70 ans de modèles mythiques

2 Préface Jean Alesi e suis né dans une famille où l’automobile a tenu – et tient tou- Mais, comme le disent ceux qui travaillent pour ­Ferrari : « Nous, nous jours – une grande place. Avec mon père, mon frère, mes grands courons devant notre public dans le monde entier. » C’est à travers Fer- Jamis, nous sommes toujours passionnés par les moteurs, les rari et l’histoire de la Scuderia que j’ai présenté à mon fils, Giuliano, ce belles carrosseries, les performances. Et vous n’imaginerez jamais monde si spécifique de la course automobile au sommet. Et aujourd’hui, assez combien ce seul mot magique « Ferrari » signifie d’enthousiasme il fait partie de la Ferrari Driver Academy. Un passionnant moyen de et d’admiration chez nous. Je ne résiste pas au plaisir de citer un dic- courir sur la bonne voie ! ton de cette belle région d’Emilie-Romagne où se situe Maranello. Il Je vous l’assure, Ferrari est un monde magique. Et vous allez avoir la dit que « Chaque garçon qui naît dans cette région aimera toujours sa chance de vous y promener. Car, à travers ce livre, mes très grands maman, la pasta et Ferrari. » Je ne sais pas si ce dicton est tout à fait amis Jean-Louis Moncet et Johnny Rives, qui m’ont suivi tout au long vrai. Mais je souris en pensant qu’il me convient assez bien. de ma carrière, vont vous prendre par la main pour vous faire revivre Je suis le pilote français qui a disputé le plus grand nombre de Grands cette belle histoire de Maranello. Ils ont connu Enzo Ferrari,­ ils lui ont Prix : deux cent un, c’est une somme. Je retiens de la Formule 1 tout ce parlé, ils ont fait des articles sur nous, qu’elle m’a donné. J’ai, par exemple, passé ma vie professionnelle avec les pilotes Ferrari, pendant des années des garçons formidables, Alain Prost, Nelson Piquet, Michael Schuma- et des années, dans les journaux, les cher, pour ne citer qu’eux, ils m’ont appris plein de choses, et je les magazines, à la radio et à la télévision. admire encore aujourd’hui, parce que je suis bien placé pour savoir tous Johnny entretenait des liens étroits les efforts qu’ils déployaient pour arriver au sommet. avec Enzo Ferrari, Jean-Louis a passé Mais au-delà, je garde intacts dans ma mémoire mes plus beaux sou- en 2015 le cap des cinq cents Grands venirs de F1, ils sont contenus dans une période formidable de ma vie : Prix couverts pour ses reportages, en mes cinq années passées au sein de la . Je détiens ­faisant toujours le point avec Ferrari. parmi les pilotes français le record de longévité chez Ferrari, cinq sai- Ils vont vous guider avec précision au sons et soixante-dix-neuf Grands Prix. C’est beaucoup moins que sein de l’emblématique ­Scuderia… Michael Schumacher, Felipe Massa ou Kimi Räikkönen, mais c’est Bonne lecture ! presque autant que Michele Alboreto. J’ai adoré piloter pour Ferrari. Ce fut pour moi comme une sorte d’en- trée en religion. Mais ne croyez pas que je sois seul dans ce cas : tous La course automobile ceux qui travaillent pour Ferrari, à tous les échelons, entrent en religion a toujours été pour moi une affaire dans le sanctuaire de Maranello. Il y a là-bas une force, un esprit, une de passion. dévotion pour le « Cavallino Rampante » et c’est de là que part le rayon- nement universel, le monde des tifosi, essaimés sur les cinq continents, passionnés par les Grands Prix, les machines et les pilotes de la Scu- deria. Dans chaque pays, il y a des amateurs de telle ou telle écurie.

4 5 Rencontres avec

enzo ferrari L’INGEGNERE Entre 1973 et 1987, Johnny Rives a eu plusieurs occasions de sonder Enzo Ferrari sur ce que lui suggéraient les évolutions techniques et politiques de la F1. Souvenirs.

