MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE DE ------FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES ------DEPARTEMENT D’HISTOIRE

ETUDE ANTHROPO-HISTORIQUE SUR LA SOCIETE ET L’ARCHITECTURE DES TOMBEAUX MASIKORO : LE CAS DU BAS- FIHEREÑA

(SUD-OUEST MALGACHE)

Mémoire de Maîtrise présenté par :

ZAHERE Ahamadi

Sous la direction de :

Mr MANJAKAHERY Barthélemy

Professeur à l’Université de TOLIARA

Date de soutenance : 28 Février 2011

Année Universitaire 2009-2010

1

REMERCIEMENTS

Ce travail ne serait pas arrivé aujourd’hui à son terme sans la précieuse participation de certaines personnes. Qu’ils trouvent ici ma vive et chaleureuse reconnaissance.

Je voudrais en cette occasion remercier d’abord Monsieur le Doyen de la Faculté des lettres et des Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Toliara.

J’exprime mes vifs remerciements et mes sentiments de profonde gratitude à mon Directeur de recherche, Monsieur Barthélemy MANJAKAHERY, Professeur des Universités, ainsi qu’à Monsieur Lucien Jean Lazare DAVID, Enseignant à l’Université de Toliara. J’avoue que ce travail ne serait pas arrivé à son terme s’ils n’avaient pas accepté de me diriger. Malgré leurs nombreuses occupations, ils m’ont apporté des indications qui m’ont guidé au cours de ce travail.

Ma sincère reconnaissance s’adresse aussi à tout le corps enseignant de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, plus particulièrement à ceux du Département d’Histoire et de Géographie de l’Université de Toliara. Si, aujourd’hui, je suis en mesure de présenter ce mémoire de maîtrise, c’est grâce à leurs enseignements durant mes années de formation. Qu’ils trouvent tous ici ma profonde gratitude.

Ma reconnaissance va aussi à l’endroit de ceux et de celles qui m’ont aidé à réaliser mes enquêtes sur le terrain, en particulier Madame et Monsieur DINA, maîtres de conférences à l’Université de Toliara, Monsieur TSIAZONERA, Directeur du département d’Histoire, Madame Monique LUPO , Monsieur Lucien Jean Lazare DAVID et ABOU Bacar tous les trois enseignants à l’Université de Toliara, Monsieur Jean Fidèle KAMBALAHY, professeur d’histoire au Collège Sacré-Cœur de Tsianaloka, Monsieur Félix TSIATSIKE, Monsieur Mirhani NOURDDINE, étudiant chercheur à la formation doctorale de l’Université de Toliara, Monsieur Soulaimana FATIHOU et tous les étudiants malgaches et comoriens, particulièrement ceux de l’UFESOM.

1

Mes remerciements seraient vains si je ne manifestais pas ici ma sincère reconnaissance à mes chers et précieux parents, Monsieur Zoubert AHAMADI et feue Madame MARIAMA Ali, qui n’ont pas cessé de m’inculquer les valeurs morales pour faire de moi un homme. C’est avec grand plaisir que je leur dédie ce présent travail, en guise de reconnaissance pour tout ce qu’ils ont pu faire pour l’éducation de leurs enfants. Ils méritent l’appellation de parents modèles. Que Dieu leur accorde les justes et meilleures récompenses.

Je remercie également tous mes frères et sœurs, ainsi que leurs époux et épouses : Monsieur EDDY A. et Madame FEMIDA, Monsieur TAMIMOU A. et Madame ASSIATI, Monsieur MOHAMED A. et Madame FAIZA, Monsieur ANLI A. (Pitsou) et sa fiancée, Monsieur et Madame HALIDE, Monsieur EL-ENRIF Djamil et sa future épouse…, Madame ZAITOUNE A. et son époux INZOUDINE K.E, Madame KOULTOUME A. et son époux, MOHAMED L., Madame HADIDJA A. et son époux MOHAMADI, Madame ANTURIA A. et son époux MOHAMED N., Madame KAMARIA A. et son époux ELIASSA, la famille ZOUBERT Sidi et toute ma famille en Grande Comores, à l’instar de Mère NAWIR ou TATINE, Mère KADER, Mère BICHARA et Père TACHIRIFA

Merci pour leur coopération et pour leurs encouragements qui ont joué un rôle capital dans mes études.

Enfin je remercie toutes les personnes qui ont su aussi me soutenir tout au long de la réalisation de ce travail : Monsieur FAIDHOINE I., Mlle CHANTAL et ses parents, Mlle Abdou HANIFA Mlle Abdou NADJIDATI, Monsieur ABDEREMANE S., Monsieur ANSAR S., Monsieur ALLAME M., Monsieur AMIR M., Monsieur DHOIFFIR S.,Monsieur SAMEDINE A, Monsieur DAOUD H., Monsieur FOUAD H, Monsieur H JOEL NASSER, Monsieur OMAR A., et toutes les Communautés de Mtsangani et de Bwédzani Ouani ainsi que celles des autorités et des paysans masikoro du Bas- Fihereña.

2

INTRODUCTION

Madagascar est la quatrième île du monde par ses dimensions. L’île s’étend sur 1600 kilomètres du nord au sud, et 600 kilomètres d’ouest en est. Sa superficie est d’environ 587.041km 2. Elle se trouve dans une position géographique qui fait d’elle un foyer de peuplement. Plus de 7000 kilomètres la sépare de l’Australie, 6.000 de Java, 4500 des Indes. La Grande Ile se situe à l’est du canal du Mozambique, à plus de 400 km du continent africain, et à l’ouest de l’Océan Indien. Ses voisins, sont les Comores, la Tanzanie et le Mozambique… à l’ouest, La Réunion, Maurice, les Seychelles … à l’est. a été connue bien avant l’ère chrétienne. Ainsi à partir du XIV, et du XVème siècle, dans les récits des écrivains arabes, on nous fait la description de Madagascar. Parmi ces écrivains, il y a Aboul Feda, Sidi Ali Celebi. Leurs descriptions ressemblent à celles que feront les Portugais plus tard, au XVIème siècle. D’ailleurs, sur les premières cartes dressées par Alberto Cantino en 1502, l’auteur signale Comorobiman ou Ile de Saint Laurent. Etienne de Flacourt dit, au XVIIème siècle, dans son ouvrage intitulé « Histoire de l’île de Madagasca r » : « L’île de Saint Laurent est par les géographes nommée Madagascar et par les habitants du pays Madécasses ».

Mais il semble probable que des groupes venant de l’extérieur aient été les premiers à s’établir à Madagascar à une époque donnée. Pierre BOITEAU -1958, dit à ce propos :

« L’homme n’a pas pris naissance à Madagascar ; il est venu de l’au-delà des mers. Cette donnée que la science établit (étude de la terre et des animaux disparus ; géologie et paléontologie) est confirmée par les traditions malgaches : les ancêtres sont venus de l'au-delà des mers et plus précisément du nord-est. »1

Cela est prouvé non seulement par l’existence d’un certain nombre d’indices archéologiques, mais également par ceux d’éléments de la civilisation malgache en provenance de l’Asie du sud-est dont la pirogue à balancier, certaines plantes comme le cocotier, le bananier, le bétel, le gingembre ou la canne à sucre...etc.

1 P. BOITEAU,-1958, Contribution à l’histoire de la nation malgache. Editions sociales p. 8. 3

Certains chercheurs mentionnent également l’installation d’Africains de passage vers les îles Comores et des Portugais à partir de l’an 1500. Et c’est à partir de là que les Européens (Français et Anglais) se sont introduits à Madagascar et ont fini par la coloniser. De ces différentes origines du peuple malgache, il est difficile de parler d’un « type » malgache unique. Pourtant les caractères dominants sont les traits Asiatiques et Africains. Il paraît évident que tous les groupes sociaux qui ont contribué au peuplement malgache ont apporté chacun, en ce qui les concerne, des éléments culturels qui ont contribué à former la culture malgache. Cette dernière se rattache principalement à la culture asiatique (sud-est et sud-ouest asiatiques). Cette unité culturelle se manifeste en particulier dans divers domaines comme la langue, la religion, les us et les coutumes traditionnelles (culte des ancêtres etc.) Signalons que la culture malgache forme une unité tant sur le plan local que sur le plan national, malgré certaines différences au niveau de l’art funéraire entre le Sud, le Sud-ouest et les Hautes terres. Le Sud-ouest en particulier a toujours conservé ses pratiques ancestrales. Certes il y a des apports étrangers dans la culture malgache. Mais dans le Sud- ouest, en particulier chez les Masikoro du Bas-Fihereña, le culte des ancêtres garde sa structure traditionnelle. Parmi les us et les coutumes qui caractérisent la culture masikoro, il y a l’habillement, la danse traditionnelle, les interdits et les valeurs donnés aux tombeaux, etc. Leur manière de s’organiser et de rendre hommage à leurs ancêtres a des traits particuliers qui la caractérisent et la différencient des autres groupes à l’instar des Antandroy et des Mahafale. De ce fait, on peut admettre que chez les Masikoro dont un certain nombre sont chrétiens, le culte des ancêtres garde une place particulière sur le plan culturel. Ainsi la plupart des événements importants qui affectent la communauté, le recours aux ancêtres lui sont presque une obligation. Parmi les institutions traditionnelles, on citera le respect des lois établies par les aïeux qui se définissent sous diverses formes. Ces lois sont pour le Masikoro le chemin pour bâtir son au-delà. En observant le déroulement du culte des ancêtres, du début jusqu’aux derniers rituels, on retrouve plusieurs rites qui expliquent l’hybridisme de la culture masikoro en particulier, et malgache en général, quelles que soient les modifications 4

ou les améliorations qui sont intervenues dans le temps et dans l’espace. C’est au niveau du funéraire qu’on retrouve les valeurs ancestrales. Le choix du sujet nous a été dicté par plusieurs raisons : d’abord, c’est à la suite d’une longue concertation entre mon encadreur et moi qu’il a été défini. Nous avons opté pour le thème « Etude anthropo-historique sur la société et l’architecture des tombeaux masikoro : le cas du Bas-Fihereña (Sud-ouest malgache) » Par ailleurs, après plusieurs lectures et diverses observations sur le terrain, nous avons su comprendre l’importance du sujet. Ce domaine de recherche nous paraît vierge, car il n’y a que peu de chercheurs qui ont travaillé sur ce thème et sur ce terrain, vu le peu d’ouvrages publiés dans ce domaine. La plupart des travaux que nous avons recensés traitent de la société masikoro en général. Nous avons constaté plusieurs domaines qui méritent d’être exploités et qui sont ignorés par nos prédécesseurs. En outre, la culture masikoro en général et l’art funéraire en particulier entrent dans le cadre du patrimoine culturel. Cette recherche nous permet de faire comprendre aux acteurs du développement comment cette société traditionnelle confrontée à la civilisation moderne perçoit et organise ses coutumes ancestrales. D’où il nous paraît nécessaire de réfléchir sur ce patrimoine culturel par les écrits en vue de sa conservation. Tel est l’adage qui dit « les écrits restent et les paroles s’envolent ». Signalons qu’actuellement ce patrimoine culturel ne cesse d’emprunter les valeurs étrangères. Ce qui fait qu’on se pose plusieurs questions quant à son évolution. Pour mener à bien ce travail, nous allons maintenant présenter la problématique, ainsi que les grandes lignes de notre démarche. Face à cette situation, on est en droit de se poser historiquement les questions suivantes, à propos de la société et de l’art funéraire masikoro : y a-t-il un ou des rapports entre la société et l’architecture des tombeaux ? Si oui, existe-t-il une évolution entre les deux et quels sont les impacts résultant des apports extérieurs sur la société et l’architecture des tombeaux masikoro ?

Le travail proprement dit comportera trois grandes parties : Dans la première partie, intitulée « Histoire du peuplement », il s’agira, pour nous, de faire d’une part un aperçu sur l’origine des Masikoro et d’autre part 5

d’essayer de montrer l’organisation socio-culturelle et religieuse de ce groupe ainsi que son évolution. La deuxième partie consistera à énoncer les différentes phases des funérailles telles que nous les avons observées sur le terrain. Dans la troisième partie, nous analyserons brièvement certains points forts de la culture masikoro, c’est-à-dire les éléments représentatifs et les principaux vecteurs de transmission de cette culture.

6

METHODES ET SOURCES

Les recherches bibliographiques.

Nous n’avons, à Toliara, que quelques bibliothèques qui disposent de documents sur des études, surtout universitaires, concernant le Sud-ouest malgache. Pour cette raison, nous avons été obligés de nous déplacer à Antananarivo pour consulter diverses bibliothèques.

Parmi les bibliothèques que nous avons pu consulter, citons :

-A Toliara :

- La bibliothèque Universitaire Calvin TSIEBO, - La bibliothèque du Centre d’Information et de Documentation sur l’Environnement de Toliara (C.I.D.E.T.) ou bibliothèque de la Biodiversité (Les ouvrages qui y sont appartiennent à Monsieur Emmanuel FAUROUX), - La bibliothèque du Musée du CEDRATOM, - La bibliothèque personnelle de Monsieur DAVID Lucien, - La bibliothèque de l’Alliance Française, - Les bibliothèques du Département d’Histoire, de Géographie, de Philosophie, de la Formation Doctorale… sises à Maninday. - La bibliothèque de l’Aumônerie Catholique Universitaire (A.C.U.) d’Amalangy. -A Antananarivo : - La bibliothèque Universitaire d’Ankatso, - La bibliothèque de l’Académie Malgache, - La Bibliothèque Nationale, - La bibliothèque du Musée d’art et d’archéologie d’Isoraka - La bibliothèque de la maison culturelle à Analakely.

Les données recueillies dans ces centres de documentation ont d’abord été examinées puis complétées, en vue de leur fiabilité, aux résultats des recherches que nous avons effectuées sur le terrain.

7

Les enquêtes sur le terrain

Nos enquêtes sur le terrain ont été menées d’avril 2009 à Février 2010. Cette période fut divisée en deux phases : - du mois d’avril à juillet 2009, nous avons réalisé nos enquêtes seul. - du mois de juillet 2009 à février 2010 nous avons travaillé tantôt avec un étudiant comorien qui connait un peu le malgache, tantôt avec un Malgache fin connaisseur de sa culture et de son dialecte pour la traduction du masikoro que mes informateurs parlent. L’outil d’investigation que nous avons utilisé pour réaliser nos recherches sur le terrain est la « méthode d’enquête anthropologique appliquée à l’Ouest malgache » (FAUROUX -2002) et mes propres méthodes. Monsieur Fauroux souligne qu’il ne faut se contenter ni des réponses ni des questionnaires mais prendre surtout en compte les observations. 2

Des concertations ont aussi eu lieu avec différents groupes : entretiens avec les autorités locales (Maires, Délégués des communes et Présidents de Fokontany) pour avoir leurs points de vue sur la société et l’art funéraire dans leurs communes rurales et dans leurs villages respectifs. La collaboration avec ces autorités fut un passage obligatoire, car elle nous a permis d’éviter toute suspicion et de mieux nous intégrer dans le milieu paysan.

Nous avons aussi eu des entretiens avec : - des responsables d’églises chrétiennes et des convertis, - des vieux de différents villages, - des chefs de clans ( mpisoro ), - des intellectuels de la ville de Toliara et des étudiants-chercheurs de L’Université. Notons que ces gens-là m’ont fourni de précieux renseignements qui m’ont servi non seulement pour le présent travail mais aussi pour la suite.

2 FAUROUX, 2002, Comprendre une société rurale malgache : une méthode d’enquête appliquée à l’Ouest ERACNRE/IRD 8

Voici quelques chiffres sur le nombre de personnes enquêtées : - Autorités rurales : 10 - Chefs de clans : 6 La majorité des enquêtes ont fait l’objet de prise de notes, d’interviews enregistrées avec un magnétophone, de prise de photos à l’aide d’un appareil numérique… Ces enquêtes ont nécessité de bonnes techniques d’approche. Les difficultés liées à la compréhension de la langue malgache (du dialecte masikoro en particulier), ont été largement amoindries par mes collaborateurs. Les expressions incomprises étaient transcrites en malgache vernaculaire et traduites.

Les problèmes rencontrés sur le terrain ont surtout été liés aux informations contradictoires que donnaient les chefs de clans au début des enquêtes. Ainsi, enquêter dans cette zone nécessite beaucoup de temps pour se familiariser avec les traditionnistes, tirer des conclusions reflétant la réalité. Une fois familiarisé avec eux, ils ont au fur et à mesure corrigé les informations invraisemblables qu’ils nous avaient fournies auparavant.

La zone d’étude

Notre zone d’enquête est le Bas-Fihereña, une région qui tire son unité du fleuve Fihereña. Cette région est une zone de plantation de diverses cultures vivrières. Elle a aussi hérité de traditions ancestrales léguées depuis plusieurs générations. Compte-tenu de nos objectifs, nous avons choisi le Bas-Fihereña car c’est dans cette zone que la société et l’art funéraire ont le moins fait d’essai d’amélioration et d’adoption des cultures modernes dans le Sud-ouest et dans ses environs. Nous avons retenu quatre Communes Rurales pour réaliser nos enquêtes, à savoir celles où l’on trouve le plus des sites funéraires : - La commune rurale de Belemboka - La commune rurale de , Ankoronga, Mandrosoa - La commune rurale de Maromiandra : Antsary - La commune rurale de Betsinjaka : Antanimikodoy Nous avons effectué plusieurs visites dans chaque commune. 9

PREMIERE PARTIE :

10

Introduction

A Madagascar comme ailleurs l’implantation humaine dans une zone ou dans un milieu donné, est faite en tenant compte des conditions naturelles. Ainsi, le Sud- ouest, zone favorable à l’agriculture et à l’élevage, a attiré beaucoup de monde. Les Masikoro populations d’agro-pasteurs ont jadis migré à cause de leurs troupeaux car ils étaient en quête de pâturages. Au XVIIIème siècle, un des groupes masikoro , les Antaimbaha s’installent dans la plaine du Bas-Fihereña pour des raisons sécuritaires. Cependant, la présence des Andrevola en ces lieux les obligea à se soumettre à leur autorité. Leur installation dans cette zone, et à cause de leurs activités, fait que dans le Sud-ouest le zébu est au centre du quotidien. Il participe à toutes les étapes de la vie : cérémonies rituelles, religieuses, recherche de prestige social etc.

Par ailleurs, l’influence coloniale dans le Sud-ouest à partir de la fin du XIXème siècle a eu comme conséquence le changement de structures sociales. Elle a eu aussi pour conséquence la disparition de la royauté, l’abolition de l’esclavage et l’ouverture des populations dites traditionnelles au monde dit « moderne.»

11

CHAPITRE I : LE PEUPLEMENT

I. LE MILIEU GEOGRAPHIQUE

I.1. Le Fihereña

SALOMON (1987) décrit le Fihereña comme suit : « Avec un bassin versant de 6.750 km 2, c’est le plus grand fleuve dont le cours est intégralement inscrit dans une zone sédimentaire. C’est un cours d’eau fantastique venu du massif d’Isalo (source vers 1.100m) qui inscrit sa vallée d’emblée très élargie sans rapport avec l’importance greso-calcaire de , puis coule dans la zone déprimée de Manera où il reçoit ses deux principaux affluents, l’Iloko et l’Ilono, venus des massifs escarpés de la Manamana et de l’Anavelona. Vers l’aval, la vallée se mute en un profond canyon incisé dans les calcaires de Vineta. Le fleuve débouche ensuite dans la plaine de Tuléar où il a construit un delta embryonnaire ».

Ce fleuve est la principale source d’eau de plusieurs villages du Bas- Fihereña. Son débit est important pendant la saison des pluies. Il avait atteint plus de 6.500 m3/s lors du passage du cyclone Angèle le 26 décembre 1978. Par contre, pendant la saison sèche, il baisse considérablement.

L’absence de digues de protection au niveau de la rive droite provoque l’ensablement de plusieurs hectares de terrains de culture, notamment de la commune rurale de Maromiandra. Cette situation provoque une migration de la population de la plaine vers Manombo, Betsioke, Soahazo, , ,

I.2. Le milieu physique

Les travaux de Sourdat (1973)3, de Hoerner (1976)4 et de Salomon (1987)5 nous permettent d’avoir l’essentiel des connaissances sur le milieu physique de notre zone d’étude. • Le Bas-Fihereña On nomme plaine du Bas- Fihereña ou plaine de Toliara, la partie en aval du fleuve Fihereña. Elle englobe le grand delta du fleuve bien que son lit actuel soit orienté vers le Nord. Cette plaine alluviale est encadrée par des dunes quaternaires

3 M. SOURDAT -1973. Carte pédologique de Tuléar ORSTOM. 4 J.M. HOERNER, -1976. La plaine du Bas-Fiherenana, Tsiokantimo n°1 revue du CUR de Tuléar. 5 J.N. SALOMON, -1987. Le Sud-ouest de Madagascar, Tome I et II, Université d’Aix-Marseille, p. 38 12

au Nord et au Sud, par le plateau calcaire éocène à l’Est et au Sud, et par le Canal du Mozambique à l’Ouest.

I.3. Le climat • Le régime pluviométrique Le régime pluviométrique du Bas-Fihereña est caractérisé par une répartition inégale de la pluviométrie. La moyenne annuelle des précipitations est de 349 mm. Leur variabilité d’une année à une autre est plus grande. Elle va de 1 à 8. Leurs variations mensuelles sont très importantes. Autrement dit, 80% des précipitations se concentrent sur une période d’environ 5 mois (fin novembre à mars). • Les températures La température moyenne de la région varie entre 25,1°C et 28,4°C. Février est le mois le plus chaud et juillet le plus frais avec 21,6°C. • Les vents Dans la plaine du Bas-Fihereña, il y a une alternance journalière du rythme de ventilation. Le matin, une brise de terre de direction ESE souffle à une vitesse de 8 à 15 km/heure. L’après-midi, on a une brise de mer du SSW de 15 à 25 km/h. En fin de saison sèche, les vents du secteur SSW peuvent atteindre une vitesse de 20 à 25 km/heure.

I.4. Les types de sols Les sols qui dominent la plaine du Bas-Fihereña sont des sols lithiques, des sols alluviaux hydromorphes et des sols ferrugineux tropicaux dits sables roux (SOURDAT, 1973). Les sols lithiques ou sols peu évolués représentent un stade d’érosion intermédiaire entre les sols fersialitiques et les lithosols. Ils ont un horizon limono- sableux de couleur gris-brun. Ils sont peu fertiles et vulnérables à l’érosion. Après défrichement de la forêt ou du bush, ils portent de maigres cultures de manioc ou des friches graminéennes servant de parcours. Les sols alluviaux-hydromorphes constituent la richesse du Bas-Fihereña et ont fait à ce titre plusieurs études agronomiques de la part de l’I.R.A.T.6 et de

6 Institut de Recherches Agronomiques Tropicales 13

l’I.R.A.M.7. Les paysans connaissent le parti qu’ils peuvent tirer de ces sols dont la productivité n’est limitée, en dehors du manque d’azote, que par l’insuffisance des précipitations auxquelles il faut pallier par l’irrigation. Les Masikoro y cultivent du manioc, du maïs, du pois du cap, du coton, etc. La protection de cette richesse naturelle contre les divagations du fleuve Fihereña en crue est vitale. Les sols ferrugineux tropicaux (sables roux) sont de texture sableuse ou sablo-argileuse de couleur allant du rouge-jaune au brun foncé ou noir. Ces sols de fertilité moyenne sont très fragiles et se dégradent rapidement après défrichement. Ils portent une végétation secondaire et peu diversifiée.

II. LA POPULATION MASIKORO

La plupart des pays africains, dont Madagascar, n’ont adopté l’écriture que très récemment. A Madagascar le sorabe est connu depuis le XVIII ème siècle. Les renseignements qu’il fournit sont plutôt à caractères magiques, et il traite très peu d’histoire. Ce n’est qu’au XIX ème siècle qu’on dispose de documents écrits. Ce sont les voyageurs européens qui ont laissé des documents écrits sur les périodes les plus anciennes Parler de l’histoire de Madagascar et de celle de l’Afrique en général reste un problème évident. À Madagascar, le manque de documents fiables pour critiquer les écrits des Européens ne permet pas d’élaborer une histoire authentiquement malgache. De ce fait, de nombreux chercheurs ont recours aux traditions orales. Mais celles-ci comportent des lacunes du fait qu’elles peuvent changer d’une génération à une autre, d’une époque à une autre. L’histoire de Madagascar reste donc à l’état hypothétique. DOMENICHINI.J.P. -1981 8, parle même de « La plus belle énigme du monde ».

Les mêmes difficultés se retrouvent dans l’élaboration d’une histoire régionale. En effet, les migrations internes et externes 9 ainsi que les problèmes de groupes, de lignages et d’ethnies nous empêchent de mieux connaître l’origine du peuplement du Sud-ouest.

7 Institut de Recherches Agronomiques de Madagascar 8 DOMENICHINI J P, -1981, Omaly sy Anio, n°13 et 14, p. 57. 9 DESCHAMPS H. -1959, Les migrations intérieures à Madagascar, Paris, Berger-Levraut. 14

masikoro e Carte n°1 : Localisation géographique de certains villages t de leurs communes respective s de la plaine du Bas -Fihereña

15

Située entre les fleuves Mangoky, au Nord, et Onilahy, au Sud, entre les contreforts bara et l’Isalo à l’Est, le Fihereña est limité à l’Ouest par le Canal de Mozambique. Cette région a d’abord connu un peuplement ancien. Elle a accueilli ensuite des immigrants de diverses régions qui cohabitèrent avec la population autochtone. Une communauté humaine s’est ainsi développée. La région du Fihereña a joué un rôle capital dans l’origine historique et la dispersion de la population du Sud-ouest. Ainsi, les sources orales et les documents écrits nous informent qu’avant l’arrivée des nouveaux migrants, la région du Fihereña était occupée par les Voroneoke aux embouchures de l’Onilahy, du Mañinday et de Manombo. L’intérieur des terres était occupé par les Antanandro. Ces groupes ont peuplé cette zone avec d’autres peuplades dont on a du mal à bien saisir leur histoire. A ce propos, KOTO B. (1996) avance :

« Avant l’installation de la dynastie conquérante des Andrevola, au début du XVI ème siècle, l’actuel site de Tuléar était déjà peuplé par quelques îlots de peuplement humain.» 10 .

