LA VILLE D'ALGER "La protégée de Dieu"

Préfacé par “la Lettre” de M. TAYEB ZITOUNI

APC ALGER CENTRE

Rédaction des textes : Nadia ZAID - Samira AMOKRANE - Kamel TAZAIRT Directeur Artistique : Djalil ZAID ¥ Conception Graphique : Hamid MAHMOUD BACHA Photographies : Djamal HADJ AISSA ¥ Secrétariat : Mme Assia BELAID Réalisation et Impression : CDSP Copyright d’ouvrage ©2004 CDSP > Copyright textes ©2004 CDSP

______Tous droits de traduction, de réédition, d’impression et d’adaptation, sont réservés pour tous pays SOMMAIRE

Lettre du président d’APC 7

I - Cadre physique 11 •Localisation géographique •Délimitation administrative •Relief •Cimat •Infrastructures hôtelières •Artisanat •Art culinaire •Fêtes et festivals

II - Histoire 18 •ORIGINE DE L’APPELLATION •ORIGINE DE LA POPULATION •ALGER, AU TOUT DEBUT •IKOSIM LA PUNIQUE •ICOSIUM LA ROMAINE •LA PERIODE ISLAMIQUE •LA FONDATION D’EL DJEZAÏR BENI MEZGHENNA •LES HAMMADITES •LES ALMORAVIDES •LES ALMOHADES •LES FRERES IBN GHANIA •LES HAFCIDES •LES THAALEBA •LA REBELLION D’EL DJEZAÏR •IBN ALLAN ET LES MERINIDES •LES ABDELOUADIDES A EL DJEZAÏR •LES DEBUTS DE LA COURSE •CHEÏKH SALEM, GOUVERNEUR D’EL DJEZAÏR •LE REGNE DES THAALEBA •L’ARRIVEE DES ANDALOUS •LA PRISE D’EL DJEZAÏR PAR LES ESPAGNOLS •LES FRERES BARBEROUSSE •ARROUDJ •KHEIR EDDINE BARBEROUSSE •EL DJEZAÏR, SOUS LES BEYLERBEYS •HASSAN AGHA •HASSAN IBN DE KHEIR EDDINE •SALAH RAÏS •HASSAN CORSO ET LE PACHA TERKERLI • LE RETOUR DE HASSAN IBN KHEIR EDDINE •MOHAMED IBN •EULDJ ALI •LES JANISSAIRES •LES KOULOUGLIS ET LES KABYLES EN REVOLTE •LA TAÏFA DES RAÏS • •LA FIN DE LA REGENCE •LE REGNE DES AGHAS •LA PERIODE SOMBRE D’EL DJEZAÏR •LE RAÏS HAMIDOU •LA PERIODE COLONIALE •CONSEQUENCES URBANISTIQUES DE LA PRESENCE FRANCAISE A ALGER

III -Patrimoine culturel 59 L’ARCHITECTURE D’ALGER DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS •LA LIBRAIRIE (EX-SIEGE DE LA DEPECHE ALGERIENNE) •LA GRANDE POSTE •SIEGE DE LA WILAYA D’ALGER •L’AERO-HABITAT •ECOLE DES BEAUX ARTS •IMMEUBLE LA FAYETTE •LA CATHEDRALE DU SACRE CŒUR •LA CITE DES SCIENCES •L’HOTEL EL AURASSI •L’UNIVERSITE D’ALGER •LE MUSEE NATIONAL DES ANTIQUITES ET DES ARTS ISLAMIQUES •LE PALAIS ZIGHOUD YOUCEF •SIEGE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

Alger Centre en images 71

La lettre du président

l’orée du nouveau millénaire, au moment où les frontières sont abolies, où la mondialisation n’est pas un vain mot, où les interconnexions entre pays sontA renforcées, où le multimédia intègre sans complexe le quotidien de tout un chacun aux quatre coins du monde, l’Assemblée populaire communale d’Alger Centre refuse de rester à la traîne au risque de se voir engouffrer au fin fond du sous-développement et de la régression, car elle veut s’ouvrir au monde qui l’entoure. C’est dans cette optique que s’inscrit l’initiative de cet ouvrage qui se veut un outil de communication aussi utile que plaisant. Car la ville d’Alger Centre n’est pas une ville quelconque, n’est pas banale. On dit d’elle qu’elle est pudique car elle ne se livre pas d’emblée. Il faut mériter son bonheur, flâner à travers ses rues, gravir ses escaliers, découvrir ses atouts, s’offrir le temps d’une pause dans le moindre recoin de son architecture qui témoigne d’un passé glorieux et de la succession de plusieurs civilisations depuis l’antiquité jusqu'à nos jours. Alger Centre est une ville millénaire qui peut se targuer de posséder un riche patrimoine culturel et artistique, où l’histoire est partout présente. Alger Centre ne craint pas les défis car la politique de ses gestionnaires s’inscrit à juste cause dans l’air du temps, l’ère de l’ouverture. Elle veut et désire être reconnue parmi les grandes métropoles du monde.

Alger Centre, la belle, veut être aimée avec passion.

M.TAYEB ZITOUNI PRESIDENT DE l’APC D’ALGER CENTRE

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CADRE PHYSIQUE

Blottie au sein de la légendaire baie d’Alger, l’APC d’Alger Centre partage ses frontières administratives avec 4 communes, en l’occurrence Sidi M’hamed au sud et à l’ouest, Belouizdad au sud-est, la Casbah-Oued Koriche au nord et nord-ouest. Sa façade orientale est exposée face à la mer Méditerranée. I Cadre physique

LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE

’Assemblée populaire communale (APC) d’Alger Centre, relevant administrativement de la wilaya d’AlgerL et de la daïra de Sidi M’hamed, occupe un territoire s’étalant sur 3.7 km2 de superficie. Elle abrite une population de 88 909 habitants. Blottie au sein de la légendaire baie d’Alger, l’APC d’Alger Centre partage ses frontières administratives avec 4 communes, en l’occurrence Sidi M’hamed au sud et à l’ouest, Belouizdad au sud-est, la Casbah-Oued Koriche au nord et nord-ouest. Sa façade orientale est exposée face à la mer Méditerranée.

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12 CADRE PHYSIQUE

DÉLIMITATION ADMINISTRATIVE Le parcours de la délimitation de la commune d’Alger Centre prend naissance à partir des Halles aux poissons (pêcherie) au niveau du quai n° 3 ; on longe la clôture du port par le prolongement de la rue d’Angkor jusqu'à la passerelle piétonne qui mène à l’ascenseur de l’ETUSA (ex-RSTA) qui remonte jusqu’au boulevard Zighoud Youcef qu’on traverse. De là, on continue par la rue Ksantini Rachid pour arriver au niveau du rond-point d’où on s’enga- ge par la rue Ali Boumendjel qu’on emprunte en poursuivant par les rues Patrice Lumumba et Debbih Cherif jusqu'à l’avenue Taleb Mohamed pour remonter celle-ci jusqu'à la rue Goethe qu’on suit jusqu’au chemin (escaliers) Mouillard ; on traverse celui-ci pour aboutir à la rue Messaoudi Abdelouahab, de là on remonte jusqu'à la rue Gharbi Saïd, prolongée par le chemin Aknouche Moussa, puis on coupe par le chemin Sfindja pour ressortir au niveau de la douche du boulevard colonel Bougara qu’on descend jusqu'à la place Addis Abéba, à partir de laquelle on emprunte la rue Franklin Roosevelt. En arrivant au niveau du siège du ministère des Travaux publics, on descend les escaliers situés à proximité de cet édifice pour aboutir à la rue Didouche Mourad qu’on suit jusqu'à la place du Pérou, puis la rampe Gherbi CLIMAT Salah pour inclure toutes les installations De type méditerranéen littoral, avec une portuaires jusqu’en face du jardin d’Essai. période sèche estivale et une autre fraîche et arrosée hivernale, le climat de la commune d’Alger Centre est caractérisé par une faible RELIEF amplitude thermique et peu de gelées. Les vents La géomorphologie caractéristique de la dominants qui soufflent sur l’Algérois sont de commune d’Alger Centre est un ensemble de direction ouest, de plus la région est traversée formes en échine à sommets plats et de collines par des siroccos, des vents chauds et secs venant aux formes douces dont l’altitude varie du du Sud, avec une moyenne de 20 jours/an. niveau de la mer à plus de 120 m sur les La température moyenne annuelle et les hauteurs d’Alger. La pente, atteignant dans certains quartiers près de 35%, est de direction deux extrêmes thermiques, les températures nord. L’ensemble du territoire de la commune moyennes maximale du mois le plus chaud et repose essentiellement sur un terrain à base de minimale du mois le plus froid sont, respective- roches schisteuses avec une présence de granit ment, de 18. 44 et 0.5°C. Quant aux précipita- et de grès. La pédologie de la région est tions, elles varient entre 600 et 700 mm de représentée par des sols saturés, souvent pluies/an avec un cumul de 100 mm pour les caillouteux et de profondeur variable. On y note mois de novembre, décembre et janvier. Le également la présence de tuf, une roche nombre de jours de pluies oscille entre 80 et calcaire. 100 jours/an.

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13 CADRE PHYSIQUE

INFRASTRUCTURES HÔTELIÈRES En effet, la commune enregistre plus d’une trentaine d’hôtels non classés totalisant près de 650 lits. Quant aux hôtels classés (1 ou 2 étoiles), on en recense 14 correspondant à une disponibilité de 737 chambres ou 1 213 lits. Les hôtels-restaurant classés ne sont pas en reste ; quatre établissements allant de 3 étoiles aux 4 étoiles (hôtel Es-Safir) et 5 étoiles (hôtel Aurassi) offrent un total de 606 chambres, 40 appartements et 1 384 lits, avec une capacité totale de couverts servis évaluée à 783 couverts. Concernant les restaurants classés, où de nombreuses spécialités tant nationales qu’internationales y sont préparées, ils sont au nombre de 21 avec une capacité de couverts de 1 311.

ARTISANAT

La commune d’Alger Centre est connue pour la diversité de ses métiers artisanaux qui traduisent la multitude des origines de la population algéroise. Ces métiers octroient un label particulier à la ville d’Alger comme ils sont une source de vie pour certains. Parmi les corps de métier qui alimentent le marché de l’artisanat, on peut citer le travail des métaux (dinanderie, la sculpture sur cuivre, bijoux en argent,...), le travail sur bois et papier (bibelots en bois sculpté, cadres, coffrets, A l’instar des autres grandes villes, Alger petit mobilier,...), le travail de la laine, du tissu, Centre est dotée d’infrastructures à même du cuir et assimilés (broderie, couture d’agrémenter le séjour à longue ou courte durée traditionnelle, maroquinerie,...) et activités de voyageurs occasionnels ou de touristes. diverses (céramique, poterie, peinture,...).

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ART CULINAIRE culturel, artistique, éducatif, sportif et de loisirs a été élaboré. Ce programme s’articule autour de plusieurs volets tels que le théâtre, les expo- sitions, la musique (chaâbi, hawzi, moderne, classique universel, classique andalous,...), le folklore, le spectacle pour enfants, les confé- rences, les tournois sportifs interquartiers,... et s’adresse aux artistes, aux créateurs, au grand public et, bien sûr, à la jeunesse. L’objectif étant d’ouvrir la ville et ses quartiers aux arts et à la culture et contribuer à stimuler et encourager tous ceux qui œuvrent à l’épanouissement des différentes formes d’expression.

La cuisine traditionnelle algéroise s’appré- cie plutôt à l’occasion d’une invitation familia- le. Les convives auront le privilège de sentir fré- tiller leurs glandes olfactives et gustatives pour le plaisir du palais. En effet, une kyrielle de plats et de pâtisseries s’offrent à vous. On peut, entre autres, déguster la chorba, une soupe traditionnelle préparée notamment à l’occasion du mois de ramadhan avec du vermi- celle (m’qatfa) ou des grains de blé concassés (frik, d’chicha); l’ham lahlou, plat de viande de mouton agrémentée d’amandes, de fruits séchés (abricot, pruneaux, raisins) et de fruits frais (pomme, poire) ; dolma ; couscous ; méchoui, etc. La pâtisserie, quant à elle, se décline à base de semoule, d’amandes, de dattes et de miel. On peut en citer quelques-unes : maqrout, samsa, tcharak, qnidlat, griouèche, baqlawa,...

FETES ET FESTIVALS La commune d’Alger Centre est une ville d’art et de culture. Afin de créer à travers l’ensemble des communes de la wilaya d’Alger, en général, et de la commune d’Alger Centre en particulier, une vie culturelle aux dimension et ambitions d’une métropole internationale, un programme de manifestations à caractères

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HISTOIRE

Il était une fois les îles... Notre histoire commence ainsi. Une histoire empreinte de réalités, de mythes et légendes. C’est l’histoire d’Alger dont le nom dérive d’El Djezaïr, désignant en arabe les îlots rocheux qui baignent, en contrebas, dans la mer Méditerranée. II Histoire

ORIGINE DE L’APPELLATION La première est une légende rapportée dans le texte de Solin-Solinus au IIIème siècle avant l était une fois les îles... Notre histoire J.-C. qui voulait que la ville ait été fondée, aux commence ainsi. Une histoire empreinte âges fabuleux de la mythologie grecque, par de réalités, de mythes et légendes. C’est vingt (en grec eikosi) compagnons d’Hercule l’histoireI d’Alger dont le nom dérive qui abandonnèrent celui-ci en chemin lors de d’El Djezaïr, désignant en arabe les îlots leur traversée de la Méditerranée. Ayant décou- rocheux qui baignent, en contrebas, dans la mer vert cet endroit dont l’emplacement montrait Méditerranée. Traversant des millénaires d’évé- des avantages certains, ils décidèrent de s’y ins- nements, au gré de colonisations, d’occupa- taller et entamèrent la construction d’une tions, d’expansions, de constructions, de muraille. Et pour qu’aucun d’eux ne revendique destructions, de guerres et paix, les origines de le privilège de donner son nom, en signe de l’appellation actuelle remontent à un millier gloire, à ce lieu providentiel, ils décidèrent, dans d’années avant l’ère chrétienne, à l’arrivée des un souci d’équité, de donner à cet endroit l’ap- Phéniciens qui donnèrent à cette contrée le nom pellation formée du nombre de ses fondateurs, d’Ikosim. A ce propos, trois théories sont avan- en l’occurrence vingt. La deuxième explication cées pour tenter d’interpréter le sens donné à se trouve dans la décomposition du mot l’appellation Ikosim. «Ikosim» qui se scinde en deux sens :

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18 HISTOIRE le premier, «I», désignant «îles» et le second, mœurs et usages, depuis les temps les plus «kosim», désignant «épines». Et pour cause. reculés jusqu'à nos jours » qu’il envoya, pour Les navigateurs rapportent dans leurs récits que rendre compte de ses voyages, à Monseigneur de loin cet ensemble insulaire est constitué de Dupuch, évêque d’Alger. montagnes se dressant telles des épines. Ou alors, l’aspect physionomique de la végétation dense qui s’y développe montre une texture ORIGINE DE LA POPULATION épineuse. Ou que, tout simplement, l’aspect La tentative de remonter aux origines de la épineux de la végétation recouvrant ces mon- population d’El Djezaïr est basée exclusivement tagnes exprime une végétation à base d’épineux sur une bibliographie aussi exhaustive que pos- sensu stricto. La dernière théorie est celle émise sible. Il est un fait que certaines d’entre elles ne par le célèbre chroniqueur Hassan El Wazzan recèlent pas les critères de rigueur qu’exige une Ezzayati, alias Léon l’Africain, qui cite que démarche scientifique objective. Néanmoins, Ikosim signifie l’«île aux oiseaux impurs» elles constituent une base de départ dont les ou l’«île aux mouettes». Mais au milieu du quelques éventuelles «déviations» sont IIème siècle avant J.-C., vers 146, c’était le début rectifiées et corrigées par l’appréciation impar- de la colonisation romaine : un tournant décisif tiale, juste, objective et logique, en conformité dans l’histoire du Maghreb et de la avec les vérités historiques avérées, du rédac- ème Méditerranée. Cela a été marqué par la chute et teur. Jusqu’au VII siècle avant J.-C., l’Afrique la destruction de Carthage. En l’an 42 après septentrionale, correspondant au Maghreb, J.-C., l’empereur Claude 1er divisa le royaume évoluait dans un certain isolement par rapport en deux provinces impériales : la Maurétanie au reste du monde. Ces immenses espaces sertis tingitane et la Maurétanie césarienne. Ikosim, entre la mer Méditerranée au nord et le dont le nom fut hellénisé en Icosium, passa sous au sud étaient habités par des peuplades que domination romaine. L’appellation d’Icosium Hérodote, historien grec, appelait Libyens et demeura jusqu'à l’arrivée d’une nouvelle peu- dont, quelques siècles plus tard, l’historien plade venant de l’Arabie, ce qui constituera le Salluste distinguaient les Libyens à l’Est, et les début d’une vague déferlante de l’Islam. C’est Gétules au Centre et à l’Ouest. L’origine de ces ainsi qu’au XXème siècle, Ziri Ben Menad fonda populations remonte aux Capsiens qui, venus de le royaume des Zirides et son fils, le prince l’est de l’Afrique, envahirent par déferlantes Bologhine, fut autorisé vers l’an 960 à fonder cette partie du continent et ce, au cours du trois villes dont El Djezaïr-Béni-Mezghenna XXème millénaire. Ils constituèrent la souche (désignant en arabe les îlots). Le site choisi pour originelle d’une population maghrébine. Selon El Djezaïr-Béni-Mezghenna correspondait une hypothèse unanimement admise par les exactement à l’emplacement de l’antique cité préhistoriens, les Capsiens seraient les ancêtres romaine d’Icosium et dont ne subsistaient que des Berbères. Au fil des siècles, la population a des ruines éparpillées dans un vaste champ et évolué parallèlement aux multiples civilisations qui faisaient partie du territoire occupé par les et brassages inter-éthniques qui se sont succédé tribus sanhadjies. Puis, El Djezaïr devint Alger dans cette région de l’Afrique du Nord. Les (pour les Français) lorsque cette appellation fut références ayant trait à l’évolution de la popula- européanisée en devenant, tour à tour, Argel tion au cours des différentes époques (phéni- (pour les Espagnols), Algieri (pour les Italiens), cienne, romaine, berbère) sont inexistantes. Algier (pour les Allemands), (pour les Tout au plus en 1150, Edrizzi en parle comme Anglais et les Hollandais) et ce, selon ce qui a d’une «ville très peuplée dont le commerce est été relaté par le chroniqueur Stephen d’Estry, en florissant». Ce n’est qu’à partir de 1450 que des 1841, dans ses lettres « Histoire d’Alger, de son observateurs commençaient à donner des territoire et de ses habitants, de ses pirateries, évaluations avec une première estimation de de son commerce et de ses guerres, de ses 20 000 habitants.

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En effet, dès la fin du XIème siècle, les dépassant la mortalité. • L’arrivée de nombreux richesses qui continuaient à affluer attiraient de et fréquents renforts turcs. La population, dans plus en plus de gens qui arrivaient aussi bien de sa globalité, est structurée, selon le critère l’intérieur que de l’extérieur du pays. En 1518, d’origine, en trois classes : Hassan El Wazzan Ezziati, dit Léon l’Africain, Les baldis (les autochtones), les baraniyas lors de sa visite à El Djezaïr, estima la population (venus de l’intérieur du pays) et les étrangers de celle-ci à 4 000 feux, soit l’équivalent de près (venus de l’extérieur du pays). Les baraniyas de 30 000 âmes. En 1580, Haëdo, pour sa part, étaient originaires, pour la plupart, du M’zab, de parla de 60 000 habitants. Pour Père Dan, en Laghouat, de Biskra, de certaines contrées du 1634, la population d’El Djezaïr avoisinait les Sahara et, enfin, de la Kabylie. A l’exception des 15 000 «immeubles», correspondant à près de Kabyles, les autres formaient des groupes homo- 100 000 personnes. En un peu moins d’un siècle, gènes et s’étaient constitués en corporations la population d’El Djezaïr a été triplée. Cet afflux ayant à leurs têtes des « amines », responsables considérable d’habitants fut déterminé, selon devant le beylik pour toute affaire concernant Gramaye, par plusieurs causes dont les leurs communautés respectives. Les Mozabites principales s’articulaient autour de : avaient le monopole de l’exploitation des ham- mams, des boucheries, des moulins et des bou- • L’arrivée des Maures andalous rejetés langeries. Ce privilège commercial dont a été d’Espagne en 1609. Ils occupèrent près de gratifiée la communauté des Béni M’zab s’expli- 300 constructions nouvelles. •L’apport des popu- querait, d’après une tradition locale rapportée par lations par suite de la démolition du Henri de Grammont, par l’exploit réalisé par les quartier Bab Azzoun pour motifs militaires en Mozabites qui s’étaient illustrés en 1541 lors du 1573 sur ordre d'Arab Ahmed. •La natalité siège de la ville par Charles Quint.

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En effet, ils s’étaient déguisés en femmes et s’étaient présentés aux soldats chrétiens qui campaient au sommet de la colline. En se découvrant aux soldats ils en firent un carnage. Les Biskris, quant à eux, fournissaient les portefaix, les porteurs d’eau et les gardiens de nuit qui étaient postés aux portes qui fermaient les différents quartiers de la ville haute. Les Noirs affranchis étaient employés aux travaux de maçonnerie et chargés, tous les ans, du blan- chiment des maisons. Quant aux Laghouatis, ils n’avaient pas de spécialité particulière : ils ser- vaient parfois de manutentionnaires dans les souks et aidaient les Kabyles à transporter et à épurer l’huile d’olive que ces derniers rame- naient de la montagne. Les Kabyles, outre l’huile d’olive, commerçaient exclusivement les produits frais (les fruits et légumes, les poulets, les œufs, les herbages,...). Quant à la population venue de l’extérieur du pays, il y avait en pre- mier les Janissaires recrutés dans les provinces lointaines de l’empire et qui grossissaient régu- lièrement la population d’El Djezaïr. Vers la fin du XVIème siècle, leur nombre était estimé à 6 000 pour atteindre le chiffre de 22 000 vers 1634. En second lieu, il convient de citer les renégats, toutes nationalités confondues, qui élirent domicile de leur propre gré dans la capi- tale barbaresque, ainsi que les Maures andalous qui débarquèrent par milliers après avoir été chassés d’Espagne aux XVIème et XVIIème siècles. Au nombre de 30 000, ces derniers jouèrent un rôle important dans la colonisation agricole dans les régions où ils furent installés, mais éga- lement dans les villes où ils excellèrent dans les métiers de tailleur en couture, de broderie, de tissage, de teinture, de cordonnerie et d’archi- tecture. Lors de la famine de 1611-1612, les Maures tagarins furent expulsés de la ville. Certains trouvèrent refuge sur les hauteurs au-dessus de la Casbah et s’y établirent (cet endroit conserva d’ailleurs l’appellation de «quartier des Tagarins» jusqu'à nos jours). Les autres, ceux qui restèrent en ville, furent massa- crés par la milice. Par ailleurs, il y avait égale- ment au sein de la population d’El Djezaïr une importante communauté juive qui exerçait les métiers d’orfèvres, de bijoutiers, de changeurs de monnaie, etc.

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21 HISTOIRE

La diversité des origines de la population Chaque quartier (houma) disposait de sa ou d’El Djezaïr a donné naissance à une mosaïque ses boutique(s) (hawanit) où se vendent les culturelle et ethnique ainsi qu’une richesse produits de première nécessité. Plus près de la multiforme qui confèrent à cette ville le statut de mer, la ville basse, qui occupait une zone plus carrefour méditerranéen. La cohabitation de ou moins plane et qui se développait de part et cette population cosmopolite a induit une d’autre de l’artère reliant Bab Azzoun à occupation spatiale d’El Djezaïr dans laquelle Bab El Oued. C’est dans cette partie de la ville on distinguait deux parties : la ville haute et la qu’étaient concentrés les sièges du pouvoir ville basse. Vers le haut (ville haute), sont loca- politique et militaire (Dar el sultan, les lisés les quartiers résidentiels qui abritaient la casernes), les centres d’activité économique classe moyenne, en l’occurrence les baldis et les (souks, les commerces spécialisés, le marché baraniyas qui progressaient sur les pentes du aux relief et où on dénombrait près de 50 quartiers esclaves,...), les principaux édifices religieux séparés les uns des autres par des grilles (mosquées, zaouïas) ainsi que les résidences et fermées et gardées par des Biskris. palais des hauts dignitaires turcs et raïs.

