lingbiao lu yi » Nicholas J. White, « The Settlement of Decolonization Chronique & Notes and Post-Colonial Economic Development » Inscriptions of Early Āndhradeśa : Results of fieldwork Sheri Lynn Gibbings ; Elan Lazuardi and Khidir Mar- in January and February 2016 (Stefan Baums, Arlo Grif- santo Prawirosusanto, « Mobilizing the Masses » fiths, Ingo Strauch & Vincent Tournier) Zane Goebel ; Anthony Jukes and Izak Morin, « Linguis- Lectures Critiques tic Enfranchisement » Towards a Critical Edition of the Nyāyamañjarī (Kei Ian Caldwell and Kathryn Wellen, « Finding Cina » Kataoka) Susana Barnes ; Hans Hägerdal and Lisa Palmer, « An A Clear and Learned Guide in Reading Candrakīrti’s East Timorese Domain » Prasannapadā (Mattia Salvini) Intan Paramaditha, « Film Studies in Indonesia » Early Exegesis of the Guhyasamāja : Philological Notes Tom Hoogervorst, « Learning to Love the Unknown » on the Vyavastholi of Nāgabuddhi (Péter-Dániel Szántó) S.R. Joey Long, « Recent Books on Malayan Indepen- Editing and Translating the Old Javanese Kakavin dence » Rāmāyaṇa (Andrea Acri)

Bijdragen tot de Taal-, Land- en Volkenkunde, Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, vol. 103, vol. 173, n°4, 2017 2016 Introduction Articles Henk Schulte Nordholt, « New Urban Middle Classes in Andrew Ollett, « Explaining Prakrit Poetry In The 18th Colonial Java » Century : Vrajarāja Dīkṣita’s Commentary On Hāla’s Articles Seven Centuries » Arlo Griffiths, Bob Hudson, Marc Miyake & Julian K. Tom Hoogervorst and Henk Schulte Nordholt, « Urban Wheatley, « Studies In Pyu Epigraphy, I : State Of The Middle Classes in Colonial Java (1900 – 1942) » Field, Edition And Analysis Of The Kan Wet Khaung Dafna Ruppin, « The Emergence of a Modern Audience Mound Inscription, And Inventory Of The Corpus » for Cinema in Colonial Java » Jiří Jákl & Tom Hoogervorst, « Custom, Combat, And Arnout H.C. van der Meer, « Performing Colonial Ceremony : Java And The Indo-Persian Textile Trade » Modernity » Jennifer L. Gaynor, « Tiworo In The Seascape Of The Yatun Sastramidjaja, « In Search of Young Citizens » Spice Wars » Dick van der Meij, « Recent Books on Indonesian Manuscript » Dossier « Storage Jars : Evidence for Long-Distance Maritime Trade », sous la direction de ZHAO Bing Nathan Porath and Chayan Vaddhanaphuti, « Animism and Personal Religion in Southeast Asia » Zhao Bing, « The Production of Storage Jars in China and Southeast Asia : A Vibrant but Little-Known Arti- Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, vol. 102, sanal Practice » Louise Allison Cort, « Container Jars from the Maenam 2016 Noi kilns, Thailand : Use and Reuse along Maritime Articles Trade Routes in Asia » Armand Desbat, « Les jarres de stockage khmères (ixe- Hugo David, « Les origines du Vedānta comme tradition xive siècle) » scolastique. État du problème, nouvelles hypothèses » Béatrice Wisniewski, « Les sites de production des jarres Hermann Kulke, « Srivijaya Revisited : Reflections on de stockage vietnamiennes pour le commerce maritime, State Formation of a Southeast Asian Thalassocracy » du xvie au xviiie siècle : état de la recherche » Muriel Charras†, « Feeding an Ancient Harbour-City : Wong Sharon Wai-Yee, « Rethinking Storage Jars Found Sago and Rice in the Palembang Hinterland » in the 9th to 20th Centuries Archaeological Sites in Annabel Teh Gallop, « The Early Use of Seals in the Guangdong, Hong Kong, and Macau » Malay World » Qin Dashu, Chang Jung Jung & Yu Shan, « Early Results Jiří Jákl, « The Folding Book Format (Concertina) in Of An Investigation Into Ancient Kiln Sites Producing Pre-Islamic Java : Revisiting Old Javanese Term lәpihan » Ceramic Storage Jars And Some Related Issues » Arlo Griffiths & Amandine Lepoutre, « Études du cor- Nathan W. Hill, « Songs of the Bailang : A New Trans- pus des inscriptions du Campa, VIII. Les inscriptions cription with Etymological Commentary » des piédroits des temples de Po Klaong Girai (C. 8-11), de Linh Thái (C. 109-110) et de Yang Prong (C. 116) »

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Notes & Chroniques Wawan Mas’udi, Nanang Indra Kurniawan, « Program- L’inscription du vatt Mahā Lābh K. 1046 (Olivier de Ber- matic Politics and Voter Preferences : The 2017 Election non) in Kulon Progo, Yogyakarta » Édouard Chavannes, Lu Xun et la Mission archéolo- Muhammad Mahsun, « Peasants and Politics : Achieve- gique dans la Chine septentrionale (He Mengying) ments and Limits of Popular Agency in Batang, » Lectures Critiques George Towar Ikbal Tawakkal, Andrew D Garner, Ratnamati et ses œuvres (Alastair Gornall) « Unopposed but Not Uncontested : Brokers and « Vote Buying » in the 2017 Pati District Election » Contemporary Southeast Asia, vol. 39, n° 1, avril 2017 Haryanto, « Adaptation and Continuities in Clientelism in a Fishing Community in Takalar, South Sulawesi » Roundtable Rizkika Lhena Darwin, « The Power of Female Brokers : Catharin Dalpino [et al.], « The Trump Presidency and Local Elections in North » Southeast Asia » Yogi Setya Permana, When the Supporters Do Not Sup- Articles port : Politicizing a Soccer Fan Club in an Indonesian Duncan McCargo, Saowanee T Alexander, Petra Desa- Election » tova, « Ordering Peace : Thailand’s 2016 Constitutional Referendum » Contemporary Southeast Asia, vol. 40, n° 1, avril 2018 Dian Azmawati, Linda Quayle, « Promoting ASEAN Andrew Selth, « All Going According to Plan ? The Awareness at the Higher Education Chalkface » Armed Forces and Government in Myanmar » Gregory Vincent Raymond, « Naval Modernization Hah Foong Lian, « “Us” Versus “Them” : An Ideological in Southeast Asia : Under the Shadow of Army Domi- Battle for Electorates on Political YouTube Videos in the nance ? » 2016 Sarawak State Election » Diego Fossati, « From Periphery to Centre : Local Shaun Narine, « US Domestic Politics and America’s Government and the Emergence of Universal Health- Withdrawal from the Trans-Pacific Partnership : Impli- care in Indonesia » cations for Southeast Asia » Damien Kingsbury, « Timor-Leste’s Challenged Political Contemporary Southeast Asia, vol. 39, n° 2, août 2017 Process : 2016 – 17 » Roundtable Rebecca Strating, « Maritime Territorialization, UNCLOS and the Timor Sea Dispute » Marty Natalegawa [et al.], « ASEAN at Fifty and Beyond » Clare Wenham, « Regionalizing Health Security : Thai- land’s Leadership Ambitions in Mainland Southeast Articles Asian Disease Control » Zhang Hongzhou, Sam Bateman, « Fishing Militia, the Securitization of Fishery and the South China Sea Dis- Contemporary Southeast Asia, vol. 40, n° 2, août 2018 pute » Nicole Jenne, « The Thai – Cambodian Border Dispute : Jonathan Sutton, « Hun Sen’s Consolidation of Personal An Agency-centred Perspective on the Management of Rule and the Closure of Political Space in Cambodia » Interstate Conflict » Aulia Nastiti, Sari Ratri, « Emotive Politics : Islamic Chietigj Bajpaee, « Dephasing India’s Look East/Act East Organizations and Religious Mobilization in Indonesia » Policy » Iris Chen Xuechen, « The Role of ASEAN’s Identities in Mai Duong, « Blogging Three Ways in Vietnam’s Politi- Reshaping the ASEAN – EU Relationship » cal Blogosphere » Dominic Nardi, « Can NGOs Change the Constitution ? Civil Society and the Indonesian Constitutional Court » Contemporary Southeast Asia, vol. 39, n° 3, Rebecca Gidley, « Trading a Theatre for Military Head- décembre 2017 quarters : Locating the Khmer Rouge Tribunal » Xue Gong, « The Role of Chinese Corporate Players in The 2017 Pilkada (Local Elections) In China’s South China Sea Policy » Indonesia : Clientelism, Programma- tic Politics and Social Networks Critical Asian Studies, vol. 49, n° 3, septembre 2017 Edward Aspinall, Wawan Mas’udi, « The 2017 Pilkada (Local Elections) in Indonesia : Clientelism, Program- Elisabeth Olivius, « Sites of Repression and Resistance : matic Politics and Social Networks » Political Space in Refugee Camps in Thailand » Cornelis Lay, Hasrul Hanif, Ridwan, Noor Rohman, Mohd Faizal Musa and Beng Hui Tan, « State-Backed « The Rise of Uncontested Elections in Indonesia : Case Discrimination against Shia Muslims in Malaysia » Studies of Pati and Jayapura »