Ingegnere Enzo Ferrari m’attendait mardi 27 mars 1973. C’était l’année du cham- pionnat du monde d’endurance au cours duquel la Scuderia Ferrari et l’équipe L’ française Matra allaient s’affronter. Après la course inaugurale de Vallelunga, remportée par Matra, j’avais été retenu à plus longtemps que prévu. « Dommage Avec le temps, les papiers s’égarent que vous manquiez le rendez-vous fixé », m’avait dit au téléphone Franco Gozzi, son colla- parfois. Cette lettre, datée du 26 juin 1964, borateur le plus proche. « Monsieur Ferrari vous aurait consacré pas mal de temps. Main- n’est peut-être pas la première écrite tenant, cela ne sera plus pareil… » par Enzo Ferrari à notre collaborateur. Mais c’est la plus ancienne qu’il ait retrouvée. Après des compliments polis, jeudi 29 mars 1973. Peu après 11 heures, accompagné de mon confrère et ami, monsieur Ferrari précise : « Vous écrivez Gérard Flocon, j’arrête ma voiture face à la grande entrée de l’usine de Maranello pour que “Ford menace Ferrari au championnat nous présenter à pied. On nous fait entrer dans une salle d’attente, ornée de photos des marques que Ferrari croyait déjà anciennes. Franco Gozzi vient nous accueillir, nous proposant une rapide visite de l’usine. acquis’’. A cette affirmation je réponds que nous n’avons jamais eu la présomption Car l’Ingegnere a prévu de nous recevoir à midi. Lorsque Gozzi nous ouvre enfin la porte qu’un titre soit déjà acquis. de son bureau, Enzo Ferrari est au téléphone. Nous le découvrons de profil, nez bourbo- nien, chevelure argentée, ­lunettes fumées. Il a 75 ans. Raccrochant promptement, il se lève pour nous saluer, coupant court les excuses que je bredouille à propos de notre Ce mot entièrement manuscrit suite retard : « Si, accomodi », nous invite-t-il en désignant les sièges devant son bureau. à un article paru dans « Sport Auto » La pièce est austère. Aucune décoration, une lumière diffuse. Dans un coin, peu en évi- en 1975. dence, la photo d’un jeune homme : son fils Dino, disparu trop tôt. Je pose mes questions en français, par timidité. Monsieur Ferrari y répond en italien. Gozzi nous a recommandé de ne pas enregistrer, de ne rien noter.Dont acte. Détail qui marquera monsieur Ferrari, car nous avons scrupuleusement respecté ses propos dans le récit de cette première interview. Il nous en fera plusieurs fois la remarque lors de nos rencontres suivantes. Enzo Ferrari, photographié Les lettres d’Enzo Ferrari ne comportaient à son bureau de Fiorano vers pas toutes des compliments. Dans celle du Après trente minutes d’entretien, nous croyons que la fin de la rencontre est arrivée. le milieu des années 1970, 24 mars 1976, l’Ingegnere précise à propos Mais, se levant de son siège, il interpelle Gozzi : « Ils ne connaissent pas la piste, nous allons comme le suggère le tableau d’une réclamation qu’aurait portée Ferrari : la leur faire visiter. » que l’on aperçoit derrière lui et « Cela n’est pas vrai. Audetto m’a confirmé C’est ainsi que nous avons découvert Fiorano, circuit d’essais achevé quelques mois plus représentant une Ferrari 312 PB. qu’aucune réclamation de notre part n’a été portée conformément à une attitude tôt. Il devait progressivement y transférer tout le service courses pour se sentir vraiment que nous avons toujours observée. » chez lui, contrairement à l’usine de Maranello où il partageait les responsabilités avec Fiat.

