La Parité Linguistique Au Sein Du Conseil Des Ministres
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La parité linguistique au sein du conseil des ministres M é m o i r e p r é s e n t é e n v u e d e l ’ o b t e n t i o n d u g r a d e d e L i c e n c i é e n S c i e n c e s P o l i t i q u e s r o f . J e a n B E A U F A Y S , P promoteur r o f . C h r i s t i a n D E V I S S C H E R , P lecteur r o f . J e a n - C l a u d e S C H O L S E M , P lecteur M i n R E U C H A M P S A n n é e a c a d é m i q u e 2 0 0 4 - 2 0 0 5 Nos remerciements vont aux Prof. Jean BEAUFAYS , notre promoteur, Prof. Christian DE VISSCHER et Jean-Claude SCHOLSEM , nos deux lecteurs, sans oublier les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire. 2 La parité linguistique au sein du conseil des ministres LA PARITE LINGUISTIQUE AU SEIN DU CONSEIL DES MINISTRES . INTRODUCTION . PREMIERE PARTIE . De la coutume à la norme constitutionnelle. La situation avant la révision constitutionnelle de 1970. La troisième révision de la Constitution : 1968 – 1971. L’introduction de l’article 86 bis : la parité linguistique au sein du conseil des ministres. La portée juridique de la règle. DEUXIEME PARTIE . La parité linguistique au sein du conseil des ministres. Les gouvernements belges de 1970 à nos jours. La mesure de l’équilibre linguistique. De la parité à l’équilibre linguistique. Des équilibres linguistiques. TROISIEME PARTIE . Les enjeux politiques de la parité linguistique. Le premier ministre. Les vice-premiers ministres. Les secrétaires d’Etat. Echange(s) et équilibre(s). QUATRIEME PARTIE . Bruxelles : miroir institutionnel ? Bruxelles, une synthèse, un miroir. « Bruxelles agglomération ». Bruxelles régionale. Bruxelles communautaire. CONCLUSIONS . 3 La parité linguistique au sein du conseil des ministres Le Premier Ministre éventuellement excepté, le Conseil des Ministres compte autant de ministres d’expression française que d’expression néerlandaise. De Eerste Minister eventueel uitgezonderd, telt de Ministerraad evenveel Nederlandstalige als Franstalige ministers. Art. 86 bis Const. 1831 devenu art. 99, al. 2 Const. Coord. INTRODUCTION . L’étude de la parité linguistique au sein du conseil des ministres révèle la complexité de la Belgique ; une Belgique d’abord unitaire, ensuite communautaire et régionale, finalement fédérale, voire confédérale. Une Belgique en évolution constante depuis la fin des années soixante, marquant le coup d’envoi de la réforme de l’Etat. La parité linguistique au sein du conseil des ministres, inscrite en 1970 à l’article 86 bis de la Constitution, a traversé sans heurts trente-cinq années de révision constitutionnelle. Elle conduit au cœur des relations communautaires, au croisement de deux visions du « faire société » et du « vivre ensemble ». Ce mémoire s’inscrit dans le débat permanent entre néerlandophones et francophones. Il s’appuie sur une double question. Notre intention est de cerner la règle de la parité linguistique dans une logique transactionnelle entre Flamands et francophones : un donnant-donnant censé résoudre le contentieux communautaire. Un jeu à somme positive. Tout d’abord, au niveau national où la majorité flamande accorde un triptyque de protections – la sonnette d’alarme, les majorités spéciales et la parité linguistique au sein du conseil des ministres – à la minorité francophone en échange d’une autonomie culturelle, revendiquée depuis les lendemains de l’indépendance. Au niveau bruxellois, ensuite, la minorité néerlandophone obtient à Bruxelles le décalque – quasi-identique – des mécanismes de protection accordés aux francophones, au niveau national. Ici encore, deux visions du statut de Bruxelles s’affrontent. Enfin au niveau de l’application politique de la parité compensée, d’une part, par l’asexualité linguistique du premier ministre – généralement d’expression néerlandaise – et, d’autre part, par un nombre plus élevé de secrétaires d’Etat néerlandophones. Notre hypothèse – et ses interrogations sous-jacentes – sera confrontée aux travaux préparatoires de la réforme de 1970 et à l’économie générale de la Constitution ainsi amendée, à la doctrine et aux avis juridiques de l’époque. La réalité politique contemporaine, telle que ressentie par les hommes et femmes politiques eux-mêmes – issus des deux communautés – ainsi que par les observateurs de la vie politique, confirmera ou infirmera la thèse transactionnelle. 