Revue Des Langues Romanes, Tome CXX N°1 | 2016, « Les Troubadours Et L’Italie » [En Ligne], Mis En Ligne Le 01 Février 2018, Consulté Le 26 Septembre 2020
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Revue des langues romanes Tome CXX N°1 | 2016 Les Troubadours et l’Italie Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rlr/355 DOI : 10.4000/rlr.355 ISSN : 2391-114X Éditeur Presses universitaires de la Méditerranée Édition imprimée Date de publication : 1 janvier 2016 ISSN : 0223-3711 Référence électronique Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016, « Les Troubadours et l’Italie » [En ligne], mis en ligne le 01 février 2018, consulté le 26 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/rlr/355 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rlr.355 Ce document a été généré automatiquement le 26 septembre 2020. La Revue des langues romanes est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. 1 SOMMAIRE Les Troubadours et l'Italie Avant-propos Gilda Caiti-Russo Écrire, trobar : le troubadour entre création et représentation Ruth Harvey Pour une bibliographie des troubadours d’Italie Maria Grazia Capusso Na Iohana de pretç soverana. Troubadours à la cour de Calaone Antonio Petrossi Des passeurs ? Les poètes de l’École sicilienne Myriam Carminati La réception de la poésie politique des troubadours en Italie Marco Grimaldi De l’influence du décasyllabe lyrique des troubadours sur l’endecasillabo italien Dominique Billy Quelques remarques à propos de la pastourelle de Guido Cavalcanti Beatrice Fedi Les occitanismes dans le Fiore Arnaldo Moroldo Les manuscrits ne mentent pas : le cas de Dante et le De vulgari eloquentia Wendy Pfeffer Des chansonniers occitans au livre de la mémoire : la « Vida » nuova de Dante Gilda Caiti-Russo Jaufre Rudel de Blaye à Florence : Dante, Pétrarque, Boccace Roy Rosenstein Quelques remarques sur les traductions du Donat proensal dans le ms. D 465 inf. de la Bibliothèque Ambrosiana de Milan Paolo Gresti Varia Aldebert […], bisbe de Memde : la singulière ascension de la langue provençale au métalangage dans les Tables des Plus Anciennes Chartes de Clovis Brunel. Une note métalexicographique Jean-Pierre Chambon Deux nouveaux documents linguistiques en ancien occitan rouergat (1441, 1467) Philippe Olivier et Jean-Claude Riviere Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016 2 Le débat dans la tradition des troubadours : Uns amics et un’amia de Guilhem de la Tor et Sordel Esther Corral Díaz Un poème consolatoire inédit (c. 1348) et un fragment d’un planh perdu, attribué à Raimbaut de Vaqueiras Marta Marfany et Lluís Cabré Critique Jean-Claude Rivière, Microtoponymie de la commune de Vebret (Cantal) Paris, L’Harmattan (coll. Nomino ergo sum), 2015, 312 pp. Jean-Pierre Chambon Hélène Bouget, Écritures de l’énigme et fiction romanesque. Poétiques arthuriennes (XIIe-XIIIe siècles) « Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge » n° 104, Paris, H. Champion, 2011, 536 p. Jean Lacroix Jean Dufournet, Commynes en ses Mémoires Préface de Jean-Marie Duvosquel, Paris, H. Champion, 2011, 443 p. Jean Lacroix Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016 3 Gilda Caiti-Russo (dir.) Les Troubadours et l'Italie Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016 4 Avant-propos Gilda Caiti-Russo 1 Les articles qui suivent sont issus d’un remaniement, parfois important, des communications prononcées au colloque « Les Troubadours et l’Italie » qui a eu lieu à Montpellier en juin 2012. Dans les contributions que vous êtes sur le point de lire le sujet choisi se décline en premier lieu comme le rayonnement de la poésie occitane médiévale dans la péninsule et par la suite comme translatio poiesis vers les langues d’Italie et la fondation d’une nouvelle tradition poétique. 2 Nous parlerons dans les deux cas de réception. Si la poésie occitane a sans doute été revisitée par les chansonniers vénitiens (ADIKN) où les matériaux poétiques ont fait l’objet d’une véritable patrimonialisation, il est important de souligner que, comme nous l’a appris une découverte récente, la diffusion de la poésie occitane en Italie du Nord a précédé les chan-sonniers. La traduction en italien (liguro-piémontais) de l’alba de Giraut de Bornelh, retrouvée par Nello Bertoletti en 2014, confirme la précocité de la réception des textes dans des contrées auxquelles renvoient les allusions aux personnages et aux événements d’un nombre non négligeable de textes de troubadours. 3 La deuxième réception est constituée par la transmission d’éléments d’un système à l’autre : du modèle poétique et linguistique occitan à la constitution du paradigme italien. 