Germanica, 44 | 2009, « Écriture Des Identités Multiples Dans L’Allemagne Unifée » [En Ligne], Mis En Ligne Le 01 Janvier 2010, Consulté Le 06 Octobre 2020
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Germanica 44 | 2009 Écriture des identités multiples dans l’Allemagne unifiée Anne-Marie Corbin (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/germanica/437 DOI : 10.4000/germanica.437 ISSN : 2107-0784 Éditeur Université de Lille Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2009 ISBN : 978-2-913857-23-0 ISSN : 0984-2632 Référence électronique Anne-Marie Corbin (dir.), Germanica, 44 | 2009, « Écriture des identités multiples dans l’Allemagne unifiée » [En ligne], mis en ligne le 01 janvier 2010, consulté le 06 octobre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/germanica/437 ; DOI : https://doi.org/10.4000/germanica.437 Ce document a été généré automatiquement le 6 octobre 2020. © Tous droits réservés 1 SOMMAIRE Avant-propos Anne-Marie Corbin I. Mosaïques Wie es leuchtet. Léonce et Léna de l’unification allemande Marie-Hélène Quéval Wie es leuchtet. Léonce et Léna de l’unification allemande Marie-Hélène Quéval Fonction identitaire de l’écriture chez Jakob Hein Hélène Yèche La poésie de Bert Papenfuß vingt ans après la chute du Mur – la politisation d’une poétique Cécile Millot II. Synthèses «Schön ist es in eurem banlieu.» «Wie wärsn’ mit der Wirklichkeit?» Black Box DDR Junge (ost-)deutsche (nicht-)dramatische Schreibpositionen Stefan Tigges Der junge deutsche Film seit 1998. Innovative Impulse, Themen, Literaturadaption Volker Wehdeking Écriture et plurilinguisme : « enrôlés dans la langue, arrivés en littérature » Nicole Bary III. Témoignages Achtzehn Einhundertneun – Lichtenhagen Anne Rabe Die RAF - ein Kapitel eines deutschen Familienromans Andres Veiel Jens Sparschuh Jens Sparschuh Hermann Kant Hermann Kant Germanica, 44 | 2009 2 Compte rendu de lecture Nadja Lux, «Alptraum: Deutschland», Traumversionen und Traumvisionen vom «Dritten Reich» Freiburg i. Breisgau, Rombach, 2008, 444 pages Anne-Marie Corbin Germanica, 44 | 2009 3 Avant-propos Anne-Marie Corbin 1 Il y a dix ans, en 1999, le prix Nobel de littérature était décerné à Günter Grass. Comme Die Zeit le constatait lors d’une interview1, ce prix ne lui était pas attribué seulement pour avoir esquissé « le visage oublié de l’histoire » ou parce que Die Blechtrommel (Le Tambour) demeurerait l’une des œuvres majeures du XXe siècle, mais aussi pour ses engagements politiques « inébranlables et parfois impopulaires ». Dans ses entretiens avec le sociologue Pierre Bourdieu, Günter Grass reconnaissait qu’il fallait « naturellement développer des tactiques pour être entendu »2. 2 C’est ce que fit souvent cet écrivain engagé et souvent dérangeant. Grass affirma toujours haut et fort que les intellectuels ne devaient pas se taire et qu’ils avaient encore une tâche à remplir dans la société. Ein weites Feld (Toute une histoire)3, ce livre dense de près de 800 pages, écrit en 1995 à la manière de Bouvard et Pécuchet4, divisé en cinq parties et trente-sept chapitres, devait, selon les annonces, devenir le « grand roman du siècle », le roman « de l’unification » et célébrer « le retour du maître ». Dans Im Krebsgang (En crabe)5, publié en 2002, Grass évoquait le torpillage du paquebot Wilhelm Gustloff par les Soviétiques et les milliers de victimes civiles, noyées dans la Mer Baltique glacée. Une étape supplémentaire était ainsi franchie sur le chemin tracé par le fameux discours de Martin Walser lors de la remise du Prix des libraires en 1998, où celui-ci déclarait vouloir « détourner les yeux devant la représentation récurrente de notre honte » et utilisait de manière provocatrice la métaphore de la « massue morale » (« Moralkeule »)6 pour désigner les diverses commémorations du souvenir d’Auschwitz. 3 En peu de temps, la revendication de la « normalité » de l’Allemagne par rapport au passé nazi fit place à sa « victimisation » et au passage de l’Histoire au destin individuel, en particulier dans des téléfilms comme Dresden et, en mars 2007, Die Flucht. Il n’était donc pas vraiment étonnant que Grass et Walser, sans doute, les deux écrivains allemands les plus célèbres, soient interviewés par Iris Radisch et Chritof Siemes dans Die Zeit à l’occasion de leur quatre-vingtième anniversaire pour témoigner de l’identité allemande de leur génération7. Grass avait défendu Walser après son discours à la Paulskirche, rendant la presse allemande responsable du scandale. De même Walser continuait à affirmer que le public avait voulu se venger de Grass et de son attitude de Germanica, 44 | 2009 4 « conscience morale » de la nation allemande. Tous deux ne pouvaient que s’insurger contre Elke Heidenreich, critique reconnue d’une émission littéraire télévisée, qui n’hésitait pas à les traiter de vieillards séniles dont les écrits ne méritaient plus d’être lus. Cet avis prenait, sans doute, surtout en compte le premier volet de l’autobiographie de Günter Grass, parue en 2006, Beim Häuten der