Université d’ Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie

Département SOCIOLOGIE

~ Deuxième Cycle Promotion Sortante ~

4ème Année

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE MAÎTRISE EN SOCIOLOGIE

« LE FANOMPOA BE ET LE FAMADIHANA (Cas d’un Fanompoa be au Doany Miarinarivo à Mahajanga I et d’un Famadihana à Sambaina Antsirabe II)

Présenté par

ASSOUMACOU Elia Béatrice

Membres du Jury :

Président : Jean Claude RAMANDIMBIARISON Professeur titulaire

Juge : Allain RAPANOËL SOLOFOMIARANA Maïtre de Conférence

Rapporteur : François RAJAOSON Professeur titulaire

Date de soutenance : 09 Mars 2006

Année universitaire 2005-2006 « Les rites sont des règles de conduite qui prescrivent comment l’homme doit se comporter avec les choses sacrées »

Emile DURKHEIM

« Toute société humaine est dotée d’une culture spécifique fruit d’une histoire passée et future »

Suzy RAMAMONJISOA

« La mort finit toujours par triompher »

« Pour mieux vivre, il faut préparer la mort »

Propos personnels REMERCIEMENTS

Nous tenons à exprimer nos profonds et vifs remerciements à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation du présent ouvrage, plus particulièrement à :

o Monsieur Jean Claude RAMANDIMBIARISON, Professeur titulaire, Président du Jury ;

Vous avez accepté de présider la soutenance de ce mémoire malgré vos lourdes responsabilités.

o Monsieur Allain RAPANOËL SOLOFOMIARANA, Maître de conférence, Juge ;

Vous avez accepté de juger ce travail de mémoire.

o Monsieur François RAJAOSON, Professeur titulaire, Directeur de recherche ;

Vous nous avez accueilli avec bienveillance malgré vos lourdes obligations et vos fréquents déplacements à l’extérieur. durant l’élaboration de cet ouvrage, vous nous avez aussi orienté vers la bonne voie, notamment à chaque étape de l’avancement du travail.

Nous ne saurions oublier le Madame le Chef du Département de Sociologie ainsi que tous les enseignants dudit département. Merci infiniment car vous donnez le meilleur enseignement aux étudiants du département.

Nous voudrions aussi exprimer notre profonde gratitude à l’endroit de Monsieur Moïse ABDALLAH pour son aide précieuse.

Nous tenons à remercier également tous les habitants de Mahajanga et de Sambaina,

- Monsieur Soudjay Adeham BACHIR, Sénateur de et membre de l’Académie Malgache, qui nous a donné plus d’information concernant l’histoire du royaume Sakalava et tout ce que nous devions savoir sur la région Boeny ;

- Monsieur Kassim TOLONDRAZA ou Dadilahy Kassim, un médium qui nous a montré le chemin à suivre pour faciliter nos recherches ;

- Monsieur Jean Jacques Jonathan RAZANAKOLONA, professeur à Mahajanga ;

- Tous les travailleurs du Doany qui nous a permis d’assister au Fanompoa be sakalava ;

- Monsieur Jean Laurent RAKOTOSON, Président du Tribunal Administratif, professeur de Droit à la Faculté DEGS de l’Université d’Antananarivo, qui nous a invité à des Famadihana dans la région de Sambaina Antsirabe.

- Et enfin, tous les membres de notre famille, nos parents, nos frères et sœurs qui nous ont supporté financièrement et moralement dans la réalisation de ce travail.

Merci de tout cœur ! SOMMAIRE

REMERCIEMENTS SOMMAIRE AVANT PROPOS INTRODUCTION METHODOLOGIE Partie I : L’UNIVERS TRADITIONNEL ET LE CHRISTIANISME Chapitre I : Rites et croyances religieuses Section 1 : Sikidy et Fanandroana Section 2 : Fady, taha, fatidrà Section 3 : Le Tromba Chapitre II : La Conception de la mort chez les malgaches Section 1 : La mort et le mort Section 2 : Les secondes funérailles et la terre ancestrale Section 3 : Le culte des ancêtres Chapitre III : Le Christianisme Section 1 : Origine du christianisme Section 2 : Les rites chrétiens Section 3 : D’Andriamanitra à Dieu – vers un Christianisme à la malgache Partie II : EXEMPLES DE COUTUMES FUNERAIRES Chapitre I : Présentation du fanompoa be et du famadihana Section 1 : Description Section 2 : Motivations Section 3 : Dépenses Chapitre II : Ressemblances et Similitudes Section 1 : Relations avec les morts (coutumes funéraires) Section 2 : Respect de l’origine et demande de bénédiction Section 3 : Solidarisme familial Chapitre III : Discordances Section 1 : Nominations Section 2 : Déroulement Section 3 : Les formes Partie III : ANALYSES ET SUGGESTIONS Chapitre I : Analyses et précisions Section 1 : Fanompoa be Section 2 : Famadihana II.Le jour du Famadihana Section 3 : La reconstruction du lien avec les ancêtres Chapitre II : Fonctions sociales Section 1 : Compréhension et analyse du rituel Section 2 : Régulation sociale et ordre social Section 3 : Principe de réciprocité et les trois types de légitimité de la domination

Chapitre III : Impacts sur le développement et suggestions Section 1 : Impacts sur le développement de la région Section 2 : Suggestions CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE ANNEXE 1 : Madagascar Population & Langues ANNEXE 2 ANNEXE 3

LISTE DES TABLEAUX LISTE DES ILLUSTRATIONS LISTE DES ACRONYMES GLOSSAIRE AVANT PROPOS

L’analyse des pratiques religieuses se situe parfois dans la rubrique « Sociologie religieuse et Anthropologie culturelle », et c’est le cas de ce mémoire.

Le présent mémoire de maîtrise a été conçu pour aider les malgaches à bien comprendre leurs traditions au moment de l’actuelle modernisation et de christianisation. Il essaie de proposer une problématique sociologique car beaucoup de gens taxent les traditions comme frein pour le développement.

Ainsi, l’actuel ouvrage décrit dans ses grandes lignes les orientations des efforts du christianisme pour favoriser le développement socio-économique et culturel, équilibrer les relations avec les traditions et favoriser le bien-être de la population, surtout du point de vue de la croyance et de l’éducation. on y attribue à chaque famille un rôle de stabilisation et d’appui à la conscience (morale).

La question qui se pose est : dans quelle mesure le respect des ancêtres peut-il être considéré comme un blocage au développement ? Ce mémoire essaie alors de préciser les solutions à adopter pour que les coutumes traditionnelles jouent véritablement leur rôle d’aide pour le développement socio-économique et non plus comme un simple respect de l’origine ou la peur des ancêtres.

Mais avant de suggérer des solutions et des perspectives à mettre en œuvre, il faut disposer d’une vision claire de la tradition et d’une analyse des problèmes soulevés.

La sociologie comme toutes les disciplines scientifiques, doit constituer l’axiomatique du sujet qu’elle étudie. Dans cette recherche, on essaie d’analyser et d’approfondir le thème de manière objective et sociologique sans oublier l’approche comparative. Dans la société malgache actuelle, christianisée et occidentalisée, l’étude peut s’orienter sous plusieurs angles. Etudiant au sein du département de Sociologie, l’apprenti chercheur devra accentuer l’étude sous cette dimension sociologique. INTRODUCTION

Madagascar est un centre de diversité culturelle et de traditions comme le Alamahady be, Fitampoha ou Fanompoa be, Sambatra, Famadihana, Fandroana, etc. Ces rites, encore pratiqués, méritent d’être analysés sociologiquement. Nous avons comme thème de recherche « Le Fanompoa be et le Famadihana ». Le peuplement de Madagascar remonterait au premier millénaire de notre ère. Les ancêtres malgaches seraient à la fois d’origine malayo-indonésienne et d’Afrique orientale (des bantous originaires de la Tanzanie et du Mozambique actuel).

On dit souvent qu’ « il n’y a pas de développement sans changement ». mais il faut s’en méfier car ce n’est pas de n’importe quel changement. Il s’agit ici d’un changement qui va dans le sens du progrès et non pas le contraire. On doit partir d’une situation présente non satisfaisante pour aboutir à une situation future satisfaisante.

En d’autres termes, un changement progressif, positif ; toutefois, ce dit changement ne devrait pas être incompatible avec les réalités locales, les civilisations autochtones, mais au contraire, ils doivent s’opérer en synergie tout en respectant certaines adaptations et actualisations exigées par les nouvelles technologies. On s’accorde à reconnaître qu’en dépit du progrès de la science, les chinois n’ont pas relégué dans les musées leur médecine traditionnelle, pourtant leur pays figure actuellement parmi les grandes nations du monde. Comme ce sujet est trop large et délicat, nous n’allons pas nous hasarder à vouloir l’étudier sur tout le territoire de notre île, ; qui est-elle aussi très vaste.

Nous nous limiterons, tout simplement au cas du Fanompoa be et du Famadihana. Le premier, le Fitampoha dans le sud (tous les cinq ans) , issu du terme manompo = servir, ne représente plus que le bain des reliques royales, ce qui correspond bien à la dénomination de Fitampoha (bain). Et le second, le Famadihana appelé aussi ati-damba dans la province d’Antananarivo, accompagné de l’incontournable sacrifice de zébus. Le Famadihana (issu du terme mamadika = retourner, renverser, embrouiller, trahir, changer de camp) n’est autre que le retournement des morts qui est un culte d’exhumation des 8 morts (ancêtre).

Ces deux coutumes conservent toujours plusieurs types de rites. Et si complexes soient-ils, il est tout de même important de les étudier. Toutefois, nous allons limiter nos recherches uniquement dans la région du Boeny- Mahajanga, plus précisément au Doany Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy Manankasina à Tsararano Ambony Mahajanga I et dans la région du Vakinankaratra, plus précisément à Sambaina d’Ambohibary à Antanifotsy Antsirabe II.

A partir des discussions que nous avions entreprises avec des connaissances, nous nous sommes rendu compte que bon nombre de ces dernières éprouvent une certaine réticence envers les mœurs et coutumes traditionnelles (funéraires malgaches telles le Fanompoa be et le Famadihana en les taxant de facteurs de blocage ou freins au développement en général, et au développement socio-économique en particulier. Par conséquent, nous voudrions non seulement connaître les causes de ce rejet, mais aussi surtout, aider nos compatriotes à examiner et voir objectivement les choses.

Naturellement, nous ne prétendons pas résoudre tous les problèmes dans leurs divers aspects, mais en revanche, nous voudrions apporter quelques éclaircissements en vue d’en atténuer, le cas échéant, les effets néfastes.

Notre recherche sera basée sur l’approche comparative de ces deux cérémonies funéraires en mettant en évidence leur organisation et leurs fonctions sociales ainsi que leurs significations culturelles.

Le fanompoa be et le famadihana contribuent au développement socio- économique des régions du Boeny et du Vakinankaratra et à celui de la Nation.

La méthodologie de cette recherche est basée sur une observation participante pour tirer de l’interaction de la vie quotidienne et des entretiens non structurés les options et le vécu de différentes situations et événements de la vie et tout ce qu’on veut apprendre de la communauté sakalava et vakinankaratra.

Les documentations auprès de l’Académie Nationale Malagasy, à la Bibliothèque Nationale, à la Télévision et sur Internet ont été utilisées. 9

Des méthodes formalisées de collecte de données (questionnaire simple avec questions précises à des informateurs), en tout début de séjour, pour tirer rapidement des informateurs le maximum de renseignements pour certains types d’information : généalogie (relations quotidiennes fondées sur les liens de parenté), univers conceptuels du famadihana et du fanompoa be.

L’étude comprendra trois parties :

La première partie tentera d’apporter quelques explications sur l’univers traditionnel et le christianisme. En d’autres termes, y seront présentés le champ théorique dans lequel s’inscrit les rites et croyances religieuses, la conception de la mort chez les Malgaches et le christianisme.

La deuxième partie sera consacrée à la comparaison et aux exemples des coutumes funéraires. C’est dans cette partie que nous déterminerons l’approche du sujet : la représentation du Fanompoa be et du Famadihana, leurs ressemblances et similitudes, leurs discordances.

Enfin, la troisième partie, sera constituée par les analyses et les suggestions. Elle aura pour objet de faire des analyses et remarquer certaines précisions en se référant à des points de vue de quelques auteurs, de voir certaines remarques sur la reconstruction des liens avec les ancêtres, de constater les impacts de ces deux coutumes sur le développement ainsi que d’émettre quelques analyses et suggestions relatives au Fanompoa be et au Famadihana. 10

METHODOLOGIE

1 – Présentation des données :

Pour réaliser cet ouvrage, il a fallu effectuer des enquêtes sur terrain dans deux régions1 et pratiquer la méthode de l’observation participante. Dans cette méthode, la relation est moins artificielle et la participation est maximale. Nous avons vu les faits tels qu’ils sont et les phénomènes latents ne nous ont pas échappé. Cette méthode nous a permis d’entretenir des relations de face-à-face durable au sujet ainsi qu’avec des personnes interposées comme par exemple avec les informateurs.

2 – Présentation et choix du sujet :

Presque aucune étude n’a été entreprise sur le fanompoa be et le famadihana. Ce qui explique l’insuffisance ou même l’inexistance de documents relatifs au monde thanatique au sein du Département de Sociologie. Cette situation nous a mené à faire une recherche sur ce thème.

En Sociologie comme ailleurs, le choix d’un sujet d’étude n’est que rarement le fruit d’un hasard. Ici, l’importance socio-économique et culturelle du thème prend une grande place en matière de développement. Au sein du Département de Sociologie, le sujet touchant la sociologie religieuse, l’anthropologie culturelle ou l’anthropologie thanatique est tout neuf et original : c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de choisir ce sujet.

Depuis plusieurs années, le fanompoa be et le famadihana sont en voie d’épanouissement, respectivement sur le littoral Nord-Ouest de l’Ile et sur les Hautes Terres. Le choix de ces deux coutumes n’a pas été fait arbitrairement. Etant originaire de Mahajanga et à cause de la diffusion du rituel du famadihana qui connaît une grande particularité à Antsirabe, nous avons choisi le titre « Fanompoa be et Famadihana ».

1 Mahajanga I et Sambaina 11

3 – Objectifs :

En sciences sociales, toute tradition quelle que soit sa nature et sa forme, contient toujours un objectif bien précis. Dans cette recherche, nous nous sommes fixés l’objectif de « faire une étude comparative du fanompoa be et du famadihana, analyser leurs impacts sur plusieurs dimensions aussi bien au niveau régional que national, et enfin proposer des suggestions pour contribuer au développement de la culture traditionnelle malgache ».

4 – Problématique :

« Face à la modernisation de la société malgache et à la christianisation, sous quel angle peut-on affirmer que la tradition constitue un blocage ou un obstacle au développement ? ». telle est la problématique que nous avons adoptée.

5 – Hypothèse :

L’hypothèse se construit comme ci-après :

« Le fanompoa be et le famadihana contribuent au développement socio- économique des régions du Boeny et du Vakinankaratra, et à celui de la nation ». Il faut suivre les suggestions et les solutions proposées :

- adopter des réformes nécessaires aux traditions et aux pratiques ; - donner aux traditions le poids qui convient ; - sensibiliser directement les gens qui pratiquent ces rites ; - adapter la tradition et la modernisation à la situation prévalente.

6 – Esquisse d’un canevas :

L’étude en question peut inciter, les psychologues, les historiens, les traditionalistes, les anthropologues, les thanatologues, les psychanalystes, les touristes, etc. à s’intéresser aux coutumes funéraires.

Première partie : Univers traditionnel et christianisme Deuxième partie : Exemples de coutumes funéraires Troisième partie : Analyses et Suggestions PREMIERE PARTIE 13

Partie I : L’UNIVERS TRADITIONNEL ET LE CHRISTIANISME

Les gens habitant dans les coins les plus reculés de la campagne et aux confins de la brousse, préfèrent garder leur religion traditionnelle plutôt que de se convertir au christianisme qui condamne cette religion et ses pratiques. Les traditionalistes croient aux vertus de leurs ancêtres comme les chrétiens à leur Dieu.

Religions et croyances ont un lien étroit avec la vie au quotidien. L’analyse des pratiques religieuses, l’étude des rapports entre le christianisme et les traditions permettent de souligner l’importance de cette première partie, surtout en ce qui concerne la conception de la mort et de la vie après la mort.

Dans cette partie consacrée à l’univers traditionnel et le christianisme, nous exposons les rites et les croyances religieuses chez les Sakalava et les habitants de la région du Vakinankaratra, et leur conception (traditionnelle) de la mort ainsi que la vision de la mort dans le christianisme.

Chapitre I : Rites et croyances religieuses

Dans ce chapitre, nous tenterons de voir le processus d’un sikidy chez les Sakalava et le fanandroana dans le Vakinankaratra. Ainsi, nous montrerons comment s’effectue un sacrifice comme le Taha, le fatidra après la mise en évidence de l’importance de fady (interdits) chez ces deux ethnies, et enfin quelques généralités concernant le tromba.

Section 1 : Sikidy et Fanandroana

A) LE SIKIDY

La vie dans la campagne sakalava est profondément conditionnée par les esprits, et par leur représentants terrestres, les sorciers (les moasy) qui utilisent des intermédiaires végétaux afin de pouvoir communiquer avec eux. Les 14

Sakalava ont beaucoup de respect pour les grands arbres parce qu’ils pensent qu’en offrant de l’ombre, ils sont dotés naturellement de pouvoirs protecteurs. Certains, presque toujours loin des autres, sont l’objet d’une vénération particulière puisque, ils sont sensés être la demeure des esprits ; ils acquièrent une considérable importance sacrée jusqu’à être utilisés comme autel sur lequel des offrandes sont déposées.

Dans la campagne sakalava, le tamarin (madiro ou kily) est vénéré en tant qu’arbre sacré.

Le rôle de médiateur entre l’homme et le monde surnaturel est valorisé dans toutes les régions sakalava par l’emploi du sikidy ou la divination par les graines ou les cartes. Cette pratique est réputée pouvoir répondre à toutes les questions et résoudre tous les problèmes, notamment, ceux concernant les maladies qui seront soignées, ensuite par le respect des fady (tabous et interdits).

Le mot « sikidy » trouve son origine dans la langue arabe, « chickel » qui signifie figure, du fait que la divination est faite par l’interprétation des figures créées par disposition des graines jetées sur une natte, lesquelles graines sont réparties en cinq principales variétés :

- fano (piptadenia chrysostack) ; - tsiafakomby (coesalphina separia) ; - haricot noir ; - madiro ou kily (tamarin) ; - maïs.

Le sikidy présente des formes plus ou moins élaborées de consultation de la volonté des ancêtres. Les sages qui interprètent le sikidy sont appelés « mpisikidy » et sont réputés bienfaisants, par contre les sorciers ou mpamosavy ne font que jeter des mauvais sorts et des maléfices. Ces derniers sont tant redoutés comme apporteurs de chagrins et de malheurs.

Le futur sage est admis à la consultation et à la divination seulement après un long stage d’apprentissage (on parle de 20 à 30 ans) et lorsque ses cheveux deviennent blancs. Avant l’admission à la consultation des graines chez un devin guérisseur, il faut se renseigner sur les fady existants sur la maison et sur les lieux de la consultation pour mieux les observer. 15

Lors d’une consultation, après échange de politesse, le sage prend une position tournée vers l’Est, le point cardinal le plus favorable, place devant lui une pierre bleue claire appelée « vatomahita », c’est-à-dire pierre qui voit, et pose des graines de madiro ou kily sur une petite natte. Ces préparatifs terminés, il commence alors à les déplacer en prononçant des formules, des incantations aptes à réveiller les divinités et esprits.

Ces incantations terminées, le mpisikidy révèle aux esprits le motif de la consultation indiquée par le requérant qu’il soit sakalava ou non. Il lance alors les graines sur la natte, les remue, les soulève plusieurs fois avec quatre doigts. Après avoir proposé aux divinités les questions du requérant, le mpisikidy ou le moasy prend les graines, en lance une poignée sur la natte et commence à les ranger suivant différentes méthodes de sikidy choisies ; avec la main gauche, il forme quatre tas, et de chaque tas, il enlève les graines deux à deux suivant les règles du chickisme jusqu’à former 16 colonnes dont chacune a un nom bien spécifique.

L’orientation des figures a pour fondement les quatre points cardinaux. L’interprétation de ces colonnes donnera la réponse aux demandes formulées par le requérant.

Schéma : Les figures du sikidy oooo oooo ooo oooooo ooo ooooo oooo ooooo oooo oooo ooo oooooo ➀ ➁ ➂ ④ 1er tirage oo oo oo oo ➄ ➅ ➆ ➇ 2ème tirage oo oo oo oo ➈ ⑩ ①① ①② 3ème tirage oo oo oo oo ①③ ①④ ①⑤ ①⑥ 4ème tirage oo oo oo oo

① ① ① ① ① ① ➀ ➁ ➂ ④ ➄ ➅ ➆ ➇ ➈ ⑩ ① ② ③ ④ ⑤ ⑥ oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo 16

Si la requête du demandeur concerne la richesse et les enfants, l’oracle se basera sur la consultation et l’interprétation des cases 2 et 5.

Si la requête concerne une maladie ou un événement malheureux, la case 8 sera consultée.

Pour un voyage, ce sera la case 14.

Ces figures, dans la tribu Sakalava présentent la différence confirmant son identité, la forme de sa divination, et aussi l’origine arabe de cette même divination.

Selon le nombre et la disposition des graines, chacune des colonnes ci- dessus a un nom spécial et une signification particulière qui sont les suivants :

La première figure TALE correspond à l’ascendant.

La deuxième MADY ou MALY représente la richesse.

La troisième FAHATELO indique les parents.

La quatrième figure BILADY concerne la maison et le pays.

La cinquième FINAHANA se rapporte aux enfants.

La sixième ABIDY ou ABILY indique les esclaves.

La septième BETSIMISAY ou BETSILISAY ou ALISAY indique la femme légitime.

La huitième figure FAHAVALO représente les maladies, les ennemis.

A la neuvième figure sont reliés les Esprits protecteurs, esprits des morts.

La dixième figure ONASINA ou OMBIASA est pour le devin guérisseur.

La onzième, HAJA, représente ce qu’on mange.

La douzième, HAKY, représente la figure du JUGE Suprême.

La treizième, SOROTANY, correspond aux chefs et aux sages du village.

La quatorzième, SAILY ou SALY, représente les voyages. 17

La quinzième, SAFARY ou LÀLANA, est le chemin.

La dernière, AKIBA, représente la maison et ses habitants.

{SOURCES : Résultats de l’enquête.}

A la fin de l’interprétation, le mpisikidy lance pour une dernière fois les graines pour demander l’accord des divinités.

Les sakalava suivent méticuleusement ce qui est ordonné par le fady (ce qui est interdit par les ancêtres et par les sages de leur village).

B) LE FANANDROANA

Le fanandroana est l’un des éléments d’astrologie malgache ; c’est la science des mpanandro qui sont, en quelque sorte, les prêtres du rituel des famadihana (retournement des morts). Par ailleurs, les habitants des Hautes Terres centraux ont l’habitude d’aller consulter les mpanandro pour déterminer les jours favorables et fastes pour réaliser, organiser ou débuter un événement dans leur vie tels la circoncision, la première coupe de cheveux pour un bébé, un mariage, la construction d’une maison, les achats et ventes de marchandises, l’ouverture et la fermeture des tombeaux lors d’un enterrement, etc.

La plupart des mpanandro ne révèle pas tout le secret du fanandroana . leurs réponses reposent toujours sur l’héritage des ancêtres lorsqu’on leur demande l’origine et le pourquoi de leur savoir. Les mpanandro n’ont pas la faculté d’interpréter les règles, ils sont tout juste les dépositaires de ces interprétations anciennes.

Le fanandroana trouve son origine dans la civilisation et la culture arabe car les mpanandro se servent du calendrier lunaire pour exercer leur science par le biais des éléments principaux du système du fanandroana qui sont présents dans les douze mois lunaires arabes.

Ces douze mois sont projetés sur la surface terrestre plus précisément le pourtour des quatre murs de la maison qui constitue le plan de référence des douze mois en question.

Figure 1 : Représentation des destins correspondant aux douze mois lunaires 18

10 11 12 1

9 2

8 3

7 6 5 4

Nom malgache Nom arabe Signes du zodiaque 1 Alahamady El-hamal Bélier 2 Adaoro El-thour Taureau 3 Adizaoza El-djouza Gémeaux 4 Asorontany Es-saratan Cancer 5 Alahasaty El-assad Lion 6 Asombola Es-sounboul Vierge 7 Adimizana El-mizan Balance 8 Alakarabo El-agrab Scorpion 9 Alakaosy El-qoûs Sagittaire 10 Adijady El-djadi Capricorne 11 Adalo Ed-dalou Verseau 12 Alohotsy El-hoûts Poisson SOURCE : Rév. COUSINS : « Fomba Malagasy ». Ed H Randzavola. Tananarive, 1961. Pp. 166-182.

Les destins des malgaches sont au nombre de 282. Chaque mois avec ses 28 destins, est une lunaison : espace de temps qui s’écoule entre deux nouvelles lunes consécutives. Les noms des douze mois se trouvent déjà cités plus haut. Quatre de ces mois, à savoir, Alahamady, Asorontany, Adimizana, et Adijady, ont chacun 3 destins.

Ils sont placés, avec leurs destins, dans les quatre coins de la case.

2 Le mois lunaires compte entre 29 et 30 jours ; mais à chaque mois, les mpanandro retranchent 1 ou 2 jours. 19

Alahamady, qui est placé au coin Nord-Est3 et les autres, à la suite, aux autres coins. Les huit (8) mois restant, qui ne comprennent chacun que 2 destins, sont placés sur les murs, 2 sur chaque mur (cf. figure 1). Dans certaines régions où l’on construit des cases en bois, la charpente est faite de 28 poteaux, un poteau pour chaque destin. Dans chaque coin sont placés 3 poteaux et quatre sur chaque côté. On a ainsi son almanach et son livre de destins à l’intérieur de la case, toujours bien en vue.

Les figures suivantes montrent comment sont placés ces 28 destins faisant le tour de la case.

3 Coin de l’adoration des ancêtres, où sont conservées les idoles de la maison. 20

Figure 2 : Dispositif des quatre grandes divisions astrologiques lunaires sur les faces de la maison

ADIJADY X XI NORD XII I ALAHAMADY Adalo Pilier Alohotsy

Fenêtre

IX oro II Ada OUEST akaosy EST Al Pilier central o

VIII Foy er III akarab zaoza

Porte d’entrée Al Adi

Pilier Asombola Alahasaty ADIMIZANA VII VI SUD V IV ASORONTANY

SOURCE : Résultat de l’enquête. 21

Figure 3 : Les 28 destins e he érieur uch térieur ouc ost Bo B P Pos

Postérieur 24 25 26 27 28 1 Bouche

Enflure 23 ADALO ALOHOTSY 2 Dépression IJADY AD LAHAMADY A Bouche 22 3 Fin

Postérieur 21 4 Corne SY KAO AORO LA Bouche 20 AD 5 Postérieur A

Postérieur 19 O 6 Feuille IZAOZA KARAB LA Bouche 18 AD 7 Fertilité A

Postérieur 17 8 Bouche

Elévation 16 ASOMBOLA 9 Assemblage ALAHASATY IMIZANA AD SORONTANY A Bouche 15 14 13 12 11 10 Secouement e he érieur uch térieur ouc ost B Bo Pos P

SOURCE : Résultat de l’enquête. 22

Chacun de ces douze mois lunaires correspond à un vintana, par exemple le mois alahamady correspond au destin alahamady. Donc chaque mois comportant un vintana est divisé à son tour en jours astrologiques, dont chacun correspond à un tonon’andro particulier, qui est en quelque sorte un dérivé du vintana. Les jours astrologiques ou tonon’andro sont aussi projetés sur le pourtour de la maison.

D’après la figure 2, les quatre coins de la maison sont sensés véhiculer les quatre destins-mères, appelés aussi reny vintana [alahamady, asorontany, adimizana, adijady]. La terminologie que l’on utilise pour distinguer les 3 jours astrologiques dans chaque destin-mère est la suivante :

- vava… signifiant début de …

- vonto … signifiant milieu de …

- vody … signifiant fin de…

Exemple : vava alahamady veut dire début d’alahamady, 1er jour

vonto alahamady veut dire milieu d’alahamady, 2ème jour

vody alahamady veut dire fin d’alahamady, 3ème jour

Pour les quatre coins, on a donc quatre fois trois jours, ce qui fait 12 tonon’andro. Les huit autres sont appelés destins-enfants ou zana-bintana, et ils ne comportent chacun que 2 tonon’andro ou 2 jours astrologiques qui correspondent respectivement au début et à la fin en se référant à l’explication précédente.

Exemple : vava alakaosy : début d’alakaosy, 1er jour

vody alakaosy : fin d’alakaosy, 2ème jour

En général, les destins qui comportent chacun deux ou trois jours astrologiques sont véhiculés d’une force spécifique à chaque journée (tonon’andro). Le début du destin est plus fort que sa fin..

Exemples d’explication de destin : 23

- Le destin-mère alahamady (3) qui s’étale sur 3 jours est considéré comme le plus fort et le plus important des destins.

- Le destin-mère asorontany4 est aussi très fort, mais dans le sens d’exceptionnel, il peut être dangereux. Le destin adijady est incompatible avec le destin asorontany d’après les mpanandro. Ces deux destins se blessent : la pleine lune survient autour du 13ème et du 14ème jour pour le mois adijady, or le 15ème jour est déjà asorontany. La pleine lune du mois adijady est donc interprétée dans le fanandroana comme étant due au destin asorontany (d’où leur incompatibilité).

- Les trois grands rois de l’Imerina (Ralambo, Andriamasinavalona, Andrianampoinimerina) étaient nés un jour de vava alahamady. Dans notre table (cf figure2) c’est le coin Nord-Est, coin des ancêtres, mais aussi le destin de royauté, jour de la cérémonie du bain royal avant le changement sous la reine Ranavalona III.

- Alakaosy est le destin le plus dangereux et le plus puissant. On redoutait (et on le redoute encore jusqu’à présent !) un enfant né sous le signe ou destin alakaosy dans l’ancien temps ; car un enfant né sous ce signe est considéré comme capable de gestes anormaux sans être asocial ou fou. Les jours astrologiques déterminent l’avenir des hommes qui les portent.

- Le vava adalo est un destin néfaste pour le retournement des morts, par contre le vody adalo en est un très bon. Adalo est un destin trop léger comme Alohotsy qui est le plus léger, et encore plus léger que les autres destins réputés légers.

- Le vody adalo est un jour faste pour le retournement des morts, mais seulement pendant l’après-midi à partir de 13 heures. Et le vava alohotsy est au contraire faste pendant la matinée. Le choix d’un jour faste pour organiser un famadihana est conseillé par le

4 Asorontany est le signe de la mort et du tombeau ; on pose la première pierre de la tombe au milieu de asorontany (2ème jour ou vonto asorontany). C’est le coin Sud-Est qui est un jour faste pour les travaux de construction d’une tombe en respectant toujours la règle d’incompatibilité des destins. Pendant le famadihana le coin Sud-Est doit être laissé vide par crainte de la mort que le puissant asorontany est capable de provoquer. 24

mpanandro aux familles organisatrices ; ce jour doit correspondre aux quatre destins suivants : asorontany, adizaoza, alahamady, alohotsy.

L’astrologie et la divination sont étroitement liées par les tabous et les interdits qu’elles imposent aussi bien dans leur pratique que dans ce qu’elles peuvent conseiller. Les malgaches, traditionnels ou traditionalistes, suivent méticuleusement ce qui est ordonné par les mpanandro et autres vieux sages de leur village.

Section 2 : Fady, taha, fatidrà

Entreprendre une action importante un jour néfaste entraîne des châtiments sur son auteur et même sur tout son clan chez les malgaches.

A) LE FADY

Le fady est l’interdiction magique et religieuse appliquée aux personnes, aux lieux, aux choses, aux temps et à la sexualité. Pour les Malgaches, les morts participent à la vie divine, ils sont les protecteurs naturels de leurs propres descendants.

La mort, purificatrice de toutes les fautes commises sur terre, ramène tout le monde directement à Zanahary (Dieu)5, et on dit de celui qui est mort qu’il est lasa-razana, c’est-à-dire qu’il est devenu ancêtre. Le fady est créé par les ancêtres pour éloigner les descendants d’un mal ou pour perpétuer le souvenir d’un bénéfice. La transgression d’un fady est jugée comme une faute devant les ancêtres et non devant Dieu. Ainsi la rémission de la faute est demandée au représentant le plus qualifié des ancêtres.

Quand il est question de la notion malgache du péché, de la culpabilité des actes et des châtiments qui doivent s’en suivre, il ne faut pas oublier leurs fady ou tabous. Il nous est impossible de faire un long exposé sur les tabous malgaches, car cela exigerait un développement plus important. Nous nous contenterons de mentionner seulement les tabous qui peuvent être regroupés en trois catégories :

5 Il s’agit ici du Dieu des chrétiens et des musulmans qui est au-dessus de tout le monde ainsi que des razana, et non d’un dieu quelconque. 25

- Le tabou qui repose sur le « serment des ancêtres ». Autrefois, lorsqu’ un clan se réunissait pour faire un serment quelconque, le doyen posait ses mains sur les épaules du deuxième en âge, et ainsi de suite jusqu’au plus jeune de l’assemblée ; tous juraient alors que ce qu’ils s’étaient promis de s’interdire de faire, serait tabou dans le clan.

- Un usage qui, au cours du temps est devenu tabou. Ici, il est difficle de distinguer entre « fomba » (usage) et « fady » (tabou). Agir à l’encontre de ce qui est d’usage, déshonore ; pécher en bravant un tabou, entraîne toujours un châtiment.

- Le tabou qui a une relation avec les « ody » (ou charmes). A chaque charme sont attachées plusieurs choses qui sont tabous. Les malgaches ont un nombre élevé de tabous. Et ils prennent au sérieux le respect des tabous. Pécher contre un tabou est puni par une maladie, un accident corporel dont la gravité dépend de la gravité du péché accompli, et même la mort. Un péché à l’encontre d’un tabou rattaché à un charme, enlève à ce dernier le pouvoir de protéger celui qui le détient ou l’adore.

Ces trois catégories de tabous nous permettent de faire appel à Auguste COMTE, le père du positivisme. A l’origine, il s’agit pour lui d’apporter des solutions à ce qui lui semble être une grande crise de société que traverse le monde occidental au début du XIXème siècle. Il propose pour cela d’instituer un nouvel ordre social fondé, non sur des croyances d’ordre théologique, mais sur les acquis de la philosophie positive. Selon A. COMTE, le positivisme peut être appréhendé à partir de deux règles élémentaires : « observer les faits à l’écart de tout jugement de valeur et énoncer des lois », et c’est le cas de ces tabous (interdits).

« Le caractère fondamental de la philosophie positive est de regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables, dont la découverte précise et la réduction au moindre nombre possible sont les buts de tous nos efforts, en considérant comme absolument inaccessible et vide de sens la recherche de ce qu’on appelle les causes soit premières, soit finales ».

Les changements survenus dans les coutumes ont fait que les jeunes se 26 posent des questions sur la valeur des fady en révélant une défaillance dans les idées vis-à-vis de certains fady dont le respect et l’obéissance présentent des inconvénients indéniables.

En outre l’éducation moderne exerce une grande influence dans le nouvel état d’âme des jeunes. L’opinion actuelle pense que les ancêtres n’auraient plus créé de fady, mais que ce seraient seulement les anciens (gardiens de la tradition) et les interprètes des us et coutumes ancestraux qui peuvent dispenser de l’observation des fady décidée par les ancêtres.

Pour mieux comprendre, il est intéressant d’approfondir l’idée du fomba : violer un fomba est un déshonneur pour celui qui n’a pas suivi la tradition car la violation d’un fady exige une sanction, une peine ou punition.

Souvent, sont effectués des charmes auxquels sont attachés des tabous : pécher envers un tabou d’un charme cause une maladie et enlève à celui-ci le pouvoir de protéger la personne qui le possède ou l’adore. cette croyance est utilisée par exemple, par les bandits, qui, lorsqu’ils veulent attaquer un village ou une propriété, introduisent des charmes qui poussent les villageois à violer leurs tabous, perdant ainsi par la suite leur pouvoir de protection.

