Cahiers d’études italiennes

Novecento... e dintorni 7 | 2008 Images littéraires de la société contemporaine (3) Images et formes de la littérature narrative italienne des années 1970 à nos jours

Alain Sarrabayrousse et Christophe Mileschi (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/cei/836 DOI : 10.4000/cei.836 ISSN : 2260-779X

Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes

Édition imprimée Date de publication : 15 mai 2008 ISBN : 978-2-84310-121-2 ISSN : 1770-9571

Référence électronique Alain Sarrabayrousse et Christophe Mileschi (dir.), Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008, « Images littéraires de la société contemporaine (3) » [En ligne], mis en ligne le 15 novembre 2009, consulté le 19 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/cei/836 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cei.836

Ce document a été généré automatiquement le 19 mars 2021.

© ELLUG 1

SOMMAIRE

Avant-propos Christophe Mileschi

Il rombo dall’«Emilia Paranoica». Altri libertini di Tondelli Matteo Giancotti

Meditazione sulla diversità e sulla «separatezza» in Camere separate di Pier Vittorio Tondelli Chantal Randoing

Invention de la différence et altérité absolue dans l’œuvre de Sebastiano Vassalli Lisa El Ghaoui

La religion juive ou la découverte de l’altérité dans La parola ebreo de Judith Lindenberg

La sorcière comme image de la différence dans La chimera de Vassalli Stefano Magni

La figure du juif dans La Storia d’ Sophie Nezri-Dufour

Fra differenza e identità microcosmo e ibridismo in alcuni romanzi di Tatiana Bisanti

Spazialità e nostos in La festa del ritorno di Carmine Abate Alfredo Luzi

L’île partagée. Géographies de la différence dans Passavamo sulla terra leggeri de Sergio Atzeni Matteo Meschiari

Images et formes de la différence identitaire et insulaire chez Margherita Marras

Quelles marginalités ? La recherche de la différence chez quelques écrivains à la charnière des XXe et XXIe siècles Pierre Laroche

Identità femminile e generazionale in In principio erano le mutande di Rossana Campo Peter Gahl

Dall’uguaglianza alla differenza e oltre romanzi-testimonianza di Lidia Ravera Hanna Serkowska

Il fascino della differenza nell’identità (in crisi) dello scrittore, del critico, dell’intellettuale. Bazlen, Debenedetti, Benjamin nella narrativa italiana 1983-(2001)-2004 Luciano Curreri

Gendarmes et voleurs à l’heure de la globalisation dans les romans noirs de Massimo Carlotto Lise Bossi

Éthique de la différence dans Il padre e lo straniero de Giancarlo De Cataldo Brigitte Le Gouez

«Sono storie d’amore e basta». Figure della differenza nella narrativa di Walter Siti Filippo Fonio

La narrativa lesbica italiana nel contesto europeo. Note al margine Eleonora Pinzuti

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 2

La rappresentazione della differenza. Il ritorno di Meg March nella letteratura scritta dalle donne Barbara Meazzi

The Evolution of the Theme of Sexual Difference as Revealed Through the Experience of Rape in ’s Una donna and ’s La lunga vita di Marianna Ucrìa Catherine Ramsey-Portolano

Le differenze culturali e la figura dell’immigrato in Benvenuti in questo ambiente di Carmen Covito Susanne Kleinert

Les Italiens et l’image du Maroc dans l’œuvre narrative de Younis Tawfik Isabelle Felici

Personnages migrants en quête d’intégration dans l’opulence milanaise des années 1980 Franco Manai

Sotto «un cielo straniero». Gli emigranti di laura pariani Vera Horn

L’iperattività dei «fannulloni» di Marco Lodoli Flavia Cartoni

Ventriloquie et best seller chez Margaret Mazzantini. La marginalité comme repoussoir Martine Bovo-Romoeuf

Regards croisés et jeux de miroirs. L’expérience originelle de la différence dans Fratelli, de Carmelo Samonà Isabelle Payet

La folie entre autobiographie et fiction. L’altra verità. Diario di una diversa d’ Flaviano Pisanelli

Clara Sereni, ovvero l’indecente differenza Gabriella De Angelis

L’umano e l’animale in Il pianeta irritabile di Andrea Inglese

Tra cavalli, elefanti, leopardi. Le «forme della differenza» nel bestiario dell’ultimo Moravia (1980-1990) Chiara Lombardi

Luoghi sub specie alteritatis. Giovanni Testori Silvia Giuliani

Le portrait et la catastrophe Claude Ambroise

Comptes rendus de lectures

Abravanel Nicole, Benoit-Roubinowitz Martine, Delmaire Danielle (éds), Histoire et conscience. Il y a soixante ans, l’ouverture des camps d’extermination, Actes des journées d’études de Lille-Amiens (31 janvier 2005 et 3 février 2005) Villeneuve d’Ascq, Édition du Conseil Scientifique de l’université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2007 Claudia Zudini

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 3

Arcangeli Massimo, Giovani scrittori, scritture giovani. Ribelli, sognatori, cannibali, bad girl Rome, Carocci, 2007 Claudia Zudini

Lazzarin Stefano, Colin Mariella (éds), La critique littéraire du XXe siècle en France et en Italie, Actes du colloque de Caen (30 mars-1er avril 2006) Caen, Presses universitaires de Caen, 2007 Claudia Zudini

Matard-Bonucci Marie-Anne, L’Italie fasciste et la persécution des juifs Paris, Perrin, 2007 Claudia Zudini

Vial Éric, De Capitani-Bertrand Patrizia, Mileschi Christophe (éds), Emilio Lussu (1890-1975). Politique, histoire, littérature et cinéma, Actes du colloque de Grenoble (25-26 février 2005) Grenoble, Publications de la MSH-Alpes, 2008 Claudia Zudini

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 4

Avant-propos

Christophe Mileschi

1 « Depuis la fin des mouvements de révolte des années 1970, et plus encore depuis la fin de la division du monde en deux blocs antagonistes, l’exaltation des différences (ethniques, religieuses, culturelles, sexuelles, etc.), s’appuyant sur une pluralité élargie de modèles de référence, semble une donnée constante des sociétés occidentales. À ce phénomène d’identification communautaire se superpose un autre phénomène, en apparence opposé : celui de la globalisation des échanges et de la diffusion presque instantanée de l’information, des communications, et de modes de comportement uniformes colportés par les médias.

2 Comme toutes les sociétés occidentales, la société italienne est confrontée à ce double mouvement, à la fois contradictoire sur le fond, et parfois complémentaire dans la forme. En outre, deux facteurs particuliers caractérisent notamment la situation italienne : la force historique des identités régionales et une immigration extérieure qui n’a vraiment débuté qu’au début des années 1980.

3 L’ensemble de ces données peut avoir contribué à une évolution de la représentation de la différence dans le domaine de la fiction, que cette différence soit interne, liée à la condition sociale, aux singularités régionales, aux questions religieuses, aux antagonismes générationnels, aux comportement sexuels, etc., ou externe, liée à l’image de l’étranger.

4 C’est de l’évolution de ces images et de ces formes de la différence qu’il sera question ici. Au-delà de l’aspect thématique, seront également abordées les questions purement narratives, avec notamment cette interrogation : certaines des tendances les plus actuelles de la littérature, dans leur expression parfois violente, rompant ou tentant de rompre avec les formes présentes ou passées, ne sont-elles pas la métaphore simultanée d’une volonté de différence et d’un rejet de la différence ? »

5 C’est ainsi qu’Alain Sarrabayrouse décrivait, quand il n’existait encore que dans son désir, le projet qui a abouti au présent ouvrage. Alain n’aura pas pu mener à bien lui- même cette publication, à laquelle il attachait, comme à tout ce qu’il entreprenait au service d’une communauté, une grande importance. La maladie et la mort en ont décidé autrement, qui l’ont emporté, après des mois d’une lutte opiniâtre, le 19 juillet 2007. De

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 5

mon mieux, animé de l’amour que j’avais pour lui, j’ai fait en sorte que ce livre paraisse. En son honneur. À sa mémoire. Et parce qu’il n’aurait pas voulu que celles et ceux à qui son appel avait donné envie d’écrire voient leur texte se fâner dans un tiroir. Parce que, aussi, la mort est la différence absolue, l’inassimilable altro da noi, devant quoi toute autre différence devrait, dans le monde fraternel auquel Alain œuvrait, s’effacer, pour laisser place à une solidarité sans conditions entre mortels.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 6

Il rombo dall’«Emilia Paranoica». Altri libertini* di Tondelli

Matteo Giancotti

1 È un dato acquisito, per merito di molti lettori di Tondelli, che la cifra violenta condensata da Altri libertini sia frutto di una reazione ad un contesto sociale e culturale inibente nei confronti della vita, claustrofobico: da vari racconti affiora nettamente l’idiosincrasia che oppone i personaggi – e lo stesso autore – alle piccole patrie-prigione di Reggio Emilia, Correggio, Modena, Parma. Persino il titolo manifesta con poche possibilità di fraintendimento la dimensione fondante dell’«alterità», della differenza rispetto alle coordinate dell’ordinario1. Alcuni critici dell’epoca hanno sospettato della sincerità di questa esibita differenza, ritenendola un motivo di passaggio, un successo estemporaneo creato ad arte. Se, contrariamente a questi giudizi-previsioni, Altri libertini può essere ritenuto ora una pietra miliare della letteratura italiana degli ultimi trent’anni oltre che base di un suo rinnovamento, ciò si deve alla compattezza dei temi, alla emblematica effigie di certi eroi o anti-eroi del libro, alla solida tenuta di lingua e stile. La loro violenza non è moda, e non è solo un fatto di costume: è azione linguistica.

2 È una necessità di spazio, in primo luogo, a manifestarsi come reazione alla provincia2. Se le piccole cittadine dell’Emilia fanno mancare il respiro e pesano, con l’aria densa di nebbia e moralità, sulla vita di giovani che fremono perché sentono di non essere più destinati alla permanenza eterna entro i patrii confini, il bisogno di alterità si configura innanzitutto come necessità di dilatare lo spazio, allargarlo, modificarlo. In mancanza d’altro, in mancanza di viaggi o di reali possibilità di evasione, è la droga a dilatare lo spazio della consuetudine. Così, nel primo racconto della raccolta, Postoristoro, la droga deforma la prospettiva dello squallido scenario di una stazione in cui Giusy vive giorni di degrado: ne avrebbero da raccontare quelle mura screpolate, storie di sbronze maciullate e violenze e pestaggi e paranoie durate giorni interi senza mangiare senza pisciare, accartocciato nell’angolo, stretto nel giubbotto che pareva di vedere la gente volare dalla vetrata del corridoio e i treni sfrecciavano come fulmini squarciando il silenzio del trip e come s’allungavano i muri intorno e come stridevano le chiacchiere dell’assistente che era arrivata a prelevarlo […]. (pp. 10-11)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 7

3 Il luogo, l’ostilità circostante e le condizioni psico-fisiche avviliscono e mortificano (infatti Giusy si ritrae in se stesso, s’accartoccia nel più piccolo spazio possibile); il trip prodotto dall’effetto delle sostanze introduce elementi di stupore, sensibilmente resi dallo stile che da un grumo di torpore e appannamento riesce a far risaltare lo squarcio quasi metafisico del passaggio di un treno, lo straniamento dei rumori, la distorsione della vista nella percezione dei soliti movimenti. La droga muta rapidamente l’umore, lo inverte addirittura, e trapassa il protagonista di Senso contrario da un lato all’altro degli «schieramenti cittadini»: dalla paranoia borghese e dai timori per l’illecito alla noncuranza, alla libertà della sensazione che prelude ad una contemplazione finalmente libera di una Reggio altrimenti cruda e monotona. Ruby, il compagno del protagonista, ha appena estratto da un nascondiglio una gran quantità di droga: «la fifa al culo si fa sempre più impellente e arriva un battito di paranoia, subito volato via non appena si scalda il fumo e l’odore è proprio buono» (pp. 133-134). Solo dopo il fumo lo sguardo si fa sereno («Guardo tranquillamente fuori dal finestrino») e la vista dall’alto di Reggio e dei monti circostanti è dolce agli occhi ed evoca persino un ricordo felice d’infanzia: La sera è limpida e tirata a lucido e stringendo gli occhi è possibile vedere lontano giù fino a Reggio con le sue luci gialle e azzurre e in fondo, dalla parte opposta, la sequenza gradevole delle montagne una a ridosso dell’altra come s’ingroppassero e anche se ormai è notte si distingue il vertice del Cusna e il Ventasso e il Cavalbianco che bambino scorrazzavo in lungo e in largo perché amavo la montagna e soprattutto quella poca libertà che però sembrava allora tanta tanta, più di così non se ne può. (pp. 134-135)

4 Il motivo dell’altezza come alterità si ripete significativamente in un altro racconto, Mimi e istrioni, con accenti che rendono ancora più esplicita la necessità di una distanza – pur minima – dalla paranoica pianura padana. È la Pia, una del quartetto delle «Splash», a parlare delle inquiete peregrinazioni del gruppo che trovano momentanea pace nello scenario dei colli: sfuma il giro delle birrerie ma poi se ne trova un’altra vicino al Fini dove s’attende l’estate, insomma ci svacchiamo su quelle botti per un altro mese finché non viene la buona stagione per tornare in collina, sopra Reggio, in quei ristorantini ammodernati che dominano la pianura e da cui anche la nostra città persa là in fondo tra le volute di vapore e le luci sembra pressoché bella e vivibile. (p. 63)

5 Anche in Autobahn la depressione che insorge a Correggio può essere lenita da un mutamento di prospettiva nell’orizzonte geografico. Basta infatti al protagonista orientare la Cinquecento verso il grande Nord, verso Amsterdam, cioè infilare il mezzo in quella specie di autostrada dei miracoli che da Carpi porta all’agognato altrove tondelliano, per respirare aria diversa e non infestata dagli spettri dei concittadini correggesi. Propedeutica alla catarsi del viaggio è la massiccia assunzione di alcool che modifica i confini interiori prima di quelli fisici.

6 Fuori di casa (nonostante l’ambivalenza del sentimento che lega Tondelli alle proprie radici3) si realizza l’idillio tondelliano. Due emblematiche occasioni di valorizzazione del viaggio emergono dal racconto omonimo (Viaggio), che non è il resoconto di una singola trasferta ma il tracciato di un atteggiamento esistenziale che interpreta la vita come viaggio ininterrotto (e non sempre entusiasta, benché necessario), sia in senso fisico che interiore. Ad Amsterdam, durante il primo grande ‘sconfino’ che segue gli esami di maturità, una liberatoria pienezza invade la mente e soprattutto il corpo, che si apre al mondo senza inibizioni, quasi fiorisce nell’eros spontaneo e nella disarmata

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 8

confessione del protagonista: «Gigi che dice che sono proprio un finocchio nato e sputato e io gli dico di sì, che la mia voglia di stare con la gente è davvero voglia e che non ci posso fare un cazzo se mi tira con tutti» (p. 84).

7 L’Europa del Nord, grande mito tondelliano, è un mondo radicalmente diverso da quello italiano che rimane implicitamente situato in un limbo infame rispetto alle due polarità contrapposte, ma ugualmente esaltanti, della realtà nordica: «un’Europa diplomatica e veloce, un terzomondo cencioso e disperato e commovente come i ragazzi che vivacchiano alle Galeries Saint Hubert o alla Gare du Midi» (p. 71). Si scoprono al Nord «la birra, il sesso, les trous» (p. 69), in mezzo a un miscuglio di razze in cui riesce persino di sentirsi con orgoglio italiani, se si è amati e riconosciuti con affetto dalla gente: «e noi stiamo bene a sentirci italiani e ne siamo anche fieri e orgogliosi che capiamo che questi legami qui sono nati tra la gente che lavora mica trattati a tavolino da diplomatici o ministri del cazzo, che di loro ci vergognamo sì, altroché» (p. 78). Il riconoscimento della propria identità avviene lontano da casa, attraverso un lavacro- immersione nel caotico intrico etnico di un quartiere di Bruxelles, Les Marolles, «vecchio e bellissimo quartiere, però malsano e trasandato» (p. 76). Correggio, per contro, in uno degli episodici ritorni, si rivela «tutta una morte civile ed erotica e intellettuale e desiderante» (p. 124). Perfetta aderenza di emozioni e stile, invece, in una delle più incisive clausole del libro, al momento di imprimere sulla limpida lastra della memoria il viaggio in Marocco con Danilo; la frenetica sequela di frasi a polisindeto si allenta in un dettato sereno e pausato, i colori si rassodano intorno a tonalità basilari, senza bisogno di sfumature (è il correlativo tonale della pienezza del sentimento); per esprimere la potenza dell’amore c’è solo la tautologia: vuole assolutamente che ci prendiamo una vacanza in Marocco, insiste, e la mattina del ventun maggio io do l’esame, la sera lui termina le registrazioni, il ventidue siamo a Roma, prendiamo il charter e la mattina ci svegliamo che fa caldo, il sole è giallo, il mare è blu, il nostro orgasmo, sul tappeto, è proprio un orgasmo. (p. 99)

8 Trasferendosi in personaggi che realizzano esistenzialmente una spinta o una necessaria condizione di alterità, Tondelli dà forma narrativa alla propria vocazione alla differenza rispetto all’ordine costituito («sono storie di altri che io ho scritto con il desiderio di viverle»4). In Postoristoro l’opposizione all’ordine non potrebbe essere più netta. Le luci della degradata stazione non sono quelle di una ribalta (lo sottolinea con ghigno sarcastico una similitudine inattendibile: «nel grande atrio, stasera, il vocio scalpicciante è insistente come nel foyer di un granteatro», p. 10) ma quelle gelide di un teatro anatomico dove si seziona la bestialità umana e l’assenza di una qualsiasi morale. Per fondersi più compiutamente nel clima generale di abiezione in cui sono calati i personaggi, il narratore regredisce verghianamente al loro livello, alla rudimentalità dei loro valori collettivi (in questo modo lo stacco col mondo esterno sarà più profondo, così che la realtà del Posto Ristoro si costituisce, anche narrativamente, come totalmente autonoma, in balia di se stessa): [la Vanina] È gonfia e grassa e ha la pelle brufolosa e tanti puntineri che la sfigurano e altre eruzioni rosse su tutto il viso e il collo piagato da una feroce scottatura d’olio bollente che lei dice è stata una disgrazia, ma al postoristoro tutti sanno da quali braccia piovono le disgrazie. (p. 14; corsivo mio).

9 L’icastica correzione dell’affermazione di Vanina – che richiama immediatamente uno stilema tipico del Verga dei Malavoglia – pronunciata dal narratore che parla a nome della saputa collettività del Posto Ristoro, è una delle dimostrazioni più immediate del «verismo allucinato»5 che informa il primo racconto del libro. Paradossalmente, in

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 9

questo mondo altro rispetto a quello dell’ordine borghese e produttivo, si danno riconoscimenti d’identità, anche a partire dalla interpretazione di «valori» (sedimenti di esperienza assurti a valori) collettivi espressi dalla voce narrante. Giusy, infatti, pur sapendo di vivere «nel sangue e nella merda» (p. 34) è conscio di non poter/voler lasciare il Postoristoro covo di puttane, tossici e spacciatori: «per quanto lontano lui andasse ora, non saprebbe rinunciare al Posto Ristoro, vi tornerebbe al primo pasticcio» (p. 17). Un barlume di affettività, capovolta rispetto ai valori tradizionali in vigore fuori dalla zona quasi franca del posto ristoro, ma è pur sempre attaccamento a dei contorni in un certo senso familiari (potenzialmente blasfemi nei confronti della canonica idea di famiglia). Del resto l’orgoglio di Giusy per la propria «vita spericolata» emerge non solo nell’epica chiusura del racconto, degna di un film («Giusy si avvia barcollando verso casa. Quasi mattino. La prossima notte tornerà al Posto Ristoro come sempre…», p. 34), ma anche nella rigida resistenza del personaggio alle avances dell’assistente sociale che gli fa balenare davanti la lucentezza di una vita «normale», che suona alle sue orecchie come una fastidiosa eco di sirene stonate: «tu farai e tu vivrai e sei giovane e vincerai e conoscerai la via, chi lo poteva sopportare quel borbottio imbecille, fatti i cazzi tuoi» (p. 11). Nella differenza Giusy ha trovato gli stracci di un’identità6.

10 Buona parte delle dinamiche di differenziazione/riconoscimento del sé passano in Altri libertini attraverso la narrazione delle esperienze del corpo. Conta certamente il libertinaggio annunciato dal titolo, ma non solo come ricerca della liberazione attraverso «un godimento disinibito»7. Il corpo è l’involucro che contiene l’individualità e in Altri libertini esso ha spesso la necessità di espandersi, di dilatarsi nello spazio e verso gli altri corpi circostanti: il libertinaggio sistematico, esattamente definito «the random play of desire»8, aiuta a confondere la propria individualità nel mondo, o a dissolverla. L’uso e il consumo del proprio corpo è una forma di conoscenza: una risposta ai canoni della reclusa identità provinciale; si realizza spesso nel dolore, nella «disperazione inspiegabile» o attraverso una ribelle «umiliazione del corpo»9. I buchi dell’eroina, l’ingurgitazione a fondo perduto dell’alcool sono atti di violenza nei confronti del corpo, in definitiva nei confronti di un io che di per sé, nella limitatezza dei propri confini fisici, non basta alla vita. Così è del sesso, la cui spinta primaria è positiva, ma la cui pratica compulsiva è a tratti tanto un desiderio di annientamento che un manifesto di disprezzo per il proprio corpo; vale a proposito il gelido espressionismo di un rapporto casuale consumato in treno, nella ritirata di una squallida carrozza, dove ogni dettaglio è osceno «come sotto il tavolo di un chirurgo» e la meccanica violenza corrisponde alla devastazione definitiva di un amore perduto («penso a Dilo, caro Dilo ora sì che t’ho fatto finire», Viaggio, p. 130). Non affiora spesso il piacere del libertinaggio; non, perlomeno, nella significativa sequenza del primo approccio omosessuale del protagonista di Viaggio, una «marchetta» consumata per reazione e come dimostrativa affermazione di un’identità da costruire, più mentalmente che con immediatezza, per contrasto ai valori prestabiliti: Un uomo sui trenta si avvicina e guardandomi fa camman girando appena la testa. La scuoto anch’io imbarazzato in un no. Gigi ridacchia dicendomi del finocchio. Allora mi alzo, raggiungo alle spalle l’uomo, lo sfioro sul braccio “Yeah, but where to ?” e lui sorride e mezz’ora dopo entro al Thermos I in Raamstraat che è una sauna affollata come una piazza nel giorno di mercato. (p. 80)

11 Bisogna forse ricordare come per Tondelli il corpo, involucro voluminoso della spiritualità, sia sempre stato fattore di impedimento, di vergognosa individuazione:

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 10

Io mi vergognavo. Il mio corpo l’avrei bruciato e arrostito, lo vedevo corrompersi ogni giorno […] Non ero proprio complessato ma terribilmente disturbato di avere un corpo. Lo sopportavo appena. Non ci giocavo mai. Tutto per me era interiorità, invisibilità, spiritualità. Tutto era per me, in fondo, una grande autodistruzione10.

12 Dalla complessa dialettica tra io e mondo, giocata anche sul piano fisico, l’armonia della sintesi risulta di rado. Il tentativo di con-fusione in altri corpi, in entità duali o corali, per sfuggire all’umiliante individuazione, è narrato in Senso contrario. Dopo una scorribanda in macchina intorno a Reggio, il protagonista si immerge nel sesso con i due compagni d’avventura. Riemerge però nel cuore della notte con il carico di una nauseante solitudine, non elusa nel libertinaggio ma scavata ancor più profondamente da una notte di inutili eccessi: «Sento come mi fosse improvvisamente cresciuto dentro un vuoto enorme» (p. 143). Una simile dinamica di fusione nella coralità e riemersione individuale si può scorgere nell’andamento narrativo di Mimi e istrioni, dove la voce narrante della Pia si presta a un dilagante racconto che esprime il disordine e la caoticità delle esperienze delle quattro Splash che si sommano in un solo, molteplice punto di vista. A tratti, in un modo che ricorda l’intermittente affermazione d’identità dello speaker nel flusso delle onde radio (si ricordi che le Splash sono attive anche in una radio libera), la Pia riemerge come individualità narrante o emittente: «ci sfracellano di botte e io, che son la Pia, penso a tagliare la corda» (p. 37); «Nello stesso periodo la Nanni si licenzia da segretaria nello studio di un notaio finocchio e viene ad abitare con me, che son sempre la Pia, perché la quarta Splash, Benny, va con un uomo di Milano e per me, la Pia, l’affitto da sola è troppo…» (p. 44; corsivi miei)11.

13 Non va del resto dimenticato che il fondo di disperazione esistenziale affiorante nei racconti è spesso stemperato dall’ironia (Mimi e istrioni, Altri libertini), da una comicità consunstanziale alla silhouette dei personaggi (Autobahn) e alla loro infelicità, che a tratti dà l’impressione di salvare loro la vita. Il comico può servire anche, però, ad esarcebare con un ghigno alla Céline le situazioni più disperate e assurdamente negative (Postoristoro, Viaggio).

14 Non meno che nei temi, la rottura dei codici in cui si concretizza l’aspirazione alla differenza di Altri libertini trova una coerente realizzazione sul piano stilistico e linguistico12. Come a livello tematico è rilevante la scelta di eleggere a protagonisti scenari e personaggi di realtà altre rispetto a quelle cristallizzate dalla norma (omosessualità in testa: in Viaggio si giunge all’esaltazione della «gran bella tribù», di una identità fieramente contrapposta al resto del mondo: «noi che siamo la razza più bella», p. 116), così la tecnica del foregrounding13 è valida anche per situazioni e dettagli scabrosi: con questa intenzione è oscenamente ingrandita la sequenza di Postoristoro in cui Bibo, in preda ad una crisi di astinenza, viene masturbato da Giusy che tenta di rimediare nel suo corpo una vena buona per l’iniezione di eroina; così si può dire della pagina in cui la Pia di Mimi e istrioni accoglie sulla porta di casa un eroinomane di cui è innamorata (Tony), che sembra provenire direttamente, come se avesse scavalcato il confine tra un racconto e l’altro, da Postoristoro: Una notte arriva verso le tre […] con gli occhi sbalzati fuori che gli pendono come due tette e ha una voce scatarrosa che nemmeno carondimonio, e la saliva secca e oscena attorno ai labbroni screpolati, insomma una cosa da far spavento e infatti noi due ci spaventiamo finché non lo si riconosce per il Tony e lui sviene, così, nel pieno del riconoscimento come a teatro. Lo butto allora nella vasca e gli faccio una doccia e un po’mi fa schifo perché ci ha due mutande una sull’altra per ripararsi dal freddo povero piccolo con tutta la sua grincia appiccicata su […] e puzza, a ogni strato che gli sollevo puzza sempre di più e ci ha anche delle croste gialle sotto le

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 11

ascelle e le braccia diomio secche e contorte che sembran i rami della croce di Gesù. (p. 46)

15 Altri libertini non può essere giudicata un’opera di oscenità gratuita poiché il suo autore vi dispiega un impegno maggiore a quello strettamente necessario ad una provocazione. Il riferimento ad altre arti, in particolare, moltiplica le sfaccettature di ogni immagine arricchendola simultaneamente di percezioni soprattutto visive e uditive. Una compenetrazione di vari ambiti percettivi risulta da un passo di Senso contrario: «la carcassa della seicento traballa come c’avesse la scossa su per tornanti di ghiaia. Dura poco, alla fine le nostre gomme scricchiolano neorealisticamente sulla piazzola di sosta» (p. 135). L’impressione sonora delle vibrazioni subite dall’auto è data dal potenziale fonosimbolico (oltre che semantico) di TRabaLLa che agisce con maggiore efficacia su un telaio che immaginiamo particolarmente instabile in seguito alla definizione metaforica di carcassa. Così la valenza onomatopeica di scricchiolano, riferito alle gomme, salta su dalla pagina come l’effetto audio di un film, dopo che un solo avverbio (neorealisticamente) ha spalancato una molteplicità di possibili riferimenti ad un certo leggendario cinema italiano e a innumerevoli frenate di auto da esso immortalate. I richiami ad altre arti, dal fumetto alla musica al cinema al teatro, non sono dunque intarsi citazionisti ma elementi dell’azione stilistica di Altri libertini, la cui fisionomia complessiva ottiene infine di «transgress the boundaries between the various arts and their accepted modes of expression»14. In Autobahn, per esempio, l’evocazione ritmica del reggae è radicata nell’espressività dell’immagine, poiché si fonde nel ritmo indiavolato della corsa in macchina e nella fisicità liberatoria della guida; ciò avviene attraverso l’estensione analogico-comparativa istituita tra la tavoletta dell’acceleratore e il pedale di un’immaginaria batteria: «metto una marcia più forte dell’altra e pesto l’acceleratore come la tavoletta della batteria e infatti ci canto sopra un bel reggae, di quelli sdiavolati e vado forte sulla strada» (p. 180; corsivo mio). Anche un fattore apparentemente superficiale e di consumo, come l’uso sistematico delle interiezioni onomatopeiche da fumetto o di effetti da cartoon, è da considerare con attenzione. In Senso contrario la rocambolesca discesa in seicento dai colli verso Reggio (p. 138-141), che termina con la fuga in pianura davanti all’auto dei Vigilantes, è tutta un’eruzione di WOOOOWWWWW, aaaggghhh, scrasch scrasch, BUUUUM ! che non commentano l’azione ma ne sono parte integrante. Nella sequenza, fondamentale è anche l’effetto deformante delle immagini cartoonistiche che incrementano in modo «pop» la componente emotiva e figurano, per iperbole, la formidabile pressione a cui il terzetto in fuga sottopone il mezzo meccanico: «Ruby […] ficca dentro la terza, un’impennata, tutto un rumore e vibrazioni e grancasino che la carcassa sembra dovere fare splut splut da un istante all’altro» (p. 138); «Ruby finge di arrestarsi, scala in seconda, il motore ha un’impennata da scalzarci fuori, la lamiera tossisce» (p. 139); «e lui [Lucio] grida mettetemi giù mettetemi giù, neanche c’avessimo il seggiolino volante, povero idiota» (p. 140). Così Tondelli crea un innovativo espressionimo pop (si ripensi a Tony «con gli occhi sbalzati fuori che gli pendono come due tette», p. 46). È da tacere per evidenza, d’altro canto, sulle bestemmie che costellano il testo e il parlato dei protagonisti dei racconti: è questo lo schiaffo esteriormente più potente affibbiato ai benpensanti, e poco vale tentare di stabilire per che quota quella rabbia sia da ritenere «autentica» e immediata15.

