pointsforts 16 Le magazine économique de la BCV | Mars 2009

Immobilier résidentiel Workshop sur la question du logement

Peintres vaudois Regards et couleurs de chez nous

Brasserie artisanale Du grain d’orge à l’or mousseux

Le dynamisme des régions vaudoises

BCV_Pointsforts16.indd 1 12.2.2009 18:14:31 «Les bons choix

apportent la sérénité» Ouchy, 16h22. Anne Richard, actrice vaudoise vivant à , peut profiter pleinement de son succès car elle sait son patrimoine entre de bonnes mains.

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BCV_Pointsforts16.indd 2 12.2.2009 18:14:40 SOMMAIRE

Dossier Régions actives Présentes partout dans le canton, les associa- tions régionales de développement visent à dynamiser le tissu économique local par des 6 actions de proximité. Rencontre avec quelques acteurs-clés.

Workshop Immobilier résidentiel Lors de deux ateliers de discussions, une vingtaine de personnalités suisses ont décortiqué le problème du logement 16 sur l’Arc lémanique. Synthèse des débats.

Racines Peintres vaudois Une esquisse colorée des diff érents courants artistiques des 19e et 20e siècles, à la découverte 26 des peintres qui ont marqué le canton.

Brèves Dans les starting-blocks La BCV invite les sportifs à prendre le départ des 20 km de , après la Christmas Midnight Run et le BCV 24H de Villars. 32 3

Evasion Brasserie artisanale Pointsforts s’invite chez un artisan brasseur vaudois. Reportage au cœur de la cuve, où 34 le malt et le houblon livrent leurs secrets.

Les informations et opinions contenues dans ce document ont été obtenues de sources dignes de foi à la date de la publication. Elles n’engagent pas la responsabilité de la BCV et sont susceptibles de mo- Rédaction : Photos : Adresse de la rédaction : difi cations. Ce document a été élaboré par le Département commu- BCV nication de la BCV dans un but exclusivement informatif et ne consti- MARS 2009 Michel Bührer BCV : p. 33 BCV tue pas un appel d’off re, une off re d’achat ou de vente, une analyse Jean-Raphaël Fontannaz Régis Colombo : pp. 17-25 Secteur édition fi nancière au sens des «Directives visant à garantir l’indépendance de l’analyse fi nancière» de l’Association Suisse des Banquiers ou une re- Rédactrice en chef : Nicole Mondada (BCV) Th ierry Jayet : p. 33 Case postale 300 commandation personnalisée d’investissement. Les rapports annuels Caroline Plachta Etienne Oppliger Th ierry Porchet : pp. 1, 7-15, 1001 Lausanne et semestriels ainsi que les prospectus et règlements des fonds de Sylvie Ulmann 35-39 E-mail : [email protected] placement peuvent être obtenus gratuitement auprès de la direction Secteur Edition de fonds ou de la BCV lorsqu’elle les distribue. Les graphiques peuvent Prod Patrick Villars : p. 32 Internet : www.bcv.ch présenter une projection rétrospective de la performance d’un com- Jean-Bernard Sieber : p. 32 posite appliquant une stratégie ou ayant des caractéristiques similaires antérieurement à la création du produit concerné. Les risques liés à En couverture : le bâtiment de Medtronic, à Tolochenaz Copyright BCV 2009 certains placements, en particulier les dérivés et dans des pays émer- gents, ne conviennent pas à tous les investisseurs. Les performances passées ne garantissent pas des performances actuelles ou futures. Le contenu de ce document a pu être utilisé pour des transactions par le Groupe BCV avant sa communication. La diff usion de ce document et/ou la vente de certains produits sont sujettes à des restrictions (par ex. Allemagne, UK, US et US persons). Le logo et la marque BCV sont protégés. Ce document est soumis au droit d’auteur et ne peut être reproduit que moyennant la mention de son auteur, du copyright et de l’intégralité des informations juridiques qu’il contient. Une utilisa- tion de ce document à des fi ns publiques ou commerciales nécessite une autorisation préalable écrite de la BCV. BCV | pointsforts | 16 | mars 2009

BCV_Pointsforts16.indd 3 12.2.2009 18:14:44 Quel que soit l’air, laissons-nous transporter ensemble. Salle Métropole, 20h24. Chaque année, la BCV soutient plus de 800 événements dans le canton.

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BCV_Pointsforts16.indd 4 12.2.2009 18:14:58 ÉDITO

Valoriser le potentiel des régions

Chère lectrice, cher lecteur,

Les régions vaudoises bougent ; aux quatre coins du canton, des citoyens s’engagent au sein d’associations de développement créées pour valoriser leur compétitivité et leur attractivité. Dans un contexte économique diffi cile, ces communautés d’intérêt régionales ne relâchent pas leur eff ort. Interlocutrices privilégiées pour l’accueil et l’encadrement des entreprises indigènes, elles mènent une action complémentaire à celle des institutions étatiques qui chapeautent l’implantation des entreprises étrangères. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle LADE (Loi sur l’appui au développement économique) début 2008, ces associations ont de nouvelles cartes en main pour promouvoir les diff érentes régions du canton, tant en termes économiques que touristiques. 5

Chevilles ouvrières de ces associations, les représentants des communes et des milieux économiques travaillent main dans la main pour stimuler le développement local, apportant la meilleure connaissance des spécifi cités et du potentiel propres à leur région. Des responsables de la BCV sont impliqués et participent activement à cette dynamique de proximité.

Dans ce numéro, le dossier de Pointsforts vous propose un tour d’horizon de l’activité de ces associations, véritables plates-formes d’échange destinées au soutien des projets régionaux prometteurs. Distinctes par leur taille, leurs objectifs et leur stratégie, elles forment une mosaïque représentative de la diversité économique du canton.

Bonne lecture !

Pascal Kiener Président de la Direction générale

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BCV_Pointsforts16.indd 5 12.2.2009 18:15:01 Le dynamisme des régions vaudoises Nouveau défi pour les associations régionales de développement

Avec la LADE, le canton de Vaud a procédé à une vaste redistribution des cartes de son dévelop- pement économique. Depuis début 2008, les associations régionales disposent de compétences accrues. Quatre d’entre elles nous disent leurs ambitions.

Par Etienne Oppliger Un nouveau découpage cohérent a été Leur qualité générale est à saluer », se félici- introduit au niveau des associations éco- tent Lionel Eperon et Véronique Martrou. 6 L’entrée en vigueur, au 1er janvier 2008, de nomiques. « Mais à la diff érence des autres la LADE (Loi sur l’appui au développement cantons, la régionalisation a été initiée par Nyon évite la cité-dortoir économique) a entraîné d’importantes le bas et non imposée par le haut ; elle est A l’ouest du canton, le Conseil régional modifi cations dans la structure et dans le le refl et de la sensibilité politique propre au du district de Nyon est une de ces associa- fonctionnement des associations régionales canton de Vaud et de son attachement à tions qui a subi la plus forte mutation ces chargées de la promotion et du dévelop- l’autonomie communale », résument Lionel dernières années. La fusion avec le district pement économiques. Celles-ci se sont vu Eperon, chef du SELT (Service de l’économie, de Rolle a porté le nombre des communes dotées de compétences élargies ; corollaire du logement et du tourisme), et sa collabo- du nouveau district à 47, dont 41 font partie de cette ouverture, leur activité implique, ratrice Véronique Martrou. Pour la première du conseil. Des contrats de partenariat ont pour les plus petites d’entre elles surtout, fois, un cadre légal reconnaît les associations été conclus avec quatre autres communes et une professionnalisation accrue. Parallèle- régionales en tant que partenaires privilégiés une collaboration a été établie avec le chef- ment, plusieurs de ces associations se sont du Département cantonal de l’économie. lieu, qui dispose de son propre organisme regroupées, ce qui a sensiblement augmenté Pour obtenir cette légitimation, elles doivent de promotion. Une des particularités du leur représentativité économique et leurs se doter d’une stratégie ratifi ée par le Dépar- conseil est son mode de fonctionnement, moyens humains et fi nanciers. tement. Elles doivent également élaborer des semblable à celui d’une autorité communale. préavis pour les projets sollicitant un soutien « Le système assure une grande transparence Jusqu’à fi n 2007, le canton de Vaud fi nancier de la part de l’Etat et disposer d’une à l’activité de notre association « régionyon », comptait sept lois et décrets qui avaient planifi cation annuelle des projets. se félicitent Patrick Freudiger, secrétaire pour vocation de réglementer le paysage régional, et sa collaboratrice Nathalie-Raya économique vaudois. Ils ont été remplacés « A fi n 2008, toutes les régions, à l’exception Etter, cheff e de projet. par la LADE, qui se veut un outil de sim- d’une qui est actuellement en pleine restruc- plifi cation, de clarifi cation et de coordi- turation (réd. : celle qui naîtra de la fusion « La LADE nous a confortés dans notre nation de la politique de développement des trois districts de Cossonay, Aubonne mission qui est de faire non seulement de économique. et Morges), ont défi ni leur stratégie. la promotion mais bien du développement

Trafi c pendulaire à la gare de Nyon. Stimuler l’activité économique locale permet d’éviter que les régions ne se transforment en cités-dortoirs.

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BCV_Pointsforts16.indd 7 12.2.2009 18:15:12 économique dans son sens large ». Pour ce par les communes membres, qui devrait faire, elle dispose de trois leviers d’action. atteindre un demi-million de francs cette Le guichet, tout d’abord, consiste essentiel- année. Il est réservé à des projets régionaux lement à donner des renseignements et des prometteurs en termes économiques et conseils aux chefs d’entreprises. Le deuxième octroie des prêts sans intérêt d’un montant levier s’articule autour du développement maximum de CHF 50 000 sur cinq ans. socio-économique du district, avec une priorité sur la conservation des terres Une des facettes les plus visibles de l’activité agricoles et des espaces verts en général, de Lausanne Région, c’est PERL, Prix Entre- ainsi que sur le tourisme. prendre Région Lausanne. Chaque année, quatre entreprises sont récompensées, Le troisième levier consiste à valoriser et à hauteur de CHF 80 000 au total, pour promouvoir des projets de la région. Les des projets innovants et dont la faisabilité six à sept pôles de développement économi- technique et économique méritent d’être que retenus doivent encore être validés par remarqués. « Nous en sommes déjà à la les communes. Il est prévu que l’ensemble sixième édition des Trophées PERL. Une de des pôles du district abriteront quelque nos plus grandes satisfactions est aussi de 13 000 emplois. « Nous voulons arriver à constater que la quasi-totalité sont encore l’horizon 2030 à un équilibre de croissance là et bien là », se félicite Ariane Rochat, entre le nombre d’habitants et celui des responsable de la promotion économique emplois, tout en veillant à une diversifi cation de Lausanne Région. de notre activité économique. Il s’agit d’éviter que le district de Nyon se transforme en une Montreux : awards de l’économie 8 Ariane Rochat cité-dortoir », affi rment Patrick Freudiger « Promove regroupe les 19 communes de et Nathalie Raya-Etter. l’ancien district de Vevey, et parmi elles Montreux, où les organes responsables du Prêts sans intérêt à Lausanne développement économique, du tourisme Pour Lausanne Région, qui groupe et du Centre des congrès collaborent étroite- 29 communes, une quinzaine de dossiers, ment depuis de nombreuses années, constate pour un montant d’un peu plus de M. Laurent Wehrli, président de Promove et CHF 2 millions, ont été traités à la fi n conseiller municipal de Montreux. Nous pra- de l’automne dernier. Les prestations liées tiquons des métiers diff érents. Le responsable au guichet entreprises demeurent un des de l’Offi ce du tourisme consacre une bonne principaux piliers de l’activité de Lausanne partie de son travail à des missions à l’étran- Région. En 2007, ce ne sont pas moins de ger alors que le rayon d’action de Promove 108 entreprises qui ont bénéfi cié de pres- se concentre à l’intérieur du district. » tations directes, telles que la recherche de terrain ou de locaux à acheter ou à louer, Avec l’agroalimentaire pour Vevey, le la recherche de fi nancement, l’élaboration tourisme, l’hôtellerie, les cliniques et le de plans d’aff aires, des demandes de bien-être pour Montreux, le développe- permis de travail et de séjour ou encore ment économique de la région s’appuie sur la mise en contact avec des partenaires des piliers qui en ont fait la réputation du privés ou publics. district bien au-delà des frontières du pays. Promove se présente volontiers comme un La promotion économique de Lausanne bureau d’accueil et d’accompagnement des Région peut également s’appuyer sur le entreprises. « Nous assistons gratuitement Fonds de Capital Développement, alimenté les gens qui ont de bonnes idées, poursuit

