CULTURE D'EN

ACTES DES PREMIÈRES RENCONTRES 29-30 janvier 1993

CULTURE D'EN FRANCE

Réflexions préalables au programme culturel du RPR

Préface de Dominique Perben

ALBIN MICHEL © Éditions Albin Michel S.A., 1993 22, rue Huyghens, 75014 ISBN 2-226-06477-X

PRÉFACE

Le nécessaire débat sur la politique culturelle des douze années de Jack Lang mérite mieux que des invectives de place publique, fût-elle audiovisuelle, ou des préjugés idéologiques. Il lui faut s'appuyer sur les réflexions de ceux qui sont concernés par le sujet, et ils sont nombreux : — Les professionnels, d'abord, qui, dans ce secteur, allient souvent une grande compétence, une forte passion et une bonne lucidité. — Mais aussi les responsables de toutes disciplines qui, au sein des différentes collectivités territoriales, se consacrent aux affaires culturelles : directeurs des affaires culturelles, conservateurs, architectes, anima- teurs et directeurs de troupe, de compagnie, de théâtre... Eux aussi s'engagent avec résolution et efficacité, et contribuent à forger au quotidien nos outils culturels. — Enfin les élus, notamment les élus locaux. Il faut rappeler ces deux chiffres : le Ministère de la Culture a dépensé en 1992 12 milliards de francs, les collectivités locales 36 milliards, ce qui montre l'importance des collectivités locales en ce secteur, et révèle que la décentralisation est déjà fortement acquise ; et l'on trouve beaucoup d'élus qui assument, avec enthou- siasme et confiance, ces responsabilités. Un certain nombre d'entre eux ont décidé de se réunir, pour parler de ces sujets, pour échanger expé- riences et savoir, et pour dialoguer avec les gens de culture. Ainsi est née l'association « Culture d'en France ».

C'est cette association qui a organisé cette large consultation, où étaient, pour la première fois, réunis ensemble, provinciaux et Parisiens, élus et profession- nels de toutes les disciplines artistiques. Ils sont venus plus de 600. Les interrogations sont nombreuses : * Faut-il sacrifier, comme cela s'est fait depuis dix ans, les moyens de la politique culturelle à l'extérieur au renforcement financier de ce qui est dans l'Hexagone ? N'oublions pas que si les crédits du Ministère de la Culture, grands travaux compris, ont plus que doublé en francs constants, ceux des Affaires étrangères relatifs à l'action culturelle ont reculé de moitié, alors que les budgets étaient équivalents en 1980. * Comment expliquer que la forte progression des crédits publics s'accompagne d'un affaiblissement inquiétant d'au moins trois secteurs : le cinéma, la chanson et le livre ? * Comment s'assurer que la nécessaire intervention des pouvoirs publics ne tourne pas à l'art officiel, accompagné de son cortège habituel d'erreurs, d'injus- tices et de courtisaneries ? * Comment assurer la démocratisation de la culture, alors que les chiffres récents des études sur les pratiques culturelles tournent à l'avantage des citoyens les plus favorisés ? * Comment mettre en place un véritable aménage- ment culturel du territoire, inverser les priorités consenties au profit de Paris et des grandes villes, sauvegarder les réseaux que sont les librairies, les salles de cinéma, les bibliothèques, développer l'emploi de proximité par la mise en valeur touristique de toutes les formes du Patrimoine culturel ? * Comment assurer à tous les enfants de France une éducation artistique par le livre, la musique, les arts plastiques et les métiers d'art, apprentissage sensible de la mémoire de la France, mais aussi élévation person- nelle par l'effort et la création ? * Comment, enfin, protéger nos industries cultu- relles, nos métiers d'art, nos traditions, nos valeurs quand les frontières tombent en Europe et que les pressions commerciales et politiques des Etats-Unis sont aussi graves pour la culture que pour l'agriculture ? * Plus généralement, le modèle français d'organisa- tion culturelle, reposant sur un concept très affirmé d'auteur et sur une interaction permanente et volontaire des pouvoirs publics et des agents privés, pourra-t-il subsister ?

C'est à toutes ces questions que les débats qui vous sont proposés ici devraient apporter quelques réponses. Par l'ouverture de ce dialogue, j'espère que « Culture d'en France » aura apporté sa contribution à la réalisa- tion d'un des objectifs les plus nobles de la politique : ouvrir à tous les portes du savoir et de la culture.