16 La lingua di Altri libertini contiene i fermenti di una notevole componente espressionistica. Anch’essa convoglia sulla pagina la volontà di uno scarto rispetto ad una norma, l’inseguimento di un’alterità espressiva e lo sfogo di una rabbiosa energia.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 12

Ne risulta investita, come da definizione16, soprattutto l’area del verbo. Molti sono i verbi che suggeriscono un surplus di azione, una stravolgente iniezione dinamica in un gesto, a modificarne in senso connotativo la normale esecuzione e postura: «scrocia d’un tratto in un blocco volante della polizia» (p. 112, «incrocia, s’imbatte»); «sluma verso la dispensa» (p. 75, «adocchia», gergale); «che sssssssbausciata dell’ego» (p. 57, «sbausciate infine due birrette», p. 179, «bevute, sbavate», voce lombarda); «un bel reggae, di quelli sdiavolati» (participio notevole perché modifica col prefisso s- un indiavolati ritenuto troppo comune e perciò innocuo a livello espressivo; ancora riguardo al participio è da segnalare la singolare forma «drunkato», p. 99, coniata a partire dall’inglese drunk); «spolmonare quel che ho dentro» (p. 67; sputare fuori attraverso la folle corsa in auto, nella ricerca dello sfinimento); «svaporare in silenzio il nervoso» (p. 27 notevole per la pressione sul verbo che da intransitivo passa a transitivo, come anche in «questo sisma che mi traballa le budella», p. 115, dove è potente l’effetto fonico della quasi rima); «la slavano di sperma» (p. 23); «srugginarsi» (p. 194). Frequente, come si può notare, l’uso del prefisso s- di cui si sfrutta a fondo la carica intensiva o di violenza separativa17, di strappo o di disfacimento (come nel sintagma allitterante «sono scoppiato sfatto», p. 125; o in quello, fortemente dispregiativo, «smerdo del pantano», p. 165; o, ancora, in «checca sfranta», p. 19). Nelle dinamiche verbali agisce la propensione di Tondelli alla creazione di neologismi, tra i quali si leva per efficacia il parasintetico «imperplessato» (p. 188). Anche «pensierare» (p. 67), denominale da pensiero, esprime qualcosa di diverso dall’ordinario pensare, qualcosa che assomiglia a un incessante «macinare pensieri» (tra le formazioni denominali vanno registrati inoltre un divertito «nottambuliamo», p. 125, un effeminato «cicalare», p. 164, un duro e grezzo «manovalano», p. 24, un «vanverare», p. 42, uno «scasina», p. 29, che vale circa «armeggia»). Di pregnanza fonosimbolica e figurativa il verbo tacca (denominale da tacco) usato nella frase «Il giorno dopo è proprio la Vigilia e la gente tacca il portico con su i fagottini colorati di porcherie» (p. 170; interessante il rapporto transitivo, immediato, tra verbo e oggetto; certo più irregolare ed espressivo rispetto a un ipotetico tacca sul portico): in quel sintagma è tutta l’isterica frenesia del Natale, che trova un adeguato supporto sonoro nell’allitterazione (di una mimesi non realistica ma deformante e caricaturale) in c velare. Tra i neologismi coniati in Altri libertini un posto di rilievo occupano, com’è noto, quelli formati per crasi di lessemi, del tipo «enzobiagi» (p. 170; metonimia mercificante per i volumi del giornalista venduti in quantità a Natale); ma non è da sottovalutare la carica espressionistica di certi nomi con suffisso dispregiativo («cucitaglia» per lavori da cucito, p. 10) o generizzante («indianerie» per chincaglieria di tipo orientale, p. 38). Nello stesso tempo l’impasto disomogeneo di registri e stili, con forti sbalzi dall’alto al basso (o, sul piano emotivo, dall’estrema violenza al più dolce e adolescenziale sentimentalismo, anche nella stessa frase), costituisce il correlativo linguistico di un deciso rifiuto ad omologarsi e uniformarsi alle grige regole del vivere adulto.

17 Due figure emblematiche dell’espressionismo tondelliano, per concludere. La prima si trova in Mimi e istrioni e rappresenta l’inizio di una rissa tra donne: «l’altra sberla uno schiaffo che la colpisce in pieno» (p. 42). L’effetto dell’invenzione è di reduplicare la potenza del colpo, ribattuto (sul piano della rappresentazione) in due sedi, dal verbo – di cui è palese la derivazione denominale dal sostantivo sberla – al complemento oggetto schiaffo; entrambi, verbo e sostantivo, sfruttano la forza dirompente del prefisso s-. L’altra, da Postoristoro, s’incide nella mente del lettore come il ricordo di una figura distorta, fissata nell’attimo di un movimento tra l’animale e l’umano degenere. È

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 13

una specie di ritratto di Giusy eseguito con tecnica cubista, di un eroinomane appollaiato sullo sgabello di un bar della stazione, sprofondato nel torpore biologico della dose appena iniettata: «Si sente toccare a una spalla. Alza ruttando la testa» (p. 30). L’iperbato che separa il verbo alza dal suo complemento oggetto testa attraverso l’inserzione del gerundio ruttando ha l’effetto di incorporare nel gesto principale un secondo gesto simultaneo al primo e prorompente in modo non intenzionale. In questo ritratto anticonvenzionale, ma non superficiale, non macchiettistico, è l’emblema della differenza che separa Giusy dal mondo della provincia.

18 Con queste armi stilistiche Tondelli tenta di aprire una breccia nella cappa dell’«Emilia Paranoica». Qualche anno dopo, traducendo in musica anche le sue esperienze o, se non altro, un clima ormai maturo di ribellione e satura insofferenza per la vita di provincia, i Cccp di Massimo Zamboni e Giovanni Lindo Ferretti daranno un titolo, un sound e una legittimazione post litteram a quelle intense atmosfere 18. Il post-punk allucinato, lancinante e disgregato di Emilia Paranoica (1984) potrà contare però, oltre che sulle liriche di Ferretti, di per sé non sufficienti (com’è naturale in una canzone), su strumenti più dirompenti e istintivi per l’espressione della differenza rispetto all’ordine costituito: chitarre, basso, batteria.

NOTE

*. Pubblicato da Feltrinelli nel gennaio 1980, il libro fu sequestrato in marzo per oscenità, su ordinanza del Procuratore Generale dell’Aquila, Donato Massimo Bartolomei. Autore ed editore furono assolti nel 1981, con formula piena, alla fine del processo di Mondovì. Si cita dall’edizione Feltrinelli 1987, con la sola indicazione del numero di pagina. 1. Cf. A. Tagliaferri, «Sul motore tirato al massimo», Panta, 9, 1992, p. 14. 2. Enrico Palandri ha parlato, per i personaggi di Altri libertini, di una «necessità di fuga»: «C’è sempre qualcuno che li bracca […]. Qualcosa che costringe a nascondersi e alla fine a fuggire» (Pier V. Tondelli e la generazione, Roma-Bari, Laterza, 2005, p. 16). 3. «In Altri libertini Correggio è eletta appunto al rango di centrale dei “sedentari”, dei nemici implacabili del desiderio, e tuttavia l’alter ego dell’autore vi sembra ciclicamente attirato da un richiamo che, compiute le fughe rituali con il motore “tirato al massimo”, lo restituisce all’ovile, verso il quale Tondelli nutre sentimenti fortemente ambivalenti». A. Tagliaferri, «Sul motore…», op. cit., p. 15. 4. P. V. Tondelli, «Il mestiere di scrittore. Conversazioni con Fulvio Panzeri», in Opere. Cronache, saggi, conversazioni, a cura di F. Panzeri, Milano, Bompiani, 2001, p. 974. 5. E. Palandri, «Altra Italia», Panta, 9, 1992, p. 18. 6. «The outcasts […] in their extreme precariousness still form something apparently cohesive, the “society” shaped by the weather, by the season of the year and, above all, by the night». D. Zancani, «Pier Vittorio Tondelli. The calm after the storm», in The new italian novel, ed. Z. G. Baranski e L. Pertile, Edinburgh University Press, 1993, p. 221. 7. A. Tagliaferri, «Sul motore…», op. cit., p. 14. 8. J. Burns, «Code-breaking: The demands of interpretation in the work of Pier Vittorio Tondelli», The Italianist, 20, 2000, p. 260.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 14

9. E. Palandri, «Altra Italia», op. cit., pp. 18 e 24. 10. Rievocazione degli anni universitari; testo inedito citato nella Cronologia di P. V. Tondelli, Opere. Romanzi, teatro, racconti, Milano, Bompiani, 2000, pp. XXXVI-XXXVII. 11. Di «co-dependency between identification and difference» nella narrativa di Tondelli ha parlato esattamente Jennifer Burns, «Code-breaking...», op. cit., p. 255. 12. «Nel suo libro d’esordio, Altri libertini (1980), la predominante modalità del monologo interiore s’affida ad un impasto di imprecazioni, elementi di incomposta oralità, voci gergali, forestierismi, mimetismi fonici e materiali provenienti sia dalla cultura dei mezzi di comunicazione di massa che dalla cultura “alta”. Il risultato estremo di questa procedura accumulativa è un’affabulazione esistenziale senza requie e senza freni, un flusso discorsivo in cui l’emotività dello sguardo e della scena ha per sua unica risorsa un uso protratto (e, in realtà, assai poco orale) della paratassi polisindetica» (E. Testa, Lo stile semplice. Discorso e romanzo, Torino, Einaudi, 1997, p. 345). Per un inventario della lingua «eversiva» del primo Tondelli, vedi D. Zancani, «Pier Vittorio Tondelli e le strutture linguistiche di ‘Altri libertini’», in I tempi del rinnovamento. Atti del convegno internazionale (Leuven-Louvain-la-Neuve-Namur-Bruxelles, 3-8 maggio 1993), Roma, Bulzoni, 1995, vol. I, pp. 739-754. 13. J. Burns, «Code-breaking…», op. cit., p. 257. 14. Ivi, p. 258. 15. Tagliaferri, l’editore che guidò Tondelli nella riscrittura del suo libro d’esordio (romanzo molto ampio, in un primo tempo, poi smembrato e ricucito rapidamente in sei racconti), ci informa che «nella prima stesura del testo le bestemmie, più numerose di quanto oggi appaiano, furono oggetto di una potatura redazionale che, accettata dall’autore obtorto collo, non risultò sufficiente; ciò contribuì a mettere in moto il procedimento giudiziario contro il romanzo» («Sul motore…», op. cit., p. 16). Nel ’91, anno della morte, Tondelli si preoccupò di diminuire l’impatto violento delle bestemmie sfoltendo la loro quantità nei primi due racconti, Postoristoro e Viaggio (cf. F. Panzeri, «Note ai testi», in P. V. Tondelli, Opere. Romanzi, teatro, racconti, op. cit., p. 1135). 16. «L’inclusione del tempo come dimensione spaziale […] potrà tradursi in termini grammaticali solo nella categoria del verbo»; espressionismo è infatti «il precario frutto d’una forza scatenata, una momentanea deformazione sollecitata da un movimento, in altre parole una spazialità che includa il tempo». G. Contini, «Espressionismo letterario», in Ultimi esercizî ed elzeviri, Torino, Einaudi, 1988, p. 42. 17. Vedi a proposito F. Bandini, «Elementi di espressionismo linguistico in Rebora», in AA.VV., Ricerche sulla lingua poetica contemporanea, Padova, Liviana, 1966, p. 17. 18. «per capire l’intero senso di Altri libertini, quello più nascosto e rivoltoso, è necessario ascoltare Giovanni Lindo Ferretti, voce storica del gruppo che canta il punk ossessivo di Emilia Paranoica, quell’“Emilia di notti ricordo / senza che torni la felicità”, un’Emilia “di notti d’attesa” aspettando un’emozione “sempre più indefinibile”» (F. Panzeri, «Introduzione» a P. V. Tondelli, Opere. Romanzi, teatro, racconti, op. cit., pp. XV-XVI).

AUTORE

MATTEO GIANCOTTI Université de Padoue

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 15

Meditazione sulla diversità e sulla «separatezza» in Camere separate di Pier Vittorio Tondelli

Chantal Randoing

1 Programmaticamente romanzo «sull’interiorità e sul rinvenimento delle motivazioni profonde dell’amare e dello scrivere»1, sulla perdita dell’ideale e dell’amore nella maturità dei trent’anni, Camere separate contrasta con la precedente produzione narrativa di Tondelli, se lo esaminiamo sotto l’angolo delle forme narrative. Congedo letterario in forma di «confessione come cura simbolica»2, ripensamento del proprio itinerario letterario, il romanzo pubblicato nel 1989 da Bompiani è anche l’ultimo di Tondelli, scomparso prematuramente nel 1991. Esplora le forme della scrittura autobiografica e diaristica, della letteratura interiore, della riflessione per frammenti, superando, per molti versi, la «letteratura emotiva» che aveva teorizzato all’epoca di Altri libertini, cioè all’inizio degli anni ottanta3. In quanto alle tematiche, Camere separate non è così diverso dagli altri testi, e appare invece una somma unificante delle tematiche precedenti, in chiave problematica.

2 L’intreccio narrativo è relativamente povero. La perdita dell’uomo amato getta il protagonista Leo nella quasi totale incoscienza di sé e lo porta a una serie di attraversamenti: attraversamento dell’esperienza del lutto con una serie di viaggi, conquista della solitudine, rinascita del desiderio e normalizzazione del rapporto con gli altri, finale superamento della crisi. Il tema del viaggio inteso come viaggio nell’interiorità e come ricerca identitaria è l’asse portante del romanzo. Se l’intreccio narrativo delle successive separazioni traumatiche dall’uomo amato è semplice, e consono al ritorno all’intreccio degli anni ottanta, la struttura narrativa è relativamente complessa: il sovvertimento della temporalità, la compresenza di tempi narrativi diversi, i numerosi flash back o anticipazioni creano una prosa narrativa riflessiva, autobiografica e frammentaria che riecheggia la contraddittorietà e la frammentazione dell’identità nel flusso della coscienza4. Camere separate può essere letto superficialmente sul piano dell’intreccio come romanzo d’amore gay; ma è

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 16

leggibile anche come romanzo di formazione5, inteso in chiave drammatica, o romanzo iniziatico sul rinvenimento della vocazione per la scrittura.

3 Il romanzo si presenta come una divagazione sulle forme della diversità, e si sviluppa in un ricco intreccio di opposizioni dialettiche: diversità tra fuga nel viaggio e ritorno alle radici, tra abbandono e fusione, tra osservazione e partecipazione, tra arte e vita. Diversità ontologica dell’artista, separatezza tra il sé di ora e il sé di un tempo, attraverso l’esperienza dell’amore perduto e dell’«attraversamento» temporale. Una divagazione sia nelle tematiche che nella forma narrativa, come esplorazione delle valenze della diversità intesa come l’«essere separati», termine in gioco nel titolo del romanzo, e declinato con innumerevoli varianti semantico-formali fino quasi all’ossessione. Può essere utile parlare di «separazione» e di «separatezza», per indicare due problematiche diverse. «Separazione» è termine d’uso corrente e di senso largo, sia concreto che figurato. Nel testo in esame, vale a descrivere la situazione tra il sé e l’altro; riguarda il rapporto con l’alterità. Mentre «separatezza», termine di uso più ristretto, è piuttosto usato in senso figurato e filosofico. Sembra più adatto a descrivere il sentimento di straniamento da se stesso del protagonista, superabile solo nella scrittura. La separatezza dal sé, in senso filosofico, vale per dispersione, frammentazione dell’identità.

4 Se consideriamo la struttura narrativa, la scelta della riflessione per frammenti o del romanzo «per blocchi» offre un «attraversamento» dell’io frammentario piuttosto che un superamento delle opposizioni dialettiche in una coesione semantica. Enrico Palandri ha parlato di «pluralità dell’io»6. Un ricco sistema di fluttuazioni temporali e geografiche riecheggia i motivi della separatezza e della pluralità dell’io. Queste fluttuazioni sono una trasposizione dell’instabilità dei rapporti amorosi, con l’impossibile fusione nella tentata «separazione in contiguità» – e dei rapporti con l’alterità, trasformati dal lutto in senso di elevazione spirituale, di più generico ricongiungimento con la specie, possibile in realtà solo attraverso la mediazione della scrittura.

5 In questo divagare, la scelta dell’autobiografia esaltata dall’uso della terza persona è un elemento stabile dal punto di vista strutturale: il narratore onnisciente si confonde con il protagonista Leo e con l’autore, con una focalizzazione interna fissa. Stabilità ambivalente, forse l’unica scelta possibile di approdo all’autobiografia, che instaura, con la terza persona, una distanza costitutiva del sentimento di straniamento da se stesso provato dallo scrittore/protagonista Leo. È anche un riflettere sui limiti dell’autobiografia: «il problema di Camere separate è di quanto e del “fino a che punto” io sia disposto a mettere in gioco me stesso, e a concedermi, per poterlo finire»7.

6 Al punto di vista narrativo fisso fa da contrappunto una variazione continua sul narrare, cioè sul modo di dire i contenuti. Camere separate appare come il risultato di ricerche letterarie iniziate con i frammenti Biglietti agli amici8, che inauguravano una prosa meditativa, autobiografica, con una ricerca mistica di interiorità; e con i testi raccolti nel Mestiere dello scrittore9. Negli anni ottanta, Tondelli fa proprie le teorie dello scrittore svizzero Peter Bichsel, che vede la letteratura come una possibilità di variazione sugli aspetti del racconto: «il narrare, non il suo contenuto, è la meta della letteratura»10. Per Tondelli, «la letteratura non descrive le cose, ma quello che si può dire sulle cose» quindi scrivere è anzittutto «un’operazione con il linguaggio»11. Proprio in Camere separate, la dimensione progettuale di riflessione sulla scrittura è centrale:

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 17

«fare letteratura diventa un atto progettuale, un continuo ripensamento di sé in termini letterari»12.

7 Queste premesse ci portano ad esaminare gli aspetti di genesi testuale, per ricostruire i molti volti della diversità. Con un gioco di mascheramenti e di variazioni tematiche, spiccano due aspetti della separatezza o scissione del sé – redimibile o irredimibile – nel rapporto con la religione e con la scrittura. Anzitutto nel sovvertimento della temporalità: il rifiuto della linearità del racconto è progettuale e fondato su un riferimento musicale. Negli appunti, Tondelli diceva: Camere separate si compone… di “Tre movimenti” […] Dico “movimenti” proprio in senso di “ritmi musicali” poiché una spartizione in capitoli non mi andava bene in quanto presupponeva consequenzialità e avanzamento o giustapposizione… […]. Invece queste tre parti affrontano ognuna gli stessi temi, hanno a grandi linee gli stessi personaggi, si svolgono negli stessi luoghi13.

8 C’è una volontà di rinnovare l’impianto del romanzo tradizionale14, giocando su due livelli di lettura: il testo si può leggere sia in chiave di variazione sul narrare, sia in quella più tradizionale della progressione dell’intreccio: Naturalmente c’è anche uno sviluppo per così dire orizzontale fra le tre parti: la storia di una persona che perde il proprio compagno, che affronta la solitudine, che cerca di continuare a vivere. Ma i temi sono due (poi, per me, uno solo) l’eros e la scrittura, l’amore e il linguaggio15.

9 L’ambivalenza tra l’adesione all’intreccio – pur sempre destrutturato – e il rifiuto dell’intreccio nell’esplorare i limiti dell’autobiografia è onnipresente nel romanzo Camere separate. Nel Mestiere dello scrittore, Tondelli si interroga sull’idea di scrittura come «attivazione di una menzogna», e su come approdare alla finzione evidenziando gli inganni dell’intreccio. Guardando alla produzione della giovane narrativa dei trentenni, Tondelli cerca una via d’uscita al romanzo generazionale e si chiede se si debba: … sposare la “fiction” in modo assoluto? Non è forse giunto il momento in cui dopo tante narrazioni e tanto raccontare debba finalmente prender corpo la necessità di arrestarsi, fermarsi a riflettere e mettersi in crisi, nella scrittura e nella struttura?16

10 In questo senso, i motivi della fuga nel viaggio, del ritorno alle radici, dell’emarginazione sociale o sessuale, dell’abbandono, del lutto per la giovinezza perduta e per la morte dell’amore e dell’ideale, non sono che un mascheramento del motivo principale della vocazione per la scrittura, connaturata ad un percorso di ascesi personale.

11 L’incipit del romanzo esalta subito il tema centrale dell’attraversamento temporale. Il testo si apre con una meditazione sullo scorrere del tempo da parte del protagonista Leo, trentaduenne, che scopre nell’oblò dell’aereo i primi segni di invecchiamento. Questo sul piano dell’intreccio, di immediata fruizione. Su un altro piano, il problema della diversità ontologica dell’artista e del rapporto con la scrittura si pone fin dall’inizio in questi termini: «lui si sente sempre più solo, o meglio, sempre più diverso. Ha una disponibilità di tempo che gli altri non hanno. E già questo è diversità» (p. 8). È significativo che la primissima caratterizzazione della diversità – la parola appare nel testo per la prima volta – riguardi il rapporto «diverso» con la temporalità, proprio dello scrittore, che opera una continua ricostruzione sulla memoria e sul passato.

12 Fin dall’inizio, veniamo a sapere che la morte del compagno Thomas, due anni prima, ha gettato Leo nella solitudine. La morte di Thomas, mentre Leo stava per compiere trent’anni, è un evento traumatico che rende impossibile il lutto. Accentua il senso di

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 18

emarginazione dell’amore omosessuale: «Leo sente allora l’interezza della propria vita abissalmente separata dai grandi accadimenti del vivere e del morire. Come se avesse vissuto in una zona separata della società» (p. 37). Si ribella contro gli amori leciti delle madri, e le legittimazioni della società (Stato, Chiesa, anagrafe), da cui è escluso: qui la diversità è vissuta come emarginazione ed esperienza eversiva.

13 Con il tema centrale del lutto si annuncia l’intero svolgimento del romanzo, proprio a chiusura del primo movimento17. Infatti, nell’arco temporale di due anni – tempo della diegesi – Leo «attraverserà» il lutto come un percorso inizatico: «E questa volta non sa come il lutto, profondo e sacro, che sta iniziando per la prima volta a portare potrà cambiarlo» (p. 53). Questo lutto è pretesto a ripercorrerne altri: il rifiuto della droga dopo un trip rischioso è un’esperienza di lutto per la giovinezza finita, una rinuncia all’ideale, e alla ribellione: «Quella volta, in riva al Po, Leo seppe che la sua prima giovinezza era finita…» (p. 51). Tondelli attribuiva al trentesimo anno una funzione di svolta, con riferimento alla «letteratura interiore» di Ingeborg Bachmann e precisamente al testo «Il trentesimo anno». Il motivo percorre l’intero romanzo e ribadisce il tema dell’attraversamento temporale. Lo scrittore-protagonista Leo associa lutto per la giovinezza e lutto per le forme di scrittura precedenti («letteratura emotiva»), con il superamento delle tematiche eversive dei precedenti racconti. Nel secondo movimento, dopo il ritorno al paese natale e alle radici, Leo indaga la propria vocazione per la scrittura e fa il bilancio della soglia dei trent’anni: «lui è cosciente che il suo immaginario è morto. È cosciente di averlo perduto. E lo ha perso di fronte alla morte dell’amante» (p. 141). Sembra che il vero lutto sia quello elaborato nei confronti della propria scrittura giovanile, della propria capacità di vivere in «quella realtà separata che definiamo arte» (p. 141). La voce narrante non è più quella di un personaggio ma dell’autore che si prepara a morire. L’immaginario non resiste di fronte alla «paura di dover morire» (p. 141). La consapevolezza della differenza tra arte e vita viene meno dopo la morte di Thomas.

14 La tematica dell’abbandono si fa subito centrale. Nella scena in riva al Po, la voce narrante evoca l’abbandono primario: «Pensò a sua madre e pianse. […] E si sentì abbandonato. […] si vedeva come un feto abortito sballottato da un utero all’altro attraverso milioni di anni» (p. 49). L’opposizione fusione impossibile/abbandono si esplicita nelle esperienze di prosa frammentaria degli anni ottanta: il dolore dell’abbandono si infiamma nel dolore primario dell’abbandono della madre e del suo corpo. Dà luogo a una catena infinita di sofferenze che si infilano l’una nell’altra fino al grande e primordiale dolore della venuta al mondo. È una catena di dolori antichi. Una deflagrazione mortale in cui ci si può perdere18.

15 Se nascita significa dolore e abbandono, allora attraversare la depressione del lutto può significare lasciare da parte il dolore per rinascere, ritrovare un senso di pienezza e raggiungere una sorta di atarassia. Leo si accorgerà che «la sua sensibilità si è come purificata» (p. 96). Il percorso purgatoriale del lutto crea un distacco dal mondo per meglio trovarvi il proprio posto.

16 Il tema dell’abbandono è poi declinato in fenomenologia dell’abbandono nella riflessione sulla scrittura, messa in scena nella separazione tra Leo e Thomas19. Colpisce la forte ambivalenza del rapporto con la scrittura, che ribadisce la perenne oscillazione della ricerca identitaria. La scrittura sembra in grado di redimere la scissione del sé, e di ricongiungere agli altri. Mentre la religione è ancora separatezza tra corpo e spirito. Se la scrittura è una specie d’emarginazione, è anche un tentativo militante per

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 19

superare l’emotività. Un gesto di ribellione contro la passione e la morte. Leo vuole un «rapporto di contiguità, di appartenenza ma non di possesso»20, possibile solo nel rapporto epistolare. Nella realtà, la passione porta alla separazione tra gli amanti21. Per Leo la fusione amorosa è impossibile poiché la sua vita si gioca tutta nella scrittura. La separazione è pretesto alla scrittura, che a sua volta ricongiunge gli amanti. Dice Thomas: «Tu mi vuoi tenere lontano per potermi scrivere. Se io vivessi con te, non scriveresti le tue lettere…» (p. 185). Il rapporto epistolare svolge una funzione narrativa metaletteraria all’interno della diegesi: è separazione ma pretesto al mantenimento del rapporto, è una trasposizione simbolica del lutto – la separazione è intesa come esperienza di morte22 –, è consapevolezza che Thomas sta morendo. Quindi la scrittura è anche redenzione, riunifica l’esperienza, non è sterile, così come l’amore è sempre fecondo, pur nella sua diversità, e non viene annullato dalla morte. La separazione concreta è molla di una scrittura che assume una valenza positiva. All’opposto, nel ripensamento della propria vocazione letteraria, Leo-Tondelli considera con occhio spregiativo la condizione del letterato di mestiere. Lo scrivere non è più «il modo naturale di esprimere questa sua diversità» (p. 93), che lo aveva spinto a scrivere all’inizio, ma diventa «una prigione costituita di parole mercificate» (p. 94). Con autoironia, guarda i frutti materiali della scrittura strumentalizzata: «quei leoni di marmo indiano sono cinque recensioni…» (p. 94).