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Laurent Wehrli. Par exemple, nous aidons l’artisan qui a besoin d’un plan d’aff aires pour obtenir un crédit bancaire. Nous faisons beaucoup de travail dans l’ombre ; nos interventions peuvent parfois paraître modestes, elles sont pourtant indispensables. »

Promove ne néglige pas pour autant sa visibilité. A côté de mises en réseau destinées aux entreprises déjà en place, à l’occasion de lunch-débats très fréquentés, l’association lance en 2009 ses awards de l’économie. Ils permettront de mettre en valeur les succès obtenus l’année dernière par certaines entreprises de la région.

Doyenne à Yverdon-les-Bains L’Association pour le Développement du Nord Vaudois (ADNV) est la doyenne du canton, fondée il y a quarante ans. L’intégration du tourisme dans le développement économique de la région a renforcé sa force de frappe et sa représentativité. Elle regroupe aujourd’hui 80 communes et, par ses membres et ses partenaires, plus de 21 000 emplois sur un total de 31 000 sont concernés par ses activités.

La région du Nord vaudois bénéfi cie d’un équilibre assez remarquable de ses activités écono- miques. « Nous pouvons off rir des terrains et des locaux à des conditions encore très favorables par rapport à l’Arc lémanique, mais la concurrence de la Broye vaudoise et fribourgeoise, de Neuchâtel aussi est vive, constate Jean-Marc Buchillier, directeur de l’ADNV.

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Jean-Marc Buchillier

BCV_Pointsforts16.indd 9 12.2.2009 18:15:27 Nous préservons une grande diversité dans Les autres régions sont loin de demeurer la vocation de ces terrains : Chavornay pour inactives, à l’instar de la Broye et sa COREB, la distribution et la logistique, Orbe pour qui tirent enfi n profi t de la présence de l’agroalimentaire ainsi qu’un technopôle l’autoroute reliant Yverdon-les-Bains à consacré aux technologies environnementa- Berne et attendent avec impatience le feu les, ou encore Sainte-Croix, ses boîtes à musi- vert pour créer un aéropôle de 50 hec- que bien sûr mais aussi, depuis récemment, tares à Payerne, du Chablais qui, comme un technopôle réservé aux microsoudures. » la Broye, joue avec bonheur la carte de la collaboration intercantonale, ou encore de Il reste, bien entendu, le chef-lieu. la région d’Oron, du Pays-d’Enhaut et du Yverdon-les-Bains, c’est Y-Parc qui ne Gros-de-Vaud. Des collaborations entre ces cesse de s’agrandir pour accueillir de associations sont encouragées par le SELT, nouvelles et jeunes entreprises. C’est en particulier dans le domaine du tourisme aussi, surtout même, la Haute Ecole (mise en valeur du paysage de Lavaux ou des d’Ingénierie et de Gestion du canton de domaines skiables des Alpes vaudoises, par Vaud (HEIG-VD). Un formidable creuset exemple). de matière grise qui vit en étroite symbiose HEIG-VD avec l’économie du Nord vaudois. Last but not least, nous ne saurions omettre l’activité de l’Association pour le développe- Collaborations encouragées ment des activités économiques de la Vallée Notre tour d’horizon s’est limité à quatre de Joux. Elle se développe au rythme de régions parmi les plus représentatives du l’horlogerie, de la micromécanique et des développement de l’économie vaudoise. autres industries liées à l’infi niment petit. 10 Celles-ci ressentent à des degrés divers les Toutes ces associations ont leur propre prémices de la récession, mais en général stratégie et représentent des faisceaux pensent que ses eff ets devraient demeurer d’activités souvent très diff érents les uns des limités, en particulier lorsque l’essentiel de autres ; les concepteurs de la LADE ont veillé leur activité est axé autour d’un rôle de à préserver cette variété et cette richesse en guichet et d’organisme de conseil aux donnant des responsabilités accrues aux PME déjà en place. régions et en respectant leur liberté d’action.

BCV_Pointsforts16.indd 10 12.2.2009 18:15:31 DOSSIER Un formidable pouvoir d’attraction sur les entreprises étrangères

Chargé d’attirer les entreprises étrangères dans le canton de Vaud, le DEV a mené quelques opérations spectaculaires ces dernières années. Malgré l’abrogation de l’arrêté Bonny (facilités fi scales) et la récession économique qui frappe l’ensemble des pays industrialisés et pourrait freiner le mouvement, l’attractivité du canton demeure inchangée.

Par Etienne Oppliger du DEV, Jean-Frédéric Berthoud, est que le sur le terrain de chasse des grands DEWS puisse représenter un jour l’ensem- distributeurs suisses. Une bonne part des implantations ble de la Suisse francophone à l’étranger. d’entreprises étrangères dans le canton de Axes prioritaires et atouts Vaud portent la signature du Développe- Clause de non-concurrence « En fait, nous suivons les axes prioritaires ment économique – canton de Vaud En règle générale, les plus grandes des du développement économique du canton (DEV). Des raisons sociales prestigieuses, multinationales prennent directement tels que les a défi nis le DEC, précise des sociétés multinationales, d’autres contact avec le DEV mais le font par Jean-Frédéric Berthoud. Il s’agit tout d’abord entreprises de taille plus modeste et de l’intermédiaire de l’une ou l’autre des des sciences de la vie ; à ce titre, la décision secteurs économiques très divers, toutes « Big 4 », les quatre plus grandes fi duciaires de l’EPFL d’unir sur son campus les sciences 11 ont été séduites par l’attractivité du canton du monde. La plupart d’entre elles veulent de la vie et les sciences d’ingénieurs nous a de Vaud, qui constitue l’argument majeur installer leur quartier général européen ou procuré un argument majeur pour inciter du DEV. Cette association de droit privé même mondial, leur centre administratif ou certaines entreprises étrangères à s’installer est le partenaire offi ciel du Département fi nancier en Suisse. « Le représentant de ces chez nous. La mécanique de précision, la cantonal de l’économie (DEC) pour tout multinationales vient chez nous pour leur microtechnique ou encore les nanotechnolo- ce qui touche à la promotion exogène, la préparer le terrain, mais là nous sommes en gies constituent le deuxième axe de ce promotion endogène étant du ressort du concurrence directe avec les autres régions développement ; là aussi, la présence de Service de l’économie, du logement et du pays », constate Jean-Frédéric Berthoud. l’EPFL et de la Haute Ecole d’Ingénierie et de du tourisme (SELT) et des associations Quant au troisième canal de la promotion Gestion, à Yverdon-les-Bains, est devenue régionales de promotion et de développe- exogène, il est constitué par les consultants, indissociable de notre activité. Les technolo- ment économiques. les avocats d’aff aires et tous les autres gies de l’information et des télécommunica- « multiplicateurs » qui parcourent le monde tions font également l’objet d’une sollicitude Les dossiers des sociétés étrangères adres- dans le but, précisément, de débusquer des toute particulière de notre part. Restent les sés au DEV lui parviennent par plusieurs entreprises étrangères susceptibles de venir quartiers généraux des sociétés multinatio- canaux. Il y a tout d’abord le DEWS, un ré- s’installer dans le canton. nales qui sont déjà très fortement représen- seau international particulièrement effi cace tées dans le canton de Vaud, où elles puisqu’il est à l’origine d’une implantation Les candidatures à l’implantation en pays trouvent des conditions fi scales attractives ». exogène sur deux dans le canton de Vaud. vaudois avec l’aide du DEV sont soumises Il est actif dans une douzaine de pays, par le à certains critères bien précis, comme la Les atouts que fait valoir le DEV pour truchement de 18 représentants. S’il a son clause de non-concurrence. Voilà pourquoi attirer les entreprises étrangères dans le siège logistique à Lausanne, son activité est l’institution établie sur les hauts de canton de Vaud sont connus. Ils sont les liée à la promotion économique de quatre Lausanne, au World Trade Center, reste mêmes que ceux du reste de la Suisse, cantons romands (Neuchâtel, Vaud, Valais à l’écart de la bataille que viennent livrer à savoir la stabilité de ses institutions et Jura). Le grand espoir de l’actuel directeur certaines surfaces commerciales allemandes politiques et de son économie, sa fi scalité

BCV | pointsforts | 16 | mars 2009 Y-Parc à Yverdon

BCV_Pointsforts16.indd 11 12.2.2009 18:15:43 modeste ou encore la discrétion de Schweppes, Yahoo et Chiquita. En quelques Soutien du canton ses habitants. Ils sont aussi spécifi ques au mois, le « A-One Business Center » de Rolle à la promotion canton avec ses écoles, ses universités et affi chait complet et cela avant même que économique ses instituts de recherche, ses infrastructu- la construction du complexe soit achevée.