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22 HISTOIRE

ALGER, AU TOUT DEBUT L’histoire d’Alger Centre se fond, tel une pièce d’un puzzle géant, dans celle de la capitale Alger et, partant, celle de l’Algérie. Les origines remontent à plus de 10 000 ans avant J.-C. avec la civilisation ibéro-maurusienne correspondant à l’Homme de Mechta El Arbi. Ce fut, ensuite, les civilisations capsienne qui se confond avec l’apparition des protomédi- terranéens (7 000-5 000 av. J.-C.), et néolithique (6 500-2 000 ans av. J.-C.) correspondant à l’ar- rivée des premiers Méditerranéens au Sahara septentrional vers 3 000 ans av. J.-C. Les premiers Phéniciens débarquèrent au Nord de l’Afrique vers 1 000 ans av. J.-C. Il est clair que cette chronologie primaire est basée sur des «dires» récoltées auprès de chroni- queurs, navigateurs et voyageurs qui se limitè- rent à «narrer» les différentes et multiples odyssées qu’ils vécurent au cours de leurs périples. Les premières preuves matérielles (notamment des pièces de monnaie frappées à l’effigie de rois et dirigeants vivant à leur époque) recueillies lors de fouilles archéolo- giques IKOSIM LA PUNIQUE viennent confirmer que les premiers à avoir De nombreux écrits relatifs à l’extension de laissé leurs empreintes de précurseurs dans la la civilisation des Phéniciens au-delà de leurs fondation d’El Djezaïr furent les Phéniciens. frontières originelles situent l’arrivée de ces derniers sur les côtes de l’océan atlantique vers 2 000 ans av. J.-C. Il est un fait avéré que les Phéniciens excellaient dans la navigation marine, car ayant compris que la prospérité, la fructification de leurs richesses et le développement économique ne pouvaient provenir qu’au-delà des limites marines. Il fallait donc traverser océans et mers pour assouvir leurs velléités expansionnistes. Mais les distances lointaines entre la ville mère, Phénicie, et les grands centres commerciaux ou les grandes villes situées le long de la façade marine du continent poussèrent les Phéniciens à établir des «emporia » ou comptoirs commer- ciaux. C’est dans ce cadre que, vers 1 100 av. J.-C., fut fondé le premier comptoir commercial dans la ville d’Utique en Afrique antique (Tunisie actuelle). Plus tard, en l’an 814 av. J.-C., les premières incursions des navigateurs

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23 HISTOIRE phéniciens en Méditerranée furent à l’origine de profondeur où étaient enfouies des reliques de la fondation de Carthage ou Qarthadesh plaçant vases campaniens dont les plus anciens dataient le Maghreb sur le devant de la scène permettant du IIIème siècle av. J.-C., faisant remonter la ainsi à cette région d’inscrire les premières pages fondation d’Ikosim au IVème siècle av. J.-C., et de son histoire. Afin d’asseoir sa suprématie témoignant de l’existence d’échanges commer- commerciale sur la région et faire fructifier ses ciaux entretenus entre ce comptoir et l’Italie du richesses, Carthage entreprit de mettre sur pied le Sud, les colonies grecques du sud de la Gaule, ou long des côtes méridionales de la Méditerranée, encore de la partie orientale de l’Espagne. Ikosim d’est en ouest, un ensemble d’escales appelées participait ainsi à la prospérité de Carthage qui, à «échelles puniques », permettant aux navigateurs l’orée du IVème siècle av. J.-C., régnait sur un de s’abriter et de se ravitailler. Au fur et à grand empire maritime et terrestre. mesure que la domination de la «Ville nouvelle» Dès le IIIème siècle av. J.-C., naissait un s’imposait sur le pourtour méditerranéen, ces empire romain. Jeune mais redoutable, le nouvel escales devinrent des comptoirs où les empire nourrissait des velléités d’expansion et Carthaginois commerçaient, sous forme de troc, vint disputer à Carthage la prépondérance en avec les populations locales. Mais pour fonder un Méditerranée. La rivalité entre les deux puis- relais et mettre en place une « échelle punique », sances donna lieu à un long conflit. Cependant, il fallait que certains critères soient satisfaits. En en 202 av. J.-C., l’armée du général carthaginois effet, pour qu’un comptoir soit efficace, des Hannibal est vaincue lors de la bataille de Zama conditions naturelles doivent s’y prêter, en l’oc- (Tunisie actuelle) dans de violents affrontements currence l’existence d’un bon mouillage, soit à qui l’ont opposé à l’alliance scellée entre les l’abri d’une île, soit d’un cap, soit encore d’un Romains dirigés par Scipion l’Africain, et la estuaire. Le site, qui devint la ville berbère cavalerie numide menée par le chef des Numides d’El Djezaïr des siècles plus tard, ne manqua pas Massyles, Massinissa. Durant cette période, les d’attiser la convoitise des navigateurs carthagi- nombreux comptoirs numides localisés le long de nois. En effet, il offrait une panoplie d’avantages la façade maritime méditerranéenne connurent géostratégiques : une vaste plage soustraite à un niveau de développement des plus prospères. l’action des vents violents d’ouest (le rivage de A cet effet, ils contribuèrent de façon notable à Bab El Oued), une baie bien dégagée (la baie de promouvoir et améliorer les relations bilatérales l’Agha), et, au milieu, un important groupe et commerciales avec le principal siège des d’îlots peu éloigné de la terre permettant ainsi Romains, à savoir la grande ville de Rome. une position de repli facile à défendre et un Seulement, cette coopération numido-romaine excellent mouillage pour les navires. En 1940, le est loin d’être un havre de paix, car les intentions nom de ce comptoir fut livré. En effet, un lot de belliqueuses des Romains commencèrent à cent cinquante-huit pièces de monnaie punique poindre à l’horizon. En effet, pendant plus d’un en plomb et en bronze et remontant au IIème siècle siècle, trois guerres puniques se succédèrent et se av. J.-C. fut mis au jour dans le quartier de La terminèrent en l’an 146 av. J.-C. par la prise de Marine. Sur ces pièces figure une inscription Carthage et sa destruction par Scipion l’Africain. composée de plusieurs signes dévoilant le nom Ikosim, qui faisait partie des conquêtes du roi du comptoir punique Ikosim, signifiant berbère Massinissa, se trouvait alors comprise l’« île aux mouettes ». dans le royaume de Numidie qui s’étendait de Cette inscription accompagne, sur le côté face Vaga (Béja en Tunisie) à la Mulucha (actuelle des pièces, la première personnification Moulouya), rivière frontalière avec la d’El Djezaïr sous les traits d’une victoire aux Maurétanie tingitane (Maroc actuel). La gran- ailes déployées couronnant Isis. Quelques années deur du royaume numide a attisé les visées hégé- plus tard, une autre découverte tout aussi moniques autour du pouvoir. C’est ainsi que les importante fut faite non loin de la première. Il conflits et guerres intestines ont amené Jugurtha, s’agissait d’un puits de près de vingt mètres de en l’an 112 av. J.-C., à recouvrer son trône sur la

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HISTOIRE

l’empereur Caligula aboutit à l’annexion du royaume par Rome. Deux ans plus tard, l’empe- reur Claude 1er divisa le royaume en deux provinces impériales : la Maurétanie tingitane et la Maurétanie césarienne. Ikosim, dont le nom fut hellénisé en Icosium, passa sous domination romaine.

ICOSIUM LA ROMAINE En tant que colonie relevant directement du droit latin, Icosium était gérée par le même systè- me d’institutions qui prévalait à Rome, mais ses habitants n’avaient pas les mêmes prérogatives auxquelles y avaient droit les citoyens du siège principal à Rome. En effet, ils ne bénéficiaient pas de droits politiques et il leur était interdit d’intégrer les fameuses Légions romaines, ni accéder aux fonctions d’Etat. Les premiers Numidie et ce, après avoir lancé un assaut, magistrats (Praefectus) et décurions d’Icosium en 113 av. J.-C., contre son ennemi juré Aderbal furent donc imposés et envoyés directement de et assiégé Cirta (actuelle Constantine) pendant un Rome. Un nommé Flavius fut sans doute l’un des an au terme duquel la capitale de Carthage tomba premiers magistrats de la nouvelle colonie, dont et Aderbal tué. Un vent de panique gagna alors il fut par ailleurs le premier pontife. Plus tard, sur les Romains qui virent en Jugurtha un homme les ordres de l’empereur Claude les privilèges du menaçant leurs intérêts en Afrique du Nord. C’est droit latin furent accordés à Tipasa et Vespasien, ainsi que de multiples campagnes de guerre dont le règne dura de 69 à 79 ap. J.-C., octroya la furent menées contre la Numidie. Rome dût même faveur à Icosium. Durant de très longues mobiliser des moyens colossaux qui aboutirent à années, la ville d’Icosium connut une existence la victoire finale. En 105 av. J.-C., Jugurtha fut relativement calme. Elle préserva sa réputation arrêté et Cirta devenait la capitale de la nouvelle de ville-phare et de centre commercial important confédération romaine. Plus tard, le général par où transitent de nombreux navires venant de Pompée, rival de Jules César dans la lutte pour le toutes les contrées avoisinantes et lointaines et er pouvoir, est vaincu avec son allié Juba 1 , roi de servit, pendant une longue période, de plaque Numidie. Suite à cette débâcle, ce dernier se tournante économique dans l’approvisionnement donna la mort. Au terme de cette victoire, en l’an et les échanges commerciaux entre Rome et ses 47 av. J.-C., après la réorganisation territoriale de colonies en Afrique. Mais cette embellie l’Afrique du Nord par César, Ikosim intégra le économique ainsi que cette relative accalmie nouveau royaume de Maurétanie qui hérita d’une connurent une fin tragique avec les multiples grande partie de la Numidie. En l’an 25 av. J.-C., révoltes des Berbères et l’arrivée des Vandales l’empereur Auguste installa sur le trône du sur les côtes de l’Afrique du Nord. Les Numides, royaume de Maurétanie, dont la capitale était après leur défaite face aux Romains, n’abdiquè- Iol-Caesarea (l’actuelle ), le jeune rent jamais. Des poches de résistance s’organi- Juba II, fils de Juba 1er. Il faut rappeler que Juba saient çà et là et de continuelles frappes sont por- II fut élevé dans la cour de Rome et fut marié à tées à l’ennemi romain. Plusieurs tentatives de Cléopâtre Sélène, fille d’Antoine et de la reine recouvrement de leur souveraineté sont menées Cléopâtre d’Egypte, à la gloire de laquelle son par les Numides dont les assauts militaires désta- mari érigeât le «Tombeau de la chrétienne». En bilisaient le régime en place et affaiblissaient les l’an 40, l’assassinat de son fils Ptolémée par forces romaines. C’est cette ambiance de tension

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26 HISTOIRE et cette situation belliqueuse qui constituèrent, ecclésiastiques y citent trois évêques : plus tard, pour les Vandales, un terrain un donatiste et deux catholiques. L’évêque propice à leurs velléités expansionnistes dans donatiste Crescens episcopus Icositanus figurait cette région du continent. Vers 371, le prince à la conférence de Carthage en mai 411 ; Firmus, fils de Nubel, puissant roi d’un petit l’évêque catholique Laurentius fut l’un des trois Etat indépendant berbère, mena une révolte légats de la Maurétanie césarienne au concile de contre les Romains. Il rassembla sous son éten- Carthage organisé par l’évêque Aurelius en 419; dard toute une armée composée de Berbères, de l’évêque Victor est signalé parmi les quatre cent donatistes dissidents et de déserteurs romains et marcha contre les cités côtières de la Maurétanie césarienne. Le prince s’empara de Iol-Caesarea et la livra au pillage et au feu. Il poursuivit son avancée et lança l’assaut contre Icosium dont il se rendit maître après un court siège. Rome, craignant l’extension de la révolte aux autres provinces d’Afrique, chargea le général Théodose de mener la guerre contre le prince berbère et tenter de récupérer les villes prises. Théodose remporta des victoires déci- sives et contraigna son adversaire à capituler. Firmus rendit la ville d’Icosium, libéra les prisonniers et restitua les enseignes militaires ainsi que tout le butin qu’il s’était approprié. Le général romain remit la ville entre les mains de ses magistrats qui s’employèrent aussitôt à effacer les traces de la destruction et du chaos commis par Firmus et ses hommes. Par la suite, ce fut un moment de répit qui permit de nou- veau à la ville d’Icosium de retrouver son calme d’antan et de se réorganiser. Icosium était entou- rée de villas rurales, mais elle comportait, au- soixante-dix prélats de la Maurétanie césarienne dessus d’une ville basse où la population était qui se réunirent à Carthage sur l’ordre du roi dense, des quartiers résidentiels sur les vandale Genséric, en 484. L’invasion vandale premières hauteurs. Entourée de vastes plaines bouleversa la vie d’Icosium, comme celles de et bien irriguées, elle tirait une partie de ses toutes les cités romaines d’Afrique. En 429, une richesses de l’agriculture et de l’élevage. Elle importante armée, à sa tête le roi vandale entretenait des relations commerciales avec Genséric, déferla sur l’Afrique et envahit la certains pays du pourtour méditerranéen, tels terre numide. Toutes les villes qui se trouvaient l’Espagne, la Gaule du Sud et l’Italie et envoyait sur son passage furent pillées et saccagées. En probablement du blé et de l’huile à quelques mois, une grande partie de l’empire Rome. Icosium était reliée aux principales villes romain d’Afrique passa sous domination vandale. de la Province par deux routes : l’une partait Les Vandales infligèrent une lourde défaite vers l’ouest en suivant le littoral, traversait aux Romains. En 431, un premier traité fut Tipasa pour aboutir à la capitale Iol-Caesarea, paraphé entre les deux parties. Mais cela ne fut l’autre la reliait, vers l’est, à la colonie de qu’une ruse de la part des Vandales, car, pour Rusguniae (actuelle Tamentfoust). Vers les ces derniers, ce traité représenta un moment IIIème et IVème siècles, le christianisme fut de répit, un sursis, pour leur permettre de introduit à Icosium. Au Vème siècle, des écrits rassembler leurs forces et de mieux se réorgani-

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dans le chaos. ser et affiner leur stratégied’attaque. D’ailleurs, cette tactique a porté ses fruits puisqu’en 439, Carthage est passée sous domina- tion vandale. Avec cette dernière prise, le dernier rempart de l’occupation fut franchi permettant aux vandales d’asseoir leur suprématie en Afrique du Nord. En 442, un autre traité, signé entre Genséric et le général romain Théodose, confirma le partage des provinces romaines d’Afrique entre les deux puissances. Rome se contenta des Maurétanies césarienne et sitifienne, d’une partie de la Numidie avec Cirta et la Tripolitaine. Quant à Genséric, il reçut la Proconsulaire avec Carthage, la Byzacène et une partie de la Numidie avec Hippone (l’actuelle ). Icosium continua donc d’exister sous la souveraineté de Rome pendant les cent ans que dura la domination vandale. Sous le règne vandale, c’était le début d’une nouvelle ère pour Icosium et les autres villes passées sous la régence vandale. Nouvelle mais néanmoins funeste, ce fut même une période des plus destructrices. C’était le commencement de la fin. Avec l’arrivée des Vandales aucun changement positif n’a été apporté à leurs nouvelles colonies. En fait, ils ont maintenu en place tous les systèmes de gouvernance et économiques, à l’exception du mode de gestion immobilière qui LA PERIODE ISLAMIQUE se traduisit notamment par l’expropriation violente des terres fertiles et cultivables. Les La vague déferlante de l’Islam, en provenan- ce de l’Arabie, marqua la fin d’une ère et annon- actes de répression étaient le lot quotidien des ça les prémices d’une nouvelle page de l’histoire habitants. L’anarchie, la décadence et la dégrada- au Maghreb en la débarrassant du joug colonia- tion des conditions de vie n’augurent rien de bon. liste. Avec l’avènement de cette nouvelle reli- La création de sites militaires était le jeu prisé des gion, la langue arabe fut introduite et facilement Vandales, ce fut, d’ailleurs, le seul domaine dans assimilée car les autochtones maîtrisaient déjà lequel ils excellaient. Pour mettre fin à la domi- l’usage de la langue punique, parallèlement au nation vandale en Afrique, l’empereur Justinien latin et au berbère. Les premières incursions des confia au général byzantin Bélisaire le comman- Musulmans eurent lieu au début du VIIème siècle, dement d’un corps expéditionnaire. En 533, mais c’est avec Okba Ibn Nafa que commença la Bélisaire s’empara de Carthage et infligea une véritable conquête de cette région. En 670, ce cinglante défaite au roi Gelimer, l’arrière-petit- dernier fonda, en plein cœur de la Byzacène fils de Genséric. L’empereur Justinien entreprit (actuelle Tunisie), la ville de Qaïrouane dont il fit alors la réorganisation de l’Afrique. Mais, la base de l’expansion de l’Islam au Maghreb. quelques années plus tard, l’anarchie s’installa Entre 683 et 702, les résistances contre dans le pays. Les chefs ne contrôlaient plus l’«islamisation» de cette portion de l’Afrique du l’armée romaine et les Maures ravageaient Nord furent multiples. Les Byzantins furent impunément les provinces. Livrée aux attaques acculés, battus et rejetés à la mer et vers 702, le des tribus maures et berbères, Icosium sombra

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28 HISTOIRE dernier foyer de résistance berbère, entretenu capitale à son royaume en faisant construire, par Koceila et La Kahina, fut étouffé. vers 935, la ville d’Achir localisée au niveau du La fin du VIIIème siècle fut caractérisée par Djebel El Kaf Lakhdhar au sud-est de la ville de des troubles qui ont conduit à l’instabilité de la Berrouaghia et envoya, plus tard, son fils et suc- région. En effet, un vaste mouvement insurrec- cesseur fonder, selon un axe stratégique, trois tionnel conduit par des Kharrijites embrasa tout villes : l’une sur le bord de la mer appelée le pays. Ce n’est que vers le début du Djezaïr Beni Mezghenna, l’autre sur la rive ème IX siècle que le Maghreb retrouva la paix et la orientale du Chelif ayant pour appellation prospérité. Les premiers royaumes berbères Miliana, la troisième porte le nom de Médéa, islamisés virent alors le jour. trois grandes villes à la tête desquelles A cette même époque, deux grandes confé- Bologhine fut investi par son père pour les dérations de tribus berbères islamisées, voisines gouverner. et rivales, les Sanhadja et les Zenata, cohabi- Pour fonder El Djezaïr Beni Mezghenna, taient sur un immense territoire qui englobait le Bologhine jeta son dévolu sur un site qui Maghreb central, une partie de l’ et le correspondait exactement à l’emplacement de sud du Maghreb extrême. Les deux groupes se l’antique cité romaine d’Icosium et dont ne sub- trouvèrent, très tôt, mêlés à la rivalité qui oppo- sistaient que des ruines éparpillées çà et là dans sait, à quelques milliers de kilomètres, deux un vaste champ. Il faut préciser que la dénomi- grandes dynasties, les Omeyyades de Courdoue nation Beni Mezghenna fait référence, selon Ibn et les Fatimides de Qaïrouane. Parce que Khaldoun, à une tribu des Sanhadjas au sein proches du royaume fatimide et, probablement, desquels vivaient plusieurs peuplades ayant les recherchant un allié puissant, les Telkata, tribu mêmes origines et dont sont issus les Beni sanhadjienne, se tournèrent vers Qaïrouane, tan- Mezghenna. Le territoire de ces derniers couvri- dis que les Zenata se rallièrent aux Omeyyades. rait toute la zone du Sahel d’El Djezaïr ainsi qu’une partie des plaines de Mettegia LA FONDATION D’EL DJEZAIR BENI MEZGHENNA El Djezaïr entre dans l’histoire bien après l’expansion de l’Islam et l’avènement au pouvoir des Fatimides venus d’Orient au début du Xème siècle. C’est alors que les califes fati- mides ayant fondé leur première capitale Ikjan (près de Aïn Kebira, dans la wilaya de Sétif), ont conquis une grande partie du Maghreb, mais essentiellement pour en faire un point de départ de leur expédition pour la conquête de l’Egypte. A leur départ pour l’Orient, les Fatimides laissent le soin de gouverner leur empire d’Afrique du Nord à Bologhine «Abulfoutouh », le conquérant, surnommé aussi «Seif el dewla», le glaive de l’Etat. Ainsi naquit en 972 la dynas- tie ziride qui régna près de deux siècles. En fait, les Zirides avaient commencé à s’imposer bien avant cette date lorsque le père de Bologhine, Ziri Ibn Mened, chef des Telkata, engagea la lutte contre Abu Yazid, l’homme à l’âne, pour sauver le calife fatimide. Il donna alors une

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(la Mitidja) dont les dimensions étaient de près ment et de stabilité des plus enviables. A de 45 miles de longueur et 36 miles de largeur. l’origine, la ville berbère ne devait s’étendre qu’à Le choix de ce site n’est pas fortuit. En effet, l’emplacement de la cité romaine, la partie haute il est reconnu que la particularité des construc- du djebel comprise entre les remparts devant ser- teurs des villes berbères consistait surtout, pour vir à des jardins permettant d’alimenter, en partie se libérer du souci de la recherche de l’eau, de du moins, la population qui devait pouvoir vivre choisir un emplacement sur une montagne ou une en vase clos en cas d’attaques venant de l’arrière colline d’où jaillissait une source qui devait être pays. Mais l’expansion rapide de la population, utilisée pour l’alimentation en eau de la ville. des constructions et la prolifération de com- Cette source alimentait cette dernière par gravité merces et rues commerçantes de toutes natures et la traversant de part en part. Ce système d’ali- étirèrent la ville d’El Djezaïr en dehors des mentation en eau avait l’avantage d’alimenter la limites de l’ancienne Icosium. Le chroniqueur ville sans trop de difficultés, hormis celle de baghdadi, Ibn Hawqal, qui sillonna au Xème siècle canaliser l’eau et de mettre cette source à l’abri l’Afrique du Nord dans tous les sens, décrivit d’une éventuelle attaque. D’ailleurs, si l’on com- ainsi pare la colline sur laquelle s’édifia la ville d’El El Djezaïr Beni Mezghenna : « La ville est bâtie Djezaïr à la colline d’Achir, ville fondée par le sur un golfe et entourée de murailles. Elle père de Bologhine quelques années auparavant, renferme un grand nombre de bazars et quelques on constate que les profils sont presque iden- sources près de la mer. C’est à ces sources tiques. Pour El Djezaïr beni Mezghenna, la sour- limpides que les habitants vont puiser l’eau ce choisie est celle de Aïn N’Zaouza qui fut utili- qu’ils boivent. Dans les dépendances de cette sée jusqu’à 1830 par les Turcs. Le plus souvent ville se trouvent des campagnes très étendues et également, d’autres sources se trouvaient à l’in- des montagnes habitées par plusieurs tribus térieur de l’enceinte. Cela permettait aux berbères. Leurs richesses sont en grande partie Berbères, souvent attaqués, d’assurer l’alimenta- des troupeaux de bœufs et de moutons. Le miel, tion en eau de leur cité et d’éviter d’aller jusqu'à le beurre et les figues sont en telle abondance la rivière située en contrebas de la colline. Cette qu’on les exporte.» En effet, la zone du Sahel se première condition de disponibilité d’eau étant prêtait aux cultures les plus riches et les plus satisfaite, l’eau y coulait à profusion. variées. Les Beni Mezghenna y cultivaient le blé, La seconde condition qui avait permis à l’orge et de nombreuses plantes maraîchères. Les Bologhine de choisir ce site se rapportait à la dis- terres les moins arables étaient couvertes de ponibilité sur place d’une importante quantité de figuiers et d’oliviers. matériaux de construction (pierres, colonnes, dalles,...) provenant des ruines de l’ancienne LES HAMMADITES Icosium et qui ont servi à l’édification de la ville A sa mort, Bologhine Ibn Ziri laissa derrière et ses remparts. De plus, ses murs d’enceinte lui deux successeurs, Badis et Hammad. Pour des antiques, même s’il se sont partiellement effon- raisons de leadership, une lutte intestine opposa drés, offraient une excellente protection contre ces deux derniers qui finirent par rompre leurs les agressions externes après avoir été renforcés relations. Lassé de cette situation conflictuelle et reconstruits à certains endroits. En outre, les qui envenima les relations des deux côtés, rues déjà existantes à l’époque romaine et qui Hammad se résolut à sonner le glas de ce duel et n’ont présenté, au fil des siècles, que de légères déclara son indépendance et sous d’autres cieux déformations ont nécessité juste quelques aména- il fonda une nouvelle ville fortifiée, la Qalâa des gements. Ainsi naquit en l’an 960 la ville berbè- Beni Hammad, devenant ainsi la capitale de la re d’El Djezaïr Beni Mezghenna. nouvelle dynastie des Hammadites en 1007. Mais Durant les siècles qu’a duré le règne des l’accalmie entre les deux personnages ne revenait Zirides, la ville d’El Djezaïr Beni Mezghenna pas pour autant. Au contraire, la tension alla connut une période de prospérité, de développe- crescendo entre les deux capitales et la guerre

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30 HISTOIRE devint inéluctable. Après de nombreuses nouvelle période de prospérité et devint batailles, stériles, car il n’y eut ni vainqueur ni certainement une ville et un port d’une vaincu, Hammad et Badis finirent par signer un importance capitale. pacte de la paix qui scella la fin des hostilités. A la fin du XIème siècle, Youssef Ibn Pour se libérer du joug fatimide, El Moezz Ibn Tachefin y fit construire la première grande Badis, fils et successeur de Badis, renia, vers mosquée de rite malékite au Maghreb central, 1045, la souveraineté des Fatimides sur cette connue aujourd’hui sous le nom de Djamâa El région. Suite à cet acte considéré comme une Kébir et dont on dit qu’il n’y a de semblable offense, le calife décida de châtier cette qu’à et Nedroma. initiative d’«indépendance» en chargeant les tribus arabes des Beni Hillal et Beni Soleim de LES ALMOHADES lancer des assauts contre le Maghreb central. La réaction des tribus berbères sédentaires Leurs attaques furent meurtrières. Le pays fut contre la puissance des Almoravides, tribus mis à feu et à sang. Fuyant devant l’ennemi, les nomades du Sahara, ne tarda pas à se Berbères abandonnèrent terres et habitations et manifester. Elle prit naissance au sein d’une se réfugièrent dans les zones montagneuses. tribu du Haut Atlas marocain, les Masmouda, Abdiquant face à l’envahisseur, le prince puissante branche des Sanhadjas. La tête ziride El Moezz se réfugia, en 1057, à Mahdiya, pensante de ce mouvement de résistance fut un l’ancienne capitale fatimide. Au même moment, habile réformateur en la personne de l’imam Ibn le Hammadite El Nacer remettait de l’ordre Toumert. Se déclarant chef spirituel de la com- dans son royaume du Maghreb central et confia munauté qu’il venait de fonder, les Almohades la gouvernance des principales villes à des (El Mouwahidine), l’imam et ses fidèles membres de sa famille. Quant au sort formèrent le noyau d’une armée fanatisée. d’El Djezaïr, il fut mis entre les mains de son Ibn Toumert confia le commandement des fils Abdallah. La ville berbère vivait alors une troupes almohades à son disciple et ami ère de prospérité : «son port bien abrité, écrivit Abdel Moumène et le désigna comme son le géographe El Bekri, est très fréquenté par les successeur. En 1128, après la mort du marins de l’Ifriqiya, d’Espagne et d’autres Mahdi, Abdel Moumène, devenu calife, pays, et duquel on va en Espagne en six jours ». entreprit la conquête du Maghreb extrême puis du Maghreb central. Après avoir traversé Tlemcen, Abdel Moumène arriva en 1152 LES ALMORAVIDES devant les portes d’El Djezaïr qui était Pendant que les tribus arabes des Beni Hillal gouvernée par le prince hammadite El Kaïd, et des Beni Soleim livraient le pays à la des- fils de Abdel Aziz Ibn Badis. A cette époque, en truction et l’anarchie, les fondations de ce qui cette ville se trouvait El Hassan, le dernier allait devenir un grand empire commençaient à prince ziride, qui s’y était réfugié après la prise voir le jour au sud du Maghreb extrême. En de sa capitale par les Siciliens en 1148. La ville effet, l’imam Abdallah Ibn Yassin, dont la assiégée ne put résister longtemps à la formi- souche originelle était formée par les Berbères dable armée almohade. Toute la garnison almo- nomades Lemtouna, fonda la dynastie des ravide fut massacrée, seul le gouverneur El Almoravides (El Mourabetine). En peu de Kaïd et son hôte El Hassan furent épargnés et temps, sous la houlette de leur chef laissés en liberté. Youssef Ibn Tachefin, les Almoravides conqui- Sous les Almohades, El Djezaïr fut une ville rent tout le Maghreb extrême. Leur dévolu fut prospère. Elle possédait de nombreux marchés porté ensuite sur le Maghreb central. Après et son commerce avec les villes du Maghreb Tlemcen, et Ténès, El Djezaïr tomba entre était très actif ; elle ouvrit même son port aux leurs mains en 1082. Sous le règne des navires européens. Au XIIème siècle, El Idrissi Almoravides, la ville d’El Djezaïr connut une écrivait entre autres que «les tribus qui occupent