Il s’agit plus particulièrement des sites occupés par les Vezo, pêcheurs en mer et des agriculteurs. Il semble que les occupants dont on nous parle sont les Voroneoke et les Antanandro, car les Voroneoke sont des pêcheurs qui s’adonnent aux activités liées à la mer. Ce nom se décompose comme suit : « voro », « oiseau » et « neoke », « méchant ». Voroneoke veut donc dire « oiseau méchant ».

Au XVIII ème siècle, Flacourt, décrit la région de Tuléar comme le pays des « Voroneoke », car jadis, cet endroit était un grand champ qui accueillait beaucoup d’oiseaux. Quant au terme Antanandro, il veut dire : « ceux du jour ou ceux du haut plateau »11 . Il désigne aujourd’hui les Betsileo qui viennent des hauts plateaux. Antanandro signifie donc « originaires des hauts plateaux ». Ce qui est sûr, actuellement c’est qu’on trouve des Masikoro dans le Bas-Fihereña qui se disent Antanandro, affirmant que leurs ancêtres étaient des Antanandro. Il paraît que cette population serait venue des hauts plateaux, à la recherche de terres favorables à l’agriculture, suite aux conditions climatiques difficiles qui sévissaient dans leur milieu d’origine. La tradition orale nous parle de royaumes antanandro bien avant le

10 KOTO B., -1996, Talily, n°3/4, p. 15. 11 BIRKELI E., -1926, Marques de bœufs et traditions de race, p. 25. 16

royaume andrevola. Elle évoque le nom d’un roi antanandro qui s’appelait Ratsivesary à Ankilifolo, d’un certain Ramandodòke et de Ramiakandro à l’Est de Miary. Cette migration a accentué le nombre de la population autochtone.

Ainsi, l’installation des Antanandro et des Voroneoke est suivie de celle des Masikoro. La tradition orale nous parle de Masikoro, personnes d’un caractère plutôt sacré. Le mot « Masikoro » est composé de deux mots : « Masi », « saint », et « koro » qui signifie panier. Cela donne le mot « Masikoro » signifiant « petit panier saint »12 . De ce fait, la tradition nous relate que ce groupe n’était pas créateur de ce « fétiche », mais plutôt héritier de ses ancêtres. Il pratiquait la religion traditionnelle. Ce groupe « fétichiste » se serait déplacé vers l’Ouest.

Par ailleurs, il existe diverses versions du mot « masikoro » et de son origine. Dans son ouvrage intitulé Histoire de la grande Isle de Madagascar, Flacourt désigne par Masikoro l’ensemble des populations qui habitent l’intérieur des terres au Sud de l’Onilahy et qui formaient le grand royaume « machikore», ayant pour chef suprême le prince de la dynastie zafindravola . Cet auteur affirme que souvent un groupe culturel a emprunté son nom à celui d’une rivière ou à une activité quelconque. Il est assez probable donc que ce nom vient de la rivière aujourd’hui appelée « Linta »13 . RALAIMIHOTRA E. -1965, a dit :

« Andriambalovalo (ou Andriambaloalina) régnait dans la vallée de l’Itomampy vers la fin du XVI ème siècle. Il eut de nombreux enfants, dont Andriamanely. Sa descendance se dispersa vers l’ouest, en « sortant » de la dépression d’Ivohibe par le seuil d’Ihosy. Elle forma le groupe des Bara, sous l’autorité des Zafimanely, celui des Masikoro sous l’autorité des Zafindravola. Andriamanely fut le seul roi Bara relativement connu, grâce aux récits de Flacourt, bien que les clans bara aient fidèlement conservé des listes généalogiques, Andriamanely fut contemporain d’Andriandahifotsy […] Les Zafindravola descendaient de l’un des fils d’Andriambalovalo. Une branche des Zafindravola était à la tête du groupe masikoro qui, à cause de l’hostilité des Zafimanely, eut du mal à trouver un pays où se fixer au début de leur histoire. La structure de la dynastie zafindravola, est des plus incertaines à l’origine. Cette dynastie se partagea en deux branches : la première orientée vers le pays mahafaly, la seconde branche vers l’ouest, à partir de la dépression d’Ivohibe. La branche zafindravola du pays mahafaly revendiquait toute la succession d’Andriambalovalo. Andriamananga succéda à celui-ci quoique n’était pas son héritier en ligne directe. Ce fut vers 1660, à l’époque du grand royaume masikoro [...]. Ce groupe à son tour se scinda encore en deux fractions : l’une se fixa dans la région de Tsivory et

12 KAMBALAHY J F. -2009 13 FLACOURT E. -1995, Histoire de la grande Isle de Madagascar. P. 28 17

l’autre alla rejoindre les Masikoro de l’ouest. Ces derniers finirent par s’installer solidement sur le Fiherenana, grâce à la protection d’Andriandahifotsy. Ils eurent pour premier roi Varindry (ou son père Tondraha) originaire de la dépression d’Ivohibe. Un fils de Varindry, Manely, régnait dans les environs de la baie de Saint Augustin en 1663. Les Zafindravola parvinrent à unifier la région en absorbant le groupe local des Voroneoke dont le chef était Andriamay. Lavatana, beau-frère d’Andriamananga et gendre d’Andriandahifotsy également reçut de celui-ci la mission de « garder le flanc sud du royaume du Menabe naissant, dont il devint finalement le vassal »14 .

Toutefois, l’on pense que les Masikoro étaient des agropasteurs. Après leur arrivée dans le Fihereña, ils se seraient dirigés par la suite vers le Nord. Il paraît qu’ils étaient en conflit avec les autochtones. Ils occupaient des zones favorables à l’agriculture car au cours de leur déplacement, ils se sont développés à travers les relations matrimoniales. C’est ainsi qu’ils occupent la région du Fihereña, du Mangoky au Nord et de l’Onilahy au Sud. Cette colonisation des Masikoro dans le Fihereña a donné naissance à plusieurs clans, d’où l’appellation Masikoro du Bas- Fihereña et du Bas-Mangoky etc., groupe ayant des caractères communs. Peut être aujourd’hui, que les Masikoro de la vallée de l’Onilahy qui sont en relation permanente avec les Mahafale diffèrent des autres groupes à travers certains rites ou cérémoniels, tels que les rites funéraires. Ils érigent des aloalo et en sculptent comme les Mahafale. Les hypothèses avancées ont des faits communs qui nous font dire que les Masikoro venaient de l’extérieur. Leur installation dans le Fihereña fut l’origine des conflits entre les Masikoro, les Voroneoke et les Antanandro. Ces deux derniers finirent par accepter la domination masikoro . A l’époque, les Voroneoke étaient en lutte avec les Maroseraña. L’arrivée de Varindry dans le Fihereña a été vue par les Voroneoke comme une alliance dans la lutte contre les Maroseraña. Une alliance fut conclue entre eux. Toutefois, Varindry n’a cessé d’obliger les Voroneoke à lui payer un tribut. Les Voroneoke ont dû les uns s’éparpiller dans le Fihereña, les autres en direction du Nord. De plus, pour accéder à la mer, Varindry eut aussi l’obligation de combattre les Antanandro qui, depuis, s’étaient installés près du cours inférieur des rivières (Maninday, Fihereña et Manombo).

14 RALAIMIHOATRA E., -1966, Histoire de Madagascar, des origines à la fin du XIXème siècle, P. 55-56. 18

En effet, selon une tradition racontée par Tsireze, gardien du tombeau royal à Ambibola (Miary) recueillie par E.BIRKELI, les Antanandro furent vaincus non par la force, mais par la ruse . Varindry les a invités à un festin amical et il leur a donné de l’eau-de vie. Une fois enivrés, il les a massacrés. Une partie des Antanandro vaincus est partie vers l’Est et une partie resta et se mêla peu à peu à eux. Ainsi, on assiste à une mainmise sur le pays des Andrevola sous l’autorité de Varindry. (1620-1690). Ce dernier a fondé son autorité en absorbant les chefferies. Les sources orales et les documents écrits disent qu’il était le fondateur de la dynastie andrevola . Celui-ci a pu lutter contre les conflits internes dans le Fihereña et a instauré la paix malgré les guerres extérieures. Selon les informations recueillies, une fois que Varindry a pu unifier son royaume, ses descendants ont continué la conquête vers le nord. C’est ainsi qu’apparurent plusieurs dynasties andrevola entre le Mangoky et l’Onilahy. DAVID.L.J L., -1995, dans son mémoire de DEA cite : « au XIX ème siècle, les derniers rois andrevola étaient les suivants :

- Andriamananga, roi de Volirano (Bas-Mangoky) dont la capitale est Befasy ; - Retivoke, roi de Maromahia (entre le Mangoky et le Fihereña), dont la capitale est Tsiloakarivo ; - Sanaabo, roi d’Anolahy (sur l’Onilahy) qui a comme capitale Ambohimahavelo, Tompoemana roi du Fihereña, et de Manombo, dont la capitale est Benetsy, autroifois appelé Hetisoa »15 .

II.1 L’organisation sociale

Selon la nature, tout être humain est condamné à vivre dans un monde hiérarchisé. Avec l’installation du royaume « andrevola » au XVII ème siècle, les Masikoro vivent selon un système hiérarchique au sommet duquel se trouvent les Andrevola (mpanjaka) puis les (Vohitse), hommes libres composés des clans qui ne sont ni princiers, mpanjaka ni esclaves, andevo, ni guignards, voampatsy. Les Andevo esclaves sont souvent constitués par les captifs des razzias, et en bas de l’échelle sociale, se trouvent les Voampatsy (parias) ou guignards.

15 DAVID L J L., -1995, Le tampoke andrevola, Mémoire de DEA, p. 330 19

a. Les Andrevola (Les rois)

Par leur dynamisme, les Andrevola ont établi leur domination et tout un ensemble de règles. D’abord, à leur arrivée, ils ont abrogé le système longtemps exercé par les autochtones, c’est-à-dire le pouvoir basé sur le droit d’aînesse. Chaque clan était indépendant, alors des conflits claniques ou lignagers étaient inévitables. Suite à l’installation des Andrevola dans le Fihereña, le droit d’aînesse fut transformé en droit de Raza. Alors commence la mainmise andrevola dans le Fihereña. Les traditionnistes nous parlent des privilèges qui marquent leur rang social par rapport aux autres clans et ethnies. Il s’agit particulièrement de privilèges cérémoniaux : lors des funérailles, seul le roi avait droit à l’utilisation du bois de palissandre », mañary pour la confection du cercueil, à l’usage, sur le cercueil, de « cornes », tandro-kanka 16 , d’un tissu rouge, symbole royal, mais aussi l’attribution du nom posthume terminé par « -arivo », signe de supériorité. L’immolation d’un nombre considérable de bœufs lors d’une cérémonie quelconque, l’invocation royale est conditionnée par des termes spéciaux pour désigner chaque élément et chaque fait tout au long de la cérémonie. Aucun Vohitse n’a droit aux « jiny » constitués d’ossements humains. A cela, s’ajoute d’autres privilèges, entre autres, le fait que tous les bœufs qui ne portent pas de marques d’oreille sont considérés comme bien royal. Les clans inférieurs fournissaient à la classe royale de la nourriture et également des travaux non rémunérés… Par ailleurs, les Masikoro du Bas-Fihereña, par rapport à ceux du Bas- Mangoky, quant ils ont donné une fille à un prince, sont anoblis à titre individuel. Quant à ceux du bas Mangoky, c’est plutôt le groupe ou le clan tout entier qui est anobli. LAVONDES.H., -1950, partage cette idée :

«Quand il déclare ; le principe est en effet que, lorsqu’un groupe a fourni une femme au mpanjaka, son père et les autres descendants de celui-ci ont droit aux fatifaty, et à autres privilèges cérémoniels. Le droit n’est acquis que lorsqu’un enfant est né de l’union. On dit alors que le groupe est tany niboahan’ampanjaka, la terre d’où sont sortis les Mpanjaka 17 .

16 Tandro-kankà (de hankà : genre de hibou ayant des oreilles rappelant des cornes d’où le mot tandroke qui veut donc dire cornes.) 17 LAVONDES H., -1967, Bekoropoka, quelques aspects de la vie familiale et sociale d’un village malgache, p. 135. 20

De plus, les clans qui ont accompagné les Andrevola dans leur migration jusqu’au Fihereña jouissent de privilèges particuliers qui leur ont permis d’occuper le deuxième rang de l’échelle sociale. Il s’agit entre autre des Tsongory, des Ntsatsake…etc.

b. Les Vohitse (Hommes libres)

Par rapport au groupe princier, les Vohitse, hommes libres, se distinguent des autres groupes ethniques grâce aux privilèges qui leur ont été donnés par les Andrevola. De ce fait, au sein des hommes libres, certains clans jouissaient de privilèges considérables, à savoir les Marofoty, qui sont les conseillers militaires du roi, les Tsivoto, les Maromainty qui se chargent des funérailles royales. Par contre, d’autres ne jouissaient que de leur statut de Vohitse. Par conséquent, on est en présence de clans qui se disent nobles par rapport à d’autres clans dépourvus de privilèges royaux. Par ailleurs, dans l’exercice du pouvoir royal, seuls les Vohitse étaient les fidèles du roi. Ils s’occupaient de la cour royale, exécutaient les ordres donnés par celui-ci. Le travail de la terre était sous leur contrôle. Ils disposaient de droits fonciers. Des informateurs nous affirment avoir eu des terres offertes par le roi. Cette tâche qui à été donnée à certains clans leur permettait d’exercer des fonctions religieuses, comme l’accomplissement des rites funéraires. Par exemple, les Maromainty et les Tsivòto s’occupaient de la dépouille royale du début jusqu’à la fin de l’enterrement. Ceux-ci étaient très respectés par le roi car, ils s’occupaient non seulement de la dépouille mais aussi de l’invocation des ancêtres. Ils étaient aussi les serviteurs du royaume. En effet, ces prestiges donnés à certains clans Vohitse leur permettaient de les utiliser dans des circonstances importantes, mais ils n’étaient pas identiques à ceux des clans royaux. Ainsi, le groupe qui donne une femme aux Mpanjaka ou quelqu’un qui fournit des cadeaux au roi, effectue des travaux pour lui était anobli. De même, ceux qui s’occupent de l’exercice du pouvoir royal, de la dépouille mortelle ont été anoblis. Ils ont droit au nom posthume terminé par « -arivo », aux tandro-kankà , à l’utilisation de la conque marine (antsiva),… mais avec des limites. De ce fait, on assiste à une hiérarchie au sein des Vohitse eux- mêmes. A cela, s’ajoute que jadis dans le Bas-Fihereña le mariage entre princesse et Vohitse était interdit. Seuls les princes avaient droit à un tel mariage.

21

Au XIX ème siècle, l’installation des troupes coloniales dans le Fihereña a eu comme conséquence la disparition du royaume Andrevola. En effet, aujourd’hui, avec la disparition de la royauté, des clans Vohitse se disent Mpanjaka et surtout les clans qui auraient donné leurs filles aux princes, et qui, étaient considérés comme des mpanjakabe. D’après les informations recueillies il paraît qu’ils se sont appropriés toutes les prérogatives royales, à savoir la possession de « jiny ».

Photo n°1 : Objets utilisés lors d’une cérémonie tr aditionnelle(Jiny) chez les Andrasily. (Cliché : l’auteur)

Malgré la disparition du pouvoir royal, dans des circonstances importantes comme le bain des reliques royales, les rites funéraires royaux…sont réalisés par des descendants princiers. D’ailleurs, l’existence des tombeaux des descendants ou des ascendants de la classe royale témoigne de ce prestige.

Toutefois, l’influence des autres groupes tient une place considérable. Les Vohitse réclament leur place dans la société masikoro, vu qu’aujourd’hui des jeunes de ces groupes occupent des postes importants dans le gouvernement. Cela leur donne du prestige dans la société actuelle. On pourrait dire aujourd’hui que dans le Bas-Fihereña, les Vohitse sont considérés comme des Mpanjaka. A cela viennent s’ajouter les descendants des anciens esclaves qui réclament leur place dans le groupe Vohitse, depuis l’abolition de l’esclavage.

22

c. Les andevo ou ondevo (esclaves)

Dans la zone d’étude, parler de classe andevo ou d’esclaves nous semble un peu délicat. Souvent, si on essaie de poser des questions sur les Andevo, les informateurs répondent qu’il n’existe pas de groupe andevo. Toutefois, ils nous parlent de leur existence qui diffère des autres. Dans la cour royale, bien que les Vohitse se chargeaient de tous les travaux, il y avait aussi les esclaves qui travaillaient pour le Roi. Ces esclaves étaient soit des gens de l’extérieur ; c'est-à- dire du Sud-est de Madagascar, qui se déplacent vers l’Ouest à la recherche des terres agricoles, soit des captifs de clans différents ou d’ethnies, voire de royaumes différents ou des gens déportés par les Européens lors du trafic de l’or noir, ainsi que les fils d’esclaves. Tous ces phénomènes constituent la source d’être esclaves. Ces esclaves sont connus sous le nom de « Andevo » pour ceux qui sont des Malgaches, et de « Makoa » pour ceux qui venaient du continent africain, particulièrement du Mozambique. Voici, à ce propos, ce que déclare LAVONDES.H., -1950 :

« Des Indiens (sic) abordaient avec de pleins boutres de Makoa qu’ils cherchaient à écouler parmi la population. Ils ne pouvaient procéder à la vente qu’après avoir fait don de deux esclaves au mpanjaka. »18

On constate qu’au moment de la guerre entre Sakalava et Merina, de nombreux esclaves étaient venus en masse dans le Sud-ouest car les Sakalava les ont pris comme alliés dans la lutte contre les Merina au XIX ème siècle.

Jadis, les esclaves ne disposaient pas de hazomanga (poteau rituel), de Jiny ; ils n’appartenaient pas à un clan ou à un lignage spécifique. Ils n’avaient pas de tombeaux propres à eux. Ils étaient enterrés n’importe où, souvent au pied de leurs maîtres. Entre 1870-1880 l’installation des missionnaires chrétiens à Tuléar qui prêchent l’égalité parmi tous les hommes, a permis un bouleversement dans le statut social établi par les classes « nobles ». En effet, les classes qui, depuis longtemps, sont assimilées aux groupes vohitse, se sont vues peu à peu libérées de leur lourde condition de vie. Certaines d’entre elles réclament leur droit d’appartenance au clan ou au lignage de leur maître.

18 LAVONDES H, -1950, p. 137 23

Aujourd’hui, il est difficile de faire la différence entre esclaves et hommes libres car les esclaves adoptent les cultures de leur maître, surtout celles de vohitse. Certains disposent même de leur hazomanga d’un tombeau propre. Par contre, d’autres se sont assimilés aux vohitse en établissant soit des relations matrimoniales, soit suite à la reconnaissance de leur maître. Les Makoa ont un statut diffèrent des autres esclaves. Ils sont même ziva des Antesaka.

Toutefois, on constate certaines séquelles chez les Makoa car, tout au long de mes enquêtes, certains informateurs m’ont affirmé qu’on ne devrait pas prendre une descendante d’esclave comme femme. L’exemple le plus frappant est qu’un vieux de soixante ans m’a dit qu’il est Makoa Masikoro, que ses ancêtres viennent du Mozambique et qu’ils adoptent les mêmes coutumes que les Vohitse. Leur tombeau se trouve à Ankililoake. Dans la classe des esclaves, il y à certains qui étaient affranchis par le Roi, suite à un geste de largesse ou à une bonne conduite de celui ci. Donc, ces esclaves jouissaient des mêmes privilèges que les Vohitse mais pas de façon identique. Au bas de l’échelle sociale, vient s’ajouter la classe des parias ou les intouchables.

d. Les voampatsy (parias)

Les traditions orales et les documents écrits nous informent sur l’existence des Voampatsy dans le Bas-Fihereña, des Tamby dans le Bas-Mangoky et également dans le Menabe. D’après leur origine, ils étaient des groupes qui ont accompagné les Andrevola dans leur déplacement vers le Sud-ouest. Mais depuis toujours, ils sont considérés comme impurs dans la société sakalava. Ainsi, nous nous sommes posé la même question que celle de LAVONDES.H :« Pourquoi ce clan est-il déclassé alors que les autres clans qui, comme lui, ont accompagné les Mpanjaka dans leur migration, jouissent au contraire d’un statut élevé ?

Les informations recueillies dans le Bas-Fihereña sur les Voampatsy présentent la différence entre les Tamby du Fihereña et ceux du Menabe. E BIRKELI, -1926, cite les propos de LAVONDES qui déclare :

« Au Menabe les Tamby sont méprisés parce qu’un des leurs ancêtres s’est abaissé jusqu'à toucher un excrément de chien » « même auteur parle d’un récit qui lui a été fait à Morondava.

24

« Un roi avait jadis lancé un défi : « je donnerai dix bœufs à celui qui osera prendre avec ses dents ce fer que j’ai planté dans un tas d’excréments, il eut un homme pour relever le défi. Le mpanjaka lui dit alors : « ta race portera désormais le nom tamby »19

Quant à un récit qui nous a été réalisé dans le Bas-Fihereña, dit que deux frères se sont vus confier toute la fortune de leurs parents. L’un des deux a dilapidé tout, au point de mécontenter son père. Ce dernier lui dit, tu as tout mangé, désormais, toi et tes descendants vous serez des « Voampatsy». Ces trois traditions nous font comprendre l’existence du groupe dit Voampatsy (dont les Tamby). Ce groupe se situe au bas de l’échelle sociale masikoro. Les Voampatsy sont mal vus, voire rejetés et considérés comme porteurs de malheurs. Même un esclave ne peut prendre comme femme une voampatsy. La tradition dit que si un homme prend femme dans ce groupe, celle-ci ne lui portera que des malheurs.

Par ailleurs, dans la mémoire des Masikoro, une fois qu’un malheur surgit au sein d’une famille, on jette l’anathème au Voampatsy. La famille pense peut-être que ce malheur est dû soit à une relation étroite avec quelqu’un de ce groupe soit avec quelqu’un de la famille qui aurait eu des ascendants voampatsy.

Comme nous l’avons souligné, ce groupe est considéré comme inférieur aux esclaves. Dans le langage courant, on a tendance à dire que telle où telle personne est voampatsy suite à une faute qu’elle a commise. Toutefois, compte-tenu de l’évolution actuelle des relations intimes avec autrui, de la disparition du pouvoir royal, on hésite à dire du mal à quelqu’un au risque de provoquer des discordes sociales.

19 BIRKELI.E., -1926,. Marques de bœufs et traditions de race, p. 139. 25

II.2. Changement socio-politique

Au XVIII ème siècle et tout au long du XIX ème siècle, le royaume du Fihereña a connu un bouleversement sociopolitique. Après la mort de Mitraha (1800-1833), son demi-frère a pris le pouvoir par la force. L’héritier légitime, Lahimiriza, fut obligé de se réfugier chez les Bara Imamono en attendant le moment propice pour revendiquer ses droits au trône de son père. Au temps de Marentoetse (1833-1849), le Fihereña a affronté plusieurs guerres.

- Au Nord avec les Maroseranana du Menabe - Au Sud avec les Maroseranana du Mahafale - A l’Est avec les Zafimanely (BARA) - A l’Ouest avec les expéditions Merina

En 1845, le roi entreprit une négociation avec les missionnaires qui arrivèrent à Tuléar. En effet à sa mort survenue en1849 Marentoetse laisse trois fils. Cette situation fut une aubaine pour Lahimiriza qui depuis longtemps, revendiquait ses droits. Toutefois, les trois fils de Marentoetse se disputèrent le pouvoir au point de provoquer une guerre fratricide. D’abord, le partage du royaume entre les deux premiers fils de Marentoetse : l’aîné Somongae reçut la partie la plus pauvre du royaume (Nord) et le Sud fut mis entre les mains de Manintsiro. Alors la guerre éclata entre le fils aîné Somongae et le cadet Manintsiro, puis entre Manintsiro et Lahimiriza. Une fois vaincu, son grand frère se réfugia vers le Nord et Manintsiro se considéra comme l’héritier légitime du Fihereña. Malheureusement pour lui, après cette guerre avec Lahimiriza, il fut vaincu. Les Bara s’étaient rangés du côté de Lahimiriza.

Après cette guerre, le royaume du Fihereña fut divisé en trois petits royaumes, à savoir :

- Au Sud, la province la plus riche du Fihereña où régnait Lahimiriza

- Le Nord appelé Volirano revenait à Ndramananga (1858-1900)

- Le bassin de appelé Maromahia (1856-1929) était aux mains du roi Retivoke, (1856-1929) fils de Manintsiro.

26

Les Français ont profité de cette situation pour occuper l’Imamono, Nosy-ve et Saint Augustin.

Par la suite, le royaume du Fihereña en général connaîtra un déclin considérable. En Avril 1899, la mort de Tompoemana marque la fin de la dynastie Andrevola. Les Français prennent le contrôle du Fihereña. L’effondrement de la classe royale a permis aux autres classes de revendiquer leurs droits. Chaque clan cumule des pouvoirs politico-religieux.