L’unité Promotion économique du Service res et la proximité de l’aéroport internatio- « L’opération menée à Rolle est unique en de l’économie, du logement et du tourisme nal de Genève ou encore sa qualité de vie. son genre. Elle met aussi en évidence certai- (SELT) vient d’être réorganisée. Placée sous « Mais attention, met en garde le directeur nes limites, comme la diffi culté de trouver sur la responsabilité de Raphaël Conz, elle est du DEV, aucun de ces atouts n’est défi nitive- la Côte des logements haut de gamme pour tout d’abord chargée des relations avec les ment acquis et il s’agit d’être vigilant. C’est les cadres de ces sociétés et les risques de partenaires du SELT actifs dans la promotion particulièrement la cas pour les communi- saturation des axes ferroviaire et routier et le rayonnement du canton de Vaud à l’échelle internationale (promotion cations ainsi que pour le logement ». entre Lausanne et Genève. » exogène). A ce titre, c’est elle qui est la répondante directe du Development Un exemple parlant : Rolle Jean-Frédéric Berthoud relativise aussi Economic Western (DEWS), A ce propos et même s’il est atypique, l’importance des facilités fi scales octroyées du Développement économique du Jean-Frédéric Berthoud trouve l’exemple aux entreprises « et pas seulement aux canton de Vaud (DEV) et des relations intercantonales sous l’égide de la Conférence du centre d’aff aires de Rolle particulière- entreprises étrangères », rappelle-t-il des chefs de département de l’économie ment parlant. A l’époque, l’imminence de d’emblée. Certes, lorsqu’une société doit publique de Suisse occidentale, d’une part, et la suppression de l’arrêté Bonny et de ses choisir un nouveau domicile, le traitement des plates-formes de promotion sectorielles allégements fi scaux a accéléré le processus fi scal qui lui est réservé revêt une impor- BioAlps, MicronArc et AlpICT d’autre part. de décision des sociétés désireuses de s’im- tance primordiale dans son choix, surtout Elle est également en charge de la promotion de l’image du canton de Vaud au travers planter en Suisse. A la même époque, tous s’il s’agit d’une société de services. « Mais du portail internet www.vaud.ch et les acteurs du projet d’un centre d’aff aires à pendant la période d’exonération, la société d’autres supports promotionnels, ainsi Rolle étaient prêts à le concrétiser. C’est ainsi verse des salaires à ses employés, qui eux 12 que de l’organisation de manifestations qu’en un temps record quelque 30 000 m2 sont imposés ; or, les personnes physiques et actions de promotion propres à faire de surfaces administratives ont pu être contribuent davantage aux rentrées fi scales rayonner le canton et ses entreprises aux niveaux national et international. mises dès 2007 à la disposition de locataires que les sociétés morales. Leurs dépenses aussi prestigieux que Nissan, que le géant alimentent également les retombées L’unité Promotion économique assure américain spécialisé dans les services mé- indirectes, comme la TVA, et fi nalement parallèlement la promotion et le suivi dicaux Cardinal Health ou encore Cadbury de bonnes conditions-cadres contribuent à des aides fi nancières allouées aux projets d’entreprises (cautionnement et arrière-cautionnement, prise en charge des intérêts et subventions à fonds perdus) ainsi qu’aux prestataires de services reconnus par le SELT, notamment en matière de fi nancement d’entreprises, de soutien à l’innovation et au transfert De bonnes conditions- de technologies, de coaching au démarrage « cadres contribuent à la d’entreprises et de soutien à l’internationa- lisation. Finalement, c’est elle qui délivre prospérité de l'entreprise. des préavis à l’Administration cantonale Elle augmente ses eff ectifs des impôts en matière d’exonérations et le mouvement de spirale fi scales des personnes morales. se poursuit. »

Jean-Frédéric Berthoud

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Quelque 700 employés hautement qualifi és travaillent chez Medtronic à Tolochenaz.

13 la prospérité de l’entreprise. Elle augmente Avec Yahoo, c’est littéralement un coup fondamentalement saine et le DEV ses eff ectifs et le mouvement de spirale double que la promotion économique du n’entend pasdemeurer les bras croisés se poursuit… » canton de Vaud a réalisé tout récemment. sur ses acquis, si spectaculaires soient-ils. Après avoir annoncé l’implantation d’un Medtronic et Yahoo centre de données à Avenches, la société a Collaboration avec les régions Le directeur du DEV ne cite pas volontiers décidé de déplacer de Londres à Rolle son Essentiellement au service des sociétés des exemples d’opérations particulièrement siège européen. Quelque 350 emplois sont étrangères, le DEV ne néglige pas pour spectaculaires menées par son institution concernés par ce transfert. autant ses relations avec les institutions ces dernières années. Mais si son interlocu- politiques et économiques vaudoises, bien teur cite les noms de Medtronic et de Prévisions aléatoires au contraire. Interlocuteur privilégié du Yahoo, il ne le contredit pas. Medtronic a Avec la crise monétaire et boursière qui a Département de l’économie et du SELT, établi en 1997 son siège international pour frappé l’ensemble de la planète, l’entraînant il entretient également des relations étroites l’Europe, le Canada et les pays émergents dans une récession économique dont il est avec les associations régionales de dévelop- dans la zone industrielle de Tolochenaz, impossible de mesurer avec précision l’am- pement. Et même si certains projets aux portes de Morges. Ses produits sont pleur et la durée, il est aléatoire de faire des d’implantations d’entreprises exogènes spécialisés dans le traitement des maladies prévisions sur l’implantation de nouvelles requièrent une confi dentialité absolue chroniques (maladies cardiaques, troubles entreprises étrangères dans le canton de jusqu’à ce qu’ils se concrétisent, selon neurologiques, maladies vasculaires et Vaud. De toute façon, les comparaisons le chef du SELT Lionel Eperon « les échanges diabète). En un peu plus de dix ans, la d’une année à l’autre seront faussées par les entre le DEV et ces associations permettent société a plus que quadruplé ses eff ectifs eff ets de l’arrêté Bonny, abrogé à fi n 2007. de garantir une prise en charge optimale en pays vaudois. Quelque 700 employés, On peut prévoir que certaines sociétés exo- des prospects par une identifi cation de hautement qualifi és dans leur majorité gènes vont geler leurs projets, en attendant leurs besoins en fonction des spécifi cités et représentant plus de 40 nationalités, que l’horizon conjoncturel s’éclaircisse. Mais et des potentialités propres aux diff érentes travaillent chez Medtronic Tolochenaz. l’attractivité du canton de Vaud demeure régions du canton. »

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BCV_Pointsforts16.indd 13 12.2.2009 18:15:51 La BCV représentée dans les associations régionales

La BCV suit de près le travail des associations régionales de développement du canton de Vaud ; des collaborateurs de la Banque sont fortement impliqués dans ces associations. Rencontre avec deux responsables régionaux PME qui se mobilisent pour leur région, Alexandre Berthoud dans le Gros-de-Vaud et Eric L’Eplattenier dans la Broye.

Par Caroline Plachta (BCV) l’économie du Gros-de-Vaud, en partena- un projet d’importance : la création d’un riat avec les pouvoirs publics et les acteurs Espace Gros-de-Vaud. « Notre rôle est de donner une impulsion, économiques régionaux. Pour la commis- de travailler ensemble pour la région, sion présidée par Alexandre Berthoud, Sa fonction au sein de l’association lui ap- et d’apporter une liberté d’expression l’année 2008 a été riche en événements. porte énormément, grâce à la richesse des constructive, s’enthousiasme Alexandre Des conférences ont été organisées lors contacts et des interactions qui s’y créent. Berthoud, responsable régional PME de la première Journée de l’Economie à Il apporte pour sa part sa connaissance de la BCV d’Echallens, également prési- l’occasion du Comptoir régional d’Echal- du terrain et ses compétences économi- dent de la commission Economie de lens et un programme d’échange entre ques. Et sa conviction : « J’ai une grande l’Association de la Région du Gros-de- patrons et enseignants a été mis sur pied. confi ance dans le potentiel de la région. » Vaud. J’apprécie de pouvoir m’impliquer « Par ailleurs, nous avons lancé une série 14 pour fédérer les entreprises et soutenir le de rencontres avec les patrons par panels Une communauté intercantonale dynamisme économique de la région. » d’entreprises, relève le responsable de la « Pouvoir participer aux réunions d’un BCV. Il nous tenait à cœur de les entendre tel organisme off re l’accès à une excellente Les objectifs de l’association sont avant et connaître leurs souhaits. » La commis- plate-forme d’échange !, témoigne en écho tout de développer et promouvoir sion Economie travaille actuellement sur Eric L’Eplattenier, responsable régional

Alexandre Berthoud Echallens

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PME de la BCV pour la Broye. Je dirais que tout l’intérêt et aussi toute la diffi culté de ce type d’association est de réunir les mondes politique et économique pour une action conjointe. »

Entré à la commission économique de la COREB (Communauté régionale de la Broye) fi n 2002, il souligne le rôle indispensable joué par l’association comme relais de proximité pour les promotions économiques vaudoise et fribourgeoise. Selon lui, le fonctionnement de la COREB, à cheval sur deux cantons, ne pose pas de problèmes majeurs : « Dans la Broye, les deux cantons sont tellement bien imbriqués que nous n’avons pas de phénomène de tiraillements ou de concurrence entre communes situées d’un côté ou de l’autre de la frontière. » Concrètement, la collaboration entre les deux cantons a déjà permis la réalisa- tion de deux projets majeurs pour la région, l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB) et le Gymnase intercantonal de la Broye (GIB).

Le soutien à l’implantation d’entreprises créatrices d’emplois est au centre des objectifs de la COREB, rappelle Eric L’Eplattenier : « Le projet de l’Aéropôle laisse augurer d’une bonne dynamique, par eff et boule de neige. Nous avons l’autoroute, les terrains disponibles et les infrastructures… Nous sommes prêts à accueillir les investisseurs ! »

La COREB joue un rôle important de relais de « proximité pour les promotions économiques vaudoise et fribourgeoise. 15 Eric L'Eplattenier »

Payerne Eric L’Eplattenier

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BCV_Pointsforts16.indd 15 12.2.2009 18:16:17 L’immobilier sous la loupe

Une vingtaine de personnalités suisses ont mené une réfl exion sur le thème de l’immobilier lors d’un workshop organisé par la BCV. Certes, le marché du logement est particulièrement tendu sur l’Arc lémanique. Mais le canton de Vaud ne manque pas d’atouts pour séduire les investisseurs.

Par Caroline Plachta (BCV) répondre à une vision qui permette d’off rir nombreuses familles, l’acquisition d’un objet plusieurs types de standards en termes de immobilier reste souvent hors de portée par Le marché du logement souff re des eff ets qualité et de volume, avec un accent sur les manque de fonds propres. A ce sujet, les conjoints d’une pénurie chronique et de standards moyens. spécialistes s’accordent sur les risques d’un la pression démographique : sur l’Arc léma- fi nancement trop élevé par le 2e pilier. nique, les taux de vacance font grise mine. Réponse « classique » à la pénurie, le Comment repenser le modèle économique concept de la densifi cation de l’habitat sus- « Espaces de vie » du logement pour faire face à la pénurie ? cite également l’adhésion des intervenants : D’autres idées ont été évoquées, dont une Au cours de deux ateliers de discussions, peu populaires il est vrai, les tours ont néan- approche de l’aménagement du territoire 16 une vingtaine de personnalités suisses, moins l’avantage d’augmenter la capacité en en termes d’« espaces de vie », visant représentants de l’Etat, investisseurs, logements tout en assurant une occupation à rendre les zones périphériques plus représentants des locataires et chercheurs optimale du sol. Il faut oser construire diff é- attractives. Il s’agit de générer une nouvelle académiques, ont mené une réfl exion remment, et plus haut. Proposition originale dynamique immobilière par l’implantation commune sur l’avenir de la région dans déjà concrétisée outre-Manche, la création de projets-clés (écoles, hôpitaux) qui le domaine de l’immobilier résidentiel. d’immeubles dotés d’un véritable service à réhabilitent le logement en périphérie. valeur ajoutée (conciergerie, garderie…) La pénurie, le problème de l’inadéquation permettrait une intéressante mixité, s’adres- En complément, les intervenants de l’off re par rapport à la demande, ainsi sant tant à des personnes âgées qu’à des soulignent l’importance de développer que la diffi culté de l’accès à la propriété familles avec enfants en bas âge. des voies de communication qui favorisent sur l’Arc lémanique ont occupé le centre la mobilité dans les régions décentrées. des débats. Confrontés à un écheveau La rareté des terrains à bâtir, notamment Des perspectives positives se dessinent complexe de paramètres, les participants liée au problème de la thésaurisation du sol, lorsqu’un investisseur institutionnel fait ont suivi quelques pistes pour apporter des fi gure également au centre des préoccupa- part de son intérêt à fi nancer ce type solutions à ces problématiques de fond. tions. Les participants ont suggéré des d’infrastructures, à condition de bénéfi cier innovations juridiques, tel l’octroi d’un droit d’une garantie de l’Etat. Cela laisse entrevoir Construire diff éremment de superfi cie qui permet au propriétaire de une nouvelle vision de l’investissement Devant une très grande pluralité de mettre le sol à disposition sans le vendre. immobilier, qui envisage une contribution besoins, la nécessité de diversifi er le parc Néanmoins, les investisseurs se montrent à la qualité d’équipement de la région immobilier se fait sentir. Tout comme réticents à renoncer au potentiel que concernée. Une démarche cohérente qui, celle d’assurer une occupation du sol par représente l’achat d’un terrain. selon l’image utilisée par Pascal Broulis, des personnes aux profi ls variés, afi n de consiste à veiller à la fertilité du terrain dans contrer tout phénomène de ghettoïsation. Du point de vue de l’accès à la propriété, lequel on a choisi de « planter sa graine ». Les objectifs de la construction devraient les participants observent que, pour de

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BCV_Pointsforts16.indd 17 12.2.2009 18:16:42 Un immobilier résidentiel pour quelles ambitions ?