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Edwin B.P. de Jong, Luuk Knippenberg, and Laurens Jonathan Ong and Pamela Combinido, « Local Aid Bakker, « New Frontiers : Indonesia’s Resource Extrac- Workers in the Digital Humanitarian Project : Between tion Areas » "Second Class Citizens" and "Entrepreneurial Survi- Diana Suhardiman, Jeff Rutherford and Saw John Bri- vors" » ght, « Putting Violent Armed Conflict in the Center of Dakila Kim P. Yee, « Constructing Reconstruction, the Salween Hydropower Debates » Territorializing Risk : Imposing « No-Build Zones » in Duncan McCargo, « Thailand’s Urbanized Villagers and Post-Disaster Reconstruction in Tacloban City, Philip- Political Polarization » pines » Ardeth Thawnghmung, « Signs of Life in Myanmar’s Colin Walch, « Typhoon Haiyan : Pushing the Limits of Nationwide Ceasefire Agreement (NCA) ? Finding a Resilience ? : The Effect of Land Inequality on Resilience Way Forward » and Disaster Risk Reduction Policies in the Philippines » Netra Eng and Caroline Hughes, « Coming of Age in Caroline Compton, « The Unheeded Present and the Peace, Prosperity, and Connectivity : Coming of Age in Impossible Future : Temporalities of Relocation after Peace, Prosperity, and Connectivity » Typhoon Haiyan » Merlyna Lim, « Freedom to Hate : Social Media, Algo- rithmic Enclaves, and the Rise of Tribal Nationalism in Critical Asian Studies, vol. 50, n° 2, juin 2018 Indonesia » Nur Amali Ibrahim, « Everyday Authoritarianism : A Philip F. Kelly, Elisabeth Kramer, Chaya Go, Ethel Tun- Political Anthropology of Singapore » gohan, Jason Morris-Jung, and Dominique Caouette, Expertise, Embodiment, and the Dilemmas of Activist Critical Asian Studies, vol. 50, n° 3, septembre 2018 Research in Southeast Asia » Laura Schoenberger and Alice Beban, « What is Acade- Elizabeth Drexler, « Victim-Warriors and Iconic mic Research on the Cambodian Frontier ? » Heroines : Photographs of Female Combatants in Aceh, Jason Morris-Jung, « Reflections on Governable Spaces Indonesia » of Activism and Expertise in Vietnam » Peter Job, « The Evolving Narrative of Denial : The Fraser Nga Dao, « Reflecting on the Role of Academics/Acti- Government and the Timorese Genocide, 1975-1980 » vists in Shifting Hydropower Narratives in Vietnam » Chaya Ocampo Go, « I Go Home to Work : A Filipina’s Hague Journal on the Rule of Law, vol. 9, n° 2, 2017- Practice of Activist Scholarship in the Wake of Super vol. 10, n° 1, 2018 Typhoon Yolanda » Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est Elisabeth Kramer, « Reflections on Academic Acti- vism against the Death Penalty for Drug Traffickers in Hmong Studies Journal, vol. 19, 2017 Indonesia » Johan Saravanamuttu, « Engaged Scholars in Socio-Poli- Articles tical Reform : The Case of Aliran » Maiteng Lor, Emil Rodolfa and Beth Limberg, « Does Arianto Sangadji, « Reflections on Activists and Scholars Acculturation and Stigma Affect Hmong Women’s Atti- in Indonesia » tudes Toward and Willingness to Seek Counseling Ser- Peter Vandergeest, Olivia Tran, and Melissa Marschke, vices ? » « Modern Day Slavery in Thai Fisheries : Academic Cri- Carl Romstad and Zha Blong Xiong, « Measuring For- tique, Practical Action » mal Intelligence in the Informal Learner : A Case Study Henryk Alff, « Geopolitics and Inter-Actor Relations : of Hmong American Students and Cognitive Assess- Reflections on China’s Rise in Asia » ment » Nengher Vang and Jeremy Hein, « From Kwvtxhiaj and Critical Asian Studies, vol. 49, n° 4, décembre 2017 Pajntaub to Theater and Literature : The Role of Gene- ration, Gender and Human Rights in the Expansion of Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est Hmong American Art » Critical Asian Studies, vol. 50, n° 1, mars 2018 Commentary Paul Hillmer and Mary Ann Yang, « Ignorance as Bias : Saskia Schäfer, « Ahmadis or ? : The Pola- Radiolab, Yellow Rain, and The Fact of the Matter’by » rization of Post-Reform Public Debates on Islam and » Indonesia (Cornell University), vol. 103, 2017 Nicole Curato, « Introduction : Beyond the Spectacle : Slow-Moving Disasters in Post-Haiyan Philippines » Heidhues, Mary Somers, « Bangka in the 1950’s : Indone- Yvonne Su and Ladylyn Mangada, « A Tide that Does sian Authority and Chinese Reality » Not Lift All Boats : The Surge of Remittances in Post-Di- Kuipers, Joel C. ; Askuri, « Islamization and Identity in saster Recovery in Tacloban City, Philippines » Indonesia : The Case of Arabic Names in Java »

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Journal of Asian and African Studies, vol. 53, n° 3, 2018 Journal of Burma Studies, vol. 21, n°1, 2017 Connie Bayudan-Dacuycuy, Lawrence B Dacuycuy, Alex Ruiz Falques, « The Role of Pali Grammar In Lawrence B Dacuycuy, « Wages, Housework and Atti- Burmese Buddhism » tudes in the Philippines » Lillian Handlin, « Helping Against Lives’Uncertainties and the « » Label » Journal of Asian and African Studies, vol. 53, n° 4, 2018 Peter Swift, « The Burma Democratic Front : How the Cuong Viet Nguyen, Dat Tho Tran, « Proxy Means Tests Eighty-Eight Generation Chin were Mobilized into the to Identify the Income Poor : Application for the Case of Chin National Front » Vietnam » AA Bastian, « The Other Bayonet : A New Source to Frame the Second Anglo-Burmese War » Journal of Asian and African Studies, vol. 53, n° 5, 2018 Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est Journal of Burma Studies, vol. 21, n°2, 2017 Pum Khan Pau, « Disarmament and Resistance in Colo- Journal of Asian and African Studies, vol. 53, n° 6, 2018 nial Burma : A Case Study of the Chin Hills » Akm Ahsan Ullah, Sharifah Nurul Huda Alkaff, « Bio- Giulia Garbagni, « “The Friends of the Burma Hill logical Remittance Among Migrant Workers : Social People” : Lt. Col. John Cromarty Tulloch and the British Ramifications in the Philippines and Indonesia » Support to the Karen Independence Movement, 1947- 1952 » (The) Journal of Asian Studies, vol. 76, n° 2, mai 2017 Lindsay C. Stubbs, « Railways in Shan State » Susan Conway, « Textiles and Power : A Tai Ray Christensen, Joel Sawat Selway, « Pork-Barrel Poli- System » tics and Electoral Reform : Explaining the Curious Diffe- Georg Winterberger, « Myanmar. Through the lens of rences in the Experiences of Thailand and Japan » people »

(The) Journal of Asian Studies, vol. 76, n° 3, août 2017 Journal of Current Southeast Asian Affairs, vol. 36, n°1, Yufen Chang, « Spatializing Enlightened Civilization in 2017 the Era of Translating Vernacular Modernity : Colonial Vietnamese Intellectuals’Adventure Tales and Travelo- Articles gues, 1910s – 1920s » Jens Marquardt, « How Power Affects Policy Implemen- tation : Lessons from the Philippines » (The) Journal of Asian Studies, vol. 77, n° 1, janvier 2018 Mohamed Nawab Mohamed Osman, Rashaad Ali, « Sarawak State Elections 2016: Revisiting Federalism in K. W. Taylor, « What Lies Behind the Earliest Story of Malaysia » Buddhism in Ancient Vietnam ? » Hannah Cotillon, « Territorial Disputes and Nationa- Alicia Turner, « Pali Scholarship “in Its Truest Sense” in lism : A Comparative Case Study of China and Viet- Burma : The Multiple Trajectories in Colonial Deploy- nam » ments of Religion » Maung Aung Myoe, « The NLD and Myanmar’s Foreign Policy : Not New, But Different »

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Journal of Southeast Asian Economies, vol. 35, n° 2, Nathan McGovern, « Balancing the foreign and the familiar in the articulation of kingship : The royal court août 2018 Brahmans of Thailand »

The Indonesia Economy in Transition : Policy Journal of Southeast Asian Studies, vol. 48, n° 3, Challenges in the Jokowi Era and Beyond octobre 2017 Natasha Hamilton-Hart, « How Well Is Indonesia’s Financial System Working ? » Keng We Koh, Liazzat J.K. Bonate, « Connections and Gerrit J. Gonschorek, Günther G. Schulze, « Continuity comparisons : Region and the world in framing early or Change ? Indonesia’s Intergovernmental Fiscal Trans- modern Southeast Asian history » fer System under Jokowi » Barbara Watson Andaya, « Seas, oceans and cosmolo- Chris Manning, Devanto Pratomo, « Labour Market gies in Southeast Asia » Developments in the Jokowi Years » Leonard Y. Andaya, « Flights of fancy : The bird of para- Sandra Kurniawati, Daniel Suryadarma, Luhur Bima, dise and its cultural impact » Asri Yusrina, « : A White Ele- Keng We Koh, « Familiar strangers and stranger-kings : phant ? » Mobility, diasporas, and the foreign in the eighteen- Asep Suryahadi, Ridho Al Izzati, « Cards for the Poor th-century Malay world » and Funds for Villages : Jokowi’s Initiatives to Reduce Peter Borschberg, « The value of Admiral Matelieff’s Poverty and Inequality » writings for studying the history of Southeast Asia, John McCarthy, Mulyadi Sumarto, « Distributional c.1600 – 1620 » Politics and Social Protection in Indonesia : Dilemma of Layering, Nesting and Social Fit in Jokowi’s Poverty Journal of Southeast Asian Studies, vol. 49, n° 1, Policy » février 2018 Original research articles Kathryn Hansen, « Parsi theatrical networks in Sou- Hieu C. Nguyen, « Empirical Evidence of Structural theast Asia : The contrary case of Burma » Change : The Case of Vietnam’s Economic Growth » Katherine A. Bowie, « The historical vicissitudes of the Vanxay Sayavong, « Technical Inefficiency in Paddy Rice Vessantara Jataka in mainland Southeast Asia » Production in Laos » Visisya Pinthongvijayakul, « Personhood and political Fok Kuk Fai, Cheng Ming Yu, Tan Hoi Piew, « Determi- subjectivity through ritual enactment in Isan (northeast nants of Spatial Distribution of Highly Skilled Diasporas Thailand) » of Five ASEAN Countries » Kathrine Ann D. Cagat, « Mixed views on the Philip- Policy note pines’Ifugao Rice Terraces : ‘Good’versus ‘beautiful’in Sanjay Kalra, Bui Thi Trang Dzung, « Robust Measures the management of a UNESCO World Heritage site » of Core Inflation for Vietnam » Jamie S. Davidson, « Stagnating yields, unyielding pro- fits : The political economy of Malaysia’s rice sector » Research note Justin Thomas McDaniel, « Ethnicity and the galactic Tulus Tambunan, « The Performance of Indonesia’s polity : Ideas and actualities in the history of Bangkok » Public Credit Guarantee Scheme for MSMEs : A Regio- nal Comparative Perspective » Journal of Southeast Asian Studies, vol. 49, n°2, Journal of Southeast Asian Studies, vol. 48, n° 2, juin 2018 juin 2017 Caroline Bennett, « Living with the dead in the killing fields of Cambodia » Alexander Wain, « The two Kronik Tionghua of Sema- rang and Cirebon : A note on provenance and reliabi- Muhammad Arafat Bin Mohamad, « Memories of col- lity » lective victimhood and conflict in southern Thailand » Els Bogaerts, « Mediating the local : Representing Catherine Arthur, « From Fretilin to freedom : The evo- Javanese cultures on local television in Indonesia » lution of the symbolism of Timor-Leste’s national flag » Maria Myutel, « Ethnicity and social relations in Indone- Joseph Scalice, « Pamitinan and Tapusi : Using the Car- sian television production houses » pio legend to reconstruct lower-class consciousness in the late Spanish Philippines » Filomeno V. Aguilar, « Colonial sugar production in the Spanish Philippines : Calamba and Negros compared » Nadi Tofighian, « Mapping ‘the whirligig of amuse- ments’in colonial Southeast Asia » Sinae Hyun, « Mae Fah Luang : Thailand’s Princess Mother and the Border Patrol Police during the Cold Jesrina Ann Xavier, Edmund Terence Gomez, « Still an War » ethnic enterprise after a generational change ? Indian- owned SMEs in Malaysia »

