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« Face à l'événement, c'est à soi- même que recourt l'homme de caractère. » Charles de GAULLE Le Fil de l'épée (Plon)

JACQUES TOUBON « Premier ministre » DE DU MÊME AUTEUR

Tout au fond du silence (Prix Albert Schweitzer) Éditions Gallimard. Pourquoi tant de colère? (Grand Prix Vérité) Editions Robert Laffont. Et aussi tant d'espoir... Éditions Robert Laffont. Dieu au bout des doigts Éditions Pygmalion. Larissa Doublet, le crime de la Tourelle Éditions Carrère, Michel Lafon. La Sauvagine, roman historique Éditions Carrère. Caracol Bistécol (Contes pour la Jeunesse) Éditions Magnard (Prix Loisirs Jeunes). Caracol Bistécol (Théâtre pour la Jeunesse) Éditions Cinq-Diamants (Prix Loisirs Jeunes). Jean-Jean le petit roi (Théâtre pour la Jeunesse) Éditions Cinq-Diamants. Sacripan le Grand Archer (Théâtre pour la Jeunesse) Editions Cinq-Diamants. Commedia dell'Arte (Théâtre pour la Jeunesse) Éditions Cinq-Diamants. Don Quichotte (Théâtre pour la Jeunesse) Éditions Cinq-Diamants. Riquet à la houppe (Théâtre pour la Jeunesse) Éditions Cinq-Diamants. La maison de Cadet-Rousselle (Théâtre pour la Jeunesse) Éditions Cinq-Diamants. Pierre SAURAT Jacques TOUBON "Premier ministre" de Jacques CHIRAC

Éditions Cinq-Diamants 8, rue des Cinq-Diamants, 75013 Tél. 45.81.46.86 - 45.88.01.00 © Éditions Cinq-Diamants, 1986. CHAPITRE 1

Tout commence, le 19 novembre 1984, aux Assises du R.P.R. qui se tiennent dans l'immense hall d'expo- sition de Grenoble : 5 000 militants viennent d'applau- dir Jacques Chirac au terme d'un discours ferme et mobilisateur, lorsque le Président du mouvement annonce à la tribune : « Au poste de secrétaire général, j'ai décidé d'appeler un militant exemplaire, un parle- mentaire dont la perspicacité est reconnue par tous, un homme dont j'ai pu apprécier depuis près de quinze ans la solidité et le dévouement et qui, je le sais, aura d'emblée votre confiance. Je nomme au poste de secrétaire général du Rassemblement pour la Républi- que, notre compagnon : Jacques Toubon. » Un grondement sourd, puis c'est l'explosion d'une salle acquise aux décisions de son chef. La grande aventure commence pour un homme dont la tâche sera de gouverner le plus grand parti de l'opposition, aux côtés de son leader qui vient de l'imposer. La veille, dès le début des Assises, Bernard Pons avait créé le premier la surprise quand, à midi, devant deux mille personnes restées là pour écouter la fin de son rapport, en attendant la pause-repas, il avait déclaré : « Puisque nous sommes en famille, je vou- drais parler avec mon cœur... j'ai décidé, pour la première fois de ma vie, de dire non à Chirac qui voulait que je conserve le secrétariat du mouvement jusqu'aux élections législatives. » Cette phrase n'avait pas provoqué tout d'abord de réaction. Avait-elle seulement été entendue? La foule s'était levée pour applaudir la fin du discours du secrétaire général en exercice. Jacques Toubon s'était alors précipité à la tribune pour le congratuler. Puis la rumeur se répand comme une traînée de poudre dans les travées de la salle : « Pons a démis- sionné »; « Pas possible »; « Qui l'a dit? »; « Mais lui, tu n'as pas entendu... il vient de l'annoncer à la tribune ». On court rejoindre des amis. On s'informe. La confirmation est donnée. Pour certains, c'est la consternation, pour d'autres l'enthousiasme. Le plus grand nombre des congressis- tes ne comprend pas, ou ne veut pas se rendre à l'évidence. « Le mouvement va repartir », confient certains avec soulagement. Des militants parmi les anciens considèrent Pons comme un lâcheur. Puis, chacun s'interroge : « Mais qui va lui succéder? » Des noms circulent. « Toubon? Je suis mal placé pour en parler, commente Charles Pasqua, je le connais à peine»; «Pourquoi préférer les effets de couloir aux effets de tribune! » tranche Claude Labbé en s'esqui- vant. D'autres personnalités du mouvement font la sourde oreille ou affirment au contraire avoir été dans le secret, bien avant les Assises, mais refusent de donner le nom du remplaçant. Toubon, pressé de toutes parts, laisse tomber du bout des lèvres : « Je ne suis sûr que d'une chose, c'est que ce n'est pas moi. » Le repas des militants est mouvementé. On com- mente, on critique, on approuve. Certains préfèrent se passer du déjeuner pour courir aux informations, traquer les responsables nationaux ou départementaux, dans l'espoir d'un « tuyau ». Et tout l'après-midi, ce sera le suspens. Le déroulement des Assises dépend maintenant des décisions de Jacques Chirac qui, le lendemain, 20 novembre, donnera le nom du prochain secrétaire général. Le Président du R.P.R. arrive à 17 heures. Sans perdre de temps, il visite des stands, serre les mains qui se tendent, se fait photographier au milieu d'un groupe de danseuses tahitiennes. Nul énervement apparent dans son comportement, le sourire est peut- être plus crispé qu'à l'accoutumée, mais le bruit, la chaleur, la foule expliquent bien des choses. Dans son sillage, Bernard Pons dit à qui veut l'entendre : « Il n'y a entre Chirac et moi, ni nuage, ni ombre, ni divergence dans l'appréciation des tâches que doit remplir le Parti... Quoi qu'il en soit, une nouvelle équipe sera mieux à même de réaliser cette mobilisation que je sens nécessaire. » La première journée se termine dans le gris, à l'image du ciel grenoblois dans lequel s'amoncellent de gros nuages. Ce n'est pas la joie, sauf pour les auteurs de bouquins qui signent des dédicaces à tour de bras. Le soir venu, les militants du XIIIe arrondissement de Paris dont Jacques Toubon est le maire, dînent joyeusement dans un restaurant de Voiron, à trente kilomètres de Grenoble. Jacques Toubon, accompagné de Lise, sa femme, vient les rejoindre vers minuit. C'est la surprise générale. Comment Jacques a-t-il trouvé l'endroit où ils s'étaient regroupés? Et comment s'y est-il pris, lui, dont le temps est si précieux pour surgir au milieu de la nuit à seule fin de se mêler à eux et de les remercier pour leur présence à Grenoble? Ceux qui le côtoient depuis longtemps reconnaissent là la qualité essentielle de Toubon: la fidélité, le sens profond de l'amitié. Il aime se retrouver auprès de ceux qui l'aiment. Il aime aimer et être aimé. N'est-ce pas ainsi qu'il a gagné la confiance des militants, avant celle de ses électeurs? Contrairement à son habitude, Jacques Toubon, ce soir-là, ne parle pas beaucoup; il semble nerveux, inquiet. Il paraît vouloir être récon- forté, soutenu, compris par ses supporters incondition- nels. Que redoute-t-il? Il écoute quelques plaisanteries en souriant mais sans parvenir à se détendre vraiment. Son esprit est ailleurs. Il dévore une tarte à la fram- boise offerte par le patron du restaurant, boit un café et repart en disant : « Je compte sur vous tous, demain. » C'est évident, ils seront tous là demain. Pourquoi cette insistance? Aucun des amis de Jacques, présents ce soir-là, ne disent à haute voix ce qu'ils espèrent tout bas. Le lendemain, Jacques Toubon devient secrétaire général du R.P.R. Dès l'annonce de sa nomination par Chirac dans la grande salle de Grenoble, les militants qui cherchaient à en comprendre le sens, le trouvent dans le fait que le « renouveau » du Parti est indispensable pour augmen- ter ses chances de l'emporter, aux législatives de 1986. L'évidence est que l'heure de la relève est arrivée pour la reconquête du pouvoir. «J'ai décidé de constituer l'équipe de