Les charmes sont mis dans des morceaux de bambous cachés au seuil de la porte et dans les plis des tôles. La même ruse est utilisée dans un combat amenant l’ennemi à violer les tabous de guerre en lui faisant perdre tout pouvoir ou force. Les charmes du tabou deviennent efficaces lorsque par l’entremise d’une petite corde on attache à la poignée ou au biceps des perles magiques, des morceaux de bois sacré, des écorces d’arbre et une bague rituelle en argent.

Le choix des jours favorables obtenu en lisant l’horoscope par la divination ou le sikidy recouvre une énorme importance et chaque événement signifiant de la vie d’un malgache est conditionné par ce choix. Ainsi, toute la vie est réglée par les fady, les rêves, le fanandroana qui varient suivant la tribu et le clan

Les enterrements, les retournements des morts ou les bains de reliques ne devraient pas être faits un jour néfaste. Beaucoup de gens croient que si l’on néglige de suivre l’ordre du mpanandro les ancêtres seraient déshonnorés. Les 27 désobéissants seraient poursuivis par leurs colères. Pauvreté, maladies ou autres malheurs, mort prématurée seraient les châtiments inévitables pour ceux qui commettent une offense pareille. La superstition joue un rôle important.

On n’ouvre pas, généralement, un tombeau ou un doany un jeudi6 à cause de la peur du sens du nom de ce jour. Jeudi se dit en malgache alakamisy. Les deux dernières syllabes « misy » signifie – il y a. Au futur, misy devient hisy, c’est-à-dire, - il y aura. L’ouverture d’un tombeau le jour d’alakamisy présage alors, qu’ « il y aura » d’autres personnes qui suivront (au tombeau).

En ce qui concerne le mardi, il n’y a pas d’explication exacte sauf, si on interprète le dicton populaire disant « Talata gorobaka » qui veut dire – littéralement, mardi éventré. Talata (mardi) indique l’idée d’une porte ouverte, donc toute chose accomplie ce jour risque de se répéter plusieurs fois. Ainsi, on évite d’ouvrir le tombeau et le doany un mardi par crainte de répéter souvent l’acte. Ce jour a une nature astrologique maléfique : c’est le jour des soucis et des difficultés, des guerres et des jours noirs.

Les maladies les plus importantes sont soignées par des sacrifices de différentes natures parmi lesquelles les plus significatives sont le TAHA et le FATIDRA.

B) LE TAHA

Taha vient du mot sakalava mitaha qui veut dire soigner. C’est un sacrifice de sang fait pour sauver la vie d’un malade grave suivant le principe : « le sang remplace la vie », c’est-à-dire que la victime prendra la place du malade. Puisque l’on sacrifie quelque chose de très précieux, Zanahary ou Andriananahary7 s’apaisera et il se montrera clément envers le malade.

6 Les doany sont des temples, des lieux sacrés liés au royaume chez les sakalava et les merina ; c’est le domaine de quelques rois ou reines, mais aussi parfois des tombeaux de plusieurs ancêtres royaux. 7 Zanahary ou Andriananahary peut vouloir dire un être ou des êtres car il n’y a pas de distinction entre les noms au singulier et les noms au pluriel dans la grammaire malgache. D’ailleurs, le genre aussi n’est pas explicité, tout dépend du contexte, en effet. Reconnu par les malgaches comme le Dieu Créateur au sens biblique, et considéré comme supérieur aux ancêtres. Certaines invocations parlent de Zanahary lahy (masculin ou mâle) et de Zanahary vavy (féminin ou femelle). (cf. Charles RENEL et François RAJAOSON) 28

C) LE FATIDRA

Le fatidra utilise plusieurs objets tels que morceaux de bois, terre, brins d’herbe, pierres et animaux. L’astrologue révèle au cas par les choses qu’il faut utiliser. Il existe une loi du fatidra ou fatodra pour signaler ce qui est nécessaire pour le sacrifice : dessins primitifs représentant « les gardiens du ciel et de la terre » et esquisses des choses à utiliser.

Quelque fois le sorcier reste assis pendant plusieurs jours sur le tombeau des ancêtres pour communiquer avec eux et absorber leur science. L’objet utilisé pour le fatidra a pour tâche d’absorber le mal ou le chagrin, il faut le jeter au Sud de la maison après utilisation, alors que l’animal est laissé en liberté. L’idée est de transférer le mal sur un objet ou un animal, toutefois aucun sacrifice ne peut être utilisé pour se procurer du bonheur pour l’avenir. Les Sakalava suivent le principe que « la vie doit être protégée à tout prix et par tous les moyens » pour pouvoir en jouir le plus longtemps possible.

Le fatidra est aussi le pacte de sang entre deux personnes par l’entremise duquel les deux contractants deviennent de vrais frères liés pour la vie. Dans le pays sakalava la cérémonie est officiée par un sage qui utilise plusieurs objets : sept qualités d’herbes, sept criquets auxquels on tord le cou, les excréments d’un veau orphelin, des os humains, l’eau d’une source en voie d’extinction, un fusil, une lance sans embout enfoncée dans la terre, un coq auquel on a enlevé le foie.

Le sage, en se retournant vers les quatre points cardinaux prononce l’invocation suivante :

« Si l’on ne tient pas ses engagements . . . »

- les sept herbes feront mourir les contractants sept fois ;

- les sept criquets leur feront tordre le cou de façon qu’ils ne pourront pas regarder la personne en face ;

- l’eau de la source fera éteindre leur vie ;

- les os humains ne leur permettront pas d’être enterrés ; 29

- ils mourront en guerre, frappés par la première balle, et ils seront dévorés par les oiseaux de façon à ce qu’ils ne puissent pas arriver aux tombeaux des ancêtres ;

- la lance les condamnera à mort quelque soit la direction prise : sud, est, ouest, nord.

Le sage invoque les quatre points cardinaux afin que Dieu observent les participants, dans ce cas, ils vivront sept vies dans les eaux réunies à la base des joncs.

A la fin de l’invocation, on fera une incision dans leurs poignets en mélangeant leur sang qui mouilleront le foie du coq, lequel sera mangé par les frères de sang.

A l’instar du taha et le fatidra qui sont des sacrifices utilisés à des fins de guérison, la cérémonie du tromba est aussi réputée très efficace pour l’obtention des oracles, des conseils, guérisons, de solutions aux divers problèmes.

Section 3 : Le Tromba

Cette cérémonie est une pratique magico-religieuse lors de laquelle est provoquée un contact et une communication avec les Esprits par l’entremise d’un médium en transe ou saha8. Le saha effectue un voyage dans les cieux pendant lequel il procure la guérison ou la divination en combattant les Dieux ou les Esprits. Il est fondé sur la croyance en la réincarnation d’un roi, d’une personnalité célèbre ou d’un aïeul dans le corps d’une personne vivante.

L’esprit s’empare du médium et par son intermédiaire parle, donne des conseils, prend des décisions, résoud les litiges et soigne les malades dans un état de transe totale. Ses directives sont suivies aveuglément par l’assistance et la cérémonie se termine lorsque l’esprit quitte le corps de la personne possédée qui s’affaisse à bout de force, de tension et de fatigue.

L’origine du tromba doit être recherchée en pays sakalava : la conquête merina s’y est traduite par un culte aux rois locaux décédés, qui étaient sensés revenir parmi leur peuple ; la cérémonie est le jeu des relations imaginaires avec

8 Le saha est un médium possédé par l’esprit d’un roi défunt, considéré comme une sorte d’intermédiaire des ancêtres royaux et les descendants vivants. 30 le roi.

A) DÉFINITION

Le tromba vient du mot swahili9 « Djomba » ou « Zimba » qu’on retrouve dans Zimbabwe qui veut dire Zomba = maison ou refuge, bwe ou boe = pierre, d’où Zimbabwe signifie refuge en pierre ou tout simplement une grotte.

Ainsi par déformation le « dj » du Djomba est devenu « tr » et qui a donné tromba. D’une manière générale, le tromba est un esprit qui vient chercher momentanément refuge dans le corps d’une personne encore vivante. Et durant cette période, la personne vivante sera capable d’agir comme le Mpanjaka quand il était encore en vie mêmesi elle n’a jamais vu ni connu le Mpanjaka.

Quand la mort d’un Mpanjaka survient, on dit qu’il est folaka ou miamboho (car il est interdit de dire que le Mpanjaka est décédé ou mort), c’est- à-dire qu’il tourne le dos.

Evidemment, le corps d’un roi qui a tourné le dos n’est pas un cadavre normal. On l’appelle ny masina ou le saint ; on n’enterre pas le saint, mais on le cache (afenina ou asitrika) tout simplement. Il est à signaler que jusqu’à maintenant, des membres proche de la famille royale ne mangent pas de la viande de bêtes abattues lors d’un enterrement ou d’un famadihana. Cette viande est appelée hena ratsy ou mauvaise viande, et elle est réservée au peuple.

L’âme du roi défunt se transmet à une personne vivante qu’il appréciait de son vivant. Parfois, une réincarnation de l’esprit de ce Mpanjaka se manifeste juste quelques heures après sa mort afin de révéler ce qu’il faudra faire pour son inhumation, quels vêtements il doit porter, quel jour et à quelle heure devra avoir lieu son enterrement, etc.

Cette personne s’appellera désormais le SAHA du tromba. Le saha peut boire un ou deux litres de rhum. Et quand l’esprit s’en va, il n’est pas du tout soûl et se relève quelques minutes après le départ de l’esprit.

9 Le swahili est le dialecte principal parlé en Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya, Ouganda, Rwanda et Burundi). 31

Le nom10 d’un roi ne sera plus prononcé après sa mort, il portera un nouveau nom du genre : Andria + ……. + arivo. Un mot qui désigne ses actes et ses gestes qu’il a accomplis juste avant que la mort le surprenne, ou bien durant toute sa vie ; le suffixe arivo signifie que son peuple est très nombreux.

B) L’ARRIVÉE ET L’APPEL DU TROMBA

Avant l’arrivée du tromba chez quelqu’un, ce dernier tombe malade, et ses proches l’emmènent pour consulter un médecin. Et si celui-ci ne peut rien faire pour le guérir, ses proches ou un voyant, plus précisément un « moasy ». Le moasy confirme alors qu’il s’agit vraiment d’un tromba qui veut venir.

On procède alors à un « hataka » (demande de bénédicition) auquel quelques grands tromba viennent assister : Andriamandisoarivo, Andriamisara, Andriamandamigny, Andriamanilitsiarivo, etc. C’est à ces derniers de juger selon les gestes, mimiques, et paroles du nouveau tromba s’ils correspondent vraiment aux habitudes du défunt Mpanjaka.

Par exemple, le Mpanjaka Nany était un commissaire de police de son vivant, donc son SAHA s’habille en tenue de commissaire.

Baban’i Soazara était un ragova (gouverneur de l’époque coloniale), son SAHA porte toujours une casque coloniale et parle français même si ce dernier n’est jamais allé à l’école.

En d’autres termes, on peut reconnaître un tromba d’après sa tenue vestimentaire, ses gestes, et ses paroles.

Si le Mpanjaka est folaka (mort) après avoir bu du rhum et mangé du vary sosoa avec du poulet, obligatoirement son SAHA ne mangera plus jamais ces aliments.

Le prélude de la cérémonie est fort long. Le saha dirige les chants qui sont systématiquement orientés vers la supplication ; les tambours résonnent avec violence et le saha invoque, supplie, énumère les dons ; on implore l’esprit de venir à travers tous les modes possibles de communication : longues prières, chants, danses exprimant le désespoir et l’appel. C’est la recherche intense,

10 Les Mpanjaka changent de nom après leur mort pour leur accorder plus d’honneur, car leur mort les rend beaucoup plus sacrés. 32 frénétique même, désespérée souvent, de l’établissement du dialogue avec lui. Le saha joue son rôle d’intermédiaire, dirige la supplication des assistants et il en est l’acteur principal.

Si l’attente est trop longue, on s’interroge dans l’angoisse : y a-t-il un coupable dans l’assistance ? Y a-t-il eu une faute dans le choix de la date de la cérémonie ? Parfois les gens confessent des fautes (le plus souvent transgression d’un interdit) ; pour les effacer, ils ajoutent aux dons monétaires, parfois il y a dénonciation et le coupable qui est sensé être la cause de la réticence de l’esprit à apparaître est chassé. (cf. ALTHABE G. : « Oppression et libération dans l’imaginaire », Maspero, Paris, 1969, pp.98-99.

C) LES FADY ET LE NON RESPECT DES FADY D’UN TROMBA

Seulement pour quelques uns de ces fady (tabous), on peut demander au tromba concerné de donner une autorisation pour ne pas les respecter. Cela peut se faire mais, moyennant de l’argent ou autres choses telles un zébu, un mouton, une poule de couleur unie (blanche ou noire), etc.

Quoiqu’il en soit, ces fady ne peuvent pas être tous être achetés ou autorisés

Chaque tromba a un ou deux jours néfastes propres à lui. D’une manière générale, c’est le jour où il est tombé malade ou décédé. Par conséquent, on ne les appelle pas ces jours-là et même si on insiste à les appeler, ils ne viennent pas. Cette période néfaste commence la veille même du jour néfaste en question à partir de 16 heures et se termine au coucher du soleil.

Par exemple, si le jour néfaste est le jeudi, le tromba ne vient pas à partir du mercredi à 16 heures jusqu’à jeudi au crépuscule.

Il arrive même que les SAHA ne sont pas autorisés de faire des achats, de sortir de l’argent durant cette période néfaste. S’ils sont obligés de le faire, ils laissent d’avance l’argent nécessaire à ce effet dans une autre maison qui n’est pas la leur.

Le non respect de ces fady peut entraîner la mort, la maladie, la folie chez les saha même s’ils ont oublié ou si quelqu’un d’autre les ont fait à leur place. Ils 33 subissent directement la punition avant l’autre personne.

A ce moment-là, il faut faire immédiatement un « hataka » (demande de pardon) avant que le pire n’arrive chez les saha ou ses proches. En d’autres termes, un tromba est une personne vivante envahie par un esprit et qui agit selon les volontés de ce dernier.

Pour conclure ce premier chapitre, on peut affirmer que malgré toutes les réserves que l’on peut faire, l’explication de tous ces rites et croyances religieuses semble être dans la ligne du symbolisme constitué par la crainte de la mort. D’ailleurs, le chapitre suivant traitera de la conception de la mort chez les malgaches. 34

Chapitre II : La Conception de la mort chez les malgaches

Ce chapitre met en évidence la vision de la mort et le mort, ensuite le processus des rites funéraires, et enfin le culte des ancêtres.

Section 1 : La mort et le mort

La mort est inévitable. Après la disparition de la vie, il n’y a que le corps qui reste et qui va devenir « poussière ». La mort est donc différent du mort.

A) LA MORT

La mort est sentie comme une mutation pour le vivant, car elle se caractérise par la séparation du corps et de l’esprit ou de l’âme, séparation très relatives d’ailleurs, car lorsqu’on veut honorer le corps au tombeau, l’esprit y est aussi présent.

Après la mort, le fanahy, ou l’avelo, ou l’ambiroa, c’est-àdire l’âme ou l’esprit, se sépare du corps et continue de vivre.

Certains pensent et croient que les morts éprouvent quelques fois les mêmes besoins que les vivants : par exemple, ils peuvent avoir soif et on leur apporte de l’alcool, ils peuvent avoir froid et on les enveloppe dans de chauds linceuls, ils aiment aussi avoir de jolies demeures, et ont leur construit de somptueux tombeaux.

Un proverbe malgache affirme que la pierre placentaire (vaton-tavony) est déjà l’annonce de la pierre tombale (rangolahy). Cela pour nous rappeler que non seulement la mort est la marque de notre humaine condition, mais qu’elle s’inscrit également sous le signe de l’irréversibilité et de la violence.

La mort n’est rien d’autre que « la force dissolvante du temps qui finira bien, un jour ou l’autre, par nous soustraire définitivement à la vie ».

En tout cas, la mort ne peut pas nous laisser entièrement indifférent, et susciter en nous une certaine émotion, surtout quand elle vient de frapper un proche parent, un visage familier et intime, éveillant ainsi, au plus profond de nous-même, une angoissante perspective de notre propre disparition. 35

Dans ce sens, elle ne peut être perçue que comme négativité et comme désordre. « La mort n’est jamais bonne s’il y a un événement qui nous fait réellement violence, en effet, et qui désorganise radicalement la conception organisatrice de la vie », c’est bien cet événement là.

Car la mort nous déstructure dans la mesure où elle nous prive pour toujours de notre « existence corporelle visible » au sein de la communauté des vivants, pour nous précipiter, sans ménagement, dans un monde inconnu, et tout à fait autre ; c’est en fonction de la représentation que nous avons de la mort que nous apprécierons ou n’apprécierons pas à sa juste valeur ce qu’est cette vie. En tout cas, si paradoxal que cela puisse paraître, c’est la mort qui donne un sens à la vie.

Le fait de savoir que les hommes doivent tous mourir ne suffit pourtant pas pour rassurer l’individu sur sa propre mort. Cet individu deviendrait désormais le mort ou le défunt lorsque arrive ou se produise le caractère inexorable de la marche du temps et de l’humaine condition.

B) LE MORT

Avant de parler du mort avançons quelques précisions sur l’homme (car avant de mourir chaque individu est appelé ainsi, mais immédiatement après sa mort il sera appelé le défunt ou le mort)

L’homme est différent des animaux d’après les écritures saintes. L’homme a été créé avec des spécificités particulières : sa place, sa supériorité par rapport aux autres êtres vivants. Toutefois, il est important de faire connaître qu’au même titre que les animaux, l’homme a été fait avec de la terre.

Dans les croyances malgaches, le monde est composé de trois sphères, à savoir :

- les cieux ; - la terre (là où vivent les hommes), ils prient Dieu ; - le sous terre (là où les morts vivent), plus de prière.

Les morts se dirigent vers une vie invisible que les vivants ne maîtrisent 36 pas et à laquelle ils ne sont pas reliés. L’on croit que c’est le mort dans le tombeau qui va se lever lors de la résurrection. Qu’en est-il alors pour les accidentés d’avion, les naufragés de bateau, etc. dont les corps n’ont pu être enterrés ? D’où vont-ils se lever ? Si l’on se réfère aux écritures saintes, c’est complètement faux.

Dans de nombreuses sociétés d’hier comme dans celle d’aujourd’hui encore, les différents mythes thanatiques doivent être doublés par toute une série d’actions rituelles (toilette du cadavre, veillées funèbres, premières et secondes funérailles, don d’habit et de sa part de richesse au nouveau défunt, etc.) pour tenter de colmater précisément la brèche provoquée par la douloureuse disparition d’un être cher (le mort). Pour ces sociétés là, il s’agit d’inscrire collectivement la mort à l’intérieur de la vie et ce, en s’appuyant sur l’efficience et sur la dynamique de la démarche symbolique par rapport au poids sclérosant de la réalité brute et immédiate.

Dans un tel contexte, la mort revêtira une toute autre signification. Elle cessera, pour les différents acteurs sociaux en phase avec leur ritualité, d’être perçue comme étant cet événement sans appel, d’ordre uniquement biologique, qui rend impossible toute possibilité de changement. Au contraire, grâce aux rites funéraires, la mort devient ce par quoi le mort n’a fait seulement que « changer de peau », lui permettant d’accéder ainsi à une autre dimension de l’existence, invisible celle-là, mais qui reste néanmoins aussi réelle, et peut-être même plus exaltante et plus épanouissante encore que celle qu’il apprécie tant actuellement.

A Madagascar, le mort est le personnage principal à partir duquel s’articulent les rites funéraires. C’est donc en fonction de l’intégration sociale de ce dernier, de l’importance du rôle social qu’il a pu jouer durant sa vie au sein de la communauté que les survivants vont devoir se mobiliser plus ou moins massivement pour lui.

Selon une telle logique, les rites funéraires restent finalement l’une des grilles de lecture apparemment les plus pertinentes pour mesurer la surface sociale ainsi que le poids politique du mort et de son groupe lignager.

Etre pleuré par toute la communauté des vivants d’une part, rester longtemps présent dans la mémoire collective des générations à venir d’autre 37 part, signifient dans un tel contexte que l’on a su mener une vie humainement bien remplie et socialement reconnue. Par ailleurs, cette affection profonde et cette mobilisation collective des survivants lors des funérailles doivent être également interprétées comme étant des gages de réussite en vue de la pleine insertion sociale du nouveau mort (défunt) au sein de la « communauté des ancêtres ».

Rupture, marginalité et intégration sont donc les trois temps fort qui ponctuent ces rites funéraires. Ces derniers ont pour fonction essentielle de faciliter le passage du monde familier des vivants à celui tout à fait autre des morts, tout en assurant aux survivants la tranquillité des jours qu’ils ont encore à vivre. De la « mort surprise » à la « mort reprise » : telle est donc la métamorphose opérée grâce aux rites funéraires.

Les exhumations des morts pratiquées par les malgaches ont suscité l’élaboration de divers hypothèses heuristiques, toutes produites en référence aux « secondes funérailles » ou à la fin sociale du deuil.

Section 2 : Les secondes funérailles et la terre ancestrale

A) LES SECONDES FUNÉRAILLES

Les secondes funérailles (sorte de famadihana, famonosan-damba, asa- razana) sont donc pour les malgaches l’occasion des pratiques ostentatoires dans lesquelles il est effectivement nécessaire de faire preuve de prodigalité effrénée en dons et contre dons, condition de resserrement des liens sociaux entre différents groupes lignagers d’une part, entre les vivants et les morts d’autre part.

La stratégie est certes économiquement coûteuse mais qu’importe si elle s’avère socialement efficace aux yeux des différents partenaires de cet échange à la fois symbolique et réel.

La mort n’aura été, pour le mort qu’un accident de parcours, qu’une simple rupture lui permettant dorénavant de « vivre » autrement. La force mortifère qui a frappé et qui a déstructuré momentanément la famille du mort (défunt) n’a eu, en dernière analyse, aucune emprise réelle et définitive sur la vitalité festive et sur la capacité organisationnelle de l’ensemble de la 38 communauté des survivants. Au temps du désordre et de l’affliction des premières funérailles (fandevenana), l’on est propulsé ici dans le temps de la joie, de la fête et de la renaissance post-mortem, faisant ainsi des secondes funérailles une sorte de rite de passage en vue de l’intégration sociale du mort (défunt) au sein de la communauté divino-ancestrale.

A Madagascar, les rites funéraires sont l’un de ces précieux ferments de la cohésion sociale du groupe et du resserrement des liens sociaux des survivants. Face à la force dissolvante du temps, en égard aux jeux et aux enjeux de la course à la différence que suscite toute vie en société, ces rites funéraires sont des « temps forts » dans la recherche et dans l’affirmation d’une identité personnelle et collective toujours à renouveler à chaque instant.

Dans la Grande Île, tout groupe lignager ou toute ethnie a ses propres pratiques ancestrales en matière de rites funéraires et tient autant que faire se peut à les préserver et à se les voir respecter par d’autres, sans pour autant essayer de les imposer aux autres. Etre privé des rites funéraires conformes à son statut social et ne pas avoir accès à son tombeau ancestral signifient que l’on n’a pas joui de ses droits fondamentaux en tant qu’être humain.

C’est là une mort sans appel, la plus terrifiante et la plus humiliante de toutes les morts possibles. Et l’insulte la plus douloureusement ressentie dans une telle organisation sociale est la dévalorisation de la personne humaine à travers ses ancêtres (tevateva razana). A Madagascar, la terre où reposent les restes mortels des ancêtres est le lieu privilégié d’ancrage d’une recherche identitaire toujours à renouveler, toujours au quotidien.

B) LA TERRE ANCESTRALE

La « terre ancestrale » (traduction littérale du terme malgache Tanindrazana), avec ses écosystèmes, et ce qu’il y a de plus sacré. Corps social et spirituel à la fois, cette « terre ancestrale » ne peut être « ni vendue, ni échangée » : elle est inaliénable et l’on est souvent prêt jusqu’au sacrifice suprême pour la sauvegarder dans son intégrité. Car c’est là que « dorment les esprits des ancêtres ». C’est là également que ceux des générations d’aujourd’hui, une fois libérés de leur enveloppe charnelle visible, jouiront, eux aussi, du repos éternel puis fusionneront, à leur tour, avec les éléments 39 constitutifs du milieu ambiant (l’eau, l’air, l’obscurité, la lumière, les roches, les animaux, les arbres, le bruit, le silence, etc.) pour se transmuer progressivement en puissances nourricières au service des générations de demain.

C’est bien à partir des profondeurs invisibles et intimes de cette « terre ancestrale » que va s’opérer, en silence, cette parfaite synergie entre sexualité et fécondité que ne saurait atteindre, durant cette vie, aucun être vivant même si ce dernier l’appelle pourtant de tous ses vœux. On est en droit de se demander, si l’eschatologie judéo-chrétienne basée sur la dichotomie âme et corps est en vérité la seule voie qui soit réellement opératoire pour rendre judicieusement compte de toute la richesse et de toute la complexité du devenir humain.

A la lumière d’un tel questionnement l’on comprend aisément que les statues funéraires avec des sexes turgescents et des seins proéminents, en train de s’accoupler dans des pauses acrobatiques les plus inattendues, et qui ornent ainsi les tombes de certains chefs lignagers sakalava n’ont rien d’érotique, ni de satanique, mais qu’elles relèvent plutôt de ce profond désir de tout être humain d’accéder au beau, au sacré, à l’immortalité et au divin. C’est aussi à travers la figure d’une sexualité pleinement assumé, d’une sexualité rayonnante de cette force génésique à nulle autre pareille et non pas à travers la figuration de la souffrance d’un Christ ressuscité que le mystère de la victoire de la vie sur la mort a été dévoilée et annoncée aux humains. En tout cas, il faut lire dans ces scènes la vie sexuelle post-mortem une certaine hiérophanie.

Pour les Sakalava de la région de Morondava, ces statuettes funéraires sont les signes de l’entière participation de leurs ancêtres à la fécondité divine cosmique. Ces illustres ancêtres, grâce aux rites funéraires appropriés, sont maintenant « béatifiés » voire même élevés au rang de divinités, sans prétendre pour autant être les égaux de Dieu ou de Zanahary. De ce fait, leurs lieux de résidence participeront désormais de leur nature intrinsèque. Y faire intrusion d’une manière intempestive et non concentrée, c’est porter atteinte à la personne de ces respectables résidents invisibles ainsi qu’aux valeurs cardinales des groupes lignagers de ces derniers.

Pour de nombreux malgaches d’aujourd’hui encore, l’espace réservé aux ancêtres doit être toujours manipulé avec précaution et respect si on ne veut pas qu’il soit dilué dans l’évanescence et l’éphémérité du présent, pour être 40 instrumentalisé dans les stratégies de la course à l’avoir et de l’accès au pouvoir.

Les différents « tabous » ou fady, qui y sont intimement liés ont pour fonction essentielle, non pas tant d’en interdire l’accès, mais plutôt d’indiquer positivement aux humains les codes secrets pour permettre à ces derniers d’y prélever en toute sécurité et dans la durabilité, les ressources nécessaires à leur total épanouissement. Ce sont les autochtones, « les fils de la terre », qui sont les vrais gardiens et les maîtres de ces codes secrets.

La « juridiction sur papier et de l’écrit », fût-elle la mieux conçue du monde, n’est pas entièrement opératoire pour gérer dans un tel contexte le rapport à la terre et au foncier ; il faut y adjoindre nécessairement la « juridiction coutumière et de l’oralité » celle qui, d’une manière ou d’une autre fait toujours référence aux rites funéraires.

Ainsi, nous comprenons aisément que la représentation de la mort et de la « terre ancestrale » est ce qui donne effectivement consistance et sens à la vie.

Toutes ces explications sur les secondes funérailles et la terre ancestrale nous incitent à poser des questions sur le sens de la vie, le refus de la mort, la vénération de la mort et la considération du mort comme ancêtre [enfin comment les malgaches considèrent-ils leurs morts comme ancêtres]. La section suivante développera ces questions ayant trait au culte des ancêtres.

Section 3 : Le culte des ancêtres

Le culte des ancêtres était assez souvent marqué dans le paganisme malgache. Il avait une grande influence sur la morale. La grande piété envers les parents et le respect de l’autorité paternelle qui est un si beau trait dans la vie populaire malgache ont leur origine dans les sentiments qui se groupent autour du culte des ancêtres. 41

Le sens de la vie

Dans les croyances traditionnelles malgaches, le monde des ancêtres fait partie de ce qu’on appelle la « vie ». Ainsi, la vie comprend quatre étapes distinctes (la naissance, la jeunesse, la vieillesse, la mort), chacune ayant une importance et un rôle déterminés. Les ancêtres sont parvenus à la quatrième et dernière étape. Comme tous les autres « vivants », ils ont un devoir spécifique à accomplir, celui de donner la bénédiction à leurs enfants. La mort ne signifie donc pas la fin de l’existence, ni la disparition définitive d’une personne. Ce n’est qu’une porte ou un passage vers le monde invisible.

Aujourd’hui, au début du XXIème siècle, avec les changements sociaux, l’émergence de nouvelles religions et la mondialisation dans tous les domaines, le culte des ancêtres régresse, surtout dans les villes. Mais la crainte ou le « respect » des ancêtres demeure une valeur culturelle de la société malgache. La pratique toujours courante de diverses coutumes ancestrales (circoncision, funérailles, bain de reliques, retournement des morts, etc.) est là pour en témoigner, de même que le soin que l’on apporte à l’art funéraire.

Le refus de la mort

La non acceptation de la mort en tant que fin apparaît clairement dans les rites funéraires, particulièrement s’ils concernent un vieillard. Puisque celui-ci a pleinement rempli son existence terrestre (voky andro , littéralement « rassasié de jours »), il mérite de « monter » au stade supérieur. Il est arrivé au terme de ce qu’on appelle hasina, la sagesse ou la sainteté que toute personne acquiert avec l’âge. Ainsi, lors du décès d’un individu très âgé, il n’y a pas lieu de pleurer comme on le fait quelque temps pour un jeune homme. Au contraire, c’est une occasion de réjouissance : pendant des jours et parfois des mois selon la région, on danse, on rit, on boit de l’alcool, on mange la viande des zébus qui appartenaient au défunt et qu’on a abattu pour la circonstance. On parle au mort, on lui adresse des plaisanteries à connotation sexuelle. Puis le corps, soigneusement enveloppé ou déposé dans un cercueil fait d’un bois spécial, est transporté dans le tombeau familial parmi les siens. 42

La vénération de la mort

La mort est un passage particulier, parce que l’être change à la fois d’état et de statut. De l’état corporel, il passe au spirituel. La transformation qu’il subit correspond à une croissance. D’où les propos « osés », inhabituels, lancés au défunt et les différentes représentations « érotiques » trouvées sur les tombes ou aux alentours de celles-ci. L’ancêtre parfaitement intégré dans le monde invisible devient un être nouveau, spirituel et éternel. Il gagne alors un pouvoir surnaturel.

Pourtant, malgré ce passage du défunt à un stade supérieur de la vie, la crainte de la mort ne disparaît pas chez les vivants. C’est la raison d’être du culte des ancêtres : les vivants réclament l’assistance des razana en communiquant avec eux à des moments et des endroits bien précis, pendant les sacrifices. En dehors de ces rites, la séparation entre le monde des vivants et celui des morts est nette : à chacun sa place.

La considération du mort comme ancêtre

Pour les malgaches, un mort n’est pas encore considéré comme ancêtre, sans que les formalités n’auraient pas encore été accomplies pour les rendre prestigieux, dotés de puissance, pour pouvoir aider. Le famadihana est la coutume qui permet d’élever un mort au grade supérieur des ancêtres pouvant aider les vivants. C’est à partir de ce moment là que diffère le monde des morts de celui des vivants.

Tout cela nous incite à voir le christianisme et la mort, la vision du christianisme sur la mort, la vie de l’au-delà. 43

Chapitre III : Le Christianisme

Madagascar compte aujourd’hui 51%11 de chrétiens (dont 26% de catholiques et 23% de protestants), 47% d’animistes (croyances traditionnelles), 1,7% de musulmans, et 0,3% se réclament appartenir à d’autres religions. D’après ces chiffres, le christianisme est la religion la plus pratiquée, mais presque plus de la moitié de la population malgache est traditionaliste pratiquant certainement le famadihana ou le fanompoa be. C’est une des raisons pour laquelle ce chapitre est dédié au christianisme.

Tableau n°1 : Les religions à Madagascar

Catholiques 26% Protestants 23% Animistes 47% Musulmans 1,7% Autres religions 0,3% Source : Père TIERSONNIER. Livret d’accueil AFCA-MADA. Saint Michel, Antananarivo.

Section 1 : Origine du christianisme

Le christianisme, religion monothéiste issue du judaïsme (Ancien Testament), est inspiré par Jésus de Nazareth, juif lui-même, né à Bethléem, en 7 ou 5 avant notre ère et mort en l’an 30 à Jérusalem, crucifié par Ponce Pilate.

Jésus Christ se présente comme le « Fils de l’homme » et annonce le Royaume des Cieux. Ses adeptes accueillent alors la Bonne Nouvelle (en grec évangélion, évangile) et professent la bonne parole.

Cette religion croit à un Dieu unique et transcendant, YAHWE, et propose un message universaliste qui s’adresse à tous les hommes. Dieu est à la fois Père (le Créateur), Fils (la Parole qui sauve), et Esprit (Saint-Esprit).

Le Christ est le véritable fondement de la foi. Sa mort sauve l’humanité du péché. Il endura sa Passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour et monta au ciel. Il reviendra pour juger les vivants et les morts, et son règne

11 Père TIERSONNIER : Livret d’accueil AFCA-MADA, Saint-Michel, Antananarivo. 44 n’aura pas de fin. Par lui, Dieu a révélé aux hommes les vérités et les mystères que leur raison n’aurait pu appréhender.

La religion chrétienne apporte le salut par la grâce. Dieu a envoyé son Fils sur la terre et en acceptant sa mort, il a réconcilié avec lui les hommes envahis par le péché ou rongés par le Mal. Il annonce une vie nouvelle : amour du prochain y compris des ennemis, recherche de la vérité, résurrection, immortalité de l’âme.

Les premiers textes du Nouveau Testament sont alors rédigés (quatre récits évangéliques de Matthieu, Marc, Luc, et Jean entre 50 et 95 et les Epitres de Paul entre 51 et 63). Les Evangiles racontent la vie du Christ, son enseignement, sa mort, sa résurrection et sa montée aux cieux et déterminent les premiers préceptes de la doctrine chrétienne.

Les chrétiens prolifèrent alors au Moyen Orient, dans les grandes villes de l’Empire romain et, notamment à Rome. Le Christianisme, qui accueille les déshérités et qui refuse de participer au culte de l’empereur, attire à lui les plus pauvres et commence à subir des persécutions. Les chrétiens sont obligés de vivre dans la clandestinité. Nombre d’entre eux seront martyrisés ce qui renforça la ferveur en cette croyance nouvelle. Les croyants se cachaient dans les catacombes pour cultiver leur foi.

Antioche et Rome (où Pierre est martyrisé vers 64) devinrent bientôt les deux lieux les plus importants du christianisme.

En 313, Constantin se convertit et par un Edit, reconnaît officiellement le christianisme. C’est la fin des persécutions et le début de la religion d’Etat. En 324, Constantinople fut fondée. C’est alors que vint le temps de l’épanouissement sous toutes ses formes. En 356, le culte païen est interdit. Le christianisme s’accommode d’un certain conformisme et on assiste à un relâchement des mœurs par la hiérarchie ecclésiastique.

L’expansion se poursuit avec la conversion des Lombards et l’évangélisation des scandinaves tandis que Cyrille et Méthode partent en mission chez les slaves.