4 La parité linguistique au sein du conseil des ministres En outre, la parité linguistique assure-t-elle in concreto un équilibre linguistique au sein du conseil des ministres? Une des deux composantes linguistiques ne domine-t-elle pas l’autre en termes de répartition du poids des portefeuilles ? Cette interrogation constitue le second axe de ce mémoire. Afin d’y répondre, l’élaboration d’un modèle a été jugée utile et nécessaire. Basé sur des critères subjectifs – l’attribution de points par, d’une part, des femmes et hommes politiques et, d’autre part, par des observateurs de la vie politique, tous issus des deux communautés – ainsi que sur un critère objectif – le budget des départements ministériels –, ce système tente d’intégrer le facteur linguistique dans la répartition des portefeuilles ministériels lors de la formation d’un gouvernement. Notre attention se portera principalement sur les gouvernements de l’après réforme constitutionnelle de 1988-1989, afin de prendre en compte les fluctuations du poids des portefeuilles ministériels fédéraux suite aux transferts de compétences vers les Régions et les Communautés. De plus, nous comparerons les données obtenues grâce au modèle des poids à celles établies par le modèle des points. Celui-ci s’applique aux fonctions gouvernementales sensu lato en leur attribuant des points selon leur importance respective. Cette combinaison de deux modèles permettra d’affiner notre analyse des implications politiques de la parité linguistique entre ministres francophones et néerlandophones. Les deux dimensions de ce mémoire sont intimement liées. L’analyse présentée dans ce mémoire les présente d’abord séparément pour, ensuite, les intégrer dans une perspective globale. L’étude que nous entendons mener tient de la politologie, mais s’appuie toutefois sur l’étude juridique de l’article 86 bis de la Constitution de 1831. Nous poserons la problématique en termes juridiques, nous tenterons d’y répondre d’un point de vue politique. Outre, l’examen minutieux des documents parlementaires et la littérature afférente à cette question, ce mémoire se fonde sur dix-sept entretiens avec : un ancien premier ministre, deux (ex- ou) ministres-présidents, six ministres ou anciens ministres, deux (ex- ou) secrétaires d’Etat, quatre parlementaires ainsi que deux journalistes. Parmi ces personnalités, quatre sont d’expression néerlandaise, deux d’expression allemande et onze d’expression française 1. Dans la première partie, nous esquissons le cadre d’analyse en remontant aux origines de la parité linguistique. La deuxième partie est consacrée, d’une part, à l’application concrète de la parité linguistique et, d’autre part, à la mesure de l’équilibre linguistique au sommet de l’Etat. Le statut particulier réservé au premier ministre, aux vice-premiers ministres ainsi qu’aux secrétaires d’Etat par l’article 86 bis (devenu 99, alinéa 2) est l’objet de la troisième partie. Enfin, la quatrième partie étudie les parités au sein de l’organe exécutif de l’agglomération bruxelloise, de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Commission communautaire commune. 1 L’annexe I reprend l’ensemble des personnalités interrogées. Les annexes sont jointes dans un cahier séparé. 5 La parité linguistique au sein du conseil des ministres PREMIERE PARTIE . De la coutume à la norme constitutionnelle. 1. La situation avant la révision constitutionnelle de 1970. a. D’un Etat unilingue à un Etat deux fois unilingue. Dans la Belgique du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième, le français est langue d’Etat, dans un Etat unilingue. Bourgeois et aristocrates se côtoient, d’Ostende à Arlon, d’Anvers à Dinant, dans la langue de Molière. Le reste de la population s’exprime dans des dialectes, d’origine germanique au Nord ; romane au Sud 2. En termes politiques 3, la prédominance démographique flamande 4 ne se répercute ni au niveau législatif ni au niveau exécutif. Francophones de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles tiennent les rênes du pouvoirs. Le suffrage universel 5, introduit en 1921, ne modifie guère cette domination sans partage. La monopolisation du pouvoir par une minorité de francophones reste une réalité sociologique qui se traduit clairement dans les statistiques gouvernementales 6. En effet, dans les dix-neuf gouvernements que connaît la Belgique de 1918 à 1940 7, sur un total de 246 ministres, 157 sont francophones contre 89 néerlandophones 8. Seuls quatre gouvernements sont composés paritairement dont deux en exceptant le premier ministre – francophone 9. Toutefois, dès les premiers jours de l’indépendance, un mouvement flamand linguistique et culturel, d’abord, politique ensuite, monte en puissance 10 : « D’un mouvement naturel, les Flamands cherchent à se rejoindre »11 . Malgré le poids démographique de la Flandre, les succès politiques sont lents à venir 12 . 2 Voyez l’œuvre de Xavier MABILLE , rééditée et complétée en l’an 2000 : MABILLE X., Histoire politique de la Belgique – Facteurs et acteurs de changement , Bruxelles, C.R.I.S.P., 2000 4, pp. 125-130, pp. 142-144. 3 Mais également en termes culturels, judiciaires, industriels, académiques et scientifiques; en d’autres mots tous les gens influents utilisaient le français et tous les rapports sociaux s’exprimaient en cette langue. 4 Le premier recensement national (1846) révèle la division de la population belge en trois groupes dont le plus important utilisait le plus souvent « le flamand ou le hollandais » (57%), le deuxième « le français ou le wallon » (42%) et le troisième une autre langue, surtout l’allemand (1%).