jeunes chargés de mission», a déclaré Chirac, reconduit dans ses fonctions de président avec 97 % des voix. Il faut susciter dans toutes les régions de , un débat approfondi sur les orientations majeures de notre projet, avec les organismes profes- sionnels, syndicaux, culturels et universitaires. » Quelques heures plus tôt, Jacques Toubon avait lancé une formule très gaullienne. Ce qu'il veut? « Un rassemblement pour changer la politique, un rassem- blement pour redresser la France. » Chacun s'accorde à dire depuis longtemps que Jac- ques Toubon appartient à cette cuvée exceptionnelle d'hommes qui, au sein du mouvement R.P.R., aspirent à changer la France de demain et qui ont les capacités de le faire, tels les Noir, Barnier, Juppé, Seguin, Godfrain. Tous, rêvent de jouer un jour ou l'autre le rôle offert par François Mitterrand à Laurent Fabius, ou celui que François Léotard tient aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing. Mais placé depuis longtemps dans le peloton de tête des futurs vainqueurs, Jacques Toubon a su prendre ses concurrents de vitesse. Le discours d'investiture du nouveau secrétaire géné- ral est révélateur des buts qu'il poursuivra aux côtés de Jacques Chirac : « Il ne faut pas céder à la facilité, à la tentation de nous mettre en roue libre, s'exclame-t-il avec fougue, encore sous le choc de son triomphe. Il nous reste à éviter les pièges tendus par le pouvoir. Il nous reste à convaincre. Il nous reste à rassembler, quelles que soient les circonstances, une majorité massive, indiscutable, incontournable. Pas une majo- rité de revanche, une majorité de rassemblement... Un rassemblement pour changer de politique, un rassem- blement pour redresser la France. » Un moment médusée par l'électrochoc provoqué par la démission de Bernard Pons, la foule des congressis- tes se reprend, accepte le choix et répond à ce discours d'investiture par des applaudissements nourris. Déjà les commentaires vont bon train. La nomination de Jacques Toubon donnera un coup de fouet à l'ensem- ble du mouvement gaulliste. Chacun semble mainte- nant en être convaincu. La réputation du jeune député de Paris, bagarreur et plein de fougue, du tombeur de Paul Quilès dans le XIII arrondissement, n'est plus à faire. Les militants se laissent gagner par les paroles de leur nouveau secrétaire général, qui résonnent du haut de la tribune comme des slogans mobilisateurs : « Il faut que nous soyons tous militants, encore plus présents sur le terrain, poursuit Jacques Toubon, pré- sents dans la rue, à l'usine, au bureau, dans les associations, présents à l'écoute des Français, présents pour dialoguer avec eux, leur dire ce que nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous ferons demain. Qui d'autre ira le dire à notre place? Ne comptez que sur vous-mêmes pour convaincre et mobiliser. Dites-vous que ce que vous faites par vous-mêmes, il y a de for- tes chances pour que personne ne le fasse à votre place. » C'est gagné. L'auditoire admet sans réserve que le compagnon choisi par Jacques Chirac pour le seconder dans sa tâche de la reconquête du Pouvoir, est le meilleur. Bernard Pons devait sa nomination à sa fidélité à Georges Pompidou, Jacques Toubon doit la sienne à sa fidélité au « grand Jacques ». Entre les deux hommes, le courant est passé depuis longtemps et l'engagement est le même, dès lors qu'il s'agit de redonner à la France la place prépondérante qu'elle n'aurait jamais dû perdre dans le monde, avec l'arrivée des socialistes au pouvoir. « Nous sommes les disciples du général de Gaulle et les héritiers de la Ve République!» a clamé Jacques Chirac à la tribune. Toubon complète : « Le général de Gaulle a rétabli l'État républicain, sur ces quatre bases : souveraineté, unité nationale, sécurité, solidarité. Il faut reprendre ce chemin un moment interrompu. » A propos du futur scrutin de 1986, Jacques Chirac n'a pas manqué de souligner, dans son allocution, qu'une modification de la loi électorale pourrait empê- cher l'opposition de disposer d'une majorité nette et incontestable à l'Assemblée nationale. «Le piège est réel : si les manœuvres du pouvoir actuel, a-t-il dit, aboutissaient de ce fait à créer à l'Assemblée nationale une situation insaisissable et à interdire à un gouver- nement de voir le jour sans être soumis à la surenchère incessante des groupes charnières, il ne faudrait pas compter sur nous pour nous prêter à de tels jeux et pour consentir à des combinaisons où se disqualifierait la représentation nationale. » Ce à quoi, Jacques Toubon répond par un pro- gramme quasi électoral. « Il s'agit de faire du corridor étroit entre lequel se meuvent aujourd'hui les person- nes, les familles, les entreprises, les collectivités locales, un vaste espace où, dans le cadre de la loi, chacun pourra se déterminer librement, agir selon son libre arbitre, en un mot exercer sa responsabilité. » C'est un fait : non seulement le courant passé entre les deux hommes depuis quinze ans se confirme, mais l'un complète l'autre sans aucune équivoque. L'un est le président incontesté du mouvement; l'autre son « Premier ministre ». Deux hommes se sont rencontrés pour œuvrer ensemble dans l'espoir d'atteindre le but final : la conquête du Pouvoir. La foule des congressistes l'a compris. Le petit Jacques et le grand Jacques ont scellé un pacte qui fera du R.P.R. une machine encore plus puissante, plus représentative du mouvement gaulliste qu'elle ne pou- vait l'être avant les Assises de Grenoble. Comme pour affirmer plus encore l'identité gaulliste du mouvement, le général est omniprésent à ce congrès. C'est un signe heureux pour les plus anciens, pour ceux qui ont connu de Gaulle, puis Pompidou. Jamais depuis la création du R.P.R. au service de Chirac en 1976, il n'y a eu autant de références au grand homme. Ses phrases sont citées partout : « Puis- que tout recommence toujours, ce que j'ai fait sera tôt ou tard une source d'actions nouvelles, après que j'aurai disparu... » lit-on ici, tandis que l'on découvre ailleurs des portraits géants du Général, à la grande surprise des militants les plus jeunes qui s'interrogent sur les raisons du renouveau de cette imagerie popu- laire. Jacques Chaban-Delmas, radieux, s'était exclamé le matin même : « C'est le retour au gaullisme! » tandis que Michel Debré, à la tribune, affirmait avec lyrisme : « Dès lors, le gaullisme revient! » Jamais la grande messe du gaullisme n'avait trouvé pareil décorum, pareil aboutissement. Comme si cela ne suffisait pas, les plus anciens du mouvement affir- ment péremptoirement que le R.P.R. demeurera le plus grand des partis, dès lors que les barons du gaullisme seront présents et que l'on pourra compter avec eux. Certes, le mouvement gaulliste est d'une extrême diversité; certes, l'ouverture est nécessaire mais elle ne doit pas se faire au prix d'une sous- représentation des anciens dont le poids et l'influence pèseront, quoi qu'il arrive, sur les instances du Parti. Jacques Toubon le sait : la jeunesse n'explique pas tout. Même si depuis quelques mois, l'état-major du R.P.R. semblait avoir vieilli, même si le débat qui avait eu lieu durant l'été laissait prévoir que non seulement les têtes, mais toute l'équipe devrait un jour changer, il faut tenir compte de l'héritage du général et des hommes qui en sont dépositaires. Après l'annonce de la nomination de Jacques Tou- bon, plusieurs questions se posent auxquelles le plus grand nombre tente