A la chute de l’Empire d’Occident, les églises d’Orient et d’Occident, vont 45 suivre une évolution différente. En 1054, le patriarche de Constantinople, ne reconnaît plus la prééminence spirituelle du Pape, héritier de Saint Pierre, choisi par le Christ pour fonder son église, (catholicisme de Katholikos : universel), et les Eglises orientales se séparent de Rome (Grand Schisme d’Orient). L’Eglise Byzantine orthodoxe « qui garde la vraie foi » se répand alors dans les pays slaves et balkaniques.

Malgré les croisades, les hérésies et l’inquisition, le Moyen Age est vécu comme l’âge d’or. On bâtit nombre de cathédrales, les ordres monastiques etles universités s’épanouissent.

Les XIVème et XVème apporteront bien des tourments (schisme d’Occident). L’Eglise et son clergé se laissent aller à la facilité et à la décadence. Enréaction contre les abus de l’Eglise, Martin Luther propose une Réforme ; il est bientôt suivi par Jean Calvin. Mais Rome ne retient de ses propositions que les points excessifs et refuse de l’écouter. Les volontés de réformer aboutissent au schisme de la Réforme (1547), et de sanglantes guerres de religion se déroulent alors en Europe (protestantisme).

La nouvelle église luthérienne s’installe dans les pays germaniques et scandinaves ; on trouve les calvinistes plutôt en Suisse, en Ecosse, aux Pays- Bas et en France. Au XVIème siècle, l’Eglise d’Angleterre se coupe de Rome et devient l’Eglise Anglicane (église intermédiaire entre le catholicisme et le protestantisme). L’Eglise catholique engage alors une contre réforme (Concile de Trente en 1545), en vue de rétablir sa suprématie sur la chrétienté.

L’esprit philosophique des XVIIème et XVIIIème siècle induit un affaiblissement du sentiment religieux. La Révolution entraîne l’anticléricalisme et la sécularisation des biens de l’Eglise.

Le XXème siècle voit les trois grandes confessions chrétiennes tenter de regagner une certaine unité avec l’œcuménisme (du grec oïkouméné : toute l terre habitée).

La religion chrétienne est majoritaire en Europe et en Amérique. Elle regroupe les trois grandes confessions : le catholicisme (60% environ de tous les chrétiens), l’Eglise orthodoxe et les Eglises issues de la Réforme (protestantisme et anglicanisme). 46

Section 2 : Les rites chrétiens

A) RITE CATHOLIQUE

La mort est une entrée dans la plénitude de la vie nouvelle du Royaume de Dieu. Chacun devient pleinement participant de la vie de Dieu.

Les rites du passage de vie à trépas sont marqués par la Prière et la Lecture de la Bible. Présence de l’aumônier et de la communauté selon désir. L’extrême onction est le sacrement donné dès que la personne sent l’approche de sa fin. Si cela est possible, les trois jours de veille avant l’inhumation sont respectés. Pendant l’office religieux, fleurs, bougies et prières correspondent à l’illumination et l’éclosion de l’âme dans le monde de l’esprit. On aide ainsi le défunt à se détacher du matériel.

Mais que devint l’âme après la mort ? La mort étant une sortie de l’univers, elles est une sortie du temps et de l’espace. En fait, on sait très peu de choses sur cet au-delà. La Bible parle du Royaume, du sein d’Abraham, d’un lieu de repos, etc. c’est par le corps que chacun d’entre nous est en rapport avec le monde. Le paradis est un lieu décrit comme exquis. Mais « Nul ne rejoint le Très-Saint, s’il n’est lui-même sanctifié ». L’enfer est la séparation d’avec Dieu.

B) RITE PROTESTANT

La mort est une Espérance de vie éternelle. Découverte d’une plénitude nouvelle. Passage auprès de Dieu.

Les rites du passage de vie à trépas : prières et lecture de la Bible pour rappeler et renforcer l’espérance en la grâce de Dieu. Présence de l’aumônier de de la communauté selon le désir du mourant. Accompagnement à l’aide de lectures bibliques et de prières. Un proche du mourant peut faire fonction de pasteur.

Le culte des funérailles est destiné à l’accompagnement de la famille et des amis ; il est centré sur la prédication de l’Evangile : promesse de résurrection. Le défunt est enterré simplement avec respect ; lecture d’un verset de la Bible et prières. 47

Traditionnellement, l’existence est vue en trois étapes. La vie ici-bas, la période entre la mort et la résurrection finale (une sorte de sommeil), puis la résurrection proprement dite, à la fin des temps.

Selon un autre courant de pensée, enfer et paradis sont sur terre et le croyant est déjà passé de la mort à la vie. La mort n’est pas pour autant vue comme une impasse, mais comme une porte ouverte. Sur quoi ? On l’ignore.

Pour d’autres encore, la spéculation sur l’au-delà n’a pas de sens et la résurrection est à prendre au sens symbolique. Enfin, il y a aussi des adeptes de la réincarnation.

C) RITE ORTHODOXE

La mort est la naissance à la vie nouvelle, la rentrée dans la vie spirituelle. Nous vivons ici dans la pensée de la vie à venir.

Rites du passage de vie à trépas : appeler le pope et la famille : communion et prières pour le repos de l’âme. Après le décès, les bras sont croisés sur la poitrine.

Pendant l’office religieux, fleurs, bougies et prières correspondent à ce qui se passe sur le plan spirituel : illumination et l’éclosion de l’âme dans le monde de l’esprit. Traditionnellement le corps est porté à l’église, cercueil ouvert.

L’ascension vers Dieu se poursuit pendant quarante jours, le temps pour l’âme de se purifier et d’accomplir l’effort de détachement de l’enveloppe corporel.

Le paradis qui est une notion développée en Orient, dans un monde de chaleur et de sable est vu comme Dieu. L’enfer, c’est l’inverse, la séparation d’avec Dieu. Il y a deux formes de mort : l’agonie, expérience douloureuse de celui qui ne veut pas quitter son enveloppe charnelle. Et la dormition, dans laquelle celui qui s’endort s’est préparé et vit la mort comme un passage, une Pâque. 48

Section 3 : D’Andriamanitra à Dieu – vers un Christianisme à la malgache

A) LA DÉSIGNATION DES ÊTRES DIVINS EN MALGACHE ET LE DIEU DES

CHRÉTIENS

A propos de Zanahary, Andriananahary, et Andriamanitra, qui désignent les êtres divins en malgache, Otto Christian Dahl écrit : « Ces mots peuvent se référer à toutes les déités du panthéon malgache et sont alors des noms communs. Quelques fois on les emploie aussi pour caractériser les ancêtres morts qui occupent une position divine ».

Ces désignations divines appliquées aux ancêtres sont donc employées comme noms communs. Mais les ancêtres n’y ont droit que si les vivants accomplissent les rites funéraires et post-funéraires (famadihana) indispensables. A contrario, il n’est pas nécessaire d’être mort pour être ancêtre, des personnes possédant des connaissances ou des pouvoirs extraordinaires peuvent être considérées comme ancêtres vivants. C’est pourquoi, lors d’un enterrement, la distribution des morceaux du bœuf tué à cette occasion ne s’apparente ni à un holocauste, ni à une offrande, mais manifeste la participation de chacun à la vie communautaire. Ce n’est qu’après six mois ou un an qu’on offrira une holocauste aux mânes des ancêtres.

Lorsque ces mêmes noms sont employés comme des noms propres, alors ils désignent l’ETRE SUPREME. La question qui vient à l’esprit est la suivante : pourquoi donner trois noms différents à l’ETRE SUPREME ? D’après O.C. Dahl, chacun des noms met l’accent sur l’un ou l’autre attribut de l’ETRE SUPREME. Ainsi zanahary indique le Dieu Créateur, Andriananahary montre sa supériorité sur tous les dieux (« Seigneur Créateur »). La signification d’Andriamanitra, qui veut dire le « Seigneur Parfumé », peut être comprise de deux façons : il est le Seigneur auquel on offre un holocauste odoriférant – et à Lui seul – , ou bien il est le Seigneur imputrescible, éternel. Quand le riz est cuit et qu’on prolonge la cuisson sans brûler le riz, l’odeur particulière qui s’en dégage est appelée manitra.

Ces trois noms utilisés dans la religion ancestrale malgache ont été repris par les missionnaires venus à Madagascar qui les ont donnés au Dieu des 49 chrétiens, utilisés comme noms propres. Par exemple, là où la Bible française (T.O.B) traduit : « Dieu, le Seigneur » Josué 22 :22, la Bible malgache (version protestante) a utilisé Andriananahary. De même, au Psaumes 50 :1, « Le Dieu des dieux, le Seigneur », la version malgache donne Andriamanitra Andriananahary.

En passant en revue les proverbes qui parlent de Dieu, il est difficile de savoir si les attributs et qualités qu’ils véhiculent sont issus de la religion ancestrale ou influencés par le christianisme. Par exemple, Aza ny lohasa mangina no jerena fa Andriamanitra ao an-tampon’ny loha – « Ne regardez pas la vallée silencieuse mais Dieu qui est au-dessus de votre tête » (Même si vous vous sentez seul, Dieu est là). Est-ce une production de la sagesse malgache ou une traduction de la religion chrétienne en proverbe ? Il en est de même pour le refrain de l’hymne national malgache quand nous chantons : Tahionao ry Zanahary, ity nosindrazanay ity – « Bénis, ô Zanahary, cette île de nos ancêtres ». Il est vrai que les paroles de l’hymne ont été composées par un pasteur malgache, mais il n’est pas dit que tous doivent penser au Dieu des chrétiens ou au Dieu des ancêtres.

En revanche, dans les hymnes et cantiques, le doute n’est pas permis, c’est au Dieu des Chrétiens que l’on s’adresse quand on invoque Zanahary. On peut donc dire que les chrétiens, en reprenant les noms des anciennes divinités, s’adressent à Dieu à la malgache.

On peut ajouter que la religion ancestrale qui postule l’existence de l’âme et de la vie après la mort facilite l’adhésion des Malgaches à la foi chrétienne sans doute davantage que pour des Français formés par les Lumières. Ce point d’attache peut être considéré comme une pierre d’attente que la révélation chrétienne doit ensuite compléter. D’ailleurs, il reste beaucoup à faire pour éclaircir les positions respectives de la Bible et de la religion traditionnelle sur la mort. Les luthériens qui encouragent leurs pasteurs à participer aux famadihana pour y prêcher l’Evangile, ou même que les catholiques, plus tolérants à cet égard.

B) DEUX EXEMPLES MALGACHES D’EGLISE DE LAÏCS

1) Un exemple d’origine protestante (1837-1861) 50

L’évangélisation de Madagascar a réellement débuté avec les pasteurs de la London Missionary Society appelés par le gouverneur anglais de Maurice, Sir Robert Farquhar, dans le cadre des traités de 1817 puis de 1820 entre le royaume de Grande Bretagne et le royaume de l’Imerina, transformé à cette occasion en royaume de Madagascar. En vertu de ces traités, le Roi Radama Ier renonçait à exporter des esclaves et acceptait la présence de missionnaires britanniques en échange d’une indemnité financière et de la fourniture d’armes, moyens qui devaient lui permettre de parachever sa conquête de l’Île. Les premiers missionnaires débarqués ) Tamatave en 1818, Thomas Bevan, David Jones et leurs familles sont rapidement emportés par les fièvres. Ce n’est qu’en 1820 que David Jones, seul survivant de la première mission, parvient à monter à Tananarive où il ouvre immédiatement sa première école. Mais si le roi autorise les missionnaires à s’installer dans sa capitale , c’est davantage pour y enseigner les techniques nécessaires à la modernisation de son administration et de son armée que pour la formation chrétienne de ses sujets. Les missionnaires n’acceptant pas de jouer le rôle de simples assistants techniques, le roi dut accepter l’enseignement chrétien comme « sous-produit » de leur présence. En revanche, il n’acceptera jamais que des Malgaches reçoivent le baptême à la cène.

De 1820 à 1828, les pasteurs d’origine galloise, pratiquent une méthode de vulgarisation du savoir, expérimentée au Pays de Galles, qui permet d’accomplir des progrès très rapides. Les élèves deviennent enseignants avant même d’avoir terminé le cycle complet de formation et huit ans après la première école, on compte déjà 4000 élèves. Par ailleurs, les meilleurs élèves sont mis à contribution pour traduire la Bible en malgache. Elle sortira des presses le 21 juin 1835, à la veille de l’interdiction de l’enseignement chrétien et du départ des missionnaires dont la Reine Ranavalona I ne renouvelle pas le permis de séjour.

Après avoir autorisé le baptême et la cène à la mort de son mari, la reine revient rapidement sur sa promesse tout en gardant les missionnaires pendant encore six ans comme enseignants. Mais devant les progrès de la foi chrétienne qui menaçait son pouvoir, elle interdit le christianisme et chasse les étrangers. En 1837, débute une longue période de persécutions qui durera jusqu’à la mort de la reine en 1861. Les chrétiens malgaches résistent souvent jusqu’aux martyrs, comme Rasalama sagayée à mort pour avoir refusé de renier sa foi le 51

14 août 1837. c’est surtout le départ des missionnaires étrangers qui va permettre de fonder l’Eglise malgache. Les chrétiens sans pasteurs se regroupent pour établir des communautés ecclésiales et même pour fonder une Eglise à l’image des églises primitives décrites dans la Bible. C’est en suivant cet exemple qu’ils s’autorisent à former des assemblées des membres communiants pour élire leurs pasteurs, désigner des prédicateurs et choisir les évangélistes chargés de faire le lien avec les autres communautés éparpillées un peu partout en Imerina et jusqu’au pays Betsileo. Même en l’absence des missionnaires qui les avaient initiés à la foi chrétienne, l’Eglise n’a pas succombé. Elle est même devenue plus vivante. L’autorité est passée des mains des missionnaires étrangers aux malgaches et l’Evangile a pris racine.

Lors de son bref règne, le fils de Ranavalona I, Radama II, rappelle les missionnaires, aussi bien protestants que catholiques, et lance une compétition confessionnelle qui durera près d’un siècle en déclarant : « pour moi, je me sens porté au catholicisme, mais je veux, pour un temps, rester neutre et voir les deux camps se battre et faire paraître la vérité ». Le pasteur Ellis de la London Missionary Society fait construire, à l’aide d’une vaste souscription lancée en Angleterre quatre temples de pierre en mémoire des martyrs chrétiens du règne précédent, sur les lieux mêmes de leur supplice. En 1868, la conversion de la Reine Ranavalona II au protestantisme donne aux réformés un essor sans précédent, notamment parmi les grandes familles de la capitale. A la London Missionary Society se joignent bientôt les Quarkers (Friends – l’Eglise des Amis), les luthériens norvégiens et les anglicans qui se partagent le pays en zones d’influence.

2) Un exemple d’origine catholique (1883-1884, 1894-1895)

L’implantation du catholicisme à Madagascar fut longue et difficile. Après de nombreuses tentatives sans lendemain, en particulier à Fort-Dauphin, l’Eglise catholique renoua avec Madagascar à partir de l’Île Bourdon vers 1837, date où arrive à Sainte-Marie le Père Dalmond qui, faute de parvenir sur les Hautes Terres, évangélise les îles Nosy-Be, Sante-Marie et les « Petites Îles ». Ce n’est qu’en 1855 qu’un père jésuite français, le Père Finaz, réussit à s’introduire clandestinement, avec l’aide de Jean Laborde, auprès de la reine. C’est à cette occasion que le Prince, favorable aux étrangers, assiste à la première messe célébrée à Antananarivo. Rappelés à Antananarivo par Radama II en même 52 temps que les pasteurs, les jésuites s’adjoignent l’aide des sœurs de Saint Joseph de Cluny, déjà présentes sur la Côte Est, et des frères des Ecoles Chrétiennes pou l’enseignement. Ils seront ensuite rejoints par les Lazaristes qui s’installent dans le Sud et les Spiritains dans le Nord.

Mais le début des hostilités avec la France et la conversion de la reine au protestantisme cantonnent le catholicisme aux petites gens et aux esclaves. Les guerres franco-malgaches de 1883—1884 et de 1894-1895, amènent le départ des pères français et une campagne de dénigrement contre les catholiques, assimilés à des collaborateurs. Le même phénomène de troupeau sans pasteur donne les mêmes résultats que chez les protestants : les laïcs groupés en deux associations, l’ « Union Catholique » pour les jeunes gens et les « Enfants de Marie » pour les filles, prennent en main la destinée de leur Eglise, ses paroisses et ses œuvres, déjà nombreuses, dans un esprit de responsabilité.

Le christianisme a été importé de l’extérieur mais il a germé à Madagascar, a pris racine et a grandi sur le sol malgache, et on peut dire qu’il existe un christianisme à la malgache qui a été une source de renouveau et de progrès dans la vie nationale. Et même s’il représente seulement la moitié de la population12, il s’agit de la partie de la population la plus influente dans la vie politique, culturelle et économique. On peut donc dire que la vie économique, politique, sociale et culturelle des malgaches a été marquée par le christianisme à tel point que quelqu’un voudrait faire mieux connaissance avec Madagascar et le peuple malgache n’a pas le droit de minimiser la connaissance du christianisme.

Trois points méritent d’être retenus dans cette première partie.

L’importance du Sikidy et du fanandroana chez les traditionalistes Sakalava et chez les Vakinankaratra avant entretenir un rituel tout en respectant

12 Père TIERSONNIER : « Sur une population malgache d’environ 15 millions d’habitants : - 45% sont fidèles à la religion traditionnelle, fondée sur la place primordiale des ancêtres. - 5% à 7% relèvent de l’Islam, surtout sunnite. - 50% en gros sont chrétiens : 26% de catholiques et 24% de protestants. Le pourcentage de baptisés varie de 95% à Antsirabe à 10% dans le Sud (et sur la pluapart des côtes). La confession protestante est partagée entre luthériens (FLM) et réformés (FJKM) mais, outre les adventistes, il y a beaucoup de communautés surtout l’inspiration pentecôtistes comme les Jesosy Mamonjy. L’Eglise épiscopalienne (EEM) appartient à la communauté anglicane et compte 400.000 fidèles ». in Livret d’accueil AFCA-MADA, Saint-Michel, Antananarivo. 53 les fady, les tabous et interdits ainsi que les offrandes et sacrifices.

La vision de la mort chez les Malgaches en mettant en évidence le respect et la vénération de Dieu ( Dieu des ancêtres et Dieu des chrétiens).

Et enfin, la préparation de la vie de l’au-delà ou du monde invisible car les traditionalistes croient aussi à la vie après la mort comme les chrétiens DEUXIEME PARTIE 55

Partie II : EXEMPLES DE COUTUMES FUNERAIRES

Dans cette deuxième partie, nous nous proposons de donner des exemples de coutumes funéraires malgaches. Le respect des ancêtres se rencontre dans l’univers symbolique.

Ce n’est pas seulement chez les Sakalava de Boeny que les ancêtres sont l’objet de vénération car la croyance en la puissance des ancêtres est aussi présente dans les autres tribus en particulier chez les Merina du Vakinankaratra.

Nous essaierons de présenter le fanompoa be sakalava et le famadihana dans la région du Vakinankaratra comme étant des exemples de coutumes funéraires. Ensuite, nous nous engageons à voir leurs ressemblances et similitudes, et enfin leurs discordances.

Chapitre I : Présentation du fanompoa be et du famadihana

Tout l’hiver se place sous le signe de la circoncision, de retournement des morts, des bains des reliques et des festivités servant à raffermir les liens sociaux et familiaux. L’hiver est la période où l’on pense à donner de nouveaux linceuls aux morts. C’est le famadihana sur les Hautes Terres. En juillet, les Sakalava du Boeny se réunissent pour le fanompoa be. Les alentours des sanctuaires sont nettoyés, des offrandes de miel et d’alcool sont faites aux ancêtres, et on procède au bain des reliques sacrées.

Section 1 : Description

Bon nombre de Malgaches pensent que le famadihana est pratiqué seulement dans la région des Hautes Terres. Alors que des chercheurs ont prouvé que des mœurs similaires se pratiquent dans les régions côtières, mais sous d’autres formes et portant d’autres appellations. Le fanompoa be est l’un des noms donnés à ce famadihana. 56

A) LE FANOMPOA BE SAKALAVA

Le fanompoa be se pratique aussi chez les sakalava de la région du Menabe mais sous le nom de fitampoha. Il se déroule au mois d’août, mais tous les 5 ans. Les Sakalava du Menabe se donnent rendez-vous à Belo sur Tsiribihina pour célébrer cet événement, où l’on fait allégeance au roi coutumier tout en demandant la bénédiction de Dieu et des ancêtres.

Origine des Sakalava

Le pays des Sakalava proprement dit se trouve le long de la côte ouest de Madagascar, du fleuve Mangoky au sud jusqu’à l’île de Nosy Be au Nord. C’est une bande de terre, longue de 1000 km et large de 100 à 200 km. Les Sakalava sont donc ceux qui ont le plus grand pays ancestral de toutes les tribus malgaches.

La première capitale des rois sakalava, au XVIème était le village de Bengy (osy ≈ chèvre) dans le district de Manja, au bord d’un affluent du Mangoky appelé Sakalava. C’est cette rivière qui a donné son nom à la tribu et non la tribu à la rivière. Saka signifie une petite dépression dans la plaine où coule un ruisseau ou une rivière, et lava veut dire long. Le mot Sakalava peut donc se traduire par « vallée longue », ce qui correspond bien au caractère de l’affluent.

Le royaume sakalava était le plus vaste royaume qui a vu le jour à Madagascar vers le XVIIème siècle avant respectivement les royaumes betsimisaraka (début du XVIIIème siècle), betsileo (mi-XVIIIème siècle) et merina (XIXème siècle). Il s’est répandu sur à peu près les 2/3 de l’île, de la côte Sud-Est (région ANTASAIKA), du fleuve Mananara au Nord (région de l’ANKARANA) en passant par le Sud-Ouest (Maroseranana), le Centre-Ouest (Menabe) et le Nord- Ouest (Boeny).

Ce célèbre royaume, initialement fondé par Andriandahifotsy (1610-1685) et fortifié par Andriamandisoarivo (1685-1712) a été divisé en deux zones principales :

le Menabe, du fleuve Onilahy au Sud au fleuve Manambolo au Nord, avec comme capitale la ville de Bengy (Manja actuellement). 57

le Boeny, du fleuve Manambolo au Sud au fleuve Sofia au Nord (baie de Narindra), près d’Analalava, avec comme capitale Tongay13, tout près de l’actuelle ville de Mahajanga qui n’est autre que la déformation du swahili « Moudzi wa angaya ».

Moudzi = ville

Wa = de

Angaya = fleur

Autrefois, des commerçants de l’île de Zanzibar venant en boutre acheter des épices furent attirés par les fleurs Yasmins du bord de la mer de la ville de Mahajanga. C’est ainsi qu’ils donnèrent à cette dernière le nom de « Ville des fleurs » ou « Moudzi wa angaya ».

Andriandahifotsy, comme son nom l’indique, avait comme ancêtre un certain Andriamanalimbe, qui avait une peau blanche (on dirait un arabe) venant de la région de l’ISAKA de la Côte Est et probablement Manakara ou Vohipeno, c’est-à-dire la région occupé par les Antemoro.

Cela nous amène à croire d’une part, la présence des papiers antemoro sur lesquels ils écrivaient le sorabe.

Exemple :

, س , ش , ﻅ , ﺹ , ﻦ , ﻥ , ﺈ , ﺕ , ب , ﻡ

ﻕ , ﺂ

et de l’autre : l’existence de quelques mots ou vocabulaires arabes dans la langue malgache comme :

baraka = honneur

afa-baraka = déshonoré

Les noms des sept jours de la semaine viennent de l’arabe ainsi que ceux

13 Capitale originelle du royaume sakalava du Boeny. Là où son fondateur – Andriamndisoarivo, parti d’un autre royaume sakalava, celui du Menabe, s’est établi dans le but de créer son propre royaume. D’où la naissance du royaume sakalava du Boeny. 58 des douze mois du calendrier lunaire (constellation du zodiaque)

al wahed ou Alahady : le premier (jour)

al tsinain ou Alatsinainy : le deuxième (jour)

al hamsz ou Alakamisy : le cinquième (jour)

al sabaan ou Asabotsy : le septième (jour)

el hamal ou Alahamady : le premier (mois)

es saratan ou Asorontany : le quatrième (mois)

ed dalou ou Adalo : le onzième (mois)

Andriamandisoarivo, dont la mort se situe au début du XVIIIème siècle, conquit le Boeny à partir de la fin du XVIIème siècle. La traite des armes et des esclaves, florissantes à cette époque, explique la rapidité du dispositif politique mis en place pour le contrôle de l’embouchure des fleuves dont la plus importante fut celle du Betsiboka. Le premier Doany d’Andriamandisoarivo fut installé à Mitsinjo, où s’érige son tombeau ; lui et son fils Andriamboeniarivo semblent avoir été des rois conquérants incontestés dans le Boeny.

Tableau n°2 : Constitution des reliques d’Andriamisara Efa-Dahy

Provenance Reliques Reliquaire

Andriamisara

Menabe Andrianihanina En or (Andriandahifotsy)

Andriamandisoarivo Boeny En argent Andriamboeniarivo 59

Généalogie : Source de l’alternance au pouvoir Bemazava - Bemihisatra

Andriamandisoarivo Andriamandikavavy

Andriamboeniarivo

Andriamahatindriarivo Andriamahatanarivo Andrianiveriarivo Andrianailitsiarivo

Andriamiavotrarivo Ndremarofaly )

Ndrantefiala Tsifotaka Faky Tahoria Ravahiny (Andriamamelonarivo) Parata

Andriamitokarivo Bakary Ndranitra Ingala Tsimaloma Andriantsoly Rafefiarivo Bekirondro Bemazava d’Ambanja Andriamitoharivo Andriamanavakarivo

BEMAZAVA BEMIHISATRA

Source : Résultat de l’enquête

Bemazava : clan issu d’Andriamahatindriarivo, avec Marovoay comme capitale.

Bemihisatra : clan issu d’Andrianailitsiarivo, avec comme capitale Ambato- boeny.

Les deux clans sont les protagonistes d’une opposition séculaire pour le contrôle du Doany de Mahajanga. C’est en réalité un conflit entre le cadet et l’aîné, détenteur des reliques qu’est née la querelle du Doany de Mahajanga.

Ainsi, le peuple Sakalava du Boeny possède deux doany :

- Le Doany atsimo (du sud). Les Bemihisatra de Miarinarivo s’appuient sur la légitimité donnée par la sentence de la justice 60

moderne et des preuves historiques écrites en français.

- Le Doany avaratra (du nord). Les Bemazava d’ Ambondrona, forts de leur appui populaire, parcoururent tous les lieux saints des Maroseranana pour reconstituer les reliques.

Définition

Le fanompoa be est une cérémonie traditionnelle au cours de la quelle les inébranlables défenseurs de la monarchie sakalava du Boeny procèdent au rituel de bain des reliques d’Andriamisara Efadahy Manankasina, en l’occurrence Andriamisara, Andriamandisoarivo, Andriamboeniarivo, et Andriandahifotsy (ou Andrianihanina) car ils ont beaucoup manqué à tout le monde après leur mort.

La veille de la cérémonie

La veille de la cérémonie, le Doany de Miarinarivo situé dans le quartier de Tsararano Ambony, où se tient annuellement le bain des reliques de deux souverains décédés et de leurs fidèles compagnons commence à connaître une extraordinaire animation. Le calme habituel est insi rompu dans ce petit village au décor rustique, quelques cases sous les généreuses feuilles d’impressionnants manguiers.

Seul le « ZOMBA BE », la case sacrée où sont conservées les reliques (ongles, cheveux, dents, un vertèbre cervical, les phalangettes des auriculaires prélevés sur les squelettes d’Andriamisara Efadahy Manankasina) se démarque, étant bâti en dur avec sa toiture en tôles ondulées.

La procession des participants

La procession des participants des quatre coins de Mahajanga, dirigée par les castes et clans en provenance de Betsioko (Ambato-Boeny) et de Bezavo (Mitsinjo) et d’autres régions de Mahajanga marque le début de ce grand rassemblement humain.

Les offrandes composées de miel (fandrama), de bois sacrée (fiagnitry), d’huile sacrée (kinagna), de feuilles de tisane (katrafay), d’argent, d’or, portées 61 sur la tête des femmes sont alors acheminées vers le Doany, où leur réception font l’objet d’une petite cérémonie.

Avant de déposer les offrandes les unes après les autres sur une immense natte étalée au milieu du village, les porteuses se déplacent sur les genoux, dans un tintamarre de chants accompagnés de battements de mains et dans un concert de coups de fusils tirés en l’air ; des discours échangés entre les visiteurs et leurs hôtes précèdent leur emplacement dans une petite case.

Durant toute la nuit, le Doany de Miarinarivo danse et chante jusqu’au petit matin au cours du « tsimandrimandry » (veillée des festivités). Tout le monde s’amuse pour réchauffer les ancêtres, boit, chante, danse, et tout est même permis sur le plan sexuel pour ceux ne sont ni musulmans ni chrétiens ; pour ces derniers tout cela n’est pas une activité sacrilège et ne doit pas être interdit.

Les cheveux doivent être tressés et lâchés, les femmes sont vêtues en « salovana » et les hommes en « lambaoany » ou « kitamby ». Le port de chaussures, de slip, de pantalon est prohibé en pareilles circonstances. Les exigences de la tradition sur le port vestimentaire et l’interdiction des chaussures doivent être respectées par les participants actifs et passifs.

L’attente de l’heure du rituel

Dans l’attente de l’heure du rituel, la considérable assistance prend la peine de s’asseoir à même le sol devant le valamena du Zomba dans la grande cour que l’on appelle le tsandrarafa.

De loin, la sirène d’une voiture ouvreuse de police retentit , se rapprochant du village. Ce sont les autorités civiles et militaires invitées par le Mpanjaka Dezy (Prince Andrianirina Désiré Noël), maître des lieux qui doit sortir de son palais pour les accueillir à leur descente de voiture.

Des hommes forment une haie humaine en se prenant par la main pour baliser le passage des porteuses d’offrandes, de la petite case où elles ont été conservées la veille à l’intérieur du Zomba Be, endroit où le rituel du bain des reliques va s’exécuter quelques minutes plus tard.

Aux salves tirées en l’air, la délégation royale emboîte le pas aux 62 porteuses qui se dirigent en file indienne vers la porte Sud de la case sacrée. Ce cortège d’hommes et de femmes s’engouffre progressivement dans le Zomba Be tandis qu’à l’extérieur du valamena, bon nombre de participants passifs se contentent de suivre cette marche royale.

Ceux qui ont choisi d’investir l’intérieur du Zomba Be sont appelés à se débarrasser entièrement de leurs sous-vêtements. Chaque seuil de porte est obligatoirement franchi avec le pied droit ; si quelqu’un entre par le pied gauche, il en sera puni et devra s’amender.

A l’intérieur, trois piliers en dur se dressent au milieu, supportant les charpentes. Dans un coin, au nord-ouest, se trouve une petite case en bois baptisée « Zomba vinda » ou « Zomba kely » dans laquelle sont effectivement conservées les reliques d’Andriamisara Efadahy Manankasina.

Pour la circonstance un immense tissu en soga sépare dans sa longueur l’intérieur du Zomba Be, « le safoday ». D’un côté, se trouvent des femmes assises sur des nattes et qui ne cessent de chanter ; de l’autre, est mise, près du «Zomba vinda, une table couverte du même tissu, le soga sur laquelle est posée une grande cuvette métallique remplie d’une mixture d’eau sacrée, d’huile sacrée, de katrafay et de quatre verres à moitié pleins de miel.

Cette disposition permet alors de sauvegarder l’intimité royale que n’importe quelle femme, exceptées les épouses, ne doit découvrir.

En dessous de cette table, des femmes agitent sans cesse des éventails en raphia pour alimenter des feux de charbon placés dans quatre petits objets identiques. Elles sont chargées de brûler de l’encens.

Telle est la description du fanompoa be sakalava du Boeny et passons maintenant au famadihana dans la région du Vakinankaratra.

B) LE FAMADIHANA DANS LE VAKINANKARATRA

Le famadihana figure parmi les us et coutumes que les Malgaches ont honorés pendant plusieurs années et que les générations successives ont respectés. Toutefois, on ignore la date de son avènement et que les avis des chercheurs divergent. Certains que le famadihana a été importé par les ancêtres 63 des malgaches lors de leur arrivée à Madagascar ; d’autres soutiennent que le famadihana a été instauré en remplacement du « Fandroana » (sorte de fête nationale dans les Hautes Terres de l’Imerina) qui a été remplacé par le 14 juillet (fête nationale française).

Quoi qu’il en soit, le famadihana revêt une importance capitale dans le pays.

Origi ne des Vaki nankaratra

Le Vakinankaratra se trouve entre l’Imerina et le Betsileo du Nord entre Ambatolampy et Andramasina, et au Sud elle respecte à peu près la ligne qui sépare les provinces d’Antananarivo et de Fianarantsoa.

Le terme vakinankaratra désigne à la fois le territoire et les populations qui y habitent. Si on se borne à l’histoire récente de la région, les vakinankaratra sont à rattacher aux Merina14.

Par ailleurs, on sait qu’aujourd’hui, sur le plan administratif, le Vakinankaratra fait partie intégrante de la province d’Antananarivo.

De part et d’autre de la route nationale 7 (RN 7) entre la ville d’Ambatolampy et celle d’Antsirabe (capitale du Vakinankaratra), on peut apercevoir de belles sépultures semblant dire que les habiants du Vakinankaratra sont loin d’oublier leurs ancêtres. Des tombeaux de pierre (fasam-bato), blanchis à la chaux sont aussi facilement visibles à voyage par train et cela toujours entre les zones d’Ambatolampy et d’Antsirabe.

Certains propriétaires (des tombeaux !) affirmaient même que leurs ancêtres n’avaient pas de tombeaux dans la région, mais que eux, leurs enfants, ils ont fait leur devoir en construisant ces belles demeures pour grouper tous les razana éparpillés dans les tombes provisoires.

Il est inutile de souligner que ces observations, superficielles certes, peuvent nous amener à nous interroger sur l’origine du peuplement de la région

14 RAJAOSON François : « Contribution à l’Etude du famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar ». C’était sous le règne du Roi Andrianampoinimerina (vers 1787-1810) que le Vakinankaratra fut rattaché à l’Imerina, au moment ou ce dernier unifiait ses terres conquises en constituant les six divisions territoriales de l’Imerina, ou Imerina Enin-toko, dont le Vakinankaratra était la sixième. Page 83-84. 64 du Vakinkaratra15 (mais cette question déborde largement notre sujet).

Pour ce qui est du famadihana chez les vakinankaratra, à peu près toutes les spécificités soulignées dans la pratique en Imerina Centrale y sont présentées, quoi qu’ici le vaky saova16 n’atteigne pas la même dimension que chez les Merina.

Cela dit, il semble que la principale particularité caractérisant un famadihana vakinankaratra serait la présence des Mpihira gasy17 ou chanteurs malgaches, pendant les réjouissances.

L’histoire de l’origine de la région Vakinankaratra nous donne une grande occasion de donner quelques définitions en sachant que c’est l’une des régions qui pratiquent le plus de famadihana à Madagascar.

Définition

Partout à Madagascar, l’hommage aux ancêtres est fervent. Au cœur des Hautes Terres, une cérémonie dont l’origine se situe au-delà de la mémoire des hommes se perpétue depuis les temps les plus anciens : le famadihana.