6 7 10 août 1977 17 novembre 1983 « J’ai lu avec plaisir votre appréciation J’ai reçu un exemplaire de « L’Equipe » et je vous en à ses confrères britanniques. Après quoi, les décisions arrêtées par la Foca, à l’issue sur Ferrari dans “L’Equipe”.». remercie. Je serai content de vous envoyer, en décembre, d’une autre réunion à Londres (en son absence) furent sans rapport avec celles édictées un exemplaire de mon livre dans lequel je me souviens de tous les pilotes que j’ai connus entre 1919 et 1983. à Modène. D’où sa décision. « Fâché ? Non je ne suis pas fâché avec Bernie Ecclestone », nous répondit-il. « Mais Ferrari tient à se désolidariser d’une association qui dirige son action à l’écart de la technique et du sport – les deux raisons essentielles qui m’ont toujours poussé à faire de la compétition. »

Octobre 1980. La crise régnant entre la Foca (noyautée par les constructeurs bri- Ascari… A un carrefour, voilà que se présente une petite tanniques) et la Fédération internationale prend des proportions inquiétantes. Ferrari Fiat 600. A son volant, une jeune femme. Enzo Ferrari accepte de nous recevoir pour aborder ce problème. Il ne lésine pas sur le temps qu’il s’arrête, indiquant d’un geste qu’il lui laisse le passage. nous accorde. Sa fraîcheur physique et intellectuelle fait plaisir à voir. Son enthousiasme Remerciement poli de la jeune femme. Alors, se tournant intact pour la course, à l’approche de ses 83 ans, provoque toujours le même ravissement. Instant émouvant : vers Gozzi, assis à l’arrière, M. Ferrari demande : « Ma, La crise Fisa-Foca va-t-elle se dénouer ? Enzo Ferrari le laisse espérer : « Le 11 septembre, en présence de son proche collaborateur, questa ragazza, chi è ? » La réponse parut lui donner satis- j’ai reçu monsieur Ecclestone qui m’a demandé de jouer les médiateurs pour aboutir à un Franco Gozzi, à l’issue faction. « Ah ? », s’exclame-t-il sur le mode interrogatif. compromis. J’ai accepté après qu’il m’a confirmé un principe essentiel : laisser à la Fédération de ce qui devait rester On l’appelait pourtant déjà « le vieil homme de Mara- son autorité législative. » leur dernière rencontre, le 11 décembre 1987, nello ». Dans sa vie pleinement remplie, il n’avait pas été Ce qui ne sera finalement pas le cas et conduira à l’éclatement des relations entre Fisa Enzo Ferrari dédicace amoureux que des voitures de course… et Foca et à l’annulation du Grand Prix d’Espagne. Deux ans plus tard (1982), les choses son livre « Piloti che seront bien différentes. On se rendra compte alors que le président de la Fisa (Jean-Marie gente… » à notre 25 octobre 1975. Conférence de presse d’Enzo Balestre) marche désormais la main dans la main avec Ecclestone, situation qui apparaîtra collaborateur. Ferrari. Dans la foulée du titre de champion du monde dans tout son éclat lors de la grève des pilotes à Kyalami. Mais c’est une autre histoire… de Niki Lauda, elle se déroule dans une ambiance de fête. Elle est suivie d’un déjeuner. Monsieur Ferrari 16 Février 1984. Petit événement : jusque-là, Enzo Ferrari répondait toujours avec arbore un visage souriant, un regard vif. Ses propos sont humour aux questions qui lui étaient posées à propos des relations possibles avec Mar- partir. Ceux qui accepteront de poursuivre loyalement leur collaboration avec le nouveau alertes. Des traits humoristiques alternent avec les lboro. Il disait : « Nos machines ne fument pas. » Or il vient d’accepter un accord avec le directeur technique n’auront rien à craindre. » A la question : « Combien payez-vous cet prises de position catégoriques. Le poids des ans n’a célèbre cigarettier. Il admet : « Je suis un sportif qui vit dans le passé et qui doit s’adapter au Anglais ? » Réponse : « Allez le voir à la chambre de commerce