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31 HISTOIRE ce pays sont puissantes et belliqueuses». A la il poursuivit sa marche contre les Ibn Ghania mort de Abdel Moumène, le pouvoir passa entre libérant Béjaïa et Constantine. Fuyant Abou les mains de son fils Abou Yacoub Youssef, Zeïd, les deux frères se réfugièrent à . surnommé plus tard El Mansour. En 1163, ce Ne s’avouant pas vaincu, le prince almoravi- dernier rappela le prince ziride El Hassan Ibn Ali de revint à la charge, en 1225, au Maghreb à El Djezaïr. Il lui confia la charge de conseiller central. Ayant perdu son lustre d’antan, il ne du gouvernement almohade qui s’y trouvait en subsiste de la puissance almohade qu’un empire place. en déclin et en pleine décadence. C’est dans ces conditions qu’Ibn Ghania s’empara, de nouveau, LES FRERES IBN GHANIA d’El Djezaïr qui fut livrée au pillage. Il se tourna Vers 1185, venus des îles baléares, les frères ensuite contre les Maghraoua qu’il écrasa Ibn Ghania, descendants d’une princesse dans les plaines de la Mitidja, il tua leur émir almoravide, débarquèrent au Maghreb central et Mendil Ibn Abderrahmane et mit son cadavre en défièrent la puissance almohade. Cette nouvelle croix contre les murs d’El Djezaïr. Ibn Ghania incursion signa le retour des Almoravides à continua à semer la terreur dans cette partie du El Djezaïr. Béjaïa fut la première ville à être Maghreb jusqu'à sa mort en 1233. reconquise en infligeant une lourde défaite aux Almohades. Fort ambitieux, Ali Ibn Ghania, à la LES HAFCIDES tête d’une forte armée, marcha ensuite sur En 1228, Abou Zakaria, fondateur de la El Djezaïr qui fut attaquée par mer et par terre. dynastie hafcide, monta sur le trône de . La résistance fut de courte durée. Les portes Quelque temps après, il réfuta la souveraineté des d’El Djezaïr ne purent contenir les multiples Almohades et décida de leur disputer leurs assauts de l’armée d’Ibn Ghania, elles cédèrent possessions du Maghreb central. Il s’assura sans difficulté. Toutes les personnes faisant partie l’alliance de la puissante tribu nomade du gouvernement ainsi que les hommes de garni- Beni Soleim. Il s’empara de l’ancienne capitale son almohades qui contrôlaient El Djezaïr furent hammadite, Béjaïa, et poursuivit sa route en massacrés et la ville fut livrée au pillage. longeant le littoral. Arrivé devant El Djezaïr, il Le prince almoravide y installa, en qualité de trouva une ville ruinée par les razzias et les gouverneur, l’un de ses fidèles compagnons, en déprédations de l’armée d’Ibn Ghania. Ses habi- l’occurrence Yahia Ibn Akhi Talha. Face à cette tants incapables de se défendre lui ouvrirent les agression et violation de ses possessions du portes et se mirent sous sa protection. Une partie Maghreb, le sultan almohade El Mansour nomma de la tribu Beni Yezid, branche de Beni Soleim, l’émir Abou Zeïd, petit-fils de Abdel Moumène, qui furent aux côtés du prince hafcide dans son gouverneur du Maghreb central et lui intima expédition, fut autorisée à s’installer dans les l’ordre d’aller punir les frères Ibn Ghania. riches plaines du Sahel d’El Djezaïr. Les plaines L’émir Abou Zeïd prit la tête d’une partie de l’ar- de la Mitidja étaient alors occupées par une autre mée et se dirigea vers l’est, tandis que la flotte tribu arabe de la famille des Beni Hillal, les almohade appareillait pour la même destination. Thaaleba. La ville d’El Djezaïr, assaillie de toutes parts, se livra sans coup férir, comme le rapporte LES THAALEBA Ibn Khaldoun qui cite : «Les habitants d’El Djezaïr, avertis de l’approche des secours, Les Thaaleba, branche de la puissante tribu tant par la mer que par la terre, se soulevèrent Makil, faisaient partie des nomades arabes Beni contre Yahia Ibn Akhi Talha et le livrèrent, lui et Hillal qui envahirent le Maghreb au milieu du ses compagnons, au caïd Abou Zeïd.» Abou Zeïd XIème siècle. D’après l’historien Ibn Khaldoun, recouvra la souveraineté d’El Mansour à «les Thaaleba forment une tribu sœur des Obeïd El Djezaïr et y avait mis en place un gouverne- Allah et descendent de Thalek Ibn Ali Ibn Sakil ... ment almohade. Mû par cette victoire glorieuse, Etablis d’abord sur la limite du Tell, dans lequel

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32 HISTOIRE

ville fut assiégée de tous les côtés, mais les ils avaient pénétré en passant par le Ghezoul, assauts les Thaaleba s’avancèrent graduellement jus- répétés de l’armée hafcide furent vains face à la qu’aux plaines de Médéa et se fixèrent dans la du Titteri, appelée aussi montagne résistance héroïque des Algérois. Le général montagne d’Achir parce qu’elle renfermait la célèbre ville décida alors de lever le siège ; il reprit le chemin de ce nom ». Plus tard, les Beni Toudjin entrè- de sa capitale et mourut en cours de route en rent en guerre avec les Thaaleba et envahirent 1274. Le calife El Mostancir, excédé par cette leurrésistance, décida de mobiliser l’armée et la territoire, les contraignant à se replier dans les marine hafcides et de les envoyer contre la ville plaines de la Mitidja où ils s’établirent sous la rebelle. Le général El Haceb Ibn Yassin prit le protection des Beni Melikich, tribu sanhadjienne. commandement des forces terrestres et, en pas- «Quand les Beni Merin (les Mérénides), ajoute sant par Béjaïa, s’adjoignit les contingents Ibn Khaldoun, se furent emparés du Maghreb hafcides stationnés dans cette ville. Dans le central et qu’ils eurent mis fin à la puissance même temps, la flotte hafcide appareillait pour des Melikich, les Thaaleba demeurèrent maîtres El Djezaïr. D’après Ibn Khaldoun, « la ville se trouva bientôt étroitement bloquée par terre et de la Mitidja.» par mer ; puis, ayant été emportée d’assaut, elle vit massacrer ses habitants, piller ses maisons, LA REBELLION D’EL DJEZAÏR déshonorer ses mères de familles et violer ses A sa mort, en 1249, le souverain hafcide vierges. Les cheïkhs (qui formaient le gouverne- laissa à son fils El Mostancir un puissant ment) d’El Djezaïr furent chargés de chaînes et empire. Sous l’autorité du nouveau calife, le conduits à la citadelle de Tunis, où ils restèrent royaume connut ses années fastes. Mais la prisonniers jusqu'à la mort du sultan. seconde moitié du règne d’El Mostancir fut El Ouathec monta alors sur le trône et ordonna noircie par les révoltes de nombreuses tribus leur mise en liberté.» En 1275, les vainqueurs arabes. Ayant profité de cette ambiance de installèrent à El Djezaïr un gouvernement ayant confusion, quelques villes du Maghreb central à sa tête le cheïkh Ibn Akmazir, et laissèrent à tentèrent de se libérer de la souveraineté ses côtés une garnison de soldats almohades. hafcide, comme ce fut le cas de Miliana, en 1261, mais dont la rébellion fut étouffée et ses IBN ALLAN ET LES MERINIDES auteurs sévèrement punis. Vers 1265, la popula- Après une période de stabilité, synonyme de tion d’El Djezaïr se souleva contre le pouvoir puissance et d’accalmie, sonna l’heure de déclin hafcide et déclara son indépendance. «Les et l’empire hafcide se désagrégea. Et pour habitants d’El Djezaïr, rapporte Ibn Khaldoun, cause, les rivalités intestines entre ses succes- s’étant aperçus que l’autorité du sultan hafcide seurs minèrent l’empire de l’intérieur. Dans avait cessé de se faire sentir chez les Zenata cette course effrénée pour le leadership, ce fut et les autres peuples du Maghreb central, l’émir Abou Acida qui, en usurpateur, monta sur secouèrent le joug de l’Empire afin d’établir le trône de Tunis et ce, en 1295. Au même leur indépendance». Ils installèrent leur moment, la ville d’El Djezaïr perdit son gouver- gouvernement, où apparurent, probablement neur, le cheïkh Ibn Akmazir, qui gérait les pour la première fois, des cheïkhs de la tribu affaires de cette ville au nom de l’émir de arabe des Thaaleba, et purent ainsi jouir de leur Béjaïa. A sa mort, le cheïkh ne laissa pas de suc- liberté pendant près de cinq ans au terme des- cesseur, ce qui fut une aubaine pour Ibn Allan, quels le calife El Mostancir envoya contre eux l’un des membres les plus influents du conseil une puissante armée qui ne put forcer les des cheïkhs et gendre de l’ancien gouverneur, défenses de la ville. Deux ans plus tard, le géné- qui accapara le pouvoir et fit exécuter, le soir ral hafcide Abou Hillal Eid, gouverneur de même du décès de son maître, toutes les per- Béjaïa, se porta à nouveau contre El Djezaïr. La sonnes susceptibles de contrecarrer ses desseins

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33 HISTOIRE hégémoniques. Le lendemain, il annonça aux changea de destinée avec l’arrivée du Sultan de habitants d’El Djezaïr son intention de renier la Tlemcen. En 1313, Ibn Allan fut vaincu et sa ville souveraineté hafcide et proclama l’indépendance occupée et annexée à l’empire d’Abou Hammou. de la ville. Mais cette indépendance ne dura pas Le gouverneur de la ville conquise fut envoyé à longtemps, car quelque temps après, Tlemcen où il fut interné jusqu'à sa mort. les Mérénides arrivèrent au Maghreb central. En effet, deux années auparavant, vers 1311, Leurs premières conquêtes furent les villes de le sultan Abdelouadide Moussa Ibn Othman, dit Ténès et Miliana, avant de poursuivre leur avan- Abou Hammou, débarqua au Maghreb central cée sur la plaine de la Mitidja où les Melikich et avec, dans sa sacoche, des visées expansion- les Thaaleba firent allégeance au nouveau maître. nistes. Il entama la conquête de cette région en Forts de leur armée et de leurs nouveaux alliés, commençant par mettre sous sa coupe les Mérénides marchèrent sur El Djezaïr et l’as- les Maghraoua et les Toudjine pour, ensuite, faire siégèrent. Acculé et voyant que sa ville allait main basse sur les plaines de la Mitidja où il ins- certainement tomber entre les mains des talla son bivouac. Cette station fut le point de Mérénides, Ibn Allan s’empressa d’engager des départ de sa marche sur El Djezaïr. Pour négociations avec le souverain mérénide : en accomplir cette tâche, le sultan y envoya son échange de sa soumission il demanda de garder lieutenant, l’affranchi Meçameh, à la tête de le poste de gouverneur. Ce qui lui eut été accor- l’armée abdelouadide à laquelle furent intégrés dé. Sitôt la menace mérénide écartée, Ibn Allan d’importants contingents de Maghraoua et de se retrouva confronté à un autre danger qui souf- Toudjine. En riposte, Ibn Allan s’enferma dans sa fla de l’est. En effet, pour rétablir la souveraineté ville et soutint un long siège au terme duquel il des Hafcides dans cette ville, l’émir de Béjaïa, épuisa toutes ses vivres le contraignant alors à Abou El Baka Khaled, mena, en 1307, une expé- capituler sous des conditions. La Citadelle fut dition punitive contre Ibn Allan. Ce dernier, conquise. Succédant à Abou Hammou, l’émir ayant eu vent de l’imminence d’une attaque Abou Tachefin entreprit un vaste chantier hafcide, prit toutes les dispositions pour assurer d’embellissement confirmant la réputation non la défense de sa ville. Selon Ibn Khaldoun, « une usurpée de la ville d’El Djezaïr qui était foule de cavaliers et de fantassins, les uns venus considérée comme l’une des villes les plus de pays éloignés, les autres, fournis par la tribu importantes que comptait le royaume. Parmi les des Thaaleba, arabes de la Mitidja, accourut oeuvres qu’il réalisa, la rénovation de la Grande sous ses drapeaux. Ayant bientôt rassemblé un Mosquée qu’il dota d’un minaret. Pour preuve, la grand nombre d’archers et d’autres troupes, il se plaque de marbre qu’on peut trouver à l’intérieur trouva assez fort pour repousser les armées, qui, de ce monument qui porte l’inscription : «Le à diverses époques, partaient de Béjaïa pour minaret a été bâti en 1324 par Abou Tachefin, roi faire le siège de la ville». Tous les assauts lancés de Tlemcen». En 1370, Abou Hammou II, par l’armée d’El Baka contre la Citadelle furent deuxième du nom, rétablit pour la troisième fois voués à l’échec. Face à cette résistance inébran- la souveraineté abdelouadide sur tout le Maghreb lable, l’émir de Béjaïa abdiqua et dut se résoudre central. C’est l’un de ses fils qu’il désigna pour à lever le siège et regagner sa capitale. Cette gouverner, sous la tutelle de Salem, chef des victoire redora le blason du gouverneur Thaaleba, la ville d’El Djezaïr qui renoua alors d’El Djezaïr Ibn Allan dont le prestige s’accrut avec le commerce européen et recouvra son considérablement. Les habitants de la ville ainsi statut de ville stratégique dans cette région de la que les chefs des tribus alliées lui renouvelèrent Méditerranée. leur confiance. LES DEBUTS DE LA COURSE LES ABDELOUADIDES A EL DJEZAÏR L’usage de la course maritime en Une nouvelle fois, la ville d’El Djezaïr Méditerranée fut probablement établi vers 1360 à

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34 HISTOIRE partir de ports du Maghreb central de l’empire en 1376 à El Djezaïr, l’émir Abou Zyane, hafcide. Le port de Béjaïa fut le berceau de Khaled Ibn Amer, chef des Beni Amer, et les cette pratique maritime. Selon Ibn Khaldoun, chefs d’autres tribus insurgées et qu’il proclama unla souveraineté d’Abou Zyane. Le sultan certain nombre de corsaires qui s’organisaient Abou Hammou ne l’entendit pas de cette autour d’une association entreprennent la oreille. Il réagit aussitôt contre les tribus construction d’un navire à bord duquel un insurgées. Dans un premier temps, il vainquit équipage constitué d’hommes de la mer à la les Beni Amer, les Attaf et les Dialem et les dis- bravoure avérée est choisi. Ces guerriers se persa dans le désert. Puis arrivé devant lancent à l’assaut des côtes et îles occupées par El Djezaïr, il reçut la soumission du les Francs. Les navires des infidèles constituent cheikh Salem et de ses compagnons. Le sultan également une de leurs cibles préférées. Lors accepta leurs conditions mais exigea l’exil de des accostages et des abordages qui se déroulent l’émir Abou Zyane. Salem conserva ainsi son à l’improviste, les corsaires s’emparent de tout. poste de gouverneur d’El Djezaïr. Ce salut fut De retour chez eux, ces derniers reviennent de courte durée, car peu de temps après, chargés de leur butin constitué d’hommes le sultan abdelouadide entreprit d’envahir à captifs, de navires et de biens. Quant à l’improviste la Mitidja, repoussant les Thaaleba El Djezaïr, son entrée dans la course maritime dans les montagnes. Salem dut se réfugier chez fut entamée dès le XIIIème siècle. Son repaire les Beni Meceira dans les montagnes des offrait toutes les conditions de retrait des Sanhadja. Usant du subterfuge d’une « fausse navires musulmans. En effet, El Bekri rapporta promesse », le sultan le fit sortir de sa retraite, le à ce propos que «le port est bien abrité ; l’île fit venir à Tlemcen où il ordonna son exécution porte le nom de Stofla et le mouillage situé entre à coup de lance. Le cadavre du cheikh des elle et le continent est très bon et offre un bon Thaaleba fut attaché à un poteau à l’entrée de la hivernage.» Mais la course dans cette ville ne ville pour servir d’exemple. Pour gouverner prit son véritable essor qu’au XVIème siècle avec El Djezaïr, Abou Hammou nomma son vizir les frères Barberousse. Moussa Ibn Berghout, ancien gouverneur de la ville de Médéa. Plus tard, le sultan rappela les dirigeants des principales villes du Maghreb CHEÏKH SALEM, GOUVERNEUR central et les remplaça par ses propres fils. A la D’EL DJEZAÏR tête de Miliana, il plaça El Montacir, Abou La ville d’El Djezaïr avait pour gouverneur Zyane fut nommé à Médéa. Quant à Abou le cheikh Salem, l’émir des Thaaleba. La tran- Tachefin, il se fit donner par son père la quillité du règne de ce dernier fut troublée par souveraineté pleine et entière de la ville une injonction émanant du sultan abdelouadide d’El Djezaïr et y installa comme gouverneur lui intimant l’ordre de lui remettre les impôts Youssef Ibn Ez Zabia, «le seul de tous ses que l’émir prélevait dans sa ville et les frères qui lui avait montré de l’attachement et territoires qui en dépendaient. Bien que froissé auquel il avait accordé son amitié», écrit par cette intimation, l’émir des Thaaleba dut Ibn Khaldoun. Continuant sur sa lancée expan- s’exécuter avec, néanmoins, des arrière-pensées sionniste, le sultan abdelouadide empiéta sur le vindicatives. L’heure de mettre à exécution son territoire des Mérénides. En représailles à cette projet de vengeance sonna et l’occasion lui fut incursion, ces derniers marchèrent sur Tlemcen donnée par la révolte des Beni Amer qui se qu’ils dévastèrent entièrement à telle enseigne soulevèrent contre le sultan Abou Hammou. que Abou Hammou songea alors à transférer sa Profitant de cette aubaine, le cheikh Salem se capitale à El Djezaïr où il installa aussitôt son rallia aux révoltés et tenta de se défaire de la fils El Montacer, évinçant de ce fait souveraineté des Abdelouadides. Cette indépen- Abou Tachefin qui s’opposa à ce projet. dance prit forme lorsque le cheikh Salem réunit, Exaspéré, ce dernier s’empara de son père et le

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35 HISTOIRE fit enfermer à Oran. Ayant réussi à s’évader, El Moutaoukel, menacé de subir le même sort, Abou Hammou se réorganisa en ralliant à sa s’enfuit à Ténès et en fit sa capitale. Les cheikhs cause de nombreuses tribus arabes qui lui étaient des Thaaleba restèrent alors seuls maîtres de la restées fidèles et déclara la guerre à son fils qui, Mitidja et d’El Djezaïr. La ville si longtemps entre-temps, s’était assuré la protection des tiraillée entre les influences contraires de Fès, Mérénides. Tlemcen ou de Tunis recouvra son indépendance. Abou Hammou mourut au combat lors de la Une certaine stabilité, sous l’autorité de la puisante tribu arabe de la Mitidja, caractérisa cette période. Le royaume de Ténès, fondé par l’émir El Moutaouakel, réalisa des progrès consi- dérables, ce qui permit au sultan d’accroître son prestige et de rallier sous son drapeau de nom- breuses tribus arabes du Maghreb central. En 1461, se sentant assez fort pour reconsti- tuer le royaume de ses ancêtres, il lança son armée à l’assaut des anciennes colonies abde- louadides. Après Tlemcen, toutes les autres places fortes abdiquèrent. Les cheikhs qui gou- vernaient la ville d’El Djezaïr firent leur soumis- sion au nouveau sultan ; en échange, ils gardèrent leur poste de gouverneur de la ville. La fin du siècle fut marquée par des changements impor- tants au Maghreb, et la ville d’El Djezaïr fut parmi les premières à en subir les conséquences. bataille d’El Ghaïran et l’émir Abou Tachefin L’ARRIVEE DES ANDALOUS recouvra à nouveau son autorité sur le Maghreb ème A la fin du XV siècle, les trois puissantes central. Il rétablit son frère Youssef Ibn Ez Zabia dynasties mérénides, abdelouadides et hafcides, à la tête du gouvernement d’El Djezaïr. Dès lors, connurent une autre ère qui allait sonner le glas les princes abdelouadides gouvernèrent sous la de leur règne car affaiblies et sombrant dans une souveraineté des Mérénides. totale décadence. LE REGNE DES THAALEBA Le rapport de force, longtemps à l’avantage ème A l’orée du XV siècle, les princes de ces trois dynasties, allait basculer et se abdelouadides recouvrèrent leur souveraineté, pencher du côté des tribus arabes nomades qui mais la rivalité qui sommeilla entre eux imposaient peu à peu leur autorité sur certaines envenima davantage leurs relations et raviva la parties du pays. Cet état de fait aboutit au mor- flamme de la lutte pour le pouvoir. Soutenu par cellement de tout le Maghreb central et de tout les hafcides, Abou Zyane Mohamed, un prince l’Ifriqiya. En outre, cette décadence fut abdelouadide, quitta Tunis, en 1437, et, à la tête précipitée par la chute de Grenade, tombée entre de son armée, prit la direction du Maghreb les mains de Ferdinand, roi d’Aragon, et central. Il envahit les villes de Médéa, Ténès et d’Isabelle, reine de Castille, en 1492. Miliana. La prise de la Mitidja lui fut facilitée par En conséquence, des milliers d’Andalous la soumission des tribus qui habitèrent cette chassés d’Espagne se ruèrent sur les principales région. Abou Zyane Mohamed réussit à établir villes côtières du Maghreb où ils s’établirent. Ces son autorité sur la ville d’El Djezaïr où il se nouveaux émigrés, animés d’une haine fit proclamer roi. Un an plus tard, il mourut indéfectible contre les chrétiens, apportèrent assassiné. Son fils et successeur désigné, l’émir avec eux la connaissance des côtes de leur ancien

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36 HISTOIRE pays ; ils se mirent au service des corsaires reconnaissaient la suzeraineté de l’Espagne. maghrébins et armèrent à leur côté de petits Selon les conditions des vainqueurs, le sultan bâtiments qu’ils lancèrent à l’assaut des navires d’El Djezaïr, Salem Etteumi, cheikh des chrétiens en Méditerranée. Ils allèrent même Thaaleba, et celui de Ténès se rendirent à jusqu'à débarquer sur les côtes d’Espagne et Burgos pour présenter leurs hommages au roi d’Italie dont ils ravagèrent les villes d’où ils Ferdinand de Castille. Aussitôt après, le comte ramenèrent un butin considérable et de nom- Pierre de Navarre ordonna la construction, breux esclaves. La course maritime connut alors sur un îlot non loin de la ville, d’une forteresse, un nouvel essor et les corsaires algériens devin- « le Pênon », où il installa une garnison destinée rent en peu de temps la terreur de la à tenir en respect les habitants de la ville et à Méditerranée. contrôler le mouvement de tous les navires tran- sitant par le port. A cette même époque, LA PRISE D’EL DJEZAÏR les frères Barberousse faisaient déjà régner la terreur en Méditerranée. Ces derniers jouèrent PAR LES ESPAGNOLS d’ailleurs un rôle important dans les futurs Les royaumes d’Espagne, d’Italie et du événements qui vont jalonner l’histoire Portugal furent lentement ruinés par les d’El Djezaïr. incessantes attaques des corsaires maghrébins. En effet, les côtes de ces pays du pourtour médi- terranéen subissaient de multiples incursions de LES FRERES BARBEROUSSE la part des corsaires qui ravageaient tout sur leur Les frères Barberousse, on les dit natifs de passage. Il faut dire qu’à l’instar de nombreuses l’île de Metelin (Lesbos), étaient au nombre de villes côtières du Maghreb central, El Djezaïr quatre : Elias, Ishaq, Arroudj et Kheir Eddine. prenait activement part à la course maritime qui L’histoire n’a retenu que les deux derniers, et se déroulait en Méditerranée et son port consti- pour cause Elias et ishaq n’eurent pas le temps tuait un refuge d’une importance capitale et d’immortaliser leur contribution à l’écriture de stratégique pour les navires pirates. Las de cette l’histoire d’El Djezaïr car ils moururent jeunes. situation catastrophique et compromettante au Les premiers à s’être investis très tôt dans la vue des nombreuses déprédations qui leur sont piraterie furent Elias et Arroudj. Lors d’une rude causées, les Espagnols et les Portugais décidè- bataille contre un navire de , Elias perdit rent d’unir leurs forces et de pourchasser les la vie et Arroudj fut capturé et vendu comme agresseurs jusque dans leurs ports d’attache ou esclave sur une galère chrétienne. Durant de de retranchement. En 1501, la première expédi- longs mois de captivité, Arroudj connut les pires tion portugaise fut conduite par Don Manuel moments de son existence. La souffrance et les dont la flotte fut mise en déroute par les navires exactions qu’il endura pendant cette période algériens. Quatre ans plus tard, Don Diego de d’emprisonnement le marquèrent à jamais, Cordoue renouvela l’expédition qui aboutit à la ce qui eut pour effet de faire naître en lui ce prise de Mers El Kébir. En 1509, le cardinal de sentiment de haine et d’aversion envers les Ximenès s’empara d’Oran et, à son tour, chrétiens, sentiment qui le fera se jurer de Pierre Navarre occupa Béjaïa, berceau de la consacrer le reste de sa vie à se venger de ses piraterie en Méditerranée. Ayant appris la chute geôliers, en l’occurrence les chrétiens. Ayant de Béjaïa, les gouvernants d’El Djezaïr, réussi à s’échapper, il captura, peu de temps convaincus que leur ville serait la prochaine après, un vaisseau français et l’envoya au sultan cible, s’empressèrent de dépêcher à Béjaïa une de . En récompense, il reçut délégation ayant pour principale mission de deux galères, ce qui lui permit de se lancer dans faire acte d’allégeance au souverain espagnol. la course contre les navires chrétiens qui Le 31 janvier 1510, la capitulation d’El Djezaïr croisaient en Méditerranée. fut paraphée par les députés et par laquelle ils

