ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DES POPULATIONS RURALES DU SUD-OUEST DE Diagnostic et Perspectives

Caroline BROUDIC (c.broudic@geoecoalternatives) Tsiory RAZAFINDRIANILANA

Février 2020

Avant-propos

Ce rapport a été produit par le bureau d’études GEOECO Alternatives dans le cadre du projet Confluences/HIAKE mis en œuvre à Madagascar par Action contre la Faim (ACF) et son partenaire Action Socio-sanitaire et Organisation Secours (ASOS). Le projet Confluences est financé par l’Agence française de développement (Afd) et a pour objectif global de Contribuer à la sécurité nutritionnelle dans 5 pays d’Afrique en améliorant la prise en charge des victimes de la sous nutrition, en développant des actions préventives et en proposant des politiques publiques adéquates.

Les auteur-e-s de ce rapport tiennent à remercier les équipes d’ACF et d’ASOS pour leur disponibilité, la facilitation logistique et les discussions tout au long de la phase de collecte des informations. Des remerciements particuliers sont adressés à Bara Asah Razafindramalika pour son appui à la traduction au cours des entretiens de groupe (focus group) et à Bonaventure. Les consultant-e-s remercient également toutes les personnes interrogées dans le cadre de cette étude.

Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles des deux consultant-e-s, et ne reflètent pas nécessairement celles d’Action contre la Faim. La publication de ce document ne signifie pas qu’ACF appuie les opinions contenues dans ce rapport.

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SOMMAIRE

Avant-propos ...... 2 ACRONYMES ...... 4 RESUME ...... 5 1. GOUVERNANCE ET PLANIFICATION TERRITORIALE ...... 11 1.1. Le cadre institutionnel ...... 11 1.1.1. Les stratégies et politiques en matière de climat ...... 11 1.1.2. Le schéma de gouvernance ...... 13 1.2. Les changements climatiques dans la planification territoriale ...... 15 1.3. La production et diffusion des données et connaissances climatiques ...... 16 2. TENDANCES CLIMATIQUES...... 18 2.1. Terminologie ...... 18 2.2. Perceptions des tendances climatiques par les populations rurales ...... 19 2.2.1. Perceptions de la variation de la précipitation ...... 19 2.2.2. Perceptions de la variation de la température ...... 20 2.2.3. Perceptions des changements sur les vents et passages de cyclone ...... 20 2.3. Données climatiques pour la région Atsimo Andrefana ...... 21 2.3.1. Tendances et projections relatives aux précipitations ...... 22 2.3.2. Tendances et projections des températures ...... 26 2.3.3. Tendances et projections des vents et des cyclones ...... 30 3. IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ...... 32 3.1. Sur les écosystèmes ...... 32 3.2. Sur les moyens d’existence ...... 34 4. MESURES ET CAPACITES D’ADAPTATION FACE AUX TENDANCES CLIMATIQUES ...... 36 4.1. Au niveau des secteurs d’activités (agriculture, pêche, élevage) ...... 36 4.2. Au niveau communautaire...... 40 4.3. Au niveau institutionnel ...... 41 4.4. Au niveau des acteurs du développement ...... 43 5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ...... 44

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ACRONYMES

ACF Action contre la Faim Afd Agence française de Développement AIC Agriculture Intelligente face au Climat ASOS Action Socio-sanitaire et Organisation Secours BNCCC Bureau National des Changements Climatiques, du Carbone BNGRC Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes CCNUCC Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques CIRAD Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement CNCC Comité National sur le Changement Climatique COBA Communauté de Base CPDN Contribution Prévue Déterminée au Niveau National CPGU Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences CTAS Centre Technique Agro-écologique du Sud DGM Direction Générale de la Météorologie ESSA Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques GES Gaz à Effet de Serre GIEC Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat GIZ Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GSDM Groupement Semis Direct Madagascar GTCC Groupe Thématique sur le Changement Climatique IRD Institut de Recherche pour le Développement LOAT Loi d’Orientation de l’Aménagement du Territoire MAEP Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche MEDD Ministère de l’Environnement et du Développement Durable MEEF Ministère de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts ONE Office National pour l’Environnement PANA Programme d’Action National d’Adaptation au changement climatique PAN/LCD Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification et la Dégradation des terres PCD Plan Communal de Développement PNA Plan National d’Adaptation PNGRC Politique Nationale de Gestion des Risques et Catastrophes PNLCC Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique PRD Plan Régional de Développement REDD+ Réduction des Emissions causées par le Déboisement et la Dégradation des forêts SAC Schéma d’Aménagement Communal SNGRC Stratégie Nationale de Gestion des Risques et Catastrophes SRAT Schéma Régional d’Aménagement du Territoire TFNAC Task Force Nationale en Agriculture de Conservation TGRN Transfert de Gestion des Ressources naturelles WWF World Wildlife Fund

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RESUME

CONTEXTE 1. Madagascar est l’un des pays au monde les plus vulnérables aux changements climatiques et aux évènements météorologiques extrêmes tels que cyclones, inondations et sécheresses. Le Grand Sud du pays est, depuis au moins deux décennies, affecté par des épisodes de sécheresse sévère dont l’intensité s’est aggravée en 2015 avec le phénomène El Niðo. La dépendance des populations du Grand Sud à l’agriculture pluviale et à l’élevage extensif les rend fortement tributaires des variabilités climatiques.

GOUVERNANCE ET PLANIFICATION TERRITORIALE 2. Madagascar a ratifié la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1998, le Protocole de Kyoto en 2003 et l’Accord de Paris en 2016. L’Etat malagasy s’est alors doté de documents, d’institutions et d’instruments financiers conformément à ses engagements internationaux en matière de climat. Le nouveau Plan National d’Adaptation (PNA), dont le processus d’élaboration a été lancé en 2016 à l’issue de la Conférence de Parties organisée à Paris (COP21), est en cours de validation. Le document construit en y associant les différents ministères et à partir de consultations au niveau national et régional auprès de la société civile et du secteur privé identifie les axes prioritaires d’adaptation au changement climatique à Madagascar pour les dix prochaines années.

3. Le Bureau National des Changements Climatiques, du Carbone et de la REDD+ (BN- CCCREDD+)1 est la structure en charge d’élaborer la politique nationale dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques et d’assurer la coordination de toutes activités relatives à ces enjeux. Il est en-cela le point focal au niveau national et international en matière de changement climatique. Il est rattaché au Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD).

4. La Direction Générale de la Météorologie (DGM) est la seule officiellement habilitée à produire les données sur les prévisions météorologiques et sur le climat. Si la DGM a bénéficié ces dernières années d’un renforcement institutionnel et matériel, des contraintes budgétaires restreignent toujours le maillage des stations (une par région) et des services météorologiques (seules six régions en sont dotées). Des partenariats avec des organisations internationales permettent toutefois d’améliorer la couverture à travers l’installation de stations automatiques additionnelles. Un enjeu fondamental est de pouvoir garantir l’exploitation des données par la DGM autant pour des prévisions saisonnières que pour des modélisations climatiques, ce qui implique des données calibrées et régulières sur un temps long.

5. Des groupes formels ou informels de concertation, d’échanges ou de plaidoyer sur les enjeux climatiques existent à Madagascar depuis plusieurs années. Ils réunissent des structures étatiques, des organisations internationales, des acteurs de la société civile et du secteur privé. Ils contribuent à l’amélioration des connaissances de cette problématique et à sa prise en compte à travers des

1 Le BN-CCCREDD+ est le fruit de la récente fusion entre le Bureau National des Changements Climatiques (BNCC) et du Bureau National de Coordination REDD+ (BNC-REDD+).

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politiques spécifiques ou dans les politiques sectorielles. Ils participent également à renforcer l’engagement de Madagascar dans les conventions internationales sur les changements climatiques (COP).

6. Malgré un nombre important de documents de qualité et un dispositif institutionnel structuré, Madagascar peine pourtant à mettre en œuvre ses stratégies et politiques en matière de climat. Les freins à l’application de ces textes sont multiples et se traduisent notamment par des difficultés 1/ d’appropriation au niveau central et a fortiori au niveau local des orientations stratégiques ; 2/ de déclinaison opérationnelle des stratégies et politiques ; 3/ de mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en œuvre opérationnelle ; 4/ de circulation des informations en matière de politiques et de connaissances climatiques.

7. L’un des constats majeurs de cette étude porte sur le manque abyssal d’informations au niveau des communes (tous acteurs confondus) sur le phénomène des changements climatiques, sur les politiques nationales dans le domaine et même sur les prévisions météorologiques. Ce déficit de connaissances a des conséquences préjudiciables sur les capacités d’adaptation des collectivités locales et des populations. Informer sur les questions climatiques est donc un enjeu central pour que des mesures adaptées puissent être prises au niveau institutionnel, collectif et individuel.

8. Au regard des perspectives annoncées par les scientifiques pour les années et décennies à venir, il est crucial d’intégrer les changements climatiques dans les planifications territoriales. Cette nécessité est d’autant plus aigue dans le cas du sud-ouest de Madagascar que les impacts des variabilités climatiques se font déjà durement ressentir sur les moyens d’existence des populations et sur les ressources naturelles. Il est souvent admis par ailleurs que le niveau local, et notamment les communes, constitue l’échelle la plus adaptée pour concrétiser la prise en compte de ces enjeux en prenant des mesures d’adaptation pour le territoire.

TENDANCES CLIMATIQUES 9. Les perturbations climatiques sont perceptibles dans la région d’Atsimo Andrefana depuis plusieurs années. Les changements les plus marquants au regard des moyens d’existence de la population concernent plus particulièrement la diminution et l’imprévisibilité des précipitations, les variations dans l’intensité et la direction des vents et l’augmentation des températures ressenties. D’après les populations locales, ces changements ont été observés vers l’année 2000 mais se sont intensifiés depuis une dizaine d’années. Les incidences directes se manifestent par des sècheresses intenses et récurrentes dans toute la région.

10. Les données pluviométriques de la station de Tuléar reflètent une très forte variabilité au cours de la saison culturale, c’est-à-dire entre octobre et mars. Elles expriment par ailleurs une tendance à la baisse sur la période 2005 à 2015. Les données pluviométriques confirment les perceptions des populations quant à la forte irrégularité inter-annuelle des précipitations pendant la saison des pluies, c’est-à-dire pendant la période culturale.

11. La température moyenne de l’air de la région Sud de Madagascar a régulièrement augmenté depuis les années 50. Ce réchauffement se manifeste surtout par l’augmentation des températures extrêmes, notamment les minimales (DGM, 2008). Pour les cinq dernières années, les températures

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moyennes annuelles varient fortement, mais le pic a été enregistré entre l’année 2017 et 2018 avec une température moyenne atteignant plus de 27°C.

IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES 12. La déforestation est unanimement identifiée comme étant la principale métamorphose subie par les paysages au cours de ces dernières décennies. S’il n’est pas possible dans le cadre de cette étude d’établir un lien avec le phénomène global des changements climatiques, les causes anthropiques de cette déforestation sont clairement établies. Les forêts considérées comme une réserve de terres agricoles ou de pâturage sont en effet fortement dégradées par un système de production extensif accentué par la pression démographique et l’insuffisance des pluies.

13. Le système productif traditionnel repose sur des pratiques fortement extensives, ce qui était viable sur le plan économique, social et environnemental tant que la densité de population demeurait extrêmement faible. Les effets conjugués des changements climatiques, de l’accroissement démographique (que certains villageois qualifient d’explosion démographique) et de la déforestation massive compromettent aujourd’hui ce modèle.

14. Depuis une bonne décennie, le décalage de la saison des pluies et les faux départs perturbent le calendrier cultural, ce qui affecterait les rendements et la production. Les semis se font en effet traditionnellement aux premières pluies, ce qui correspondait auparavant au mois d’octobre. Ils sont à présent retardés jusque parfois au mois de décembre, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps aux cultures pour arriver à pleine maturité.

15. L’élevage dans la région Mahafaly tient une place extrêmement importante sur le plan aussi bien économique que symbolique. Le cheptel de zébus est une épargne autant qu’une marque de prestige et de pouvoir. Il n’est pas surprenant dans une société aussi patriarcale qu’il soit le domaine réservé des hommes. S’il est impossible sans recensement d’estimer la diminution du cheptel, les entretiens concordent tous pour témoigner de sa chute drastique.

16. Le problème de la disparition de nombreuses espèces ainsi que de la diminution des captures tant en quantité qu’en taille de poisson a été évoqué par les pêcheurs. Si les perturbations climatiques agissent certainement sur les stocks de poisson en modifiant par exemple les courants, il est difficile ici de faire la part des choses entre ce facteur climatique et la surpêche.

MESURES ET CAPACITES D’ADAPTATION FACE AUX TENDANCES CLIMATIQUES 17. Les mesures d’adaptation des pratiques agricoles aux changements climatiques sont limitées. Certaines mesures d’adaptation des pratiques agricoles contribueraient même à l’accentuation du phénomène. En effet, le déficit de pluie incite les paysans non seulement à accroitre la superficie cultivée en défrichant de nouvelles parcelles, mais aussi à davantage développer l’itinérance tant pour les cultures que pour la transhumance du bétail.

18. Certaines cultures exigeantes en eau comme le maïs ou l’arachide sont progressivement abandonnées. Des organisations internationales ont introduit le maraîchage auprès de groupes composés essentiellement de femmes. Le maraîchage est une alternative pour une diversification alimentaire et constitue un complément de revenus. Il est également considéré par certains acteurs

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du développement comme une option pour réduire le défrichement associé à la production de charbon, la vente de bois ou encore l’agriculture sur brûlis.

19. Bien que prônées par les organisations internationales, les pratiques du maraîchage sont peu en phase avec les principes de l’agro-écologie. Or, si certains procédés sont difficiles à appliquer à l’agriculture extensive, ils sont plus simples à mettre en œuvre sur de petites parcelles.

20. L’agro-écologie est basée sur la rencontre entre savoirs traditionnels, connaissances scientifiques et expérimentations. Elle implique donc un partage horizontal des connaissances au contraire de la diffusion de paquets techniques par des techniciens vulgarisateurs. Elle est spécifique non seulement à chaque écosystème mais aussi aux spécificités culturelles, sociales et économiques des populations concernées.

21. Un certain nombre d’études et articles scientifiques parviennent à démontrer que l’agro-écologie est une option appropriée pour renforcer l’adaptation et la résilience de l’agriculture face au changement climatique et même, à plus grande échelle, contribuer à son atténuation.

22. La gestion communautaire des ressources naturelles figure parmi l’une des stratégies adoptées par les populations locales pour enrayer la dégradation forestière au niveau de la région. Cette approche s’appuie sur la gestion locale sécurisée des ressources ou Gelose et est régie par la loi 96- 025. Elle est fondée sur un accord tripartite entre les Communauté de Base (COBA), les communes (maires et conseils communaux) et les services techniques de l’Etat (chargées des forêts, des ressources pastorales ou halieutiques).

23. Les communes reçoivent très peu d’appui de l’Etat central que ce soit en termes de subventions ou d’informations. Les représentants des collectivités territoriales sont généralement peu sensibilisés aux enjeux des changements climatiques et n’ont ni les ressources ni les outils pour y faire face. Ils n’ont pas non plus les moyens de faire respecter la loi en matière de défrichement et se retrouvent souvent comme simples observateurs d’une métamorphose des paysages du territoire sous leur juridiction. Ils n’ont pas non plus accès aux informations ou données météorologiques et climatiques.

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CONTEXTE DE L’ETUDE

Madagascar est l’un des pays au monde les plus vulnérables aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes tels que cyclones, inondations et sécheresses [Banque mondiale, 2019]2. L’indice global des risques classait Madagascar au 39e rang sur 180 pays en 20193, moins du fait de son exposition qu’en raison de sa vulnérabilité aux risques naturels (cf Schéma 1)4.