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77 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — REVUE DES REVUES

Edward Miller, « The Postcolonial WarHue-Tam Ho Tai Kyoto Review of Southeast Asia, vol. 22, and the “Vietnamese Turn” In Vietnam War Studies » septembre 2017 Christina Schwenkel, « On Memory and Materiality in the Study of Vietnam » Thai Cosmic Politics : Locating Ann Marie Leshkowich, « On Radicalism and Ethnogra- Power in a Diverse Kingdom phic Research on Gender and Sexuality in Contempo- Daena Funahashi, « In the Name of the People : Magic rary Vietnam » and the Enigma of Health Governance in Thailand » Nguyễn Thị Phương Châm, « Life Stories of Vietnamese Andrew Alan Johnson, « Land and Lordship : Royal Women Married to Chinese Men in Wanwei, Guangxi, Devotion, Spirit and the Geo-body » China : A New Research Approach in Vietnam » Anusorn Unno, « “Raya Kita” : Malay Muslims of Sou- Afterword thern Thailand and the King » Hue-Tam Ho Tai, « On Becoming a Student of Viet- Giuseppe Bolotta, « A Christmas Mourning : Catholi- namese History » cism in Post-Bhumibol Thailand » Hue-Tam Ho Tai : List of Publications Matthew Phillips, « Good, Clean Mourning in Thai- land’s Cosmopolitan Cosmos » Journal of Vietnamese Studies, vol. 12, n°4, fall 2017 Kyoto Review of Southeast Asia, vol. 23, mars 2018 Research Essays Li Tana, « A Tale of Two Waterways : Integration in Viet- Joseph Chinyong Liow, « Islamism in Southeast Asia » namese History and Thanh Hóa in Central Vietnam » Zoltan Pall, « Modalities of Salafi Transnationalism in Han Xiaorong, « A Community between Two Nations : Southeast Asia » The Overseas Chinese Normal School in Hà Nội, 1956 Sumanto Al Qurtuby, « Indonesia’s Islamist Mobiliza- – 1972* » tion » Joanna Markbreiter, « Developing ImagesWriting Pho- Yvonne Tew, « Constitutionalizing and Politicizing Reli- tographs into the Vietnamese-American Diaspora » gion in Contemporary Malaysia » Kikue Hamayotsu, « Moderate-radical Coalition in the Journal of Vietnamese Studies, vol. 13, n°1, winter Name of Islam : Conservative Islamism in Indonesia and 2018 Malaysia » Dominik M. Müller, « Islamic Authority and the State in Research Essays Brunei Darussalam » John C. Schafer, « Ngô Kha, Vietnam’s Civil Wars, and the Need for Forgiveness » Modern Asian Studies, vol. 51, n° 3, 2017 Ly Chu, « The Quest for Research on Social Class Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est in Contemporary Vietnam : Overview of Current Approaches and Suggestions for Considering Pierre Bourdieu’s Theoretical Framework » Modern Asian Studies, vol. 51, n° 4, 2017 Shaun Kingsley Malarney, « Dangerous Meats in Colo- Christian C. Lentz, « Cultivating Subjects : Opium and nial Hà Nội » rule in post-colonial Vietnam » Review Essays Dave Lumenta, « The Political Economy of Ending Hai-Dang Phan, Hao Phan, « Two Readings of Two Headhunting in Central Borneo : Inter-colonial and Books by Viet Thanh Nguyen » Kenyah perspectives on the 1924 Kapit Peacemaking Agreement and its aftermath » Journal of Vietnamese Studies, vol. 13, n°2, spring Modern Asian Studies, vol. 51, n° 5, 2017 à vol. 52, 2018 n° 1, 2018 Research Essays Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est Martin Gainsborough, « Malesky vs. Fforde : How Best to Analyze Vietnamese Politics ? » Modern Asian Studies, vol. 52, n° 2, 2018 Angie Ngọc Trần, Vicki Crinis, « Migrant Labor and State Power : Vietnamese Workers in Malaysia and Viet- Quentin (Trais) Pearson, « Morbid Subjects : Forensic nam » medicine and sovereignty in Siam » Ole Bruun, Luu Bich Ngoc, « Local and Indigenous Stephanie Po Yin Chung, « Creating ‘Family’Networks Knowledge for Disaster Prevention and Livelihood Pro- across Time and Space : The Alsagoffs in Singapore, 1824 tection in Rural North Central Vietnam » – 2009 »

78 — LA LETTRE DE L'AFRASE • N° 95 — REVUE RUBRIQUE DES REVUES

Puli Fuwongcharoen, « ‘Long Live Ratthathammanūn !’: Moussons. Recherches en sciences humaines sur l’Asie Constitution in revolutionary Siam » du Sud-Est, n°30, 2018 Modern Asian Studies, vol. 52, n° 3, 2018 Le patrimoine au Cambodge. Anciens rites, Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est nouveaux usages et enjeux d’appropriation Sous la direction de Marie Aberdam et Téphanie Sieng Modern Asian Studies, vol. 52, n° 4, 2018 Articles Claire Lowrie, « ‘What a Picture Can Do’: Contests Marie Aberdam et Téphanie Sieng, « Introduction. Défi- of colonial mastery in photographs of Asian ‘house- nir le patrimoine au Cambodge » boys’from Southeast Asia and Northern Australia, 1880s Frédéric Bourdier, « La nature téléguidée : mise en patri- – 1920s » moine d’un village dans la province de Ratanakiri » Téphanie Sieng, « À la conquête des marges dans le Modern Asian Studies, vol. 52, n° 5, 2018 Nord-Est cambodgien : l’enjeu du patrimoine à Ratana- Pas d’article sur l’Asie du Sud-Est kiri » Marie Aberdam, « Chantiers de pagodes dans le Cam- Moussons. Recherches en sciences humaines sur l’Asie bodge colonial (1900-1940) » du Sud-Est, n° 29, 2017 Francesca Billeri, « The Process of Re-Construction and Revival of Musical Heritage in Contemporary Cambo- Le commerce du sexe en Asie du Sud- dia » Est. Approches pluridisciplinaires Stéphanie Khoury, « De rituel local à patrimoine natio- Sous la direction de Laurence Husson nal, réflexions sur l’expression rurale d’un théâtre au Cambodge » Articles Sophie Biard, « Réflexions sur l’histoire de l’exposition Graeme John Hugo, « Population Mobility And Prosti- et de la restauration des effigies de culte anciennes au tution In Southeast Asia » Cambodge » François-Xavier Bonnet, « From Oripun to the Anne-Laure Porée, « Tuol Sleng, l’histoire inachevée Yapayuki-San : An Historical Outline of Prostitution in d’un musée mémoire » the Philippines » Notes Terence H. Hull, « From Concubines to Prostitutes. À Partial History of Trade in Sexual Services in Indone- Ang Chouléan, « Le tamarin dans la cuisine des vil- sia » lages d’Angkor : des Mémoires de Zhou Daguan à aujourd’hui » Isabelle Tracol-Huynh, « Silhouettes du monde prostitu- tionnel : les prostituées au Tonkin colonial » Olivier de Bernon, « Les collections de périodiques du Cambodge de la seconde moitié du xxe siècle et du début Philippe Le Failler, « Le renouveau des lentilles d’eau : de e siècle » du xxie réunies par l’EFEO : un patrimoine unique pour la prostitution à Hanoi à la toute fin du xx la recherche » Jean Baffie, « From Ying Nakhon Sopheni to Sao Bori- kan : Banality and Originality in the Development of Moussons. Recherches en sciences humaines sur l’Asie Prostitution in Thailand » du Sud-Est, n° 31, 2018 Marion Bottero, « Le fantasme de la femme thaïlandaise et la crise occidentale de la masculinité » Florilège asiatique offert à Jean Baffie Laurence Husson, « Who Are the Clients and What They Say about Prostitution in South-East Asia ? » Articles Monique Zaini-Lajoubert, « Dans la littérature malai- Pierre Le Roux, « Jean Baffie, savant interdisciplinaire et sienne, la prostitution est un fléau social à éradiquer » passeur de savoir » Pierre Le Roux, « Principaux travaux de Jean Baffie. Note Bibliographie très provisoire Emmanuel Poisson, « Cave (L’entraîneuse). Un essai de Charles Goldblum, « Marcheur de villes, passeur de Nguyễn Việt Hà traduit par Emmanuel Poisson » mots : Jean Baffie initiateur à la lecture de Bangkok » Gilles Delouche, « Le Poème de la prédiction sur la fin d’Ayudhya (เพลงยาวพยากรณ์กรุง ศรีอยุธยา/phle :ŋ ja : w pháʔja : kɔ : n kruŋ sǐ : ʔàʔjúʔtháʔja :/) » Thanida Boonwanno, « Ethnogenèse des Thaïs- Ko-Kong : une « ethnie-frontières » dans un espace transfrontalier. Hommage à Jean Baffie, mon achan »