Par ailleurs, en 1938, on a construit le barrage d’Andoharano qui favorise l’agriculture. La construction de ce barrage a permis aux immigrants de s’installer dans le Fihereña. Ainsi, se développent les relations entre les Masikoro et les autres groupes (Mahafale, Vezo, Antandroy, Betsileo, Merina). On voit des Masikoro qui épousent des femmes tanala et celles d’autres clans. Autrefois, dans la société masikoro, cette pratique était contestée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Un vohitsé peut prendre comme épouse une descendante de mpanjaka. De même un descendant d’ancien esclave peut demander en mariage une vohitse, ou une femme d’un statut social plus élevé. Néanmoins, tout dépend du clan, car certaines familles surtout royales par exemple s’interdisent de prendre une épouse d’origine esclave. Et quand on leur demande les raisons de ces refus, elles ne disent rien.

De ce fait, lors du mariage entre Masikoro et Vezo, il y a une certaine réticence, (tu vas te marier avec celle là ?) de même entre Masikoro et Tanala, on pense directement aux disputes. Chaque clan a des considérations vis-à-vis des autres.

L’avènement du christianisme dans le Bas-Fihereña a apporté son lot de changement au niveau du funéraire. Autrefois, les Masikoro christianisés étaient quelquefois écartés. On’ hésite bien souvent à les enterrer dans les tombeaux familiaux.

En effet certains clans Masikoro n’admettent pas que la veillée soit célébrée à la façon chrétienne. Ils cherchent tous les moyens pour introduire leur façon traditionnelle de veiller avant l’enterrement. Mais aujourd’hui de moins en moins on l’interdit. On la célèbre selon la religion du défunt. Quand les chrétiens meurent, on

27

les enterre avec une petite croix érigée sur leur tombe. Seulement, certaines personnes reprochent aux chrétiens leur façon d’enterrer : un cercueil pour un mort et on ne peut plus y introduire un autre. Les chrétiens masikoro sont enterrés de la sorte. Il existe une certaine lassitude des traditionalistes envers les chrétiens.

En plus, on constate que chez les jeunes d’aujourd’hui, ce n’est plus une priorité d’être enterré dans le tombeau familial. La conséquence est grave, car on note une désolidarisation ou un dessaisissement au sein de la famille. On sait que le tombeau est le ciment de la cohésion sociale. Le fait de ne pas être enterré dans le tombeau est le pire des malheurs pour un Malgache. Car, à partir du moment ou on accepte de mourir n’importe où, où n’importe comment, et d’être enterré n’importe où, ou n’importe comment, l’attachement au tombeau familial diminue sensiblement. En effet, un autre phénomène mérite d’être signalé :

Un Masikoro qui côtoie un Tanala, un Mahafale, un Tandroy… ou qui se marie avec une fille non masikoro adopte la culture de l’autre. De ce fait, la culture Masikoro reste de nos jours ouverte aux autres cultures. Cette adoption se constate au niveau des rites funéraires. A titre d’exemple : sur la colline de Befanamy, là où se situe la nécropole du clan Tsingory, on trouve à côté un tombeau du clan appelé Masikoro Somotse. Ce dernier a eu des relations lointaines avec un des clans Antandroy. Aujourd’hui, un syncrétisme s’installe entre la culture masikoro et antandroy. On voit des murs érigés en forme de carré et sur ces murs, sont peints et sculptés comme des sépultures Antandroy d’aujourd’hui.

Photo n°2 : Un tombeau somotse à Befanamy (Cliché : l’auteur) 28

Ce tombeau nous donne l’image d’une double culture ; culture masikoro du clan tsingory et celle d’un clan Antandroy. Le tombeau a une forme carrée, les murs sont peints et sculptés. A l’intérieur de ces murs sont jetées des pierres pour remplir le tombeau.

De nombreux informateurs affirment que plusieurs pratiques de divers clans étrangers sont en passe de devenir des pratiques funéraires courantes chez des clans masikoro. Dans, le pouvoir traditionnel, certes, les conseillers des anciens existent. Mais la valorisation des jeunes lettrés qui occupent des postes administratifs bouleverse ce pouvoir. Les jeunes lettrés issus de divers clans masikoro réclament chacun leur droit à une appartenance à un clan « noble ».

La disparition du pouvoir royal favorise l’accès au mariage entre les Masikoro de statut différent, atténue le conflit de génération. Pendant les rites funéraires on voit que chacun expose sa richesse.

On pourrait dire aujourd’hui que dans la zone d’étude on est au même pied d’égalité même si dans des circonstances particulières les différences sont marquées. DAVID.L.J.L , -1987, affirme :

« A la suite de la colonisation et de la ruine du pouvoir royal, les Mpanjaka n’exercent plus qu’un pouvoir rituel. Cette autorité n’est plus que symbolique mais combien essentielle ! De nos jours les rois sont plus pauvres que leurs « sujets », ayant perdu leurs avantages, leurs droits d’antan »20 .

Il arrive souvent que les anciens dépendants quittent leur lieu de servitude, et s’établissent ailleurs. Ils se constituent par la suite des troupeaux, achètent des terres, s’offrent des funéraires somptueuses.

Le mariage entre les Masikoro et les autres clans est acceptable. Leurs relations sont aussi bénéfiques. A cela, s’ajoute l’influence Musulmane due au mariage entre Masikoro et Comoriens.

20 DAVID.L.J.L., -1987, Les funérailles de la princesse Ndramandovarivo, p.74. 29

CHAPITRE II : II LA CROYANCE EN DIEU CHEZ LES MASIKORO

I. LA CROYANCE EN DIEU UNIQUE

Comme tout être humain est religieux, dans ces clans, la croyance en un unique Dieu chez les Masikoro nous a été affirmée. Mais ce qui gêne dans cette croyance c’est que, lors d’une cérémonie quelconque, le «mpisoro» ou « mpitankazomanga » invoque tous les noms des ancêtres après avoir prononcé celui de « Ndranahare » (Dieu créateur). Cette invocation des ancêtres reste omniprésente tout au long de la cérémonie car le Masikoro croit que ceux-ci sont en relation permanente avec Dieu. Comme le dit Lars VIG -1973, « on adore les ancêtres, comme le bord du vêtement de Dieu ou comme les époux des dieux ». 21

Donc un étranger qui constate l’appellation répétitive des ancêtres pense que les Masikoro croient aux ancêtres. Ainsi, le Masikoro qui émerge dans ce monde complexe, entre le culte des ancêtres et Ndranahare, échappe à cette faculté et met en premier lieu «Dieu créateur» dans son esprit, par la suite les ancêtres jouent le rôle de médiateurs entre Dieu et les vivants. Ce créateur est métaphysique, invisible, surnaturel, etc. Mais celui qui l’honore le sent à travers son esprit mais aussi après qu’une demande a été acceptée par ce dernier. Telle est l’affirmation de VALLY.G - 1954,

« Avant leur christianisation, dont l’origine remonte à environ l’an 1600, les Malgaches étaient déjà monothéistes et il existait à Madagascar un ensemble de croyances et de superstitions qui, sans présenter la valeur ni l’unité d’un système théologique, n’en constituait pas moins un état d’esprit religieux assez profond pour influer les mœurs et déterminer leurs actes. Cette conception ressort de toutes leurs formules de prières qui s’adressent invariablement à un seul Dieu créateur. Les autres invocations, celles qui sont dédiées aux ancêtres, aux divinités inférieures bonnes ou mauvaises, sont toujours subordonnées au bon plaisir d’un Dieu unique maître suprême et juge sans appel »22 .

Cette affirmation est souvent remarquée lors de cérémonies quelconques telles que le mariage, le savatse , le fandeo anake … présidée par le chef du clan ou

21 VIG.L., -1973, Les conceptions religieuses des anciens Malgaches, p12. 22 VALLY.G., -1954, Arts et rites de la mort en pays Malgache, p20. 30

du lignage, souvent le plus âgé de la famille. Celui-ci exerce plusieurs fonctions dans la lignée à laquelle il se rattache. Il joue le rôle d’intermédiaire entre les vivants, les ancêtres et Dieu. Il assure la cohésion du groupe et est le pionnier, le sacrificateur… Le rôle du mpisoro se voit pendant la pratique du sacrifice. Il invoque les ancêtres et Dieu pour une demande ou un remerciement. Le sacrifice s’accompagne souvent d’une immolation de zébu considéré comme un animal sacré chez les Malgaches en général et chez les Masikoro en particulier. Par exemple, lors du « Soritse » (mariage traditionnel masikoro) mais aussi du Fandeo anake (reconnaissance de l’enfant par la lignée de son père), le bœuf est placé avant toute autre nécessité pour la cérémonie. Le mpisoro demande d’abord au jeune homme si le bœuf est déjà sur place, pour montrer combien il est plus important que l’argent liquide. Dans la réalisation d’un quelconque sacrifice, le mpisoro est le seul qui a le pouvoir d’invoquer les ancêtres. Tout sacrifice est accompagné d’une prière d’invocation à Dieu et aux ancêtres. Lors de l’invocation aux ancêtres, le mpisoro est assisté par quelqu’un qui, en cas d’omission du nom d’un ancêtre, le lui rappelle car le mpisoro doit invoquer tous les aïeux de la famille concernée. Cette tâche qui a été « offerte » au mpisoro ou mpitankazomanga ne se limite pas seulement à la religion. Elle s’étend aussi au domaine politique, économique, éducatif…Le mpisoro veille à la cohésion du groupe, à l’éducation traditionnelle des parents et des enfants qui se résume par le respect de la hiérarchie et de la conservation des us et des coutumes. De son coté, ZENY. Ch. -1983, affirme :

« Le mpitankazomanga est le détenteur vivant des règles socioculturelles qui régissent la grande famille. Il préside aux sacrifices offerts en honneur des ancêtres, règle les problèmes quotidiens et donne des bénédictions à ceux qui en ont besoin. Ses paroles ont force de lois. Il enseigne aux jeunes aussi bien qu’aux parents, la morale, le sens civique et social, les techniques et son expérience vécue. Tout l’héritage culturel du fokonolo se retrouve donc chez lui . »23 .

Jadis, le mpitankazomanga jouait un grand rôle et les gens le respectaient. Toutefois, on assiste à une perte du pouvoir due à l’influence du monde occidental. Par conséquent, lors d’une cérémonie quelconque, on voit des gens qui se disputent

23 ZENY.CH., -1983, « Education de base à Madagascar de 1960 à 1976 : modification et contenus changements »thèse, p.33. 31

avec le détenteur du pouvoir traditionnel. Les jeunes ne respectent pas les règles établies par celui-ci.

Malgré tout, dans la zone d’étude, il y a certes l’influence étrangère, mais dans des circonstances très importantes ce chef clanique ou lignager joue son rôle.

II. ANCETRES ET DIEU

Comme tout être est lié à une force divine, ce rapport existe d’une autre manière, une fois qu’un individu quitte la vie terrestre. Sa vie continue mais d’une autre façon avec des relations permanentes entre le monde visible et celui de l’imaginaire. Après la mort, le défunt est considéré comme ancêtre. On devient ancêtre dans la mesure où nous pensons qu’il y a une relation entre la vie sur terre et celle de l’au-delà. L’ancêtre est celui qui entre dans le tombeau familial. Mais avant cela, il y a plusieurs rites à accomplir à savoir celui de séparation. Une fois que cette tâche est accomplie, le défunt fait partie du monde des ancêtres ; la vie familiale n’est pas totalement rompue. L’ancêtre reste présent parmi ses descendants. On le rencontre souvent dans plusieurs horizons, raison pour laquelle, lors d’un sacrifice suivi d’une immolation de zébu, quatre morceaux de viande cuite sont jetés en direction des quatre points cardinaux. Le Masikoro croit que les ancêtres sont partout, en présence de Dieu dont la place et la relation avec les vivants et les ancêtres sont très importantes. Ces relations entre les morts, les vivants et Dieu sont constatées dans plusieurs cérémonies. KAMBALAHY.J.F. -1985, partage cet avis en nous apportant des paroles de prières prononcées lors d’un « soro » chez les Masikoro du Bas-Fihereña :

Ingo gny Soro Voici, Dieu, une offrande « voici, terre, une Ndranahare offrande » Ingo gny soro tane «Même s’il faut invoquer les pères, les toy » mères qui ont nourri » Ndra hitoka gny rae, «il faut d’abord vous invoquer vous qui hitoka avez créé les pieds et les mains » gny reny namelo, Tokave aloha nahareo nanao gny tomboke voho gny tagna

32

Cette première partie de l’énoncé est stéréotypée, quel que soit le clan. Elle pose clairement le problème de l’existence du cosmos. La création de l’être humain incombe à trois forces : Dieu, la terre, les parents.

«Ingo gny soro iha raiko, razako (reano) » « Voici une offrande que je t’offre, à toi mon père, mon grand père (un tel) »

« Ingo refitatse nilanao tamin’i (reano) Ingy » « Voici Refitatse que tu as demandé à (un tel) ». Le voici… » Voici la deuxième partie de l’invocation qui diffère selon qu’il s’agit de rêve, de circoncision, de reconnaissance d’enfants etc.…Elle annonce la raison pour laquelle la bête est sacrifiée.

« Ao nahareo ro iano… » « Vous êtes tous là… »

« Mitahia gnolobe, mitahia gny zaza mba ho « Bénissez, les adultes, bénissez les enfants salama, Rahita hahitàhanana... Tahio koa qu’ils soient en bonne santé qu’ils zaho mpisoro mba ho lava andro…» deviennent riche. Bénissez-moi, le sacrificateur du clan pour que je puisse vivre le plus longtemps possible »24 . Dans cette troisième partie, le sacrificateur implore la bénédiction des ancêtres et de Dieu, après avoir fait la litanie des précédents sacrificateurs. Le but est de deux ordres : politico sanitaire et économique. Le Masikoro perçoit la prière sacrificielle comme le moyen pour les vivants d’entrer en communication avec Dieu créateur et les ancêtres.

Toutefois, on constate que l’individu à sa mort est considéré comme un Dieu, car la dénomination « Ndragnahare », Dieu créateur, est aussi attribué au défunt. Ses descendants viennent le vénérer, lui offrir un sacrifice. Cette pratique est fréquente et un étranger qui perçoit cette dernière aura du mal à distinguer Dieu créateur de l’ancêtre divinisé. Seul le Masikoro en est capable. Mais cet amalgame conduit le fanatique religieux à considérer les ancêtres divinisés comme Dieu créateur. Voici l’affirmation de KAMBALAHY .J.F -1985,

« Comme Dieu est parole et vie, cet être qui parlait et donnait vie au corps devenu froid de l’homme, rejoint cet être dieu, le devenant a part entière. Autrement dit, c’est une partie de Dieu qui a habité l’homme »25 .

24 KAMBALAHY.J.F., -1985, Mini-mémoire. « Le soro » chez les Masikoro du Bas-Fiherenana, p.16. 25 Ibid., p.17. 33

Face à cela, le Masikoro invente des prières, pour invoquer les ancêtres dans de nombreuses occasions pour demander bénédiction et protection. En effet, tous les malheurs qui se présentent dans la famille, soit individuelle soit collective, sont considérés par le Masikoro comme des sentiments diffus, nés d’un manquement individuel ou clanique à l’égard des règles imposées par les ancêtres et Dieu. Aux yeux des Masikoro, Dieu est celui qui a tout créé ; il a crée la nature, (la faune et la flore) et tous leurs composants. Ainsi, si le Masikoro croit à la force de la nature, c’est parce qu’il pense que Dieu lui a donné certains de ses privilèges. A cela, s’ajoute la croyance superstitieuse dans les animaux, l’eau …

III. AUTRES CROYANCES

Les Masikoro croient aux faits naturels. Nombreux sont ceux qui résument la continuité de la vie sous diverses formes : ils pensent que l’être humain après avoir quitté le monde réel peut se réincarner chez les vivants, soit sous la forme d’un fantôme « lolo », soit d’un crocodile « voay », soit d’un «lolovokatra» (mort vivant), soit sous la forme d’un serpent. Cela nous a été affirmé par de nombreux informateurs qui ont vécu dans le Bas-Fihereña. Voici une tradition recueillie par Tsiazonera (Directeur du Département d’Histoire et enseignant à l’Université de Tuléar) auprès de sa mère : « Il fut un temps, quand ma mère était jeune, lors des cérémonies funérailles de la famille dynastique (Andrevola) de Miary, où elle voyait de ses propres yeux des serpents qui sortaient des pierres constituant le tombeau des rois après qu’une invocation ait été faite par le mpisoro, à la suite de laquelle de la viande fraîche était déposée sur une natte. Ces reptiles venaient s’ « asseoir » sur les nattes et une fois la cérémonie terminée, ils revenaient dans leur demeure ».

Ces serpents étaient du même nombre que les rois enterrés dans ce tombeau, suivant leur hiérarchie sociale, et mesuraient deux à deux mètres et demi. Un autre informateur, KAMBALAHY. J. F -2009, a dit : « Un jour son cousin a tué un serpent connu sous le nom de «do» ; une semaine après, il a perdu deux de ses fils ». 26 Il est donc resté dans la mémoire des Masikoro qu’il est tabou de tuer ce genre de serpent. Cette pratique superstitieuse avait pris une dimension

26 Enquêtes personnelles au prêt de Tsiazonera et Kambalahy.J.F. Toliara, octobre 2009 34

considérable à l’époque, avant la christianisation des Malgaches. De ce fait, certains chercheurs qui ont travaillé sur cette période à caractère superstitieux, ont conclu que les Malgaches n’ont point de religion tels que : Al brand, un homme fort intelligent, ancien élève de l’Ecole nationale, Leguével de Lacombe, Eug.de Frobervile, le Gentil, le Chevalier de la Serre et le Comte de Modave -1770, gouverneur des établissements français à Madagascar qui écrivit :

« Les Madécasses n’ont pas de religion, mais seulement quelques coutumes superstitieuses. Ils semblent adopter une sorte de manichéisme ; ainsi en tuant un bœuf, ils en réservent toujours un morceau pour le diable…. ». 27

La même remarque est faite dans un mémoire de Roze daté du 20 Messidor an IX(2) :

« Le peuple ne connaît pas de divinités bienfaisantes, il ne fait des offrandes, des sacrifices qu’à celles qu’il croit vengeresses, menaçantes, et toujours prêtes à l’accabler de fléaux destructeurs… ». 28

A ma connaissance, je n’admets pas l’idée que les Malgaches n’aient pas de religion. Dans toute l’île, depuis une époque immémorable, les habitants utilisent le terme « Ndranahare » qui selon le dialecte de la région, signifie Dieu créateur. Cette appellation, « Ndranahare », communément utilisée par les Malgaches, prouve que ces derniers s’adressent d’abord à un Dieu métaphysique. Certes, ils donnent une grande importance aux ancêtres mais avant qu’ils les invoquent, ils s’adressent à Dieu créateur pour une demande quelconque. Dans ce cas, les ancêtres jouent le rôle d’intermédiaires.

Si certains chercheurs évoquent une vision négative de la religion, pourquoi le mot « Ndranahare » n’est-il pas tabou à prononcer par un clan quelconque ?

Les observations poussées et les enquêtes participatives lors des cérémonies nous permettent de confirmer l’existence d’un Dieu créateur chez les Malgaches, et plus précisément chez les Masikoro.

L’avènement du christianisme a permis aux Malgaches de mieux comprendre que « Ndranahare » est le même que celui adoré par les Européens.

27 Anonymes 28 Anonymes. 35

IV. LA CROYANCE TRADITIONNELLE ET LE CHRISTIANISME

Depuis la découverte de Madagascar baptisée « île saint Laurent » par Diego Diaz le 10 août 1500, celle-ci connut un changement sociopolitique, économique et religieux. L’arrivée de Radama I (1810 - 1828) au trône qui, avec sa politique d’ouverture sur le monde extérieur, a eu comme conséquence l’installation des missionnaires chrétiens ballottés depuis longtemps par la politique interne et externe malgache. Les missionnaires ont considéré Madagascar comme un point stratégique non seulement pour la propagation du christianisme, mais aussi pour évangéliser l’Inde et les autres pays d’Asie du sud. Le 3 décembre 1820, a été créée la première école chrétienne à Madagascar, plus particulièrement à Antananarivo avec trois élèves. Puis l’éducation s’est propagée dans toute la grande île. L’éducation occidentale facilite la pénétration chrétienne. C’est ainsi qu’au XIX ème siècle des Missionnaires luthériens, Norvégiens ont entamé une politique d’évangélisation dans la zone du Fihereña. Toutefois, avant le XIX ème siècle des Missionnaires lazaristes ont tenté de faire pénétrer le christianisme à Madagascar, mais tout a été voué à l’échec. Ainsi, depuis la proclamation de Madagascar comme colonie française le 6 août 1896, le christianisme a pris une dimension considérable. Dans le Sud-ouest, les lazaristes étaient déjà à Manombo-Sud. Ils ont continué l’évangélisation du Fihereña.

En effet, la vision chrétienne, surtout catholique, admet tout ce qui est tradition, n’allant pas contre des dogmes de la religion, surtout ceux qui ne portent pas atteinte à la vie humaine physiologiquement et psychologiquement.

Jadis, quand les missionnaires arrivèrent à Madagascar, il existait un ensemble de croyances qui portait atteinte à la vie humaine. A titre d’exemple : l’enfant né un jour fady, néfaste, avant l’occupation française, était mis à mort. Si une femme accouche de jumeaux l’un des deux est mis à mort ou bien on les sépare.

Tous ces actes sont considérés par la religion chrétienne comme contre nature. Toutefois, le christianisme admet le culte des ancêtres. Le fait que le diable peut posséder un être humain, bannit et nie le fait que les âmes des ancêtres défunts se réincarnent chez les vivants. Pour le christianisme, les âmes des défunts ont leur

36

destination selon le mode de vie de chacun de son vivant. Le christianisme indexe toujours les actes dits sans valeurs et admet les valeurs. Lors de l’implantation chrétienne, les Malgaches en général et le Masikoro en particulier, croyaient à un ensemble de croyances que les Européens considèrent comme du fétichisme. Cette pensée spirituelle du mal ou du mauvais est au centre de la croyance malgache. Les Masikoro pensent que tout ce qui est de la nature est Dieu. Par conséquent, cette vision masikoro conduit à vénérer tout objet de la nature car il pense qu’il existe une force surnaturelle dans ces objets. Cela a permis aux chrétiens de faire comprendre aux Malgaches que leur religion est archaïque et ils sont là pour leur faire comprendre la vraie religion.

On peut dire d’un côté que le christianisme a joué un rôle capital dans la société malgache. Il a fait pénétrer l’éducation, la technologie, surtout à faire comprendre aux Malgaches que tout ce qui est antivaleur porte atteinte à la vie humaine.

D’un autre côté, l’évangélisation des Malgaches ou des Africains est agressive. Les évangélisés voient d’un mauvais œil le christianisme. A leur arrivée dans la région, les Français ont construit des bâtiments pour s’en servir. Par peur de représailles, ils ont obligé la population locale à venir les y rejoindre. C’est ainsi que se sont apparus les litiges entre autochtones et colons. Ses autochtones considèrent les Français comme porteurs de malheurs. Ils s’approprient leur terre « tanindrazana » qui est l’un des facteurs de leur cohésion. De plus, l’évangélisation forcée des Masikoro, population jadis, en partie dépourvue d’un niveau intellectuel, considère celle-ci comme le non respect de leur religion fondée sur le culte des ancêtres. Le traditionnaliste masikoro qui donne trop d’importance aux cultes des ancêtres juge mal le christianisme.et nombreux sont ceux qui disent qu’avant la christianisation, les jeunes masikoro respectaient bien l’éducation traditionnelle. L’installation française dans le Sud-ouest a bouleversé les habitudes sociopolitiques. Le culte des ancêtres reste de nos jours victime du non respect ; on assiste à un amalgame entre la religion ancestrale et la religion importée, un jeune lettré masikoro s’adonne beaucoup plus au christianisme et juge certaines lois ancestrales comme mauvaises et dépassées.

37

Aujourd’hui, on constate dans n’importe quelle cérémonie un changement dû au christianisme. Les jeunes masikoro lettrés occupent de places très importantes dans l’administration et par conséquent, ils ne disposent d’aucun moment pour assister à une cérémonie quelconque. La cohésion sociale est bafouée. Seuls ceux qui n’ont pas eu la chance d’être des intellectuels s’adonnent à la religion des ancêtres. Mais l’introduction des micro-églises ou sectes dans leur environnement les influent. Au lieu de se sentir chez soi, un Masikoro policé, en arrivant dans son village natal, est vu comme un(e) étranger (e). Cette considération vis à vis des chrétiens est générale à Madagascar. Tel a été l’avis de la reine Ranavalona I ère lors de son kabary le 1 Mars 1835 quand elle a promulgué :

« Je vous le déclare formellement, ô mon peuple, je ne veux point adresser des prières aux ancêtres des Européens, je ne veux prier que dieu et mes ancêtres. Chaque nation a ses divinités et ses ancêtres. Les nôtres ont fait régner les douze rois, et m’ont donné le pouvoir. Si parmi mes sujets, il en est qui suivent la religion des Vazaha, je les mettrai à mort car, c’est à moi seule que les douze Rois ont légué ce royaume . »29 .

Cette ordonnance nous fait bien comprendre que le christianisme était mal vu par les Malgaches en général. Aux yeux de certains dirigeants, elle est une religion qui porte atteinte à la société.

On pourrait dire que les Africains avec la nostalgie du passé royal ne font que revivre une histoire vécue, ainsi, on constate un certain refus de tout ce qui est de la modernité, la science, la technologie, la médecine… Dans notre zone d’étude, j’ai visité des malades qui refusent de se faire soigner à l’hôpital. Ils ne pensent qu’à la médecine traditionnelle et aux devins guérisseurs « ombiasa ». Cette vision est générale à Madagascar, surtout aux fanatiques traditionnels. Ils trouvent tous moyens de ne faire que revivre le passé. De ce fait, on remarque un certain recul vers le passé. Or, ceci submerge des primitivités.