Schéma 1 : Concept de l’évaluation des risques naturels (World Risk Report 2019)

Entre 1961 et 2017, les cyclones ont ainsi provoqué la mort de 1 193 personnes et affecté directement ou indirectement 4 millions de personnes (DGM, 2019), tandis que les sécheresses récurrentes dans le Grand Sud du pays depuis au moins deux décennies ont des conséquences préoccupantes sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations rurales. L’intensité de la sécheresse est aggravée depuis 2015 par le phénomène El Niño, tandis que ses conséquences le sont par une combinaison de facteurs : déclin socio-économique sans précédent, détérioration des services sociaux de base, enclavement historique, démographie galopante, exploitation déséquilibrée des ressources naturelles (eau, sol), etc. Ces éléments contribuent à l’aggravation de la vulnérabilité des populations du Grand Sud aux crises politiques et aux aléas climatiques5.

Les indicateurs mesurant les conditions de vie des populations situent le Grand Sud en-deçà des moyennes nationales pour la majorité des critères (pauvreté, sécurité alimentaire, nutrition, scolarisation, etc). En 2019, une enquête SMART conduite par ACF révélait des taux de malnutrition aiguë et chronique atteignant même des niveaux jugés critiques dans certains districts6. Le système de surveillance nutritionnelle en place dans le sud de Madagascar confirme ces résultats préoccupants pour les districts d’ et d’Amboasary.

2 World Bank (2019). Madagascar Disaster Risk Management Development Policy Financing with a catastrophe deferred drawdown option, 85p. 3 Ruhr Universität Bochum (2019). World Risk Report 2019, 71p. 4 Le dernier rapport de GermanWatch (2019) présentait Madagascar comme étant le 7e pays le plus affecté par des évènements climatiques extrêmes en 2017. Ce classement est toutefois à relativiser car il est la conséquence du passage du cyclone Enawo considéré comme le plus violent des dix dernières années. 5 Stratégie de développement intégré du Grand Sud (2017 ?), 116p. 6 ACF (2019). Enquête nutritionnelle SMART 2019.

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Carte 1 : Dépistage de la malnutrition globale, modérée et sévère (Source : Cluster Nutrition, Ministère de la Santé)

Cette situation pourrait se dégrader dans les années et décennies à venir si les prévisions climatiques se concrétisent. D’après une modélisation récente de la Direction Générale de la Météorologie (DGM), les températures pourraient augmenter de 1,3 à 1,6°C et les précipitations diminuer7 à Madagascar d’ici 20508. La dépendance des populations du Grand Sud à l’agriculture pluviale et à l’élevage extensif les rend fortement tributaires des variabilités climatiques. Or, la pression sur les écosystèmes forestiers pour notamment mettre en culture de nouvelles parcelles (tavy) ou pour conquérir des espaces de transhumance pour le bétail participe également, à une échelle locale, aux dérèglements climatiques.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente étude dont l’objectif général était de Déterminer les mécanismes d’adaptation développés par les populations pour satisfaire leurs moyens d’existence face au changement climatique. Ce travail s’est construit autour de quatre questions de recherche : 1/ la gouvernance des enjeux climatiques au niveau central et local ; 2/ l’analyse des

7 Mais pour les précipitations, le Sud-ouest ne serait pas concerné par la baisse. 8 DGM (2019). Les tendances climatiques et les futurs changements climatiques à Madagascar, 22p.

10 tendances climatiques à travers les perceptions des populations rurales de la région de l’Atsimo Andrefana et les données scientifiques ; 3/ les impacts de la variabilité climatique sur les écosystèmes et les moyens d’existence ; 4/ les mesures d’adaptation des populations rurales et des différents acteurs.

La méthodologie de l’étude, présentée en annexe 2, s’est articulée autour de ces quatre questions de recherche.

1. GOUVERNANCE ET PLANIFICATION TERRITORIALE

Ce chapitre se justifie par la nécessité de replacer les enjeux locaux (sud-ouest) dans une perspective plus globale, notamment au regard des politiques et stratégies de l'Etat malgache sur les changements climatiques. Il aborde également la prise en compte de ces questions par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'Etat.

Les deux stratégies complémentaires face aux changements climatiques sont l’Atténuation et l’Adaptation ainsi définies par le GIEC (2001) :

ATTENUATION ADAPTATION

L’Atténuation désigne les actions visant à L’Adaptation est l’ajustement des systèmes limiter l’ampleur du changement climatique en naturels ou humains pour répondre à des limitant ou réduisant les émissions directes et changements climatiques actuels ou attendus (ou indirectes des émissions de gaz à effet de serre. à leurs effets), pour en modérer les conséquences négatives et tirer profit des opportunités.

Le cadre institutionnel au niveau international est construit autour de ces deux piliers et la politique de l’Etat malagasy qui en découle s’inscrit dans cette même trajectoire.

1.1. Le cadre institutionnel

1.1.1. Les stratégies et politiques en matière de climat Il existe à Madagascar un nombre conséquent de documents de politiques et stratégies en matière de changement climatique, d’analyse de vulnérabilité géographique ou sectorielle ou encore de guides méthodologiques. Si ces documents sont généralement de qualité et fournissent des informations précieuses, il n’est pas toujours évident d’en comprendre les articulations et surtout les déclinaisons opérationnelles. Ce constat est particulièrement valable dans les régions éloignées du centre du pouvoir. Il n’est pas non plus inutile de souligner que la vision présidentielle traduite par l’ « Initiative Emergence Madagascar » est peu en ligne avec les engagements internationaux et nationaux du pays en matière de climat. Le thème des ressources naturelles n’est abordé qu’à travers le secteur minier et la préservation de la biodiversité y est associée au tourisme tandis que la sécurité alimentaire est un objectif à atteindre « grâce à une industrie agro-alimentaire forte » basée sur l’irrigation et les semences de riz améliorées.

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LES ENGAGEMENTS AU NIVEAU INTERNATIONAL

Madagascar a ratifié la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1998, le Protocole de Kyoto en 2003 et l’Accord de Paris en 2016. L’Etat malagasy s’est ensuite doté de documents, d’institutions et d’instruments financiers conformément à ses engagements internationaux en matière de climat. Les pays signataires de la Convention sont tenus de soumettre une Communication Nationale tous les quatre ans, afin de présenter un inventaire des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et des mesures prises en matière de changement climatique. A ce jour, trois Communications Nationales ont été élaborées par le gouvernement malagasy dans le cadre de ses obligations vis-à-vis de la CCNUCC (2003, 2010 et 2017). La Contribution Prévue Déterminée au Niveau National (CPDN, 2015) est le document qui matérialise l’engagement des pays signataires des Accords de Paris (COP21) à la réduction de GES. En 2009, Madagascar s’est engagée dans des actions d’atténuation des GES au titre de la REDD+ (Réduction des Emissions causées par le Déboisement et la Dégradation des forêts). Une stratégie nationale REDD+ adoptée par le décret n°2018-500 du 30 mai 2018 prévoit ainsi « une réduction de 14% des émissions de GES du secteur forestier, à travers un accroissement du couvert forestier et une maitrise de la déforestation et de la dégradation des forêts ».

Une Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique (PNLCC) a été élaborée par le Ministère de l’Environnement et des Forêts en 2011 tandis que le Programme d’Action National d’Adaptation au changement climatique (PANA) était adopté dès 2006. Ce dernier s’articulait autour de quinze projets pilotes. Le nouveau Plan National d’Adaptation (PNA), dont le processus d’élaboration a été lancé en 2016 à l’issue de la Conférence de Parties organisée à Paris (COP21), est en cours de validation. Le document construit en y associant les différents ministères et à partir de consultations au niveau national et régional auprès de la société civile et du secteur privé identifie les axes prioritaires d’adaptation au changement climatique à Madagascar pour les dix prochaines années.

LES STRATEGIES ET POLITIQUES AU NIVEAU NATIONAL

La prise en compte des risques climatiques s’est concrétisée pour la première fois par l’adoption de la Politique Nationale de Gestion des Risques et Catastrophes (PNGRC) et de la Stratégie SNGRC élaborée en 2003. Une nouvelle version de ces documents a été adoptée en 2016

La Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique est censée servir de référentiel pour l’intégration du changement climatique dans les politiques sectorielles. Le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) a ainsi élaboré en 2012 sa première Stratégie Nationale face au changement climatique (2012-2025). Ce document n’a toutefois jamais été traduit en plan d’actions. Le Ministère envisage de développer, en étroite collaboration avec la FAO, une stratégie de mise à l’échelle de l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC). Le développement de cette approche s’appuierait sur la mise en place d’une Task force au niveau national et régional qui se substituerait à la Task Force Nationale en Agriculture de Conservation (TFNAC) créée en 2010. Des discussions avec les représentants du Ministère au niveau central et décentralisé, il a semblé que la réponse du secteur au changement climatique était fortement axée sur des réponses techniques du type système irrigué et semences améliorées et que les investissements étaient principalement orientés vers les cultures rizicoles. Il existe au sein du MAEP un Service Environnement, Climat et Réponses aux Urgences.

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Si la plupart des secteurs ont, depuis 2011, pris en compte ces enjeux climatiques dans leurs documents de politique sectorielle, seule la Santé dispose d’une analyse formelle sur la vulnérabilité du secteur au changement climatique [P. Lantosoa, 2019].

Le Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification et la Dégradation des terres (PAN/LCD) intègre une large partie des districts de Betioky et d’Ampanihy parmi les zones prioritaires.

Carte 2 : Zones prioritaires pour les actions de lutte contre la désertification et la dégradation des terres (2011)

1.1.2. Le schéma de gouvernance

Le Bureau National des Changements Climatiques, du Carbone et de la REDD+ (BN- CCCREDD+)9 est la structure en charge d’élaborer la politique nationale dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques et d’assurer la coordination de toutes activités relatives à ces enjeux. Il est en-cela le point focal au niveau national et international en matière de changement climatique. Il est rattaché au Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD).

Un Comité National sur le Changement Climatique à Madagascar (CNCC) a été créé par le décret n°2014-1588 afin de renforcer la mise en œuvre de la PLNCC. C’est une structure de partage d’informations et d’expériences en matière de changement climatique, rattachée au ministère de l’environnement. C’est également une structure de concertation et de dialogue en matière de

9 Le BN-CCCREDD+ est le fruit de la récente fusion entre le Bureau National des Changements Climatiques (BNCC) et du Bureau National de Coordination REDD+ (BNC-REDD+).

13 changement climatique qui réunit les ministères, la société civile et le secteur privé. [MEEFM, 2019]10.

Les changements climatiques étant un facteur aggravant les risques de catastrophes, ils font également partie du mandat du Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC) qui est rattaché au Ministère de l’Intérieur. Son action porte surtout sur la protection civile en réponse à des catastrophes telles que les cyclones.

La Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences (CPGU) est née en 2006 de la volonté de la Banque Mondiale d’une intégration du changement climatique et des risques de catastrophes. Elle est rattachée à la Primature. Elle assure un rôle stratégique tandis que le BNGRC intervient à un niveau opérationnel, même si la frontière entre le stratégique et l’opérationnel est parfois floue [Lantosoa, 2019]. Le CPGU non seulement reprend des responsabilités normalement assumées par le BNGRC, mais semble également empiéter sur les prérogatives du BN-CCCREDD+ : « Cette Cellule de prévention et de gestion des urgences (CPGU) a, depuis sa création, fait de l’adaptation aux changements climatiques une problématisation concurrente de l’adaptation aux changements climatiques à celle proposée par le PANA. »11.

Le Groupe Thématique sur le Changement Climatique (GTCC), créé en 2009, est une plateforme informelle regroupant des acteurs issus aussi bien de la société civile que des ministères ou encore des organisations internationales. Il est à noter que le Ministère de l’environnement ne participe pas aux activités du GTCC, considérant peut-être que cette plateforme est en concurrence avec le CNCC. Actuellement co-présidé par WWF, il se réunit une fois par mois. Il participe à la préparation des documents-cadre et aux évènements du type COP. Il joue un rôle de plaidoyer sur les questions relatives aux changements climatiques.

Leçon apprise : Un cadre institutionnel sans réelle opérationnalisation Malgré un nombre important de documents de qualité et un dispositif institutionnel structuré, Madagascar peine à mettre en œuvre ses politiques et stratégies en matière de climat. Les freins à l’application des textes sont explicités dans le Plan National d’Adaptation (2019) : « Manque de déclinaison des documents de cadrage des politiques au niveau sectoriel se traduisant par des manques d’appropriation et d’intégration, lacunes en terme de renforcement des capacités nationales (techniques, institutions sectorielles, de mobilisation des ressources et d’absorption des financements ; manque de maîtrise des divers dispositifs internationaux en termes d’opportunité de financements, de transfert de technologies et de recherches relative à la lutte contre les changements climatiques ; tutelle du BN-CCCREDD+ sous un ministère sectoriel qui ne rend pas forcément facile la reconnaissance de son rôle de ‘coordinateur’ aux yeux des autres ministères. ». Il en résulte un problème d’appropriation de ces différents documents de cadrage par les décideurs qui se traduit par la faiblesse de la mise en œuvre.

Pour en savoir plus :

10 MEEFM (2019). Pour un processus de Plan National d’Adaptation (PNA) qui réponde aux questions de genre à Madagascar. 11 Vertigo (2015). Enjeux politiques de l’adaptation aux changements climatiques dans les projets de gestion intégrée des zones côtières de Madagascar. Auteurs : Jessica Onitsoa Andriamasinoro et Bruno Sarrasin.

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CPGU (2019). Effectuer un diagnostic sur les politiques publiques et capacités institutionnelles en matière de résilience climatique et gestion des risques et des catastrophes à Madagascar. Auteure : RAMAROJAONA Lantosoa Patricia

1.2. Les changements climatiques dans la planification territoriale La décentralisation est inscrite pour la première fois dans la Constitution de la IIIe République (1992) et est promulguée par la Loi n°93-005 du 26 janvier 1994. Bien que la politique de décentralisation ait été réaffirmée dans la Constitution de la IVe République (2010), les résultats ne sont pas tangibles. Les collectivités territoriales du sud-ouest de Madagascar ont peu de ressources matérielles et financières. L’aménagement du territoire fait pourtant partie des domaines de compétences des régions et des communes. Le Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT) est un outil d’orientation à long terme (vingt ans) rendu obligatoire pour les régions par la Loi Organique d’Aménagement du Territoire (LOAT) de 2014. Un projet d’arrêté interministériel a par ailleurs été élaboré en 2019 pour établir les modalités d’intégration de la résilience climatique dans les Schémas Régionaux d’Aménagement du Territoire (SRAT) et dans les Plans Régionaux de Développement (PRD) qui en découlent. Cet arrêté permettra d’officialiser un guide méthodologique standardisé énumérant les étapes obligatoires à l’élaboration d’un SRAT intégrant les changements climatiques. Un guide méthodologique d’Intégration de l’adaptation et de la résilience climatique dans les SRAT et les PRD a été diffusé en septembre 2019 sous l’égide de la Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences (CPGU), elle-même rattachée à la Primature.

Les communes sont également dotées d’outils de planification territoriale : le Schéma d’Aménagement Communal (SAC) pour une période de 15 ans et sa déclinaison opérationnelle, le Plan Communal de Développement (PCD). La Loi d’Orientation de l’Aménagement du Territoire (LOAT 2015-051) stipule que « Les schémas intercommunal et communal d’aménagement du territoire constituent des cadres de référence dans lequel doivent s’intégrer toutes les politiques et actions de développement s’exécutant aux échelons intercommunal et communal » - [Article 48]. Un guide et des directives pour l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans le Schéma d’Aménagement Communal (SAC) ont été publiés en février 2019 par l’Office National pour l’Environnement (ONE). Pourtant dans la région de l’Atsimo Andrefana, en-dehors des communes soutenues par la GIZ et le PNUD, elles ont au mieux des outils de planification territoriale largement obsolètes.