Chaque année, de début juin à fin septembre, de village en village, les tombeaux sont ouverts et les vivants font danser leurs morts lors de grandes fêtes. Improprement appelé « retournement des morts », le famadihana » d’un ancêtre est organisé au minimum tous les cinq ou trois ans. La décision qui détermine l’organisation de cette cérémonie est souvent liée au surnaturel. Lors d’un rêve, par exemple, un parent défunt peut dire à l’un de ses descendants qu’il a froid. Un famadihana coûte cher (il faut offrir durant trois jours des festins à tous les parents, aux habitants du village, aux invités, plusieurs centaines de

15 Histoire de Madagascar. Page 191. A propos de l’origine des vakinankaratra, Deschamps avance dans ce livre que dans l’ancien temps, le vakinankaratra aurait été peuplé par des colons et des réfugiés de toutes sortes, par ailleurs la montagne d’Ankaratra serait un refuge de bandits et de réfractaires. 16 RAJAOSON François : « Contribution à l’Etude du famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar ». Le vaky saova, d’une part, est un spectacle résultant de la joute oratoire entre deux groupes de jeunes gens de villages ou de quartiers différents. L’effectif de chaque groupe peut varier de 5 à 10 personnes, voire plus ; dans ce genre de jeu, il est de règle d’écouter attentivement la partie adverse quand elle exécute numéro. D’autre part, c’est le genre de chanson exécuté par groupe, pour entrer en compétition avec la partie rivale. 17 Ce sont des chanteurs et des danseurs professionnels se constituant en Tarika ou équipes appelées à exercer leurs talents. Pour qu’il y ait hira gasy ou spectacle donné par les chanteurs- danseurs, il faut au moins la présence de deux troupes entrant en compétition sur le sehatra (endroit réservé à la danse ou podium). 65 personnes, faire venir des troupes de mpihira gasy et de vako-drazana (compagnie de musiciens). Tous les membres de la famille qui le peuvent, cotisent. D’autres problèmes moins prosaïques relèvent de l’invisible : seuls les astrologues liés à la famille sont habilités à déterminer le jour et l’heure les plus propices à l’ouverture du tombeau.

Le famadihana peut se définir selon deux champs à savoir : la définition littérale et la définition idéologique ou sémantique qui sont toutes les deux complémentaires.

La définition littérale

Littéralement le terme famadihana a comme racine le mot « vadika » qui a le sens de transférer d’un endroit à un autre, d’un côté à une autre face.

En effet, les malgaches considèrent les morts comme étant encore vivants, lorsqu’ils sont enterrés, allongés, ces morts doivent changer de côté pour mieux se sentir. Le famadihana est l’unique et l’ultime moyen pour mettre le mort à une place convenable, adéquate. Cette mœurs permet également à une famille de transférer au tombeau familial, un mort inhumer ailleurs. Il en est de même pour les morts inhumés à l’extérieur du tombeau familial, on profite de cette occasion pour les y introduire.

Selon le proverbe « vivants sous un même toit, morts dans un même tombeau » (velona iray trano, maty iray fasana), les malgaches évitent beaucoup que les os de leurs morts ne soient pas perdus, égarés ailleurs.

La définition idéologique

Selon l’idéologie et l’esprit que revêt cette coutume, les chercheurs l’on définit de plusieurs manières à savoir :

SELON LA LIGNÉE

Vivre dans une lignée, clan ou tribu, avait son importance comme vient de souligner le proverbe suscité. Ainsi le famadihana permet de rassembler dans l’unique tombeau familial, les os de tous les membres de la famille.

LA RETROUVAILLE 66

Les membres d’une famille sont dispersés dans les quatre coins du monde et ne se connaissent plus. Le famadihana constitue donc pour les membres d’une famille un lieu de rendez-vous, une occasion de se faire connaître, de présenter les descendants.

Après l’exécution d’un fonmba (cérémonie lors de laquelle l’avis des ancêtres est demandé, après partage de rhum entre les vivants et les morts (on en verse un peu sur le sol à cette fin), l’astrologue fixe le jour et l’heure du début et de la fin des fêtes de famadihana. Le jour convenu, les tombeaux sont ouverts, les ancêtres sont enroulés dans des nattes neuves (que les femmes se partageront après la cérémonie : elles ont un pouvoir de fécondité). Les hommes les sortent du tombeau. Aussitôt, la foule des parents et amis s’empare des corps et les emporte dans une danse très rapide. La danse cesse. Les corps sont posés sur le sol et entourés par les membres de la proche famille. Les parents offrent à chaque ancêtre un suaire neuf. On glisse dans les linceuls une bouteille de rhum, une photo, des billets de banque. Ce sont les cadeaux des vivants à leurs morts. Rires et larmes, joie et tristesse se mêlent. Moment de recueillement : des mains se posent et exercent de légères pressions sur les corps emmaillotés de lambamena neufs.

On touche les ancêtres, pour leur « faire un câlin », ou leur demander aide ou conseil en une secrète prière. Soudain, chaque groupe se redresse, les corps sont brandis à bout de bras par des dizaines de personnes, puis sont jetés en l’air, secoués, emportés dans une farandole effrénée. Les danseurs font plusieurs fois le tour du tombeau puis les ancêtres rentrent pour cinq nouvelles années de solitude dans la demeure éternelle. La journée est ponctuée de spectacles de hira gasy. Elle s’achève encore une fois par un festin et une fête où les villageois dansent toute la nuit autour des orchestres vako-drazana.

Nous avons fait la description de ces deux coutumes en donnant un bref rappel historique de l’origine des sakalava et des vakinankaratra , et nous allons citer les motivations qui poussent ces deux peuplades à pratiquer le bain des reliques et le famadihana. 67

Section 2 : Motivations

Plusieurs motivations amènent les malgaches (les Sakalava et les Vakinankaratra) à pratiquer le fanompoa be et le famadihana, car à la limite chaque famille qui organise le rituel peut avoir une raison particulière.

Au cours de nos enquêtes (à Mahajanga) et d’après ce que nous a dit Dadilahy Kassim, c’est dans le rêve et bien sûr par l’intermédiaire d’un tromba que Andriamisara Efa-dahy Manankasina transmettent le message qu’ils ont besoins de prendre un bain car on sait tous que le climat à Mahajanga est très chaud (il paraît même que c’est la région la plus chaude de Madagascar). Dans ce rêve, l’un des descendants de ces 4 rois, rencontre ces défunts grands-pères qui lui disent « nous avons tellement chaud et nous voulons prendre un bain pour nous rafraîchir ». C’est à partir de ce message que l’on fait prendre leur bain aux reliques des 4 grands rois sakalava dans la mer de Tsahabingo chaque année pendant le mois de juillet car le climat est chaud et sec pendant cette période de l’année. Mais il faut signaler que, à présent les cérémonies relatives au bain des reliques royales se déroulent au doany d’Andriamisara Efa-dahy Manankasina à tsararano Ambony car l’eau (la mer de Tsahabingo) est souillée, et les 4 rois ne veulent plus y prendre leur bain.

C’est par l’intermédiaire des tromba que l’on apprend tout ce qu’il faut faire pour la cérémonie, les vêtements qu’ils doivent porter, les choses dont ils ont besoin pour leur bain, etc. C’est le moasy18 qui fixent la date et l’heure du rituel.

Le non respect des fady est comme l’oubli et le non respect des razana pour les sakalava par crainte de malédiction pour toute la famille19 tous les descendants de ces razana. Par peur du « tsiny20 » et de la colère du razana, les sakalava pratiquent alors chaque année cette cérémonie de bains des reliques

18 Le moasy appartient à la classe des astrologues et divineurs qui font des actes contraires à ceux des sorciers ( pratiquent la sorcellerie et jettent des sorts maléfiques). Les moasy sont en même temps divineur et guérisseur. 19 DURKHEIM E. et LEVI-STRAUSS disent que la famille est une institution sociale fondée sur des règles de parenté : règles d’alliance, de germanité et de filiation. En malgache « fianakaviana » peut se distinguer en deux : la famille restreinte (père, mère et leur progéniture directe) et la famille étendue (àtous les individus avec qui on a une parenté quelconque). 20 Tsiny (blâme) : est une notion importante chez les malgaches, presque tout le monde a peur du tsiny, surtout le blâme des ancêtres ou tsinin’ny razana. 68 royales (appelé aussi fanompoa be). D’un côté pour qu’il ne leur arrivent rien (maladie, pauvreté, famine, mort, folie, incendie, etc.) et de l’autre, pour avoir la bénédiction des ancêtres et pour qu’ils soient protégés par ces ancêtres.

Les enquêtes dans la région du Vakinankaratra nous ont confirmé que c’est encore le rêve, unique, très court est considéré comme embrayeur de l’organisation des rites du famadihana dont l’interprétation finalement livrerait la clé des rites sans avoir à analyser ce dernier.

Voici le contenu du rêve : « J’ai vu en rêve mon grand-père défunt, je l’ai vu debout, grelottant avec des vêtements tout déchirés, et il s’est adressé à moi en disant qu’il avait froid et qu’il voulait des vêtements chauds ».

Cette même forme narrative stéréotypée, reprise par les Vakinankaratra, toujours identique est intéressante, à l’exception du mort qui change, ainsi que du degré de parenté entre le rêveur et le mort apparu dans le rêve (les seules choses qui varient). Tout le reste, c’est exactement la même chose.

Pierre PACAUD avance deux solutions, au niveau de la logique hypothético-déductive. Il affirme que, soit, il faut accepter que le même rêve soit rêvé par tous les sujets avant chaque organisation du famadihana puisque le récit de ces rêves est exactement le même, soit il s’agit d’un énoncé culturel ayant valeur de rêve effectif dans le contexte culturel où le sommeil est une figure de la mort, où le rêve (nofy en malgache) consacre un canal de communication avec le monde des morts, les autres étant les cultes de possession et les rites. La mort est une défaite dans la représentation culturelle malgache, la mort renvoie toujours à une défaite, et au bout du compte, là ce n’est pas à nouveau une interprétation analytique ; la mort, dans les représentations culturelles malgaches, renvoie toujours à un meurtre. C’est quelque chose qu’il faut toujours avoir à l’esprit par rapport à la question de l’ancestralité et de la question des morts. Alors PACAUD a suggéré qu’il s’agissait d’un énoncé culturel et non d’un rêve effectif comme les acteurs du rite (famadihana) en conviennent d’ailleurs eux-mêmes, en aparté ou non.

Il faut bien comprendre que les famadihana sont organisés systématiquement par le groupe familial et en particulier par les aînés, les zoky et raiamandreny. Cela nécessite des tractations très longues. Les motifs qui décident de l’organisation de l’exhumation sont très nombreux. Cela peut aller 69 des coups du sort, de séries d’échecs, de réussites, de demandes de fertilité/fécondité jusqu’aux luttes familiales avec tentatives de réconciliation, etc.

Les motifs pour organiser un famadihana sont tout à fait innombrables, mais ce sur quoi PACAUD voudrait attirer l’attention de tout le monde, c’est l’idée que l’appropriation de cette source ethnographique par les malgaches, le statut d’effectivité qui est conféré à ce récit de rêve, la fonction rituelle manifeste qui lui est accordé en tant que rêve effectif, constitue l’équivalent d’une formation mythique. Il relève donc d’une sédimentation culturelle qui consiste à partir des années 78-79, pour les acteurs, à se saisir d’une source ethnographique interne – externe, pour l’intégrer dans le rite en lui donnant comme ça une sorte de coup de tampon, originaire et générique.

Donc, un rêve, qu’un sujet puisse rêver d’un mort qui puisse organiser un famadihana, mais il est clair que ce n’est pas la seule possibilité et que ce n’est pas en tous cas quelque chose de systématique. D’autre part, le terme nofy qui désigne le rêve peut aussi bien désigner la fantaisie éveillée que le songe, l’équivalence d’une chose impossible, voire des hallucinations.

Il faut remarquer que tous les travaux consacrés au famadihana se situent dans le cadre générique des secondes funérailles, la phase sociale du deuil, ils ne dissocient pas les funérailles des exhumations quand ils ne revendiquent pas une nécessaire étude conjointe des deux, funérailles et exhumation.

D’après RAJAOSON François, le rassemblement des corps dans les tombes collectives familiales en vue d’une invocation aux ancêtres est bien l’une des raisons du famadihana. Le proverbe malgache « velona iray trano, maty iray fasana » ou « vivants dans une même demeure, morts dans un même tombeau » qui nous confirme la conception malgache de la grande famille étendue aux morts, a été évoqué à maintes reprises par les gens qui ont eu à s’entretenir du famadihana21.

On organise un famadihana par amour des parents décédés, par respect des razana, une dimension importante aussi est la croyance au pouvoir de bénédiction des ancêtres. A cet égard, on pratique souvent le famadihana pour

21 RAJAOSON François : « Contribution à l’Etude du Famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar ». page 30-31. 70 demander la bénédiction des ancêtres (fitahian’ny razana) pour les entreprises à venir.

On peut citer aussi dans le cas des gens qui répugnent à voir les os de leurs parents éparpillés dans la tombe ; ils vont donc les envelopper dans de nouveaux linceuls.

Autre cas : la sépulture ancestrale (où gisent tous les grands ancêtres) étant presque remplie, alors les descendants ayant construit un nouveau tombeau, c’est alors pour y amener et ré-ensevelir leurs parents directs (père et mère) qu’ils vont organiser le rituel.

Il y a aussi d’autres motivations que nous qualifions de psychologiques, à savoir quelqu’un peut avoir le pressentiment que son père ou sa grand-mère a besoin de quelque chose dans son existence d’outre-tombe. Un élément est généralement invoqué, c’est l’apparition d’un parent décédé dans les rêves des membres vivants, et dans ces rêves, l’ancêtre arrive à dire qu’il a froid, ou qu’il a soif, alors on va lui apporter des linceuls chauds.

Plusieurs raisons incitent les malgaches à pratiquer le famadihana. Mais c’est l’amour pour les parents (fitiavan-dray aman-dreny) qui est considéré comme la raison principale. Les autres sont :

• continuation de la vie après la mort ; • respect et culte des ancêtres ; • demande de bénédiction auprès des ancêtres ; • volonté de vivre en relation étroite avec les ancêtres ; • devoir filial d’habiller les parents ; • réunir les taolam-balo22 des ancêtres ; • mettre de l’ordre dans le tombeau familial ; • enveloppement des parents ; • bénéfices grâce aux dons apportés par les invités ; • croyance en l’immortalité de l’âme ; • tradition, conformisme, habitude ;

22 Taolam-balo : « On dit retournement des huit os, qu’on amène un corps dans le tombeau ancestral, après qu’il eut été inhumé provisoirement au loin. Les huit os correspondent à l’humérus et au cubitus des deux bras ainsi qu’au fémur et au tibia des deux jambes » in Régis RAJEMISA-RAOLISON : « Rakibolana Malagasy ». page 927. 71

• la peur du tsiny ; • conséquence d’une certaine conception du monde des Malgaches.23

- Les morts ne sont pas délaissés chez les Malgaches, aussi doivent-ils être habillés de façon permanente. - Les morts sont considérés comme toujours parmi les vivants, et on leur doit tous les égards dus à des ray aman-dreny. En particulier, au sujet de l’habillement. - Les Malgaches consacrent le jour du famadihana pour se souvenir de ou des défunts pour lesquels la cérémonie (affective) est organisée, ce qui marque une volonté de prolonger au-delà du tombeau les liens qui unissent la grande famille malgache. - Culte des ancêtres – souci de prendre soin d’eux continuellement comme on le ferait pour quelqu’un qui est malade et qui nous est cher, ceci peut être mêlé avec l’espoir d’obtenir ainsi leur bénédiction ou motivé par la crainte d’attirer leur malédiction. - De même que le Dieu des chrétiens est entouré d’une kyrielle de saints, de même le Zanahary est environné de razana ; mai le razana a une plus grande incarnation chez nous. - Ils ont les sentiments d’un lien indéfectible existant entre les membres de la famille : les ancêtres ne doivent pas être abandonnés à eux-mêmes dans la mort. - L’être a deux vie : avant la mort et la mort, éternité de l’être.

Les différentes motivations incitant à organiser le fanompoa be et le famadihana nécessitent des dépenses quant à la réalisation de ces événements.

Section 3 : Dépenses

Les dépenses qu’occasionne l’organisation du fanompoa be et du famadihana sont énormes.

Pour le fanompoa be, ces dépenses peuvent atteindre et même dépasser facilement le cap des 6 millions d’Ariary. Mais les visituers et les invités ainsi que

23 RAJAOSON François : « Contribution à l’Etude du Famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar. Thèse de 3ème Cycle. Sorbonne, Paris 1969. page 33-34. 72 quelques autorités au pouvoir dépensent deux fois ou même plus que les organisateurs ou les topon-drazana.

La collecte entre les membres et les médiums sont de l’odre de 1 million d’Ariary et la cotisation pendant la réunion préliminaire est de 400.000 Ariary, car la cotisation est limitée par le Mpanjaka à 10.000 Ariary et il y en a qui en donne plus.

Les autres royaumes participent aussi et chaque année leur cotisation arrive à hauteur de 200.000 Ariary. Les royaumes du Nord (Antsiranana) prend part aussi à ces offrandes, et les visiteurs donnent aussi de l’argent à la porte du doany. Les autorités sont d’une aide précieuse durant la cérémonie, car il y en a qui donne jusqu’à 3 millions d’Ariary en nature (des bœufs, des sacs de riz) et en argent.

Les descendants des rois et reines de l’Imerina prennent aussi part à ces offrandes pour une valeur allant jusqu’à plus de 1,5 millions d’Ariary en nature (bœufs, bougies) et en argent.

Le roi au pouvoir est le premier donneur car il est le propriétaire des razana (tompon-drazana), mais dépense moins que les invités. Les dépenses monétaires et non monétaires dans le famadihana et le fanompoa be peuvent être estimées de deux façons, d’une part par les dépenses calculées par les familles organisatrices, et de l’autre du côté des dons faits par les invités aux différentes cérémonies. Enfin, dans une perspective globale, une évaluation d’influence de ces dépenses sur l’économie nationale ou régionale peut être faite.

Citons une à une ces dépenses, en avançant des chiffres approximatifs basés sur nos enquêtes.

- Les zébus : plus de 25 zébus sont abattus pendant la cérémonie de famadihana ou de fanampoa be. Si on fait le calcul, un zébu peut coûter de 340.000 Ar jusqu’à 700.000 Ar, c’est-à-dire en moyenne il coûte dans les 520.000 Ar. Ce qui fait que le prix de 25 zébus tourne autour de 13.000.000 de Ariary. Le prix du zébu est donc déjà une énorme charge pour les organisateurs. Il faut signaler que au fanompoa be les dépenses sont moins élevés qu’au famadihana, car il n’y a que les zébus qu’on abat pendant la cérémonie ou 73 comme sacrifice. Par contre, pendant la cérémonie du famadihana, il y a abattage de zébus ( de 5 à 30), de porcs (8 à 12) ainsi que de poulets ou de canards (10 à 18).

En moyenne, on tue 10 porcs pendant la cérémonie, et un porc coûte en moyenne 250.000 Ar ; 10 porcs doivent donc coûter dans les 2.500.000 Ariary.

Quant au poulets et canards, le nombre moyen est de 14 et un poulet coûte 4.000 Ar, donc 14 poulets coûtent dans les 56.000 Ar.

En somme, les dépenses sur les sacrifices ou les repas pendant la cérémonie du fanompoa be sont estimés à 13.000.000 Ar et ceux du famadihana à 15.556.000 Ar.

Pour le riz et les boissons, il n’y a pas de chiffres exacts, car tout dépend de nombre des invités et des membres de la famille.

Quant aux lambamena24 (linceuls), ils doivent être tissés avec des bourrettes de soie (landy vahiny) importées d’Europe, coûtant entre 25.000 Ar et 50.000 Ar. Un linceul fabriqué avec de la soie naturelle ou sauvage (landy be) coûte entre 50.000 Ar et 100.000 Ar. Le nombre et la qualité des linceuls achetés pour le famadihana dépend de la richesse de la famille organisatrice ainsi que du nombre des corps à envelopper. Mais les linceuls pour le fanompoa be sont limités à 4 juste pour les 4 rois (Andriamisara Efa-dahy Manankasina).

- Si on fait appel à des musiciens danseurs (mpihira gasy), il faut encore jouter 100.000 Ar pour les chanteurs, 300.000 Ar pour les musiciens, et 60.000 Ar pour les danseurs.

Le prix du transport pour les corps venus de loin pour entrer enfin au tombeau familial dépend de la distance où ils ont été enterrés.

Les divers taxes à payer pour les formalités administratives, dans la procédure d’obtention du permis d’exhumation, se ventilent comme suit :

- timbre fiscal à coller sur la demande d’autorisation : 200 Ar ; - droit de spectacle : 200 Ar ;

24 Lambamena : « Linceul confectionné avec de la soie (landibe), colorée en rouge vif, pour envelopper les morts, étant donné sa durée avant de pourrir ; le notables s’en revêtent aussi aux jours de fête ». in Régis RAJEMISA-RAOLISON »Rakibolana malagasy ». p.528. 74

- droit d’abattage par bœuf : 400 Ar ; - droit d’abattage par porc : 320 Ar.

Les frais généraux dépensés pendant les festivités sontà ajouter à tout cela ; de plus, on peut y joindre l’achat des parures, le coût des « faire-part », etc.

Les dépenses sont encore augmentées si le famadihana est organisé après la construction d’un nouveau tombeau, ce qui est très souvent le cas. En effet, une sépulture classique en pierre coûte au minimum 5.000.000 Ar25.

Le secteur primaire est le plus touché par le phénomène fanompoa be et famadihana.

Le coût du rituel pèse dans le budget des ménages organisateurs pour le famadihana, alors que pour le fanompoa be, il est supporté uniquement par le budget de la personne membre au doany ou membre de la famille royale.

Il ne faut pas négliger les dépenses monétaires et non monétaires des invités du famadihana et du fanompoa be (membres de la famille royale et des descendants et compagnons d’Andriamisara Efa-dahy Manankasina).

Les invités apportent des dons en argent ou en nature, quelques fois même des bœufs sont amenés.

Le montant de l’argent apporté par la famille invitée peu varier suivant le degré de relation de cette dernière avec les organisateurs ; mais cet argent pèse généralement sur le budget d’une famille, dans la mesure où elle est souvent invitée à plusieurs famadihana. Par conséquent, même en donnant seulement 20.000 Ar à chaque rituel, le total peut être assez élevé si la famille doit assister à une dizaine de cérémonies par semaine. Signalons que ce rythme peut être attient dans certains villages (Sambaina) au cours des périodes de pointe de la saison du famadihana (de juin à septembre). En exemple, le cas de Sambaina à Antanifotsy Antsirabe II : 1.134 tombeaux y fut ouverts le 22 et 23 juillet 2005 et 108 corps ont été enveloppés. RAJAOSON François parle de l’industrie du famadihana dans sa thèse de doctorat : « Contribution à l’Etude du Famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar » page 148. Certains observateurs

25 Emission « Misy Raha la terre » du mardi 25 octobre 2005 de 21 heures sur TV Plus, animée par Kotoniaina. 75 parlent parfois des bénéfices tirés dans un famadihana. Certaines familles entendent « investir » en organisant le rituel et en retour elles comptent tirer des bénéfices en totalisant les dons.

Il ne faudrait quand même pas trop exagérer l’importance de ces bénéfices car en vertu de la convention traditionnelle « atero ka alao », la famille bénéficiaire des dons doit encore rendre, avec un surplus, les différents « kao- drazana » lorsque les invités organisent à leur tour des famadihana.

D’après nos enquêtes, si l’on fait le calcul des dépenses et des dons du famadihana, l’on constate que les bénéfices peuvent atteindre jusqu’à 40%.

Les dépenses sont toujours couvertes pendant la cérémonie du fanompoa be pour les organisateurs, mais non pas pour les invités. Ce sont les invités qui dépensent le plus, ainsi que les autorités sur place qui offrent des dons.

Par rapport au famadihana, les dépenses du fanompoa be sont un peu faibles, mais plus rentables. 76

Chapitre II : Ressemblances et Similitudes

Ces us et coutumes avec leur cérémonial propre ont tous une liaison avec la mort. Ils sont aussi faits pour le respect de la source et de l’origine et bien sûr pour demander la bénédiction des ancêtres. Il existe des points de convergence entre le famadihana et le fanompoa be :

- Dans la majorité des cas, c’est à partir des rêves que les vivants reçoivent des recommandations des morts et des rois défunts (même si quelques fois cela se fait par l’intermédiaire d’un tromba).

- Il existe des préparatifs, les voyants, les talismans, les mpisikidy et mpanandro, le nettoyage des tombeaux et du doany, etc.

- On pratique ou on fait des sacrifices (zébu ou autres animaux domestiques), le toaka gasy (rhum) ou le vin sont fréquents.

- C’est une grande fête familiale et royale. On chante, on danse et on boit et dans chacune de ces deux coutume, on assiste toujours au tsimandrimandry la veille du grand jour.

Section 1 : Relations avec les morts (coutumes funéraires)

Le fanompoa be et le famadihana sont tous des coutumes funéraires. Dans toute l’île, les Sakalava pratiquent le fanompoa be ou le fitampoha et ce sont les habitants des Hautes Terres qui pratiquent le famadihana. Nos recherches sont basées sur les sakalava du Boeny et les Vakinankaratra.

Autrefois, à la mort d’un grand personnage chez les Vakinankaratra, certains de ses esclaves étaient mis à mort. La plupart du temps on se contentait du sacrifice d’un seul esclave, s’il ne s’agissait pas d’un grand seigneur de très haut rang ou d’une personnalité opulente. Cela se passait habituellement de la façon suivante : les esclaves étaient accusés d’avoir provoqué la mort de leur maître en usant de sorcellerie. Ils devaient se libérer de l’accusation au moyen de l’ordalie par le tanghin. Les esclaves qui étaient particulièrement aimés de leur maître, étaient secrètement désignés pour « servir le défunt », et recevaient du prêtre païen, qui administrait l’ordalie, une dose si forte du poison tanghin 77 qu’ils en mouraient. De ceux qui étaient mis à mort de cette façon, on disait « ils sont morts, non pas par un jugement ».

L’ordalie n’était pas une épreuve qui les condamnait car ils étaient complètement innocents du crime dont on les accusait. Leur mort était décidée d’avance.

Dans les temps anciens, lorsque le paganisme était tout puissant, et n’avait pas besoin d’avoir des égards pour l’opinion publique, les esclaves tués de cette manière n’étaient pas ensevelis dans les tombeaux de leurs pères, mais enterrés près des tombeaux de leurs maîtres. Les corps de ces esclaves étaient posés de façon à ce que leur tête tourne vers les pieds du maître défunt.

La même coutume se rencontrait chez les Sakalava. Là, on ne cachait pas le sens qu’on y attachait. Leur maître leur avaient donné des coups de pieds, et les avaient traités arbitrairement. Ces conditions devaient se perpétuer après la mort. Le fait de « servir les morts (rois) » était alors ressenti comme « le sommet de l’esclavage ». On s’en rend mieux compte lorsqu’on sait combien les Malgaches étaient émus par la pensée que le corps était perdu, c’est-à-dire ne se trouvait pas dans le tombeau de leurs ancêtres. Comme le dit Louis Vincent THOMAS, « Mourir au loin s’apparente souvent, dans les sociétés archaïques, à la pire des mauvaises morts pour celui qui meurt et ses proches »26. Pour celui qui meurt car il n’aura pas droit aux funérailles qu’il mérite. Mais aussi pour les survivants car le groupe se sent alors terriblement mutilé d’autant plus que, ne pouvant interroger le défunt sur les causes de sa mort, l’ordre perturbé par le décès sera difficilement restauré. D’ailleurs, c’est une loi universelle, si la présence du cadavre angoisse en tant que symbole de perte, de précarité de la vie humaine et de pourriture inéluctable, elle est aussi rassurante : le défunt est là, reconnu par les siens (un cadavre défiguré équivaut, dans une certaine mesure, à un cadavre absent) ; et la certitude de sa mort se supporte mieux que l’incertitude qui entoure son absence et ses silences.

Chez les anciens Sakalava, après les cérémonies qui suivaient la mort d’un roi, le corps ayant été enseveli dans une peau de bœuf et suspendu dans un endroit désert dans la forêt, où il était gardé par une famille désignée à cet effet, durant plusieurs mois, les chefs retiraient du corps un vertèbre, un ongle,

26 LouisVincent THOMAS : « Le cadavre ». Edition Complexe, 1980. page 46. 78 une touffe de cheveux. Ces objets étaient considérés comme des reliques et étaient enfouis à l’intérieur d’une dent de crocodile, mais actuellement, ils son conservés dans un corne de bœuf en or.

A l’ensevelissement d’un roi, il était de coutume chez les Sakalava de tuer plusieurs de ses esclaves. Leurs cadavres étaient déposés au fond de la tombe. Au-dessus d’eux était placés le corps du roi. Un roi ou une reine régnante ne devait jamais, ni vivant ni mort, ressembler à ses sujets. Cette pensée était répandue à Madagascar. Elle était dans la dynastie merina, appliquée dans toutes les circonstances de la vie et aussi aux ensevelissements. Tandis que le corps des gens ordinaires étaient ensevelis dans des lamba (linceuls) de soie. La dépouille d’un roi ou d’une reine ne devait pas être ensevelis dans des lamba de soie, mais une quantité de lamba semblable étaient déposés au dessous de lui (ou d’elle) dans la tombe, pour lui faire une couche.

Quand les Sakalava se servaient d’esclaves tués pour faire une couche à leurs rois, l’idée était que les esclaves resteraient ses serviteurs aussi après la mort. Cela était considéré utile par les grands et puissants, mais pesait aux petits et les effrayait : « le pire dans l’esclave était l’obligeance de servir les morts ». Les malgaches avaient l’habitude de respecter, de servir leurs ancêtres, leurs rois, et les autres chefs pour pouvoir leur demander la bénédiction et avoir leur aide.

Section 2 : Respect de l’origine et demande de bénédiction

Bon nombre de Malgaches pensent que le famadihana et le fanompoa be sont des moyens pour honorer les parents. Certains chrétiens disent même que le famadihana est l’exécution du cinquième commandement qui stipule « Respecte ton Père et ta Mère » (Eks 20 :12). L’amour naturel envers les décédés est très fort chez les Malgaches. Mais la vraie raison est que les malgaches veulent se libérer du mécontentement des ancêtres et des conséquences qu’ils pouvaient avoir : pauvreté, mort à un âge tendre, mort subite et autres malheurs.

Ils voulaient obtenir leur faveur avec la bénédiction qui, pensaient-ils, l’accompagne : une longue vie, de l’honneur, de la puissance et toutes sortes de jouissance de la vie. 79

La demande de bénédiction aux ancêtres est la principale philosophie sur laquelle repose le famadihana et le fanompoa be , car on pense que l’ancêtre va d evenir un dieu 27 auprès duquel on va pouvoir demander des aides. C’est la raison pour laquelle les vivants se précipitent pour s’approprier des nattes sur lesquelles on a rassemblé les os des morts exhumés. On pense que celles qui gardent ces nattes chez elles, auront un jour la bénédiction des ancêtres.

Ici, le famadihana n’est qu’une appellation usuelle mais on peut aussi utiliser :

- transfert d’ancêtres - couverture de lamba, drapement - s’occuper des ancêtres - aller au riz huileux « vary be menaka » (on pense au riz avec de la viande de porc dans les Hautes Terres)

Tout ceci oblige à faire un tour d’horizon dans toute l’île.

Les razana héritent d’un nouveau linceul pendant les retournements des morts. Dans certaines régions, quand ils sont de sang royal, on lave leurs ossements avant de les remballer. Sur la côte Ouest de Madagascar, dans le Boeny et le Menabe, les reliques sont immergées et trempés dans le miel, et aussi dans le fleuve Tsiribihina avant d’être séchées au soleil.

Sur les Hautes Terres, on se contente d’ajouter un suaire neuf autour de l’ancien, sans vérifier l’état du contenu. Puis, une fois le razana bien ficelé, certains le prennent sur leurs genoux, d’autres s’allongent à ses côtés pour lui raconter les derniers ragots familiaux ou lui demander de l’aide, des conseils, sa bénédiction, etc. La famille reçoit ensuite la bénédiction de ses razana après des offrandes de tabac, parfum et de toaka gasy versé généreusement dans sa bouche ou, du moins là où elle doit se trouver, sous le lamba.

Voyons maintenant le solidarisme familial qui tient aussi une grande place dans les coutumes funéraires malgaches comme le fanompoa be et le famadihana.

27 Devenir un dieu : les razana, les ancêtres morts sont entrés dans la sphère de Dieu, font partie de la famille divine, comme ils peuvent aussi être appelés « andriamanitra – dieu ». Lasan- ko andriamanitra » - parti pour devenir dieu, est une expression courtante en parlant d’un défunt. « Vadin’andriamanitra » - conjointe de dieu, est une idée semblable. 80

Section 3 : Solidarisme familial

Il ne faut pas croire que les Malgaches dans leurs rapports avec les ancêtres soient conduits uniquement par une morale utilitaire plus ou moins calculée. Si nous pensions ainsi, nous les jugerions mal. La croyance aux ancêtres et les conceptions qu’ils avaient de Dieu sont ce qu’il y a des plus valables dans la religion des Malgaches. Leurs croyances et leur culte des ancêtres ont pour origine le sentiment de respect filial que nourrissaient les membres d’une famille envers le chef de la famille et que les enfants montraient à leurs parents. Les grands-parents et les parents étaient « défense et honneur » pour la famille. Ils pouvaient protéger la famille, mais ils pouvaient aussi unir les récalcitrants et les négligents. Ils s’imaginent que ces rapports se prolongeaient aussi au-delà de cette vie. Il y avait dans les familles malgaches un fort besoin de communion. Ils ne se séparaient qu’avec regret.

Quand arrivait le moment où l’on ne pouvait plus « vivre tranquillement », puisque les grands-parents, les parents et autres membres de la famille étaient obligés de « sortir par la porte de bois » (la porte de la maison) et « entrer par la porte de pierre » (la porte du tombeau », les survivants aimaient garder le contact avec eux. C’était surtout pour cette raison que, dans la plupart des régions, on construisait les tombeaux tout près, ou même à l’intérieur des villages. Le coin Nord-Est ou le zoro-firarazana dans la maison était consacré au culte des ancêtres.

On s’imaginait des esprits, quoique ayant différents lieux de séjour, planant autour du tombeau et près de l’âtre de la maison. Les chers disparus étaient donc près des membres restants de la famille et du clan. Cette pensée était clairement exprimée par le célèbre Roi Andrianampoinimerina dans son remarquable discours d’adieu, peu de temps avant sa mort : « Ma chair sera sans doute enterré, mais mon esprit et ma pensée resteront chez vous et chez Radama (son fils adoptif et héritier) ».

Le sentiment d’union entre les morts et les survivants était, selon de vieilles légendes et récits légendaires, beaucoup plus fort autrefois que dans les temps récents. On n’aurait pas, à cette époque-là, celle du vieux et bon culte des ancêtres, laissé pourrir dans les tombes les corps des ancêtres, on les mangeait. En ces temps-là, raconte-t-on, « l’estomac était le tombeau ». 81

Un changement s’opéra selon la légende, lorsque une fois un roi n’admit pas que le corps de son fils fût mangé par la famille et les sujets. Il leur donna des bœufs )à la place. C’est à partir de ce moment qu’on a retenu la coutume d’abattre des bœufs à l’occasion de tout enterrement. Il n’est pourtant pas exclu que ces récits aient eu un fond de vérité. La coutume, lorsque les corps avaient séjourné si longtemps dans les tombes familiales qu’ils étaient transformés en une poudre fine, de sortir cette poudre, pendant une cérémonie de retournement des morts, et d’en faire de petites boules de la grandeur d’un grain de riz. Ces boules étaient distribuées aux membres de la famille, qui les mangeaient. « Les ancêtres restaient ainsi dans la famille ». Vraiment, « l’estomac était la tombe ».

Dans les temps anciens les gens avaient, pour les ancêtres un amour bien plus fort que maintenant et un sentiment bien plus profond d’une communion perpétuelle avec eux.

Nous tenons à signaler ici que, dans le fanompoa be ou dans le famadihana il faut contourner sept fois le zomba ou tombeau. Et ces tours suivent le sens de l’aiguille d’une montre, le sens contraire était considéré comme un mauvais sort. Le nombre 7 est sacré et complet pour les Malgaches.

Cette remarque nous incite à voir les discordances entre ces deux coutumes funéraires malgaches dans le chapitre suivant. 82

Chapitre III : Discordances

Ce chapitre traite des différences entre la nomination de ces deux coutumes, de leur déroulement en mettant en évidence les trois étapes du fanompoa be et les étapes du famadihana, et enfin de leurs formes en montrant une figure plus claire du zomba et du tombeau.