de Modène, c’est écrit en 22 avril 1985 pas d’influence sur son état intellectuel et moral. Tout présent. Nous avons passé avec Marlboro un accord extrêmement précis : la mise à disposition toutes lettres. » Et, avec gravité concernant sa succession : « L’ingénieur Piero Lardi-Ferrari, « Dans l’affaire Arnoux, je relève que vous avez confondu la gentillesse avec l’hypocrisie et cela, juste note-t-on que son corps se dresse un peu moins de Ferrari d’hommes aux talents techniques et sportifs. Cela valait bien le don d’une dizaine mon fils, est destiné à me succéder. » Après quoi, plus léger, s’adressant à nos confrères sous votre plume, me déplaît. » droit. A 78 ans, il semble prêt pour de longues années de centimètres de nos carrosseries ! » italiens, il dira : « Sans vos questions, la vie serait monotone ! » de lutte encore. Un détail dans les analyses qu’il a four- A propos de la nomination d’un jeune président à la tête de Ferrari, il précise avec un Un élégant coupé vert était devant la porte de son bureau, une Fiat 130. Enzo Ferrari nies – qui serait toujours d’actualité quarante ans après. C’est à propos des pneus et des grand sourire et un réel accent de sincérité : « Que monsieur Ghidella ait été nommé pré- 11 décembre 1987. Notre dernière rencontre avec Enzo­ Ferrari. Il a invité une prend posément place au volant, nous emmenant très doucement vers Fiorano. J’engage Grands Prix sous la pluie : « La réglementation pour les pneus tout temps a toujours été sident de la Ferrari est très significatif. Je me suis soucié de la continuité de Ferrari. Que la douzaine de journalistes pour un déjeuner à Fiorano, dont un Anglais et un Français. Il la conversation sur des amis communs, le journaliste Pierre About qui m’avait recruté à difficile à définir. C’est beaucoup plus qu’un exercice de style… » présidence de Ferrari soit allée à un homme aussi jeune ne peut que me réjouir. » Il estimait n’y fera aucune révélation, mais se contentera de débattre (avec nos confrères italiens L’Equipe et Pierre Bardinon, possesseur d’une collection somptueuse de Ferrari histo- que la saison 1984 constituerait un sommet dans l’histoire de l’automobile, prouvant par essentiellement) du rôle et de la qualité de l’ingénieur John Barnard, engagé un an plus riques. Au volant, monsieur Ferrari est tout à fait détendu. La belle Fiat progresse en Novembre 1977. Malgré sa légendaire vitalité, monsieur Ferrari subit le poids des là que son enthousiasme pour la course restait intact. A 86 ans. tôt et envers qui la presse italienne n’a pas ménagé ses critiques. Il en profitera pour souplesse. Soudain, passé quelques bâtiments, nous voilà sur la piste. Elle est étroite. ans à l’approche de son 80e anniversaire. Sa stature reste toujours aussi raide, mais ses citer les noms des ingénieurs qui ont participé à la gloire des ­Ferrari : Colombo, Lampredi, « Nous l’avons fait exprès pour qu’elle ne puisse pas être utilisée pour des courses », pré- jambes ne semblent plus avoir toute leur solidité. Cependant, en lui vit toujours une 19 mai 1986. Enzo Ferrari a convoqué la presse le lundi de Pentecôte – pour lui, tous Rocchi, Salvarini. « Et puis Bellei, personne n’en parle jamais. Mais le moteur 1500, champion cise-t-il. Il nous livrera ça et là des explications. « Ici, nous avons refait Tarzan, le virage du passion intacte pour la course. Il continue pour cette raison à fasciner, charmer, méduser. les jours sont ouvrés, car le travail est sacré. Il a perçu des grincements dans la presse du monde en 1961, qui l’a fait ? C’est Bellei ! » Il ne manque pas d’ajouter : « Et puis, il y a eu circuit de Zandvoort. » Des boîtiers métalliques rouges jalonnent la piste. C’est le chrono- Le rencontrer est plus que jamais un événement. Il nous apprend