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Bernard Formoso, « Social and Spatial Organization of (The) Pacific Review, vol. 30, n°6, 2017 the Tai Deng of Mai-Châu (Viêt Nam) before 1954 » Barbara Drouot-Baille, « Papeete et ses shophouses. La Richard Robison & Vedi R. Hadiz, « Indonesia : a tale of sinisation d’un paysage urbain (1900-1970) » misplaced expectations » Bernard Sellato, « La vannerie à Bornéo : fonctions Helen E. S. Nesadurai, « ASEAN during the life of The sociales, rituelles, identitaires » Pacific Review : a balance sheet on regional governance Bernard Moizo, « Mais où sont les rituels d’antan ? Les and community building » Aborigènes des Kimberleys (Australie) et la mondiali- sation » Péninsule, n° 73, 2016 Notes Mémoire collective chez les Khmers et leurs voisins Louise Pichard-Bertaux, « Traduire le thaï : un exemple Marie Aberdam, « La généalogie politique des Pok- littéraire » Thiounn. Réflexion sur l’élaboration d’alliances dans la Edouard Degay Delpeuch, « Les maîtres de la fête : une haute administration khmère du Protectorat et leur pos- cérémonie du wai khru de la province de Phetchabun térité politique (c.1914-1992) » (Thaïlande) » Stéphanie Khoury, « La pratique de rites théâtraux Entretien comme vecteur de transmission d’un passé collectif dans l’espace rural cambodgien » Quelques questions à Jean Baffie Lucille Labbé, « Apsaras de pierre, apsaras de chair. (The) Pacific Review, vol. 30, n°3, 2017 Occurrences et réappropriation du passé dans la danse classique khmère » Thearith Leng, « Small state diplomacy : Cambodia’s Fabienne Luco, « Angkor ou le paysage palimpseste. Les foreign policy towards Vietnam » traces dans le paysage comme supports à la transmission Alan Chong & Samuel Chan, « Militarizing civilians d’histoires » in Singapore : preparing for ‘Crisis’within a calibrated Marie-Sybille de Vienne, « Les sultans de Brunei, héri- nationalism » tiers du Funan et descendants du Prophète. Écriture de Moch Faisal Karim, « Role conflict and the limits of l’histoire et manipulations des sources dans la construc- state identity : the case of Indonesia in pro- tion d’une identité nationale » motion » Gilles Delouche, « Quelle lecture faire des chroniques Karen P. Y. Lai & Michael Samers, « Conceptualizing royales d’Ayutthaya ? » Islamic banking and finance : a comparison of its deve- lopment and governance in Malaysia and Singapore » Péninsule, n° 74, 2017

(The) Pacific Review, vol. 30, n°4, 2017 I. Sources et traitements des sources en Asie du Sud-Est péninsulaire Robert Yates, « ASEAN as the ‘regional conductor’: Laos understanding ASEAN’s role in Asia-Pacific order » Michel Lorrillard, « Les inscriptions sur stèle du Lan Na Stéphanie Martel, « From ambiguity to contestation : et du Lan Xang (xve-xviie siècles) ; pour une approche discourse(s) of non-traditional security in the ASEAN nouvelle de l’histoire des royaumes t’ai septentrionaux » community » Jenny Hedström, « The political economy of the Kachin Champa revolutionary household » Pierre-Emmanuel Bachelet, « Cartographies croisées du Campa moderne : un royaume d’Asie du Sud-Est au (The) Pacific Review, vol. 30, n°5, 2017 cœur de la première mondialisation des savoirs géogra- phiques » William Case, « Stress testing leadership in Malaysia : Amandine Lepoutre, « Les administrateurs du territoire the 1MDB scandal and Najib Tun Razak » cam au xviie siècle » Kentaro Fujikawa, « Drifting between accommodation and repression : explaining Indonesia’s policies toward II. Poétique siamoise its separatists » Gilles Delouche, « Une hypothèse d’attribution : Phra Debby Sze Wan Chan, « Asymmetric bargaining between Yaowarat, unique auteur du « Poème du roi Lo », du Myanmar and China in the Myitsone Dam controversy : « Poème des douze Mois » et de la « Lamentation de Sri- social opposition akin to David’s stone against Goliath » Prat » » Anthony J. Langlois, Cai Wilkinson, Paula Gerber & Theeraphong Inthano, « A propos de deux « chants de Baden Offord, « Community, identity, orientation : rameurs » du prince Thammathibet (1705-1745), le sexuality, gender and rights in ASEAN » chant de plaisir et le chant de peine : mélancolie person- nelle ou mélancolie littéraire ? »

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III. Pratique du bouddhisme au Nord-Laos Rommel A. Curaming, « Hegemonic Tool ? Nationalism Souvanxay Phetchanpheng, « Notes ethnographiques in Philippine History Textbooks, 1900 – 2000 » sur l’» » des novices à Mueang Sing (Nord- Rene R. Escalante, « Bonifacio and the Katipunan in the Laos) » Cuerpo de Vigilancia Archival Collection » Stephanie Fajardo, « Authorizing Illicit Intimacies : Fili- Péninsule, n° 75, 2017 pina – GI Interracial Relations in the Postwar Philip- pines » I. Sociétés humaines et forêts en Asie du Sud-Est Présentation — Mathieu Guérin Philippine Studies : Historical and Ethnographic Thi Hai Nguyen, « La forêt de la marche frontière Viewpoints, vol. 66, n° 1, 2018 sino-vietnamienne : le cas de Cao Bang » Mathieu Guérin, « Protéger la forêt et sa faune contre les Historic Senate Vote of 1991 indigènes en Malaya britannique » Professorial Address Nicolas Lainé, « Bo mee xang pa kor bo mee xang = sans Roland G. Simbulan, « The Historic Senate Vote of 16 éléphants de forêt, il n’y a plus d’éléphants » September 1991 : Looking Back and Looking Forward Vanina Bouté, « De l’essartage à la culture de l’hévéa. Twenty-Five Years After » Mutations dans l’usage et les représentations de la forêt Articles au nord de la péninsule indochinoise » Clement C. Camposano, « Facebook and the Intricacies II. Histoire du Lan Na of Migrant Self-Making among Ilonggo OFWs in South Michel Lorrillard, « Le royaume du Lan Na de la fin du Korea » xiiie à la première moitié du xve siècle : pour une recons- Isaac Donoso, « Aljamiado Hispanofilipino : The Spa- idération des sources historiques t’ai septentrionales nish Language in Philippine Jawi Script » Research Note Philippine Studies : Historical and Ethnographic Ann M. Pobutsky, Enrico I. Neri, « Patterns of Filipino Viewpoints, vol. 65, n° 2, 2017 Migration to Guam : United States Military Colonialism and its Aftermath » The Vagaries of Literary Interpretation Caroline S. Hau, « Did Padre Damaso Rape Pia Alba ? Philippine Studies : Historical and Ethnographic Reticence, Revelation, and Revolution in José Rizal’s Novels » Viewpoints, vol. 66, n° 1, 2018 Kit Ying Lye, « Merlinda Bobis’s Fish-Hair Woman : A Pharmacy and Gender History Magical Rendering of History » Leo Angelo Nery, « “Feminine Invasion” : Women and Chaya Ocampo Go, « Women of Storm Surges : Meaning Philippine Pharmacy in the Early Twentieth Century » Making as Cultural Process of Social Repair for Yolanda Survivors » Miguel Paolo P. Reyes, « Producing Ferdinand E. Mar- cos, the Scholarly Author » Philippine Studies : Historical and Ethnographic Augusto B. Gatmaytan, « Living with the Promise of Violence : The State and Indigenous People in a Milita- Viewpoints, vol. 65, n° 3, 2017 rized Frontier » De la Costa and Filipinization Sojourn : Journal of Social Issues in Southeast Asia, Filomeno V. Aguilar, Jr., Nicholas Sy, « Horacio de la Costa, Foreign , and the Quest for Filipini- vol. 32, n°1, mach 2017 zation : The Church in the Age of Decolonization » Inga Gruß, « The Emergence of the Temporary Migrant : Scott Kirsch, « Aesthetic Regime Change : The Burn- Bureaucracies, Legality and Myanmar Migrants in Thai- ham Plans and US Landscape Imperialism in the Phi- land » lippines » Khoo Gaik Cheng, « The Cheapskate Highbrow and the Laurence Marvin S. Castillo, « The (Anti) Colonial Awit Dilemma of Sustaining Penang Hawker Food » of Juan Tamad : Didacticism and Subversion in a Colo- Rommel A Curaming, « From Bitter Memories to Heri- nial Metrical Romance » tage-Making ? The Jabidah Massacre and the Mindanao Garden of Peace » Philippine Studies : Historical and Ethnographic Terence Chong, « Arts Education in Singapore : Between Viewpoints, vol. 65, n° 4, 2017 Rhetoric and Reality » Hegemony and History Textbooks Filomeno V Aguilar Jr, « Towards Community Forma- tion in Southeast Asia ? History Education, ASEAN and the Nation-State »