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ARROUDJ vement de contestation en faisant assassiner le Régner en maître sur la Méditerranée ne cheikh Salem Etteumi. Ensuite, il dispersa les suffisait pas à Arroudj. Il manqua à ce dernier un Thaaleba, dont il craignit la vengeance, ainsi que endroit fixe où il pourra, lui et ses compagnons, les Beni Mezghenna dont certains éléments sub- s’établir. Il lui fallait donc un port qui sera à la sistaient encore dans la région, et se fit proclamer fois un lieu de repli et une base pour ses opéra- roi d’El Djezaïr. Après l’échec cuisant subit face tions maritimes. L’occasion lui fut offerte par à Arroudj, les Espagnols refusèrent d’abdiquer. l’émir Abderrahmane, dernier sultan hafcide à C’est le cardinal de Ximenès qui, soucieux de gérer les destinées de Béjaïa, qui fit appel à son rétablir la souveraineté espagnole sur la ville aide pour libérer sa ville de la domination d’El Djezaïr, mit sur pied une expédition contre espagnole. En effet, en 1512, au milieu de l’été, leur possession en Afrique du Nord accaparée Arroudj et ses compagnons débarquaient sur les par le raïs. A la tête de l’armada espagnole, plages voisines de Béjaïa qui fut assiégée de Diego de Vera arriva, le 30 septembre 1516, dans toutes parts. Après huit jours de siège, une la baie d’El Djezaïr où il jeta l’ancre. Là, il brèche fut ouverte et au moment de donner multiplia les assauts qui furent énergiquement l’assaut, un boulet tiré par l’ennemi fit perdre à repoussés car manquant de coordination. Erreur Arroudj le bras le contraignant à lever le siège et de stratégie. Arroudj entreprit alors de charger les à se replier. Deux ans plus tard, il revint à la Espagnols et la victoire lui fut acquise. Certes, la charge et dirigea une nouvelle expédition contre puissance armée du raïs concourra à porter un les Espagnols. Mais, encore une fois, son armée coup dur à l’armada de Diego de Vera, mais ce ne fut repoussée. Il se réfugia alors à Jijel, ville fut pas le seul facteur. Pendant les assauts, une indépendante dont les habitants, presque tous tempête se déchaîna et provoqua un vent de corsaires, l’accueillirent en triomphe. Il y fut panique chez les Espagnols. C’est ce moment-là rejoint par son frère Kheir Eddine. Ensemble, ils que choisit Arroudj pour asséner son coup fatal ; fortifièrent la ville et en firent leur résidence ainsi les rares hommes qui réchappèrent au massacre que le centre de leurs opérations maritimes. Sous furent capturés et jetés dans les bagnes de la le joug des Espagnols, les habitants d’El Djezaïr Régence. Suite à ses nombreux exploits, Arroudj ne désespérèrent pas de connaître un jour la étendit et confirma sa notoriété sur les places liberté. En effet, leur espoir se ranima lorsque fortes du Maghreb Central. C’est fort de Ncette Ferdinand de Castille mourut en 1516. réputation que les notables de Tlemcen, dont les Considérant que cette disparition rendit caduc de habitants subissaient les affres et la dictature du fait l’engagement de soumission au souverain prince abdelouadide Abou Hammou, lui firent espagnol et se sentant donc libéré de son serment appel. Cette nouvelle demande répondait aux d’obédience vis-à-vis de ce dernier, le ambitions du roi d’El Djezaïr désireux d’étendre cheikh Salem Etteumi fit alors appel aux frères son autorité à tout le Maghreb. Barberousse dont le récit de leurs exploits lui La confrontation entre les armées de Arroudj était parvenu. Arroudj répondit favorablement à et d’Abou Hammou se déroula dans la plaine l’appel. Il se mit alors à rassembler toutes les d’Arbal, aux environs d’Oran. Ce dernier subit forces dont il pouvait disposer et marcha sur une lourde défaite. Cette victoire écrasante El Djezaïr. Il y fit une entrée triomphale. Il permit à Arroudj de poursuivre sa marche sur éparpilla ses hommes dans tous les recoins de la Tlemcen où il fut accueilli en libérateur. Il fit ville, positionna ses canons en face du Pênon et sortir le jeune prince Abou Zyan de sa prison, somma le commandant de se rendre. Mais l’assit sur le trône, mais le fit étrangler quelques celui-ci refusa d’obtempérer. Le raïs décida alors jours plus tard. La tradition dit qu’il fit noyer près de retarder l’assaut contre cette forteresse bien de soixante-dix princes zianites dans un gardée et jeta son dévolu sur les habitants qui réservoir qui se trouvait dans l’enceinte du palais. étaient déjà mécontents du comportement brutal Les nombreux succès accumulés par le roi et arrogant des Turcs. Il mit un terme à ce mou- d’El Djezaïr ne furent pas sans inquiéter le roi

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38 HISTOIRE d’Espagne qui décida l’envoi de troupes à Oran. la suzeraineté des Espagnols. Abou Hammou, de son côté, reconstitua son En 1518, Arroudj fut décapité. Sa tête ainsi armée. Dans un premier temps, le gouverneur que le vêtement de brocart d’or qu’il portait, d’Oran projeta de s’emparer de la Qalâa de Béni furent rapportés à Oran et exposés aux portes de Rached qui était défendue par Ishaq, frère de la ville. Il était alors âgé de quarante-quatre ans Arroudj. La bâtisse fut encerclée. Ishaq fut et ne laissait pas de postérité. De l’occupation contraint de rendre les armes. Il obtint, pour lui de Jijel jusqu'à la prise de Tlemcen, ce redou- et ses compagnons, l’autorisation de se retirer à table raïs avait mené une guerre impitoyable Tlemcen. Mais ce fut une ruse, car à peine sortis de la forteresse qu’ils furent assaillis et massacrés par les Espagnols et les hommes d’Abou Hammou. La seconde étape du plan du gouverneur d’Oran après la prise de la Qalâa fut Tlemcen où, d’ailleurs, il fut rejoint par Abou Hammou. Là, ils entreprirent un siège qui dura près de six mois. Lorsque l’assaut final fut ordonné, les Turcs se retranchèrent dans le Mechouar. Dans le même temps, les habitants de Tlemcen, exaspérés par cette guerre qui n’en finissait plus et qui ruinait leur pays, décidèrent de passer à l’offensive. Après avoir obtenu l’autorisation de pénétrer dans le Mechouar pour la prière de l’Aïd Esseghir, qui correspon- dait cette année-là au 29 septembre 1518, ils se ruèrent à l’improviste sur les Turcs. Arroudj réussit à repousser les assaillants après une sanglante bataille où il perdit une grande partie de ses hommes. Affaibli et diminué militaire- ment, Arroudj, persuadé alors qu’il ne pouvait plus résister à un assaut des Espagnols, résolut de prendre la fuite avec ses compagnons. A la faveur de la nuit tombante, il sortit du Mechouar en emportant avec lui le butin considérable qu’il avait amassé. Il se dirigea vers l’est, probable- ment en direction de Mostaganem, l’une des villes où il était assuré de trouver un abri sûr aux chrétiens et à tous leurs alliés. De corsaire et un port d’où il pouvait embarquer pour téméraire et redouté, il était devenu conquérant El Djezaïr. Tard dans la nuit, le général espagnol et fondateur d’empire. Malgré son allégeance au fut informé de la fuite de son ennemi. Il partit sultan de Constantinople, son pouvoir était aussitôt à sa poursuite et ne tarda pas à le rattra- absolu. Il laissait à son frère Kheir Eddine le per au gué de l’oued el Melah (Rio Salado). noyau d’un empire. Arroudj essaya de ralentir ses poursuivants en jetant derrière lui une part de son butin, mais KHEIR EDDINE BARBEROUSSE cette dernière ruse fut vaine. Epuisés par la faim Kheir Eddine, en succédant à son frère Arroudj, et la soif, les Turcs se retranchèrent dans une hérita d’une responsabilité pour le moins vieille forteresse où ils succombèrent sous le délicate. En effet, les exploits réalisés par son nombre de leurs assaillants. Abou Hammou fut défunt frère furent à l’origine d’une réputation rétabli sur le trône de Tlemcen et gouverna sous considérable. De plus, les acquis des frères

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Ce dernier échafauda une stratégie d’attaque qui prévoyait de lancer des assauts simultanés par mer et par terre. C’est ainsi que le 17 août 1519, la flotte espagnole arriva sur les côtes algéroises. Les Espagnols se positionnèrent sur la colline dénommée Koudiat Es Saboun d’où ils canonnèrent les remparts de la ville. Kheir Eddine choisit ce moment pour lancer son offensive. Acculés de toutes parts et en fuite, les soldats espagnols tentèrent vainement de s’embarquer sur leurs navires. Le pacha d’El Djezaïr ordonna alors de les achever tous, car rongé par le sentiment de vengeance de la mort de ses deux frères. Cette écrasante victoire conforta Kheir Eddine dans son autorité sur El Djezaïr et lui permit d’étendre sa domination sur les territoires au-delà de la Mitidja. Il s’occupa ensuite de l’organisation défensive de sa ville. Il la fit fortifier en la dotant de solides remparts. Barberousse était alors le maître de tout le Maghreb central. La montée en puissance de la notoriété de Kheir Eddine dont la domination territoriale s’étendit à la limite du royaume hafcide fit naître des craintes chez le sultan Barberousse et leurs ambitions dépassent de loin de Tunis qui prit la décision de devancer les les potentialités tant matérielles que événements en rétablissant l’autorité hafcide sur militaires dont disposaient Kheir Eddine, il lui le Maghreb central. fallait un appui, et pas des moindres. C’est vers Il chargea alors des émissaires pour se rendre Constantinople que Kheir Eddine se tourna pour auprès du cheikh Ahmed Ben El Kadi, sultan de demander protection. C’est le sultan Selim Koukou ; ils avaient pour mission de convaincre qui était destinataire de cette requête qu’il consi- ce dernier d’embrasser la cause du sultan et de déra d’ailleurs comme une marque de confiance l’aider à se débarrasser du dernier Barberousse. et un immense honneur. Le sultan donna suite à La réponse fut positive. A la tête de son armée, la demande de Kheir Eddine en lui envoyant le sultan hafcide marcha sur El Djezaïr. De son deux mille soldats. De plus, il le mit à la tête du côté, pour faire face à l’ennemi, Kheir Eddine gouvernement d’El Djezaïr avec le titre de bey- rassembla ses janissaires auxquels se joignirent lerbey. La Régence d’El Djezaïr fut par consé- les troupes de son allié Ahmed Ben El Kadi. quent annexée à l’empire ottoman. Fort de cet La confrontation entre les deux belligérants eut appui, Kheir Eddine reprit en main les lieu sur le territoire des Flissa Oum El Lil. destinées de la Régence. D’un autre côté, depuis Dès que le combat se fut engagé, le cheikh la disparition de Arroudj, le roi Charles Quint ne Ahmed Ben El Kadi lança ses hommes contre les cessa de nourrir ses velléités de chasser une fois Turcs qui se trouvèrent pris entre deux feux. pour toutes les Turcs de tous les ports du Surpris par cette trahison, ils furent mis en Maghreb. Le roi Charles revint à la charge mais déroute ; Kheir Eddine réussit à prendre la fuite cette fois il confia à Don Hugo de Moncade, vers Jijel. Pendant ce temps, le sultan kabyle vice-roi de Sicile, la responsabilité d’organiser de Koukou traversait la Mitidja et arriva à une expédition contre la Régence d’El Djezaïr. El Djezaïr sans qu’on lui opposa une quelconque

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40 HISTOIRE résistance. des villes côtières à demander l’intervention du A son arrivée, Kheir Eddine trouva la ville roi Charles Quint pour mettre un terme aux de Jijel embourbée dans une terrible famine ; il exactions commises à leur encontre par fournit à la population du blé et des provisions. les corsaires algériens. En 1530, l’expédition Suite à cela, il se rendit compte que pour faire contre El Djezaïr fut décidée et son commande- face à une situation de crise nécessitant le ment confié à l’amiral Doria. Ce dernier arriva recours à un approvisionnement à grande échel- à El Djezaïr avec une armada le il fallait à tout prix reprendre la mer et la de mille cinq cents hommes qui entrèrent dans course qui fit, la capitale du pacha. Ils libérèrent les esclaves à partir de ce même port, la fortune de son frère chrétiens qui envahirent toute la ville pour Arroudj. De là, il reprit ses assauts contre les se livrer au pillage. Ayant mis à profit cette navires chrétiens qui passaient par la mer situation de désordre, les Turcs se lancèrent Méditerranée et débarqua sur les côtes de contre les Espagnols qui furent massacrés. Tunisie, d’Espagne et d’Italie où il sema la L’amiral Doria en réchappa en prenant la fuite. terreur. En deux ans de course, il reconstitua sa A Constantinople, le sultan ottoman, contrarié puissance et ramena l’abondance dans le pays. par les incessantes incursions de l’amiral Doria De succès en succès, il se sentit assez fort pour contre ses possessions en Grèce, fit appel envisager la reconquête de son ancienne au pacha d’El Djezaïr et le reçut avec tous capitale. Barberousse rassembla toutes les les honneurs, l’élevant au rang dignitaire de forces dont il pouvait disposer et se mit en capitaine-pacha, c’est-à-dire grand amiral de la marche pour El Djezaïr. En 1527, il entrait flotte ottomane. Barberousse pourchassa alors triomphalement dans son ancienne capitale. l’amiral génois, réussit à le battre et l’obligea à Une fois El Djezaïr reconquise, il entreprit alors se replier dans son port d’attache. De retour à de se débarrasser du Pênon espagnol qui contrô- El Djezaïr, Kheir Eddine ordonna les préparatifs lait toujours l’entrée du port. Il disposa un d’une expédition punitive contre Tunis, ensemble de batteries en face de l’îlot et somma gouvernée alors par le sultan Moulay Hassen. le commandant De Vargas de se rendre. Ce Surprise par cette attaque inopinée, l’armée dernier opposa un rejet catégorique entraînant de ce fait le début des hostilités. Le 5 mai 1529, Kheir Eddine commença à bombarder la forteresse. Au terme de quinze jours de siège, une brèche fut ouverte. Les Turcs débarquèrent sur l’îlot et prirent d’assaut le fort. La garnison, très éprouvée, se rendit sans aucune résistance. La partie haute du Pênon fut entièrement détruite, seule fut conservée la plate-forme circulaire sur laquelle les Turcs installèrent un fanal et une batterie. Kheir Eddine, qui avait plus que jamais besoin d’un abri pour sa flotte, fit construire un môle long de deux cents mètres, large de vingt-cinq et haut de quatre. Cet imposant ouvrage reliait la ville aux îlots rassemblés par un terre-plein. La prise du Pênon et sa démolition consacrèrent l’indépendance du port d’El Djezaïr et donnèrent une nouvelle impulsion à la course. Ce succès des Turcs provoqua une vive émotion en Espagne et poussa les populations

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41 HISTOIRE tunisienne, rassemblée en toute hâte par Durant cette période, les Espagnols étaient le sultan, fut mise en déroute et les Turcs maîtres des villes d’Oran, de Béjaïa, de Bône et se répandirent dans Tunis qu’ils livrèrent au de Goulette et leur vassal Moulay Hassen régnait pillage. Barberousse prit possession de la ville au à Tlemcen. A son départ, Hassan Agha succéda nom du sultan ottoman. Charles Quint, toujours à Kheir Eddine et à la tête de ses terribles pirates, au fait des entreprises du capitaine-pacha au il parcourait la Méditerranée et y semait la Maghreb, réagit aussitôt et mit sur pied terreur. En octobre 1541, sollicité de toutes parts, une force redoutable. En juillet 1535, il reprit Charles Quint lança une expédition décisive Tunis, contraignant Kheir Eddine à s’enfuir en contre El Djezaïr, expédition qu’il dirigea direction de Bône où il avait laissé douze galères. d’ailleurs lui-même. Pour faire face à cette Le pacha d’El Djezaïr regagna sa capitale sain et attaque, Hassan Agha organisait la défense et sauf et, en représailles contre sa défaite de Tunis, attendait, à l’extérieur de la ville, le renfort de il débarqua à Majorque. Il prit d’assaut Mahon plusieurs milliers de Kabyles. Le 24 octobre qu’il pilla et incendia. de la même année, Charles Quint prit position sur Ce fut là sa dernière action d’envergure en le sommet d’un monticule appelé tant que de la Régence d’El Djezaïr. Koudiat Es Saboun. Trois jours plus tard, en Le 15 octobre 1535, il fut rappelé par le sultan l’occurrence le 27, Hassan Agha, en meneur, ottoman, dont il commanda la flotte jusqu'à sa lança ses troupes contre l’ennemi et assaillit mort en 1546. Il ne retourna plus sur cette terre de toutes parts une armée chrétienne affaiblie qui avait fait sa gloire et sa fortune. A juste titre, et démoralisée par des tempêtes et des pluies Kheir Eddine Barberousse peut être considéré torrentielles. Ce fut un massacre : une grande comme le véritable fondateur de la Régence partie de la flotte fut coulée et douze mille d’El Djezaïr. Il hérita certes de son frère Arroudj hommes noyés, tués ou retenus prisonniers. Au d’une renommée et d’un noyau d’empire, mais printemps de l’année 1542, le pacha envahit la son courage, son sens du commandement, ainsi Kabylie et se porta contre Ben El Kadi, roi de que sa légendaire fermeté lui permirent de faire Koukou, dont il obtint la soumission. Il marcha face à tous ses ennemis, de gagner l’estime ensuite sur Tlemcen où il imposa la souveraineté et la confiance du sultan ottoman et de bâtir une turque. De retour dans la capitale, il fut proba- formidable puissance maritime qui domina tout blement victime d’une révolte des janissaires qui le bassin méditerranéen pendant plusieurs installèrent à sa place El Hadj Bechir Ben siècles. Ateladja. Contrarié par cette rébellion, le sultan ottoman décida aussitôt d’envoyer un nouveau EL DJEZAÏR, SOUS LES BEYLERBEYS pacha à El Djezaïr. Kheir Eddine Barberousse fut le premier à inaugurer le règne des beylerbeys au Maghreb. HASSAN IBN KHEIR EDDINE Ses successeurs adoptèrent dans cette région une Pour succéder à Hassan Agha, le choix de la gouvernance qui ne tolérait aucune opposition. Sublime Porte quant à l’homme qu’il va falloir Ils parvinrent à maintenir sous leur autorité placer à la tête de la Régence d’El Djezaïr se les deux principales forces de la Régence : porta sur Hassan, fils de Kheir Eddine. En juin la redoutable milice des janissaires ou odjak, et la 1544, le nouveau pacha quitta Constantinople, puissante confédération des corsaires ou taïfa des avec une petite escorte. La crainte et le respect raïs. Pendant toute la durée de leurs règnes, les qu’inspirait jadis son père lui valurent un accueil beylerbeys eurent souvent à réprimer sévèrement chaleureux aussi bien de la part des janissaires les révoltes des janissaires qui tentèrent de que de la population de la capitale. Dès les s’emparer du pouvoir à El Djezaïr. premières années de son règne, Hassan orienta ses efforts en direction de l’ouest du pays dont les HASSAN AGHA principales villes étaient sous le joug espagnol.

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Sa priorité était donc de recouvrer la souveraine- Eddine fut rappelé par le sultan ottoman. Il té turque sur ces régions. Il ne tarda pas, par quitta El Djezaïr pour Constantinople et y laissa conséquent, à organiser une expédition contre le commandement par intérim au caïd Saffah. Tlemcen. Il se mit à la tête de ses janissaires auxquels se joignit un renfort de deux mille SALAH RAÏS cavaliers commandés par le cheikh de Ténès. Le Au mois d’avril 1552, Salah Raïs débarqua pacha d’El Djezaïr surprit l’armée espagnole dans la capitale de la Régence avec le titre de aux environs de Mostaganem. Après une beylerbey. Deux ans plus tard, il prêta main bataille acharnée, le gouverneur d’Oran fut forte au sultan marocain Abou Hassoun et vaincu l’aida à remonter sur le trône de Fès. En 1555, et réduit à prendre la fuite avec ce qui resta il entreprit de libérer Béjaïa de l’influence de son armée. A son retour à El Djezaïr, Hassan espagnole. Vers la fin de juin 1555, à la tête apprit la triste nouvelle du décès de son père d’une forte armée algéroise renforcée par un ainsi que sa nomination au titre de beylerbey imposant contingent kabyle, Salah Raïs fit du Maghreb. appareiller une flotte composée de vingt-deux Quelque temps plus tard, la ville de Tlemcen galères chargées de matériel et partit en fut à nouveau l’enjeu d’une bataille entre direction de Béjaïa. Le 27 septembre 1555, la le chérif marocain Mohamed El Medhi et ville fut prise d’assaut, mettant fin à plus de Hassan. Les Marocains s’emparèrent de quarante-cinq ans d’occupation espagnole. Dès l’ancienne capitale abdelouadide. Mais immé- son retour à El Djezaïr, Salah raïs entreprit d’or- diatement après, l’armée marocaine fut mise en ganiser une autre expédition en direction d’une nouvelle cible, Oran. Il reçut du sultan ottoman un important renfort de troupes. Mais son projet fut contrarié par l’épidémie de peste qui éclata à El Djezaïr en 1556. Il en fut lui-même atteint et mourut à l’âge de soixante-dix ans. Cette dispa- rition soudaine du pacha d’El Djezaïr ne mit pas fin pour autant aux préparatifs engagés dans le cadre de la libération de la ville d’Oran occupée par les Espagnols. Sans attendre les ordres du sultan ottoman, le khalifat Hassan Corso prit le commandement de l’armée et marcha sur Oran. Après avoir pris position autour de la ville, il reçut de la Grande Porte l’ordre de lever le siège et de renvoyer la flotte à Constantinople.

HASSAN CORSO ET LE PACHA TERKERLI A son retour à El Djezaïr, Hassan Corso apprit que le successeur de Salah Raïs avait quitté la Turquie et faisait voile vers la capitale de la Régence. Lorsqu’il arriva aux abords de la déroute par les multiples assauts lancés par baie d’El Djezaïr, le nouveau pacha, Mohamed les Turcs sous le commandement de Hassan Terkerli, se vit interdire l’entrée du port par Corso qui reprit possession de la ville au nom le corps de l’odjak qui soutenait la candidature du beylerbey en 1552. de leur chef Hassan Corso. Les raïs qui Peu de temps après, Hassan Ibn Kheir entendaient rester fidèles au sultan ottoman

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43 HISTOIRE vinrent à son secours, et au beau milieu de la nuit, et, après avoir gagné sa confiance, il l’assassina. ils le firent débarquer dans le port qui était sous A la faveur des désordres qui suivirent leur autorité. Ils réussirent à le faire entrer dans la l’assassinat du chérif, Hassan tenta grâce à un ville et à l’escorter jusqu'à la résidence des stratagème d’envahir le Maroc. En février 1558, pachas. Mohamed Terkerli ordonna l’arrestation il marcha sur Fès, mais il fut repoussé et contraint de Hassan Corso et le fit empaler sur de regagner sa capitale. Au début de l’été de la les crochets de Bab Azzoun où il agonisa même année, il eut à intervenir contre les pendant trois jours. Son complice, le gouverneur Espagnols qui s’étaient rendus maîtres de de Béjaïa, Ali Sardo, subit le même sort. Le règne Mostaganem. Son expédition fut couronnée de Mohamed Terkerli fut de courte durée. Alors de succès et se solda par la mort du comte qu’il s’était isolé de la capitale pour fuir l’épidé- d’Alcandete et par la déroute de l’armée mie de peste qui ravageait encore les rues d’El chrétienne. Les janissaires, mécontents des Djezaïr, il fut assassiné par le caïd Youssef, fidè- mesures prises par Hassan Ibn Kheir Eddine en le partisan de Hassan Corso. Les janissaires faveur des Arabes et des Berbères, entrèrent en entrèrent en rébellion ; ils mirent à mort les rébellion. Au cours d’une nuit de juin 1561, ils compagnons du pacha et installèrent provisoire- firent irruption dans le palais et s’emparèrent du ment le caïd Yahia, ancien khalifat de Salah raïs, beylerbey et de tous ses compagnons. Ils le firent à la Jenina en attendant l’arrivée du nouveau embarquer sur un vaisseau qui prit la direction de beylerbey. Constantinople. Le chef des insurgés, l’agha Hassan, exerça le pouvoir pendant près de trois mois au bout desquels Ahmed Pacha arriva à HASSAN IBN KHEIR EDDINE, El Djezaïr avec la mission de mettre fin à LE RETOUR l’insurrection et d’en châtier les auteurs. Ceux-ci Le souverain ottoman se tourna encore une furent tous arrêtés et envoyés à Constantinople fois vers Hassan Ibn Kheir Eddine dont où ils eurent la tête tranchée. En mai 1562, l’influence était encore très forte au sein de la le nouveau pacha était occupé à remettre de population d’El Djezaïr et chez les vieux raïs l’ordre dans sa capitale lorsqu’il décéda subite- avec lesquels il avait fait ses premières armes. Le ment, probablement empoisonné, laissant beylerbey quitta Constantinople avec vingt l’intérim au caïd Yahia. La Porte ne fit aucun cas galères. En juin 1557, il jeta l’ancre dans le port des accusations portées par les janissaires contre d’El Djezaïr et prit possession de la ville sans y le beylerbey Hassan et lui renouvela sa confian- rencontrer de résistance. Dès son installation, il ce en le nommant pour la troisième fois au pacha- conçut le projet d’affaiblir la redoutable milice lik d’El Djezaïr. En août 1562, le pacha, accom- des janissaires pour mieux la contrôler. Il conclut pagné de plusieurs galères, fit son entrée dans le des alliances avec des cheikhs des tribus arabes port d’El Djezaïr. La milice ne lui opposa aucune et berbères, se constituant ainsi un vivier d’où il résistance, les raïs et les Algérois lui firent un pouvait recruter des auxiliaires pour son armée. accueil chaleureux. A peine installé dans son Enfin, il accorda à leurs populations un privilège palais, Hassan se plongea à nouveau dans les pré- qui leur était refusé par ses prédécesseurs, en les paratifs d’une grande expédition contre Oran. autorisant à se fournir en armes et munitions dans Il rassembla sous ses drapeaux des milliers de sa capitale. Le beylerbey ne perdait pas de vue combattants turcs, espagnols, kabyles des tribus l’ouest de son pays où la province de Tlemcen de Zouaoua et de Béni Abbès. Il fit partir sa était à nouveau victime des attaques des flotte chargée de pièces d’artillerie, de munitions Marocains. Pour mettre fin à cette menace, il et de vivres, et, le 5 février 1563, il quitta résolut de faire assassiner le chérif Mohamed la capitale en la laissant sous la garde de son El Medhi. Il chargea de cette délicate opération khalifat Ali Chetili. Hassan porta ses premiers un de ses fidèles officiers, Salah Kahia. Celui-ci efforts sur Mers El Kebir. Après plusieurs jours réussit à s’introduire auprès du sultan marocain de siège et de nombreux assauts, la garnison

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44 HISTOIRE espagnole qui défendait cette place fut presque plus tard, à la mort de Piali, le sultan Selim II le décimée. Au moment où les Turcs allaient s’en nomma capitaine pacha. Au début de 1567, rendre maîtres, une importante flotte chrétienne, il quitta le Maghreb pour Constantinople où il composée de cinquante-cinq galères chargées mourut trois ans après. de troupes, fit son apparition dans la rade. La flotte turque se dispersa aussitôt et Hassan, dont MOHAMED IBN SALAH RAIS l’armée n’était pas préparée à affronter une Lorsque Mohamed Ibn Salah Raïs, pareille armada, se résigna à lever le siège et le nouveau gouverneur, débarqua à El Djezaïr, à reprendre le chemin d’El Djezaïr. A son arri- il trouva la ville en proie à la peste et à vée, il trouva la ville ravagée par la peste, les la famine. Depuis quatre ans déjà, le terrible morts fléau ravageait le pays et avait décimé près de la se comptaient par centaines. En mai 1565, moitié de la population de la ville. La misère et Hassan Pacha participa, aux côtés du grand le désordre avaient engendré le brigandage et amiral Mustafa Piali, à l’expédition ordonnée l’insécurité s’était installée dans la ville et ses par le sultan ottoman contre les chevaliers de environs. Mohamed Ibn Salah Raïs s’employa à Malte. Les Turcs trouvèrent en face d’eux mettre un terme à cette confusion et à rétablir des adversaires déterminés et, malgré de nom- le calme et la sécurité. Mais la ville vécut à breuses victoires, l’entreprise turque n’atteignit nouveau un événement tragique. Vers le milieu de l’année 1567, un audacieux marin valencien, Juan Gascon, conçut le projet fou de s’emparer d’El Djezaïr. Avec ses deux galères, il s’appro- cha des côtes algéroises et, à la faveur de la nuit profonde, il pénétra dans le port. A peine débarqué, il lança ses hommes à l’assaut des remparts, au moment où ils s’apprêtaient à forcer les portes, la garde turque donna l’alerte. Les soldats du pacha surgirent de tous les côtés. Les hommes de Juan Gascon eurent à peine le temps de rembarquer et de s’enfuir. Ils furent pourchassés et rattrapés par les corsaires turcs. L’audacieux capitaine et ses compagnons furent livrés au pacha qui ordonna leur mise à mort. Mohamed Ibn Salah Raïs tenta ensuite de conci- lier les deux principales forces de la Régence, les raïs et les janissaires. Il autorisa ces derniers à s’embarquer sur les galères turques pour par- ticiper à la course et profiter de ses bénéfices. Mais l’opposition entre les deux parties était si forte que le rapprochement s’avérait difficile.