Un guide méthodologique intitulé « Madagascar – Adaptation au changement climatique dans la planification urbaine » a par ailleurs été élaboré en 2019 avec le concours de l’Union européenne, de l’Agence Française de Développement et de la Coopération suisse.

Leçon apprise : L’expérience de la GIZ en matière de planification territoriale Le SRAT de la région Atsimo Andrefana a été élaboré avec l’appui de la GIZ et validé officiellement par le Chef de région en octobre 2018. Le Plan Régional de Développement (PRD) qui est le document de mise en œuvre du SRAT pour des périodes de cinq ans a également été validé et présenté à tous les partenaires par le Chef de région en septembre 2019. La GIZ a par ailleurs accompagné l’élaboration de SAC dans quinze communes dans la région Atsimo Andrefana (sur un objectif de 17)12. Elle a pour cela formé une équipe technique comprenant un cartographe et transféré les compétences à la délégation du Ministère de l’Aménagement du Territoire à Tulear. Les SAC tel

12 A noter que le PNUD accompagne également l’élaboration de SAC dans huit communes de la région, mais il n’a pas été possible de les rencontrer pour en discuter.

15 qu’élaborés par la GIZ s’apparentent à des monographies communales et contiennent en-cela une quantité d’informations descriptives sur le territoire concerné. Quelques données sur les tendances climatiques sont également inclues dans le document. Les informations exhaustives contenues dans les SAC contribuent à la connaissance et compréhension de chacune des communes et constituent en-cela des documents incontestablement utiles à la planification. Quelques réserves peuvent toutefois être avancées sur le produit final. En effet, en l’état (plus de 200 pages en français), il semble difficile d’envisager son appropriation par les élus et a fortiori par la population locale. Pour cela, il faudrait un document beaucoup plus synthétique, dynamique et visuel construit sur la base de cartes, schémas, dessins, photographies et non l’inverse (où les cartes viennent illustrer un texte). Dans la mesure où l’élaboration d’un SAC est censée être participative et inclusive, le document devrait également refléter les perceptions des populations, la vision qu’elles se font à un temps t de leur territoire et de son évolution passée et à venir. Des outils tels que la cartographie subjective pourrait être utilisée pour ne pas seulement présenter la commune sur la base de données réelles, mais aussi à travers les impressions des personnes qui y vivent. Par ailleurs, les tendances climatiques sont présentées comme une information parmi d’autres et non comme un phénomène pouvant profondément influencer le territoire et ses habitants. Le schéma communal étant un outil d’orientation pour une période de quinze ans, il pourrait être utile de mieux intégrer les enjeux climatiques pour planifier des mesures d’adaptation et éventuellement, d’atténuation.

1.3. La production et diffusion des données et connaissances climatiques Au niveau central : La Direction Générale de la Météorologie (DGM) est sous la tutelle du Ministère des Transports, du Tourisme et de la Météorologie. Elle est structurée autour de trois grands pôles : 1/ l’exploitation météorologique en charge des prévisions à court terme ; 2/ la Recherche&Développement hydrométéorologique ; 3/ la Météorologie appliquée laquelle est dotée d’une unité « Climatologie et Changement climatique ». La DGM est la seule officiellement habilitée à produire les données sur les prévisions météorologiques et sur le climat. Elle s’appuie sur les relevés des 21 stations synoptiques installées dans chacune des régions de Madagascar. Les données sont collectées toutes les trois à six heures auprès des observateurs, ou le cas échéant auprès des stations météorologiques, pour traitement au niveau central. Elles permettent d’élaborer des analyses climatiques et d’établir des prévisions saisonnières. Les données et résultats sont partagés sur l’interface Maproom hébergée sur le site de la DGM en accès libre. La DGM développe avec le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) des calendriers culturaux mensuels à l’échelle régionale13 pour cinq spéculations (maïs, riz…) et publie des bulletins météorologiques. Le Service de Météorologie Opérationnelle collabore également avec la Cellule de Prévention et Gestion des Urgences (CPGU) pour la diffusion des alertes météorologiques.

13 Echelle qui correspond au maillage des stations météorologiques de la DGM. Les calendriers culturaux peuvent ensuite être élaborés à l’échelle du district à partir d’une modélisation présentée dans le point « Au niveau régional et local).

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Si la DGM a bénéficié ces dernières années d’un renforcement institutionnel et matériel, des contraintes budgétaires restreignent toujours le maillage des stations (une par région) et des services météorologiques (seules six régions en sont dotées). Des partenariats avec des organisations internationales (PNUD, GIZ) permettent toutefois d’améliorer la couverture à travers l’installation de stations automatiques additionnelles. D’autres organisations installent leurs propres stations ou pluviomètres, mais 1/ elles n’en informent pas toujours la DGM ; 2/ les stations ne sont pas systématiquement paramétrées par la DGM et les données ne peuvent donc pas être intégrées au système d’exploitation ; 3/ elles sont au service d’un projet et ne perdurent généralement pas au-delà du temps de financement ; 4/ la remontée des données est irrégulière. Ces constats imposent de s’interroger sur la nature de l’ancrage institutionnel de ces équipements au niveau local, tant pour en assurer la pérennité au-delà du temps de projet que pour en garantir la sécurisation (particulièrement pour les stations automatiques équipées de panneaux solaires). Un enjeu fondamental est surtout de pouvoir garantir l’exploitation des données par la DGM autant pour des prévisions saisonnières que pour des modélisations climatiques, ce qui implique des données calibrées et régulières sur un temps long.

Au niveau régional et local : La production des données : La région de l’Atsimo Andrefana dispose d’un service météorologique basé à Tuléar, équipé d’une seule station automatisée dont les données ne seraient représentatives que dans un rayon de 60 kilomètres. Celle-ci étant de surcroît installée en zone littorale, les observations qui y sont faites ne sont pas extrapolables à l’ensemble du territoire. Les prévisions météorologiques et les tendances climatiques pour la région reposent donc sur une modélisation à partir d’images satellitaires et des données collectées avant les années 60 (c’est-à-dire avant la déforestation massive et les perturbations climatiques de ces dernières décennies). Les informations disponibles pour les districts de Betioky et Ampanihy ne reflètent donc qu’imparfaitement les tendances climatiques de ce territoire et de ses spécificités géographiques (relief, écosystèmes, littoral/intérieur). Pour compléter le dispositif et en collaboration avec le service météorologique, la GIZ prévoit d’installer avant janvier/février 2020 des stations automatisées dans cinq communes de la région dont , Betioky et Ampanihy. Par ailleurs, ACF a mis en place un Observatoire hydrogéologique dans la cuvette d’Ankazomanga (district de Betioky) composé de six capteurs piézométriques et d’une station météorologique. Le but de ce projet est d’identifier les relations possibles entre changements climatiques, variations des nappes, usage de l’eau, production végétale, nutrition et état sanitaire. Il permet également d’assurer un suivi des eaux souterraines afin d’alimenter le mécanisme d’alerte sur les risques de sécheresse, en produisant notamment un bulletin tous les trois mois. Ce système de suivi est assuré en collaboration avec le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC), la Direction Régionale de l’Energie, de l’Eau et des Hydrocarbures (DREEH) de l’Atsimo Andrefana et le service météorologique de Tuléar.

La diffusion des prévisions météorologiques auprès des collectivités territoriales et a fortiori auprès des populations est extrêmement limitée. Les représentants des mairies des districts de Betioky et Ampanihy ne disposent d’aucune information même en cas d’alerte cyclonique ou de prévision d’un épisode de sécheresse. Un représentant d’une commune littorale indiquait n’être informé des menaces cycloniques ou autres aléas climatiques que par la télévision (« par ceux qui ont un abonnement à Canal+, car nous ne recevons pas ici la TV nationale »), la radio ou par les collecteurs en provenance

17 d’Ampanihy qui transmettent le message du Chef de district. Les informations ne parviennent en général pas aux villageois faute de moyens de communication (zones non couvertes par les fréquences radiophoniques). Les pêcheurs, dont la lecture des phénomènes météorologiques est devenue incertaine du fait de perturbations dans l’orientation et l’intensité des vents, ne disposent d’aucune source d’information pour sécuriser leurs sorties en mer. Les calendriers culturaux sont depuis récemment accessibles par téléphonie mobile.

Si la perception de changements dans le climat est unanimement partagée par les populations rurales (cf 2.2), la compréhension du phénomène est très limitée. Il n’est pas surprenant que le processus global du réchauffement planétaire ne soit ni connu ni compris même par les représentants des collectivités territoriales. Un seul interlocuteur (le chef de l’état civil et instituteur de la commune de Maroarivo) a établi un lien entre la pollution industrielle et les changements climatiques. Les liens de causalité à l’échelle locale sont plus faciles à discerner, seule une minorité perçoit une corrélation entre le processus de déforestation et les variations climatiques telles que la baisse de la pluviométrie ou l’intensité des vents. Ces personnes, plutôt des notables, ont généralement été sensibilisées sur la question par des organisations internationales, notamment celles spécialisées dans la préservation de la biodiversité (ex : WWF dans le district d’Ampanihy). Selon le Roi rencontré dans la commune d’, « Nous avons sollicité l’aide de l’Etat pour nous aider à protéger la forêt. Des étrangers nous ont dit que le grand changement dans le climat qui provoque l’assèchement est dû au défrichement. Je ne sais pas si la parole des étrangers est vraie ou bien si c’est à cause de la colère de Dieu. ». Les explications liées aux croyances sont toutefois majoritaires. Elles expriment en général le mécontentement des dieux qui, offensés par le non respect des traditions par les villageois, les punissent en raréfiant la pluie. Un vieil homme dans le Fokontany de Bekily déclare : « Au temps de nos ancêtres, les pluies étaient abondantes. Puis, le gouvernement a provoqué les pluies artificielles. Mais depuis la Transition, il n’y a ni pluie artificielle ni pluie naturelle. C’est une punition de Dieu. Seul Dieu peut être à l’origine de la pluie. C’est lui qui décide et non la pluie artificielle. ». La responsabilité est souvent imputée aux étrangers perçus comme des vecteurs d’acculturation (changements dans les mœurs, dans les traditions culturelles, dans les normes sociales).

2. TENDANCES CLIMATIQUES

La présente étude visait à confronter les perceptions des variations climatiques par les populations rurales de l’Atsimo Andrefana avec les données et informations scientifiques sur les tendances et projections climatiques. Ces dernières s’appuient sur les deux rapports publiés à ce jour (2008 et 2019) par la Direction Générale de la Météorologie (DGM) et qui présentent : 1/ les tendances climatiques des décennies passées. 2/ les projections basées sur les scénarios d’émission de GES établis par le GIEC.

Les tendances climatiques s’évaluent essentiellement à travers les variations de la pluviométrie et des températures, le régime des vents et la fréquence des évènements météorologiques extrêmes.

2.1. Terminologie Il n’est pas inutile de rappeler, dans un premier temps, les différences entre Météo, variabilité climatique et changement climatique, c’est-à-dire des notions parfois employées sans discernement.

18

Schéma 2 : Notions de Météo, Variabilité climatique, Changement climatique (Service Météorologique de Tuléar)14

2.2. Perceptions des tendances climatiques par les populations rurales

Les perturbations climatiques sont perceptibles dans la région d’Atsimo Andrefana depuis plusieurs années. Les changements les plus marquants au regard des moyens d’existence de la population concernent plus particulièrement la diminution et l’imprévisibilité des précipitations, les variations dans l’intensité et la direction des vents et l’augmentation des températures ressenties. D’après les populations locales, ces changements ont été observés vers l’année 2000 mais se sont intensifiés depuis une dizaine d’années. Les incidences directes se manifestent par des sècheresses intenses et récurrentes dans toute la région.

2.2.1. Perceptions de la variation de la précipitation

Les perturbations observées au niveau des précipitations figurent comme l’un des changements ayant le plus de répercussions sur les moyens d’existence de la population. Selon la perception locale, une tendance à la baisse de la pluviométrie a été remarquée depuis une dizaine d’année accentuant l’aridité de la région. Cette modification du régime pluviométrique se traduit principalement par le retard et le raccourcissement de la période pluvieuse, l’irrégularité de la précipitation et une répartition inadéquate du nombre de Pour les populations locales, le jours pluvieux. Si auparavant, la saison pluvieuse s’étalait d’octobre à climat est, depuis une décennie, mars, elle ne commence actuellement qu’à partir du mois de caractérisé par sa totale décembre/janvier pour s’achever en février avec le plus souvent des imprévisibilité, dominé toutefois par pluies fines et intermittentes. Les premières précipitations ne sont un déficit aigu de pluies, de faux plus aujourd’hui prévisibles et les connaissances empiriques locales départs et une forte discontinuité ne permettent plus de réaliser des prévisions météorologiques dans les épisodes pluvieux. fiables. Celles-ci sont d’autant plus difficiles à réaliser qu’il y aurait une diversité de micro-climats caractérisés par des différences notables dans les précipitations. Les ménages qui vivent exclusivement de l’agriculture utilisent ainsi d’autres moyens de prévision comme la feuillaison de l’espèce Poupartia caffra (Sakoa) pour le semis. Il est à noter que très peu d’indicateurs ont été proposés que ce soit par les agro-pasteurs ou par les pêcheurs. Il n’a pas été possible de savoir si cela reflétait une faible utilisation d’indices de prévisions

14 Extrait du Schéma d’Aménagement Communal de .

19 météorologiques par les populations locales ou si cela relevait d’une difficulté à obtenir cette information dans le cadre de l’étude.

Selon les communautés locales rencontrées, les sécheresses qui frappent la région sont des évènements cycliques. Un cycle considéré comme ‘normal’ correspond à environ trois à quatre années de pluies abondantes suivies d’une année de sècheresse. Ce cycle serait actuellement inversé avec trois à quatre années de sècheresse intense suivies d’une année de pluies abondantes. Cette hypothèse a récemment été vérifiée par une période de sècheresse intense entre 2014 et 2017 suivie d’une année de fortes pluies de juillet à septembre 2018. Les populations locales anticipent une diminution continue des précipitations dans les années à venir.

Le retard de la saison pluvieuse provoque également un décalage du calendrier saisonnier. Si auparavant, l’année était marquée par trois saisons bien distinctes (Asara, Asotry, Faosa), celles-ci sont à présent décalées ou enchevêtrées (cf tableau 1). La saison pluvieuse ne débutant qu’en décembre/janvier, la saison chaude été s’étend jusqu’au mois de Décembre et parfois même jusqu’en février. Le tableau ci-après illustre le décalage engendré par ces perturbations climatiques.

Tableau 1 : Calendrier saisonnier

Saisons Dénomination Période O N D J F M A M J J A S O N D locale Saison Asara Avant pluvieuse Actuelle Hiver Asotry Avant Actuelle Eté Faosa Avant Actuelle

2.2.2. Perceptions de la variation de la température

Les changements perçus concernant les températures se traduisent par l’augmentation des amplitudes thermiques. Ce phénomène est notamment lié au retard de l’arrivée des premières pluies et donc au rallongement de la saison chaude jusqu’au mois de décembre. Selon la perception locale, des vagues de chaleur inhabituelles ont frappé toute la région durant ces dernières années et notamment en 2018 et 2019.

2.2.3. Perceptions des changements sur les vents et passages de cyclone

Des changements ont été ressentis par la population locale, à partir du milieu des années 2000, concernant les vents. Ils concernent à la fois leur intensité, leur direction ou encore les périodes d’occurrence.

Selon les communautés de pêcheurs du district d’Ampanihy, si auparavant, la saison du vent était de septembre à janvier, elle n’est plus prévisible à l’heure actuelle. D’une manière générale, les périodes venteuses sont toutefois plus nombreuses et plus longues. D’après la GIZ (2014), les vents forts du Sud (Tioka Atsimo) soufflent plus de vingt jours par mois, d’août à décembre au lieu d’une durée passagère mensuelle de deux jours en temps normal.