Toutefois, il existe depuis toujours, un lien étroit entre la religion traditionnelle et les religions révélées. Aujourd’hui, les églises chrétiennes comptent plus de la moitié de la population ; non seulement ils ont compris que le Dieu de « Vazaha » est

29 Anonymes. 38

le même que leur « Ndranahare ». Mes pressentiments, celui qui va à l’église est considéré civilisé. Le père Rémi RALIBERA -1970, souligne :

« Il est rare que les Malgaches qui ont été christianisés aient complètement abandonné leur Hazomanga. Celui qui le ferait couperait son lien avec la famille, le clan et n’aurait plus à être enterré dans le tombeau familial. C ‘est la pire des sanctions chez eux »30 .

30 Le père Rémi.RALIBERA., 61970, p.315. 39

Conclusion

Définir l’histoire du peuplement du Sud-ouest s’avère difficile. Car la connaissance de l’histoire du Sud-ouest reste encore partielle. Certes, les traditions orales et les documents écrits en parlent, mais il n’y a pas eu d’études approfondies dans le domaine de l’Archéologie, de l’Anthropologie, de l’Histoire des peuples primitifs. C’est pour cette raison que nous nous sommes contentés des faits existants pour essayer de définir le groupe qui nous intéresse particulièrement les Masikoro. Ce qui est certain, c’est que ces derniers venaient de l’extérieur, c’est-à-dire du Sud, de même que les autres groupes, à l’instar des Antandroy et des Mahafale. Les liens familiaux entre ces groupes étaient plus solides que l’allégeance à un pouvoir dynastique. L’installation des Masikoro dans le Fihereña a donné naissance à un système d’acculturation. Certains groupes autochtones comme les Antanandro, ont par la suite adopté la culture masikoro ou si on veut se sont masikorisés. Ainsi l’existence du royaume andrevola n’a pas exclu cette multiplicité de pouvoirs locaux.

40

DEUXIEME PARTIE :

41

Introduction

Depuis que l’être humain a pu comprendre que la vie terrestre est éphémère, il accorde une grande importance à une autre forme de vie qui est l’au-delà. C’est pour cette raison que la mort prend une dimension considérable dans les différentes sociétés du monde. Mais, il est toujours difficile de l’accepter comme loi naturelle de l’existence humaine et animale.

Pour dépasser ce phénomène naturel, les sociétés humaines organisent des rites funéraires, construisent des tombeaux en fonction du temps et de l’espace et font des sacrifices à leurs morts. Pour pouvoir les accomplir, l’individu ou son groupe doit être riche surtout en zébus. Ces zébus seront tous immolés lors de cérémonie surtout funéraire. Ce qui fait que souvent certaines familles s’appauvrissent totalement. Cette situation a soulevé des critiques de la part de certains Masikoro ou chercheurs contemporains, dans le Bas-Fiherenana en particulier. Pour cela, il est intéressant de voir la manière dont les Masikoro conçoivent ou organisent les funérailles.

42

CHAPITRE III : LES FUNERAILLES

I. GENERALITES

Généralement quand quelqu’un meurt, on pleure c’est une sorte de signal. La famille concernée procède à la préparation du mort. On tue un bœuf dans les premières heures de la mort de l’individu, signe de rupture entre la mort et la vie. Le bœuf immolé sera divisé en deux parties sans qu’il y ait un discours. Cette viande est taboue pour la famille éplorée. Si un membre de la famille en consomme, c’est comme s’il a mangé le corps du défunt. Une fois la préparation du défunt est terminée, on annonce la nouvelle à tous les villageois. Jadis, cette annonce était obligatoire. Les dépenses étaient énormes car l’information devrait parvenir aux villageois le jour-même. Mais aujourd’hui, la nouvelle technologie : téléphone, télévision, portable, radio… facilite la propagation de la nouvelle.

Photo n°3 : Veillée funèbre à Maromiandra du clan Andrevola. La foule se réunit autour du hazomanga pour fixer le jour faste pour l’enterrement. (Cliché : l’auteur)

De ce fait, tous les membres de la famille du défunt et également ses ziva, ses fatidrà… s’organisent en apportant chacun sa part de don « enga », soit un ou des zébus, soit de l’argent pour le rite funéraire. L’ancestralisation peut se comprendre à travers la logique du don qu’elle doit fournir au mort et pense aussi que personne ne peut rejoindre ses ancêtres sans bœufs ; celui a qui, on n’offre pas de sacrifice

43

errerait sans pouvoir remplir sa fonction de médiateur entre les hommes et « Ndranahare ». Les funérailles reflètent non seulement un fait religieux, mais jouent aussi divers rôles. L’offrande de don peut déterminer la valeur de l’individu vis-à-vis des autres groupes, mais aussi les relations qui existent entre la famille « hôte » et celle qui reçoit.

Tous les invités qui participent à la réalisation de la veillée ont chacun leur part de nourritures offertes avec amour et sympathie. Cet état de fait est illustré par le proverbe malgache « ny firaisan-kina no hery » « l’union fait la force »31 .

Mais à cause de la cherté de la vie, la solidarité communautaire s’affaiblit. Cela signifie qu’il y a une certaine désintégration au sein de la société si bien que plusieurs familles se livrent à des conflits interminables, raison pour laquelle de nos jours ce ne sont pas tous les invités qui se cotisent pour ce don. Malgré cela, la famille du défunt étalera publiquement sa richesse qui se concrétise, pour les plus opulents, par des sacrifices substantiels de bétail et l’érection de tombeaux massifs. On consacrera à ces manifestations le faste et les nombres de jours et de nuits qui comportent la situation sociale et les ressources du défunt et de la famille.

Quand vient la date fixée pour les obsèques, les derniers préparatifs et l’ordonnance du cortège sont minutieusement prévus et organisés. Les funérailles s’accompagnaient de tambours et de danses (surtout pour un prince) mais aujourd’hui si la famille est riche, elle fait venir un orchestre. Pour étourdir l’esprit du mort et éviter qu’il tourmente les vivants, un beau discours est prononcé la dernière nuit de la veillée funèbre. A ce moment, on arrête l’orchestre et le plus âgé de la famille prend la parole en disant :

« Azafady rolahy e ! Tsy zatovo moa ny maty ka fa vita ny tranony ka hamaray tsika hanary fe hitaombato. Andeso iaby ny saretintsika an-tanà eto »

« Ecoutez, un mort n’est pas beau à voir. Son cercueil est déjà prêt. Alors, demain nous procèderons à l’enterrement mais auparavant nous ramasserons des pierres. Que tous ceux qui ont des charrettes viennent avec.» 32

31 FOTOTSOLO., Miary, Avril 200. 32 Même informateur. Avril 2009. 44

Après avoir tout organisé, on procède à l’enterrement .

II. LES TYPES D’ENTERREMENTS

a- L’enterrement d’un roi

Au temps de la royauté, la mort d’un roi était considérée comme un événement très important. La nouvelle est annoncée après qu’on ait choisi son successeur. C’est la population toute entière qui est concernée. Selon la tradition orale, jadis le roi ne mourait pas naturellement. C'est-à-dire, on ne le laisse pas mourir. Au moment où il agonise on lui enlève, la clavicule, le pouce, les dents…pour confectionner les reliques royales. Une fois le roi mort, on tue un bœuf pour accompagner la vie entrain de le quitter. Ce n’est pas ses propres descendants qui s’occupent de lui. Ce sont plutôt ceux qui s’occupent de la dépouille royale. (Les Marofaty). Ils lavent et ensevelissent la dépouille. Quant aux femmes, elles entonnent des chants traditionnels. Mais cela dépend de la religion de la famille endeuillée.

DAVID.L.J.L., -1987, cite :

« Lors de l’enterrement de la princesse Ndramandovarivo, on a emmené le corps directement à Ambohibola, pour y être exposé, atao anadanada, jusqu’à l’enterrement. Le corps fut donc gardé et veillé à Andalavy les nuits du samedi et du dimanche. Durant ces veillées, aritory, il n’y eut ni orchestre ni chants et danses traditionnelles mais uniquement des cantiques religieux, car la famille de Vailo avait embrassé la religion chrétienne depuis bien longtemps. »33 L’enterrement d’un roi s’accompagne de rites. Le roi, il faut l’enterrer seul avec son cercueil. Dans ce cas, il faut un laps de temps pour la confection du cercueil avec toute l’architecture, la peinture, la sculpture…

Pendant tout cela, c’est la fête dans le village. Les dépenses sont prises en charge par son neveu et ses fils. Quand tout est prêt, la confection du cercueil, les cotisations, les dons… on annonce le jour de l’enterrement qui ne devrait pas tomber un vendredi, jour« faly » pour les Andrevola. La cérémonie royale s’accompagne de boissons, d’une séance de prières. Le Fahatelo, va au-devant de tout le monde. Tel est son rôle. Il asperge du sang du bœuf sacrifié là où devrait passer le corps du roi.

33 DAVID.L.J.L., -1987, Les Funérailles de la princesse Ndramandovarivo, p. 68. 45

Jamais on ne suit la route ; le cercueil doit sillonner le village en signe d’adieu. Pour cela, il y a des étapes à respecter, à savoir fêter, chanter et boire. Deux à trois heures avant l’enterrement, des émissaires sont envoyés au tombeau pour avertir les ancêtres défunts. A l’arrivée au tombeau tout le monde doit enlever les chaussures, les chapeaux, acte de reconnaissance, de soumission à l’entrée du tombeau. Ce sont les clans qui se chargent des funérailles royales, qui accueillent la dépouille. Ces gens-là, pendant que les autres font la fête dans le village, organisent la leur au tombeau. Quand la dépouille va entrer autour du tombeau, c’est-là qu’on souffle dans la conque marine (antsiva).

b- L’enterrement des autres groupes

Cas d’un homme

La loi sociale fait que si un homme meurt, il est enterré dans le tombeau familial, plus particulièrement dans celui de son père. Pour cela, à la naissance de l’enfant, son père doit accomplir le rite de passage de la lignée maternelle à la lignée paternelle (soronanake). Il s’agit d’une reconnaissance de l’enfant du côté paternel. Ce rite est accompagné de sacrifice d’un bœuf au pied du hazomanga de sa mère. Après ce rite l’enfant appartient à la lignée de son père.

Cependant, des circonstances peuvent s’imposer et, par conséquent bouleversent la loi sociale. A titre d’exemple, suite à des conflits entre un père et son fils qui entraînent l’expulsion de celui-ci, le fils mort est enterré dans le tombeau familial de son oncle maternel car il n’a pas le droit d’être enterré dans le tombeau de son père ; d’où le proverbe : « atoly tsy mialy amim-bato » ; « un œuf ne peut se battre contre une pierre »34 . Le fils est considéré par son père comme un œuf et le père est la pierre. En d’autres termes le père a toujours raison devant son fils et ce dernier lui doit une haute estime. Du côté religieux, par exemple, la loi musulmane exige que, du vivant du père, toute richesse appartenant à ses fils reste la propriété du père. Quoi qu’il en soit on doit du respect aux parents. L’enfant expulsé doit être récupéré par son oncle maternel mais au moment de sa mort il aura quand même droit à un enterrement dans le tombeau de son grand-père car « les parents ne donnent pas une pierre

34 RENESA. Miary Mai -2009. 46

brûlante aux enfants »35 . Etant donné l’augmentation du nombre de personnes du clan et aussi à cause de l’éloignement du tombeau, un homme ayant les moyens, peut construire un tombeau propre à sa famille et à ses descendants. A sa mort, il y sera enterré avec ses descendants par la suite.

Cas d’une femme.

Généralement l’enterrement d’une femme est accompagné d’une immolation d’un bœuf. Cet acte montre qu’il s’agit d’un couple légitime. Au contraire, à la mort d’une femme issue d’un couple illégitime, sa famille tue un bœuf pour clore l’enterrement. Le mari n’a pas droit au corps qui sera enterré dans le tombeau de son père ou dans celui de son oncle paternel. Pour que le mari ait droit au corps, avant la mort de sa femme, il doit accomplir le rite du « soritse » mariage traditionnel masikoro. Une fois ce rite accompli, « vita soritse », le mari aura droit à la dépouille mortelle. Toutefois, cela dépend des familles. Certaines n’admettent pas que le corps soit pris par son mari, même si celui-ci a accompli le mariage traditionnel. Il arrive aussi qu’avant sa mort, le mari recommande à sa famille de le mettre dans le même cercueil que sa femme lorsque celle-ci sera décédée. Cette situation peut être inversée si la femme dispose de son propre cercueil. Dans les deux cas, on n’a pas à transporter des pierres. D’où le proverbe « mitady tokoka sendra vato » mais seulement on en enlève une partie et on fait entrer le corps. Les Masikoro croient que leur amour continue dans l’au-delà. Au cas où le cercueil est rempli, on transporte des pierres car on aura affaire à un autre cercueil qui, par la suite, exigera la recherche d’autres pierres pour combler le vide. Dans le cas où les deux défunts sont mis dans le même cercueil, la tradition veut qu’aucun autre mort n’y soit introduit. Comme nous l’avions souligné une femme concubine « tsy vita soritse » sera enterrée dans le tombeau de son oncle paternel et le mari n’a pas droit à la dépouille funèbre. Quelle que soit la demande, la famille doit s’y opposer. Un autre cas pourrait survenir. Lorsque le couple n’a pas d’enfants, la femme sera enterrée dans le tombeau de son père. Cela est fait pour éviter la perte du corps. Selon la

35 Même informateur. 47

conception masikoro, comme elle n’a pas de progéniture, la défunte doit être récupérée par sa famille. Elle est considérée comme perdue si elle est enterrée dans le tombeau de son mari car le mort reste toujours en relation permanente avec les vivants. Telle est l’affirmation de Maruis Marois : « La mort des hommes est la condition indispensable de la survie de l’espèce, de la poursuite de l’aventure humaine sur terre», c’est-à-dire les relations entre les morts et les vivants existent, vu le respect des vivants envers les ancêtres.

Cas d’un enfant

Un enfant reconnu légitimement par son père « vita soronanake », c'est-à-dire pour lequel un bœuf a été sacrifié en guise de reconnaissance de son fils » et circoncis (« vita savatse ») a le droit d’être enterré dans le tombeau de son père. Il n’est donc pas nécessaire de transporter des pierres pour la circonstance car, on fait entrer le corps dans le tombeau de ces ancêtres. Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque l’enfant n’est pas reconnu « tsy vita fandeo anak e », il sera enterré dans le tombeau de son oncle maternel. Par ailleurs, des circonstances peuvent y parvenir suite à des conditions de vie difficile qui frappent les milieux ruraux, conservateurs de traditions. Les victimes sont souvent les enfants, dont les parents n’arrivent pas souvent à circoncire. Or, dans le groupe ethnique au sein duquel nous travaillons, l’enfant non circoncis n’aura pas droit à un enterrement car il n’est pas considéré comme adulte. Pour pouvoir l’’enterrer, on fait le geste symbolique de la circoncision. D’après Luis Mariano -1617, « La circoncision est le signe qui permettra à Dieu de reconnaître ses créatures dans l’autre monde, car les Sakalava croient que Dieu ne s’occupe que des hommes circoncis »36 Cela veut dire qu’un homme non circoncis n’est pas considéré comme un ancêtre vis-à-vis de Dieu et son âme erre sans repos. Ainsi, l’enfant non circoncis, non reconnu, mort né, est enterré dans le tombeau des enfants. Pour que l’enfant puisse être enterré dans le tombeau de son père, dès sa naissance, le père doit accomplir le rite de « fandeo anake » et le « savatse » car la vie passe, la mort est toujours présente chez l’homme. Tôt ou tard elle peut nous

36 LUIS Mariano, p296. 48

arriver. Voltaire cité par ZIEGLER.J., -1975, dit : « la mort est la fin brutale, immédiate et irrévocable de la vie »37 . C'est-à-dire de tout temps, la mort peut arriver. Après l’enterrement la famille procède à une autre phase pour que chaque famille chaque clan regagne sa maison.

III. PHASE FINALE DE L’ENTERREMENT

Photo n°4 : Partage de viande lors d’une cérémonie funéraire à Maromiandra (Cliché : l’auteur)

Il est de coutume que dans le bonheur ainsi que dans le malheur les Masikoro se font des dons, symbole de fraternité, de solidarité etc. Cependant, lors d’un décès tous les membres de la famille, du clan et du lignage se réunissent pour partager ce moment douloureux. Pendant les cérémonies des funérailles, la famille en deuil procède au partage de la viande pour nourrir la foule. Une personne dans la famille est désignée pour s’occuper de cette tâche. Ce partage se présente sous deux formes : une part pour les personnes qui participent aux dépenses et une part pour le clan tout entier. Si la famille dispose de moyens, on immole un ou deux bœufs selon

37 ZIEGLER.J., -1975, Les vivants et la mort ? P. 25. 49

les possibilités. On établit une liste dans laquelle apparait tous les noms des participants aux prestations diverses offertes à la famille endeuillée. Alors le partage de la viande dépend de la valeur du don. Le rapport est entretenu par les dons et les contre-dons. Celui dont le nom ne figure pas dans la liste et qui a assisté au rite aura une part qui sera donnée à son chef du clan. De retour au village, la famille éplorée et le « Fokonolona » se réunissent autour du chef du clan pour accomplir les dernières formalités. Alors le plus âgé du village ou de cette famille remercie la communauté ayant participé à la réalisation des funérailles. La famille procède au ( filemèa) qui consiste à mettre de l’huile sur la tête de la personne qui a perdu son enfant ou sa femme ou son mari. Cela veut dire que la famille ou le clan se débarrasse du malheur. Les femmes et les filles se tressent les cheveux, les hommes coupent les leurs. Après cette tâche le deuil est levé. Enfin les participants rentrent chez eux et les invités qui venaient de loin demandent à la famille de retourner aussi chez elle. Ils portent des parts de viande pour les autres qui ne sont pas venus.

Ainsi, aujourd’hui la loi traditionnelle est influencée par les relations qui existent entre le chef du clan ou de la famille et ses alliés ( ziva, fatidrà, mariage avec les autres groupes…). Le mpisoro lors d’un décès peut prendre une décision personnelle qui donne droit à celui ou à celle qui n’en avait pas d’être enterré dans le tombeau familial. De ce fait ces circonstances pourraient bafouer les règles établies par les ancêtres et cela peut susciter des conflits au sein de la famille ou du clan. Mais il faut noter qu’avant tout, chaque clan doit construire un tombeau.

50

CHAPITRE IV : ARCHITECTURE DES TOMBEAUX

Ce chapitre sera pour nous l’occasion de montrer comment on construit un tombeau et comment se présente et évolue leur architecture dans le temps et dans l’espace.

Chez les Masikoro, les tombeaux sont généralement un empilement des pierres sous lequel est déposé le cercueil. Pour cela, il va falloir extraire des pierres.

I. L’EXTRACTION DES PIERRES

Pour construire un tombeau, il faut trouver des pierres. Alors les Masikoro connaissant les endroits où on peut trouver y vont directement. Lors de l’extraction des pierres pour la construction du tombeau, un notable est choisi parmi les gens chargés d’extraire les pierres pour demander la bénédiction des ancêtres. Il les invoque pour que les travailleurs ne soient pas piqués par les scorpions, pour qu’ils ne tombent pas malade pendant la durée du travail. Il dit : « Tahio rahay razako mba tsy hanahy »

« Bénissez nous, ô les ancêtres, pour que rien n’arrive »38

Cela fait, on offre une libation de rhum à la terre, puis on égorge un bœuf.

Le sang de l’animal est recueilli car, il servira à asperger l’emplacement du tombeau et le cercueil contenant le mort. La viande du zébu sacrifié servira de nourritures aux travailleurs.

Une fois qu’on a suffisamment des pierres, on va les transporter à l’endroit où sera construit le tombeau. Pendant cette opération, chacun veille à ne pas être blessé, ni perdre l’équilibre en cours de route.

Il arrive souvent que le lieu où l’on extrait les pierres soit proche du tombeau. Dans ce cas, cela ne pose pas aucun problème. Dans le cas contraire, l’extraction des pierres sera une rude affaire. Dans ces conditions, les préparatifs seront nombreux. Les travailleurs quittent donc le village deux jours avant l’enterrement. Ils

38 FOTOTSOLO. Miary, Mai -2009. 51

passeront la nuit à l’endroit où l’on doit extraire les pierres. Le lendemain matin, on commence à extraire et à amasser les pierres. Le deuxième jour, pendant que l’extraction continue, un groupe de jeunes gens constitués par les jeunes de la famille, des ziva, et des fatidrà transportent les pierres jusqu’au lieu de l’enterrement. Ce type de travail est la concrétisation des rapports de bon voisinage et d’amitié. En effet, à l’occasion de ce travail, les jeunes invitent leurs camarades à les aider. D’où l’adage qui dit : « ovy hitiry tsy tambato » « les pierres n’empêchent pas les ignames de pousser .»39 . Effectivement c’est en de telles occasions que l’on vit la fraternité, fihavanana . Malgré les rancunes, les discordes sociales, les relations amicales sont tellement bien enracinées, qu’on n’oublie tout et qu’on collabore pour que le mort soit bien enterré. Pour la construction d’un tombeau, on a besoin d’une grosse pierre plate appelée vatolahy , d’une hauteur d’un mettre sur cinquante centimètres de large. C’est sur celle-ci que seront gravés, le nom du défunt, sa datte de naissance et du décès. Deux hommes seront choisis pour diriger les travaux d’extraction du vatolahy et de son transport sur le site de l’enterrement. Cette pratique est courante dans le Sud-ouest de Madagascar. On la retrouve aussi aux Comores, dans les îles qui ont subi l’influence occidentale. En effet, les tombes comoriennes n’ont pas de cénotaphe. Mais depuis l’indépendance (le 6 juillet 1975), et même bien avant, l’art funéraire a connu une évolution qualifiée de « Haram » par la loi musulmane. Imiter ces pratiques occidentales, c’est commettre une faute grave. On voit aujourd’hui apparaître sur les tombes musulmanes dites modernes, le nom, la date de naissance, de la mort et du décès ainsi que des sourates du « Coran ».

Pendant le ramassage des pierres, on s’arrange à ce que celles-ci soient en nombres suffisant pour ne pas revenir indéfiniment sur le lieu de l’extraction. Mieux vaut en avoir plus que pas assez.

Selon la croyance masikoro, si les pierres sont insuffisantes, les ancêtres vont réclamer une réhabilitation de leur demeure dans les mois qui suivront l’enterrement. Ils vont se fâcher et faire connaître leur souhait à travers les enjiky, songes, pendant le sommeil. « Rota tranonay toy ka amboaronareo fa manintsy rahay ato »40

« Notre maison est en ruine, réparez-là car nous avons froid ».

39 Même informateur, Mai -2009. 40 Même informateur, Mai -2009. 52

Si la famille ne tient pas compte de message, des malheurs pourraient s’abattre sur elle : des maladies, mort successive, sécheresse … car les ancêtres sont en colère.

G.HEURTEBIZE, -1986, souligne que :

« Tout ce que l’on fait doit l’être suivant la coutume des ancêtres ; tout manquement à leur coutume ne pourra qu’irriter ces ancêtres et appellera un jour ou l’autre réparation. En cas de maladie, d’embarras divers, la première cause envisagée est une punition infligée par les aïeux mécontents »41

La famille doit compléter les pierres pour éviter les malheurs même si elle est très fatiguée. Cette fatigue n’est pas sentie à cause de l’alcool servi en abondance.

II. LES TOMBEAUX

II.1. Présentation générale

L’art funéraire masikoro nous permet de mieux comprendre l’identité masikoro. Le génie masikoro étale son talent et sa richesse en se dotant d’un tombeau. Ce dernier joue un rôle primordial dans la société. Celle-ci souligne la différence entre le monde des vivants et celui des morts. Elle fait la cohésion entre ces deux mondes. La hiérarchie sociale apparaît à travers l’art funéraire. La création d’un tombeau des Mpanjaka -mitanjiny , des princes qui ont régné et qui sont détenteurs des reliques, est à la base de l’identité masikoro. C’est dans l’art funéraire que l’individu peut se reconnaître et se juger. Chaque famille, chaque clan et lignage masikoro disposent chacun d’un tombeau propre. Le Masikoro qui croit à la continuité de la vie sous une autre forme se prépare pour ce voyage. C’est pourquoi depuis un temps très ancien l’art funéraire ne cesse de s’améliorer. Les tombeaux en pierre sont appelés littéralement, tamango vato.

41 HEURTEBIZE.G., -1986, Histoire des Afomarolahy, p45. 53

Carte n°2 : Localisation géographique des sites funéraires dans le Bas -Fihereña

Tombeaux Masikoro Tombeaux Mixte Tombeaux Vezo

54

II.2. Typologie des tombeaux

Actuellement l’architecture des tombeaux masikoro se caractérise par un ensemble de formes architecturales, qui n’était pas le cas dans l’ancien temps. Les gens utilisent des matériaux spécifiques pour satisfaire les ancêtres. La concurrence entre les jeunes riches se voit dans la création d’un tombeau. Chacun veut s’offrir un tombeau qui, aux yeux de la population, donne l’image de sa richesse.

De ce fait, les matériaux utilisés dans l’art funéraire, nous offrent des formes et des motifs qui nous permettent de dégager une distinction dans le temps et dans l’espace. L’évolution architecturale des tombeaux masikoro du Bas-Fihereña exprime la différence entre : les tombeaux très anciens, les tombeaux en pierres et les tombeaux en dur (ciment).

a. Anciens tombeaux

Depuis une époque très reculée, les premiers conquérants de la région menaient une vie « nomade ». Ils vivaient en petits groupes. C’étaient des éleveurs nomades. Ils se déplaçaient d’un endroit à un autre. Ils ne possédaient pas de culte spécifique pour leurs ancêtres. Les traditions orales nous expliquent comment ils enterraient leurs morts. Comme ils étaient en déplacement constant, l’enterrement se faisait dans les grottes. Une fois qu’un des leurs décédait, ils l’emmenaient pour le déposer dans une grotte. Ils l’abandonnaient par la suite en cet endroit. On en ignore la raison. Ces genres de sépulture se retrouvent sur les montagnes. Ce groupe conduit par des chefs ne pensait pas à honorer ses morts.