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Sojourn : Journal of Social Issues in Southeast Asia, Notes & Comment vol. 32, n°2, july 2017 Bryan Goh, « The Catholic-Teochew Rhythm : Commu- nal Identity in Hougang, 1945 – 1981 » Andrew M Carruthers, « Their Accent Would Betray Them : Clandestine Movement and the Sound of Illega- Sojourn : Journal of Social Issues in Southeast Asia, lity in Malaysia’s Borderlands » vol. 33, suppl. 2018 Ann Marie Leshkowich, « Kinship Secrets and Narrative Work : The Shifting Political Economy of Adoption in Approaches to researching Southeast Asia Vietnam » Francis E Hutchinson, « (De) centralization and the Introduction Missing Middle in Indonesia and Malaysia » Barbara Watson Andaya, « Nation-states, Citizenship, Globalization and Regionalism : Enduring Themes in Chin Yee Whah, Benny Teh Cheng Guan, « Malaysia’s Southeast Asian Studies » Protracted Affirmative Action Policy and the Evolution of the Bumiputera Commercial and Industrial Commu- Articles nity » Kasian Tejapir, « Pigtail : A Pre-History of Chineseness Meredith L Weiss, « Resistance and Resilience : Coping in Siam » With/Against the State » Grant Evans, « Internal Colonialism in the Central Highlands of Vietnam » Sojourn : Journal of Social Issues in Southeast Asia, Ien Ang, Jon Stratton, « The Singapore Way of Multicul- vol. 32, n° 3, november 2017 turalism : Western Concepts/Asian Cultures » Tomas Larsson, « In Search of Liberalism : Ideological Filomeno V Aguilar Jr, « Ritual Passage and the Recons- Traditions, Translations and Troubles in Thailand » truction of Selfhood in International Labour Migration » James Ockey, « Team Work : Shifting Patterns and Rela- Clive S Kessler, « State and Civil Society : Global Context, tionships in Local and National Politics in Thailand » Southeast Asian Prospect » Mary Somers Heidhues, « Studying the Chinese in Benedict J Tria Kerkvliet, « An Approach for Analysing Indonesia : A Long Half-Century » State-Society Relations in Vietnam » Josh Stenberg, « The Lost Keychain ? Contemporary Peter A Jackson, « Space, Theory, and Hegemony : The Chinese-Language Writing in Indonesia » Dual Crises of Asian Area Studies and Cultural Studies » Evi Sutrisno, « Confucius is Our Prophet : The Dis- Solvay Gerke, Hans-Dieter Evers, « Globalizing Local course of and Religious Agency in Indonesian Knowledge : Social Science Research on Southeast Asia, » 1970 – 2000 » Patricia Sloane-White, « Working in the Islamic Eco- Sojourn : Journal of Social Issues in Southeast Asia, nomy : Sharia-ization and the Malaysian Workplace » vol. 33, n°1, march 2018 South East Asia Research, vol. 25, n° 2, juin 2017 Articles Humairah Zainal, George Wong, « Voices behind the Philip Holden, « A Building with One Side Missing : veil : Unravelling the hijab debate in Singapore through Liberal Arts and Illiberal Modernities in Singapore » the lived experiences of hijab-wearing Malay-Muslim Joseph Scalice, « Reynaldo Ileto’s Pasyon and Revolution women » Revisited, a Critique » Rachel Leng, « The circulation of ghostly women and Li Mitchell Tan, « Confronting Communism : Sang Phat- Yongping’s affective Sinophone Malaysian identity » thanothai and Thailand’s Dynamic Relationship with the Malee Sitthikriengkrai, Nathan Porath,, « ‘Lead-polluted Cold War World, 1948 – 1957 » water changed our lives’: A Thai-Karen village’s quest for Katja Rangsivek, « Between Polygyny and Monogamy : environmental justice » Marriages of the Political Elite and the Thai Regime of Farah Purwaningrum, « Knowledge flow in the ICT sec- Images » tor : Case study of Anggerek Desa Technology Park in Martin Großheim, « Ɖổi mới in the Classroom ? The Negara Brunei Darussalam » Portrayal of National and World History in Vietnamese Mohamad Rosyidin, « Foreign policy in changing glo- Textbooks » bal politics : Indonesia’s foreign policy and the quest for Sojourn Symposium major power status in the Asian Century » Rachel Harrison, Megan Sinnott, Arnika Fuhrmann, Victor T King, « Identity, material culture and tourism : « On Ghostly Desires : Queer Sexuality and Vernacular Of ritual cloths and totem poles » Buddhism in Contemporary Thai Cinema »

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South East Asia Research, vol. 25, n° 3, septembre Ian G Baird, « Champassak royal sacred Buddha images, power and political geography » 2017 Amelia Fauzia, « Penolong Kesengsaraan Umum : The Introduction charitable activism of during the colo- nial period » Konstantinos Retsikas, « Value transfers in South East Asia : Domestic volunteer tourism in Thailand » Mannix Foster, Alistair Welsh, « The controversial code-switching of an Indonesian president » Articles Ryan Wolfson-Ford, « Strangers in the hills : Social Nattaka Chaisinthop, « The volunteer spirit and the poli- disruption and the origins of Lao nationalism (1873 – tics of ‘good people’» 1911) » Marina Marouda, « The neglected side of philanthropy : Gifts to hungry ghosts in contemporary Việt Nam » South East Asia Research, vol. 26, n° 1, mars 2018 Anne-Meike Fechter, « An excess of goodness ? Volunteering among aid professionals in Cambodia » Chris Chaplin, « Salafi activism and the promotion of a modern Muslim identity : Evolving mediums of Da’wa Konstantinos Retsikas, « The gift of future time : Islamic amongst Yogyakartan university students » welfare and entrepreneurship in 21st century Indone- sia » Lam Minh Chau, « Actively cautious : Industrialization and rural livelihood choices in contemporary northern Yvan Schulz, « The great value of poor migrants : State Vietnam » policies, Christian morality and primary education in Sabah, Malaysia » Bobby Anderson, « Zomia’s vestiges : Illegible peoples and legible crimes in Omkoi, Northwest Thailand » South East Asia Research, vol. 25, n° 4, decembre 2017 Tristan A Canare, Ronald U Mendoza, Mario Antonio Lopez, « An empirical analysis of vote buying among the Alexandre Pelletier, Jessica Soedirgo, « The de-escalation poor : Evidence from elections in the Philippines » of violence and the political economy of peace-monge- Silvia Vignato, « The effects of a merciful heart : Child- ring : Evidence from Maluku, Indonesia » ren and charity in Malaysia » Zainor Izat Zainal, « Environmental ethics in KS Revue des revues réalisée par Christophe Caudron. Maniam’s Between Lives and Yang-May Ooi’s The Flame Tree »

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Les inventaires des sujets de thèse déposés et des thèses soutenues relatives à l’Asie du Sud-Est sont téléchar- geables sur le site internet de l’AFRASE (www.afrase.org/rubrique "thèses"). Ces inventaires ont été réalisés par Guillaume Rozenberg pour la période 1990/2000 et sont annuellement mis à jour par Annabel Vallard depuis. Si vous constatez que des sujets ou des thèses soutenues n’y figurent pas, vous êtes invités à contacter cette der- nière ([email protected]). Attention ! Les résumés de thèses en anglais sont diffusés sur le site web de l’AFRASE. Pensez à fournir ce résumé, ainsi que le lien vers le manuscrit de votre thèse si vous souhaitez les rendre publics (sauf avis contraire de votre établissement et du jury de soutenance).

Thèses

Gabrielle ABBE Le service des arts cambodgiens mis en place par George Groslier : genèse, histoire et postérité (1917-1945) Thèse d’histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CHAC/UMR Sirice, dir. H. Tertrais, soutenue le 23 mars 2018 ([email protected])

Lorsqu’en 1917 le peintre George Groslier (1887-1945) répond au souhait des autorités colo- niales de créer à Phnom Penh une école d’art, il propose un vaste programme de « rénovation des arts cambodgiens ». S’il définit ceux-ci comme étant « universels », pratiqués par tous, du paysan à l’artiste du Palais, les arts qu’il entend « rénover » sont pourtant ceux qui, de tout temps, ont été l’apanage du Palais. Le « Service des arts cambodgiens » qu’il dirige dès 1919 conserve, reformule et exalte un art d’origine palatiale qu’aucune disposition idéologique ne le destinait à promouvoir. Cette étude s’attache à comprendre les modalités de la reprise d’une préroga- tive royale au profit de l’entreprise coloniale française et entend démontrer que si l’entreprise de Groslier semble marquée de l’empreinte de sa « doctrine », elle s’insère dans un faisceau d’ini- tiatives françaises et cambodgiennes qui invitent à relativiser sa singularité. L’étude de l’histoire du Service des arts, observatoire de l’action coloniale de la France au Cambodge, révèle la place centrale du patrimoine khmer dans les relations entre l’administration coloniale et les élites cambodgiennes, avant comme après l’Indépendance. Dans la définition qu’en donne Groslier convergent le système de légitimation de l’aristocratie fondé sur le retour à l’âge d’or angkorien et la mission civilisatrice française qui se vit en protecteur d’un peuple khmer déchu depuis la fin d’Angkor. Cette convergence empiriquement saisie par le premier administrateur colonial né au Cambodge éclaire en grande partie la portée de son action culturelle et sa postérité. When in 1917 the painter George Groslier (1887-1945) responds to the wish of the colonial autho- rities to create a school of art in Phnom Penh, he proposes a vast program of "restoration of the Cambodian arts". He defines those as "universal", being practised by everyone, from the peasant to the artist of the Palace, but the arts he intends to "renovate" are however those that have always been the prerogative of the Palace. The "Service des arts cambodgiens" that he directs by 1919 pre- serves, reformulates and exalts an art of palatial origin that n° ideological provision intended him to promote. This study attempts to understand the terms of the resumption of a royal prerogative to the benefit of the French colonial initiative, and intends to demonstrate that if Groslier’s action seems marked with the imprint of his "doctrine", it is part of a set of initiatives both French and

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Cambodian that invite us to relativize its singularity. The study of the history of the Service des arts, observatory of the colonial action of France in Cambodia, reveals the central place of the Khmer heritage in the relations between the colonial administration and the Cambodian elites, before as well as after Independence. In Groslier’s definition, the system of legitimation of the aristocracy based on the return to the Angkorian golden age converges with the french civilizing mission, which lives as a protector of Khmer people, fading since the fall of Angkor. This convergence, empirically seized by the first colonial administrator born in Cambodia mainly clarifies the scope of its cultural action and its posterity.

Socheat CHEA « Saugatāśrama », Un āśrama bouddhique à Angkor (Ong Mong) Thèse d’histoire de l’art et d’archéologie, Université Paris IV Sorbonne, CREOPS (EA 2565), dir. E. Parlier- Renault, soutenue le 16 juin 2018 ([email protected])

