Enzo Ferrari,­ Ils Lui Ont Prix : Deux Cent Un, C’Est Une Somme

Enzo Ferrari,­ Ils Lui Ont Prix : Deux Cent Un, C’Est Une Somme

Ferrari 70 ans de modèles mythiques 2 Préface Jean Alesi e suis né dans une famille où l’automobile a tenu – et tient tou- Mais, comme le disent ceux qui travaillent pour Ferrari : « Nous, nous jours – une grande place. Avec mon père, mon frère, mes grands courons devant notre public dans le monde entier. » C’est à travers Fer- Jamis, nous sommes toujours passionnés par les moteurs, les rari et l’histoire de la Scuderia que j’ai présenté à mon fils, Giuliano, ce belles carrosseries, les performances. Et vous n’imaginerez jamais monde si spécifique de la course automobile au sommet. Et aujourd’hui, assez combien ce seul mot magique « Ferrari » signifie d’enthousiasme il fait partie de la Ferrari Driver Academy. Un passionnant moyen de et d’admiration chez nous. Je ne résiste pas au plaisir de citer un dic- courir sur la bonne voie ! ton de cette belle région d’Emilie-Romagne où se situe Maranello. Il Je vous l’assure, Ferrari est un monde magique. Et vous allez avoir la dit que « Chaque garçon qui naît dans cette région aimera toujours sa chance de vous y promener. Car, à travers ce livre, mes très grands maman, la pasta et Ferrari. » Je ne sais pas si ce dicton est tout à fait amis Jean-Louis Moncet et Johnny Rives, qui m’ont suivi tout au long vrai. Mais je souris en pensant qu’il me convient assez bien. de ma carrière, vont vous prendre par la main pour vous faire revivre Je suis le pilote français qui a disputé le plus grand nombre de Grands cette belle histoire de Maranello. Ils ont connu Enzo Ferrari, ils lui ont Prix : deux cent un, c’est une somme. Je retiens de la Formule 1 tout ce parlé, ils ont fait des articles sur nous, qu’elle m’a donné. J’ai, par exemple, passé ma vie professionnelle avec les pilotes Ferrari, pendant des années des garçons formidables, Alain Prost, Nelson Piquet, Michael Schuma- et des années, dans les journaux, les cher, pour ne citer qu’eux, ils m’ont appris plein de choses, et je les magazines, à la radio et à la télévision. admire encore aujourd’hui, parce que je suis bien placé pour savoir tous Johnny entretenait des liens étroits les efforts qu’ils déployaient pour arriver au sommet. avec Enzo Ferrari, Jean-Louis a passé Mais au-delà, je garde intacts dans ma mémoire mes plus beaux sou- en 2015 le cap des cinq cents Grands venirs de F1, ils sont contenus dans une période formidable de ma vie : Prix couverts pour ses reportages, en mes cinq années passées au sein de la Scuderia Ferrari. Je détiens faisant toujours le point avec Ferrari. parmi les pilotes français le record de longévité chez Ferrari, cinq sai- Ils vont vous guider avec précision au sons et soixante-dix-neuf Grands Prix. C’est beaucoup moins que sein de l’emblématique Scuderia… Michael Schumacher, Felipe Massa ou Kimi Räikkönen, mais c’est Bonne lecture ! presque autant que Michele Alboreto. J’ai adoré piloter pour Ferrari. Ce fut pour moi comme une sorte d’en- trée en religion. Mais ne croyez pas que je sois seul dans ce cas : tous La course automobile ceux qui travaillent pour Ferrari, à tous les échelons, entrent en religion a toujours été pour moi une affaire dans le sanctuaire de Maranello. Il y a là-bas une force, un esprit, une de passion. dévotion pour le « Cavallino Rampante » et c’est de là que part le rayon- nement universel, le monde des tifosi, essaimés sur les cinq continents, passionnés par les Grands Prix, les machines et les pilotes de la Scu- deria. Dans chaque pays, il y a des amateurs de telle ou telle écurie. 4 5 Rencontres avec ENZO FERRARI L’INGEGNERE Entre 1973 et 1987, Johnny Rives a eu plusieurs occasions de sonder Enzo Ferrari sur ce que lui suggéraient les évolutions techniques et politiques de la F1. Souvenirs. Ingegnere Enzo Ferrari m’attendait mardi 27 mars 1973. C’était l’année du cham- pionnat du monde d’endurance au cours duquel la Scuderia Ferrari et l’équipe L’ française Matra allaient s’affronter. Après la course inaugurale de Vallelunga, remportée par Matra, j’avais été retenu à Rome plus longtemps que prévu. « Dommage Avec le temps, les papiers s’égarent que vous manquiez le rendez-vous fixé », m’avait dit au téléphone Franco Gozzi, son colla- parfois. Cette lettre, datée du 26 juin 1964, borateur le plus proche. « Monsieur Ferrari vous aurait consacré pas mal de temps. Main- n’est peut-être pas la première écrite tenant, cela ne sera plus pareil… » par Enzo Ferrari à notre collaborateur. Mais c’est la plus ancienne qu’il ait retrouvée. Après des compliments polis, jeudi 29 mars 1973. Peu après 11 heures, accompagné de mon confrère et ami, monsieur Ferrari