Vers le XV ème et le XVI ème siècle, avec l’augmentation en nombre, l’arrivée des groupes venant de l’extérieur, … l’art funéraire a subi une évolution. Ces peuples qu’aujourd’hui les traditionnistes qualifient d’anciens Masikoro non policés, ont vu leurs habitudes changer. Selon les traditions orales, il existait deux types d’enterrements.

Les anciens Andrevola jetaient leurs morts à la mer. Selon nos informateurs le clan royal, préparait ses morts puis, les enterrait à la mer à la marée basse.

55

Quant aux clans ( vohitse ) ils enterraient les morts dans des larges surfaces, soit sur les montagnes, soit loin de leurs villages. Les vestiges de ces types de tombeaux nous permettent d’apporter des explications sur leur forme architecturale. Jusqu’à nos jours, il n’y a pas eu de recherches archéologiques qui nous donnent des éclaircissements. Nos arguments se basent sur les témoignages de nos informateurs, également sur nos analyses d’après certains vestiges. Ces types de tombeaux se retrouvent aujourd’hui éloignés les uns des autres. Il parait qu’autrefois, les gens enterraient n’importe où ou bien n’importe comment.

Figure n°1 : Type de tombeau ancien

L’architecture était très simple. Dans une surface rectangulaire de 1,5 mètre de long sur 50 cm de large avec une profondeur variable, est enterré le mort. Le tout est recouvert de terre. Quelques pierres sont déposées à la surface ; signe qu’il y a un mort dedans. C’étaient les clans vohitse qui avaient ce genre de nécropole. Le fait d’enterrer les morts dans ces tombes qui se retrouvent loin de leur demeure est appelé littéralement « Manary »

Ces tombes sont aujourd’hui abandonnées et recouvertes de végétation et d’herbe. On les appelle « lolo jibo ». Quant aux autres tombes qui se trouvent dans des surfaces larges, où, il y a des arbres, elles ont gardé un peu plus leur forme.

A cette époque, par rapport à celle où on enterrait dans les grottes, les gens s’organisaient un peu pour honorer leurs morts. Cette population a aussi connu une autre évolution qui allait de paire avec l’art funéraire. Leur installation dans les zones où les pierres sont en abondance, leur a permis de modifier leur culture funéraire.

Dorénavant, au lieu de creuser la terre, la population agglomère des pierres pour faire une tombe. On pourrait dire que cette évolution est due à son installation 56

dans des endroits où il y a des pierres mais aussi peut être parce qu’elles jugent que ses morts sont perdus s’ils sont enterrés sous terre. De ce fait, le culte des ancêtres a permis de garder les morts. Ainsi, on voit apparaître les tombes en pierres avec des formes très variées.

b. Les tombeaux en pierres sans cercueil

Figure n°2 : Tombeau en pierres sans cercueil de ty pe ancien

Pour construire une tombe, la population ramasse des pierres de tailles différentes. Ces pierres sont savamment rangées sur une surface de deux à trois mètres de long de façon à obtenir une auge servant de cercueil. Puis une dalle de pierre plate (mâle) est déposée au-dessus pour couvrir le mort. Ensuite cette dalle de pierre plate (mâle) qui couvre le corps est supporté par des pierres de taille moyenne jusqu’à une hauteur voulue. Ces tombes sont orientées Sud-Nord de sorte que la tête soit placée toujours à l’Est.

Figure n°3 : Emplacement des morts suivant la hiéra rchie traditionnelle.

C’est-à-dire, l’ancêtre à l’origine du tombeau est enterré au Sud. Le suivant sera enterré au nord de celui-ci. Cela a permis l’élargissement de ces tombes sur 57

une hauteur de 1 à 1,5 mètres. On constate que depuis le creusement de la terre jusqu’à la construction des tombes en pierres et en dur, la forme architecturale était la même, c'est-à-dire, orientée Sud-Nord, en forme rectangulaire.

c. Les tombeaux en pierres avec cercueil

Par ailleurs, au XVII ème , du temps de Zoma (1665-1702) (Ndranihañanarivo) un événement important à l’origine d’un changement au niveau du rite funéraire a eu lieu. Un homme de retour du Nord (sakalava) savait que les Andrevola du Bas- Fihereña enterraient leurs morts dans la mer. Il est connu sous le nom de Tsieboène. Il raconta à Zoma, la manière dont les Sakalava enterraient leurs morts. Puis, il retourna dans le Nord, s’empara d’une relique royale et la ramena chez Zoma. Par conséquent, cet acte aurait conduit la mort de ce dernier, car suite à ce vol, Lahifotsy et ses hommes partirent à la recherche de ces reliques (symbole de pouvoir…). Mais il existe plusieurs versions sur cette mort. Selon R, DRURY :

« Zoma est mort de chagrin à la suite d’une invasion de RATRIMOLAHY successeur de Lahifotsy »42 Nonobstant l’assassinat de Zoma, les Andrevola ont adopté le fitampoha ou tampoke dans le Bas-Fihereña. Depuis ce temps, les corps des Andrevola ne sont plus jetés à la mer. Zoma est le premier roi andrevola à être enterré. Il est à l’origine des tombeaux royaux Andrevola d’aujourd’hui, en particulier ceux de Maromiandra. 43 Ces tombeaux se trouvaient autrefois près de Maromandra sur le lit du Fihereña à (Mitsinjoampasy).

Dans les années 70, suite à un débordement du Fihereña jusqu’à l’endroit où est enterré Zoma, son petit fils Firaisa dernier détenteur des jiny du clan andrevola de l’époque demanda à ses sujets de transférer les restes de Zoma et de ses successeurs à, Antaimbala. Il existe actuellement deux tombeaux royaux dans le Bas-Fiherenana : celui de Maromiandra et de Miary. L’histoire dit que lorsque Tsieboene se serait emparé des reliques royales du Menabe, les fils de Zoma savaient que Lahifoty viendrait les reprendre. Le cadet a dit à l’aîné de surveiller l’arrivée de Lahifoty sur le chemin principal (à Befotoa). Lahifoty a suivi un autre

42 DRURY.R., Anonymes. 43 Ils ont été emportés jusqu’à la mer par les crues du Fiherenana en 1978. 58

chemin, après avoir eu des renseignements sur la situation. En arrivant à la cour royale, le champ était libre. En effet, Lahifoty a tué le roi (Zoma). De ce fait, le fils cadet du roi décédé a dit à son frère aîné qui a préféré rejoindre sa maîtresse au lieu de défendre son père, que désormais il ne voulait pas être enterré dans le même tombeau que lui. Il a donc érigé le tombeau d’Ambohibola sis à Miary actuellement. Celui-ci était connu sous le surnom de Jinobo, Itsilivany a eu comme nom posthume Ndratompoenarivo (1730-1754)

Depuis, les sites funérailles du clan Andrevola se répartissent ainsi :

A Maromiandra, il existe deux lieux de sépulture : a- un lieu réservé aux rois qui ont régné et qui ont détenu les Jiny, symbole de pouvoir. C’est là où on a enterré le roi Zoma et ses successeurs. Ce lieu est réservé uniquement aux rois régnants surtout ceux avant la colonisation. Mais aujourd’hui avec la disparition de la royauté, on peut y enterrer les descendants des rois ainsi que les sacrificateurs, les personnes chargées des funérailles princières.

b- une autre sépulture, destinée aux princesses et aux princes qui n’ont pas détenu les Jiny. Ce tombeau pourtant unique se répartit à son tour en deux, car à Maromiandra, les Andrevola se divisent en deux : ceux d’Avaratra enterrent leurs morts dans la partie Nord et ceux d’Atsimo dans celle du Sud.

Photo n°5 : Tombeau des descendants Andrevola de Maromiandra ouvert pour recevoir deux cercueils, les autres étant pleins. (Cliché : l’auteur)

59

Cette sépulture avec son prolongement Sud-nord et Sud-sud mesure à peu près 100 m de long sur 3 m de large avec une hauteur de 1,5 m. Il arrive souvent que le fleuve inonde ce site s’il est en crue. Quant à la nécropole d’Ambohibola, Miary, elle comprend trois lieux de sépulture :

DAVID.L.J.L., -1987, nous en fait une description du tombeau royal d’Ambohibola :

« Il existe un premier lieu de sépulture nommé Hovabe, les grands rois, où sont enterrés ceux qui ont effectivement régné avant la colonisation française et ceux qui ont détenu les reliques royales. Les corps de ces rois sont déposés sous un amoncellement de pierres de taille, retenues sur les cotés par des blocs de pierre ou lahimbato. Un deuxième lieu de sépulture, Trangà, au sud de Hovabe, est réservé aux princes qui n’ont pas régné ou qui n’ont pas détenu des jiny. Parmi eux, citons Toñibe (mars 1903 - mai 1977), Sondròta (mai 1926-mars 1982) ; certains affirment que ce tombeau est réservé uniquement aux hommes ; d’autres prétendent que des femmes y sont aussi enterrées. Un troisième lieu de sépulture, au sud de Trangà, s’appelle Nañefera, du nom d’Añefera, le seul homme qui y est enterré et qui est à l’origine de ce tombeau. C’est à cet endroit que sont enterrées les femmes dont leurs esprits lapident les imprudents qui osent s’y aventurer. On y trouve la mère de Vaìlo, Rahotea, sa sœur aînée Hentsoroa… »44

Ainsi au XVIII ème , on constate un changement dans la réalisation des funérailles à cause de l’adoption du fitampoha dans le Fihereña. Désormais les Andrevola qui jetaient leurs dépouilles à la mer les conservent. Un tombeau est bâti pour enterrer les rois défunts. Les autres clans qui, depuis longtemps enterrent leurs morts, ont adopté ce nouveau système. Au lieu de déposer le mort sur des dalles de pierres, les clans royaux se procurent des cercueils en bois précieux, ce qui n’était pas le cas pour les autres clans. Cette nouvelle méthode n’a pas fait disparaître l’ancienne. Tout simplement les dalles sont remplacées par un cercueil en bois dur. L’architecture des tombeaux garde toujours la même forme, c'est-à-dire rectangulaire, avec des amas de pierres.

Tout d’abord, on peut voir des tombeaux qui ne sont qu’un empilement de pierres sèches non façonnées de grosseur et d’aspects variés. Ils ne sont pas toujours carrés ou rectangulaires car, les angles sont souvent arrondis. Ces types de tombeaux sont du genre ancien et se trouvent tout près des rivières ou des fleuves.

44 DAVID.L.J.L., -1986, Les Funérailles de la princesse Ndramandovarivo, p 70-71. 60

Ce sont des tombeaux de petite dimension, 5 à 10 m de long sur 2 m de large, ayant une hauteur de 1m avec une forme souvent rectangulaire allongée Sud Nord.

Une autre forme de tombeau en pierres bien taillées. Les gens façonnent des pierres pour satisfaire les morts car les pierres non façonnées souvent se démolissent.

L’art est devenu une œuvre communautaire. Les lois ancestrales obligent la famille ou la communauté à participer à l’édification d’un tombeau. Les tombeaux consistent en la superposition de plusieurs pierres. Ce sont des constructions sensiblement rectangulaires d’une dimension considérable. Comme nous l’avons dit cette méthode consiste à façonner un cercueil en bois dur. La grandeur du tombeau dépend du nombre de cercueils qu’on y dépose. Si une famille à plusieurs descendantes ou ascendantes, on peut avoir un tombeau de 50 à 100m de long, si chaque ascendance ou descendance a son propre cercueil. A cela s’ajoute une différence constatée au niveau du funéraire. Pour le clan royal surtout les Mpitan- jiny, un cercueil ne contient qu’une seule personne. Dans les autres groupes tels que les vohitse, les andevo , les voampatsy et les princes qui n’ont- pas détenu les jiny, dans un cercueil on pourrait y mettre plusieurs corps. Toutefois, il existe des morts qui sont enterrés sans cercueil ; comme les cas des enfants mort-nés, des enfants non circoncis, décédés à moins de six mois, et également les malfaiteurs et les lépreux ...etc.

De plus, certaines familles refusent qu’un devin soit enterré dans leur tombeau. Elles disent que cet homme dès son vivant ne faisait que jeter des mauvais sorts à ses semblables. Pour cela, on creuse une fosse de 3m pour l’enterrer. Ensuite, on dépose quelques pierres pour signaler la présence d’une tombe souvent de petite dimension (2 m de long sur 1 m de large).

Ainsi, au XIX ème siècle, dans le Nord et dans le Sud-ouest l’art funéraire était presque identique. La différence en est que dans le Nord (Menabe) on place des statuettes érotiques, ce qui n’est pas le cas des Masikoro du Bas- Fihereña. L’utilisation des cercueils en bois était à l’ordre du jour. Les Masikoro cherchent des bois spéciaux en pleine forêt pour se confectionner un cercueil mâle et femelle.

61

Photo n°6 : Elément mâle et femelle du cercueil traditionnel. (Cliché : auteur)

L’élément mâle sert de couvercle pour l’élément femelle. Selon la croyance après la mort, la vie continue sous une autre forme, et comme la vie est le fruit de l’amour, ces deux éléments sont le symbole de l’acte sexuel.

c.a. L’architecture

Généralement, l’architecture des tombeaux en pierres est presque identique pour les clans masikoro. La fondation de la tombe doit être tournée vers le Sud par rapport à celle d’une maison (Sud-ouest vers l’Est ou un peu vers le Nord). C’est pour distinguer le village des morts de celui des vivants. La construction du tombeau est la plus belle preuve d’amour que la famille ou les villageois témoignent aux morts. La participation massive à cet édifice prouve l’existence d’une cohésion sociale, surtout vis-à-vis de la famille organisatrice afin d’alléger sa charge.

Avant tout, on demande la bénédiction de Dieu créateur et des aïeux. On verse une libation de rhum par terre, ou on sacrifie un zébu dont, le premier sang est recueilli dans un récipient. Il va être répandu sur le lieu où sera bâti le tombeau familial, (souvent aux quatre principaux points cardinaux). Cet acte consiste à concilier les esprits ancestraux pour qu’ils épargnent les vivants de la poisse et des catastrophes. Mais avant tout, une invocation est prononcée pour le commencement des travaux.

62

Pour ce qui est de la construction, tout le monde doit participer sauf la famille du défunt. Elle intervient seulement pour donner des directives et de la nourriture aux travailleurs. En plus, si quelqu’un a eu des dissensions avec le défunt, il lui est vivement conseillé de rester chez lui, sinon, selon la croyance masikoro, un accident pourrait lui arriver, soit en cours de route, soit au tombeau. Les ancêtres se fâcheraient contre lui s’il persiste à venir. Ils sont aussi en colère si quelque chose ne va pas très bien chez eux.

Tel est l’avis de DAVID.R., -1989, qui soutient que :

« Les morts sont dangereux tant qu’ils sont instables, tant qu’ils n’ont pas pris leur place dans le monde ordonné surnaturel, tant qu’une ambigüité subsiste entre des êtres de chair et de sang et d’autres qui attendent d’être définitivement installés au creux de leur tombeau, à l’envers du monde »45

C’est pour dire qu’il faut éviter entre nous les différents qui risquent d’irriter les ancêtres.

Ainsi, autrefois comme aujourd’hui, avoir un tombeau familial était un grand honneur car les esclaves et les impurs étaient privés de sépultures. Et, la valeur de l’individu, du clan et du lignage repose sur le tombeau familial. Celui qui ne fait pas partie du groupe ou du lignage était écarté de la société. Cette personne n’a aucun droit d’être enterré dans le tombeau familial. Ce qui veut dire qu’elle est enterrée comme un inconnu, voire comme un esclave … Seule la classe royale et les hommes libres avaient droit de bâtir un tombeau propre à eux sans l’avis de personne.

Au niveau du funéraire, on constate une différence. Les tombeaux royaux se distinguent des autres nécropoles. Des pieux de katrafay (Cedrelopsis grevei) sont plantés aux alentours du tombeau royal. Cela a plusieurs significations : quiconque constate la présence de ces pieux comprendra que ce site funéraire appartient à la classe royale. Car, autrefois, seul le clan royal avait droit au Katrafay pour la confection des fatifàty,46 essence végétale que l’on retrouve aussi autour de la

45 DAVID.R., -1989, Madagascar Arts de la vie et de la survie, p.16. 46 Pieux en katrafay qui entoure le tombeau ou la tombe royale. 63

résidence royale. Signalons aussi que jadis, le roi était enterré avec différents objets : bijoux en or, marmites, assiettes, vêtements, etc.

Certes, les autres clans vohitse disposaient de sépultures identiques à celles du clan royal mais ils n’avaient pas droit aux fatifàty et aux autres prérogatives. Toutefois, certaines personnes sont enterrées avec leurs (vêtements leurs marmites, …). Les Malgaches en général et les Masikoro en particulier croient à la continuité de la vie. Pour cela, ils enterrent leurs morts avec des objets car, ils pensent que les morts s’en serviront dans l’au-delà. C’est pourquoi, on trouve ces objets tombeau.

S. GOEDEFROIT et J.LOMBARD., -2007, ajoutent :

« Ce parallèle se prolonge dans la disposition des objets personnels du défunt : à ses pieds à l’Ouest, sont placés ses ustensiles de cuisine et, à l’Est, près de sa tête, ses biens les plus chers (instruments, chapeau …) et jusque dans la disposition des corps à l’intérieur de la fosse, semblable à la 47 place que tiennent les vivants dans leur maison » .

Tous ces objets nous servent de vestiges pour mieux comprendre l’histoire locale. A titre d’exemple, dans les années 1990, on a trouvé des types d’arbres comme des pieds de banian, de katrafay , et de kily (symbole de royauté) qui nous font comprendre l’endroit où était bâti le premier tombeau en pierres des Masikoro du Bas-Fihereña .

47 GOEDEFROIT.S. ET. LOMBARD.J., -2007, Andolo. Art funéraire sakalava à Madagascar, p103. 64

Photo n°7 Photo n° 8

7 Tombeau du clan Tsingory de Befanamy. (Cliché : l’auteur)

8. Tombeau du clan royal de Maromiandra (Cliché : l’auteur)

c.b. Description du tombeau

Ces photos nous donnent un aperçu général sur l’art funéraire. Le tombeau représente un quadrilatère. La longueur du tombeau est proportionnellement au nombre de défunts du clan. La longueur peut parfois atteindre deux cent mètres. Toutefois, les anciens tombeaux ne dépassaient pas cinquante mètres. Ils étaient très dispersés à cause de l’éloignement du groupe. La construction est toujours orientée Sud-nord, c’est-à-dire que l’ancêtre est enterré au Sud, puis les autres le suivent du Sud vers le Nord s’ils sont des hommes. Les femmes et les enfants sont enterrés au Sud de la sépulture des hommes.

D’habitude, le corps est placé la tête à l’Est, les pieds à l’ouest. Le corps est introduit dans un cercueil en forme de pirogue. Mais aujourd’hui, avec, la rareté du bois et l’évolution du funéraire, la famille concernée achète soit un cercueil en planche, soit elle construit une fosse en ciment si les moyens le leur permettent. Dans un cercueil ou une fosse, on peut mettre plusieurs corps (1 à 10 voire plus) en tenant compte de l’âge et de la hiérarchie sociale.

65

Voici ce que, S. GODEFROIT et J. LOMBARD.,-2007, déclarent à ce sujet :

« Les tombes si elles sont souvent collectives, ne sont pas mixtes. C’est donc entre cadet et aîné que les ajustements spatiaux agiront. Ainsi, par exemple, il est d’usage de réserver la tête du tombeau, c’est-à-dire le coin Nord-est (pour la tête) et la paroi nord (pour le corps), au père, à l’aîné, à celui qui est à la tête du lignage. Viendront ensuite le rejoindre dans la fosse, à leur mort, ses cadets et ses fils disposés toujours plus au Sud et à l’Ouest en fonction de leur place dans le lignage »48

Cette explication de S. GODEFROIT et J. LOMBARD ne présente pas de différence quant à la manière dont les Masikoro établissent la hiérarchie au sein du tombeau. Selon la croyance malgache, même dans le monde des morts, il existe toujours une hiérarchie. Si l’ancêtre défunt est un Mpanjaka Mpitan-jiny , celui-ci est enterré seul dans son cercueil. Une fois ce dernier fermé, on le recouvre totalement des pierres. Les pierres sont rangées jusqu’à former un quadrilatère. Comme nous l’avons montré, chaque tombeau peut contenir plusieurs descendants. Des pierres sculptées, plates et de grande taille appelées « vatolahy » sont érigées à l’Ouest, à l’endroit où chaque cercueil est déposé. Chaque pierre porte le nom et la date de naissance d’un défunt originale de l’existence d’un cercueil à cet endroit.

Quand le tombeau est terminé, on pose une croix sur elle pour les chrétiens. Celle-ci a divers sens. Selon les informations recueillies sur l’art funéraire malgache en général, les anciens malgaches qui ont vécu bien avant le christianisme érigeaient une croix sur leur tombeau, pour signaler aux étrangers de passage l’existence d’un mort en ce lieu. Cependant, l’apparition des croix sur les tombes ou les tombeaux, symbolise l’appartenance du défunt au christianisme. Notons que dans la zone d’étude, des Masikoro qui n’ont pas embrassé le christianisme portent une petite croix quelque part sur leur corps. On se demande si cette croix que portent les Malgaches depuis toujours, a une influence seulement sur le christianisme ou elle reflète d’autres significations. La question reste à étudier.

48 Ibid., p103 66

III. LES TOMBES EN CIMENT

III.1. Généralités :

L’implantation des missionnaires, surtout luthériens, dans le Sud-ouest au XIXè me siècle, a influencé les pratiques sociales des habitants. Leur souci de sauver les âmes « infidèles » a aussi apporté le modèle occidental dans ce milieu majoritairement traditionaliste. Parmi ces modèles, il y a la propagation du christianisme, qui se résume par la création des écoles, églises, … cette religion importée ou culte importée de l’homme blanc, depuis son implantation dans cette zone n’a cessé de dénoncer les pratiques ancestrales de la population locale. Ce phénomène n’enchante plus les gardiens ou les conservateurs de la tradition. Car le christianisme cherche à modifier certaines pratiques pionnières de la cohésion sociale. Ainsi, comme l’agglomération cimentée a été longtemps pratiquée par les chrétiens, et que les chrétiens s’enterrent seuls, ils voulaient faire de même pour cette population. Par conséquent, lorsque les chrétiens obligeaient cette dernière d’enterrer leur mort à leur manière, cette idée était mal vue, non seulement par les traditionalistes mais aussi par les ombiasa.

Les traditionalistes considèrent cette pratique comme le non respect de leurs aïeux. Certains d’entre eux disent à leurs descendants de ne plus les enterrer dans le tombeau en ciment, voire dans le tombeau en pierre s’ils adoptent le modèle occidental. Car, les chrétiens surtout luthériens sont enterrés, la tête à l’Ouest et les pieds à l’Est. Quant aux Masikoro, le mort est enterré, la tête à l’Est et les pieds à l’Ouest.

Comme cette partie qui comporte la tête est taboue de la toucher pour les Masikoro, ainsi en adoptant la manière chrétienne, leurs pieds seront à la tête des ancêtres, chose qui risquera de les irriter.

Toutefois, selon les traditions orales, il y avait certains clans qui avaient adopté cette nouvelle pratique. Ils enterraient leurs morts à la manière chrétienne. Mais, suite à des mésententes au sein d’entre eux, ils ont abandonné cette façon d’enterrer.

67

Quant aux ombiasa, le modernisme est une menace pour leurs affaires. A titre d’exemple, nous vous parlerons du village d’Ambohitsabo 30km de Tuléar Ville. Autrefois dans ce village, il était difficile de construire une maison en dur ou un tombeau. Celui qui osait le faire, subissait le châtiment des ombiasa . On nous a dit que le premier qui avait tenté, un pénitencier, une fois commençait la fondation, on lui a jeté un mauvais sort. Deux jours après, il est mort. Il a fallu attendre jusqu'à ce que les catholiques bâtissent une école, une église en dur pour que petit à petit les gens du village acceptent de construire en dur. Car le regard hostile des ombiasa, et des traditionalistes a diminué. Aujourd’hui, la population de cette localité se sent libérée, mais il y a toujours certaines personnes s’interdisant d’entrer dans le nouveau tombeau en dur. Ils exigent qu’ils soient enterrés dans l’ancien tombeau familial.

De ce fait, on constate divers types d’enterrements chez les Masikoro : les Masikoro dits gardiens de la tradition, sont enterrés à la façon traditionnelle. Les Masikoro qui font les deux pratiques (culture traditionnelle et culture moderne) se sont divisés en deux : il y a ceux qu’ils veulent être enterrés à la manière traditionnelle tout en assimilant quelques pratiques chrétiennes. C'est-à-dire, on l’enterre dans le tombeau traditionnel tout en respectant les lois ancestrales mais, on érige une croix catholique à l’endroit où il se repose. Et il y a ceux qui veulent être enterrés d’une façon chrétienne. Dans ce cas, on l’enterre comme les chrétiens. La veillée est organisée d’une façon chrétienne. Toutefois, nous l’avons déjà dit tout au long de notre travail, la famille sacrifie un zébu pour le creusement du tombeau.

68

III.2. Les tombeaux en dur :

Photo n°9 : Vue intérieure d’un caveau à Photo n°10 : Vue extérieure d’un caveau à Befandriana Sud (Cliché : l auteur). Befanamy (Toliara II) (Cliché : l’auteur)

Dès l’origine, de nombreuses innovations apparaissent au moins localement. Dans les années 60, est apparue l’architecture des tombeaux en ciment. Jusqu’à nos jours, dans le Bas- Fihereña, l’art funéraire n’a cessé de connaître une évolution. Les familles riches exposent leur fortune à travers l’art funéraire. Les tombes diffèrent les unes des autres par leur forme, leur grandeur, leur perfection, etc.