Cette impression a également été relevée dans les terres où les agro-pasteurs évoquaient les conséquences de ces vents violents sur les cultures et sur la santé animale. Cette perception peut

20 toutefois être liée à la déforestation, les arbres ne faisant plus écran et ne protégeant donc plus ni les plantations ni le bétail.

D’une manière générale, quatre types de vent prédominent dans la région à savoir : Anindaotsy (Ouest – Sud), Fandohotsy (Nord), Varatraza (Est), Tioka atsimo (Sud). Les directions des vents qui soufflent actuellement au niveau de la région sont consignées dans le tableau suivant.

Tableau 2 : Direction des vents selon les saisons

Matin Après-midi Saisons Direction Type Direction Type Asara Est – Sud/ Nord** Varatraza Ouest – Nord – Anindaotsy Est** Asotry Sud-Est Varatraza Sud Tioka Atsimo Faosa Sud ** Sagara Sud Anindaotsy ** Vents défavorables aux sorties en mer

D’après les communautés de pêcheurs, la tombée des pluies constitue un indicateur de bonne condition météorologique pour la sortie en mer. Compte tenu de l’irrégularité et de la mauvaise répartition des précipitations, les pêcheurs ne peuvent toutefois plus prévoir les périodes propices à la pêche. Les connaissances empiriques des communautés des pêcheurs ne sont plus suffisamment fiables pour leur permettre de programmer les sorties en mer. Les vents se sont par ailleurs fortement intensifiés depuis une vingtaine d’années. Les changements dans la direction des vents et des courants marins ne seraient pas favorables à la navigation, ce qui aurait eu pour conséquence une diminution notable des sorties en mer.

Les changements observés sur les passages cycloniques se rapportent à l’augmentation de leur intensité et de leur fréquence. Selon un groupe de pêcheurs d’, « il y avait autrefois 2 cyclones par an. Aujourd’hui, il y a 3 à 5 passages par an ». La Direction Générale de la Météorologie (DGM) précise pourtant que cette partie Sud-Ouest de l’île n’est généralement pas une zone cyclonique15 et qu’au plus, trois cyclones passent chaque année à Madagascar. Les connaissances des villageois pour qualifier les phénomènes météorologiques sont limitées. Même en zone littorale, cette confusion existe faute d’information ou de sensibilisation. Sont ainsi qualifiés de cyclone, ce qui correspond probablement davantage à des tempêtes tropicales ou même à des vents violents. Ceci explique que la fréquence de passage de cyclone soit souvent majorée par les populations locales. Cette surestimation reflète toutefois une occurrence des vents violents plus importante qu’autrefois. Les populations locales n’arrivent pas non plus à prévoir ces évènements extrêmes car d’une part, leurs moyens de prévision basés sur les connaissances locales sont devenus faussés et d’autre part, elles ne disposent pas de moyen de communication et de système d’alerte cyclonique. Dans une région où sévit la sécheresse, les passages cycloniques sont souvent perçus comme une aubaine car ils s’accompagnent de pluies abondantes.

2.3. Données climatiques pour la région Atsimo Andrefana

Afin de confronter les données issues des perceptions locales, une analyse des tendances climatiques basée sur les données scientifiques a été menée. Les données issues de la Direction Générale de la Météorologie (DGM) ont été utilisées pour l’analyse des projections climatiques dans la mesure où

15 Même si pour 2019, la DGM annonçait le passage de cyclones par le canal du Mozambique.

21 elles constituent le référentiel en matière d’analyse des variations et des tendances climatiques à Madagascar. Ces données16 sont collectées sur une période longue comprise entre 1961 et 2017 au niveau de la station de Tuléar. Néanmoins, vu qu’une seule station météo est opérationnelle dans la région, les tendances proposées ne peuvent pas être ramenées à une plus grande échelle (du district ou de la commune).

Les résultats qui suivent font état des tendances actuelles et des projections climatiques pour chaque type de variables.

2.3.1. Tendances et projections relatives aux précipitations

Tendances relatives aux précipitations

La région Atsimo Andrefana est caractérisée par un climat de type subaride ou semi-aride. Les tendances climatiques actuelles font état d’un raccourcissement des saisons pluvieuses dû à l’augmentation du nombre maximal de jours secs consécutifs à raison d’un jour par an durant ces 45 dernières années (WWF, 2010). Cette situation peut s’expliquer par la diminution des précipitations de juin à novembre se manifestant par des débuts tardifs de la saison pluvieuse et par la diminution du nombre de jours de pluie sur cette période (DGM, 2008)17. D’après les études effectuées par la DGM en 2008, on assiste actuellement à une tendance à la diminution des précipitations journalières moyennes, statistiquement significatives pour la partie Sud de Madagascar. En termes d’intensité, on note une tendance à la hausse des précipitations.

Carte 3 : (a) Tendances annuelles des moyennes journalières et (b) des intensités journalières moyennes des précipitations (mm/jour/an). Les tendances à la hausse/baisse statistiquement significatives sont indiquées par +/- (Source DGM, 2008).

Les données climatiques relevées au niveau de la région Atsimo Andrefana sur la période de 1981 à 2018 reflètent une légère tendance à la baisse des quantités de pluie tombées annuellement. Par contre, pour ces cinq dernières années, une forte diminution suivie d’une augmentation significative de la précipitation a été remarquée. Cette situation confirmerait les perceptions locales sur l’existence d’un cycle de trois à quatre années de sècheresse intense suivie d’une année de pluie abondante. Les

16 Elles sont principalement issues d’un calibrage des données satellitaires et des données réelles collectées au niveau de la station de Tuléar 17 Par ailleurs, une augmentation de 10% de la précipitation est prévue pendant les saisons pluvieuses (décembre à février) et une diminution de 20% à 30% pendant la saison froide et la saison sèche (juin à août) (Raholijao, 2007 in ASCONIT, 2011)

22 figures ci-après représentent les tendances globales selon les données enregistrées dans le Maproom de la DGM.

Figure 1 : Tendance de la précipitation pour les données 1981 à 2018 (à gauche) et 2013 à 2018 (à droite) (Source : Données Maproom 2019)

En terme de répartition spatiale, les zones à l’intérieur des terres reçoivent plus de précipitations que celles du littoral avec respectivement, 401-600mm (cas des zones aux alentours de Betioky et d’Ampanihy) et 200 – 300mm (cas de la partie d’Itampolo et d’). La carte ci-après illustre la répartition annuelle de la précipitation au niveau de toute la région Atsimo Andrefana.

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Carte 4 : Précipitation annuelle de la région Atsimo Andrefana - moyenne annuelle de 1961 – 2019 (Source : Service météo Tuléar, 2019)

Les données pluviométriques de la station de Tuléar reflètent une très forte variabilité au cours de la saison culturale, c’est-à-dire entre octobre et mars. Elles expriment par ailleurs une tendance à la baisse sur la période 2005 à 2015.

Graphe 1 : Variations de la pluviométrie par saison de culture de 2005 à 2015 (Service Météorologique de Tuléar)18

18 Extrait du Schéma d’Aménagement Communal de Sakahara.

24

Les données pluviométriques confirment les perceptions des populations quant à la forte irrégularité inter-annuelle des précipitations pendant la saison des pluies.

Projections relatives aux précipitations

L’analyse des données étalées sur la période de 1961 à 2017 selon les tendances climatiques publiées par la DGM en 2019 révèle que les précipitations annuelles, les précipitations en été et les maximas journaliers ont une tendance à la baisse contrairement aux précipitations en hiver. Deux scénarios ont été ainsi simulés pour la région Atsimo-Andrefana. Les résultats de l’analyse concluent qu’il n’y aura pas de changement pour la précipitation à l’horizon de 2030, 2050 et 2080 (DGM, 2019).

Tableau 3 : Scénarios sur les changements climatiques - Précipitations

Paramètre (Annuelle) RCP19 4.5 (Modérée) RCP 8.5 (Elevée) 2030s 2050s 2080s 2030s 2050s 2080s Précipitations (mm) 0.0 0.0 0.0 0.1 0.0 0.0

(Source : NASA NEX in DGM 2019)

Par rapport aux analyses effectuées sur la période de 1981 à 2010, les sècheresses ont toujours les mêmes caractéristiques tout au long de l’année sauf en saison hivernale, laquelle devient de plus en plus sèche. En outre, la probabilité d’occurrence des sécheresses modérées est devenue beaucoup plus importante que les autres catégories de sécheresse. Les résultats d’analyse concluent que les zones côtières ont une probabilité d’occurrence de la sècheresse plus importante que les zones à l’intérieur des terres. De par ses caractéristiques biophysiques (très peu de cours d’eau et de plan d’eau), le district d’Ampanihy figure parmi l’une des zones les plus exposées à ce phénomène (CPGU, 2012)20.

19 Concernant les futurs changements climatiques à Madagascar, deux scénarios d’émissions futures différentes de gaz à effet de serre, relatifs aux scénarios modérés (RCP 4.5) et élevé (RCP 8.5) sont considérés (DGM, 2019). 20 Pour les périodes de déficit hydrique anormal, les études effectuées par la CPGU en 2012 ont permis de modéliser la probabilité d’occurrence et la période de retour des sècheresses au niveau de toute la région. L’indice standardisé de précipitations (SPI) a été utilisé afin d’évaluer le type de sècheresse météorologique affectant chaque zone : sècheresse normale, modérée, sévère ou extrême.

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Carte 5 : Probabilité d’occurrence par type de sècheresse météorologique (Source : CPGU, 2012)

Carte 6 : Période de retour par catégorie de sècheresse (Source : CPGU, 2012)

2.3.2. Tendances et projections des températures

Tendances relatives aux températures

La température moyenne de l’air de la région Sud de Madagascar a régulièrement augmenté depuis les années 50.

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Ce réchauffement se manifeste surtout par l’augmentation des températures extrêmes, notamment les minimales (DGM, 2008)21.

Tableau 4 : Tendances trimestrielles (°C/an) de variation des températures maximales et minimales journalières durant la période de 1961 – 2005

Température maximale journalière Température minimale journalière DJF MAM JJA SON ANN DJF MAM JJA SON ANN 0.039 0.044 0.038 0.038 0.040 0.023 0.030 0.020 0.033 0.027 Source : DGM, 2008

Carte 7 : Tendance moyenne annuelle des températures minimales journalières (a) et maximales journalières (b) de 1961 – 2005 (Source : DGM, 2008)

Pour les cinq dernières années, les températures moyennes annuelles varient fortement mais le pic a été enregistré entre les années 2017 et 2018 avec une température moyenne atteignant plus de 27°C. Les figures ci-après illustrent les tendances des températures moyennes annuelles au niveau de la région selon les données Maproom.

21 Par rapport aux tendances des températures journalières entre 1961 et 2005, une tendance à la hausse très significative des températures minimales a été constatée pour 67% des cas contre, 63% pour les températures maximales (DGM, 2008). Cette hausse est estimée à plus de 1°C entre 1961 à 2005. Par rapport aux données relevées entre la période de 1981 et 2018, les tendances restent a priori les mêmes.

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Figure 2 : Tendance des températures moyennes pour les données 1981 à 2018 (à gauche) et 2013 à 2018 (à droite) (Source : Données Maproom 2019)

En termes de répartition spatiale, les températures moyennes enregistrées au niveau des zones à l’intérieur des terres sont de l’ordre de 23 à 24°C. Par contre, les températures annuelles relevées au niveau des zones situées sur le littoral, à l’instar de la commune d’Androka et d’Itampolo sont légèrement inférieures à celles des zones sus-citées avec une moyenne annuelle de 22 à 23°C. La carte ci-après illustre la répartition de la température annuelle au niveau de toute la région.

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Carte 8 : Température moyenne annuelle de la région Atsimo-Andrefana (Source : Service météo Tuléar)

Projections relatives aux températures

Compte tenu des tendances climatiques actuelles, plusieurs projections des températures ont été simulées pour la région Atsimo Andrefana. Selon le scénario A222 qui considère les données de 1961 à 1990, la température moyenne annuelle subira une hausse très marquée de 1,5°C au minimum vers 2050 (WWF, 2010). D’après ASCONIT (2011), la température augmentera de 0,5°C à 3°C d’ici 2099 avec des élévations moyennes de 0,5°C environ tous les 20 ans. Sur la base des données climatiques pour la période de 1961 à 2017, la DGM prévoit une augmentation des températures maximales et minimales pendant les trois horizons 2030, 2050 et 2080 (DGM, 2019). Le tableau ci-après illustre la variation de la température à l’horizon de 2030, 2050 et 2080 suivant les deux modèles retenus (RCP 4.5 et RCP 8.5).

22 Le scénario A2 correspond au scénario d’émission du GIEC avec lequel la société continuera à employer les combustibles fossiles avec un taux modéré ; il y aura moins d'intégration économique et les populations continueront de s’accroitre.

29

Tableau 5 : Projections climatiques - Température

Paramètre (Annuelle) RCP 4.5 (Modérée) RCP 8.5 (Elevée) 2030s 2050s 2080s 2030s 2050s 2080s Température maximale (°C) 1.0 1.6 2.0 1.2 1.9 3.4 Température minimale (°C) 1.0 1.5 2.0 1.2 1.9 3.4 Source : DGM, 2019

2.3.3. Tendances et projections des vents et des cyclones

Tendances relatives aux vents et cyclones

La région Atsimo Andrefana n’est pas considérée comme étant une zone à haut risque cyclonique, les cyclones qui la touchent étant déjà affaiblis par la traversée d’une partie de l’ile. Néanmoins, ils entraînent parfois de fortes précipitations provoquant des inondations catastrophiques (ONE, 2013). Ce fût le cas du passage du cyclone Haruna en 2013 qui a provoqué une importante inondation dans toute la région. Les figures ci-après représentent les cyclones tropicaux qui sont passés dans la région durant ces cinq dernières années.

Enawo (2017) Ava (2018)

Giovanna (2012) Haruna (2013)

Carte 9 : Trajectoire des cyclones tropicaux passés dans la région durant ces 05 dernières années

Projections relatives aux vents et cyclones

Les scénarios élaborés au niveau national ne prévoient pour les années à venir aucun changement sur la fréquence de passage des cyclones tropicaux ; en revanche, leur intensité devrait

30 augmenter de 46% d’ici à 2100 (DGM, 2019). En effet, les vents portés par les cyclones tropicaux deviendront de plus en plus violents. D’après WWF (2010), cette intensification a déjà été remarquée depuis une vingtaine d’année. La figure ci-après représente la projection du nombre de passage de cyclone suivant une grille matricielle de 120km².

Carte 10 : Nombre de passages par carré de 1° (~ 120km x 120km) sur 1000 cyclones qui se forment dans l’Océan Indien suivant le modèle ECHAM (source : DGM, 2008)

Par rapport à la fréquence de passage, les tempêtes tropicales (62 à 117km/h) sont les plus fréquentes du fait qu’elles ont une période de retour entre 3 à 7 ans23. Plus particulièrement pour le cas des districts de Betioky et d’Ampanihy, les tempêtes tropicales ont une période de retour de 5 ans, 20 ans pour les cyclones de catégorie 1, 50 ans pour les cyclones de catégorie 3 et, 100 ans pour les cyclones de catégorie 4 (CPGU, 2012). Du point de vue intensité, les vents apportés par une tempête tropicale auront une vitesse maximale de 101.4 km/h. Par ailleurs, pour une période de 100 ans, le passage d’un cyclone de catégorie 4 ou 5 (plus de 250 km/h) dans la partie sud de la région (District d’Ampanihy) n’est pas à exclure. Les autres districts seront menacés par un cyclone de catégorie 2 (154 à 177km/h) voire de catégorie 3 (178 à 210km/h) (CPGU, 2012).

23 Viennent ensuite les cyclones de catégorie 1 (118 à 153 km/h) et de catégorie 4 (211 à 249 km/h) qui ont respectivement une période de retour de 10 ans et 50 ans.