de répondre : Quand, le départ de Bernard Pons a-t-il vraiment été inéluctable? Début septembre, au moment où Alain Juppé demandait un « remaniement ministériel »? Au tout début des quel- ques jours qui ont précédé les Assises de Grenoble? Bien difficile à dire. Une chose est certaine : le secret a été bien gardé, tant du côté de la rue de Lille, que de celui de l'Hôtel de Ville, ou dans l'entourage de Bernard Pons, ce qui laisse à penser que peu de personnes en avaient été informées. Certains disent que ce changement de l'équipe s'explique par le choc des élections européennes à l'issue desquelles le Front national s'est taillé un fort beau succès; d'autres affir- ment que la remontée de Raymond Barre dans les sondages, qui met en péril l'union de l'opposition aux futures élections législatives, est la seule explication rationnelle. Un petit nombre ose mettre en cause les sondages qui ne sont pas très favorables à Jacques Chirac alors que François Léotard, misant sur le renouveau du langage politique, a montré les dents à la convention du P.R. On précise que le président du R.P.R. avait assisté personnellement à cette conven- tion, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing, et qu'il s'était interrogé alors sur les raisons de l'impact du jeune secrétaire général du P.R. auprès des militants et de la population en général. C'est à partir de ce moment-là que le sort de Bernard Pons avait été scellé affirmaient ceux qui soutenaient la thèse du « vieillis- sement » du député de Paris. Ce dernier, le jour même de sa démission, n'avait-il pas expliqué son geste en des termes qui ne pouvaient laisser aucun doute à ce sujet : « Je suis secrétaire général depuis cinq ans, j'ai pris la responsabilité du mouvement, à la demande de Jacques Chirac, dans des conditions difficiles. Je crois avoir réussi, grâce à l'équipe qui était autour de moi, à redresser la situa- tion. Mais je reste convaincu que les législatives ne sont pas gagnées d'avance; or, contrairement à ce que certains pensent, je considère que c'est un moment capital. J'ai le sentiment qu'il faut que, pour la France, l'opposition les gagne. Et je crois qu'avec une nouvelle équipe autour d'un nouveau secrétaire général, le R.P.R. sera mieux armé et donnera ainsi plus à l'opposition. » Et plus loin : « En politique, il y a toujours un phénomène d'usure. Le R.P.R. c'est une grande machine, et l'on s'use forcément à le diriger. Si j'avais repris la tête d'une nouvelle équipe, je risquais d'amener avec moi une partie de cette usure. Je suis convaincu qu'en politique il faut un renouvellement permanent. Maintenir les mêmes hommes aux mêmes responsabilités, ce n'est pas bien perçu. » Aux dernières heures des Assises, où l'effet Toubon semble en avoir occulté le véritable sens, chacun continue de s'interroger, non plus cette fois sur les raisons du changement à la tête du Parti (elles semblent maintenant évidentes), mais sur les retombées qu'il faudra en attendre. L'ancien secrétaire général et le nouveau se ressemblent si peu, hormis la fidélité inconditionnelle que l'un et l'autre vouent à Jacques Chirac. A cinquante-huit ans, Bernard Pons est parlemen- taire depuis 1967; élu pendant onze ans dans le Lot, puis dans l'Essonne et enfin à Paris, il devient secré- taire d'État à l'Agriculture de 1969 à 1974 avec Jacques Chaban-Delmas, puis avec Pierre Messmer. C'est en 1979 que Jacques Chirac lui propose le secrétariat général du R.P.R. Il accepte sans discuter, conscient de l'effort immense qui va lui être demandé. Jacques Toubon, lui, est le cadet de Bernard Pons de près de quinze ans. Il doit toute sa carrière politique à Jacques Chirac, depuis 1971, date à laquelle le futur président du R.P.R., responsable des relations avec le Parlement, cherche à s'entourer de jeunes, issus de divers corps de l'État. Jacques Toubon suivra partout son aîné : à l'Agriculture tout d'abord, puis à Mati- gnon. En 1976, se crée le R.P.R. Contre la Préfectorale dont il est issu, le jeune énarque choisit la politique. Il est aussitôt chargé au sein du mouvement de la préparation des élections législatives de 1978, des européennes de 1979, des présidentielles et des législa- tives de 1981 et des municipales en 1983. Cette position lui permettra de connaître tous les membres d'un Parti, ses forces et ses faiblesses. Doué d'une mémoire étonnante, il saura mettre un nom sur chaque visage rencontré quelques mois auparavant : arbitrer, trancher, devient son lot quotidien. Il s'imposera d'au- tant plus qu'on le sait couvert par Jacques Chirac dont il a la confiance absolue. En service commandé, il part en 1981 à la conquête du XV arrondissement, puis en 1983, aux municipales, à celle du XIIIe arrondisse- ment, où il se paie le luxe de battre Paul Quilès, pourtant tête de liste socialiste dans la capitale. Autant Bernard Pons est diplomate, discret, autant Jacques Toubon est le battant, parfois le sabreur, que l'on a pu voir et entendre à l'Assemblée nationale. N'a-t-il pas été promu au rang de « mousquetaire de l'opposition », notamment lors du débat sur la presse, en même temps que quelques autres députés comme Philippe Seguin, Alain Madelin ou François d'Au- bert? Deux hommes, deux styles, mais deux grands tra- vailleurs, omniprésents sur le terrain et d'une fidélité sans borne au maire de Paris, le chef incontesté du R.P.R.; débatteurs de talent, ils savent convaincre, et en gentillesse, l'emporter, l'un tout en rondeur, l'autre avec des formules chocs, ironiques, cinglantes, toujours justes. Bernard Pons était devenu secrétaire général du R.P.R. comme par hasard, Jacques Toubon le devient par la force de sa propre volonté. Autant le premier semblait peu prédisposé à diriger la machine de guerre du nouveau gaullisme, autant le second semble être taillé à sa mesure. La manière dont Bernard Pons avait été promu numéro deux du parti R.P.R. ressemble plus à un « accident » heureux, qu'à un enchaînement logique : quelques jours avant les élections européennes de 1979, Pons (dont les liens d'amitié étaient réels avec Chirac, depuis que Georges Pompidou les avait propul- sés, l'un à Figeac, dans le Lot et l'autre à Ussel en Corrèze, et qu'ils avaient siégé ensemble au gouverne- ment, l'un comme ministre, l'autre comme secrétaire d'État) Pons, envoie une lettre à son ami Jacques pour le mettre en garde contre certaines erreurs à ne pas commettre et, mieux, prédit le probable échec de la consultation. Chirac se souviendra de cette lettre lors- qu'il s'agira pour lui, à la fin de l'été, de prendre des décisions importantes pour le devenir du mouvement, alors en grande difficulté. Le seul homme, selon lui, capable de redresser la situation est cet ancien médecin de province qui semble plus à l'aise dans les coulisses qu'au-devant de la scène. C'est la surprise générale dans tous les états-majors politiques et, plus encore, au sein du R.P.R., où l'on se gaussera longtemps de ce choix, jusqu'au jour où Bernard Pons s'imposera par sa pugnacité, son entêtement subtil et son sens des rela- tions humaines. En 1981, il se dépense sans compter pour les députés en difficulté dans leur circonscription. La victoire des municipales en 1983 est pour beaucoup la sienne. Après cette victoire, on le voit dans toutes les régions pour conquérir davantage encore la confiance de la population et permettre à son mouvement de devenir le mieux organisé, le plus performant, le plus puissant des partis de