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2020 HIPPOLYTE ET ARICIEJEAN-PHILIPPE RAMEAU

11, 14, 15, 18, 21, 22 NOVEMBRE 2020

1 Soutenu par

Soutenu par

AVEC L'AIMABLE AVEC LE SOUTIEN DE PARTENARIAT MÉDIA Madame Aline Foriel-Destezet, PARTICIPATION DE

Grande Donatrice de l’Opéra Comique

Spectacle capté les 15 et 18 novembre et diffusé ultérieurement.

2 HIPPOLYTETragédie lyrique en cinq actes de Jean-Philippe ET ARICIE Rameau. Livret de l’abbéer Pellegrin Créée à l’Académie royale de musique (Opéra) le 1 octobre 1733. Version de 1757 (sans prologue) avec restauration d’éléments des versions antérieures (1733 et 1742). Raphaël Pichon Direction musicale - Jeanne Candel Mise en scène -Lionel Gonzalez Dramaturgie et direction d’acteurs - Lisa Navarro DécorsPauline - Kieffer Costumes -César Godefroy Lumières - Yannick Bosc Collaboration aux mouvements - Ronan Khalil * Chef de chant - Valérie Nègre Assistante mise en scène -Margaux Nessi Assistante décorsNathalie - Saulnier Assistante costumes - Reinoud van Mechelen Hippolyte - Elsa Benoit SylvieAricie Brunet-Grupposo - Phèdre - Stéphane Degout Opéra Comique Thésée - Nahuel Di Pierro Production Opéra Royal – Château de Versailles Spectacles , Pluton -Eugénie Lefebvre Coproduction Diane - Lea Desandre Prêtresse de Diane, Chasseresse, Matelote, BergèreSéraphine - Cotrez © Édition Nicolas Sceaux 2007-2020 Œnone - Edwin Fardini Pygmalion. Tous droits réservés Constantin Goubet* re Tisiphone - Martial Pauliat* e 1 Parque - 3h entracte compris Virgile Ancely * 2 Parque,e Arcas - Durée estimée : 3 ParqueGuillaume - Gutierrez* Mercure - * MembresYves-Noël de Pygmalion Genod Iliana Belkhadra Introduction au spectacle Chantez Hippolyte Prologue - Leena Zinsou Bode-Smith (11, 15, 18 et 22 novembre) / et Aricie et Maîtrise Populaire de(14 l’Opéra et 21 novembre) Comique sont temporairement suspendues en raison de la des conditions sanitaires. Chœur et Orchestre - Pygmalion

3 À LIRE AVANT LE SPECTACLE Agnès Terrier Par

C’est à l’âme que Intellectuel et artiste, admiré ou briguait la reconnaissance publique, la musique doit parler. contesté, cible de débats et de que les musiciens ne trouvaient L’expression de la pensée, querelles, Rameau occupait la place que dans ce temple officiel. du sentiment, des passions doit être aussi centrale qu’inconfortable de le vrai but de la musique », affirmait compositeur vivant le plus joué à L’Opéra rassemblait, dans sa salle Hippolyte et Aricie Jean-Philippe Rameau en 1760. l’Opéra. Depuis son premierer opus, du Palais-Royal, un remarquable , paru le 1 octobre orchestre, une troupe chantante, Bien des penseurs des Lumières 1733, il était programmé en moyenne un ballet et des peintres de décor. souscrivaient à cet idéal. Mais pour deux années sur trois, pour de longues Il fallait se plier aux contraintes certains, Rameau le trahissait. Car séries de représentations, soit d’un du genre que le fondateur Lully, mort s’il se flattait, dans sa musique, nouvel ouvrage, soit d’une reprise. en 1687, avait baptisé « tragédie de « cacher l’art par l’art même », Expressive parce qu’exigeante, en musique ». Cela supposait il poursuivait obstinément des sa musique faisait toujours de bien servir les vers du livret, recherches savantes sur le « corps sensation et allait rester populaire et aussi de valoriser la danse dans sonore », au LeprixCode de publicationsde musique jusqu’à la Révolution. la trame dramatique. pratiquearides – tel Hippolyte et Aricie cité ici. Pourquoi ce besoin En 1733, avait La chance de Rameau fut d’obtenir un d’expliquer ce que son inspiration presque fait scandale. L’Opéra livret de Pellegrin. De vingt ans plus devait au travail ? Au fond, n’avait- – l’Académie royale de musique, âgé, ce collaborateur expérimenté il pas, comme disait Rousseau, en termes administratifs – lançait de Destouches, Desmarest « plus d'habileté que de fécondité, avec ce titre un débutant au profil et Montéclair était un abbé original : plus de savoir que de génie » ? original : alors âgé de 50 ans, « Le matin catholique et le soir Ses écrits fournissaient des armes Rameau était surtout réputé comme idolâtre / Il dîne de l’autel et soupe à ses détracteurs… théoricien de l’harmonie. Or il du théâtre » disait une épigramme.

4 Pellegrin savait construire une pièce Éclairé par les sources, Pellegrin Phèdre, et justifier sa cruauté par équilibrée – en un prologue et cinq fit de son livret la matrice d’un l’épreuve traumatique, tout en offrant actes –, répartir scènes obligées spectacle total. au public une demi-heure de grand et occasions musicales (cérémonie, spectacle. Pellegrin multiplie enfin les tempête, apparitions, etc.), organiser Déesses et dieux prennent part personnages secondaires, singuliers les interventions des protagonistes, à l’action, ce qui permet et collectifs, chantants et dansants. écrire des vers concis et harmonieux. le déploiement d’une féerie sonore Et comme l’opéra n’est pas soumis aux et visuelle. Le point de vue des règles des unités, il varie les lieux – L’autre chance de Rameau futPhèdre que amoureux, qu’indique le titre, temple, enfers, palais, rivage et jardin – Pellegrin choisit d’adapter la transforme la tragédie en pastorale, pour inspirer autant d’atmosphères. de Racine. Pari risqué : la pièce était autorisant des scènes tendres, jouée tous les ans à la Comédie- voire galantes, et une fin heureuse – Rameau accueillit ce canevas comme Française depuis sa création en 1677. de bon ton à l’opéra. un magnifique terrain de jeu. Il y Mais ne devait-elle pasAtys un peu de son multiplia les prouesses en matière charme à l’influence d’ de Quinault Diane connaît une métamorphose de construction musicale, d’usage et Lully, créé un an auparavant à singulière : la déesse de la chasteté dramaturgique de l’harmonie, l’Opéra ? Pellegrin justifiait surtout élargit son périmètre à l’amour d’invention mélodique, de couleurs son choix en invoquant Euripide vertueux – la chasseresse tendant instrumentales, d’expressivité et le mythe : par sa composante vers l’abbesse éclairée. Thésée est chorégraphique. Avec des audaces, merveilleuse, celui-ci était, au fond, corrigé. Chez Racine, il condamnait comme la conclusion de l’acte II, moins approprié à la tragédie qu’à son fils Hippolyte sur un soupçon. où il recourut à une enharmonie l’opéra, genre spécifiquement voué Chez Pellegrin, il passe un acte entier effroyable, proprement inouïe, pour au spectaculaire. aux enfers : de quoi renforcer son matérialiser l’effet ravageur que étoffe héroïque face à la magnétique produit la prédiction des Parques sur

5 la raison de Thésée – un passage que Celles-ci parurent d’abord Le goût changea radicalement avec l’orchestre de l’Opéra mit du temps compromises. Habitué à la noble Gluck, à la veilleHippolyte de la Révolution. à comprendre, puis à exécuter ! simplicité de Lully et aux grâces Si bien qu’ ne revint Hippolyte de l’opéra-ballet, le public fut à à l’Opéra qu’en 1908 : véritable rénovait la tragédie en la fois étourdi et subjugué. Bientôt redécouverte alors, orchestrée par musique, lui offrant une forme plus s’opposèrent les conservateurs Messager, d’Indy et Saint-Saëns, organique, des moyens expressifs « lullystes » et les progressistes applaudie par Fauré et Debussy. plus étendus. Les « symphonistes » « ramistes »… Le fameux Campra La véritable renaissance eut lieu de l’orchestre se sentirent vite fit au prince de Conti ce rapport : en 1983, à Aix-en-Provence, dans flattés. Et les solistes de la troupe « Monseigneur, il y a dans cet opéra une production signée Pier Luigi gratifiés. Phèdre et Aricie furent assez de musique pour en faire dix : Pizzi, qui fut présentée en 1985 à créées respectivement par Marie cet homme nous éclipsera tous… ». l’Opéra Comique, sous la baguette Antier – grande lullyste vieillissante, À un ami, Voltaire confia :Hippolyte « J’assistais et Aricie. de William Christie. Deux ans avant maîtresse de l’administrateur hier à la première d’ la résurrection d’ . de l’Opéra – et Marie Pélissier, « à l’art La musique est d’un nommé Rameau, délicat et au jeu pathétique » (dixit homme qui a le malheur de savoir Partant de la version de 1757, fruit un portrait). Le beau Tribou, « parfait plus de musique queLe Lully. Mercure C’est un de vingt-quatre années de modèleLe Mercure de déclamation, lyrique » pédant. » En octobre, loua maturation, donnée alors sans ( ) prêta à Hippolyte « une musique mâle et harmonieuse, prologue, Raphaël Pichon et Jeanne sa voix de haute-contre. À Thésée, d’un caractère neuf », mais au mois Candel rendent justice à l’audace la basse-taille Chassé apporta un de mai suivant, on y lisait : « Au lieu de de Rameau tout en remontant aux talent d’acteur admiré par Rousseau. la gaieté, du turbulent ; rien qui peut sources de la tragédie. Dans les petits rôles débutèrent aller au cœur. Lorsque par hasard de futures vedettes : Jélyotte – futur il s’y rencontre deux mesures qui Les masques et le respect des Hippolyte, puis Platée – en Amour ; peuvent faire un chant agréable, l’on règles sanitaires, dont témoignent Mlle Petitpas – transfuge de l’Opéra change bien vite de ton, de mode et de les photographies des répétitions Comique, au « ramage de rossignol » – et mesure. Le singulier est du , à l’Opéra Comique, n’empêchent la brillante Camargo – maîtresse d’un la fureur du tintamarre ». pas la musique et le théâtre de prince du sang – dans des apparitions s’y épanouir en cette période de respectivement chantées et dansées.Les Les représentations de 1733-1734 pandémie. Peut-être Rameau RameauIndes galantes allait les retrouver pour furent suivies de reprises en 1742-1743, nous guide-t-il, lui qui savait , puis pour les chefs- puis en 1757. À chaque fois, Rameau mieux que personne tourner les d’œuvre ultérieurs,Hippolyte tout comme pour peaufina son opéra inaugural, qui fut règles les plus intransigeantes les reprises d’ . encore donné après sa mort, en 1767. au profit de l’art.

6 sa vertu pour en réchapper, Pluton rouerie d’Œnone convainquent le roi l’adresse aux juges infernaux. Mais les qu’Hippolyte a dû agresser sa belle- enfers recèlent de telles horreurs que mère. Après l’accueil chaleureux de la ARGUMENT Thésée réclame bientôt la mort. population qui fête son retour, Thésée ACTE I demande à Neptune – ultime vœu – de Or les Parques lui annoncent que punir Hippolyte. l’heure n’est pas venue. Thésée invoque ACTE IV À la cour de Thésée, le culte de Diane est alors son père Neptune qui lui devait célébré, sous l’égide du prince Hippolyte, trois vœux : après lui avoir ouvert les par de chastes prêtresses. Princesse enfers, il doit l’aider à en sortir. Neptune Hippolyte banni fait ses adieux à Aricie captive, Aricie doit intégrer cet ordre envoie Mercure intercéder auprès de et révèle la cause de son départ. Rester contre son gré. Alors que la cérémonie Pluton, qui relâche Thésée. Non sans à la cour devient dangereux pour elle : s’apprête, Hippolyte et elle s’avouent un que les Parques énoncent une terrible il lui propose de fuir ensemble. Ils en amour réciproque. Il leur faut contrarier prédiction… appellent à Diane qui peut seule les unir. le culte et la reine Phèdre, garante de la ACTE III volonté de Thésée. En réponse surviennent les disciples de la déesse. Leurs réjouissances sont Maudite par Vénus, la famille de Phèdre perturbées par un monstre marin. Phèdre réagit avec une telle colère subit la fatalité de l’amour, et Phèdre n’a que Diane intervient, en protectrice de de cesse de supplier la déesse. Thésée Hippolyte veut l’affronter mais il est l’innocence et de la liberté de choisir. disparu, elle doit faire la paix avec englouti. Alertée par les plaintes, Phèdre Or Phèdre a un secret : elle aime Hippolyte, prince héritier. découvre qu’Hippolyte a été puni à sa Hippolyte, le fils de son époux. place. Elle sombre dans le remords. Comme elle lui assure sa bienveillance, ACTE V Quand Archas annonce que Thésée il promet de garantir sa sécurité et celle est parti chercher un ami dans l’empire de son jeune fils. Rassurée, elle lui offre le Phèdre a tout avoué à Thésée avant des morts, la disparition du roi paraît trône. Il propose de le laisser à l’enfant : de mourir. Il veut se suicider. Neptune inéluctable. La confidente de Phèdre, il se satisfera d’aimer Aricie librement. Œnone, lui suggère que son amour l’arrête et lui apprend que Diane a n’est plus adultère… Confrontée à cette rivale, Phèdre sauvé Hippolyte. Le Destin le condamne ACTE II s’emporte et avoue tout, au grand effroi cependant à ne jamais revoir son fils. d’Hippolyte. Elle le supplie de la tuer, puis tente de lui arracher son épée. C’est alors Aricie, qui s’était évanouie à la disparition Aux enfers, Thésée doit renoncer à que Thésée réapparaît. d’Hippolyte, s’éveille dans un jardin son ami Pirithoüs, voué à d’éternelles délicieux. Hippolyte, sauvé par Diane, s’y souffrances pour avoir voulu enlever Les paroles sibyllines de Phèdre, trouve transporté. La déesse peut enfin . Thésée faisant valoir les réticences d’Hippolyte et la les unir et ordonne les réjouissances.

7 Raphaël Pichon

En 1733,tragédie Lully, lyrique le créateur de l’opéra français (dit ) est mort depuis plus d’un quart INTENTIONSPar les maîtres d’œuvre du spectacle de siècle. Pourtant, il occupe encore tous les esprits. Son ombre plane sur les nouvelles œuvres lyriques qui paraissent à Paris. Desmarets, Campra, Destouches EN QUOI HIPPOLYTE ET ARICIE ou encore Montéclair donnent à entendre de nombreux EST-IL UN TITRE MAJEUR opéras, certains de qualité ; mais leur force musicale DU BAROQUE FRANÇAIS ? et dramatique reste limitée.

En 1733, Jean-Philippe Rameau cesse de tourner sa langue dans sa bouche. Après des années consacrées à la composition de cantates et à de remarquables travaux théoriques, Hippolyteil obtient et de Aricie produire son premier opéra, . Partant d’une « petite portion de couleurs, au-delà desquelles les autres compositeurs n’aperçoiventHippolyte plus rien », il élargit le champ des possibles. est une œuvre tour à tour terrifiante et emplie d’une grâce inimitable. Expressivité du récitatif, rôle déterminant de l’orchestre – qui devient bientôt acteur du drame –, révolutionnaire et émancipation des bois de l’orchestre, inventivité géniale des divertissements orchestraux, sommets d’intensité lyrique, expérimentations et audaces harmoniques : tout ici est richesse et génie.

Rameau charge sa partition d’une telle émotion qu’il bouleverse le paysage, repousse les frontières. En s’émancipant des codes, il détrône la suprématie Raphaël Pichon du cadre lullyste. Son génie marque à tout jamais le style Direction musicale et l’orchestre français. Il ouvre la voie aux expérimentations et développements que poursuivront plus tard Berlioz, Debussy.

8 QU'AVEZ-VOUS AIMÉ DANS CET OPÉRA ET SON TRAITEMENT DU MYTHE DE PHÈDRE ET DES PERSONNAGES RACINIENS ?

Jeanne Candel

J’ai été immédiatement bouleversée par les lignes de Phèdre et de Thésée – Jeanne Candel à la fois leur régime de présence et leur Mise en scène discours, au fil de la pièce. Ils ont eu un impact direct sur ma sensibilité et m’ont facilité l’accès à l’œuvre. Le titre de l’œuvre nous a d’abord déstabilisés, Lionel Gonzalez Hippolyte(mon collaborateur et Aricie dramaturge)Phèdre et moi. la ? Pourquoi pas ? Phèdre n’est-elle pas victime par excellence, l’héritière d’une lignée maudite, la cible directe d’Éros et d’Aphrodite ? Sous la plume de Rameau, le rôle n’est-il pas aussi puissant vocalement que dramatiquement ?

Mais il nous fallait considérer le changement de focalisation qu’induisait le titre. Et cette ambivalence de l’œuvre s’est avérée passionnante. Le livret offre de l’histoire une version très condensée : chaque scène est un précipité. Du coup, la musique révèle, à mesure qu’on s’y plonge, une large part de sens, d’émotions et d’images. Nous avons passé dix-huit mois à explorer l’ensemble, à le décortiquer, à interroger chaque situation, chaque réplique. J’ai adoré par-dessus tout le trajet intellectuel que cette œuvre nous a fait parcourir.

9 FRÉQUEMMENT REDONNÉE APRÈS AVEZ-VOUS CHOISI L’UNE DES SA CRÉATION EN 1733, L’ŒUVRE A ÉTÉ VERSIONS ? FAUT-IL FAIRE UN CHOIX ? RÉVISÉE PAR RAMEAU EN 1742 ET 1757. COMMENT L’ABORDEZ-VOUS ?

Raphaël Pichon Raphaël Pichon Depuis des années, je rêvaisHippolyte de diriger et Aricie Dans son premier opéra, Rameau a dû faire une production scénique d’ nombre de concessions afin d’être accepté avec une idée très précise. Il me semble que durablement comme compositeur à l’Académie l’ultime version, celle de 1757, témoigne d’une royale de musique. Le pari a réussi, et au double volonté : parvenu au sommet de sa gloire, gré de ses créations lyriques ultérieures, Rameau veut alors faire un retour aux sources il a appris à concilier son inventivité incessante de 1733, mais il ambitionne aussi de faire bénéficier avec les réactions du public, et la nécessité son œuvre de ses dernières expérimentations, de les prendre en compte. des ultimes évolutions de son langage. Hippolyte En parallèle, , apprécié, donc La version de 1757 – dont il supprime inscrit au répertoire, était régulièrement le prologue – est à mes yeux à la fois reprogrammé. Chacune de ses reprises ne la plus resserrée, la plus tonique sur pouvait qu’inspirer à Rameau, perfectionniste le plan dramatique, la plus riche et la plus et de plus en plus averti, des changements, des bouleversante. Elle est également la plus améliorations. Si bien que l’œuvre a fini par tragique et la plus noire, concentrée sur les présenter un aspect protéiforme. destinées des personnages.

Pour l’interprète d'aujourd’hui, les possibilités Comme cette version a aussi emporté de choix entre plusieurs versions – dans les suffrages de Jeanne Candel, elle a servi l’orchestration, la structure ou la nature de bien de base à notre production. Nous l’avons enrichie, des scènes – s’avèrent nombreuses, jusqu’à ici et là, d’emprunts ou de rétablissements bouleverser le visage de l’œuvre. Il faut donc mineurs venant de la version première de 1733. statuer en de nombreux endroits, en tentant Ces réfections permettent de répondre au de distinguer ce qui relève de la concession et projet dramaturgique de Jeanne, qui voulait ce qui relève de l’invention, témoignant des renouer avec les racines de la tragédie classique, moments où Rameau se sentait en mesure celles-làHippolyte et même Aricie. qui ont présidé à la naissance d’imposer ses idées. d’

10 11 COMME EN 1757, VOUS SUPPRIMEZ LE PROLOGUE MUSICAL : COMMENT S'OUVRE LE SPECTACLE ?

Jeanne Candel

Ce prologue de 1733 met en scène le combat d’Amour et de Diane. Il se conclut sur un constat qui annonce la pièce : empêcher l’Amour de conquérir les cœurs, c’est prendre le risque de la tragédie. Lea Desandre Cette vision un peu binaire, qui met Diane Prêtresse de Diane, en échec,Le Banquet nous a incités ou de l’amour à relire Chasseresse, Platon et . Matelote, Bergère

Socrate y définit l’amour par la voix de Diotime, une savante qui rappelle ce qu’on a fini par édulcorer ou oublier : non, Éros n’est pas un Cupidon charmant. Quoique né le même jour La solution était de remplacer le prologue de Pellegrin, qu’Aphrodite, il est fils de la pauvreté coupé par Rameau lors de la reprise de 1757, par un et de l’expédient, né du viol d’un dieu nouveau prologue qui donnerait au public des clés par une mortelle. Éros est moins conceptuelles pour approfondir sa lecture de la pièce et celui qui est aimé que celui qui aime, renforcer les personnages d’Aricie et Hippolyte. insatiablement. Le récit de Diotime Nous avons, avec notre interprète Yves-Noël Genod, interroge sur la place du désir, et sur consacré un temps spécifique à cette ouverture l’attention qu’on lui prête. Cette lecture du spectacle, et rassemblé divers matériaux : des lectures nous a donné envie de déconstruire le (Racine bien sûr), des anecdotes (comme des souvenirs de clichédaimon des amoureux vertueux : cet Éros- conversations d’Yves-Noël avec Marguerite Duras), des , qui joue le rôle d’intermédiaire idées (l’interview de Cupidon enfant par undaimon Éros averti). entre le visible et l’invisible, s’infiltre Il s’agit de passer du petit Cupidon ailé au errant autant chez Hippolyte et Aricie que qu’est l’Amour. Et de s’adresser directement au public, chez leurs aînés. Eux aussi connaissent dans une incarnation qui confinera à la transe, et que la souffrance, la cruauté… l’ouverture de l’opéra viendra submerger.

12 Elsa Benoit Aricie

13 Edwin Fardini Stéphane Degout Tisiphone Thésée

Sylvie Brunet-Grupposo Phèdre

14 EN QUOI ÉROS AFFECTE-T-IL LA LECTURE DES PERSONNAGES ?

Jeanne Candel

Très rapidement, à l’acte III qui est le pivot de la pièce, les assauts amoureux de Phèdre révèlent à Hippolyte la sauvagerie du désir. Lui, le chaste amant, qui s’en est enorgueilli, est provoqué là où il n’a jamais osé s’aventurer. Chez Euripide, Aphrodite le punit d’avoir voulu résister à l’amour. Cette révélation transforme le regard qu’il porte sur Aricie : lorsqu’il la retrouve dans le bois sacré, à l’acte IV, le désir s’allume en lui. Il lui propose le mariage, afin de la sauver de la vengeance de Phèdre. Au moment où le désir s’ouvre en eux, ils sont fauchés par l’irruption du monstre marin. Cette scène-clé de l’avant-dernier acte précipite la tragédie : oui, le fait de se refuser à Éros crée des monstres...

Au dernier acte, Hippolyte et Aricie ressuscitent par la grâce de Diane. La « tragédie » s’achève sur une image un peu grinçante : Diane, la déesse vertueuse, celle qui refuse l’amour, laisse les protagonistes le vivre devant elle. Mise devant le fait accompli, Diane a cédé dans son royaume une toute petite place pour qu’Éros puisse exister.

15 COMMENT RAMEAU CARACTÉRISE-T-IL LES PERSONNAGES ?

Raphaël Pichon Cela passe bien sûr par l’harmonie, dont Rameau est Par la couleur ! Rameau est un immense un maître absolu, et qu’il utilise toujours à dessein pour peintre. Il colore chacun de ses personnages les personnages tragiques, chacun avec ses spécificités. de teintes particulières, immédiatement Le couple Hippolyte/Aricie reçoit les tournures reconnaissables. Cela passeré par le choix des harmoniques les plus passionnées et les plus suaves, tonalités, comme ce mineur incessant et quand Phèdre et Thésée, ainsi que les déités infernales, maladif associé à Phèdre. Par la vocalité aussi, héritent d’innovations harmoniques acerbes, et même lyrique et héroïque pour Thésée, qui se brise enfin parfois d’une extrême brutalité. Écoutez le « Non ! » à l’acte V dans l’air ultime « Je ne te verrai plus, presque vociféré par Phèdre dans son ultime scène, ô juste châtiment », pour nous révéler sa faiblesse en réponse au chœur, sur un accord qui par sa et son humanité. disposition se rapproche du cluster !

16 Reinoud van Mechelen Hippolyte

17 ON REPROCHAIT SA SCIENCE À RAMEAU. LUI DISAIT METTRE SON ART AU SERVICE DE L’EXPRESSION. PARLEZ-NOUS DE SES MOYENS EXPRESSIFS.