À l’ombre des grands temples d’Angkor, la découverte en 1920 d’un petit édicule à stèle nommé Prasat Ong Mong dut paraître un peu anecdotique à son auteur, Henri Marchal. Pourtant, les travaux de George Cœdès, de Georges Trouvé et plus tard de Christophe Pottier allaient mon- trer que ce petit édifice appartenait à une fondation bouddhique importante, le Saugatāśrama, l’un des quatre grands āśrama fondés par Yaśovarman Ier à la fin du ixe siècle et, que loin d’être isolé, il était implanté au sein d’une vaste enceinte rectangulaire. Curieusement, bien que les textes comme les dimensions du site laissaient présager qu’il s’agissait d’une fondation impor- tante et dynamique, en l’absence de fouille, nous n’en avions jusqu’à présent qu’une vision très partielle. Le culte des divinités, le logement et l’approvisionnement d’une communauté, l’ensei- gnement, la copie de manuscrits, etc. sont pourtant autant d’activités nécessitant un équipement et des infrastructures nombreuses et diversifiées. En reprenant les archives, en proposant une nouvelle analyse des inscriptions et en confrontant ces sources aux données que nous avons collectées au cours de trois campagnes de fouille, nous nous proposons de faire la lumière sur ce Saugatāśrama. Nous essayons notamment de déterminer les activités qui y prenaient place, les infrastructures qui le caractérisaient et les différentes phases de son occupation, tout en le comparant aux autres Yaśodharāśrama d’Angkor afin de vérifier s’ils suivaient le même plan, quelle que soit leur obédience. Ce travail constitue une étape indispensable pour la compréhen- sion des āśrama de Yaśovarman Ier, grande fondation royale répétitive entreprise au moment de l’installation de la capitale à Yaśodharapura/Angkor et pendant une période charnière pour la constitution de l’empire khmer. "Saugatāśrama", a buddhist āśrama in Angkor (Ong Mong) In the shadow of the great temples of Angkor, the discovery in 1920 of a small stela aedicule named Prasat Ong Mong must have seemed trivial to Henri Marchal, the scholar who first docu- mented the shrine. However, the works of George Cœdes, Georges Trouvé and later Christophe Pot- tier demonstrated that this small building formed part of an important Buddhist foundation, the Saugatāśrama, one of four great āśramas founded by Yaśovarman I at the end of the ninth century. Far from being an isolated shrine, the aedicule was constructed within a vast rectangular enclosure. Although the texts and large dimensions of the site suggested that it served as an important and dynamic foundation, in the absence of excavation, our understanding of the complex remained woefully incomplete and partial. The worship of divinities, the housing of devotees, the amassing of provisions to sustain the community, religious instruction, and the copying of manuscripts, along with other activities, all required a wide range of equipment and supporting infrastructures. By reexamining the archives, proposing novel interpretations of the inscriptions, and comparing these sources with the archaeological data we collected during three excavation campaigns, the disserta- tion sheds important new light on the Saugatāśrama. More specifically, we attempt a reconstruction

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of the activities that took place within the āśrama, the infrastructure that defined the hermitage, and its different phases of occupation. This course of analysis was complemented and enriched by comparing the Saugatāśrama with the other Yaśodharāśrama of Angkor in order to test whether they followed the same plan, regardless of their . This work constitutes an essential first step in better understanding the āśrama of Yaśovarman I, a large, royal foundation consisting of numerous and seemingly standardized hermitages established at the time of the capi- tal’s installation in Yaśodharapura/Angkor during the pivotal period of the consolidation of the Khmer Empire.

Brunna CRESPI Sacralité, rituels et développement chez les Bunaq et Tetun de la région de Suai, Timor oriental Thèse d’ethnogéographie, MNHN, IRD, dir D. Guillaud & J.-C. Galipaud, soutenue le 8 juin 2018 ([email protected])

À Kamanasa, ancien royaume marchand contrôlant la côte sud du Timor oriental, la popula- tion relève de différentes vagues de peuplements. Celles-ci combinent les mouvements migra- toires interinsulaires liés au commerce ancien du santal et de la cire et les migrations depuis les foyers de peuplement montagnards de l’arrière-pays, pour aboutir à une double identification ethnolinguistique des groupes en tant que Tetun ou Bunaq. Cet ensemble politique a été soumis à de multiples bouleversements venus de l’extérieur, depuis les temps anciens jusqu’aux plus récents de la colonisation portugaise, puis de l’invasion indonésienne en 1975. Pourtant, la vie rituelle est restée particulièrement vivace, et même si beaucoup d’aspects de la vie traditionnelle ont été perturbés, ils se sont reconstitués et renforcés depuis l’indépendance du pays en 2002. Aujourd’hui, un méga-projet pétrolier et gazier lancé par le gouvernement place des populations extrêmement attachées à la gestion coutumière de leurs territoires et de leurs sociétés face à un développement accéléré, dans un contexte où les ajustements post- indépendance ne sont pas encore achevés. La question porte désormais sur les mutations à l’œuvre dans une société locale complexe face à un projet de développement industriel, et sur sa résilience culturelle et sociale, en se focalisant sur la question du territoire qui est central dans cette société enracinée. Pour traiter cette question, la thèse s’organise en cinq chapitres. Le premier chapitre jette les bases de la compréhension du terrain et du sujet, via l’exposé des grandes vagues de migration et de l’histoire, de la colonisation, de l’administration et des paysages. Le deuxième chapitre s’attache à la façon dont la société locale est structurée et aux différents éléments qu’elle met en avant dans son organisation, en particulier les maisons. Le troisième chapitre traite du territoire et de sa structuration, et en particulier de la façon dont il est géré par des rituels. Les changements que la société a connus par le passé seront abordés en s’appuyant sur les récits de la tradition orale, qui laissent entrevoir différents moments de l’histoire du royaume, feront l’objet du quatrième cha- pitre. Enfin le cinquième chapitre abordera les changements dans différents domaines, sociaux, rituels et économiques provoqués par le projet pétrolier dans la région de Suai, au sein des com- munautés locales de Kamanasa. Ces données permettent de mener à bien une analyse de la façon dont les populations locales, dans leur diversité, perçoivent le changement et y réagissent, et des perspectives qui s’offrent à elles pour leur intégration de la modernité dans leur société coutumière. La vitalité des pratiques culturelles se base sur leur capacité de résilience, permet- tant l’intégration de nouveaux éléments et symboles et favorisant l’intégration des changements. In Kamanasa, a former trading kingdom controlling the south coast of East Timor, the population is of different origins. These combine inter-island migratory movements linked to the past san- dalwood and wax trade and migrations from mountain settlements in the hinterland, leading to a dual ethno-linguistic identification of groups either as Tetun or Bunaq. This politity of Kamanasa

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has been subjected to many upheavals from outside, from ancient times to the most recent Portu- guese colonization, and to the Indonesian invasion in 1975. Yet ritual life has remained particularly vibrant, and although many aspects of traditional life have been disrupted, they have been rebuilt and strengthened since the country’s independence in 2002. Today, due to the setting up by the government of a mega oil and gas project, local populations which are extremely attached to the customary management of their territories and their societies are faced to an accelerated develop- ment, in a context where post- independence adjustments are not yet complete. The question thus focuses on the changes at work in a complex local society confronted to an industrial development project, and on its cultural and social resilience, focusing on the question of the territory which is central to this rooted society. To address this question, the thesis is organized into five chapters. The first chapter lays the foundations for the understanding of the field and the subject, through the presentation of the settlement waves and of history, colonization, administration and landscapes. The second chapter focuses on the way local society is structured and on the different elements it puts forward in its organization, in particular the houses. The third chapter deals with the territory and its structuring, and in particular the way in which it is managed by rituals. The changes that society has undergone in the past will be approached on the basis of oral tradition narratives, which give a glimpse of different moments in the history of the kingdom, will be the subject of the fourth chapter. Finally, the fifth chapter will discuss the changes in different social, ritual and economic fields caused by the oil project in the Suai region, within the local communities of Kamanasa. These data enable an analysis to be carried out of the way in which local populations, in their diversity, perceive and react to change, and the prospects open to them for integrating modernity into their customary society. The vitality of cultural practices is based on their capacity for resilience, enabling the integration of new elements and symbols and fostering the integration of changes.

Jaehyun JEOUNG Exploitation minière et humaine : les charbonnages dans le Vietnam colonial, 1874-1945 Thèse d’histoire, Université Paris-Diderot, CESSMA, dir. C. Trân Thi Liên, soutenue le 13 septembre 2018 ([email protected]).

Le charbon était connu au Vietnam depuis longtemps, mais c’est pendant la période co- loniale qu’il fit l’objet d’une exploitation systématique. Les Français s’intéressèrent à ces res- sources minières du Vietnam dès avant la conquête coloniale. Après l’établissement du protec- torat fran- çais au Tonkin et en Annam en 1883-1884, l’exploitation des mines de charbon connut un essor rapide sous l’effet de l’afflux de capitaux et l’introduction de techniques de France et devint l’une des principales activités industrielles du Tonkin. Les autorités coloniales soutinrent fortement la « mise en valeur » de la colonie par le capitalisme français. Néanmoins, il n’était pas toujours facile même pour les plus grandes compagnies françaises d’organiser une nouvelle activité de production dans un pays peu industrialisé Alors que les charbonnages de Hòn Gai parvinrent à surmonter des difficultés d’ordre financier, commercial et industriel et réaliser des profits consi- dérables, la plupart des autres entreprises minières ne rémunèrent jamais suffisamment les capi- taux engagés, et même certaines d’entre elles se terminèrent par des échecs complets. En par- ticulier, les compagnies minières rencontrèrent une grande difficulté à recruter des ouvriers et les retenir dans les mines, dont les conditions de travail furent particulièrement dures. La forte mobilité caractérisait la main-d’œuvre des mines et retarda ainsi la formation d’une conscience de classe parmi les ouvriers des mines. La grève générale des ouvriers de Hòn Gai en novembre 1936 témoigne pourtant la naissance d’une nouvelle classe sociale, que les militants commu- nistes vietnamiens visèrent à transformer en avant-garde révolutionnaire contre le colonialisme et le capitalisme.

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Thi Hoa (Marie) LE Catholic teaching struggling with society and church changes in Vietnam from 1930 to 1990 Thèse d’épistémologie et d’histoire des sciences, Université Paris Diderot, ED 400, Laboratoire SPHERE, dir. E. Poisson, soutenue le 7 mai 2018 ([email protected])

Cette thèse vise à saisir l’histoire de l’éducation catholique au Viêt Nam aux xixe et xxe siècles, en particulier la formation des prêtres et des catéchistes depuis l’époque des vicaires apostoliques occidentaux jusqu’en 1975 au Sud. Il est indéniable que l’enseignement profane catholique s’est appuyé sur la politique éducative de la colonisation française au début du xxe siècle et s’est déve- loppé sous les première et seconde Républiques du Sud Viêt Nam. La thèse situe en effet l’évo- lution de l’enseignement – public et privé – à travers les mutations de la société vietnamienne : persécution contre les chrétiens, colonisation française, guerre d’Indochine à partir de 1946, accords de Genève et exode de catholiques vers le Sud en 1954, proclamation de Diêm comme président de la République du Sud en 1955, érection de la hiérarchie ecclésiastique en 1960 qui change le rôle des missions. L’enjeu de notre travail n’est pas de contribuer à l’écriture d’une « contre-histoire » du catholicisme vietnamien et de sa place dans l’éducation mais de proposer une plus juste relecture de la place des catholiques dans l’histoire moderne et contemporaine du Viêt Nam. This thesis aims at understanding the history of Catholic education in Vietnam in the 19th and 20th centuries, specifically the training of priests and catechists from the time of Western apostolic vicars till 1975 [nineteen seventy six] in the South. Undeniably, the profane Catholic teaching based itself on the educational policy of early 20th century French colonization and was developed under the first and second South Vietnamese Republics. Indeed, the thesis places the development of public and private education through the changing Vietnamese society: the persecution of Christians, the French colonization, the war of Indochina from 1946 [nineteen forty-six], the Geneva convention and the flight of the Catholics to the south in 1954 [nineteen fifty-four], the proclamation of Diêm as president of the South Vietnamese Republic in 1955 [nineteen fifty-five], the emerging of hierarchy in 1960 [nineteen sixty] that changed the role of missions. The issue of our work is not to contribute to the writing of a “counter-history” of Vietnamese Catholicism and its scope in educa- tion but to propose a more accurate reading of the place of Catholics in modern and contemporary Vietnamese history.