précise : « Vous écrivez Gérard Flocon, j’arrête ma voiture face à la grande entrée de l’usine de Maranello pour que “Ford menace Ferrari au championnat nous présenter à pied. On nous fait entrer dans une salle d’attente, ornée de photos des marques que Ferrari croyait déjà anciennes. Franco Gozzi vient nous accueillir, nous proposant une rapide visite de l’usine. acquis’’. A cette affirmation je réponds que nous n’avons jamais eu la présomption Car l’Ingegnere a prévu de nous recevoir à midi. Lorsque Gozzi nous ouvre enfin la porte qu’un titre soit déjà acquis. de son bureau, Enzo Ferrari est au téléphone. Nous le découvrons de profil, nez bourbo- nien, chevelure argentée, lunettes fumées. Il a 75 ans. Raccrochant promptement, il se lève pour nous saluer, coupant court les excuses que je bredouille à propos de notre Ce mot entièrement manuscrit suite retard : « Si, accomodi », nous invite-t-il en désignant les sièges devant son bureau. à un article paru dans « Sport Auto » La pièce est austère. Aucune décoration, une lumière diffuse. Dans un coin, peu en évi- en 1975. dence, la photo d’un jeune homme : son fils Dino, disparu trop tôt. Je pose mes questions en français, par timidité. Monsieur Ferrari y répond en italien. Gozzi nous a recommandé de ne pas enregistrer, de ne rien noter.Dont acte. Détail qui marquera monsieur Ferrari, car nous avons scrupuleusement respecté ses propos dans le récit de cette première interview. Il nous en fera plusieurs fois la remarque lors de nos rencontres suivantes. Enzo Ferrari, photographié Les lettres d’Enzo Ferrari ne comportaient à son bureau de Fiorano vers pas toutes des compliments. Dans celle du Après trente minutes d’entretien, nous croyons que la fin de la rencontre est arrivée. le milieu des années 1970, 24 mars 1976, l’Ingegnere précise à propos Mais, se levant de son siège, il interpelle Gozzi : « Ils ne connaissent pas la piste, nous allons comme le suggère le tableau d’une réclamation qu’aurait portée Ferrari : la leur faire visiter. » que l’on aperçoit derrière lui et « Cela n’est pas vrai. Audetto m’a confirmé C’est ainsi que nous avons découvert Fiorano, circuit d’essais achevé quelques mois plus représentant une Ferrari 312 PB. qu’aucune réclamation de notre part n’a été portée conformément à une attitude tôt. Il devait progressivement y transférer tout le service courses pour se sentir vraiment que nous avons toujours observée. » chez lui, contrairement à l’usine de Maranello où il partageait les responsabilités avec Fiat. 6 7 10 août 1977 17 novembre 1983 « J’ai lu avec plaisir votre appréciation J’ai reçu un exemplaire de « L’Equipe » et je vous en à ses confrères britanniques. Après quoi, les décisions arrêtées par la Foca, à l’issue sur Ferrari dans “L’Equipe”.». remercie. Je serai content de vous envoyer, en décembre, d’une autre réunion à Londres (en son absence) furent sans rapport avec celles édictées un exemplaire de mon livre dans lequel je me souviens de tous les pilotes que j’ai connus entre 1919 et 1983. à Modène. D’où sa décision. « Fâché ? Non je ne suis pas fâché avec Bernie Ecclestone », nous répondit-il. « Mais Ferrari tient à se désolidariser d’une association qui dirige son action à l’écart de la technique et du sport – les deux raisons essentielles qui m’ont toujours poussé à faire de la compétition. » Octobre 1980. La crise régnant entre la Foca (noyautée par les constructeurs bri- Ascari… A un carrefour, voilà que se présente une petite tanniques) et la Fédération internationale prend des proportions inquiétantes. Ferrari Fiat 600. A son volant, une jeune femme. Enzo Ferrari accepte de nous recevoir pour aborder ce problème. Il ne lésine pas sur le temps qu’il s’arrête, indiquant d’un geste qu’il lui laisse le passage. nous accorde. Sa fraîcheur physique et intellectuelle fait plaisir à voir. Son enthousiasme Remerciement poli de la jeune femme. Alors, se tournant intact pour la course, à l’approche de ses 83 ans, provoque toujours le même ravissement. Instant émouvant : vers Gozzi, assis à l’arrière, M. Ferrari demande : « Ma, La crise Fisa-Foca va-t-elle se dénouer ? Enzo Ferrari le laisse espérer : « Le 11 septembre, en présence de son proche collaborateur, questa ragazza, chi è ? » La réponse parut lui donner satis- j’ai reçu monsieur Ecclestone qui m’a demandé de jouer les médiateurs pour aboutir à un Franco Gozzi, à l’issue faction. « Ah ? », s’exclame-t-il sur le mode interrogatif. compromis. J’ai accepté après qu’il m’a confirmé un principe essentiel : laisser à la Fédération de ce qui devait rester On l’appelait pourtant déjà « le vieil homme de Mara- son autorité législative.

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