L’un des ateliers consacrés par la BCV à l’immobilier dans l’Arc lémanique a planché sur l’état de pénurie chronique dont souff re la région. Deux remèdes évoqués, sans surprises : densifi er les agglo- mérations et construire pour toutes les catégories de revenu. Plus facile à dire qu’à faire, semble-t-il.

Par Michel Bührer La spéculation en cause profi té. Aujourd’hui, au vu du prix payé pour Autre préoccupation, non seulement l’incidence foncière on ne peut plus mettre Quand le bâtiment va, tout va… les prix atteignent des sommets, mais en location un quatre pièces et demie sur Mais quand l’immobilier fl ambe, que faire ? leur augmentation est largement plus le marché à moins de CHF 2 000. Certaines Qui plus est sur un territoire attractif mais rapide que dans le reste du pays. Il suffi t entreprises multinationales peuvent exigu, sur lequel les communes gardent de croiser ces deux facteurs (rareté et prix) facilement payer CHF 3 000 à 4 000 par un pouvoir déterminant ? C’est à cette avec les statistiques du pouvoir d’achat logement pour leurs cadres, mais c’est loin quadrature du cercle que s’est attaquée des Vaudois pour constater l’ampleur du d’être le cas de la majorité de la population une brochette de spécialistes invités par problème : en consacrant 30% de leur vaudoise. » la BCV à poser des jalons qui vont au-delà revenu imposable au loyer, deux-tiers des des crises ponctuelles. Au fi nal aucune contribuables vaudois devraient pouvoir Mais la spéculation n’explique pas tout. potion magique, mais quelques prises trouver leur bonheur pour CHF 1 500 par « En Suisse on construit bien, et les 18 de position tranchées. mois ! En d’autres termes, résume Bernard coûts augmentent aussi à cause du prix Virchaux, directeur de la Société Coopérative des matériaux, de la qualité – comme le Le constat d’abord, en quelques chiff res d’Habitation de Lausanne (SCHL), « tout ce label Minergie –, des exigences du banquier, donnés par le Service cantonal de recherche qui se construit actuellement en matière de de l’investisseur… », argumente Bruno et d’information statistiques (SCRIS) : en juin logement est théoriquement hors de portée de Siebenthal, administrateur délégué 2008, 1 621 logements étaient disponibles des deux-tiers de la population. Le problème, du Fonds immobilier romand (FIR). dans le canton, soit un taux de logements ce n’est pas la pénurie, c’est l’inadéquation de vacants de 0,5%. Il plongeait même à 0,1% l’off re par rapport à la demande ». En cause, Densifi er, oui mais comment ? dans le district de Lausanne. Or, dans un martèle-t-il, la spéculation qui règne dans le Tout le monde partage à peu près ces marché équilibré, le taux de logements domaine immobilier. constats. Reste à envisager des solutions. vacants devrait être de 1,5%, soit quelque La première, pas vraiment nouvelle, s’appelle 5 200 objets en vente ou en location à L’attractivité de la région y est bien sûr pour densifi cation. Le nouveau Plan directeur l’échelle du canton. Vaud fait mieux que quelque chose. L’Arc lémanique est l’une cantonal vaudois prévoit d’ailleurs cette Genève (0,2% de vacance), mais pire que des trois régions les plus prisées de Suisse, mesure à l’intérieur des agglomérations. la moyenne suisse (1%). Et cette situation avec les métropoles zurichoise et bâloise. Côté pile, elle a l’avantage de faire dure depuis 2003. La pression ne semble rapidement consensus chez les acteurs pas près de retomber puisque le canton José Carlos Molina, responsable de la du domaine. Côté face, elle a le défaut s’attend à une augmentation de popula- Division Immobilier aux Retraites Populaires, de provoquer tout aussi rapidement la tion de quelque 100 000 personnes d’ici relève de son côté l’infl uence aggravante controverse dans la population. « Nous 2020. L’implantation et le développement de la segmentation du marché, qui profi te à avons quatre projets de tours dans le canton, d’entreprises innovantes et à forte valeur une catégorie d’objets. « La forte demande qui peuvent susciter de fortes oppositions. ajoutée sera tout à la fois le moteur et de logements est venue des entreprises La qualité architecturale facilitera l’intégration la résultante économique de cette étrangères qui se sont installées dans la et l’acceptation de tels projets », témoigne le démographie. région et les propriétaires de terrain en ont chef du Département vaudois de l’économie,

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BCV_Pointsforts16.indd 19 12.2.2009 18:16:55 Jean-Caude Mermoud. Faire pression sur les communes, c’est possible. Mais il ne faut pas De la sensibilité des données oublier que tout passe par le Grand Conseil et les Conseils communaux ». statistiques Dans ce contexte, l’information à la population et aux élus devient une condition indispensa- La tension sur le marché de l’immobilier vaudois est moindre en dehors de l’Arc ble, d’autant plus que ces derniers étant miliciens, ils ne sont pas toujours au fait des subtilités lémanique, sans toutefois approcher le des multiples lois et règlements, de l’avis des gens de métier. Ceci d’autant plus qu’on touche taux de vacance de 1,5% considéré comme à deux sujets explosifs : l’autonomie des communes et le cadre légal et administratif. équilibré. Les districts de la Broye-Vully et d’Aigle souff rent le moins, mais ne dépas- Les investisseurs tirent à boulet rouge sur deux textes cantonaux en particulier, la Loi sur sent pas 1% de vacance, suivis par le Jura- Nord vaudois (0,8%, mais avec une zone la démolition, transformation et rénovation importante (LDTR), et celle sur l’aliénation à 0,2% dans la Vallée de Joux). La région [autrement dit la vente] d’appartements loués (LAAL). Les deux sont destinées à contrôler du Pays-d’Enhaut affi che aussi 0,8%. Sur la les modifi cations touchant au parc locatif. « Si on prend la LAAL mélangée au droit du bail, Côte par contre, les taux de vacance sont c’est une aberration, s’exclame José Carlos Molina. Aujourd’hui le propriétaire d’un logement anorexiques, avec 0,3% pour les districts de en PPE hésite à louer parce qu’il ne sait jamais quand il pourra redisposer librement Morges et de Nyon. Les 0,1% de Lausanne renchérit correspondent à 50 logements à louer et de son bien, soit pour y habiter ou pour s’en séparer. » « La LDTR ne sert à rien, 16 à vendre ! Bernard Virchaux, car le droit du bail est plus restrictif. » Droit du bail conspué lui aussi, car il permet dans l’absolu à un seul locataire de bloquer tout un projet. Les statistiques de taux de vacance, fournies par l’Offi ce fédéral de la statistique, Impliquer les communes sont souvent critiquées, comme toute Transformation et démolition-reconstruction devraient permettre de créer des appartements statistique qui peut se calculer selon des critères variés et divers. Cette donnée adaptés aux besoins actuels dans ou à la place des immeubles anciens. Mais elles sont souvent est d’autant plus sensible que le taux de suspectées par les associations de locataires d’avoir pour but premier d’augmenter la rentabilité, vacance (0,5% pour le canton de Vaud) donc les loyers, au détriment des revenus modestes. « Il s’agit en général de logements mal 20 sur le marché locatif détermine l’application entretenus, mais le propriétaire veut changer de catégorie pour en faire des appartements de la législation cantonale en situation de de plus haut standing. C’est pour [éviter] cela que les lois existent. Et vous vous étonnez des pénurie. Cette loi oblige le bailleur à men- tionner le loyer précédent sur le nouveau oppositions », lance Anne Baehler Bech, secrétaire cantonale de l’ASLOCA. Ce que contestent bail et à justifi er une éventuelle hausse. évidemment propriétaires et investisseurs : si on met des logements aux standards actuels, La loi s’applique lorsque le taux de vacance arguent-ils, il est normal que les loyers grimpent... à moins de densifi er, ce qui ramène au cantonal est inférieur à ces fameux 1,5% cadre législatif. La boucle est bouclée. du parc locatif. Dans le canton de Vaud, c’est le cas depuis 2001. Pour Anne Baehler Bech, il est indispensable de sortir du cycle généré par la segmentation Source : SCRIS, juin 2008 du marché et de pousser les communes – qui ont la maîtrise foncière – à off rir une palette de logements qui réponde à tous les besoins. Et là où ce n’est pas possible, elles devraient coordonner les types de construction, alors qu’aujourd’hui elles sont d’abord préoccupées par leurs zones villas. Elle plaide pour que l’Etat joue un rôle plus actif, dans cet eff ort, car « on a vu que le jeu de l’off re et de la demande ne fonctionne pas ». Froncement de sourcil des profession- nels de l’immobilier, qui ne voient pas pourquoi les pouvoirs publics seraient plus malins qu’eux. Jean-Claude Mermoud met aussi en garde contre, d’une part, la diffi culté de faire collaborer les communes, d’autre part l’augmentation du prix des terrains dès que l’Etat s’y intéresse.