Les premières constructions en ciment ont été signalées entre 1960 et 1962 à Maromiandra pour le clan royal andrevola , à Ambohitsabo, pour le clan Maroavy, à Tsimantoa, pour le clan Tsimantoa répertorié à l’Est d’Antekoaky (route de ). Ces informations, surtout celles de Maromiandra, nous font comprendre une technique plutôt importée des Hautes Terres. Un ancien gendarme du clan « Karany » de Maromiandra dénommé Maharintsa. Il a travaillé à Mandoto et a été impressionné par les fosses des tombeaux merina. Disposant de moyens financiers, et avec l’aide de membres du clan, il a fait construire un tombeau enforme de maison avec deux compartiments à l’intérieur. Ce tombeau relève de l’art funéraire merina.

Pour le clan Maroavy, c’est un contremaître nommé Mananjoasy qui, lors de ses voyages sur les Hautes Terres a constaté que les sites funéraires merina étaient en ciment. Il a décidé de faire la même chose pour son clan.

69

On peut ajouter que le passage de la construction de tombeaux en pierres à ceux en ciment est dû à l’influence de la colonisation. Les colons ont fait venir des matériaux permettant une construction en dur. Il s’agit de ciment, de fers, de planches,… A cela s’ajoute la présence des tombeaux chrétiens qui n’ont pas cessé d’influencer la société. Les chrétiens ont construit des tombes en dur depuis leur installation à Madagascar. Les jeunes riches masikoro, surtout lettrés, ont été impressionnés par le modèle occidental. Ainsi, l’art funéraire traditionnel, symbole de cohésion sociale, a été influencé par le modernisme.

Depuis que la maçonnerie s’est répandue, les tombes en pierres n’ont guère subies de transformation. Le bois, matière première pour la confection du cercueil, devient de plus en plus rare. De ce fait, il est préférable de construire un caveau plutôt qu’un tombeau, pour regrouper les membres d’une même famille. L’aspect des murs était d’ailleurs légèrement amélioré au fil du temps. Au niveau de la forme générale, elle reste toujours quadrilatère. Le soin apporté à la construction des murs conduits ici à une évolution ininterrompue dont les formes sont très variées.

Au cours des années 70, presque, les tombeaux en pierres surtout claniques sont remplacés par un édifice en ciment. Chaque famille qu’elle soit riche ou non, s’arrange pour construire un caveau en dur. Les riches Masikoro qui n’offrent pas une nouvelle sépulture à leur famille sont mal vus. La richesse familiale à moitié est utilisée à des fins funèbres. Actuellement, dans le Menabe comme dans le Bas- Fiherenana, partout sur les sites funéraires, on dénombre beaucoup d’édifices de ce genre.

Nos analyses révèlent que depuis toujours, le « village des morts » ne cesse de s’améliorer, tandis que celui des vivants, certes est là, mais évolue lentement. Les sépultures offrent une bonne image par rapport à l’habitat.

Déjà, bien avant les années 60, chez les voisins des Masikoro du Nord, l’art funéraire était en pleine évolution. Tandis que dans le Sud l’architecture en dur commence à apparaître. Dans le Menabe, partout, les sites funéraires étaient en béton. La construction ancienne, en pierres, n’était pas au goût de la population pour plusieurs motifs : vol des sculptures funéraires, vol des ossements... De superbes

70

statuettes sont érigées sur les tombeaux. Elles reflètent l’importance culturelle du patrimoine de la vie Sakalava.

S. GODEFROIT et J. LOMBARD., -2007, soulignent :

« Dès les années 60, les tombeaux en bois ne sont plus au goût du jour, en raison notamment de la réprobation active manifestée par l’église chrétienne. Ils ne correspondent plus à ce que doit être un tombeau admirable. Tandis que l’architecture des maisons semble figée dans son évolution, les tombeaux se transforment et bénéficient des matériaux modernes, utilisés seulement dans la construction de l’habitat urbain ; le parpaing, le ciment et la peinture. Parce qu’ils sont durables, ces matériaux sont considérés 49 comme adaptés à la construction des tombeaux. » .

Cette affirmation de S. GODEFROIT et de J. LOMBARD., nous permet de dire, qu’une différence est constatée au niveau des funéraires (traditionnel et moderne). Toutefois les Sakalava et les Masikoro sont des peuples identiques, voire de même ancêtre. Ces deux peuples ont une culture voisine, seulement dans le Nord, les Sakalava subissent l’influence Vezo. Ce qui fait qu’au niveau de l’art funéraire, on aperçoit un amalgame entre la culture vezo et sakalava . De son côté, Madame Jeanne DINA soutient que les Masikoro sont des Sakalava mais selon la politique de division établie par les aïeux, ainsi que les colonisateurs, les Masikoro se distinguent des Sakalava. 50

De nombreux critères expliquent la parenté de ces deux peuples. Il ne reste qu’à faire un aperçu général sur l’organisation d’une cérémonie familiale.

Aujourd’hui, dans le Bas-Fihereña avec l’introduction des églises chrétiennes, les lignages sont presque tous christianisés. Ils abattent les anciens tombeaux pour les remplacer par des tombeaux en ciment. Un phénomène est à signaler : les Masikoro christianisés se divisent en deux : il y a ceux qui veulent être enterrés de façon chrétienne, tandis que d’autres préfèrent respecter la tradition de leurs ancêtres. Ces derniers exigent que la veillée soit célébrée traditionnellement. De ce fait, ils sont enterrés d’une manière traditionnelle. Dans son mémoire de DEA sur l’art funéraire antandroy , ANDRIANETRAZAFY. H., -1991, a fait la même remarque :

49 Ibid., p100-102. 50 DINA.J., -1982, Etrangers et malgaches dans le Sud-ouest sakalava de 1845-1904, Thèse, p ? 71

« La variation des rites funéraires au sein de cette société entraîne aussi une diversification des formes. Tels sont les cas des tombes chrétiennes constituées de sépultures très conventionnelles sous forme de dalles de ciment. Le cercueil est introduit dans une fosse de soixante centimètre de profondeur. Le tout est ensuite recouvert de terre puis d’une dalle de ciment sur laquelle on dessine une croix chrétienne »51 . La même situation se produit dans notre zone d’étude. Toutefois, dans certaines familles, si la personne exige qu’elle soit enterrée d’une façon chrétienne, on introduise quelques pratiques ancestrales, notamment le sacrifice d’un zébu pour creuser le sol et pour clore les funérailles. De même, les dispositions par ordre de primogéniture ou par sexe sont aussi respectées. Cette situation engendre une gamme d’architecture avec des formes diversifiées.

Dans le Menabe comme dans le Bas-Fihereña l’architecture en dur nous semble débordée. Chez les Masikoro du Bas-Fihereña qui depuis longtemps adoptent la sépulture ancienne, depuis que l’œuvre de la maçonnerie s’est répandue dans le sud et le dans Sud-ouest, l’art funéraire masikoro a désormais pris une dimension géométrique. L’art masikoro fait partie aujourd’hui d’un art modèle parmi les modèles.

Dès son apparition dans le Bas-Fihereña au milieu du XX ème siècle, il existait déjà une variation architecturale. D’abord il y avait ceux qui construisent des fosses en dur dans le tombeau clanique. Ces fosses sont fermées par des dalles selon leur grandeur. Le mort ou les morts sont introduits dans celles-ci en fonction de l’ordre établi par les ancêtres. On les dépose sans cercueil, seulement enveloppés ou recouverts de linceuls souvent blancs, lamba foty . Cette pratique nous fait penser à la façon dont les musulmans ensevelissent leurs morts. Dans les pays musulmans, il est impératif que le défunt soit enveloppé d’un tissu blanc car il doit être propre, et le tissu blanc permet d’avoir la certitude que le corps a bien reçu le bain de purification. Il permet aussi d’identifier si le corps est propre ou non.

La construction est presque générale aujourd’hui car, elle réduit les dépenses ; sa longueur est de 1,5 m sur 50 cm de large, avec une profondeur de 50 cm. Par contre surtout ceux qui ont les moyens, ils construisent des « caveaux ».

51 ANDRIANETRAZAFY.H., -1991, Pour une approche historique de l’art funéraire antandroy. Problèmes et perspectives, P. 39 72

Autour de ces derniers, des murs sont érigés puis couverts donnant ainsi une forme de maison, à l’intérieur de laquelle les morts ou le mort sont glissés le jour de l’enterrement. Ces caveaux mesurent à peu près deux mètres sur 1,5 m de large avec une profondeur variant entre 1m à 1,5 m. Si la famille est riche, parfois le caveau est recouvert de carreaux. Le tout est fermé des dalles avec clé. Cette « maison funèbre » comporte sur sa face ouest un portail ouvert, ou non, qui sert de voie d’accès à l’intérieur. La hauteur des murs avoisine souvent les 2 m. Ces types de tombeaux font appel à la sculpture et à la peinture.

IV. SCULPTURE ET PEINTURE

Contrairement aux Sakalava, la sculpture et la peinture masikoro ont une expression limitée. Leur pratique reste toujours originale. Certes, la culture masikoro est ouverte aux autres cultures mais l’influence externe dans la sculpture et dans la peinture est incertaine.

IV.1. La sculpture

Les sculptures ajoutent une note supplémentaire à la polyphonie des signes. La forme sculpturale est une production essentiellement masikoro . Le Masikoro qui est agro-pasteur, traditionaliste exprime ses émotions en sculptant. Le cercueil, lieu de repos éternel, est exposé la vie terrestre du défunt et celle de l’au-delà. L’artiste masikoro travaille le cercueil surtout l’élément mâle, lahinkazo , en sculptant des objets qui englobent le monde des vivants et des morts.

Ainsi, la sculpture et la peinture sont présentées par des signes géométriques et figuratifs, comme des signes triangulaires, rectangulaires…y compris les éléments qui représentent la nature à savoir : les bœufs, les plantes, les serpents et autres animaux.

Toutefois, jusqu’à nos jours, on n’a pas encore trouvé d’objets sculptés comme chez les voisins du Nord, à savoir des aloalo , des sculptures érotiques,… mais tout simplement de simples objets sculptés et qui expriment toute la vie. Ainsi, on voit sur le cénotaphe appelé vatolahy le nom et la date du décès du défunt. Des ustensiles, tels que des marmites, des cuillères, des assiettes et des cornes des

73

bœufs immolés sont déposés sur le tombeau clanique. Les Malgaches croient que les morts se serviront de ces objets et élèveront des zébus comme les vivants dans l’au-delà. A titre d’exemple, dans la commune rurale de Maromiandra, suite à un déplacement des restes mortels du tombeau clanique, on a pu voir un cercueil datant de 1962. Ce cercueil nous a servi de vestige pour expliquer l’importance de l’art sculptural masikoro . Ainsi l’on voit au dessus des signes géométriques, des sculptures des fleurs, des bœufs et une dame qui porte une cruche sur la tête. Ces éléments sculptés expriment que la personne qui occupe ce cercueil est une femme.

D’après les renseignements recueillis sur cette dame, on nous a dit que, dès son vivant, elle n’avait que deux préoccupations : son mari et les travaux des champs. C’est pour cette raison, pensons-nous que ces sculptures nous parlent de son existence sur la terre. Il est certain aussi que ce sont des sculpteurs masikoro qui ont produit ces symboles en hommage à cette femme.

Néanmoins, la sculpture reprend une autre forme qui a fait intervenir la peinture. En effet, pour distinguer le cercueil d’un homme libre de celui d’un prince, à part la sculpture, le Masikoro utilise des plantes parasites qui donnent diverses couleurs, rouge, bleu et vert. Ces couleurs sont signes de rang social chez les Masikoro du Bas-Fihereña ; la couleur rouge pour le clan royal andrevola. Le cercueil est peint avec ces couleurs, surtout la partie mâle. Pour le cercueil princier, c’est la couleur rouge qui est utilisée. Il en est de même pour les linceuls.

Par ailleurs, la peinture a eu une évolution parallèle à la structure architecturale. Au XXème siècle des gammes de couleurs ont été introduites par les colons. La structure en dur a entraîné l’utilisation de la peinture sur les murs.

74

IV.2. La peinture

Apparue vers les années 60-70, l’architecture en ciment, avec ses surfaces planes, pousse les artistes à montrer leur tallent en décorant les murs des maisons funèbres. Le maçon et le peintre travaillent en coopération. L’art funéraire masikoro prend des formes diversifiées. Les matériaux apportés par les colons ont permis aux Masikoro de construire des tombeaux en ciment et à consommer en quantité des peintures, car la peinture est liée à la construction en ciment. La même remarque a été faite par G. HEURTEBIZE., -1986, «Les murs de maçonnerie, avec leur surface plane, avaient appelé une décoration. »52

Pour cette raison, l’usage de la peinture à l’huile, facile à se procurer, permet de voir sur les murs des images très diversifiées. Ainsi, la peinture et l’adoption de la structure architecturale en dur, donnent l’impression que les Masikoro, surtout du Bas-Fihereña adoptent certaines notions culturelles étrangères aux leurs. Des images de la vie quotidienne sont représentées sur les murs. Certes, cette technique est identique à celle que pratiquent tous les sculpteurs mais les murs ont permis de styliser les images. En effet, parmi les sites funéraires que nous avons pu visiter, par exemple celui d’Ambohitsabo pour le clan Maroafy, certains justifient nos arguments sur la peinture murale. Dans ce site, il existe un tombeau en dur sur lequel les murs sont peints en blanc. Des images de bœufs sont représentées sur les murs. Sur la façade Est-ouest du tombeau, des images de jeunes femmes ont été décorées avec un homme au milieu. Des cornes de bœufs immolés, sont déposées sur le côté nord du tombeau, c’est-à-dire sur l’auvent. Sur la façade Nord-sud, des scènes de bœufs surtout de taureaux sont peintes aussi.

52 G.HEURTEBIZE -1986, Histoire des Afomarolahy, p. 47 75

Photo n°11 et 12 : Vues externes d’un caveau à Ambohitsabo (Toliara II). Cette peinture est récente. On en trouve que rarement. Car non seulement la tradition stipule que le défunt ou la défunte soit riche surtout en zébus pour qu’il ait droit à ce genre de décoration mais les tombeaux ancestraux ne faisaient pas appel à la peinture. Certes il existait une forme de peinture qu’on ne retrouvait seulement que sur les cercueils. (Cliché : l’auteur) Les explications sur ses images semblent dire que le propriétaire était un homme riche en zébus et il avait épousé plusieurs femmes. La tradition masikoro impose qu’on ne peut pas sculpter ou peindre des images de bœufs sur le tombeau de celui qui n’en possédait pas de son vivant, car la décoration du tombeau répond toujours à un symbolisme de la mort, de la vie, dans l’esprit de l’artiste.

76

Conclusion

Le Masikoro authentique se doit par conséquent d’être riche en zébus pour pouvoir assumer le coût de ses propres funérailles et celles des siens. Dans un cadre global, nous rappelons que l’art funéraire accomplit des fonctions multiples dans la société masikoro. Il est à la fois facteur de cohésion sociale et moyen de contrôle pour préserver la tradition. L’unité et la solidarité du groupe se manifestent par exemple, à travers les travaux communautaires, lesquels requièrent la participation de tous : transport des pierres, confection du cercueil et construction du tombeau. Aucune cérémonie ne peut se réaliser chez les Masikoro si la cohésion du groupe n’est pas assurée. Et le prestige du lignage vis-à-vis des autres, son image dans la communauté n’apparaissent pas en l’absence de cette cohésion

77

TROISIEME PARTIE :

78

Introduction

La mondialisation et l’appauvrissement de certaines familles ont eu des conséquences sur le changement socioculturel de la société masikoro. Le clan, cordon ombilical des pratiques ancestrales, se voit déposséder de ses multiples rôles. Le sentiment d’appartenance à un clan ou à un lignage n’est plus une obligation. Or celui-ci prône la solidarité, l’union entre les membres des familles. Et pourtant on se trouve dans une situation dans laquelle toutes ces valeurs ne sont pas totalement prises en considération. Une telle situation ne peut qu’apporter des conséquences négatives au sein des clans masikoro du Bas-Fihereña en particulier.

79

CHAPITRE V : CHANGEMENTS DUS AUX FAITS SOCIAUX

Cette dernière partie sera basée sur l’évolution actuelle de l’art funéraire, ce qu’elle suggère et ses perspectives d’avenir.

I. LA VISION DES MASIKORO SUR LES TOMBEAUX EN DUR.

Etant donné la diffusion du christianisme, l’imitation du monde occidental, des changements socioculturels ont été signalés au sein des clans masikoro . L’art funéraire en effet, cordon ombilical des sociétés malgaches, est victime de ces derniers changements. Nos analyses révèlent plusieurs faits sociaux dans la société masikoro du Bas-Fihereña.

Tout d’abord, les Masikoro chrétiens ou non, veulent se comporter de façon moderne. Par conséquent, ils changent leurs coutumes. Pour cette raison, le « village des morts » qui est interdit de visite en dehors d’un enterrement, pousse certains Masikoro chrétiens ou non, à penser à le rapprocher plus de leur domicile afin de pouvoir rendre hommage à leurs morts chaque fois qu’une fête est célébrée à l’instar des chrétiens.

De plus, certains Masikoro refusent qu’on mélange la tradition ancestrale et la tradition chrétienne. Ceux parmi eux qui sont chrétiens se démarquent de ceux qui vivent leurs traditions. En effet certains clans masikoro n’admettent pas qu’une veillée mortuaire soit célébrée à la façon chrétienne. Ils cherchent tous les moyens pour conserver leur coutume ancestrale de veiller un mort avant l’enterrement. Toute veillée est organisée selon la croyance du défunt. Quand des chrétiens meurent, on les enterre et une petite croix est érigée sur la tombe. L’existence d’une croix sur une tombe ou un tombeau pourrait aussi être interprétée comme une imitation de ce qui se fait en Occident. Seulement, certaines personnes trouvent à dire sur la façon chrétienne d’enterrer un défunt : un cercueil pour un mort et on ne peut plus y introduire un autre. Les chrétiens masikoro sont enterrés de la sorte. Une certaine lassitude de ceux qui vivent leurs traditions contrairement aux chrétiens est née.

80

Ainsi, la tendance actuelle est que chaque famille veut construire son sépulcre, à cause des fréquents litiges au sein du clan, d’une famille et même parfois entre deux frères. Lors de réunions claniques pour débattre sur la construction d’un tombeau en dur, les idées divergent. Certaines familles, incapables de payer leur quote-part en vue de la construction d’un tombeau neuf, préfèrent s’abstenir. En effet, plus tard, quand les anciens ne seront plus là, des remarques déshonorantes pourraient surgir. « Eh!, toi, un tel, tu n’as pas le droit d’entrer dans ce caveau car, lors de sa construction ta famille n’a pas payé sa cotisation. » Ainsi, chaque famille a des sentiments de méfiance vis-à-vis de l’autre. Cela fait qu’actuellement, la structure sociale devient de plus en plus fragilisée à cause de la construction en dur. L’idée d’un tombeau clanique devient familiale. On note un glissement de l’idée d’un tombeau ancestral vers l’idée d’un tombeau familial. C’est une nouvelle conception qui n’est pas déclarée ouvertement mais qui est vécue sans qu’on le veuille. On pourrait qualifier ce phénomène de début de scission au sein du clan, ce qui n’est pas sans entraîner des problèmes graves par rapport à la solidarité traditionnelle.

Chez les jeunes d’aujourd’hui, être enterré au tombeau familial n’est plus une nécessité. Ils adoptent le dicton « karan-doha tsy mifily tany hilevena », « un crâne ne choisit pas l’endroit où il sera enterré. ». 53 La conséquence est grave, car ceci manifeste une désolidarisation au sein de la famille. Or on sait que le tombeau est le ciment de la cohésion sociale. Le fait de ne pas être enterré dans le tombeau faisait peur aux anciens. A partir du moment où on accepte d’être enterré n’importe où, ou n’importe comment, le sentiment d’attachement au tombeau clanique diminue sensiblement. Les patriarches sont dépassés par ces évènements.

En effet, comme le déclare L.MOLET., -1979,

« Cet engagement à être enterré sur place a plusieurs sens : c’est la manifestation d’un refus des usages traditionnels et d’une adhésion totale à un nouveau genre de vie ; c’est la séparation visible d’avec un groupe familial resté trop « mondain » et insuffisamment converti avec lequel on a rompu ; c’est la renonciation à la place qui vous est réservée dans la famille et dans le tombeau familial et auquel la conversion vous a rendu étranger. Mais c’est aussi, du moins pour ceux qui civilisent doucement à Soatanàna, dans la communauté des disciples, une façon de rester à proximité immédiate des frères et sœurs dans la foi qui sont ou seront également

53 Entretien avec KAMBALAHY.J.F. Toliara, décembre 2009 81

inhumés dans cet humble cimetière et en compagnie desquels ils attendront paisiblement la glorieuse résurrection promise aux élus. »54

Cet état de chose est perturbé par le phénomène de vol d’ossements depuis les années 90 dans toute l’île malgache.

II. CHANGEMENT INDUIT PAR LE VOL D’OSSEMENTS

Le trafic d’ossements, une sorte de banditisme, est apparu assez récemment et demeure à ce jour une catastrophe quant à ses effets, et un mystère quant à sa destination finale. Les médias en débattent. On parle d’un trafic de deux millions d’Ariary par kilo d’os. Ce trafic d’ossements humains s’avère être donc une activité lucrative. Il rapporte une quantité d’argent telle que les auteurs, qui sont des Malgaches, perdent le sens d’un élément culturel et traditionnel : le culte et le respect dus aux morts. Dans l’Hebdo de Madagascar Hemerson ANDRIANETRAZAFY- 2010, spécialiste de la culture malgache, souligne :

« Le vol d’ossements humains relève de la pure déculturation dans une société en perte de repères. »55

Ce trafic a pris ses racines dans un contexte politico-social et économique troublé. Les ancêtres et leurs os perdent leur capacité d’intimidation, alors même qu’on sait que ce sont eux qui ont donné la vie, l’amour et ont transmis la culture aux générations présentes. Les anciens et les notables ne savent quoi faire face aux profanations de sépultures.

Dans l’Hebdo de Madagascar, le Colonel J.H.A.RAKOTOMALALA, chef de service de la Gendarmerie Nationale témoigne de la ténacité de ce trafic :

« Deux tonnes d’ossements humains, provenant de plus de 300 tombes ont été saisies de décembre 1999 à mai 2000 dans la seule région d’Alaotra- Mangoro Cette région est la plus touchée par ce phénomène. La plupart des voleurs ont une bonne connaissance des tombeaux à fracturer. Il y en a même qui profanent leurs propres tombeaux ou ceux des proches. En 2009,

54 Louis MOLET -1979, La conception malgache du monde surnaturel et de l’homme en Imerina tome2 Paris l’Harmattan, p 269 55 L’HEBDO DE MADAGASCAR, -2010, p 19 82

plus de 120 sépultures sont pillées suivies de 44 arrestations. Malgré cela, la destination reste mystérieuse.»56

Le phénomène de vol d’ossements est répandu dans la vallée du Fihereña, particulièrement dans la Commune de Maromiandra, dans les années 2000, entre 2005 et 2006 plus précisément. Des dahalo ou voleurs d’ossements ont fait main basse sur quatre sites funéraires. Ils ont emporté les os contenus dans ces sépultures. Suite à ces actes très néfastes, l’idée de construire, de transférer ou d’implanter les tombeaux dans des lieux plus proches des maisons des propriétaires est apparue. C’est une nouveauté.

Naturellement, les Malgaches en général et les Masikoro en particulier enterrent leurs morts loin de leurs villages, parce qu’il n’est pas bien de les côtoyer, surtout qu’ils sont des demandeurs de bœufs. La société masikoro perçoit bien l’ambigüité de la mort physique par rapport à la logique du culte des ancêtres. Elle les respecte quels que soient ces derniers.

Afin de rompre définitivement le contact entre les vivants et les morts, les gens éloignent les nécropoles. Les endroits et les objets qui sont entrés en contact avec les morts sont systématiquement déclarés interdits, faly. Ces interdits sont levés par un ou des sacrifices de bœuf. Ce qui les rend coûteux. La mort est très crainte ; il est donc nécessaire de séparer, même de façon systématique, les vivants et les morts. Les vols d’ossements sont causes de deux choses :

a) le tombeau classique reste là pour accueillir les défunts qui ont demandé à y être enterrés de leur vivant.

b) les interdits ont été levés par des rites de demande d’autorisation, fangataha tsipirano . Enfin, pour des raisons de sécurité, les familles ont déplacé les morts plus près des vivants. Ces derniers sont ainsi à l’abri des malfaiteurs.

Il y a donc là un changement de mentalité : les morts et les vivants sont rapprochés. Nous citons ici l’exemple du village d’Antaimbala dans la Commune de Maromiandra.

56 L’HEBDO DE MADAGASCAR, (2010) P 20 83

Actuellement, dans ce village, il existe trois tombeaux en pierres et en dur. Ils se répartissent ainsi :

- Le premier, en pierres, est à 25 m de la maison de son propriétaire. - Le deuxième est à 30 m de la maison du second propriétaire. Celui-ci est en dur, en forme de maison. Il comporte deux caveaux à l’intérieur. La famille a transféré tous les ossements humains du tombeau ancestral dans ce nouveau caveau. - Le troisième est à 35 ou 40 m de la maison du troisième propriétaire. Ce dernier a construit deux bassins recouverts par des dalles. Pour avoir la forme de l’ancienne architecture, des pierres ont été déposées au-dessus de façon à avoir une forme carrée de petite taille (5 m2 sur 1m de hauteur).