Dominique PERBEN Président de « Culture d'en France »

PROGRAMME DES RENCONTRES

Vendredi 29 janvier 1993

TRAVAUX EN COMMISSIONS

Début des travaux des commissions : — Commission Théâtre, présidée par Alain Chasta- gnol, Maire de Souillac, Conseiller régional, Délégué RPR à la Culture. — Commission Musique, présidée par Françoise de Panafieu, Député de Paris, adjoint au Maire de Paris chargé de la Culture et par Jacques Boyon, Ancien ministre, Député-Maire de Pont-d'Ain. — Commission Arts plastiques et Photographie, présidée par Yves-Marie Lehmann, adjoint au Maire de Dôle, Vice-Président du Conseil régional de Franche-Comté. — Commission Edition-Librairies-Bibliothèques, présidée par Vincent Brugère-Trélat, Conseiller régio- nal d'Ile-de-France. Commission Cinéma, présidée par Alain Cha- neaux, adjoint au Maire de Montbéliard, Vice-Prési- dent du Conseil régional de Franche-Comté. — Commission Patrimoine et Métiers d'art, prési- dée par J ean-Paul Hugot, Sénateur-Maire de Saumur. — Commission Enseignement Jeunesse, présidée par Armel Pecheul, Conseiller régional des Pays de Loire, Secrétaire national RPR pour l'Enseignement supé- rieur et par Jacques Taddeï, adjoint au Maire de Rueil- Malmaison. Déjeuner-débat animé par Dominique Perben, Prési- dent de « Culture d'en France » et Hubert Astier, Secrétaire général de « Culture d'en France ». Reprise des travaux des commissions. Fin des travaux des commissions.

Samedi 30 janvier 1993

SÉANCE PLÉNIÈRE

Intervention de Dominique Perben, Président de « Culture d'en France ». Intervention d'Alain Juppé, Secrétaire général du RPR. Table ronde « Création et Production », animée par , Député-Maire du XIII arrondisse- ment, Président du Haut Comité « Homme et So- ciété ». Jean-Jacques Beineix, Cinéaste. Yves Berger, Ecrivain, éditeur. Jean-Claude Carrière, Ecrivain et scénariste. Alain Chaneaux, Président de la commission Cinéma. Alain Chastagnol, Président de la commission Théâtre. Serge Eyrolles, Président du Syndicat national de l'édition. Jérôme Hulot, Président du Syndicat des directeurs de théâtres de Paris. Yves-Marie Lehmann, Président de la commission Arts plastiques. Alain Poiré, Président de la Chambre syndicale des producteurs. Jean Prodromidès, Membre de l'Institut, compositeur de musique. Jean-Manuel de Scarano, Président de la Chambre syndicale de l'édition musicale de France.

Table ronde « Diffusion et Patrimoine », animée par Alain Carignon, ancien Ministre, Maire de Grenoble, Président du Conseil général de l'Isère, Délégué général du RPR à l'Education, à la Formation et à la Culture. Vincent Brugère-Trélat, Président de la commission Edition. Jean-Claude Camus, Président du Syndicat des produc- teurs de spectacles. J ean de la Chauvinière, Vice-Président de « la Demeure historique ». Jean-Baptiste Daelman, Président de la Fédération française des syndicats de libraires. Michel Fugain, Artiste. Jean-Paul Hugot, Président de la commission Patri- moine. Jean Labé, Président de la Fédération nationale du cinéma français. Marcel Landowski, Secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts. Pierre Miquel, Historien, écrivain. Gilles Paire, Président du Syndicat national de l'édition phonographique. Armel Pecheul, Président de la commission Enseigne- ment Jeunesse. Jean-Claude Petit, Compositeur et chef d'orchestre. Philippe Sollers, Ecrivain. Etienne Vatelot, Maître luthier. Conclusion des travaux par , ancien Premier ministre, Député de la Corrèze, Maire de Paris. Déjeuner de clôture en présence de Jacques Chirac. TRAVAUX DES COMMISSIONS

THÉÂTRE Document préparatoire

Constat

Le théâtre privé

Les 48 théâtres privés français, dans leur quasi- totalité parisiens, attirent les trois-quarts du public français allant au théâtre (3,6 millions), et ils ne reçoivent d'aide publique qu'à hauteur de 10 F par spectateur alors que le secteur public reçoit 2 000 F par spectateur. Ils bénéficient d'un fonds de soutien, alimenté par une taxe parafiscale organisant une solidarité profes- sionnelle, et par des contributions de l'Etat et des collectivités locales. La stagnation du public, la forte hausse des coûts de production, la concurrence à Paris du théâtre privé par les nombreux théâtre publics subventionnés par la Ville ou l'Etat créent une situation financière grave pour près de la moitié des théâtres. Par ailleurs, les directeurs de théâtre, souvent loca- taires de leurs salles, sont obligés d'assurer les dépenses patrimoniales incombant normalement aux proprié- taires et contribuant ainsi à l'entretien du patrimoine parisien.