17 In fin dei conti la scrittura non è in grado di redimere la scissione del sé, per la fondamentale incapacità ad essere felici. Questa ribadisce il tema dell’abbandono, della perdita, della sottrazione primaria contro la pienezza della felicità. Il motivo della sottrazione, cui fa eco quello dell’espulsione della nascita – per esempio nelle immagini di maternità simbolica tra Leo e Thomas – chiarisce, nel finale del romanzo, il senso dello scrivere: viene meno l’illusione di una scrittura in grado di redimere la scissione del sé. In ultima analisi, l’essere separato, molla della scrittura, viene interpretato come una «volontà di svanimento», come l’angoscia di non poter essere felice: E questo senso di colpa, per essere nato, per aver occupato un posto che non voleva, […] si è dislocato in un mondo separato, quello della letteratura, permettendogli di sopravvivere, anche di gioire, ma sempre con la consapevolezza che mai la pienezza della vita […] sarebbe stata sua. Il senso di una sottrazione primaria, probabilmente è questo che l’ha spinto al punto in cui è ora.» (p. 213)

18 La diversità è quella dello scrittore23, del vano tentativo di superare la «separatezza» dal mondo, e ci riporta all’insuperabile solitudine della condizione umana.

19 Tornando a una lettura più lineare del romanzo, ci accorgiamo che il «romanzo per blocchi» funziona solo fino a un certo punto. Dei tre movimenti, «Verso il silenzio», «Il mondo di Leo», «Camere separate», il secondo è davvero la parte centrale. La narrazione prosegue con un tempo non lineare e biografico. Le analessi si moltiplicano, talvolta si aprono ad altre, «in una sorta di composizione a scatole cinesi, che rende strutturalmente […] l’instabilità e la complicatezza del pensiero e del mondo interiore del protagonista24». Seppure Tondelli rifiuti il termine di «capitoli», la parte centrale è divisa in capitoli mascherati solo dall’assenza di titoli. Le altre due formano invece una specie di cornice introduttiva e conclusiva, ritmate solo da paragrafi raggruppati in blocchi.

20 Il secondo movimento si apre con un primo viaggio solitario a Londra, inteso come «spedizione oltre i confini del corpo di Thomas» (p. 58). Il racconto è subito interrotto dal flusso dei ricordi, di altri viaggi in compagnia di Thomas. Questo «percorso purgatoriale25», questa fuga dall’orrore della perdita di Thomas è un itinerario di ascesi

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 20

e purificazione. A Londra Leo scopre i luoghi dell’emarginazione sociale (i ghetti degli immigrati). A contatto con il dolore altrui, scopre che «il suo dolore lo spinge verso gli altri» (p. 80). È l’inizio di un percorso di catarsi individuale, che lo porta a riscoprire le ragioni del vivere e dello scrivere.

21 Il ritorno a Milano nell’intimità di casa è pretesto ad un ripensamento della propria vocazione di scrittore. Leo non trova più i motivi per scrivere, cerca invano conforto nella religione. Affronta la questione dei limiti dell’autobiografia, assimilando le teorie – anche provocatorie – di Bichsel sulla dimensione corporale della lettura e della scrittura26. Con Bichsel, Tondelli sostiene che la lettura o la scrittura «è qualcosa che ci spinge verso gli altri27», poiché un testo non esiste se non ha lettori. Il narratore-autore porta all’estremo la fisicità del testo, la quale crea un rapporto concreto con l’alterità: «Forse […] ha desiderato darsi in pasto agli altri offrendo il corpo delle sue parole» (p. 95). Questa linea interpretativa considera la scrittura autobiografica, ed esalta l’attraversamento temporale come dimensione esistenziale della scrittura. Il cui limite è appunto l’esperienza concreta della vita: Forse allora se lui non scrive, […] non è tanto perché gli manca l’ispirazione, non è tanto perché ha perduto Thomas, ma perché sta invecchiando. Perché il suo corpo incomincia a scricchiolare sotto il peso di quanto si è scritto addosso28. (p. 96)

22 La scrittura sembra, in prima analisi, in grado di superare la separatezza tra corpo e mente «dando corpo alle parole». Anche se poi l’illusione di risolvere la «sottrazione primaria» (p. 213) viene meno. La religione invece è subito separatezza tra corpo e spirito, e in quanto tale viene rifiutata. Infatti, anche se «Leo avverte in sé la propria vocazione religiosa come qualcosa di irrinunciabile», rifiuta «una religione senza sesso per uomini che hanno paura delle passioni e della forza dell’amore» laddove lui «portava non solo la propria emotività, ma anche la sua sensualità, nella ricerca di Dio» (p. 98).

23 La ricerca religiosa interiore del narratore tende a superare la «separatezza» dal mondo, il senso di sradicamento, con un atteggiamento di attesa29: «quella che lui chiama preghiera, altro non è che un atteggiamento di ascolto delle cose e degli uomini, un osservare e contemplare, che ha a che fare con il suo stesso modo di essere.» (p. 97)

24 In fin dei conti, nel rapporto con la religione e con la scrittura, è in gioco la stessa oscillazione della ricerca identitaria, tra sottrazione e pienezza. Quest’ultima si risolve nell’atteggiamento di ascolto, solitudine, interiorità, che appartiene sia al monaco che allo scrittore: «E lui, a suo modo, è un monaco. Questa è la sua diversità». Una diversità che finalmente Leo accetta: «è ora di finirla con l’ossessione di essere simile agli altri», e che lo porta a trovarsi «un suo nuovo posto nel mondo» (p. 202), nella scrittura e nell’atteggiamento di personale religiosità. Si delinea così una posizione esistenziale, in una ricerca di equilibrio. In un’intervista, Tondelli diceva: «Io penso che chi ama veramente la vita non sia il gaudente, il libertino, ma il monaco perché questi cerca l’assoluto. È un po’così anche per chi scrive30».

25 Proseguendo la nostra lettura lineare ripercorriamo, tra anticipazione e retrospezioni, la storia della separazione tra Leo e Hermann, il primo grande amore, una storia di ribellione e abbandono31. Poi si elucida la separazione tra Leo e Thomas, perché affiora uno «squilibrio» (p. 62) nel rapporto. Leo «sapeva, fin dall’inizio, che mai lui avrebbe potuto essere “tutto”. Per questo chiamava il loro amore “Camere separate”. […] La separazione era una forza costitutiva della loro relazione» (p. 101). Notiamo l’opposizione ontologica tra sottrazione e pienezza. In questa meditazione sulle due

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 21

maggiori relazioni affettive del protagonista, ravvisiamo una trasposizione simbolica della separatezza come guerra contro l’emotività, contro la passione. Claudio Piersanti osserva che in questa ricerca di equilibrio nei rapporti, «le camere in realtà sono molto vicine»32. Si tratta di superare la solitudine nella maturità affettiva, rispettando l’altro, con una «separazione in contiguità» che non è freddezza ma rispetto per l’altro.

26 La parte centrale del libro è imperniata sul motivo del viaggio, prima con il ritorno al paese natale poi con la retrospezione di viaggi a Barcellona e Saragozza che evocano il tema della passione e della morte. La «differenza» è messa in scena con una serie di opposizioni: tra fuga nel viaggio e ritorno alle radici; tra il sentimento di straniamento provato nei confronti dei propri genitori e dell’intera collettività. Alla classica rievocazione dell’infanzia, si contrappone la riflessione sull’invecchiamento e la svolta dei trent’anni, cambiamento e separatezza dal proprio sé di un tempo. Sul volo di ritorno da New York, Leo viaggia accanto a un padre che riporta a casa la salma del figlio quarantenne. La contrapposizione tra il padre orfano e l’amante vedovo riporta a galla la tematica di paternità/maternità simbolica che pervade tutto il libro33.

27 L’ultimo capitolo narra l’esito del viaggio interiore di Leo e il raggiunto equilibrio esistenziale con l’accettazione del proprio destino. Il nodo paternità/maternità si scioglie: «Leo e Thomas hanno partorito, con dolore, almeno un figlio. E questo figlio espulso nel mondo, che pensa e agisce, è oggi il trentratreenne Leo» (p. 203). Marino Sinibaldi vede in questa immagine inconsueta un approdo letterario in senso negativo, con la consapevolezza che la scrittura non è in grado di risanare la «pienezza della vita». Secondo il critico, «questa paternità deviata e irrealizzata, quella figliolanza puramente rappresentata» si risolve con l’«espulsione» di cui Leo riporta le stigmate, con il senso di colpa «per essere nato, per aver occupato un posto che non voleva» (p. 115). A parer nostro invece, l’immagine rimane ricca di ambivalenze, e conferma quella «pluralità dell’io» di cui parlavano Palandri e Spadaro. Infatti la paternità mancata evoca l’espulsione, la sottrazione, il vuoto, la sterilità, con una valenza senz’altro negativa. In senso positivo invece, Leo afferma che l’amore è fecondo, non può essere annullato dalla morte. La scrittura, come l’amore, lotta contro l’abbandono, la sottrazione. E la maternità simbolica che si realizza proprio nella scrittura ci riporta agli aspetti positivi del parto doloroso: la nascita, la fecondità, la pienezza.

28 Riepilogo delle opposizioni dialettiche attraversate, il terzo movimento mostra la riconciliazione con se stesso, il risanamento della scissione esistenziale. Leo è di nuovo capace di amare e di vivere, ma acquista la consapevolezza nuova che lui ha ormai scelto un rapporto diverso, mediato, con l’alterità: la sua diversità, quello che lo distingue dagli amici del paese in cui è nato, non è tanto il fatto di non avere un lavoro, né una casa, né un compagno, né figli, ma proprio il suo scrivere, il dire continuamente in termini di scrittura quello che gli altri sono ben contenti di tacere. La sua sessualità, la sua sentimentalità si giocano non con altre persone, come lui ha sempre creduto, finendo ogni volta con il rompersi la testa, ma proprio nell’elaborazione costante, nel corpo a corpo, con un testo che ancora non c’è. (p. 212)

29 In fin dei conti, l’attraversamento delle contraddizioni permette l’emergere di una «pluralità dell’io» nella maturità artistica, e di un’identità che oscilla tra due poli. Il primo è «il senso di sottrazione primaria», irredimibile, che motiva il gesto di una scrittura che non ripara la scissione del sé. Il secondo un continuo rielaborare l’esperienza in termini letterari, che ridà un senso di totalità all’esperienza e riunifica l’identità frammentata. Con l’immagine di una scrittura in grado di contrastare il senso

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 22

di separatezza e di abbandono della condizione umana, poiché è un gesto che crea un rapporto concreto con l’alterità. E quindi consente una posizione esistenziale sostenibile, e permette di trovare un «posto» nel mondo. Il romanzo si chiude sulla metafora esistenziale del viaggio, con una rammemorazione, nella maturità, dei viaggi della giovinezza: «lui si sentì, in un certo modo, rassicurato e vide […] anche la sua vita non più separata, ma ben piazzata sul ponte di qualcosa in movimento…» (p. 209). Nella raggiunta maturità artistica ed esistenziale, Leo viene a capo del proprio viaggio interiore: «lui ebbe […] la consapevolezza che il suo destino era proprio questo, di vegliare e di raccontare»34 (p. 209).

30 La meditazione sulla separatezza si chiude con la possibile pienezza attraverso la scrittura e una religiosità diffusa.

NOTE

1. Dalla presentazione di Tondelli a Bompiani per la quarta di copertina, in P. V. Tondelli, Opere, a cura di F. Panzeri, vol. I, Milano, Bompiani, 2000. Per le citazioni dal romanzo Camere separate, abbreviato in CS, rimanderemo direttamente al numero di pagina di P. V. Tondelli, Camere separate, Milano, Bompiani, 1989. 2. F. Panzeri, «Introduzione», in P. V. Tondelli, Opere, p. XXVIII. 3. «L’unico spazio che ha il testo per durare è quello emozionale», P. V. Tondelli, Il mestiere dello scrittore, in Opere, vol. II, p. 779. In CS, la lingua è più letteraria e si discosta dal linguaggio parlato ma gli aspetti di ritmo musicale, di movimento, di rapidità di fruizione del testo sono sempre validi. Ivi, p. 781. 4. R. Carnero, Lo spazio emozionale, Novara, Interlinea, 1998, pp. 77-89. 5. M. Fortunato, «Le parole in maschera», Panta, 9, “Pier Vittorio Tondelli”, a cura di F. Panzeri, Milano, Bompiani, 1992, pp. 117-122. 6. V. lettera di Palandri a Spadaro, 27 novembre 2000, dal carteggio elettronico, «Enrico Palandri, Antonio Spadaro, Dialogo su Tondelli», «Bollettino 900, 1, giugno 2001: «Perché immaginare che gli aspetti della personalità e del destino di un individuo […] debbano alla fine creare un tessuto omogeneo di significati? Al contrario, secondo me, nella contraddittorietà e nella frammentazione, nella circostanzialità ci sono gli elementi attraverso cui si è. […] Per queste ragioni io sono convinto si debba parlare di pluralità dell’io». 7. Lettera di Tondelli, non intestata, in Opere, vol. II, p. 121. 8. P. V. Tondelli, Biglietti agli amici, Bologna, Baskerville, 1986. 9. In particolare Fenomenologia dell’abbandono, Frammenti dell’autore inattivo, Una conferenza emiliana, in Opere, vol. II. 10. Una conferenza emiliana, in Opere, vol. II, p. 837. 11. Ibid., pp. 838-839. 12. F. Panzeri, «Introduzione», in Opere, vol. II, p. XVIII. 13. Opere, vol. I, p. 1217. 14. Ribadita nella presentazione per la quarta di copertina, Opere, vol. I, p. 1218. 15. Ibid. 16. Opere, vol. II, p. 875.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 23

17. Ricordiamo che Tondelli rifiuta la spartizione in capitoli e parla di «movimenti», con riferimento alla musica. 18. Biglietti agli amici, Biglietto numero 11, in Opere, vol. I. 19. Vedi il saggio omonimo Fenomenologia dell’abbandono, in Il mestiere dello scrittore, in Opere, vol. II, pp. 802-808. 20. Nella parte finale del romanzo così si chiarisce il senso del titolo. CS, pp. 101, 178. 21. Fenomenologia dell’abbandono esplora la psicologia della separazione volontaria tra amanti che, pur continuando ad amarsi, si lasciano per l’angoscia di fronte ad una passione che non ha riscontro all’esterno. 22. Fenomenologia dell’abbandono, op. cit. 23. Vedi in questo senso G. Severino, «Private liturgie», Panta, 9, op. cit., pp. 102-108. 24. R. Carnero, Lo spazio emozionale, op. cit., p. 79. 25. Ibid., p. 85. 26. Una conferenza emiliana, op. cit. Vedi il richiamo alle funzioni corporali : Bichsel paragona il bisogno di lettura alla funzione escretiva. Opere, vol. II, p. 835. 27. Ibid. 28. Il riferimento è limpido. Leo rielabora la frase citata in Frammenti dell’autore inattivo: «Se uno scrittore che invecchia smette di scrivere, forse non è perché non trova più gli argomenti o la forza. Forse […] ha le spalle così cariche da non riuscire a portare più nient’altro. In questo senso, scrivere è anche una questione di limiti: la questione di quanto un autore sopporti e sia disposto a portare», Il mestiere dello scrittore, Opere, vol. II, p. 820. 29. Per un’interpretazione della religiosità di Tondelli, Vedi A. Spadaro, Attraversare l’attesa, Reggio Emilia, Diabasis, 1999. 30. M. Trecca, «Con ogni parola fu un corpo a corpo», Gazzetta del Mezzogiorno, 23 marzo 1993. 31. «Erano ribelli e si sentivano diversi. La loro relazione era precisamenta una guerra separata», CS, p. 104. 32. C. Piersanti, «Nel mondo di un altro», Panta, 9, op. cit., p. 100. 33. M. Sinibaldi, «So glad to grow older», in Ibid., pp. 109-122. 34. Si noti come «vegliare» rievochi «monaco», entrambi nella sfera semantica religiosa.

AUTORE

CHANTAL RANDOING Université Toulouse - Le Mirail

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 24

Invention de la différence et altérité absolue dans l’œuvre de Sebastiano Vassalli

Lisa El Ghaoui

1 Si dans la majorité de ses romans Sebastiano Vassalli décline le thème de la différence sous toutes ses formes (différences physiques, linguistiques, sexuelles, morales, sociales, religieuses…), ce n’est pas dans la seule intention de dénoncer toutes les aberrations commises par les hommes au nom de cette norme toute relative que l’on appelle normalité, ni dans la seule intention de valoriser la toute puissance créatrice, salutaire et poétique de la différence dans un monde qui désire et engendre l’homologation, mais pour soulever un problème beaucoup plus vaste, métaphysique et transcendantal : l’existence du mal et ses énigmes dans un univers où tout devrait être ordonné par un dieu souverain, où tout devrait avoir un sens. C’est à partir de cette idée que l’on peut diviser les différences mises en scène par Vassalli en deux grands ensembles : celles aisément perceptibles et identifiables, dont il s’évertue à déterminer les causes, comme les différences sociales culturelles et physiques, que l’on peut facilement cataloguer, neutraliser et surtout anéantir ; et celles inexplicables, irrationnelles, qu’incarnent les poètes ou les fous, que l’on tente de saisir en les nommant, en leur donnant une forme, en les réinventant mais qui semblent échapper à tout entendement. En ce sens, la différence peut se transformer en mythe, un mythe inventé par la médecine, la psychiatrie, l’ordre, la justice et la dévotion, un mythe qui dénature l’altérité en aliénant les poètes et faisant taire les fous, mais qui dévoile en réalité tout le pouvoir et la force de l’imagination face à cette différence beaucoup plus grande et absolue, cette présence inaliénable, cette altérité totale qui s’insinue dans tous les textes de Vassalli, et tout particulièrement dans le prologue et l’épilogue de La chimera : le néant.

2 Il y a, dans les romans de Vassalli – et nous nous attarderons en particulier sur trois œuvres : La notte della cometa (roman-vérité sur la vie et la mort de Dino Campana) La chimera (récit du procès et de l’exécution d’Antonia, une prétendue sorcière au XVIIe siècle) et Marco e Mattio (relatant le voyage vers la folie d’un sauveur de l’humanité

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 25

et de son mystérieux compagnon à la fin du XVIIIe siècle) – un désir manifeste d’expliquer la différence. Dans la première catégorie de personnages incarnant des différences essentiellement visibles (physiques, religieuses ou comportementales), la différence ne semble jamais originaire, ancestrale, naturelle ou innée, mais résulte plutôt d’un milieu et d’une époque défavorables voire tératogènes : « Novara – cadre historique de La chimera – era forse la più disgraziata in assoluto tra le molte disgraziatissime città che costituivano il regno disgraziato di Filippo II di Spagna1 ». Si le corps des travailleurs, des minorités sociales, du peuple des abîmes, est monstrueux, c’est parce qu’il a été déformé par le travail, la misère, la faim et les épidémies. Les forgnàcoi qui travaillent dans les fusine (les mines), dans Marco e Mattio, ont un corps disproportionné : « avevano braccia troppo lunghe rispetto al resto del corpo […] la pelle così bianca che se non fossero stati sempre neri di fuliggine sarebbero sembrati anime di defunti2 ». Les risaroli, les paysans travaillant le riz, dans La chimera, « erano uomini così sfigurati dal vaiolo o dalla lebbra da essere troppo ripugnanti per chiedere l’elemosina3 ». La folie de certains personnages peut aussi trouver son explication dans la misère qui est à l’origine de maladies, comme la pellarina, transformant le corps et le système nerveux. Mattio est fou parce qu’il ne se nourrit que de polenta, de même, pour comprendre le poète Dino Campana il faut prendre en compte deux éléments : « un’orrenda famiglia che inventò la sua pazzia e cercò di liberarsi di lui, e la sifilide che lo rese matto davvero4 ». En multipliant les explications rationnelles voire scientifiques, Vassalli semble nier la possibilité d’une véritable altérité puisque chaque différence trouverait son origine et son explication dans un phénomène culturel, économique ou social, et les comportements induits par l’apparition des différences trouveraient ainsi leurs raisons d’être et leurs justifications dans une conjoncture sociale bien précise. En ce sens, la chasse aux sorcières, sujet central de La chimera, s’explique principalement par une acculturation des campagnes visant à intégrer de force les habitants dans un nouvel ordre des choses. Elle traduit les traumatismes liés à une époque de grands ébranlements politiques et sociaux. En actualisant dans les faits les fantasmes culturels, les peurs sexuelles, les obsessions sataniques, elle est le reflet d’une société apeurée par l’approche imminente de la fin du monde.

3 Plus que la différence en elle-même, ce sont les réactions que la différence suscite qui constituent l’essentiel du discours de Vassalli, tout ce que la confrontation avec l’Autre peut avoir d’extrême, d’irrationnel et de délétère. En ce sens, la différence semble ne pouvoir se définir qu’en fonction des comportements qu’elle engendre, elle n’existerait qu’à partir du moment où elle ferait naître des mécanismes de rejet ou d’exclusion. La question est alors de savoir si ces comportements (calomnies, persécutions, sacrifices) sont motivés par la seule irruption de cette différence, où s’ils trouvent dans la différence un alibi, une formidable occasion pour se manifester. Cette idée remettrait directement en question la notion même de différence. Ainsi, en expliquant la différence et en soulignant les absurdités qu’elle fait naître, Vassalli, au lieu d’en proposer une définition, problématise au contraire sa réalité, ébranle son existence. Ses textes semblent en effet vouloir nous dire que la peur du différent est là bien avant que cette altérité se présente. L’expression sani sani5 que les habitants de Zoldo utilisent pour se saluer dans Marco e Mattio est à ce titre symptomatique, tout comme les nombreux proverbes qui fonctionnent comme la réaffirmation d’une vérité immuable qui doit être à tout prix préservée : « Expression d’une prétendue sagesse populaire, le proverbe fonctionnerait comme l’antidote d’une folie virtuelle ou réalisée6 ». Ainsi, la

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 26

différence que Vassalli met en scène n’existe qu’en rapport avec une différence autre, antérieure et profonde.

4 Les protagonistes de ses romans n’appartiennent pas à cette première catégorie d’individus culturellement différents ou physiquement effrayants qui portent, gravé dans leur corps, le spectre de la maladie ou de la mort. Ils se caractérisent au contraire par leur force (Don Marco) ou leur beauté (Antonia), qui semblent d’autant plus inexplicables et étranges dans un monde rongé par la misère et la faim : Il carattere innaturale della bellezza di Antonia : che se non fosse stata opera del Diavolo non avrebbe potuto manifestarsi in regioni dove le acque dei risi s’impaludavano, e i pestiferi miasmi di esse avvelenavano l’aria facendo ammalare gli uomini, intristire le donne e perfino i fanciulli7.

5 En exaltant la beauté d’Antonia, Vassalli subvertit l’idée de différence qui s’exprimait à travers les corps des risaroli ou forgnàcoi ; il ne s’agit plus d’un corps malade qui sent la mort, mais au contraire d’un corps plein de vie et de santé qui embrase les désirs et déchaîne les passions : Nell’unanime riconoscimento della bellezza di Antonia […] sembra quasi affiorare un turbamento, un’indignazione come in presenza di una colpa: che diritto aveva una ragazza del popolo […] e per giunta esposta, d’essere così bella? Non era forse implicito, in tale bellezza eccessiva e fuori luogo, un elemento scandaloso e diabolico?8

6 La beauté d’Antonia est incompréhensible et arrogante tout comme l’indifférence de Don Marco face aux dangers et aux superstitions : « Ciò che più impressionava i montanari, però, era il modo con cui Don Marco maneggiava le vipere per togliergli il veleno, senza provarne repulsione […]. Per secoli, per millenni, […] la vipera era stata l’incarnazione del male […] e lui ci giocava9 ». C’est à partir de ces quelques éléments en apparence anodins, mais profondément scandaleux, que va naître un sentiment de haine, unanime et irréfrénable, au sein du peuple. La différence se manifeste encore une fois par l’intermédiaire du corps, mais ici, il n’est plus que le signe de quelque chose d’autre. Si l’on se réfère à la pensée de Lévinas, la différence qu’incarnent Antonia, Marco ou Dino Campana serait plutôt de l’ordre de l’altérité. Dans l’altérité, l’autre est absolument hors de mon horizon, absolument autre, séparé de moi par une distance infranchissable. La différence au contraire ne caractérise que la distinction entre des éléments appartenant à la même totalité, pouvant être comparés et hiérarchisés. Le peuple se retrouve alors face à une anomalie qu’il ne parvient pas à comprendre, à expliquer ou définir, et pour pallier ce manque, il va devoir transformer l’altérité d’Antonia ou de Dino en différence, et donc la réinventer en lui donnant des traits familiers, en la transformant par le langage. C’est alors l’invention de cette différence, qui vient se greffer sur ces corps étrangement beaux et libres, qui devient le véritable sujet du texte. Si Vassalli choisit un style qui multiplie les références historiques, s’il reporte les faits avec la précision d’un historien, les détails avec la minutie d’un chirurgien, en ne laissant rien au hasard, (chacun de ces trois romans est largement documenté par des archives), c’est justement pour décrire une réalité qui n’a rien de fictionnel. La véritable fiction, c’est la différence. Le langage assume alors une importance primordiale dans ce processus de falsification : les surnoms, les adjectifs, les comparaisons se multiplient pour tenter de définir l’impensable : Antonia, est d’abord « un’esposta », puis « un mostro, una figlia del diavolo, una piccola stria10 », Don Marco est décrit comme « uno strano viandante, un diavolo, un framassone11 », Dino Campana est qualifié par sa propre mère de « mostro, demonio, anticristo12 ». À travers la

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 27

récurrence de ces termes, Vassalli illustre l’existence d’une véritable mythologie de la différence qui se nourrit de toute une série de stéréotypes. Quels que soient l’époque ou le type de discrimination, il existe indistinctement cette volonté de réduire l’humanité de l’étranger, du différent, du fou, du poète, pour montrer que cet être, qui échappe à la normalité, n’est pas humain. Dans ces stéréotypes, le diable occupe une place de premier ordre. L’invention du Diable répond à une nécessité de conjuration, d’expiation, de compensation, mais aussi de représentation. Il est le résultat d’une tentative de l’esprit de trouver une explication logique au problème du mal. Nietzsche dira que le Diable dessine la plus vaste perspective sur le divin parce qu’il est le désœuvrement de Dieu. Vassalli insiste sur cette falsification produite par le langage, sur cette volonté de neutraliser anthropologiquement et linguistiquement l’altérité. Il écrit au sujet de la maladie de Mattio : oh sonora vacuità della terminologia medico-scientifica. L’autore di queste pagine se proprio dovesse dare un nome alla malattia di Mattio Lovat, lo cercherebbe a metà strada tra il “male della polenta” e il “male di vivere”; avvertendo però che anche così formulato quel nome sarebbe imperfetto e insufficiente, e che un nome giusto non c’è e non ci può essere13.

7 Vassalli rejoint ici ce qu’écrit Derrida au sujet de la folie en reprenant Foucault : « faire l’histoire de la folie elle-même, c’est faire l’archéologie d’un silence. La liberté de la folie ne s’entend que du haut de la forteresse qui la tient prisonnière14 ». Le silence, qui est le gardien de la folie, est brisé par cette liste infinie de termes que Vassalli retrouve dans les archives des hôpitaux psychiatriques visant à cataloguer les malades : « demenza apoplettica, follia circolare, turbe periodiche, melanconia, ipocondria, psicosi dell’involuzione, follia epilettica, demenza precoce…15 ». Toute la vacuité de ces termes, ainsi que la description des symptômes (« il demente beve, molesta le femmine, è instabile negli umori o negli affetti […], è disordinato, trascurato, smemorato, depresso16 »), dénoncent cette volonté de neutraliser le différent. Comme l’indique Pier Aldo Rovatti : « Se la follia diventa tema e discorso articolato, allora l’abbiamo già neutralizzata addomesticata, non potrà più irrompere e spiazzare i poteri e i saperi, corrisponderà alla fine solo a una categoria medica, quella di malattia mentale17 ». Le processus de diabolisation et le diagnostic médical aboutissent au même résultat : on assigne à l’autre une identité, on lui détermine un rôle pour ne pas avoir à l’écouter, pour ne pas le rencontrer. Tandis que la différence ne nécessite aucune réinvention puisqu’elle se manifeste extérieurement et s’explique rationnellement, l’altérité qu’incarnent les poètes ou les fous, est systématiquement transformée en différence disqualifiante (la maladie mentale) ou en totale altérité (le diable).

8 Cette mythologie de la différence réinventée révèle tout le pouvoir de l’imagination. Celle-ci occupe une place déterminante dans l’œuvre de Vassalli, comme l’indique le titre La chimera (qui est aussi le titre d’un des Notturni de Campana). Si l’on se réfère à sa symbolique, la chimère en appelle aux créations imaginaires, issues des profondeurs de l’inconscient : monstre hybride à la tête de lion, représentant peut-être des désirs que la frustration exaspère et change en source de douleurs, la chimère est une déformation psychique, caractérisée par une imagination fertile et incontrôlée ; elle exprime le danger de l’exaltation imaginative18.