LE Xuan Phan L’enseignement du Vietnam pendant la période coloniale, 1862-1945, la formation des intellectuels vietnamiens Thèse d’histoire, Université Lumière-Lyon 2, IAO, dir. Christine Cornet, soutenue le 31 août 2018

Le principal objet de ce travail est l’enseignement au Vietnam pendant la période coloniale fran- çaise dans la formation des intellectuels vietnamiens. En effet, dans le bouleversement historique de la période coloniale (1862-1945), la société vietnamienne a connu des transformations radi- cales. L’enseignement au Vietnam a connu des changements sans précédent. En Cochinchine, après qu’elle soit devenue colonie française (1862-1864), les concours des lettrés ont été suppri- més. Au Tonkin et en Annam, après les réformes de 1906 à 1917, le système de l’enseignement traditionnel a été supprimé en 1919. Au début, l’enseignement en langue française a comme but de former des interprètes. Mais seule une partie de la population vietnamienne accepte d’envoyer ses enfants dans les écoles françaises. Après les mouvements vers l’instruction occidentale diri- gée par des lettrés dans la première décennie du xxe siècle, la population a changé d’attitude par

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rapport à l’école française. Avec l’application du Règlement Général de l’Instruction Publique de 1917, le système d’enseignement en français est devenu le seul système de l’enseignement officiel. Pendant la période 1862-1945, on constate la disparition progressive de la classe des lettrés et l’émergence des nouveaux intellectuels modernes. La majorité des intellectuels de cette période est issue de l’école française en Indochine. Même si le nombre d’écoles est faible, on constate que la qualité est bonne. Les écoles en français au Vietnam 1862-1945, notamment, les écoles post primaires et supérieures, sont des établissements importants pour répandre les connaissances, la culture et les sciences. Les collèges et les lycées franco indigènes sont les lieux d’étude de la majorité des intellectuels vietnamiens formés avant 1945. L’École de Médecine et de Pharmacie, l’École supérieure des Sciences ont formé des chercheurs vietnamiens célèbres. Il y a des pro- fesseurs vietnamiens remarquables qui sont issus de l’École supérieure de Pédagogie de l’Indo- chine. L’École supérieure de Droit d’Hanoi a formé des élites intellectuelles. L’École des Beaux- arts de l’Indochine est à l’origine de la première génération des artistes modernes vietnamiens.

Kelly PELLETIER L’avenir d’une communauté de pécheurs du sud de la Thaïlande. Les Urak Lawoi face à la mondialisation Ecole spéciale d’architecture-Paris, Diplôme d’architecture, dir. Fabienne Bulle, soutenue le 29 janvier 2018

Tout a commencé à mon arrivée à l’Ecole Spéciale d’Architecture en master au sein de la « Fabrique Collective » dont l’orientation prend d’avantage en compte la dimension sociale et collaborative, l’utilisation de la matière issue du milieu considéré, et l’échange des connais- sances et savoirs. C’est ensuite à travers un stage de six mois en Thaïlande que la dé-marche de la fabrique collective a pris tout son sens. L’agence Case Studio et Patama Roonrakwit travaillant essentiellement avec des communautés thaïes défavorisées, utilisent une méthode où l’architecte collabore et encourage ces populations à l’auto-développement. Loin des circuits touristiques, j’ai eu la chance de pouvoir découvrir des milieux où les popu- lations locales vivent encore de leur propre culture, de leurs croyances et de leurs traditions. Le choix du sujet est directement issu de cette expérience sur site : comment est-il possible de répondre aux besoins de ces peuples sans pour autant modifier leur patrimoine et leurs modes de vie traditionnels.

Nguyen Thuy An PHAM La privatisation d’une métropole mutante (Saigon South, 1996-2017) Thèse de géographie, ENSA Paris-La Villette, UMR AUSSER, dir. Christian Pédelahore de Loddis, soutenue le 29 mars 2018 ([email protected])

Ho Chi Minh-Ville (Saigon) est reconnue universellement en tant que ville historique végétale et hydraulique. Trente ans après le lancement de la politique de Renouveau (1986), elle s’est transformée en une métropole trépidante de plus de 10 millions d’habitants faisant face à une urbanisation accélérée, tant horizontale que verticale. Alors que son centre est métamorphosé par la construction de nombreuses grandes tours résidentielles, commerciales et de bureaux, ses territoires périurbains et ruraux s’urbanisent et se modernisent par le biais des Nouvelles Zones Urbaines (KDTM) construites depuis 1996. Dans cette fabrique spatiale concrète, les interventions des investisseurs et opérateurs privés jouent un rôle déterminant. Ils sont actuellement des acteurs clés des KDTM qu’ils orientent vers

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un cadre de vie mondialisé en direction des classes aisées. Cependant ces nouveaux quartiers ne correspondent pas toujours à leurs objectifs initiaux, ni même à leurs concepts et à leur com- munication publicitaire. Cet écart découle en premier lieu d’une gestion urbaine hiératique. Les textes officiels et les plans directeurs sont encore trop peu consolidés, les autorités municipales et locales ne contrôlant dans les faits que difficilement une expansion métropolitaine galopante. À partir de recherches documentaires, cartographiques, photographiques et d’analyses in situ et in vivo, la thèse traite la question centrale des modalités de privatisation des KDTM de 1996 à nos jours. Elle met en lumière les modes opératoires de la production urbaine des acteurs privés ainsi que les effets en retour des KDTM sur les mutations spatiales et sociétales de la grande métropole économique du Vietnam.

HDR

Vanina BOUTE La fabrique des pouvoirs locaux. Ethnologie des marges de la péninsule indochinoise EHESS, garante C. Clément-Ojha, soutenue le 28 juin 2018

Sous le titre général « La fabrique des pouvoirs locaux. Ethnologie des marges de la péninsule Indochinoise », le dossier d’HDR présenté par Vanina Bouté inclut un mémoire de synthèse de 180 p., un recueil de publications de plus de 650 pages et quatre ouvrages (deux ouvrages comme auteur, l’un étant une version retravaillée en anglais d’un précédent en français, et deux ouvrages collectifs dirigés). Le mémoire de synthèse traite trois grandes thématiques : ethnohistoire, articulation structu- rale entre anthropologie religieuse et anthropologie politique, anthropologie du pouvoir local. La discussion de la première thématique permet la remise en question de l’opposition « sociétés (majoritaires) des plaines »/« sociétés (minoritaires) montagnardes » — avec tous les attributs qui y sont presque immédiatement associés : centralisées/acéphales ; écrit/oral ; religions uni- verselles (bouddhisme, islam…)/cultes locaux ; riziculture irriguée/essartage, etc. - opposition qui reste en vigueur dans la plupart des travaux des historiens, des géographes voire des anthro- pologues de l’Asie du Sud-Est. Ayant constitué un véritable corpus oral de récits historiques recueillis dans différents villages phounoy, et ayant recoupé ces données ethnohistoriques avec toutes les archives écrites disponibles (du xviiie siècle à la période coloniale), V. Bouté montre à quel point ce grand partage ordinairement admis entre populations des plaines et populations montagnardes est réducteur comparé à la complexité des histoires locales. L’exemple phounoy fait voir des relations anciennes tissées avec les divers pouvoirs régionaux, qui se traduisent entre autres par l’adoption du bouddhisme, et fait comprendre que l’histoire des « marges » est autrement plus riche et ambiguë que ce qu’en disent les diverses annales écrites (lao ou siamoises en l’occurrence), rendant nécessaire que plus de chercheurs s’engagent dans la voie de l’ethnohistoire. Encore plus réductrice est – formulée comme une thèse valable à un niveau supra-régional (le « massif asiatique » ou encore « Zomia ») — l’opposition entre socié- tés (des plaines) « étatiques » et sociétés (montagnardes) « fuyant l’État » que James C. Scott a propagée, s’inspirant à la fois de Clastres et de Deleuze. V. Bouté démontre que, si cette thèse peut sembler séduisante pour rendre compte d’une dynamique apparente à très grande échelle,

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elle n’a aucun fondement et perd toute vraisemblance sitôt qu’elle est confrontée aux données de l’ethnographie et de l’histoire à une échelle locale ou à celle d’une petite région. La seconde thématique soulève justement la question de l’intérêt d’une approche régionale, sachant que les délimitations de l’Asie du Sud-Est sont récentes et largement arbitraires, et fait s’interroger sur le périmètre « culturel » pertinent de certaines problématiques classiques (la « religion cadastrale » comme substrat régional selon Mus, etc.). Reconsidérant notamment les travaux de Leach sur les systèmes politiques étudiés dans les hautes terres de Birmanie, V. Bouté questionne la validité au plan régional de l’oscillation structurale (gumlao/gumsa) mise en évi- dence par ce dernier dans les villages Katchin au contact de la société shan hiérarchisée. De la même manière, elle discute la complémentarité structurale entre bouddhisme et cultes aux esprits, telle que Tambiah la pose et l’analyse. Sans nier l’intérêt heuristique de ces théories issues du courant structuraliste, elle montre que de multiples causes (politiques, économiques, démo- graphiques, lignagères…) peuvent entraîner l’émergence d’une hiérarchisation sociale dans un village, ou que la complémentarité bouddhisme-cultes aux esprits, attestée un peu partout, peut prendre des formes très diverses, qui évoluent selon les contextes politiques (instrumentalisation des cultes, bouddhiques ou locaux, au Laos, en Birmanie, etc.). Autre thématique enfin, celle de l’anthropologie des pouvoirs locaux qui constitue la perspec- tive de recherche actuelle de V. Bouté. Constatant le délitement ces dernières années des villages phounoy qu’elle a pu étudier et au sein desquelles elle a vécu, et ayant suivi les mobilités de ses membres vers les centres urbains, pluriethniques, elle observe l’insertion de ces villageois en milieu urbanisé à travers des réseaux qui ne recouvrent pas forcément les réseaux lignagers. Elle s’intéresse aussi aux classes moyennes et aux élites, phounoy ou autres, qui émergent dans les nouvelles urbanités, lesquelles ne cessent de croître aux frontières, principalement portées par les échanges avec la Chine. En même temps qu’elle analyse ces dynamiques transfrontalières, V. Bouté suit donc au plus près l’accélération des recompositions économiques, sociales et eth- niques qui caractérisent les transformations rapides actuellement en cours dans le nord de la péninsule indochinoise et dont elle est un témoin privilégié.