Théâtre public

La politique du théâtre public repose sur le réseau des théâtres nationaux, des scènes nationales et des compagnies indépendantes. Le rôle des collectivités locales y est de plus en plus grand, et le problème peut se poser d'une répartition des tâches entre l'Etat et les trois niveaux d'administra- tion territoriale. Le système du conventionnement pour les CDN, esquissé dès le début de la décentralisation dramatique, a été codifié en 1972 et légèrement modifié depuis. Se pose la question de sa réactualisation éventuelle.

Problèmes généraux C'est celui d'une réforme de l'ordonnance de 1945 sur les entreprises du spectacle et le problème de l'enseignement.

Propositions

• Il faut considérer sérieusement le problème que pose le théâtre privé parisien. Le fonds de soutien est une institution qui, de l'avis général, a bien fonctionné, renforçant la solidarité professionnelle. Ce fonds doit être renforcé financièrement par l'Etat et la Ville, dans des conditions à définir, permettant une meilleure sauvegarde du patrimoine et une intercon- nexion avec les théâtres publics. • En ce qui concerne le théâtre public, il faut revoir les conditions du conventionnement pour l'adapter à la situation nouvelle de la décentralisation. Peut-être pourrait-on envisager une procédure de conventionnement de certaines compagnies par les régions pour contribuer à l'animation en profondeur et à l'enseignement ? Les théâtres municipaux constituent un réseau important, bien implanté sur tout le territoire. Il faut les associer à l'effort national de création et de diffusion des œuvres théâtrales. • Enfin, l'interconnexion entre les grands réseaux de diffusion (théâtre privé, CDN, scènes nationales) doit pouvoir être développée très pragmatiquement, par le biais des co-productions et par le passage d'un secteur à l' autre des hommes et des œuvres.

THÉÂTRE Compte rendu des débats

Président : Alain Chastagnol Rapporteurs : Alexandra Schamis, Bernard Roux

L'ordre du jour prévoyait quatre points importants : le théâtre privé, le problème des comédiens et des autres artistes, le théâtre public et l'action culturelle, les problèmes généraux telle l'ordonnance sur les specta- cles. Si tous ont pu être abordés, certains furent traités plus rapidement par insuffisance de temps. Deux mots-clés résument les débats : — Rééquilibrages, — Stimulations.

Les rééquilibrages

Obéissant au souci de complémentarité et de clarté, ils concernent aussi bien les théâtres que les collectivités publiques. Les théâtres

Trois niveaux de complémentarité — vécus trop souvent comme des concurrences — ont été soulignés : — théâtre public et privé, — théâtre « adultes » et théâtre « jeunesse », — Paris et régions. Rééquilibrage financier du théâtre privé Le syndicat des Directeurs de théâtres privés regroupe 48 théâtres dont un seul implanté en province (Lyon). Ces 48 salles représentent 48 identités forgées dans un climat d'entière liberté et de prise de risques. Elles drainent 3,5 millions de spectateurs, soit 60 % de la fréquentation nationale du théâtre professionnel. Les théâtres privés ont découvert tous les grands auteurs dramatiques de ce siècle à l'exception de Henry de Montherlant. Certains accueillent des spectacles créés par des théâtres publics, et les théâtres municipaux reçoivent les tournées des pièces créées dans des théâtres privés. Ces complémentarités n'empêchent pas des distor- sions. L'ensemble du théâtre affronte la montée inéluc- table des coûts : les coûts humains, soit les deux tiers du coût total d'un spectacle, ne peuvent être réduits sensiblement sous peine de nier la notion de spectacle vivant (loi de Baumol) ; s'y ajoutent les coûts de la modernité (lumière, son, voix, image). Or le théâtre privé dispose essentiellement de la solidarité professionnelle concrétisée à travers le fonds de soutien du théâtre privé, alimenté par une taxe parafiscale, des subventions et des cotisations volon- taires (8 F par siège occupé). Une étude récente, commanditée par la SACD, portant sur l'ensemble des productions de l'année 1990, analyse les mécanismes de la solidarité exceptionnelle de ce milieu professionnel ; sans le fonds de soutien, aucune des salles de moins de 300 places ne pourrait survivre dans la mesure où les jauges les condamnent à un déficit structurel. Sans fonds de soutien, les salles moyennes seraient limitées dans leur capacité de création. Néanmoins, le fonds de soutien tire sur ses réserves car la courbe de ses recettes ne suit pas celle des coûts ; il est menacé d'explosion en cas de deux ou trois gros échecs ! C'est pourquoi les débats de la commission font apparaître la nécessité de doubler en deux ou trois ans les subventions des deux tutelles (Etat et Ville de Paris) qui passeraient de 30 à 60 millions. Il a été remarqué que l'association de soutien du théâtre privé constitue- rait ainsi un Centre dramatique national. Cette « bouf- fée d'oxygène » pourrait être réservée essentiellement à une aide à l'outil pour compenser la montée des charges fixes liées à l'entretien de murs dont les directeurs ne sont pas propriétaires, mais « conservateurs malgré eux ».