l'opposition. Toubon, lui, devait devenir un jour le secrétaire général du R.P.R. C'était inscrit dans son parcours politique (comme il est inscrit d'ailleurs qu'il devien- dra tôt ou tard l'un des hommes qui seront aux leviers de commande du gouvernement). Président de la toute-puissante Fédération de Paris, Toubon sait s'attacher les militants qui lui sont tout dévoués, même s'ils lui reprochent parfois « d'en faire trop » et de les délaisser. Omniprésent dans sa circons- cription du XVe et du XIIIe, rien ne lui échappe. Il avale les dossiers avec une facilité surprenante, anti- cipe avec justesse sur les décisions nécessaires à pren- dre mais au bon moment. Sa chaleur spontanée, son dévouement à la cause, son désintéressement font merveille auprès de ceux qui l'approchent. Son com- portement médiatique le prédisposait à devenir un rassembleur. Derrière Jacques Chirac, il fallait un homme jeune: Toubon l'est (il a quarante-trois ans); un homme sûr: Toubon a su démontrer à plusieurs reprises que l'on pouvait compter sur lui. Loyauté et fidélité vont de pair chez cet homme qui, de tous les «jeunes loups» gravitant autour du maire de Paris, a été celui qui n'a jamais étalé sur la place publique les différends qui pouvaient exister au sein du R.P.R. De plus, c'est un battant. Ses résultats, il les doit à ses mérites et à son travail. Il milite depuis quinze ans au R.P.R. avec plus de dévouement que d'ambition per- sonnelle. C'est un militant exemplaire. Ainsi grâce à Jacques Toubon, la relève du R.P.R. est assurée. Il était temps car c'est aussi la relève des générations dans les autres partis: Fabius chez les socialistes, Léotard à l'U.D.F. Hormis l'âge, bien peu de chose rapproche Fabius et Toubon, et le plus proche du peuple par ses racines, dont l'un et l'autre se prévalent, n'est pas celui que l'on croit. Fabius, le socialiste, est un produit de la haute société: fils à papa et héritier d'une fortune non négligeable. Jacques Toubon, lui, est né dans une famille de condition modeste. Son père, croupier au casino de , ne put assurer de longues études à ses fils. Jacques fut boursier et dut travailler dur pour se présenter à l'Ena. Le premier, s'est vu imposé par Mitterrand dans une circonscription facile, sans avoir à son palmarès un long parcours de militant; le second, a dû conquérir de haute lutte sa circonscription du XVe arrondissement de Paris et celle du XIIIe, après plusieurs années de militantisme actif. L'un est un favori du Prince, l'autre un hussard qui n'a pas craint de « mouiller sa chemise » et de se « crever la patate » pour arriver aux responsabilités. Il n'est pas rare d'entendre certains socialistes s'in- terroger sur la vérité du socialisme viscéral du cher Laurent. Il ne viendrait à l'idée d'aucun militant R.P.R. de douter un seul instant de la sincérité de l'engagement politique du compagnon Jacques. Enfin, les allures maniérées et faussement aristocratiques de Fabius, tranchent singulièrement avec le style comba- tif, pragmatique et d'une redoutable efficacité de Tou- bon. Oui, certes, le peuple qui en définitive décide, se retrouve plus dans le style du jeune secrétaire général du R.P.R. présenté par ses adversaires, comme la droite dure et dispensatrice de privilèges, que dans celui du jeune Premier ministre, héritier accidentel de Jaurès et de Léon Blum. Le parallèle est plus facile à établir en ce qui concerne Jacques Toubon et le troisième homme de cette nouvelle génération de responsables politiques, François Léotard; le secrétaire général du P.R. est issu, lui aussi, d'une famille de condition sociale modeste. Né, comme Jacques Toubon, dans le midi de la France, énarque comme lui, il débute comme lui dans la Préfectorale avant d'être mis à l'épreuve politique dans les cabinets ministériels. Représentant l'un et l'autre les deux grandes forma- tions de l'opposition, la question est maintenant posée en ce mois de novembre 1984 : trouveront-ils un terrain d'entente pour donner à la France l'espoir d'être enfin gouvernée? La réponse interviendra au moment des prochaines élections législatives du printemps 1986, mais il reste dix-huit mois pour préparer l'échéance. En attendant, tout le monde s'interroge à l'intérieur du hall d'exposition de Grenoble au soir du 20 novem- bre 1984 en découvrant, certains pour la première fois, le visage du nouveau secrétaire général qui porte tous les espoirs de la reconquête du pouvoir. On dévisage ce jeune chef, «bouffeur» de dossiers, en même temps que tribun redoutable et homme de terrain. On le dit aussi bien à l'aise dans un café, sur un marché, au milieu des enfants dans la cour des écoles, que dans les ministères ou à la tribune de l'Assemblée nationale où il s'est vu - fait rarissime - censuré par Mermaz pour lui avoir tenu tête avec une rare efficacité. On décortique sa biographie : niçois de pure souche, il se retrouve dans un lycée lyonnais. Le sport et l'école sont ses deux passions. L'athlétisme et le volley-ball ont ses préférences. Quatre fois, il remportera le titre de champion d'Académie de Lyon. Après le bac, il entre à l'Éna. Le retour du Général en 1958 et son élection à la Présidence de la République déterminent Jacques Tou- bon à entrer dans le service public. Sa fascination pour de Gaulle lui permettra, plus tard, de «vivre avec Chirac, confiera-t-il à un journaliste, d'entrer dans un destin et dans un projet... et d'apprendre plus Chirac que la politique ». Jusqu'en 1976, il restera aux côtés de Jacques Chirac. Le jeune énarque aurait pu retourner dans l'administration, mais, «il ne m'est pas venu à l'esprit une seconde de revenir à l'administration du moment que le patron m'avait demandé de le suivre », poursuit-il. Puis c'est son élection comme député du XVe arrondissement de Paris. Le fonctionnaire devient un homme d'appareil politique à part entière. Son destin est tracé. Le cinéma et l'art moderne n'ont aucun secret pour Toubon. Volontiers frondeur, ne déclarait-il pas à un journaliste, peu avant le congrès de Grenoble : « Ne le dites pas à Claude Labbé, mais j'ai délaissé le bureau du groupe pour assister au conseil d'administration de la biennale d'art moderne de Paris. Donner à la France, une biennale de renommée internationale, c'est un moyen de négociation et de chantage pour que nos artistes ne soient plus sous-représentés dans les grandes expositions à l'étranger. C'est réellement bon pour la France. » Dans la semaine qui suit les Assises de Grenoble, Catherine Pégard, journaliste au Point, dresse de Jac- ques Toubon le portrait le plus complet qui soit et que voici : « Un peu corse par sa mère, qui le choya, ainsi que son frère Robert, d'une tendresse " coconneuse ", il est niçois par son père. Né le 29 juin 1941, il se souvient d'une enfance sans histoire ponctuée de gratins de courgettes que mitonnait sa grand-mère. A onze ans commence la "vie sérieuse". La famille s'installe à Lyon. Il est pensionnaire : c'est le début du " cursus " qui le conduira à l'Ena en 1962. « Son père était croupier de casino : il rêvait d'être instituteur. Retraité, il devint conseiller municipal d'Antibes. Dans la famille, on a toujours fantasmé sur la fonction publique. Consécration : Jacques entre à l'Ena. Il croit aux vertus de l'intelligence diplômée pour gravir l'échelle sociale. « Sa seconde naissance - politique - c'est Chirac, qu'il rencontre à la création de la Fondation Pompidou et qu'il rejoint au cabinet des relations