Raphaël Pichon les danses souvent inoubliables, les petits airs insérés Quand certains compositeurs font évoluer leur au sein des récitatifs, les pages les plus légères comme langage au fil de leur œuvre avant d’arriver à maturité, les plus tragiques. Tout est beauté, tout est saisissant, Rameau livre un premier ouvrage incroyablement riche dans les moindres recoins, et porte l’œuvre vers des et abouti. L’anecdote est célèbre, Campra déclare sommets qui n’avaient plus été atteints depuis les après la création qu’« il y a dans cet opéra assez grands ouvrages de Lully et de Charpentier. de musique pour en faire dix ». De l’« observation de la Nature » qu’il chérit tant, Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’immense qualité Rameau tire une palette de couleurs et des possibilités de la musique elle-même, dans tous les contextes, d’évocation infinies, tout autant que de nuances pour alors que la majorité des opéras des vingt années évoquer les sentiments de ses personnages. précédentesHippolyte n’offrent que quelques pages marquantes. Dans , tout est génie : les symphonies Parmi ses pages les plus réussies, il est difficile de ne orchestrales participant à la description de l’action, pas citer le célèbre trio des Parques. Il utilise un procédé révolutionnaire pour son époque : l’enharmonie. Ces modulations totalement inusitées et inattendues ont tellement dérouté les interprètes que Rameau dut renoncer à cette pièce pour la création ! Il la rétablit définitivement en 1757. Ce trio a gardé toute sa force aujourd’hui : quelle musique et quelle scène terrifiante, où le sol semble s’effriter sous nos pas, où l’on est bringuebalé dans des mondes sonores d’une rare singularité ! Je pourrais aussi évoquer chaque intervention de Thésée, d’une bouleversante humanité et densité ; l’immense bacchanale de l’acte II, entre Pluton et les divinités infernales ; le premier trio Nahuel Di Pierro Neptune, Pluton des Parques, qui convie le sacré au sein de l’opéra ; et nombre de détails harmoniques invraisemblables et culottés, auHippolyte sein même des récitatifs… L’audace est légion dans , elle en est même la signature !

18 19 20 COMMENT RAMEAU FAIT-IL ÉVOLUER LES FORMES MUSICALES ?

Raphaël Pichon

Tout en s’appuyant sur le modèle en cinq actes hérité de Lully, Rameau repousse les limites de tous les ingrédients de la tragédie en musique.

D’une ouverture à la française, très codifiée, il tire une réelle ouverture à programme. Si l’on veut, on peut Eugénie entendre l’amour interdit et destructeurré de Phèdre dans Lefebvre Diane la partie lente, dans le sombre ton de mineur ; puis une véritable chasse à l’homme, hargneuse et haletante, dans la partie rapide.

Les règles de la tragédie en musique imposent par ailleurs la présence d’un « divertissement » à la fin de chaque acte, afin de laisser place à la danse, discipline bien-aimée du public parisien. Rameau ouvre une réflexion afin d’intégrer les divertissements au Séraphine Cotrez Œnone drame, comme éléments déterminants de la narration. Regardez cette invraisemblable rupture dramatique, entérinée par l’ultime version de 1757 : un divertissement de matelots démarre juste après qu’Œnone a annoncé à Thésée une indicible vérité. L’irruption de cette musique légère et rustre, juste après le centre névralgique de l’opéra, est un véritable coup de génie ! Concevoir le « divertissement chorégraphique » comme L’orchestre livre un véritable « sous-texte », comme quand un outil dramatique fait partie des intuitions majeures il manifeste la présence de Neptune dans les grands airs de Rameau. de Thésée, par son accompagnement aquatiqueHippolyte dessinant et d’impressionnantesAricie déferlantes marines. Enfin, l’orchestre est désormais un personnage à part est la vision géniale d’un homme essentiel dans entière, qui raconte en musique, et qui participe à toutes les révolutions de la musique française qui suivront. l’action tout autant qu’à la psychologie des personnages. Pour que vive Gluck, vive tout d’abord Rameau !

21 Pour respecter la prédiction des Parques – « Tu quittes l’infernal Empire pour trouver les enfers chez toi » – nous avons décidé de conserver le décor de l’acte II, qui se passe aux enfers, à l’acte III, qui se déroule au palais de Thésée. Les lumières se transforment, mais l’espace dit l’irrémédiable : Thésée ne peut pas lutter, la fatalité est sa prison – à l’image des prisons imaginairesHippolyte de Piranèse, et Aricie qui parurent à l’époque des reprises d’ à l’Opéra. Lisa Navarro Scénographie La manipulation de la machinerie forme une sorte de ballet d’action scénographique que nous confions à des choristes et des techniciens, interprètes de personnages secondaires de la pièce. Sous les DANS QUEL ESPACE yeux de Thésée, matelots ou chasseurs deviennent SE DÉROULE LA TRAGÉDIE ? ainsi des agents du destin, déployant et modifiant sans cesse le labyrinthe tragique. Cela nous permet de mettre à nu les rouages du décor, en reprenant Jeanne Candel le principe baroque de la « transformation à vue » de la vision scénique. Lors de la première visite du plateau de l’Opéra Comique que j’ai faite avec ma complice scénographe Lisa Navarro, Autre convention que nous avons voulu vivifier, les l’aspect brut et les matériaux industriels de la cage de scène toiles peintes. Elles nous ont inspiré le décor de l’acte I, nous ont frappées. Nous avons tout de suite eu envie de ce rideau sur lequel la suite de Diane – chasseurs les montrer, et de les employer en relation avec la salle, les et chasseresses – tirent au fusil et produisent impacts lignes des balcons. Nous avons travaillé comme sur une et explosionsTirs de couleurs. Notre référence ici, ce sont planche d’anatomie, avec la volonté d’arracher l’enveloppe les , performances de Niki de Saint-Phalle. décorative du lieu pour en dévoiler le squelette. Je suis convaincue que l’espace est le lieu et le moyen Mais il s’agit d’un volume intérieur : mis à nu, il devient de révéler, de matérialiser la dramaturgie. À la musique un espace que traversent les passions destructrices de Rameau, si expressive et spectaculaire, il faut du drame. Il peut figurer la cage thoracique de Phèdre. un espace sensible et mobile. Raison pour laquelle Pour Thésée, cet espace est sans issue : c’est un nouveau lumières et décors prennent pour ainsi dire en charge labyrinthe qu’affronte le vainqueur du Minotaure. la composante chorégraphique de l’œuvre.

22 23 24 VOUS AVEZ CITÉ DEUX SOURCES D’INSPIRATION GRAPHIQUE, QU’EN EST-IL DES COSTUMES ?

Jeanne Candel Nous avons aussi travaillé sur des visions. Celles des Avec Pauline Kieffer, nous avons mené enfers, celles qui s’offrent à Thésée de retour chez lui, une réflexion sur le caractère à donner celle du monstre marin. Les enfers, c’est le cauchemar de à cette famille royale archaïque, sur laquelle Thésée. Et le cauchemar continue à son réveil. Ces matelots pèsent les rouages de la prédestination. qui surgissent pour fêter son retour de façon intempestive, Par contraste avec le décor sec et mis à nu, sont des figures grotesques et cruelles, que le carnaval les costumes peuvent être le lieu du baroque, en de Dunkerque nous a inspirées. Une sirène tentatrice chante combinant couleurs, matières, motifs. l’amour, comme pour mieux torturer Thésée. Medea Le Moyen-Orient et les Balkans, la de Pasolini Nous ne souhaitions pas montrer le monstre marin, afin et les Shakespeare de Mnouchkine, la Grèce sous de ne pas courir le risque du second degré ou du rire, au domination ottomane ont été sources d’inspiration plus fort de la tragédie. Ce monstre, que déchaîne un pour inventer des costumes expressifs. père sur son propre fils, ne peut être représenté que par Dans la tragédie, tout est rehaussé, ses effets : c’est une fumée qui le matérialise, sortant de rien n’est banal : la même recherche nous guide l’orchestre – comme si le chef prenait feu – pour engloutir pour les maquillages, en dépit des masques Hippolyte. Une façon de plus de mettre la musique en avec lesquels nous répétons. dialogue avec d’autres langages, d’autres matérialités.

25 COSTUMER HIPPOLYTE ET ARICIE

Pauline Kieffer Par Aricie

Hippolyte

26 Arcas Phèdre

Œnone

27 Pluton Mercure Neptune

28 Parques Thésée et Cerbère et Arcas

29 JEAN-PHILIPPE RAMEAU

(1683-1764)

Jean-Philippe Rameau d’après Augustin de Saint-Aubin

Jean-Philippe Rameau est baptisé le à l’étranger – puis à Montpellier, il devient le but d’en développer l’expressivité, 25 septembre 1683 à Dijon. Il est le organiste à la cathédrale d’Avignon comme homme des Lumières. septième des onze enfants de Jean (1702), à celle de Clermont-Ferrand Il n’en continue pas moins à avoir pour Rameau, l’organiste de Saint-Étienne (1702-1706), puis chez les Jésuites de la activité principale, jusqu’en 1738, l’orgue et de Saint-Bénigne. Son jeune frère rue Saint-JacquesLivre àde Paris, clavecin où il publie de Sainte-Croix de la Bretonnerie. Claude devient un virtuose précoce et son premier (1706), sera le père de Jean-François, le « neveu avant de succéder à son père à l’orgue Il fait dès 1723 ses débuts de compositeur de Rameau » immortalisé par Diderot. de Notre-Dame de Dijon (1708-1712). dans les foires parisiennes, avec des Quoique passionné de musique, Après quoi Rameau s’établit en 1713 ariettes et des danses écrites surtout Jean-Philippe a un tempérament aux JacobinsMotets à Lyon où il compose ses pour les opéras-comiques d’Alexis Piron, taciturne qui ne l’aide guère à briller. grands . DeTraité retour de à l’Harmonie Clermont un ancien avocat de Dijon. Cette colla- Il est plus intellectuel que virtuose, plus enréduite 1715, àil sesécrit principes son naturels boration se prolonge jusqu’en 1744 et théoricien que mondain. puis… se permet à Rameau d’appréhender le public fait renvoyer en jouant faux pendant les parisien, de rencontrer des hommes De 1701 à 1722, soit pendant la première cérémonies de la Fête-Dieu. de lettres audacieux et indépendants, partie de sa vie adulte, Jean-Philippe ainsi que des artistes stimulants. Rameau Rameau est un musicien voyageur, Lorsqu’il s’installe définitivement à Paris compose aussi des cantates – sortes probablement très bon improvisateur en 1722, Rameau est entré dans sa d’opéras en miniature pour le concert – à l’orgue, mais qui ne laisse aucune quarantièmeTraité de l’Harmonieannée. La publication de et cherche un livret d’opéra auprès composition pour cet instrument. son le pose comme d’Houdar de la Motte et de Voltaire. Violoniste dans une troupe milanaise savant et sa conception de la musique, Aucun de ces deux grands auteurs ne ambulante – son seul bref séjour fondée sur des critères scientifiques dans s’engage volontiers avec un débutant.

30 « Tous les traits de son visage étaient grands et annonçaient la fermeté de son caractère, ses yeux étincelaient du feu dont son âme était embrasée, et Rameau portait dans la société le même enthousiasme qui lui faisait enfanter tant de morceaux sublimes... »

Éloge historique de M. Rameau, Hugues Maret, Dijon, 1766

L’abbé Pellegrin, collaborateur de Rameau s’installe chez lui avec sa femme Montéclair à l’Opéra (alors Académie Marie-Louise Mangot, une chanteuse royaleHippolyte de Musique), et Aricie lui écrit enfin un livret, épousée en 1726. Il y fréquente , adapté d’Euripide certains des plus grands artistes et et de Racine. La partition est créée en penseurs du royaume. 1733, avec un immense retentissement. À 50 ans passés, Rameau crée De 1739 à 1745, il suspend sa production désormais presque un ouvrage nouveau d’opéras et d’écrits pour adapter ses par an à l’Opéra,Indes tragédie galantes lyrique ou œuvres anciennes, fourbir de nouvelles opéra-ballet, des en 1735 créations, enseigner et animer la vie à en 1739. musicale chez son mécène.

En parallèle, il poursuit saGénération réflexion En 1745, son retour est marqué par les théoriqueharmonique et publie en 1737 sa créationsPlatée à Versailles du balletLa Princesse bouffon . En 1736, il a trouvé la de Navarre et de la comédie-ballet sécurité en devenant le compositeur , sur un livret de Voltaire, attitré du fermier général Alexandre à l’occasion du mariage du Dauphin. Jean-Philippe Rameau Le Riche de La Pouplinière, qui entretient À 62 ans, il est nommé compositeur du par Campion de Tersan, en 1763 un petit orchestre permanent et le salon roi et retrouve une activité trépidante, le plus brillant de la capitale, rue Neuve- bientôt soutenu par un fidèle librettiste, des-Petits-Champs puis rue de Richelieu, Louis de Cahusac. Deux à quatre œuvres ainsi que dans son château de Passy. nouvelles verront le jour chaque année

31 On peut dire que la musique, simplement considérée dans les Zaïs, Naïs Observations sur notre instinct différentes inflexions pour la musique Erreurs sur jusqu’en 1751, dont et . figurent les de la voix, laissant Il publie enDémonstration outre deux nouveaux du principe traités de la musique dans(1754) l’Encyclopédie et les dontl’harmonie la (1755) le geste à part, a dû être en 1750, sans doute avec l’aide dirigées contre Rousseau, principal notre premier langage de Denis Diderot. rédacteur musical. jusqu’à ce qu’on ait enfin imaginé des termes C’est alors qu’éclate la Querelle des AprèsLes Paladins plusieurs actes de ballet et pour s’exprimer. Bouffons. En août 1752, l’apparition sur , une comédie lyrique Il naît avec nous la scène de l’Opéra de la troupe des créée en 1760, RameauLes Boréadesjette ses ce langage ; l’enfant Bouffons italiens, représenter dernières forces dans . en donne des preuves du Pergolèse, cristallise de vieux Cette splendide tragédie lyrique, dès le berceau. débats sur l’opposition des musiques dans un goût déjà ancien mais française et italienne. Dans une musicalement toujours aussi inventive, confusion parfois délibérée, la Querelle est mise en répétitions à l’Opéra au oppose à coups de libelles et de printemps 1764, alors que Rameau vient pamphletsopera buffa le genre populaire italien d’être anobli. ( , comparable à l’opéra- comique français) et le genre noble Le 12 septembre 1764, la mort du musicien, françaisopera seria (tragédie lyrique, comparable âgé de 81 ans, suspend la production. à l’ ). Rameau est inhumé à Saint-Eustache et des messes à sa mémoire sont célébrées Dans ce contexte Rameau, dont la un peu partout en France. position de quasi monopole à l’Opéra irrite, apparaît en parangon du style À la veille de la Révolution française, français. Formulée par Lully pour Louis l’évolution du goût orientera le public XIV, la tragédie lyrique est taxée au vers les opéras de Gluck, au détriment mieux de savante, au pire d’artificielle. de Rameau. Son œuvre sera négligée Les encyclopédistes, qui étaient jusqu’à l’édition monumentale entreprise favorables à Rameau, rallient le genre chez Durand, sous la direction de Camille italien tellement plus « naturel ».Lettre Jean- sur la Saint-Saëns et Vincent Boréades d’Indy, à partir Jacquesmusique françaiseRousseau l’attaque ( de 1895. Quant aux , l’œuvre , 1753), Melchior Grimm connaîtra sa création scénique en 1982 le trahit, d’Alembert s’éloigne. Parmi les au Festival d’Aix-en-Provence sous la réponses que Rameau publie alors, baguette de .

32 Extraits du L’harmonie, dans son état primitif chapitreCode XIV, Dede Musiquel’expression », pratique, 1760 et naturel, tel que la donnent les corps « sonores, dont notre voix fait partie, doit produire sur nous, qui sommes des corps passivement harmoniques, l’effet le plus naturel, et par conséquent le plus commun à tous. Avec de grands talents, secondés des connaissances dont je crois être ici le premier dispensateur, on peut espérer qu’insensiblement la musique deviendra pour nous quelque chose de plus que le simple amusement des oreilles. On ne se prête point assez aux différents effets de la musique. On les éprouve, sans croire les tenir du fond de l’harmonie. On est content, sans se mettre en peine de la raison.

Je ne vois guère de « connaisseurs » – soit disant – qui ne s’attachent plutôt à l’exécution qu’à la chose. On a souvent lieu d’admirer l’exécution d’une cantatrice, d’un joueur d’instrument. Mais qu’en résulte-t-il du côté de l’expression ? C’est de quoi l’on se met peu en peine.

33 RAMEAU ET L’OPÉRA COMIQUE

Bertrand Porot Entretien avec

LE PREMIER OPÉRA DE RAMEAU EST HIPPOLYTE 1744. Quand on se penche vraiment « Opéra Comique », ce qui devient ET ARICIE, MAIS VOUS sur ces deux périodes d’engagement, bientôt le nom du genre. L’Opéra INSISTEZ SUR SON EXPÉRIENCE on constate que l’Opéra Comique Comique n’est forain que parce qu’il PRÉALABLE À L’OPÉRA COMIQUE. « forain » fonctionnait en réalité ouvre au moment des foires, dans des comme une pépinière pour de salles louées dans le périmètre forain nombreux talents, interprètes comme ou juste à côté. Cette expérience fut clairement compositeurs. COMMENT SE PRÉSENTE formatrice pour Rameau.e Et pourtant, Contrairement aux Comédies Française jusqu’au milieu du XVIII siècle, l’Opéra L’OPÉRA COMIQUE DANS et Italienne, l’Opéra Comique ne reçoit Comique était mal considéré par LES ANNÉES 1720 ? alors aucun subside d’état. Et ces les tenants d’un art régulier. Cette scènes officielles lui font endurer moult

première période de l’institution a e tracas, de même que l’Opéra. ensuite pâti de son image de théâtre Le genre naît à la fin du XVII siècle QUELS SONT LES MOYENS de « tréteaux », de spectacle « forain ». dans deux grandes foires parisiennes DE PRODUCTION DE L’OPÉRA La musicologie l’a longtemps considéré annuelles, celle de Saint-Germain COMIQUE LORSQUE RAMEAU comme un art de bas étage, indigne du l’hiver, et celle de Saint-Laurent l’été. REJOINT LA TROUPE ? génie de Rameau. Jugement aggravé Parmi les commerces ouvrent aussi des par le fait que la musique produite spectacles. Fin 1714, l’un d’eux s’assure L’État par Rameau pendant cette première une certaine sécurité à la faveur d’un Unsecret texte de inédit la Foire de Fuzelier dresse partie de sa carrière avait disparu. contrat passé avec l’Opéra (en proie en 1721 – deux ans à des difficultés financières) qui lui avant l’arrivée de Rameau. Il énumère Or Rameau s’est adonnéHippolyte au genre non monnaye dès lors, année après année, une trentaine d’artistes : 9 comédiens et seulement avant , en 1723- une partie de son « privilège ». La comédiennes, 9 danseurs et danseuses, y 1726, mais aussi après ses premiers directrice Catherine Baron et le couple compris le maître de ballet, 2 chanteurs, succès officiels, lors de la saison 1743- Saint-Edme baptisent leur compagnie un orchestre d’environ 12 instrumentistes.

34 e Un théâtre à la foire Saint-Germain au milieu du XVIII siècle. Cette foire, située près de Saint-Sulpice, était en réalité couverte d'une charpente, qui brûla dans la nuit du 16 au 17 mars 1762.

35 L’organisation générale qui est décrite est digne d’une scène officielle, avec une hiérarchie, une discipline, et des salaires un peu inférieurs seulement à ceux de l’Opéra.

Une telle troupe rend le spectacle attrayant ; elle attire aussi des chefs et des compositeurs de qualité.

Un « maître de musique » est engagé à la saison pour diriger l’orchestre, arranger les vaudevilles et composer des pièces originales (danses, airs, chœurs). On n’a pas toujours le nom du titulaire du poste. En 1723, c’est Rameau ; en 1739, ce sera Michel Corrette.

L’orchestre comprend une majorité de cordes, auxquelles s’ajoutent des hautbois (jouant aussi de la flûte ou de la musette), des bassons et des trompettes. Le clavecin n’est pas attesté dans les sources : il est possible qu’il ne soit pas très employé, conformément à la tradition des orchestres de ville (les « bandes » de violons). Enfin des percussions (timbales, tambours) complètent l’ensemble, souvent accompagnées d’objets bruiteurs (rossignol en terre cuite, corne de vache, boîte à musique, carillons, vaisselle, etc.), typiques de l’inspiration burlesque er e des premiers opéras-comiques. Cette coupe et ces plans du 1 et du 2 étage de l'Opéra Comique à la foire Saint-Laurent montrent que les théâtres forains disposaient de véritables salles, avec des plateaux équipés pour jouer de grands spectacles, et des étages de balcons pourvus de loges 36 pour accueillir un public d’une grande mixité sociale. De même, il n’est pas rare de trouver La forme dominante est celle de la Rameau pour . des instruments turcs ou chinois pour « comédie à vaudevilles », fondée sur des C’est aussi la scène où débutent les pièces relevant de cette inspiration. interventions musicales recyclant des nombre de personnalités qui airs connus agrémentés de nouvelles s’imposeront ensuite : l’auteur Carolet, Rameau dispose donc d’un ensemble paroles – airs populaires, d’opéra ou de la chanteuse MlleL’Endriague Petitpas (qui fait ses aux timbres diversifiés dont il va musique savante, étroitement intégrés débuts dans de Piron et pouvoir développer les capacités aux dialogues parlés pour donner de la Rameau), la danseuse Marie Sallé, et expressives. souplesse au jeu dramatique. bien sûr Rameau – âgé tout de même QUEL RÉPERTOIRE RAMEAU de 40 ans… DÉCOUVRE-T-IL À L’OPÉRA Rapidement, des « airs détachés » COMIQUE AU COURS viennent compléter le spectacle : il s’agit Si l’Opéra Comique est attractif, DE CETTE PREMIÈRE PÉRIODE ? de pièces originales, le plus souvent c’est parce qu’il apparaît comme écrites par le compositeur attaché à un terrain d’essai, une sorte de la troupe. Ils figurent surtout dans les laboratoire où s’expérimentent de Lorsque Rameau arrive, le spectacle s’est « divertissements » de fin d’acte, qui nouvelles formules théâtrales, où les raffiné sans rien perdre de son inspiration rassemblent airs, chœurs et danses, démarches artistiques sont ludiques, comique ou burlesque. Sauteurs de et dont l’importance va se développer. fantasques ou critiques. Ce qui est cordes et acrobates disparaissent L’OPÉRA COMIQUE DEVIENT drôle et paradoxal, c’est que celles- progressivement de la scène tandis que UNE SCÈNE PARISIENNE ci sont élaborées en réponse aux la composante musicale se développe, QUI COMPTE ? interdits des institutions royales, qui notamment dans les divertissements de ne font que les stimuler. Travailler fin de comédie. Au point que l’Opéra pour l’Opéra Comique est donc Comique propose désormais une sorte Oui, et l’Opéra Comique attire donc tout sauf déshonorant, et même de pendant comique aux genres sérieux des artistes de renom, comme Le Sage très formateur pour appréhender pratiqués par l’Opéra. et Fuzelier – le futur librettiste de les genres officiels…

« COMÉDIE - La perspective du théâtre exige un coloris fort et de grandes touches, mais dans de justes proportions, c’est-à-dire telles que l’œil du spectateur les réduise sans peine à la vérité de la nature. »

L’Encyclopédie , 1751

37 QUE PRODUIT RAMEAU AU La Rose de la Folie Le Ballet des Dindons COURS DE LA PÉRIODE 1723-1726 ? , pièce aux sous-entendus ou … érotiques à peine voilés, « aurait Jean Monnet, alors directeur de paru dès la Foire Saint-Laurent 1726 l’Opéra Comique,Mémoires mentionnera Rameau arrive à l’appel d’Alexis Piron, si des difficultés que l’auteur essuya l’œuvre dansIndes ses galantes : « La qui a débuté en 1722 par unArlequin coup de la police ne l’eussent obligé à parodie des eut le plus deDeucalion maître, son monologue renoncer à ce dessein » (Parfaict). grand succès ». . On peut associer le nom de La création aura lieu le 5 mars 1744 Rameau àL’Endriague au moins quatre comédies à la LesFoire Jardins Saint-Laurent, de l’ sous Lale À l’Opéra Comique, le niveau de Piron :La Rose (crééeLes Jardins le 3 février de titreRose ou musical n’a fait que s’élever. Les l’Hymen1723), puis , « sans aucun retranchement, divertissements de clôture d’acte (censuréeL’Enrôlement en juillet 1726, d’Arlequin reprise imprimée de même et reçue avec se sont développés : ils comportent le 5 mars 1744), La Robe de beaucoup d’applaudissements » désormais un nombre significatif (crééedissension le 3 février 1726) et (Parfaict) : la musique de Rameau, de danses à la mode, et d’ariettes (7 septembre 1726). composée en 1726, y est bien présente. où brillent les chanteuses. Et c’est Et Rameau, lui, est de retour ! à l’Opéra Comique qu’apparaît un En 1723, l’Opéra Comique est FÊTÉ À L’OPÉRA À PARTIR DE genre appelé à un grand avenir, le officiellement interdit. Mais les frères 1733, POURQUOI ET COMMENT ballet-pantomime, où l’expression Parfaict rapportent que deux troupes RAMEAU RETOURNE-T-IL ALORS prime sur la virtuosité. jouent avec une autorisation tacite, À L’OPÉRA COMIQUE ? celle de Restier et celle de Dolet et Ce retour de Rameau à la foire de Laplace. La secondeL’Endriague fait débuter a d’abord été contesté par les Mlle Petitpas dans . Le C’est en effet Hippolyteauréolé de ses LessuccèsIndes à musicologues, Arthur Pougin ayant spectacle met en œuvre une machine l’Opéra,galantes avecCastor et Pollux puisLes Fêtes affirmé que le « Rameau » mentionné spectaculaire qui représente le monstre d’Hébé , Dardanus , par Monnet ne pouvait être que effrayant qu’est l’Endriague : « Le et , que Rameau Jean-François Rameau, celuiLe Neveu qu’a monstre avait le corps d’un crocodile, vient dirigerLes une Indes parodie galantes de son ballet immortaliséde Rameau Diderot dans dont la largeur remplissait presque héroïque en 1743. . Mais en 1974, Graham toute la scène du théâtre. Il avait quatre Visant plus souvent le livret que la Sadler a montré d’une part que Jean- jambes deux fois plus grosses que musique, la parodie est un genre prisé François Rameau était en général celles d’un éléphant. Quatre hommes qui ne touche que les œuvres à succès. appelé « Rameau le neveu », selon enfermés dedans le faisaient marcher. l’usage de l’époque, et d’autre part L’un d’eux, avec une corde, lui haussait Cette parodie est sans doute arrangée que son oncle était revenu sur la la mâchoire supérieure ». La machinerie, par le compositeur lui-même,L’Ambigu sur un scène de ses débuts parce qu’il était on le voit, est élaborée. livret de Favart qui s’intitule en froid avec la direction de l’Opéra.