9 Face à la fiction qui s’introduit avec violence dans la vie des victimes, il ne leur reste comme unique échappatoire, unique valeur inaltérable, que le rêve ou l’imagination. Ainsi Vassalli met en scène les deux aspects de l’imagination : sa force destructrice

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 28

d’une part, qui se manifeste dans les calomnies, les mensonges, les commérages, les délires, les obsessions ; d’autre part sa force libératrice, qui s’exprime dans le rêve ou la poésie. Ne pouvant combattre contre quelque chose qui n’existe pas, les victimes de « l’exaltation imaginative » s’inventent à leur tour une réalité pour faire face à celle qu’on leur a imposée. Antonia sognava. Grandi sogni : complicati e futili come la vita. Quasi sempre belli : a volte, come la vita, anche insensati. Sognava il mare come un cielo capovolto, e le navi che lo solcavano […]. In quei sogni lei camminava per palazzi incantati, pieni di stucchi, di ori, di pitture, di arazzi, di cose che lei non aveva mai visto se non, appunto, nel sogno […]. Sognava sapendo di sognare, temendo di svegliarsi. “Se mi sveglio – pensava con terrore –, torno ad essere quella che tutti credono la strega, e che morirà bruciata entro pochi giorni!”19

10 Véritable antidote contre le mal, l’imagination apaise la douleur en plongeant les victimes dans un rêve infini, comme c’est le cas pour les personnes atteintes de pellarina : erano molto più felici di quanto possa esserlo una persona normale: perché il male misterioso che li aveva colpiti, li rendeva immuni al dolore fisico e faceva naufragare il loro pensiero in un sogno infinito, in un’ultima sconfinata avventura – grande quanto l’immaginazione di ciascuno di loro! – in cui loro stessi erano i protagonisti20.

11 Dans Marco e Mattio, l’imagination occupe une place si importante qu’elle remet en question l’écriture même en ébranlant les vérités établies. Don Marco, protagoniste de la première partie du roman, disparaît sans laisser de traces, on ne sait s’il est l’auteur du crime dont Mattio est le témoin, on ne sait si Mattio le rencontre véritablement durant ses voyages puis dans l’asile de San Servolo, ou s’il n’est que le fruit de son imagination. La réalité se désagrège, le doute règne. Même le village dans lequel se déroule l’action est remis en question : « non c’è più, e a dire il vero non c’è mai stato, un paese che si chiami Zoldo […], era una dimensione dello spirito21 ». La fiction prend le dessus sur la vérité historique. Vassalli parvient à dire la folie de l’intérieur, en la laissant se dire elle-même. Si la perception du fou se substitue à celle de l’écrivain, c’est que ces deux figures sont interchangeables, et si le narrateur n’est plus omniscient, la folie en devient à son tour relative, « una dimensione della mente ». Le fou, comme le poète, est celui qui s’engage, qui a une mission, un rêve dans un monde dépourvu d’idéaux et d’espoir. Le fou est celui qui, comme Mattio, est capable, comme le Christ, d’offrir son corps en rédemption de tous les péchés du monde. Mais la mission de Mattio est entravée et il mourra dans l’un des premiers hôpitaux psychiatriques d’Europe, sur l’île de San Servolo près de Venise, en observant derrière ses barreaux la beauté indifférente et immobile de la nature.

12 Ainsi, la folie comme le rêve l’imagination ou l’écriture, affaiblissent les contraintes de la réalité, d’une réalité dont le sens échappe irrémédiablement. Juste avant d’être brûlée, Antonia observe le monde qui l’entoure : Guardava i volti e i corpi degli uomini là fuori […] si meravigliava di non avere mai fatto caso a quei dettagli che ora le sembravano così assurdi; di non essersi mai stupita in precedenza di quelle forme […]. Di averle sempre credute… normali! Quei cosidetti nasi, quelle orecchie… Perché erano fatte così? Quelle bocche aperte con dentro quei pezzi di carne che si muovevano… Che insensatezza! Che schifo! E quell’esplosione incontenibile di odio, da parte di individui che fino a pochi giorni prima non sapevano nemmeno che lei esistesse e ora volevano il suo sangue, le sue viscere […] c’era forse un senso, una ragione in tutto questo? E se non c’era, perché accadeva?22

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 29

13 Dans cette description de l’absurdité du monde filtrée par les yeux d’Antonia c’est tout le pessimisme de Vassalli qui s’exprime. Les responsabilités religieuses, les déterminations sociales s’effacent alors au profit d’un sentiment universel et irréfrénable qui peut à lui seul expliquer l’inconcevable : la haine. « In questo capitolo della storia umana dell’inquisizione che serve a tenere tutto sotto controllo io non vedo una diretta responsabilità della chiesa », déclare-t-il dans une interview : il papa che ha chiesto scusa secondo me poteva anche risparmiarselo. In pratica invece è un momento molto particolare della vicenda umana in cui il diverso, chi non sottostà alle regole del “politicamente corretto” può anche lasciarci la pelle. In Italia questo tipo di odio si manifesta soprattutto nei confronti delle donne, delle streghe, in Spagna moltissimi furono mandati al rogo per omosessualità, in Francia ci furono persino condanne capitali per Licantropia. Quindi è una fase della vicenda umana che comunque avrebbe avuto quel risultato, la chiesa non fa niente altro che dargli dei rituali, la imbriglia, in qualche modo la frena. […] Insomma, la vicenda di Antonia ci insegna che il motore della storia è l’odio23.

14 À aucun moment Vassalli n’évoque l’espoir d’une intégration du différent dans la société, ou la réparation des injustices commises. Ce qu’il veut montrer c’est que dans notre monde le principe de l’autre a disparu, et avec lui la manifestation libre et incontrôlée de la créativité individuelle. « Occorre una crescita di civiltà e di cultura », écrit-il dans La notte della cometa, « che porti gli umani a tollerare l’esistenza, oggi più che mai considerata aberrante, di persone che rappresentano “il tipo morale superiore”; che gli impedisca di inchiodarle alle croci, di decollarle sui patiboli, di arrostirle sui roghi. Di chiuderle nei manicomi e nelle galere. Di costringerle a suicidarsi o ad isolarsi dal mondo24 ». La psychiatrie a contribué à effacer l’altérité, à limer les différences en les cataloguant, les dénaturant, en les interprétant avec son propre langage. « L’autre n’est autre que si son altérité est absolument irréductible » écrit Derrida, « c’est-à-dire infiniment irréductible, et l’infiniment Autre ne peut être que l’Infini25 ». La seule consolation se trouve alors dans ce motif léopardien de l’infini, dans l’observation de « lo spazio infinito delle stelle26 » où l’imagination est libre de s’exprimer, de se répandre sans jamais être freinée par la raison. Le point en commun entre les différents personnages réside justement dans ce rapport transcendantal au monde, dans cette curiosité pour la vie au-delà des choses proprement humaines : « Mattio alzò gli occhi oltre il chiarore dell’universo e all’interno di quelle costellazioni […], ruotavano migliaia, forse milioni di pianeti […] e ciascuno di quei mondi era un granello di polvere nell’immensità dell’universo27 ». Vassalli s’inspire de la poésie de Campana, de ce regard émerveillé que Dino posait sur le ciel étoilé – « quanto tempo è trascorso da quando i bagliori magnetici delle stelle mi dissero per la prima volta dell’infinità delle morti!28 » ; « Drammi meravigliosi, i più meravigliosi dell’anima umana palpitavano e si rispondevano a traverso le costellazioni29 » –, poésie que Vassalli colore de son empreinte nihiliste. Vassalli a été qualifié de « Manzoni senza la Provvidenza » : la pluie finale qui tombe sur les cendres encore chaudes d’Antonia n’a en effet rien de providentiel mais ne fait que réaffirmer l’absence de Dieu « che in quel nulla fuori della finestra è assente come è assente ovunque30 ».

15 Ainsi, tous les destins des protagonistes des romans de Vassalli fusionnent dans cette figure omniprésente, « il grande nulla » : « uno dopo l’altro, morirono: il tempo si chiuse su di loro, il nulla li riprese31 ». Si cet état d’inexistence est le signe d’une amertume sans espoir, d’une méditation sur la dissolution des corps, des paysages, des rêves, le témoignage de l’absence de dieu, de l’absurdité de l’existence, il permet aussi de

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 30

conférer un sens aux choses insensées : « Per cercare le chiavi del presente, e per capirlo, bisogna uscire dal rumore: andare in fondo alla notte, o in fondo al nulla32 », parce que le néant, comme l’infini, est pour Vassalli l’expression d’une altérité absolue, insaisissable, irréductible et innommable.

NOTES

1. S. Vassalli, La chimera, Torino, Einaudi, 1990, p. 8. 2. S. Vassalli, Marco e Mattio, Torino, Einaudi, 1992, p. 26. 3. La chimera, p. 57. 4. S. Vassalli, Introduzione a Dino Campana, Un po’ del mio sangue, Canti orfici, poesie sparse, Canto proletario italo-francese, Lettere (1910-1931), Milano, Rizzoli, 2005. 5. Marco e Mattio, p. 12. 6. M. Launay, « Les “miettes” du sens : la folie dans les proverbes français antérieurs au XVIIe siècle », dans La folie et le corps, études réunies par J. Céard, Paris, Presses de l’ENS, 1985, p. 33. 7. La chimera, p. 134. 8. Ibid., p. 131. 9. Marco e Mattio, p. 13. 10. La chimera, p. 47. 11. Marco e Mattio, p. 13. 12. La notte della cometa, Torino, Einaudi, 1984, p. 31. 13. Marco e Mattio, p. 312. 14. « L’expression dire la folie est contradictoire en soi. Dire la folie sans l’expulser dans l’objectivité, c’est la laisser se dire elle-même. Or la folie, c’est par essence ce qui ne se dit pas : c’est “l’absence d’œuvre” », dans J. Derrida, L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 68. 15. La notte della cometa, p. 14. 16. Ibid. 17. P. Aldo Rovatti, La follia in poche parole, Milano, Bompiani, 2000. 18. J. Chevalier et A. Gheerbrants, Dictionnaire des symboles, Paris, Laffont, p. 246. 19. La chimera, p. 286. 20. Marco e Mattio, p. 258. 21. Ibid., p. 74. 22. La chimera, p. 292. 23. Intervista a S. Vassalli, Enciclopedia multimediale di scienze filosofiche, Il grillo, Rai Educational, Puntata registrata il 26 gennaio 1999 con gli studenti del Liceo Classico Socrate di Roma. 24. La notte della cometa, p. 236. 25. J. Derrida, L’écriture et la différence, op. cit., p. 154. 26. Marco e Mattio, p. 20. 27. Ibid., p. 295. 28. D. Campana, « La Verna », dans Canti orfici, dans Opere, éd. S. Vassalli et C. Fini, Milano, Tea, 1999, p. 47. 29. Ibid., Pampa, p. 73. 30. Ibid.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 31

31. La Chimera, p. 303. 32. Ibid., p. 6.

AUTEUR

LISA EL GHAOUI Université Stendhal - Grenoble 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 32

La religion juive ou la découverte de l’altérité dans La parola ebreo de Rosetta Loy

Judith Lindenberg

1 Rien ne prédestinait Rosetta Loy, née en 1931 et issue d’une famille de la bourgeoisie romaine catholique et bien-pensante, à faire de la Shoah une question centrale de son œuvre. En revanche, sa situation familiale typique en fait une observatrice extrêmement représentative de ce qu’ont vécu l’immense majorité des Italiens pendant la seconde guerre mondiale. Dans La parola ebreo, sixième livre de Rosetta Loy paru en 1997, l’auteur fait s’alterner les souvenirs d’enfance et la documentation historique sur le sort des juifs italiens pendant cette période, à travers un montage qu’elle qualifie de « memoria storica, non […] saggio ma neppure un racconto di fantasia1 ». Le récit montre une petite fille, la narratrice, prenant conscience de l’altérité à travers la présence dans son univers clos et protégé de personnes d’une autre religion, qui un beau jour disparaissent sans laisser de trace. L’éclairage rétrospectif sur la partie historique prend à rebours cette disparition pour tenter d’en reconstituer les étapes. Cette apparente extériorité fait l’originalité de sa démarche, qui peut s’apparenter, au- delà des données de départ, à celle de Georges Perec dans W ou le souvenir d’enfance : chercher, dans la banalité du quotidien, les traces infimes de ce qui se déroule en dehors, la marque en creux d’une absence.

2 Dans cette perspective, le point de vue de l’enfant se donne comme privilégié dans l’entreprise de la mémoire à laquelle se livre l’auteur, qui a confié, lors d’un entretien à la sortie du livre : penso che una vera memoria non può esistere. Perché noi ricordiamo quello che ci ha colpito, ma l’esatta memoria dei fatti, così come sono stati, non esiste. Ognuno vede ciò che vuole vedere. Penso che i bambini siano quelli che vedono meglio, perché non hanno pregiudizi e non hanno giudizi: i bambini registrano e per questo sono più capaci di vedere2.

3 Le récit s’ouvre sur une scène de circoncision, scène aperçue par la narratrice à travers la fenêtre des voisins. Face à un rite étrange qu’elle ne comprend pas, sa gouvernante

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 33

répond par la « parola ebreo », qui rentre ainsi dans la vie de l’enfant. Dans la disposition de la scène sont contenus tous les éléments qui détermineront son rapport à l’altérité : une alliance de proximité spatiale et d’extériorité (la scène se passe de l’autre coté de la rue et la narratrice voit sans être vue), mêlée d’incompréhension et de fascination. Ce sont les mêmes sentiments que l’on retrouve face à une petite fille rencontrée au parc. La narratrice ne se lasse pas de la regarder, « affascinata da quella stella che dondola al sole sprizzando scintille » (p. 6). Fascination qui naît de l’émergence d’une différence radicale, l’étoile de David, dans la similarité apparente, puisque après tout, la petite fille porte, comme elle, une culotte Petit Bateau, et qu’il leur est permis de jouer ensemble. L’apparente similarité (classe sociale, fréquentation des lieux) contient une différence qui, par un signe extérieur, révèle l’existence d’une réalité autre et insoupçonnée. Cette fois, l’enfant comprend seule : « ho capito che quella bambina è ebrea […] Quella stella adesso mi sembra piena di mistero. Invidio quella bambina che la porta invece della mia stupida medaglietta » (p. 7). En même temps que l’inconnu se fait plus accessible, puisque ici la narratrice n’est plus spectatrice extérieure, mais compagne de jeu, le mystère de cette altérité s’épaissit, le droit de toucher l’étoile lui étant refusé ; à partir de là, la proximité spatiale sanctionne une inaccessibilité de fait, constitutive de l’altérité. La fascination de la petite fille envers les rites et signes de la religion juive s’inscrit dans un quotidien où la religion catholique est omniprésente : les « rosari di olive del Getzemani » (p. 16) apportés par les missionnaires qui fréquentent la famille de l’enfant, ou encore « le illustrazioni a colori della Bibbia » (p. 5) qu’on lui montre à l’école, sont autant de signes rattachés à cette appartenance. Dans ces illustrations, le Christ apparaît pour sauver la terre d’un « Dio senza cuore » (p. 5), tandis que les juifs périssent des pires maux. C’est sur cette imagerie mentale que viennent se superposer les découvertes successives liées à la religion juive dans le quotidien de la narratrice, sous une apparence qui remet en cause tous les préceptes appris.

4 De ce point de vue, c’est surtout dans les familles de voisins de la narratrice, les Levi et les Della Seta, que cette réalité prend corps. Toutes deux de religion juive et au plus près de l’univers familial, à la fois par la proximité spatiale et la sympathie qui les lient les unes aux autres, ces familles représentent la forme la plus aboutie de l’altérité. Dans ce cas-là, la conscience de la différence, parce qu’elle s’accompagne à la fois de la proximité par excellence, le voisinage, et d’aucun signe extérieur, est purement abstraite. De même, la connotation négative de la religion juive qu’on lui inculque rentre en conflit avec ses sentiments : « Adoro la signora Della Seta, anche se è ebrea » (p. 3), expression qui se retrouve de façon spéculaire dans les propos rapportés sur les Della Seta, « che sono ebrei, “anche se bravissime persone” » (p. 59). Mais surtout, une telle proximité fait naître un doute angoissé sur le caractère aléatoire de l’appartenance : « se i neonati vengono lasciati in un cesto fuori la porta, chi mi può assicurare che mi hanno lasciato davanti alla porta giusta e non fossi destinata invece a quella subito accanto, la porta dei Della Seta? » (p. 59). Ce trouble face à la différence du semblable est le point focal à partir duquel tout le récit se déroule. Par la disparition de ces alter ego, le doute initial se muera en interrogation démesurée, qui conduira l’auteur à revenir, plusieurs décennies après, relire les événements historiques à la lumière de son regard d’enfant.

5 Ainsi, au travers de ces trois moments, la narratrice prend conscience de l’existence d’une réalité autre que la sienne, par ses rites (la circoncision) et ses symboles (l’Étoile de David), réalité qui se rapproche progressivement d’elle et de son foyer par cercles

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 34

concentriques. Tout d’abord l’écran constitué par les deux fenêtres qui la séparent de la scène de la circoncision, puis la rencontre de la petite fille dans un lieu extérieur, et enfin l’appartenance au même immeuble forment les étapes de la découverte ; au centre, le foyer protecteur et rassurant de sa propre famille. Par ailleurs, l’ensemble de ces scènes, placées au début de La parola ebreo, apparaissent déjà dans les premiers récits de Rosetta Loy, en des termes très proches, signifiant par là leur caractère fondateur dans l’imaginaire de l’auteur.

6 Le titre de la traduction française, Madame della Seta aussi est juive3, met l’accent sur l’importance du rôle des voisins dans la découverte de l’altérité. Le personnage de madame Della Seta et sa famille n’interviennent que fugitivement dans le récit, mais ce rôle secondaire apparaît inversement proportionnel aux empreintes profondes que le souvenir de la narratrice en conservera. Leur disparition, mais plus encore le fait que cette disparition soit pour ainsi dire passée inaperçue dans l’existence de la narratrice, conduit cette dernière, devenue adulte, à s’interroger sur l’origine d’un tel état de fait.

7 La famille de la narratrice est décrite comme au-delà de tous soupçons vis-à-vis du fascisme et de l’antisémitisme : le père, fervent lecteur du quotidien catholique L’Osservatore romano, est indigné par le comportement de la concierge, qui traite le fils des voisins de « miserabile giudeo » (p. 59)4 : l’adjectif vient redoubler l’insulte du substantif, qui n’a pas la même valeur que « La parola ebreo », comme l’indique la mère à l’enfant : l’apprentissage de l’altérité passe aussi par le langage. Toutefois, des liens se tissent entre l’éducation familiale et l’idéologie régnante, comme la germanophilie. Ni dans l’adhésion ni dans le rejet actif, l’entourage de l’enfant, comme nombre de ses compatriotes, tend à préserver le consensus moral. C’est ce consensus, allant de pair avec le confort bourgeois de l’appartement semblable à un cocon, avec ses tapisseries à fleurs de pêcher, qui rend lointain l’écho de la guerre et même de ses répercussions sur les habitants les plus proches de la famille, les voisins. Au milieu du récit d’épisodes anodins qui remplissent sa vie quotidienne, alors que la guerre vient de commencer, apparaît une indication furtive sur le sort de ces derniers : « Non so come viva questo inizio di guerra il ragazzo dei Levi, quel silenzio come un’ovatta che è calato nell’appartamento accanto dove la signora Della Seta vive con il fratello » (p. 82). Avant leur disparition définitive, la présence des voisins se fait de moins en moins tangible, sans que l’on sache si cet effacement progressif est dû à l’attitude de ceux-ci, obligés de se cacher, ou au souvenir de la narratrice, qui ne sait pas ce qu’il advient d’eux. Le souvenir d’une absence se confond avec l’absence de souvenir, qui se manifeste par la prédominance du silence, mis en valeur par la syntaxe bancale de la phrase. Ce sentiment culmine lors de la description rétrospective de la dernière visite de Madame Della Seta : I tratti del viso si cancellano nella grande luce di luglio, si perde il contatto delle sue mani e il timbro della voce nel grande silenzio che la circonda. Questa è l’ultima volta che la vedo e appoggio le labbra sulla sua guancia rugosa. Nessuno ancora sa che un interrogativo smisurato nascerà dalla sua immagine muta mentre ci consegna quel pesce adagiato tra ciuffetti di prezzemolo verde. In quella giornata di luglio la sua immagine si è dissolta lasciando nella memoria un’impronta quasi fosse stampata in trasparenza su una garza, senza che sia possibile, mai più, ritrovarne il corpo che intercettava la luce o il movimento di quando si sedeva in salotto, il fruscio della gonna. (p. 107-108)

8 Dans l’entretien donné au Magazine littéraire, la romancière explique, à propos de cet épisode : « Pendant de nombreuses années j’avais comme effacé ce souvenir dramatique de ma mémoire, mais il a fini par resurgir et maintenant je ne peux plus l’oublier5 ».

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 35

Effacement des traits du visage et effacement du souvenir coïncident : le décalage dans la prise de conscience transparaît dans la description qui contient les perceptions successives de la narratrice, disparition et perte de mémoire. Le souvenir de ce moment porte en creux, dans sa matière même, l’inscription de cet effacement ; il se superpose à l’image et semble la manger comme un acide, la dissoudre au sens propre, ne laissant à sa place que le vide. Ce passage, au centre de la thématique de Rosetta Loy, est aussi un des sommets de son art : une écriture de la dissolution, qui, faute de ne pouvoir trouver de réponse aux interrogations de l’Histoire, réussit à mimer son action sur les corps et les esprits. Ainsi, le silence peut être perçu à son tour comme une dissolution de la parole.

9 C’est ce même silence qui caractérise l’attitude du Vatican envers le sort des juifs pendant la seconde guerre mondiale, comme l’indique l’auteur dans la partie historique. L’auteur raconte comment Pie XI, ennemi déclaré de Mussolini, aurait cherché à protester publiquement contre le sort que les Allemands destinaient aux juifs, par un discours et une encyclique. Mais le discours ne sera jamais prononcé, du fait de la mort prématurée du pape, et l’encyclique, sur laquelle avaient été chargés de travailler trois jésuites, ne verra pas non plus le jour. À ce propos, elle écrit : « È come se quel testo si fosse inabissato in acque insondabili. I tre gesuiti tacciono, legati dal segreto pontificale » (p. 71). Plus loin, toujours dans la partie historique, la romancière souligne, à propos de la disparition d’un prêtre résistant : « Il 14 agosto L’Osservatore Romano ricorda a modo suo Padre Kolbe: “Padre Kolbe – scrive –, è silenziosamente sparito un anno fa…” » (p. 113). Comme l’encyclique de Pie XI, la disparition du père Kolbe est recouverte par le silence. Silence qui ouvre une béance dans l’Histoire et que l’auteur, faute de pouvoir la combler, souligne, mettant en lumière le problème de conscience qu’aurait posé cette encyclique aux cent millions de juifs européens, et se demandant dans quelle mesure celle-ci aurait influencé leur destin. Cette volonté d’élucidation, refoulée par la mémoire collective, habite la mémoire individuelle et l’œuvre de Rosetta Loy. Explicitement dévoilée dans la partie historique de La parola ebreo, elle se répercute obliquement sur les souvenirs personnels de cette époque, se superposant à eux, pour finalement s’incarner dans le personnage titre de la traduction française, Madame Della Seta. Entre les mesures touchant au sort des juifs en ce début de guerre, en 1939, sur lequel est focalisé le récit, et le quotidien préservé de la narratrice, s’instaure une étanchéité presque parfaite, même quand les répercussions touchent à son voisinage : Niente ci viene chiesto e niente ci viene detto di quelle leggi che per quasi cinquantamila ebrei stanno per rappresentare l’inizio di una catastrofe […]. Niente in quell’inverno del 1939 viene a turbare l’ordine di via Flaminia […]. Dovranno accadere cose terribili perché io torni a visitare quel tempo e guardi nel pozzo dove la Signora della Seta, i Levi, quel bambino che vedo trotterellare tra una finestra e l’altra, stanno scivolando giù senza che ne arrivi il minimo fruscio. (p. 57)

10 L’absence de contact entre la réalité historique de ces années-là et l’existence de la petite fille, signalée par la répétition de la négation initiale, engendre un véritable trou de mémoire, une disparition démultipliée par le silence qui l’entoure et la nie. Le glissement des voisins juifs hors de son univers semble avoir lieu dans un présent intemporel, comme si l’ignorance qui l’entoure au moment où il a lieu, et la prise de conscience tardive d’un tel événement, le faisaient se reproduire à l’infini. L’inconscience d’alors est devenue une question obsessionnelle, « presenza tenace e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 36

inoppugnabile che ripropone ancora oggi senza risposta possibile quella domanda » (p. 109).

11 Dans La parola ebreo, la découverte par la narratrice de l’existence d’une religion qui n’est pas la sienne, marquant l’entrée de l’altérité dans son univers, est suivie de près par l’effacement de cette altérité. Les passages historiques concernant le sort des juifs italiens avant et pendant la guerre sont quantitativement plus importants que les passages contenant les souvenirs d’enfance de la narratrice. Ceux-ci se donnent, à travers leurs manques mêmes, comme point de vue privilégié du fait de l’absence de jugement qui les constitue. Ce sont ces souvenirs, pour une part déjà présents dans des récits antérieurs de Rosetta Loy, qui permettent de comprendre, à travers la vision d’une enfant, comment l’impensable a pu se produire non seulement du fait d’une volonté politique, mais aussi d’un consentement tacite à l’ignorance et au silence, voulu par des instances dirigeantes comme le Vatican, et comme métabolisé par la population. Le silence revient comme un leitmotiv aussi bien dans les parties historiques que narratives et fait office de lien. Le montage entre ces deux formes d’écriture distinctes exprime le fossé entre l’ensemble de la population et une de ses composantes, la communauté juive, auparavant parfaitement intégrée puis désolidarisée progressivement jusqu’à la disparition. Les deux axes se rejoignent à l’extrême fin du récit, qui se termine par des indications sur le sort des voisins, telles qu’elles ressortent de l’enquête de l’auteur. L’originalité de la démarche de Rosetta Loy transparaît dans le décalage entre les titres respectifs des versions italiennes et françaises : en aucun cas La parola ebreo n’aurait pu être traduit littéralement par « le mot juif », expression beaucoup plus connotée du fait de la place respective de la judéité et de l’antisémitisme dans l’histoire de chacun des deux pays. Cet écart de traduction nous permet d’apercevoir, d’un point de vue comparatiste cette fois, l’ébauche d’une autre différence.

NOTES

1. R. Loy, La parola ebreo, Torino, Einaudi, 1997, Nota, p. 149. Désormais, pour les citations de ce livre, nous donnons directement le numéro de page. 2. « Per Rosetta Loy la memoria è anche assunzione di responsabilità », entretien, 6 juin 1997. 3. R. Loy, Madame Della Seta aussi est juive, trad. fr. de F. Lebrun, Paris, Payot & Rivages, 1998. 4. La nuance lexicale de l’italien (« giudeo » au lieu d’« ebreo ») se perd dans la traduction française (« misérable juif »), fournissant l’indice d’une différence culturelle dans la perception respective de l’altérité des juifs. 5. « Rosetta Loy : la tentation autobiographique », Le Magazine littéraire, décembre 2001, p. 102.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 37

AUTEUR

JUDITH LINDENBERG Université Paris 3, Circe

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 38

La sorcière comme image de la différence dans La chimera de Vassalli

Stefano Magni

1 Vassalli publie en 1990 son roman le plus connu : La chimera1. L’histoire, qui se déroule au XVIIe siècle, met en scène la vie assez brève d’Antonia, jeune fille accusée d’être une sorcière et par conséquent poursuivie et brûlée par le Tribunal de l’Inquisition. Notre intention est de découvrir quel est le lien entre le destin de sorcière et le sujet de la différence. Nous montrerons ainsi comment la diversité domine la scène du roman de Vassalli et essaierons de découvrir l’idéologie de l’auteur par rapport à ce sujet. Pour ce faire, nous mettrons le roman en relation avec son modèle, I promessi sposi, en montrant le parallélisme qui lie les personnages des deux textes et en expliquant, enfin, comment l’histoire de Vassalli ré-interprète son modèle.

Le personnage d’Antonia

2 Antonia est une orpheline qui grandit dans « La casa di Carità » de Novare. Vers l’âge de dix ans, elle est adoptée par un généreux couple de paysans « della Bassa », Bartolo et Francesca. Elle quitte alors l’orphelinat et va vivre dans le petit village de Zardino. Mais, dans la nouvelle réalité, la jeune fille est l’étrangère et autour de ce point se joue son destin, car la société restreinte est méfiante envers tout ce qui vient de l’extérieur. Dans La chimera, ce comportement sociologique devient intolérance.