avec le Parle- ment (1971). Avant, il y avait de Gaulle, mais il allait de soi. Avec Chirac, commence l'épopée. Le leader du R.P.R. peut tout lui demander avec le " vous " qu'il réserve à ses premiers " collaborateurs ". «S'il sait se faire acteur quand il veut obtenir quelque chose, il ne cherche pas naturellement à séduire. Quand sa seconde femme l'a rencontré, elle l'a trouvé " un peu plouc ". Depuis, elle lui choisit crava- tes et vestons. Il a de la chance; elle dit de lui : " J'ai peur qu'il ne plaise pas à tout le monde. Mon but est qu'on l'aime. " » « Les militants, qui adorent ses bourrades chaleureu- ses, les socialistes, qui le voient au mieux " chahu- teur ", au pire" provocateur " ne connaissent qu'un de ses visages. En mission parlementaire à New York, Paulette Nevoux, député P.S. du Val-de-Marne, en a fait l'expérience : elle croyait subir un " facho ", elle a suivi dans les musées un esthète éclairé dont la femme, passionnée d'art moderne, a dévoilé le goût pour la peinture. « Une calvitie précoce arrondit son visage et annonce un buste massif : on admire sa santé. François Fillon, député R.P.R. de la Sarthe, malgré ses trente ans, a " craché ses poumons " en essayant de le suivre dans un jogging à Central Park. On ne le voit jamais avachi dans un fauteuil. «Les traits se crispent, les mots se bousculent, il lance une formule à l'emporte-pièce, outrancière, du genre " Marseille, c'est Prague ». C'est son point faible. Chirac le sait, qui attend de lui qu'il " mette du plomb à ses semelles Sa femme, Lise, que ses affinités ne portent pas vers un R.P.R. pur et dur, l'a deviné dès leur première rencontre : elle lui a offert " Mytholo- gies" de Barthes, pour qu'il change de langage! «Jacques Toubon n'a pas d'angoisse. A Grenoble, la veille de son intronisation, il s'est endormi après avoir lu quatre pages du journal local. Un coup de téléphone de Chirac l'a réveillé à 8 h 30 : il était prêt. Heureux? Il ne se pose pas la question. Il avance. «Toubon réussit le prodige d'être totalement mal organisé et en même temps perfectionniste. Il a l'esprit toujours en éveil, même quand il mange un bonbon : il lit sa composition chimique sur le papier avant de le jeter! C'est un homme d'ordre, respectueux de la hiérarchie (il a continué à rendre des visites à Marie- France Garaud après que celle-ci eut quitté le R.P.R.). Certains le verraient bien ministre de l'Intérieur. « Servi par une prodigieuse mémoire qui lui permet de retenir un numéro de téléphone en le voyant composer devant lui, il sait tout. Ses amis appellent cet électoraliste pointilleux pour connaître les secrets des circonscriptions qu'ils visitent. Mais il a aussi épaté les Américains par sa connaissance de la carte électorale des États-Unis. Étudiant, il se couchait tôt et se levait à 4 ou 5 heures du matin pour travailler ses cours. A partir de midi, il se " documentait " pour parfaire sa culture. Il continue... en se couchant tard. « Revers de cette boulimie de savoir, il veut se mêler de tout, ce qui agace ses collègues. Qui ne se souvient de cette réunion sur l'audiovisuel, à l'Hôtel de Ville, où il est intervenu sans y être convié? Alors, Chirac le fait taire : « C'est le seul à qui je tape sur le nez », dit-il affectueusement. « Toubon n'est pas conceptuel. Il synthétise. Et vite. A la commission des lois de l'Assemblée nationale, quand Philippe Seguin expose des raisonnements char- pentés, il arrive à Toubon de résumer : « Tu as tout à fait raison. Voilà ce que je vais faire. » « Je ne suis pas étalé psychologiquement », prévient- il. C'est un euphémisme. Quand la grand-mère qu'il aimait est morte, il n'est pas allé à l'enterrement. Mais il peut communier dans un pèlerinage à Colombey. « On ne le connaît pas », disent en chœur ses proches, de sa femme à Alain Juppé. « Ce politicien prolixe ne dit rien de ce qui le touche. Et ce n'est pas le moindre point qu'il ait en commun avec Chirac. « Nous n'avons pas besoin de nous voir pour cultiver nos liens », dit d'ailleurs Toubon. Chez lui, les sentiments sont acquis, il ne demande pas de confirmation verbale. Personne ne saura qu'il a passé une matinée à un congrès de médecins pour étudier les derniers progrès dans la connaissance d'une maladie qui frappe un de ses amis. « Les émotions l'encombrent, il s'efforce de les gom- mer. Mais il peut se lever à 4 heures du matin pour aller voir se lever le soleil sur le Larzac. Cela ne touche pas aux priorités de la journée. Amateur de bons vins, il ne se prélassera pas dans la dégustation; l'épicurisme doit être bref. « Toubon, l'insatiable, ne s'est pas cultivé par impré- gnation familiale. Il a « appris la vie ». Ainsi s'endor- mait-il, il y a quelques années, à l'Opéra. Aujourd'hui, il travaille et suit en même temps les livrets d'opéra qui, entre les flashes d'information - obligatoire - lui servent de fond sonore. « Avant son mariage, il vivait avec une plante verte et un téléphone, dans une sorte de cellule monacale, à deux pas de son bureau de la rue de Lille. Il habite désormais avec son épouse, un atelier d'artiste dans le VIe, mais ses amis estiment qu'il n'a vraiment besoin d'argent que pour acheter la presse. « Dans le curriculum vitae type qu'il débite à ceux qui le questionnent, il ne se livre qu'une fois, lorsqu'il parle amoureusement des deux petits-enfants (quatre ans et deux ans), de son épouse, jeune grand-mère. Il n'est pas de plus beau cadeau pour lui que de s'enten- dre appeler " papy " par Vincent et Marie. Adopté dans une " vraie famille il a découvert un nouvel équili- bre. " Anti-stress ", précise-t-il. « A l'Ena, il aimait bien Jean-Pierre Chevènement. Il rencontre Bernard-Henri Lévy et dîne avec des direc- teurs de galeries qui ne sont pas précisément liés au R.P.R. Mais a-t-il de vrais amis, un copain d'enfance? Il ne va jamais en groupe au théâtre ou au concert. Il évite les obligations. Jacques Toubon le reconnaît: « Mes grandes émotions ne sont pas collectives. » « Déjà, du temps de Chirac Premier ministre, il s'était fait la réputation d'être celui qu'on pouvait trouver le dimanche à Matignon. Il ne dit jamais non quand il faut mener campagne à travers la France, et même pour une journée dans les Dom-Tom, dont il s'est fait une spécialité. Mais il est fatalement toujours en retard, ce qui exaspère beaucoup de monde. L'inac- tion lui est inconnue : si un rendez-vous est annulé à l'Hôtel de Ville, il courra à Beaubourg. « Individualiste par tempérament, il est pourtant un militant hors pair, toujours disponible pour un dernier café au sortir d'un meeting. A Grenoble, il a dîné avec les militants de sa circonscription (législative) du XVe arrondissement mais il s'est dépêché de rejoindre, trente kilomètres plus loin, à Voiron, ceux du XIII pour prendre le dessert avec eux. S'il sait être mesuré quand il écrit " Pour en finir avec la peur " (un livre sur la sécurité), il oublie pour ses " compagnons " sa froideur et se fait tribun populaire aux envolées exces- sives. " C'est mon métier ", dit-il. Pour le meilleur et pour le pire. « Pour Jacques Toubon, savoir encaisser les coups et être patient sont les deux qualités de l'homme politi- que. Le nouveau secrétaire général du R.P.R. n'a pas participé à la " querelle de générations " de l'été. Du moins publiquement. S'il a réclamé " un renouvelle- ment des idées et des hommes " c'est devant le comité central de son parti. S'il s'est gaussé de quelques vieux " schnoks