EULDJ ALI pas ses objectifs. Le 5 septembre, d’importants Au début de 1568, rappelé à Constantinople, renforts chrétiens arrivèrent par la mer, le capi- le pacha Mohamed Ibn Salah Raïs fut remplacé taine pacha Piali, dont une partie des troupes à la tête du pachalik d’El Djezaïr par Euldj Ali, luttait contre une épidémie de peste, choisit l’un des plus fidèles compagnons de Hassan Ibn de lever le siège et ordonna la retraite. Kheir Eddine. En mars 1568, le nouveau Le beylerbey Hassan regagna sa capitale. Un an beylerbey arriva à El Djezaïr. Il prit ses fonc-

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45 HISTOIRE tions avec la ferme intention de faire passer toute Il soumit les villes du littoral et de l’intérieur, seule la Goulette échappait encore à son contrôle. Euldj Ali fut élevé à la dignité de grand amiral en remplacement de Hassan Ibn Kheir l’Afrique septentrionale sous l’autorité de la Eddine qui venait de mourir. Le gouvernement d’El Djezaïr fut confié à un autre raïs, Arab Ahmed. En octobre 1573, la nouvelle de la prise de Tunis par l’armada de Philippe II, fut très mal accueillie à Constantinople. Euldj Ali Porte. Contrairement à ses prédécesseurs, il se obtint du sultan ottoman l’autorisation de diriger une expédition contre l’ancienne capitale de l’Ifriqiya, Tunis, et d’en chasser à tout jamais les Espagnols. Le capitaine pacha prit le désintéressa de l’ouest du pays et se tourna vers commandement de l’imposante flotte turque. En juillet 1574, il aborda les côtes de Carthage où il fut rejoint par le pacha d’El Djezaïr, Arab Ahmed. Dans le même temps, une impor- la Tunisie. En octobre 1569, Euldj Ali prit le tante armée menée par Sinan Pacha quittait Tripoli en direction du nord ; en passant par Kaïrouan, celui-ci s’adjoignit les troupes du caïd Kheder. La Goulette, où s’était concentrée la plus commandement d’une puissante armée grande partie des forces espagnoles, fut prise d’assaut par terre et par mer. Le siège dura plus d’un mois ; le 20 août, plusieurs brèches étaient ouvertes et, trois jours plus tard, la forteresse tombait entre les mains de Sinan Pacha. La ville composée de janissaires et de Kabyles et se mit de Tunis ne tarda pas à subir le même sort. Le sultan Moulay Mohamed, le comte Serbilloni et plusieurs centaines de captifs espagnols, ainsi qu’un riche butin furent envoyés à la Grande en marche, laissant la garde de sa capitale à son Porte. Le caïd Kheder fut chargé du gouverne- ment de Tunis, le caïd Ramdane obtint le Pachalik d’El Djezaïr en remplacement de Arab Ahmed qui partit à Constantinople en khalifat Hassan Corso. Deux mois plus tard, compagnie du grand amiral Euldj Ali. Après sa prise de fonction dans la capitale de la Régence, le pacha Ramdane fut chargé par Euldj Ali de conduire une expédition contre le Maghreb extrê- me qui était alors gouverné par le chérif Moulay Tunis tomba entre ses mains presque sans Abdellah. Le 15 janvier 1576, l’armée algéroise arriva aux portes de Fès. La ville fut prise sans effusion de sang et Moulay Abdelmalek, protégé du grand amiral combat. Il y installa une garnison de trois mille ottoman, fut rétabli sur le trône. A son retour à El Djezaïr, Ramdane Pacha reçut la nouvelle de sa nomination au pachalik de Tunis et son remplacement par qui prit Turcs sous les ordres du caïd Ramdane. possession de sa charge de pacha d’El Djezaïr

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46 HISTOIRE en juin 1577. Le nouveau pacha était un homme l’emprisonnement d’un de ses membres, le raïs cruel et cupide qui sut se faire craindre des Mourad. Ramdane, qui ne pouvait pas faire face janissaires et des raïs. Les habitants de la provin- à la révolte, fut contraint de s’enfuir pour se ce subissaient avec résignation les charges qu’il réfugier dans les environs de la ville. Le raïs leur imposait et les craintes qu’il inspirait à tout Mami Arnaute, chef des insurgés, s’empara du le monde étouffaient toute velléité de révolte. pouvoir et le conserva jusqu'à l’arrivée de Pendant les années 1578 et 1579, la province, Hassan Veneziano. Le redoutable pacha revint à qui venait à peine d’être débarrassée de la peste, eut à souffrir d’une sévère disette causée par une sécheresse prolongée. La famine fit des centaines de victimes, ceux qui échappèrent à la mort quittèrent la ville et se répandirent dans les campagnes voisines avec l’espoir de trouver de quoi se nourrir. « Entre janvier et février 1580, écrit l’écrivain espagnol Haëdo, il mourut de faim dans les rues d’El Djezaïr cinq mille six cent cinquante-six Maures ou arabes ». La révolte grondait par- tout, les tribus de l’intérieur refusèrent l’impôt, les janissaires envahirent les maisons vidées de leurs habitants et se livrèrent au pillage. La Régence était livrée à l’anarchie et le pacha était réduit à l’impuissance. Hassan fut rappelé par la Porte qui nomma à sa place un de ses fidèles, Djafer Pacha. Celui-ci s’employa à calmer la sédition et à rétablir l’ordre et la sécurité dans toute la province. Il châtia sévère- ment les mutins et attisa ainsi la colère de la milice. Les janissaires résolurent de l’assassiner et d’élire à sa place leur agha. Djafer, informé du complot, put se saisir des conspirateurs et leur trancher la tête. A la fin d’avril 1581, l’ordre étant rétabli, les citadins purent rentrer chez eux et reprendre leurs activi- tés. Un mois après, Euldj Ali, qui avait reçu l’ordre de partir à la conquête du Maghreb extrême, arriva à El Djezaïr avec une flotte de soixante galères. El Djezaïr et reprit en main la destinée de la Pendant qu’il y préparait son expédition, il Régence. fut rappelé par le sultan Mourad qui avait besoin La course reprit son essor et les raïs firent de toutes les forces de l’empire pour faire face à à nouveau régner la terreur en Méditerranée. la révolte qui venait d’éclater en Arabie. Au Les côtes d’Espagne, des Baléares, de Sicile, début de l’année 1582, il reprit la mer en direc- de Sardaigne, de la Corse furent sans cesse tion de l’Orient et amena avec lui Djafer, lais- visitées, pillées et rançonnées par les fameux santcorsaires, tels Mourad raïs, Mami Arnaute et le gouvernement d’El Djezaïr à Ramdane. tant d’autres. Le pacha Hassan lui-même Ramdane ne tarda pas à entrer en conflit n’hésitait pas à prendre part à ces expéditions avec la puissante taïffa des raïs qui s’opposait à dont il rapportait de riches butins. En 1585,

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47 HISTOIRE cette bonne fortune fut contrariée lorsque l’amiral Doria réussit à s’emparer de quelques navires algérois sur les côtes de la Corse. Les dernières années du règne de Hassan s’écoulèrent sans aucun événement remarquable. En juin 1587, le plus grand et dernier beylerbey d’Afrique, Euldj Ali, mourut. Quelques mois plus tard, son fidèle raïs Hassan Veneziano lui succéda comme grand amiral de la flotte turque. A la mort de Euldj Ali, la Sublime Porte supprima la dignité de beylerbey et divisa les possessions turques d’Afrique en trois pachaliks indépendants : El Djezaïr, Tunis et Tripoli. La Régence d’El Djezaïr fut placée sous l’au- torité d’un gouvernement nommé directement par Constantinople pour une durée de trois ans. Le pacha « triennal » était secondé par un Diwan composé d’officiers de la milice des janissaires. Ces derniers ne tardèrent pas à mettre à profit la disparition des beylerbeys, dont l’autorité dictatoriale leur imposait crainte et res- arrivée à El Djezaïr, la nouvelle recrue, appelée pect, pour s’affranchir de ce nouveau ioldach, était inscrite sur le registre des janis- pouvoir. Attirés par la réputation et les richesses saires avec indication du nom des parents, de la de la capitale des raïs, les prétendants au poste de ville d’origine et de l’ancien métier. pacha se disputaient les faveurs du sultan pour Il était ensuite affecté à un groupe et aussitôt être envoyés à El Djezaïr. Les plus heureux obte- conduit dans une caserne de la ville où il allait naient souvent leur nomination par vivre pendant toute sa carrière militaire. Dans l’intrigue et la corruption, certains y employaient cette redoutable milice, tous, officiers et ioldachs une partie de leur fortune. Dès lors, ils ne pen- étaient égaux. Les conditions de promotions saient qu’à s’enrichir, laissant la «égalitaires» furent établies sous les derniers dont réalité du pouvoir entre les mains du Diwan beylerbeys. Elles étaient fixées par des lois ils se contentaient d’entériner les immuables et fondées sur un sentiment d’égalité décisions. Les actes officiels qui émanaient absolue. L’avancement dans le grade avait lieu à de ce gouvernement commençaient par cette for- l’ancienneté, permettant ainsi au simple ioldach mule : « Nous, Pacha et Diwan de l’invincible d’atteindre le plus haut grade de la hiérarchie de milice d’El Djezaïr ». la milice. Pour loger leurs janissaires, les gouver- neurs d’El Djezaïr avaient fait construire LES JANISSAIRES plusieurs grandes casernes à l’intérieur de la De ce fait, le rôle joué par le corps de ville. La plupart furent établies dans la partie janissaires fut déterminant pour les destinées de basse, dans les quartiers de Bab Azzoun et la Régence ; leur puissance ne cessa de Bab El Djezira. C’étaient de vastes bâtiments s’accroître pour atteindre son apogée à la fin avec une ou deux cours intérieures à arcades, sur du XVIIème siècle. Le janissaire appelé à servir en lesquelles donnaient les chambres (odas) où Afrique était recruté dans les provinces d’Asie- logeaient une quarantaine de janissaires. La Mineure et en particulier à Smyrne dans les tradition attribue la fondation de la première classes les plus pauvres de la population. Dès son caserne d’El Djezaïr au beylerbey Kheir Eddine.

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Elle portait le nom de Dar une grande partie de la jetée Kheir Eddine et Yenkcharia-m’ta-el-Kharratine, c’est-à-dire provoqua, à l’intérieur même du port, la perte de «maison des janissaires de la rue des tourneurs» plusieurs navires. L’année suivante, la ville ; elle était située le long de la rue Bab Azzoun subit une terrible épidémie de peste, dite de face au souk El Kharratine dont elle tenait son Tunis, à laquelle s’ajouta une longue période de nom. Deux autres casernes furent construites à famine. Ces deux fléaux, qui sévirent pendant la fin du XVIème siècle sous les règnes des bey- près de deux ans, firent des ravages dans tout le lerbeys Hassan Ibn Kheir Eddine et Euldj Ali. pays. Mais dès le début du XVIIème siècle, pour faire LES KOULOUGLIS ET LES KABYLES face au nombre sans cesse croissant de janis- EN REVOLTE saires, la ville fut dotée de cinq autres casernes. En 1595, Kheder Pacha revint pour la Deux d’entre elles furent bâties en 1627 et 1637 deuxième fois à El Djezaïr. Il résolut de rétablir par le maître architecte andalou Moussa et par l’autorité du pacha en affaiblissant la milice. Il son fils Ali. C’est aussi dans cette partie de la trouva des alliés parmi la population des ville, le long de la rue Bab Azzoun, que furent Koulouglis, ennemis jurés des janissaires. Il les implantés les deux plus grands bagnes du bey- organisa et les poussa à se révolter contre ces lick. derniers. L’affrontement mit la ville à feu et à

LE REGNE DES PACHAS Le règne des pachas, qui débuta en 1586 avec Dely Ahmed, et qui dura plus de soixante- dix ans, fut une ère de prospérité et, en même temps, une longue période d’anarchie pour El Djezaïr. De 1586 à 1659, plus de trente pachas se succédèrent au pachalik d’El Djezaïr. Ils étaient confinés au rôle de «gouverneur de parade» avec quelques privilèges extérieurs, un palais, une garde personnelle, des chaouchs, la place d’honneur dans les cérémonies. Ils se mêlaient surtout de la course, qu’ils encourageaient particulièrement car elle leur fournissait une grande partie de leurs revenus. Ils conservaient en outre le droit de rendre justice aux baldis et de disposer des caïdats, autres sources de reve- nus non négligeables, laissant ainsi le gouverne- ment de la Régence entre les mains de la milice. Cette période se caractérisa par l’extension de la course, mais elle fut aussi féconde en événe- sang, plusieurs centaines de Koulouglis furent mentsmassacrés. A la suite de ces tragiques tragiques qui, quelquefois, furent près de ruiner événements, le pacha fut rappelé en Orient et le pays. La ville fut, plusieurs fois, le théâtre de remplacé par Mustafa Pacha. Ce massacre et le sanglantes émeutes. Elle fut souvent frappée par désordre qui s’ensuivit entraînèrent la révolte des épidémies de peste, suivies par de longues des Kabyles qui prirent le parti des Koulouglis. périodes de famine qui ravageaient tout le pays. Ils ravagèrent la Mitidja et installèrent leur En 1592, dès le début du règne de Chaaban camp aux abords de Bab Azzoun, bloquant ainsi Pacha, une tempête d’une rare violence détruisit la ville pendant onze jours. Ils furent ensuite

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49 HISTOIRE repoussés par les Turcs. Cette rébellion fut le nant aussitôt les représailles des raïs qui reprirent point de départ d’une insurrection qui allait durer leurs attaques contre les navires français. Il est plusieurs années. En 1611, sous le règne de rapporté que de 1629 à 1634, les corsaires algé- Mustafa Kouça, une sécheresse prolongée provo- riens s’emparèrent de 80 vaisseaux et 1331 qua une terrible famine dans tout le pays. L’année marins et passagers, faisant subir au commerce suivante, la situation empira, l’eau et les vivres français des pertes qui s’élevaient à quatre mil- vinrent à manquer à El Djezaïr. Le Diwan décida lions sept cent cinquante mille livres. Sur ces d’expulser les Maures tagarins. Quelques-uns entrefaites, une révolte éclata à El Djezaïr ; le vieux pacha Hossein fut maltraité et emprisonné par la milice. L’anarchie était alors à son comble. Les Koulouglis, qui avaient été expulsés d’El Djezaïr en 1629, s’étaient établis aux environs et attendaient le moment propice pour entrer en ville et prendre leur revanche. Ils profitèrent du désordre qui régnait dans la cité et, le 1er juillet 1633, ils pénétrèrent en ville par petits groupes déguisés en paysans. Grâce à l’effet de surprise, ils réussirent à s’emparer de plusieurs points forts, mais les janissaires reprirent vite le dessus. Après avoir fermé les portes de la ville, ils les repoussèrent vers le haut et les acculèrent dans la citadelle. Au cours de la bataille, qui fut acharnée de part et d’autre, les réserves de poudre emmagasinées à l’intérieur de la Casbah prirent feu, provoquant une terrible explosion. s’établirent au-dessus de la Casbah, dans un La forteresse et quelque cinq cents maisons quartier qui conserve encore leur nom ; ceux qui qui se trouvaient alentour furent soufflées, refusèrent de partir furent impitoyablement mas- provoquant la mort de près de six mille sacrés. En 1621, un nouveau fléau s’abattit sur personnes. Les rares Koulouglis qui échappèrent tout le pays. La peste de Tunis, nommée Sidi au désastre furent impitoyablement massacrés Belkris, réapparut à par leurs adversaires. El Djezaïr et emporta des milliers de personnes. Pendant ce temps, les Kabyles étaient toujours en LA TAÏFA DES RAÏS révolte. Le Diwan, attentif à rétablir l’ordre, envoya contre eux plusieurs expéditions. En La milice sortit affaiblie de cette révolte et 1624, le pacha Khosrew entra en maître à perdit une grande partie de son autorité au profit Koukou et obtint la soumission de tous leurs de la taïfa des raïs. Ces derniers, dont dépendait chefs. De son côté, la France, qui subissait la survie d’El Djezaïr, résidaient dans les bas d’énormes pertes du fait de la course, dépêcha à quartiers autour du port, où certains possédaient El Djezaïr Sanson Napollon en qualité d’envoyé de somptueuses maisons. En 1581, Diego de spécial du gouvernement de Louis XIII, en vue Haëdo parlait déjà d’une flotte de trente-cinq de négocier un traité de paix avec le pacha. A galiotes et vingt-cinq brigantins dans le port la fin de l’année 1628, un traité par lequel d’El Djezaïr. Les raïs se contentaient alors les Turcs s’engageaient à vivre en paix avec d’écumer le bassin occidental de la Méditerranée. la France, et à respecter sa flotte et son littoral, Ils visitaient et pillaient périodiquement les côtes fut signé entre les deux pays. Peu de temps après, d’Espagne, des Baléares, de Corse, de Sicile, de ce traité fut violé par des marins français, entraî- Sardaigne et d’Italie. Sur mer, ils semaient la terreur et aucun bateau chrétien qui croisait dans

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50 HISTOIRE cette zone n’était à l’abri de leurs attaques. Dès vendaient sur place, tandis que les esclaves le début du XVIIIème siècle, la flotte algérienne chrétiens étaient dirigés vers le badistan s’enrichit de grandes galères et surtout des (marché aux esclaves) où ils étaient ensuite fameux «vaisseaux ronds» introduits en 1606 vendus aux enchères. Au moment du partage, par le corsaire flamand Simon Danser, converti le pacha recevait ses parts de prises qui à l’islam sous le nom de Hamidou Houlanda. constituaient l’essentiel de ses revenus. Une La course prit une autre dimension grâce à ces partie du butin était réservée à la ville pour navires plus grands et plus rapides. l’entretien et la gestion des installations Le champ d’action des raïs ne tarda pas à portuaires, des zaouias et des fondations pieuses déborder les limites de la Méditerranée occiden- ; une autre partie revenait aux janissaires dont la tale. Ce furent des expéditions de plus en plus solde mensuelle dépendait partiellement des lointaines : les corsaires franchirent le détroit de bénéfices de la course. Le reste était partagé Gibraltar et pénétrèrent dans l’Océan où ils entre le raïs commandant le navire, le ou les pouvaient surprendre les galions hollandais et armateurs et, enfin, les marins qui touchaient les vaisseaux anglais qui revenaient des Indes. une rétribution plus ou moins forte selon leur Ils n’hésitèrent pas à se porter contre les côtes grade et leurs fonctions. Les esclaves qui ne d’Angleterre et à pousser des pointes jusqu’en partaient pas chez les particuliers étaient alors Islande. En 1616, Mourad Raïs, qui laissa son dirigés vers les bagnes du beylick. Leur nombre nom à un quartier d’El Djezaïr, connu sous la était considérable ; la fin du XVIème siècle, forme « Bir Mandreis », atteignit la côte ouest Diego de Haëdo faisait état de vingt-cinq mille de cette « Ile de Glace » d’où il rapporta un esclaves chrétiens à El Djezaïr, ville dont la riche butin et près de quatre cents captifs. Dans population était estimée à soixante mille la même année, ces hardis corsaires débar- habitants. Grâce à la course, la taïfa des raïs quaient à Madère et faisaient mille sept cents avait acquis une formidable puissance ; prisonniers ; en 1634, ils ravageaient les côtes elle n’obéissait ni au pacha ni à «l’invincible anglaises et irlandaises. Les bénéfices de la milice», et se permettait même de discuter les course étaient considérables : de 1613 à 1621, décisions et les ordres de la Grande Porte. Elle neuf cent trente-six vaisseaux chrétiens furent apparaissait alors comme le véritable maître ramenés au port d’El Djezaïr et, pour les deux d’El Djezaïr. Les raïs, ces audacieux capitaines seules années qui firent leur fortune et celle de leur ville 1615 et 1616, la valeur des prises atteignit trois d’adoption et servirent sous le drapeau ottoman, millions de livres. La ville entière vivait de la n’étaient pas, à de rares exceptions près, d’ori- course : «Tout Alger, note Henri de Grammont, gine turque. La plupart étaient des chrétiens se mêlait de la course, les grands étaient convertis, appelés renégats ; ils étaient origi- armateurs, les petits marchands et les baldis se naires des pays d’Europe : l’Italie en avait four- cotisaient pour acheter et équiper un navire à ni un fort contingent, suivie de la Corse, de frais communs ; les femmes elles-mêmes, , du Portugal, de la Hollande, etc. ; les vendaient leurs bijoux pour prendre part à ces uns étaient d’anciens esclaves, enlevés par les fructueuses opérations.» Après leurs auda- corsaires algériens sur une côte ou un navire cieuses opérations en mer et sur les côtes euro- chrétien, les autres étaient des hommes libres péennes, les raïs rentraient au port d’El Djezaïr, qui avaient fui leur pays et qui étaient venus «rassasiés, écrivait Diego de Haëdo, et riches s’établir au Maghreb après avoir apostasié. sur des navires emplis jusqu’au fond d’objets de Les Maures andalous qui, aux toutes valeurs». Dès leur arrivée au port, ils XVI et XVIIèmes siècles, vinrent par milliers étaient accueillis par une foule de marchands et chercher refuge à El Djezaïr, fournirent aussi de curieux, et quelquefois le pacha lui-même d’excellents marins qui consacrèrent parfois venait à leur rencontre. La cargaison était toutes leurs richesses pour armer des navires aussitôt débarquée, les marchandises diverses se et se lancer dans la course. Quelle que fut leur