qu’il transfère son italienne suite au recrutement de plusieurs techniciens étrangers (l’Anglais Harvey Post- Forghieri que j’ai refusé de licencier après notre mariage avec Fiat en 1969. Je l’avais exilé à métrage électrique. « Nous avons fractionné la piste en quarante-cinq tronçons pour situer bureau de Maranello à Fiorano. « Rassurez-vous, ça n’est pas pour aller labourer : tout est lethwaite, le Français Jean-Jacques His, l’Allemand Gustav Brunner). Il n’en fait aucun Modène où il a travaillé un an et demi pour­ faire le beau moteur “boxer” qui nous a donné de avec précision les progrès ou les pertes. » Plus loin : « Ici, c’est Brunchen, les voitures sautent asphalté là-bas ! » Et plus sérieusement : « J’ai besoin d’être un peu tranquille, c’est la raison complexe et le fait savoir avec humour : « J’ai fait ce qu’en Italie ont fait les clubs qui sou- si belles satisfactions… » comme au Nürburgring. » de ce déménagement. Quand vous aurez atteint mon âge, vous comprendrez ! » haitent gagner le championnat de football. J’ai été chercher les compétences là où elles se Toujours les propos d’un passionné… Nous nous doutions, ce 11 décembre, vivre notre Une fois le tour achevé, il nous arrête devant un bâtiment imposant, une ancienne ferme A propos de la Ferrari T3 : « Quelqu’un a défini notre nouvelle voiture comme la réplique d’une trouvent, comme d’autres l’ont fait avec Michel Platini. » Toujours l’humour pour saluer ses dernière rencontre avec lui, tant il était fatigué. Sa santé alla en se dégradant. En juin, le qui deviendra bientôt le PC de la Scuderia.­ Il y dispose déjà d’un bureau d’où il suit les autre réalisation. Sachez que depuis 1947 que nous construisons nos voitures, nous n’avons visiteurs à la fin de la réunion : « Je vous souhaite à tous de dépasser les 88 ans et, à cet âge, pape Jean-Paul II vint jusqu’à Fiorano. Trop fatigué pour l’accueillir, Ferrari resta chez lui retransmissions télévisées, alors en plein essor, des compétitions. Les tapis sont épais, rien inventé. Toutes les créations sont les évolutions de choses existantes. Même chez nous. » de toujours aimer votre travail. » à Modène. A cette époque, il céda une majorité de ses parts à Fiat, n’en conservant les fauteuils, profonds. Il nous invite à prendre l’apéritif. « Je vous propose celui que nous symboliquement que 10 %. Chacun pressentait sa fin prochaine. Après notre ultime ren- appelons Formule 2 », dit-il dans un excellent français. « Nous en avons un autre, Formule 1. Février 1978. Agacé par certaines manœuvres, Enzo ­Ferrari démissionne du poste 25 septembre 1986. Le plaisir très italien du paraître reste vivace chez Ferrari, en contre du 11 décembre, nous avions croisé Jean-Jacques­ His, l’un de ses plus brillants Il est un peu plus poussé . » (sic). Il nous ramène à Maranello à bord de son coupé Fiat. Il que lui avait accordé Bernie Ecclestone de président de la Foca ( Constructors plus de ses propres vertus de dynamisme et de créativité. C’est toujours un plaisir de le ingénieurs motoristes. Il nous avait dit : « Ma plus grosse hantise est que sa bonne santé ne emprunte un parcours différent pour nous montrer un complexe sportif et une école Association). Evoquant des problèmes précis lors d’une réunion de la Foca, le 17 décembre rencontrer. Il vient d’engager un autre « étranger », John Barnard. Y a-t-il des mécontents se maintienne pas encore longtemps. Non seulement parce que je l’admire, mais parce que d’apprentissage, tous deux financés par sa firme. Les rues portent des noms célèbres : 1977 à Modène, il n’avait pas été dupe face aux œillades adressées par Bernie Ecclestone dans la place ? Avec fermeté, il annonce : « Ceux qui seront dérangés par son arrivée pourront le pilote n° 1 de la Scuderia, c’est lui. »