3 Elle est de plus, en tant qu’enfant abandonnée, la conséquence d’un péché charnel, et à cause de cela, dès sa naissance, est touchée par le démon. Pour considérer la jeune fille comme une sorcière, il ne faut donc pas attendre les comportements anomaux et libres qu’elle aura quand elle sera adolescente, son statut d’orpheline étant suffisant. Dans l’esprit des commères, une relation s’instaure d’emblée entre la personne étrangère, la fille du péché charnel, et la sorcière. Elles expriment tout de suite leur jugement moral :

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 39

« Anche questa ci doveva capitare! Un’esposta a Zardino! In mezzo ai nostri figli! […] Una figlia del Diavolo! Una piccola stria! » (p. 47)

4 La présence d’Antonia est hors commun et cet aspect déstabilise les gens. Le village pourrait encore comprendre l’adoption d’un garçon qui se chargerait des travaux à la campagne, mais ne conçoit pas le choix d’une fille : Ma andare a prendere una femmina, in città, era una cosa che non stava né in cielo né in terra, che non s’era mai vista. Un controsenso! “Come cambiano i tempi – commentavano. – E pensare che le nostre madri, e le nostre nonne, affogavano le figlie nella Crosa (cioè: nella roggia del mulino) il giorno stesso che nascevano, se erano troppe, o se non avevano più il latte per allattarle, o se le annate erano scarse”. (p. 46-47)2

5 Avec le choix d’un amour clandestin, Antonia accélère sa chute. Elle tombe amoureuse d’un « camminante », un vagabond qui n’est pas intégré non plus à la vie communautaire et qu’elle rencontre en secret. Selon le village, la seule relation légitime est celle du mariage qui a pour but la constitution d’un nouveau foyer fondé dans le réseau des relations codifiées. Le rapport fautif des deux jeunes sera donc forcément puni.

6 En nous référant au grand roman italien qui se déroule au XVIIe siècle, I promessi sposi3, nous pouvons constater que toute l’histoire d’Antonia est le renversement du destin de Lucia4. Il est facile de remarquer que Lucia est née dans le village où elle habite dans le respect des règles, alors qu’Antonia est une orpheline étrangère. À cet aspect correspond le fait que l’histoire de Renzo et Lucia a « un lieto fine », alors qu’Antonia meurt condamnée. La relation entre Antonia et Lucia est fondée sur l’opposition. Lucia respecte les canons prévus par la petite société du village, en suivant le modèle de la jeune fille honnête, dévouée, et prête au mariage, Antonia bouleverse toutes ces caractéristiques : aux regards baissés, aux hésitations et aux pudeurs de Lucia, Antonia réplique, par exemple, par des phrases audacieuses qui la conduisent à son atroce destin.

7 La critique a d’ailleurs mis en rapport La chimera avec I promessi sposi, à raison, car un rapport incontournable, au niveau de la géographie, de la chronologie et des personnages existe entre les deux histoires, qui présentent aussi des analogies textuelles, voire des intertextualités. Les deux romans ont, de plus, une préface selon laquelle l’écrivain s’est limité à adapter un manuscrit ignoré auparavant.

8 Or, l’histoire de Vassalli parle d’une sorcière, alors que Manzoni glisse sur le sujet, en lui accordant peu d’attention. En 1823, l’écrivain nie d’ailleurs toute valeur morale et littéraire au « guazzabuglio di streghe [e] spettri5 » et considère la sorcellerie comme extravagante et contraire à la vérité et à la raison. Mais son opinion ne rend pas compte de l’amplitude du phénomène au XVIIe siècle, période qui est aussi synonyme de chasse aux sorcières.

9 Manzoni abordera ce thème dans la Storia della colonna infame (1842), l’œuvre qui suit les Promessi sposi et qui s’occupe de la condamnation des « untori », c’est-à-dire ceux qui, selon les dires du peuple, furent responsables de la peste à Milan en peignant les cadres des portes d’un onguent spécial6. Le roman de Vassalli remplit alors un vide qui rend, par là, honneur à toute la culture orale submergée de ce siècle, car le livre dénonce la répression de la diversité, et relit sous une autre optique le roman fondateur de la littérature italienne.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 40

10 Comme la critique l’a souvent remarqué, si Manzoni regarde d’un œil très fin et reproduit attentivement la société du XVIIe siècle7, ses représentations de la vie rurale sont souvent cachées derrière le voile d’une vision idyllique, fondée sur le stéréotype, dont l’exemple le plus archétypique est le fameux passage de l’adieu aux monts que les fiancés fugitifs adressent à leur terre : « Addio, monti sorgenti dall’acque ed elevati al cielo […]8 ».

11 Vassalli, en revanche, décrit un microcosme vif, riche en fêtes, en traditions, et en hérésies. C’est un lieu qui accepte la coprésence des contraires : sacré et profane, rigorisme et libertinage, espace clos et ouvert. Il s’agit d’un monde païen, enseveli par l’Église catholique et par la « modernisation » de la Contre-réforme9 : La chimera est ainsi une mémoire des diversités homologuées par l’Église romaine. L’un des messages les plus forts du roman nous transmet l’idée que la Contre-réforme a effacé une richesse culturelle unique, en tranchant avec notre tradition.

12 La campagne de Vassalli comporte donc deux aspects. Elle accueille les paysans du village, enfermés dans leurs petites disputes, dans leur respect de l’ordre constitué ou dans leurs peurs. Mais elle accueille aussi un monde parallèle, illégal et caché, un univers souvent oublié, que Vassalli représente avec une extraordinaire vivacité. Il s’agit des « risaroli », les travailleurs saisonniers qui descendaient des villages de montagne ; des « madonnari », les artistes de province qui erraient avec leurs outils ; des « camminanti », sorte de vagabonds qui vivaient dans l’indiscipline, dans les tricheries et dans les violences ; des « esposti », les nouveaux-nés laissés à l’entrée des orphelinats ; et, finalement, des sorcières.

13 Dans le roman de Vassalli, toute cette diversité oubliée devient une valeur, et l’image de campagne, lieu de fêtes, rites anciens, croyances païennes, semble être inspirée, pour certains aspects, par des textes historiographiques consacrés au sujet. Une référence privilégiée est ici l’œuvre de (Storia notturna10, Il formaggio e i vermi11 et I benandanti12), dont l’influence sur Vassalli a été, à notre avis, souvent négligée et qui revient, d’après nous, dans les mots hérétiques d’Antonia.

14 Vassalli est en fait très attentif à signaler l’existence de rites qui ont dû se modifier au cours des siècles, suivant les préceptes de la religion. Il mentionne des traditions qui ont évolué, comme le culte des « madri » (p. 86), à savoir, dans le mythe, des matrones celtiques de la fertilité, dont le culte s’est poursuivi, mélangé au christianisme, pendant des siècles.

15 Nous trouvons aussi d’autres liens possibles entre les deux auteurs. Les « Tempora » de Ginzburg sont citées par Vassalli (p. 187) ; les fêtes populaires, « balli, carnevali, feste di maggio, feste del raccolto » (p. 187) que don Teresio veut effacer, sont souvent abordées dans les textes de Ginzburg. Comme Ginzburg, Vassalli observe donc les changements qui conduisent les traditions païennes à se mêler aux rites catholiques. C’est au XVIIe siècle que la force des bacchanales, réprimée par les nouvelles coutumes établies à Trento, éclate dans deux directions opposées. D’un côté, elle choisit la solution interdite et orgiastique des sabbats où, selon les dires, le démon aussi se joindrait aux participants. D’un autre côté, cette énergie refoulée éclate légalement dans la répression de ces mêmes comportements : l’exécution des sorcières donne lieu à des comportements libératoires et violents. Lorsqu’elle est menée au sacrifice, Antonia subit des attaques barbares et farouches de la part de la foule. Ces agressions sont une vengeance contre celle qui a porté le malheur, mais aussi, plus simplement, les phases d’un rite collectif. L’Église et le peuple qui ont été en désaccord pendant tout le roman –

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 41

le symbole de leur incompréhension étant le rapport contrasté entre don Teresio et le village de Zardino – rejoignent à travers cette pratique un nouvel accord.

16 Au moment de l’exécution finale, les deux parties se trouvent sur le même front, le supplice d’Antonia étant la conjonction légale du rigorisme catholique et de l’esprit libératoire païen. La sorcière se trouve finalement au delà de la culture populaire et religieuse, et le fait qu’elle soit étrangère facilite cette conjonction.

Pourquoi l’histoire d’une sorcière

17 Ces réflexions nous semblent importantes, car elles nous conduisent à réfléchir sur la signification que peut avoir aujourd’hui l’histoire romanesque d’une sorcière du XVIIe siècle : La chimera est une réponse à l’idéologie manzonienne, mais en quoi ces valeurs concernent-elles l’idée de différence ?

18 La valeur la plus importante de l’hypotexte est la « provvidenza », soit l’idée d’un dessein divin qui règle le déroulement de la vie de chacun. La critique la plus récente tend à réduire l’importance de la valeur religieuse et de la providence dans I promessi sposi13, mais on a longtemps écrit et répété que tout le roman gravite autour de cette idée qui est aussi une synthèse de l’idéologie manzonienne, « il sugo di tutta la storia », et Vassalli nous semble surtout lire le roman selon cette perspective traditionnelle.

19 On peut se demander comment la foi manzonienne s’articule avec la méfiance envers l’institution religieuse et avec le nihilisme de La chimera. Nous essayerons de répondre au niveau du macro-texte et du micro-texte en commençant par ce deuxième. Nous avons en effet d’abord cherché des récurrences du mot « Provvidenza » dans le roman du XXe siècle et nous n’avons trouvé qu’une seule utilisation du terme, dont le contexte peut nous aider à comprendre la position de Vassalli par rapport à l’idée qu’il véhicule. L’épisode se trouve au début du roman, lorsqu’Antonia est encore à l’orphelinat. Sa camarade Rosalina, plus âgée, et qui a connu le monde en se prostituant, prend un rôle d’éducatrice : sur un ton cynique, elle renverse les valeurs manzoniennes et sous- entend que personne ne peut aider une orpheline lors de sa rencontre avec le monde. Son seul soutien réside dans son corps. Le message est très dur, car la « Provvidenza » se trouve parmi les jambes des jeunes filles : « la sola cosa che vi aiuterà ad affrontare il mondo è quell’affare che avete tra le gambe. Lì c’è la Provvidenza, quella vera, l’unica che ci viene in aiuto anche quando il mondo intero ci è contro! » (p. 34).

20 Qu’en est-il de la providence au niveau du macro-texte ? Nous savons que Manzoni applique sa vision du monde à l’histoire de Renzo et Lucia : ils ont la foi, ne perdent pas confiance, et traversent toutes les difficultés en parvenant à un joyeux mariage14. Dans I promessi sposi, personnages et événements suivent une direction « prédestinée », mais qui correspond à leur bien. Antonia, en revanche, est conduite au bûcher qui remplace la fête de son mariage. On peut alors se demander quelle est la valeur vassallienne qui succède à la providence manzonienne.

21 Chez le parodiste tout semble conduire vers le nihilisme. Si aux indécisions de Lucia correspondent des énergies universelles qui déplacent les pions sur l’échiquier en sa faveur, les hésitations d’Antonia se heurtent au néant : aucune intervention ni aucune loi ne peut la sauver.

22 Comme nous essaierons de le démontrer, la différence entre les deux textes nous intéresse pour analyser le procédé mis en acte par Vassalli. Pour comprendre les

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 42

raisons de ce roman et son idée de la différence, nous allons proposer un parallélisme entre les personnages des deux œuvres. Des détails communs rapprochent en effet les figures mineures des deux romans, ce qui épaule la théorie de la parodie. Des liens évidents concernent, d’abord, les personnages des religieux. Cette analyse nous servira à mieux comprendre le rapport entre les institutions et la différence dans les deux textes.

23 Pour l’économie du roman, la plus importante de ces figures est l’évêque Bascapé – comparable à Federigo Borromeo – que l’on peut considérer comme le deuxième protagoniste de l’histoire. Bascapé, comme son double, est un personnage historique.

24 Les fonctions diégétiques des deux figures sont, de plus, semblables. Premièrement, au niveau du macro-texte, car ils représentent la voix officielle de l’Église, ensuite au niveau du micro-texte, pour lequel nous renvoyons à l’article de Verina Jones qui confirme l’existence d’un rapport d’intertextualité15.

25 Les deux pasteurs sont directement opposés. Un discours tenu lors d’une homélie nous semble représentatif. Selon Manzoni, Borromeo parle d’une manière simple et touche les cœurs de tous : « anche i più duri di testa, i più ignoranti, andavan dietro al filo del discorso [di Borromeo]. Andate ora a domandar loro se saprebbero ripeter le parole che diceva: sì; non ne ripescherebbero una ; ma il sentimento lo hanno qui » (p. 158). D’après Vassalli, Bascapé ne se fait pas comprendre, car il ne parle pas en patois, mais en italien : « in lingua ». La parodie a évidemment une valeur idéologique et exprime la position de Vassalli face à l’institution religieuse : « della predica del vescovo capirono soltanto alcune parole e alcune frasi, o addirittura non capirono niente: e ciò, per il semplice motivo che il vescovo predicava in lingua, mentre i contadini parlavano in dialetto » (p. 158). Vassalli nous donne ainsi une image plus froide et distante du représentant de l’Église. Les positions idéologiques des deux écrivains divergent aussi dans d’autres cas, comme dans la représentation de don Abbondio et des correspondants don Teresio et don Michele16. Mais le cas concernant padre Cristoforo nous semble exemplaire.

26 Celui-ci trouve une correspondance en Pietro Maffiolo, un laïc qui par certains aspects recouvre une même fonction diégétique. Maffiolo apparaît sur scène pour témoigner devant le Tribunal de l’Inquisition lorsque pour Antonia la situation tourne au pire. Son intervention tend à protéger la jeune fille, bien que son geste soit insuffisant. L’intercession de padre Cristoforo auprès de don Rodrigo rappelle cette scène. Les deux tentatives échouent, et dans les deux cas les protagonistes se trouvent dans une position psychologiquement inférieure par rapport à l’interlocuteur : l’inquisiteur accueille d’ailleurs Maffiolo avec des mots ironiques (p. 248), alors que don Rodrigo adresse à padre Cristoforo un sourire railleur17. Dans ce cas aussi, comme le rappelle encore une fois Verina Jones, « The points of contact between the textes are, once again, not limited to the diegetic level, but include clear verbal borrowings18 ».

27 Cette homologie présente aussi des points divergents. Les buts idéologiques, en particulier, diffèrent, ce qui crée l’effet de parodie. Dans I promessi sposi, c’est un représentant de l’Église qui est menacé et agressé verbalement par un noble qui transgresse l’ordre social et les lois. L’institution – dans ce cas religieuse – est donc la victime. Dans La chimera, la perspective est complètement renversée, car c’est l’institution qui attaque le citoyen.

28 Or nous savons que Manzoni voulait réformer l’Église catholique et qu’il la critiquait de son regard positiviste, à cause de la chasse aux sorcières, en particulier. Son esprit

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 43

rationnel ne pouvait pas croire à la magie et à l’occultisme. Manzoni néglige des aspects de l’Église du XVIIe siècle, mais il est vrai que dans I promessi sposi sa critique n’est qu’ébauchée19. Il n’aborde pas, par exemple, le fait que Federigo Borromeo fut, de son vivant, rangé en première ligne contre la chasse aux sorcières. Vassalli, nous l’avons brièvement anticipé, peint en revanche Borromeo comme un politicien rusé et transforme ainsi l’image du noble père spirituel et met ensuite en relief l’aspect persécuteur de l’Église qui ne fut pas suivi par son modèle.

29 Dans le roman de Manzoni, l’organisme ecclésiastique symbolise la confiance, surtout grâce à des religieux qui interprètent et vivent l’authentique esprit chrétien20, alors que pour Vassalli le danger provient de l’institution elle-même. La différence réside précisément dans cet aspect. Si pour Vassalli le péril est porté par l’Église, celui qui sort des règles et des lois morales communes ne constitue plus un danger. Suivant cette interprétation, quelle sera, dans La chimera, la place et le rôle des seigneurs qui semaient la peur dans I promessi sposi ?

30 Dans La chimera, le noble voué au mal est Giovan Battista Caccia, dit Caccetta, qui est à la fois, comme le dit Vassalli lui-même, le détournement de l’Innominato et de Don Rodrigo21. Mais, comme nous allons le montrer, son image nous semble surtout une parodie de l’Innominato. L’histoire de Caccetta reprend les stéréotypes du noble maudit qui consacre sa vie au crime et à la haine. Mais, à la différence de l’Innominato, certains aspects le relèguent dans un registre comique. Son aspect physique tout d’abord est anti-héroïque : tous ceux qui le rencontrent sont stupéfaits et se demandent comment un « omiciattolo » (p. 111) pareil peut avoir semé la terreur dans la région. L’Innominato avait une lumière sinistre dans les yeux qui trahissait force d’esprit, alors que Caccetta a des yeux « sporgenti e lucidi » (p. 111) et un teint jaune.

31 En traçant un profil modeste du symbole du mal, Vassalli met d’autant mieux en évidence le fait que le véritable danger se situe du côté de l’institution religieuse. Il nous semble donc que le fait de minimiser la figure de Caccetta a une valeur idéologique.

32 On pourrait dire que ce nihilisme dérive de « certe carte ». On reviendrait ainsi à délégitimer l’auteur à travers l’expédient du manuscrit. Manzoni a écrit son roman à partir de personnages historiques du XVIIe siècle, mais en inventant les figures de Renzo et de Lucia. Si Vassalli veut parodier I promessi sposi, en se situant sur le même niveau, il faut penser qu’Antonia est une création de sa fantaisie.

33 Toute la critique que nous avons consultée – jusqu’au livre monographique récent de Cristina Nesi22 – ignore le problème, ou bien considère Antonia comme un personnage qui a réellement existé. Ce faisant, elle reconnaît que Vassalli a vraiment tiré l’histoire de la sorcière de « certe carte ». La différence nous semble substantielle, car si Antonia est un personnage inventé, le défi littéraire de la réécriture acquiert une valeur encore plus subtile.

34 Plusieurs données nous font d’ailleurs soupçonner ce fait : au niveau du micro-texte, par exemple, c’est lorsque Vassalli déclare avoir pris son inspiration dans « certe carte, che se fossero rimaste al loro posto ora sarebbero inaccessibili » (p. 5), que se réalise le moment parodique le plus fort de la préface manzonienne. Ce détail pourrait constituer la clef qui nous permet de lire la préface comme un détournement parodique. Nous aurions ainsi des éléments pour considérer comme inventée l’histoire d’Antonia.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 44

La valeur du roman – la critique de notre Histoire

35 Il nous paraît évident que Vassalli s’est documenté sur le phénomène des procès contre les sorcières au XVIIe siècle ; nous croyons cependant que l’histoire d’Antonia, comme il nous la raconte, n’a pas vraiment été puisée dans une source historiographique.

36 Si Vassalli avait vraiment trouvé un document attestant un procès contre une orpheline nommée Antonia, née en 1590 et immolée en 1610, nous devrions encore nous demander dans quelle mesure l’auteur l’aurait exploité pour construire son histoire. Les « certe carte » ne semblent en somme pas juridiques, car Vassalli ne sonde pas les potentialités narratives de ce type de document. De plus, si les sources de Vassalli avaient été de nature juridique, il y aurait eu des recherches au niveau des études des traditions populaires23.

37 On pourrait penser que la source de Vassalli est un manuscrit littéraire dont la valeur historique n’a pas été confirmée. Dans ce cas, le parallélisme avec Manzoni serait encore plus évident : comme dans l’hypotexte, le document ne serait qu’un prétexte, un jeu littéraire évident24. Il nous semble, répétons-le, que la visée de La chimera est de réécrire Les Fiancés. Vassalli semble intéressé par le fait de remettre en discussion l’idée de providence ou, plus largement, les valeurs manzoniennes, en réécrivant et en renversant son modèle.

38 On peut alors se demander quel sens acquiert le roman, et comment nous pouvons mettre nos argumentations en relation avec l’idée de différence. La valeur du roman réside dans le fait d’avoir porté témoignage de l’époque de la chasse aux sorcières, d’avoir ainsi comblé le manque ethnographique et sociologique des Promessi sposi, et d’avoir repéré dans le présent les mêmes mécanismes sociaux qu’hier. Manzoni parle du XIXe siècle à travers le XVIIe siècle mais, pour lui, la chasse aux sorcières est un phénomène qui concerne le passé, alors que, pour Vassalli, on peut le repérer dans les mécanismes sociaux d’aujourd’hui ; c’est ce que suggère aussi, parmi d’autres éléments, la structure cyclique de son roman. L’écriture acquiert alors une valeur capitale, car elle enseigne et transmet la mémoire.

39 Si Manzoni nous disait que la providence aide les gens, Vassalli nous rappelle qu’il n’y a pas de providence et que la société n’accepte que ceux qu’elle considère comme normaux. Si, dans ses critiques, Manzoni avait un esprit réformateur et voulait améliorer l’Église selon une optique moderne, Vassalli semble nier, d’une façon postmoderne, tout espoir de progrès, en mettant en évidence le danger qui se cache dans les institutions qui ont marqué la modernité, comme l’Église catholique.

40 Finalement, on peut dire que les deux livres expriment un même concept, mais selon une perspective différente : si l’écrivain du XIXe siècle nous montrait qu’en respectant les règles le destin nous sourit, Vassalli tire les conséquences logiques de ce raisonnement, à savoir que l’histoire et la société éliminent ou punissent ceux qui s’écartent du bon chemin.

41 Dans Les Fiancés, une justice supérieure punit celui qui n’accepte pas la morale commune, ou intervient pour changer sa vie (c’est ce qui arrive à l’Innominato) ; dans La Chimère, toute loi – et nous pourrions dire tout métarécit – ayant perdu sa crédibilité, le seul droit qui règne relève de la violence, de la barbarie, de la brutalité et de l’irrationnel. Pour éliminer les causes du mal, la société a alors besoin d’un bouc émissaire, qui est choisi sur la base de sa différence.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 45

NOTES

1. S. Vassalli, La chimera, Torino, Einaudi, 1990. Pour les citations du roman, nous donnerons directement le numéro de page. 2. Remarquons l’intervention méta-diégétique du narrateur sous forme de voix de commentaire : « (cioè: nella roggia del mulino) ». 3. A. Manzoni, I promessi sposi [1840], dans Tutte le opere, Milano, Mondadori, 1985. 4. De nombreuses références textuelles confirment d’ailleurs que ce parallélisme est intentionnel. 5. A. Manzoni, Tutte le opere, Milano, Mondadori, 1985, vol. V, tome III, p. 254. 6. Voir Processo agli untori: cronaca e atti giudiziari, sous la dir. de G. Farinelli et E. Paccagnini, Milano, Garzanti, 1988. Dans la Storia della colonna infame, Manzoni se justifie aussi de ne pas avoir traité avec suffisamment d’amplitude cet épisode de sorcellerie dans Les Fiancés. 7. Voir, par ex. S. Nigro, Il secondo romanzo: i “Promessi sposi”, dans Manzoni [1978], Bari, Laterza, 1988, p. 162-174. 8. A. Manzoni, I promessi sposi, dans ouvr. cité, cap. VIII, p. 149. 9. Le Concile de Trente, qui décrète le rigorisme, se termine en 1564. 10. C. Ginzburg, Storia notturna: una decifrazione del sabba, Torino, Einaudi, 1989. Comme nous l’avons écrit Vassalli a avoué avoir trouvé beaucoup de matériel vers la fin de l’écriture de son roman. Nous pouvons soupçonner que parmi ses sources tardives il y avait ce texte de Ginzburg, et aussi un texte très intéressant paru toujours en 1989 : G. Farinelli et E. Paccagnini, Processo per stregoneria a Caterina de Medici, 1616-1617, Milano, Rusconi, 1989. 11. C. Ginzburg, Il formaggio e i vermi: il cosmo di un mugnaio del ’500, Torino, Einaudi, 1976. 12. C. Ginzburg, I benandanti: stregoneria e culti agrari tra Cinquecento e Seicento, Torino, Einaudi, 1966. 13. Nous nous référons en particulier à P. Alberti, I porcellini d’India e il pastorello: personaggi del promessi sposi di Manzoni: fine di un messaggio cattolico, Roma, Armando, 2001, où l’auteur contredit la vision canonique du roman « religieux » de Manzoni. À propos de la providence, lire p. 141. A. Spranzi, Il segreto di Alessandro Manzoni: che cosa nasconde l’autore deI promessi sposi? Una manzoniana detective story, Milano, UNICOPLI, 2001, p. 205, se situe dans le même sillage. 14. Voir une « commedia matrimoniale », selon S. Nigro, Il secondo romanzo…, dans Manzoni, ouvr. cité, p. 173. 15. V. R. Jones « Intertextual patterns: I promessi sposi in La chimera », Italian Studies, Leeds, vol. XLVII, 1992, p. 62-63. 16. Don Michele, de plus, le faux prêtre qui représente les anciens cultes païens et qui est renvoyé de sa fonction, symbolise encore une forme de différence qui doit s’homologuer après le Concile de Trente. 17. A. Manzoni, I promessi sposi, dans ouvr. cité, ch. VI, p. 92. 18. Voir V. R. Jones, « Intertextual patterns: I promessi sposi in La chimera », art. cité, p. 60. 19. La critique la plus récente tend à nuancer cette position. Comme nous le verrons aussi ensuite, des auteurs ont attaqué la vision canonique des Promessi sposi. 20. Parmi les textes récents qui ont attaqué cette vision, nous nous référons ici à A. Spranzi, Il segreto di Alessandro Manzoni..., ouvr. cité, p. 205. 21. « come il Caccetta, che continuo a ritenere il vero spunto di due personaggi manzoniani, l’Innominato e Don Rodrigo », interview avec l’auteur dans S. Vassalli, La chimera, Novara, Interlinea, 2003, p. 84. 22. Voir Nesi, Sebastiano Vassalli, Fiesole, Cadmo, 2005. Le livre est approximatif quant à la sorcellerie : « Quasi tremila donne furono bruciate fra il 1560 e il 1670 ». Dans cet extrait et dans

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 46

la suite, l’auteur ne spécifie pas si cette donnée concerne la seule province de Novare ou l’Italie ou l’Europe entière. De plus, aucune référence bibliographique n’est offerte au lecteur. 23. La chasse aux sorcières fut un phénomène qui entraîna un nombre très vague de victimes entre XIVe et XVIIIe siècle (on parle d’un million, de cent milles et d’autres chiffres souvent hyperboliques qui d’après nous confondent procès et condamnations). En tout cas, quasiment toutes les exécutions eurent lieu dans les pays protestants. Les exécutions en Italie ont été peu nombreuses. Pourquoi la révélation de Vassalli, à quinze ans de distance, n’aurait-elle pas engendrée une étude anthropologique ? 24. Une question intéressante est aussi celle du respect du genre littéraire, car, de ce point de vue, le fait qu’Antonia ait existé acquiert un poids considérable. Selon Manzoni, dans le roman historique, les personnages qui ont réellement existé doivent agir au second plan. Si Vassalli utilisait un personnage du plan historique en tant que protagoniste, il contredirait les règles fixées par Manzoni pour le genre. Si par contre Antonia est un personnage inventé, le nihilisme produit par son histoire s’oppose délibérément à la providence manzonienne.

AUTEUR

STEFANO MAGNI Université Stendhal - Grenoble 3, Gerci

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 47

La figure du juif dans La Storia d’Elsa Morante

Sophie Nezri-Dufour

1 À bien considérer le roman d’Elsa Morante, La Storia, il apparaît que la tragédie juive est au centre d’une réflexion qui englobe un grand nombre de thématiques développées dans le récit. Dans ce roman, Morante s’attache à dépeindre et à dénoncer le processus par lequel la différence culturelle et sociale des juifs est transformée en faute et en impureté. Les juifs sont, dans son propos, les représentants paradigmatiques des parias, des exclus, de ceux qui dérangent et inquiètent, que l’on désire voir disparaître, et que l’Histoire, monstre destructeur, d’après l’auteur, n’hésite pas à broyer.

2 La période des lois raciales reflète en effet une véritable névrose vis-à-vis de l’Autre, l’Autre qui menace, par ses quelques différences, l’identité collective. Pour démonter et dénoncer cet état d’esprit, Morante cite dans son roman des articles entiers émanant des lois antisémites élaborées par les pseudo-scientifiques italiens de l’époque qui furent chargés de définir, et c’est ce qu’ils firent avec zèle, mais sans aucun fondement scientifique, l’identité raciale du juif1.