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51 HISTOIRE origine, les uns et les autres apportèrent aux aghas et les deys au pouvoir. Le pacha qui avait, Turcs les connaissances de tous les métiers se rat- depuis longtemps, perdu toute autorité était sans tachant à la marine. Ils fournirent à la marine cesse tiraillé entre les exigences des deux algérienne ses plus prestigieux raïs : Hassan principales forces de la Régence : la taïfa et la Corso, Euldj Ali, Hassan Veneziano, Mourad milice. La crise était latente et chacun des deux Raïs, Ali Bitchnin et tant d’autres. La puissance partis cherchait un prétexte pour se débarrasser des raïs atteignit son apogée dans la première de ces encombrants gouverneurs. D’autant plus moitié du XVIIème siècle. A cette époque, que, de 1638 à 1660, la ville traversa une la milice, qui détenait encore l’autorité à période noire. El Djezaïr, était fortement affaiblie par la Vers 1640, les Kabyles envahirent à nouveau révolte des Koulouglis en 1633 et laissait peu à la Mitidja et mirent le siège devant la ville ; peu l’anarchie s’installer dans la ville. La taïfa les insurgés étaient à peine repoussés que la peste des raïs, qui s’était tenue jusque-là en dehors des s’abattit sur le pays ; elle dura trois ans et tua plus affaires du gouvernement, saisit cette de quinze mille personnes et un grand nombre opportunité pour s’emparer du pouvoir. d’esclaves. L’anarchie régnait dans tout le pays, les impôts ne rentraient plus et les janissaires qui craignaient pour leur solde étaient en effer- ALI BITCHNIN vescence. Sur ces entrefaites, la peste réapparut L’instigateur de ce mouvement ne fut autre en 1648, elle eut à peine le temps de s’apaiser que le grand amiral et chef de la taïfa, qu’elle étendait encore le linceul de la mort ; ce Ali Bitchnin. Ce raïs, qui en quelques années de fut la plus meurtrière de toutes les épidémies, elle course avait amassé une fortune considérable, dura trois ans et emporta le tiers de la population. avait débuté sa carrière sur les bancs de la chiour- me. D’après Devoulx, « Ali Bitchnin était un affranchi du caïd Fath-Allah-Ben-khodja-Biri et LE REGNE DES AGHAS il était tadjer, c’est-à-dire négociant, titre qu’on C’est dans ce climat de désolation que le donnait d’ordinaire à cette époque aux arma- pacha Ibrahim s’illustra par sa cupidité et teurs de navires destinés à faire la course aux provoqua la colère des raïs. Il fut menacé de mort navires chrétiens ». Il possédait deux et jeté en prison. Les janissaires se révoltèrent à somptueuses résidences, l’une dans la ville leur tour et, profitant de la confusion, ils s’empa- basse, près du port, l’autre sur les hauteurs, ainsi rèrent du pouvoir. Le bouloukbachi Khalil prit la qu’un bagne où étaient retenus près de cinq cents tête du mouvement et, en accord avec le Diwan, captifs chrétiens ; parmi ses libéralités, il avait il proclama la déchéance des pachas et leur remplacement par des membres de la milice. fait construire en plein cœur de la ville, à l’inter- Par égard pour la Grande Porte, le pacha fut section des rues Bab El Oued et de la Casbah, néanmoins autorisé à conserver le titre, les hon- une grande mosquée à khotba, de rite hanafite, et neurs et quelques revenus, mais en revanche il qui portait son nom. Ali Bitchnin n’eut guère le n’avait plus le droit d’intervenir dans les affaires temps de profiter de son nouveau pouvoir car il du beylick. Les nouveaux gouverneurs portèrent mourut peu de temps après, le titre d’aghas et leur règne dura jusqu’en 1671. probablement empoisonné par ses adversaires. Le premier agha, Khalil, se révéla trop ambitieux La taïfa conserva cependant le pouvoir jusqu’en et se fit assassiner par les raïs ; son successeur 1659, date à laquelle les janissaires instituèrent Ramdane Agha se concilia les faveurs de la un nouveau type de gouvernement à El Djezaïr. milice et de la taïfa, mais sa cupidité lui fut fatale, ainsi qu’à vingt de ses partisans. Le LA FIN DE LA REGENCE troisième, Chaaban Agha, renégat d’origine Au cours de la seconde moitié du portugaise, gouverna avec plus de méfiance et XVIIème siècle, El Djezaïr fut le théâtre de deux encouragea la course qui atteignit là son apogée. révolutions qui amenèrent successivement les Pendant que les richesses s’entassaient dans la

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52 HISTOIRE

ville, deux nouvelles catastrophes vinrent le début du règne des aghas. Ils remplacèrent réveiller les mauvais souvenirs des habitants. l’agha par un délégué choisi parmi eux et En 1662, un terrible tremblement de terre l’appelèrent . Les quatre premiers deys accompagné d’une violente tempête détruisit de furent d’anciens raïs. Le Diwan cessa dès lors nombreuses maisons, ainsi qu’une partie du d’être le conseil suprême et les janissaires per- môle et des installations portuaires, et entraîna dirent une partie de leurs prérogatives. Mais les la perte de onze navires. Dans la même année, la choses ne s’arrangèrent pas pour autant ; les peste qui devenait endémique acheva de désoler deys étaient sans cesse occupés à réprimer les le pays. Trois ans plus tard, dans la ville meur- révoltes des Kabyles qui, périodiquement, des- trie, Chaaban Agha trouvait la mort sous le poi- cendaient de la montagne pour venir semer le gnard des janissaires. Il fut remplacé par Ali désordre dans la plaine de la Mitidja et parfois Agha. Alors que la ville était livrée au désordre, mettre le siège devant la ville. Les deys étaient la flotte anglaise parut devant El Djezaïr et aussi en guerre avec la Régence de Tunis et les coula plusieurs navires. Les raïs exaspérés par expéditions se succédaient de part et d’autre sans qu’il y eût de véritables vainqueurs. Enfin, cette suite de malheurs se retournèrent contre les puissances chrétiennes, dont les royaumes Ali et souffraient de plus en plus des effets de la cour- le mirent à mort. se, venaient régulièrement bombarder El Djezaïr. En 1682 et 1683, eurent lieu les deux LE REGNE DES DEYS expéditions menées par Duquesne. Elles se sol- Les deys mirent, ainsi, un terme à la dèrent par des échecs et les dégâts causés par les confusion qui sévissait dans la Régence depuis bombardements furent minimes, quelques mai-

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53 HISTOIRE sons détruites et une partie des défenses du front envoyer ses représentants. Ce renoncement de mer endommagées. consacra l’indépendance des deys qui, ayant Un événement, auquel toute la population évincé le Diwan, concentraient dès lors toute était accoutumée, eut alors lieu à El Djezaïr : l’autorité entre leurs mains. Peu de temps après, le dey Baba Hassan, deuxième du nom, fut la ville subit un violent tremblement de terre qui assassiné sur ordre du chef de la taïfa, le raïs détruisit une grande partie des maisons et des Hadj Hussein, surnommé Mezzo Morto, édifices. Les habitants quittèrent la ville, laissant s’empara aussitôt du pouvoir. Sous son règne, leurs biens à la merci des maraudeurs. Les El Djezaïr fut à nouveau la cible de la flotte secousses telluriques durèrent près de trois française commandée cette fois-ci par le semaines durant lesquelles El Djezaïr fut livrée à maréchal d’Estrée. Des négociations furent l’anarchie et aux voleurs. entamées, mais n’aboutirent pas à cause des LA PERIODE SOMBRE revendications françaises. Les bombardements D’EL DJEZAÏR recommencèrent ; El Djezaïr eut à nouveau des Dans la seconde partie du XVIIIème siècle, maisons détruites, le môle et quelques batteries El Djezaïr vécut encore une période sombre. endommagées, tandis que les Français subirent De 1734 à 1737, la sécheresse et la famine d’énormes pertes et furent contraints au retour. ravagèrent le pays, suivies de près par une Toutefois, ces expéditions successives épidémie de peste, dite d’Alexandrie, qui dura aboutirent, en 1690, à des négociations de paix trois ans et fit trois à quatre cents victimes par entre la Régence et la France. Entre-temps, jour. Ce terrible fléau s’installa à nouveau en Hadj Hussein fut rappelé en Orient où il fut élevé 1752, pour quatre années consécutives, provo- à la dignité de capitaine pacha. Ce fut donc son quant la mort de près de mille sept cents per- successeur Hadj Chaaban Dey qui conclut le trai- sonnes en un mois. En 1755, un tremblement de té de paix avec la France signé terre d’une rare violence brisa les aqueducs et le 24 septembre 1690. Ensuite, le nouveau dey priva la ville de son alimentation en eau pendant porta ses efforts contre la Régence de Tunis. plusieurs semaines. En 1787, une nouvelle Il y mena deux expéditions victorieuses, mais épidémie de peste, encore plus terrible, causa la à son retour à El Djezaïr, il trouva la ville en plei- perte de plus du tiers de la population d’Alger. ne révolte, et c’est en essayant de rétablir l’ordre L’abbé Raynal en témoigna en 1788 : «La popu- qu’il fut arrêté par ses anciens soldats et exécuté lation d’Alger est réduite à moins de cinquante en 1695. Un nouveau dey fut aussitôt désigné et mille habitants, depuis que, suivant le relevé fait les choses continuèrent ainsi. Lorsque le dey aux portes de la ville, la peste de 1787 lui enleva mourait de mort naturelle ou abdiquait, la suc- 14 334 musulmans, 1774 juifs, 613 chrétiens cession, qui était réglée par avance, se déroulait libres ou esclaves, sans compter ce qui dut périr dans de bonnes conditions ; si le dey était assas- dans les jardins de son territoire» L’épidémie se siné, ses meurtriers déclara plusieurs fois encore à la fin du XVIIIème installaient à sa place l’un des leurs. siècle et reparut avec une rare virulence entre 1813 De 1683 à 1817, quatorze deys furent assassinés et 1819. La Régence sortit ruinée par toutes ces et ainsi remplacés. Cependant, la Porte calamités. Dans le même temps, les bénéfices de continuait à envoyer des pachas à El Djezaïr, la course diminuaient ; les traités signés avec la même si la plupart étaient refoulés avant même Hollande (1680), l’Angleterre (1682), la France d’entrer dans le port. C’est ainsi qu’en 1711, sous (1690) limitaient le champ d’action des raïs. Le le dey Ali Chaouch, un pacha nommé Charkan nombre des renégats avait considérablement Ibrahim arriva d’Orient. Les Turcs lui refusèrent diminué et avec lui celui des navires. La marine l’accès au port ; il fut alors contraint de faire avait en outre subit d’énormes pertes. La course voile vers Collo où il demeura jusqu'à sa mort. connut cependant un regain d’activité vers la fin Dès lors, le sultan, qui n’avait plus aucune auto- du XVIIIème siècle. Comme les Français, les rité sur les souverains d’El Djezaïr, cessa d’y Hollandais ou les Anglais étaient protégés par les

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54 HISTOIRE traités, ce furent les Espagnols, les Portugais, gate de notre seigneur le raïs Hamidou a pris un les Danois, les Grecs et les Napolitains qui en navire de guerre portugais armé de 44 canons, firent les frais. A cette époque, la course était sur lequel ont été faits prisonniers 282 faite au profit des deys et ces derniers s’avisè- mécréants.» Le raïs poursuivit ses exploits jus- rent, à qu’en 1805, année de l’assassinat du dey partir de 1765, de faire tenir un registre où Mustafa qui fut furent notées toutes les informations concernant remplacé par Ahmed, lui-même abattu peu la course : nom du navire, celui du raïs, la puis- après par les janissaires. Son successeur Ali Dey sance d’armement, l’équipage, et la description sommaire du butin, dans laquelle apparaissaient parfois le nom des captifs chrétiens, ainsi que la somme produite par la vente de l’ensemble. Cette période fut aussi marquée par l’accession au pouvoir du dey Mohamed Ben Othman qui régna vingt-cinq ans et mourut de mort naturel- le. Son khaznadar Hassan lui succéda sans trouble et conserva le pouvoir jusqu’en 1798.

LE RAÏS HAMIDOU C’est sous le règne de Hassan qu’apparut le plus prestigieux des raïs d’El Djezaïr, le raïs Hamidou. Celui-ci commandait alors la flotte d’Oran. Ayant appris ses exploits, le dey le fit appeler et lui confia le commandement de la flotte d’El Djezaïr. Dès 1797, il est fait mention sur registre des prises et des exploits du jeune raïs. Ainsi, le 17 juillet 1797, est-il écrit : «La était un simple janissaire surnommé El Ghassal corvette de notre seigneur Pacha, commandée (laveur des morts), nom qui lui venait de son par le raïs Hamidou, a capturé un navire génois premier métier. Il retira le commandement à ayant un chargement de potasse». La même Hamidou qu’il exila à Beyrouth. Cupide et année mourut le dey Hassan, il eut pour succes- cruel, Ali El Ghassal ne tarda pas à s’attirer la seur Mustafa, ancien trésorier de la Régence. haine de la population et de la milice. Quatre Le nom de ce dey est resté attaché à tout un mois après son élection, il subit le même sort quartier d’El Djezaïr, situé au-delà de que son Bab Azzoun, où il avait fait construire, au-des- prédécesseur. Le nouveau dey, Hadj Ali, sus de la fontaine bleue, une somptueuse pro- rappela le raïs Hamidou qui reprit aussitôt la priété. Hamidou fut confirmé dans le comman- course. Il se distingua à nouveau par d’impor- dement de la flotte algéroise par le nouveau dey. tantes prises. La flotte algérienne comptait alors Cette période, aux lendemains des guerres de la trente navires, dont trois frégates de quarante- Révolution, alors que la France et l’Angleterre quatre canons. Le nombre des esclaves chré- s’affrontaient encore en mer, fut particulière- tiens qui avait considérablement diminué au ment favorable à la course. Les exploits du raïs milieu du XVIIIème siècle s’accrut de nouveau Hamidou se multiplièrent. Les prises étaient grâce aux campagnes fructueuses menées de considérables. 1798 : il s’empara d’un navire 1790 à 1815. Dans le même temps, le nombre génois chargé de draps, de cuirs et de peaux, et des janissaires avait chuté. A la fin du XVIIIème d’un navire grec ; 1799 : prise de trois navires siècle, la Régence n’en comptait plus que six napolitains ; 1802 : le registre mentionne la mille. En 1814, le dey Hadj fut égorgé dans son prise d’une grosse frégate portugaise. «La fré-

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bain, son successeur subit le même sort dix-sept Sidi Ferruch. jours plus tard. Le pouvoir échut alors à l’agha Omar. Un an après, le raïs Hamidou trouva la mort dans un engagement avec une division amé- LA PERIODE COLONIALE ricaine. Il est vrai que ce jour-là il était seul en Après de multiples tentatives de forcer la mer. Les Américains imposèrent une paix humi- défense des Turcs, Napoléon dut avoir recours liante au nouveau dey et, en 1816, la flotte aux plans fomentés par le général Boutin, un fin anglaise commandée par lord Exmouth vint bom- stratège du génie militaire français. Ce dernier fut barder El Djezaïr. La peste réapparut dans le déjà envoyé en 1808 à El Djezaïr par Napoléon pays. Omar Dey fut assassiné et remplacé par Ali dans le but de prospecter la région et déterminer Khodja en 1817. Le nouveau dey décida aussitôt les points forts et faibles de la Citadelle à même d’abandonner la Jenina pour s’installer avec tous de mettre en place une stratégie efficace d’at- les services du gouvernement à la citadelle. Ali taque qui assénera un coup fatal aux forces Khodja mourut de la peste en 1818; son successeur turques que les Européens n’avaient toujours pas désigné, le khodjel El Kheil Hussein, hérita d’un vaincues. pays ravagé par la peste Au terme de cette expédition, il fut décidé de et ruiné par les bombardements des Européens. mener des attaques par terre et que le premier site A cette époque, El Djezaïr ne comptait plus que qui sera visé sera la tour Moulay Hassan (connue trente mille habitants, chiffre où elle n’était aussi sous l’appellation de Fort l’Empereur), car jamais descendue tout au long de l’histoire de stratégique de par sa position sur les hauteurs la cité. Le dey Hussein fut le dernier gouverneur d’El Djezaïr. En effet, du haut de cette tour impo- turc de la Régence, il maintint le gouvernement à sante, les sentinelles avaient une vue panora- la citadelle qu’il aménagea et d’où il assista, mique sur le tout Alger. Après avoir affiné leur presque impuissant, à la prise de la ville stratégie, les forces françaises mirent à exécution par l’armée française lorsqu’elle débarqua leur plan et le premier le 14 juin 1830 sur les côtes de l’ouest d’Alger, à débarquement des troupes françaises avait eu lieu

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le mouvement de l’Emir Khaled à l’époque de le 14 juin 1830 sur le littoral de Sidi Ferruch, à 14 miles à l’ouest d’El Djezaïr. La confrontation la Première Guerre mondiale. D’autres reprirent qui s’en suivit, le 19 juin 1830, entraîna la défai- le flambeau de la guerre politique et de sensibi- te des forces du Dey Hussein au lieudit « la lisation à l’instar notamment des activistes du butte de Staouéli ». Une fois l’obstacle de résis- Parti du Peuple depuis 1936 ainsi que l’associa- tance franchi, l’armée française tion des Oulémas dont les efforts sans ménage- marcha sur le Fort l’Empereur et y arriva le ment furent déployés depuis 1931. Tous ces 29 du même mois ; une batterie de canons fut mouvement et d’autres encore activèrent à par- engagée pour tenter de détruire et forcer le fort. tir de la ville A l’aube du 14 juillet 1830, les multiples tirs de d’El Djezaïr. Plus tard, le premier noyau du canons parvinrent à détruire une partie de l’édi- Front de libération national (FLN) s’organisa fice de défense et à 10 heures de la même jour- pour mener à bien dans l’Algérois le processus née, les Français lancèrent l’assaut final et se du déclenchement de la lutte armée, le rendirent maîtres des lieux. Ce fut la chute qui 1er novembre 1954. Alger Centre, Belcourt, la sonna le glas de la présence turque à El Djezaïr. Casbah, Bab El Oued,... connurent une activité L’empire ottoman se trouve ainsi dépossédé de armée sans commune mesure tant du point de son « joyau » méditerranéen. Le lendemain de la vue virulence que stratégie. Les actions histo- prise du fort, la capitulation du dey fut ponctuée riques de fidayine et de moussebels portèrent par la signature d’un acte dans lequel furent des coups durs à l’ennemi. Les affrontements et consignées les conditions de reddition, acte éta- les combats que livrèrent les Algérois contre les bli par le général De Bourmont. Ce fut le début militaires des généraux français dépêchés à de l’occupation de la ville d’El Djezaïr et l’en- Alger furent sanguinaires pour les colons qui tame d’une nouvelle ère coloniale. La présence connurent des pertes énormes tant humaines que coloniale française à El Djezaïr fut caractérisée matérielles. Siège du Comité de coordination et par une gouvernance de type militaire et pour cause, les impératifs d’expansion et de préser- d’exécution (CCE) du FLN, Alger est érigée en vation des acquis ne purent se concrétiser que Zone Autonome (août 1956). Au cours de l’an- grâce à un maintien de l’autorité aux mains des née 1957, Alger devint une zone opérationnelle militaires qui étaient aux premières loges des et le théâtre d’une lutte sans répit. De janvier à événements. Ce n’est que lorsque l’assise d’oc- cupation fut un tant soi peu stabilisée que les rênes de la gestion administrative de la nouvel- le colonie furent confiées aux civils et que fut scellée la séparation entre les deux régimes. Suite à cela, la réaction des autochtones, même si elle fut sporadique et pour certaines étouffées dans leur cocon, fut sans relâche. Parmi les pre- miers à avoir organisé et dirigé des mouvements de résistance fut El Mokrani qui tenta de recou- vrer la souveraineté de la ville en 1871, mais sa tentative fut vaine. Dès lors, des poches de révoltes déstabilisatrices s’organisèrent frap- pant par à-coups l’ennemi. Parallèlement à l’action armée, des mouve- ments à caractère politique entrèrent dans l’arè- ne pour combattre sur un autre front le coloni- sateur. Parmi les précurseurs de cette forme de lutte,

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octobre de la même année, elle connut les mois des barricades par les activistes européens les plus sanglants de l’histoire de la guerre de • 11 décembre 1960 : manifestations massives de la libération ; c’est la dépression aveugle de masse: population dans les rues.• Mars 1961- 2 400 assignés à résidence, 4 000 disparus recen- Juin 1962 : Période OAS. • Avril 1961 : Putsch sés officiellement, et des milliers d’autres introu- des généraux. • 5 juillet 1961 : manifestation vables. Au demeurant, Alger fut, depuis le début pour le FLN.. de la révolution, le lieu privilégié d’événements Toutes ces actions armées et politiques politiques importants, citons : présagèrent de l’avènement de la libération qui se

er concrétisa le 5 juillet 1962 et Alger entra de • 1 novembre 1954 : Actions contre les plain-pied dans une autre ère, celle de la liberté, édifices de l’administration coloniale et des du recouvrement de sa souveraineté et du établissements économiques. • 19 mai 1956 : développement. grève générale des étudiants et lycéens. • 28 janvier-4 février 1957 : grève patriotique des « 8 jours » • 13 mai 1958 : manifestation CONSEQUENCES URBANISTIQUES Comité Salut Public • Janvier 1960 : semaine DE LA PRESENCE FRANÇAISE

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…Autour de cette zone centrale économique, une zone péricentrale, où se trouvent les habitations, se dégage. Cet espace immédiat contigu à l’aire centrale était occupé par les citadins privilégiés (commerçants, nobles, savants, membres de la caste dirigeante,...). III Patrimoine culturel

A ALGER nie, les transformations de la ville épousent un La première période de l’Algérie coloniale urbanisme de conquête : aucun plan (1830-1930) est consacrée au choc de deux d’aménagement n’est conçu ; occupation et civilisations et la naissance d’une deuxième ville transformation des maisons qui se trouvent au pour un même espace. De ce fait, la Médina subi- bas de la ville notamment ; destruction des souks ra, à travers un long processus, des transforma- ; alignement des rues Bab Azzoun, tions structurelles qui conduiront à sa marginali- Bab El Oued et de la Marine ; aménagement de sation. Avant juillet 1830, la ville d’Alger intra- la Place Royale des rampes Rovigo et Vallée. muros s’étend sur plus de 50 hectares. Il n’y avait De nouvelles modifications ont lieu au cœur toutefois ni grande place publique ni espace per- de la vieille ville de 1864 à 1890 : Destruction de mettant des possibilités de nouvelles construc- l’enceinte et des portes (1846), construction du tions et la ville est enserrée à l’intérieur de 3 200 Front de mer (1860), percement des rues m de longueur. A la suite de l’occupation colo- telles que la place de Chartres, rue de la Lyre, rue niale, l’ancien Alger va changer. Dès les premiers Randon et la rue Marengo (1865-1892), mois, la ville va connaître des démolitions en construction du boulevard Gambetta (1870). chaînes pour Durant cette même période, une nouvelle encein- permettre la réalisation d’une place d’arme : te est édifiée et de nouveaux espaces se consti- «La place royale» et des voies carrossables pour tuent dans les faubourgs Est (quartier Isly) et les engins militaires. Par ailleurs, les nouveaux Ouest (quartier Bab El Oued), pour créer la ville occupants cherchent à loger les troupes et les dif- européenne. L’ancien Alger, pour sa part, perd férents services de l’armée ainsi que les son statut de ville et devint un quartier sous l’ap- «nouveaux arrivants». Durant la première décen- pellation de « Casbah » prenant ainsi la dénomi-

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60 PATRIMOINE CULTUREL nation de la Citadelle qui la surplombe. La période 1880-1920 est celle de la croissance urbaine, l’image d’Alger change considérable- ment avec les nouveaux quartiers des hauteurs : Telemly, Michelet, Mustapha supérieur. C’est aussi la période de l’engouement pour le style néo-mauresque, édification de la préfecture, de la Grande Poste, du siège de la Dépêche algé- rienne et des Galeries, en plus des maisons par- ticulières. Entre 1920 et 1950, sont construits plusieurs édifices officiels dont le siège du Gouvernorat Général, l’Hôtel de Ville, et la Maison de l’agriculture. La période 1952-1962 est celle de la politique des grands ensembles HLM dont certains destinés à recevoir les habi- tants de la Casbah, cité Diar el Mahçoul, Diar el Saada, Climat de France, Diar el Kef, Diar el Djemaa, etc. La ville finit par atteindre les agglomérations sub- urbaines d’El Biar, de Bologhine, d’, de Bir Mourad Raïs et autres et le tout for- mera en septembre 1959 le Grand Alger. L’ARCHITECTURE D’ALGER nouveau processus d’urbanisation qui structure- DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS ra le territoire de manière pérenne. Précisons en La première période concerne l’architecture premier lieu que les villes traditionnelles s’or- et l’urbanisme pré-islamiques qui se scindent en ganisent sur une aire géographique parfaitement deux parties : la première a trait à l’architecture délimitée par un périmètre « urbain », le mur autochtone avant la colonisation romaine, com- d’enceinte, élément architectural à caractère prenant les deux grands territoires de l’époque, défensif, assurant la sécurité de la médina. Le la Numidie et la Maurétanie, qui attestent l’exis- mur est percé de portes (bab) permettant le tence de structures politiques et économiques. contrôle des relations intra et extra-muros. Les Même si le patrimoine relatif à cette époque portes principales de la ville étaient reliées par reste peu connu et souvent au stade archéolo- un axe identifiant l’artère principale de la ville. gique, il n’en demeure pas moins que dans C’est souvent par rapport à cet axe directionnel beaucoup de cas, les villes romaines ont eu que se développe et se cristallise l’activité éco- comme assises les villes numides. La seconde nomique ; les principales institutions religieuses partie est l’héritage romain à travers des villes et culturelles sont également dans le voisinage comme Timgad, Djémila, Tipasa,... qui restent immédiat de ce parcours. C’est dans cette zone parmi les plus importantes du Bassin méditerra- aussi que s’organise le souk de la médina. Cette néen et qui témoignent du rôle joué par les cités aire commerciale est constituée de trois struc- africaines dans ce cadre. La seconde période tures différentes. Une première structure concerne le début du VIIIème siècle qui marque le concentrique formalise le « fondouk », abritant débutdes activités aussi bien productives que com- de l’islamisation du Maghreb central. merciales. Le fait essentiel à retenir, mis à part l’enjeu Ces lieux représentaient principalement le fondamentalement religieux, est le début d’un commerce de gros. Une deuxième structure

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61 PATRIMOINE CULTUREL concentrique non formalisée où s’identifie la distinguant par sa sobriété et par un judicieux place souqaire ou «rahba» (place) est à vocation ordonnancement sur le site des maisons. purement marchande. Ces places ponctuaient souvent l’intersection des rues à vocation écono- mique. La troisième et dernière structure trou- vait son interprétation dans la simple juxtaposi- tion des boutiques. Cette association topogra- phique des infrastructures du support écono- mique trouvait aussi son interprétation dans le «souk linéaire» où chaque rue était spécialisée dans un corps de métier ou type de commerce (rue des bijoutiers, rue des cordonniers,...). Cette zone commerciale représente souvent le cœur de la médina. Autour de cette zone centrale économique, une zone péricentrale, où se trouvent les habita- tions, se dégage. Cet espace immédiat contigu à Elle offre ainsi à tous se habitants soleil, vue l’aire centrale était occupé par les citadins privi- sur la mer et le ciel, dans un cadre qui assure légiés (commerçants, nobles, savants, membres la protection sociale tant individuelle que collec- de la caste dirigeante,...). Au-delà de cette aire tive, mais aussi par la générosité et la richesse de péricentrique, s’étendaient les zones résiden- ses espaces internes qui attestent d’une véritable culture urbaine. La première période de l’Algérie coloniale (1830-1930) est consacrée à la ren- contre de deux civilisations (l’une musulmane et l’autre occidentale) et la naissance d’une seconde ville pour un même espace. L’une des consé- quences de cette confrontation architecturale est la perte de la médina de son statut de ville cen- trale autour de laquelle la vie s’organisa pour connaître des modifications qui l’éloigneront de son rôle de ville incontournable et précipiter sa marginalisation. Le nouveau projet met en pers- pective la nouvelle ville et procède à la mise en place des concepts et des lieux de la représenta- tion de la puissance coloniale. Les grandes orien- tielles jusqu’aux limites de la ville où résidait tations urbaines, impulsées par l’Etat, vont don- la population la plus pauvre de la médina et où ner naissance à un nouvel ordre urbain, caractéri- sont localisées les activités artisanales considé- sé par les tracés, plans d’alignement (exigé par rées comme gênantes ou polluantes les militaires) et de gabarits, fondés par l’accessi- (tanneurs,...). bilité mécanique, l’introduction de la façade Enfin, la dernière structuration de la médina urbaine, le tout dans un système fortement hié- est le lieu de représentation des instances écono- rarchisé. Alger coloniale va se développer paral- miques, politiques et militaires. Palais et citadel- lèlement à la mer par la mise en place d’une le (ou casbah) sont les structures identifiant ce architecture qui aura pour objectif d’unifier la pouvoir. Pour l’architecture ottomane, ville traditionnelle et la ville coloniale à travers la médina d’Alger comme exemple reste un une façade unique. L’exemple le plus frappant modèle d’organisation de l’espace urbain carac- est celui de l’ex- térisée par une architecture de grande qualité se boulevard de l’Impératrice, actuels boulevards

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Zighout Youcef et Ché Guevara, véritable balcon de la ville, entamé en 1860 à l’occasion rieur. de la visite de Napoléon III, achevé en 1866 A l’étage supérieur se trouve la salle de rédac- et long de plus de un kilomètre. A la fin du tion et des typographes ainsi que la galerie en XIXème siècle et le début du XXème siècle, l’archi- arcature donnant sur le boulevard Khemisti. Il Alger tecture sera traversée par un courant culturel, fut ensuite le siège du journal Républicain. Actuellement, une librairie occupe l’« algérianisme », qui tentera d’initier une les lieux. recherche identitaire, à travers l’histoire et la LA GRANDE POSTE culture locales. En faveur de cette conjoncture, émergeront un certain nombre d’édifices publics La Grande Poste reste un édifice emblèma- (la Medersa, la Grande Poste, les Galeries de tique de l’art néo-mauresque en Algérie qui a France, actuelles Galeries algériennes). Ce cou- connu une impulsion remarquable sous l’autori- rant a été impulsé par le gouverneur général té du Gouverneur Général Jonnart nommé en Jonnart, favorable à une architecture inspirée du langage de l’architecture mauresque, fortement soutenu dans cette tâche par le Comité du Vieil Alger, association créée en 1905, animée par H. Klein et qui comptera parmi elle l’élite intellectuelle algéroise.