Rééquilibrage au profit du théâtre pour la jeunesse Le théâtre spécifique pour les jeunes publics doit être traité financièrement dans les mêmes conditions que l' ensemble du théâtre. Le rôle des scènes nationales est fondamental pour former les jeunes publics, accueillir des spectacles de qualité, faire circuler les productions des centres dramatiques nationaux pour l'enfance et la jeunesse. Ces derniers, étant traités à part avec les CDN, pourront abaisser leur prix de vente. Il convient de réfléchir aussi sur les conditions dans lesquelles se déroulent les spectacles donnés en milieu scolaire. L'équilibre Paris-Régions Paris représente un cas exceptionnel avec une bonne centaine de salles dont 48 privées ; Berlin compte 60 théâtres dont deux privés. Paris doit assurer son rôle de capitale culturelle mondiale. Le nécessaire rééquilibrage avec les régions passe par le bon fonctionnement d'un triple réseau : — Centres dramatiques nationaux, — Scènes nationales — Théâtres municipaux. S'il n'y a rien à changer au texte fondateur des CDN, pris en 1972, l'application doit en être plus suivie. S'il n'est pas interdit aux CDN de rechercher de temps à autre la consécration parisienne ou internationale, ils se doivent cependant de se consacrer essentiellement à leur ville et région d'implantation, ainsi qu'aux échanges interrégionaux dans le cadre d'une meilleure circulation des oeuvres. Les scènes nationales ont une responsabilité impor- tante dans cette volonté de mieux faire circuler les œuvres pour étendre les publics et amortir dans de meilleures conditions les œuvres proposées. Elles peu- vent être les chevilles-ouvrières de l'interconnexion des réseaux et de l'ouverture aux compagnies dramatiques, ceci dans le respect du professionnalisme. Les théâtres municipaux doivent être réhabilités, dès lors qu'ils ne sont pas des « garages », et qu'ils sont confiés à des professionnels. Mais une réflexion appro- fondie doit porter sur leur mode de gestion, associatif ou non, et sur leur connexion avec les autres réseaux sur la base d'un label accordé à un projet et non à des murs. Pour certains, ils peuvent servir d'appui au développe- ment des compagnies et d'actions de formation. REMERCIEMENTS

L'organisation de ces journées et la confection du présent ouvrage doivent beaucoup à l'équipe de « Culture d'en France » et à la collaboration du service technique, chargé de l'enregistrement à la Maison de la Chimie de Paris, ainsi qu'à Mesdames Nathalie Dioudonnat, Pierrette Ginane, France Guillemonat, Jeanne Le Provost, Dominique Martin-Saint- Léon, Alexandra Schamis, Armelle Tardy-J oubert et Mes- sieurs Henri Baile, Jean-François Chaintreau, Mikaël Ker- jean, Alain Labrette, Alexandre de Montesquiou, Gérard Poteau et Bernard Roux, chargés des comptes rendus des débats des commissions. La transcription et la mise au point des débats enregistrés a été menée à bien par Mesdames Maryline Baton, Marie- Christine Rami, Barbara Chabert, Caroline Courrières, Nathalie Dioudonnat et Monsieur Jean-François Chain- treau.