Cette situation est en phase de devenir générale, surtout dans le Bas- Fihereña. La population vit dans la crainte de vol d’ossements ; certaines familles pensent également bâtir leurs tombeaux tout près du village.

Nos analyses révèlent plusieurs changements au sein de la société actuelle du Bas-Fihereña. Les Masikoro qui, jadis, étaient fermés à la culture moderne, s’ouvrent aujourd’hui à elle. On observe une imitation de la culture occidentale chez les Masikoro. Cette idée d’imiter ce que font les Européens modifie le tissu social masikoro . Parmi ces changements, on pense actuellement que les morts cohabitent avec les vivants. Certains interdits sont dépassés au profit de la modernité. A cela, vient s’ajouter le vol d’ossements de 1990 à nos jours. Ce fléau a pris une dimension inquiétante dans la mesure où la sorcellerie a repris du poil de la bête. Les jeunes se promènent avec leurs amulettes, car ils ont peur d’être surpris par les dahalo . Ces problèmes socioculturels qui font que les Masikoro enterraient leurs morts le plus loin possible du village sont en phase d’être abandonnés. Partout, dans le Bas-Fihereña, chaque famille construit ou pense bâtir un caveau plus près d’elle. La crainte des morts est de plus en plus négligée. La construction en dur qui, lors de son apparition était très simple, a pris aujourd’hui plusieurs formes.

84

Tableau n°1 : Tableau indiquant le nombre d’ossemen ts humains volés dans certains sites funéraires à Maromiandra entre 2005-2006. 57

Tombeau n°1 18

Tombeau n°2 25

Tombeau n°3 3

Tombeau n°4 2

Source : auteur

III. LA STRUCTURE ACTUELLE DES TOMBEAUX

Actuellement, le tombeau ressemble plus ou moins à une maison. Autrefois, sa fondation était très simple par rapport à la structure actuelle. Le tombeau mesurait à peu près deux à trois mètres carrés. Ses murs étaient peints en blanc et on ne trouvait pas de décorations comme aujourd’hui. A l’intérieur de la tombe, existent deux bassins qui ne sont pas fermés. Les morts sont introduits dedans le jour de l’enterrement, couverts de linceuls.

Par ailleurs, autour des années 1990 jusqu’à nos jours, des modifications ont été apportées sur la structure des tombeaux. Celle-ci est actuellement subordonnée au changement socioculturel. Plus la société emprunte d’autres visions, plus l’architecture prend d’autres dimensions. L’ouverture des Masikoro au monde moderne a eu des impacts non seulement sociaux mais aussi au niveau de la forme architecturale des tombeaux. Les structures internes et externes actuelles, diffèrent des premières constructions en dur, c’est-à-dire de celles des années 1960 à 1980. On a aujourd’hui à peu près cinq structures à l’intérieur du caveau familial et d’autres modifications à l’extérieur du tombeau.

57 KAMBALAHY. J.F. 85

III. 1. La structure externe du caveau

La structure externe du tombeau ressemble beaucoup à ce qu’on retrouve dans la construction urbaine. Sa taille varie de trois à cinq mètres carrés. Le tombeau est cependant légèrement décalé vers la droite par rapport aux points cardinaux pour montrer une certaine différence entre « la maison des morts » et celle des vivants. Les familles aisées y construisent une véranda. La toiture est beaucoup plus stylisée. Une croix est quelquefois érigée sur la toiture, même si les membres de la famille ne sont pas tous chrétiens. La porte est placée sur la façade ouest. Celle-ci est assez solide afin d’empêcher les malfaiteurs d’y entrer. Il existe aussi des toitures semblables à celle d’une mausolée, ou d’une pagode. A titre d’exemple, vers les années 1990, la famille Renjavatse, à l’est d’Antaikoake, a bâti un caveau ayant la forme d’une maison chinoise. C’est pour montrer que la diffusion de plusieurs cultures par les médias, a des effets, tant sur la société que sur les coutumes ancestrales. Comme nous l’avons déjà montré, les murs sont subordonnés à la peinture. Ils sont généralement peints de diverses couleurs. La couleur choisie dépend du goût de la famille. Souvent, c’est le blanc qui domine ou qui est toujours utilisé pour l’extérieur. L’intérieur du caveau comporte beaucoup de changements par rapport à l’ornementation passée.

III.2. La structure interne du caveau

Comme la structure externe présente plusieurs formes, celle de l’intérieur en possède autant. On note cinq structures à l’intérieur du tombeau : 1-La première garde l’ancienne forme. Il s’agit de deux fosses faites pour recevoir les morts. 2-La deuxième comporte trois bassins : un pour les hommes et un pour les femmes, plus un bassin d’assèchement. 3-La troisième forme architecturale est faite de deux fosses sur lesquelles sont superposés deux bassins. Ils servent à assécher, l’un et l’autre les corps des défunts en fonction de leur sexe. 4-La quatrième structure se présente de la sorte. Sur la façade Est est incrustée une dalle épaisse semblable à une étagère. Celle-ci est divisée en

86

deux parties par une cloison de séparation. Les corps des hommes défunts seront placés au nord, et au sud, ceux des femmes, étant donné que la séparation des sexes existe même à travers la mort. Dans cette structure, il n’est pas nécessaire d’avoir un bassin d’assèchement car les corps sont entassés les uns sur les autres, une fois la première rangée pleine 5-La cinquième forme structurale est que l’intérieur du tombeau comporte des étagères, à l’instar des boutiques. Les morts y sont superposés en fonction de l’ordre établi par les ancêtres. Les hommes sont placés au-dessus et les femmes en bas. Tout ceci, nous permet d’apporter des observations sur la société et l’art du tombeau dans le temps et dans l’espace.

87

CHAPITRE VI : LES OBSERVATIONS

Il est impensable qu’un chrétien, qu’un musulman, voire un adepte de la religion traditionnelle puisse tolérer ou supporter les critiques, surtout négatives, portées sur sa culture. Tout homme a été éduqué dans son moule culturel, avec ses traditions depuis longtemps pratiquées par les anciens. Il est difficile pour lui de découvrir les méfaits de ces pratiques ancestrales. Pour lui tout est bon, et il fait entièrement confiance aux ancêtres auxquels il doit respect, et pour qui il célèbre de temps en temps un culte ou un sacrifice.

I. OBSERVATION PAR RAPPORT AUX DEPENSES DES FUNERAILLES

Malgré la pauvreté des gens en milieu rural, surtout, chez les Masikoro, d’énormes dépenses sont engagées à l’occasion des funérailles ou pour la construction d’un tombeau. En matière de funérailles, pour les riches comme pour les pauvres, les contraintes et les opérations sont onéreuses. Voici une estimation des dépenses engagées par les clans masikoro du Bas- Fihereña lors du décès d’un adulte et de la construction d’un tombeau en dur. Les chiffres qui apparaissent dans les tableaux ci-dessous sont les résultats d’une longue observation lors de funérailles . Elles représentent la généralité car il nous a été difficile de nous procurer un cahier de registre des dépenses.

Tableau n°2 : Le KAPINDRAY :

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATIONS en FMG en FMG Tamàna 01 700.000 700.000 Prise dans le parc 1

TOTAL : 700.000

88

Tableau n°3 : TOILETTE ET HABILLEMENT DU DEFUNT.

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATIONS en FMG en FMG 1 Tissu (5 cm) 10 /20 50000 50 .000 2 Linceul (soie) 01 75000 75 .000 3 Tissu blanc 50000 50 .00 0 Pour les chrétiens

TOTAL 175.000

Tableau n° 4 : CERCUEIL

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATION S en FMG en FMG

Cercueil Avec la rareté du bois, 1 (en bois dur ou 1 2.500.000 ou 2.500.000 la famille achète le simple) 1.500.000 ou 1.500.000 cercueil en ville. Le prix varie en fonction de sa qualité 1.500.000 à TOTAL 2.500.000 FMG

Tableau n° 5 : REPAS ET VEILLEE FUNEBRES :

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATION S en FMG en FMG 1 Riz (sac de 10 250.000 2.500.000 50 kg) 2 Bœufs 03 700.000 2.100.000 Parfois plus si la famille est riche en bœufs 3 Bières et autres - 2.000.000 2.000.000 boissons 4 Cigarettes et - 100.000 100.000 tabac. 5 Alcool de canne 5 250.000 1.250.000 (Dame-jeanne de 20 l) TOTAL 7.950.000 FMG

89

Tableau n° 6 : DIVERS

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATIONS en FMG en FMG 1 Tombok’aomby 01 2.500 .000 2.500 .000 (Vositsy) 2 Tombok’aomby 03 500 .00 0 1.500 .00 0 (tamana) 3 Transport - 150 .000 150 .000 (charrette) 4 Petits -achats - 100 .000 100 .000

TOTAL : 4.250.000 FMG

Tableau n° 7 : CONSTRUCTION DU TOMBEAU

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATIONS en FMG en FMG 1 Maota ( pour le 01 500 .000 500 .000 hali-tany ) 2 Alcool de canne 03 250 .000 750 .000 (Dame-jeanne de 20l) 3 Riz 03 250 .000 750 .000 (sac de 50kg) 4 Ciment 60 100 .000 6.000 .000 (sac de 50kg) 5 Sable (camion … 01 300 .000 300 .000 6 Moellon s 01 350 .000 350 .000 (Camion ou charrette) 7 Planches 20 17 .500 350 .000 8 Fers de 8 10 55 .000 550 .000 9 Peinture - 25 .000 25 .000 (au détail) 10 Salaire des - 1.000 .000 1.000 .000 maçons 10.325.000 FMG

90

Tableau n° 8 : FINITION DU TOMBEAU

N° DESIGNATION UNITE PRIX UNITAIRE PRIX TOTAL OBSERVATION en FMG en FMG 1 Location d’un 01 1500000 1500000 Pour les chrétiens : des orchestre cantiques religieux 2 Déplacement de 01 100000 100000 l’orchestre 3 Sairy - 500000 500000 4 Tamana 01 700000 700000 5 Maota 01 500000 500000 6 Riz 04 250000 1000000 (sac de 50 kg) 7 Tombok’aomby 02 700 .000 1.400 .000 (Tamana) 8 Tombok’aomby 02 2.500 .000 5.000 .000 (Vositsy) 9 Bières et autres - 1.500 .000 1.500 .000 boissons 10 Alcool de canne 02 250 .000 500 .000 (Dame-jeanne de 20l) TOTAL 12.700.000 FMG

RECAPITULATION :

-KAPINDRY AY ………………………………………..700000 fmg

-TOILETTE ET HABILLEMENT DU DEFUNT….175000 fmg

-CERCUEIL……………………………………………….2500000 fmg

-REPAS ET VEILLEE FUNEBRES…………………7950000 fmg

-DIVERS…………………………………………………..4250000 fmg

-CONSTRUCTION DU TOMBEAU EN DUR.10325000 fmg

-FINITION DU TOMBEAU……………………….12700000 fmg

-TOTAL :…………………………………………………38600.000 fmg

-TOTAL EN EURO :………………………………….3.088

Ces montants peuvent augmenter ou diminuer selon les possibilités de la famille ou du clan endeuillé.

Ainsi, on constate, au cours de ces cérémonies, une certaine prodigalité se traduisant par le fait que certaines familles ou personnes veulent se faire remarquer 91

en se faisant passer pour celui qui est le plus attaché au défunt, et en dépensant beaucoup, rien que pour l’enterrement ou la construction du tombeau. Plusieurs zébus sont tués lors des funérailles. Des économies qui pourraient subvenir aux besoins fondamentaux de la famille, dans une société où sévit la pauvreté, sont dilapidées. Un individu passe en effet son temps à élever des zébus, à travailler la terre, à faire des économies en vue des funérailles. De ce fait, on thésaurise en prévision de la mort.

Ces éléments culturels qui représentent des valeurs communautaires constituent aussi des facteurs de blocage pour le développement économique et l’ouverture au monde moderne. Nous avons interrogé à ce propos des chefs de ménage, qui déclarent : « Les funérailles et leurs accessoires sont pour nous des charges trop lourdes. Les hommes ou les familles s’endettent plus que de raison. C’est ainsi qu’une famille est classée pauvre ou riche en fonction du nombre de zébus abattus à l’occasion des funérailles. »

Pour le Masikoro, les funérailles sont des circonstances qui :

- permettent d’accéder au monde des ancêtres et des aïeux,

- font que le défunt figurera sur l’arbre généalogique,

- font qu’à l’occasion des cultes organisés par la famille ou le clan, le nom du défunt (ou son nom posthume, s’il est prince) sera invoqué au même titre que ses prédécesseurs.

Disons en passant que des chefs de famille, pour les funérailles de leur père, ou de leur mère, se sentent très fiers d’avoir immolé plus de dix zébus. Ce sont là des cas pour lesquels ont dit : un tel a été bien enterré, soa levegna . La réputation d’une famille au sein de la société masikoro dépend grandement de la façon dont elle enterre ses membres défunts.

Si on situe la société masikoro dans un contexte sociétal plus large, on peut dire qu’en matière de funérailles, elle abat moins de zébus que le Mahafaly, le Sakalava et l’Antandroy qui, eux sacrifient jusqu’à vingt zébus et plus.

92

Le caractère dispendieux des funérailles amène certaines personnes à examiner leur comportement culturel et religieux. Les moins aisés qui se sont convertis à la religion chrétienne organisent leurs funérailles selon les pratiques de leur église et avec peu de moyens, surtout financiers. De ce fait, certains Masikoro se détachent de l’ordre ancestral au profit de la religion chrétienne.

Pour éduquer les Masikoro, il faudrait leur conseiller, chrétien ou non, qu’ils ont toujours la possibilité de réduire leurs dépenses funéraires d’une autre manière que celle que leur suggère leur religion.

II. SUGGESTION PAR RAPPORT AU PHENOMENE DE DETACHEMENT DU TOMBEAU CLANIQUE Comme nous le constatons, depuis l’adoption de l’architecture moderne de la construction du tombeau, la structure sociale masikoro a, elle aussi, changé. Jusqu’à maintenant on constate des réticences de la part des tenants de la tradition par rapport au modernisme. Il y a des divergences de conception entre les familles. La préoccupation n’est plus de préserver son droit d’appartenance au clan ou à la famille pour certains. A présent chacun a toujours accès au tombeau ancestral. Mais il existe des familles qui préfèrent se détacher et construire un tombeau pour des raisons ostentatoires. Le poids sociétal du clan et du tombeau ancestral diminue, voire s’annule. Il y a donc détachement des valeurs traditionnelles au profit du tombeau familial actuel et du christianisme.

Cependant, il faut surtout rappeler que parmi les principes fondamentaux qui fondent les valeurs culturelles d’une société, les traditions occupent une place très importante. Celles-ci donnent une identité culturelle à la société tant et si bien qu’elle les pratique, qu’elle les sauvegarde au fil du temps. Les traditions qui se traduisent sous de multiples formes feront des villageois des adeptes fiers de ce que leurs aïeux leur ont légué.

Citons-en quelques uns : les différentes sortes de sacrifices, les différentes manières de rendre des cultes aux morts, le respect des règles et des interdits, faly, édictés par les ancêtres.

93

Toutes ces pratiques traditionnelles ont certainement des avantages socio- économiques, surtout dans une société où l’égoïsme et l’amour de soi tendent à devenir la préoccupation de tout individu. Ainsi, ces traditions contribuent à réunir dans la même ferveur des assemblées d’hommes, de femmes, d’enfants, de proches ou d’amis... Le but est non seulement de célébrer des funérailles, une circoncision ou un mariage...mais aussi de rencontrer des connaissances, établir des liens familiaux. Ceci est certainement un avantage car on découvre une certaine solidarité entre les clans et les lignages. Ce qui est chose rare, voire inexistante, dans les différentes sociétés occidentales où la famille nucléaire reste l’objet de soucis des membres qui la composent. Ces occasions permettent aussi à de nombreuses familles pauvres souvent sous alimentées de mieux se nourrir, car de grands festins y sont toujours préparés.

Voici, à ce propos, le point de vue de Georges HEURTEBIZE -1986:

« Les cérémonies mortuaires sont l’occasion de rassemblement qui n’ont en général rien de funèbre. Le plus important, au moment de l’enterrement, est étalé sur deux jours. Avec ses bivouacs pour la nuit, ses distributions de nourriture, les chanteurs, les jeux des enfants, sans parler des danses rituelles au cœur des manifestations, il ressemble à une grande fête champêtre. Seuls quelques membres très proches de la famille sont tenus de manifester leur chagrin. Pour l’immense majorité de l’assistance, l’atmosphère est au plaisir et rien qu’au plaisir. »58 A cela, il faut ajouter que certaines personnes se laissent aliéner par la culture moderne. Il semble qu’ils ignorent la leur, au profit d’une culture étrangère, à l’exemple des jeunes masikoro d’aujourd’hui qui disent qu’ils pourraient être enterrés n’importe comment. Et si chacun veut qu’il soit enterré de la sorte et que chaque famille veut construire un tombeau dans cette condition, on assistera à une colonisation massive des espaces mortuaires de même que les espaces cultivables. Car, il y a une forte natalité dans ces milieux ruraux et l’accessibilité à un espace cultivable pose déjà de sérieux problèmes. Il nous semble inquiétant que dans dix ans les espaces agricoles soient transformés en cimetière. A cet effet, nous proposons certaines solutions comme d’abord, chercher à renforcer la cohésion clanique et familiale.

58 G. HEUTEBIZE, -1986, Histoire des Afomarolahy. 94

III. PERSPECTIVES D’AVENIR SUR LES STRUCTURES DES TOMBEAUX ET DE L’EVOLUTION DE LA SOCIETE MASIKORO

III. 1. Syncrétisme de la tradition et de la chrétienté

Malgré les diverses réticences vis-à-vis du christianisme, une frange importante des Malgaches sont chrétiens. Le christianisme est une religion importée et, aux yeux de certains adeptes de la tradition, il est venu bouleverser les traditions ancestrales.que tous les différents groupes du territoire considèrent comme partie intégrante du patrimoine culturel hérité de leurs ancêtres.

Nonobstant le regard farouche de certains rois et des chefs religieux contre l’évangélisation, à l’instar de Ranavalona I ère , le christianisme a su s’implanter, se mêler aux traditions.

Ainsi, l’on voit à Madagascar, nombreux chrétiens qui pratiquent à la fois la religion qui vient de « l’homme blanc » et celle léguée par leurs ancêtres. Quoique certaines pratiques restent tolérées par l’église, certaines vont toutefois à son encontre. A titre d’exemple, le fait d’invoquer les esprits des défunts, les incantations, la divination ou même l’invocation des esprits des morts par l’intermédiaire d’un corps qui n’est pas humain, mais animal (fañany, crocodiles sacrés …) . Toutes ces pratiques sont bannies et interdites par la bible mais elles demeurent pratiquées par de nombreux malgaches qui fréquentent les églises. Certes, ceci est un aspect parmi les différentes formes de syncrétisme :

Ainsi dit la bible au livre du Deutéronome :

« On ne trouvera chez toi personne qui fasse passer au feu son fils ou sa fille qui pratique la divination, l’incantation, la mantique…personne qui use de charmes, qui interroge des spectres et devins, qui invoque les morts, car quiconque fait ces choses est abomination pour Yahvé ton Dieu, et c’est à cause de ces 59 abominations que Yahvé ton Dieu chasse ces nations devant toi ».

Il faut surtout rappeler que jusqu’à nos jours, il n’y a pas eu vraiment de conflits entre les deux différentes pratiques : l’une ancestrale et l’autre chrétienne.

59 Deutéronome 18,10-12 p. 221 95

L’on constate plutôt qu’elles existent parallèlement. Certains Masikoro christianisés pratiquent en même temps ces deux cultes. On voit sur les tombeaux familiaux des symboles chrétiens tels que la représentation d’une croix par exemple, et en même temps une pierre levée, vatolahy, sur laquelle seront gravés le nom, la date de naissance et du décès du défunt.

Bref, dans une cérémonie quelconque, souvent on perçoit l’amalgame et l’imbrication de la tradition et de la modernité.

III. 2. Syncrétisme de la tradition et de la science

Le Malgache, qu’il soit attaché à la tradition ou à sa foi chrétienne, a toujours tendance à se fier ou à recourir aux pratiques traditionnelles telles que la géomancie, la médecine traditionnelle …

Le Masikoro, quoiqu’il ait recours en dernier lieu à la médecine moderne, consulte avant tout les devins-guérisseurs, ambiasa , quand il est malade. Une telle démarche est, pour lui, presque une obligation. Selon lui, le devin-guérisseur détient un pouvoir spirituel hérité de ses ancêtres et qu’il maîtrise à la suite d’un apprentissage. Il est le mieux placé pour déceler les maux, les problèmes et leurs différentes causes. Le traitement qu’un médecin prescrira à son patient sera complété par la thérapie composé de plantes médicinales, de sable géomantique … que lui donnera un tradipraticien. Dans un tel cas, on peut parler de traitement parallèle, taha roa, exprimant le syncrétisme médecine moderne et médecine traditionnelle.

Mais il faut surtout noter que de nombreuses personnes reconnaissent l’importance de la médecine traditionnelle. Celle-ci tend à devenir aujourd’hui une pratique communément admise dans la mesure où elle se base sur ce qui est thérapie traditionnelle. Cela écarte donc l’idée de magie, de science surnaturelle basée sur le pouvoir des esprits.

A ce propos, J.RAVAOSOLO (2008) avance :

« La logique thérapeutique moderne reconnait désormais la valeur des thérapies qui s’appuient sur une très bonne connaissance

96

empirique des plantes et de leurs effets sur la santé humaine. On peut même parler aujourd’hui, à l’échelle mondiale, d’une véritable mode. La médecine par les plantes est souvent présentée, aujourd’hui en occident comme plus douce, moins porteuse d’effets secondaires désagréables, et à la portée des populations pauvres. »60 Toutefois, n’oublions pas que la science a certainement pris ses racines dans ce qui est tradition, à l’exemple de l’invention de la boussole par les Arabes. Celle-ci n’est que le fruit d’une longue réflexion basée sur la pratique traditionnelle de la navigation suivant la position des étoiles, et la direction des vents. Ainsi la pensée humaine évolue dans le temps et dans l’espace.

Malgré cela, de nombreux adeptes de la tradition continuent à nier, à ignorer voire à fermer les yeux devant ce qui est scientifique et moderne. Ils ont des pratiques qui portent atteinte à la vie humaine ou qui exposent à des risques en matière de santé publique. A titre d’exemple, tout au long de nos recherches, nous avons côtoyé plusieurs malades qui refusaient de se soigner à l’hôpital. Un vieux masikoro nous a dit :

« Nous les Masikoro, nous détestons aller à l’hôpital. Mieux vaut mourir chez soi, pour avoir la bénédiction des ancêtres. »

Une telle situation se traduit par le fait que différentes pratiques traditionnelles s’opposent à l’évolution de la pensée humaine, de la science et de la technologie moderne.

IV. PERSPECTIVE D’AVENIR SUR LA STRUCTURE DES TOMBEAUX

Un clan se reconnaît par ses interdits, faly. Le tombeau est, pour ces groupes, la marque distinctive la plus frappante. Une personne égarée dans la nature peut retrouver sa route à la vue d’un tombeau, car celui-ci est implanté dans la forêt. Un tombeau porte la marque du clan, par ses diverses décorations.

Ainsi, chez les clans qui nous intéressent, à savoir certains groupes masikoro, nous n’avons jamais trouvé d’aloalo, contrairement à ce qui se pratique chez les Sakalava du Menabe, les Antandroy et les Mahafale. Certes, il existait des fatifaty et

60 J.RAVAOSOLO -2008, Talily no 13/12/ 15 p 144 97

des statuettes en bois (nullement érotiques) qui, à cause des feux de brousse, ont aujourd’hui disparus.

C’est depuis que les Masikoro ont eu l’idée de conserver leurs morts qu’est apparu le culte des ancêtres. La structure des tombeaux change de temps en temps. On est passé d’une structure traditionnelle à une structure moderne. L’image que les gens se donnent de l’au-delà les pousse à modifier les tombeaux selon l’évolution du temps. Le « village des morts » se développe à une vitesse géométrique tandis que celui des vivants évolue à une vitesse arithmétique. Actuellement les tombeaux sont construits sur le modèle de l’urbanisme. Leur structure interne et externe ne diffère pas de l’habitat urbain. Il y a certes des changements dans la structure de l’habitat masikoro , mais, à notre avis, elle évolue très peu. Suite à nos observations, nous avons recensé, par exemple, dix familles qui vivent dans une maison en vondro ou en paille, alors qu’elles possèdent chacune un tombeau en dur.

Ainsi, l’architecture ancienne d’agglomérer semble ne plus être adaptée. La tendance actuelle va vers les caveaux claniques ou familiaux qui présentent des aspects plus esthétiques, plus représentatifs de l’ambition des familles nanties. La construction d’un caveau est devenue, à un moment donné, un objet de concurrence et d’ostentation de la richesse et du progrès social. C’est pour cette raison que les familles cherchent à rendre accessible l’accès aux tombeaux. Les lieux de sépulture actuels visent un double aspect :

- s’approcher des villages au lieu des forêts ou des montagnes,

- privilégier la vallée au détriment des hauteurs.

Actuellement, on cherche à avoir une plus grande facilité d’accès aux tombeaux, non seulement à cause des problèmes d’insécurité mais encore parce qu’il est de plus en plus difficile et coûteux d’enterrer sur les hauteurs (mobilisation de charrettes, achat de boissons en quantité, et difficulté de déplacement…)

Aujourd’hui, au tombeau éloigné ne se rendent que les personnes et les proches les plus valides. Un enterrement est surtout l’occasion de replonger dans l’histoire de son lignage ou de son clan et de reconnaître l’emplacement où sont enterrés ses ascendants.