Section 1 : Nominations

La communauté malgache est composée « officiellement » de 18 ethnies principales, chacune parlant sa variété linguistique de malgache :sakalava, merina, betsileo, betsimisaraka, etc. On peut visualiser la carte des groupes ethnolinguistiques. 83

1) Antefasy : « Ceux qui vivent dans les sables » sur la Côte Est

2) Antemoro : « Ceux du littoral ». Ce sont en grande partie des cultivateurs

3) Antesaka : « Ceux qui viennent des sakalava »

4) Antakarana : « Ceux de la falaise de l’Ankarana ». Ce sont des pêcheurs et des éleveurs.

5) Antambahoaka : groupe ethnique du Sud-Est d’origine arabe et aux traditions islamiques.

6) Antandroy : « Ceux des épines et cactus ». Ils vivent à l’extrémité sud de l’île

7) Antanosy : habitants de la région sud de Fort-Dauphin

8) Bara : d’origine bantou, ils sont souvent éleveurs de zébus

9) Betsileo : « Ceux qui sont invincibles ». Ils vivent dans la région de Fianarantsoa (Centre Est) et sont d’excellents riziculteurs et artisans du bois

10)Betsimisaraka : « Ceux qui ne se séparent pas ». Tribu la plus importante vivant le long de la côte Est. Ils cultivent le café, le girofle et la canne à sucre.

11)Bezanozano : « Ceux aux nombreuses petites tresses ». Ce sont des forestiers de la côte Est.

12)Mahafaly : « Ceux qui font tabous », voisins des Antandroy, ce sont des sculpteurs.

13)Merina : « Ceux des hauteurs », d’origine asiatique assez marquée. Ils résident au centre de l’île.

14)Sakalava : « Ceux des longues vallées », il occupent un territoire très vastes sur toute la côte ouest, du nord jusqu’àTuléar. 84

15)Sihanaka : « Ceux qui errent dans les marais », ils habitent dans la région de l’Alaotra, agricluteurs.

16)Tanala : « Ceux qui vivent dans la forêt ». Ils vivent sur les falaises de la côte Est, dans la forêt. Ils détiennent un grand savoir sur les plantes médicinales.

17)Tsimihety : « Ceux qui ne se coupent pas les cheveux » - vivent dans le Nord Ouest. Ils sont éleveurs et riziculteurs.

18)Vezo : ce sont des pêcheurs de l’Afrique de l’Est installés au sud de l’île.

Madagascar est une île unie malgré la pluralité de ses ethnies qui disposent d’une langue véhiculaire unique, le Malgache, la langue officielle. Conséquemment à cette pluralité d’ethnies, les traditions ne sont pas les mêmes mais la culture malgache reste encore plus unifiée par la conception du FIHAVANANA.

Ce sont les noms de ces grandes traditions qui nous intéressent le plus, surtout en ce qui concerne le famadihana et le fanompoa be.

Nous voulons mettre en évidence la différence qui existe entre ces deux coutumes sur leurs nominations. Nous allons citer les différents types de nominations du famadihana.

- Dikavohitra : il s’agit dans la région de l’Est , de transférer tous les morts dans le grand tombeau.

- Rasa harena : au Nord, il s’agit de sacrifier des bœuf lors du 1er anniversaire de la mort.

- Fidirana an-davaka : chez les Antakarana (Nord-Ouest) cette pratique consiste à rendre visite aux grottes où les Ampanjaka (rois) défunts sont déposés.

- Ati-damba : A l’Est, on donne des tissus ou draps aux morts, on accroche ces lamba sur des branches d’arbres. 85

- Mangavan-drazana : ériger une stèle pour les les morts enterrés hors du tombeau familial, à l’étranger.

- Rarihazo : au Sud-Est, c’est couvrir le « kibory » tombeau avec des nattes, c’est la seule occasion ou les femmes sont autorisées à se rendre au cimetière chez les Antaimoro (Manakara, Vohipeno)

- Havoria : au Sud, c’est mettre le mort dans le tamango vaovao(nouveau cercueil ou « lolo »)

- Famonosan-damba : changer les tissus déchirés par des tissus neufs.

Le famadihana, c’est le retournement des morts qui se pratique surtout sur les Hautes Terres malgaches. C’est aujourd’hui un rite d’initiation qui a pour objectif d’unifier tous les descendants d’un même ancêtre et parfois déplacer un mort d’un tombeau à un autre.

Mais le fanompoa be est une manifestation culturelle accompagnée de festivités artistiques. C’est le bain des reliques royales qui se pratique chaque année à Mahajanga chez les Sakalava du Boeny et tous les 5 ans chez les Sakalava du Menabe à Morondava.

Le fanompoa be ressemble plutôt au fandroana qui est le Bain Royal que les merina pratiquaient pour intensifier la sainteté des rois ou reines. Le alahamady be dans la région des Hautes Terres de l’Imerina qui est le Nouvel An lunaire malgache caractérisé par le Bain Royal et le culte des ancêtres, qui fait la reconnaissance officielle de l’identité merina, à travers tous les lieux sacrés de l’merina, a beaucoup plus de points communs avec le fanompoa be que le famadihana. Car pendant le alahamady be, on implore la bénédiction de Dieu et des ancêtres par des séances de purification et de sacrifices de zébus et c’est ce qu’on fait aussi lors de la cérémonie du fanompoa be. Le fanompoa be est le bain des reliques royales, donc on ne fait que faire prendre leurs bains aux reliques royales. Mais au famadihana toutes les couches sociales sont réinhumées en plus ce sont les corps qui sont réenveloppés et non les reliques. 86

Tout cela nous affirme qu’il y a une grande différence entre le famadihana et le fanompoa be selon leur nominations mais aussi selon leurs déroulements sur le fonds et dans la forme.

Section 2 : Déroulement

Comme au famadihana avant la cérémonie il y a des préparatifs à faire comme le nettoyage appelé haranisation, la cotisation qui se fait quelques fois avant le famadihana appelée « kao-drazana » ou « sao-drazana ». La différence est donc qu’ au fanompoa be le nettoyage se nomme « mikipa » et la cotisation « tati-bato », et cela se pratique pendant le mois d’avril et mai si le fanompoa be aura lieu le mois de juillet ou août, pas comme au famadihana, un mois à l’avance.

Les participants sont invités par les Manjaka Dezy et Amina et doivent verser ce qu’ils peuvent pour ce tati-bato encore appelé « famoria fanompoa ». Par contre, dans le cas du famadihana, c’est la famille organisatrice qui invitent les participants, sans oublier les dépenses énormes de ces invités.

Le fanompoa be se déroule en trois étapes tandis que le famadihana se déroule en deux étapes. Avant de détailler et d’expliquer ces deux étapes nous allons étudier et voir les trois étapes du fanompoa be .

A ) LES ETAPES DU FANOMPOA BE

1ère étape : Le fanompoa fandrama

Dans cette première étape, on procède durant tout un mois à la préparation du miel provenant d’un endroit très précis, Ambalakida Mahajanga II, pour l’amener à Ambalamanga (après un mois de préparation). Ce miel préparé à Ambalakida, appelé aussi « gorago », arrive à Ambalamanga un samedi avant la nuit ; et il reste là pendant deux jours, le samedi et le dimanche accompagné d’un « tsimandrimandry ». Le miel est considéré comme un aliment sacré dans la croyance malgache. On le sert comme offrande pour honorer les rois défunts afin de gagner en contrepartie leur bénédiction, car non seulement il est symbole de sainteté et de propreté, mais aussi signifie politesse, resserrement des liens entre les vivants et les rois défunts. Sans ce gorago, Andriamisara %Efadahy ne peuvent être honorés convenablement. Ensuite, on l’amène au Doany 87

Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy Manankasina Tsararano Ambony Mahajanga I, un mois après ces deux jours pour accéder à la deuxième étape.

2ème étape : Le fanompoa toamainty

Tout transport du miel au Doany Miarinarivo Tsararano Ambony doit être effectué à pied ; il est interdit de transporter ce miel en voiture ou en avion même si le transport à pied dure plusieurs jours de marche. Le fanompoa toamainty consiste à la cuisson du « gorago » (miel) avec du « barisa », ou « toaka gasy » (boissons alcooliques) pendant des heures et des heures, des jours et des jours jusqu’à ce qu’il devienne noir, d’où le nom de toamainty (toaka mainty).

Un mois après ces préparatifs, on procède à la 3ème étape.

3ème étape : Le fanompoa be

C’est là que l’on commence à faire le mélange du toamainty avec de l’huile de ricin (kinagna) venant de la région Sud de Madagascar, région d’origine des rois sakalava.

Quatre types de personnes sont autorisés à faire ce mélange : le Tsiarana, le Jingoa ou Jongô28, les Zafindramahavita, et les Voromahery (descendants des rois).

LE BAIN DES RELIQUES

Quelques hommes, premiers responsables (Jingoa) du rituel, s’activent autour de la table comme s’ils attendaient le top. Ils décident de sortir lifnalement les armes royales anciennes composées d’une coupe-coupe, de deux hâches à tête effilée, de sept fers de lance, d’un bout de fer ayant la forme d’une petite bêche. Chacune de ces armes est portée par un homme et les porteurs s’alignent en rang serré. Quatre hommes en « uniforme » et en bonnet rouge pénètrent alors dans le « Zomba Vinda » pour en ressortir chacun avec un coffret attaché à l’aide d’un « Lamba Landy » marron et blanc à rayures sombres (ce lamba landy est appelé sobahia par les Sakalava) sur le dos.

Les quatre coffrets taillé de la même manière renferment respectivement

28 Les jongô ou jingoa sont les compagnons d’Andriamandisoarivo et aussi ses « lafika ». Le lafika d’un roi est une personne qui se sacrifie volontairement ou involontairement pour serivr de lit de mort au roi défunt. 88 les reliques d’Andriamisara, d’Andriamandisoarivo, d’Andriamboeniarivo et d’Andriandahifotsy. D’ailleurs, leur nom respectif est marqué sur le sobahia enveloppant leur coffret individuel. Les porteurs de reliques s’approchent de la table. Aidés de leurs congénères, ils dénouent le sobahia et posent chacun son tour les quatre coffrets sur la table, geste symbolisant le déshabillage des rois prêts à prendre leur bain.

Ils baignent maintenant « Andriamisara Efadahy Manankasina » : dans un mouvement identique et répétitif, chaque porteur prend un chiffon, le trempe, à laide de la main droite, dans le mélange d’un liquide d’une cuvette métallique et d’un verre, avant de laver avec soin et tendresse. Le bain est abondant. On remet plus tard les coffrets sur le dos des quatre baigneurs. On rhabille de cette manière les idoles. Toute cette scène de purification se déroule sous le regard attentif et attendri du Mpanjaka Dezy et des invités de marque

Quand les quatre coffrets sont bien propres, débarrassés de la poussière, c’est au tour des armes royales anciennes de recevoir le lavage. Les uns après les autres, leurs porteurs passent devant la table et se servent des même chiffons pour les nettoyer. Ils commencent par le bout du manche et remontent jusqu’à la pointe de l’arme. cette opération se poursuit dans un concert de chants.

Une fois le bain terminé, on s’applique à promener dehors les reliques d’Andriamisara Efadahy Manankasina, rafraîchies et sanctifiées par la ferveur populaire. Les armes précèdent cette promenande royale, faisant le tour du Zomba Be, du Sud au Nord en passant par l’Est avant de revenir par la porte du Sud : « varavara mena lio », cette porte est réservée aux différentes catégories de personnes qui sont les decendants des rois, les compagnons d’Andriamandisoarivo, les Tsiarana et Jingoa. Elle est ouverte à la nouvelle lune de chaque mois.

Dans la grande cour, cette procession passe entre quatre zébus de sacrifice, étendus sur le sol. Chaque année, les Tsiarana (descendants d’Andriamandikavavy épouse d’Andriamandisoarivo et mère d’Andriamboeniarivo) sacrifie un zébu pour demander l’accord d’Andriamandikovavy. on doit avoir sa bénédicition et son accord car elle s’est sacrifiée pour donner le royaume à son époux et après à son fils 89

Andriamboeniarivo ; sans elle, il n’y aurait jamais de royaume du Boeny.

Les quatre coffrets sont remis à leur place dans le Zomba Vinda et y resteront jusqu’à la prochaine édition du Fanompoa. Juste après cela, on commence à faire le rebiky : les gens dansent ainsi que les tromba dans la grande cour, le tsandrarafa. Jeunes et vieux, tous sont habillés en rouge. Tout le monde félicite le Mpanjaka Dezy.

B) LES ÉTAPES DU FAMADIHANA

1ère étape : les préparatifs de la cérémonie

L’organisation d’un famadihana ne s’improvise pas car il faut au minimum un mois de préparation, sans oublier la demande d’autorisation à la mairie.

Prononcer le mot famadihana est interdit lors des préparatifs de peur de subir la colère des ancêtres lors d’un contre-programme car l’ « homme propose, mais c’est Dieu qui dispose ». Il faut dire tout simplement hanao raharaha.

La préparation commence par la pose de la première pierre ou « famakian-tany », s’il y a une construction d’une nouvelle tombe (elle dépendra de la famille organisateur). La consultation d’un mpanandro ou astrologue est marquée dans cette première étape. C’est ce mpanandro qui détermine les jours fastes et néfastes pour les cérémonies : tsimandrimandry, manokatra, manitrika.

Il paraît que asorontany est le destin le plus favorable pour le famadihana.

Il ne faut pas oublier les préparatifs matériels suivants :

- achat de lambamena (linceul) - nombre de bœufs et de porcs à abattre - riz et boissons - rémunération des musiciens - prix de transport pour les cadavres lointains - achat des parures, choix de la couleur du tissu - coût des taxes diverses des formalités administratives.

Le choix du porteur de androm-pasana ou responsable principal de la 90 cérémonie appelé aussi tompon-draharaha fait partie de ces préparatifs ainsi que la veille du famadihana où l’on procède à un bal jusqu’aux premières lueurs du jour appelé « mampidi-bahiny » ou accueil des invités. Elle se fait dans une grande maison familiale. Cette fête peut durer deux jours quelques fois.

Tous les membres de la famille étendue prend part à la préparation matérielle du festin. On abat des bœuf ou des porcs. La cuisson de la viande dure toute la nuit et elle est réservée généralement aux gendres.

Le soir, un groupe de personnes de l’organisateur principal accompagné de quelques dignitaires de la grande famille, se dirige vers le tombeau pour appeler les ancêtres : « miantso razana » en allumant du feu avec des herbes sèches au tombeau pour faire venir les esprits avant de leur annoncer que le groupe viendra les honorer le lendemain.

Le tantana ou distribution des repas se passe dans la matinée du jour où l’on va procéder à la cérémonie au tombeau.

Les invités se dirigent un à un vers la table du trésorier et du secrétaire qui est à un coin de la cour pour y apporter leurs dons en argent. L’un reçoit l’argent et l’autre inscrit le nom du donateur dans un cahier avec le montant de la somme. Cet argent s’appelle aussi « atero ka alao » car il revient toujours au visiteur plus tard (lorsqu’il organisera un famadihana).

2ème étape : La cérémonie au tombeau ou le famadihana proprement dit

C’est l’étape la plus importante du famadihana, et c’est le point final du rituel.

Le trajet se fait à pied accompagné de danses et quelqu’un porte le drapeau malgache et aussi le portrait agrandi d’un ancêtre. Il n’y a pas de trajet à faire si la tombe est dans la cours de la maison ou très loin (dans ce cas ce déplacement se fait en voiture).

En arrivant au tombeau, il faut suivre méticuleusement les ordres et recommandations du mpanandro. On éclate de joie pendant toute la cérémonie, et il ne faut pas pleurer mais il y en a toujours qui pleurent et qui disent qu’ils se rappellent de la mort des cadavres mais cela ne dure que quelques minutes. 91

Tout ce qui va suivre, ainsi que les danses doivent se faire du côté Ouest et Nord de la cour du tombeau, le coin Sud Est devait être laissé vide, car il abrite le destin-mère asorontany, réputé dangereux.

On procède au déterrement pour les sépultures souterraines, c’est un homme âgé qui donne le premier coup de bêche, et ce sont les gendres de la famille qui terminent la tâche. Sur les Hautes Terres, un tombeau doit être orienté normalement vers l’Ouest, avec une légère inclinaison vers le Sud.

Le principal organisateur aidé des « raiamandreny » et des gendres entrent dans le tombeau qui vient d’être ouvert pour faire sortir les corps. Les razana sont sortis par ordre d’importance, c’est le grand ancêtre qui est sorti le premier, puis les autres suivent.

Il est à signaler que chaque membre de la famille est concerné dans ce qui va suivre et il n’y a pas d’individus déterminés par le système de parenté pour accomplir telle ou telle tâche. Chaque fois qu’un corps est sorti, son nom est annoncé et ses plus proches parents vivants l’accueillent avec une natte. A la fin, tous les corps sont étalés sur des nattes du côté Ouest et Nord de la cour du tombeau.

Le moment de parler avec les ancêtres est donc arrivé. Les enfants enduisent le corps de leurs grands-parents de graisse, on enveloppe avec les parents des objets ou des comestibles qu’ils aimaient de leur vivant.

Au moment de l’enveloppement avec des linceuls, on peut grouper un couple dans les même suaires, ou bien un grand-parent avec un enfant, mais jamais on ne doit grouper un frère et une sœur, car les malgaches pensent que ce serait de l’inceste dans la vie d’outre-tombe.

Le procédé classique d’enveloppement est de déchirer en longueur un bout de linceul pour en faire quelques bandes ou cordelettes qui vont servir de ligatures pour l’enveloppement. On fait en général trois ou cinq ligatures. Les ligatures sont toujours aux nombres impaires. Lorsque l’enveloppement de tous les corps est achevé, on procède au ré-enterrement.

Chaque corps, enveloppé de linceul mais encore étalé sur une natte, est porté sur les épaules par les proches parents vivants. Ceux-ci les portent en 92 dansant au milieu de cris divers, on leur fait faire le tour de la tombe dans le sens des aiguilles d’une montre (ouest-nord, est-sud) avant de les ré-enterrer.

Le nombre de tours, toujours impair, varie de un à sept29. Au ré- enterrement, c’est le grand ancêtre qui rentre le dernier pour fermer la porte selon la coutume.

Pendant un court laps de temps, les femmes se précipitent pour arracher une des nattes qui viennent de recueillir les razana, ces nattes sont chargées de superstitions. Il y a la croyance selon laquelle une femme stérile est censée avoir un enfant si elle se couche sur une de ces nattes.

Comme presque toutes les festivités malgaches, la cérémonie se termine par un kabary fisaorana ou discours de remerciement. Celui qui fait le discours se tient debout au-dessus du tombeau, entouré de représentants de la famille organisatrice.

Section 3 : Les formes

Dans le culte malgache, il y a une relation très étroite entre le coin Nord- Est de la maison et les tombes. C’est ce que montre déjà l’usage mentionné plus haut de placer les lambeaux de viande dans cet angle et d’aller faire des offrandes d’eau de vie au tombeau.

A) Les tombes sur les Hautes Terres sont des chambres de pierres quadrangulaires. On creuse d’abord un trou dans le sol dur ; ordinairement, on édifie la partie inférieure des murs avec de grandes dalles de pierre tandis que l’extérieur au-dessus du sol est bâti en pierres ordinaires. Les tombeaux des gens riches sont faits de pierres taillés. En certains endroits, la partie souterraine de la chambre funéraire n’est pas à angles droits, mais l’un des petits côtés est un peu plus court que celui d’en face. Cela correspond à l’idée suivante : si la tombe était exactement disposé comme la maison avec ses angles droits, la mort serait semblable à la vie et acquérrait trop de pouvoir sur les vivants.

Le toit de la tombe est fait de grandes pierres plates. Il y a quelques

29 Sept tous de tombeau pour désorienter et éviter les razana de retrouver le chemin du village. C’est le chiffre sacré réservé autrefois au souverain ou à sa royauté. C’est le nombre complet pour les malgaches. 93 années, on transporta une dalle de pierre de dix-huit pied30 de long sur neuf de large pour la tombe d’un noble. Ce fut un très rude travail d’amener cettepierre à destination et il fallut plusieurs centaines de personnes pour la tirer. On la traîna de distance en distance. Entre temps on se reposait quelques semaines avant de se remettre à l’œuvre. La pierre était solidement attachée par des cordes d’herbes tressées sur une sorte de traîneau en bois et était tirée par un câble fait de la même façon. Il ne faut jamais mélanger la construction d’une maison et d’un tombeau. La tombe est construite d’un parpaing appelé « malao » et lorsque les murs sont élevés avant de construire le toit, on procède au « fanamaizinana » ou l’on fait le « tsok’afo ou le toko lava).

Dans un tombeau il peut y avoir 9 lits et 12 dalles, cela dépend de la famille propriétaire.

Le plus haut et le coin Est est réservé aux grands ancêtres, ensuite les parents et enfin les enfants et les petits enfants.

Durant nos enquêtes, on a vu 5 types de tombeaux

- mosaïque - anglais - vessoir - tombeau souterraine - tombeau extérieur

Dans la région des Hautes Terres, un tombeau doit être normalement orienté vers l’Ouest, avec une légère inclinaison vers le Sud. L’intérieur ressemble à une maisonnette, et les dalles sur lesquelles sont allongées les corps, sont disposées en étage sur les trois murs : Sud, Est, et Nord. Du côté Ouest se trouve toujours la porte.

L’importance d’un tombeau est évaluée au nombre des lits ou dalles qu’il contient (farafara selon les spécialistes). Les dalles au niveau du sol sont, en principe, réservées aux faty lena ou cadavres frais. Sur les dalles supérieures , on met les faty maina (cadavres secs). En général, le niveau supérieur Est est la place du grand ancêtre (comme on vient de le dire).

30 Un pied = 33 cm environ. 18 pied ≈ 5 mètres et demi ; 9 pied ≈ 2 mètres 75 environ. 94

Enfin, il y a une règle très important relative aux tombeaux, à savoir qu’on ne doit pas fermer une tombe avant que le soleil ne descende vers l’Ouest, (mihilana ny masoandro), à peu près vers 13 heures 30.

Schéma d’un tombeau31

Vu de dessus (extérieurement)

NORD

sens normal des tours

OUEST EST

Asorontany (destin-mère) : côté à laisser vide SUD

Vu de face (intérieurement)

Dalle pour le grand ancêtre

Dalle pour cadavres secs

Dalle pour cadavres frais

Les différences consistent donc dans la nomination du tombeau et du doany, des matériaux de construction ainsi que dans le plan et dans l’organigramme de gestion.

B) Doany Miarinarivo Tsararano Ambony Mahajanga (cf. Annexe 3)

Le Doany Miarinarivo se trouve dans la commune urbaine de Mahajanga dans le quartier de Tsararano Ambony.

Au cours de nos enquêtes à Mahajanga, nous avons eu la possibilité d’interroger 50 habitants issus de groupes sociaux divers. Une chose que nous

31 RAJAOSON François : « Contribution à l’Etude du Famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar. Thèse de 3ème Cycle. Sorbonne, Paris 1969. pages 50, 51. 95 avons remarqué durant les interviews, les gens ont peur d’être enquêté et prennent beaucoup de précautions. En illustrant cette idée, une personne, par exemple ne veut pas être enquêtée seule. Elle doit être accompagnée par une amie ou quelqu’un d’autre. Nous avons constaté la présence de différents types groupes sociaux en provenance des six provinces de Madagascar. Le résultat de l’enquête montre aussi que les Sakalava restent nombreux par rapport aux autres en tant qu’originaires du Boeny.

Tableau n°3 : Les groupes sociaux

Proportion Groupes sociaux Effectif (%) Antakarana 6 7,89 Bara 3 3,95 Tsimihety 10 13,16 Merina 6 7,89 Betsileo 6 7,89 Sakalava 24 31,58 Tanala 2 2,63 Sahafatra 1 1,32 Antemoro 2 2,63 Zafisoro 3 3,95 Antevato 2 2,63 Antefasy 4 5,26 Vezo 3 3,95 Betsimisaraka 4 5,26 TOTAL 76 100 Source : Résultat de l’enquête (Mai 2005).

Autrefois, le fanompoa be au Doany Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy Manankasina avait lieu à Tsahabingo Mahajanga où les reliques prenaient leurs bains avant d’être remontées vers leurs palais au Rova (ou Androva actuellement), à l’instar de celles de Mitsinjo dans le fleuve de Mahavavy du Sud, et celles du Menabe qui prennent leur bain dans le fleuve de Belo-sur- Tsiribihina.

Le fanompoa devait revêtir la même forme dans les régions, comme Tsahabingo est sali actuellement par des pollutions de toute nature (physiques, chimiques et spirituelles) : les quatre rois (Ndramisara Efadahy Manankasina) ont donné l’ordre de ne pas leur faire prendre leur bain là-bas. C’est ainsi que prise la décision de leur faire prendre leur bain au Doany Miarinarivo Tsararano Ambony. Les quatre rois pensaient qu’ils y seront vraiment à l’aise. 96

Après leur bain, on leur fait faire le tour du Zomba pour faire connaître aux gens que le bain est tout à fait terminé et que ces derniers peuvent maintenant danser, chanter pour montrer leur joie, sans oublier les coups de fusil pour marquer cette fin (au nombre de sept ou vingt et un).

Après la visite du Doany, une fine pluie tombe sur le Doany surprenant les couples continuant une idylle contractée lors du « tsimandrimandry » de la veille. Pour les traditionalistes cette eau tombée du ciel est signe de l’acquiescement des ancêtres.

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Pour les Sakalava, le Doany est une véritable église : « Doany io leglizinay Sakalava ». Ils demandent donc par cette affirmation qu’on reconnaisse le statut de religion au système des croyances élaborées autour des reliques des fondateurs symboliques et historiques du Boeny. Cette ferveur doit cependant composer avec les ambitions des rois vivants et les diverses tentatives de centralisation du pouvoir politique. En effet, le pouvoir religieux est identifié avec le culte des ancêtres royaux, alors que le pouvoir politique se dichotomise en pouvoir traditionnel, local, sakalava, et en pouvoir moderne, Etat centralisateur.

La gestion du Doany possède une structure bien définie dont voici l’organigramme 97

Organigramme de la gestion du Doany

Ampanjaka be Andrianirina Désiré Noël

Manantany Laza

Fahatelo Edouard

Beman angy Honorine

Ampagantaka

Le manantany vit dans la partie nord du Doany. Si le roi est considéré comme président, le manantany est alors le vice-président.

Le fahatelo vit dans la partie sud du Doany, c’est-à-dire dans le tsandrarafa. Il rempli à la fois le rôle de directeur général, de manager, de commissaire aux comptes, de réceptionniste, de trésorier, et de représentant du Doany.

Les Bemanangy : ce sont les conseillères et les agents de recouvrement. Elles sont aussi trésorières et animatrices lorsqu’il y a une activité particulière dans le Doany ou dans le royaume.

Les Ampangataka vivent dans la partie ouest du Doany ; ce sont des contrôleurs, des sortes d’intermédiaires à travers les esprits des ancêtres ; ils apportent les demandes, prières et requêtes des sujets sakalava, et reçoivent leurs sacrifices, l’argent pour les ancêtres, mais aussi le prix d’entrée dans le Doany. C’est à eux qu’incombe la tâche d’ouvrir le Zomba Vinda et d’y faire le 98 ménage si besoin est. Ils s’occupent aussi de la sécurité du Doany. Le fahatelo peut aussi accomplir leurs tâches mais seulement à certaines occasions.

L’organigramme de la gestion du Doany est bien définie pas comme l’organisation de la gestion des tâches au famadihana dont le chef est le responsable principal ou le « tompon-draharaha ». Il est le chef mais tout le monde participe à toute tâche et il n’y a pas de tâche réservée à telle ou telle personne.

Comme l’étude porte sur le Doany Miarinarivo au quartier de Tsararano Ambony dans la commune de Mahajanga, nous allons mettre l’accent sur la religion des croyants dans la dite commune. D’après le résultat de notre enquête en matière de religion, il n’y avait pas eu de conflits religieux. Quelle que soit la religion pratiquée, on constate que chacun respecte les valeurs des autres. La proportion de pratiquants est détaillée dans le tableau ci-après.

Tableau N°4 : Religion des croyants dans la commune

Religions Effectif Proportion (%) Catholique 17 21,79 Protestante 6 7,69 Adventiste 6 7,69 Pentecôtiste 3 3,85 Traditionnelle 31 39,74 Anglicane 3 3,85 Musulmane 10 12,82 Luthérienne 2 2,56 TOTAL 78 100 Source : Résultat de l’enquête (Mai 2005).

Pour conclure cette deuxième partie, on peut affirmer qu’il y a des points de convergence entre le fanompoa be et le famadihana si on se referait aux préparatifs avant la cérémonie (comme les nettoyages, etc.), et aussi aux sept tours que l’on fait après la cérémonie proprement dite.

Par contre, il existe de grandes différences selon les nominations, les déroulements ainsi que les formes et on a constaté tout cela dès la présentation, la motivation et les dépenses estimées pendant les cérémonies. Ceci nous permettent de faire une analyse sociologique de ces deux coutumes et de donner quelques suggestions. TROISIEME PARTIE 100

Partie III : ANALYSES ET SUGGESTIONS

Dans cette dernière partie, nous nous proposons d’analyser ces deux coutumes en donnant quelques informations sur le choix de ces deux régions (Boeny et Vakinankaratra) comme champ d’étude. C’est ainsi que nous essayons de voir si ces deux coutumes ont des impacts sur le développement, et de donner quelques suggestions pour que la tradition et le respect du culte des ancêtres ne posent aucun obstacle pour le développement.

Originaire de Mahajanga, descendante de la tribu des Sakalava, ayant des parents résidents dans la ville de Mahajanga, le choix de la région Boeny comme terrain de recherche a été fait sans hésitation. Non seulement, la facilité d’avoir accès au terrain, mais aussi la connaissance de plusieurs personnes susceptibles de nous aider (autorités, gérants de doany, médiums, etc.), et de l’endroit nous a été d’une grande aide, a été un atout certain dans la réalisation de notre recherche.

Le choix de la région Vakinankaratra comme champ d’étude, s’explique par le fait que la diffusion du rituel du famadihana connaît une grande particularité dans les Hautes Terres, surtout dans cette région. De plus, cette région nous a permis de ne pas trop dépenser, financièrement parlant, à cause de sa distance géographique, pas trop éloignée d’Antananarivo, où nous résidons pour nos études.

Dans nos convictions profondes, nous pensons qu’une bonne maîtrise et une bonne connaissance de sa culture et de son histoire, ainsi que de savoir les utiliser à bon escient, permettrait un développement de la personne même et de son pays. 101

Chapitre I : Analyses et précisions

Section 1 : Fanompoa be

A) BOINA ET BOENY

On ne devrait plus dire Boina mais Boeny. Le mot vient en effet du terme Boe qui signifie rocaille, et auquel l’on a tout simplement ajouté le suffixe locatif – ny. Boe est un mot swahili ; on le retrouve dans Zimbabwe ( Zimba = cité, bwe = pierres)

On ne doit pas non plus écrire doany mais dohany car le mot vient de l’arabe doha qui veut dire prière, demande, ou requête, au quel on a ajouté également le suffixe locatif – ny.

C’est dan le dohany que l’on invoque les ancêtres pour demander quelque chose.

Quand au mot fanompoa, c’est un dérivé du verbe manompo, origine du mot fanompoana que l’on écrit fanompoa tout court en dialecte sakalava car le suffixe –ana est transformé en – a comme par exemple :

- fivoriana devient fivoria

- fihavanana devient fihavana

- fanambadiana devient fananambadia

Par contre, le mot fitampoha est écrit avec un – ha à la fin car il vient du verbe mitampoky , action que procède lors du fanompoa be quand on fait prendre leur bain aux reliques : on dit mitampoky et non manompo.

Tout le monde peut respecter, croie et adorer les ancêtres et l’existence des tromba et du Doany. Mais chacun a sa façon de prendre le sens de ces trois verbes ; il y a ceux qui ne croient pas mais respectent, d’autres qui respectent, croient mais n’arrive pas à adorer, et d’autres encore qui finissent par vénérer. Alors pour le bien de tout le monde, les anciens ont opté pour le verbe 102

« mitampoky ».

Les Sakalava occupent de vastes territoires mais la densité de la population sakalava est très faible alors que d’autres tribus sont nombreuses.

D’après les traditions sakalava, c’est pendant les expéditions guerrières, parties de Bengy que le nom de la tribu a été fixé ; les guerriers étant appelés par ceux qui les redoutaient « ceux venant du Sakalava ». Ensuite, les rois sakalava ont étendu leur domaine vers le Nord par des conquêtes en formant plusieurs royaumes (Menabe, Boeny, Antakarana).

Le Doany Miarinarivo se trouve actuellement à quelques kilomètres du centre ville dans le quartier de Tsararano Ambony. En 1973, le Doany se situait au palais royal dans le quartier d’Androva, un quartier se trouvant sur les hauteurs d’où l’on voit toute la ville de Mahajanga.

Les maisons sont en forme de simple rectangle avec une toiture faite en satrana. Pas de literie mais juste un altar (autel) dans l’angle Nord-Est sur lequel sont placées les reliques. Le Doany est rempli de vieux et les maisons sont construites avec des matériaux traditionnels. Aucun toit en tôle métallique, ni de constructions en briques ou cimentées, aucun bar, aucune boutique, aucun garage, pas d’électricité. La radio est autorisée mais la télévision non. Il est aussi interdit de courir dans ce Doany. Il y a beaucoup de tabous dans cette petite ville d’Andriamisasa concernant, notamment le jours (mardi et jeudi), les aliments (porcs, pistaches, voanjobory) et l’habillement [pantalons, slips, chaussures, chapeaux (excepté pour le Mpanjaka et les hommes travaillant dans le Doany), lunettes].

B) LES ÉCHANGES : « LE MOSARAFA ET LE TSO-DRANO »

Il existe un acte de réciprocité dans le fanompoa be : le don et le contre- don. Le don est appelé mosarafa et le contre-don - tso-drano ou retour tout simplement.

Multiples raisons incitent les gens à participer à cette réciprocité, à savoir :

- la bénédiction des ancêtres - la prospérité - le respect et l’honneur des ancêtres 103

- l’aisance et aussi, la conscience collective - l’espérance à - et l'espoir d’un changement dans la vie - gagner de l'argent et devenir riche, etc.

Les dons sont apportés, donnés et reçus publiquement, le samedi et le dimanche avant le bain des reliques royales. On peut les classer en deux catégories :

• les dons matériels et monétaires (en somme d’argent)

appelé aussi MOSARAFA ;

• les dons spirituels ou idéologiques appelé TSO-DRANO.

En contrepartie des dons qu’on leur offre, les razana donnent de la bénédiction grâce à leurs pouvoirs : hasina et une assiette ou « sahany » remplie d’eau de kaolin (tanimalandy ou tanifotsy) est donnée à chaque donateur qui passe et il en boit une gorgée avant de partir. Des viandes et du miel sont aussi partagés en retour des dons.

- Les donateurs sont les médiums, les descendants des ancêtres royaux ainsi que le roi ou la reine au trône. Il y a des politiciens comme les députés qui participent à ces dons. Une partie de ces dons est réservée à la sécurité du doany durant le service ou le fanompoa be.

- Les receveurs sont en premier, le Mpanjaka Dezy, ensuite le Fahatelo Doara, et enfin les Travailleurs du Doany.

Le mosarafa est comme le « atero ka alao » au famadihana et tous les deux ont des caractéristiques de réciprocité.

C) ASARA BE

Selon les traditions sakalava, le mois se divise en deux grandes parties : de la nouvelle lune à la pleine lune, et de la pleine lune à la prochaine nouvelle lune. De la nouvelle à la pleine lune, de jours tabous sont observés, le mardi par tout le monde (il est même interdit de pénétrer dans le Doany toute la journée), le jeudi pour les agriculteurs et les tromba.

Le lundi, le vendredi et le samedi sont les jours favorables pour entreprendre et réussir quelque chose. Le dimanche et le mercredi ne sont des jours tabous, mais peu de gens ont l’habitude de venir durant ces jours. Les 104 sakalava se mettent aussi à vérifier si l’heure est favorable et propice pour agir : le « misandratra andro », au lever du soleil, et le « miarina andro » avant 13 heures trente.