38 L’hypothèse a été confirmée en 1993 par André Magnan qui a prouvé qu’en 1743- BERTRAND POROT 1744, Jean-François Rameau se trouvait en province, notamment Professeur émérite à l’Université à Lyon. Jean- de Reims et rattaché à son Centre François n’arrivera d’études et de recherches en histoire à Paris qu’entre culturelle (CERHIC), Bertrand Porot 1745 et 1746, dans codirige avec R. Legrand le GRIMAS, l’espoir de réussir groupe de recherches sur les arts de grâce à son nom, la scène (IReMus/CNRS-Université en profitant de Paris-Sorbonne). l’« ombre tutélaire » Il a dirigé, pour la partie de son oncle. musicologique, le projet ANR CIRESFI (pour une réévaluation Jamais Monnet des spectacles forains et italiens n’aurait engagé un sous l’Ancien Régime). Ses recherches portent sur l’opéra et l’opéra-comique inconnu dans son équipe e e artistique qui rassemblait le français des XVII et XVIII siècles, dramaturge Favart, le peintre ainsi que surLes Interactions les musiciennes. entre Boucher, le comédien Préville (qui Il a codirigémusique et théâtre , entrera à la Comédie-Française en Jean Monnet par Musiciennes en (L’Entretemps duo, 1753), les danseuses et danseur Mlles Augustin de Saint-Aubin 2011),Compagne, fille, sœur d’artistes Puvigné, Lany et Noverre, formés à l’Opéra. La troupe de 1744 compte 13 (Presses universitaires de Rennes, chanteurs, 10 danseurs, et Rameau 2015) et prépare une monographie sur l’opéra-comique dans la première prend la tête d’un orchestre de 15 e musiciens. Signe de la qualité de moitié du XVIII siècle (Vrin, collection cet ensemble, certains d’entre eux « MusicologieS »). rejoindront l’Opéra à la fermeture de l’Opéra Comique en 1745 – annéeLes où RameauFêtes de Polymnie y retournera pour créer .

39 PHÈDRE

PRISE AU PIÈGE TRAGIQUE

De nombreuses sources antiques Euripide

SurSOURCES Phèdre et GRECQUES Hippolyte SurSOURCES Thésée GRECQUES Euripide Hippolyte voilé Euripide Égée

e , , , e , tragédie, V s. av. J.-C. (fragments) tragédie, V s. av. J-C. (fragments) Sophocle Phèdre Sophocle Égée

e , , , e , tragédie, V s. av. J.-C. (fragments) tragédie, V s. av. J-C. (fragments) Euripide Hippolyte porte-couronne, Euripide Thésée

, e , e , tragédie, V s. av. J.-C. tragédie, V s. av. J-C. (fragments)

SOURCESOvide, Les Métamorphoses LATINES SOURCESPlutarque Vies parallèles LATINES

er , , ,e poème épique, I s. portraits biographiques, II s. Virgile L'Enéide er , , poème épique, I s. Sénèque Phèdre er , , tragédie, I s.

40 De la scène baroque à la tragédie classique... …et aux scènes d’opéra

Hippolyte Robert Garnier Lully Thésée 1573 : de (imprimée à Paris) Hippolyte Guérin de La Pinelière , 1675 : , tragédie en musique livret de Quinault, Saint-Germain-en-Laye 1635 : de (imprimée à Paris) Hippolyte ou le Garçon insensible Gabriel Gilbert Haendel Teseo 1646 : de , 1713 : , seria, livret de Haym (Paris, troupe de l’Hôtel de Bourgogne) d’après Quinault, Queen’s Theater (Londres) Ariane Thomas Corneille Rameau Hippolyte et Aricie 1672 : de , 1733 : , tragédie en musique, (Paris, Hôtel de Bourgogne) livret de Pellegrin, Académie royale de musique Hippolyte Mathieu Bidar Gluck Ippolito, 1675 : de , 1745 : drama per musica, (Lille, Comédiens du Prince d’Orange) livret de Gorini Corio, Teatro Regio Ducale (Milan) Phèdre et Hippolyte , er Traetta 1677 (1 janvier) : de , 1759 : (Paris, Hôtel de Bourgogne) tragédie en musique, livret de Frugoni Phèdre et Hippolyte Jacques Nicolas d’après Pellegrin, Nuovo Teatro Ducale (Parme) 1677 (3 janvier) :Pradon de Mondonville Thésée (Paris, troupe de l’Hôtel Guénégaud) , 1765 : , tragédie en musique, livret de Quinault, Fontainebleau Gossec Thésée , 1782 : , tragédie lyrique, Les tragédies livret de Quinault revu par Morel de Chédeville, concurrentes Académie royale de musique de janvier 1677 Lemoyne Phèdre, , 1786 : tragédie lyrique, livret de Hoffman, Fontainebleau Paisiello , , 1788 : , livret de Salvoni d’après Frugoni et Pellegrin, Teatro San Carlo (Naples)

41 LES PROTAGONISTES

THÉSÉE Éthra, princesse de Trézène, mit au monde Thésée à la suite de ses amours successives avec le roi d’Athènes, Égée, et le dieu Poséidon/ Neptune. Adulte, Thésée est reconnu par Égée qui l’envoie en Crète pour vaincre le Minotaure, exploit qu’il accomplit avec l’aide d’Ariane, ensuite abandonnée. Héritier du trône d'Athènes, Thésée est le fondateur mythique de la démocratie. THÉSÉE

Ô détestable fils ! Exécrable aventure Qui fait rougir un père et frémir la nature ! Justes Dieux qui savez la peine où je me vois, Venez à mon secours ! Vengez-vous ! Vengez-moi ! Vous-même, punissez ce monstre détestable ! Et que je sois vengé sans me rendre coupable. Hippolyte ou le Garçon insensible Gilbert, , A IV, 2

Thésée tuant le Minotaure 42 « Il adore Aricie, il me hait, et je l’aime. »

Phèdre et Hippolyte, Pradon, A IV, 3

PHÈDRE Fille du roi de Crète, , et de Pasiphaé, Phèdre est la sœur d’Ariane et la demi-sœur du Minotaure. Enlevée par Thésée, elle l’épouse alors que naît sa passion pour Hippolyte, son beau-fils. PHÈDRE

Hé bons Dieux ! Que ferai-je ? Aurai-je toujours pleine La poitrine et le cœur d’une si dure peine ? Souffrirai-je toujours ? Ô malheureux Amour ! Que maudite soit l’heure et maudit soit le jour Que je te fus sujette ! Ô quatre fois maudite La flèche que tu pris dans les yeux d’Hippolyte : D’Hippolyte que j’aime, et non pas seulement Que j’aime, mais de qui j’enrage follement. Hippolyte Garnier, , A II

Phèdre tendant à sa nourrice la lettre accusant son beau-fils Hippolyte. Fresque de Pompéi

43 Hippolyte face à Thésée, parPhèdre Hendricus et Hippolyte Johannes Dieben, d’après le tableau peint en 1802 par Pierre-Narcisse Guérin HIPPOLYTE Fils de Thésée et de la reine des Amazones, Antiope, il doit à sa mère son goût pour les forêts et la chasse, ce qui lui attire la protection d’Artémis/Diane et les foudres d’Aphrodite/Vénus, laquelle déclenche la passion adultère de Phèdre. HIPPOLYTE

Ah ! Je sens dans mon cœur triompher tour à tour Le devoir, la pitié, la nature et l’amour. Il en va de l’honneur d’une amante ou d’un père : Je ne sais là-dessus que penser ni que faire… Hippolyte ou le Garçon insensible Gilbert, , A III, 3

SœurARICIE des Pallantides – clan athénien opposé à Thésée, qu’il décime pour prendre le pouvoir –, Aricie est une captive. Sa fidélité à Artémis/Diane lui permet d’obtenir le secours de la déesse. ARICIE

Cher Hippolyte, hélas ! tu voyais ce danger ? Elle peut tout, du moins elle peut se venger… Fuis de ces tristes lieux, va, si tu m’en veux croire, Mettre en dépôt ton cœur dans le sein de la gloire. Phèdre et Hippolyte Pradon, , A I, 4

44 VOICI ENCORE UNE TRAGÉDIE

...dont le sujet est pris d’Euripide. Quand je ne lui devrais que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je lui dois ce que j’ai peut-être mis de plus raisonnable sur le théâtre, puisqu’il a toutes les qualités qu’Aristote demande dans le héros de la tragédie. En effet, Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente : elle est engagée, par sa destinée et par la colère des dieux, dans une passion illégitime dont elle a horreur toute la première : elle fait tous ses efforts pour la surmonter : elle aime mieux se laisser mourir que de la déclarer à personne ; et lorsqu’elle est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion qui fait bien voir que son crime est plutôt une punition des dieux qu’un mouvement de sa volonté.

« Je n’ai point fait de tragédie où la vertu soit plus mise en jour : les moindres fautes y sont sévèrement punies ; la seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même. »

Racine, préface de Phèdre, 1677 Jean Racine en 1696 d'après Jean-Baptiste Santerre

45 DE L’IMPORTANCE DE L’« AUTEUR DES PAROLES » :

L’ÉTONNANT ABBÉ PELLEGRIN Benjamin Pintiaux Par

Né en 1663, Pellegrin a plusieurs La Bibliothèque nationale conserve, vies avant de devenir un auteur Lorsque PellegrinHippolyte fournit et Aricie le « poème ly- dans la collection générale des à la fois reconnu et décrié. rique » d’ à Rameau, portraits au département des il a 70 ans, et une longue expérience Estampes (côte RC-A-92818), le seul Marseillais d’origine, il est tour d’« auteur de paroles », comme on portrait connu à ce jour de l’abbé à tour moine servite à Moustiers, dit alors. Aussi novatrice que puisse Simon-Joseph Pellegrin, sous une puis aumônier sur les galères royales. apparaître cette tragédie en musique, mauvaise identification en raison On le retrouve à Paris, accompagné ce n’est pas une œuvre de jeunes

d’une erreur sur le prénom de l’auteur. de sone frère le Chevalier, à la fin artistes, Rameau étant âgé de 50 ans La gravure ovale représente un vieil du XVII siècle. à sa création. Elle s’inscrit dans homme devant une bibliothèque une longue série d’opéras, depuis fournie, entouré d’un filet mentionnant Il collabore avec le musicien Gillier les premiers chefs-d’œuvre de Lully, « Pierre-Joseph Pelegrin de Marseille, dès 1695, publie de nombreux et Pellegrin est le continuateur 1739 ». Sous le médaillon, de petits recueils de poésies spirituelles, scrupuleux d’une tradition d’écriture bouts de papier sortent d’un sac cantiques et noëls, commence bien établie, dans laquelle il s’illustre volumineux, qui portent des titres à travailler pour le théâtre. Il est depuis vingt ans. d’œuvres dramatiques. Le portrait auteur pour les foires à partir de 1711, De Marseille » : le filet du médaillon est accompagné d’un quatrain et débute son œuvre de librettiste « insiste sur les origines de Pellegrin. d’octosyllabesJephté qui célèbre la réussite à l’AcadémieMédée royale et Jason de musique de l’opéra . en 1713 avec . La plupart des témoignages

46 « Quoiqu’une noble hardiesse soit un des plus beaux apanages de la poésie, je n’aurais jamais osé, après un auteur tel que Racine, mettre une Phèdre au théâtre si la différence de genre ne m’eût rassuré : jamais sujet n’a paru plus propre à enrichir la scène lyrique. »

Hippolyte et Aricie Pellegrin, préface du livret d'

de l’époque ne se privent jamais Du moins cette mauvaise réputation de rappeler l’ascendance provinciale nous montre-t-elle qu’il appartient à une de notre écrivain, souvent avec génération d’auteurs moins reconnus dédain. Fils d’un conseiller au présidial que les premiers librettistes de l’opéra de Marseille, Pellegrin est souvent français ( ou Thomas moqué pour son accent, ses défauts Corneille), et qu’il ne bénéficiera jamais d’élocution, et son peu d’attention de l’institutionnalisation dont sauront à sa tenue vestimentaire. profiter des auteurs mieux établis, tels Antoine Danchet ou Charles Antoine En réalité, on peut imaginer une Houdar de la Motte qui seront, eux, condescendance toute parisienne abondamment portraiturés. dans ces assertions, certainement exagérées puisque Pellegrin est Ainsi Pellegrin eut-il une carrière rapidement introduit dans les milieux longue, remarquable en bien les plus réputés : auprès de la duchesse des points, mais sans en obtenir du Maine, pour laquelle il écrit un de reconnaissance officielle ni des revenus intermède de l’une des fameuses importants. Ce qui l’obligea à multiplier Nuits de Sceaux ;Pélopée à Versailles, où il lit les travaux d’écriture et à compléter ses Simon-Joseph Pellegrin, sa tragédie . ressources en exerçant son sacerdoce. portrait anonyme, 1739

47 Neptune et les vents,

par Giovanni Batista Tiepolo, vers 1760

48 « Le grand secret pour être approuvé, c’est de mettre les spectateurs au point de sentir qu’ils feraient de même que les acteurs, s’ils se trouvaient en pareille situation. »

Hippolyte et Aricie Pellegrin, préface du livret d'

Le médaillon représente en effet Pellegrin en soutane noire à rabats son sacerdoce, en particulier dans la L’opéra, plutôt que d’insisterfatum sur blancs, avec la calotte noire d’un paroisse de l’église Saint-Côme (détruite la dimension tragique et le prêtre ordinaire. aujourd’hui), où il est inhumé en 1745. divin, permet de contourner le modèle Pellegrin, d’abord Prêtre véritable donc, Pellegrin racinien, de célébrer l’union des jeunes moine servite, obtient de Madame contribue à une forme de moralisation héros dans une Arcadie rêvée et dans de Maintenon un bref de translation de l’opéra français la tonalité de la pastorale, de critiquer qui le libère des obligations qu’on ne saurait les vocations forcées en insistant Jephté monastiquese dès les premières années séparer de son attachement aux valeurs sur la liberté des individus et leurs du XVIII siècle. de l’Église. En 1732, est le premier possibilités de salut, de faciliter une opéra biblique représenté à l’Académie conciliation, imprégnée de théologie Il reste cependant, durant toute royaleHippolyte de musique.et Aricie L’année suivante,Phèdre d’inspiration jésuite, entre la vertu son existence, attaché aux valeurs réécrit la et le monde. chrétiennes d’inspiration jésuite, de Racine en offrant une « présentation Pellegrin pose devant une et il publie un nombre impressionnant positive duValeurs principe morales divin » et (Jean-Noël religieuses bibliothèque fournie : ses lectures ou de recueils de poésies religieuses, Laurenti,sur la scène de l’Académie royale de peut-être ses productions, tant il est essentiellement destinées à être chantées musique, 1669-1737 un infatigable polygraphe. sur des airs connus. Ces parodies , Droz, 2002). On compte spirituelles, pour lesquelles il compose ainsi dans son œuvre une vingtaine à l’occasion quelques mélodies simples, La tragédie en musique est en effet de recueils de poésies spirituelles, mais qui s’adaptent la plupart du temps à génériquement et idéologiquement constamment revus et réédités, une des chants anciens ou à des airs d’opéras différente de la tragédie déclamée : traduction d’Horace en vers, huit célèbres, lui apportent rapidement « Je n’aurais jamais osé, après un piècesArlequin pour à la Guinguetteles théâtres forains une réelle renommée. Certaines (tel auteurPhèdre tel que Racine, mettre une ( en 1711 pour le fameux « Venez, divin Messie ») sont au théâtre si la différence la loge que tientLa son Bague frère enchantée à la foire encore chantées de nos jours. Notre abbé du genre ne m’eût rassuré », écrit Saint-Laurent, complète encore ses revenus en exerçant Pellegrin dans sa préface. pour la foire Saint-Germain en 1713),

49 En 1733, Pellegrin est cependant des tragédies, pastorales et comédies Ces erreurs confirment les difficultés auréolé d’une réussite éclatante pour tous les théâtres parisiens, d’identification de l’écrivain lui- et novatrice, celle du premier opéra parfois à l’attribution difficile. L'abbé même, qui semble ne jamais chercher sacré du répertoire Jephté peut en effet masquer son nom afin à assoir sa postérité, et qui devient ainsi , , sur d’éviter l’accusation d’apostasie, et l’exemple de l’écrivain artisan, appelé une musique de Michel Pignolet de plus simplement parce qu’il travaille à l’occasion pour corriger un livret jugé Montéclair, qui sera représenté plus comme prête-nom pour des amateurs défectueux. De façon étonnante, mais de cent fois de 1732 à 1761. La gravure souhaitant être joués à Paris, ou finalement caractéristique, on trouve de 1739 met en avant ce succès avec qu’il collabore avec d’autres auteurs, trois signatures peu ressemblantes ceJephté quatrain : « Avec quel art dans son comme son frère le Chevalier ou de Pellegrin dans les registres / Il trouve le secret de plaire / Marie-Anne Barbier. de la Comédie-Française. Sans qu’aucun faux brillant n’altère / La collaboration de Rameau La splendeur de la vérité. » Sous le médaillon, un sac laisse échapper avec Pellegrin paraît ainsi le des petits papiers sur lesquels on lit choix d’un travail artisanal Or, malgré leurs aspectsJephté les titres d’œuvres Leaussi Nouveau bien pour Monde le de qualité fondamentalementHippolyte différents, et Aricie théâtre (la comédiePélopée plutôt que celui de l’inno- forme avec une sorte ou la tragédie ) queLe Jugement pour l’Opéra de vation ostentatoire, mais aussi celui de diptyque racinien dans l’œuvre de (desPâris pastorales comme d’un librettiste qui, par son expérience, Pellegrin. Le premier est déjàPhèdre empli Médée ou et des Jason, tragédies Télémaque, en musique Polidore, telles propose l’ensemble des possibles de de références à Racine, et à Jephté, Hippolyte et Aricie l’opéra français, et permet au musicien en particulier : « J’aime… à ce mot, …). Derrière la monstration de l’étendue de son je sens une juste terreur : / J’aime… l’idée d’une remarquable prolixité, ces talent. L’échec de la collaboration vous frémirez d’horreur / Quand vous indications permettent d’authentifier entreSamson Voltaire et Rameau (pour l’opéra saurez l’objet de ma faiblesse extrême ». l’auteur de ces textes (sans qu’on puisse ), peut s’expliquer par les Le caractère sacréEsther rapprocheAthalie exclure des collaborations cachées : volontés réformatrices de Voltaire et également l’opéra d’ ou d’ , Jean-Louis IgnacePolidore de La Serre signe une offre textuelle finalement moins et si le dénouement évite la mort ainsi le livret de ). conforme que celle de Pellegrin : de son héroïne Iphise, le registre comment ne pas imaginer que tragique domine durant toute l’œuvre. Elles permettent aussi d’identifier Rameau recherche tous les codes Hippolyte le modèle du portrait, publié avec deux de l’écriture lyrique et le respect L’année suivante, revisite erreurs : l’une, assez commune, sur le des formes littéraires et musicales la tragédie racinienne, valorisant un nom de notre écrivain par l’oubli d’un existantes, permettant l’émergence traitement élégiaque et merveilleux, « L », et l’autre sur son prénom, Pierre d’innovations compositionnelles cette fois en contournant son modèle, remplaçant fautivement Simon. littéralement inouïes ? en évitant les moments de bravoure

50 Fête de Diane troublée par des satyres,e par Claude Gillot, début du XVIII siècle

51 attendus (l’aveu de Phèdre semble Pellegrin joue moinsJephté avec le texte ParmiHippolyte les brillants et Aricie interprètes qui créent expédié), en les extériorisant (l’acte II rend de Racine que dans , et plagie figure Marie-Anne visiblePhèdre le bref récit de la mort de Thésée aussi bien Euripide ou Pradon. Mais de Camargo (1710-1770), danseuse issue dans , tout comme le récit de les jeux intertextuels entre les deux d'une famille de musiciens et louée pour son élégance, son naturel et sa gaieté. Théramène donne lieu à l’apparition du opéras de Pellegrin sont néanmoins monstre dans l’opéra), en « corrigeant » le nombreux, et leurs structuresJephté se personnage de Thésée, et en retournant répondent, comme si le moule de le nœud de l’intrigue est suggéré au cœur à des versions anciennes du mythe avait été repris, presque à l’identique, de l’opéra, par ellipse (Iphise voit son père, pour le dénouement, en particulier par malgré les écarts thématiques et de Thésée revient des Enfers). Ainsi, Pellegrin l’emprunt de la résurrection d’Hippolyte registres. Moments-clés, divertissements, semble reprendre un patron qui avait etMétamorphoses du bois consacré à Diane aux grands monologues sont disposés de probablement séduit Rameau, grand d’Ovide. façon identique, et dans les deux cas admirateur de l’opéra de Montéclair.

52 Jephté / Hippolyte Le diptyque une maîtrise formelle et technique, de l’Opéra. Si l’on ne connait qu’un seul rappelle en outre une constante mais oblige à renoncer à l’originalité,Psaumes portrait de lui, du moins sa postérité de l’œuvre de l’abbé : l’alternance àde la David posture auctoriale. Dès les est-elle, loin de toute condescendance des registres dominants dansMédée ses (1705), il écrit : « La nécessité et de toute comparaison impropre livrets. À la tragédie de que je me suis imposée d’accommoder avec la « grande » littérature, plus (1713)Télémaque succède l’épopée merveilleuse mes vers aux chants m’a restreint à un importante qu’on ne l’imagine. Par deOrion (1714), la féerie certain genre d’expression sans lequel exempleHippolyte par et le Aricie maintien durable d’ (1728) faitTélégone suite aux accents la poésie lyrique estHippolyte sans agrément ». d’ au répertoire horrifiques de (1725). Et Ainsi, le texte d’ offre (en particulier par la version 1757), encore ces dominantes successives à Rameau toutes les scènes attendues, ou grâce aux adaptationsIppolito de edses livrets,Aricia doivent-elles être également dans le cadre sériel de la tragédie aussi bien pour Renaud insérées au sein de chaque opéra. en musique, dans une multiplicité de Traetta (1759) que pour Les actesHippolyte relevant de la pastorale de registres que Pellegrin maîtrise de Sacchini en 1783. dans enserrent ainsi tous. Cet apparent conformisme est de véritables moments tragiques, la condition de la réussite de la mise en les textes permettant de la sorte musique comme du succès de l’œuvre, une grande diversité de réception. qui permet l’émergence de codes La gravure de 1739 noie Hippolyte mixtes autorisant l’union entre poésie, et Aricie parmi d’autres titres, musique, ballet, spectacle dramatique et oublie les petits travaux et merveilleux. de Pellegrin, où pourtant« il » excelle On aurait tort de comparer les vers : les de Racine à ceux de Pellegrin. BENJAMIN PINTIAUX exercices parodiques. Elle ne rend pas Si ces compte d’un artisanat virtuose et sous derniers peuvent sembler pauvres ou contrainte qui fait pourtant également conventionnels, ils offrent une palette Historien et musicologue, Benjamin tout l’intérêt des « paroles de musique ». d’une variété remarquable et un Pintiaux enseigne à l’École de Danse matériau sonore efficace, quand les de l’Opéra de Paris. Après une Pellegrin a en effet pour partie premiers ne sont tout simplement pas thèse soutenue à l’EHESS et portant appris le métier de poète lyrique par « musicables ». C’est sans doute cette sur l’abbé Pellegrin, il a publié de l’écriture de textes sur des musiques qualité, apprise en particulier dans les nombreux articles sur le livret d’opéra préexistantes, souvent empruntées réécritures parodiques, qui explique en France. Il est également metteur au genre opératique. Il est en cela que Pellegrin est le librettiste le plus en scène et directeur artistique emblématique d’une spécialisation prolifique de son temps, ce qui lui valait de la compagnie Pêcheur de Perles du métier de librettiste, qui exige alors l’appellation de « patriarche » et du Festival Eva Ganizate.