3 Ces décrets d’exclusion montrent bien à quel point l’altérité du juif posait problème, car était légalement considéré juif celui qui, par exemple, avait un parent juif et un autre étranger, comme si la judéité était liée à un univers dès le départ inconnu, autre, intrinsèquement différent et allogène, s’opposant par définition à l’idée de cohésion nationale : dans ces lois antisémites italiennes, qui furent d’ailleurs moins bien appliquées mais plus pointilleuses que les lois nazies2, l’Italien juif était par essence un étranger, aussi différent d’un Italien que l’aurait été un Français ou un Allemand.

4 Dans une logique imparable s’inspirant de l’idéologie nazie, le juif, devenant un étranger dans son propre pays, sortait de facto de l’univers des gens normaux, de ceux qui forment une collectivité soudée, apparemment privilégiée, constituée d’êtres supérieurs, en l’occurence les aryens, comme l’étaient devenus les Italiens de l’époque. À ce propos, Morante écrit : Gli ebrei erano diversi non solo perché ebrei, ma anche perché non ariani. E chi erano gli Ariani? A Iduzza questo termine delle Autorità suggeriva qualcosa di antico e d’alto rango, sul tipo di barone o conte. E nel suo concetto gli ebrei vennero

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 48

a contrapporsi agli ariani, più o meno, come i plebei ai patrizi […]. Però, evidentemente, i non ariani, per l’Autorità, erano i plebei dei plebei! Per esempio, il garzone del panettiere, plebeo di classe, di fronte a un ebreo valeva un patrizio, in quanto ariano! E se già i plebei nell’ordine sociale erano una rogna, i plebei dei plebei dovevano essere una lebbra! (p. 57)

5 On voit bien là comment de l’exclusion civique, on glisse à l’exclusion sociale, et à la marginalisation. Le juif, parce que différent, devient un paria, un individu impur et infâme, coupable d’une faute mystérieuse, mais qui devient bien réelle et à laquelle une partie de la collectivité nationale va finir par croire, puisqu’elle est érigée en loi. Ainsi, Ida, en tant que demi-juive, sent-elle peser sur elle « il marchio dei reprobi e degli impuri […]. Si sentiva in colpa, come un’abusiva e una falsaria » (p. 58).

6 Les juifs, différents, sont ainsi catalogués et exposés à un mépris officialisé, légitime, légal et légalisé, qui engendre une logique que plus personne n’essaie de remettre en cause : « Secondo la legge dei tedeschi gli ebrei erano pidocchi, e andavano tutti sterminati » (p. 61). Ce n’est pas pour rien que Morante parlera, en évoquant la rafle du ghetto de Rome, d’un quartier vidé « di tutta la carne giudia » (p. 237).

7 Dans ce processus d’exclusion de l’Autre, que Morante décrypte à travers de nombreuses informations historiques, la collectivité italienne semble peu à peu prendre ses distances avec la communauté juive. Désormais deux mondes différents, imperméables, se côtoient. Lorsque l’auteur décrit en effet la situation des juifs du ghetto enfermés dans les wagons à bestiaux de la Stazione Tiburtina, on se trouve face à un drame où plane une totale irréalité due en grande partie à une indifférence générale de la population. Les juifs appartiennent désormais à un autre univers, un infra-monde, pareil à celui des pestiférés : un univers qui connaît une telle tragédie qu’il en devient tabou, terrible, susceptible d’infecter ceux qui s’en approcheraient. Alors que tous les juifs ont été enfermés dans des wagons plombés, Morante décrit la gare déserte, d’apparence tranquille : l’abandon des juifs est total : « Oggi non vi si notavano militari, e soli pochi borghesi vi si aggiravano senza fretta. In quella tarda mattina di lunedì, l’edificio aveva un’aria abbandonata e provvisoria. » (p. 242)

8 Bien que l’innommable soit en train de se réaliser, la vie continue, au sein même de la gare, où les activités se poursuivent dans la plus totale sérénité. L’indifférence est absolue, effrayante, comme si deux mondes parallèles étaient en train de se côtoyer, à travers des frontières invisibles, sans qu’aucun rapport ne soit désormais plus jamais possible. Le destin des juifs semble arrêté, il est donc inutile de s’y opposer : Quella zona della stazione appariva, attualmente, deserta e oziosa. Non c’era né movimento di treni, né traffico di merci; e le sole presenze che si scorgessero erano, di là dal limite dello scalo, distanti entro la zona della ferrovia principale, due o tre inservienti del personale ordinario, dall’apparenza tranquilla. (p. 243)

9 Dans ces termes exprimant volontairement la tranquillité – « senza fretta », « ordinario », « oziosa », « tranquilla » – on relève un contraste extrême entre la tragédie des juifs, entassés dans les trains de la mort, et le caractère tranquille, anodin, ordinaire de la vie de ceux qui ne sont pas juifs, qui ne sont pas différents.

10 Ce contraste ressort d’autant plus à travers un épisode historique authentique, avéré, un épisode qui met en scène un des personnages les plus dramatiques du roman, la Signora Di Segni, d’origine juive, qui n’a pas été raflée mais qui veut rejoindre sa famille enfermée dans les wagons : elle s’est rendue à la gare et, dans la plus parfaite solitude, comme nous venons de le voir, elle tente d’ouvrir la porte du wagon où se trouvent les siens. Là encore, il n’y a personne, et comme dans un cauchemar, le personnage évolue

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 49

dans un désert d’horreur où la tragédie semble se dérouler sans même l’action humaine : « Essa non incontrò nessuno, salvo un macchinista solitario che mangiava da un cartoccio, vicino a una locomotiva spenta, e non le disse nulla. Forse, anche i pochi sorveglianti erano andati a mangiare. » (p. 243)

11 L’absence de l’humain, et de l’humanité, est frappante dans ce passage. L’horreur, l’indicible se réalisent dans le silence, l’indifférence, le calme, même si un murmure inquiétant s’impose peu à peu : c’est le bruit que font les juifs dans les trains : le murmure sourd des pestiférés, des parias, des rebus d’une société qui ne veut plus d’eux, qui les veut loin d’eux, comme on le voit dans les termes soigneusement choisis par l’écrivain, qui évoquent des lieux d’anormalité : L’invisibile vocio si andava avvicinando e cresceva, anche se, in qualche modo, suonava inaccessibile quasi venisse da un luogo isolato e contaminato. Richiamava insieme certi clamori degli asili, dei lazzaretti e dei reclusorii: però tutti rimescolati alla rinfusa, come frantumi buttati dentro la stessa macchina […]. In quel momento non c’era nessuno di guardia al treno. (p. 243-244)

12 Alors que la Signora Di Segni a réussi à localiser le wagon où se trouvent son mari et ses enfants, la voix qui en sort est décrite par Morante comme « atona, estranea, come da un atroce paradiso di là da ogni recapito » (p. 244). Il semble y avoir désormais deux mondes différents, avec leur réalité propre. L’univers des déportés est définitivement devenu un monde à part : un monde où régne l’horreur, la folie, l’absurde, la déshumanisation, l’animalité : L’interno dei carri, scottati dal sole ancora estivo, rintronava sempre di quel vocio incessante. Nel suo disordine, s’accalcavano dei vagiti, degli alterchi, delle salmodie da processione, dei parlottii senza senso, delle voci senili che chiamavano la madre; delle altre […] cerimoniose e delle altre che perfino ridacchiavano. E a tratti su tutto questo si levavano dei gridi sterili agghiaccianti; oppure altri, di una fisicità bestiale. (p. 245)

13 L’univers des déportés est si effrayant que les cheminots italiens n’osent pas l’approcher. Invitant la Signora Di Segni à s’enfuir au plus vite, ils ont littéralement peur de s’approcher d’elle et des rails. Comme un lieu de malédiction, les trains de la déportation appartiennent déjà à l’univers de la mort. Renfermant l’horreur absolue, ils épouvantent les gens « normaux », qui ont peur d’être contaminés par cette horreur extrême, par cette réalité cauchemardesque : Degli uomini (facchini o impiegati) si agitavano a distanza verso di lei, sollecitandola coi gesti. Però, non si avvicinavano al treno. Sembravano, anzi, evitarlo, come una stanza funebre o appestata. (p. 246)

14 Comme on le voit bien dans ces différents passages, Morante a voulu montrer que la déportation des juifs se déroule dans un climat d’indifférence et d’irréalité totale. On se trouve face à un pouvoir sans visage, qui anéantit un peuple silencieusement, et en parfaite impunité : parce que l’humanité est totalement absente de cet acte génocidaire encore inédit, à la fois absurde et totalement rationalisé, sa réalisation s’enveloppe d’une dimension irréelle et hors-norme qui semble plonger la grande majorité de la population dans la perplexité et l’apathie.

15 Face à la déshumanisation des juifs, provoquée par le traitement qu’on leur inflige, l’image de leur déchéance semble s’imposer peu à peu comme une réalité logique : si les juifs sont traités comme des parias de la société dont il faut se débarrasser, c’est sans doute parce que ce sont des parias et des rebuts. L’ignominie nazi-fasciste doit certainement avoir une justification ! Si l’on traite les juifs comme des sous-hommes,

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 50

c’est sans doute parce que ce sont des sous-hommes. L’effet (la déshumanisation) se transforme ainsi en cause, qui permet de justifier l’injustifiable. Morante précisera d’ailleurs, que, quelques jours seulement après la rafle du ghetto « degli ebrei, e della loro sorte, già non si parlava più » (p. 249).

16 Et lorsque, aux lendemains de la guerre, les quelques survivants reviendront, ils continueront à appartenir à ce monde atroce de l’innommable, à cet univers effrayant qui les rendra à leur tour, dans la plus grande injustice, innommables et effrayants car infectés par l’horreur. Morante écrira à ce sujet : Nessuno voleva ascoltare i loro racconti: c’era chi se ne distraeva fin dal principio, e chi li interrompeva prontamente con un pretesto, o chi addirittura li scansava ridacchiando, quasi a dirgli: “Fratello, ti compatisco, ma in questo momento ho altro da fare”. […] I giudii […] erano figure spettrali […] impossibili perfino alla comune simpatia. La gente voleva rimuoverli dalle proprie giornate come dalle famiglie normali si rimuove la presenza dei pazzi, o dei morti. (p. 377)

17 Pour exprimer ce caractère hors-norme de la persécution antisémite, Morante fait des choix littéraires très précis : bien que les données historiques concernant l’exclusion des juifs ne manquent pas, l’auteur utilise également un discours où une vision presque onirique domine, à partir d’une description du drame où les images utilisées côtoient le registre épico-tragique, ce qui ne va pas sans déformer parfois, nous allons le voir, la réalité.

18 La différence du juif est considérée comme une infamie, une faute, une tare, non seulement par les autorités de l’époque, et une partie de la population, mais également par les héroïnes du roman, Nora et Ida, qui semblent croire à l’existence d’un destin hostile qui s’acharnerait tragiquement sur les juifs. Nora considère en effet son identité juive comme une malédiction, « [da] camuffare ». Ses « occulte discendenze razziali » sont celles, d’après ce qu’elle dit, [di un] popolo predestinato dall’eternità all’odio vendicativo di tutti gli altri popoli; […] la persecuzione si accanirà sempre su di loro, pure attraverso tregue apparenti, riproducendosi sempre in eterno, secondo il loro destino prescritto. (p. 22, 24)

19 Le drame juif tel que le considère Nora, et plus tard Ida, mais surtout Elsa Morante elle- même, acquiert une dimension mythique plus qu’historique, dans le sens où la persécution antisémite est caractérisée par une absence de progression temporelle. La fatalité, la malédiction s’acharnent sur le peuple juif broyé par une Histoire cyclique et dévastatrice, dénuée de l’idée de progrès. Chez Morante, tout s’est déjà passé, et tout doit se passer une nouvelle fois : le juif, victime d’une société qui ne supporte pas l’Autre, l’individu différent, est ainsi à la merci de forces lointaines et maléfiques, plus qu’historiques, qui s’acharnent sur lui.

20 Chez Morante, le juif acquiert alors une dimension mythico-religieuse qui en fait une victime sacrificielle d’un destin hostile et cruel où le temps n’est plus linéaire mais cyclique. D’où la vision de la scène de la Stazione Tiburtina, hallucinante, où le temps semble s’être suspendu. Par là, Morante semble vouloir nous faire pénétrer dans l’atemporalité de la tragédie juive : l’auteur arrête le temps, pour mieux mettre en évidence l’exemplarité du moment. Le lecteur pénètre alors dans une dimension absolue, où la réalité juive échappe aux données temporelles et spatiales. L’action se déroule à un autre niveau, où le passé coexiste avec le présent, où le drame juif devient atemporel3.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 51

21 L’individu juif se perd dans la collectivité qui est la sienne, le présent se confond avec le passé, et les différentes individualités ne forment plus qu’une seule et même entité souffrante. Ainsi, Ida, demi-juive, face aux plaintes des déportés, se sent-elle engloutie elle-même dans une réalité dont elle sait qu’elle fait partie, et dans laquelle elle se perd, fascinée et comme rattrapée par une mémoire sacrée et cyclique : Ida riconosceva questo coro confuso […] tutto questo misero vocio dei carri la adescava con una dolcezza struggente, per una memoria continua che non le tornava dai tempi, ma da un altro canale […]. Era un punto di riposo che la tirava in basso, nella tana promiscua di un’unica famiglia sterminata. (p. 245) Si sentiva invasa da una debolezza estrema […]. Però, si lasciava a questa debolezza del suo corpo come all’ultima dolcezza possibile, che la faceva smarrire in quella folla, mescolata con altri sudori. (p. 246)

22 Mais cette circularité temporelle efface par là-même l’identité individuelle puisque ce qui devient important, mythique, sacré, c’est le destin collectif. Or, cet effacement de l’identité est une limite dans l’écriture de Morante qui désire pourtant redonner vie à ce que vécurent les victimes de la rafle du ghetto. D’où une vision du juif où domine l’empathie certaine de l’écrivain, mais qui est aussi cristallisée dans un univers qui pérennise une tragédie collective où l’individu n’existe pas en tant que tel : Morante insiste en effet sur le destin qui semble déjà écrit de la communauté juive à travers l’Histoire.

23 Chaque individu perd dès lors son humanité, ses particularités, et fait partie d’une réalité dépeinte selon des schémas parfois un peu arrêtés et stéréotypés. Lorsque l’auteur évoque le ghetto, la représentation qui en est faite est, à certains moments, proche de la caricature et du misérabilisme, ceci, malgré une sympathie certaine pour le peuple juif. Morante utilise en effet des termes et des diminutifs qui offrent des juifs l’image d’un peuple attachant mais figé dans des gestes et des attitudes qui semblent intemporels, marqués par une condition sociale et historique sans appel, qui ne semble pas connaître de progression ni d’évolution. Et même si elle dépeint quelques scènes avec le réalisme des estampes, les personnages n’en restent pas moins sans véritable visage, comme ceux qu’elle appelle « [gli] ebreucci » ou « certi tipi di vecchi, dagli occhi mezzi spenti e dalla bocca sigillata » (p. 58).

24 Quant à Ezechiele, la sage-femme qui porte secours à Ida au moment de son accouchement, et dont le nom indique bien, là encore, une stylisation voulue du juif, elle offre, bien que plus humanisée que les autres juifs, les traits de la caricature du juif à l’époque : Nei sopraccigli folti, nel naso robusto e arcuato, nei grossi piedi e nella grandezza del passi, e perfino nel modo di portare il suo berrettuccio bianco di cotone sui capelli grigi e riccioluti, ricordava una stampa del profeta Ezechiele. (p. 93)

25 Cette stylisation des juifs revient également lorsqu’il est question de l’ensemble de la population juive du ghetto : Da quando il vecchio quartiere [del ghetto] era stato risanato e le muraglie abbattute, il suo popolo non aveva fatto che moltiplicarsi; e adesso, in quelle solite quattro straducce e due piazzette, ci si arrangiavano a stare a migliaia. C’erano molte centinaia di pupetti e ragazzini, per lo più riccetti, con gli occhi vispi […]. Regnava una incredulità ingenua e fiduciosa […]. Le poverette donne indaffarate opponevano, per lo più, una spensieratezza evasiva, oppure una rassegnazione reticente. Tante notizie [sui nazisti] erano invenzioni della propaganda. (p. 59)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 52

26 Avec des mots choisis, dont des diminutifs condescendants, Morante parle en effet du fait que « i più vivevano ancora, in certo modo, nella preistoria. E così dunque non deve stupire troppo la semplice ignoranza di certe infime donnette ebree » (p. 91).

27 Malgré sa grande empathie, Morante n’attribue pas la moindre étincelle de conscience historique aux juifs. Humanité archaïque, glorifiée certes, ceux-ci ne forment qu’une entité sans la moindre liberté d’action ni de pensée. Cela apparaît de manière frappante dans la description des quelques déportés de la Stazione Tiburtina, que nous évoquions auparavant. Ils sont dépeints à travers une série de métonymies qui leur retirent toute humanité, toute conscience, toute personnalité. Seul quelques traits saillants, redondants, les caractérisent. Ainsi, un enfant qui cherche à voir ce qui se passe en- dehors du wagon est décrit comme « una testolina irsuta, due occhietti neri » (p. 246). Un vieillard qui désire laisser un message est dépeint par le biais de sa « povera testa calva con occhi intenti che parevano malati, [con] una mano [che] si sporse a gettare un foglietto » (p. 247). Le mari de la Signora di Segni est lui aussi dépeint partiellement, comme si son corps avait perdu son intégrité, sans doute parce qu’il n’appartient déjà plus au monde des vivants : « Si vedevano i suoi occhiali tralucere fra il buio retrostante, sul suo naso macilento, e le sue mani minute aggrappate ai ferri4 » (p. 244).

28 Les nazis, dans la rapide description qui en est faite, ont au contraire un visage humain. Ils sont aryens, ils font partie de la normalité : ils ont donc une réalité sociale : Il loro aspetto era normale, inalterato come quello dei soliti camionisti del Comune che caricavano a questo transito dello Scalo i loro trasporti di carne. Le loro facce pulite, e rosa di salute, erano comuni e stolide. (p. 247)

29 On comprendra que la description volontairement métonymique des déportés est destinée à dépeindre la progressive déshumanisation à laquelle ils sont destinés. Mais leur manque de dignité et de conscience devient, dans cette peinture quelque peu pathétique, trop criant, et une ambiguité peut s’installer. Les juifs n’ont par exemple jamais de regard, et leurs yeux ne sont jamais décrits, comme c’est au contraire le cas pour Useppe, par exemple, dont l’intelligence et l’humanité, la personnalité et la vitalité, résident dans les yeux.

30 À travers les yeux se crée et s’élabore en effet une interférence avec la réalité, la compréhension des choses, la réaction, ce que Morante refuse à ses personnages juifs. Ces derniers sont par contre souvent comparés aux fous ou aux animaux, pour lesquels l’écrivain a une immense tendresse, mais qui demeurent dans un monde dépourvu de liberté, de dignité et de conscience sociale, historique et politique. L’animalité chez Morante est en effet la métaphore d’une existence qui n’appartient pas à l’Histoire, ou qui fuit l’Histoire, car celle-ci est trop atroce. L’animalité devient alors synonyme d’archaïsme, dans le sens de régression, d’irrationnel, de fuite du réel. Or, si les juifs sont si souvent comparés à des animaux, c’est parce qu’ils sont enfermés dans un monde où l’individu libre et pensant n’a plus place ; donc, comme les animaux, ils sont écartés de la vie sociale. Ainsi, le veau de la Stazione Tiburtina, pourvu d’une étrange médaille et destiné à un sort qu’il ignore encore, l’abattoir sans aucun doute, est-il une préfiguration du sort des juifs : Dal collo, per una cordicella, gli pendeva una medagliuccia, all’apparenza di cartone, sulla quale forse era segnata l’ultima tappa del suo viaggio. Di questa, al viaggiatore non s’era data nessuna notizia; ma nei suoi occhi larghi e bagnati s’indovinava una prescienza oscura. (p. 125)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 53

31 De même, les chats que nourrit Vilma, cette Cassandre juive qui annonce l’innommable sans que personne ne la croie jamais, représentent également le destin des habitants juifs du ghetto : Capitava sempre d’incontrare Vilma, avvilita perché di giorno in giorno, la raccolta degli avanzi [per i gatti] si rendeva più difficile, e inoltre ogni volta aumentava, fra i suoi gatti dei ruderi, il numero degli assenti all’appello. Essa li conosceva uno per uno, e se ne informava in giro con una misera voce sconsolata: “Non s’è più visto lo Zoppetto? E Casanova? E quello senza un occhio…” (p. 90)

32 Dans la même logique, Blitz, le chien d’Useppe, destiné à mourir injustement, est une autre allégorie du juif. Ce n’est pas innocent si Morante le décrit comme un chien de « razza bastarda », « di razza stellata », avec un « bel disegno di stella » « nel mezzo della pancia ». « Questa era l’unica sua bellezza e specialità » (p. 104).

33 Quant à la Stazione Tiburtina qui renferme les juifs en partance pour Auschwitz, elle se transforme rapidement, dans la vision hallucinatoire d’Ida, l’héroïne, en une étable. Comme le ghetto qu’Ida considérait comme une « stalla materna, calda di respiri animali » (p. 238). Comparée aussi à « una tana » (p. 245), la gare est remplie du « grido degli animali ammucchiati nei trasporti » (p. 243). L’atmosphère aussi, caractérisée par un « orrendo brusio » (p. 243), est décrite comme étant « di una fisicità bestiale » (p. 245). La Signora Di Segni, dans son désespoir, est quant à elle « come una bestia » (p. 242), « minacciosa e inferocita » (p. 244), parce qu’on lui refuse l’entrée aux enfers des trains.

34 Plus conventionnelle, mais non moins stéréotypée et caricaturale sera la description des déportés romains arrivés à Auschwitz. Dans sa méconnaissance de la perversité de l’organisation nazie, Morante les comparera, par la bouche d’un personnage anonyme, un déporté survivant, « agli animali segnati, che si affidano docili al recinto del macello, facendosi caldo coi fiati l’uno all’altro » (p. 310-311). Concrètement, qu’auraient-ils pu faire ? On sait aujourd’hui que l’organisation nazie empêchait tout acte de rébellion, et qu’à l’arrivée dans les camps, il était impossible, et inutile, de se révolter ou de s’enfuir.

35 Et c’est là que l’on note certaines limites dans la description du juif, chez Morante. Malgré sa sympathie évidente pour cette communauté, malgré son travail de mémoire exemplaire, elle ne peut s’empêcher de tomber parfois dans certains travers, influencés par des stéréotypes, des caricatures, des imageries présents depuis longtemps dans la littérature. En ce sens, elle-même démontre parfois une difficulté à intégrer l’altérité juive.

36 Nous n’oublierons pourtant pas que Morante fut parmi les rares écrivains, avec Giacomo Debenedetti5, à décrire la rafle tragique des juifs du ghetto de Rome. À ce propos, Giorgio Romano, dans son étude Ebrei nella letteratura, écrira : C’est une importance particulière que revêt dans notre démonstration le roman d’Elsa Morante, La Storia, qui nous paraît être l’une des œuvres les plus extraordinaires de la littérature italienne contemporaine, où les vicissitudes des juifs d’Italie durant la seconde guerre mondiale trouvent une analyse compréhensive et attentive, qui mérite d’être rappelée, dans le cadre de l’Histoire allant de 1941 à 1947. Le livre […] restera probablement une des œuvres les plus significatives de notre temps et pas seulement dans la perspective qui nous intéresse. Ses protagonistes, juifs et non-juifs, la description du ghetto de Rome, l’empathie pour les persécutés, et même pour les animaux, dictent à Elsa Morante des pages inoubliables, des observations subtiles et profondes6.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 54

NOTES

1. E. Morante, La Storia [1971], Torino, Einaudi, 1995, p. 53-54. Désormais, pour les citations de ce roman, nous renverrons directement au numéro de page. 2. Voir M. Sarfatti, Gli ebrei nell’Italia fascista. Vicende, identità, persecuzione, Torino, Einaudi, 2000. 3. C. d’Angeli, « Il paradiso nella storia », Studi Novecenteschi, Pisa, Giardini, XXI, no 47-48, giugno- dicembre 1994, p. 221. 4. Comme dans une longue complainte, ou litanie, d’autre juifs sont décrits, symboliquement, à travers l’évocation lancinante de ces terribles « due mani aggrappate o un paio d’occhi fissi » (Ibid., p. 244). 5. G. Debenedetti, 16 ottobre 1943, Milano, Il Saggiatore, 1959. 6. G. Romano, Ebrei nella letteratura, Roma, Carucci, 1979, p. 27. Nous traduisons.

AUTEUR

SOPHIE NEZRI-DUFOUR Université de Provence, Aix-Marseille 1

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 55

Fra differenza e identità microcosmo e ibridismo in alcuni romanzi di Luigi Meneghello

Tatiana Bisanti

1 È solo a partire dagli anni ’80 del secolo scorso che l’Italia diventa paese di immigrazione, e bisognerà aspettare ancora qualche anno perché i cambiamenti avviati vengano registrati dall’universo letterario. La percezione della diversità e il contatto con culture diverse non sono tuttavia esperienze degli ultimi anni, almeno per tutte le generazioni di emigranti che da oltre un secolo hanno lasciato l’Italia per cercare fortuna all’estero. Queste esperienze sono descritte e rielaborate nel filone della letteratura d’emigrazione, un settore a cui forse non è stata ancora dedicata la dovuta attenzione. Caratteri peculiari rispetto a quella operaia riveste l’emigrazione intellettuale, di cui uno dei maggiori esponenti è senz’altro Luigi Meneghello (1922-2007). Come racconta lui stesso ne Il dispatrio (1993), si trasferisce dal paese natale Malo, nel vicentino, a Reading, in Inghilterra, nel 1947, all’età di venticinque anni, con l’idea di starci dieci mesi: periodo smisuratamente lungo per me allora, un tratto di tempo confinante con l’eterno. Partivo col vago intento di imparare un po’ di civiltà moderna e poi tornare e farne parte ai miei amici e ad altri italiani. Ma invece ciò che avvenne fu un trapianto, e il progetto iniziale restò accantonato, anche perché mi accorsi che la civiltà che ero venuto a imparare non era poi quella che mi immaginavo io, e quanto a impararla… (Meneghello, 1993: 8)

2 I successi accademici – Meneghello fonda e dirige la cattedra di Letteratura italiana a Reading – si alternano a quelli letterari, a testimonianza di un’integrazione perfettamente riuscita nel paese di accoglienza. Sebbene non si possa parlare a proposito di Meneghello di letteratura d’emigrazione, si può riscontrare una tendenza generale nelle sue e in altre opere nate da quello che genericamente si chiamerà il confronto con l’Altro, che esso avvenga all’estero o in patria: il tentativo di ricostituire un’identità messa in discussione dalla percezione della differenza, tentativo che si manifesta in una riscoperta delle origini e delle radici geografiche, culturali e linguistiche. Meneghello si fa interprete di questa tendenza nei due libri dedicati al paese natale Malo, Libera nos a malo (1963) e Pomo pero (1974). Non si tratta

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 56

assolutamente, è bene sottolinearlo, delle spinte regressive e delle reazioni di chiusura tipiche di certa letteratura dialettaleggiante: in Meneghello, è proprio la conoscenza approfondita di una realtà altra ad avviare e favorire l’incontro con la realtà d’origine, la quale viene osservata attraverso la prospettiva allargata, la lente deformante e la distanza ironica di chi se ne è allontanato. Meneghello è particolarmente attento a prendere le distanze da ogni forma di vuoto provincialismo, come sottolinea Porzio (1986: VII): Il vedersi e vedere da “altrove” spiega anche il distacco che concorre a dare unità (quasi un’aura “classica”) a un libro che pure intreccia sapientemente motivi diversi e ambizioni dissimili, sempre ferma restando una dichiarazione: “Adopero la mia roba vicentina, ma non ho alcun interesse per il suo lato provinciale”.