Le problème, ce n’est pas la pénurie, «c’est l’inadéquation de l’offre par rapport à la demande. Bernard Virchaux »

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Nous avons quatre projets de «tours dans le canton. La qualité architecturale facilitera l’intégration et l’acceptation de tels projets. Jean-Claude Mermoud »

« Un avantage des autorités, souligne toutefois Philippe Th almann, professeur au Laboratoire de recherche en économie et management de l’environnement à l’EPFL, serait de coordonner les investisseurs afi n que tout le monde ne fasse pas des quatre pièces en même temps. Pierre Lamunière Actuellement, on ne peut pas refuser un permis de construire pour raison économique. »

Deuxième pilier, attention danger Si les mesures propres à mieux diversifi er le parc immobilier s’avèrent diffi ciles, si les nouvelles constructions seront de toute manière coûteuses, reste à les rendre un peu plus accessibles, par exemple via des soutiens directs. Le canton de Vaud a engagé quelque CHF 80 millions dans l’aide à la pierre afi n, comme le stipule la loi, de « favoriser la construction de nouveaux logements à loyers modérés, destinés principalement aux familles ». Elle consiste à accorder au propriétaire une subvention annuelle fi xe sur une durée de 15 ans, ce qui permet d’abaisser le loyer. Autre initiative du canton, plus récente, l’aide individuelle au logement donne un coup de pouce aux familles à revenus modestes qui ne touchent pas l’aide sociale. Philippe Th almann 21 L’accès à la propriété des jeunes familles à court de fonds propres peut aussi être soutenu par le cautionnement de l’Etat. Cette aide est d’autant plus souhaitable qu’un fi nancement trop élevé par le deuxième pilier est considéré par les professionnels de la branche comme risqué : « C’est une bombe à retardement, s’insurge Bruno de Siebenthal, on fait croire aux acheteurs que leur bien immobilier ne peut que prendre de la valeur. » Mais si les prix sont surfaits de 40%, par exemple sur la Riviera, « c’est comme le jeu de l’avion », prévient Bernard Virchaux, à la fi n, il y a toujours quelqu’un qui paie. Pour Pascal Kiener, président de la Direction générale de la BCV, « une des grandes diffi cultés pour les banques est d’évaluer au plus juste la réelle valeur de l’objet, surtout dans les hauts et bas du cycle. Pour le fi nancement, il existe diff érentes pratiques. La BCV a comme règle de limiter à 10% la part de la caisse de pension dans l’apport de fonds propres », ce qui doit permettre d’éviter la trop grande prise de risque de l’acheteur. José Carlos Molina

Le spectre espagnol Une des caractéristiques du secteur demeure sans doute son manque de visibilité. « Que va-t-il se passer si les 100 000 nouveaux habitants prévus d’ici 2020 ne viennent pas ? », demande le professeur Philippe Th almann, alors que le marché est en train de tourner, avertit Bruno de Siebenthal. Suite à la construction intensive de PPE, certains objets reviennent déjà sur le marché. Pierre Lamunière, président et administrateur délégué du groupe Edipresse, qui dispose avec Homegate du plus important site immobilier sur internet en Suisse, rappelle l’exemple ibérique. « L’Espagne a construit à une époque autant que le reste de l’Europe. Résultat, les prix chutent et certaines nouvelles périphéries de Madrid sont complètement vides ». On en est à des années-lumière. Mais en Suisse, les professionnels jugent la situation préoccupante à partir de 2% de vacance déjà. C’est dire si la route de l’équilibre est étroite. Anne Baehler Bech

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BCV_Pointsforts16.indd 21 12.2.2009 18:17:01 Pas de crise en vue, mais des options à prendre

Pour l’heure, la crise fi nancière mondiale n’aff ecte pas l’immobilier dans le canton de Vaud. Reste que la pénurie actuelle et la croissance démographique annoncée réclament des solutions. Panorama avec ombres, lumières et éclaircies.

Par Jean-Raphaël Fontannaz Me Ioanna Coveris. Mais il faut tenir compte de l’inertie de ce marché. « On ne décide pas de l’achat d’un bien immobilier d’un Pour l’état des lieux, en guise d’introduction, le conseiller d’Etat jour à l’autre. Il faut donc quelques mois avant de sentir les réper- Pascal Broulis a planté le décor statistique : en l’espace d’une cussions d’un changement de conjoncture », prévient la notaire grosse génération, le nombre de personnes par ménage a chuté spécialisée dans les transactions immobilières. de 2,67 (1970) à 2,21 (2000). Dans le même temps, le nombre de pièces par personne a crû de 1,43 à 1,63. Toujours par tête, la D’autant que le canton de Vaud souff re toujours d’une pénurie surface occupée a augmenté de 36 à 42 m2. Autres chiff res notoire. « Avec quelque 4 000 logements construits chaque année, révélateurs : en cinquante ans, la température moyenne dans nous parvenons à absorber notre croissance démographique 22 les logements est passée de 16° à 20°-22° chez les occupants d’environ 8 000 personnes l’an. Mais nous n’arrivons pas à propriétaires, voire à 22-24° chez ceux qui ne sont que locataires. détendre le marché et à augmenter la proportion d’appartements vacants », nuance Olivier Feller, directeur de la Chambre vaudoise Conséquence pratique de cette série d’infl ations : « A Lausanne, immobilière (CVI). on ne trouve plus un 4,5 pièces à moins d’un million. Et sans vue sur le lac. Cette évolution avec toujours plus de m2 et plus de Autre souci : « Depuis 1985, un demi-million de Suisses ont fait pièces ne pourra durer. Combien de temps les gens arriveront-ils recours aux capitaux de leur 2e pilier pour acquérir leur logement. à assumer les suppléments de prix que représentent ces besoins Probablement parce qu’ils n’avaient plus l’épargne requise. En à la hausse ? », résume le président du gouvernement vaudois. cas de retournement conjoncturel, cette situation peut poser problème », s’inquiète Philippe Hebeisen, CEO de la Vaudoise Urs Hausmann n’attend pourtant guère d’amélioration de ce Assurances depuis le début de l’année. « Les liquidités disponi- côté-là : « La taille des ménages va certainement encore baisser à bles peuvent eff ectivement devenir un souci : de quelles réserves l’avenir. Cette diminution va forcément devoir infl uencer les types les investisseurs ou les particuliers disposent-ils pour tenir si la de logements recherchés. Par ailleurs, dans une perspective à dix ou situation devient plus diffi cile ? Surtout que beaucoup doivent vingt ans, il est évident que l’accès à son domicile par les transports déjà assumer plusieurs achats à crédit (meubles, voiture,…) », publics deviendra essentiel. Et c’est un domaine où l’Etat peut avoir abonde Olivier Steimer, président du Conseil d’administration une grande infl uence », note le président du Conseil d’administra- de la Banque Cantonale Vaudoise (BCV). tion de Wüest & Partner. Densifi cation et droit de superfi cie Un marché toujours en pénurie Face à l’étendue des problèmes, les intervenants ne manquent Pour l’heure, la crise fi nancière internationale ne provoque que cependant pas de solutions. Certaines correspondent à des sou- des vaguelettes sur le fl euve tranquille de l’immobilier vaudois. haits bien connus. « Je regrette qu’il y ait toujours des réfl exes très « La croissance est restée soutenue jusqu’en octobre. Ce n’est négatifs dès que l’on parle de densifi cation de l’habitat. Pourtant, qu’en novembre qu’on a perçu une légère baisse », analyse il est reconnu que cette densifi cation est nécessaire et qu’elle ne

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BCV_Pointsforts16.indd 23 12.2.2009 18:17:47 Philippe Hebeisen Ioanna Coveris Urs Hausmann

s’oppose pas à la qualité. Mieux : elle off re une meilleure rentabilité et En clair, il va falloir accepter de construire diff éremment », relève elle augmente la capacité en logements tout en s’avérant positive pour le conseiller d’Etat. Et Dominique Bourg, directeur de l’Institut des l’environnement », plaide Olivier Feller. « Les coeffi cients d’occupa- politiques territoriales et d’environnement humain à l’Université de 24 tion du sol devraient être plus généreux afi n de pouvoir construire Lausanne de préciser qu’« il existe des besoins très divers selon en hauteur », complète Me Coveris. les gens. Les standards de construction devraient être adaptés aux attentes diff érentes des segments de population. » Et la notaire de préconiser aussi de remplacer l’achat du terrain à bâtir par l’octroi de droits de superfi cie : « Les collectivités publi- Les investisseurs n’aiment d’ailleurs pas les extrêmes. « Nous ques devraient favoriser ce genre de solutions, qui assureraient une n’acquérons pas d’objets luxueux car le risque est trop grand. accession moins onéreuse à la propriété et diversifi eraient l’off re en De même, nous privilégions des appartements de taille moyenne. logements. » Pour Ioanna Coveris, le droit de superfi cie permettrait Selon nos critères, un cinq pièces est déjà très grand », note Philippe en outre de combattre la thésaurisation du sol et de remettre sur Hebeisen. « Si les standards sont trop élevés, le marché potentiel le marché des terrains à bâtir. « Car il n’est pas admissible de devoir se réduit et il devient diffi cile de trouver des locataires », confi rme forcer un propriétaire foncier à vendre. » Au passage, la femme de Werner Hertzog. Le directeur de Publica serait aussi favorable à des droit regrette encore qu’une solution telle que la coopérative appartements meilleur marché pour ceux qui veulent consacrer de logements reste juridiquement si lourde à mettre en place. moins d’argent à leur logement. « Le loyer ne devrait d’ailleurs Mais Werner Hertzog tempère un peu son enthousiasme : jamais dépasser un quart du revenu », ajoute-t-il. Et le représentant « Les institutions de prévoyance ne sont pas prêtes à renoncer fédéral de mettre le doigt sur un vice du système : « A l’expérience, au potentiel de plus-value du terrain », rappelle le directeur on constate que plus on est spécialiste de l’immobilier, plus on de Publica. réclame des standards élevés. Ceux qui décident vivent souvent personnellement dans des conditions de haut niveau et jugent Revoir les standards dégradant de faire construire selon des standards inférieurs ! » De son côté, Pascal Broulis estime que l’on ne pourra pas faire l’économie de revoir les standards de qualité et de volume dans Olivier Feller imagine remédier à la pénurie en permettant aux la construction. « Il faut revenir sur certaines exagérations et réviser assurés de retirer leur 2e pilier pour l’investir non seulement dans les normes pour pouvoir off rir plusieurs profi ls de standards. leur logement, mais aussi dans des immeubles de rendement. De façon à aboutir à des constructions plus avantageuses. « Ce serait une source de rendements à la fois stables et durables »,

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Werner Hertzog Vaud plaît aux investisseurs

Dans l’incertitude du temps actuel, le directeur de la caisse de pension de la Confédération a suscité quelques rais de lumière. En faisant notamment une décla- ration d’amour aux Vaudois : « A choisir entre Bâle, Zurich, Berne ou Lausanne, je préfère investir dans le canton de Vaud », a confi é Werner Hertzog. Les raisons de cet engouement: « La demande y est soutenue et les prix malgré tout pas trop élevés en comparaison zurichoise, ce qui nous assure une rentabilité intéressante. » Publica, qui vise une allocation d’actifs de 10% dans l’immobilier (soit 1,7 milliard de francs) cherche d’ailleurs des objets. Ses seuls soucis : il manque de projets adéquats et le canton devrait améliorer le traitement fi scal des institutions de prévoyance.