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Carte 11 : Période de retour des cyclones au niveau de la région Atsimo Andrefana (source : CPGU, 2012)

3. IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

3.1. Sur les écosystèmes

La déforestation est unanimement identifiée comme étant la principale métamorphose subie par les paysages au cours de ces dernières décennies. La carte n°X sur l’occupation des sols illustre l’accélération de ce processus depuis 2009, ce qui coïnciderait avec la datation de l’accentuation des perturbations climatiques. Les études effectuées sur l’évolution de la couverture forestière au niveau de la région Atsimo Andrefana font état d’un taux de déforestation annuel de l’ordre de 2,06 % par an entre 2005 à 2010 et 2,8% par an entre 2010 à 2013 (ONE, 2019) alors que, la moyenne nationale24 est de 2,4 % pour la période de 2005 à 2010 (MEDD & al, 2009). Par rapport à ces tendances, une nette augmentation de la déforestation peut être observée entre les deux périodes, faisant de la région Atsimo Andrefana l’une des régions les plus exposées aux risques de perte de couverture forestière.

24 Le taux de déforestation annuel est de 0,83% pour la période 1990-2000, 0,53% pour la période entre 2000 et 2005, et 2,4% pour la période 2005 à 2010 (MEF, USAID et CI, 2009 : Évolution de la couverture des forêts naturelles 1990 – 2000 – 2005).

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Carte 12 : Evolution de l’occupation des sols au niveau de la région Atsimo Andrefana

S’il n’est pas possible dans le cadre de cette étude d’établir un lien avec le phénomène global des changements climatiques, les causes anthropiques de cette déforestation sont clairement établies. Les forêts considérées comme une réserve de terres agricoles ou de pâturage sont en effet fortement dégradées par un système de production extensif accentué par la pression démographique et l’insuffisance des pluies. La conversion des forêts en terres de culture sur brûlis (tavy) est la principale cause de déforestation dans la région. En-dehors des dégâts provoqués par le défrichement, la production illicite de charbon constitue une menace additionnelle sur les forêts. La chute des rendements agricoles principalement due à l’insuffisance des précipitations contraint les populations à diversifier leurs sources de revenu. Cette activité est par ailleurs stimulée par une augmentation exponentielle de la demande en charbon de bois dans la région, passant de 7 000t en 1991 à 28 000t en 2011. « Pour cela, environ 15 000 ha de forêts naturelles sont annuellement décimées pour alimenter les zones urbaines et semi-urbaines en charbon de bois » - (WWF, 2019). La conjonction de ces facteurs participe à la surexploitation des ressources forestières et conséquemment à sa dégradation.

Les pratiques d’élevage basées sur la libre pâture du bétail permettent un apport organique aux champs et aux forêts, tout en contribuant à la dégradation des ressources forestières par le piétinement des jeunes plants et par le broutage.

Les incidences indirectes des changements climatiques constatées sur les écosystèmes concernent notamment la perturbation des habitats conduisant à la raréfaction voire, la disparition de certaines espèces faunistiques. A cause de la perte de la couverture forestière, les bois de construction mais surtout les faunes sauvages commencent à se faire rare actuellement. D’après les communautés locales, il est devenu rare de rencontrer certaines espèces d’oiseaux et de lémuriens mais surtout, les animaux sauvages comme les sangliers et les hérissons. Cette situation est aggravée par le trafic illicite

33 de certaines espèces comme la tortue. Les mêmes constats ont été observés sur les ressources marines dans le sens où certaines espèces de poissons comme le thon (lamatra), le mulet (lagnora), le « Lavavava », etc. commencent à se raréfier. Il est à noter que certaines ressources halieutiques, comme les coraux noirs, les ailerons de requins ou encore les concombres de mer font l’objet d’exploitations illicites à destination des marchés asiatiques.

Les déficits pluviométriques ont également des conséquences sur le niveau des eaux souterraines. Le graphe 2 présente les relevés de précipitations et de niveaux de la nappe phréatique réalisés au sein de l’Observatoire hydro-climatique d’ACF.

Graphe 2 : Variations de la pluviométrie et de la nappe phréatique (ACF)

Selon l’interprétation d’ACF, les données reflètent 1/ une forte hétérogénéité inter-annuelle de la recharge de la nappe phréatique et 2/ une forte corrélation entre la recharge de la nappe et la pluviométrie (et notamment une forte dépendance de la recharge de la nappe aux évènements météorologiques extrêmes (ex : cyclones ou tempêtes tropicales). En croisant ces données avec les admissions dans les centres de santé, ACF établit également un lien de corrélation reportée entre la pluviométrie et la situation nutritionnelle ou autrement dit, un déficit pluviométrique aurait un effet sur le statut nutritionnel 9 mois à 1 an plus tard25.

3.2. Sur les moyens d’existence

En-dehors de la commune de Bezaha dont les terres sont irriguées par une source pérenne (5 000 ha cultivés en rizière)26, les populations rurales des districts de Betioky et d’Ampanihy sont fortement dépendantes des conditions météorologiques pour leurs moyens d’existence (activités économiques, ressources en eau et forestières…). Le système productif traditionnel repose sur des pratiques fortement extensives, ce qui était viable sur le plan économique, social et environnemental tant que la densité de population demeurait extrêmement faible. Les effets conjugués des changements climatiques, de l’accroissement démographique (que certains villageois qualifient d’explosion démographique) et de la déforestation massive compromettent aujourd’hui ce modèle.

25 ACF prévoit de mener une étude scientifique pour démontrer les liens de causalité entre niveaux des nappes phréatiques et statuts nutritionnels pour améliorer les systèmes d’alerte précoce. Si les résultats préliminaires d’une corrélation reportée sont confirmés, cela permettrait, selon ACF, de mieux anticiper les crises humanitaires. 26 D’après le Président de la Fédération des usagers, 10 à 20 000 ha disponibles seraient encore aménageables pour l’irrigation.

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Les pratiques agricoles se sont développées avec la conviction que les ressources naturelles étaient illimitées.

Dans le secteur agricole

L’imprévisibilité et l’irrégularité des précipitations ont d’importantes conséquences sur les productions de base (maïs, patate douce, niébé, arachide). Le manioc, principale spéculation de la région, est moins affecté par ces variabilités climatiques en raison de son temps de maturation allant jusqu’à 24 mois et de sa résistance au stress hydrique. Les pluies étaient jusqu’à récemment suffisamment bien réparties et en quantité nécessaire pour développer des cultures pluviales, même celles exigeantes en eau comme le maïs ou l’arachide. Les terres situées sur le Plateau Mahafaly étaient même réputées pour être le grenier à maïs de la région. La commune d’Ejeda regroupe de nombreux collecteurs d’origine indo-pakistanaise qui auraient, dans les années 70, stimuler la production de maïs à grande échelle (ce qui a peut-être contribué à l’accélération de la déforestation ?). La culture de maïs est aujourd’hui moins prépondérante en raison de l’insuffisance de pluies. Depuis une bonne décennie, le décalage de la saison des pluies et les faux départs perturbent le calendrier cultural, ce qui affecterait les rendements et la production27. Les semis se font en effet traditionnellement aux premières pluies, ce qui correspondait auparavant au mois d’octobre. Ils sont à présent retardés jusque parfois au mois de décembre, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps aux cultures pour arriver à pleine maturité.

Dans le secteur de l’élevage

L’élevage dans la région Mahafaly tient une place extrêmement importante sur le plan aussi bien économique que symbolique. Le cheptel de zébus est une épargne autant qu’une marque de prestige et de pouvoir. Il n’est pas surprenant dans une société aussi patriarcale qu’il soit le domaine réservé des hommes. La traite des zébus par les femmes est même considérée comme fady et elles ne sont autorisées ni à s’en occuper ni à participer à leur abattage : « Activité essentiellement masculine, l’élevage des zébus est considéré comme la seule tâche sérieuse. En contraste, l’élevage des chèvres et des moutons, également confié aux hommes, et l’agriculture, activité mixte, sont loin d’avoir les mêmes résonances émotionnelles. »28. Le vol de bétail (dahalo)29 organisé par des groupes criminels a également fortement contribué à la diminution des cheptels dans la région. La mise en place de dinabe30 aurait toutefois permis de limiter le phénomène.

S’il est impossible sans recensement d’estimer la diminution du cheptel, les entretiens concordent tous pour témoigner de sa chute drastique : « Avant, les gens avaient 40-50 zébus. Certains en possédaient jusqu’à 300 et même 500. Aujourd’hui, on a 2-3 zébus. Le maximum est de 30 zébus pour une famille. Aujourd’hui, dans tout le fokontany, il y a environ 70 zébus. Avant il y en avait des milliers, mais le

27 En l’absence de données sur le suivi des récoltes, il n’est pas possible de mesurer l’impact de ces changements sur les rendements et les productions. L’hypothèse de la diminution repose sur les déclarations des différents interlocuteurs, dont les paysans eux-mêmes. 28 Paul Ottino (2016). Les champs de l’ancestralité à Madagascar : Parenté, alliance et patrimoine. Ed. Karthala, p.119. 29 Le terme utilisé localement pour désigner le vol de bétail est Malaso. 30 Charte communautaire entre les habitants d’une localité ou d’une commune pour améliorer la sécurité, notamment relative aux vols de zébus. Le principe du Dina be est inspiré du Dina mis en place pour la conservation et la gestion des forêts.

35 nombre a commencé à diminuer dans les années 80. On n’a pas de quoi les nourrir et l’eau s’est asséchée. ».

Dans le secteur de la pêche

Le problème de la disparition de nombreuses espèces ainsi que de la diminution des captures tant en quantité qu’en taille de poisson a été évoqué par les pêcheurs. Si les perturbations climatiques agissent certainement sur les stocks de poisson en modifiant par exemple les courants, il est difficile ici de faire la part des choses entre ce facteur climatique et la surpêche. Cette dernière s’explique à la fois par la forte hausse de la population sur le littoral, mais aussi par le fait que des groupes ethniques qui ne pratiquaient traditionnellement pas la pêche s’y soient impliqués pour pallier les pertes de production de l’agro-pastoralisme. Les communautés telles que les vezo n’ont donc plus le « monopole » sur l’activité de pêche, ce qui conduit obligatoirement à une plus forte pression sur les ressources halieutiques. Un autre facteur important tient aux accords de pêche internationaux signés par Madagascar et qui autorisent l’exploitation des ressources halieutiques par des navires étrangers. L’annonce d’un accord avec un consortium chinois a récemment provoqué une vive contestation dans la région de l’Atsimo Andrefana. Pour Paubert Mahatante, maître de conférences à l’Université de Tuléar : « Comment peut-on imaginer faire venir 300 chalutiers alors que la surpêche est déjà une réalité ? Le nombre de pêcheurs ne cesse d’augmenter, avec l’arrivée sur les côtes de ruraux qui ne peuvent plus vivre de leur terre. Les pirogues rentrent avec de moins en moins de poissons. »31.

Sur les activités forestières

Les populations rurales dépendent également traditionnellement des ressources forestières pour la chasse et la cueillette (plantes médicinales, tubercules, fruits, plantes). La dégradation des forêts entraine des conséquences fortement dommageables sur la faune et la flore et réduit ainsi des sources d’alimentation ou de revenu, lesquelles jouent un rôle particulièrement important pendant la période de soudure.

4. MESURES ET CAPACITES D’ADAPTATION FACE AUX TENDANCES CLIMATIQUES

4.1. Au niveau des secteurs d’activités (agriculture, pêche, élevage) Les mesures d’adaptation – ou de non adaptation – des populations rurales présentées dans cette étude sont relatives aux activités développées in situ. Les migrations économiques vers les centres urbains ou les zones côtières ou encore vers les mines ne sont pas développées ici bien qu’elles représentent une stratégie importante pour faire face aux difficultés du secteur agro-pastoral. Ce phénomène est toutefois observable à travers le déséquilibre démographique marqué par une sous-représentation des hommes en âge de travailler. Il a été confirmé par certains représentants de mairie et notamment de la commune de Maroarivo : « On constate depuis 2016-2017 un nombre très important de départs à cause de l’insuffisance des pluies et de l’interdiction de produire du charbon. Les activités de nos ancêtres étaient surtout le charbonnage, mais c’est maintenant interdit. Les migrations concernent les

31 Extrait d’un article du Monde de novembre 2018.

36 jeunes, surtout les hommes. Ils partent chercher du travail ailleurs et en général reviennent pour la saison agricole. ».

Accentuation de l’agriculture itinérante

Les mesures d’adaptation des pratiques agricoles aux changements climatiques sont limitées. Certaines mesures d’adaptation des pratiques agricoles contribueraient même à l’accentuation du phénomène. En effet, le déficit de pluie incite les paysans non seulement à accroitre la superficie cultivée en défrichant de nouvelles parcelles, mais aussi à davantage développer l’itinérance tant pour les cultures que pour la transhumance du bétail. Auparavant, les précipitations étaient suffisantes pour cultiver chaque année sur une même parcelle des spéculations exigeantes en eau comme le maïs ou l’arachide. Depuis une dizaine d’années, ces cultures sont devenues tellement aléatoires que les paysans préfèrent défricher pour cultiver une nouvelle parcelle. La culture sur brûlis présente en effet un avantage incomparable dans un environnement semi-aride, les plants profitant la première année de la biomasse produite par la forêt et accumulée pendant des décennies. Ceux-ci peuvent par ailleurs se contenter de pluies moins abondantes et ne nécessitent pas de travail du sol. La culture sur brûlis permet ainsi de limiter les risques liés au déficit pluviométrique : « Avec la culture sur brûlis, une seule pluie est suffisante pour avoir de la production. ». Ce nid de fertilité ne perdure toutefois pas au- delà de la première ou deuxième année de cultures, entrainant l’abandon de la parcelle devenue inculte et obligeant à un nouveau défrichement. La baisse de la pluviométrie conjuguée à la pression démographique accentue donc le processus de dégradation anthropique des ressources naturelles qui contribue elle-même aux perturbations climatiques.

Changements dans les pratiques de transhumance

La déforestation et les sécheresses successives ont contraint les agro-pasteurs à adopter de nouvelles pratiques. Les distances parcourues et les durées de transhumance se sont ainsi étendues du fait de la moindre disponibilité des fourrages et des difficultés accrues d’abreuvement pendant la saison sèche. Témoignage dans la Commune d’, Fokontany d’Ankilimagnondro : « Autrefois, il n’y avait pas de transhumance. Les anciens allaient dans la forêt et revenaient le soir. Aujourd’hui, on amène le bétail dans une forêt à 60-80 km d’ici et il reste là-bas de juin à décembre. Les pluies de novembre-décembre permettent de reconstituer les zones de pâturage. ».

Changement de cultures

Certaines cultures exigeantes en eau comme le maïs ou l’arachide sont progressivement abandonnées. Des organisations internationales ont introduit le maraîchage auprès de groupes composés essentiellement de femmes (la FAO s’appuierait toutefois sur des groupes mixtes). L’intérêt pour cette activité semble motivé par les pertes de rendement des céréales. Le maraîchage est une alternative pour une diversification alimentaire et constitue un complément de revenus. Il est également considéré par certains acteurs du développement comme une option pour réduire le défrichement associé à la production de charbon, la vente de bois ou encore l’agriculture sur brûlis. Compte tenu de l’échelle, il est peu probable que cela compense les pertes en céréales dues aux sécheresses d’autant que l’activité est elle-même confrontée à des difficultés : accès à l’eau, débouchés pour des produits hautement périssables, autonomie sur les semences, dégâts provoqués par les maladies ou la prolifération

37 d’insectes. Néanmoins, le maraîchage est une activité intéressante pour favoriser l’émancipation des femmes dans une société mahafaly fortement hiérarchisée et patriarcale. N’étant pas une pratique traditionnelle, elle est moins hermétique à l’introduction d’innovations. Outre son apport à la sécurité alimentaire des ménages, elle est un vecteur de transmission des savoirs. Pour que le maraîchage ne soit pas perçu comme une activité introduite par les étrangers qui détournerait les femmes du rôle qu’une société patriarcale leur a assigné et qui participerait à l’acculturation, il peut être judicieux d’associer les hommes à certains des travaux.

