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Lumineux huis clos Bent. Gilles Marsolais

Numéro 88-89, automne 1997

URI : https://id.erudit.org/iderudit/23407ac

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Éditeur(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique)

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Citer ce compte rendu Marsolais, G. (1997). Compte rendu de [Lumineux huis clos / Bent. Sean Mathias]. 24 images, (88-89), 36–36.

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LUMINEUX HUIS CLOS

PAR GILLES MARSOLAIS

uteur d'un roman et metteur A en scène au théâtre, Sean Mathias signe ici, sur un scénario de (inspiré de sa propre pièce jouée dans plus de trente-cinq pays), sa première réalisation au ciné­ ma. Au lendemain d'une nuit mouve­ mentée dans le Gay des années 30, Max et Rudy échappent de justesse à une descente de SS dans leur loft. Condamnés dès lors à vivre dans la clan­ destinité, ils traversent une Allemagne dans laquelle les gais ne sont plus tolé­ rés. Finalement arrêtés, ils sont conduits dans un camp de détention (préfigurant les camps de concentration). Pour échapper à la persécution des gardes et des autres prisonniers à l'endroit de «ceux de son espèce» et augmenter ses Max () et Horst (Lothaire Bluteau). chances de survie, Max, qui a survécu à son compagnon, opte pour l'étoile jaune des juifs plutôt que pour le triangle rose réservé aux homo­ événements, que le sujet du film est ailleurs et qu'il vise à l'essen­ sexuels. Il l'obtient en prouvant de la pire façon qu'il n'est pas tiel: cerner les traces d'humanité chez des personnages dans un homosexuel. Il se retrouve finalement à travailler avec Horst, un autre contexte qui vise à les faire disparaître. Il y a donc ici conscience de homosexuel qui, lui, porte le triangle rose et qui le questionnera sur la représentation, à travers cette conjugaison de l'abstraction et du son choix jusqu'à ce qu'il décide, à la toute fin du récit, de s'accep­ réalisme. Et, fondamentalement, en évoquant le passé (dont le sort ter tel qu'il est et d'en assumer les conséquences. Entre temps, les méconnu1 réservé aux homosexuels sous le régime nazi en Europe) deux hommes, tout en effectuant des tâches absurdes dans une cimen­ et en suggérant qu'un amour sincère et désintéressé peut vaincre bien terie, auront réussi à s'aimer et à faire l'amour sans jamais se toucher. des obstacles, le film propose un débat d'idées, axé sur les problè­ L'aspect le plus intéressant du film se situe évidemment dans cette rela­ mes toujours actuels de liberté et de conscience. tion et cette confrontation, en huis clos, entre les deux hommes. Le film, qui se ressent de ses origines théâtrales et qui aurait Des acteurs célèbres, tel Richard Gere, ont déjà interprété la piè­ gagné à être stylisé de part en part, vaut surtout pour la présence ce au théâtre, et des cinéastes, tel Fassbinder, s'étaient déjà sérieu­ physique et la solide performance des deux acteurs principaux, sement intéressés à son adaptation au cinéma. Il va sans dire que ce Lothaire Bluteau et Clive Owen, qui ont eu la chance de travailler sujet «politiquement incorrect» pose a priori le problème de sa sur le texte et leurs personnages pendant un mois avant le début représentation au cinéma, avec ses pièges dont ceux de l'illustration du tournage. • «réaliste» et de la reconstitution. Après une mise en place un peu lourdingue, Sean Mathias parvient à les évitet dans la seconde moi­ 1. Depuis longtemps, les organisations gaies et lesbiennes réclament le droit tié du film, qui correspond à la deuxième partie de la pièce de théâ­ de commémorer la déportation homosexuelle, occultée par l'Histoire offi­ tre d'origine, en optant résolument pour la stylisation. Bent n'est cielle, au même titre que les autres exactions du nazisme. Ce film ne peut que raviver la polémique... donc pas et ne se veut surtout pas un film «historique» sur le nazis­ me. D'ailleurs, l'idée même du camp n'est suggérée que par quel­ ques signes élémentaires, et le langage parlé est volontairement BENT théâtral, même si le jeu des acteurs est plutôt «réaliste». Aussi, les Grande-Bretagne 1997. Ré.: Sean Mathias. Scé.: Martin Sherman, deux personnages flottent en quelque sorte dans un huis clos lumi­ d'après sa pièce. Ph.: Yorgos Arvanitis. Mont.: Isabel Lorente. Mus.: Philip neux, comme pour bien faire comprendre qu'ils ont intériorisé les Glass. Int.: Lothaire Bluteau, Clive Owen. 118 minutes. Couleur.

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