53 Marie Antier vers 1735, portrait de Donatien Nonnotte, Château d’Anjou (Isère)

CréatriceLes Indes d’Aricie,galantes de Phani ( ) et de Phébé ( ), Marie Antier (1687-1747) tient une partition de Lully ( ), dont elle était une grande interprète. Le portrait fut peint à la demande de Louis XV qui, enfant, avait dansé à ses côtés lors d’un ballet de cour aux Tuileries. Première chanteuse de l'Opéra, elle fut un temps la maîtresse du prince de Carignan, puis de La Pouplinière. Bâti en 1715, son hôtel (Antier ou de Verrières) du 45-47 rue d'Auteuil à Paris existe encore aujourd’hui.

54 UN OUTSIDER À L’ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE

Raphaëlle Legrand Par

J’ai suivi le spectacle depuis 1706 à 1708Alcione (il a peut-être assisté à la Durant la dizaine d’années parisiennes l’âge de douze ans : je n’ai création d’ de ). qui précèdent l’accès de Rameau à la travaillé pour l’Opéra Dans les provinces du Midi où il a scène de l’Opéra, on le voit écrire de qu’à cinquante ans, encore ne m’en exercé, il a pu rencontrer maintes la musique pour les opéras-comiques croyais-je pas capable ; j’ai hasardé, troupes lyriques ambulantes, à que son compatriote Alexis Piron produit j’ai eu du bonheur, j’ai continué ». l’instar de celle dans laquelle il s’était dans les théâtres de la Foire. Sous une Comme le rappelle Rameau à un engagé un temps comme violoniste, forme parodique, c’est bien la tragédie jeune compositeur qui lui demandait à 18 ans, revenant d’un voyage en en musique qui nourrit la verve des deux des conseils, la route a été longue Italie. Pour se préparer à composer Dijonnais. Rameau s’exerce ainsi à la depuis sa première expérience du des œuvres de vastes dimensions, il musique dramatique, et sans doute pense- théâtre musical dans le collège jésuite s’est exercé à l’opéra de poche qu’est t-il que les théâtres forains représentent dijonnais où il faisait ses études,er la cantate, faisant chanter tour un bon moyen de se rapprocher de son jusqu’à cette mémorable soirée du 1 à tour Orphée, Thétis ou Médée. rêve. Bien des vedettes de l’Académie octobre 1733 où le public de l’Académie Installé définitivement à Paris, à 40 royale de musique, en effet, danseuses, royale de musique entendit résonner ans, il s’impose comme un théoricien chanteuses, librettistes, compositeurs, lesHippolyte premières et Aricienotes de l’ouverture majeurTraité de avec l’harmonie son monumentalréduite à ses ont fait leurs premières armes devant d’ . principes naturels le public mêlé de l’Opéra Comique. , suivi de nombreux Si la musique que Rameau compose alors Route longue, sinueuse, mais suivie autres ouvrages qui lui valent la pour Piron est perdue, on en trouve des avec obstination. Organiste dans réputation de savant, de nombreuses échos dans les deux livres de pièces de diverses villes de France, Rameau querelles avec ses confrères, clavecin qu’il publie à la mêmeTambourin époque, ne manque pas une occasion d’aller et des élèves dont les cachets avecMusette notamment en rondeau le fameux , au spectacle, notamment à Lyon, complètent son salaire d’organiste laNiais de Sologne ou encore les ou lors d’un bref séjour parisien de de Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. .

55 C’est encore Piron qui fait entrer Rameau Pour parvenir à se faire jouer à Menus-Plaisirs et inspecteur général dans la société du Caveau, joyeuse l’Opéra, outre un librettiste (qu’il de l’Académie royale de musique, un société bachique et chantante où le trouvera dans la personne de l’abbé grand seigneur qui régnait sur les musicien allait rencontrer, le verre en Pellegrin, moins célèbre que La Motte destinées de l’Opéra depuis trois ans. main, nombre de poètesLes quiIndes lui galantesécriraient mais doué d’une solide expérience), des livrets :Castor Fuzelier et ( Pollux ), il faut donc à Rameau un puissant Victor-Amédée de Savoie, prince de BernardDardanus ( Daphnis), La et Bruère Eglé mécène. On a longtemps cru que Carignan (1690-1741), appartenait à ( ) ou Collé ( ). celui-ci était Alexandre Le Riche de une branche cadette de la maison de C’est cependant à un monument de La Pouplinière, opulent financier, Savoie, alliée à la famille de Soissons. Il l’histoire de l’opéra que Rameau choisit mélomane convaincu, évoluant au possédait à Paris un très bel hôtel près de s’adresser pour lui demander un centre d’un cercle lettré et cultivé. des Halles, construit pour Catherine poème dramatique. Qu’importe si en En 1733, cependant, La Pouplinière de Médicis, entouré d’un grand jardin 1727 Antoine Houdar de la Motte, devenu est à peine revenu d’un long exil en et orné d’une colonne creuse qui, aveugle, s’est éloigné de la scène lyrique province et d’un voyage en Flandres. dit-on, avait servi aux observations depuis près de vingt ans. Pour L’EuropeRameau, C’est en réalité après la création de l’astrologue de la reine, Côme celuigalante qui a écrit le livret de retentissanteHippolyte et Aricie et controversée Ruggieri. Seul vestige du prestigieux de Campra est le champion des d’ que le fermier bâtiment, elle se dresse encore près Modernes, une position que lui-même général va engager Rameau à son de la Bourse du commerce, dans le souhaite occuper sur le plan théorique. service, et lui apporter à la fois quartier des Halles. Il reste de cette tentative une belle lettre une aisance financière bienvenue où Rameau vante sa capacité à rendre et une situation sociale renforcée. Dépensier, sans scrupules, criblé de musicalement toutes les passions, toutes La confusion est venue d’une lettre dettes, prêt à tout pour subvenir à les situations. Les premières phrases de Voltaire, évoquant les deux son train de vie princier, Carignan de sa missive trahissent cependant ce hommes, et dont les spécialistes ont fait de l’hôtel de Soissons un tripot qui handicape Rameau : il vient bien découvert qu’elle était plus tardive (« le rendez-vous des joueurs » note la tardivement dans la carrière et traîne qu’on ne le croyait. Il y a maintenant pastelliste Rosalba Carriera) tout en une réputation (non usurpée) de savant plus de trente ans que le musicologue l’ouvrant aux agioteurs. Dans la grande théoricien, trop savant peut-être pour Graham Sadler a montré que ce fièvre spéculatrice des années 1720, le séduire le public de l’Opéra. Il s’en détail, secondaire pour les études jardin de son hôtel s’était couvert de défend : « la nature ne m’a pas tout à fait voltairiennes, était crucial quant à la baraques où l’on trafiquait les actions privé de ses dons, et je ne me suis pas biographie de Rameau. Il a découvert de la Compagnie du Mississipi. Plus livré aux combinaisons des notes jusqu’au égalementHippolyte que le mécène de Rameau tard, il abritera l’une des premières point d’oublier leur liaison intime avec le avant n’était autre que le loges maçonniques parisiennes et fera beau naturel qui suffit seul pour plaire. » prince de Carignan, intendant des l’objet d’une descente de police.

56 « Il serait à souhaiter qu'il se trouvât pour le théâtre un musicien qui étudiât la nature Collectionneur d’art, accumulant les avant de la peindre. Je suis musicien ; j'ai au-dessus chefs-d’œuvre de peinture, le prince est des autres la connaissance des couleurs et des en outre grand amateur de musique et les concerts dominicaux organisés à nuances dont ils n'ont qu'un sentiment confus, l’hôtel de Soissons mêlent les artistes et dont ils n'usent à proportion que par hasard. » italiens venus de la cour de Savoie à Turin – comme le violoniste Jean-Pierre Guignon, ou la chanteuse Cristina Somis Rameau, lettre à Houdar de La Motte, 25 octobre 1727 (épouse du peintre Carle Van Loo) – et les meilleurs musiciens de l’orchestre de l’Opéra. Farinelli s’y fera admirer lors de son passage à Paris, en 1736. Habitué de ces concerts, Rameau fait sa cour au prince et tisse des relations utiles dans le milieu de l’Opéra. Il y croise notamment la chanteuse Marie Antier, supplantée par la danseuse Mariette comme favorite du prince, et qui incarneraHippolyte leet personnage Aricie. de Phèdre dans

Tandis que la princesse, apparentée à Louis XV, fait de la politique et sert d’agent double entre la France et la Savoie, le prince de Carignan se passionne en effet pour l’art lyrique. Il rêve un temps de bâtir une nouvelle salle de spectacle dans son hôtel, puis se fait attribuer en 1730 l’inspection générale de l’Opéra, place ses fidèles pour assurer la gestion financière de son privilège (monopole d’exploitation), Victor-Amédée de Savoie, Le fermier général Alexandre tout en confiant la direction artistique du prince de Carignan, inspecteur Le Riche de La Pouplinière vers 1755, théâtre à un éminent compositeur alors général de l’Opéra par Maurice-Quentin de La Tour septuagénaire, André Campra.

57 L’hôtel de Soissons vers 1650, par Israël Silvestre Démonstration L’Académie royale de musique se lorsqu’ildu principe évoque, de dans l’harmonie la On peut alors s’interroger sur le rôle trouve au Palais Royal, à quelques rues , une du prince de Carignan, conseillé par de l’hôtel de Soissons, et la frontière exécution privée de son fameux trio Campra, dans la programmation de est poreuse entre l’institution théâtrale enharmonique : « Je regretteHippolyte le Trio des et l’Opéra. Si l’on compare la décennie et la cour du prince : on organise chez ParquesAricie de mon opéra d’ où il règne sur l’Académie royale de Carignan les répétitions des créations , dont l’essai m’avait réussi avec musique (de 1730 jusqu’à sa mort en prochaines, comme autant de coups d’habiles musiciens de bonne volonté, 1741), avec la période précédente gérée d’essais dont les échos filtrent dans et dont l’effet [sur]passe l’idée qu’on par le compositeur André Cardinal le public et attisent son impatience. peut s’en faire, eu égard à la situation Destouches, l’effet de renouvellement C’est probablement à une telle [dramatique]. Il me l’a fallu cependant est frappant. Sur 23 créations, on ne occasion que Rameau fait allusion abandonner pour l’exécution théâtrale ». compte pas moins de 15 compositeurs

58 qui font leurs premiers pas sur cette qui s’essaie à une veine plus sérieuse, scène. De l’ancienne génération, tout en restantVoyages dans de le l’Amour ton pastoral,. Destouches s’est retiré, déçu, tandis avec ses (1736) que Mouret et Campra peinent à Sans doute Rameau faisait-il partie renouveler leurs grands succès de de ces outsiders : un théoricien l’époque de la Régence. Si l’on voit visionnaire ne semblait guère à sa monter la jeune génération, celle qui place sur la scène de l’Opéra, et va obtenir les plus belles charges sa musique complexe n’a d’ailleurs à la cour de Louis XV - Pancrace pas manqué de soulever autant de Royer, François Colin de Blamont, polémiques que d’enthousiasme. Pierre Jélyotte vers 1750.Hippolyte Après ses François Rebel et François Francœur Cependant le pari du prince de débutset Aricie en Amour dans - il est intéressant de constater que Carignan aura été gagnant : Rameau en 1733, il sera un grand les créateurs des nouveaux opéras poursuivra sa carrière en dépit des Hippolyte et le créateur de Castor, Dardanus, Platée et d’autres appartiennent massivement au querelles, et fournira au répertoire rôles-titres de Rameau. personnel de l’Académie royale : de l’Opéra ses plus beaux fleurons. on peut citer, outre Royer, Rebel et On oubliera alors que le programmer Francœur, les maîtres de musique relevait du défi, et le mécénat du RAPHAËLLE LEGRAND Jean-Baptiste Niel, François Lupien prince de Carignan, personnage Grenet, ou le contrebassiste Michel par ailleurs peu sympathique, Pignolet de Montéclair. sombrera dans l’oubli. Musicologue et professeure à Sorbonne Université, membre de l’Institut de Mais l’Opéra s’ouvre aussi à quelques Totalement ? Pas tout à fait. La Recherche en Musicologie (IReMus), Raphaëlle Legrand travaille sur l’opéra personnalités inattendues dans silhouette de Carignan perce sous e l’exercice : une jeune fille de 18 ans, les traits du marquis de Corcy, et l’opéra-comique en France au XVIII mademoiselle Duval qui accompagne le grand seigneur qui lance la siècle, l’œuvre musicale et théorique dansGénies l’orchestre au clavecin son opéra carrière de Chapelou (alias Jelyotte, de Rameau, les chanteuses Regardset les des en 1736 ; René Gallard de leLe Postillon célèbre deténor Lonjumeau ramiste) dans compositrices.sur l’opéra-comique Elle a publié Béarn, marquis de Brassac, officier . d’Adolphe Rameau et le (avec N. Wild, pouvoir de cavalerieL’Empire mélomane, de l’Amour dont l’opéra- Adam Transformé en personnage 2002),de l’harmonie Sillages ballet Hippolyte est créé d’opéra-comique,Hippolyte 103 anset Aricie après la musicologiques (2007) et Musiciennesco-dirigé six mois avant ; ou encore création d’ , le en duo En (1997), un acte, Les actes Joseph Bodin de Boismortier, auteur prince savoyard est peint en mécène de ballet(2015), de Jean-Philippe Rameau d’une infinité de cantates, cantatilles mélomane favorisant, encore une fois, et pièces faciles pour les amateurs, un outsider. (avec R.M. Trotier, 2019).

59 LOIN DES LUMIÈRES : Messieurs, tout LES ENFERS le monde n’est pas philosophe. Nous avons affaire à force fripons, à une foule de gens brutaux, ivrognes, voleurs. DICTIONNAIRE Prêchez-leur, si vous voulez, qu’il n’y a point PHILOSOPHIQUE PORTATIF d’enfer, et que l’âme Voltaire, 1764 est mortelle. Pour moi, s’ils me volent, je leur crierai dans les oreilles qu’ils seront damnés. »

Voltaire ENFER Pluton et Cerbère Les peuples qui enterraient les morts les mirent dans le souterrain ; leur âme y était donc avec eux. Telle est la première physique et la première métaphysique des Égyptiens et des Grecs. Les Indiens, qui avaient inventé le dogme ingénieux de la métempsycose, ne crurent jamais que les âmes fussent dans le souterrain. Les Japonais, les Coréens, les Chinois, les peuples de la vaste Tartarie orientale ne surent pas un mot de la philosophie du souterrain.

Les Grecs, avec le temps, firent du souterrain un vaste royaume qu’ils donnèrent à Pluton et à Proserpine sa femme. Ils leur assignèrent trois femmes de charge nommées les Furies, trois Parques pour filer, dévider et couper le fil de la vie des hommes ; on donna à Pluton un gros chien qui avait trois têtes – car tout allait par trois – et trois Conseillers d’État, Minos, Éaque et Rhadamanthe : l’un jugeait la Grèce, l’autre l’Asie Mineure, le troisième était pour l’Europe. La barque de Charon

60 ENCYCLOPÉDIE OU AU TARTARE, RAMEAU ! DICTIONNAIRE RAISONNÉ C’est du bruit seul qu’il se soucie. Toute musique radoucie ENFER À ce fou fait grincer les dents Virgile a dressé une carte Plus que la lime ni la scie. topographique du séjour des Tremblez, Quinault, tremblez Lully, ombres qu’il divise en sept Il va vous plonger dans l’oubli ! demeures. La première est celle Et si son mérite apocryphe des enfants morts en naissant. Tombe par un juste revers, Ceux qui ont été injustement Nous l’occuperons aux enfers : condamnés à perdre la vie La lyre jurant sous sa griffe, occupent la seconde demeure. Dans la troisième sont L’aigreur de ses barbares airs ceux qui, sans être coupables, mais vaincus par le Comblera les tourments divers chagrin et les misères d’ici-bas, se sont eux-mêmes Et de Tantale et de Sisyphe. Lettre philosophique, donné la mort. La quatrième, appelée le champ des Voltaire, en août 1737, in larmes, est le séjour de ceux qui ont éprouvé les par Mr. de V***, Londres, 1775 rigueurs de l’amour : Phèdre, Didon, etc. La cinquième est le quartier des fameux guerriers qui ont péri dans les combats. L’affreux Tartare, prison des scélérats, fait la sixième demeure, environnée du bourbeux Cocyte et du brûlant Phlégéthon. Là règnent les Parques, les Furies, etc. Enfin la septième demeure fait le séjour des bienheureux, les Champs Élysées.

Article signé Mallet, Jaucourt et Venel, 1755

La furie Tisiphone dans le palais d’Athamas

61 LA RÉCEPTION CRITIQUE D’HIPPOLYTE ET ARICIE

SUR LES SCÈNES DE THÉÂTRE Judith le Blanc Par

L’arrivée de la musique de Rameau dans la musique française à l’Opéra en octobre 1733 est un choc , 1746), met le génie de Rameau prévalut », pour les oreilles parisiennes. donc un certain temps à s’imposer racontentAnecdotes Laporte dramatiques et Clément dans Elle auprès d’un public parisien plutôt leurs (1775). provoque la querelle des « Lullystes » conservateur et habitué à la musique La dimension polémique et des « Ramistes ». Les premiers des successeurs de Lully. du premier opéra de Rameau prend sont déconcertés par l’impression Hippolyte une tournure particulière sous la de trop-plein « où ils voient plus « et LaAricie représentation d’ plume des dramaturges certains de “science” que d’“expression” » devint une époque pour n’hésitent pas à en faire : un objet (Paul-Marie Masson). Les seconds la Nation : elle excita dans les de spectacle. sont subjugués par l’extraordinaire esprits une fermentation générale, Dès novembre 1733 puissance musicale. effet ordinaire de tous les bons paraissent ainsi des pièces qui mettent ouvrages. Tout le monde prit parti en scène – et en abyme – les réactions Cette musique, que d’aucuns pour ou contre ce nouveau genre de contrastées des uns et des autres. jugent « hérissée de difficultés, qui musique, avec une espèce de délire :

se réduit à faire beaucoup plus de mais le concours des spectateurs bruit que Ded’impression » la Corruption(Bollioud du goût de ne diminuait point ; et malgré la Mermet, prévention, la jalousie et la haine,

62 À la Comédie-Française

Le 23 novembre 1733, la Comédie- Française programme Le Badinage, Comme à des gens qu’on voit Et par un dernier trait une comédie allégorique de Louis de pour la première fois. de licence inouïe, Boissy De tous les chœurs . Dans la dernière scène paraît le Puis le Parterre endosse le rôle d’un il fait des Matelots. personnage du Parterre, sorte d’avatar Auteur, forcément partisan de Racine, Et l’on ne venge point du public-type de la Comédie-Française.Hippolyte et Aricie le dramaturge maison, contre le le bon sens qu’il désole, Il vient de découvrir librettiste Pellegrin : Ce Théâtre qu’il pille, à l’Opéra, et il se fait Musicien pour LE PARTERRE, en Auteur et Racine qu’il vole ! livrer un écho de sa réception : . LE PARTERRE, en Musicien Pour le poème, il m’effarouche, Tout se passe comme si Rameau . On n’a jamais commis de telsPhèdre larcins. et Pellegrin avaient surenchéri à Je rends justice à la musique. Piller effrontément, piller , la fois sur Lully et Racine. En effet, Elle est bien travaillée, avilie ; Aricie est une invention de Racine, elle a de grands morceaux, C’est voler sur les grands chemins. qui a déjà infléchi la tragédie vers Les accompagnements On lui prend tout encor la thématique amoureuse, sans aller et les chœurs en sont beaux. jusqu’au nom d’Aricie ; jusqu’à mettre son nom dans le titre Mais par malheur, Mais que dis-je ? c’est peu de sa pièce, centrée sur Phèdre. elle est mélancolique, dans ces temps inhumains, Pellegrin a développé ce personnage Fatigue trop l’orchestre ; C’est peu qu’on la dépouille, d’Aricie et a ménagé un dénouement et dans le même temps ô Ciel ! on l’estropie. heureux pour les amants. En cela, Qu’il paraît qu’elle pique Un barbare, eh ! le puis-je il a coloré la galanterie racinienne Quinze ou vingt prétendus savants, autrement appeler ? du « merveilleux » qui est propre à la Elle ennuie à mourir plus Lui brise chaque membre, tragédie en musique. Il est accusé par de mille ignorants. et l’ose décoller ; l’Auteur d’avoir « pillé » et « estropié » Les airs d’ailleurs, nouveaux Sans pitié, sans égard aux Racine, valeur érigée en symbole de la dans leur espèce, lois de l’harmonie, Comédie-Française, laquelle défend Sont plus tartares que français ; Change les plus beaux vers ici son répertoire en faisant incursion On leur fait ici politesse, en des vers Visigoths, en territoire critique.

63 Alexandre Iphigénie C’est ensuite au tour d’un Abbé d’être plu à Rameau, lui-même critiqué Dans ou dans - incarné par le Parterre : pour sa musique trop savante. Mais Je ne sais dans lequel LE PARTERRE, contrefaisant l’Abbé. si Rameau s’inspire du modèle lullyste des deux précisément, pour la forme et le sujet, il innove J’en ai fait la lecture Sans m’échauffer les sens, moi, sur le plan musical et va beaucoup étant petit enfant - je fais mes remarques : plus loin, notamment avec les D’une peinture si jolie. Je fronde les Enfers, et le célèbres enharmonies. Après l’Abbé, J’aiSon retenufront large ces deuxest armé vers seulement : trio des Parques. le Parterre adopte encore l’identité d’écailles jaunissantes ; Outre que dans ils sont d’un Commis, dans ce qui s’avère Tout son corps est couvert pris tout du long, un morceau de bravoure pour son de cornes menaçantes Je ne saurais souffrir interprète transformiste : . les hommes en jupon, LE PARTERRE, en Commis La mascarade est subalterne Le Commis estropie les vers du indécente et sotte ! . récit de Théramène, en inversant Passe pour mettre encor Je sors fort mécontent comiquement les termes : « Son des femmes en culotte. de cette comédie. front large est armé de cornes J’en trouve le coup d’œil Tout supputé dans mon génie, menaçantes ; / Tout son corps est amusant et fripon. L’Opéra, ventrebleu, nous couvertPhèdre d’écailles jaunissantes » Et tirant mon rabat prend pour des zéros ( , V, 6). et braquant ma lorgnette, De nous tirer de nos bureaux Cette scène de Boissy, véritable J’ai le plaisir alors de Pour nous donner caisse de résonance de la bigarrure juger du tendron, semblable rapsodie ! du public de l’Opéra, culmine dans Et de me récrier « Qu’elle est J’ai la tête cassée une sorte de crise de schizophrénie bien en garçon ! » […] et l’oreille assourdie au sujet de l’oracle qui annonce D’entendre sans raison à Thésée qu’il trouvera les enfers L’Abbé accuse Rameau d’avoirIsis pris tonner à tout propos ; « chez lui ». Puis le Parterre finit par son trio des Parques dans l’ de Et la salle est empuantie se calmer en évoquant la repriseIssé Lully et Quinault, surnommé en son Par l’odeur des pétards toute récente à l’Opéra d’ , temps « l’opéra des musiciens ». De qu’allument des nigauds, œuvre de La Motte et Destouches ce premier trio des Parques, Lecerf D’un bras fort maladroit, créée à la fin de siècleIssé précédent, de La Viéville a dit qu’il est « un des dans les vilains naseaux en 1697 : « On a remis , ma joie plus parfaits morceaux de science, Du monstre que combat Aricie, en est extrême ». Le Parterre de la et des plus au gré des savants, qu’ait Et que Corneille a peint Comédie-Française se montre ainsi laissé Lully ». On comprend qu’il ait si galamment résolument conservateur…

64 Les trois Parques,

par Cornelise Cort, milieu du XVI siècle

65 À la Comédie-Italienne

Sur la scène de la Comédie-Italienne, qui a rouvert ses portes en 1716 et par Philippe Lejeune), répliques Les Parques reprennent textuel- rivalise avec l’Opéra Comique sur d’autant plus nombreuses que le lement le fameux « tremble, frémis le terrain parodique, Hippolyte et séisme initial fut fort. Les œuvres d’effroi » de Pellegrin. Le prologue Aricie est gratifié de deux parodies s’engendrent et se nourrissent ainsi s’achève sur ce couplet de Pluton, dramatiques les unes les autres. chantéQuand sur lela péril musique est agréable tendre de . Elles ciblent l’opéra 1733 l’air Atys (de en tant qu’œuvre, mais aussi en tant l’acte I de l’ de Lully) : « L’Enfer que genre. Elles reprennent le titre de Dans le vaudeville final de la parodie et sa noire furie / Sont le prologue Pellegrin et mêlent des dialogues en de 1733, on trouve ainsi un clin d’œil de tes maux. / Chez toi tu rentres prose et des vaudevilles, c’est-à-dire à la pièce de Boissy représentée à propos / Pour voir la tragédie ». des airs populaires – parfois extraits alors par les Comédiens Français : Les auteurs reprochent à Pellegrin de l’opéra ciblé – sur lesquels les d’avoir trop « humanisé » la chaste auteurs greffent des paroles inédites. Fronder un opéra nouveau, Diane, peu encline d’ordinaire à La première, de Riccoboni dit Lélio fils Ne lui point donner son suffrage, favoriser l’amour. Ils condamnent et Romagnesi, avec une musique de Quand on ne le trouve pas beau l’abondance des ballets, la Jean-Joseph Mouret, est présentée le C’est être sage. médiocrité de leur exécution, et les 30 novembre 1733, soit deux mois après Mais s’acharner avec fureur innovations ramistes en matière de la création de Rameau. La seconde, Dans la critique de l’ouvrage grand monologue accompagné : de Favart et Parmentier, est créée À vouloir dénigrer l’auteur THÉSÉE le 11 octobreHippolyte 1742, à l’occasion de la Cela passe le badinage ! reprise d’ à l’Opéra à partir Je ne saurais gémir sans du 11 septembre 1742. Cette parodie de Lélio fils, accompagnement.Gulliver Romagnesi et Mouret commence Air : Toutes ces comédies critiques par un prologue situé aux Enfers. Entends ma voix entretiennent entre elles un réseau Les parodistes bouleversent ainsi la Favorable Neptune. d’intertextualité et d’intermusicalité chronologie de l’opéra de Rameau et Seconde ma rancune, d’une grande richesse : elles rétablissent une certaine linéarité. C’est ce que tu dois forment en quelque sorte une Ils raillent la filiation de Thésée qui, À mes exploits. sériepalimpsestueuses de répliques dramatiques à défaut d’être le fils de Neptune, L’Opéra t’importune (néologisme forgé est connu « pour fils d’Égée ». Par trois fois.