LA LIBRAIRIE (EX-SIEGE DE LA DEPECHE ALGERIENNE) Ce bâtiment, édifié au début du siècle dans la tradition du néo-mauresque, reste caractérisé par son minaret à base carrée qui constitue un élément de repère des deux avenues Khemisti et Pasteur. Il a été réalisé en 1906 par l’architecte H. Petit pour abriter le siège du journal la Dépêche Algérienne avec la salle des rota- tives, de pliage et d’exposition à l’étage infé-

1903. Celui-ci s’intéressant tout particulière- ment à l’architecture locale demanda aux architectes Voinot et Tondoire de concevoir leurs projets dans cette perspective. Ce qui donna la Grande Poste. La grande caractéristique de cet édifice remarquable transparaît à travers les deux coupoles qui marquent l’articulation des angles de la façade principale. La promotion de cette architecture fut également soutenue par le Comité du vieil Alger, une association qui comptait parmi ses éléments les personnalités les plus influentes d’Alger culturel. Le caractè- re public du monument fait que l’architecture devait tenir compte de la nécessité de dimen- sions assez grandes en étendue et en hauteur.

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Les travaux débutèrent en 1900 et s’achevèrent en 1908. L’entrée en haut d’un escalier, sous un parvis décoré de trois arceaux et la galerie supé- rieure à colonnes jumelées ne sont la reproduc- tion d’aucun monument arabe. En entrant, l’im- pression première qu’on éprouve résulte non seu- lement du charme du décor, mais aussi de l’am- pleur même de celui-ci. Ce qui attire de prime abord c’est la coupole dont la superbe décoration entrelacs rayonnant jaillit du centre où s’ac- croche un pendentif, pour s’épanouir ensuite sur un premier cercle paré de pommes de pin, puis sur un second constellé d’étoiles, et, enfin, sur cette admirable couronne de stalactites. L’architecte M. Voinot a su et de type colonial, sur la rue Asselah Hocine. utiliser les jeux de lumière qui, bien qu’abondan- L’organisation interne de l’édifice se fait te parce que nécessaire, s’atténue à souhait en autour d’un patio qui distribue les espaces aux certains endroits, combinant ces jeux d’ombre et différents niveaux. Cette construction a été de lumière dans lesquels les architectes musul- l’œuvre, en 1908, de l’architecte attitré du mans sont passés maîtres. Suivant la formule his- gouverneur général d’Alger Jonnart, en pano-mauresque, le décor est polygonal, floral et l’occurrence H. Petit. épigraphique. L’épigraphe est particulièrement somptueuse, on la retrouve dans la décoration extérieure de l’édifice. A l’extérieur, en panneaux L’AERO-HABITAT verts courant le monument, sont gravés les noms L’aéro-habitat reste le bâtiment paradigma- de la plupart des villes d’Algérie. Sous le tique de l’influence directe de Le Corbusier à porche, autour des trois Alger, au moins au niveau des relations qui lient portes d’entrée, on peut y lire «le télégraphe et le les auteurs du projet à ce dernier. Les autres faits téléphone l’ont créé». A l’intérieur, dans les car- plus marquants sont les similitudes des concepts touches, en caractères koufis imitant une brode- utilisés et forts ressemblants qui existent au rie, sont transcrites les phrases suivantes : «Il n’y niveau de l’unité d’habitation de Marseille et a de puissant qu’Allah», «Le pouvoir éternel Lui l’aéro-habitat qui peuvent se résumer ainsi : le appartient». Enfin, au-dessus en hautes lettres bâtiment ville, la fonctionnalisation spatiale, le claires : «Allah est vainqueur». Cette dernière rationalisme de l’espace, etc. Conçu par les inscription se renouvelle en haut du mur et au architectes P. Bourlier, J. Ferrer, Laloé et L. M. pourtour du hall. Ce décor oriental, comme presque toute l’architecture musulmane, recèle Miquel, cet édifice a été réalisé en 1955 pour le un sens religieux : les lignes de la polygonée évo- compte de la Compagnie aérienne: Implantation quent continuellement l’idée divine, le bouquet judicieuse et très discrète dans le site malgré sa hauteur, appartements en duplex, le symbole de la prière, le cyprès celui de la déli- rue commerçante au 10éme étage offrant des vues vrance de l’Homme, l’étoile un symbole d’ado- imprenables sur le panorama de la ville d’Alger. ration. Le projet de l’«aéro-habitat» tire son nom d’une société d’habitat à loyer modéré (HLM) regrou- SIEGE DE LA WILAYA D’ALGER pant initialement des employés des ateliers Le siège de la wilaya d’Alger est un édifice industriels de l’air ; par la suite, la société s’est atypique du front de mer par la composition étendue aux autres employés fonctionnaires de ses formes architecturales, arcs et coupoles d’autres administrations constitués principale- donnant sur le boulevard et façade, plus austère ment par des fonctionnaires et certains représen-

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à forte déclivité et afin que les bâtiments ne viennent pas enterrer des cours anglaises, des murs de soutènement séparant les murs du bâti- ment ont été aménagés. Les bâtiments se carac- térisent par de grandes ouvertures offrant de très belles vues sur le panorama d’Alger. La qualité de cet édifice, dont furent à l’origine en 1950 les architectes L. Claro et J. Darbeda, est rehaussée par les matériaux utilisés et par sa pureté de lignes. Initialement, l’Ecole des Beaux arts était située rue de la Marine, près de la Pêcherie. La démolition du quartier jugé insalubre entraî- na le lancement d’un concours d’architecture pour une nouvelle école qui allait être le fleuron de la culture artistique à l’échelle africaine. En ce début des années 50, le concours fut rempor- té par l’architecte Claro et le projet fut adopté pour le site du parc Zyriab. Profitant du site for- tement incliné, l’architecte a parfaitement bien tants des professions libérales. Quatre édifices adapté les différents blocs selon leur fonction et composent le groupe Aéro-habitat sur les hau- leur accessibilité. Noyé dans un somptueux jar- teurs d’Alger, dans le parc Nalglaise, caractéri- din, l’édifice, de par son architecture modernis- sé par un terrain fortement accidenté, mais ayant te rigoureuse inspirée par les frères Auguste et l’avantage d’avoir des vues panoramiques sur la Gustave Perret et qui respecte la symétrie de baie d’Alger. Deux parmi ces quatre édifices les l’architecture de la Renaissance dans plus hauts comptant vingt-deux et seize étages, sa composition et ses plans, est un joyau architectural. se positionnent perpendiculairement aux courbes de niveau, sur une surface totale d’environ un hectare et demi, le bâti occupe 22.34 % de la surface totale. La concrétisation de ce projet ne s’est pas faite facilement. En effet, celui-ci a opposé, par le fait de dérogations qui lui ont été accordées, un comité de défense des habitants d’Alger et des futurs locataires par presse et mairie interposée, où le problème central était celui de l’habitat vertical appelé à cette époque gratte-ciel.

ECOLE DES BEAUX ARTS L’école nationale des Beaux arts, située sur le boulevard Krim Belkacem, présente une organisation spatiale en forme de H identifié par deux ailes longitudinales et une aile transversa- le, encadrant une cour d’honneur desservie par un escalier assez imposant. Situé sur un terrain

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Perret frères. Le 5 novembre1958, Monseigneur IMMEUBLE LAFAYETTE Perrin, archevêque de Cartage Cet immeuble d’une hauteur de soixante- primat d’Afrique du Nord, bénissait les fonda- quinze mètres est situé en plein centre d’Alger au tions et posait la première pierre. Le 25 mars flanc d’une colline surplombant le boulevard 1961, la croix était hissée à l’extrémité de la Meddad dont l’implantation est très prononcée flèche qui surmonte l’édifice. Le 13 décembre sur le site d’Alger avec ses quinze étages. Cela 1962, l’église du Sacré Cœur était élevée au rang démontre tout le génie des architectes à l’origine, de cathédrale. L’idée exprimée par les architectes pour la construction de cette cathédrale est basée sur le concept d’une tente. Dans cette optique, Saint-Jean, dans l’Evangile, affirme : « Dieu a planté Sa tente parmi nous ». D’ailleurs, lorsqu’on se place au centre de l’église, on aperçoit nettement le voile qui est relevé par les piliers. Le mouvement est plus net au-dessus et en arrière de l’autel où le majes- tueux et souple velum est sous-tendu par quatre gracieuses colonnes au galbe étonnant. Le terme technique est «poteaux ». D’ailleurs, cela fait penser à des roseaux, dont la coupe serait une ellipse, qui tendent une tente légère. La rosace de tour s’élève à 35 mètres du sol. Cette immense coupole repose uniquement sur huit piliers assis sur d’énormes champignons solide- ment fondés par des pieux de 18 à 20 mètres sur le grès souterrain. La longueur totale de la nef est en 1950, de cet ouvrage. Il s’agit de M. Soliveres de 52 mètres sur une largeur de 35 mètres. Le et A. Cazalet. L’immeuble Lafayette prend assise vitrail, une sublime décoration, court le long de sur un socle en béton armé de 2 700 mètres car- l’édifice le coupant en deux, si bien qu’on pour- rés qui constitue sa base contenant commerces, rait abattre les murs, la coupole resterait soutenue studios et places de parking pour voitures dans la par ses piliers. L’ensemble du vitrail est un partie centrale. Sur ce socle est aménagé un agréable jeu de couleurs (bleu, rouge, or, vert jardin d’enfants. L’autre partie de l’immeuble est sombre,...). Aux quatre angles de composée de quatre blocs de bâtiments desservis l’ouvrage, entre les piliers, se dresse une figure par quatre escaliers et sept ascenseurs assurant la rappelant une manifestation de l’amour de Dieu circulation verticale pour les sept appartements pour les Hommes. Le travail le plus délicat et par étage. La caractéristique de cet immeuble est dont la finition rappelle le génie du maître de l’utilisation d’une ossature métallique, sa struc- l’œuvre, fut l’alternance presque parfaite des ture est composée de deux IPN jumelés espacés pierres qui sont disposées alternativement dans de façon à recevoir les portes transversales les sens vertical et horizontal. L’œuvre artistique et des IPN continus de façade à façade. la plus remarquable de la cathédrale est sans conteste celle se trouvant en face de l’orgue (don LA CATHEDRALE de la paroisse de Boufarik), en l’occurrence la magnifique mosaïque datant du quatrième siècle DU SACRE CŒUR qui orne le mur. Le samedi saint du 5 avril 1958, les travaux C’est la seule mosaïque d’Afrique du Nord commençaient sous la direction de MM. Minet et qui fut datée (l’an 324). Elle provient de Perret, gérants de l’entreprise de construction la première basilique de Castrum tingitanum

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vers. Il aide à connaître les mouvements des astres, les éclipses, les mouvements de la Terre et les rythmes des saisons, la voie lactée et la position du soleil dans notre galaxie. Le specta- teur peut également observer les phénomènes célestes de n’importe quel point de la Terre, accélère les mouvements des astres du système solaire et même lui donner l’impression de se dépla- cer dans l’espace et dans le temps.

L’HOTEL EL AURASSI Niché sur les hauteurs de la capitale, l’hôtel El Aurassi, du haut de ses 13 étages, domine la (Orléansville). Cette pièce unique de l’art chré- baie d’Alger. Espace de calme et de lumière, ce tien antique est la plus ancienne représentation joyau de l’hôtellerie algérienne classé 5 étoiles de l’Eglise sous la forme d’un labyrinthe. est l’escale idéale pour les voyages d’affaires et d’agrément. En effet, l’hôtel est distant à 15 km LA CITE DES SCIENCES Pour ne pas rester en marge de la modernité et à l’instar des grandes villes du monde, la commune d’Alger Centre a initié un projet de grande envergure à même de la faire entrer dans le troisième millénaire par la grande porte. Il s’agit de la Cité des sciences. Localisée sur le boulevard Frantz Fanon, cette cité englobe un grand nombre d’activités scientifiques, dont le planétarium. L’ensemble est doté d’équipe- ments et instruments de grande technologie tels que le Starmaster, un appareil à précision méca- nique et optique permettant la représentation du ciel étoilé, du soleil, de la lune et des planètes ; des projecteurs de diapositives montrant douze panoramiques ; d’un projecteur vidéo RGB pour la projection des scènes vidéo dont la source est un disk laser ou cassette vidéo ; d’un équipe- ment audio avec baffles, amplificateur de son et mixeurs ; d’un studio son où se déroulent les opérations d’enregistrement, de mixage, de l’aéroport international Houari Boumédienne de filtrage et de synchronisation. Le planéta- et est situé à proximité des ministères, des rium est un simulateur d’étoiles étonnament réa- banques, de l’ensemble des commerces et des liste sous une voûte céleste et imposante sur sites culturels. Occupant une superficie totale de laquelle un planétaire produit un ciel nocturne 125 850 m2 et une surface bâtie de 15 000 m2, pur.l’hôtel El Aurassi est une société par actions au Le diamètre du dôme est de 17 mètres. Il permet capital de 1 500 000 000 DA. Disposant de 445 à près de 200 spectateurs, initiés ou non à chambres spacieuses et confortables dotées de l’astronomie, de découvrir les mystères de l’uni- toutes les commodités à même de rendre le

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67 PATRIMOINE CULTUREL séjour des clients agréables, l’hôtel montre une colonie d’Afrique à suivre les cours de la capacité en lits de 775. Le côté gastronomique nouvelle école de médecine. Dans ce même local, une chaire sera fondée pour l’enseigne- ment de la langue arabe pour les Europèens. Peu après la médecine, l’arabe obtenait droit de cité dans l’enseignement supérieur algérien. En mai 1835, le ministre de la Guerre nom- mait officiellement un corps professoral de trois médecins, quatre chirurgiens et trois pharma- ciens. On parvenait à créer un jardin botanique de cinq à six cents plantes. La bibliothèque de l’Ecole s’enorgueillissait de sept à huit cents volumes. Mais au début de 1836, se répandait le bruit de sa suppression prochaine. En juin de la même année, Clauzel supprimait l’hôpital d’ins- truction. Ainsi passèrent plus de dix ans au cours desquels l’organisation militaire et administrati- ve absorba l’essentiel des activités. Ce qui demeura des Ecoles changea de n’est pas en reste puisque trois restaurants locaux passant d’une rue à une autre, mais proposent à l’appétit des voyageurs une gamme l’expansion et la reconnaissance de ces de spécialités traditionnelle, internationale «institutions» prenaient de l’ampleur au fil des et de poissons et fruits de mer avec un total de ans prouvant par là leur efficacité et surtout 1 000 couverts servis. Des bars feutrés ne man- qu’elles pouvaient rivaliser en qualité et en quan- queront pas, en outre, de dépayser la clientèle. tité avec les Ecoles de France. Un nouvel espace Pour agrémenter le séjour des clients, un devrait leur être affecté. C’est ainsi que le camp ensemble de loisirs et d’espaces détente sont mis d’Isly, qui se trouvait dans la commune de à leur disposition notamment une belle piscine Mustapha à quelque deux ou trois cents entourée de magnifiques jardins, des courts de mètres de la porte d’Isly qui, depuis 1850, se tennis en plein air, un shopping center pour les dressait non loin de la Grande Poste, fut choisi petites courses, etc. Par ailleurs, l’offre de base pour l’érection du nouveau bâtiment. Fin 1884, deles travaux commençaient en un lieu que les l’hôtel El Aurassi est l’organisation de banquets, Algérois dénommaient «le champ de navets». Le conférences et congrès et ce, grâce à sa position budget alloué à ce projet dépassa largement les de leader de par sa capacité en salles de réunion. deux millions et demi de francs. La construction Toutes les salles sont équipées en matériel de donna lieu à un imposant corps de bâtiment de sonorisation avec possibilité de traduction 120 mètres de long sur 12 mètres de profondeur simultanée en quatre langues. avec quatre ailes de 32.6 mètres de longueur sur 9 de largeur. L’UNIVERSITE D’ALGER L’inauguration eut lieu le 13 avril 1887. Lundi 2 janvier 1832. Au pied de la colline de Et le 3 novembre 1887, c’était la première Bouzaréa, le jardin du Dey : une grande habita- rentrée solennelle des quatre Ecoles sous la pré- tion luxueuse datant de la seconde moitié du ème sidence du recteur Jeanmaire qui allait diriger XVIII siècle, l’armée fondait dans l’ancienne pendant plus de vingt ans l’Académie d’Alger. Régence le premier établissement français L’évolution de l’effectif des étudiants ayant d’enseignement supérieur. En date du fréquenté cette nouvelle structure passa de 377 10 juin 1833, une note du ministre de la Guerre en 1892 à 1605 en janvier 1909, c’est-à-dire la autorisait les étudiants turcs, maures et juifs de la veille de la fondation de l’Université d’Alger.

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reprise. C’est l’architecte de talent M. Louis Tombarel qui élabore un plan prévoyant l’amé- nagement d’une vaste bibliothèque au Parc des sports des Tagarins. Après bien des péripéties, ce projet est enfin adopté et la pose de la première pierre de l’édifice eut lieu le 10 avril 1954. Quatre ans plus tard, le 12 mai 1958, la bibliothèque ouvre ses portes au public. Situé dans un site enchanteur avec une vue sur la baie d’Alger, le nouveau bâti- ment, orienté vers l’est et vers la mer, s’étendra sur une façade de 122 m de long sur 17 m de haut. Les deux façades latérales mesurent 35 m de long. Bâti à flanc de coteau, l’édifice, cou- vrant une superficie de 4 800 m2, s’étend sur dix niveaux différents avec trois étages en sous-sol et trois en superstructure. La Bibliothèque nationale d’Alger présente le double aspect d’une bibliothèque nord-africaine, embrassant LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE tout ce qui a trait à l’Afrique du Nord et l’Islam, et d’une bibliothèque de documentation généra- D’ALGER le à caractère encyclopédique. Des sections Créée en 1835, par décision du ministre de la Guerre, la Bibliothèque nationale d’Alger se trouve être le plus ancien établissement culturel de l’Algérie. Après avoir été hébergée dans de nombreux «locaux», la Bibliothèque nationale fut transférée, depuis 1863, dans l’ancienne rési- dence du Dey d’Alger, Mustapha Pacha, l’un des plus beaux spécimens de l’architecture mauresque du XVIIIème siècle. En 1947, il fut décidé la réorganisation de la Bibliothèque nationale. En effet, la modeste bibliothèque fon- dée en 1835 n’était plus à l’échelle des nou- velles circonstances. L’énorme croissance démographique, le développement de la scolari- sation dans les trois degrès de l’enseignement, les changements culturel et économique de l’Algérie contemporaine créent des problèmes et des besoins nouveaux sur le plan des biblio- thèque et de la lecture publique. De plus, le palais du Dey Mustapha est peu adapté à la fonction qu’on lui attribua : pièces obscures et mal aérées, salle de lecture exiguë, manque de place face à l’accroissement des collections et, enfin, taux d’humidité menaçant les ouvrages de destruction. En 1949, la question de la construc- tion d’une nouvelle bibliothèque est à nouveau

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69 PATRIMOINE CULTUREL annexes lui sont également rattachées telles que la bibliothèque musicale et discothèque (12 000 partitions musicales et disques : opéras, musique d’orchestre, musique de chambre,...), service de microfilm et photocopie, exposition,... La Bibliothèque nationale d’Alger peut accueillir dans ses salles de lecture jusqu’à 600 lecteurs et abrite plus de 2 millions de volumes dans un rayonnage totalisant près de 17 km de long.

LE MUSEE NATIONAL DES ANTIQUITES ET DES ARTS ISLAMIQUES L’idée de la création d’un musée historique qui préserverait l’héritage culturel de l’Algérie remonte à 1835. Mais ce n’est que le 19 avril 1897 que le musée national des antiquités fut inauguré par le président français Félix. Néanmoins, le musée commença à mosaïques et des bronzes découverts sur les acquérir ses premières collections islamiques dès principaux sites archéologiques d’Algérie. Le 1846, collection qui s’est enrichie au fil des ans. reste du musée est occupé par les collections de Le maréchal Bugeaud fut à l’origine, en 1846, de l’Occident musulman (Algérie, Tunisie, Maroc et la création de la section islamique de ce musée. Espagne) et du Proche-Orient (Egypte, Syrie, Situé au sein même du parc de la Liberté, le Turquie et Iran) qui sont venues s’ajouter à la musée national des antiquités est le plus ancien section antique à partir de 1846. musée d’Algérie et d’Afrique. Avant l’indépen- dance, il porta les dénominations suivantes : musée des antiquités classiques et d’art LE PALAIS ZIGHOUD YOUCEF musulman, musée Stéphane Gsell (éminent Les études de cet édifice par l’architecte du archéologue, spécialiste de l’Afrique du Nord, gouvernement général français M. Darbeda ont qui fut directeur du musée jusqu’à sa disparition débuté en 1912. La construction du palais, en 1932), musée national des antiquités commencée en 1917, s’achèvera dans les années classiques et musulmanes et, enfin, musée natio- vingt. Ce sont les «Délégations financières», nal des antiquités. Mais l’inauguration du nou- organisme institué par le gouvernement français veau bâtiment qui porte le nom Arts en août 1898, en concession à la revendication islamiques permettra la création d’une nouvelle d’autonomie financière des colons fortunés et institution : le musée national des antiquités et puissants, qui réclamèrent en 1911 la construc- des arts islamiques. Le musée national des anti- tion de ce qui devait être leur siège, sous le nom quités comprend deux sections : le département de Palais Carnot. Après avoir abrité en 1945 des antiquités classiques dont la collection date l’« Assemblée financière de l’Algérie » qui avait de 1835 et regroupe des sculptures, des succédé aux «Délégations», l’édifice devint en

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70 ALGER CENTRE EN IMAGES

ALGER CENTRE VUE GENERALE

Vue du haut de l’hôtel Aurassi sur Alger Centre et sa légendaire baie ALGER CENTRE VUE GENERALE

Alger... une ville à urbanisme caractéristique «∞∂MU¡ √“∞OW ±b¥MW «∞πe«zd...