Des pratiques très peu écosystémiques

Une approche écosystémique renforce la régulation naturelle en favorisant les interactions entre le sol et les éléments naturels qui l’environnent. Elle repose sur un certain nombre de principes qui sont peu ou pas respectés par l’agriculture extensive ou dans les pratiques de maraîchage observées et discutées dans les villages visités. Bien que prônées par les organisations internationales, les pratiques du maraîchage sont peu en phase avec les principes de l’agro- écologie. Or, si certains procédés sont difficiles à appliquer à l’agriculture extensive, ils sont plus simples à mettre en œuvre sur de petites parcelles.

L’absence d’association de culture a été observée aussi bien pour les spéculations de base (cf point 4.2) que pour les potagers visités. Les pratiques culturales reposent sur un système de monoculture extensive, ce que semblait autoriser jusqu’à récemment la disponibilité en terres et les conditions météorologiques. Les associations de cultures32 ne semblent être pratiquées que sous contraintes, c’est-à-dire par les personnes qui ne disposent pas de suffisamment de terres pour pratiquer la monoculture extensive. Elles sont majoritairement considérées comme néfastes pour les rendements, car elles créeraient une compétition entre les plants pour leurs besoins vitaux en énergie et minéraux. Il est difficile de savoir si cette perception tient à la qualité du sol en latérite peu adaptée à des spéculations exigeantes en matière organique ou à la concurrence avérée entre des variétés différentes. Dans le cas des sols très pauvres ou quand l’eau est fortement limitée, l’association entre certaines cultures peut en effet être préjudiciable pour les rendements.

Ce constat est plus surprenant pour le maraîchage considérant que cette pratique a récemment été introduite par des organisations internationales. Les planches sont toutes cultivées en monoculture. La conviction que les associations de culture sont contre-productives en raison d’une compétition entre les plants n’a donc semble-t-il pas été levée par la pratique du maraîchage. Pourquoi les associations ne sont pas favorisées est resté une question en suspens. Pourtant, l’invasion de ravageurs tels que les chenilles légionnaires devrait inciter à réfléchir aux combinaisons possibles avec des plantes répulsives ainsi qu’à l’agencement du potager pour réduire les dégâts occasionnés. La qualité médiocre des sols et l’aridité devraient également encourager l’expérimentation de complémentarité vertueuse (système racinaire, ombre, apport en nutriments, couvert végétal…) : « L’incorporation d’une plus grande diversité végétale dans l’espace et dans le temps entraine l’augmentation de la teneur en matière organique et l’amélioration du fonctionnement biologique des sols. Ainsi, le

32 La combinaison maïs/légumineuses/courges est parfois pratiquée.

38 mélange d’espèces végétales est au centre de la conception de systèmes de culture agro-écologiques (Malézieux, 2009). ».

La couverture des sols pour les protéger de l’érosion, mieux conserver l’humidité et favoriser la production de biomasse n’est pas une technique adoptée pour le maraîchage pas plus qu’elle ne l’est pour les productions de base. L’explication, pour l’agriculture extensive, tient à la faible disponibilité en matière végétale dans une région aride où le fourrage est utilisé pour le bétail et à la charge de travail que cela impliquerait [outre le fait que cette pratique ne s’inscrit pas dans les traditions culturales]. Pour le maraîchage, ces contraintes pourraient être plus facilement levées, en favorisant par exemple l’introduction de plants produisant de la biomasse.

Le sol est l’un des éléments-clef des agro-écosystèmes. Or aucune technique de conservation des sols et des eaux de surface n’a été observée au cours de cette étude. Des aménagements anti-érosifs (demi-lunes, banquettes, végétalisation par le cisal…) ont été évoqués dans la commune de Bezaha pour protéger les canaux d’irrigation en amont du barrage33. Des techniques de conservation qui limiteraient par exemple le ruissellement de l’eau favoriseraient son infiltration dans les sols.

Les rotations pour les productions de base sont pratiquées sur une échelle de temps d’une année La rotation des cultures appartenant à une dans la mesure où les spéculations se succèdent. même famille botanique est une nécessité Elles ne sont par contre pas respectées sur une absolue pour éviter la propagation des échelle de plusieurs années, des plantations maladies et des ravageurs. Les délais à identiques étant développées à chaque saison respecter dépendent de la nature de ces agents culturale sur le même terrain. Les jachères, en- pathogènes et ravageurs et de leur persistance dehors des parcelles défrichées pour la culture sur dans les sols. Sur des superficies limitées, il est brûlis, semblent peu pratiquées. Des discussions difficile de respecter ces délais pouvant avec les personnes impliquées dans le maraîchage, il excéder quatre ans pour des maladies associées à certaines familles botaniques. ressort que le principe des rotations est respecté. Il (Librement inspiré de : Les rotations dans mon n’est pas garanti toutefois que leurs connaissances potager de Terre vivante) des maladies et ravageurs en fonction des familles botaniques soient suffisantes pour établir des plans de rotation par planche. Les personnes interrogées ont en effet exprimé leur découragement face aux dégâts provoquées par les chenilles légionnaires. Pour autant, la prévention et la lutte contre les maladies et ravageurs à partir de méthodes écologiques (purins, biorépulsifs…) n’a pas été observée.

La fabrication de compost à base de matière organique et de fumure animale n’est pas non plus une pratique traditionnelle. Nombre de rapports l’expliquent par l’interdit (fady) autour de l’utilisation des bouses de zébus34. Cette analyse n’a pas été confirmée par les entretiens avec les villageois, qui ne

33 L’ensablement des canaux d’irrigation est provoqué par l’exploitation d’une mine de saphir en amont du barrage. 5 000 m3 de sable ont été extraits des canaux en juin/juillet contre des quantités qui ne représentaient pas plus de 100 m3 il y a une vingtaine d’années. 34 La quantité de fumier de parc est un signe de prestige car elle reflète le nombre de têtes de bétail.

39 semblent pas réticents à l’utiliser pour le maraîchage. Une raison à la non utilisation de la fumure de zébus pourrait Le tabou sur l’utilisation du fumier dépendra notamment de l'origine de chaque Mahafaly et être l’itinérance des cultures et du bétail. D’une part, ce de leur métissage (car l'utilisation du fumier dernier amende naturellement les parcelles lorsqu’il revient est strictement tabou pour les Masikoro, les de transhumance après les récoltes. D’autre part, dans un Vezo par exemple). Il sera fonction également système d’agriculture extensive itinérante, l’apport en de l’origine du fumier et des fady entourant le compost serait une charge de travail disproportionnée par parc à zébu d’où il provient : les femmes rapport à son bénéfice. A ce titre, l’expérience des baskets réglées ne peuvent pas y entrer pour cause de compost pour la culture de manioc semble avoir été un souillure, certains jours sont tabou pour le échec dans les districts concernés. Les raisons invoquées travail avec les zébus, il est interdit d’y entrer sont le manque d’eau pour assurer l’humidification du avec des chaussures, etc. S’ils ne sont pas compost dans les trouaisons et l’insuffisante disponibilité respectés, ces actes peuvent « souiller » le fumier et nuire alors à la culture. L’ennemi de matière organique. L’autre raison sous-entendue est la désirant nuire pour une raison ou pour une charge de travail dans un environnement où l’espace n’est autre à sa victime peut alors l’atteindre en pas considéré comme une contrainte. utilisant le fumier « nocif » contre le propriétaire lui-même. L’autonomisation en des semences paysannes adaptées Extrait « Etude anthropologique exploratoire », aux conditions locales est un enjeu extrêmement important ACF 2012. de la souveraineté alimentaire. Actuellement, les semences potagères sont distribuées par les organisations internationales. Des recherches sont menées par la Direction Régionale de l’Agriculture et FOFIFA pour la production de semences améliorées et le développement d’un système semencier durable. L’accent est toutefois mis sur le riz, ce qui ne concerne donc que la commune de Bezaha pour les deux districts étudiés. Ces semences hybrides à cycle court tolérantes à la sécheresse et à la salinité accentuent la dépendance des paysans à un approvisionnement externe. Des études démontrent par ailleurs que face aux changements climatiques, les variétés paysannes seraient mieux adaptées à des hausses des températures et des épisodes de sécheresse que les semences issues de variétés améliorées. Ceci s’explique en partie par leur plus grande diversité et rusticité ainsi que par leur adaptation progressive à leur environnement. Si le travail de sélection des semences est nécessaire, il convient donc de ne pas marginaliser les variétés locales garantes de la préservation de la biodiversité et de l’autonomie des paysans. Un accompagnement des producteurs dans la sélection et conservation des semences contribuerait à ces enjeux.

4.2. Au niveau communautaire La gestion communautaire des ressources naturelles figure parmi l’une des stratégies adoptées par les populations locales pour enrayer la dégradation forestière au niveau de la région. Cette approche s’appuie sur la gestion locale sécurisée des ressources ou Gelose et est régie par la loi 96-025. Elle est fondée sur un accord tripartite entre les Communauté de Base (COBA), les communes (maires et conseils communaux) et les services techniques de l’Etat (chargées des forêts, des ressources pastorales ou halieutiques). Dans la région Atsimo Andrefana, de nombreux transferts de gestion des ressources naturelles (TGRN) ont été mis en place par WWF vers l’année 2006 dans le but de conserver et de gérer de façon rationnelle les ressoures forestières. Les cas étudiés concernent plus particulièrement les Fokontany de Zakamasy, Sakoatovo, et Ankazotaha. Afin d’éradiquer les défrichements effectués par les populations locales mais surtout, ceux effectués par les personnes non originaires de la région, des sites de transfert de gestion ont été mis en place au niveau des zones limitrophes des forêts. La gestion est principalement assurée par un comité de gestion, lequel veille d’une part, au respect du plan d’aménagement et du zonage instauré au niveau de chaque site et

40 d’autre part, à l’application du Dina35 qui règlemente l’accès aux ressources. D’une manière générale, ce zonage définit le mode d’affectation des terres et précise les limites des différentes unités d’aménagement comme : la zone de conservation, la zone de droit d’usage, les zones agro-pastorales et la zone d’occupation.

Par rapport aux différents cas étudiés, un quota de prélèvement a été défini au niveau de chaque site de transfert de gestion compte tenu de la capacité de renouvellement de la ressource. Ainsi, en cas d’octroi de permis de coupe, le président de la COBA délivre un permis conformément au quota d’exploitation défini. En cas d’exploitation illicite ou d’infraction, une amende est fixée et doit être versée à la caisse de l’association. Néanmoins, comme mentionné plus haut, l’octroi de permis de coupe a été suspendu pour l’année 2019. Par rapport à la mission de l’association, les activités menées concernent principalement, la délimitation et la matérialisation des différentes unités d’aménagement, le suivi de l’intégrité de la forêt à travers des patrouilles communautaires et, la poursuite des exploitations illicites. Selon la perception locale, cette approche se révèle comme étant très efficace vu que le nombre de défrichement et d’exploitation illicite a fortement diminué durant ces dernières années. Par ailleurs, malgré l’état actuel des forêts au niveau de la région, aucun projet de restauration forestière n’est pourtant noté excepté les initiatives de reboisement villageois appuyé par les projets comme PAM, ADRA, ASOTRY et Tany Meva.

Pour le cas de certaines COBA à l’instar de celle située dans la commune de , WWF appuie les communautés locales par la promotion de la filière bois énergie à travers son projet « Sustainable Fuelwood for spiny forest communities in Mahafaly landscape ». Ce projet a quatre principaux objectifs : (i) renforcer l’application de la règlementation de la filière bois énergie, (ii) développer des partenariats entre les acteurs locaux et mettre en place un mécanisme de financement durable pour les activités de reboisement et/ou de plantation, (iii) professionnaliser des entreprises artisanales pour la production d’équipements de cuisson de qualité et économes aux consommateurs, (iv) améliorer les cadres nationaux relatifs à la filière Bois Energie à travers la capitalisation des expériences du projet (WWF, 2019). Par rapport à ces objectifs, WWF fait ainsi un accompagnement et apporte des appuis techniques pour la professionnalisation de la filière au niveau de la région. En termes de réalisation, le projet a permis non seulement d’assurer la durabilité des ressources à travers le renforcement de l’application des règlementations en vigueur et des normes d’exploitation mais aussi, d’apporter des sources de revenu supplémentaires aux communautés locales les plus vulnérables.

4.3. Au niveau institutionnel

Les collectivités territoriales Les communes reçoivent très peu d’appui de l’Etat central que ce soit en termes de subventions ou d’informations. Celui-ci est pourtant dans l’obligation de mettre à disposition des collectivités

35 Dina : Ensemble de règles coutumières d’organisation de la société

41 territoriales les moyens matériels et financiers correspondant aux transferts de compétences36. Le Fonds de Développement Local, créé par le Décret n°2007-530, est l’instrument dont sont dotées les collectivités territoriales pour contribuer au financement de leur politique. Ces transferts sont toutefois irréguliers et insuffisants pour permettre aux communes d’assumer leurs fonctions. Les représentants des collectivités territoriales sont généralement peu sensibilisés aux enjeux des changements climatiques et n’ont ni les ressources ni les outils pour y faire face. Ils n’ont pas non plus les moyens de faire respecter la loi en matière de défrichement et se retrouvent souvent comme simples observateurs d’une métamorphose des paysages du territoire sous leur juridiction. Ils n’ont pas non plus accès aux informations ou données météorologiques et climatiques.

Par ailleurs, aucune des communes visitées n’avait un outil de planification communale (ex : Plan Communal de Développement) à jour. Or, les collectivités locales constituent un maillon essentiel sinon le plus important pour l’opérationnalisation des politiques nationales en matière de changements climatiques. Elles ont en effet la connaissance des problématiques de leur territoire et ont à leur disposition des outils de planification pour intégrer ces enjeux et orienter les décisions vers des mesures d’atténuation ou d’adaptation aux changements climatiques. Les collectivités territoriales décentralisées sont, en outre, conformément à l’article 141 de la Constitution de 2010, notamment responsables avec le concours de l’Etat de « […] l’aménagement du territoire, du développement économique, de la préservation de l’environnement et de l’amélioration du cadre de vie ». La loi organique n°2014-18 et la loi n°2015-051confirment que ces domaines sont de la compétence et du pouvoir des communes. Les représentants des Fokontany sont également associés à l’élaboration du programme de développement de leur commune [art. 152 de la Constitution]. Ce rôle est réaffirmé par la Loi n°2014-020, selon laquelle « le Fokontany, en tant que circonscription administrative de proximité, constitue un pilier national essentiel de la décentralisation et de la déconcentration ».

Les services déconcentrés de l’Etat L’irrégularité des saisons perturbe fortement les pratiques agricoles, les paysans ayant l’habitude de semer dès les premières pluies. Afin de limiter les risques auxquels cette imprévisibilité expose les producteurs, la Direction Générale de la Météorologie et le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) collaborent étroitement à l’établissement de calendriers agricoles à partir des prévisions saisonnières. Ce service est accessible gratuitement par téléphonie mobile (code 123). Il procure des informations sur les prévisions météorologiques et des conseils sur les semis. Très récemment instauré, il est encore en phase de test, ce qui ne permet pas d’en garantir la fiabilité. Les difficultés auxquelles ce système est susceptible d’être confronté sont : 1/ la diffusion des informations auprès des producteurs considérant que l’existence de ce service est encore peu connue et que l’usage de la téléphonie mobile dans les régions rurales telles que l’Atsimo Andrefana est plutôt restreint ; 2/ la fiabilité des données utilisées pour une extrapolation des prévisions météorologiques à l’échelle de la commune et a fortiori du fokontany.