Financer des infrastructures ? Favoriser la mobilité réclame – très e commente le député radical. Dans le registre, M Coveris calme certaines appréhensions. souvent – d’améliorer le réseau de « Certes, les versements de LPP constituent souvent les fonds propres des acquéreurs et, quand communication. Ce qui reste gourmand il y a divorce, la revente est fréquemment obligatoire. Mais, ces dernières années en tout cas, en moyens fi nanciers. C’est là qu’est venue 25 l’investissement dans la pierre a permis de créer des plus-values », constate la notaire. la seconde éclaircie de Berne : la Caisse fédérale de pension est très intéressée à investir dans le fi nancement d’infrastruc- Des conciergeries à plus-value tures. « Actuellement, cela ne se pratique Le professeur Dominique Bourg s’interroge sur les moyens d’encourager les propriétaires pas en Suisse. Mais nous sommes prêts à de « lits froids » d’entrer dans un système de location temporaire avec garanties et souscrire des véhicules d’investissement, contreparties diverses. De son côté, Olivier Steimer se demande dans la foulée si le dotés d’un coupon d’obligation, pour payer la construction de routes par exemple », modèle actuel de familles totalement éclatées va perdurer. Le président de la BCV voit a indiqué le directeur de Publica, Werner des solutions en favorisant dans les logements une mixité qui attire les gens de l’extérieur. Hertzog. Sa condition : que ces investisse- Dans ce domaine, le banquier envisage des immeubles avec un véritable service de ments bénéfi cient d’une garantie de l’Etat. conciergerie. « C’est tout à fait dans le trend de ce que recherchent des couples où les deux travaillent. Et cela pourrait attirer les personnes âgées résidant en villa qui, pour déménager, attendent souvent qu’il soit trop tard », esquisse le banquier. A son avis, on pourrait aussi assurer une meilleure accessibilité aux régions où le logement est moins prisé.

L’Etat n’est pas insensible à ces questions de communication. Après avoir défi ni les zones économiques à soutenir (pôles de développement économique), après avoir concrétisé un Plan du réseau routier en complément au Plan stratégique des transports publics, qui entend simplifi er la carte en incitant à la fusion parmi les 376 communes vaudoises, le Conseil d’Etat va publier sous peu un Plan de mobilité. « Il induira à terme, tous payeurs confondus, plusieurs centaines de millions d’investissements chaque année », précise Pascal Broulis.

« En bref, les logements du futur devraient être dans un immeuble avec conciergerie, situé dans une ville sur un terrain de l’Etat et fi nancé par une caisse de pension qui aurait aussi payé les voies d’accès », a conclu la journaliste Madeleine von Holzen qui animait la table ronde.

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BCV_Pointsforts16.indd 25 12.2.2009 18:18:32 Le Pays de Vaud au fi l du pinceau

L’histoire nous apprend que les artistes vaudois ont parfois eu la vie dure, mieux reconnus à l’étranger que dans leur canton. Auteur du livre Les peintre vaudois, Christophe Flubacher nous dévoile les plus belles pages de son ouvrage et nous fait partager sa passion pour l’art. Petit voyage à travers les âges, non exhaustif et parsemé d’anecdotes, à la découverte des 26 peintres de chez nous.

Par Nicole Mondada (BCV) de l’Est. Tout naturellement, les Romands Rodolphe Salis, qui l’invite à publier se tournent alors vers Paris pour des ses dessins dans sa revue. En toute première observation, on ne raisons de proximité, de langue et de peut d’évidence confi ner les artistes culture. Après la Seconde Guerre mondiale, Les exceptions qui confi rment la règle vaudois au microcosme de notre canton. les mouvements contemporains viennent Certains artistes vaudois ont marqué Infl uencés par les capitales d’où venaient des Etats-Unis et plus précisément de notre canton et d’autres Paris. Charles les nouvelles tendances artistiques, ils New York et la côte est. Gleyre (1806-1874), quant à lui, a la chance ont également été contraints d’adapter d’être reconnu de son vivant, tant à Paris leurs travaux en fonction des périodes Après avoir passé quelques jours dans que dans son canton de naissance. A Paris, historiques qu’ils vivaient, et le 20e siècle la ville lumière, il ne fait aucun doute il dirige un atelier reconnu dans lequel a été riche en rebondissements historiques que le peintre vaudois le plus populaire passent des artistes célèbres tels que et surtout en guerres. à Paris est Th éophile-Alexandre Steinlen Renoir, Monet ou Bocion. Son style (1859-1923). Son nom est peut-être moins néo-académique n’est pas du goût de tous - Popularité et notoriété célèbre que ses dessins mais, trouver une de surcroît à une époque où les prémices de Au 19e et jusqu’au milieu du 20e siècle, boutique de souvenirs dénuée d’une l’impressionnisme se ressentent -, mais off re tout artiste est infl uencé d’une manière quelconque représentation de son fameux un excellent apprentissage. L’Etat ou d’une autre par ce qui se passe à Paris, chat noir aux yeux jaunes perçants est un de Vaud lui fait deux commandes et ville considérée comme la capitale des vrai défi . Passionné par les spectacles de ces réalisations représentent, à ce jour, arts. Berlin a également ses lettres de rue et les chats de gouttière, il fréquente des fi gures marquantes de l’art vaudois, à noblesse mais infl uence plus particulière- le célèbre cabaret « Le Chat Noir » et savoir Le Major Davel et Les Romains sous ment les pays germaniques et de l’Europe fait connaissance du tenancier des lieux, le Joug. Le quatrième quart du 19e siècle

L’auteur de la célèbre affi che du Chat Noir (Collection du Musée de Montmartre), Th éophile-Alexandre Steinlen, est vaudois.

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1. Marius Borgeaud (1861-1924) étant voué à l’impressionnisme, Charles représentations et ses techniques, ses La Mairie (non daté) Gleyre est vite oublié, mais son travail est années créatives sont rythmées par les Huile sur toile, 50 x 61 cm à nouveau apprécié depuis 1950. saisons. En eff et, il voue ses étés aux pay- Banque Cantonale Vaudoise, Lausanne sages, ses automnes aux natures mortes Eugène Burnand (1850-1921) était consi- et ses hivers à la gravure sur bois, aux 2. Alice Bailly (1872-1938) déré, avec Hodler, comme le plus grand portraits et aux nus. Toutefois, il avoue 28 , tasse, vases, fl eurs (1913)Huile sur toile, 40,2 x 32,6 cm artiste suisse du début du 20e siècle. Pour une prédilection aux nus, parfois qualifi és Banque Cantonale Vaudoise, preuve, son travail est tellement apprécié d’audacieux pour l’époque. A noter Lausanne que la population vaudoise se cotise afi n que l’accès à une exposition en 1910 au 3. Félix Vallotton (1865-1925) de remplacer une de ses œuvres détruite Kunsthaus de Zurich est interdit aux Des baraques goudronnées (1921) dans un incendie. Il s’agit du tableau jeunes fi lles de moins de seize ans, afi n Huile sur toile, 60 x 73 cm Le Labour dans le Jorat. Ses scènes du de ne pas les choquer ou les pervertir. Banque Cantonale Vaudoise, Lausanne monde rural et agraire ont fait son succès Reconnu à Paris, Félix Vallotton ne l’est à un moment où la symbolique chrétienne pas par ses compatriotes vaudois. 4. René Auberjonois (1872-1957) protestante du travail et de la tradition Naturalisé, il se considère avant tout Vue de Montagny (1902) Huile sur toile, 72,3 x 87,4 cm avait une grande importance. Toutefois, comme Français, à tel point qu’il veut Banque Cantonale Vaudoise, sa cote s’amoindrit avec la révolution s’engager durant la guerre de 14-18. Lausanne industrielle qui, d’une certaine manière, Il n’est pas retenu pour une question dégrade le monde paysan auquel il est d’âge. Toutefois, il apprécie le retour tant attaché. aux sources pour ses vacances.

Appréciés à Paris mais incompris Marius Borgeaud (1861-1924) est né des Vaudois à Pully, à La Muette, résidence où vivra Fils de droguiste, Félix Vallotton (1865-1925) plus tard Charles-Ferdinand Ramuz. est né au coeur de Lausanne, à la place de Il se découvre des affi nités avec la peinture la Palud. Très vite, il s’intéresse aux arts et lors d’un séjour à Alger chez un cousin. bien qu’issu d’une famille bourgeoise, cette Il faut savoir qu’à l’époque le métier dernière ne s’oppose pas à sa vocation et d’artiste n’est pas considéré comme va jusqu’à l’installer à Paris, une fois son glorieux, et d’ailleurs beaucoup d’entre collège terminé. Très polyvalent dans ses eux ont « un vrai métier » pour subvenir

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à leurs besoins. Borgeaud n’a pas ce déception du premier regard. Il a toujours dans une église protestante ou catholique problème car il hérite de sa famille une refusé les concessions pour plaire et pour s’en rendre compte. coquette somme d’argent qui le met s’adapter aux goûts du public. Incompris hors du besoin. Il en profi te âprement et par les Vaudois qui qualifi ent son travail L’infl uence des faits historiques peut-être même un peu trop. Il dilapide sa d’austère, trop simple et pauvre dans ses L’impressionnisme fait son apparition fortune en voyages, alcool et en femmes, sujets traités, il se brouille avec son canton durant le dernier quart du 19e siècle et 29 mais se raisonne et demande à être mis sous natal et refuse dorénavant d’y exposer. veut que le peintre sorte de son atelier tutelle pour se protéger de ses démons. Il rencontre Charles-Ferdinand Ramuz à et reproduise sur sa toile les émotions et Paris avec qui il tisse une grande amitié visions laissées par ce qu’il voit. Ernest Biéler C’est sur le tard qu’il trouve enfi n sa voie et qui peut être qualifi é comme étant son (1863-1948) est très sensible à cette tendance après avoir tenté, beaucoup plus jeune, pendant au niveau littéraire, notamment et s’en imprègne. L’Ecole de Savièse, qui une formation à l’Ecole Industrielle et une par l’austérité de leurs œuvres respectives, désigne des artistes peintres ayant trouvé autre dans une banque. Avec une persévé- mais également pour leur admiration l’inspiration dans la commune valaisanne ou rance inattendue, il débute à 39 ans des commune pour Cézanne. y ayant vécu, le compte parmi ses membres. études de peinture. Reconnu à Paris par ses pairs pour ses représentations de jeux Les écrivains mènent la barque Père du postimpressionnisme (1880-1906), de lumière dans des intérieurs, il reste Il est intéressant de relever l’importance Cézanne (1839-1906) ajoute une structure incompris de ses compatriotes. Très déçu majeure de la presse écrite aux 19e et 20e intellectuelle à l’impressionnisme, qui se veut par ce manque de considération, il siècles, ainsi que l’infl uence que les gens de uniquement ciblé sur les impressions et les demande la nationalité française. plume ont sur l’opinion publique. D’autant émotions. Son œuvre a eu une grande plus que la peinture n’est pas considérée infl uence chez nous, notamment sur Paul Aucune concession comme noble, contrairement à la littérature. Budry, critique d’art, écrivain et journaliste, Bien que né dans une bonne famille, Pour Christophe Flubacher, auteur du livre ainsi que sur Charles-Ferdinand Ramuz, René Auberjonois (1872-1957) ne s’est Les peintres vaudois, cette tendance semble écrivain. Ceux-ci adhèrent très rapidement à jamais abandonné à la facilité et aux parfaitement logique, surtout à une époque ce mouvement et relèvent leur attachement modes de l’élégance chères aux personna- où la religion fait partie intégrante de la vie à ce nouveau courant dans leurs écrits. lités de son milieu. Il apprécie ce qui est de chacun et dans un canton protestant. élémentaire, primordial et libre de tout En eff et, il précise que le protestantisme L’eff ervescence du fauvisme, entre 1900 et artifi ce. Pour accéder à son art, il faut est plus facilement assimilé à la parole et 1910, s’exprime par l’utilisation de couleurs savoir outrepasser le sentiment de le catholicisme aux images : il suffi t d’entrer vives.