c'est en privé, avec ses copains. Les Noirs, Juppé ou Barnier n'ont pas eu sa prudence. « Tant que Chirac existera, Toubon sera d'abord au service de Chirac. Le président du R.P.R. raconte comment Toubon, qui déjà en 1978 avait dû renoncer à la 4e circonscription du Rhône (offerte à Barre) lui a proposé de ne pas se présenter en 1981 dans le XVIII pour qu'Alain Juppé ait un point de chute. «C'est le seul qui soit désintéressé », commente Chirac. « Comme il n'était pas sorti de l'Éna dans un très bon rang, il voulait redoubler. " N'en faites rien, lui dit un directeur d'études, le classement est sociologique. " Depuis, Toubon veut prouver - et se prouver à lui-même - qu'on peut réussir sans " bonne sociolo- gie Quand il s'en est pris si vertement aux socialistes qui évoquaient la mémoire de Salengro - " Bande d'imbéciles, bande de maniaques! " a-t-il hurlé dans l'hémicycle du Palais-Bourbon - il réagissait plus en enfant modeste qu'en agitateur patenté. Être assimilé aux " capitalistes " le hérisse comme une injustice, lui, le fils d'un discret syndicaliste F.O. » Interrogé sur la nomination de son compagnon d'armes à l'Assemblée nationale et notamment lors des discussions de projet de loi sur la presse, François d'Aubert, un autre hussard de l'U.D.F., affirme: «Je me réjouis de voir Jacques Toubon accéder au secréta- riat général du R.P.R. Je suis persuadé qu'il saura donner à son mouvement l'impulsion qui convient pour les élections de 1986 dans un climat d'union avec les autres composantes de l'opposition et notamment avec le parti républicain. » Même son de cloche avec Alain Madelin, le troisième mousquetaire de l'Assem- blée nationale et député U.D.F. de l'Ille-et-Vilaine : « Je me réjouis pour Jacques Toubon. C'est un homme que j'ai appris à connaître. Il a du caractère et des convictions, une rare maîtrise des problèmes politiques et des grands dossiers. La ligne droite de son parcours politique se trouve récompensée. Lorsque l'opinion publique aura appris à mieux le connaître, elle décou- vrira un homme d'une grande qualité humaine. » Et la presse, que dit-elle de cette arrivée en fanfare du trublion de l'Assemblée au poste de secrétaire général du R.P.R.? Pour Le Figaro : « L'arrivée de Toubon va donner un coup de fouet à l'ensemble du mouvement gaulliste parce que le député de Paris a l'image d'un battant et d'un gagneur. » Le Matin confirme : « Le rajeunissement du mouvement en vue des élections législatives de 1986 est en marche.» « M. Toubon a l'âge des contestataires, il n'en a pas le profil », affirme pour sa part Le Monde, tandis que pour Le Quotidien de Paris: « Le renouveau du R.P.R. sera la clé du combat qui commence. » L'Express quant à lui recon- naît à Jacques Toubon « une curiosité boulimique; il dévore les journaux, enregistre tout, n'oublie jamais rien, surtout pas ce qui est utile à sa passion majeure, la politique.» Et si L'Humanité, sans imagination, ne voit dans cette nomination que l'arrivée du « clan des jeunes loups », le mot de la fin appartient à Magazine Hebdo, citant Jacques Chirac : « S'il me fallait nommer un seul compagnon qui me suivrait jusqu'en enfer, ce serait Jacques Toubon. » Dans cette déclaration du président du mouvement R.P.R. se trouve l'essentiel de la raison du choix de son lieutenant, en même temps que l'explication de cette nomination de Toubon-le-Fidèle, au siège de la rue de Lille. Le départ de Pons et l'arrivée de Toubon ont tellement surpris les congressistes de Grenoble que les nouvelles structures du parti qui leur ont été soumises et qu'ils ont adoptées, sont passées presque inaper- çues. Il s'agissait tout d'abord de remplacer le conseil politique composé de trente membres, dont vingt seront élus par le Comité central et dix nommés par le Président. Une commission exécutoire siégera chaque semaine autour du Président et du secrétaire général; elle sera composée de quinze membres, nommés par le premier, notamment les jeunes chargés de mission et secrétaires nationaux. Enfin, un Conseil national est créé. Organe consultatif composé de personnalités qua- lifiées, nommées par le Président en fonction de leur compétence dans le domaine économique, social et culturel. Mais cette réforme suffira-t-elle pour changer les choses au sein du R.P.R. réputé être une puissante machine monolithique? Paul Guilbert dans le Quoti- dien de Paris le croit fermement : « La précédente querelle des anciens et des modernes, écrit-il, celle des " barons " et des chiraquiens est décidément terminée, Debré et Chaban retrouvant leur place avec joie. La raison en est simple : le R.P.R. comme le R.P.F. d'autrefois a retrouvé sa claire fonction de rassemble- ment d'opposition et la force de recours. Ce rajeunis- sement par position, où tout le monde est logé à la même enseigne, efface du même coup l'image passéis- te, répétitive, incantatoire, et un peu paronoïaque que revêtait la nostalgie gaulliste sous les républiques pom- pidolienne et surtout giscardienne. Les jeunes de Gre- noble, eux, ne semblaient taraudés par aucun remords, aucune agressivité ancienne, ils étaient même ouverts à leurs alliés : les invités de l'U.D.F. en ont été frappés. Le gaullisme, enfin, se trouve décomplexé. » Lors de sa première conférence de presse en tant que nouveau secrétaire général du R.P.R., sous le feu roulant des questions de toute la presse nationale, Jacques Toubon définit d'entrée de jeu l'objectif qu'il poursuit. Aucun flou dans ses propos, c'est une vérita- ble profession de foi électorale et mobilisatrice : « Je souhaite être jugé sur mes actes. Je suis au service du Rassemblement pour conduire notre mouvement à la victoire la plus large possible lors des élections législa- tives de 1986. Je mettrai tout en œuvre pour que cette victoire soit, bien sûr, celle du R.P.R., mais aussi celle de l'ensemble de l'opposition car il est indispensable pour la France que nous ayons, en 1986, une majorité " franche et massive selon l'expression du général de Gaulle afin qu'elle puisse honorer le contrat passé avec les Français. » Le « Premier ministre » de Jacques Chirac, dans son Matignon de la rue de Lille, commence à prendre de la « hauteur ». II

Mais déjà se profilent de graves difficultés auxquelles il devra faire face. Le jour même de la clôture des Assises de Grenoble, les élections territoriales ont lieu en Nouvelle-Calédonie, donnant la victoire au député R.P.C.R. Jacques Lafleur avec plus de 70 % des suffra- ges. De nombreux attentats indépendantistes ont per- turbé le scrutin, laissant présager d'autres affronte- ments qui risquent de mettre l'archipel à feu et à sang. Jacques Toubon s'empare du dossier, les gaullistes ayant toujours été aux avant-postes, dès lors qu'il s'agit de prendre fait et cause pour la défense des intérêts des territoires de la France d'outre-mer. Autre dossier brûlant: le Tchad. Jacques Toubon stigmatise le gouvernement qui, selon lui, ne dit pas la vérité, notamment sur les réponses apportées à l'As- semblée nationale par le Premier ministre, au sujet du comportement français, face à l'attitude du colonel Kadhafi. Il dénonce encore le « manque de politique cohérente du gouvernement », coupable, selon lui, de ne pas avoir de « politique qu'il puisse exposer ». La politique étrangère de la France n'a pas de secret pour le « Premier ministre » de Chirac : déjà début novembre, alors qu'il n'était encore que le responsable de la Fédération de Paris du R.P.R., il