Lundi est le jour le plus favorable, le mieux placé pour accomplir quelque chose pour les Sakalava (Fitampoha et Asara Be).

Asara be est un festival que l’on procède dans le Doany Miarinarivo pour la clôture de la saison du Fanompoa (le lundi après-midi) et c’est en ce jour que le Manantany et le Fahatelo annoncent les nouvelles rénovations à envisager et les projets à réaliser. Beaucoup de participants s’y présentent dans le Tsandrarafa ainsi que le Mpanjaka Be. C’est à cette occasion aussi que le Fahatelo raconte à tous tout ce qui s’est passé dans le Doany.

Le Mpanjaka aussi prend la parole pour ordonner le sacrifice de bœuf avant le commencement des projets. La Bemamangy explique en détails les projets à réaliser : la construction de maisons ou de palais en dur. Après tous ces discours, tout le monde applaudit comme signe d’acquiescement et cela clôture la réunion.

D’après le Saha, l’argent obtenu durant le tati-bato et fanompoa devrait être utilisé pour nourrir tous les travailleurs du Doany car il est interdit de donner un salaire à tous ceux qui travaillent pour le compte du Doany. Nourriture et non pas argent.

D) LES SECRETS DU DOANY

Les secrets du Doany ne doivent être révélés en n’importe quelles circonstances, même les pouvoirs publics ne peuvent pas entrer à travers la porte spéciale « varavara menalio ».

Personne ne doit se mettre debout devant le Mpanjaka, même le Président de la République ; il est aussi interdit de s’asseoir en pointant les pieds vers le Doany. Le Royaume n’autorise pas l’entrée dans la politique car cela devrait être établi seulement par les ancêtres et non par quelqu’un d’autre.

Certains tromba interdisent leur saha d’entrer dans le christianisme car c’est la source de leur conflit avec les Merina (les tromba Antandrano). Par 105 contre, d’autres le font car leurs ancêtres étaient chrétiens (cas des Bemihisatra). Mais il en existe d’autres qui autorisent l’entrée à l’Islam (cas des tromba Bemazava).

Chaque tromba a sa propre façon d’appréhender les choses et de comprendre les phénomènes de la vie quotidienne. Ils sont tous contre la modernisation comme le disait un tromba saint-marien :

« Juste comme un israélien qui ne peut pas devenir un palestinien, alors nous ne devrions non plus essayer de renoncer à nos traditions ».

Section 2 : Famadihana

Le mot mamadika et famadihana sont tous les deux issus de la racine vadika qui signifie retourner et action de retourner (mamadika veut dire aussi trahir). Le famadihana signifie « retournement » dans le contexte sémantique.

A) LES DOUBLES FUNÉRAILLES

La pratique des doubles funérailles varie selon les régions et le rang social. On les désigne sous le terme de asa lolo chez les hommes libres de l’Imerina, les Sakalava et les Vezo, et asa tsiritsy chez les souverains du Menabe.

Sur les Hautes Terres, le retournement des morts, famadihana, consiste à sortir les cadavres de leur tombeau, à exposer leurs ossements sur une natte neuve en prenant bien soin d’en rassembler les huit os fondamentaux, puis à les envelopper dans de nouveaux linceuls. Ce rituel mêlé de musique et de danses se pratique surtout chez les gens du peuple aux confins de l’ancien royaume merina, comme le Vakinankaratra et le pays betsileo, notamment pour les soldats colons, unificateurs, morts loin de leur région de provenance, dont les familles parents rapatriaient le corps. Les grands Andriana, membres de la famille royale merina, ne pratiquaient pas le famadihana, car on considère que les régions conquises par les rois merina dont ils étaient les représentants faisaient partie de la terre des ancêtres et pouvaient légitimement accueillir leur dépouille.

L’influence du christianisme et la modernité ont réduit la cérémonie à un 106 simple changement de linceuls ; famonosan-damba, quand ceux-ci sont abîmés.

Le rituel populaire du famadihana est marqué par une danse suggestive d’un symbolisme sexuel évident, où le corps entre et sort du tombeau, dans un mouvement d’aller - retour à connotation phallique. La mort, représentée par les tombeaux, y est vue comme une femme dévoreuse de vie. L’exposition des os montre l’inutilité des conflits devant la mort qui rend dérisoires les manques d’amour et de solidarité. C’est un moment intense de cohésion familiale, propice à d’éventuelles réconciliations.

Le famadihana a donné lieu à de nombreuse interprétations anthropologiques et psychanalytiques. A première vue, on peut le considérer comme une répétition de la cérémonie d’enterrement nécessaire pour trancher définitivement le lien entre le mort et les vivants. Il a généralement lieu lorsque les os sont secs, au moins deux ou trois ans après le décès. Mais il peut s’avérer opportun d’y procéder plus tôt pour permettre le remariage précoce d’un veuf par exemple. En entérinant la mort définitive de la première femme, le famadihana libère le veuf. On le considère alors comme une bénédiction. Un mort qui n’a pas été retourné se manifeste à un membre de la famille au travers d’un rêve où il montre qu’il a froid, mangatsiaka. Il devient alors difficile à la famille d’échapper à la cérémonie malgré son coût élevé.

Dans le Menabe, c’est au moment du asa tsiritsy du souverain que celui-ci se manifeste, « s’actualise », au cours de cérémonies de possession, tromba - sazoka, où s’engage une véritable discussion entre vivants et morts sur la meilleure manière de résoudre les problèmes des vivants.

Les discours prononcés à l’occasion du famadihana utilisent un vocabulaire très intéressant du point de vue symbolique. Un certain nombre de mots sont composés à partir du chiffre huit, valo (taolam-balo : les huit os ;mivalo : supplier, demander pardon aux ancêtres ; fahavalo : l’ennemi, mais aussi l’allié potentiel, par allusion aux guerres d’antan ou on ne se battait que contre des ennemis dont on pouvait faire des alliés par l’échange de femmes et de biens). Quand le tombeau est ouvert, les portes du ciel, les huit coins d’or, zoro-mbolamena valo, s’ouvrent et les morts communiquent avec les vivants. Valo représente alors l’horizon plein de parenté, car on invoque, pour chaque être vivant, son appartenance aux huit coins de la terre d’où vient le père et aux 107 huit coins de la terre d’où vient la mère : valo ampokondray, valo ampokondreny.

Le psychanalyste Pierre PACAUD voit dans le famadihana un meurtre où l’on tue définitivement le mort tout en lui montrant des marques d’amour et de respect. Son hypothèse s’appuie sur l’interprétation du double sens des mots attachés au rite. C’est au nom de la vie qu’on tue le mort afin qu’il ne revienne pas menacer les vivants et c’est en même temps le famadihana qui en fait définitivement un ancêtre bénéfique.

Parmi les diverses manières de célébrer le famadihana, les secondes funérailles des souverains sakalava inaugurent le culte de leurs reliques. C’est alors que les vivants les font venir à eux par le moyen des séances de possession. Les rituels attachés à la personne du souverain du Nord s’appellent fanompoa, servitude, tandis que le bain des reliques royales de Mahajanga, à l’Ouest, se nomme Fitampoha, bain. Les manipulations du corps du roi sont empreintes de sacré car le cosmos entier est à son image, et le toucher, c’est accomplir un acte religieux que peu de personnes sont habilitées à faire. La mort rend le roi capable de vivifier les vivants. On peut dire que les rois (élus par le fokonolona rituel) sont plus vénérés morts que vivants. En se dissolvant dans la terre des ancêtres, tanindrazana, ils la sacralisent et, en retour, deviennent eux- mêmes masina, sacrés. Mais c’est l’assemblée des sujets, le fokonolona, qui en dernier recours statue sur la grandeur d’un souverain et le déclare digne ou non d’être suivi au-delà de la mort.

B) FATALE ATTRACTION

Le famadihana, c’est la joie ! Les festivités entourant le famadihana ont commencé la veille, dans l’allégresse et la liesse. Comme d’habitude, les membres de la famille sacrifie des zébus ou des porcs. Avant de faire la nouba toute la nuit en s’imbibant de toaka gasy, une eau-de-vie artisanale assez décapante pour réveiller un macchabée. Et c’est après avoir fait le tour de l’horloge et du hameau qu’ils en sont venus aux choses sérieuses.

Le famadihana n’existe qu’à Madagascar, n’en déplaise à ceux qui soutiennent que pareille cérémonie se pratique aux îles Célèbes. « Ce sont des navigateurs malais qui ont introduit ces rites ici.

Parce qu’ils ne comptaient pas s’établir définitivement et pensaient 108 ramener leurs défunts chez eux, ils les exhumaient et les transportaient chaque fois qu’ils migraient à l’intérieur de l’île.

Si d’autres exégètes affirment que le famadihana vient plutôt d ‘Indonésie, d’où provient la majorité des premiers habitants de Madagascar, une chose est sûre, c’est que l’Île Rouge a hérité d’un rituel devenu séculaire et désormais répété à tous les trois, cinq ou sept ans, selon la date de péremption des emballages sépulcraux, la volonté de la famille ou des ancêtres.

Pendant ces retrouvailles enjouées, les razana héritent d’un nouveau linceul. Dans certaines régions, quand ils sont de sang royal, on lave leurs ossements avant de les remballer. Sur la côte Ouest, les reliques sont immergées dans le fleuve ou bien sont trempées dans le miel avant d’être séchées au soleil, …

Sur les Hautes Terres, on se contente d’ajouter un suaire neuf autour de l’ancien, sans vérifier l’état du contenu. Puis, une fois les razana bien ficelé, certains le prennent sur leurs genoux, d’autres s’allongent à ses côtés pour lui raconter les derniers ragots familiaux ou lui demander conseil. La famille reçoit ensuite la bénédiction de ses razana après les offrandes de tabacs, de parfum et de toaka gasy , versé généreusement dans la bouche ou, du moins, là où elle doit se trouver, sous le lamba.

C) MEMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Les malgaches ne font pas de distinction entre le monde lumineux des vifs et celui, obscur, des trépassés. Pour eux, tous habitent deux dimensions limitrophes d’un même univers dont la frontière est aussi poreuse que tenue. De là à dire que la population officieuse de Madagascar dépasse largement celle officielle, de la vingtaine de millions d’âmes, il n’y a qu’un pas qu’il est plus qu’aisé de franchir.

La raison de cette proximité entre ascendants et descendants tient à l’éloignement extrême du Créateur, Andriamanitra. Pour révérer ce « prince parfumé » les malgaches s’adressent donc à des intermédiaires plus susceptibles d’intercéder en leur faveur parce que plus proches : leurs propres ancêtres, les razana. 109

Adulés et vénérés, les anges tutélaires sont tout aussi craints : s’ils sont traités avec déférence, ils apportent protection, succès, réussite et richesse à leur descendance, à l’inverse, dès lors qu’un malheur s’abat sur sa famille, c’est leur courroux qu’on croit avoir soulevés. Les razana dont donc l’objet d’un véritable culte de dulie, presque de latrie, et ils méritent offrandes et sacrifices, en plus de recevoir la visite des leurs, à intervalles réguliers. A ce titre, les malgaches n’y vont vraiment pas de main morte : ils ouvrent carrément leurs tombeaux et font littéralement prendre l’air à leurs ancêtres avant de rentrer chez eux sans demander leur (s) reste (s). C’est le famadihana, ou cérémonie de retournement des morts.

D) LES SÉQUENCES DE LA CÉRÉMONIE SELON QUELQUES AUTEURS

Tableau n°5

Séquences de la cérémonie Séquences de la cérémonie Séquences de la cérémonie selon Haile selon Decary selon Rajaoson et Bloch

1.circonstances 1.circonstances 1.circonstances et préparatifs et préparatifs et préparatifs Rêve d’un membre de la Pas d’indications Pas d’indications famille : un ancêtre a froid et demande à être réenveloppé

Le jour est fixé par un devin- Pas d’indications Pas d’indications mpanandro, pendant l’hiver austral (août-septembre), en lune décroissante. Location d’un ou deux Pas d’indications Pas d’indications groupes de hira gasy. Achat de lambamena au Pas d’indications Pas d’indications marché. Invitations. Huit jours avant la cérémonie, Pas d’indications On fait le miantso razana la veille on fait le miantso razana de la cérémonie. On annonce aux (appel des morts) avec le morts que la « nouvelle maison » mpanandro. On brûle encens est achevée. et graisse sur la vieille tombe. On joue de la musique. On annonce aux razana le déplacement du tombeau. La veille du famadiana, on Pas d’indications Cf Haile réchauffe l’intérieur du nouveau tombeau. Préparatifs pour les vivres Pas d’indications Cf Haile (riz, viande). Pas d’indications Pas d’indications La nuit précédente, danse des « zana-drazana » (groupe des descendants) ; chansons en 110

compétition et joutes oratoires « vaky saova ».

II.Le jour du Famadihana II.Le jour du Famadihana II.Le jour du Famadihana Arrivée de foules animées, en La cérémonie se déroulant Les parents réunis à la maison se habits de fête, convergeant sur deux jours, chants et dirigent vers le tombeau. Les de toute la campagne. danses sans interruption sur restes exhumés sont reçus sur 1. La fête populaire. l’espace proche de la tente. leurs genoux par les parents, assis Présidence de la maîtresse Premier jour : « misao- en double ligne sous une tente. de maison ou de sa fille, en drazana » (glorification des Caresses, cris sauvages de deuil, tête couronnée. ancêtres). Discours initial au tristesse, émotion personnelle Musique, instruments à tombeau. Fialan-tsiny par profonde. Les enveloppes cordes, à vent, flûtes, l’aîné des parents. Sacrifice restantes sont graissées ; de tambours. a) Danse spéciale d’un mouton ou d’un bœuf. nouveaux lamba les entourent, par toute la Compagnie (huit Ouverture du tombeau. des bandelettes nouées les hommes, quatre femmes). b) Enveloppement. Les tiennent. Les restes rigides, Ballade à demi-chantée, à membres de la famille ouvrent réenveloppés, hissés sur les demi-récitée ; tristesse et la danse. épaules, dansent ; demandes humour d’enfants, richesses, santé 2. Les kabary d’échange Pas d’indications Pas d’indications entre famille et foule. L’officiel le plus haut placé dans la hiérarchie remercie pour tous( que les dépenses failles pour les morts rejaillissent sur les vivants en bienfaits venus des morts). Réponse au nom de la famille. Merci d’être venus. Promesse qu’aucune tradition familiale importante ne sera négligée.

3. Entrée des morts dans le Deuxième jour : « miefa » ou Idem. Les corps font plusieurs tombeau. Portés sur les « mandevina » (« clôturer » tours autour du tombeau, portés épaules de jeunes hommes, ou « enterrer »). Les restes par les parents qui dansent. les morts font trois fois le tour font sept fois le tour du de tombe en dansant. Cris tombeau. Introduction au assourdissants, musique et tombeau le soir, au soleil coups de fusil. Les porteurs couchant. entrent poser les morts dans le tombeau et ressortent précipitamment. Le fondateur de la famille est mis sur la banquette la plus haute. Une place est gardée vide à côté de lui pour le constructeur du tombeau. Les parents entrent noter la position de chacun, marquer les lamba. On enjoint aux morts de rester chez eux, de ne pas revenir chez les vivants. 111

4. La porte de pierre est Discours du patriarche. Kabary de remerciements, fait du refermée, bloquée par de la Clôture de la cérémonie haut du tombeau. Fermeture de terre. Les bœufs tués le matin celui-ci. sont partagés et de la viande est offerte à chacun. Chacun offre sa quote-part. consommation de rhum. Des gens restent sur place : musiciens ou spectateurs ivres. Incidents fréquents : querelles, bagarres, chants de ribauds, « conduites immorales ». SOURCE : Raison-Jourde Françoise. « Bible et pouvoir à Madagascar au XIXème siècle ». Paris, Ed. Karthala, 1991. Pp.118-119.

Section 3 : La reconstruction du lien avec les ancêtres

A) LES FUNÉRAILLES

Un rituel en mutation

Tout le monde n’accède pas à un tombeau. Les gens très pauvres et sans parenté bien établie courent le risque d’être « alevina » c’est-à-dire mis dans un simple trou, en terre. Isolés, ils ne seront pas visités et seront rapidement oubliés. « Mourir et ne pas être enterré par ses parents, c’est mourir comme un chien » dit le proverbe. « Même le fangaraka (abeille sauvage) fait des funérailles à sa grand-mère ». Beaucoup de gens pauvres économisaient pour avoir au moins un lambamena32, fermaient les yeux sur les humiliations pour pouvoir être intégrés par un parent riche ou puissant sur la banquette réservée aux pauvres dans le tombeau.

D’autres connurent un sort plu sur encore : les gens réputés mpamosavy étaient enterrés dans la « terre mauvaise », à fleur de sol, après avoir été traînés là au moyen d’une corde. Leur tête était orienté vers le Sud, direction des sorciers, ou bien leur corps était jeté dans le fleuve. Etaient aussi interdits de tombeau, les gens morts du tanguin ou condamnés à la peine capitale, les varioleux et les lépreux.

32 Lambamena : suaire rouge, de soie sauvage, dont on enveloppe les morts. Une insulte particulièrement pénible pour un malgache est encore de lui souhaiter de ne pas avoir de lamba pour linceul. 112

Ces derniers, enterrés dans une fosse d’allure provisoire, devaient attendre plusieurs années une autorisation royale donnée à la famille. Préoccupant aussi pour leur famille fut le cas des gens mort au loin, souvent dans des engagements militaires sur les marges. Si l’on n’avait pu rapatrier leurs ossements au tombeau, on dressai pour eux un cénotaphe sous forme d’une pierre levée (tsangam-bato). Dans le pays Betsileo, celles-ci, appelées orimbato, prirent forme humaine ou furent gravées d’une inscription portant l’identité du destinataire.

L’enterrement était l’occasion d’une cérémonie marquante, le famadihana. Enterrement et famadihana, ces deux cérémonies évoluent au XIXème siècle, en fonction l’une de l’autre. la première devient plus courte et renonce à rassembler toute la parenté. La seconde se multiplie sans se généraliser pour autant. L’approche de ces deux rituels doit donc être traitée complémentairement.

Lors de la mort, s’imposent deux convictions. La première, est que le mort est malheureux de quitter cette vie, qu’il peut être jaloux des vivants si ces derniers ne lui donnent pas des témoignages de respect, d’affection assez évidents, et qu’il est potentiellement dangereux. Pour assurer un bon rapport avec lui, il faut dépenser sans compter pour l’enterrement.

La deuxième idée est que le mort part pour une autre société où il retournera les membres de la famille, foko, etc., une société où se reproduit la hiérarchie des statuts. Il faut donc lui assurer la possession des objets symbolisant une position sociale : les bœufs, l’argent. Les bœufs abattus dont les morceaux sont distribués aux participants survivront la mort dans l’au-delà.

Les séquences du rituel

Dès qu’une personne est morte, le corps, habillé est placé dans la maison, à l’est du foyer. La pièce est tapissée de rabanes et, si l’on peut, de lamba de soie. On prévient le village ou le quartier. Celui-ci envoie une délégation présenter les condoléances et offrir un peu d’argent. « Voici un peu d’étoffe, un simple fil pour sécher vos larmes ». L’argent est destiné à compléter l’achat des coûteux lambamena destinés à envelopper le mort33. La délégation est reçue dans la pièce où repose le mort. Arrivent les parents, prévenus, qui devront être logés et nourris pendant deux ou trois jours ou plus. La paroisse

33 Les offrandes portent le nom de fao-dranomaso (essuie-larmes) 113 protestante ou catholique vient aussi en délégation et aide à préparer la tombe dont il faut dégager la porte enfouie sous terre, et à transporter le corps. Ces différents groupes participent à la veillée, qui peut se renouveler deux ou trois nuits d’affilée. Les esclaves du mort y tiennent le rôle de pleureuses, mais cette coutume s’estompe dans les années 1880, remplacée par chants et prières confiés à la Chorale de la paroisse, c’est-à-dire toujours à des esclaves.

Dès le premier jour, une importante réunion a lieu, souvent sur le kianja, entre la délégation du fokonolona et la famille, dont le doyen s’exprime sur le thème de l’assistance et de la réciprocité. « Vous n’avez pas dit tant pis pour les parents du mort. Vous êtes venus nous assister. Merci. Puissions-nous bientôt vous secourir à notre tour, dans des circonstances heureuses ». La question importante est alors posée : « Vous, fokonolona, vous êtes maintenant nos pères et mères. Nous vous demandons que faut-il dépenser ? ». La question concerne le tombeau, puisque la mort trouve le plus souvent place sur une des banquettes du tombeau familial. Elle concerne aussi le lambamena, fait de soie sauvage locale serrée, qui résiste bien au séjour en terre, raison probable de son maintien absolu face à la concurrence des tissus étrangers. Elle concerne les bœufs qui seront abattus et nourriront les parents, les amis venus assister aux veillées.

Les lambamena sont alors exposés dans la cour entre la famille réunie et la foule. Un vieillard fokonolona prend la parole et retrace la vie du mort, puis déploie les lambamena et en indique le prix. C’est l’étape du « fampisehoam- paty » ou exposition de la dépouille, appelé aussi en betsileo - fampiariana.

Dès la première journée, on abat un bœuf cuit dans de grandes marmites communes et servi avec du riz. Il en est de même le deuxième et le troisième jour.

B) L’ENTERREMENT

L’inhumation

L’enterrement est un rite de passage du monde des vivants au monde des ancêtres, razana. Il comprend trois étapes :

1 - Le fitsapana alahelo qui consiste à « sentir, toucher la douleur ». Il 114 s’agit en général d’une visite de recueillement devant le mort pour dire à la famille rassemblée que vous avez appris sa douleur et que vous venez la partager. Vous asseyant auprès d’elle, vous participez à l’accueil des autres visiteurs qui se succèdent.

2 - Le famangiana, c’est le fomba principal, la visite rituelle. Les membres de la parenté et les connaissances prononcent des paroles de consolation, évoquant soit les ancêtres, soit chez les chrétiens l’espérance de la vie éternelle offerte par le christianisme. Au cours des remerciements d’usage prononcés par le représentant de la famille du défunt, il est « que la douleur est plus légère à plusieurs pour la supporter. »

3 - Le fandevenana, l’enterrement proprement dit. Bien que le caractère grandiose des enterrements urbains les masquent un peu, c’est un rite de passage où les vivants conduisent ensemble le nouveau mort dans sa communauté d’accueil constituée de ses ancêtres. Aller à un enterrement est non seulement une obligation, mais un investissement social, car celui qui enterre souvent sera enterré à son tour avec le faste d’une foule nombreuse venue le conduire là où ses ancêtres reposent déjà.

Avant l’enterrement, on procède au nettoyage des environs du tombeau pour la cérémonie. Cette tâche a été confiée préalablement aux villageois restés à la terre. Le plus souvent d’origine servile, ce sont les « sauterelles gardiens de tombeaux », valala mpiandry fasana.

C’est au moment de l’ouverture du tombeau que l’on annonce aux ancêtres qu’un nouveau venu les rejoint et qu’il faut l’accueillir. on nomme ceux qui sont enterrés là, au moins les principaux. La cérémonie se déroule à l’heure indiquée par l’astrologue. après un culte chrétien ou une apostrophe debout, joro, les jeunes de la famille transportent le corps dans le tombeau grand ouvert. Les femmes, quant à elles, n’ont pas le droit d’y pénétrer pour y mettre ou prendre un mort. Chez les chrétiens la mise au tombeau s’achève par une célébration et un chant de résurrection. Sinon, le joro faty appelle les ancêtres à recevoir le nouveau mort qui va habiter désormais chez eux, dans ces termes :

« Nous voici, vivants, nous nous tenons débout devant vous, les grands ancêtres. Nous venons ici, descendants d’untel, nous vous portons ici untel, nous l’accompagnons dans sa nouvelle demeure. Ne le repoussez pas parce 115 qu’il risque de nous faire du mal, de rendre nos terres infertiles, de tuer nos enfants en bas âge. Accueillez-le parce que c’est maintenant votre parent et non plus le nôtre. Il vous appartient, tenez-le bien, qu’il ne vienne pas troubler notre vie ».

Autant les nourritures servies avant l’enterrement sont empreintes de l’esprit du deuil par leur sobriété, leur absence de goût, de sel et parfois l’interdiction de certaines viandes selon le rang du défunt, autant le repas communautaire qui suit l’enterrement peut être joyeux et même comporter des gâteaux. Lors de ce repas, les représentants des diverses familles expriment leurs remerciements selon la formule : « les morts sont bien enterrés (par les rites) et les vivants sont bien honorés (par le nombre de personnes qui y assistent) ».

Une fois la porte du tombeau fermée, des rites de purification peuvent être accomplis comme, par exemple, allumer au seuil de la maison un feu qque chacun doit enjamber pour entrer ; brûler les effets du mort ou même sa maison pour éviter qu’un vivant ne l’habite ; aller se laver dans un cours d’eau ou, plus symboliquement, y tremper un coin de lamba. Ces rites ont pour but d’effacer tout trace de contact avec le mort.

Un mort dont l’enterrement n’a pas été accompagné de tous les rituels nécessaires (tsy vita fomba) peut revenir troubler les vivants car il regrette sa vie antérieure et n’accepte pas son nouveau statut. Pour marquer sa tristesse, il sort de sa tombe et exerce des forces destructives et négatives sur les vivants. On l’appelle un lolo.

Un rituel en mutation constante

Il est nécessaire d’exposer ces grands traits pour saisir ce qui change, sous quel effet et dans quel but. L’enterrement est un effet marqué dès le XVIIIème siècle et jusqu’à nos jours par des modifications qui tiennent aux prescriptions du pouvoir, intéressé par la cohésion sociale, c’est à la mode, donc aux effets de distinction poursuivis par les élites, deux processus pardois contradictoires. Interdiction est faite aux descendants du mort de l’enterrer discrètement, sans faste, entre parents. L’enterrement doit être une affaire sociale large, remise aux mains de la communauté. 116

L’enterrement est surveillé dans la mesure où c’est un des lieux et moments essentiels de régulation de la vie économique. Il y avait donc, lors de l’enterrement, renforcement de l’idéologie de la parenté, non pas tant pour elle- même que pour les conséquences, favorables envers l’Etat, qu’elle pourrait encourager. On dissociait, dans l’évaluation des dépenses à faire, e qui était l’héritage provenant du travail des ancêtres : les rizières surtout, qui constituaient le cœur du tanin-drazana, et devaient rester intactes, et les harena (richesses acquises par le mort de son vivant) sur lesquelles étaient prélevés les bœufs abattus aux funérailles, dont les bucranes orneraient la tombe ou ses alentours.

Conversion du pouvoir et interrogations sur les funérailles

Aussi bien, c’est pour tout un chacun que se rétrécit la marge de liberté dans l’organisation de la cérémonie : Ranavalona II interdit l’abattage des bœufs pour les funérailles et institue l’achat de viande au marché. Cette mesure est louée par les responsables écclésiastiques, persuadés que cet abattage rituel est un sacrifice. On peut vérifier dans certains cas l’application de cette loi. L’énumération publique des dépenses en lambamena, bœufs, volailles et boissons, auxquelles pouvait s’ajouter la participation royale, révélait un grand jour la richesse du mort, qui de son vivant avait été dissimulée. Les efforts pour atténuer la portée d’un certain nombre de gestes et de conceptions, jugés « païens » étaient une chose, la réflexion sur la christianisation possible de l’enterrement en était une autre.

Si les conceptions concernant les marques d’honneur réservées au mort paraissent grossières et entachées de matérialisme, l’exaltation d’une sensibilité non contrôlée profondément fait que les missionnaires vont très peu aux enterrements, sauf pour les chrétiens proches, dont ils sont sûrs.

C) LES DOUBLES OBSÈQUES

Les doubles obsèques sont caractérisées par des obsèques définitives après des obsèques provisoires qui semblent être une pratique assez répandue chez beaucoup de peuples.

Les doubles obsèques sont pratiquées chez certains Bantous en Afrique, chez les Papous océaniens, et semble-t-il, chez certaines tribus indiennes de l’Amérique du Nord, et également dans les Iles indonésiennes, dans certaines 117 tribus des Célèbes et de Bornéo.

Dans cette pratique, il y a les obsèques finales qui s’appellent le « Tengke » dans le centre des Célèbes chez les Alfourous, et elles se nomment la « Tiwah » à Bornéo chez les Olo Maangan et les Olo Ngadju. Louis Vincent THOMAS parle beaucoup de ce Tiwah dans son livre « Le Cadavre ».

Les obsèques définitives peuvent se dérouler suivant différentes modalités selon les populations considérées, mais il y a une idée commune qui n’est pas très loin de la conception malgache du famadihana, à savoir l’attente de la dessiccation naturelle du cadavre avant de donner aux ossements leur sépulture définitive, en sachant que le cadavre ne peut être considérée comme sec (faty maina) qu’après un an à partir du premier enterrement, et on prend seulement soin des ossements. Le sujet sur le cadavre sec appelé aussi faty maina en malgache et sur le cadavre frais – faty lena, sera abordé un peu plus loin.

La pratique des obsèques finales est une cérémonie coûteuse. Les familles doivent avoir suffisamment d’argent pour organiser ce rite où les invités ne doivent pas manquer. Les vivants peuvent parler, communiquer aux défunts lors du moment de l’enveloppement des corps aux obsèques finales.

L’objectif de ces doubles obsèques est de réunir tous les morts dans la sépulture familiale, de changer le deuil en joie et c’est une des raisons principales qui incitent les Malgaches à pratiquer le famadihana. Le famadihana pourrait donc être considéré comme une variante malgache des obsèques définitives après les obsèques provisoires.

Selon E. GOFFMAN, les rites sacrés peuvent être religieux ou magiques et il existe aussi des rites profanes. Les gestes, paroles, postures et objets qui composent les rites des doubles obsèques n’ont pas de jstification utilitaire, mais une portée symbolique orientée vers la communication avec les puissances surnaturelles : les ancêtres et leurs pouvoirs. On peut donc affirmer que ce sont des rites d’interaction car ils sont considérés comme des rites de la vie quotidienne dans l’analyse de E. GOFFMAN. D’après ce dernier, la mise en scène de la vie quotidienne a une dimension fortement rituelle.

Si l’inhumation provisoire est toujours individuelle, la sépulture définitive 118 est très souvent collective.

Le rituel des doubles obsèques est aussi un « processus de purification », car la terre a été souillée par le corps pourrissant et il fallait replacer les restes épurés en un lieu intact.

Le faty lena

Le faty lena appelé aussi cadavre frais, ou cadavre pourrissant est en général, le cadavre enterré depuis moins d’un an. C’est le cadavre durant la période de pourrissement, de salissement, c’est-à-dire à partir de la mort absolue (arrêt du travail du cœur-poumon-cerveau) en passant par les obsèques provisoires jusqu’aux obsèques définitives. Il est en même temps vulnérable et dangereux durant cette période (mérite d’être pris en soin et son double risque de roder autour des vivants). La conduite des vivants à l’égard du mort est marquée par la sollicitude et le rejet qui se manifestent de manière symbolique ou réaliste selon des aspects variés suivant les ethnies. Le cadavre est aussi appelé « faty lena » durant la période de deuil.

Le faty maina

Le faty maina, appelé aussi cadavre sec ou intégrant, est en général le cadavre enterré déjà depuis plus d’un an et prêt à passer aux obsèques finales ou définitives.

Le sort du cadavre sec est réglé au moment des secondes obsèques : on procède à des rite d’intégration, c’est-à-dire, intégration du cadavre dans la société des ancêtres. Le défunt est alors invité à rejoindre les ancêtres, et à préparer son après-mort (métamorphoses, réincarnation, séjour près de Dieu, etc.). Le plus important est d’orienter l’âme du cadavre pourqu’elle atteigne le ciel. Le cadavre sec ou faty maina est aussi considéré comme étant un signe pour la rupture de deuil pour les vivants. François RAJAOSON parle beaucoup de ces doubles obsèques dans son livre « Contribution à l’Etude du Famadihana sur les Hauts Plateaux de Madagascar » (pp. 208-213) 119

Chapitre II : Fonctions sociales

Section 1 : Compréhension et analyse du rituel

L’approche psychanalytique vise à repousser à de nouvelles limites la compréhension et l’analyse du rituel par le dévoilement de l’inconscient collectif. Il faut donc comprendre le « registre de causalité » de l’efficacité du famadihana et du fanompoa be en tant que pratiques culturelles collectives, en se concentrant sur le phénomène de la « répétition ». En effet si le rituel du fanompoa be et celui du famadihana a été analysé par plusieurs auteurs (LAMBEK, DEZ, BLOCH, PACAUD, RAJAOSON, RAISON, etc ;) comme de « secondes funérailles », quelle serait la relation entre leur efficacité et leur répétitions ? Si ces rituels consistent en de « secondes funérailles » et en une séparation entre le monde des vivants et celui des morts, pourquoi ces rituels se répéteraient-ils dans le temps et ce, à l’égard des mêmes ancêtres ? Abandonnant d’entrée de jeu le rêve et le tromba comme cause de la planification des rituels, qui peuvent être considérés comme un fait collectif issu d’un contexte culturel particulier comprenant un ordre symbolique. En cela, la psychologie des masses de FREUD nous permet de considérer « l’individu collectif » par analogie au sujet psychique individuel.

Il est très important de s’interroger aux hypothèses de LEVI-STRAUSS sur les choix préférentiels et dualistes en fonction du sang ou de la terre dans son analyse du rapatriement des reliques et de l’accession au tombeau : « le tombeau assure une fonction presque équivalente, complémentaire à celle que remplit le mariage entre voisins pour les vivants ; il est créateur restrospectif et posthume de parenté réelle, résolutif de dualisme race/terre ».

On peut donc reprocher à Claude LEVI-STRAUSS d’avoir isolé la parenté du reste de la culture et propose de restituer le sacré au fondement de l’échange (le hasin-drazana, la puissance sacrée des ancêtres), la notion profane du « prestige » l’ayant fait disparaître. 120

Section 2 : Régulation sociale et ordre social

L’interprétation des origines indonésiennes de ces deux rituels est à rectifier car rien ne dit que les rituels indonésiens, puissent servir de calques en l’état, à des pratiques rituelles malgaches tenues pour similaires, surtout si l’on veut privilégier le singulier de l’avènement et le changement historique.

On peut onc établir une « parenté profonde » entre le rituel du bain des reliques royales, le fanompoa be ou le rituel du bain royal, le fandroana, et le rite familial, le famadihana, notamment en raison de leur « insistance répétitive » et commune des gestes d’invocation aux ancêtres aussi bien que dans le motif manifeste qui étaye l’invocation rituelle : la transmission du hasina », c’est-à-dire de la puissance sacrée.

Le système de parenté dépend des règles qui surdéterminent par exemple les alliances matrimoniales, l’adoption et l’accès des morts aux tombeaux. Ces règles remontent toutes via la filière des tombeaux jusqu’à l’ancêtre fondateur du tombeau, etc. La construction structuraliste réduirait la mort et son rite à une « simple fonction de régulation sociale assurant retro- activement la permanence du groupe » et serait inapte à interpréter notamment la violence rituelle et l’absence des conflits entre deux groupes pour l’accession d’un défunt au tombeau familial. L’analyse de la relation entre l’affection des vivants à l’égard des reliques durant le déroulement du rituel utilise les apports psychanalytiques qui nous permet de comprendre pourquoi ces rituels se répètent et pourquoi ils ne peuvent se résumer à de « secondes funérailles ». Une analyse de la notion « d’ambivalence » du point de vue de la psychanalyse permet certaines interrogations sur l’épisode relativement « violent » des rituels à l’égard des désirs incestueux auxquels on doit renoncer. Cette interprétation via le conflit de l’ambivalence tel que proposé par FREUD au sujet de la « lutte éternelle entre l’EROS et l’instinct de destruction ou de mort », se conclut sur la conversion de sentiments d’agression et de culpabilité en sentiments d’amour à l’égard des reliques, afin de maintenir l’ordre social mais surtout familial.