Alice VITTRANT Du verbe à l’espace dans les langues d’Asie du Sud-Est : Essai de typologie aréale EHESS, garante Hilary Chappell, soutenue le 19 octobre 2018

Ce mémoire présente la synthèse de mes recherches, depuis mes premiers travaux sur les lan- gues tibéto-birmanes à ma spécialisation en linguistique descriptive et typologique. Après une introduction retraçant mon parcours universitaire et scientifique (CH.I), est abordée la dimension asiatique de mon travail (Ch. II & CH. III). Formée au tibétain et au birman, deux langues asiatiques typologiquement assez différentes, je me suis spécialisée ces dernières années en typologie aréale, élargissant de mon domaine d’étude aux langues d’Asie du Sud-est. La seconde partie, consacrée à une thématique transversale à ma recherche, à savoir le domaine verbal, est constituée de trois chapitres. Le premier (CH. IV) est consacré à la syntaxe du birman et des langues d’Asie et traite de thématiques régionales comme les Constructions de Verbes en Série (CVS) ou la polyfonctionnalité des morphèmes verbaux. Le chapitre suivant (CH. V) revient sur la grammaticalisation verbale, et en particulier celle du verbe signifiant ‘obtenir’en marqueur modal dans les langues du Sud-Est asiatique. Le dernier chapitre (CH. VI) présente ma recherche de ces dernières années dans le domaine de l’espace, qu’il s’agisse de l’expression de la trajectoire dans une approche typologique (typologie des constructions) ou des moyens mobilisés dans les dialectes birmans dans l’expression des événements de déplacement.

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Dans une troisième partie conclusive sont détaillées mes perspectives et projets de recherche, de la description d’une langue en danger du Vietnam (Hmong, mopiu), à l’ana- lyse typologique de la deixis dynamique et de l’asymétrie spatiale dans les langues d’Asie du sud Est, sans oublier le traitement de ces ressources linguistiques de terrain (corpus en ligne). En résumé, ma recherche s’articule toujours aujourd’hui autour deux axes majeurs, i.e. l’Asie et le domaine verbal qui se croisent et s’interpénètrent souvent. Cette association entre ‘dimension asiatique’et ‘dimension verbale’de mon travail se réalise pleinement dans un troisième domaine, celui de la typologie aréale. Autant de thématiques qui viennent nourrir la partie enseignement de mon travail d’enseignant-chercheur.

Liste des thèses et HDR soutenues constitutée par Annabel Vallard.

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Recherche en sciences humaines sur l’Asie du Sud-Est

Créée en 1999 par l’IRSEA (aujourd’hui IrAsia), Moussons est la seule revue en France dédiée à l’aire sud-est asiatique (insulaire et continentale) et à ses marges indiennes et chinoises.

Revue comparative et interdisciplinaire, elle accueille l’ensemble des sciences humaines et sociales, plus particulièrement l’anthropo- logie, la sociologie et l’histoire contemporaine.

Revue biannuelle, Moussons propose, en français et en anglais, des travaux de qualité fondés sur une recherche originale. à comité de lecture in- ternational, la revue publie des articles, des notes de recherche et des comptes rendus d’ouvrages.

Moussons est éditée dans sa version papier par les Presses Universitaires de Provence (PUP) et appartient au bouquet de revues en ligne du programme OpenEdition Freemium dont les textes au format HTML sont en libre accès.

Plus d’infos sur http://journals.openedition.org/moussons/

Contact : Mathilde Lefebvre [email protected] +33 (0)4 13 55 07 23 2018

Archipel 96 Études interdisciplinaires sur le monde insulindien Envoyez vos projets Sous le patronage de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

Échos de la recherche : D. Kwartanada, R. Lie, Y. Wirawan, Seminar Sejarah de publicationNasional, à Peringatan 60 tahun (1957-2017), Yogyakarta, Fakultas Ilmu Budaya, 14-16 Desember 2017 — Français dans l’Archipel : P. Labrousse, Adolphe Combanaire (1859-1939). La gloire de l’explorateur — D. Perret, Jules Claine chez les Batak (1891) : un récit controversé — Varia : M. Daneshgar, New Evidence on the Origin of the Hikayat Muhammad Hanafiyyah — M.C. Ricklefs, The perils of hybridity in 19th-century Java: Ronggawarsita’s reputation, animated debates in Bramartani, ARCHIPEL 96 and the probable origins of Javanese acrostics; with a postscript on Purwalĕlana — Nawiyanto, Nature Conservation in a Frontier Region of Java during the Colonial ARCHIPEL Rechercheand enEarly sciences Post-Colonial Periods humaines — Témoignages sur l’Asie: Salmiah Chanafiahdu Sud-Est Pane, Mon père — Comptes rendus — Résumés-Abstracts Créée en 1999 par l’IRSEA (aujourd’hui IrAsia), Moussons est la seule revue en France dédiée à l’aire sud-est asiatique (insulaire et continentale) et à ses marges indiennes et chinoises. 30,00 €

Revue comparative et interdisciplinaire, ISBN 978-2-910513-80-1 elle accueille l’ensemble des sciences humaines 96 et sociales, plus particulièrement l’anthropo- logie, la sociologie et l’histoire contemporaine. 2018

Revue biannuelle, Moussons propose, en français Archipel 96 Études interdisciplinaires sur le monde insulindien 2018 Sous le patronage de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et en anglais, des travaux de qualité fondés sur 2018 une recherche originale. à comité de lecture in- Archipel 96Revue soutenue par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS Études interdisciplinaires sur le monde insulindien ternational, la revue publie des articles, des notes Échosl’École de la française recherche d’Extrême-Orient : D. Kwartanada, et l’Institut des R. Langues Lie, Y. et Wirawan, Seminar Sejarah Sous le patronage de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales Nasional, PeringatanCivilisations 60 tahun Orientales (1957-2017), Yogyakarta, Fakultas Ilmu Budaya, de recherche et des comptes rendus d’ouvrages. 14-16 Desember 2017 — Français dans l’Archipel : P. Labrousse, Adolphe Combanaire (1859-1939). La gloire de l’explorateur — D. Perret, Jules Claine chez SOMMAIRE Moussons est éditée dans sa version papier par les Batak (1891) : un récit controversé — Varia : M. Daneshgar, New Evidence on the Échos de la rechercheOrigin of: theD. Hikayat Kwartanada, Muhammad HanafiyyahR. Lie, —Y. M.C. Wirawan, Ricklefs, TheSeminar perils of Sejarahhybridity les Presses Universitaires de Provence (PUP) et in 19th-century Java: Ronggawarsita’s reputation, animated debates in Bramartani, ARCHIPEL 96 Nasional, Peringatanand the60 probabletahun origins(1957-2017), of Javanese Yogyakarta,acrostics; with a Fakultaspostscript on Ilmu Purwalĕlana Budaya, — appartient au bouquet de revues en ligne du 14-16 Desember 2017Nawiyanto, — NatureFrançais Conservation dans inl’Archipel a Frontier Region : P. of Labrousse,Java during the Adolphe Colonial ARCHIPEL and Early Post-Colonial Periods — Témoignages : Salmiah Chanafiah Pane, Mon programme OpenEdition Freemium dont les Combanaire (1859-1939).père — Comptes La gloire rendus de l’explorateur— Résumés-Abstracts — D. Perret, Jules Claine chez textes au format HTML sont en libre accès. les Batak (1891) : un récit controversé — Varia : M. Daneshgar, New Evidence on the Origin of the Hikayat Muhammad Hanafiyyah — M.C. Ricklefs, The perils of hybridity in 19th-century Java: Ronggawarsita’s reputation, animated debates in Bramartani, ARCHIPEL 96 Plus d’infos sur http://journals.openedition.org/moussons/ and the probable origins of Javanese acrostics; with a postscript on Purwalĕlana — Nawiyanto, Nature Conservation in a Frontier Region of Java during the Colonial ARCHIPEL Contact : Mathilde Lefebvre and Early Post-Colonial Periods — Témoignages : Salmiah Chanafiah Pane, Mon [email protected] père — Comptes rendus — Résumés-Abstracts +33 (0)4 13 55 07 23 30,00 €

ISBN 978-2-910513-80-1 96

30,00 €

ISBN 978-2-910513-80-1 2018 96 Revue soutenue par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS l’École française d’Extrême-Orient et l’Institut des Langues et Civilisations Orientales

2018

Revue soutenue par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS l’École française d’Extrême-Orient et l’Institut des Langues et Civilisations Orientales Péninsule n° 76 – 2018 (1)

SOMMAIRE

Présentation 3

Grégory MIKAELIAN, In memoriam. Études khmères ...... 5

I. VARIATIONS SUR L’ÉCRITURE DE L’HISTOIRE DU SIAM

Gilles DELOUCHE, 1564 : première défaite siamoise par les armées birmanes devant Ayudhya ? ...... 37

Alexandre BARTHEL, La neutralité thaïe de la fin des années 1930 à l’invasion japonaise ...... 93

II. TECHNIQUES ET MATÉRIAUX

Marie-France DUPOIZAT, La céramique importée à Angkor Thom ...... 129

Marie GAMONET, Notes sur les peintures murales du monastère lao de Vat Had Siéo, le monastère de la plage de l’arbre Siéo . 185

Comptes rendus : mémoires et représentations

Patrick NARDIN, Suppya Hélène NUT &t Soko PHAY, Cambodge. Cartographie de la mémoire, Paris, L’Asiathèque, 2017 (Grégory Mikaelian). KERIS Mas, La Jungle de l’Espoir, traduit du malais par Brigitte F. Bresson, coll. du Cannibale, rééd. 2011 (Marie-Sybille de Vienne) ...... 209

Résumés ...... 233 Abstracts ...... 235