Les services de l’environnement sont responsables de l’application de la loi réglementant la coupe de bois. Ils délivrent les permis de coupe et sont censés verbaliser les contrevenants. En raison du processus avancé de déforestation, l’Etat malgache a suspendu toute délivrance de permis en-dehors des défrichements admis dans la limite de 0,5 ha par ménage pour les personnes nouvellement installées et pour le bois nécessaire à la fabrication de cercueils. En 2019, le service de

36 Article 45 de la Loi Organique 2014-018 : Les transferts de compétences [de l’Etat vers les collectivités territoriales] entraînent la mise à disposition au profit des Collectivités Territoriales Décentralisées, des moyens matériels, financiers et en personnel nécessaires à leur exercice.

42 l’environnement n’a délivré que 20 permis pour l’ensemble du district d’Ampanihy. La plupart des villageois défrichent sans autorisation et les services techniques de l’Etat n’ont aucun moyen d’exercer un quelconque contrôle. Deux personnes seulement dotées d’une moto sans carburant sont affectées à l’ensemble du district d’Ampanihy. Dans le cas des communes où des contrats de gestion communautaire des ressources naturelles ont été conclus, le service de l’environnement peut s’appuyer sur les COBA pour en assurer le contrôle. Il n’en demeure pas moins que, faute de ressources, l’Etat est réduit à un rôle coercitif. Or, cette approche basée sur des sanctions est difficilement applicable dans un contexte où les populations paupérisées par la dégradation de leurs moyens d’existence ont peu ou pas d’alternatives pour améliorer leurs productions ou générer des revenus.

4.4. Au niveau des acteurs du développement

L’agro-écologie comme option face aux changements climatiques Un certain nombre d’études et articles scientifiques37 parviennent à démontrer que l’agro-écologie est une option appropriée pour renforcer L’agro-écologie, des principes sans dogme : l’adaptation et la résilience de l’agriculture Pour Miguel Altieri considéré comme l’un des principaux face au changement climatique et même, à plus théoriciens de l’agro-écologie, celle-ci repose sur cinq grande échelle, contribuer à son atténuation38. principes (Altieri, 1995) : (i) l’optimisation des flux de De nombreuses expériences en milieu semi- nutriments et le recyclage de la biomasse ; (ii) la gestion de la aride à aride ont été développées à travers le matière organique du sol et la stimulation de son activité monde (Pays du Sahel, Nordeste du Brésil, biotique ; (iii) la minimisation des pertes en termes d’énergie Maghreb, Inde…) prouvant l’efficacité de solaire, d’eau et d’air par une gestion microclimatique et par pratiques associant développement agricole et une protection du sol ; (iv) la diversification des espèces et des protection de l’environnement. Si l’agro- variétés génétiques cultivées dans le temps et dans l’espace ; écologie n’est pas forcément soutenue par (v) enfin, l’accroissement des interactions et des synergies l’Etat malagasy (ni d’ailleurs par la plupart des biologiquement bénéfiques entre les cultures et avec ce qui les Etats dont les politiques agricoles sont environne, l’ensemble devenant un agro-écosystème. majoritairement axées sur l’agriculture industrielle), elle est portée par un certain nombre d’acteurs dont la société civile malagasy (ex : GSDM, CTAS39), les universités et instituts de recherche (Ecole Supérieures des Sciences Agronomiques40, FOFIFA, CIRAD, IRD), les organisations internationales (GRET, Agrisud, FAO…). Des expériences sont d’ailleurs en cours dans le Grand Sud de Madagascar. Les caractéristiques climatiques, agro-écologiques, sociales et culturelles de la région étant proches de celles du Plateau Mahafaly, il est intéressant de s’y arrêter. Il convient cependant de préciser que l’agro-écologie n’étant pas un ensemble de solutions techniques transférables, les approches développées dans la région d’Androy ne sont pas adaptables clef en main à un autre contexte fusse-t-il proche.

Leçon apprise : Un exemple de mise à l’échelle de l’agro-écologie dans le Grand Sud41

37 CIRAD (2019) : La transition agro-écologique des agricultures du Sud. Collection CIRAD-AFD. 38 Par exemple, à travers l’accumulation de matière organique et la séquestration du carbone dans le sol. 39 CTAS : Centre Technique Agro-écologique du Sud. 40 L’ESSA a créé voici 2-3 ans un Master Agro-écologie, Biodiversité et Changement Climatique. 41 A noter qu’il n’a pas été possible, dans le cadre de cette étude, de visiter le programme du GRET/CTAS. Les éléments présentés dans ce point sont basés sur les rapports de capitalisation ou d’évaluation du programme.

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L’investissement du GRET dans la région d’Androy sur l’agriculture de conservation puis de l’agro- écologie a démarré au début des années 2000 en collaboration avec le GSDM, le CIRAD et FOFIFA. Il s’agissait dans un premier temps d’identifier les plantes à la fois adaptées aux spécificités agro-écologiques et climatiques de la zone concernée et pertinentes au regard du contexte économique, social et culturel. L’introduction de pratiques agro-écologiques s’est d’abord faite à l’échelle de la parcelle et s’est diffusée auprès des villageois par imitation ou effet d’entrainement. L’un des défis majeurs auxquels est généralement confrontée l’agro-écologie est sa mise à l’échelle. Le GRET et le CTAS ont récemment introduit le concept de bloc agro- Crédit Photo : GRET écologique qui consiste « en un aménagement physique et biologique d’un seul tenant, d’une superficie initiale minimale de 10 ha ». Ce principe permet de combiner une approche parcellaire basée sur un diagnostic de la parcelle (type de sol, milieu, accès en eau, état de fertilité…), une approche exploitation agricole qui permet d’intégrer notamment les activités d’élevage et une approche paysages ou blocs qui nécessite la concertation entre acteurs pour l’aménagement d’un terroir.

Parmi les réponses techniques, l’introduction du pois d’Angole semble avoir produit des résultats encourageants pour l’embocagement ou en régénération de la fertilité d’une parcelle : « C’est une légumineuse arbustive, semi-pérenne pouvant atteindre deux mètres de haut avec une racine pivotante profonde lui permettant de résister à la sécheresse tout en décompactant les sols. ». C’est donc un fixateur d’azote qui permet d’améliorer la structure du sol.

Pour en savoir plus : GRET/CTAS (2018). Document de capitalisation sur les blocs agro-écologiques. GRET/CTAS (2018). Etude d’impact des pratiques agro-écologiques diffusées dans le cadre des blocs agro-écologiques par le projet HOBA.

5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Les changements climatiques constituent un enjeu fondamental à Madagascar où plus de 80% de la population dépend d’activités agricoles, pastorales ou halieutiques. Les variabilités climatiques marquées par des sécheresses récurrentes et une tendance à la diminution des précipitations et à de fortes variations intra et inter-annuelles compromettent un modèle agro-pastoral basé sur des pratiques extensives. Ce système est d’autant moins viable que la population augmente significativement et que les ressources naturelles sont aujourd’hui fortement dégradées. Cette situation peut être qualifiée de « rupture d’équilibre écologique » dans le sens où des activités dépendantes des écosystèmes (agriculture, pastoralisme, pêche) voient non seulement leur viabilité compromise mais contribuent encore davantage, à travers la surexploitation, à leur dégradation. Les enjeux de gouvernance qu’elle soit étatique, communale, associative ou communautaire sont alors cruciaux.

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L’objectif général de la stratégie proposée à Action contre la Faim dans le cadre de cette étude est de: Renforcer les capacités d’adaptation des populations rurales du Sud Ouest de Madagascar face aux changements climatiques et à la dégradation de leur environnement.

L’APPROCHE

Pilier 1. S’inscrire dans une stratégie de long terme (10-15 ans). L’adaptation aux changements climatiques implique un engagement sur le long terme. Elle peut en effet s’accompagner de changements de pratiques dans les activités économiques ou même dans la répartition des rôles et responsabilités au sein du foyer ou de la communauté. L’adoption d’une démarche agroécologique nécessite à elle seule plusieurs années pour ne pas risquer de se limiter à la simple transmission de quelques techniques abandonnées aussitôt le projet terminé. Il est donc essentiel de surmonter la contrainte inhérente à la plupart des bailleurs dont les financements n’excèdent généralement pas 3-4 ans.

Pilier 2. Favoriser les approches en réseaux basées sur les complémentarités. Développer ou renforcer des partenariats avec des structures, de préférence nationales/locales, ayant des compétences complémentaires à celles d’ACF (ex: GSDM, WWF, Tany Meva, Département Agro-écologie de l’ESSA, CIRAD, GIZ). Compte tenu de la complexité des enjeux et des réponses envisageables, il est recommandé de privilégier la convergence des actions avec des acteurs spécialisés ou ayant développé une expertise sur des thématiques telles que la gestion collective des ressources naturelles, l’agro-écologie ou encore la planification territoriale.

Pilier 3. Privilégier les actions sans aucune contrepartie financière ou matérielle. L’une des difficultés auxquelles les consultant(e)s ont été confronté(e)s est la requête quasi systématique par les villageois(e)s d’une contrepartie financière en échange de leur participation aux groupes de discussion (focus group). L’assistance alimentaire directe menée depuis des années par des organisations internationales a sans aucun doute corrompu les relations. Pour adopter durablement des pratiques adaptées aux changements climatiques, il est impératif que la démarche s’appuie sur le volontariat. Une contrepartie matérielle ou financière à l’adhésion des populations au projet (ex : cash ou food for work) ne peut que biaiser leur participation et compromettre ainsi l’impact et la durabilité de l’action. Il en est de même bien entendu si des activités d’assistance (ex : distributions alimentaires ou monétaires) sont menées en parallèle ou par d’autres acteurs dans les communes d’intervention.

Pilier 4. Consolider la démarche autant que les solutions techniques.

Les approches proposées doivent être appropriables par tous, indépendamment des ressources du ménage. Elles doivent donc s’appuyer uniquement sur les matériaux disponibles localement. S’il n’est pas nécessaire de cibler les ménages les plus démunis, il est crucial de s’assurer que l’appui n’accentuera pas davantage les inégalités sociales et de genre et que l’approche sera bien adoptable par tous. La démarche doit en-cela être la plus inclusive possible.

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LES RECOMMANDATIONS

R1. Appuyer la prise en compte des questions climatiques dans les stratégies d’adaptation

1. S’insérer dans les réseaux d’acteurs impliqués sur les enjeux climatiques au niveau central et régional.

Constat 1. Des groupes formels ou informels de concertation, d’échanges ou de plaidoyer sur les enjeux climatiques existent à Madagascar depuis plus années. Ils réunissent des structures étatiques, des organisations internationales, des acteurs de la société civile et du secteur privé. Ils contribuent à l’amélioration des connaissances de cette problématique et à sa prise en compte à travers des politiques spécifiques ou dans les politiques sectorielles. Ils participent également à renforcer l’engagement de Madagascar dans les conventions internationales sur les changements climatiques (COP).

Les consultant(e)s recommandent à ACF de se rapprocher des réseaux d’acteurs (GTCC, CNCC) impliqués sur les enjeux climatiques afin de mieux comprendre leur fonctionnement et leur rôle. Il s’agira alors de décider du niveau et de la forme d’implication d’ACF au sein de ce ou de ces groupe(s). Ces échanges permettront de 1/ consolider les connaissances des équipes d’ACF sur les enjeux climatiques ; 2/ remonter les informations, données et analyses du niveau local (SO Madagascar) vers le niveau central et inversement ; 3/ participer à des actions de plaidoyer auprès du gouvernement, des organisations internationales (PTF, SNU), de la société civile.

Il est également recommandé de suivre la mise en place de la T ask force sur l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC) et le cas échéant, de participer aux réflexions sur le sujet.

2. Contribuer à la production et à la diffusion des informations et des connaissances relatives aux changements climatiques.

Constat 2. L’un des constats majeurs de cette étude porte sur le manque abyssal d’informations au niveau des communes (tous acteurs confondus) sur le phénomène des changements climatiques, sur les politiques nationales dans le domaine et même sur les prévisions météorologiques. Ce déficit de connaissances a des conséquences préjudiciables sur les capacités d’adaptation des collectivités locales et des populations. Informer sur les questions climatiques est donc un enjeu central pour que des mesures adaptées puissent être prises au niveau institutionnel, collectif et individuel.

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En tant qu’acteur de terrain, ACF peut contribuer à cet objectif de différentes façons. A travers ses interventions auprès des populations rurales, elle est un témoin direct des réalités climatiques et de leurs conséquences sur les moyens d’existence et les ressources naturelles. Sa position à l’interface entre les niveaux local, régional et central lui permet de contribuer à la production de connaissances sur le sujet en l’illustrant par le cas concret du sud-ouest de Madagascar.

ACF peut par ailleurs renforcer la diffusion des informations concernant les politiques et stratégies nationales en matière de changements climatiques ainsi que les données météorologiques et climatiques du niveau central vers le niveau communal (collectivités territoriales, services techniques déconcentrés).

3. Accompagner l’intégration des changements climatiques dans les planifications territoriales.

Constat 3. Au regard des perspectives annoncées par les scientifiques pour les années et décennies à venir, il est crucial d’intégrer les changements climatiques dans les planifications territoriales. Cette nécessité est d’autant plus aigue dans le cas du sud-ouest de Madagascar que les impacts des variabilités climatiques se font déjà durement ressentir sur les moyens d’existence des populations et sur les ressources naturelles. Il est souvent admis par ailleurs que le niveau local, et notamment les communes, constitue l’échelle la plus adaptée pour concrétiser la prise en compte de ces enjeux en prenant des mesures d’adaptation pour le territoire.

Le rôle d’ACF peut être ici d’accompagner les collectivités territoriales (mairies) à intégrer les changements climatiques dans leur Schéma d’Aménagement Communal (SAC). Elle peut pour cela s’appuyer sur les méthodologies d’intégration des CC dans les SRAT ou SAC développées par la Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences (CPGU) ou par l’Office National de l’Environnement (ONE).

R2 : Adopter une réelle démarche agro-écologique

Dans un contexte à l’environnement aussi dégradé que celui des districts de Betioky et d’Ampanihy et où les pratiques traditionnelles fondées sur l’agriculture extensive ne sont plus en mesure de répondre aux défis des variabilités climatiques et de la pression démographique, l’agro-écologie est l’option la plus crédible. A travers les exemples de maraîchage observés, il semble qu’il y ait confusion entre agriculture biologique (c’est-à-dire sans intrant chimique) et pratique agro-écologique. Des procédés de l’agro-écologie sont ainsi intégrés dans un paquet technique, mais la démarche ne peut pas être qualifiée d’agro-écologique. Pour ne pas dévoyer le terme, il est essentiel d’en clarifier les principes.

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1. Se constituer un réseau et développer des partenariats sur les questions d’agro-écologie

Constat 4. Il existe à Madagascar un certain nombre d’acteurs impliqués sur l’agro-écologie depuis plusieurs années. Il s’agit aussi bien du milieu académique (Master de l’ESSA, FOFIFA, CIRAD, IRD) que du milieu associatif malagasy (GSDM, TAFA, CTAS) ou encore des ONG internationales (ex : GRET). Engagés sur des approches de recherche-actions, un certain nombre d’enseignements ont déjà été tirés sur des expériences passées, dont certaines concernaient le milieu aride à semi-aride.

Les consultant(e)s recommandent fortement à ACF de se constituer un réseau de professionnels en agro-écologie et de développer des partenariats avec des structures comme le GSDM pour s’engager dans une réelle démarche agro-écologique. Des liens avec le Master Agro-écologie, Biodiversité et Changement climatique pourraient également être développés.