66 Pluton et Cerbère, par Le Caravage, vers 1599

67 Charles-Simon Favart

Hippolyte À l’amour Dans la la reprise d’ en septembre Parmirendons les les vaudevilles, armes on trouve scène 15, le 1742. Mais aussi les réflexions méta- ’Hippolyte , du prologue mot « écaille » théâtrales – sur la poétique de l’opéra, d , mais également une pièce emprunté à sur les divertissements intempestifs, de clavecinSœur Moniquede François Couperin inti- Racine incite les sur les ratés de la représentation. tulée , confiée à Aricie parodistes à substi- Les parodistes stigmatisent ainsi dans le temple sacré de Diane, dévoyé tuer au monstre marin une huître le passage obligé du duo : en temple de l’Amour… « épouvantable » qui « avale » ARICIE littéralement Hippolyte. Ce n’est pas Il faut fuir La musique de Rameau y est qualifiée parce que le merveilleux de l’opéra est Air : de « musique géométrique », certains sapé par la parodie que celle-ci est Chanter à deux n’a rien vers de Pellegrin sont cités tels quels et exempte d’un merveilleux spécifique, qui m’intéresse ; décrétés « pitoyable[s] ». Neptune, qui dont le génie dans la trouvaille À l’Opéra c’est le moment d’ennui. règne sur les « soles », est invoqué par spectaculaire rivalise ici avec l’Opéra ! Les duos y vont aujourd’hui Thésée qui espère que sa promesse Comme deux seaux font ne sera pas celle d’un « Normand ». On La cible de la parodie est double : dans un puits : retrouve les accusations de pillage de des citations du texte racinien, lequel L’un hausse et l’autre baisse. Racine dans la bouche de Pluton, lequel appartient au patrimoine culturel L’un après l’autre il vaut ne veut pas relâcher Thésée : du public, cohabitent avec celles de mieux raisonner ; Pellegrin. Tous les ingrédients du genre Nous serons moins sujets Il voulait comme un suborneur parodique sont mobilisés. En premier tous deux à détonner. M’enlever Proserpine ; lieu le travestissement : Phèdre 1742 Et de plus, c’est un franc voleur, est interprétée par Jean-Antoine Il a pillé Racine : Bérard, haute-contre qui débute à La parodie de 1742, signée Favart Dans les Enfers il doit rester l’Opéra cette même année 1733, et et Parmentier, cultive de nombreux Pour n’avoir pas su profiter qui chantera l’une des Parques dans points communs avec celle de 1733. D’une telle rapine.

68 À Phèdre qui lui propose J’aimela couronne, mieux esthétique »,Pour empruntée une Esthétique à Hans de JUDITH LE BLANC Hippolytema mie ô gué répond sur l’air Robertla réception Jauss ( : ), rend compte de ce qu’a pu être ce choc, en attendant que la Maîtresse de conférences Croyez-vous que de ces biens, musique de Rameau devienne à son en littérature et arts à Rouen, Moi, je me soucie ? tour familière, et soit même désignée Judith le Blanc est spécialiste du théâtre musical et de l’opéra Je suis content si j’obtiens comme parangon de la musique e e Ma chère Aricie. française vingt ans plus tard, lors de la aux XVII et XVIII siècles. ’Avatars Je l’aime avec loyauté ; « ». Elle est notammentd’opéras. Parodies et l’autrice circulation des d Gardez votre royauté. airs chantés sur les scènes Laissez-moi ma mie, ô gué, « Le goût se rectifie à mesure que parisiennes Laissez-moi ma mie. l’art l’éclaire, en lui présentant d’âge aux Classiques Garnier, 1757 en âge, pour objets de comparaison prix de l’essai du Prix des Muses des modèles plus accomplis […] : Singer-PolignacLe Malade imaginaire (2015) et a édité En 1757, la tragédie en musique de Rameau vint leur apprendre que l’on de Molière Rameau est reprise à l’Opéra. La pouvait tirer de plus grands effets chez GF (2020). Membre du comité parodie de 1742 est elle aussi remontée de l’harmonie. Sa musique leur parut de rédaction de la revue Théâtre/ à la Comédie-Italienne, avec l’ajout sauvage, parce qu’elle était plus public, elle a coordonnéLa Scène lyrique, de deux ariettes propres à satisfaire savante que celle de Lully, moins facile le n° 228 intituléÉchos et regards les spectateurs de l’époque. La scène et moins analogue au caractère de la (2018). critique s’adapte ainsi à l’évolution des langue ; ils s’y accoutumèrent pourtant ; En tant que metteuse en goûts du public. et comme elle avait plus de force, plus scène etLes Funérailles de la Foire, dramaturge, elle a de richesse, moins de monotonie, ils monté Le premier opéra de Rameau a enEssai devinrent sur les révolutionspassionnés. » de (Marmontel, la musique opéra-comique d’après bien choqué l’horizon d’attente des en France Lesage, Fuzelier et d’Orneval, spectateurs. La notion d’« écart , 1777). « Clic » de Classiquenews en 2016.

69 LE CŒUR DE RAMEAU

Le 3 janvier 1908, André Messager et Leimistin Broussan prennent la direction de l’Opéra de Paris. Leur première saison comporteHippolyte deux événements :et Aricie la recréation d’ Crépuscule en mai, des la première dieux parisienne du en octobre.

Éditée par Vincent d’Indy sous la supervision deHippolyte Camille Saint-Saëns,et Aricie la partition d’ est présentée au avec une orchestration révisée par le chef Paul Vidal, et des coupures décidées par le régisseur metteur en scène Paul Stuart.

Deux jours avant la première, Claude Debussy soutient l’initiative de son ami Messager, mais semble anticiper leHippolyte succès sans et Aricielendemain du spectacle. ne sera reprogrammé à l’Opéra qu’en 1985.

Delmas en Thésée et Lucienne Bréval en Phèdre à l'Opéra en 1908, dans les pages du magazine Musica,

70 Pourquoi la musique Et cette subtilité si souple à nombrer les On ne peut prévoir Hippolytece que sera et française [oublia]-t- syllabes de notre douce langue, qu’est- laAricie représentation d’ elle Rameau pendant un elle devenue ?Hippolyte Nous et Aricie la retrouverons à l’Opéra. C’est une tentative demi-siècle est un mystère […], qui dans cet de 1733 que qui comporte plus d’audace qu’on ne ne s’explique peut-être que par l'Opéra va représenter en 1908. Malgré le suppose. Rameau est un musicien l’arbitraire et étrange enchaînement le mélancolique reproche contenu dans de la vieille France qui, s’il se prête des événements historiques. ces deux dates accouplées, on peut obligeamment à l’agrément du être sûr que, si le cadre, la musique spectacle, prétend ne rien abdiquer de La reine Marie-Antoinette qui ne cessa d’apparat - en quelque sorte - se sont son droit à faire de la musique... Cela jamais d’être autrichienne, sentiment fanés, l’expression est restée intacte, semble naturel ; peut-être que cela ne qu’on lui fit payer une fois pour toutes, tant elle est juste et «en place», égale l’est plus autant. Nous avons adopté imposa Gluck au goût français ; de et pareille en cela à ces choses de une manière frénétique de secouer ce coup, nos belles traditions se beauté pour toujours qui, malgré l’injuste l’orchestre comme une salade, pendant faussent, notre besoin de clarté se oubli des hommes, ne pourront jamais quoi tout espoir de musique doit être noie, et en passant par Meyerbeer complètement mourir. complètement abandonné. […] nous aboutissons, très logiquement d’ailleurs, à Richard Wagner. […] Pourquoi n’avoir pas suivi les bons On peut en craindre que nos oreilles conseils que Rameau nous donnait n’aient perdu la faculté d’écouter avec Nous pouvons [alors] constater ce d’observer la nature avant de nous une attention délicate cette musique fait brutal : il n’y a plus de tradition essayer à la décrire ? Nous n’avons plus qui s’interdit tout bruit disgracieux, française. le temps, sans doute ? Et notre musique mais réserve l’accueil d’une politesse se tient à la remorque des faits divers qui charmante à ceux qui savent l’écouter. Pourquoi ne pas regretter cette nous viennent d’Italie, ou d’anecdotes façon charmante d’écrire la musique, légendaires - miettes tombées de la Il serait fâcheux que nous eussions que nous avons perdue, aussi bien table d’hôte tétralogique. Nous laissons oublié ces manières qui furent les qu’il est impossible de retrouver la inemployé le « ballet avec chant », qui nôtres, en y répondant par des trace de Couperin. Elle évitait toute nous appartenait par les exemples attitudes de barbares. Ne craignons redondance et avait de l’esprit ; nous décisifs qu’en avait laissés Rameau. d’être ni trop respectueux, ni n’osons presque plus avoir de l’esprit, Quoi que la Russie nous l’ait repris, il trop attendris. Écoutons le cœur craignant de manquer de grandeur, s’adaptait infiniment mieux à certains de Rameau, jamais voix plus française ce à quoi nous nous essoufflons sans côtés de notre caractère ; il suffisait d’y ne s’est faite entendre, et depuis y réussir bien souvent. conserver quelque souci d’élégance. longtemps, à l’Opéra. Le Figaro Claude Debussy, , 8 mai 1908

71 LE RÉCIT DE DIOTIME

Platon Par

J’avais dit à Diotime que — Ne vois-tu donc pas bien que tu aux prophéties et à la magie. Dieu ne l’Amour était un dieu grand penses que l’Amour n’est pas un se manifeste point immédiatement à et beau ; et elle se servait des mêmes dieu ? — Quoi, lui répondis-je, est-ce l’homme, et c’est par l’intermédiaire raisons que je viens d’employer contre que l’Amour est mortel ? — Je ne dis des démons que les dieux commercent Agathon, pour me prouver que l’Amour pas cela. avec les hommes et leur parlent, soit n’était ni beau ni bon. Je lui répliquai : — Mais enfin, Diotime, dis-moi, qu'est-il pendant la veille soit pendant le Qu’entends-tu, Diotime ? quoi, l’Amour donc ? — C’est comme je te le sommeil. […] serait-il laid et mauvais ? — Parle mieux, disais tout à l’heure, quelque chose — De quels parents tire-t-il sa me répondit-elle. Crois-tu que tout ce d’intermédiaire entre le mortel naissance ? dis-je à Diotime. — Le récit qui n’est pas beau soit nécessairement et l’immortel. — Mais quoi enfin ? en est un peu long, reprit-elle, mais je laid ? […] Conviens que pour avoir — C’est un grand démon, Socrate, et vais toujours te le faire. reconnu que l’Amour n’est ni beau ni tout démon tient le milieu entre les bon, tu n’es pas dans la nécessité de dieux et les hommes. — Quelle est, lui « À la naissance de Vénus, il y eut chez le croire laid et mauvais. [...] Oserais- demandai-je, la fonction d’un démon ? les dieux un festin où se trouvait, entre tu dire qu’il y a un dieu qui ne soit ni — D’être l’interprète et l’entremetteur autres, Poros, fils de Métis. Après le heureux ni beau ? — Non, par . entre les dieux et les hommes, repas, comme il y avait eu grande chère, — N’appelles-tu pas heureux ceux apportant au ciel les vœux et les Penia s’en vint demander quelque chose, qui possèdent les belles et bonnes sacrifices des hommes, et rapportant et se tint auprès de la porte. choses ? — Ceux-là seulement. — Mais aux hommes les ordres des dieux et En ce moment, Poros, enivré de nectar précédemment tu es convenu que les récompenses qu’ils leur accordent (car il n’y avait pas encore de vin), se l’Amour désire les belles et les bonnes pour leurs sacrifices. Les démons retira dans le jardin de Jupiter, et là, choses, et que le désir est une marque entretiennent l’harmonie de ces deux ayant la tête pesante, il s’endormit. de privation. — J’en suis convenu en sphères : ils sont le lien qui unit le Alors Penia, s’avisant qu’elle ferait bien effet. — Comment donc, reprit Diotime, grand tout. C’est d’eux que procède dans sa détresse d’avoir un enfant se peut-il que l’Amour soit dieu, étant toute la science divinatoire et l’art des de Poros, s’alla coucher auprès de privé de ce qui est bon et beau ? prêtres relativement aux sacrifices, lui, et devint mère de l’Amour. Voilà — Il faut que j’avoue que cela ne se peut. aux initiations, aux enchantements, d’abord comment, ayant été conçu le

72 jour même de la naissance de Vénus, côté, il est toujours pauvre, et non pas et dans les rues, enfin, en digne fils de l’Amour devint son compagnon et son délicat et beau comme la plupart des gens sa mère, toujours misérable. D’un autre serviteur, outre que de sa nature il se l’imaginent, mais maigre, défait, sans côté, suivant le naturel de son père, il est aime la beauté, et que Vénus est belle. chaussure, sans domicile, point d’autre lit toujours à la piste de ce qui est beau et Maintenant, comme fils de Poros et de que la terre, point de couverture, couchant bon ; il est mâle, entreprenant, robuste, Penia, voici quel fut son partage. D’un à la belle étoile auprès des portes chasseur habile, sans cesse combinant Vénus et Éros portés par les dauphins quelque artifice, jaloux de savoir et e par Marco Dente, début du XVI siècle mettant tout en œuvre pour y parvenir, passant toute sa vie à philosopher, enchanteur, magicien, sophiste. Sa nature n’est ni d’un immortel, ni d’un mortel : mais tour à tour dans la même journée il est florissant, plein de vie, tant que tout abonde chez lui ; puis il s’en va mourant, puis il revit encore, grâce à ce qu’il tient de son père. Tout ce qu’il acquiert lui échappe sans cesse : de sorte que l’Amour n’est jamais ni absolument opulent ni absolument misérable ; de même qu’entre la sagesse et l’ignorance il reste sur la limite. […] Telle est, mon cher Socrate, la nature de ce démon. Tu te figurais, si j’ai bien saisi le sens de tes paroles, que l’Amour est l’objet aimé, non le sujet aimant ; et c’est, je pense, pour cela que l’Amour t’a semblé si beau ; car tout objet aimable est par cela même beau, charmant, accompli, céleste ; mais ce qui aime doit être conçu autrement, et je l’ai peint sous ses vraies couleurs. Le Banquet ou de l’amour, traduction de Victor Cousin, 1831

73 74 LIVRET

75 Version Opéra Comique, 14 octobre 20201

ARICIE SCÈNE 3 ACTE I Quel transport de mon CHŒUR DES PRÊTRESSES J’exécute du Roi la volonté ARICIEâme s’empare ! Un temple consacré à Diane. suprême ; À Thésée, à son fils, Dans ce paisible séjour Oubliez-vous qu’on nous HIPPOLYTEces jours sont odieux. Règne l’aimable innocence. SCÈNE 1 sépare ? Les traits que lance l’Amour Quel temple redoutable, Sur nous n’ont point de MONOLOGUE Moi, vous haïr ! et≈quel affreux lien ! puissance. ARICIEQuelle injustice extrême ! Hippolyte amoureux ARICIE Nous jouissons à jamais m’occupera sans cesse. Des doux charmes de la paix. Même aux autels de la Déesse, 1er AIR POUR LES Je ne suis point l’objet Je sentirai mon cœur PRÊTRESSES DE DIANE Temple sacré, séjour tranquille, de votre inimitié ? Où Diane aujourd’hui doit HIPPOLYTE s’élancer vers le sien. Diane et l’univers pour moi LA GRANDE PRÊTRESSE recevoir mes vœux, ne sont plus rien. À mon cœur agité daigne Je sens pour vous une pitié Hippolyte amoureux Dieu d’Amour, pour nos asiles servir d’asile Aussi tendre que l’amour même. ARICIE m’occupera sans cesse. Tes tourments ne sont pas faits. Contre un amour trop Je vivrai pour pleurer Tous les cœurs y sont malheureux. HIPPOLYTEQuoi ? Le fier Hippolyte… HIPPOLYTEson malheur et le mien. tranquilles. Et toi, dont malgré moi Tes efforts sont inutiles ; je rappelle l’image, Non, non, tu n’en peux Cher Prince, si mes vœux Hélas ! Je vous affranchirai troubler la paix ! ne te sont pas offerts, Je n’en ai que trop dit ; ARICIEd’une loi si cruelle. Tes alarmes Du moins, j’en apporte je ne m’en repens pas, Ont des charmes Si vous avez daigné Pour qui manque de raison ; l’hommage m’entendre. Phèdre sur sa captive À la Déesse que tu sers. Mon trouble, mes soupirs, a des droits absolus. Mais nos âmes vos malheurs, vos appas, Que nous sert d’aimer ? De tes flammes SCÈNE 2 Reconnaissent le poison. Tout vous annonce un cœur HIPPOLYTENous ne nous verrons plus. RÉCITATIF trop sensible et trop tendre. Va, fuis, perds l’espérance ! ARICIE Va, fuis loin de nos cœurs ! HIPPOLYTE Ô Diane, protège Contre notre indifférence, Ah ! Que venez-vous une flammeDUO si belle ! Tu n’as point de traits de m’apprendre ! vainqueurs.e Princesse, quels apprêts 2 AIR POUR LES C’en est fait, pour jamais ENSEMBLE PRÊTRESSES DE DIANE ARICIEme frappent dans ce temple ! mon repos est perdu. Peut-être votre indifférence 1re GAVOTTE POUR LES Tôt ou tard me l’aurait rendu ! Nous brûlons des plus Diane préside en ces lieux ; Mais votre amour m’en ôte pures flammes ; PRÊTRESSES DE DIANE Lui consacrer mes jours, l’espérance. L’Amour n’offre à nos cœurs c’est suivre votre exemple. que d’innocents appas. LA GRANDE PRÊTRESSE HIPPOLYTE C’en est fait, pour jamais ET LE CHŒUR mon repos est perdu. Tu ne le défends pas, HIPPOLYTE Non, non, tu ne le défends pas Non, vous les immolez, Quand c’est par la vertu De l’Amour fuyez les charmes ; ces jours si précieux. Qu’entends-je ? qu’il règne sur nos âmes. Craignez jusqu’à ses douceurs.

1 - Livret de 1757, sauf ajouts ou modifications signalées en notes.