En effet, « le groupe familial vit dans la hantise permanente de sa division et de la discorde, de la perte de hasina, etc. ». Le rite réalise le renoncement à la division au bénéfice de l’unité supérieure du groupe, et assure la mutation de la violence en amour. Enfin, la hantise de la possible perte d’union avec la 121 puissance sacrée des ancêtres, entraînerait la répétition du rite. La violence exécutée collectivement permettrait l’appropriation et le partage par le groupe ou « l’ego collectif » (et non pas des membres individuels) de la puissance des ancêtres. Les processus psychique peut être appliqué au social, sans toutefois réduire le social aux transpositions de la psyché-individuelle. Car dans le cadre de l’évolution des rituels comme le famadihana dur les Hautes Terres et le fanompoa be sakalava, l’ordre hiérarchique et les rapports interculturels ont entraîné des emprunts culturels et des rapports de domination influents qui sont relégués au second plan, sans doute dans le but de bien souligner l’influence et la pertinence de la psyché individuelle dans l’importance de la répétition du rituel.

Section 3 : Principe de réciprocité et les trois types de légitimité de la domination

L’argent apporté par l’invité pendant le fanompoa be est appelé « mosarafa » et il se nomme « atero ka alao » dans le famadihana. Littéralement « apportez puis retirez » qui veut dire que l’argent apporté aujourd’hui par les invités sera retiré lui-même plus tard.

Pour le fanompoa be, les visiteurs et invités reçoivent une bénédiction appelée « tsodrano » venant des ancêtres (réussite, richesses, enfants, etc.)

Et au famadihana, si l’invité qui vient de donner son « kao-drazana », organise à son tour un famadihana, la famille qui l’a invité sera obligée de lui apporter aussi son propre « kao-drazana » mais avec un surplus.

C’est pour cela qu’on inscrit toujours dans un cahier le montant des sommes versées par les invités.

Tout cela nous rappelle dans une certaine mesure les caractéristiques du POTLACH (analysé par Marcel MAUSS dans son livre intitulé « Essai sur le Don », pp. 145-279) et ses trois obligations : donner, recevoir et rendre.

Le mosarafa et le kaodrazana reçus sont rendus. Au famadihana et au fanompoa be, les notions d’honneur, de prestige ainsi de respect des morts et des ancêtres sont présentes. 122

Malgré tout cela, le mosarafa et le atero ka alao n’atteignent pas le niveau complet du potlach, ils représentent des prestations totales de type agnostique, pour reprendre la terminologie de Marcel MAUSS ; mais les invités ou les organisateurs n’arrivent pas à donner tout, jusqu’à leur vie, pour rivaliser l’autre comme dans le potlach.

Donc, c’est pas le don et le contre-don que l’on entretien une alliance et une communication. Dans les pratiques rituelles comme fanompoa be et le famadihana, les dons réciproques sont destinés non à amasser des avantages socio-économiques ou à retirer des privilèges matériels pour les donateurs et les receveurs, mais à entretenir des relations d’alliance.

Les biens échangés ne sont pas des commodités économiques, mais des véhicules, des instruments de la communication. La meilleure preuve est qu’on n’hésite pas parfois à les détruire pour s’assurer un avantage de considération sociale.

Dans cet échange, personne n’y a gagné, mais il y a un plus dans ce geste que des choses échangées.

Max WEBER distingue le pouvoir de la domination. Le pouvoir (puissance) « signifie toute chance de faire triompher au sein d’une relation sociale sa propre volonté même contre des résistances ». La domination, « signifie la chance de trouver des personnes déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé ». Toutes les dominations cherchent à éveiller et à entretenir la croyance en leur légitimité. Donc, « tout rapport de domination comporte un minimum de volonté d’obéir, par conséquent un intérêt à obéir ».

Max WEBER distingue trois types de légitimité de la domination :

- la légitimité traditionnelle ; - la légitimité charismatique ; - la légitimité légale – rationnelle.

Ces trois types de légitimité de la domination sont présents dans la relation des Mlagaches avec les morts, surtout en ce qui concerne les coutumes funéraires.

Chez les Sakalava, le fait de « servir les morts » est ressenti comme « un 123 sommet de l’esclavage ». Cette pensée est dictée par la légitimité traditionnelle qui repose sur la « croyance quotidienne en la sainteté des traditions valables de tout temps et en la légitimité de ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens ».

Plusieurs esclaves sont tués lors de l’ensevelissement d’un roi (toujours chez les Sakalava). Leurs cadavres sont déposés au fond de la tombe en- dessous du corps du roi. L’idée de rester serviteurs après la mort, caractérisée par la légitimité charismatique, repose sur « la soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d’une personne, ou encore émanant d’ordres révélés ou émis par celle-ci ».

A la mort d’un grand personnage, autrefois, ches les Vakinankaratra, les esclaves particulièrement aimés de leurs maîtres, étaient secrètement désignés pour « servir le défunt ». Et on disait qu’ils sont morts non pas par un jugement mais par la « légalité des règlements arrêtés et du droit de donner des directives qu’ont ceux qui sont appelés à exercer la domination par ces moyens » : la légitimité légale – rationnelle.

Tout ceci nous incite à analyser les impacts du fanompoa be et du famadihana sur le développement et à avancer quelques suggestions.

124

Chapitre III : Impacts sur le développement et suggestions

Section 1 : Impacts sur le développement de la région

A) IMPACTS POSITIFS

Le fanompoa be et le famadihana apportent des impacts positifs dans la vie socio-économique.

La meilleure période pour se rendre à Madagascar demeure l’hiver austral, de juin à septembre. En août surtout, plusieurs famadihana se déroulent dans les Hautes Terres, entre Antsirabe et Fianarantsoa, sans oublier le fanompoa be sakalava qui est une manifestation culturelle accompagnée de festivités artistiques. Il est célébré annuellement.

Ces deux cérémonies permettent aux Sakalava et aux Vakinankaratra de tenir, garder, conserver et préserver leur culture, leur histoire, et leur identité.

Evidemment, il est important de connaître ses propres cultures et de savoir les utiliser à bon escient pour atteindre le développement. Il s’agit ici du développement individuel, personnel, mais aussi de la région comme pour les chinois et les japonais qui on su utiliser leurs traditions, us et coutumes pour arriver à un certain degré de développement et la modernisation de la vie sociale, économique.

Il existe aussi la fonction principale de la division du travail dans ces deux rituels. Cette fonction est de produire de la solidarité sociale. Le but serait d’accroître la productivité du travail : « le plus remarquable effet de la division du travail n’est pas qu’elle augmente le rendement des fonctions divisées, mais qu’elle rend solidaires ». Il est possible que l’utilité économique de la division du travail soit pour quelque chose dans le résultat, mais en tout cas, il dépasse infiniment la sphère des intérêts économiques ; car il consiste dans l’établissement d’un ordre social et moral. Comme dans le fanompoa be et le famadihana lors des répartitions des tâches entre les familles, les zana-drazana et les tompon-drazana. Chacun prend part à des tâches sans attendre l’autre dans un but de réussir ensemble et de renforcer la solidarité sociale car c’est le progrès de la division du travail qui permet de transformer la nature du lien social 125 et qui rend possible le passage d’une forme de solidarité à l’autre.

Dans cette solidarité, tout changement dans une partie se traduit par un changement dans les autres. Il peut donc y avoir un développement national si l’on se réfère au fanompoa be et au famadihana. Chaque année, la célébration du fanompoa be est assistée non seulement par les Sakalava mais aussi par les autres tribus royales malgaches. Et durant le famdihana, des familles et des familles sont invités et il y a des chercheurs étrangers qui viennent assiter. Il ne faut non plus négliger la présence de touristes étrangers venant de l’Europe, de l’Amérique du Nord, d’Afrique du Sud, qui est fortement constatée, car les citoyens de ces pays s’intéressent véritablement, sinon ont un engouement certains aux cultures, à l’histoire et aux traditions des tribus malgaches. Le développement du tourisme (culturel, d’investigation, etc.) dans la région du Boeny et le région du Vakinankaratra s’appuient largement sur le particularités propres à leurs natifs.

Dans les sociétés différentes, on retrouve pour la circulation des biens les limites que celles de l’endogamie, la sphère dans laquelle on échange dons et repas pour entretenir l’amitié (et où l’on se marie) celle, extérieure à l’endogamie, avec laquelle on n’échange pas, mais avec laquelle on se bat.

Il y a aussi trois domaines de relations :

- Celui de la famille avec coopération, solidarité, mais ni échange, ni mariage.

- Celui des alliés avec échanges, rituels d’amitié, commerce, mariage.

- Celui des étrangers, éventuellement ennemis : ni échange, ni mariage.

L’échange est ainsi un phénomène total, impliquant non seulement les biens, la nourriture, mais aussi les objets de richesse les plus précieux que sont les femmes. La prohibition de l’inceste est là pour forcer à l’échange : de même que la société réprouve la consommation unilatérale des biens destinés au partage, de même elle interdit l’utilisation par le groupe de ses propres femmes.

« La prohibition de l’inceste est moins une règle qui interdit d’épouser 126 mère, sœur, fille, qu’une règle qui oblige à donner mère, sœur, fille à autrui. C’est la règle du don par excellence ».

Le famadihana et le fanompoa be sont des facteurs qui permettent le respect de la prohibition de l’inceste car ils permettent à chaque membre de la famille de se rencontrer et de se connaître : lors de la réunion avant la cérémonie, pendant les préparatifs ainsi qu’aux événements proprement dits. Lorsque les membres de la famille se connaissent il y aura très peu de risque de l’inceste. et on peut dire qu’il ne peut pas en avoir un.

La prohibition de l’inceste peut donc être considérée comme un impact positif du fanompoa be et du famadihana car les familles stables, sans difficultés peuvent parvenir facilement à un développement et le pays se dirigera vers le développement.

En effet, l’inceste peut causer un déséquilibre dans la famille, non seulement il est une source de conflits entre les deux familles mais il représente aussi un honte vis-à-vis de la société où les deux familles sont intégrées. Il faut donc le prohiber, l’interdire et l’éviter.

B) IMPACTS NÉGATIFS

Les impacts ne sont pas seulement positifs. Le Fanompoa (pratique de tromba) et le famadihana (pratique de fanandroana) sont l’une des causes essentielles de l’insuffisance des jours de travail à cause des fady, mais aussi de la diminution du taux de scolarisation. On parle ici de travail de bureau ainsi que de travail d’agriculture. on sait que le travail d’un agriculteur est très dur et la plupart des habitants de Sambaina sont agriculteurs. D’ailleurs, Sambaina possède plus de 3.000 km2 de plaine pour la culture du riz principalement, et autres plants agricoles, d’où le nom d’Ambohibary.

En effet, 65% des Sakalava n’ont jamais connu l’école et plus de la moitié des Vakinankaratra sont des agriculteurs, surtout ceux qui habitent la campagne. Ils s’intéressent seulement à l’agriculture, l’élevage, à la tradition et au respect des fady. Car ceux qui ne respectent pas ces derniers sont maudits et punis par les ancêtres tout le restant de leur vie d’après leurs croyances.

Non seulement la baisse du taux de scolarisation mais l’insuffisance des 127 jours de travail joue un grand rôle sur le sous-développement, en ceci que toute technologie moderne susceptible d’améliorer les conditions de vie, la productivité et la production, et d’éclairer un grand nombre de la population sur les décisions à prendre, est mal acquise, mal comprise, mal maîtrisée, mal vulgarisée, mal communiquée, mal appliquée, sinon tout simplement reniée, rejetée, oubliée, incomprise et voire même interdite.

Les Sakalava ont peur de leurs ancêtres, et les Vakinankaratra ont beaucoup de respect pour les leurs. Ils les respectent du fond du cœur qu’ils n’osent pas passer de ces jours fady et faire ce qu’ils pourraient faire durant ces jours, de peur de se voir sanctionnés par une punition ou par une malédiction à laquelle ils se croient incapables de remédier. Les jours fady sont la mardi et le jeudi.

Les interdits spécifiques sont fort nombreux, en voici quelques-uns. Premièrement, on attend toujours au moins un an pour exhumer un mort, c’est- à-dire ce qui est fondamental, c’est le passage du faty lena, c’est-à-dire le cadavre frais, au faty maina, c’est-à-dire au cadavre sec. Hors de question pour un malgache de faire un famadihana sur un cadavre humide puisque les cadavres humides sont particulièrement dangereux, du fait qu’ils peuvent provoquer des maladies, ils sont particulièrement craints.

Deuxièmement, on n’exhume jamais ni le mardi ni le jeudi, et c’est la même chose pour le fanompoa be, par rapport au sens de ces deux mots, ce qui est tout à fait intéressant.

Mardi, parce que mardi se dit en malgache talata gorobaka et qu’on pourrait traduire par mardi éventré, alors si on exhume un « mardi éventré », et bien le tombeau ne pourrait pas être fermé, et donc ça entraînerait évidemment des morts car un tombeau ouvert entraîne toujours des morts en chaînes.

Le deuxième jour qui est interdit, c’est le jeudi c’est-à-dire Alakamisy, ala, alaka signifie enlever, donne une idée d’enlèvement, mais en tout les cas misy signifie « il y a », c’est l’explication traditionnelle ; ce sont les ancêtres qui le disent. Mais au futur hisy, qui veut dire « il y aura ». Donc il y aura d’autres morts en chaîne si on exhume un jeudi.

Donc pendant une semaine, ils ne travaillent que trois jours au lieu de 128 cinq, en un mois, ils ne travaillent donc que douze jours sur trente (que ce soit aux champs ou au bureau) au lieu des vingt à vingt-deux. Ainsi, dans une année, ils perdent plus de deux-cent-dix jours à cause de ces fady plus les jours fériés pour les travailleurs au bureau.

Effectivement, il y aura un retard de travail, par rapport aux autres travailleurs, et également par rapport aux autres régions. Un développement socio-économique rapide, soutenu et durable ne peut s’appuyer sur cette conception et vision de la vie.

Les énormes dépenses de ces deux coutumes ont des impacts négatifs sur l’économie de la famille organisateur que celle de la famille invité et cela peut avoir un effet sur le développement de la région ainsi que du pays. Après le famadihana, des familles sont en situation économique très critique même si d’autres ont pris des avantages, et on sait que ces avantages se transforment en pertes ou en dépenses pour la famille avantagée lorsqu’un jour elle est invité à un famadihana. A quoi bon économiser de l’argent pendant plusieurs mois ou même un année (pour préparer la cérémonie) si c’est pour le dépenser en deux ou trois jours ?

Pendant ces deux cérémonies, le toaka gasy et le barisa, boissons alcooliques sont permis aussi bien pour les hommes, pour les femmes que pour les enfants. Cela constitue une menace sur l’avenir et l’éducation des enfants car ils risquent d’avoir l’habitude de boire en sachant que la période du famadihana dure de 3 à 4 mois. Les enfants sont obligés de s’absenter de l’école lorsqu’uil y a un famadihana dans la famille. Cela peut durer deux ou trois jours voire même une semaine.

Si la femme devienne alcoolique, sa famille court un grand danger car elle ne pourra plus s’occuper de sa famille comme avant et son comportement peut affecter l’avenir de ses enfants ainsi que leur comportement. Sa famille se trouvera au milieu des conflits chaque jour et cela peut déboucher à une séparation des corps.

Sans solidarité sociale, personne ne peut parvenir à une transformation ou changement. Elle brisera sa famille, son mariage, et mettra en danger l’avenir de ses enfants. 129

Section 2 : Suggestions

A) RÔLE DE L’ETAT

Les Pouvoirs publics ont l’obligation d’assurer une éducation et un enseignement adéquats pour toute la population à des fins de développement, et d’apporter des réformes nécessaires aux traditions et aux pratiques pour mener à bien leur mission. Malheureusement, ils n’ont pas donné aux traditions le poids qui convient.

La région a tendance à invoquer ses traditions pour ne pas affecter les ressources adéquates propres pour le processus de développement. L’Etat peut, en outre, sensibiliser directement les gens de la campagne , par exemple, en envoyant des instituteurs enseignant les us et coutumes de chaque tribu dès la classe primaire, faire visiter aux élèves les musées et temples dans le but de montrer et démontrer que tout ça, c’est du passé, révolu, du désert livide.

Pour les employeurs et le patronat, il leur incombe évidemment de surveiller le travail de ceux qui ont des jours fady, et de les faire travailler, par exemple, le samedi en sortant un peu plus tard que les autres employés pour rattraper le temps perdu. Ils peuvent également les conseiller d’arriver plus tôt au bureau ou à l’usine et d’emmener à la maison le travail non terminer si c’est le cas et si besoin est.

B) RÔLE DES PARENTS ET DES EDUCATEURS

Au sujet des parents ; ils retirent leurs enfants de l’école pour les jeter dans la vie traditionnelle et à les livrer à la pratique des tromba car ils pensent que l’école éloigne leurs enfants des traditions et craignent d’être accusés à tort (par leur tribu) de comportement irresponsable. Au contraire, il serait plus efficace, sinon efficient, de débattre du problème avec les enfants, de les apprendre les us et coutumes des traditions, et aussi de l’histoire de leur région sans les contraindre de les respecter.

Sur le rôle central joué par les enseignants. Il leur incombe de transmettre aux élèves la connaissance des traditions. Ils doivent aussi inculquer aux élèves l’envie de savoir et de connaître. Ils peuvent également leur apprendre à suivre parallèlement l’école et les traditions et enfin de les adapter à la situation 130 prévalante.

C) RÔLE DES MÉDIAS

Quant aux médias, ils jouent un très grand rôle sur les informations concernant ces traditions. Ils peuvent montrer, à travers des reportages, les conséquences du fait de s’attacher trop aux traditions, non seulement, le côté négatifs, mais aussi le côté négatifs (l’abêtissement, l’ignorance, le refus du progrès, etc.) source de la pauvreté. En outre, les médias sont aussi responsables du côté de l’encouragement de chaque citoyen à voir le bon côté des traditions et les concilier à la modernisation

Faire connaître à tout le monde l’importance de savoir sa propre culture ainsi que de connaître celle des autres est plus que jamais nécessaire pour le développement et la modernisation de son pays. Aucun développement ne pourrait être envisagé sans connaître la culture, l’histoire, etc. dans le but d’en extraire des analyses, d’en décortiquer les freins et obstacles pouvant nuire à toute action d’épanouissement culturel et de développement socio-économique. L’exemple est donné par certains pays d’Asie qui ont su concilier traditions et modernisation, qui ont su « façonner » leurs traditions et pratiques religieuses pour les besoins du développement 131

CONCLUSION

Pour les malgaches, la mort est aussi importante que la vie. Ils pratiquent avec ferveur le culte des morts en bâtissant et en entretenant des monuments funéraires somptueux. Ils espèrent ainsi en être récompensés en attirant la bénédiction de leurs aïeux qui leur donnera bonne santé, fertilité et richesse, avant d’accéder et même, un jour, au glorieux statut d’ancêtre immortel.

Nombre de vieux malgaches respectent les traditions et restent en dehors du Zomba be lors du Fanompoa be ou le bain des reliques. Leur silence, leur visage et l’ombre de leurs yeux devant les étrangers les poussent à focaliser leur attention sur les relations existantes entre les Merina et les Sakalava depuis 1824. Des scènes tristes et tragiques. Il n’y a pas de discontinuité entre le passé et le présent, le contemporain et le moderne, car tout objet transmet à chaque moment, sans restes, le système de croyances et les notions qui y sont fondées de l’expression.

Pour être plus précis, dans le système de ce genre, il est impossible de parler de la culture indépendante de sa transmission car il n’y a pas de de trésor d’idées collecté, ni de conduites qui constituent la séparation d’objet de transmission sont la valeur et la réalité.

Il est indispensable de répondre à la question d’ancienneté historique du rite et aussi de ses variations historiques et changements, et essayer de tenter de résoudre l’énigme du nom des rites famadihana et fanompoa be.

Manifestement, le fanompoa be, une manifestation culturelle caractérisée par le bain des reliques royales honorant et respectant les ancêtres ainsi que le famadihana ou retournement des morts, consistent à exhumer des morts familiaux pour renouveler des linceuls. Ils, coutumes funéraires mais totalement différents (nominations, formes, déroulement) organisent le rapport entre vivants et morts, donc aussi du passé et du présent. Dans le champ laissé vacant par l’interruption du récit historique, en l’absence d’initiatives du pouvoir, les individus assument cette relation sans laquelle le présent perd tout sens.

Ce que nous aurions aimé montrer dans cette recherche, c’est la comparaison du fanompoa be et du famadihana, leur place au sein de la société 132 moderne malgache et aussi à leur importance face à la modernisation. En outre, la richesse, la vie et la vigueur et force de cette tradition ne sont pas opposées à la modernisation, mais c’est le partage des pratiques et des connaissances qui est mal communiqué.

Cherchez votre chemin, votre fomba, à travers le dédale de vos lectures et de vos discussions, vous le trouverez. Vous en arriverez à la conclusion que toutes les cultures ont répondu aux mêmes questions vitales pour l’homme. nous sommes tous issus du même ancêtre : le premier être humain. Comme le dit un dicton malgache : « les êtres vivants sont comme les ramifications d’une citrouille, à la force de chercher, on trouve une même origine ».

Aujourd’hui, les psychanalystes disent que pour mieux vivre, il faut préparer la mort. Ils semblent redécouvrir ce que la société malgache connaît et pratique depuis toujours.

« La tradition est la communauté de comprendre que les participants d’un dialogue partagent le même langage » et pourquoi pas la même pratique et la même foi, et le même engagement.

Les traditions malgaches sont complètement historiques, non seulement situées dans moment particulier de l’histoire, conscientes et capables de décrire leur propre histoire pour former le présent incapable de faire autrement.

Une société qui n’a pas sa propre histoire ne peut pas répondre à une telle considération, profonde, autonome du présent.

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50 RUSILLON (H): “Un culte dynastique avec évocation des morts chez les Sakalava de . Madagascar, le tromba”, Librairie Alphonse Picard et fils, Paris,1912

51 RENEL (C.) : “Anciennes Religions de Madagascar”. Ancêtres et Dieux. Editions G. Pitot de la . Beaujardière, Tananarive 1923.

C) Documents télévisés

- Emission « Misy raha la terre : Ho tsara levenana ny maty » du mardi 25 octobre 2005 de 21 heures sur TV PLUS, animée par KOTONIAINA .

- Emission « Talk Gasy : Fanandroana sy ny Finoana » du dimanche 11 déc 2005 de 20 heures sur RTA, animée par Guilot RAMILISON et Steve MANIRY. D) Documents sur Site Web

1) ww w.primeminister.com

2) ww w.haisoratra.org

3) ww w.madamaki.com

4) ww w.ethnology.gasy.org

5) ww w.photolagarde.com

6) html/retournement.html TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS...... 3 SOMMAIRE...... 5 AVANT PROPOS...... 6 INTRODUCTION...... 7 METHODOLOGIE...... 10 Partie I : L’UNIVERS TRADITIONNEL ET LE CHRISTIANISME...... 13 Chapitre I : Rites et croyances religieuses...... 13 Section 1 : Sikidy et Fanandroana...... 13 Section 2 : Fady, taha, fatidrà...... 24 Section 3 : Le Tromba...... 29 Chapitre II : La Conception de la mort chez les malgaches...... 34 Section 1 : La mort et le mort...... 34 Section 2 : Les secondes funérailles et la terre ancestrale...... 37 Section 3 : Le culte des ancêtres...... 40 Chapitre III : Le Christianisme...... 43 Section 1 : Origine du christianisme...... 43 Section 2 : Les rites chrétiens...... 46 Section 3 : D’Andriamanitra à Dieu – vers un Christianisme à la malgache...... 48 Partie II : EXEMPLES DE COUTUMES FUNERAIRES...... 55 Chapitre I : Présentation du fanompoa be et du famadihana...... 55 Section 1 : Description...... 55 Section 2 : Motivations...... 67 Section 3 : Dépenses...... 71 Chapitre II : Ressemblances et Similitudes...... 76 Section 1 : Relations avec les morts (coutumes funéraires)...... 76 Section 2 : Respect de l’origine et demande de bénédiction...... 78 Section 3 : Solidarisme familial...... 80 Chapitre III : Discordances...... 82 Section 1 : Nominations...... 82 Section 2 : Déroulement...... 86 Section 3 : Les formes...... 92 Partie III : ANALYSES ET SUGGESTIONS...... 100 Chapitre I : Analyses et précisions...... 101 Section 1 : Fanompoa be...... 101 Section 2 : Famadihana ...... 105 II.Le jour du Famadihana...... 110 Section 3 : La reconstruction du lien avec les ancêtres...... 111 Chapitre II : Fonctions sociales...... 119 Section 1 : Compréhension et analyse du rituel...... 119 Section 2 : Régulation sociale et ordre social...... 120 Section 3 : Principe de réciprocité et les trois types de légitimité de la domination...... 121 ...... 123 Chapitre III : Impacts sur le développement et suggestions...... 124 Section 1 : Impacts sur le développement de la région...... 124 Section 2 : Suggestions...... 129 CONCLUSION...... 131 ...... 132 BIBLIOGRAPHIE...... 133 ANNEXE 1 : Madagascar...... 141 Population & Langues...... 141 ANNEXE 2...... 156 ANNEXE 3...... 157 ...... 157 LISTE DES TABLEAUX...... 159 LISTE DES ILLUSTRATIONS...... 160 LISTE DES ACRONYMES...... 161 GLOSSAIRE...... 162 annexe

1 – Madagascar

2 – Directions cardinales astrologiques, espace domestique et signification anthropologiques des points cardinaux à Madagascar

3 – Plan du Doany Ndramisara Efadahy Manankasina

4 – Généalogie simplifiée des souverains de l’Imerina ANNEXE 1 : Madagascar Population & Langues La Population Madagascar compte aujourd’hui environ 15 Millions d’habitants . La population descend essentiellement des Malais et des Indonésiens arrivés sur l’île il y a plus de 1500 ans. La population est très jeune, puisque plus de la moitié à moins de 26 ans. Elle qui croît déjà rapidement, devrait doubler d’ici 2015.

La population se compose d’Européens, de Comoriens, d’Indiens, de Pakistanais et de Chinois et en majorité « d’ethnies » malgaches. Les Français, nombreux sur l’île sont appelés les « Vazaha » et ceux nés sur l'île même sont des 'Zazatany', ce qui signifie enfants du pays.

Si on parle « d’ethnies » à Madagascar il est cependant plus juste de parler de peuples. Ceux-ci se distinguent par leurs traditions et une identité propre à chacun d’eux mais partagent la même langue : le malagasy. On distingue donc 18 « peuples » différents sur l’île dont la répartition géographique correspond à d’anciens royaumes.

Certains peuples se distinguent par leur origine : les Merina de la région d’Antanarivo et les Betsileo de la région de Fianarantsoa sont plus marqués par leur origine indonésienne, alors que les Sakalava de la côte Ouest sont plus proches des peuples africains de l’Est. Les 18 peuples de Madagascar Antaifasy : « ceux qui vivent dans les sables ». Côte Est, région de Farafangana. Antaimoro : « ceux du littoral », principalement d’origine arabe. Côte Est, région de Manakara conservent d’anciennes traditions islamiques. Antaisaka: « ceux qui viennent des Sakalava ». Réputés pour leurs qualités de combattants. Côte Est, région de Vangaindrano. Antambahoaka : « ceux du peuple », suivent certaines traditions islamiques comme l’interdit de la viande de porc. Côte Est, région de Mananjary. Antankarana : « ceux qui viennent de l’Antakara », ont des influences islamiques. Sont surtout des pêcheurs et des éleveurs. Nord, région de Diego Suarez. Antanosy : « ceux de l’île ». Ont un mode de vie régie par de nombreux tabous. Sud, région de Fort Dauphin. Antandroy : « ceux des épines ». Sud, région d'Ambovombe. Bara : Ils ont le type africain. Sont généralement gardiens de zébus. Centre-Sud, région de Ihosy. Betsileo : « les nombreux invincibles ». Principalement des riziculteurs et artisans du bois. Dans la région de Fianarantsoa. Betsimisaraka : « ceux qui sont solidaires », Cultivateurs de girofle, de café et de canne à sucre, les Betsimisaraka sont les spécialistes de la 'Betsa-Betsa', jus de canne fermenté.

Dans la région de Tamatave:

Bezanozano : « ceux aux nombreuses petites tresses ». Est, région de Moramanga. Mahafaly : « qui rend tabou ». Sont de grands sculpteurs, spécialistes des alo-alo. Sud- Ouest, région de Betioky et Ampanihy. Merina : « ceux des hauteurs ». Ont le type asiatique plus marqué. Région d'Antananarivo. Sakalava : « ceux des longues vallées ». Ouest, de Tuléar à Nosy Be. Sihanaka : « ceux qui errent dans les marais ». Agriculteurs. Est, région d'Ambatondrazaka. Tanala : « ceux qui vivent dans la forêt ». Dans la région forestière de l'Est. Tsimihety : « ceux qui ne se coupent pas les cheveux ». Grands éleveurs et riziculteurs. Région du Nord-Centre Zafisoro : Est, région de Farafangana. Zafisoro : Rivaux des Antaifasy, ils vivent tout comme eux dans la région de Farafangana. Les langues du pays La langue malgache appartient au groupe des langues austronésiennes, ou malayo- polynésiennes, tout comme l’indonésien. Elle s’est influencée à la fois des concepts bantous, de l’arabe et des langues européennes. Si sa structure reste austronésienne, son vocabulaire est d’inspiration diverse : les noms d’animaux domestiques viennent du bantou alors que l’astrologie, les jours et mois ainsi que les concepts religieux sont issus de l’arabe.

Toutefois aujourd’hui le français est dominant, ce qui pose problème pour une grande partie de la population, notamment en campagne, qui n’utilise que des dialectes. L’importance du français dans l’île vient de la période pré-révolutionnaire durant laquelle l’enseignement du français débutait dés la maternelle. En 1972, durant les événements de mai, les étudiants réclamèrent un enseignement adapté à la réalité malgache. Mais l’enseignement universitaire étant toujours donné en français, les élèves issus de la « malgachisation » étaient en décalage. Le français est donc redevenu la langue principale depuis 1993.

Religion La religion et les croyances Le peuple malgache d’origine complexe a des croyances et des coutumes diverses et très particulières. La croyance traditionnelle sur l’île est celle qui admet l’existence d’un seul Dieu omniprésent, le Dieu Créateur « Zanahary » ou « Andriamanitra », dit « le seigneur parfumé ».

Cependant, Madagascar porte un culte beaucoup plus important à leurs ancêtres défunts et se rattachent plus facilement aux ancêtres divinisés appelés « Razana ». Ce culte est une célébration de la science de la vie et serait défenseur de la vie sur la terre, matérielle et spirituelle. Le dieu « Razana » est invoqué à toutes les grandes occasions de la vie : mariage, construction d’une maison ou d’une pirogue, naissance d’un enfant, etc. A ces occasions, on lui offre en sacrifice des animaux (poulets ou zébus) ou des aliments (rhum, miel, etc.).

Selon la croyance malgache, certains sinistres comme les accidents ou les maladies seraient les conséquences d’un manquement au culte des ancêtres. Ce serait un châtiment infligé par exemple à ceux qui auraient violé un « fady » (tabou). Les ancêtres garderaient leur individualité et leurs attaches familiales. Leur pouvoir est révélé à travers les « ordres sacrés » qui dictent l’organisation politique, culturelle et médicale de la famille ou de la communauté. L’importance de ce culte voué aux ancêtres explique l’ampleur de l’art et des rites funéraires dans certaines régions.

Les autres religions à Madagascar En dehors de la religion traditionnelle, Madagascar compte environ 40% de chrétiens qui se répartissent à travers 4 grandes églises ainsi que 200 000 musulmans, implantés principalement sur la cote Ouest et dans la capitale. Les musulmans représentent environ 10% de la population malgache.

Le christianisme Si l’évangélisation a été réussie à Madagascar, cela est dû en grande partie à la souplesse des missionnaires européens qui ont réussi à adapter la religion chrétienne à celle des malgaches, fondamentalement monothéiste. Les deux religions s’associent grâce à des similitudes comme notamment la résurrection du Christ qui peut facilement être admise pas les malgaches croyant en une mort sans ruptures mais par une transition vers une autre vie. La religion protestante domine les Hautes Terres alors que la religion catholique règne dans les régions côtières. Cette schématisation semble simpliste, mais elle est le fruit de l’implantation des différents missionnaires français et anglais dans les différentes régions de Madagascar. Dans certaines villes importantes comme Antananarivo et Fianarantsoa, les deux religions cohabitent parfaitement et le paysage est ponctué de clochers d’églises avoisinant ceux des temples.

L’animisme Inspiré des rites orientaux, l'animisme est à vrai dire la religion des ancêtres. C'est à ce titre que même les chrétiens s'y attachent.

L’islamisme Importé par les marchands arabes, il s'est considérablement dilué dans la civilisation malgache construite par des apports de tous horizons.

Les rites malgaches Les rites funéraires en Imerina : le défunt est lavé, habillé et enveloppé d’un linceul traditionnel, en soie, le « Lamba Mena ». Après avoir été exposé quelques temps à ses proches, il est mis en bière et transporté jusqu’au tombeau. Ce transfert est l’occasion d’un dernier voyage sur les propres terres du mort. En pays Mahafaly et Antandroy, la cérémonie peut durer plusieurs jours et son importance variera selon la richesse du défunt. Le rite débute par le transport du cercueil. Il est porté par des hommes qui dansent sur un rythme saccadé alors que les femmes les accompagnent en battant des mains. Porté au tombeau et enterré, un monument est ensuite élevé à la mémoire du défunt. Cette cérémonie se déroule sur plusieurs jours accompagnée de sacrifices d’animaux dont le nombre augmente selon la richesse du défunt. Ce sont quelquefois des centaines de têtes qui feront l’objet du sacrifice. Les croyances La mort La mort, pour la religion traditionnelle malgache, marque le passage du rang d'être humain au haut rang de Razana. Trois cérémonies importantes accompagnent la mort. Il s'agit des funérailles, du 'Famadihana' (exhumation) et des sacrifices. Le Famadihana ou retournement des morts : ce n'est pas une simple tradition, mais entre dans le domaine profond de la culture malgache. L'objectif est de 'rapatrier' les descendants d'une même lignée dans un même environnement, voire dans un même caveau. Cette cérémonie festive est l’occasion de purifier un défunt en lui changeant son linceul. Ce rituel se fait selon un ensemble de rites précis : le corps du défunt est exhumé du tombeau puis enveloppé dans une natte. Il est ensuite porté par deux hommes alors qu’un procession de proches suit le corps en chantant et en jouant de la musique. Après avoir reçu des onctions de miel, de tabac, de riz ou d’alcool, le défunt est ensuite enveloppé dans un nouveau linceul. La coutume veut qu’on fasse ensuite tourner le corps cette fois autour du tombeau avant de le redéposer dans son caveau. La cérémonie est clôturée par un discours en mémoire du mort et à la destinée des vivants.

Les fady 'Fady' peut se traduire par tabou. L'autorité de 'Razana' est dictée à travers des ordres qui s'accompagnent des 'fady'. Enfreindre un fady équivaut donc à se rendre coupable envers les ancêtres. De nombreux interdits se créent en fonction de chaque personne selon son sexe, son appartenance familiale ou communautaire, selon le lieu (espace) et la période (le temps).

Le fomba (la coutume) L'usage peut au fil du temps dériver sur une tradition. Or, s'opposer à la coutume entraînerait un châtiment de la part des ancêtres. La coutume veut par exemple qu'avant de boire ou de partager une boisson au cours d'un évènement on verse en guise d'offrande aux ancêtres un peu d'alcool sur le sol (symbolisant la terre).