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BCV_Pointsforts16.indd 29 12.2.2009 18:19:10 Les artistes vaudois Charles Clément (1889-1972) et Rodolphe-Th éophile Bosshard La collection d’art BCV (1889-1960) sont touchés par ce mouvement, notamment dans l’expression de leurs nus.

Avant d’être collectionneuse ou mécène, L’Espagnol (1881-1973) réalise en 1907 le tableau Les Demoiselles d’Avignon, la BCV est une banque cantonale qui a notamment pour vocation de contribuer considéré comme le point de départ du cubisme. Ce mouvement infl uence particuliè- au développement de l’économie locale rement les Vaudois Alice Bailly (1872-1938) et Rodolphe-Th éophile Bosshard. Gustave de son canton. Les artistes vaudois font Buchet (1888-1963) s’en imprègne, mais se tourne petit à petit vers l’abstraction et le bien entendu partie de l’équation. purisme de l’architecte Le Corbusier, qui peint sous son vrai nom, Jeanneret. Ce mouve- ment porte bien son nom car il se veut simple et sans fi oritures, à l’image de l’architecture Depuis plus de quarante ans, la BCV sou- tient activement la production artistique de Le Corbusier. Alice Bailly y associe du futurisme italien, en introduisant dans ses œuvres vaudoise en achetant des œuvres aux la notion de mouvement. artistes du canton. Au fi l du temps, sa collection d’art est devenue incontourna- L’éclatement de la Première Guerre mondiale incite les artistes vaudois vivant à l’étranger ble, au même titre que celle du Musée des à rentrer au pays. Après avoir goûté aux avant-gardes parisiennes, le retour à la réalité est Beaux-Arts, selon Christophe Flubacher, auteur du livre Les peintres vaudois. Elle est diffi cile. En eff et, ils sont contraints de revenir à une peinture plus traditionnelle afi n de composée de plus de 2 000 œuvres datant pouvoir subsister. Le domaine artistique est fortement touché ; beaucoup de galeries et du début du 20e siècle jusqu’à ce jour, et même le salon des peintres romands doivent fermer leurs portes, faute de ventes. compte près de 500 artistes diff érents. Très doué, insaisissable et libre dans son art, Bosshard s’adapte facilement à ces contraintes Il faut toutefois préciser qu’un artiste vaudois ne doit pas forcément être d’origine de et touche un peu à tous les styles sans y voir une quelconque trahison de ce qu’il produisait notre canton, mais simplement avoir avant la Première Guerre mondiale. Il crée en toute liberté sans s’accrocher à un style. baigné d’une quelconque manière dans En revanche, pour Alice Bailly cette transition et cette nécessité d’adaptation sont plus notre culture. En eff et, le fait d’être né dans diffi ciles. En eff et, durant trois ans elle pointe au chômage et survit grâce à ses amis et 30 le canton ou d’y avoir vécu peut suffi re. son mécène Oscar Reinhardt. Elle en tombe éperdument amoureuse, mais ce sentiment La BCV ne s’en tient pas uniquement n’est malheureusement pas réciproque. au soutien de la cause artistique, elle a également toujours tenu à partager ces Le fi guratif reprend le dessus richesses culturelles avec le public vaudois. Durant la période de l’Entre-deux-guerres, les valeurs politiques de droite ont la cote. Pour ce faire, tous les salons destinés à la Les tiraillements entre Alémaniques et Romands se font ressentir, notamment au niveau clientèle portent le nom de l’artiste qui orne leurs murs. De plus, en tant que culturel, et l’art abstrait est quasiment considéré comme de la propagande venant de partenaire principal de la Nuit des Musées, la BCV profi te de cette occasion pour présenter, une fois par année, certaines œuvres de sa collection à tous les Vaudois 5. Rodolphe-Th éophile Bosshard (1889-1960) et non pas seulement à ses clients. Nu assis à la pantoufl e rouge (non daté) Huile sur toile, 100 x 81 cm Pour Chantal Prod’hom, directrice du Banque Cantonale Vaudoise, Lausanne Musée de design et d’arts appliqués contemporains (mudac), la collection 6. Gustave Buchet (1888-1963) d’art BCV, qu’elle qualifi e de formidable et Nature morte (1930) représentative de la production vaudoise, a Huile sur toile, 60,5 x 73,5 cm été construite avec clairvoyance. Complète Banque Cantonale Vaudoise, Lausanne tant aux niveaux des styles et des techniques 7. Aloïse (1886-1964) que des générations, elle souligne son côté Pêche miraculeuse transgénérationnel, qui a pour particularité du brodequin de Th alie (non daté) d’aller à l’encontre de la tendance actuelle Dessin aux crayons de couleur, à trop valoriser le jeunisme. 101,3 x 72,3 cm Banque Cantonale Vaudoise, Lausanne

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l’Allemagne et de l’Europe de l’Est. L’abstrait perd ses lettres de noblesse et le fi guratif reprend le dessus ; on recherche une peinture basique et on dénigre les mouvements Aloïse ou la peinture comme avant-gardistes du début du 20e siècle. Les artistes suisses se retrouvent sans le sou et la évidence Confédération se voit obligée de puiser dans les caisses de l’Etat pour les aider. C’est dans Née à Lausanne en 1886, Aloïse Corbaz, ce cadre qu’Auberjonois est amené à décorer l’Abbaye Dézaley et Bailly le Th éâtre Munici- dite Aloïse, perd sa mère à onze ans. C’est sa pal de Lausanne. sœur aînée qui s’occupe de son éducation. Envoyée en 1911 en Allemagne comme La Seconde Guerre mondiale est pour la Suisse un élément unifi cateur, contrairement à gouvernante d’enfants du chapelain de l’empereur Guillaume II, elle découvre la vie la Première Guerre qui accentue le « Röstigraben ». A cette époque, la censure bride les de cour et le Kaiser pour qui elle développe artistes, ce qui appauvrit la production artistique. Tout est propagande pour maintenir de grands sentiments. Contrainte à rentrer une cohérence patriotique. en Suisse en 1914 et frustrée par cet amour impossible, les premiers signes de perturba- Retour à l’abstrait tions mentales se font ressentir. Internée en 1918 à l’hôpital de Cery pour schizophrénie A la fi n de la Seconde Guerre mondiale, le retour à l’abstraction est bienvenu pour s’échap- et démence paranoïde, elle sera ensuite per et oublier les atrocités de la guerre. Les mouvements d’autrefois venaient de Paris ou transférée à l’Asile de la Rosière, à Gimel, où Berlin alors que, dès l’après-guerre, ce sont les Etats-Unis qui lancent les tendances, et plus elle restera jusqu’à sa mort en 1964. particulièrement New York. Au début de son internement, elle n’est que l’ombre d’elle-même mais fi nit par prendre Les années soixante voient de la fi guration avec le popart, qui démocratise l’art en peignant congé de son ancienne vie de citoyenne libre notamment ce qu’une ménagère met dans son caddy. Pendant les années huitante, en se créant son monde. Elle donne vie à ses l’abstraction est radicalisée et l’art conceptuel, qui veut que ce soit l’idée qui compte et personnages en les apposant sur le papier. non l’aboutissement et la fi nalisation d’un travail, est lancé. Les années nonante s’ouvrent à la Festifs, ses dessins représentent des contes liberté d’expression ; les travaux des jeunes artistes actuels montrent qu’ils ont tous leur média de fées, des amours princières où elle incarne ses personnages préférés. Extérioriser ainsi ses 31 de prédilection, que ce soit la vidéo, la photographie, les installations ou la peinture. On ne émotions lui permet de canaliser ses colères e peut affi rmer que le passage au 21 siècle soit un virage signifi catif pour l’art. Toutefois, les et, bien que considérée comme malade, frontières ne sont plus aussi diffi ciles à franchir, ce qui permet aux artistes vaudois, suisses son monde et ses représentations sont ou d’autres pays de s’exporter plus facilement et off re ainsi une belle dynamique. cohérents, selon Jacqueline Porret-Forel, médecin qui lui consacra notamment sa thèse et qui est, à ce jour, présidente de la Sources : - Christophe Flubacher, Les peintres vaudois (1850-1950), Lausanne, Editions Favre, 2008 Fondation Aloïse. - Peintres vaudois, sous la direction de René Berger, Lausanne, Banque Cantonale Vaudoise, 1970 Avec son crayon entre les mains, Aloïse est reine. Une fois son crayon posé, elle redevient pensionnaire. Victime de son succès, il semble que son art, ou plus précisément sa valeur mercantile, l’ait tuée : lorsque l’Etat lui attribue une ergothérapeute pour diriger sa création, ses œuvres, d’habitude si colorées, trahissent son manque soudain de goût à la vie. Elle décède peu après. Dans ce cas précis, l’art brut prend tout son sens car il s’agit bien d’un art réfl exe de survie. Brider ou canaliser cette énergie, à l’encontre du respect de la personnalité, peut aller jusqu’à tuer.

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BCV_Pointsforts16.indd 31 12.2.2009 18:19:51 Brèves BCV

Christmas Midnight Run BCV 24H Villars

Une foule de joyeux Pères Noël se sont pressés au rendez-vous Les rois de la glisse ont encore une fois prouvé leur volonté d’aller de la 3e édition de la Christmas Midnight Run, samedi 20 décembre plus vite et plus loin, lors du BCV 24H Villars les 17 et 18 janvier 2008. Sportifs confi rmés ou amateurs, ce sont au total quelque 2009, pour récolter des fonds en faveur d’organisations d’aide 1 700 concurrents qui ont pris le départ à la place de la Riponne à l’enfance, Springfi eld et Th éodora. Ce sont cette année plus pour fouler le pavé des rues lausannoises dans une chaleureuse de 500 coureurs qui ont additionné les kilomètres à ski durant atmosphère de fêtes de fi n d’année. La course nocturne a réservé 24 heures, soit un très beau total de 38 250 km, pour récolter quelques surprises de Noël : en invitée spéciale, l’actrice Anne la somme de CHF 210 000. Des vols captifs ont été organisés Richard, ambassadrice de la BCV, habillée de rouge et de blanc, samedi dans le ballon orné des couleurs de la BCV, off rant une a participé à la course des Pères Noël, donné les départs et remis vue d’ensemble sur le site ensoleillé. La Banque se réjouit de la les prix aux gagnants. mobilisation des participants et des organisateurs autour de cet événement sportif riche en émotions.

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BCV_Pointsforts16.indd 32 12.2.2009 18:20:04 BRÈVES

Ballons de Château-d’Œx 20 km de Lausanne

Trente-et-une éditions, 80 montgolfi ères, une dizaine de formes Populaire et dynamique, la course des 20 km de Lausanne spéciales, plus de 600 décollages et neuf jours de féérie aérienne s’est fait une place de choix dans les épreuves d’endurance de dans le ciel : ce sont les chiff res du traditionnel Festival interna- la capitale olympique : 28 éditions et un succès jamais démenti ! tional de Ballons de Château-d’Œx qui s’est déroulé du 24 janvier L’an passé, plus de 16 400 coureurs se sont inscrits à la au 1er février devant 40 000 paires d’yeux émerveillés. Vendredi manifestation. Cette année, vu l’enthousiasme suscité par le soir, le traditionnel spectacle Night Glow a enfl ammé la nuit de parcours des 2 km « courir pour un petit plaisir », un deuxième ses lumières magiques et fl amboyantes. Entre démonstrations et départ sera donné pour les plus jeunes. Présente aux côtés des compétitions, le village du Pays-d’Enhaut est devenu pendant organisateurs depuis la première édition de la course en 1982, une semaine la capitale mondiale de la montgolfi ère en milieu la BCV encourage chacun à chausser ses baskets : tous au départ alpin, attirant des pilotes d’une vingtaine de pays diff érents. le 25 avril prochain au stade Pierre-de-Coubertin !