76 CHŒUR DES PRÊTRESSES HIPPOLYTE De fleurs il couvre ses armes, Penses-tu m’honorer Mais les larmes, Non, non, un cœur forcé Du moins, par d’injustes par d’injustes rigueurs ? Les alarmes, n’est pas digne des Dieux ! rigueurs, Apprends que Diane protège Sont le prix des tendres cœurs. Je ne2 sais point forcer les cœurs. (à Aricie) 2e GAVOTTE POUR LES PHÈDRELe sacrifice en est un crime. AIR La liberté des cœurs. PRÊTRESSES DE DIANE PHÈDRE Et toi, triste victime, Quoi ! L’on ose braver LA GRANDE PRÊTRESSE à me suivre fidèle, le suprême pouvoir ? ET LE CHŒUR CHŒUR Je vous entends. Eh bien, Fais toujours expirer les que la trompette sonne ! monstres sous tes traits ! Que le signal affreux On peut servir Diane avec La paix et l’indifférence Obéissez aux Dieux : se donne ! le même zèle Comblent ici nos désirs. PHÈDRE, c’est le premierà Hippolyte. devoir ! Et le temple et l’autel Les biens que l’amour dispense vont tomber à ma voix. Dans son temple Coûtent toujours des soupirs. Tremblez, j’ai su prévoir HIPPOLYTEou dans les forêts. ET ARICIE Dans le sein de l’innocence Prince, vous souffrez la désobéissance ! Nous trouvons les qu’on outrage Périsse la vaine puissance Déesse, pardonnez… vrais plaisirs. HIPPOLYTEEt votre père, et votre Roi ? Qui s’élève contre les Rois ! DIANE REPRISE DE Tremblez, redoutez LA 1re GAVOTTE ma vengeance ! Vous savez quel respect Et le temple et l’autel Votre vertu m’est chère, à Diane m’engage : vont tomberBruits de trompettes. à ma voix ! Et c’est au crime seul SCÈNE 4 Des Guerriers entrent Diane entre dans son Dès mes plus tendres ans et brisent l’autel. que je dois ma colère. je lui donnai ma foi. temple avec ses Prêtresses RÉCITATIF PHÈDRE LA GRANDE PRÊTRESSE Hippolyte emmène Aricie. ; 3 PHÈDRE, à Aricie ET LE CHŒUR Dieux ! Thésée en son fils trouve un sujet rebelle ? SCÈNE 6 Princesse, ce grand jour, HIPPOLYTE Dieux vengeurs, lancez le tonnerre ! PHÈDRE par des nœuds éternels, Périssent les mortels Je sais tout ce que je lui dois ; ARICIEVa vous unir aux immortels. qui vousBruit de tonnerre.livrent la Dianeguerre ! Mais ne puis-je, pour lui, faire paraît dans une gloire. Quoi ! La terre et le Ciel éclater mon zèle contre moi sont armés ! Je crains que le Ciel Qu’en outrageant Ma rivale me brave ! ne condamne SCÈNE 5 PHÈDREune immortelle ? Elle suit Hippolyte ! L’hommage que j’apporte RÉCITATIF Ah ! Plus je vois leurs cœurs aux pieds des saints autels. l’un pour l’autre enflammés, à ses Prêtresses. Quel cœur viens-je Laissez ces détours superflus ! DIANE, Plus mon jaloux La vertu quelquefois sert PHÈDREoffrir à Diane ! transport s’irrite. HIPPOLYTEde prétexte au crime. Ne vous alarmez pas AIR d’un projet téméraire, ARICIEQuel discours ! Tranquilles cœurs qui vivez Quel crime ? Que rien n’échappe PHÈDRE sous ma loi. à ma fureur ! Vous voyez Jupiter Sans remords, comment se déclarer mon père : Immolons à la fois l’amant puis-je en ces lieux Je ne sais qui vous touche Sa( Phèdre) foudre vole devant moi. et la rivale ! Offrir un cœur le plus, à Haine, dépit, rage infernale, que l’on opprime ? De l’autel, ou de la victime… Tremble, frémis, Reine sacrilège ! Je vous abandonne mon cœur ! 2 - Avec le récitatif de 1742. 3 - Version de 1757 pour la partie soliste d’Hippolyte (collette) mais sans les vers de la Grande Prêtresse. 77 SCÈNE 7 AIR SCÈNE 2 4 Et les plaintes des malheureux RÉCITATIF ŒNONE RÉCITATIFIrritent notre barbarie. RÉCITATIF ARCAS THÉSÉE Espoir, unique bien THÉSÉE d’une fatale flamme, ŒNONEÔ malheur ! Ô funeste sort ! Pour la première fois, viens Inexorable Roi de l’empire régner dans [s]on âme ! Dieux ! N’est-ce pas assez des maux que j’ai soufferts ? infernal, [Elle] sentirai[t] Digne frère et digne rival Arcas, que viens-tu mieux que jamais J’ai vu Pirithoüs déchiré nous apprendre ? Du Dieu qui lance le tonnerre, ARCAS Quel est le prix du diadème par Cerbère ; J’ai vu ce monstre affreux Est-ce donc pour venger tant S’il attache sur [elle] les de monstres divers, yeux de ce qu’[elle] aime. trancher des jours si chers, Ah ! J’en frissonne encor : Sans daigner dans mon sang Dont ce bras a purgé la terre, le roi vient de descendre Doux espoir, tu me le promets, assouvir sa colère. Que l’on me livre en proie PHÈDREDans l’affreux séjour de la mort. Unique bien d’une aux monstres des enfers ? fatale flamme, J’attendais la mort sans effroi ; PLUTON Pour la première fois, viens TISIPHONEEt la mort fuyait loin de moi. Ô Dieux ! ŒNONE RÉCITATIFrégner dans [s]on âme ! Si tes exploits sont grands, Eh ! croyais-tu que de tes peines vois quelle en est la gloire ! ARCASArcas, qu’oses-tu dire ? PHÈDRE Le moment de ta mort fût Ton nom sur le trépas le dernier instant ? remporte la victoire : Pirithoüs gémit sous Comme nous, il est immortel. Ce qui vient de frapper Par cet espoir flatteur, tu prolonges mes jours… d’éternelles chaînes ; Mais, d’une égale main, mes yeux : Tremble, le même sort t’attend ! puisqu’il faut qu’on dispense Pour suivre un tendre ami Mais si l’offre du rang suprême THÉSÉE dans l’infernal empire, Ne peut rien sur Et la peine et la récompense, N’attends plus de Pluton Il quitte pour jamais l’ingrat que j’aime, Ah ! Qu’avec lui je partage la lumière des cieux. La mort est mon qu’un tourment éternel ! ŒNONE, à Arcas. Ce sort que tu viens D’un trop coupable ami, trop dernier recours ! m’annoncer ! fidèle complice, Rends-moi Pirithoüs ; C’en est assez ! Tu dois partager le supplice. SCÈNE 8 ACTE II je me livre à ta rage. THÉSÉE Mais sur lui, s’il se peut, RÉCITATIF L’entrée des enfers. DUOcesse de l’exercer ! Je consens à le partager : L’amitié qui nous joint m’en ŒNONE THÉSÉE ET TISIPHONE fait un bien suprême. SCÈNE 1 Non, de Pirithoüs tu ne peux Mes yeux commencent THÉSÉE Contente-toi / C’est peu pour te venger d’entrevoir moi d’une victime ! Sans me punir moi-même ! Que vous pouvez brûler AIR Laisse-moi respirer, Quoi ? / Non, rien n’apaise PHÈDREd’une ardeur légitime… implacable furie ! ta/ma fureur ! AIR Dois-tu / Je dois porter plus Sous les drapeaux de Mars, loin le ravage et l’horreur, unis par la valeur, Quand mon amour TISIPHONE serait sans crime, Quand sur moi seul Je l’ai vu sur mes pas voler En serait-il moins je prends /Lorsque à la victoire. sans espoir ? Non, dans le séjour ténébreux partoutPluton paraît ; je vois les le crime.trois Je dois partager son malheur Et comment me flatter ? C’est en vain qu’on gémit, Parques sont à ses pieds. Comme il a partagé mes Non, il n’est pas possible... c’est en vain que l’on crie ; périls et ma gloire. 4 - Air chanté par Phèdre dans la version de 1733 et attribué ici à Œnone. Changements indiqués entre crochets.

78 RÉCITATIF CHŒUR RÉCITATIF PLUTON etc. PLUTON THÉSÉE 1Queer ET l’Averne, 2e AIRS POUR LES N’a-t-il pas partagé son crime et son audace Mais cette gloire enfin, DIVINITÉS INFERNALES Ah ! Qu’on daigne du moins, En ouvrant sous ses pas fallait-il la ternir ? en m’ouvrant les enfers, les routes de ces lieux ? Parle ! Le crime même Rendre un vengeur à l’univers. Non, non, je dois punir a-t-il dû vous unir ? SCÈNE 4 THÉSÉE AIR un mortel qui m’offense ! RÉCITATIF MERCURE Le péril d’un ami si tendre THÉSÉE Puisque Pluton est inflexible, Aux enfers, avec lui, m’a Dieu des mers, c’est à toi que Jupiter tient les cieux sous contraint à descendre : je dois recourir. son obéissance ; Dieux ! Que d’infortunés Neptune règne sur les mers ; Est-ce là le forfait que Que ton fils, en son père, tu prétends punir ? gémissent dans ces lieux ! Pluton peut, à son gré, AIR Un seul se dérobe à mes yeux… éprouve un cœur sensible ! signaler sa vengeance Par mes cris redoublés Trois fois dans mes malheurs Dans le noir séjour des enfers. Pour prix d’un projet téméraire, vainement je l’appelle : tu dois me secourir. Mais le bonheur de l’univers Ton malheureux rival éprouve Mes cris ne sont point Le fleuve, aux Dieux Dépend de votre intelligence ! ta colère. entendus. mêmes terrible, PLUTON Mais, trop fatal Vengeur, Ah ! Montrez-moi Pirithoüs ! Et qu’ils n’osent jamais de quoi me punis-tu ? Craignez-vous qu’à l’aspect attester vainement, C’en est fait, je me rends : Ah ! si son amour est un crime, d’un ami si fidèle, Le Styx, a reçu ton serment ! sur mon juste courroux L’amitié qui pour lui m’anime Ses tourments ne soient Au premier de mes vœux Le bien de l’univers l’emporte. N’est-elle pas une vertu ? suspendus ? De l’infernale nuit que RÉCITATIF tu viens d’être fidèle : Traîne-moi jusqu’à lui, ce coupable sorte ! Tu m’as ouvert l’affreux séjour PLUTON redoutable Euménide ! Peut-être son destin n’en Viens, je prends ton Où règne une nuit éternelle. sera pas plus doux… Grand Dieu, daigne AIR Eh bien, je remets ma victime TISIPHONEflambeau pour guide ! me rendre au jour ! Aux Juges souverains CHŒUR Vous qui de l’avenir percez de l’Empire des morts. La mort, la seule mort Va, sors ! En attendant la nuit profonde, a droit de vous unir. un arrêt légitime, THÉSÉE Non, Neptune aurait beau Qui tenez en vos mains JeThésée t’abandonne sort, suivi à de tes Tisiphone. remords. t’entendre, et la vie et la mort, Mort propice, mort favorable, Les enfers, malgré lui, Vous qui réglez le sort du monde, SCÈNE 3 Pour me rendre moins misérable, sauraient te retenir. TRIOParques, annoncez-lui son sort ! Commence donc à me punir ! On peut aisément AIR TRIO y descendre LES PARQUES5 PLUTON, descendu LES PARQUES Mais on ne peut en revenir ! de son trône. SCÈNE 5 Quelle soudaine horreur Du Destin le vouloir suprême ton destin nous inspire ! Qu’à servir mon courroux A mis entre nos mains RÉCITATIF Où cours tu, malheureux ? la trame de tes jours ; Tremble ! Frémis d’effroi ! tout l’Enfer se prépare ! MERCURE, à Pluton. Que l’Averne, que le Ténare, Mais le fatal ciseau n’en peut Tu quittes l’infernal Empire Le Cocyte, le Phlégéton, trancher le cours Pour trouver les Par ce qu’ils ont de plus barbare, Qu’au redoutable instant Neptune vous demande grâce enfersPluton chezet sa toi !Cour se retirent. Vengent Proserpine et Pluton ! qu’il a marqué lui-même. Pour un fils trop audacieux.

5 - On joue la « version longue » du trio, de 1733, que Rameau a maintenue dans la partition « pour les curieux ».

79 SCÈNE 2 HIPPOLYTE ACTE III Il n’en est échappé qu’un seul RÉCITATIF Non, dans l’art de régner à sa fureur : Au palais de Thésée, je l’instruirai moi-même. Frappe ! Ce monstre HIPPOLYTE sur le rivage de la mer. Je cède sans regret HIPPOLYTEest dans mon cœur ! la suprême grandeur : Reine, sans l’ordre exprès Aricie est tout ce que j’aime SCÈNE 1 Grands Dieux ! qui dans ces lieux m’appelle Et si je veux régner, ce PHÈDRE MONOLOGUE Quand le Ciel vous ravit PHÈDRE, n’est que surà Hippolyte. son cœur. un époux glorieux, Tu balances encore ? PHÈDRE Je respecterais trop Que(à part) dites-vous ? Étouffe dans mon sang votre douleur mortelle un amour que j’abhorre ! Cruelle mère des amours, Pour vous montrer Ô( Ciel !Hippolyte) Quelle était mon erreur ! Je ne puis obtenir ce funeste Ta vengeance a perdu secours… PHÈDREencor un objet odieux. à ma trop coupable race : Malgré mon trône offert, Cruel ! Quelle rigueur extrême ! Tu me hais autant que je t’aime ! N’en suspendras-tu point HIPPOLYTEvous aimez Aricie ! le cours ? Vous, l’objet de ma haine ? Mais pour trancher Ah ! Du moins, à tes yeux, Ô Ciel ! Quelle injustice ! mes tristes jours, Quoi ! Votre haine encor que Phèdre trouve grâce ! Je dois dissiper cette erreur : Je n’ai besoin que n’est donc pas adoucie ? de(Elle moi-même... prend l’épée d’Hippolyte) Je ne te reproche plus rien Hélas, si vous croyez que PHÈDRE Phèdre vous haïsse, Si tu rends à mes vœux Donne ! Hippolyte sensible. Que vous connaissez Tu viens d’en redoubler HIPPOLYTE, lui arrachant l’épée. Mes feux me font horreur HIPPOLYTEmal son cœur… l’horreur ! mais mon crime est le tien ! HIPPOLYTEPuis-je trop haïr ma rivale ? Tu dois cesser d’être Que faites-vous ? etc Qu’entends-je ? À mes désirs PHÈDRE inflexible. Votre rivale ? Je frémis ! Cruelle mère des amours, . Phèdre n’est plus contraire ? RÉCITATIF Ah ! Les plus tendres soins Thésée est votre époux et TuThésée m’arraches paraît. ce fer ! de votre auguste époux vous aimez son fils ? PHÈDRE Dans mon cœur désormais Ah ! je me sens glacer d’une SCÈNE 3 vont revivre pour vous. horreur sans égale. Eh bien ? PHÈDRE Terribles ennemis des RÉCITATIF Viendra-t-il en ces lieux, perfides humains, Quoi ? Prince… Dieux, si prompts autrefois à THÉSÉE Ce fatal ennemi que HIPPOLYTE les réduire en poudre, malgré moi j’adore ? ŒNONE Qu’attendez-vous ? Lancez la Que vois-je ? À votre fils je tiendrai lieu foudre ! HIPPOLYTEQuel affreux spectacle ! Hippolyte bientôt va de père ! Qui la retient entre vos mains ? paraître à vos yeux. J’affermirai son trône PHÈDRE PHÈDRE Mon père ! PHÈDREet j’en donne ma foi… PHÈDRE Ah ! Cesse par tes vœux Je tremble ! À quel aveu d’allumer le tonnerre ! Mon époux ! l’ardeur qui me dévore Vous pourriez jusque-là Éclate ! Éveille-toi ! THÉSÉE, à part. Au mépris de ma gloire, vous attendrir pour moi ? Sors d’un honteux repos ! enfin, va me forcer ? C’en est trop ! Et le trône Rends-toi digne d’un héros Ô trop fatal oracle ! Il vient… Dieux ! et le fils et la mère : Qui de monstres sans nombre Je trouve les malheurs Par où commencer ? Je range tout sous votre loi ! a délivré la terre ! que m’a prédits l’Enfer…

80 (à Phèdre) Mais, la Reine… Seigneur, Pour tenter la fortune, Je serais parricide, Reine, dévoilez-moi ce fer armé contre elle On ose tout risquer. et tu serais parjure : Ne vous en a que PHÈDREcet odieux, à mystère Thésée. ! Malgré tant de naufrages, Nous serions coupables THÉSÉEtrop appris… Tous les cœurs sont matelots. tous(La mer deux. s’agite) On quitte le repos ; N’approchez point de moi : On vole sur les flots ; Dieux ! Achève ! Mais de courroux l’onde l’Amour est outragé, ŒNONE On affronte les orages : s’agite… Que l’Amour soit vengé ! L’Amour ne dort Tremble, tu vas périr, trop SCÈNE 4 THÉSÉEUn amour funeste… Que1er RIGAUDON dans le port. coupable Hippolyte ! Le sang a beau crier, THÉSÉE, à Hippolyte. EN TAMBOURIN je n’entends plus sa voix. C’en est assez : RÉCITATIF Tout s’apprête à punir Sur qui doit tomber ma colère ? épargne-moi le reste. une offense mortelle. Parlez, mon fils, parlez ! SCÈNE 6 THÉSÉE Neptune me sera fidèle : HIPPOLYTE, Nommez le criminel !à part CHŒUR C’est aux Dieux Qu’ai-je appris ? Tous mes à venger les Rois ! Seigneur… Dieux ! Que ce rivage retentisse sens en sont glacés d’horreur… Que vais-je(à Thésée) lui dire ? De la gloire du Dieu des flots ! Vengeons-nous… Quel projet ! ACTE IV Qu’à ses bienfaits Je frémis quand j’y pense. Permettez que je me retire tout applaudisse ! Qu’il en va coûter Un bois consacré à Diane. Ou plutôt que j’obtienne Il rend à l’univers le plus à mon cœur ! unHippolyte exil éternel. sort. grander des héros ! À punir un ingrat, d’où vient 1 AIR DES MATELOTS que je balance ? SCÈNE 1 2e AIR DES MATELOTS Quoi ? Ce sang qu’il trahit SCÈNE 5 me parle en sa faveur ! MONOLOGUE RÉCITATIF Non, non, dans un fils HIPPOLYTE RÉCITATIF si coupable, THÉSÉE THÉSÉE, à part. Je ne vois qu’un monstre effroyable. Ah ! Faut-il en un jour Pour l’auteur de mes jours, Qu’il ne trouve en moi perdre tout ce que j’aime ? Quoi ! Tout me fuit, j’aime à voir votre zèle ! qu’un vengeur ! Mon père pour jamais me tout m’abandonne ! AIR bannit de ces lieux (à Œnone) Que Neptune à jamais Mon épouse ! Mon fils ! Ciel ! sur un peuple fidèle Si chéris de Diane même… Répande tous les biens Puissant Maître des flots, Je ne verrai plus les beaux yeux Demeurez, Œnone ! qu’iler daigne m’accorder ! favorable Neptune, Qui faisaient mon C’est à vous seule à m’éclairer 1 RIGAUDON EN TAMBOURIN Entends ma gémissante voix ! bonheur suprême. Sur la trahisonà part. la plus noire ! Permets que ton fils Ah ! Faut-il, en un jour, ŒNONE, 2e RIGAUDON t’importune perdre tout ce que j’aime ? Ah ! Sauvons de la Reine EN TAMBOURIN Pour la dernière fois ! Et les maux que je crains et(à Thésée)les jours et la gloire ! Hippolyte m’a fait le plus et les biens que je perds : AIR sanglant outrage. Tout accable mon cœur Un désespoir affreux… Remplis le serment qui t’engage ! d’une douleur extrême. pouvez-vous l’ignorer ? UNE MATELOTE Préviens par son trépas Sous le nuage affreux dont Vous n’en avez été un désespoir affreux ! mes jours sont couverts, qu’un témoin trop fidèle. L’Amour, comme Neptune, Ah ! Si tu refusais Que deviendra ma gloire Je n’ose accuser votre fils… Invite à s’embarquer : de venger mon injure, aux yeux de l’univers ?

81 SCÈNE 2 (à part) RÉCITATIF Et vous aimez tous les traits HIPPOLYTE RÉCITATIF Dieux, pourquoi séparer deux qu’il vous lance… cœurs C’est vous qui les rendez ARICIE Que l’amour a faits Le sort conduit ici vers vainqueurs ! l’un pour l’autre ? nous les sujets de Diane : Pourquoi sans défense C’en est donc fait, cruel, HIPPOLYTE Qu’ils soient témoins Livrer vos cœurs ? rien n’arrête vos pas ? de nos serments ! Amants, quelle estetc Vous désespérez Eh bien ! Daignez me suivre ! Mais respectons des jeux ARICIE votre1er MENUET faiblesse ? . HIPPOLYTEvotre amante ! si chers à la déesse ; En les troublant, 2e MENUET Ô Ciel ! Que dites-vous ? ARICIEcraignons de l’irriter ! Hélas ! Plus je vous vois, plus Moi, vous suivre ? ma douleur augmente : HIPPOLYTE AIR Nous ne saurions trop mériter Je sens mieux tous mes maux UNE CHASSERESSE ARICIEquand je vois tant d’appas. Cessez de croire Que pour nous elle s’intéresse. Que je puisse oublier le soin SCÈNE 3 de votre gloire ! À la chasse, à la chasse ! Quoi ! L’inimitié de la Reine En suivant votre amant, CHŒUR UNArmez-vous ! CHASSEUR Vous fait-elle quitter vous suivez votre époux. HIPPOLYTEl’objet de votre amour ? Venez… Quel silence funeste ! Faisons partout voler Armons-nous ! ARICIE nos traits ! CHŒUR Non ! Je ne fuirais pas Animons-nous à la victoire ! de cet heureux séjour Ah ! Prince, croyez-en l’amour Que les antres les plus secrets Courons tous à la chasse ! que j’en atteste : Retentissent de notre gloire ! Si je n’y craignais que sa haine… 1er RONDEAU UNEArmons-nous ! CHASSERESSE ARICIE Je ferais mon suprême bien D’unir votre sort et le mien. AIR HIPPOLYTEQue dites-vous ? Mais Diane est inexorable Dieu des cœurs, cédez la Pour l’amour et pour UNE CHASSERESSE place ! les amants. Non, non, ne régnez jamais ! Gardez d’oser porter les yeux HIPPOLYTE Que Diane préside, Sur le plus horrible mystère ! Amants, quelle est votre faiblesse ? Que Diane nous guide, Le respect me force à me taire ; À d’innocents désirs Diane Dans le fond des forêts. J’offenserais le Roi, Diane Voyez l’Amour sans vous est favorable : alarmer : Sous ses lois nous ARICIEet tous les Dieux. vivons en paix.etc Qu’elleDUO préside à nos serments ! Ces mêmes traits dont il vous blesse À la chasse, . Ah ! C’est m’en dire assez, ô HIPPOLYTE ET ARICIE Contre nos cœurs Nos asiles crime ! n’osent plus s’armer. Sont tranquilles ; Mon cœur en est glacé Malgré ses charmes Non, non, rien n’a plus d’épouvante et d’horreur. Nous allons nous jurer une Les plus doux, d’attraits : Cependant vous partez, et de immortelle foi : Bravez ses armes, Les plaisirs sont parfaits, Phèdre en fureur Viens, Reine des forêts, viens Faites comme nous ! Aucun soin n’embarrasse, Je(à Hippolyte)vais devenir la victime ! former notre chaîne ! Osez sans alarmes On y rit des amours, Que l’encens de nos vœux Attendre ses coups ! On y passe les plus beaux Eh ! Quelle main que la vôtre, s’élève jusqu’à toi ! Si vous combattez, jours. etc Si vous m’abandonnez, Sois toujours de nos cœurs la victoire est à vous. ÀLa la mer chasse, s’agite, un. monstre peut essuyer mes pleurs ? l’uniqueOn entend souveraine ! un bruit de cors. Vous vous plaignez qu’il horrible en sort. a des rigueurs

82 CHŒUR CHŒUR SCÈNE 2 Vous demande un juste RÉCITATIF Quel bruit ! PHÈDREHippolyte n’est plus. secours : Laissez-moi révéler à l’auteur Quels vents ! Ô Ciel ! NEPTUNE Quelle montagne humide ! de ses jours Il n’est plus ! Quel monstre elle enfante Et son innocence et mon crime. Ô douleur mortelle ! CHŒUR Arrête ! à nos yeux ! CHŒUR THÉSÉE Ô , accourez ! Ô remords superflus ! HIPPOLYTE,Volez du haut s’avançantdes cieux ! PHÈDREÔ regrets superflus ! Hippolyte n’est plus. Pour un fils quelle pitié vous presse ? vers le monstre. Laissez-moi prévenir Quel sort l’a fait tomber ACTE V la foudre vengeresse Venez ! Qu’à son défaut CHŒURdans la nuit éternelle ? Après le plus noir des forfaits ! je vous serve de guide ! Ouvrez-moi pour tombeau ARICIE SCÈNE 1 vos demeures profondes ! Un monstre furieux sorti Que la mort que je cherche Arrête, Hippolyte, du sein des flots, MONOLOGUE au milieu de vos ondes où cours-tu ? Vient de nous ravir ce héros. NEPTUNESoit le dernier de vos bienfaits ! PHÈDRE THÉSÉE, seul. Que va-t-il devenir ? Je frémis, je frissonne ! Non, sa mort est Ton bras à l’univers est Est-ce ainsi que les Dieux Grands Dieux ! De quels encor nécessaire. mon seul ouvrage ! remords je me sens déchirer ! THÉSÉE protègent la vertu ? Dans les enfers, Que d’horreurs à la fois ! Diane même l’abandonne… c’est par moi qu’il descend ! CHŒUR J’ai vu Phèdre expirer. Ciel ! Ne puis-je Neptune de Thésée a cru Quel mystère odieux, attendrir un père ? venger l’outrage : Que je venge mon fils ! Dieux ! Quelle flamme J’ai versé le sang innocent. quel amour détestable NEPTUNE l’environne ! Qu’ai-je fait ? Quels La perfide en mourant ARICIE vient de me déclarer ! remords ! Ciel ! J’entends le THÉSÉEVa, ton fils n’est pas mort. tonnerre ! Mon fils... Ô douleur Quels nuages épais ! Quel bruit ! Quels terribles qui m’accable ! Tout se dissipe… Il était innocent ! Dieux ! Il n’est pas mort ? éclats ! Quels Dieux auraient Hélas ! Hippolyte Fuyons… où me cacher ? Que je suis coupable ! ne paraît pas... Rentrons dans les enfers ! NEPTUNEpris sa défense ? Aricie tombe évanouie. Je sens trembler la terre, Je meurs… Les enfers s’ouvrent Qui peut me retenir ? CHŒUR sous mes pas ! D’un monstre tel que moi Diane a pris soin de son sort. Tous les Dieux conjurés, délivrons la nature ! Je servais malgré moi pour me livrer la guerre, De la plus horrible imposture ton aveugle transport Ô disgrâce cruelle ! Arment leurs redoutables bras. Les perfides auteurs Quand le Destin, Hippolyte n’est plus. Dieux cruels, vengeurs viennent de se punir. dont la puissance Mes parricides vœux Fait trembler les enfers SCÈNE 4 implacables, et la terre et les cieux, Suspendez un courroux ont consommé le crime RÉCITATIF A daigné m’affranchir qui me glace d’effroi ! Et je dois à mon fils d’un serment odieux Ah ! si vous êtes équitables, sa dernière victime. Qui faisait périr l’innocence. PHÈDRE Ne tonnez pas encor sur Dieu des mers, aux mortels THÉSÉE moi ! cache-moiIl veut se précipiter pour jamais ! Quelle plainte en ces La gloire d’un héros que dans les flots. Ô mon fils, mon cher fils, lieux m’appelle ? l’imposture opprime je puis donc te revoir ?