s'était élevé contre la présence de Claude Cheysson aux cérémonies anniversaires de la Toussaint sanglante de 1954 en Algérie, prenant à partie le ministre lui-même. Le mois de novembre 1984 n'a pas été avare d'évé- nements de première importance : l'assassinat d'Indira Gandhi par deux de ses gardes du corps Sikhs; celui du père Popiéluszko en Pologne; puis la réélection du président Reagan avec 59 % des voix et une majorité dans 49 États sur 50; l'arrivée d'un cargo soviétique sur la côte Est du Nicaragua et l'attitude de la junte sandiniste proclamant l'alerte générale contre les Etats- Unis. Face à ces événements, Jacques Toubon réagit avec pertinence, justesse et rapidité. Autre dossier dont il s'empare dès le 22 novembre : celui de la sécurité. Au cours d'une conférence de presse, en compagnie de Claude Labbé, du général Aubert et de Nicole de Hauteclocque, le nouveau secrétaire général rappelle qu'après avoir décidé de « prendre à bras le corps les problèmes de sécurité », il s'agit maintenant de les prolonger concrètement par les propositions de loi qui s'articulent autour de plusieurs thèmes : l'incompressibilité des peines prononcées à l'encontre des auteurs de crimes de sang; les contrôles d'identité avec l'obligation à toute personne se trou- vant sur le territoire national d'être en mesure de justifier de son identité et d'en justifier sans débattre à la demande des agents de la force publique; enfin, la troisième proposition de loi concerne l'autorisation pour les policiers, de se servir de leurs armes. Il apparaît, en effet, selon lui, qu'une des raisons du comportement dangereux des malfaiteurs est la dispa- rition de la crainte à l'égard des policiers dans l'exer- cice de leur fonction. «Il faut, conclut Jacques Toubon à l'intention de Robert Badinter, qu'une amélioration ait lieu avant 1986 et ces propositions concrètes sont destinées à mettre le gouvernement au pied du mur. Il a la possibilité de les accepter. S'il ne le fait pas, cela confirme que les problèmes de sécurité ne constituent pas une priorité pour le gouvernement socialiste. » La majorité, pendant ce temps, fourbit ses armes contre le nouvel homme fort de la rue de Lille, en affirmant que ce n'est pas pour contrer «l'effet Fabius » qu'il a été choisi comme secrétaire général du R.P.R., mais pour faire face à «l'effet Le Pen». A Matignon, on se propose même de divulguer les décla- rations les plus radicales de Jacques Toubon et celles de Jean-Marie Le Pen. Un exemple : Jacques Toubon et le leader du Front national ont l'un et l'autre demandé en leur temps, une limitation du droit de grève dans la fonction publique. D'autres exemples suivront, affirment les stratèges de Matignon et de la rue de Solférino. Jacques Toubon passe outre cet amalgame fâcheux avec le Front national et intensifie son activité au service de la seule cause qui lui tient à cœur: faire gagner les élections à son parti, mais aussi à toute l'opposition. Ceux qui le connaissent savent qu'il aime avant tout aller au-devant des militants pour se «ressourcer». Son calendrier de déplacements est chargé mais ce n'est pas pour lui déplaire : le samedi 24 novembre, après s'être rendu au Pavillon Gabriel, à Paris, pour la signature de son livre : « Pour en finir avec la peur », qui traite de la sécurité, il part pour Roanne pour une conférence de presse, suivie d'une rencontre avec des représentants socio-professionnels de la Loire, avant de tenir une réunion dans une salle de la ville. Le 1 décembre, l'Hérault l'accueille et le lendemain, 2 décembre, il est l'invité du Club de la Presse d'Eu- rope I. La situation intérieure de la France se dégrade chaque jour davantage et les Français se montrent de plus en plus mécontents de la politique gouvernemen- tale. François Mitterrand en fait l'expérience lors de sa visite de quarante-huit heures en Alsace, à l'occasion du quarantième anniversaire de la libération de cette province. Les manifestations, parfois violentes, se mul- tiplient sur le passage du président de la République, tandis que les élus de l'opposition, boycottent sa venue à cause de l'affaire du synchrotron européen. En effet, l'implantation de cette importante réalisation aurait dû s'effectuer en Alsace et, pour des raisons uniquement politiques, Louis Mermaz, le président de l'Assemblée nationale, troisième personnage de l'État, mais en perte de vitesse auprès de son électorat, l'a récupérée pour son département, l'Isère. Toubon ne manque pas sa cible : il dénonce les 59 000 chômeurs en Alsace tandis que 36 000 Alsaciens vont tous les jours travailler en Allemagne ou en Suisse. En Nouvelle-Calédonie, les attentats indépendantis- tes se multiplient; le sous-préfet Jean-Claude Demart est séquestré par la F.L.N.K.S. Le samedi 24, cinq anciens Premiers ministres (M.M. Debré, Couve de Murville, Chaban-Delmas, Messmer et Chirac) lancent un « appel solennel » au chef de l'État contre l'indépen- dance de la Nouvelle-Calédonie, voulue par le pouvoir. Deux jours plus tard, le ministère de l'Intérieur envoie Charles Barbeau pour « examiner les conditions dans lesquelles doit s'exercer le processus d'autodétermina- tion ». Jacques Toubon «monte au créneau» une fois encore, pour dénoncer l'imposture du gouvernement, face à la terreur provoquée par le « Front de libération canaque » qui, lors des dernières élections a faussé le scrutin en obligeant 49 % d'électeurs à rester chez eux. « Le gouvernement a choisi en Nouvelle-Calédonie la violence de la minorité contre le suffrage universel - déclare-t-il à Roanne. Nous dénonçons cette politique dangereuse et nous soutenons le gouvernement local représentatif de la majorité des Calédoniens, qu'ils soient « blancs ou noirs ». Répondant à Georges Lemoine, secrétaire d'État aux Dom-Tom, il ajoute : « discuter avec tout le monde, pourquoi pas, mais reculer devant les émeutiers et bafouer le vote des habitants de la Nouvelle-Calédonie, certainement pas. C'est ce que fait pourtant le gouvernement. Il veut ignorer le vote de la majorité des Calédoniens qui s'est exprimée clairement dimanche dernier et le gouverne- ment local régulièrement élu qui représente vraiment la population. » Les élections législatives auront lieu dans quatorze mois et l'on s'interroge naturellement sur le mode de scrutin. L'Assemblée nationale dominée par 283 socia- listes sur 491 députés devra trancher, sur proposition de l'Élysée: probablement la représentation propor- tionnelle. Le chômage (avec vraisemblablement 3 000 000 de chômeurs début 86), l'immigration et l'insécurité seront les chevaux de bataille de l'opposi- tion. Jacques Toubon sait que le R.P.R. devra prendre en compte les réactions des électeurs potentiels de Le Pen sur ces trois points, auxquels il faut ajouter la peine de mort et l'avortement. Une autre équation reste à résoudre et c'est la plus importante, il y va du devenir de la nouvelle majorité : obtenir un bloc majoritaire pour gouverner sans déchi- rement. A l'instar de Jacques Chirac, de Raymond Barre et de Giscard d'Estaing, Jacques Toubon réclame un président, un gouvernement et une majorité. De Gaulle et Pompidou étaient parvenus à ce monoli- thisme du pouvoir. La cassure en 1986 entre Chira- quiens et Giscardiens risquerait de tout compromettre, d'autant qu'une troisième composante se profile à l'horizon : le barrisme. Ce ne sont pourtant pas les thèmes qui manquent pour aller à la victoire et la confirmer même si François