8 9 Grand prix de légendes

10 11 Une Ferrari Competizione débarrassée de ses garde-boue, au Des débuts poste de pilotage décentré, tente de résister à une Talbot.

1947 italie prometteurs Les premières Ferrari apparurent en course dès 1947. Franco Cortese signa leur première victoire à Rome, le 25 mai, et Raymond Sommer, la septième (en quatorze départs), le 12 octobre à Turin.

évoilée à la presse en janvier 1947, la toute première Ferrari affronta la route le 12 mars aux mains d’Enzo Ferrari lui-même. L’essai eut lieu entre Maranello et DFormigine, châssis nu, sans carrosserie. Les jours suivants, il y eut d’autres sor- ties pour cette « Tipo 125 » dans l’objectif de choisir un bon pilote pour les débuts en course prévus à , le 11 mai. L’heureux élu fut Franco Cortese, rapide et sûr et, en outre, fidèle client de Ferrari, auprès de qui il se fournissait en machines-outils pour sa propre entreprise. S’y ajouta Nino Farina. Deux modèles de 125 étaient prévus pour Piacenza : un car­rossé en barquette, dit Sport, la 125 S. Et un modèle nommé Compe- « Nivola » signa une victoire à Forli avec la Ferrari Competizione. Puis une autre à Parme tizione, avec carrosserie fuselée et roues extérieures protégées par des garde-boue. avec la même Ferrari­ à roues apparentes, le sage Cortese conduisant la Sport à la deu- Seule la Sport fut finalement alignée à Piacenza, Farina, après avoir eu un accident avec xième place derrière lui. 5 septembre 1948 à Turin, Raymond Sommer, ici en tête, étrenne la première Ferrari F1 avec 3 la Competizione, s’étant vu refuser par Ferrari de se rabattre sur la Sport dévolue à la troisième place derrière Jean-Pierre Wimille () et Villoresi (). Porté à 1 900 cm et rebaptisé Tipo 159, le moteur Ferrari V12 permit au Français Ray- Cortese. Au volant de la 125 S, celui-ci était en tête quand une panne de pompe à essence mond Sommer d’éclipser les Maserati d’Ascari et Villoresi à Turin, le 12 octobre. Acquise le stoppa à deux tours de l’arrivée. Il eut sa revanche deux semaines plus tard, le 25 mai dans cette course internationale devant la Delage de Chaboud et la Talbot de Rosier, à Rome où la même Ferrari 125 S à carrosserie enveloppante triompha, fascinant la cette septième victoire de la saison 1947 (sur un total de quatorze courses) fut consi- foule par la musicalité extraordinaire de son moteur dérée comme la plus significative. La presse estimait que, dès ses débuts, la Scuderia V12 autant que par ses performances. Le programme Ferrari s’était installée au sommet du sport automobile italien. Carrossée sport élaboré par ­Ferrari était soutenu : disputer neuf courses entre Rome (25 mai) et (20 juillet), ou competizione, soit une par semaine ! Cette campagne se solda par La Tipo 125 S ■ Moteur : 12 cylindres en V six victoires, dont quatre par Cortese, tantôt avec la 3 la tipo 125 de 1 500 cm puis porté Une toute première version de Sport, tantôt avec la Competizione. Invité à rejoindre la 3 à 1 900 cm sur la Tipo 159 Ferrari F1 en essais. La calandre Scuderia, le « maestro » réjouit le public et à 2 litres sur la Tipo 166 était équipée ■ Puissance : entre 90 et n’arbore pas encore la « grille », par sa réapparition. Il avait fait tant de merveilles dans 120 ch, selon les versions signe distinctif de la marque d’un moteur v12 les années 1930, d’abord pour Alfa Romeo, chez Fer- ■ Empattement : 2,42 m pendant quelques saisons. rari, bien sûr, puis chez Auto-Union. Quoique affaibli ■ 800 kg Franco Cortese à Rome signe la première victoire ■ 155 km/h par la maladie, celui que les Italiens surnommaient d’une Ferrari au volant de la Tipo 125 S. ■ 12 à 13 litres aux 100 km

12 13 Premier

1950 monaco championnat Absente de Silverstone pour les trois coups du championnat du monde, la Scuderia y débutera une semaine plus tard à Monaco, Ascari se classant deuxième derrière Fangio (Alfa Romeo).