83 NEPTUNE Ce soleil qui brille à mes yeux : Pour dispenser mes lois Ne craignez plus Il faut perdre Sans Hippolyte, hélas, rien ne dans cet heureux séjour, qu’on vous sépare : un si doux espoir ! saurait me plaire ! J’ai fait choix d’un héros ARICIEC’est moi qui vous unis. Pour te punir d’une injuste Mes yeux, vous n’êtes plus qui me chérit, que j’aime. vengeance, ouverts Célébrez cet auguste jour ! Le Destin pour jamais Que pour verser des larmes. Que pour ce nouveau maître Quel heureux changement ! THÉSÉEt’interdit sa présence. En vain d’aimables sons font ainsi que pour moi-même Quoi ? C’est Diane même retentir les airs. Les plus beaux jeux Qui pour les tendres cœurs Je n’ai que des soupirs soient(aux Bergers préparés et Bergères) ! se déclare en ce jour ! Je ne te verrai plus… pour répondre aux concerts DIANE Ô juste châtiment ! Dont ces lieux enchantés Allez(à Aricie) en prendre soin. Au lieu d’un tendre viennent m’offrir les charmes. Du souverain des Dieux, embrassement, Mes yeux, vous n’êtes je suis la loi suprême : Mon fils, reçois les vœux plus ouverts HIPPOLYTEVous, Nymphe, demeurez. En faveur de l’hymen, d’un trop coupable père ! QueDiane pour descend versez dans des une larmes. gloire. Puisqu’on met entre nous HIPPOLYTEje fais grâce à l’Amour. un rempart éternel, Où suis-je transporté ! Puisses-tu dans le sein SCÈNE 4 Dieux ! Quel brillant séjour ! Vous(à Diane) m’unissez a ce que j’aime ! d’une terre étrangère CHŒUR Hélas ! Je n’y vois point Jouir de cette paix si l’objet de mon amour. charmante et si chère ARICIE Déesse, par quels vœux Que tu n’as pu trouver Descendez, brillante mon cœur peut-il jamais dansNeptune le sein rentre paternel sous les ! Immortelle ! Reconnaître tant flots et Thésée se retire. Éclatez, mes soupirs !à part. Régnez à jamais HIPPOLYTE, Bruitsde bienfaits de musettes. ? dans nos bois ! 6 RÉCITATIF SCÈNE 3 Ciel(à Diane) ! Que vois-je? DIANE ARICIE SYMPHONIE Ah! Déesse, pardonnez Bois sacré, dit « Forêt Les habitants de ces retraites Ciel ! Diane ! à l’amour le transport Ont préparé pour vous d’Aricie ». Aricie est couchée qui me presse ! sur un lit de verdure. Malgré ma disgrâce cruelle, ARICIE les plus aimables jeux Signalons l’ardeur de mon zèle. Et déjà leurs douces musettes Descendez, brillante Immortelle ! RÉCITATIF Dieux! Qu’entends-je ? Annoncent le moment heureux Joignons-nous aux voix DUO Où vous allez régner sur eux ARICIE De cette Troupe fidèle. MUSETTE EN RONDEAU7 Descendez, brillante HIPPOLYTE ET ARICIE ARIETTE Où suis-je ? De mes sens Immortelle. j’ai recouvré l’usage. SCÈNE 5 Aricie, / Hippolyte, UNE BERGÈRE Dieux ! Ne me l’avez-vous rendu est-ce vous que je vois ? Que pour me retracer l’image DIANE Que mon sort est digne d’envie ! Rossignols amoureux, Du tendre amant Le moment qui vous rend à moi répondez à nos voix, que j’ai perdu ? Peuples toujours soumis Est le plus8 heureux de ma vie. MONOLOGUE à mon obéissance, DIANE Par la douceur de Que j’aime à me voir vos ramages. Quels doux concerts ! parmi vous ! Tendres amants, Rendez les plus tendres Quel nouveau jour m’éclaire ! Je fais mes plaisirs les plus doux vos malheurs sont finis ! hommages Non, non, ces sons De régner sur des cœurs Pour votre hymen À la divinité qui8 règne harmonieux, où règne l’innocence. tout se prépare. dans nos bois. 6 - En 1757, l'acte V commençait à cette scène. 7 - Issue de la partition des de Rameau (1739). 8 - Suppression de la fin du divertissement.Fêtes d’Hébée 84 LES ARTISTES

85 RAPHAËL LES ARTISTESPICHON Bruxelles, au Konzerthaus Ses enregistrements brève en 2009. Avec sa bande DIRECTION de Vienne, à la Philharmonie paraissent exclusivement d’acteurs et de créateurs,Robert MUSICALE de Cologne, au Palau de chez Harmonia Mundi.Enfers ellePlankett met en scène la Musica Catalana de Dernières parutions : Le Crocodile (Artdanthé, Trompeur, 2010), Didon Barcelone, au French May avecLibertà, S. Degout (2018) et et Enée de Hong-Kong, au Beijing autour des origines (co-mis en scène Raphaël Pichon étudie le Music Festival. Il dirige de la trilogie Mozart/Da avec S. Achache, d’après violon, le piano et le chant Ponte (2019). Sa discographie Purcell et d’autres matériaux dans les conservatoires des productions lyriques est saluée unanimement Le goût du faux et autres parisiens (CNSMDP et à l’Opéra Comique, à Aix- aux Bouffes du Nord, 2013), en France et à l’étranger. chansons CRR). Jeune chanteur en-Provence, au Bolshoi, À l’OpéraMiranda Comique, il a dirigé Orfeo professionnel, il se produit à l’Opéra d’Amsterdam, (Festival d’Automne Orphée (d’après et Purcell) Eurydice sous la direction de J. Savall, à l’Opéra de Bordeaux. 2014), (co-mis en scène en 2017, G. Leonhardt, T. Koopman Il collabore avec les avec S. Achache, d’après de Gluck (versionErcole AmanteBerlioz) Demi- et G. Jourdain. En 2006, il metteurs en scène K. Monteverdi, Comédie en 2018 et en Véronique fonde Pygmalion, chœur et Mitchell, R. Castellucci, de Valence, 2017), 2019. orchestre sur instruments S. McBurney, M. Fau, P. (ballet théâtral Trauernacht JEANNE d’époque, qui se distingue Audi, A. Bory, J. Mijnssen : CANDEL d’après la Symphonie n°5 rapidement par la singularitéMissae citons sur des de Mahler, co-créé et joué Orfeo MISE EN SCÈNE deBreves ses projets. Les musiques de Bach (2014), avec Caroline Darchen Tarquin de Bach, les versions la redécouverte de l’ et Lionel Dray, Comédie tardives des tragédies de Rossi (Nancy, Versailles, de Valence, 2018), lyriques de Rameau, la 2016),Vespro la spatialisation della Beata (drame lyrique composé mise en perspective de desVergine Jeanne Candel est metteuse par F. Hubert sur un livret raretés mozartiennes de MonteverdiLa Flûte en scène et comédienne. de A. Kebabjian, créé en fondent l’identité de (HollandEnchantée Festival), Après des études de lettres septembre 2019 au Nouveau Pygmalion. Par un travail mise en scène modernes, elle entre au Théâtre de Montreuil). sur la fusion entre chœur par S. McBurneyRequiem (Festival Conservatoire National En 2006, elle est invitéeBrùndibar et orchestre, et par une d’Aix, 2018), le Supérieur d’Art Dramatique à mettre en scène démarche dramaturgique de Mozart mis en scène où elle travaille avec Andrzej de H. Krasa à l’Opéra de dans l’exercice du concert, par R. Castellucci (Festival Seweryn, Joël Jouanneau, Lyon. Elle se passionnein situ les réalisations de Pygmalion d’Aix, 2019). Chef invité, Muriel Mayette et Arpàd pour les créations , sont rapidement saluées il dirige le Mozarteum Schilling. De 2006 à 2011, dont le moteur de création en France et à l’étranger. Orchester, le Deutsches elle travaille régulièrement repose sur le fait d’extirper Avec Pygmalion, Raphaël Symphonies-Orchester, avec A. Schilling en Hongrie des récits à partirNous de brûlons, lieux Pichon se produit l’Orchestre de Chambre et en France dans différents préexistants :une histoire cubiste à la Philharmonie de Paris, de Lausanne, la Scintilla laboratoires. C’est dans cet , spectacle au Château de Versailles, de l’Opéra de Zürich, les esprit de recherche qu’elle itinérant dans leSome village kind de of aux BBC Proms, au Bozar Violons du Roy de Québec. crée la compagnie La vie Villeréal (2010),

86 monster En route Kaddish, Doreen Baal Der Auftrag CÉSAR , une création sur un et Le Silence et la Peur (Odéon), GODEFROY terrainDieu de tennis et sa maman (Villeréal . (Deutsches SchauspielhausLe Capital LUMIÈRES 2012), , Elle crée également pour Hambourg), une performance dans une l’opéra,Salustia notamment avec (Théâtre de La Colline). église déconsacrée remplie (mise en scène Elle travaille depuis 2013 de canoës-kayaks, créée et de J.-P. Scarpitta)Roméo à l’Opéra et Le Crocodile Trompeur, avec J. Candel et S. Achache Après avoir été machiniste au jouée avec L. Dray (FestivalTRAP de Montpellier,Juliette Songs pour théâtre puis régisseur plateau Ambivalences, 2015), , (mise enBrundibàr scène J. Fugues (Les Bouffes du avec H. Colas et A. Françon, une performance dans les Lacornerie) et Le Règne de Nord), (Festival In César Godefroy se consacre dessous du théâtre de la (mise en scène J. Candel) d’Avignon)Tarquin et Comédie de Valence et dans à l’OpéraOpéra de de Quat’sous Lyon, et depuis 2012 essentiellement (Nouveau Théâtre au travail d’éclairagiste. Il a les archives départementales l’ par de Montreuil). Elle collabore de la ville (2017). Depuis J. Lacornerie (Le Channel). dernièrement collaboré aux avec les metteurs en scène créationsPangolarium de N. Liautard juillet 2019, elle co-dirige En 2017 et 2020, elle a F. Bélier-Garcia, C. Dabert, ( ), à celle d’A. avec S. Achache, Marion travailléTristesse à la et scénographie joie dans la vie P. Adrien, C. Javayolès, Tri Hoang dans le cadre Bois et Elaine Méric le dedes girafes C. Rauck, L. Bérélowitsch, du FestivalChewing gumd’Automne silence de Paris Théâtre de l’Aquarium, (Th. Quillardet). (Disparitions puis lieu de création dédié à Lisa Navarro réaliseraTon cette père A. Cegarra, S. Le Picard Les), de mille G. Vincent et une l’enchevêtrement du théâtre année les décors de , et A.-L. Heimburger. Depuis Wozzeck à l’Odéonnuits ( et de la musique. la prochaine création de Th. 2015, elle signe des costumes Brundibàr ), de Maëlle PoésySous d’autres au LISA QuillardetHänsel (octobre et Gretel 2020), pour l’opéra : à Hänsel et Gretel Festivalcieux d’Avignon ( NAVARRO et de (S. l’Opéra de Dijon, et Pourquoi), celle j’ai d’Arnaud pris mon Meunier père DÉCORS Achache à l’Opéra de Lyon et à l’Opéra de (sur mes épaules à l’Opéra de Lorraine, avec D. Lyon. Elle a été chargée de ), celle de S. Marton et K. Barz). production au département PAULINE Achache en collaboration avec costumes de l’Opéra du Songs KIEFFER Rhin.Le Viol Elle de travaillera Lucrèce pour l’Ensemble Correspondances Diplômée de l’École ( ) Duet celle sang de aux Mathias lèvres COSTUMES (Opéra Nationale Supérieure des MoritzPurge ( puis de Paris) en 2021. Elle Arts Décoratifs de Paris ). Il travaille pour la saison crée aussi pour la danse en scénographie en 2007, à venir avec S. Achache Lisa Navarro collabore (compagnie Sinequanonart), et l’Orchestre de l’OpéraHansel et régulièrement avec la Après des études de la télévision (séries M6, de LyonGretel pour l’opéra compagnie La vie brève scénographie à L’École programmes courts Canal +) puis avec J. Candel et depuis 2010, signantRobert les Supérieure des Arts et la scène (Chantier des l’Académie deLe l’Opéra Viol de Lucrèce de Paris scénographiesPlankett Le Goût de du Faux, Décoratifs de Strasbourg Francofolies, Philharmonie pour l’opéra Demi-Véronique, Tarquin et un DMA Costumier- de Paris). Formée au pilotage aux Bouffes du Nord. César ( Le Crocodile et Réalisateur, Pauline de projets à l’Agence Godefroy a d’abord été formé trompeur,J. Candel), L’Orfeo Kieffer crée et réalise Européenne de Management à l’école Olivier de Serres (S. des costumes pour le culturel, elle fonde en 2011 , à Paris en architecture et AchacheFugue Songset J. Candel), théâtre, l’opéra, la danse l’association Haleine Fraîche scénographie, puis comme et (S. Achache). et l’audiovisuel. Dans la qui lie l’art contemporain à machiniste-constructeur En 2014, elle travaille aussi compagnie de S. Creuzevault, l’actualité sociale et politique. en DTMS avant de rejoindre avec David Geselson pour elle crée les costumes de l’école du TNS à Strasbourg.

87 REINOUD Médée SYLVIE VAN de Charpentier), En 2015-2016, elle rejoint le BRUNET- MECHELEN auHippolyte Staatsoper et Aricie Berlin Stadttheater de KlagenfurtA GRUPPOSO ( ), à laDie oMidsummeru elle chante Night’s Tytania Dream ( Zauberflöte TÉNORHIPPOLYTE Monnaie (Tamino dans I Capuleti e i ), MEZZO- ). En 2020/21, GiuliettaMontecchi ( SOPRANOPHÈDRE outre les concertsa nocte avec Carmen ) et Micaela sontemporis ensemble Diplômé du Conservatoire ( ). Depuis 2016-2017, , il chantera à Royal de Bruxelles, Reinoud elle fait partie de la troupe Sylvie Brunet-Grupposo l'OpéraLa Belle Royal Hélène de Wallonie Van Mechelen se voit du Bayerische Staatsoper est invitéeIphigénie par R. Muti en Tauride pour ( ), à Les Indes galantes décerner en 2017 le Prix ou elle a chanté Emilie chanter ; s l’OpéraDavid et Royal Jonathas de Versailles Un Ballo in Maschera Caecilia du Jeune Musicien ( ), Oscar à la Scala en 1992 uivront ( ) et Hansel und Gretel par l’Union de la Presse ( ), l’Opéra de Paris, le TCE, à l’Opéra de Bordeaux L’Elisir d’amore musicale belge. En 2007, Gretel ( ), Le Théâtre du Châtelet, avec l’Ensemble Pygmalion. Agrippina il est remarqué à l’Académie Adina ( ), le Festival Il a réaliséa nocte quatre temporis albums Baroque Européenne et Poppea ( ). d’Aix-en-Provence, les avecErbarme Dich : d’Ambronay (direction H. Recemment, elle debute Chorégies d’Orange, les Clérambault, cantates(2016), (Pelleas et Niquet) et intègre le Jardin au Thétre de Bale dans opéras de Lyon, du Rhin, françaises Melisande des Voix de W. Christie et P. Melisande du Capitole, Munich, The Dublhinn (2018, Diapason Gardens Marta Agnew en 2011. Il collabore ), chante le role- Vienne, Francfort, Genève, d’or), Dumesny, haute- avec les ensembles titre de (W. Mitterer) Philadelphie, San Francisco, (2019)contre etde Lully baroques Collegium Vocale, a l’Opera de Lille et a Toronto, Santiago du (2019 - Le Concert Spirituel, l’Opera de Reims et a chanté Chili, Tokyo, Seoul, Bari, Diapason d’Or et Grand Le Concert d’Astrée, Les Poppea avec Il Pomo d’Oro Séville, Bruxelles, Madrid, Prix du disque de l’Académie Talens Lyriques, Pygmalion, (direction M. Emelyanychev) Bonn, Bucarest, Dublin, Charles Cros). À l’Opéra a la Philharmonie de Carmen Padmâvatî Le Poème Harmonique, Les Fêtes Vénitiennes Copenhague… Elle chante B’Rock, Ricercar Consort, Comique, il a chanté dans Luxembourg, au Teatro Dalila , , Scherzi Musicali, Real, au Liceu, au TCE, Dialogue, Madame des Carmélites de Croissy de Campra. Hespèrion XXI. En 2014, ELSA au Barbican, et au Turku ( , il chante La Passion l’Evangéliste selon BENOIT Festival (Finlande). La saison dans des mises en scène de dansSaint Jean dernière, Laelle Boh a interprétéeme R. Carsen, D. Tcherniakov, avec le Royal MusetteDon Giovanni ( ), Zerlina C.Mireille Honoré et O. Py),L’Africaine Taven ARICIE Liverpool Philharmonic, (Hansel). ) et Gretel ( ), SélikaAriane ( et ), rôle repris en 2019 avec ( Elle a débuté au LaBarbe-bleue Nourrice ( Les Arts Florisssants Hamburg Staatsoper en L’Incoronazione), Ottavia di Poppea et au Concertgebouw Elsa Benoit a etudie au Gretel et a chanté, avec ( Oedipus Rex ), d’Amsterdam. Il se Conservatoire d’Amsterdam le Netherlands RadioGloria Jocaste ( Pelléas et), produit à l’OpéraDardanus de et a l’Academie d’Opera des Philharmonic, le de GenevièveMélisande ( Bordeaux ( Pays-Bas avant de rejoindre Poulenc au Concertgebouw dans des mises dePygmalion Rameau), de Dijon l’Opera Studio du Bayerische d’Amsterdam et au Tivoli en scène de P. Audi, C. ( de Rameau), Staatsoper de Munich, d’Utrecht. À l’Opéra Honoré, S. Braunschweig deLes Toulon Pêcheurs (Nadir de Perles dans où elle interprète laLe Comte Comique, elle a chantéDame etHamlet K. Mitchell), Gertrude ), ComtesseOry Adele ( le rôle-titreBlanche de la (La Vestale), la Grande Un Vestale Ballo de Zürich (Jason dans ). en février 2020. ( ), Ulrica (

88 in maschera Histoires Naturelles La sancta Susanna), Klementia l’Opéra de Lyon. Il débute Enfers (B Elle étudie également ( Faust ), Dame en Papageno au Festival Records, 2017) et à l’Universität der Künste Marthe en( récital). Elle se d’Aix-en-Provence en 1999. (Harmonia Lundi, 2018). de Berlin dans la classe produit et en Il se produit à l’Opéra de Chevalier de l’Ordre des de Julie Kaufmann concert avec le Bayerischer Paris, au TCE, dans les Arts et des Lettres, il est et de Peter Maus, à Rundfunk Sinfonie- opéras de Berlin, Bruxelles, désigné « Personnalité l'Académie d'Orford Orchester, le Deutches Londres, Chicago, Milan, musicale de l’année au Canada avec Rosemary Sinfonie-Orchester (Berlin), Munich, et dans les 2018 » par l’Association Landry et Francis Perron, le Royal Philharmonic festivals de Salzburg, professionnelle de la à l’Académie Poulenc (Londres), Saint-Denis, Glyndebourne, Critique de théâtre, de Tours, et dans la classe l’Academia nazionale di Edinburgh, Aix-en-Provence, musique et danse. de François Le Roux Tokyo, Los Angeles.Iphigénie Il à L’École Normale Santa Cecilia, le SWR de En 2020/21,Eugène il Onéguinedébutera chanteen Tauride Oreste ( Supérieure de Musique Baden-Baden, le City of dans Birmingham Symphony Tannhäuser), Wolfram Alfred Cortot à Paris (Théâtre duLessons Capitole), of Love Orchestra, le Mahler (Comte Ory), Raimbaud (Certificat spécialisé reprendraand Violence Chamber Orchestra, les (Hippolyte et), AricieThésée d’art vocal français). (Teatro del orchestres de la RAI et ( Cenerentola), Elle se produit dans Liceu et Teatro Real), Radio-France (direction Dandini ( Roméo et ), lesIl Combattimento rôles de Clorinda di A.Pappano, G. Bertini, MercutioJuliette ( Così donnera des concerts (Tancredi e Clorinda K. Masur, V. Gergiev, K. fan tutte), Guglielmo (Les à l’Opéra de Lyon et au de Nagano, M. Minkowski, Troyens ), Chorèbe (Le Musée d’Orsay et des Monteverdi)Il ballo delle et ingrate de Vénus M. Plasson, G. Prêtre, L. nozze di), Figaro Almaviva ( récitals à Bordeaux et ( Morlot, K. Ono, L. Langrée, Don Carlos ), Rodrigue au Wigmore Hall. À l’Opéra de Monteverdi) à l’Opéra E.-P. Salonen). Elle a reçu ( Hamlet) et lesDon rôles Comique,La Chauve-souris il a chanté dans de Reims avec le Grand Prix de l’AROP, titresChisciotte de Il ritorno, Hamlet en 2014 (direction J. Correas)Amadigi et le Prix Claude Rostand d’Ulisse in ,Patria L’Orfeo et le rôle-titre d’ de Dardano ( de et le Prix de la Fondation Pelléas , en 2018. Haendel) avec ces mêmes de la Vocation. À l’Opéra et . Attaché à la SÉRAPHINE Paladins. Séraphine Cotrez Comique, ellePelléas a chanté mélodie et au lied, il donne COTREZ aMesse également en Ut mineurchanté la Geneviève ( Hamlet) en 2014 récitals et concerts sous de et Gertrude ( ) la direction de R. Muti, MEZZO- Mozart avec l’Orchestre en 2018. E.-P. Salonen, E. Krivine, SOPRANOŒNONE de Cannes Provence-Alpes- Messe en STÉPHANE A. Altinoglu, R. Jacobs, Côte d’Azur (direction DEGOUT M. Minkowski, J. Nelson, N.Ut Krüger), la R. Pichon, Ch. Dutoit. de Beethoven avec Il participeLa Dispute aux créations Après des études d’arts l’Orchestre de Massy THÉSÉEBARYTON deAu Monde Pinocchio(B. Mernier), appliqués, Séraphine (direction C.Les Rouits), Vêpres etLessons in Love(P. Cotrez étudie le chant ou encore Boesmans),and Violence auprès de Yann Toussaint, de Rachmaninov à la Stéphane Degout est (G. Benjamin). puis au CNSMD de Lyon Philharmonie de Paris. diplômé du CNSM de Il a reçu le « diamant » (classe de Françoise Elle chante pour la première Lyon et a été membre d’Opéra Magazine et le Pollet), dont elle est fois àHippolyte l’Opéra-Comique et Aricie. de l’Atelier Lyrique de ‘ffff’ de Télérama pour diplômée en 2019. dans

89 NAHUEL DI PIERRO Glyndebourne, Bad- Baroque de Versailles puis Poème Harmonique, (V. Wildbad (Walter/Guillaume à la Guildhall School of Dumestre)Passion selonau TCE saint pour BASSENEPTUNE/ MelchthalTell dans Music and Drama (Londres). laJean PLUTON ) et Aix-en-ProvenceCosí Elle apparaît en concert (Bach) avec l’ensemble (Guglielmofan Tutte, dans avec le Concert d’Astrée (E. les Surprises (direction L.-N. Don GiovanniLeporello dans Haïm), les Arts Florissants Bestion de Camboulas), Né à Buenos Aires, ). Il a fait (W. Christie), Pygmalion (R. à l’auditoriumLes de SybaritesRadio Nahuel Di Pierro est issu ses débuts dansSémiramide le rôle Pichon), les Talens Lyriques FranceLe Retour dans d’Astrée de l’Institut Artistique du de Pesaro ( ) (C. Rousset), l’ensemble et Grands Teatro Colón et poursuit en 2019. Il se produit les Surprises (L-N (Rameau),Motets et les sa formation à l’Atelier avec l’Orchestre national Bestion de Camboulas), de Clérambault Lyrique de l’Opéra de de France (K. Masur, J. le Concert de la Loge avec le Centre de Paris puis au Young Singer Conlon, D. Gatti, Ch. (J. Chauvin), l’ensemble Musique Baroque de Program du Festival de Dutoit), l’Orchestra Correspondances (S. Versailles (O. Schneebeli) Salzbourg. Il chanteSalomé, à Giovanile Luigi Cherubini Daucé), l’Escadron à la Chapelle Royale du l’OpéraLa Sonnambula, de Paris Idomeneo, ( (R. Muti), l’Orchestre de Volant de la Reine et le Château de Versailles. Don Carlo, Don Giovanni, Paris (L. Langrée, J. Rhorer, Poème Harmonique (V. À l’Opéra Comique,Ercole elle L’Italiana in Algeri, I B. de Billy), l’Ensemble Dumestre). Sa passion pour a chantéAmante dans Capuleti e I Montecchi, Matheus (J.-Ch. Spinosi), l’opéra lui fait aborder en 2019. le Cercle de l’Harmonie Dido an Aeneas LEA L’Incoronazione di Poppea, des rôles comme Didon DESANDRE La Bohème (J. Rhorer), le Concert dans d’Astrée (E. Haïm), ), Londres, (Purcell),Médée (Lully), l’Orchestre Révolutionnaire MEZZO- SalzbourgLa Betulia (AchiorLiberata dans (Charpentier), SOPRANOPRÊTRESSE Il Barbiere), Berlin et Romantique (J. E. PasiteaErcole Amante et Clerica dans DE DIANE, (Basiliodi Sviglia dans Gardiner), le Hallé Issé (Cavalli), CHASSERESSE, ), AmsterdamL’Amour Orchestra de Manchester (Destouches), Doris, MATELOTE, BERGÈRE (Léandredes Trois Orangesdans (M. Elder), et chante Olympia’Europe et Roxane Galante Haendel,ř Paisiello, Bach, ), dans l Lea Desandre intègre Dvo ák, Mozart, Berlioz. DessauDie Zauberflöte (Sarastro (Campra),La Fôret la Princesse Bleue le Jardin des Voix À l’Opéra Comique,Ercole Amante il a dans ), dans en 2015, remporte le Prix chanté dans LuxembourgIl Turco in Italia (Selim dans (LouisRinaldo Aubert), Armida HSBC de l’Académie en 2019. ), Santiago EUGÉNIE dans (Haendel), d’Aix-en-Provence du Chili, Buenos Aires, LEFEBVRE NeroneL’Incoronazione et Valetto di Poppeadans 2016 et est nommée Genève, ZürichIl Viaggio (Lord a « Révélation Artiste SidneyReims dans (Monteverdi),Teseo Medea Lyrique » des Victoires SOPRANO King Arthur),, Cold Genius dans DIANE dans (Haendel). de la Musique Classique Toulouse Au printemps, elle 2017. Elle étudie à Venise (Basilio,Tosca Angelotti dans Premier Prix du Concours chantera Aurora, AmoreEgisto auprès de Sara Mingardo. Il Trovatore et Ferrando dans Corneille en 2017, Eugénie et Hora Prima dans Depuis 2015, elle a Leschanté Dardanus ), Bordeaux Lefebvre fait ses études (Cavalli) à l’Opéra Royal lesHuguenots rôles d’Urbain ( ( ), au TCE, au Centre de Musique de Versailles avec le ), Rosina