≤Ed… ±s ≤e‰ «_˸«ßw ´Kv ´Kv «_˸«ßw ≤e‰ ±s ≤Ed… Le port d’Alger, le plus important à l’échelle nationale ±OMU¡ √ˉ «∞πe«zd ±OMU¡ ¥F∑∂d ±b¥MW «∞πe«zd Ë«∞LOMU¡ Ë«∞LOMU¡ «∞πe«zd ±b¥MW «∞πe«zdÍ «∞IDd ≠w ∞K∑πU¸… ¢L∏U‰ «_±Od ´∂b «∞IUœ¸ ´∂b «_±Od ¢L∏U‰ √•b ±FU∞r ±b¥MW «∞πe«zd ±b¥MW ±FU∞r √•b

La statue de l’Emir Abdelkader, l’un des joyaux culturels d’Alger Centre APC ALGER CENTRE

Intérieur de l’APC L∂Mv «∞∂Kb¥W ±s «∞b«îq. «∞b«îq. ±s «∞∂Kb¥W L∂Mv

«∞NMbßW Ë«∞b¥Øu¸ °≤Lj Ë«∞b¥Øu¸ «∞NMbßW ´d°w ±u¸ßØw. ´d°w

Architecture et décoration de style arabo-mauresque APC ALGER CENTRE

±K∫IW °Kb¥W «∞πe«zd «∞ußDv °MU¥W •b¥∏W ±s îLf ©u«°o ¢MIh «∞CGj ´Kv «∞∂Kb¥W. ´Kv «∞CGj ¢MIh ©u«°o îLf ±s •b¥∏W °MU¥W «∞ußDv «∞πe«zd °Kb¥W ±K∫IW

L’annexe de l’APC : un édifice de cinq étages au service du citoyen

LE SIEGE DE LA WILAYA

¥∑Q∞o ±Id «∞uô¥W ØU∞IBdËßj «ùîCd«¸ ØU∞IBdËßj «∞uô¥W ±Id ¥∑Q∞o

Le siège de la wilaya s’étend tel un palais au milieu d’une ambiance verdoyante

L’inauguration a eu lieu en 1908 8091 ´UÂ ®Ob‹ APN

Façade principale de l’édifice ∞KL∂Mv «∞dzOºOW «∞u«§NW

Ce siège avait été édifié L’éclairage naturel «ù{U¡… ´Kv «∞∂MU¡ ≠w ≈´∑Lb en 1950 pour abriter °KbÍ ≤e‰ ∞OJuÊ 0591 ≠w «∞LId ≥c« «≤AU à travers des baies vitrées l’Hôtel de ville géantes est la touche «∞u«§NU‹ °u«ßDW «∞D∂OFOW particulière de l’architecte «∞u«ßFW Ë«∞Mu«≠b «∞Le§πW APN

L’un des accès latéraux du bâtiment √•b «∞Lb«îq «∞πU≤∂OW ∞KL∂Mv «∞πU≤∂OW «∞Lb«îq √•b

«ô¸{OW, «∞Le≥d¥WË«∞Ku•W «ô¸{OW, £öÀ ¢∫n ¢∑MU≠f §LUô ¢∑MU≠f ¢∫n £öÀ

Les décorations du sol et des murs rivalisent en beauté APN

A architecture originale, décor somptueux : les deux offrant une parfaite harmonie ¸Ë≤IU ≥Mbß∑t ¥e¥b «∞L∂Mv œ¥Ju¸

ème Salles de réunion au décor du XIX siècle 91 «∞Ids °b¥Ju¸ X ∞ö§∑LU´U ÅUKu≤Us APN

Fresque murale représentant la bravoure et la cavalerie Ë«∞HdËßOW «∞AπU´W ¢L∏q ∞u•W «∞Ku•W ±s §U≤V Un détail de la fresque

≈î∑Od ∞Jq ¸Øs ±U¥KOo °t °t ±U¥KOo ¸Øs ∞Jq ≈î∑Od A chaque coin son ornement : une démonstration de goût et de finesse CNA

Accès principal du Conseil de la nation «_±W ∞LπKf «∞dzOºw «∞∂U»

Les arcades, principale caractéristique du côté de l’édifice donnant sur «∞∂∫d¥W «∞u«§NW îUÅOW ≥w «_Æu«” le front de mer «∞∂U» ∑e¥MU‹ ±s πe¡ Détail d’un ornement de la porte CNA

Un vase ornant le centre du hall «∞°Nu ¢∑ußj ÆKW

Hall du siège du Conseil de la nation «_±W LπKf °Nu

«∞πb«¸¥W «∞∑w ¢F∑Kw «∞∂Nu ¢L∏q «∞∫OU… «∞Ou±OW °M∫X °U¸“ °M∫X «∞Ou±OW «∞∫OU… ¢L∏q «∞∂Nu ¢F∑Kw «∞∑w «∞πb«¸¥W «∞IKW ©d≠w ¥e¥s Ø∂g °IdËÊ ∞d§q ˧t Sculpture murale retraçant la vie quotidienne Un masque d’homme aux cornes de bélier ornant l’anse du vase CNA

¸Ë«o ¥RœÍ ≈∞v «∞LπKf ≈∞v ¥RœÍ ¸Ë«o «∞LR¢Ld«‹ ù´∑MU‚ 7291 ≠w √≤AQ ∞KL∂Mv «_ˉ «∞DU°o ≠w ¥u§b «∞dzOºw «∞BU∞uÊ Couloir menant à l’intérieur de l’hémicycle Le salon, situé au premier étage, fut inauguré en 1927 pour abriter des conférences

Les toiles murales ornant le salon représentent différentes régions de l’Algérie §b«¸¥W °Ku•U‹ «∞BU∞uÊ §bd«Ê Øq “¥MX ¢L∏q ±î∑K· ±MU Do «∞πe«zd Do ±MU ±î∑K· ¢L∏q CNA

Décoration en bas relief «∞∂dË“ ®b¥b ¨Od ´Luœ ¢Uà du sommet d’une colonne

Détail du revêtement du sol «ô¸{OW ±s ¢HUÅOq

≤∂∑W ≠d¥b… ≠w ±JUÊ ≠d¥b ±JUÊ ≠w ≠d¥b… ≤∂∑W «∞ºIn ±s ¢HUÅOq Plante rare dans un lieu original Détail du plafond

LA GRANDE POSTE

La Grande Poste : un témoin vivant de l’art néo-mauresque «∞πb¥b «∞Lu¸ßJw «∞Hs ±FU∞r √≥r √•b «∞LdØeÍ «∞∂d¥b

A chaque motif des sculptures son originalité îU’ ≈≤Hd«œ ≥MU∞p «∞MIu®U‹ ±s §e¡ Øq ≠w LA GRANDE POSTE

±bîq ±s ±b«îq ±Id «∞∂d¥b ±Id ±b«îq ±s ±bîq ±∏U‰ ≠w «∞bÆW Ë«∞∑MUßo Ë«∞∑MUßo «∞bÆW ≠w ±∏U‰ L’un des accès de la poste, un exemple de la complexité et de l’harmonie Son architecture et sa décoration confèrent à l’édifice une originalité «∞Fd°OW «∞FLU¸… Øq ≠w •IOIw ≈≤Hd«œ §FK∑NU Ë¢e¥MU¢NU ≥Mbß∑NU

îe· ±eîd· ¥e¥s «∞πb¸«Ê «∞πb¸«Ê ¥e¥s ±eîd· îe· «∞∂d¥b ±Id ¥e¥s ´Luœ ¢Uà ±Gd°w ≠MUÊ ©d· ±s «∞πb«¸¥W «∞MºuîU‹ «≤πe‹ Revêtement mural aux couleurs chatoyantes «∞bÆW ≠w ¨U¥W ≤Iu®t Ë«∞Lu«Åö‹... Les décorations calligraphiques ont été réalisées Décoration d’une colonne du siège par un artiste maghrébin des télécommunications à la précision sans commune mesure

L’UNIVERSITE D’ALGER

°MOX §U±FW «∞πe«zd ≠w •Iq ≈ßKw •Iq ≠w «∞πe«zd §U±FW °MOX 7881 √≠d¥q 31 ≠w œ®MX L’université d’Alger fut édifiée dans le champ d’Isly L’inauguration a eu lieu le 13 avril 1887 L’UNIVERSITE D’ALGER

œ¸Ã ¥RœÍ ≈∞v «∞LJ∑∂W «∞LJ∑∂W ≈∞v ¥RœÍ œ¸Ã ËË«ßl {ªr °MU¡ «∞πe«zd §U±FW Escaliers menant à la bibliothèque Un édifice vaste et spacieux

¢e¥s ≠w §U±FW «∞πe«zd ¥L∏q √ßb ¥L∏q «∞πe«zd §U±FW ≠w ¢e¥s «_•Ld «∞ªAV ±s °u«°W «∞πU±FW ≠w Ø∂Od ≤BOV Ë∞ûîCd«¸ Portail en bois rouge Les espaces verts occupent une Une sculpture décorative part importante de l’édifice représentant une tête de lion LA CITE DES SCIENCES

±b¥MW «∞FKu ... ≈≤πU“ ¥º∑∫o «∞∑Ib¥d «∞∑Ib¥d ¥º∑∫o ≈≤πU“ ... «∞FKu ±b¥MW La Cité des sciences... une louable initiative LA CITE DES SCIENCES

Le bâtiment longe le boulevard Frantz Fanon ≠U≤uÊ ≠dË≤f ®U¸Ÿ ≠w «∞Lb¥MW ¢Il

§b«¸ ´∑Oo ±U ¥e«‰ ÅU±b ¥e«‰ ±U ´∑Oo §b«¸ ¥u§b °U∞Lb¥MW, ¥Fuœ ≈∞v ¥Fuœ °U∞Lb¥MW, ¥u§b 3581 ßMW

Un mur imposant datant de 1853 se dresse au sein même de la Cité LA CITE DES SCIENCES

La Cité abrite trois édifices : un central, un cubique et un en forme d’étoile Ë«∞MπLw «∞LJFV «∞LdØeÍ, «∞L∂Mv : ±∂U≤w £öÀ ∞KLb¥MW

Une architecture moderne «_˸«ßw ≠Mb‚ ±s «∞FKu ±b¥MW ´Kv ≤Ed… visionnaire ±∂∑Jd… ´Bd¥W ≥MbßW Vue du haut de l’hôtel Aurassi sur la Cité des sciences LA CITE DES SCIENCES

Gravure rupestre représentant différentes sciences universelles exécutée par l’artiste Derbal Sedik «∞Bb¥o œ¸°U‰ «∞HMUÊ ≈≤πU“ ±s «∞FKu ±ª∑Kn ¢L∏q §b«¸¥W

Détail de la décoration murale «∞πb«¸¥W ±s §e¡ ... ∞KMπu ¢EU≥dÍ ≠CU¡ ≥w «∞HKJOW «∞I∂W ¢º∑L∑l ≥MU °d•KW ≠w «∞HCU¡ «∞HCU¡ ≠w °d•KW ≥MU ¢º∑L∑l Le dôme : un espace de défilement pour les étoiles offrant un merveilleux voyage sidéral LE CINEMA

¢∫∑Cs «∞ºMLU ¢EU≥d«‹ Ë≤AU©U‹ îUÅW °U∞Lb«¸” ´öË… ´Kv ´d÷ «_≠ö ´d÷ ´Kv ´öË… °U∞Lb«¸” îUÅW Ë≤AU©U‹ ¢EU≥d«‹ «∞ºMLU ¢∫∑Cs Outre la projection de films, le cinéma Algeria abrite également de nombreuses manifestations et activités culturelles scolaires

≈ß∑GKX «∞LºU•U‹ «∞b«îKOW °Dd¥IW §LOKW Ë–ØOW §LOKW °Dd¥IW «∞b«îKOW «∞LºU•U‹ ≈ß∑GKX Deux escaliers menant à la salle de projection «∞Fd÷ ÆU´W ≈∞v ¥Rœ¥UÊ ßKLUÊ L’espace intérieur a été exploité de façon rationnelle alliant utilité et esthétique LES STADES

Vue sur une partie du stade Ouaguenouni Ë«ÆMu≤w ±KFV ±s §U≤V

îBh ∞Jq ¸¥U{W §U≤V ±s «∞LKFV «∞LKFV ±s §U≤V ¸¥U{W ∞Jq îBh ±KFV ´Os “°u§W √•b «ù≤πU“«‹ «∞πb¥b… ∞∂Kb¥W «∞πe«zd «∞ußDv, «∞ußDv, «∞πe«zd ∞∂Kb¥W «∞πb¥b… «ù≤πU“«‹ √•b “°u§W ´Os ±KFV A chaque discipline sportive son espace √¥CU... Ë«∞JNu‰ ∞KA∂U» ¸¥U{w ≠CU¡ Stade Aïn Zeboudja : un nouvel espace pour les jeunes parmi tant d’autres dont fut à l’origine l’APC d’Alger Centre LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE

Une des salles de lecture «∞u©MOW «∞LJ∑∂W ≠w ®d≠W

¨DOX «_´Lb… «∞b«îKOW ∞KLJ∑∂W «∞u©MOW ∞KLJ∑∂W «∞b«îKOW «_´Lb… ¨DOX ¨Mw ´KLw H{U¡ ≥w ≤BHOU °U∞ªAV «_•Ld «_•Ld °U∞ªAV ≤BHOU Un riche espace scientifique Le revêtement des colonnes a été réalisé en bois rouge LE MUSEE DES ANTIQUITES

¥Fb «∞L∑∫n «∞L∑∫n ¥Fb «_Æb ≠w ≠w «_Æb «∞πe«zd Ë≈≠d¥IOU Ë≈≠d¥IOU «∞πe«zd

Le musée des antiquités est le plus ancien musée d’Algérie et d’Afrique LE MUSEE DES ANTIQUITES

¥u§b «∞L∑∫n œ«îq•b¥IW «∞∫d¥W «∞∫d¥W œ«îq•b¥IW «∞L∑∫n ¥u§b Façade datant de l’époque coloniale à architecture de style Le musée est localisé au sein même du parc de la Liberté arabo-musulman

±bîq ±∑∫n «∞HMuÊ «ùßö±OW, °MOX «∞u«§NW °MHf ≤Lj °MHf «∞u«§NW °MOX «ùßö±OW, «∞HMuÊ ±∑∫n ±bîq Ë«§NW «ü£U¸ «∞Ib¥LW «∞Ib¥LW «ü£U¸ Ë«§NW Un style architectural identique pour la façade des deux musées LE MUSEE DES ANTIQUITES

√≤πe‹ ≥cÁ «∞u«§NW ≠w «∞FNb «ùß∑FLU¸Í ´Kv ≤Lj ´Kv «ùß∑FLU¸Í «∞FNb ≠w «∞u«§NW ≥cÁ √≤πe‹ ∞u•W ≠ºOHºUzOW ±s ØMOºW ±ºO∫OW ¢d±e ∞Kd«´w «∞BU∞`, ¸Ë®Iu≤OU (°dà ¸Ë®Iu≤OU «∞BU∞`, ∞Kd«´w ¢d±e ±ºO∫OW ØMOºW ±s ≠ºOHºUzOW ∞u•W «∞NMbßW «∞Fd°OW «ùßö±OW «ùßö±OW «∞Fd°OW «∞NMbßW «∞∂∫dÍ), ¢Fuœ ∞KIdÊ «∞ªU±f Æ∂q «∞LOöœ Æ∂q «∞ªU±f ∞KIdÊ ¢Fuœ «∞∂∫dÍ),

Mosaïque provenant d’une basilique chrétienne de Rusguniae Vue du musée sous un autre angle (Cap Matifou) représentant la légende du bon pasteur §U≤V √îd ±s «∞L∑∫n ±s √îd §U≤V (Vme siècle ap. J.-C.) LE MUSEE DES ANTIQUITES

Une des salles d’exposition «∞Fd÷ ÆU´W ´Kv ±W ´U ≤Ed…

¢U°u‹ ±s «∞dîU ¥πºb «∞LFπe«‹ «∞º∂l ∞KºOb «∞LºO`, ∞KºOb «∞º∂l «∞LFπe«‹ ¥πºb «∞dîU ±s ¢U°u‹ ∞û∞NW ≤BHOW Åu¸… ´KONU §d… °KKu¸Ë≠uÊ, √ßDu¸… ´KOt ≤Ig «∞dîU ±s ¢U°u‹ «∞IdÊ «∞d«°l ±OöœÍ, ˧b ≠w œ ∞f ∞f œ ≠w ˧b ±OöœÍ, «∞d«°l «∞IdÊ «∞HªU¸ ±s ±BMu´W ¢U≤OX, √“≠uÊ ≠w ±OöœÍ,˧b «∞∏U∞Y «∞IdÊ Sarcophage représentant les sept miracles du Christ Æ∂q «∞ªU±f «∞IdÊ ≈∞v ¢Fuœ Sarcophage représentant la légende du héros (Dellys, IVe siècle ap. J.-C.) mythologique de la vaillance et de la force «∞LOöœ, ˧b‹ ≠w «∞Iq ≠w ˧b‹ «∞LOöœ, Bellérophon (Azzeffoun, 3ème siècle ap. J.-C.) Cruche trilobée sur le col de la déesse Tanit datant de la période punique (Collo, Ve siècle ap. J.-C.)

LE MUSEE DES ANTIQUITES

Mosaïque représentant le dieu Océan √ËßOuÊ ∞û∞t ≠ºOHºUzOW ∞u•W Mosaïque représentant les quatre sai- ¢L∏q ≠ºOHºUzOW ∞u•W barbu entouré par quatre néréides che- ¢Fuœ «∞∂∫d °Fd«zf ±∫U◊ sons par des personnages en bustes ¢Fuœ «_¸°FW, «∞HBu‰ vauchant des animaux marins (Sétif, (Tebessa, IIe siècle ap. J.-C.) ±OöœÍ, «∞∏U≤w ∞KIdÊ fin du IVe siècle ap. J.-C.) ±OöœÍ «∞d«°l «∞IdÊ ∞MNU¥W ˧b‹ °ºDOn ˧b‹ ¢∂ºW ≠w ˧b‹

¢L∏U‰ °Uîu” ≈ôÁ «∞ªLd Ë«∞ªKuœ ±BMuŸ ±s «∞dîU ¥Fuœ ≈∞v «∞H∑d… «∞d˱U≤OW, «∞H∑d… ≈∞v ¥Fuœ «∞dîU ±s ±BMuŸ Ë«∞ªKuœ «∞ªLd ≈ôÁ °Uîu” ¢L∏U‰ «∞∑∫n ´d÷ ÆU´W ≈∞v ¥RœÍ ßKr ¢U≤OX, ∞û∞NW ≤c¸Í ≤BV ˧b ≠w ƺMDOMW, ¢ºd¥∫W ®FdÁ ´∂U¸… ´s ´MUÆOb Ë ¥∑JT ´Kv ´BU. ´Kv ¥∑JT Ë ´MUÆOb ´s ´∂U¸… ®FdÁ ¢ºd¥∫W ƺMDOMW, ≠w ˧b ´Kv °Mw «ùßö±w, «∞Iºr ≠w ±∑Qîd °u≤OIw «∞Dd«“ «∞Lu¸ßJw «∞πb¥b «∞Lu¸ßJw «∞Dd«“ Stèle dédiée à la déesse Statue en marbre, datant de la période, représente Bacchus, dieu du vin Tanit (punique tardif) et de l’immortalité, coiffé d’une grappe de raisin et appuyé sur un thyrse Escaliers de style néo-mauresque (Découverte à Constantine). menant à la salle d’exposition section musulmane ECOLE DES BEAUX ARTS

Le siège de l’Ecole depuis 1881 1881 ±Mc «∞LId ≥c« «∞Lb¸ßW «¢ªb‹

Du haut de la principale place de l’Ecole, une vue imprenable Ë«∞LOMU¡ «∞Lb¥MW ´Kv ¢Dq Ø∂Od… ®d≠U‹ ∞KºU•W sur la ville d’Alger et son port ECOLE DES BEAUX ARTS

Statue " les Orphelins " «∞O∑OLUÊ ¢L∏U‰ ∞Jq ¸Øs ±s «ô¸ØUÊ ¢L∏U‰ ¥e¥Mt ¢L∏U‰ «ô¸ØUÊ ±s ¸Øs ∞Jq °KLMbË ∞KHMUÊ «∞∫πd ±s ±BMuŸ ¢L∏U‰ A chaque coin de l’Ecole, «∞Lb¸ßW ±b¥d∞NcÁ ØUÊ «∞KcÍ une statue orne les lieux Statue en pierre : œuvre de l’artiste Belmondo, ancien directeur de l’école

∞u•W ¢cØU¸¥W ¢Cr Ø∑U°W ¢QßOºOW ∞πU±l ±s «∞FNb «∞F∏LU≤w ¢u§b ≠w •b¥IW ±b¸ßW «∞HMuÊ «∞πLOKW «∞πLOKW «∞HMuÊ ±b¸ßW •b¥IW ≠w ¢u§b «∞F∏LU≤w «∞FNb ±s ∞πU±l ¢QßOºOW Ø∑U°W ¢Cr ¢cØU¸¥W ∞u•W «ù±∂d«©u¸ ≈°s ≥Uœ¸¥U≤u” ∞û±∂d«©u¸ Ë{FX ¸Ë±U≤OW ≤UÆAW Transcription datant de la période ottomane désignant ≈∞v √¥CU ËØdßX 61 ∞KLd… «∞AF∂OW «∞ºKDW ∞t ØU≤X ©d¥U≤u” un texte inaugural d’une mosquée «_¨ºDf ©d· ±s «∞LHu÷ «∞IUzb ≠U¸¥u√±∂O∂u∞u ∞uØOu L’inscription est dédiée à l’empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C.), fils de l’empereur Trajan, petit-fils de l’empereur Nerva. Il est auguste et il est le grand pontife (prêtre), il a la puissance tribunicienne pour la 16ème fois ; il est consul pour la 3ème fois et il est le père de la patrie. L’inscription est également dédiée à Lucio Vamo Ambibulo. Il est légat d’Auguste et propreteur (commandant) dans la 3ème légion d’Auguste. HOTEL EL AURASSI

L’hôtel Aurassi domine les hauteurs de la capitale «∞FUÅLW √´U∞w ≠w ¥∑d°l : «_˸«ßw ≤e‰

°Nu «ùß∑I∂U‰ °b¥Ju¸ ±LOe °b¥Ju¸ «ùß∑I∂U‰ °Nu Ë«∞L∑FW ∞Kd«•W ±JUÊ «_˸«ßw ≤e‰ ±º∂` Ë«∞∑d≠Ot «∞d«•W °ußUzq «∞Gd· Øq “Ëœ‹ Hall de réception La piscine, un lieu de détente Les chambres sont dotées au décor somptueux et de loisirs de toutes les commodités HOTEL SAFIR

Des personnalités politiques et artistiques ont séjourné dans cet hôtel ®NOd… Ë≠MOW ßOUßOW ®ªBOU‹ «∞HMb‚ ≥c« ´Kv ¢b«Ë‰

∞KMe‰ ®d≠U‹ ±e§πW ˱e¥MW °b¸«°e¥s ¢Dq °b¸«°e¥s ˱e¥MW ±e§πW ®d≠U‹ ∞KMe‰ «∞cØU¡ Ë∞FV «∞ADd≤Z ∞Nu«… ÆU´W ®U°KOs ®U¸∞w °OMNr ±s ±AU≥Od ´b… ≈¸¢Uœ≥U ¨d≠W ´Kv °Nu «ôß∑I∂U‰ °Nu ´Kv Salle réservée aux amoureux Chambre ayant accueilli de nombreuses L’hôtel dispose de chambres dotées des jeux d’échecs et de jeux de réflexion célébrités dont Charlie Chaplin de grandes baies vitrées donnant sur le hall central LA MOSQUEE EL WARTILANI

Façade principale Vue d’une partie de la mosquée «∞Lºπb ±s §U≤V de la mosquée ∞KLºπb «∞dzOºOW «∞u«§NW ±s §e¡

Salle des prières «_°FUœ Ë«ßFW «∞Bö… ÆU´W ±FKo îA∂w ßKr °MIu®U‹ «∞b«îq ±s «∞I∂W “¥MX Escaliers suspendus en bois √§e«¡ 8 ≈∞v ˧e√‹ œÆOIW La coupole de la mosquée au décor majestueux LA MOSQUEE EL WARTILANI

La mosquée fut bâtie dans un style architectural particulier ±LOe… ≥MbßW ∞KLºπb

±M∂l ±Uzv ±M∂l ±e¥s °U∞ªe· ±e¥s «∞Leîd· Fontaine d’eau aux couleurs vives

Détail d’une mosaïque “îd≠W ´Kv ´Luœ ´Kv “îd≠W ¢CHw «∞dzOºOW «∞∏d¥U ornant une colonne «∞LJUÊ ´Kv ¸Ë≤IU à l’intérieur Le somptueux lustre central illumine les lieux de ses mille feux LA CATHEDRALE DU SACRE CŒUR

«∞JU¢b¸«∞OW ±s «∞ªU¸Ã , L∂Mv {ªr °NMbßW LLOe… °NMbßW {ªr L∂Mv , «∞ªU¸Ã ±s «∞JU¢b¸«∞OW L’architecture de la cathédrale recèle un trait particulier

La Tente, une impressionnante ≥MU §KOW «∞ªOLW ±ö±` ¢∂bË Le siège du pape ßIn «_ Ødßw œuvre LA CATHEDRALE DU SACRE CŒUR

Øq “«Ë¥W ±s “Ë«¥U «∞L∂Mv ¢Fd÷ Åu¸… ¢Jd” Åu¸… ¢Fd÷ «∞L∂Mv “Ë«¥U ±s “«Ë¥W Øq ¥FDw «∞Cu¡ «∞LM∂FY ±s «∞I∂W ®Jq ¬îd ∞KNMbßW Ë«∞b¥Ju¸ Ë«∞b¥Ju¸ ∞KNMbßW ¬îd ®Jq «∞I∂W ±s «∞LM∂FY «∞Cu¡ ¥FDw °u≠U¸¥p ¸´OW ≥∂W «_¸¨s, •V «ùüÁ ∞F∂UœÁ «ùüÁ •V La lumière traversant la coupole confère A chaque coin des lieux, une L’orgue, un don de à l’intérieur une ambiance particulière représentation montrant la manifestation la paroisse de Boufarik de l’amour de Dieu pour Ses Hommes

¢Fuœ ≥cÁ «∞HºOHºU¡ ≈∞v «∞IdÊ «∞d«°l Ë¢Fb «∞HºOHºU¡ «∞HºOHºU¡ Ë¢Fb «∞d«°l «∞IdÊ ≈∞v «∞HºOHºU¡ ≥cÁ ¢Fuœ Ë´Oºv ±d¥r «∞Fc¸«¡ ¢L∏U‰ ´KONLU «∞ºö ´KONLU ) 423 ( °∑U¸¥a «∞LFKLW «∞ALU∞OW ≈≠d¥IOU ≠w «∞u•Ob… s °u∞Ou ≤U ©d· ±s ±NbÈ Ø∑U», ¥∫Lq ≤ºd Statue de la Vierge Cette mosaïque est la seule d’Afrique du Nord qui Aigle portant un livre : un don de Napoléon Marie et de Jésus fut datée (an 324)

L’AERO-HABITAT & IMMEUBLE LA FAYETTE

©∂IW 51 °‡ {ªr ±∂Mv ô≠U¥U‹ L’aéro-habitat domine sur 75 m de haut  57 ©u∞t ¥∂Km «∞DOd«Ê ±∂Mv

Du haut de ses 15 étages, l’immeuble Lafayette se dresse tel un géant en béton LES JARDINS D’ALGER

§U≤V ±s §U≤V •b¥IW «∞∫d¥W •b¥IW Vue sur une partie du parc de la Liberté LES JARDINS D’ALGER

•b¥IW îLOº∑w √Ë •b¥IW «∞ºU´W «∞e≥d¥W «∞e≥d¥W «∞ºU´W •b¥IW √Ë îLOº∑w •b¥IW «∞∫b«zo ±s ¨Od≥U ´s ±LOe… §FK∑NU °Dd¥IW «∞∫b¥IW ÅLLX Jardin Khemisti ou jardin de l’horloge florale Le parc de la Liberté : sa conception particulière le distingue des autres parcs de la ville

Entrée du parc Sofia Åu≠OU •b¥IW ±bîq «∞FUÅLW •b«zo √§Lq ≈•bÈ °OdË‹ •b¥IW Jardin Beyrouth : l’un des plus beaux espaces verts de la capitale