Zwiebeln (Pelure d’oignons)8, qui fut l’objet d’une forte médiatisation, après l’aveu bien orchestré qu’il avait dans sa jeunesse fait partie de la SS. Dans la deuxième partie de cette autobiographie, parue au cours de l’été 2008, Die Box (La boîte)9, Grass donnait en quelque sorte la parole à ses enfants, comme pour dépasser un éventuel conflit de génération ou le réduire à néant, un texte dans lequel Andreas Meier déplorait de ne plus trouver aucune interrogation, ni recherche pour dissiper l’obscurité du passé, mais une simple accumulation de clichés issus d’un appareil photo rescapé de la guerre10. Quant à Martin Walser et à son dernier roman, Ein liebender Mann11, Ulrich Greiner l’éreintait dans Die Zeit, reprochant à cette évocation de la dernière passion d’un Goethe vieillissant de n’être qu’un moyen particulièrement pénible de se mettre en scène en exhibant ses problèmes personnels d’homme âgé12. 4 Si la critique et les lecteurs ne se reconnaissaient plus volontiers dans les monstres sacrés à la recherche de leur propre identité ou se consacrant à l’édification de leur propre culte, ne fallait-il donc pas se tourner vers d’autres auteurs, moins célèbres et moins célébrés, pour tâcher de dénouer les fils du labyrinthe menant à des identités multiples dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Le présent ouvrage pose quelques jalons. 5 Sa première partie, « Mosaïques », est consacrée à l’analyse d’ouvrages récents. Alain Cozic traite d’Ingo Schulze, auteur né à Dresde en 1962, et de Simple Storys, publié en 1998, et souvent considéré comme l’un des romans de l’unification allemand. Ces « histoires simples » ont une ville moyenne de l’Allemagne, Altenburg, comme toile de fond. Non sans humour, elles mettent en scène les préoccupations quotidiennes de la population pour se forger une nouvelle identité au milieu des vicissitudes de l’Histoire de l’après-1989, la perte des repères apparaissant comme le lien entre des expériences diverses. Marie-Hélène Quéval s’intéresse à Thomas Brussig, né à Berlin-Est en 1965. Dans Wie es leuchtet (2002), Brussig y décrit un chaos tout aussi fort que la crue de l’Elbe de 2002 et qui, par la paralysie mentale provoquée, prive les citoyens à la fois de passé et d’avenir. Devenus des automates, ils ne savent plus où se raccrocher et seules des situations grotesques permettent encore d’illustrer l’univers absurde dans lequel ils sont plongés. Le changement radical qu’apporta l’unification allemande ne peut être intériorisé et Brussig dénonce la « mascarade » d’un changement qui interdit toute identité nouvelle. Hélène Yèche a choisi d’évoquer le fils de l’écrivain Christoph Hein, Jakob Hein (né en 1971 à Leipzig), avec trois titres, Mein erstes T-Shirt (2001), Formen menschlichen Zusammenlebens (2003) et Vielleicht ist es sogar schön (2004), consacré à sa mère, décédée récemment. Dans ses souvenirs, souvent amusants et proches de l’autofiction, Jakob Hein semble vouloir fuir ou dépasser les problématiques d’une écriture identitaire et s’émanciper à tout prix du poids du passé, qu’il soit celui de sa famille ou – à une plus grande échelle – conditionné par l’unification allemande. Cette écriture, plus ou moins commune aux auteurs de la dernière génération de la RDA est placée sous le signe de la « littérature pop ». Elle s’interroge davantage sur l’insertion dans le présent et le réel où l’auteur a véritablement trouvé sa place, ce qui le conduit, sans doute, à ne même plus se poser la question identitaire. Cécile Millot analyse la poésie récente de Bert Papenfuß-Gorek (né en 1956 à Stavenhagen), l’un des poètes du « Prenzlauer-Berg », qui se considérait encore en 1997 comme l’un de ces « migrants, Germanica, 44 | 2009 5 brigands, combattants » qu’évoquait de manière programmatique le sous-titre de sa revue Sklaven. Il semble bien que sa recherche d’une identité continue à passer par l’expérimentation poétique et un intérêt non moins grand pour le monde qui l’entoure et ses implications politiques. 6 La deuxième partie de cet ouvrage, « Synthèses »13, fait le point sur différents domaines littéraires. Stefan Tigges traite de jeunes auteurs de théâtre dont l’identité ne se forge plus sur une distinction entre la période avant la chute du Mur et celle de l’unification allemande. Si différents soient-ils, Thomas Freyer, Tine Rahel Völcker, Dirk Laucke et Anne Rabe (qui m’a autorisée à publier des extraits d’une de ses pièces dans ce numéro) ont en commun d’être nés dans les années 1980 dans l’ex-RDA et d’en avoir vécu pendant leur petite enfance les derniers soubresauts. Tous ont fait leurs études à la « Berliner Universität der Künste ». Ils ont en commun également le fait de ne plus ancrer leurs pièces dans la « grande » Histoire, mais de situer l’identité nouvelle dans le réel de vastes cités ouvrières de la périphérie des villes. Ils privilégient une langue imagée, celle des situations de tous les jours, colorée par l’argot et le dialecte, une langue qu’il faut redécouvrir et qui se refuse à employer des abstractions.