90 Il Barbiere di Siviglia allemand ( La Clemenza di), S. Devieilhe et E. Haïm de Brahms travaillé avec Cl. Régy AnnioTito ( Giulio Cesare (2018). En 2020-21, elle (direction R. Pichon,Manfred et P. et F. Tanguy au Théâtre de ), Sesto ( Dido incarneraLe Nozze diCherubino Figaro Davin) et de de du Radeau. À partir andHaendel), Aeneas Dido ( ( , Schumann avec l’Orchestre de la pratique du « Contact Incoronazione), Valletto etdi Aix en Provence),Idomeneo de Paris (direction D. Improvisation », il a AmorePoppea ( Idamante ( , Harding). Il a travaillé le dérivé vers la danse Orfeo ), MessaggieraAlcione StaatsoperLa Clemenza Berlin), di Tito Annio répertoire de la mélodie en collaborant ( ), AlcioneErismena ( ), ( , française, du lied et de principalement avec Loïc Flerida ( de SalzburgerRe Pastore Festspiele), l’oratorio auprès des Touzé. Ce dernier lui Cavalli). En 2018-19, Tamiri ( , pianistes A. e Le Bozec propose de fabriquer son elle chante aux côtés Salzburg Mozartwoche) et S. Manoff, ainsi que premier spectacle en 2003, de Cecilia Bartoli au et se produira en concert du baryton Stephan Genz à l’occasion d’une carte Salzburger Festspiele. pour la sortie de son et de la mezzo-soprano blanche pendant le Elle se produit en concerts premier album solo Janina Baechle. Lauréat festival Let’s Dance, et récitals dans le monde avec l’Ensemble Jupiter. de la Fondation de au Lieu Unique (Nantes). entier : Wigmore Hall, À l’Opéra Comique, l’Abbaye de Royaumont CeEn attendant spectacle, Genod, intitulé Mozarteum Salzburg, elle a chantéAlcione le rôle- et de la Fondation Daniel Musikverein Wien, TCE, titre d’ (2017), en et Nina Carasso, il a s’appuie sur le modèle Philharmonie de Paris, récital avec M. Mauillon, participé à l’édition 2017 des stand-up anglo-saxons. Et in Arcadia Ego Opéra de Bordeaux, et a créé seule en de l’Académie du Festival Les commandes, toujours Sydney Opera House, scène d’Aix-en-Provence. Edwin des « cartes blanches », Opéra de Genève, d’après Rameau (2018). Fardini se produit en les spectacles — plus EDWIN Shanghai Symphony FARDINI récital aux cotés d’A. d’une centaine à ce jour Hall. Attachée à la le Bozec, T. de Williencourt, — et les performances musique de chambre, elle Cl. Mao-Takacs et s’enchaînent ensuite, se produit en concert TISIPHONEBARYTON du Secession Orchestra, présentés le plus souvent avec Th. Dunford et au Grand Salon du Musée dans des festivals et des son Ensemble Jupiter, de l’Armée, au Théatre lieux de danse ou d’art collabore avec W. Christie, Révélation Classique de l’Athénée, au Festival aux formes hybrides. Sir J. E. Gardiner, L. de l’Adami 2019 et lauréat Les Athénéennes (Genève) Un théâtre dont on aurait Langrée, M. Minkowski, du CNSMD de Paris (classe ou encore au Festival enlevé le drame, l’action, R. Pichon, E. Haïm, L.-G. d’Elène Golgevit), Edwin de Royaumont. et dont il ne resterait que Alarcon et les metteurs Fardini se voit proposer YVES-NOËL la poésie, le fantôme, en scène B. Kosky, Ch. des engagements solistes GENOD la trace. Yves-Noël Loy, J. Lauwers et J.-Y. auprès d’orchestres et COMÉDIEN Genod a travaillé avec Ruf. Sa discographie institutions prestigieuses : de nombreux acteurs, comprend « Barricades » il chante à la Scala de comédiens et interprètes. avec J. Rondeau (2020), MilanRoméo dans et Juliette le rôle de Paris À l’Opéra Comique, il s’est « Vivaldi » avec l’Ensemble ( de Yves-Noël Genod a produit dans une des Jupiter (2019), « Handel Gounod), les partiesRequiem de toujours joué et mis premières éditions des Italian » avec baryton solo du en scène. Il a d’abord cabarets Porte 8 en 2017.

91 PYGMALION CHŒUR Hautes-contre CHŒUR ET ORCHESTRE retracedramma les giocoso prémices du Dessus mozartien. Alix Boivert, Xavier Sichel Pour ses œuvres lyriques, Adèle Carlier, Cécile Dalmon, Tailles Pygmalion, chœur Pygmalion collabore avec Anne-Emmanuelle Marta Paramo, Katherine et orchestre sur des metteurs en scène Davy, Armelle Froeliger, Ellen Giacone, Nadia Goodbehere instruments d’époque comme R. Castellucci, Violoncelles fondé en 2006 K. Mitchell, A. Bory, S. Lavoyer, Marie Planinsek, par Raphaël Pichon, McBurney, J. Mijnssen, P. Virginie Thomas Hautes-contre Antoine Touche*, explore les filiations Audi ou encore M. Fau. Julien Barre*, Gulrim Choi,

qui relient Bach à En résidence à l’Opéra Cyril Poulet* Mendelssohn, Schütz de Bordeaux, Pygmalion Jean-Christophe Clair, Viole de gambe à Brahms ou encore se produit régulièrement Sean Clayton, Stephen Rameau à Gluck et Berlioz. à la Philharmonie de Paris, Collardelle, Constantin Julien Léonard* À côté des grandes œuvres l’Opéra royal de Versailles, Goubet, Guillaume Gutierrez Contrebasse Tailles du répertoire dont il l’Opéra Comique, réinterrogePassions l’approche Aix-en-Provence, Thomas de Pierrefeu*, (les de Bach, Beaune, Toulouse, Saint- Martin Candela, Tarik Josh Cheatham Grande messe Bousselma, Martial Hautbois les tragédies lyriques de Denis, La Chaise-Dieu, en ut mineur Pauliat, Olivier Rault, Rameau, la Royaumont, Nancy, Requiem Randol Rodriguez Jasu Moisio, Robert de Bree, de Mozart Metz, Montpellier, Basses-tailles Lidewei de Sterck, Yanina et son , mis en et à l’international Elias Yacubsohn scène par R. Castellucci, (Cologne, Francfort, Vêpres Virgile Ancely, Nicolas Cors de Mendelssohn, les Essen, Vienne, Amsterdam, de Monteverdi), Boulanger, Emmanuel Pékin, Hong-Kong, Anneke Scott, Joseph Walters Pygmalion s’attache à Bouquey, Frédéric Bourreau, Barcelone, Bruxelles). Flûtes bâtir des programmes Guillaume Orly, Pierre Virly, Pygmalion enregistre pour originaux mettant en Emmanuel Vistorky Harmonia Mundi depuis NN, Raquel Martorell Dorta, lumières les faisceaux 2014. Sa discographie ORCHESTRE Morgane Eouzan, Olivier Riehl de correspondances Bassons entre les œuvres tout en a été distinguée en Dessus France etClassica à l’étranger : retrouvantMozart l’esprit & de The leur Violons I Evolène Kiener, Josep Choc de , création :Weber Sisters Miranda Casadella, Inga Klaucke, Gramophone Award, Preis , sur Sophie Gent, Paul- Alejandro Perez desStravaganza musiques d’Amore de Purcell, der Schallplattenkritik. Marie Beauny, Louis Clavecins – Pygmalion est en résidence Creac’h, Gabriel Ferry, qui évoque la naissance à l’Opéra National Yoko Kawakubo, Simon Pierre Ronan Khalil**, Pierre Gallon* de l’OpéraEnfers à la cour des de Bordeaux. Ensemble Violons II Percussions Médicis, aux côtés associé à l’Opéra deBach S. Degout,en sept parolesle cycle Comique (2019-2022), Gabriel Grosbard, Julie Friez, Sylvain Fabre à Pygmalion est en résidence Charles-Étienne Marchand, continuo la PhilharmonieLibertà ! de Paris, à la Fondation Coline Ormond, Marie **continuo,* chef de chant ou encore - qui Singer-Polignac. Rouquié, David Wish

92 Au Central Costumes de l'Opéra Comique

93 CONSEIL RESSOURCES HUMAINES Cheffe du service des relations L'ÉQUIPED’ADMINISTRATION DEDirectrice des L'OPÉRAressources humaines avec le public COMIQUEJoana Rebelo PRÉSIDENT Baptiste Serini MyriamAdjointe Le à laGrand Directrice AngelicaChef•fe adjoint.e Dogliotti du service Fabien Terreng Jean-YvesPRÉSIDENTE Larrouturou D’HONNEUR des ressources humaines, des relations avec le public Camille Petitjean juriste en droit social Katherine Lovatt MaryvonneMEMBRES DEde SaintDROIT Pulgent Philomène Loambo Juliette Selles Directrice Générale PaulineDélégué Lombard à la direction AdrienEmployée Castelnau YannisContrôleurs Miadi de la Création Artistique des ressources humaines SixtineApprenties Justeau Victor Alesi (Ministère de la Culture) AlexandreResponsable Meng du service paie Stefan Brion SylvianeSecrétaire Tarsot-Gillery Général Morgane Debranche Matthias Damien PierreVendeurs Cordier de programmes LaureAdjoint Joly à la Responsable de la paie, AlizéeStagiaire Rollier (Ministère de la Culture) responsable du SIRH Directrice du Budget Julien Tomasina Luc Allaire FlorileResponsable Di Stasi de la billetterie Tom Belloir Aimad Hammar PRODUCTION/ (Ministère de l’Économie SECRÉTARIAT GÉNÉRAL / ThéoAdjointe Maille à la billetterie COORDINATION et des Finances) COMMUNICATION ARTISTIQUE AméliePERSONNALITÉS Verdier QUALIFIÉES SoniaChargé•e•s Bonnet de billetterie Secrétaire générale Directrice de la production et de la coordination artistique Mercedes Erra Frédéric Mancier JulietteSecrétaire Chevalier générale adjointe MaryseREPRÉSENTANTS Aulagnon DES SALARIÉS Manuel Exposito SophieAdjointe Houlbrèque en charge Violaine Daval LaureAttachée Salefranque de presse de la coordination artistique Michaël Dubois AnneCheffe Duteil du service de l’accueil Dominique Gingreau DIRECTION AliceRédacteur Bloch multimédia MariaAdministratrices Chiara Prodi de production Directeur LaurenceChef adjoint Coupaye DavidChargé Nové-Josserand de communication Cécile Ducournau Secrétaire StéphaneOuvreurs/ouvreuses Thierry Olivier Mantei éditoriale Caroline Giovos ÉliseChargée Griveaux de production Lisa Arnaud Karine Belcari SimonChargé Feuvrier de médiation ADMINISTRATION Agnès Brossais MargauxAssistante Roubichou de production ET FINANCES Kate Brilhante NNResponsable du numérique Directrice administrative et financière Frédéric Cary et de son développement DeniseStagiaire N’Cho Allepot Yves Chateignier NathalieDélégué àLefèvre la DAF Sandrine Coupaye JulietteResponsable Tissot-Vidal du protocole Raphaëlle Le Vaillant Bryan Damien COLLABORATION NicolasCheffe comptableHeitz et des privatisations Séverine Desonnais Aurélie Fabre ARTISTIQUE AgnèsComptable/régisseuse Koltein de recettes MargauxResponsable Levavasseur du mécénat Anne Fischer Dramaturge Ignacio Gonzales-Plaza PatriciaEmployée Aguy administrative CamilleChef de Claverie-Rospideprojet mécénat Nicolas Guetrot AgnèsAlternante Terrier auprès de la dramaturge Mathilde Marault CélineAgent comptableDion Paul-HenryAssistante auAlayrac secrétariat général Youenn Madec AnneConseiller Le Berre artistique Constance Mespoulet Véronique Bertin Salomé Journeau Fiona Morvillier Christophe Capacci

94 ÉQUIPES TECHNIQUES Machiniste cintrier brigadier Perruquières-coiffeuses-maquilleuses Directeur technique Cédric Enjoubault Thierry Manresa Dominique Gingreau Laura Balitrand FrançoisAdjointe Muguet-Notterau Directeur technique JérémieMachinistes/accessoiristes Strauss Ridha Guizani Galina Bouquet GeoffreyCheffe du Parrot service couture, Élise Feuillade-Mordret AgatheSecrétaire Herrmann Lucie Basclet habillement, perruques-maquillage CarolineMaquilleuses-coiffeuses Boyer Julien Boulenouar Cheffe adjointe habillage AliciaRégisseur.se Zack technique de production Fabrice Costa Christelle Morin Élodie Dusaillant Paul Rivière Judith Scotoo Le Massese Cheffes adjointes Aurore Quenel Éric Rouillé Clotilde Timku Sylvie Jouany perruques-maquillage Jean-PhilippeRégisseuse technique Bocquet de coordination Jacques Papon Georgia Neveu-Coste

Jonathan Simonnet Sandrine Coraux Manuia Faucon Amélie Lecul LaureBureau Martigne d’études VanessaIntendant, Mathieu Responsable Bâtiment Cheffe adjointe couture Mathieu Bianchi Maurine Baldassari et Sécurité Antoine Cahana Charlotte Maurel Germain Cascales Marilyne Lafay LouiseStagiaire Prulière RenaudAdjoint duGuitteaud Responsable Bâtiment, Myriam Cöen Couturières - habilleuses Responsable du service intérieur Samy Couillard Hélène Lecrinier AurélieRégisseuse Le Clech générale de coordination Lino Dalle Vedove Sophie Grosjean Émilien Diaz Juliette Jamet ChristopheAssistante auprèsSanter de l’intendance EmmanuelleRégisseur général Rista Thomas Ducloyer PatriciaPerruquières-coiffeuses- Lopez-Morales Chloé Lazou maquilleuses AgnèsHuissier.ère.s Marandon Régisseuses de scène Michael Dubois Loïc Le Gac Laetitia Mercier Louise Baillot Gaëlle Oguer Annabelle Richard Vincent Mittelmann AnaïsAttachées Baron de production couture Céline Le Coz Céverine Tomati Victor Mouchet Laure Spigel ElsaRégisseuse Lilamand surtitrage Alice Rendu Fanny Brouste Cécilia Tran Marthe Roynard PeggyCheffe Sturm d’atelier couture Natalia Nunes de Oliveira Silva CécileRégisseur Demoulin d’orchestre Emin-Samuel Sghaier MaïlysStandardiste Mas Abdoulaye Sima IsabelleCostumier Reffad AntoninTechniciens Lanfranchi instruments de musique JessicaChef du Williams service audiovisuel FatimaOuvrier Djebli tous corps d’état BrunoCoupeuse Jouvet Alexandre Lalande QuentinChefs adjoints Delisle NoureddineChef de la sécurité Bouzelfen et de la sûreté Cédric des Aulnois AnneModiste Thibert Hugo Bassereau Florian Gady Pascal Heiligenstein Natan Katz ÉtienneTechnicienne Oury audiovisuel LaetitaCouturières Mirault MAÎTRISE POPULAIRE DE Jérôme Paoletti L’OPÉRA COMIQUE Maxime Fabre Techniciens Son/Vidéo Plateau Céline Bakyaz Hélène Boisgontier Directrice artistique EliChef Frot du service machinerie Sarah Di Peospero et accessoires Karl Samzun Lydie Lalaux SarahDéléguée Koné à la Maîtrise JulienChef du Guinard service électricité OphélieAttachée Parmantier de production habillage BrunoChefs Drillaudadjoints du service MarionResponsable Nimaga-Brouwet administratif machinerie/accessoires SébastienChefs adjoints Böhm AnaisHabilleuses Parola

Jérôme Chou Julien Dupont Édith De Beco ArgannChargée Ottinger de développement Laurent Pinet FrançoisSous-chef Noël Gwenaëllec Le Dantec et de coordination Thomas Jourden Mélanie Le Prince TristanBrigadiers-Chefs Mengin machiniste CsabaÉlectriciens Csoma Lisa Philbert KlervieChargée Metailler d’administration AgatheResponsable Trotignon de production coiffure, Paul Atlan Sohail Belgaroui perruques-maquillage MorganeApprenti Faureà la Maîtrise Stéphane Araldi Nicolas Blactot Luigino Brasiello Grégory Bordin Maurine Baldassari Quentin Croisard

95 L'OPÉRA COMIQUEMadame Aline Foriel-Destezet, REMERCIE SES MÉCÈNES Mécène principale de la saison 2021 ET PARTENAIRES

SES BIENFAITEURS, Monsieur et Madame Thierry et Maryse Aulagnon, Monsieur et Madame Loïc et Isabelle de Kerviler, Monsieur Bernard Le Masson, Monsieur Pâris Mouratoglou, DONATEURS ET Monsieur et Madame Ara et Véronique Aprikian, Monsieur Michel Carlier, Monsieur GRANDS DONATEURS et Madame Jacques et Paule Cellard, Monsieur Jean Cheval, Monsieur Philippe Crouzet et Madame Sylvie Hubac, Monsieur Didier Deconinck, Monsieur et Madame Gérard et Martine Dedieu-Anglade, Monsieur Philippe Derouin, Monsieur Charles Foussard, Monsieur et Madame Hervé et Elisabeth Gambert, Madame Marie-Claire Janailhac-Fritsch, Monsieur Michel Lagoguey, Monsieur Georges Lagrange, Monsieur Jean-Yves Larrouturou, Monsieur Patrick Oppeneau, Monsieur Pierre Rivière, Monsieur et Madame Christian Roch, Monsieur Olivier Schoutteten, Madame Clothilde Théry, Monsieur et Madame Laurent et Anne Tourres

SES PARTENAIRES MÉDIA

96 Direction de la rédaction [p. 43] Phèdre et sa nourrice [p. 65] Les trois Parques er , fresque, I siècle, Rijksmuseum, , par CornelisGiulio Cort, Romano, 1561, Olivier Mantei Pompéi, Casa di Giasone, Musée archéologique de Palazzo del Te,d’après Mantoue la peinture de Rédaction, iconographie et édition Naples © Wikimedia Commons © Wikimedia Commons [p. 44] Hippolyte, [p. 67] Jupiter, Neptune et Pluton Agnès Terrier par Hendricus Johannes Dieben, (détail), par Assistée d’Anne Le Berre détail, Rijksmuseum, d’après Phèdre et Hippolyte, Création graphique par Pierre-Narcisse Guérin, 1802 (tableau conservé Le Caravage, vers 1599, Villa Ludovisi, Rome © au Louvre) © Wikimedia Commons Wikimedia Commons Charles-Simon Favart Inconito [p. 45] Jean Racine [p. 68] Photographies , par Gérard Edelinck d’après Théâtre de M. et Mme Favart, portrait illustrant [p. 8-25, 93] Hippolyte et Aricie Jean-Baptiste Santerre, 1696, Internet Archive © le , Paris, 1763-1772, Répétitions d’ au Wikimedia Commons Numelyo © Bibliothèque municipale de Lyon Petit Théâtre, Opéra Comique, octobre 2020 © [p. 47] Simon-Joseph Pellegrin [p. 70] Musica Stefan Brion , portrait anonyme, Revue , n°70 et 69, juillet et juin 1908 Iconographies 1739 © Wikimedia Commons [p. 48] Neptune et les vents © Bibliothèque des Arts décoratifs [p. 73] Vénus et Éros tirés par des dauphins Couverture , par Giovanni Batista , par Julia Lamoureux Tiepolo, vers 1760, Roger Fund © The Metropolitan e [p. 26-29] Maquettes de costumes Museum Marco Dente, début du XVI siècle. The Miriam de Pauline [p. 51] Fêtes de Diane troublée par des satyres and Ira D. Wallach Division of Art, Prints and Kieffer, Opéra Comique, 2020 e , par Photographs © The New York Public Library [p. 30] Jean-Philippe Rameau Claude Gillot, début XVIII siècle, Metropolitan Remerciements , anonyme, d’après Museum, The Elisha Whittelsey Collection © Augustin de Saint-Aubin, Museo internazionale e MetMuseum L’Opéra Comique remercie, pour sa contribution [p. 52] La Camargo biblioteca della musica di Bologna © Wikimedia à l’iconographie de ce programme, le marquis Commons , par Nicolas Lancret, vers 1740, Patrice de Biliotti, propriétaire du Château [p. 31] Jean-Philippe Rameau Jerome Robbins Dance division, The New York , par l’Abbé Charles- Public Library Digital Collections © The New York d’Anjou, Monument Historique, où se trouve le Philippe Campion de Tersan, 1763, Fürstlich Public Library portrait de Marie Antier. Waldeckschen Hofbibliothek © Wikimedia [p. 54] Marie Antier Impression Commons , par Donatien Nonotte, vers [p. 35] Vue de la nouvelle décoration de la foire 1735, Château d’Anjou (Isère),er collection privée Alliance Partenaires Graphiques Saint-Germain [p. 57] Victor-Amédée I de Savoie-Carignan LICENCE E.S. , par Basset, 1782, Archives Opéra (1690- Alexandre Le Riche de La Pouplinière Comique 1741), portrait anonyme © Wikimedia Commons ; 1-1088 384 ; 2-1088 385 ; 3-1088 386 [p. 36] Salle de l’Opéra Comique de la foire Saint- , par Maurice- Laurent Quentin de La Tour, vers 1755, collection Deutsch , anonyme, 1752, Archives Opéra Comique de la Meurthe © Wikimedia Commons [p. 39] Jean Monnet [p. 58] L’hôtel de Soissons vers 1650, , par Augustin de Saint-Aubin, par Israël LOCATION 1765, The Metropolitan Museum of Art © The Silvestre © Wikimedia Commons Téléphone Metropolitan Museum [p. 59] Pierre Jélyotte, [p. 40] Euripide par Louis-Jacques Cathelin, 01 70 23 01 31 , marbre,e copie romaine d’un d’après Louis Tocqué, vers 1750, BnF © Wikimedia Internet original grec du IV s. av. J.-C., Vatican, Museo Pio- Commons [p. 60-61] Pluton et Cerbère Clementino © Wikimedia Commons opera-comique.com [p. 41] e , par Jakob Binck, Guichet Pages de titre des tragédies de Pradon et XVI siècle,Hercule Numelyo traversant © Bibliothèque le Styx sur municipale la barque Racine, 1677, Numelyo © Bibliothèque municipale de CharonLyon ; 1 place Boieldieu – 75002 Paris de Lyon , pare Ercole Bazicaluva et Ferdinando [p. 42] Thésée tuant le Minotaure Tacca, XVII siècle, NumelyoLa furie ©Tisiphone Bibliothèque dans le Suivez-nous sur , par Nicolas municipalepalais d’Athamas de Lyon ; Ponce d’après Jean-Michel Moreau, 1769, ETH , par Antonio Tempesta, 1606, Los Zürich © Wikimedia Commons Angeles County Fund © LACMA 2020 uis un poste fi xe). La Ligne de CHANEL - Tél. 0 800 255 005 (appel gratuit dep uis un poste fi gabrielle. l’essence d’une femme.

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