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BCV_Pointsforts16.indd 33 12.2.2009 18:20:11 Saveurs maltées dans la cuve

Déjà célèbre pour son vin, le canton de Vaud pourrait bien se faire connaître pour ses bières. Rencontre en altitude avec un brasseur amoureux de ses belles mousseuses.

Par Sylvie Ulmann l’oubli. Ce n’est que dans les années 1980 couleur à la bière. » Une fois le mélange que les microbrasseries l’ont redécou- prêt, les malts sont concassés entre deux A Sainte-Croix cet après-midi-là, un vent verte. La petite touche de l’artisan ? « J’en cylindres et passent dans la pièce voisine. frais tourbillonne dans les ruelles. Mais propose une interprétation en brune, car Là, on se croirait dans la cuisine d’un géant. on l‘oublie aussitôt passée la porte de la je ne suis pas sûr qu’à l’époque on savait Dans une immense marmite, c’est parti pour brasserie des Trois Dames, installée dans sécher les malts sans qu’ils foncent. » une bonne heure et demie de cuisson au l’ancienne menuiserie du village. Raphaël minimum, une fois que les céréales ont Mettler, brasseur et maître des lieux, Au commencement, le malt été mélangées à l’eau chaude. L’eau est à nous accueille avec un sourire et un C’est par le malt – l’orge germé et séché, la bière ce que la terre est au vin. Douce verre. On entre chez un orfèvre du malt, le nerf de la bière – que tout démarre. ou dure, elle va infl uencer la fabrication 34 et une gorgée de sa bière vaut mieux Aux Trois Dames, les sacs de la précieuse de certains types de bières. Et de ce côté- que de longs discours. Sa brasserie, il l’a céréale s’empilent contre les murs d’une ci, Raphaël Mettler est verni : à Sainte- baptisée en clin d’œil à ses trois dames petite pièce glacée. On en compte une Croix, sa dureté moyenne est comparable à lui : sa femme et ses deux fi lles. dizaine de sortes, du plus clair au plus à celle de Dublin, de la Bavière ou de la foncé. Il y a le malt blond Pilsner, pâle, Belgique, trois hauts-lieux en matière de Depuis les premiers brassins mis en riche en amidon, tendre et doux sur la tradition brassicole. cuves en juin dernier, la famille s’est langue : « Voilà la base de toutes mes agrandie de brunes, blondes et blanches bières. Il nourrit les levures et fait sortir Un parfum de houblon pétillantes. Sa préférée, l’India Pale Ale. l’alcool », commente Raphaël Mettler. Mais voilà que ça s’agite dans la marmite. Avec sa robe ambrée, elle vous laisse une Viennent ensuite le malt caramel, plus Le moment est venu d’ajouter le houblon. belle amertume sur le palais. Un véritable foncé, séché à une température plus « Il apporte de l’amertume et de l’arôme. voyage gustatif. Pas étonnant lorsque élevée et qui croque sous la dent. Moins Celui-ci vient du Nord-Ouest des Etats-Unis, l’on sait d’où elle vient : « Les Anglais l’ont riche en sucres, il est plus âpre. Puis le commente le brasseur, une poignée de inventée pour l’envoyer à leurs troupes malt torréfi é, avec son goût de cheminée, fl eurs sèches rappelant de tout petits stationnées en Inde, raconte le brasseur. qui se laisse moins volontiers mâcher. artichauts dans la paume. Il pousse dans Mais pour supporter le voyage, la bière une vallée pleine de vergers et prend le devait être riche en houblon, qui joue le Le brasseur met au point son mélange parfum des fruits. Et au fi nal, on retrouvera rôle d’agent de conservation. Il a fallu en fonction de la bière qu’il va créer ce ces parfums de pamplemousse, litchi et qu’un bateau qui en transportait chavire jour-là. « Tout ce qui est doux dans une fruits tropicaux dans le verre. A la diff érence au large de Londres pour que les Anglais bière vient du malt, relève-t-il. Plus on met des houblons allemands, par exemple, qui non expatriés découvrent qu’il s’agissait en de malt, plus on aura de matière, de nour- sont herbacés et plus épicés. » réalité d’un excellent breuvage. » Ce style riture pour les levures, donc plus on aura de bière a été populaire pendant une d’alcool à la fi n. Les malts spéciaux, cara- Une fois la cuisson terminée, le moût trentaine d’années avant de tomber dans mels, toastés ou torréfi és, eux, donnent sa est extrait par centrifugation. Il va reposer

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BCV_Pointsforts16.indd 35 12.2.2009 18:20:21 Le bon accord

Comme pour le vin, à chaque type de plat sa bière.

Avec un mets exotique très épicé, indien, mexicain ou thaï par exemple, on préférera une bière très houblonnée, comme les fameuses Indian Pale Ale dont l’amertume résistera aux piments.

Avec une viande rouge, on servira une brune bien charpentée en malts, pas trop amère, qui ne se laissera pas démonter par une bonne sauce.

Une blonde forte et bien houblonnée fera merveille avec les fromages, dont elle neutralisera la dureté.

Une blanche sera idéale avec du poisson, dont elle ne tuera pas les arômes délicats.

Et la bière se laisse aussi très bien cuisiner ! On peut l’utiliser pour remplacer le vin dans une sauce, par exemple. Dans ce 36 cas, on évitera les breuvages trop amers. A Sainte-Croix, une boucherie fabrique 20 minutes, le temps qu’un monticule de fl eurs de houblon et de restes d’enveloppes déjà un saucisson avec le stout des Trois Dames ! de céréales se forme au fond de la cuve. Le moût sera ensuite refroidi, passant de 95° à 20°, soit la température de fermentation pour les ale, les bières de haute fermentation. Les lager, elles, fermentent plutôt à 10°. On ajoute les levures et de l’oxygène et la fer- mentation démarre. Une fois qu’elle est achevée, le tout est mené à 2°, puis versé dans l’une des quatre immenses cuves de garde en inox de 1 500 et 3 000 litres.

Brassins maison On a de la peine à croire que ses premiers brassins, Raphaël Mettler les a faits chez lui. Il nous rassure : « J’ai commencé avec 20 litres, puis je me suis off ert une petite installation où j’atteignais les 250 litres. De quoi fournir trois ou quatre établissements. » Aujourd’hui, on trouve les Trois Dames dans une centaine de bars, magasins et chalets d’alpage à la belle saison. Et ce n’est que le début ! Le brasseur aimerait augmenter sa production à trois ou quatre brassins hebdomadaires – pour l’instant, il n’en fait pas plus de deux. On le sent impatient d’y être, mais il a suffi samment les pieds sur terre pour ne pas se lancer à l’aveugle dans une production qui lui resterait sur les bras. Le commerce, ça le connaît! Avant de glisser dans les houblons, il avait monté une société de distribution de vêtements, chaussures et skateboards. Une activité qui l’a amené à voyager souvent en Amérique du Nord, notamment en Californie.

Les belles Américaines C’est là qu’il a découvert la bière non fi ltrée et non pasteurisée de microbrasseries et a commencé à l’apprécier. Petit à petit, l’envie lui est venue de concocter lui-même

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ce type de breuvage si diff érent de tout ce qu’il trouve de retour en Suisse. Jusqu’en 2006, il se contente de ses 2,5 hectolitres à la maison. Puis, cet été-là, après avoir vendu sa société, il embarque ses trois dames au Canada. Pendant que les fi lles sont à l’école, il brasse dans des pubs, des restaurants, des brasseries, histoire d’apprendre et aussi de se faire un nom sur la scène brassicole. Et il retient bien les leçons, car on ne compte plus les médailles que ses belles ont reçues de Soleure à Montréal en passant par l’Allemagne. « J’ai parcouru toute la région de Vancouver-Seattle-Portland. Cette région est très im- portante dans le monde nord-américain de la bière. Leurs créations sont assez extrêmes, c’est passionnant. » Une région qui continue à l’inspirer : sa Pale Ale est un clin d’œil à Vancouver et aux bières qu’il brassait là-bas. Sur l’étiquette, la ville est en arrière-plan d’un bateau rempli de houblons.

Un espresso svp ! Mais il pioche aussi dans le terroir vaudois. Son « Espresso Stout », un breuvage foncé à base de malt torréfi é, parfumé au café, est à base de café La Semeuse ! Il brasse aussi une blonde légère baptisée « Voisine », uniquement destinée à la région de Sainte-Croix et qui a été très appréciée dans les chalets d’alpage.

Hors des frontières vaudoises, ses créations ont déjà leurs adeptes dans les cantons de Genève et de Bâle. Reste à conquérir le reste de la Suisse, un défi qui ne semble pas eff rayer notre brasseur. Il rêve même d’exportation aux Etats-Unis.

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BCV_Pointsforts16.indd 37 12.2.2009 18:20:52 La microbrasserie n'est pas une question « de taille, mais de philosophie. Le but est d'apporter une diversité dans l'assortiment et une vraie culture de la bière avec le respect de la tradition.»

Raphaël Mettler

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Mais à trop grandir, ne risque-t-il pas de Notre brasseur aime prendre des risques sacrifi er la qualité à la quantité ? « Non ! lors de ses expériences brassicoles, mais La microbrasserie n’est pas une question il reste prudent au chapitre commercial. de taille, mais de philosophie. Le but est « Je me suis installé à Sainte-Croix d’abord d’apporter une diversité dans l’assorti- parce que j’ai grandi ici. Mais aussi parce ment et une vraie culture de la bière avec qu’il me paraissait logique de brasser là le respect de la tradition. D’ailleurs, certai- où aucune culture vinicole n’est implan- nes microbrasseries nord-américaines sont tée, contrairement à la Côte. » L’image de plus grandes que Feldschlösschen, mais la montagne lui tient beaucoup à cœur. elles sont toujours considérées comme On la retrouve fréquemment sur les « micro » parce qu’elles misent sur la étiquettes. « Je les dessine souvent moi- diversité des produits et sur la culture même, précise-t-il en s’excusant presque. de la bière. » Mais pour les personnages, je demande de l’aide à un ami, Denis Perret-Gentil, qui Et de nous chuchoter son secret : est peintre et sculpteur ! ». Ce brasseur a « La qualité ne se joue pas dans le nom- plusieurs cordes à son arc, décidément. bre d’hectolitres brassés, mais dans les levures. Mieux vaut ne pas en utiliser trop de souches diff érentes, car toutes ne réa- gissent pas de la même façon et là, on ris- que de perdre le contrôle. Voilà pourquoi je n’utilise que deux souches, une pour les blanches et une autre pour tout le reste. »

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BCV_Pointsforts16.indd 39 12.2.2009 18:21:14 «La confiance, le plus précieux des partenaires.» Lausanne, 10h54. Stan Wawrinka, champion olympique de tennis en double. Le joueur vaudois sait que le succès est aussi une affaire de partenaire.

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