3 È soprattutto grazie all’ironia che Meneghello riesce ad evitare l’impasse del provincialismo: quello ironico è infatti l’atteggiamento prevalente del narratore nei confronti della propria materia. Se la conoscenza dell’Altro porta alla riscoperta del proprio, questa riscoperta non è mai celebrazione a tutto tondo, ma è sempre sfaccettata e pervasa da una forte ambiguità: è proprio il contatto con l’alterità, infatti, che porta alla relativizzazione di ciò che è familiare, evitando i pericoli di un chiuso campanilismo. Con l’esperienza del diverso si viene a costituire un polo culturale alternativo che porta a rimettere in discussione tutte le certezze già acquisite, che agisce come una lente attraverso cui riconsiderare tutte le coordinate culturali e identitarie ritenute fino ad allora salde e indiscutibili. Dice Meneghello parlando degli inizi del suo soggiorno inglese: […] arrivando ebbi subito l’impressione di venire a contatto con un sistema culturale radicalmente diverso. Sentivo allora, e lo verificai in seguito, che dal punto di vista di un italiano la differenza era molto più grande che non sarebbe stata per esempio in Francia, o in altre parti del Continente. Trovandomi dunque nel mezzo di questo sistema così diverso, cominciai ad assorbire una buona dose della sua sostanza, e la assorbivo con avidità. Non si trattava di una cultura che ne soppiantava un’altra, ma della formazione di un secondo polo culturale. Il risultato finale fu infatti una forma di polarità che venne a investire quasi ogni aspetto della mia vita intellettuale. Era come se per poter pensare, o perfino sentire, occorresse lasciare fluire la corrente tra i due poli. Per un certo verso fu come cominciare una nuova vita, con qualcosa della speciale intensità delle percezioni che abbiamo nell’infanzia. Le cose apparivano straordinariamente vivide e piene di significato. (Meneghello, 1997b: 39)

4 Le differenti culture non si escludono a vicenda né si addizionano l’una all’altra, la nuova esperienza inglese non cancella il vissuto vicentino ma nemmeno vi si aggiunge passivamente. Il nuovo entra in un produttivo rapporto di interazione con l’antico rivoluzionandolo dal suo interno, esso diventa uno specchio rifrangente che modifica la percezione di ciò che lo precede. E se la scoperta dell’Altro appare come una nuova vita, è proprio questo vivere una seconda infanzia che porta a riscoprire la prima, a ripercorrere quei momenti in cui le esperienze si sedimentavano su un terreno vergine e inesplorato e lo segnavano con la violenza di tutto ciò che è vissuto per la prima volta. È in questi momenti che le cose appaiono «vivide e piene di significato», perché non svuotate dalla routine e dall’abuso. Per riscoprire l’autenticità delle cose è necessario straniarle tuffandosi in nuove impressioni: è così che la scoperta del nuovo apre la strada alla riscoperta dell’antico, con l’ansia conoscitiva di quando si apprende per la prima volta. Il vissuto dell’infanzia esplode con una veemenza tale che non può più

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 57

essere trattenuto dentro, ma può essere tenuto sotto controllo solo se incanalato nelle forme nel testo scritto. Dice Meneghello nelle note a Pomo pero: L’autore – che credeva di aver chiuso per sempre i suoi conti con questa materia quando ebbe scritto il libro che ha per titolo Libera nos a malo – ha cercato più volte di distruggere sul posto quelle fantasime in capsula; finché mi è venuta l’idea di provare invece a tirarle fuori. Per estrarre la sostanza del libro dai luoghi dove si è formata ho dovuto adoperare i modi bruschi, e qua e là il coltello1. (Meneghello, 1997a: 405)

5 Per tirare fuori questo vissuto è necessario uscire dai luoghi che ne sono testimoni. Si tratta di un’operazione dolorosa, violenta, ma anche intrinsecamente necessaria. La potenzialità drammatica è tuttavia sempre smorzata dall’ironia, grazie a cui il narratore evita di prendere troppo sul serio la propria materia. Questo vale soprattutto per il primo romanzo, Libera nos a malo, in cui il comico pervade il tessuto della narrazione e si riversa perfino nelle note, «ammiccamento colto che è parte integrante dell’operazione creativa» (Porzio, 1986: VII). Sia Libera nos che Pomo pero sono infatti corredati di un apparato di note il cui dichiarato intento filologico è svolto con tanta scrupolosità (si veda ad esempio la pedissequa distinzione fra tutte le varianti del dialetto di Malo, p. 254s.) da tradire l’ironia autoriale.

6 Libera nos è dedicato in gran parte all’infanzia del narratore, ai ricordi che affiorano dalla memoria individuale e a quelli appartenenti alla memoria collettiva del paese, ad un microcosmo che comprende gli amici, i giochi, gli sport, le donne, la scuola, la religione, la politica del regime fascista, gli aneddoti e i personaggi noti di Malo. L’ironia è evidente già dal titolo: il male da cui si invoca scherzosamente la liberazione è proprio il paese natale Malo, un pesante fardello di ricordi che non vogliono essere cancellati.

7 Pomo pero è, a detta dell’autore stesso, «una specie di “giunta” a Libera nos2». Anche in questo caso il titolo è altamente significativo: esso deriva da una cantilena, una conta per bambini già citata nelle note a Libera nos3 che prende il nome dall’appellativo dialettale di due frutti, la mela («pomo») e la pera («pero»). Meneghello avverte tuttavia che «in questo testo (come nel titolo del presente libro) non abbiamo due frutti ma uno solo, un ambiguo “pomo pero” con due nature. In paese si è sempre preso per sottinteso che si tratta di compresenza metafisica, non d’incrocio o d’innesto» (p. 407s.). Già il titolo pone dunque l’accento su una natura ibrida, su un’identità che è il frutto della fusione di sostanze diverse.

8 In entrambi i libri la riscoperta del mondo dell’infanzia è indissolubilmente legata al recupero del dialetto. Non si tratta, qui, di un mero divertissement linguistico o di accademica acribia filologica volta a disseppellire quegli strati della lingua destinati a scomparire al contatto con la tendenza livellatrice della lingua nazionale. Siamo del resto ben lontani anche dalla funzione assegnata al dialetto dai coevi Pasolini e Gadda: il dialetto nei romanzi di Meneghello non persegue scopi realistici o espressionistici, non intende criticare la società né ritrarre una realtà labirintica e proteiforme. Esso agisce ben più in profondità ed è profondamente legato alle cose stesse, al punto che le parole stesse acquisiscono una vera e propria consistenza ontologica, come sottolinea il seguente passo di Libera nos: Ci sono due strati nella personalità di un uomo; sopra, le ferite superficiali, in italiano, in francese, in latino; sotto, le ferite antiche che rimarginandosi hanno fatto queste croste delle parole in dialetto. Quando se ne tocca una si sente sprigionarsi una reazione a catena, che è difficile spiegare a chi non ha il dialetto.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 58

C’è un nòcciolo indistruttibile di materia apprehended, presa coi tralci prensili dei sensi; la parola del dialetto è sempre incavicchiata alla realtà, per la ragione che è la cosa stessa, appercepita prima che imparassimo a ragionare, e non più sfumata in seguito dato che ci hanno insegnato a ragionare in un’altra lingua. Questo vale soprattutto per i nomi delle cose. Ma questo nòcciolo di materia primordiale (sia nei nomi che in ogni altra parola) contiene forze incontrollabili proprio perché esiste in una sfera pre-logica dove le associazioni sono libere e fondamentalmente folli. Il dialetto è dunque per certi versi realtà e per altri versi follia. Sento quasi un dolore fisico a toccare quei nervi profondi a cui conduce basavéjo e barbastrìjo, ava e anguàna, ma anche solo rùa e pùa. Da tutto sprizza come un lampo-sgiantìzo, si sente il nodo ultimo di quella che chiamiamo la nostra vita, il groppo di materia che non si può schiacciare, il fondo impietrito. (p. 36s.)

9 Il dialetto si colloca al livello più profondo dell’io, ne costituisce il nucleo indistruttibile e fondamentale, sul quale si sono sedimentate tutte le stratificazioni posteriori, pur senza disattivarne il potenziale esplosivo. Come spiega Segre (1997: IX), «il dialetto vive nella mente di Meneghello fra nostalgia e senso struggente della caducità. Il luogo del dialetto è la memoria». E ancora: «l’impressione infantile fonda parola e cosa a prescindere dal contratto sociale che permette al linguaggio adulto di distinguere significante e significato» (Segre 1997: X), senza il controllo della ragione, in uno stato di perfetta aderenza fra le parole, le cose e le sensazioni da esse evocate. In Pomo pero il recupero della memoria culturale legata al dialetto viene svolto con ansia quasi enciclopedica, con impeto collezionistico che porta l’autore alla stesura di veri e propri elenchi di espressioni dialettali inerenti a varie sfere semantiche4.

10 Il dialetto viene ad essere pertanto fattore coesivo e punto cardine di un patrimonio culturale condiviso da tutti i membri della comunità. L’autore insiste, è vero, nel distinguere pedantemente tutte le numerose varianti dialettali attestate nel territorio maladense: La lingua aveva strati sovrapposti: era tutto un intarsio. C’era la gran divisione della lingua rustica e di quella paesana, e c’era inoltre tutta una gradazione di sfumature per contrade e per generazioni. Strambe linee di divisione tagliavano i quartieri, e fino i cortili, i porticati, la stessa tavola a cui ci si sedeva a mangiare. (p. 107)

11 Ma nonostante le differenze al suo interno, sebbene «tutta divisa in se stessa e di continuo terremotata» (p. 108), la lingua maladense si presenta all’esterno come una realtà chiusa e compatta, soprattutto per quelli che, un po’ spregevolmente, vengono definiti «gli utenti della koinè italiana» (p. 108), incapaci di coglierne la ricchezza e le sfumature. Il dialetto agisce come discrimine, unisce e divide, anche all’interno della stessa comunità, i membri che sono rimasti e quelli che si sono allontanati: «La lingua si muove come una corrente: normalmente il suo flusso sordo non si avverte, perché ci siamo dentro, ma quando torna qualche emigrato si può misurare la distanza dal punto dove è uscito a riva» (p. 107). Gli emigrati appaiono in un primo momento come estranei, si stenta a riconoscerli perché abbandonando la comunità si sono sottratti alla sua continua evoluzione e hanno fermato il tempo: «tornano e sembrano gente di un altro paese o di un’altra età. Eppure non è la loro lingua che si è alterata, è la nostra. È come se anche le parole tornassero in patria, si riconoscono con uno strano sentimento, spesso dopo un po’ di esitazione: di qualcuna perfino ci si vergogna un poco» (p. 108).

12 All’interno del microcosmo paesano l’unica vera percezione della differenza investe la sfera sociale:

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 59

C’erano «signori», gente e poveri; ma molte parti della vita si condividevano (in certi sensi di più, per esempio, che non sarebbe pensabile in Inghilterra): i servizi pubblici erano in comune, in comune la lingua, le scuole, le osterie, le chiese, i confessionali. Non era in comune il cibo: e più volte vedendo i poveri mangiare ebbi lo shock di sentire una differenza che in seguito avrei potuto chiamare di classe. (p. 96)

13 Non è un caso che qui venga chiamata a confronto la realtà inglese: è proprio grazie alla conoscenza di un’altra cultura che prende il via un processo autoriflessivo che porta in ultima analisi ad una maggiore consapevolezza di sé. Le differenze di classe sembrano in ogni caso essere le sole a dividere i membri della comunità paesana, che sono del resto perfettamente integrati in una realtà compatta e organica, dove ciascuno assolve ad una funzione ben precisa all’interno del tessuto sociale e l’identità pubblica di tutti gli individui è trasparente e definita fin dalla nascita: Sembrava quasi che anche la vita privata avesse più senso, o almeno un senso più pieno, proprio perché era indistinguibile dalla vita pubblica di ciascuno. Si veniva al mondo con una persona pubblica già ben definita: Chi sei tu? Un Rana, un Cimberle, un Marchioro? […] Dove non bastavano i nomi di famiglia, intervenivano i soprannomi di famiglia a definire l’identità di ciascuno. Si era al centro di una fitta rete di genealogie, di occupazioni ereditarie, di tradizioni, di aneddoti. (p. 96)

14 La vita in paese è una vita comune: «Buona parte di ciò che si faceva, era fatto davanti agli occhi di tutti, era conosciuto, valutato, commentato: apparteneva oltre che a noi, al paese» (p. 106). E il paese di una volta è come un microcosmo bastante a se stesso che tende a neutralizzare tutto quello che viene dall’esterno rendendolo familiare, e pertanto meno minaccioso: «Le cose del nostro mondo ce le facevamo dunque noi stessi, molto più di adesso; le idee venivano bensì da fuori, ma si assimilavano profondamente attraverso il lavoro diretto. Tutto era umanizzato in questo modo» (p. 103).

15 Questo microcosmo originario, caratterizzato da strutture sociali di tipo arcaico e da una cultura popolare e dialettale, entra in rapporto di frizione-interazione con un universo radicalmente differente, quello della cultura e della lingua nazionali, che si va lentamente a sedimentare su di esso imponendo le proprie regole e i propri modelli. Il mondo dell’Italia è sentito come totalmente estraneo alla quotidianità del microcosmo maladense: «Le cose andavano così: c’era il mondo della lingua, delle convenzioni, degli Arditi, delle Creole, di Perbenito Mosulini, dei Vibralani5; e c’era il mondo del dialetto, quello della realtà pratica, dei bisogni fisiologici, delle cose grossolane» (p. 30). Sono due mondi inconciliabili, dal cui confronto non può che scaturire il ridicolo, come nella beffarda filastrocca: «Bianco rosso e verde / color delle tre merde / color dei panezèi / la caca dei putèi» (p. 30), così chiosata dal narratore: «Bianco rosso e verde era soltanto una frase in lingua; il resto era il suo counterpart in dialetto. C’era però un contenuto polemico in tutto questo: si sentiva che il dialetto dà accesso immediato e quasi automatico a una sfera della realtà che per qualche motivo gli adulti volevano mettere in parentesi» (p. 30). Il mondo della cultura ufficiale, della politica, della religione è visto come altro, come imposizione di regole estranee e incomprensibili, completamente differenti da quelle operanti nel sistema contadino e popolare del paese, dove vige un codice di comportamento ben più autorevole delle leggi scritte: «il codice culturale ufficiale, espresso per iscritto in una lingua forestiera, dava l’impressione di una convenzione vuota, e (benché indiscusso, come le malattie) restava astratto fino al momento in cui il suo braccio secolare o ecclesiastico non intervenisse a raggiungerci» (p. 97). Lo Stato è uno sconosciuto da ingannare: «In ciò che concerne l’intaresse, lo Stato si considerava quasi universalmente un estraneo importuno che

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 60

ognuno aveva il diritto e poco meno che il dovere di defraudare […] l’“arrangiarsi” nei confronti di qualunque ente pubblico, o anche di enti impersonali, era molto diffuso» (p. 104).

16 Il primo contatto con l’Altro comincia dunque all’interno del paese: nasce così quel bipolarismo fra cultura paesana e cultura nazionale che si esprime a livello linguistico in una situazione di diglossia dialetto-lingua standard. È un rapporto di reciproca incomprensione, e pertanto prevalentemente problematico e conflittuale. Il narratore cita numerosi esempi di storpiature ed equivoci sorti dall’incapacità di decifrare la lingua della cultura ufficiale (l’italiano per la cultura e la politica, il latino per la religione). Si veda la deformazione dell’inno fascista «Vibra l’anima nel petto / sitibonda di virtù / freme, o Italia, il gagliardetto / e nei fremiti sei tu», trasformato come segue: Vibralani! Mane al petto! Si defonda di vertù: Freni Italia al gagliardetto e nei freni ti sei tu. La forma poetica ti sei tu per ci sei tu non bastava a confonderci, né l’arcaismo di mane per mani. L’ordine era di portarle al petto, orizzontalmente, in una forma sconosciuta ma austera di saluto: come un segno di riconoscimento in uso tra i vibralani a cui sentivamo in qualche modo, cantando, di appartenere ad honorem anche noi. I freni tra cui era impigliata l’Italia erano per Bruno quelli della nostra Fiat Tipo- due, esterni, sulla pedana destra dietro l’asta del gagliardetto a triangolo: e lì ti era l’Italia con la corona turrita e la vestaglia bianca.» (p. 6s.)

17 L’inno «e la pace del mondo oggi è latina» diventa a sua volta: «E la pace del mondo, o gelatina! / Il Tricolore canta sul cantiere / Su l’Ufficina» (p. 126), e viene così chiosato nelle note: «Sul fatto che il testo prospettasse una scelta, un aut-aut, e che questa scelta fosse tra pace e gelatina, nessuno di noi aveva dubbi» (p. 274).

18 Il mondo della religione, con la sua predominanza del latino, costituisce il terreno ideale per ogni sorta di equivoci. Perfino il Pater noster è oggetto di dissacrazione blasfemica: «Libera nos amaluàmen. Non sono molti anni che il mio amico Nino s’è reso conto che non si scrive così. Gli pareva una preghiera fondamentale e incredibilmente appropriata: è raro che una preghiera centri così un problema. Liberaci dal luàme, dalle perigliose cadute nei luamàri6». Grazie a questo gioco di parole plurilingue si viene a complicare e ad intensificare la sfumatura ironica del titolo di cui si parlava prima. La dottrina cristiana con i suoi dogmi e dettami rimane incomprensibile ed estranea agli abitanti di Malo, che osservano valori ben più concreti e una morale assolutamente pragmatica. Così il vizio dell’accidia fa pensare piuttosto ad un’acciuga che ad una forma di pigrizia (cf. p. 193), la virtù della temperanza per un attimo richiama alla mente «l’abilità nel temperare le matite» (p. 194), e così via. «In definitiva l’essenziale non era capire, ma sapere. […] Non c’è passaggio tra questi elenchi astrusi di Vizi e di Virtù, e la vita reale di ogni giorno» (p. 196).

19 Anche le lingue straniere sono oggetto di storpiatura, si veda ad esempio l’inno francese, «che comincia A lon zanfàn! e contiene quel bellissimo insulto gettato in viso al nemico: Marsón! Marsón! I marsóni, che si pescano nell’Astico con le mani o con la forchetta, sono goffi e sgraziati» (p. 265). Lo straniero viene generalmente percepito come nemico, il che porta il protagonista a comporre «un inno anti-francese, velenoso, quasi personale, un misogallo che cominciava E i francesi son pandóli 7, tutto sostenuto dalla forza dell’E pleonastica che lo apriva come una nota di guerra» (p. 58). L’elenco

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 61

delle incomprensioni relative a tutto ciò che fa parte della cultura extra-paesana potrebbe continuare con il fraintendimento o la storpiatura di canzoni allora in voga («Ramona / Co na palanca se va in mona», «Creola / dalla bruna reola», «il canzone delle capinere», p. 26s.).

20 In Pomo pero il narratore osserva come da questa situazione di diglossia nasca la necessità per i dialettofoni di imparare la lingua standard come una qualsiasi lingua straniera, con tutte le difficoltà che ciò comporta: «Imparavamo alla svelta la lingua di jel; che in principio era duro da attaccare al gatto al maestro, ma presto saltellava disinvolto dappertutto, jel passarotto, jel supaioro, jel minestro-sbuso» (p. 317). A proposito di «jel», spiega Meneghello in nota che questo «disturbo nella pronuncia di “il” colpiva specialm. le classi meno abbienti; durava circa un anno» (p. 421). All’apprendimento della lingua si accompagna quello della cultura italiana, dalle liriche di «buoni autori» come La ballata del prode Anselmo di Giovanni Visconti Venosta (p. 317), alla poesia del Petrarca: «Di questa lingua venivamo a conoscere meglio i poeti, e tra gli altri quel Petrarca i cui bizzarri rapporti con le nostre balie, e con una gatta, già da anni avevano attirato la nostra attenzione» (p. 317). I giovani scolari cresciuti nell’ambito della cultura paesana sono troppo alieni alla cultura nazionale per poter cogliere il senso più profondo della lirica petrarchesca, che viene recepita ad un livello superficiale, quando non completamente fraintesa e ridicolizzata: La poesia del Petrarca mi parve incantevole. Non si capiva il senso materiale di nessuna frase un po’ lunga, ma c’era un vero tesoro di cose brevi: elenchi di fiumi, domande, fulminei ritratti di persone coi freni in mano, curiose esortazioni (pensate alla partita: era il nostro pensiero di sempre), affermazioni divertenti (così quaggiù si gode / e la strada del ciel si trova aperta: mónega!). (p. 317)

21 Lo sguardo ironico va ad investire i meccanismi della trasmissione della cultura, che non tengono conto dell’orizzonte culturale degli alunni ed impongono loro una tradizione estranea che non ha niente a che vedere con il vissuto quotidiano. E non è un caso che oggetto di questa parodia sia proprio la Canzone all’Italia del Petrarca: ad essere messa in dubbio è qui infatti l’esistenza stessa di una memoria collettiva nazionale. L’unica memoria culturale a cui fanno riferimento i cittadini italiani è quella regionale e dialettale, come aveva del resto già sottolineato D’Azeglio nel famoso detto («Fatta l’Italia, bisogna fare gli italiani»), ironicamente travisato da Meneghello proprio in apertura al romanzo: «Non ho figli, se l’Italia era fatta non ho dato bado al precetto di fare gli italiani» (p. 291). La diffusione del sapere ufficiale non modifica nella sostanza la cultura paesana: La cosa curiosa è che questo alfabetismo non aveva affatto aperto le porte a una nuova cultura: la gente aveva imparato a scrivere, ma era restata la stessa di prima. […] Non si sentiva mai che la cultura tradizionale del paese fosse entrata in crisi per effetto delle rivelazioni scritte della cultura urbana. (p. 320)

22 Il primo contatto con l’Altro è pertanto quello con la realtà della propria nazione. Il resto del mondo esercita un fascino insolito, l’esistenza di un universo lontano e sconosciuto assume proporzioni mitiche nell’immaginario di chi non ha mai varcato i confini del proprio microcosmo: D’altro canto i frammenti di una realtà molto ampia e avventurosa, scoperti personalmente, creavano nuovi problemi. Fitte di gelosia, a scuola, quando si temeva che il maestro spiattellasse certe cose che noi sapevamo già, per esempio che c’è l’America del Sud. Si capiva che era assurdo pretendere di tener nascosto per sempre questo stato di cose alla popolazione; eppure ci pareva così intrinseco alla natura del sapere che esso non sia condiviso. (p. 317)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 62

23 Le immagini della differenza in Libera nos e Pomo pero sono strettamente collegate alla lingua, come dimostrano le innumerevoli riflessioni di carattere metalinguistico sul rapporto conflittuale fra lingua standard e dialetto. Il rapporto con la differenza del resto non è solo rilevante dal punto di vista tematico: esso diventa prassi stessa della creazione letteraria, tecnica formale che si manifesta come scrittura plurilingue. Chi lascia il microcosmo ed entra in contatto con una cultura differente fa l’esperienza di una scomposizione e di una pluralizzazione delle componenti identitarie che trova la sua espressione artistica più congeniale nell’enunciazione plurilingue, la sola in grado di rendere giustizia ad una realtà sfaccettata e disomogenea. Il plurilinguismo di Meneghello precorre i tempi e anticipa quella che nell’epoca della globalizzazione è diventata ormai una prassi letteraria largamente diffusa: ma se la lingua globalizzata prende l’elemento forestiero per universalizzarlo e in tal modo neutralizzarlo, il lavoro di Meneghello sulla lingua agisce in modo completamente diverso. Il movimento va in due direzioni opposte: da un lato la percezione della differenza porta ad un largo uso della lingua straniera (l’inglese soprattutto, ma anche il francese), che resta però sempre un corpo estraneo all’interno del testo, una lente deformante attraverso cui osservare meglio la realtà conosciuta; dall’altro lato l’esperienza di una realtà diversa dà il via alla ricerca della propria identità, ad una riscoperta del microcosmo di origine che si esprime in un recupero del dialetto e delle sue capacità espressive, sconosciute alla lingua standard. La risposta al conflitto identitario è pertanto una lingua ibrida. Due sono sostanzialmente i piani del discorso: in quello narrativo (proiettato nel passato) prevale il bilinguismo italiano-dialetto, in quello esegetico dei commenti e delle note (situato nell’attualità) si trovano invece spesso inserti in inglese8. Sono rari i casi in cui il code-switching riguarda contemporaneamente il dialetto, l’italiano e l’inglese: gli inserti inglesi sono generalmente più numerosi nei passi dove la presenza del dialetto è ridotta o pressoché nulla (vedi ad esempio la sezione Postumi di Pomo pero)9.

24 Si è già detto che la memoria culturale del microcosmo natale si rinvigorisce e si illumina al contatto con una cultura differente. È significativo, dice Segre (1997: Xs.) a proposito di Libera nos, «il fatto che Meneghello scriva stando in Inghilterra. L’inglese può restare indenne, se si mantiene il punto di vista sentimentale, dal confronto: appartiene a una fase di vita “altra”, può servire persino per designare, neutralmente, gli elementi del conflitto. Ma l’inglese è anche una lingua letteraria». Non è un caso allora che la cultura inglese (e qui si intenderà stricto sensu la cultura letteraria) venga citata e messa a confronto con il microcosmo maladense a mo’ di glossa e commento esplicativo. Nel passo seguente, ad esempio, Meneghello cita Wallace Stevens per descrivere un momento di evasione dal «man-locked set», dalla chiusura del microcosmo, un attimo di sospensione ai confini fra il muro del cortile e l’infinito: «Nel zufolo delle api filandiere c’era il bandolo di una cosa che dardeggiava dentro e fuori dal tempo; mi sentivo uscire dal nostro man-locked set, lo spazio infinito e il tempo infinito erano gocciole di suono a mezz’altezza, press’a poco alte come la mura dell’orto, che fioccavano in aria senza cadere» (p. 36)10. Non mancano alcuni sparuti inserti dal francese, a conferma del fatto che la prassi plurilingue è una cifra stilistica che viene applicata intenzionalmente e sistematicamente nella scrittura di Meneghello11.

25 Dopo i romanzi di Malo il rendiconto letterario del proprio incontro con la realtà inglese era dovuto. Si dovrà tuttavia aspettare fino al 1993 per leggere Il dispatrio, «un

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 63

libro d’assaggio, che accenna alle cose e agli eventi in forme oblique e a tratti fortemente ellittiche: l’ho cavato in poche settimane da un magma di materiali scaturiti e sedimentati nel corso dei decenni» (Meneghello 1997b: 90). Il racconto si mantiene sempre lontano da qualsiasi cliché, è il resoconto di chi ha una profonda conoscenza e stima di entrambe le culture. Il rapporto di costante interscambio fra i due mondi è testimoniato da un lato dalla ricerca delle proprie radici all’interno della nuova realtà («Italiani di passaggio, italiani stanziali, italiani in Italia, amici… Vederli qui, o da qui, li investiva di altra luce, illuminava loro e me. Ma allora, domanda Giacomo, è stato un dispatrio, o una specie di rimpatrio?», p. 93), dall’altro dalla lenta ma inevitabile assimilazione della cultura altra («l’anima si anglicizza a tua insaputa», p. 46). Ciò non esclude, naturalmente, problemi di comprensione interculturale: le pubbliche manifestazioni di gioia si scontrano con la proverbiale impassibilità anglosassone («Frank, ammirato, invidioso: “Noi ci mettiamo la stessa energia a nascondere che siamo molto contenti”» , p. 167); gli aneddoti scabrosi se raccontati in pubblico vengono smentiti (vedi p. 178s. e il commento finale: «Ahimè che mai non ho capito del tutto gli inglesi»); le regole di conversazione sono completamente differenti («La conversazione in Inghilterra mi ha sempre creato difficoltà. Ho passato anni a cercare di imparare a farla. […] Una sua zona centrale è fondata sul non dire», p. 193s.). Come i romanzi di Malo, anche Il dispatrio è corredato di riflessioni metalinguistiche, in questo caso sull’inglese e le sue possibilità di traduzione in italiano. Sia citato qui solo un caso particolare, in cui la traduzione proposta non è in italiano, ma in vicentino: l’espressione dialettale Scoasse! riesce infatti secondo l’autore a rendere molto più fedelmente il senso dell’inglese Rubbish! (cf. p. 48)12.

26 Il dispatrio viene a confermare quanto si diceva all’inizio sul fatto che è proprio la percezione di un mondo altro ad avviare la riscoperta del microcosmo originario: Volendone fare una storia, sarebbero due storie incrociate: come da un lato l’esperienza inglese (EN) ha stravolto la mia percezione dell’Italia (IT), e d’altro lato come IT ha stravolto EN. Ho vissuto con l’idea che tutto ciò che avveniva lassù era anche (per me) roba di qui. Mi accorgo che il punto di vista continua a oscillare. L’Inghilterra è insieme “lassù” e “quassù”, e altrettanto l’Italia. Qui, là: corrente alternata. (Meneghello 1993: 27)

27 L’esperienza della differenza porta pertanto ad una frammentazione della realtà, ad una pluralizzazione dei punti di vista e ad uno stravolgimento delle coordinate temporali che rendono impossibile trasformare il vissuto in un racconto, in una storia coerente: «non c’è stato un processo lineare. Forse non c’è mai, nelle esperienze di fondo. Ciò che vorrei fare in questo libretto è raccogliere dalle spiagge lontane dove sono dispersi alcuni frammenti di ciò che chiamo il mio dispatrio» (p. 27s.). La forma letteraria più consona alla rappresentazione di questo incontro con la differenza è, dal punto di vista linguistico, come si è già detto, l’enunciazione plurilingue, e dal punto di vista narrativo una narrazione frammentaria, non lineare, che sovrappone i piani spazio-temporali e si colloca nel territorio di confine fra realtà differenti, uno spazio- tempo che non è mai fisso, ma limite sempre dinamico e sempre in procinto di oltrepassare se stesso.