2. Expérimenter des pratiques agro-écologiques adaptées au contexte d’intervention

Constat 5. L’agro-écologie est basée sur la rencontre entre savoirs traditionnels, connaissances scientifiques et expérimentations. Elle implique donc un partage horizontal des connaissances au contraire de la diffusion de paquets techniques par des techniciens vulgarisateurs. Elle est spécifique non seulement à chaque écosystème mais aussi aux spécificités culturelles, sociales et économiques des populations concernées.

Il est recommandé à ACF de s’engager pleinement dans une approche agro-écologique et de concentrer son action dans le domaine de la SAME sur cette démarche. Pour cela, il faut un engagement sur une ou deux commune(s) au maximum et sur une période longue.

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ANNEXES

Annexe 1 : Liste des tableaux, cartes, schémas et figures

Schéma 1 : Concept de l’évaluation des risques naturels (World Risk Report 2019) Schéma 2 : Notions de Météo, Variabilité climatique, Changement climatique (Service Météorologique de Tuléar)

Carte 1 : Dépistage de la malnutrition globale, modérée et sévère (Source : Cluster Nutrition, Ministère de la Santé) Carte 2 : Zones prioritaires pour les actions de lutte contre la désertification et la dégradation des terres (2011) Carte 3 : (a) Tendances annuelles des moyennes journalières et (b) des intensités journalières moyennes des précipitations (mm/jour/an). Les tendances à la hausse/baisse statistiquement significatives sont indiquées par +/- (Source DGM, 2008). Carte 4 : Précipitation annuelle de la région Atsimo Andrefana - moyenne annuelle de 1961 – 2019 (Source : Service météo Tuléar, 2019). Carte 5 : Probabilité d’occurrence par type de sècheresse météorologique (Source : CPGU, 2012) Carte 6 : Période de retour par catégorie de sècheresse (Source : CPGU, 2012). Carte 7 : Tendance moyenne annuelle des températures minimales journalières (a) et maximales journalières (b) de 1961 – 2005 (Source : DGM, 2008). Carte 8 : Température moyenne annuelle de la région Atsimo-Andrefana (Source : Service météo Tuléar). Carte 9 : Trajectoire des cyclones tropicaux passés dans la région durant ces 05 dernières années Carte 10 : Nombre de passages par carré de 1° (~ 120km x 120km) sur 1000 cyclones qui se forment dans l’Océan Indien suivant le modèle ECHAM (source : DGM, 2008) Carte 11 : Période de retour des cyclones au niveau de la région Atsimo Andrefana (CPGU, 2012) Carte 12 : Evolution de l’occupation des sols au niveau de la région Atsimo Andrefana

Tableau 2 : Calendrier saisonnier Tableau 2 : Direction des vents selon les saisons Tableau 3 : Scénarios sur les changements climatiques - Précipitations Tableau 4 : Tendances trimestrielles (°C/an) de variation des températures maximales et minimales journalières durant la période de 1961 – 2005 Tableau 5 : Projections climatiques - Température

Figure 3 : Tendance de la précipitation pour les données 1981 à 2018 (à gauche) et 2013 à 2018 (à droite) (Source : Données Maproom 2019) Figure 4 : Tendance des températures moyennes pour les données 1981 à 2018 (à gauche) et 2013 à 2018 (à droite) (Source : Données Maproom 2019)

Graphe 1 : Variations de la pluviométrie par saison de culture de 2005 à 2015 (Service Météorologique de Tuléar) Graphe 2 : Variations de la pluviométrie et de la nappe phréatique (ACF)

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Annexe 2 : Méthodologie La méthodologie de l’étude s’est structurée autour de quatre questions de recherche : Caractéristiques des écosystèmes de la zone concernée ; Perceptions des changements climatiques ; Stratégies adoptées pour faire face aux changements climatiques ; Gouvernance des enjeux climatiques. La réalisation de cette étude s’est basée sur une méthode mixte combinant analyse documentaire ; entretiens avec des représentants des institutions étatiques au niveau central et dans la région de l’Atsimo Andrefana, des collectivités territoriales, des organisations internationales, des ONG nationales et internationales ; discussions de groupe avec les populations des communes visitées ; et observations in situ.

- Analyse documentaire : Les consultant(e)s ont rassemblé et analysé la documentation existante. Ce travail a permis de cadrer les questions de recherche, de consolider la méthodologie de collecte et d’analyse des informations et d’identifier les acteurs-clefs à rencontrer. Elle s’est poursuivie tout au long de l’étude.

- Diagnostic de terrain : Cette phase a constitué l’essentiel du temps consacré à cette étude. Elle s’est déroulée du 23 octobre au 12 novembre 2019. La première étape a eu lieu au niveau central (Antananarivo) auprès des représentants des institutions nationales et internationales et des équipes d’ACF. La collecte des informations s’est déroulée dans un second temps dans la région d’Atsimo Andrefana, c’est-à-dire dans la zone d’intervention d’ACF et d’ASOS. Des entretiens individuels ont été menés auprès des services techniques déconcentrés et des collectivités territoriales, des ONG ou organisations de la société civile (Maisons des Paysans, Groupements de femmes, etc), des autorités traditionnelles dans les localités sélectionnées. Enfin treize groupes de discussions avec des groupes mixtes ou composés uniquement d’hommes ou de femmes ont été organisées dans toutes les communes visitées. Ces groupes pouvaient aussi être constitués en fonction de thématiques (ex : Elevage, Maraîchage, Pêche…). Des entretiens individuels, uniquement avec les représentants de fokontany et avec le Roi d’Ejeda ont également été organisés.

- Présentation des résultats : Une première analyse et une présentation des résultats préliminaires ont été réalisées auprès des équipes d’ACF à Tuléar à l’issue de la collecte des informations. Une deuxième présentation a eu lieu auprès des équipes d’ACF à Antananarivo.

- Rédaction du rapport d’étude : Un rapport de 30 pages maximum (sans les annexes) incluant un Résumé, les résultats de l’étude lesquels structurés autour des questions de recherche, des conclusions et recommandations, constitue le produit final de ce travail.

La durée contractuelle de l’étude était de 26 jours répartis en 3 phases successives :

Travail Préparatoire Diagnostic Terrain Rédaction du Rapport Analyse documentaire, Collecte des données Analyse des données et Recrutement d’un(e) et informations au informations ; consultant(e) malgache niveau central et dans Rédaction du rapport et Préparation de la Note la région d’Atsimo d’étude. de cadrage. Andrefana ; Durée : 4,5 jours Durée : 2 jours Présentation des résultats et discussion. Durée : 19,5 jours

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Annexe 3 : Liste des personnes / institutions rencontrées

Institutions Contacts Fonction Coordonnées Dates Ministères, Organismes publics, Collectivités Territoriales Directrice des Recherches et Ministère des Transports et de la Dr Tatiana ARIVELO Développements [email protected] 23/10/19 Météorologie Hydrométéorologiques Cheffe de Service Environnement, Ministère de l’Agriculture, de Mme RANDRIANARISOA Climat et Réponses aux Urgences [email protected] 24/10/19 l’Elevage et de la Pêche SECRU Ministère de l’Agriculture, de Delphin RANDRIAMIHARISOA [email protected] 25/10/19 l’Elevage et de la Pêche (MAEP) Rdv était pris avec le Directeur par intérim Service Contrôle des semences et DRAEP Tulear Mme ZAINOMENY du DRAEP, mais il n’a pas été possible de 28/10/19 matériel végétal le rencontrer.

Mairie Betioky Adjoint au Maire 30/11/19

Collège/Lycée public Désiré RASOAMANANA Proviseur + équipe d’enseignants 30/10/19

Mairie 31/10/19 Maire de la commune Mairie Masiaboay e 01/11/19 2 adjoint Instituteur et Représentant de la Mairie Maroarivo Jean Belface LOVA 02/11/19 Mairie Mairie Itampolo Secrétaire Etat civil 04/11/19

2e adjoint + Secrétaire Général de la Mairie Androka 05/11/19 commune Hôpital Androka 05/11/19 Sage-femme Mairie Amboropatsy e 06/11/19 2 adjoint + SG

Antenne DRAEP Ampanihy Mananikarivo TSIMANDRAYA Chef de service 06/11/19

Antenne MEEF Ampanihy M. MARC Chef de cantonnement + Assistant 06/11/19 Mairie Ejeda Secrétaire comptable 07/11/19

Comptable + 2e adjoint + Secrétaire 08/11/19 Mairie de Behatse Etat civil

DRAEP Betioky Mme MAMY Cheffe de service 08/11/19 Mairie Bezaha Jean Regis ANDRIANORINA 1er adjoint 09/11/19 Responsables de la Fédération du Commune Bezaha 09/11/19 canal

Organisations internationales (PTF, SNU, ONG)

Project Management Specialist/ Climate Integration Lead USAID Serge RAMANANTSOA [email protected] 24/10/19 Environment and climate change office ECCO 25/10/19 PNUD Sophie NYIRABAKWIYE [email protected] (15 mn d’entretien) Agroéconomiste spécialiste en GSDM Tahina RAHIRASON [email protected] 25/10/19 agroécologie Programme d’Appui à la Gestion de [email protected] Edmond RANDRIANARIVONY l’Environnement (PAGE) [email protected] GIZ 28/10/19 Jeanine RASOARIMANANA Coordonnateur de l'Antenne Atsimo Andrefana Consultante indépendante, Patricia Lantosoa RAMAROJAONA spécialiste des changements [email protected] 12/11/19

climatiques M. Ruffin NAZAIRE Directeur exécutif MdP Maison des Paysans (MdP) 28/10/19 Dalson LIOKE Coordinateur Service Elevage

Tany Meva Denis RAOBELISON Chef d’Antenne Tany Meva [email protected] 28/10/19

ASOS Dr Yvan Gabhy Coordinateur des programmes

Association de femmes Ejeda Présidente et membres

Plusieurs rencontres avec les équipes de coordination à Tana, les équipes opérationnelles à Tuléar et Betioky. ACF

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Annexe 4 : Bibliographie

ACF (2012). Etude des systèmes agraires – District de . Emilie Vautravers, Farasoa Ravelomandeha. 157p. ASCONIT (2011). Etude de vulnérabilité aux changements climatiques : évaluation qualitative. Rapport national Madagascar, 83p. AVSF/GSDM (2016). Rapport de mission de reconnaissance et de diagnostic du projet Sohavelo Asara. 21p. AVSF (2011). L’agro-écologie à Madagascar : Analyse des conditions d’adoption paysanne de diverses techniques agro-écologiques à partir des expériences de coopération d’AVSF. Brice Dupin. 74p. AVSF (2011). Perceptions et stratégies d’adaptation paysannes face aux changements climatiques à Madagascar. Hélène Delille. 108p. AVSF/GSDM (2016). Rapport de mission de reconnaissance et de diagnostic du projet Zoloke Asara. 24p. CIRAD (2019) : La transition agro-écologique des agricultures du Sud. Collection CIRAD-AFD CPGU (2012). Atlas de la vulnérabilité sectorielle de la région Atsimo Andrefana, 69p. CPGU/BNCCC (2017). Strategic Program for climate resilience : Madagascar pilot program for climate resilience. 232p. CPGU (2019). Effectuer un diagnostic sur les politiques publiques et capacités institutionnelles en matière de résilience climatique et gestion des risques et des catastrophes à Madagascar. RAMAROJAONA Lantosoa Patricia. 91p. CPGU (2019). Guide d’intégration de l’adaptation et de la résilience climatique dans les SRAT et les PRD. 92p. DGM (2019). Les tendances climatiques et les futurs changements climatiques à Madagascar, 22p. DGM (2019). Perspectives climatiques pour la saison chaude et humide 2019/2020 (octobre 2019 à avril 2020), 18p. DGM (2019). Mise à jour des prévisions saisonnières - Valable pour la période Avril à Juillet, 12p. DGM (2008). Le changement climatique à Madagascar, 30p. FAO (2017). Stratégie et plan d’action pour le renforcement de la résilience des moyens de subsistance face au changement climatique à travers la mise à l’échelle de la diffusion de l’agriculture intelligente face au climat à Madagascar (2017-2022). 107p. FAO (2015). Diffusion de l’Agriculture de Conservation dans le cadre du projet SOA – Zones sèches de Madagascar. Raharison Tahina Solofoniana, Randrianaivomanana Jean Joelson, Ravelomaharavo Jean Rufin. 71p. Friedrich Ebert Stiftung (2013). Changement climatique : Politique et perspectives à Madagascar, 30p. GIZ (2017). Développement communal et décentralisé axé sur la lutte contre la pauvreté à Madagascar. GIZ (2017). Schéma d’Aménagement Communal 2018-2033 de la commune de Sakaraha. 230p. GRET/CTAS (2018). Document de capitalisation sur les blocs agro-écologiques. GRET/CTAS (2018). Etude d’impact des pratiques agro-écologiques diffusées dans le cadre des blocs agro-écologiques par le projet HOBA. GSDM (2016). Manuel de formation en agro-écologie : Applications dans le contexte du sud. Tahina Raharison. 49p. GSDM (2016). Capitalisation de l’agro-écologie à Madagascar. Tahina Raharison, Joachin Rasolomanjaka, Mireille Razaka. 111p. MAEP (2012). Stratégie Nationale face au Changement Climatique (2012-2025), 19p. Ministère de l’Agriculture (2010). Stratégie d’adaptation et d’atténuation aux effets et impacts au changement climatique. Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (2015). Plan directeur de la recherche sur l’environnement lié au changement climatique, 68p. MEEF (2003). Communication Nationale à la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. 96p. MEEF (2006). Programme d’Action National d’Adaptation au changement climatique. 75p. MEEF (2010). Plan d’actions pour la mise en œuvre de la politique nationale de lutte contre le changement climatique. MEEF (2010). Deuxième Communication Nationale à la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. MEEF (2011). Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique (PNLCC). MEEF (2014). Auto-évaluation nationale des capacités. Rapport final et plan d’actions, 109p. MEEF (2016). Programme environnemental pour le développement durable, 77p. MEEF (2017). Troisième Communication Nationale à la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. 167p. MEEF/ONE (2017). Rapport de l’atelier de validation des indicateurs de vulnérabilité et d’adaptation au changement climatique. 143p. MEEF (2019). Pour un processus de Plan National d’Adaptation (PNA) qui réponde aux questions de genre à Madagascar. MEEF (2019). Plan National d’Adaptation au changement climatique (PNA) – Madagascar. 152p. Ministère de la Santé (2011). Politique nationale de santé et environnement, 13p. Région Sud-ouest/GIZ (2018). Schéma Régional d’Aménagement du Territoire de la Région Atsimo Andrefana Région Sud-ouest/GIZ (2017). Atlas régional de la région de l’Atsimo Andrefana. Région Sud-ouest/GIZ (2017). Diagnostic territorial de la région Atsimo Andrefana. Région Sud-ouest/GIZ (2017). Schéma Régional d’Aménagement du Territoire de la Région Atsimo Andrefana : Charte de responsabilités. ONE (2019). DIRECTIVES pour l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans les référentiels de planification territoriale par une démarche d’évaluation environnementale stratégique (EES). 41p. ONE (2019). GUIDE pour l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans le Schéma d’Aménagement Communal (SAC) par une démarche d’évaluation environnementale stratégique (EES). 22p. ONE (2019). Evaluation Environnementale et Sociale Stratégique du programme REDD+ de Madagascar, rapport d’études, 312p. ONE (2013). Tableau de bord environnemental, région Atsimo Andrefana, 302p. Ruhr Universität Bochum (2019). World Risk Report 2019, 71p.

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Vertigo (2015). Enjeux politiques de l’adaptation aux changements climatiques dans les projets de gestion intégrée des zones côtières de Madagascar. Jessica Onitsoa Andriamasinoro et Bruno Sarrasin. WWF (2010). Témoignages de Madagascar Changement climatique et modes de vie ruraux, 24p. World Bank (2019). Madagascar Disaster Risk Management Development Policy Financing with a catastrophe deferred drawdown option, 85p.

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