Mitterrand affirme à un journaliste de L'Ex- pansion que : « Non seulement nous avons changé beaucoup de choses, mais nous avons changé durable- ment » et que : « L'opinion actuellement heurtée se rendra compte que nous avons fait ce qu'il convenait ». Jacques Toubon objecte que l'indice de satisfaction relevé par l'I.F.O.P. pour le mois d'octobre est le plus bas niveau enregistré pour un président de la Républi- que : 26 % de satisfaits pour 31 % le mois précédent, tandis que les mécontents passent de 52 % à 57 %. Le départ des communistes du gouvernement a provoqué indiscutablement la perte de confiance des milieux ouvriers, d'autant que Georges Marchais traite le chef d'État, son allié d'hier, de « monarque absolu » et le dénonce à la vindicte publique : « L'Assemblée n'a aucun rôle, c'est zéro. Aujourd'hui, c'est un homme seul qui décide pour tout le monde », clame le secré- esttaire familier. général du P.C., avec le sens des nuances qui lui Pour compléter l'analyse, 56 % des personnes inter- rogées déclarent qu'elles voteraient pour l'opposition en cas d'élections législatives contre 36 % pour la majorité. - Tout semble dit: les socialistes n'ont plus aucune chance d'infléchir la tendance. Au problème de l'em- ploi, s'ajoutent les questions de société auxquelles il faudra bien répondre pour réconcilier les Français. Toubon, ne peut ignorer par exemple que Jacques Chirac, en personne, n'a pas hésité au début novembre, à Europe I, à mettre en cause l'application même de la loi Veil, sur l'interruption volontaire de grossesse, responsable à certains égards de la baisse de la nata- lité. « Lorsqu'on vient nous dire que ceci n'a strictement aucune espèce d'influence sur la natalité et la fécondité, avait dit le maire de Paris, c'est un argument qui heurte le bon sens. Dans trente ans, il y aura quatre fois plus d'hommes au sud de la Méditerranée qu'au nord; il sera alors impossible d'empêcher les hommes du Sud de monter vers le Nord. » Le meurtre d'un ouvrier turc abattu par un vigile d'origine camerounaise, à la porte d'une usine que des ouvriers tentaient d'occuper; celui de la neuvième personne âgée assassinée dans le 18e arrondissement et de deux autres Turcs tués dans un café par un chômeur qui leur reprochait de « prendre son travail », éclairent une fois de plus le problème de l'insécurité. Dans son livre « Pour en finir avec la peur », Jacques Toubon a déjà répondu à toutes les questions que se posent les Français et proposé des solutions de « bon sens », telles la réglementation de la vente des armes ou l'instauration d'une véritable « carte grise» qui, comme pour les autos, permettrait de « suivre le parcours de l'arme » de propriétaire à propriétaire. D'autres sujets de réflexion lui sont offerts et d'autres propositions devront être faites. Lors de son premier point de presse hebdomadaire, rue de Lille, Jacques Toubon paraît serein, mais conscient de l'ampleur des problèmes nationaux et de la place que doit prendre son mouvement pour les résoudre le moment venu, il se montre réservé face aux journalistes. Certes, « nous avons pris la bonne voie, dit-il en parlant des Assises de Grenoble, et notre train, derrière sa locomotive, est bien parti; mais il n'en demeure pas moins que si le R.P.R. doit être de retour aux Affaires dans quatorze mois, il faut penser sans retard à la préparation de cette échéance. » Le refus de Raymond Barre de participer au Comité d'experts proposé par Jacques Chirac pour dresser le bilan de l'action socialiste est le premier cactus de cette union souhaitée. «Je le regrette, mais rien n'est perdu » souligne Jacques Toubon avec un sourire qui ne dissimule pas la préoccupation majeure : l'ancien Premier ministre fera-t-il ou non cavalier seul lors des prochaines élections? Puis le nouveau secrétaire général précise son rôle et dévoile sa nouvelle organisation de travail : le 13e ar- rondissement lui tient à coeur : il y continuera d'être le maire à part entière, comme il honorera ses engage- ments vis-à-vis des électeurs du 15 arrondissement dont il est le député. Certes, il sera peut-être moins sur le terrain et prendra moins part qu'avant aux travaux de l'Assemblée nationale, mais que l'on ne compte pas sur lui pour déserter le champ de bataille, même s'il doit s'efforcer d'estomper le portrait qui fait de lui le « hussard de Chirac ». « Je suis davantage à l'intérieur de l'opposition un élément de lien qu'un élément de division. Je l'ai montré durant trois années. Jugez-moi affirme-t-il.sur mon action passée, elle est un gage pour la suite » Certains observateurs notent une certaine pusillani- mité dans les propos du secrétaire général. Ses nouvel- les responsabilités ne lui auraient-elles pas déjà rogné les dents? En effet, est-ce le même homme qui, un jour, en plein débat à l'Assemblée nationale, devant les caméras de la télévision, s'écria, pâle de colère, à l'adresse de ses adversaires socialistes et communistes : « bandes d'imbéciles, mon père, vous ne le savez peut-être pas, était un ami de Roger Salengro? » Était- ce bien lui, encore, ce «sabreur» toujours pressé, passionné, impétueux, parfois impatient, parcourant des milliers de kilomètres, d'une circonscription à une autre pour porter la bonne parole, galvaniser les foules et que ses adversaires présentent parfois comme un agité... à l'instar du patron, Jacques Chirac? Celui-là même qui proclamait avec une fierté provocatrice pour justifier son goût de la bagarre : « Quand je suis arrivé à l'Assemblée en 1981, nous n'avions pas le choix. Ces types, les socialistes, étaient en train de faire des bêtises. L'opposition n'allait pas s'armer pour traverser le désert. Il fallait contrer, de façon tranchée, franche et superactive. » Toubon, l'acrobate du Palais-Bourbon, le Lucky-Lucke de l'opposition qui lance des anathè- mes plus vite que son ombre, le guérillero des meetings du R.P.R., le bulldozer de Chirac qui annonce : « Le seul de mes engagements qui ne soit pas à la disposi- tion de Chirac, c'est mon abonnement à l'Opéra» allait-il à la faveur de ses nouvelles responsabilités devenir un tiède? Allons donc : « L'heure n'est pas à l'économie d'énergie. Notre mot d'ordre, c'est toujours plus... Il nous faut construire une nouvelle maison France dont Jacques Chirac sera demain le toit... » Le nouveau Comité central du parti qui vient d'être mis en place, va de pair avec les nouveaux statuts du Un jour, j'ai mis mes pas dans ceux d'un homme. La cause qu'il défend est la cause de la France. On le dit intelligent, il l'est. On le dit efficace, il le prouve chaque jour. On le dit fidèle, Jacques Chirac, d'une phrase, confirme : "S'il fallait nommer un seul compagnon qui me suivrait jusqu'en enfer, ce serait Jacques Toubon". Oui, Jacques Toubon est pour Jacques Chirac ce que Chirac fut pour Pompidou : celui qui ne trahira jamais. Depuis quinze ans, il se bat pour ses idées. Son comportement médiatique le prédisposait à devenir un rassembleur. Militant exemplaire, il est nommé par Jacques Chirac, le 19 novembre 1984, aux Assises de Grenoble, numéro 2 du RPR, c'est-à-dire le "Premier ministre" du mouvement gaulliste. Rencontrer cet homme, c'est aller au devant d'un homme. Lire ce livre, c'est le connaître mieux ; c'est aussi mieux comprendre le fonctionnement du plus grand parti de France et vivre, avec lui, à travers son combat quotidien, l'Histoire d'aujourd'hui.

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