La Famorana La circoncision des garçons malgaches dès leur jeune âge, est l'héritage des croyances hybrides hébraïques et animistes. Elle se pratique à l'hôpital ou à la maison familiale par un médecin agréé quelle que soit l’ethnie ou la religion d'appartenance. Cette manifestation se fait généralement dans une ambiance festive. L’opération de circoncision est indispensable à la virilité de tout enfant pour qu’il assure la postérité. L'artisanat L’artisanat malgache est particulièrement riche en couleurs et en matières naturelles tirées des nombreuses ressources de l’île. Le phénomène de mode de recherche de matériaux authentiques permet aujourd’hui à Madagascar de développer son fort potentiel artisanal. Essentiellement constitué de tissus, de bijoux, de vannerie de bois sculptés ou encore de pierres taillées, certains éléments de l’artisanat de Madagascar sont reconnus internationalement. Le papier « Antemoro » Fabriqué selon les procédés authentiques « Antemoro », donc entièrement réalisé à la main et séché comme autrefois au « clair de lune », ce papier est de couleur blanc écru. Il est fait à partir d’une pâte d’écorce pilée, ce qui lui donne son aspect épais et granuleux. On l’utilise pour les reliures, le papier à lettre ou les enveloppes, les abats-jours ou les tapisseries. L’incrustation de fleurs séchées le rend particulièrement décoratif.

Les pierres Le sol de l’île est riche en minéraux de toute sorte. Les Malgaches en font une exploitation restée artisanale. Les lapidaires transforment toutes les pierres rares de Madagascar : onyx, agate, rubis, émeraude ou quartz et en font des objets divers. Vous pourrez ainsi vous procurer des objets décoratifs variés que ce soit des boules, des cendriers, des œufs polis ou encore des jeux de solitaire.

Les vanneries Cet artisanat est particulièrement répandu sur l’île. Les Malgaches fabriquent de nombreux objets utiles en matière végétale, comme le raphia, le jonc, les palmes de palmiers ou de cocotiers. Ils utilisent notamment ces fabrications pour les couvertures de toiture ou les cloisons d’habitation. Vous dénicherez facilement de très beaux chapeaux, paniers ou nattes de toutes les couleurs et de toutes les formes.

Les objets de récupération La récupération est un moyen trouvé par les habitants pauvres de l’île pour survivre. Cette pratique est aujourd’hui devenue un art. Les cannettes, les boîtes de conserves ou la tôle de récupération sont transformées en arrosoir, gobelet ou bidon. Les matériaux les plus colorés deviennent des jouets ou des maquettes reproduisant les taxis brousses locaux, les jeeps ou encore les avions d’Air Madagascar.

L’art Zafimaniry Cet art est lié au groupe ethnique 'Zafimaniry' qui vit dans une région de forêts, au Sud- Est d'Ambositra. Réputés pour leur travail sur bois, de marqueterie, les Zafimaniry réalisent de nombreux objets usuels tels que des coffres en bois sculptés, des boîtes à miel, leurs cases, des volets ou des sarbacanes. A Ambositra, où se sont implantées des missions religieuses, un artisanat plus commercial à émerger avec une production en atelier de statuettes, de jeux d’échecs, de meubles ou autres sculptures.

Les instruments de musique Les instruments traditionnels utilisés lors des fêtes et des cérémonies sont fabriqués à partir de cuirs, de bois ou de bambous. Le Valiha : instrument à corde composé d’un corps en bambou et de multiples cordes tendues autour du corps. Des modèles de tambours, de cithares ou flûtes. Des 'djembé' de qualité sont fabriqués localement par des spécialistes des percussions.

L’artisanat malgache est encore très riche, on peut notamment citer d’autres fabrications comme les bijoux, le tissu, les batiks, et les peintures sur soie. L'architecture L’art funéraire sacré est très important à Madagascar. Le respect porté aux ancêtres malgaches est très fort et génère une production architecturale funéraire riche.

L’architecture funéraire est différente selon les régions de l’île :

Dans les Hautes Terres Dans le pays Betsileo, les caveaux sont surmontés d’un entassement de pierres plates et plantés de Vatohaly. Ces pierres levées indiquent le nombre de défunts enterrés à cet endroit. Les tombes sont généralement bâties au sommet de rochers, pour être visibles de loin.

Dans le Sud-Est Dans l’Anosy, on peut trouver des ensembles de dizaines de mégalithes formés par des pierres commémoratives. Elles se trouvent à proximité des tombeaux, des poteaux entaillés (alo-alo), desquels surplombent des sculptures d’oiseaux notamment. On peut voir ce type de monuments, en bordure de forêt entre Fort Dauphin et Sainte Luce.

Dans le Sud Les Bara érigent également des mémoriaux surmontés de figurines d’oiseaux. Ils se distinguent par le caractère géométrique des motifs. Le Musée de l’Homme de Paris a conservé un modèle de ces poteaux, qui représente une femme avec son enfant. Chez les Antandroy et les Mahafaly, les tombes sont de grandes tailles allant jusqu’à 15m de côté et 1,50m de hauteur. Les motifs représentés sont notamment « la croix mahafaly ». Leur sommet est planté de poteaux de bois sculpté, d’une hauteur allant jusqu’à 2m. Ces poteaux appelés les alo-alo sont représentatifs de la personnalité du défunt. On peut ainsi voir régulièrement des poteaux décorés de sculptures de gendarme, de cycliste ou d’avion, etc.

Dans l’Ouest Les sculptures des tombes les plus anciennes représentent souvent des personnages ou des oiseaux sacrés, comme les hérons. Plus récemment, on a vu apparaître de nombreuses sculptures érotiques, leur message restant toujours mystérieux. Les tombes les plus célèbres se situent dans la région de Morondava. Les Malgaches accordent beaucoup d’importance aux tombes funéraires pour lesquelles ils dépensent souvent plus d’argent que pour leur propre habitation, qui elle reste souvent précaire.

La musique Musique et fêtes La musique est prédominante dans la vie des malgaches. Que ce soit à l’occasion de fêtes communautaires, familiales, de cérémonies religieuses, traditionnelles (messes, exhumation, circoncision) ou de veillées mortuaires, les Malgaches chantent, écoutent de la musique ou dansent. Elle fait partie de leur vie quotidienne culturelle et sociale. Toute occasion est un prétexte à faire la fête. Celle-ci est souvent accompagnée d’un bal, animé en brousse par l’orchestre local. Son déroulement suit un protocole très précis : après l’hymne national, la plus haute personnalité ouvre le bal par l’Afindrafindrao. Sur cette musique d’introduction, tous les participants forment une chaîne symbolique et tournent par couple autour de la piste. Après cela, les musiciens sont libres de jouer tous les types de musique. Toutes les ethnies ont des types de musiques différents. Le chant (a capella) et les battements de mains sont essentiels dans la musique malgache.

Les musiques par régions :

-Dans les régions côtières, les rythmes sont généralement rapides et répétitifs. Des rythmes aujourd’hui célèbres ont vu le jour dans ses régions. Le Salegy dans le Nord ou encore le Tsapika dans le Sud, issus des musiques traditionnelles d’autrefois sont aujourd’hui particulièrement appréciés par les jeunes. Accompagnée d’alcool ou de chanvre cette musique les mène souvent à la transe. Leur danse, rapide est très physique, saccadée, voir érotique. Des groupes comme Jaojoby ou Tirike sont des troupes de Salegy et de Tsapika ayant un grand succès dans l’île auprès des jeunes.

-Dans les Hautes Terres, la musique est beaucoup plus solitaire, douce et exprime les sentiments de manière beaucoup plus discrète. Les rythmes sont beaucoup plus lents. Cette région a également vu naître des chanteurs célèbres, le plus représentatif étant le groupe . Populaire depuis plus de 25 ans sur l’île, il a fait émerger un courant de chansons populaires à textes. Son leader Dama est une véritable star dans l’île. D’autres chanteurs se démarquent à l’image d’Eric Manana ou de Samoela, issus du courant contestataire.

-La région de Tananarive est célèbre pour ses chants religieux principalement protestants.

Les Hira Gasy (chansons malgaches)

Dans les Hautes Terres, s’exerce une tradition particulièrement populaire : celle des Hira Gasy. Ces spectacles de danse, de musique et de conte sont une forme d’expression unique dans l’île. Situées entre le théâtre et l’opéra, ces spectacles sont conçus, écrits et chantés par les paysans. Si le public est constitué majoritairement de paysans, ceux-ci sont appréciés de toute la population malgache. Composés de vingt-cinq personnes, soit de dix huit hommes et cinq femmes, la représentation se fait sous forme de compétition. La troupe gagnante sera celle qui aura le plus émue, le plus captivée le public et celle dont les costumes seront les plus originaux.

La représentation débute par un Kabary, un discours par le doyen de la troupe. Il remercie les ancêtres et salue le public. La suite est une illustration du message lancé lors du Kabary, à travers des chansons et des danses acrobatiques et accompagnées des musiciens (trompettes, tambours, flûtes et clarinettes). Les sujets abordés dans les spectacles sont souvent la vie, les ancêtres, l’amour, la mort, le travail ou encore d’autres thèmes de prédilection à Madagascar comme la protection de la nature, le contrôle des naissances, la solidarité entre pauvres ou la prévention du sida. Plus qu’une forme artistique l’Hira Gasy est une occasion pour les Malgaches de partager leur vision du monde.

Les troupes professionnelles d'Hira Gasy, se produisent chaque dimanche après-midi au 'Tranom-pokonolona' ou maison populaire, dans le quartier d'Isotry à Antananarivo. 148 Les instruments traditionnels

Il existe des centaines d’instruments différents à Madagascar. Les flûtes, les tambours, les clarinettes ou les percussions sont les plus courants. Deux instruments traditionnels prédominent pourtant pendant les fêtes et cérémonies malgaches. Le Valiha : une variété de cythare (petite harpe) fabriquée en bambou et entourée de nombreuses cordes. On retrouve avec cet instrument l’influence austronésienne. Vous pourrez assister à des concerts de Valiha donnés par Sorajavona et Doné Andriambaliha à Tananarive. Le plus grand joueur de Valiha est actuellement Justin Rakotondrasoa, dit Justin Vali, le descendant d'une lignée de joueurs de valiha. Le Kabosy : sorte de guitare hawaïenne. C’est l’instrument privilégié des pauvres. Le Gorodao : accordéon diatonique introduit dans les orchestres locaux dans les années 1950. Le Lokanga : violons traditionnels à trois cordes. Le Marovany : sorte de cithare. La Sodina : flûte traditionnelle.

La musique malgache aujourd’hui

Si la musique malgache est très riche, variée, et prédominante dans la culture de l’île, elle a pourtant mis du temps à se faire connaître en dehors de son territoire. La musique de Madagascar issue d’un important métissage à la fois asiatique, africain, arabe et même européen a su résister à l’invasion de la musique occidentale. La chanson malgache a connu un essor important vers 1972, l’année de la révolution. Elle a ainsi vu naître de nombreux chanteurs contestataires, comme notamment Rossy et Mahaleo. A l’époque, des groupes prônaient une identité malgache forte en intégrant des textes en malgaches et des rythmes traditionnels. Ils sont aujourd’hui toujours aussi populaires et donnent régulièrement des concerts dans l’île. Depuis 1986, un salegy-rock a vu le jour, impulsé par le guitariste Eusèbe. Le vaqu'sauv, rap malgache renouant avec la tradition des joutes orales, est très en vogue dans la jeunesse des grandes agglomérations urbaines. Les rythmes les plus populaires actuellement sont des rythmes très rapides et festifs comme le salegy mais également la soukouss, le kwassa-kwassa, le mbaganga, le reggea, le zouk ou le benga.

Les cérémonies et rituels Dans les hautes terres, le premier jour de l’année lunaire est marqué par l’Alahamadibe. On implore à cette occasion la bénédiction de Dieu et des ancêtres par des séances de purification et des sacrifices de zébus. Sont réunis ce jour là tous les participants autour d’un grand repas, toujours accompagné de danses et de chants.

En juin, le Fisehagna est célébré dans la province de Diegó Suarez afin de conjurer les malédictions d’un mois généralement néfaste pour l’île.

Tout l'hiver austral se place sous le signe de la circoncision, du retournement des morts, et de l'hommage aux ancêtres. La circoncision s'appelle Famorana sur les Hautes Terres ou Tolaza chez les Betsimisaraka du Sud. La cérémonie la plus spectaculaire est le Sambatra de Mananjary qui a lieu tous les 7 ans en Octobre. Il s'agit d'une circoncision collective de tous les enfants mâles de la région. La fête dure une semaine mais nécessite un mois de préparation.

L'hiver est la période où l'on donne de nouveaux linceuls aux morts. Le Famadihana sur les Hautes Terres, est une période durant laquelle il n'est pas rare que des familles promènent les dépouilles de leurs disparus dans les rues. On a également le Ati-Damba dans la province de Tamatave, toujours accompagné de l'incontournable sacrifice des zébus.

En juillet, les Sakalava du Boina (Province de Majunga) se réunissent pour le FANOMPOAMBE. Les alentours des sanctuaires sont nettoyés, des offrandes de miel et d'alcool sont faites aux ancêtres, et on procède au bain des reliques sacrées.

En Août, seulement tous les 5 ans, les Sakalava du Menabe se donnent rendez-vous à Belo sur Tsiribihina pour le FITAMPOHA où l'on fait allégeance au roi coutumier tout en demandant la bénédiction de Dieu et des ancêtres. La cérémonie qui dure une semaine (exceptés le lundi et mercredi, jours néfastes) est marquée par des chants, des danses, des sacrifices de zébus, ainsi que le bain des reliques royales qui en est le temps fort.

Tous les 5 ans également, le Nord vibre pour le TSANGA-TSAINA ou Cérémonie du Mât, qui est la plus grande fête Antakarana. Le mât s'identifie à la virilité et au roi, alors que le sol où il est planté représente la fécondité et la terre-mère. Le Tsanga-Tsaina raffermit les liens entre les descendants du roi Tsimiharo et consacre le pouvoir du souverain. Marqué par de nombreuses festivités : pèlerinage à l'île Mitsio et dans les grottes de l'Ankarana, choix et façonnage du bois du mât, danses, chants et salves de fusils, levée du drapeau national et de celui à croissant et étoiles rouges du roi, cette fête traditionnelle est la plus impressionnante de la Grande Ile. La littérature La littérature malgache est apparue vers 1850, lorsque l'historien Raombana a rédigé 8 000 pages racontant le règne de Ranavalona I. La littérature et la poésie modernes se développent dans les années 30 et 40, en particulier sous la plume de Jean-Joseph Rabearivelo (1901-1937) qui fît paraître le premier recueil en français La coupe de cendres (1924) puis Sylves (1927) ou Presque- Songes (1934). Charles Renel, un instituteur, publia en français des Contes de Madagascar (1910 et 1930). Avec (Antsa, 1956; Antidote, 1961) et Flavien Ranaivo (l'Ombre et le Vent, 1947), il forme la «trilogie malgache» dont les œuvres, puise aux racines de la pensée malgache et se dressent contre la colonisation. Le premier roman malgache paraît en 1965: 'Les Voleurs de bœufs', de Rabearison. La génération nouvelle de poètes compte notamment Esther Nirina ('Simple Voyelle', 1980), à l'écriture pure. Les romancières Charlotte-Arrisoa Rafenomanjato, dans le 'Pétale écarlate' (1985), et Michèle Rakotoson, dans 'Le Bain des reliques' (1988), décrivent le conflit social entre tradition et modernité. Jean-Luc Raharimanana ('Lépreux', 'Nouvelle', 1992) vient confirmer l'originalité et la maturité de la littérature malgache. La littérature orale Madagascar possède, depuis des temps immémoriaux, une riche littérature orale. Elle fournit des modèles de comportement et d'enracinement dans les valeurs austronésiennes. Chaque mythe malgache correspond en effet à un récit de la création du monde à Bornéo, chaque conte est une variante d’un mythe polynésien. On associe également les hain-teny aux pantoums malais. Les hain-teny sont des poèmes en prose dont les thèmes récurrents sont la vie, l’amour, la mort ou les ancêtres. Ces joutes oratoires sont nées dans la région d’Imerina. Le cinéma L’industrie cinématographique malgache n’en est qu’à ses débuts. Le cinéma malgache est né du documentaire. Le plus ancien a été réalisé en 1947 par Raberono à l'occasion de la cérémonie commémorative du centenaire de la mort de Rasalama. 'L'Accident' (1972) est le premier moyen métrage de fiction en version malgache de Benoît Ramampy, auteur en 1984 de 'Dahalo Dahalo', et co-auteur avec Abel Rakotozanany en 1987 du Prix de la paix. 'Le Retour' (1973), premier long métrage malgache d'Ignace-Solo Randrasana, décrit la condition des petites gens soumis à l'exode rural. Enfin, 'Taba-taba', long métrage de Raymond Rajaonarivelo, présenté en 1988 à Carthage et à Cannes fit un tabac lors de sa projection. Le film tente une première réflexion sur des événements politiques survenus en 1947 et demeurés jusqu'à nos jours, inexpliqués.

Les films malgaches suivants sont projetés en version française dans quelques salles sur l’île : -Taba taba, de Raymond Rajaonarivelo -Very Rembly, d’Ignace Solorandrasana -Dahalo-dahalo, de Benoît Ramampy -Sous le Pont de Mirabeau, d’Elie Rajaonarison

Gastronomie et boissons locales La gastronomie Autrefois, pendant la fête du Bain se réunissaient le souverain et ses sujets autour d’un festin à base de riz arrosé de lait et de miel, appelé Tatao. Ces repas royaux ont ensuite été enrichis pour devenir d’énormes repas constitués de sept plats, les Hanim-pitoloha. Aujourd’hui, Madagascar, dont 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté, ne se permet plus ce type repas gargantuesques! Les repas malgaches, appelés Sakafo, se composent généralement de trois repas : un le matin, un au milieu de la journée et un dernier vers 19h avant la tombée de la nuit. L’île est riche en fruits, légumes, produits de la mer et viande de zébu, l’ingrédient phare reste toutefois le Riz.

Le riz C’est véritablement la nourriture privilégiée par les Malgaches. Servi seul ou accompagné de légumes, d’épices, et de toutes sortes de viandes (zébu) ou poisson, c’est l’aliment de base de tous les plats à Madagascar. Les Malgaches seraient parmi les plus gros mangeurs de riz de la planète avec près de 135 kg consommés par année et par habitant. Cet aliment appelé « vary » est visible dans le paysage de l’île puisque trois quarts des terres cultivées sont occupées par des rizières.

Les produits de la mer La pêche est une activité très importante pour les Malgaches. La mer apporte de grandes variétés des produits recherchés. Les mangroves abondent de crevettes et d’huîtres. Les barrières coralliennes fourmillent de poulpes, de crabes, de calmars ou de petits poissons, alors que la pêche à la pirogue à balancier permet de recueillir du thon, du marlin, des capitaines et autres variétés. Les basses mers de Fort Dauphin et de Nosy Be, sont également réputées pour les langoustes, les araignées et concombres de mer.

Le zébu Cette viande que l’on peut aujourd’hui trouver en France, est très présente sur l’île. Dégusté en filet, en brochette, en pavé, rosbifs ou ragoût, cette viande est toujours très tendre. Le zébu, très populaire, remplace notre steack - frites national.

Les épices et condiments Madagascar est réputé pour être le premier exportateur mondial de vanille mais elle regorge également de nombreux autres parfums et épices moins connus. La région d’Antserana est connue pour les piments, Toamasina pour la girofle, Nosy-Be pour l’ylang-l’ylang. Vous pourrez trouver sur les marchés de la cannelle en bâton et en poudre, des clous de girofle frais, déshydratés ou en essence, du poivre vert, blanc ou noir.

La gastronomie de Madagascar est représentée par deux plats principaux particulièrement réputés : Le Romavaza et le Ravitoto. Le Romavaza est un ragoût de viandes et de brèdes accompagnés de tomates, d’oignons, d’ail et de gingembre. Le Ravitoto est un mélange de filets de viande de bœuf ou de porc avec une purée de feuilles de manioc pilées et son lait de coco.

Vous pourrez également goûter durant votre voyage différents plats typiques :

Les brèdes Ce mot d’origine portugaise désigne certaines plantes ou légumes. On distingue deux catégories de brèdes : les « mamy », feuilles douces appelées également brèdes morelles par les Français et les brèdes « anamalaho » qui apportent une saveur chaude et piquante aux plats.

Le Koba Ravina, dit koubravine Ces gâteaux se présentent sous forme de « blocs cylindriques » enveloppés de feuilles de bananier. Préparés à base de farine de riz, de sucre roux et de cacahuètes pilées, et cuits à l’eau dans des grandes marmites, ces gâteaux sont appréciés de tous.

Les Mosakiky ou Masikita Vous pourrez trouver ces petites brochettes, servies avec des patates douces, du manioc cuit et une sauce pimentée dans la plupart des villes de l’île, préparées par les « mamas » malgaches. A Nosy Be, les mosakiky, accompagnent généralement les petits gâteaux salés au riz et au coco, appelés les « bantams ».

Les Mokary Ces petites galettes de riz cuites dans un moule rond sont consommées le matin avec le café. Dégustées bien chaudes et craquantes, vous n’y résisterez pas !

Le foie gras Le foie gras malgache détient une très bonne réputation. Son goût très particulier ravira les gourmets les plus fins. Les régions privilégiées pour apprécier les meilleurs foies gras sont Antsirabe (Behenjy), Fianarantsoa et Andasibe.

Les boissons locales Les vins L’île est productrice de vin. La région de Fianarantsoa est particulièrement réputée, notamment pour ses vignobles de Andriamboasary, d’Isorana ou de Soaindrana. Vous trouverez également des vins malgaches dans la région d’Antsirabe. Allant des vins blancs secs ou moelleux des rouges, en passant par des rosés, Madagascar possède de très bons crus. Goûter notamment au Maromby, un vin cuit très apprécié en apéritif, ou au Clos Malaza, au Dom Remy, ou au Lazan’i Betsileo.

Les ranovola C'est 'l'eau de riz' produite en faisant bouillir de l'eau avec le reste du riz brûlé et accroché au fond de la marmite. Efficace contre les problèmes de déshydratation et contre les diarrhées. C'est un bon moyen de boire une eau rendue salubre.

Le trembo (vin de palme) Prononcé (tchemb), le vin de palme est fabriqué à partir de la fermentation du liquide recueille à partir de jeunes fruits des cocotiers.

Le Toaka gasy Ce terme désigne tous les alcools locaux fabriqués artisanalement. Distillés clandestinement, on le fabrique souvent à base de jus de canne de fruits sauvages.

Le rhum C’est une boisson fortement consommée sur l’île. Il en existe une multitude de marques bon marché, comme la Turbo2, la Cazanove ou la Boum-Boum.

Le Betsa bestsa Rhum particulièrement prisé sur la côte Nord-Est de l’île, est produite à partir de la canne à sucre et d’écorces. Peu fermentée, elle n’excède pas 5 degrés mais distillée, elle peut être très forte. On en trouve dans toutes les petites épiceries en brousse.

La THB, la « Three Horses Beer » Cette bière que l’on retrouve également à Singapour, au Viet-Nam et en Indonésie est la bière la plus consommée dans le pays. On la retrouve jusqu'au fin fond de la brousse à toutes les températures.

Les musiciens célèbres Rakoto Frah : ce flûtiste de renommée internationale était un véritable dieu de la musique traditionnelle malgache. Interprétant pendant toute se vie la musique de son île (Hira Gasy, Vakisaova ou Vako-drazana), il avait aussi su s’adapter à son époque. On l’entendait dans des styles contemporains que ce soit du jazz ou de la Soul. Ayant pratiqué la musique pendant presque cinquante ans, son visage apparaissait même sur des billets de banque malgaches. Il est décédé en 2002.

Rossy : Paul Bert Rahasimanana dit Rossy est le musicien certainement le plus célèbre aujourd’hui à Madagascar. Il a su allier la musique traditionnelle aux rythmes et instruments d’aujourd’hui. Ces compositions sont de véritables succès, notamment auprès des jeunes. Particulièrement rythmée, la musique de Rossy est festive et prête souvent à la danse. On le considère comme l’ambassadeur de la musique de l’île à l’étranger.

Justin Vali : célèbre musicien de « valiha », instrument traditionnel caractéristique des Hautes Terres. Ces principaux albums s’appellent Rambala, Malgache Connexion ou Bilo.

Andy Razaf : Andy Razaf fut un des compositeurs-arrangeurs attitrés de Duke ELLINGTON.

Jaojoby : spécialiste du « Salegy » et « Malessa » ou « Baoenjy » ses dérivés, musiques issues de la côte Ouest et du Nord de l’île essentiellement. D’autres musiciens de Salegy sont assez célèbres aujourd’hui : Mily Clément (Ambanja), Tianjama 'le grand maître' (Antsohihy), Ninie, Beri-Kely et Fatoma (Diego Suarez)...

Dama : il fait partie des fondateurs du courant appelé Mahaleo qui peut se comparer à de la « folk song ». Premier à avoir chanter en malgache, au lieu du français beaucoup plus courant dans les années 70-80, Dama engendra une vraie révolution musicale. Ses textes parlent des thèmes de la fraternité, la justice, l’amour ou l’unité nationale.

Les écrivains Jean-Joseph Rabearivelo : ce poète illustre a marqué de ses écrits la littérature malgache avant de se suicider à 36 ans. Son œuvre faut aujourd’hui partie des classiques.

Jacques Rabemananjara : poète militant, il s’est particulièrement impliqué après la guerre. Sa participation à l’insurrection pour l’indépendance lui valut la prison et la déportation. Il continua à écrire durant cette période difficile.

Jean-Luc Raharimanana : cet écrivain est réputé pour ses nouvelles évoquant une vision urbaine très pessimiste.

Le cinéma Raymond Rajaonarivelo : cinéaste qui fit connaître le septième art malgache avec son film de renommée internationale Taba Taba sélectionné pour le festival de Cannes en 1988.

Le théâtre Ramilison : le maître du théâtre traditionnel hira gasy. Il en dirige la fédération des compagnies de théâtres. Ses chansons sont extrêmement populaires dans l’île. Très impliqué dans la vie locale, il est apprécié de tous les malgaches.

Les personnages historiques Pasteur Andriamanjato : ce pasteur élu maire d’Antanarivo en 1959, est devenu un adversaire de président Ratsiraka avec son parti du Congrès de l’Indépendance (Akfm). De nombreux fidèles restent proches du Pasteur depuis plus de quarante années.

Monja Jaona : fondateur et Président national du parti Monima, il fut une figure charismatique de la lutte pour l’indépendance du pays. Investi dans le combat pour le progrès et la justice sociale à Madagascar, il mobilisa étudiants et paysans contre le néocolonialisme.

Philibert Tsirana : président de la première république de 1960 à 1972 et porteur d’espoir pour un peuple désireux d’indépendance. Ses promesses n’ayant pas été tenues et son parti s’avérant être corrompu, la révolution se déclencha en 1972. Il mourut en 1978.

Amiral : président de la république malgache de 1975 à 1993, il participa à la révolution de la société dans tous les secteurs. Il fut notamment un des précurseurs du mouvement de la malgachisation qui redonna aux habitants son identité linguistique. Il fut battu en 1993 mais redevint président en 1996 avant de perdre de nouveau son poste en 2001.

Marc Ravalomanana : Il succède à Ratsiraka en 2002 après une période de force qui a occasionnée de nombreux troubles dans le pays. ANNEXE 2

Directions cardinales astrologiques, espace domestique et signification anthropolgiques des points cardinaux à Madagascar

NORD Pouvoir Autorité Commandement Domination

ADALO ALOHOTSY (verseau) (poisson) ADIJADY 10 11 12 1 ALAHAMADY (capricorne) (bélier)

ALAKAOSY 9 2 ADAORO (sagittaire) Foyer (taureau)

Lit

OUEST EST Profane Jarre Sacré Impur Divin Intrus Ancêtres Etranger Centre Créateur

ALAKARABO 8 3 ADIZAOZA (scorpion) (gémeaux)

Porte Volailles Pilon/mortier

ADMIZANA 7 4 ASORONTANY (balance) 6 5 (cancer) ASOMBOLA ALAHASATY (vierge) (lion) Place du veau SUD Soumission Humilité Servitude Dominé ANNEXE 3 Plan du Doany Ndramisara Efadahy Manankasina

(Doany Miarinarivo Tsararano Ambony)

NORD EST

R ELIQUES Safidahy Varavara menalio Zomba Vinda (kely) Manantany

ZOMBA (be) Fahatelo

OUEST SUD VALAMENA Varavara (porte principale)

TSANDRARAFA

Résidences et habitations Mbabilahy DEZY gardien humaines

Antandrano itations

Maison des TROMBA ines Résidences et hab huma ANNEXE 4 Généalogie simplifiée des souverains de l’Imerina

ANDRIAMANELO (Capitale Alasora) Epouse la fille du roi d’Ambohidrabiby

RALAMBO (Ambohidrabiby) Vers 1575 – vers 1610

ANDRIANJAKA (Antananarivo) Vers 1610 – vers 1630

ANDRIAMASINAVALONA Vers 1675 – vers 1710 (partage son royaume entre ses quatre fils)

Ambohimanga Ambohidrabiby Ambohidratrimo Antananarivo

Andrianjafy (1770 - 1787)

ANDRIANAMPOINIMERINA Vers 1787 – vers 1810 LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les religions à Madagascar

Tableau 2 : Constitution des reliques d’Andriamisara Efadahy

Tableau 3 : Les groupes sociaux

Tableau 4 : Religions des croyants dans la commune urbaine de Mahajanga

Tableau 5 : Les séquences de la cérémonie du Famadihana selon les auteurs. LISTE DES ILLUSTRATIONS

1) Figures :

- figure 1 : Représentation des destins correspondant aux douze mois lunaires.

- figure 2 : Dispositif des quatre grandes divisions astrologiques lunaires sur les faces de la maison.

- figure 3 : Les 28 destins.

2) Schémas :

- Les figures d’un Sikidy.

- Arbre généalogique simplifié des rois sakalava du Boeny.

- Schéma d’un tombeau.

- Organigramme de gestion du Doany Miarinarivo.

3) Carte :

Les dix-huit principales ethnies de Madagascar LISTE DES ACRONYMES

ANM : Académie Nationale Malgache

AT : Ancien Testament

BN : Bibliothèque Nationale

EBO : Eglise Byzantine Othodoxe

EDAC : Eglises Des AMIS

EDM : Enfants de Marie

GSO : Grand Schisme d’Orient

JC : Jésus Christ

LMS : London Missionary Society

MO : Moyen Orient

NT : Nouveau Testament

OI : Océan Indien

RC : Royaume des Cieux

TOB : Traduction Oecuménique de la Bible

UC : Union Catholique GLOSSAIRE

- Ambaniandro : ceux qui sont sous le ciel ; les merina - Ampangataka :médium, intermédiaire, personne qui, communique avec les ancêtres pour toute demande et requête - Ampanjaka be : roi au trône - Ampanjaka : dauphin, roi successeur, membre du clan royal - Analalava : village des Bemihisatra (Soazara) - Andevo : esclave - Andriamanitra : Dieu, être ou chose extraordinaire - Andriana : le Roi, les nobles (traduction des auteurs européens). - Antakarana : royaume Zafinifotsy Sakalava du nord - Antandrano : esprit des Zafinifotsy qui sont morts noyés - Antsa : chants de louange au souverain. - Bemamangy : trésorière et animatrice dans n’importe quel événement au Doany - Bemazava : clan royal opposant des Bemihisatra - Bemihisatra : clan royal qui contrôle actuellement les reliques - Betsioko : pays de l’Ampanjaka Dezy, et des ancêtres des Bemihisatra - Bezavo Doany : domaine de l’Ampanjaka Amina, et tombeaux de plusieurs ancêtre royales - Boeny : royaume Sakalava du Nord dans la ville de Mahajanga - Dady : reliques des roi sakalava - Doany : temple, place sacrée liée au royaume - Efadahy : les quatre rois dont les reliques restent au Doany d’Andriamisara - Fady : tabou, interdit - Fady : tabou, interdit individuel ou collectif. - Fahatelo : Gestionnaire du Doany d’Andriamisara - Fatidrà : sacrifice, lien de sang - Famadihana : « le retournement des morts », réenveloppés de lambamena - Fandroana : fête du bon loyal ; marque le début de l’année - Fanjakana : le pouvoir, par extension ; les gens du pouvoir - Fanompoa be : bain des reliques royales sakalava, grand service célébré annuellement - Fanompoa : service pour les ancêtres royaux - Fanompoa : service sacré ; corvée - Fatidra : frère de sang - Fianakaviana : famille étroite - Fihavanana : le fait d’être parents ; mode de relation idéal fait de compréhension mutuelle et de solidarité. - Fitampoha : bain des reliques royales sakalava, grand service célébré annuellement - Foko :Dème. Groupe défini à la fois par la parenté et l’appartenance à un même territoire - Fomba : coutume, manière de faire - Fomba : traditions, us et coutumes - Gorago : du miel cuit spécialement pour le Fanompoa - Hasina : vertu efficace d’un être, d’une chose, force d’origine sacrée qui rend les actes féconds. - Jingoa ou Jongô : clan des descendants des compagnons d’Andriamandisoarivo - Kabary : proclamation royale ; discours. - Lambamena : suaire rouge, de soie sauvage, dont on enveloppe les morts. - Manantany : Directeur Général du Doany Miarinarivo - Masina : qui possède le hasina - Moasy : divineur, guérisseur - Mosarafa : don au fanompoa be - Mpamosavy : sorcier - Mpanandro : astrologue spécialisé dans la détermination des jours fastes et néfastes pour une action - Mpanjaka : souverain - Ody : charme - Ombiasy : devin, conseiller politique - Razana : ancêtres - Saha : canal, possédé(e) - Saha : médium possédé par l’esprit d’un roi défunt - Sikidy : oracle et divination - Sikidy : système de divination - Sorona : offrande ; cérémonie d’offrande - Taha : sacrifice ( oie, canard, coq, etc….) dans le but de guérison - Tanindrazana : terre des ancêtres, par extension :partie - Tantara : histoire, privilège justifié par un récit historique - Tany fotsy ou tany malandy : boule de terre blanche utilisée dans les rituels du Fanompoa - Tromba : esprit d’un roi défunt - Tsiarana : descendant d’Andriamandikavavy - Tsimandrimandry : nuit de festivité - Tsiny : reproche ; blâme - Tsodrano : bénédiction - Tsodrano : don et contre don lors de Famadihana et du Fanompoa be - Valamena : clôture sacrée - Varavar ou varavarana : porte ou portière ou portique - Varavara mena lio : porte sacrée réservée aux dignitaires du royaume - Vary : riz - Vazaha : l’étranger blanc - Vazimba : premier occupants du sol en Imerina ; anciens chefs dont les tombeaux sont vénérés ; esprits de la terre, de l’eau et des plantes sauvages ; forces redoutables qu’il est dangereux de mécontenter. - Vintana : destin, système de destins - Zafinifotsy : clan qui a fait la 1ère conquête du Boeny - Zafinimena : clan fraternel des Zafinifotsy - Zomba be : palais - Zomba vinda ou Zomba kely : petits palais dans le Zomba be dans lequel sont gradées les reliques royales Nom et Prénom : Assoumacou Elia Béatrice

Titre : Le Fanompoa be et le Famadihana (Cas d’un Fanompoa be au Doany Miarinarivo Mahajanga I et d’un Famadihana à Sambaina Antsirabe II)

Rubrique : Sociologie religieuse et Anthropologie culturelle

Pagination : 130 pages

Tableaux : 05

Annexes : 04

Cartes : 01

Figures : 07

Références bibliographiques : 51

Résumé :

Le Fanompoa be est une cérémonie traditionnelle au cours de laquelle les inébranlables défenseurs de la monarchie sakalava du Boeny procèdent au rituel de bain des reliques d’Andriamisara Efadahy Manankasina. Le Famadihana est une céramonie de retournement des morts pour rendre hommage aux ancêtres ; il est très fréquent sur les Hautes Terres de Madagascar et organisé au moins un an après l’enterrement. Tous les deux sont des coutumes funéraires et ont une liaison avec la mort, mais diffèrent sur beaucoup de points : nominations, déroulement, formes, etc. Beaucoup pensent que ce ne sont que des traditions comme toute autre tradition, mais elles revêtent leurs particularités propres, un sens et une signification qui échappent au commun des mortels.

Mots-Clés : retournement des morts, doubles obsèques, secondes funérailles, mort, cadavre, thanalogie, religion, tradition (s), ancêtres, destin, tombeau, culture, tromba.

Encadreur : Professeur François RAJAOSON

Adresse de l’auteur : Cité universitaire d’Ankatso I, Porte 493, Antananarivo 101