ès 1948, Enzo Ferrari avait décidé de se concentrer sur le développement de Talbot, que propulsaient de bons vieux moteurs 4,5 litres à 6 cylindres. Convaincu, ses monoplaces F1 et F2, laissant aux pilotes privés l’initiative des courses de Enzo Ferrari donna le feu vert à Lampredi pour lancer un gros V12. Perçue comme Dla catégorie Sport où il avait glané ses premiers lauriers. Le problème le plus un camouflet, cette décision poussa Colombo à démissionner. Début 1951, il rejoi- ardu consistait pour l’ingénieur Colombo à développer un moteur de F1, en adjoignant gnait… Alfa Romeo ! un compresseur volumétrique au moteur Tipo 125 originel (1 500 cm3). La Ferrari 125 La firme de , après une année 1949 sabbatique, était revenue aux Grands Prix F1 débuta – en trois exemplaires – le 5 septembre 1948 au Grand Prix d’Italie, disputé en 1950. Pour affronter les fameux « trois F » d’Alfa (Farina,­ Fangio et Fagioli), Enzo à Turin au Parco del Valentino. Ferrari avait engagé et . Ils avaient déjà couru pour lui Elle était donnée pour 225 chevaux à 7 500 tr/mn. Si le chant lancinant de son V12 mais, cette fois, il s’agissait d’un accord de longue durée. surali­menté fascinait le public, la première Ferrari F1 souffrait au double plan du Absente de Silverstone, le 13 mai 1950, pour l’ouverture du championnat du monde freinage et de la stabilité. La course ayant été disputée sous la pluie battante, cela ne des conducteurs, la Scuderia Ferrari affronta Alfa Romeo au Grand Prix de Monaco, facilita pas la tâche des pilotes. Bira abandonna à cause de sa transmission et Farina le 21 mai 1950. Les deux 125 alignées dans la princi­pauté n’avaient pas bénéficié des fut éliminé en heurtant les barrières. Le Français Raymond Sommer sauva la mise toutes dernières modifications envisagées sur les culasses, Isotta Fraschini, fournis- en obtenant, malgré un tête-à-queue, la troisième place derrière l’inapprochable seur de la Scuderia, ayant ­fermé sa fonderie. Villoresi n’en réussit pas moins le deu- Jean-Pierre Wimille (Alfa Romeo) et Luigi Villoresi (Maserati). xième temps des essais derrière Fangio et devant Farina. Mais les cinq premières La saison 1949, en l’absence des Alfa Romeo, permit à Ferrari d’assurer une belle places de la grille avaient déjà été attribuées à l’issue de la première journée d’en- moisson de victoires, notamment en F2 avec les rapides 166. Les efforts principaux traînement. Villoresi et Ascari se contentèrent donc de partir en troisième ligne. portaient sur le perfectionnement de la 125 F1. Son moteur gagna en Un carambolage monstre se produisit au Bureau de tabac à l’issue du puissance quand il fut muni de culasses à deux arbres à cames et gavé premier tour. Le vainqueur de Silverstone, Farina, ardent à ne pas lais- non plus par un seul, mais deux compresseurs. enzo ferraRi ser s’enfuir Fangio qui le précédait, partit en tête-à-queue, provoquant Le Grand Prix de Monaco 1950 fut marqué par Ascari étrenna victorieusement ce nouvel engin, le 11 septembre 1949, une inextricable mêlée. Dix voitures furent éliminées. Les Ferrari en un monumental carambolage ayant éliminé dix pilotes. Ascari (à droite) réussit à se faufiler miraculeusement à l’occasion de la réouverture du circuit de Monza. Il y devança la Tal- donna le feu émergèrent indemnes. Elles menèrent vainement la chasse derrière dans la mêlée. bot d’Etancelin, alors qu’un peu plus tôt, au Grand Prix de Belgique, Fangio. L’Argentin contrôla aisément la course, s’adjugeant la victoire. les Ferrari s’étaient inclinées devant une autre Talbot, celle de Louis vert à lampredi Villoresi, alors deuxième ayant abandonné (transmission), ce fut Ascari Rosier. qui sauva la mise pour la Scuderia. Laquelle ne réapparut en aussi Cette défaite avait déterminé l’ingénieur Lampredi, adjoint de Colombo, pour lancer un bonne position qu’à Monza,­ en septembre, quand fut enfin étrenné le à convaincre Ferrari qu’un moteur de 4 500 cm3 permettrait de meil- gros v12. fameux moteur 4,5 litres de Lampredi. Ayant relayé son équipier Sera- leures performances que le 1 500 suralimenté, notamment grâce à des fini, Ascari sauva l’honneur en s’intercalant entre Farina (premier) et frottements réduits. Sa théorie s’appuyait sur les performances des Fagioli (troisième). Mais les Alfa Romeo restaient imbattues.

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