98

Jadis le Masikoro avait l’habitude d’offrir un don à un de ses ancêtres pour obtenir une bénédiction, tsipirano . On avait à l’époque peur des morts. Maintenant qu’ils sont devenus plus familiers, la peur des morts s’est estompée De ce fait, on éprouve aujourd’hui moins de la crainte qu’auparavant si on rêve d’un ancêtre ou d’un défunt.. D’où le risque de désacraliser les tombeaux.

Certains interdits sont de moins en moins respectés et certaines habitudes nouvelles apparaissent, comme par exemple le dépôt de fleurs le 1 er novembre, chose inconcevable dans le passé.

Maintenant construits à proximité du village, les caveaux ou les tombeaux sont fréquentés par les humains et les animaux du village : chèvres, porcs et chiens y laissent leurs déjections. Les jeunes garçons jouent sur les tombeaux et foulent aux pieds ces lieux tabous, faly , pour les Masikoro.

Les stèles qui furent de grosses pierres érigées dont l’érection, le transport et la taille de l’écriture nécessitent une mobilisation de main-d’œuvre populaire et des dépenses supplémentaires cèdent progressivement la place aux dalles préfabriquées sur lesquelles sont écrites une véritable biographique de la personne défunte.

Compte-tenu des divers changements au sein de la société masikoro et nos analyse de l’évolution architecturale des tombeaux, nous nous demandons quelle sera la structure des tombeaux par rapport à la structure de l’habitat du milieu rural dans dix ans ? Et quelle sera l’avenir des valeurs ancestrales vis-à-vis de l’évolution actuelle de la société masikoro ? Toutefois, nous allons essayer d’esquisser une vision portant sur la perspective d’avenir de l’art funéraire. Actuellement certains aspects nous le font pressentir.

Parmi ces changements, on peut imaginer que le domaine réservé aux morts empiètera celui des vivants. Comme nous l’avons déjà signalé plusieurs familles construisent leurs caveaux près de leurs maisons, on pense que tôt ou tard les morts côtoieront les vivants. L’image qu’on se faisait des morts s’effrite peu à peu et la peur qu’ils inspirent va disparaissant.

99

CONCLUSION Ce travail de recherche nous a permis de mieux appréhender les valeurs ancestrales de la société malgache du Sud-ouest en général et de la société masikoro en particulier. Nous avons donc pu effectivement connaître les rapports entre la société masikoro et la structure de ses tombeaux dans le temps et dans l’espace. Signalons en passant, pour une meilleure compréhension, que les Masikoro sont des agro-pasteurs. Ils ne sont donc pas très différents des autres groupes qu’on peut rencontrer. Ils vivent dans un système où la hiérarchie sociale est omniprésente. Leur spiritualité se fonde sur le culte des ancêtres ou le culte des morts. Leurs institutions s’articulent depuis les temps anciens autour du rapport morts-vivants.

Chez les Masikoro donc, depuis l’institution des funérailles, le rapport entre le monde des vivants et celui des morts devient de plus en plus primordial, tant et si bien que le tombeau, lieu éternel du repos, suscite plusieurs fonctions :

- l’uniformisation de norme de conduite. - maintien de l’harmonie et de l’unité au sein de la communauté masikoro. La production artistique relative aux tombeaux fait apparaître une perception d’un monde en référence avec le culte des morts. Malgré la diversité culturelle chez les groupes ethniques malgaches, l’art funéraire des Masikoro dénote une certaine uniformisation. Ainsi dit ANDRIANETRAZAFY.H -1991, « Ce lien dynamique est de même nature que la force des valeurs chrétiennes dans le monde de représentation de l’Europe des cathédrales. » 61 Si on examine d’autres groupes ethniques malgaches, par exemple, les Merina, les Sakalava, les Mahafale etc., on constate chez eux une évolution de l’art funéraire plus ancienne que chez les Masikoro du Bas-Fihereña. Malgré tout, des traits communs se retrouvent notamment en ce qui concerne le culte des ancêtres. Il y a lieu ici, à notre humble avis, de signaler l’apparition de certains faits nouveaux relatifs à la désacralisation des tombeaux comme : - le vol d’ossement avec effraction des tombeaux.

61 ANDRIANETRAZAFY.H -1991, p. 82 100

- la construction de tombeaux dans un endroit proche de l’habitat des vivants pour des raisons de sécurité et d’éviter la disparation des ossements ancestraux. - le morcellement des clans, qui fait apparaître des tombeaux plutôt familiaux que lignagers ou claniques. A partir de ces trois faits récents rapportés ci-dessus, on peut en déduire un changement de mentalité. De plus en plus de familles se mettent en valeur par rapport à leur à leurs clans d’origine. Il va sans dire qu’il s’agit ici de la famille nucléaire au détriment de la famille lignagère (clanique).

Maintenant, pour parler de l’évolution de l’architecture funéraire en milieu masikoro , il est permis de dire que ce changement se situe entre le XVII et le XX e siècle: Le XVII ème siècle est celui où Tsieboèny a apporté des changements sur les rites funéraires du clan andrevola, (reliques royales, bain de reliques, construction des tombeaux…) et le XX ème siècle comme siècle où les tombeaux en dur ont fait leur apparition. Depuis cette période, la société masikoro en général et l’architecture des tombeaux en particulier n’a cessé d’évoluer sur le plan culturel, politique et religieux.

A ce stade du travail, revoyons notre problématique : Y a t-il un ou des rapports entre la société et l’architecture des tombeaux masikoro ? Si oui, existe-t-il une évolution et quels sont les impacts résultant des apports extérieurs sur la société et l’architecture des tombeaux masikoro ? Notre réponse, nous semble la suivante. Dans la société masikoro, du point de vue de l’architecture des tombeaux, on est passé d’une structure traditionnelle à une structure nouvelle des tombeaux. Le tombeau ancestral, à caractère clanique, est toujours maintenu avec les rites et les formes de cultes, tels qu’ils ont été institués par les anciens. Ce qui est nouveau, c’est que depuis quelques décennies, la structure des tombeaux subit des influences nouvelles. Cette nouveauté est la conséquence des rapports extérieurs, apports qui relèvent de la civilisation moderne. Ceci nous amène à dire que l’architecture funéraire traditionnelle est de plus en plus abandonnée. Les familles nanties se construisent des tombeaux sur le modèle de l’architecture moderne avec leurs moyens financiers. Cette mutation s’était d’abord 101

opérée en pays sakalava et en Imerina. Avec le développement des voies de communication, l’exemple a fait tâche d’huile jusque chez les Masikoro du Bas- Fihereña. On peut ainsi constater des adaptations sans rupture aucune avec la logique des coutumes ancestrales, tant sur le plan architectural, que sur le plan moral et spirituel. Il convient ici de parler de ce qu’on appelle changement de mentalité ou de comportement des individus chez les Masikoro. La culture masikoro est toujours présente, cela est incontestable. Seulement elle est entrée brutalement en contact avec d’autres cultures véhiculées par les écoles publiques confessionnelles, ainsi que par la laïcité. Certains Masikoro d’ailleurs prennent leur liberté au point de s’afficher différents de leurs congénères. Ces libertés font que tout en se disant conservateur, certains individus en arrivent à désacraliser les tombeaux de leurs ancêtres. Par exemple, le fait de s’absenter lors des funérailles, le fait de se séparer du tombeau clanique, le fait de voler ou de faire voler les ossements de ses ancêtres etc. Ces libertés aussi entraînent des actes et des rites à caractère syncrétique, par exemple la pose d’une croix accompagnée de libations d’alcool sur les tombeaux. Dans cette société masikoro frappée par le phénomène de paupérisation, il s’avère que les funérailles et la construction des tombeaux entraînent des dépenses énormes en bœufs, en argent et en temps. Le développement socio- économique de cette société et des individus passe au second plan. Et, en dépit de tout ce changement, la sacralisation des ancêtres est toujours au centre des préoccupations du corps social. Nous en déduirons que la religion traditionnelle est en voie de disparition ou entre dans une situation délictuelle, voire possessionnelle. Rien n’est moins sûr, d’abord que, mis à part certains cas de syncrétisme qui demeurent célébrés et honorés lors des funérailles d’un Masikoro christianisé, on invoque toujours les ancêtres. Ce qui nous semble sûr c’est que la société masikoro donne l’impression d’être toujours traditionnelle, ses villages sont restés les mêmes alors que les tombeaux subissent des évolutions architecturales. Nous croyons qu’il est temps que les Masikoro réfléchissent sur les problèmes socio- culturels qui les frappent actuellement dans le domaine de leur culture. Cela pourrait être une solution pour eux de conserver leur patrimoine culturel et religieux hérités de leurs ancêtres.

102

BIBLIOGRAPHIE 1. ANDRIANETRAZAFY (H.) -1991, Pour une approche historique de l’art funéraire Antandroy. Problèmes et Perspectives. Mémoire de DEA, Université d’Antananarivo UER d’histoire. 123 p. 2. BAGLIN (E.) -1999, Le mythe du Fanany. La perception spatio-temporelle du monde masikoro. Maîtrise d’ethnologie. Université de la Réunion. UFR, Lettres et Sciences Sociales. 3. BALLARIN (M.P.) -2000, Les reliques royales à Madagascar . Source de légitimation et enjeu du pouvoir (XVIII-XXème siècles), Paris, Karthala. 470 p. 4. BARE (J.F.) -1977, Pouvoirs des vivants. Langage des morts. Idéo-logiques Sakalava. Ed. Paris , Maspero, 144 p. 5. BEAUJARD P.) -1983, Princes et paysans, les Tanala de l’Ikongo, un espace social du Sud est de Madagascar. Ed. l’Harmattan, Paris, 670 p. 6. BIBLE de JERUSALEM, 1843p 7. BIRKELI (E.) -1926, Marques de bœufs et traditions de race. Documents sur l’ethnographie de la côte occidentale de Madagascar. Oslo Bull n°2, Ethnografiske Museum, 58 p. 8. BIRKELI (E.) -1936, « Les Vazimba de la côte Ouest de Madagascar ». Mémoires de l’Académie malgache , T 22, Tananarive, 69 p. 9. BOITEAU (P) -1958, Contribution à l’Histoire de la Nation malgache . Ed. Sociales, Paris, 431 p. 10. COLIN (P.) -1958, Aspects de l’âme malgache. Ed. Orante, Paris, 134 p. 11. DAVID (R.) -1989, Madagascar, arts de la vie et de la survie . Musée des arts africains, Paris, 61p. 12. DAVID (L.J.L.) -1987, « Les funérailles de la princesse, Ndramandovarivo ». Recherches pour le développement, (Série Sciences Humaine) n°3, Antananarivo, pp. 67-75. 13. DAVID (L.J.L.) -1995, Le Tampoke andrevola ou Essai d’interprétation de la conception du pouvoir chez les Masikoro du Fihereña (SO de Madagascar) 2 tomes 207 et 383, INALCO, Paris. 14. DAVID (L.J.L.) -1998-2000, « Le Tampoke andrevola. Bain des reliques royales des princes Andrevola du Fihereña » : une vision politique, Talily n°7, 8, 9. Revue du département d’histoire. Université de Tuléar, pp 95-106. 103

15. DECARY (R.) -1962, La mort et les coutumes funéraires à Madagascar . Paris : Maisonneuve et Larose, 306 p + planches. 16. DESCHAMPS (H.) -1951, Les migrations intérieures passées et présentes à Madagascar. Berger levrault, Paris, 283 p. 17. DESCHAMPS (H.) -1972, Histoire de Madagascar . Ed. Berger Levrault, Paris, 348 p. 18. DINA (J.) -1982, Etrangers et Malgaches dans le Sud-ouest Sakalava 1904- 1945. Thèse de Doctorat III ème cycle, Aix-en-Provence, 505 p. 19. DINA (J.) -1995, « Le Fiherenana pendant le protectorat français 1888-1897 », Talily n°1 pp. 29-39 20. DINA (J) -1996, « Les Makoa dans le Sud-ouest de Madagascar », in Esclavage à Madagascar, pp. 161-168. 21. DINA (J.) -2005, « L’îlot de Nosy-Ve et les échanges socio-économiques dans le Sud-ouest de l’Océan Indien au XIXème siècle ». Revue historique de l’Océan Indien, pp 62-72. 22. DINA (J) -2001, « The Hazomanga among the Masikoro of South-west Madagascar: Identity and History, Ethnohistory: the journal of the American Society Vol. 48, Duke University Press USA, pp.13-30. 23. ELIADE (M.) -1965, Le sacré et le profane . Idées, Gallimard, Paris, 186 p. 24. ENGELVIN (A.) -1936, Les Vezos ou enfants de la mer. Monographie d’une sous-tribu sakalava, libr. Vincentiènne et Missionnaire, 169 p. 25. FAGERENG (E.) -1971, Une famille de dynasties Malgaches, Zafindravola, Maroseranana, Zafimbolamena, Andrevola, Zafimanely. Oslo, Universitets Forlaget, 98 p. 26. FAUBLEE (J.) -1947, Récits Bara . Ed. Institut d’Ethnologie, Université de Paris, 537 p. 27. FLACOURT (E.) -1995, Histoire de la grande Isle, Madagascar , Paris INALCO, Karthala, 655 p. 28. GOEDEFROIT (S.) et LOMBARD (j.) -2007, Andolo. L’art funéraire sakalava à Madagascar. Singapour. IRD et BIRO, 237 p. 29. GOEDEFROIT (S.) -1988, « Evolution du système funéraire sakalava du Menabe ». Chronique du Sud 9, pp 127-130.

104

30. GRANDIDIER (A.) -1897, « Notices sur les côtes Sud et Sud-ouest de Madagascar ». Bulletin de la société de Géographe de Paris, 5è Série, t. 14. 31. GUILLAIN (CH.) -1845, Documents sur l’histoire, la géographie et le commerce de la partie occidentale de Madagascar . Ed. Imprimerie Royale, Paris, 376 p. 32. HEURTEBIZE (G.) -1986 , Histoire des Afomarolahy, (Clan tandroy-extrême Sud de Madagascar) , Ed. du Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 377 p. 33. HOERNER (J.M.) -1976, « Géographie régionale du Sud-ouest de Madagascar ». Revue Tsiokantimo, n°5 , Centre Universitaire Régional de Tuléar, 135 p. 34. JAOVELO (D.R.) -1996, Mythes, rites et transes à Madagascar . Paris, Strasbourg, 391 p. 35. KAMBALAHY (J.F.) -1985, Le culte des ancêtres vu à travers le Soro chez les Masikoro du Bas-Fiherenana, mini mémoire en Histoire, Université de Tuléar, 23 p. 36. KOECHLIN (B.) -1975, Les Vezos du Sud-ouest de Madagascar. Contribution à l’étude de l’écosystème de semi-nomades marins . Ed. Mouton, La Haye, Paris, 243 p. 37. KOTO (B.) -1994, Relations villes-campagnes : l’exemple de Tuléar . Thèse de Doctorat de 3 ème cycle, Université de Bordeaux III, 369 p. 38. KOTO (B.) -1996, « Peuplement, Naissance et Développement de Tuléar précoloniale, début de la colonisation », Talily n° 3/4, pp. 20 39. LAVONDES (H.) -1967, Bekoropoka. Quelques aspects de la vie familiale et sociale d’un village malgache. Ed. Mouton, la Haye, Paris, 191 p. 40. LAVONDES (H.)-1981, « Pouvoirs traditionnels d’un royaume du Sud-ouest malgache (Nord du Fiherenana) », Omaly sy anio n°13-14 , Université de Madagascar, pp.193-207. 41. LOMBARD (j.) -1991, « Sépultures et nécropoles des Sakalava du Menabe ». Le petit journal du musée de l’homme , pp 64-71. 42. LUPO (P.) -1988, « Histoire et Nature de l’enseignement à Madagascar de 1896 à 1960 ». Recherches pour le développement, n°5, Antananarivo Madagascar, pp. 63-73. 105

43. LUPO (P.) -2003, « L’idée du sacré et de l’autorité religieuse traditionnelle ». Mémoires de l’Académie Nationale, Fascicule XLVII, Ed. Ambozontany, 115 p. 44. MARIKANDIA (L.M.) -1987, Contribution à la connaissance des Vezos du Sud-ouest de Madagascar : Histoire et Société de l’espace littoral du Fiherenana au XVII ème et XIX ème siècle. Thèse de Doctorat du III ème cycle, Paris I, 481p. 45. MANJAKAHERY (B.) -2004, « Premiers résultats des enquêtes effectuées chez les Makoa de la ville de Tuléar (Madagascar) ». Mémoire orale et esclavage dans les îles du Sud-ouest de l’Océan indien : silences, oublis, reconnaissances. Actes du Colloque International du 25 au 27 mai 2004. La Réunion, pp 145-161. 46. MANJAKAHERY (B.) DAVID (L.J.L.) et LUPO (P.) -2007, Inventaire de lieux de mémoire associés à la traitre négrière et à l’esclavage à Madagascar (Anosy, Sud-ouest. Travail Inédit demandé par le Bureau de L’UNESCO de Dar-èr-salam, 101 p. 47. MOLET (L.) -1956, Le bain royal à Madagascar . Imprimerie luthérienne, Tananarive, 238 p. 48. MOLET (L.) -1979, La conception malgache du monde du surnaturel et de l’homme en Imerina . Paris : l’Harmattan, 2 Tomes, 437 et 445 p. 49. OTTINO (P.) -1998, Les champs de l’ancestralité à Madagascar. Parenté, alliance et patrimoine. Paris, Karthala et ORSTOM, 685 p. 50. PACAUD (P.) -2003, Un culte des exhumations de mort à Madagascar . Ed. l’Harmattan, U.E, Paris, 356 p. 51. RALAIMIHOATRA (E.) -1965, Histoire de Madagascar. Des origines à la fin du XIX ème siècle, Imprimerie Société malgache, n°133, Tananarive, 219 p. 52. SALOMON (J.N.) -1987, Le Sud-ouest de Madagascar. Thèse de Doctorat Université d’Aix-Marseille, 2 Tomes 420 et 998 p. 53. RAVAOSOLO (J.) -2008, « Médecine traditionnelle et moderne dans le Sud- ouest malgache » : présentation générale du volet de recherche , Talily n° 13/14/15, pp. 143-153. 54. RAVELOARIMANANA (M.L.) -1996, « L’eau dans le grand Sud ». Talily, n 0 3,4, pp 113-132.

106

55. VALLY (G.) -1954, « Arts et rites de la mort en pays malgache ». Revue des troupes coloniales, n°368, pp.19-28. 56. VIG (L.) -1973, Les conceptions religieuses des anciens malgaches . Imprimerie Catholique, Tananarive 68 p. 57. ZAHAN (D.) -1971, Religions, Spiritualités et Pensées africaines . Ed. Gallimard, Paris, 365 p. 58. ZIEGLER. J., (1975) : Les vivants et la mort , Ed. du Seuil, Paris, 303 p.

107

ANNEXE 1

Photo n°01 et 2 : Architecture moderne des tombeaux du type antandroy. Contrairement aux Masikoro, la longueur de la tombe dépend de la richesse du défunt et une tombe pour une seule personne.

Photo n°3 : Architecture traditionnelle d’une tombe Photo n°04 : Architecture moderne comorienne ; une tombe pour une seule personne. Cette d’une tombe comorienne ; une tombe ressemble à l’ancienne architecture masikoro . tombe pour une seule personne. Celle-ci ressemble aussi à la structure chrétienne ;

108

TABLE DES CARTES, DES PHOTOS, DES FIGURES ET DES TABLEAUX

Table des cartes

Carte n°1 : Localisation géographique de certains v illages masikoro et de leurs Communes respectives de la plaine du Bas-Fihereña …………………………… 16 Carte n°2 : Localisation géographique des sites fun éraires dans le Bas- Fihereña...... 55

Table des photos

Photo n°1 : Objets utilisés lors d’une cérémonie tr aditionnelle(Jiny) chez les Andrasily……………………………………………………………………………… 23 Photo n°2 : Un tombeau somotse à Befanamy ……………………… ………….. 29 Photo n°3 : Veillée funèbre à Maromiandra du clan A ndrevola. La foule se réunit autour duhazomanga pour fixer le jour faste pour l’enterrement. …. 44 Photo n°4 : Partage de viande lors d’une cérémonie funéraire à Maromiandra 50 Photo n°5 : Tombeau des descendants Andrevola de Ma romiandra ouvert pour recevoir deux cercueils, les autres étant pleins. …………………………… 60 Photo n°6 : Elément mâle et femelle du cercueil tra ditionnel………………….. 63 Photo n°7 Tombeau du clan Tsingory de Befanamy…………… ……………… 66 Photo n°8. Tombeau du clan royal de Maromiandra ……… …………………… 66 Photo n°9 : Vue intérieure d’un caveau à Befandrian a Sud …………………… 70 Photo n°10 : Vue extérieure d’un caveau à Befanamy ………………………… 70 Photo n°11 et 12 : Vues externes d’un caveau à Ambo hitsabo (Toliara II)…… 77

Table des figures :

Figure n°1 : Type de tombeau ancien ……………………………………… …. 57 Figure n°2 : Tombeau en pierres sans cercueil de ty pe ancien …………… 58 Figure n°3 : Emplacement des morts suivant la hiéra rchie traditionnelle… 58

109

Table des tableaux

Tableau n° 1 : Tableau indiquant le nombre d’osseme nts humains volés dans certains sites funéraires à Maromiandra entre 2005-2006 ………….. 86 Tableau n°2 : Le Kapindray ……………………………………………………. 89 Tableau n°3 : Toilette et habillement du défunt………… ……………………….. 90 Tableau n° 4 : Cercueil…………………………………………………………….. 90 Tableau n° 5 : Repas et veillée funèbres…………………………… ………….. 90 Tableau n° 6 : Divers………………………………………………………………. 91 Tableau n° 7 : Construction du tombeau ……………………………… ……….. 91 Tableau n° 8 : Finition du tombeau ………………………………………… …… 92

110

TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ...... 1

INTRODUCTION ...... 3

METHODES ET SOURCES ...... 7

PREMIERE PARTIE : HISTOIRE DU PEUPLEMENT ...... 10

CHAPITRE I : LE PEUPLEMENT ...... 12

I. LE MILIEU GEOGRAPHIQUE ...... 12

I.1. Le Fihereña...... 12

I.2. Le milieu physique ...... 12

I.3. Le climat ...... 13

I.4. Les types de sols ...... 13

II. LA POPULATION MASIKORO ...... 14

II.1 L’organisation sociale ...... 19

a. Les Andrevola (Les rois) ...... 20

b. Les Vohitse (Hommes libres) ...... 21

c. Les andevo ou ondevo (esclaves) ...... 23

d. Les voampatsy (parias) ...... 24

II.2. Changement socio-politique ...... 26

CHAPITRE II : II LA CROYANCE EN DIEU CHEZ LES MASIKORO ...... 30

I. LA CROYANCE EN DIEU UNIQUE ...... 30

II. ANCETRES ET DIEU ...... 32

III. AUTRES CROYANCES ...... 34

IV. LA CROYANCE TRADITIONNELLE ET LE CHRISTIANISME ...... 36

DEUXIEME PARTIE : LES DIFFERENTES PHASES DES FUNERAILLES ET LES STRUCTURES DES TOMBEAUX ...... 41

CHAPITRE III : LES FUNERAILLES ...... 43

I. GENERALITES ...... 43

II. LES TYPES D’ENTERREMENTS ...... 45 111

a- L’enterrement d’un roi ...... 45

b- L’enterrement des autres groupes ...... 46

III. PHASE FINALE DE L’ENTERREMENT ...... 49

CHAPITRE IV : ARCHITECTURE DES TOMBEAUX ...... 51

I. L’EXTRACTION DES PIERRES ...... 51

II. LES TOMBEAUX ...... 53

II.1. Présentation générale ...... 53

II.2. Typologie des tombeaux ...... 55

a. Anciens tombeaux ...... 55

b. Les tombeaux en pierres sans cercueil ...... 57

c. Les tombeaux en pierres avec cercueil ...... 58

c.a. L’architecture ...... 62

c.b. Description du tombeau ...... 65

III. LES TOMBES EN CIMENT ...... 67

III.1. Généralités : ...... 67

III.2. Les tombeaux en dur : ...... 69

IV. SCULPTURE ET PEINTURE ...... 73

IV.1. La sculpture ...... 73

IV.2. La peinture ...... 75

TROISIEME PARTIE : ANALYSES DE LA CULTURE ET DE L’ARCHITECTURE DES TOMBEAUX ...... 78

CHAPITRE V : CHANGEMENTS DUS AUX FAITS SOCIAUX ...... 80

I. LA VISION DES MASIKORO SUR LES TOMBEAUX EN DUR...... 80

II. CHANGEMENT INDUIT PAR LE VOL D’OSSEMENTS ...... 82

III. LA STRUCTURE ACTUELLE DES TOMBEAUX...... 85

III. 1. La structure externe du caveau ...... 86

III.2. La structure interne du caveau ...... 86

CHAPITRE VI : LES OBSERVATIONS ...... 88 112

I. OBSERVATION PAR RAPPORT AUX DEPENSES DES FUNERAILLES ...... 88

II. SUGGESTION PAR RAPPORT AU PHENOMENE DE DETACHEMENT DU

TOMBEAU CLANIQUE ...... 93

III. PERSPECTIVES D’AVENIR SUR LES STRUCTURES DES TOMBEAUX ET DE

L’EVOLUTION DE LA SOCIETE MASIKORO ...... 95

III. 1. Syncrétisme de la tradition et de la chrétienté ...... 95

III. 2. Syncrétisme de la tradition et de la science ...... 96

IV. PERSPECTIVE D’AVENIR SUR LA STRUCTURE DES TOMBEAUX ...... 97

CONCLUSION ...... 100

BIBLIOGRAPHIE ...... 103

ANNEXE 1 ...... 108

TABLE DES CARTES, DES PHOTOS, DES FIGURES ET DES TABLEAUX ...... 108

TABLE DES MATIERES ...... 111

113