4 Là encore, une découverte philologique récente nous éclaire sur l’ampleur et la précocité de la diffusion de la poésie de l’école sicilienne : les fragments de textes retrouvés par Giuseppe Mascherpa dans les reliures des livres des notaires lombards datent en effet d’avant la compilation de premiers chansonniers relatant la poésie italienne. 5 L’école sicilienne est certes le premier maillon de la chaîne mais il est intéressant de rappeler que la Toscane de l’auteur du Fiore, de Guido Cavalcanti et bien sûr de Dante a bien un rapport direct avec les troubadours. Les chansonniers qui témoignent de la circulation de la poésie occitane médiévale dans cette région stratégique pour la tradition de la poésie italienne arrivent en effet au nombre de sept. 6 Nos remerciements vont donc aux auteurs des articles qui ont répondu, chacun à sa manière, à cette double thématique, aux chercheurs anglo-saxons, italiens et français, Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016 5 qui ont bien voulu attirer l’attention du public de la RLR sur l’importance de ce long moment de l’histoire de la poésie européenne. AUTEUR GILDA CAITI-RUSSO Université Paul-Valéry (Montpellier III) Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016 6 Écrire, trobar : le troubadour entre création et représentation Ruth Harvey 1 Comment le troubadour évoque-t-il sa propre créativité artistique ? Au fil des années, la représentation de l’acte de trobar a fait l’objet de plusieurs études et de remarques notées au passage par les érudits1. On a souligné la fameuse « circularité du chant », l’équivalence entre « aimer » et « chanter », et entre « chanter » et « composer »2. On n’a pas manqué de signaler le goût des poètes pour les métaphores tirées de l’artisanat et de la vie quotidienne : si, dès le début de la tradition, on « fait un vers », Guilhem IX peut extraire son vers de bon obrador et il porte d’aicel mestier la flor ; Marcabru, lui, se munit de « la pierre et l’amorce et le briquet », la peire e l’esca e.l fozill, pour allumer la flamme créatrice du trobar naturau3. Plus tard, Arnaut Daniel dit : obre e lim motz de valor ab art d’amor4. (J’œuvre et je lime des mots précieux avec l’art d’amour.) 2 Ailleurs, il déclare : En cest sonet coind’e leri, fauc motz, e capuig e doli, que deran verai e cert quan n’aurai passat la lima. (10, vv. 1-4) (Sur cet air gracieux et léger je fais des paroles que je rabote et dole : elles seront sincères et sûres quand j’y aurai passé la lime.) 3 La construction de faire + cas régime suggère parfois aussi la prétendue simultanéité des actions de « composer » et de « chanter » : « créer » se confond en apparence avec « réciter » et l’artiste, inspiré par l’amour, semblerait improviser devant son public. Au siècle suivant encore, dans les vidas et les razos, la plupart du temps le vers est également un objet que l’on « fait »5. 4 Dans le contexte du discours sur la création lyrique, les allusions ouvertes à l’écriture sont rarissimes, chez les poètes eux-mêmes aussi bien que dans les vidas et les razos, principaux témoignages de la réception de la production lyrique en Italie6. Parmi les razos – qui sont justement censées gloser le moment de la création –, l’évocation la plus Revue des langues romanes, Tome CXX N°1 | 2016 7 circonstanciée de la composition troubadouresque nous est offerte par le texte sur Anc yeu non l’ac, mas ela m’a (PC 29, 2) d’Arnaut Daniel, dont on raconte qu’il devait sa réussite lors d’un concours poétique à un plagiat rendu possible par le fait que son rival, en composant sa chanson, la chantait toute la nuit dans la chambre voisine afin de bien la connaître. e.N Arnautz la va tota arretener, e∙l so. […] N’Arnautz dis que volia retraire sa chanso, e comenset mot be la chanso que∙l joglars avia facha7. (Et Arnaut se met à la retenir tout entière, ainsi que l’air. [Quand vint le moment de juger,] Arnaut dit qu’il voulait réciter sa chanson, et commença fort bien la chanson que le jongleur avait faite 5 On en rit fort et tout finit par de beaux présents, cela grâce apparemment à la pratique de la composition orale. 6 Cependant, le trobar est en même temps le produit d’une culture où l’écriture se faisait une place de plus en plus indispensable8. À ceci viennent s’ajouter les conclusions de certaines études linguistiques et littéraires plus récentes, telle celle de Paul Saenger et Simon Gaunt. Celle-ci démontre que la terminologie employée par les troubadours témoigne d’une conception des paroles de la canso appuyée sur une réalité concrète, une existence physique dans l’espace. Il s’agirait d’une vision qui, à la Derrida, découle forcément d’une perception du langage à travers sa forme écrite9. Il s’ensuit que ce que les textes eux-mêmes disent à propos de la nature essentiellement orale de l’art des troubadours est à certains égards une simple « fiction de l’oralité » ; il s’agirait d’un effet textuel produit par une culture essentiellement écrite.