28 Nemmeno il microcosmo maladense, del resto, è immune dal cambiamento, anch’esso entra in contatto con una realtà diversa. Il paese come viene descritto in Libera nos è un luogo mitico, un’utopia collocata nel passato, nella memoria collettiva degli abitanti, mentre in verità «l’intero senso della cosa si modifica senza che ce ne accorgiamo» (p. 238): «Tutte le forme di vita muoiono, è naturale (ma incredibile) che sia così anche

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 64

al nostro paese. Del resto vediamo benissimo che nasce qualcosa di nuovo, in principio sembrano assurdità e ghiribizzi, poi ci si accorge che occupano le strade, le osterie, le case, diventano il fondo del paese, e i ghiribizzi siamo noi» (p. 245). Anche in Pomo pero si osserva la perdita del dialetto e di tutta una cultura ad esso legata: «Ora che abbiamo cominciato a mutilare i bambini, bisogna rassegnarsi al pensiero che la nostra lingua morirà presto, non c’è niente da fare. E non si tratta solo di una mutilazione linguistica. […] morendo una lingua non muoiono certe alternative per dire le cose, ma muoiono certe cose» (p. 427). Il Congedo alla fine del libro osserva che «intorno si vede sorgere / un mondo di cose nuove» (p. 401), e non è dunque solo, come nella lirica medievale, un congedo dalla propria opera, ma anche e soprattutto un congedo da un mondo che sta per scomparire. Il libro stesso viene ad essere quel mondo: la lingua ha consistenza ontologica, se essa scompare, le cose stesse non esistono più. Per mezzo della lingua il libro ha ricreato per un attimo quel mondo, che finisce con la fine del libro, perché non ci sono più le parole per definirlo. Alla fine dei romanzi di Malo, ma anche nel Dispatrio, prevale in ultima analisi un profondo senso di estraneità, che interessa sia la nuova realtà di adozione, sia il luogo di origine: l’emigrato vive in una sorta di terra di nessuno, al confine fra luoghi ed epoche, sempre decentrato, sempre esterno. Si potrebbe concludere con le parole di un quasi conterraneo di Meneghello, (1999: 1314s.): « Uno che dica “poesia” partendo dall’idea di Heimlich, di casalingo, di stare a casa sua, nella propria conchiglia, si trova poi a ridosso i 273 sotto zero dello spazio cosmico, dell’estraneità assoluta».

BIBLIOGRAFIA

JONES B., «Pomo pero: What’s in a name?», in G. Lepschy (ed.), Su/Per Meneghello, Milano, Edizioni di Comunità, 1983, pp. 85-95.

LEPSCHY G. (ed.), Su/Per Meneghello, Milano, Edizioni di Comunità, 1983.

MENEGHELLO L., Il dispatrio, Milano, Rizzoli, 1993.

—, Opere, a cura di F. Caputo, Milano, Rizzoli, 1997a.

—, La materia di Reading e altri reperti, Milano, Rizzoli, 1997b.

PORZIO D., «Introduzione» a Meneghello L., Libera nos a malo, Milano, Mondadori, 1986, pp. V-XI.

SEGRE C., «Prefazione» a Meneghello L., Opere, Milano, Rizzoli, 1997, pp. VII-XXIV.

ZANZOTTO A., «Tentativi di esperienze poetiche (poetiche-lampo)», Le poesie e prose scelte, Milano, Mondadori, 1999, pp. 1309-1319.

NOTE

1. Per le successive citazioni da quest’opera si indicherà d’ora in poi solo il numero di pagina. 2. Discorso in controluce, 1989, ripubblicato in Meneghello (1997b: 108).

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 65

3. «“Pómo pèro – dime ’l vèro / dime la santa – verità:/ Quala zéla? – Questa qua.” La Santa Verità nel cuore di un pomo!» (p. 262) 4. Si veda, a titulo puramente esemplificativo, la lista di tutti di tipi di colpi e delle ferite che era possibile ricevere: «Le forme principali dei CONTATTI, vuoi con la natura, vuoi con la società, erano varie e ricche. Sulla testa si riceveva l’intera serie degli scuffiotti, le ben calzanti barette, le capaci pignatte, e quegli urti della mano o di una sua parte che vanno dalla fragnoccola alla crogna; e sulla faccia la gamma dei petuffanti sberlotti, dalla pappina allo stramusone bicromatico. Altrove altri urti, umani e no, le fruscate di bestia o d’amico fruscante, gli urtoni, e le traumatiche smoltonate; e ogni genere di botta, incappo della materia viva o inerte sul corpo dell’uomo, ora in forma di semplice paca, ora di cruda tega, ora di atroce renga; e infine gli effetti dei becconi, degli scottoni, dei vili spuncioni, delle sostanze vescicanti e orticanti sulle braccia, sul collo fruttifero di tavaroni, sulla pelle delle molto beccate pùpole» (p. 302). 5. Si tratta di storpiature di nomi e canzoni più o meno riconoscibili, per la cui spiegazione si veda più avanti. 6. Luàme = letame, luàmari = letamai, all’epoca situati di fronte ad ogni casa, come l’autore spiega nel passo immediatamente precedente. 7. Vedi la nota relativa di Meneghello: «Sinon, di machachi, gente sciossa» (p. 265). 8. La nota che segue è solo un esempio fra tanti: «Nova noventa è, credo, brand new. […] Marendìn suggerisce l’idea di un dainty dish. Questo rapport tra vicentini e gatti è proverbiale» (p. 269). Non sempre è possibile operare una nette distinzione fra piani temporali: «i tempi mi oscillano sotto la penna, era, è, un po’ di più, molto meno» (p. 95). Tuttavia già Lepschy (1983: 52), a proposito di Libera nos, distingue tre lingue e le mette in rapporto con tre mondi e tre periodi intorno a cui ruota il libro: «a) l’italiano letterario con il mondo e la contemporaneità della scrittura; b) l’italiano popolare con il mondo del protagonista giovane adulto, nel periodo in cui il paese sta cambiando (1940-60); c) e infine il dialetto con il mondo mitico dell’infanzia, e col paese dei vecchi, quale appare al protagonista bambino negli anni venti». 9. Per un elenco degli inserti inglesi in Pomo pero si rimanda a Jones (1983: 92ss.). 10. Lo stesso componimento di Wallace Stevens è citato ironicamente anche più avanti, dove l’«angelo della realtà» di Stevens è a colloquio con le cugine del narratore in uno scambio di battute in cui si alternano inglese vicentino (cf. p. 201s. e nota relativa a p. 278). 11. Cf. «Qui da noi la femme mariée non è una figura chic .... Le spose cercano ... Rotolano abbracciati méchamment nel vallone pieno di spine» (p. 359). 12. Cf. anche il saggio Il turbo e il chiaro (Meneghello 1997b: 245-267), che contiene esempi di traduzione letteraria dall’inglese al vicentino.

AUTORE

TATIANA BISANTI Université de Sarrebruck

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 66

Spazialità e nostos in La festa del ritorno di Carmine Abate

Alfredo Luzi

1 L’impronta della differenza, che percorre tutta la scrittura narrativa di Carmine Abate, trae origine da una condizione autobiografica in cui si intrecciano la storia sociale e antropologica della terra di origine, le vicende esistenziali e il conseguente utilizzo di registri linguistici multipli.

2 Carfizzi, il paese dove lo scrittore è nato nel 1954, è infatti uno dei luoghi di aggregazione degli albanesi che si rifugiarono nelle terre in possesso della figlia dell’eroe nazionale Scanderbeg dopo il 1468 per sfuggire alla dominazione turca. Fedeli alle tradizioni, alla lingua, alla religione, le comunità arbëreshët (italo-albanesi) hanno difeso, nel tempo, pur nell’inevitabile contatto con la civiltà italiana meridionale, i fondamenti della loro identità, soprattutto garantita dalla sopravvivenza della lingua parlata ancor oggi correntemente (l’arbëresh) e dal permanere delle abitudini familiari e gastronomiche.

3 Ma sul piano antropologico, far parte di una enclave etnica, equivale a sentirsi cittadino di una duplice patria, quella del microcosmo del paese e quella della nazione. La diversità vissuta quotidianamente nel contatto tra due culture interiorizza la percezione della frontiera, individuata nella continua dinamica psicologica tra io/altro, dentro/fuori, ragione/fantasia, linguaggio/lingua, mondo/coscienza, monologo/ dialogo, passato/futuro. Dall’immersione in questo groviglio percettivo deriva in Abate, più che un senso di inappartenenza, una tensione verso una soggettività pronta ad accogliere lo scambio, l’incontro, spazio in cui il molteplice è elemento genetico di identità sempre mutevole. L’archetipo del viaggio che marca collettivamente la storia delle origini del mondo arbëresh, il cui passato porta lo stigma della migrazione, si riattualizza nell’esperienza soggettiva dello scrittore che vive il dramma di una famiglia i cui componenti sono costretti dalla mancanza di lavoro e dalla povertà del sud d’Italia ad emigrare. Il padre di Abate partirà per la Francia e poi per la Germania dove verrà raggiunto dalla moglie e dove lo scrittore vivrà per una decina d’anni, prima di rientrare in Italia e scegliere di risiedere in Trentino, zona comunque di confine, con caratteristiche economiche e sociali tuttavia molto diverse.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 67

4 Nel volume I Germanesi, pubblicato in Italia nel 1986, e riedito nel 2006 dall’editore Rubbettino, Abate, in collaborazione con la sociologa Meike Behrmann, divenuta nel frattempo sua moglie, aveva puntato il suo sguardo sul dramma sociale, linguistico e psicologico di una comunità di calabresi emigrati in Germania, in cui la crisi identitaria è percettibile anche nella lenta, inesorabile deprivazione verbale che si instaura in chi è sempre sul confine tra lingua madre, lingua nazionale, lingua della comunicazione socializzata, uno degli effetti più deleteri a livello psicologico della forzata emigrazione.

5 Ma l’analisi esterna della realtà, che presuppone una distanza tra soggetto ed oggetto, ad un certo punto si interiorizza, quasi che lo sguardo finora proiettivo dell’io narrante divenisse introiettivo, costringendo il soggetto a far parte della vicenda narrata. Dal saggio antropologico al romanzo.

6 La dimensione autobiografica, pur metaforizzata tramite la forza dell’immaginario e sublimata dalla scrittura letteraria, resta dunque il patrimonio ispirativo di numerosi romanzi e costituisce una sorta di nucleo macrotematico invariante che unisce i diversi momenti narrativi.

7 Già in Il ballo tondo (1991) il punto di vista del bambino Costantino mette a fuoco personaggi e vicende di una famiglia disgregata dalla emigrazione, collocata in uno spazio-tempo che oscilla tra Germania e Calabria, tra proiezione verso un futuro radioso e la conoscenza di un passato in cui recuperare il valore delle narrazioni orali, dei miti, dei riti folklorici delle comunità arbëreshët.

8 Temi presenti anche nel romanzo La moto di Scanderbeg (1999) dove l’archetipo dell’eterno ritorno, o meglio della circolarità della storia che si ripete, dell’indissolubile legame, d’impronta bergsoniana, tra passato presente e futuro, è concentrato nella iterazione onomastica (tutti i personaggi maschili si chiamano Giovanni), quasi che nel riconoscimento identitario del nome proprio possano nascondersi le tracce di una epopea collettiva ed individuale trasmissibile per via ereditaria, tassello di un DNA storico ed antropologico in cui è segnato il destino dei protagonisti.

9 Più proiettato verso la contemporaneità è invece Tra due mari (2002), in cui l’erranza, intesa come ricerca inquieta di un ubi consistam ma anche come desiderio insopprimibile di conoscenza nello spazio e nel tempo, si configura nella stessa narrazione e nella tecnica di una globale mise en abîme. Questa è rappresentata dal dono che il personaggio di Giorgio Bellusci fa al giovane Florian come pegno di custodia dei luoghi e dei tempi della memoria, e dunque ancora una volta della continuità della storia, del diario di viaggio di Alexandre Dumas in Calabria nel 1835, dimenticato nel Fondaco del Fico, una stazione di posta, una tappa dell’incessante peregrinare, che il protagonista vorrebbe ricostruire per ribadire non solo la continuità delle memorie ma anche la vicinanza tra i due mari, lo Ionio e il Tirreno. La presenza dello scrittore francese in Calabria è stata fra l’altro documentata dall’antropologo Vito Teti in un suo saggio letto occasionalmente da Abate.

10 Nel recente (2006) Il mosaico del tempo grande, con un titolo in cui la dimensione dello spazio è messa a fuoco dall’immagine del mosaico, le cui tessere, come i racconti, vengono disposte nella composizione artistica a cui lavora il personaggio Gojàri, e quella del tempo rinvia all’epica, in parte leggendaria, che avvolge la figura del condottiero Scanderbeg, si ritrovano tutte le linee portanti della narrativa di Abate: il confronto generazionale tra giovani e vecchi, gli uni assetati di futuro, gli altri portatori di passato e dunque di conoscenza, la spazialità ambientale della Calabria

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 68

«arbëreshe», il passaggio dall’adolescenza alla maturità, gli odori e i sapori di una civiltà millenaria, la presenza dell’enigma come ingrediente narrativo acceleratore di lettura, l’emigrazione, l’ibrido linguistico, leggermente attutito rispetto, ad esempio, allo stile di La festa del ritorno, pubblicato da Mondadori nel 2004.

11 Sul piano linguistico la creolizzazione culturale si concretizza in una scrittura in cui, come hanno già segnalato alcuni dei critici più attenti, i registri linguistici si intrecciano mantenendo una loro funzionalità: Fino a sei anni sapevo parlare solo l’arbëresh. A scuola, come quasi tutti gli arbëreshë, ho poi subìto una scolarizzazione esclusivamente in lingua e cultura italiana, cioè straniera, mentre a casa e con gli amici, nel vicinato, per le strade del paese, continuavo a parlare quella che noi chiamiamo “la lingua del cuore”. L’altra, la lingua che parlavano i maestri, prima, i professori poi, e infine i datori di lavoro, era “la lingua del pane”: importante, certo, ma non radicata dentro come la lingua arbëresh. Tant’è che la scelta, all’inizio forzata e poi sempre più consapevole, di scrivere in italiano l’ho vissuta come una sorta di tradimento nei confronti dell’arbëresh1.

12 Ne La festa del ritorno (Mondadori, Milano, 2004) Abate racconta, ambientandola in un paese della comunità albanese della Calabria che egli chiama Hora e che occulta fin dalle prime pagine con l’indicazione della «scalinata della chiesa di Santa Veneranda» e del «bar Viola» un diretto riferimento a Carfizzi, dove appunto si parla l’arbëresh, una storia di emigrazione di un padre costretto a vivere e a lavorare in un paese straniero, lontano dalla famiglia, ma che, seppur per brevi periodi, ritorna sempre a casa in occasione delle feste di Natale per partecipare alla accensione del grande fuoco di Natale sul sagrato della chiesa. Quel fuoco risveglia in lui i ricordi e il desiderio di raccontare, di far conoscere la sua biografia a suo figlio e agli altri compaesani. Il nucleo tematico della narrazione verte, come spesso avviene nei romanzi di Abate, sulla questione sociale dell’emigrazione, percepita come una serie ininterrotta di lacerazioni del rapporto affettivo, che si instaura nei rapporti interpersonali e familiari dei protagonisti, inferte da una sorta di condanna esistenziale al distacco dalla propria terra, che si riverbera sul destino del figlio costretto anche lui a partire per vincere la miseria e l’emarginazione.

13 Il dolore della partenza è l’elemento genetico della scrittura e della narrazione e attiva la cognizione cronologica nel bambino che chiede conto al padre delle sue periodiche assenze: Ma perché devi ripartire sempre, eh, pa’? Pse?. […] Lui mi prese la faccia tra le mani e mi guardò dritto negli occhi. Disse con voce profonda, quasi commossa: “Immagina che un uomo senza scrupoli, un bagasciaro nato, ti punta la pistola alla tempia e ti dice: ‘O parti o premo il grilletto!’ Tu che fai?” […] “Parti” si rispose da solo. “Parti, naturalmente, come sono partito io e tanti giovani del paese, ché non avevamo scampo. Il lavoro di contadino, con quel poco di terra che abbiamo, ci bastava appena per non morire di fame. Avevamo case piccole come zimbe, vecchie e senza comodità. E non ci voleva molta spertizza a immaginare che voi figli avreste fatto la nostra stessa vita caprina. Mentre il mondo progrediva. Progrediva pure da noi.” […] Mia madre ci faceva la testa acqua con questa storia della vita di sacrifici che mio padre sopportava in Francia per tutti noi, per il nostro futuro. Solo che non potevo accettarla, questa storia. La trovavo ingiusta e crudele. Il futuro, per un bambino, è

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 69

una parola vuota. Io volevo stare accanto a mio padre ogni giorno della vita presente. Sempre2.

14 L’autore affronta, attraverso il racconto che un padre fa al figlio della sua vita di emigrante, fatta di continue partenze e ritorni, il dramma della dislocazione, dell’impossibilità di percepire la spazialità come luogo fisso in cui, come dice Glissant, «un pensiero del mondo incontra un altro pensiero del mondo3».

15 Il luogo però è necessario perché la relazione si instauri a livello di immaginario tra il luogo e la totalità mondo. E nella vita dell’emigrante il luogo non è un territorio ma uno spazio in movimento, quello che sul piano psicologico determina la «identità-rizoma» cioè una identità costituita da vari innesti, polistrutturale, ben diversa per struttura e origine, dalla cosiddetta «identità-radice», unitaria e monostrutturale. La circolarità del viaggio, l’impossibilità di bloccare la dinamica avvicinamento-allontanamento in rapporto ad una spazialità statica, determinano una percezione del luogo come molteplicità, così come l’identità non è più unica, ma frantumata, molteplice, stratificata dalla autobiografia relazionale dei personaggi.

16 Ma, come ammonisce Tullio, il padre, in uno dei tanti colloqui con il figlio, disseminati e cadenzati dalle occasioni del ritorno, «la strada del ritorno, quella non si deve mai scordare, bir, altrimenti ti perdi in un bosco fitto e spinoso, ti senti fucare, se non hai uno sbocco di fuga alle tue spalle» (p. 60).

17 È questa la ragione per cui, in una prospettiva vagamente proustiana, la madre dell’io- personaggio prepara le conserve per il ritorno del padre a Natale. La fissità della festa rituale attraverso la quale si rinnova la condensazione del mito è unica garanzia per ritrovare il tempo-spazio trascorso, attraverso i cibi e i sapori.

18 Il rapporto padre-figlio, con la sua conseguente dimensione di educazione sentimentale e sociale, si sviluppa dunque in un ritmo di consapevole precarietà. La percezione dell’assenza periodica del padre da parte del figlio è correlativa allo straniamento spaziale e psicologico del padre. Sicché ogni ritorno del genitore è sentito dal fanciullo come una epifania gnoseologica che egli vorrebbe definitiva. Sul piano stilistico questa tensione alla stabilità emotiva e relazionale è espressa dalla insistenza frequenziale del verbo ri-conoscere o da brevi sequenze che esprimono in poche righe la felicità del figlio per la presenza accanto a sé del padre: Il giorno dopo mi svegliai molto presto, entrai scalzo nella stanza dei miei genitori e mi avvicinai al lettone per accertarmi che mio padre fosse vero, in carne e ossa; per sicurezza lo toccai con un dito sulla schiena e poi andai a dormire felice, abbracciando il pallone di cuoio. Avevo paura che fosse tutto un sogno. (p. 19) Camminavo al fianco di mio padre, solo questo mi importava. (p. 20)

19 L’io protagonista attiva nella sua psicologia un meccanismo di rimozione dell’angoscia creata dal rapporto disforico tra soggetto e assenza del genitore e tende a selezionare solo frammenti non precari di euforia interattiva: Nelle settimane successive mi abituai alla presenza di mio padre e cercai di convincermi che era ritornato per sempre. Succedeva così a ogni ritorno. Volevo dimenticare i lunghi periodi senza di lui, cancellare dalla mente la parola Francia, anzi “Fròncia”, come diciamo noi, e non mi azzardavo mai a chiedergli se per caso aveva intenzione di ripartire. Se poi mi rispondeva “Sì, devo”, avrei sofferto fino al giorno della partenza. (p. 25)

20 Il ragazzo volge il suo sguardo proiettivo verso una natura idillica, foriera di serenità nel suo ciclo vitale:

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 70

Non ricordo parole, all’inizio, solo il sottofondo musicale degli uccelli e i colori sgargianti d’aprile: il rosso delle colline di sulla, il giallo e l’arancione delle margherite, il bianco fiorito dei ciliegi, il verde lucido dei lecci e poi il cielo, di un azzurro luminoso che rallegrava le pupille. (p. 20)

21 E questa focalizzazione del paesaggio calabrese, descritto con un forte tasso di visività e iconicità, soddisfa il desiderio infantile di rapportarsi con uno spazio definito, in qualche modo posseduto tramite lo sguardo, una sorta di locus amoenus garantito dalla presenza del padre, in cui si condensa il mito dell’innocenza preadamitica. Per contrasto, l’assenza del genitore attiva il ruolo compensatorio dell’immaginario e del sogno, in un processo di interiorizzazione che fa da filtro ad una esistenza cadenzata da un continuo alternarsi di felicità e sofferenza.

22 Lo spazio dell’emigrante è invece sospeso, il rapporto tra io e paesaggio è continuamente frantumato, così come il tempo rettilineo della permanenza è interrotto da improvvise partenze tra Calabria e Francia.

23 Il desiderio del ritorno, la nostalgia, non presenta unicamente caratteri consolatori. È anzi motivo di continua sofferenza per il figlio che avverte l’assenza della figura del padre ogni volta che questi si distacca da lui e per il padre che è condannato a muoversi in una epoché spazio-temporale in cui il luogo non è più territorio ma uno spazio in movimento, quello che determina appunto una identità relazionale. L’ansia continua del nostos, che interviene sulla percezione psicologica del tempo da parte del fanciullo («Di solito era l’inverno la stagione del ritorno […] pure il tempo accelerava», p. 19) si trasforma in un processo archetipico e diviene una forma di conoscenza, che lega sentimento e comprensione, condensata nelle parole di John Fante, anche lui scrittore figlio di italiani immigrati negli Stati Uniti, poste da Abate ad epigrafe del suo romanzo: «Per scrivere bisogna amare, / e per amare bisogna capire».

24 Il tema del viaggio come condizione esistenziale, come condanna sociale, trama tutto il romanzo. La stessa crescita esistenziale del protagonista Marco è un cammino nella quotidianità che si fa giorno per giorno storia, un tragitto verso la libertà, forse utopica, delle proprie scelte, cadenzato dal progressivo accumulo di esperienza di un bambino che utilizza il suo punto di vista sul microcosmo familiare come forma primaria di conoscenza.

25 E se l’andare senza meta, come capita al personaggio misterioso, al «paccio» che va, come egli risponde ad una domanda di Tullio, «dove lo portano i piedi», può essere motivo di serena immersione nella natura, la condizione dell’emigrante produce inesorabilmente sofferenza, continua amarezza per il distacco dai propri cari e dalla propria terra: «E la vita passa e noi non ci godiamo né i figli né la moglie né questa bella terra germogliata e un po’pellizzona» (p. 26).

26 Lo spostamento, la dislocazione, la mancanza di uno spazio-tempo fisso, determinano fenomeni di alienazione, di frantumazione del rapporto identità-comunità su cui si basa il riconoscimento sociale dell’individuo. Ciò costringe l’emigrante a sentire la propria «diversità» sia nei confronti di coloro che sono restati sia nei confronti degli abitanti che lo hanno accolto; insomma è un forestiero in casa e fuori.

27 Ma su questo piano si può sostenere che La festa del ritorno ha come parola-chiave proprio la «diversità». È diversa la comunità arbëresh di Hora (metafora di Carfizzi) rispetto al territorio circostante, è diverso Tullio, che non vede l’ora di diventare ex emigrante, dagli altri padri, è diversa Elisa dagli altri familiari, per il fatto che studia all’università di Cosenza e che «non vedeva l’ora di partire», è diverso Marco che

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 71

vorrebbe il padre sempre vicino e che invece ripeterà l’esperienza del padre, annientando con la realtà della sua emigrazione il sogno coltivato dal padre: Un giorno avrei comprato una valigia di finta pelle. A diciott’anni e sette mesi, per essere precisi. Lui mi chiede a cosa serve quella valigia, fingendo di non saperlo. Al posto delle parole mi esce un sorriso d’imbarazzo. Avvicino il pugno alla tempia come se stringessi una pistola e aspetto che parli. Per un po’mio padre resta intrappolato in un sogno lontano che cancella le parole, i ricordi malamenti, il fuoco di Natale. Infine fa la voce arrogante del bagasciaro nato: “Senti a me, bir, non partire”. (p. 161)

28 Conseguentemente l’idea di patria (in cui è inserito semanticamente il concetto di paternità) non può più essere radicata in una spazialità definita territorialmente ma va elaborata attraverso un processo memoriale che accumuli materiale utile per la identificazione del sé.

29 La sopravvivenza identitaria è così garantita dal sussistere del soggetto nella diversità, attraverso una dinamica di contaminazione della categorie cronotopiche. Centralità e marginalità, storia e mito, paesaggio e memoria, scrittura e oralità, si intrecciano continuamente sulla pagina creando nel lettore la percezione di una narrazione epica e corale.

30 In questo senso la patria, il microcosmo del caos-mondo, è nella opzione plurilinguistica del romanzo, in cui è presente un agglomerato di lemmi italiani, arbëresh, calabresi, di calchi francesi e tedeschi. Si tratta di una lingua che ha conosciuto un personale processo di «creolizzazione» e che sul piano formale è lo specchio della compresenza dell’altro in un soggetto sottoposto ad un continuo processo di disseminazione e tuttavia pronto ad una attitudine inclusiva. Abate fa proprio, in una forte proiezione di contemporaneità, il monito di che aveva sostenuto che «l’ibrido è l’uomo dopo Auschwitz4».

31 Non si tratta di un espediente stilistico secondo la tipologia del pastiche. Ogni inserto differenziale-linguistico è funzionale alla narrazione. Spesso le frasi in arbëresh, che portano lo stigma della emotività e della familiarità, non sono tradotte, se non in parte, perché la loro semantizzazione è affidata al contesto. Oppure l’adozione di termini derivati da altre lingue che sono quelle con cui il personaggio del padre è venuto in contatto durante le sue esperienze all’estero è motivata dal fatto che questi lemmi veicolano la dimensione sociologica dell’emigrazione.

32 L’elemento unificante di tante diversità biografiche, generazionali, linguistiche, resta il racconto, l’atto perlocutorio, offerto all’altro attraverso la propria esperienza, il colloquio tra molti per comprendere e comprendersi.

33 C’è nel romanzo una sequenza, quella della scolarizzazione, che può considerarsi emblematica del disagio che un giovane prova se subisce una delocalizzazione spaziale e linguistica, magari esercitata per realizzare una integrazione sociale ma che viene vissuta dal protagonista come una esperienza deludente, Ero entrato in classe con apprensione e curiosità, e mezz’ora dopo già sbadigliavo: non capivo un’acca di quello che la maestra spiegava. Penzavo ca a la sckola si parrasse taliano come parravano l’anziani cu i furesteri c’accattavanu e vindianu a robba ‘nta la chiazza o puramenti i teatristi ca cantavano “che bella cosa è na jurnata ‘e sole” o u papà miu quandu si facia a varva, “l’aria serena para già na festa”, na festa ranna come quando illu riturnava da la Fròncia. Invece la maestra usava parole straniere a me sconosciute. “Facciamo l’appello”. L’appello? “E chi vo’chista cca e mia?” mi sforzavo di chiedere in “taliano” alla bambina di quinta che la maestra mi aveva messo accanto. (p. 71-72)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 72

compensata soltanto dal piacere di ritrovarsi con i coetanei dello stesso gruppo linguistico, dando sfogo alla pulsione del racconto orale, quello che per secoli ha rappresentato la forma più socializzata e più formalizzata della tradizione popolare: La mia classe era piena di ripetenti che in genere avevano due o tre anni più di me. In italiano non riuscivano a dire una frase corretta, ma erano bravissimi a raccontare storie nella nostra lingua, storie interminabili, avventurose e a volte erotiche, che interrompevano solo quando suonava la campanella. (p. 73)

34 La struttura del romanzo, nel succedersi delle partenze e dei ritorni, nella presenza costante del tema del viaggio, nel procedere delle esperienze esistenziali del protagonista sotto la guida del genitore, presenta un andamento che lo avvicina al romanzo di formazione. Ma i personaggi sono come collocati in un presente mitico. Attorno al fuoco della festa del ritorno le vicende di ognuno di essi, rese emblematiche dalla parola scritta, si purificano e assumono un valore archetipico. Ma se la figura maschile del padre si definisce attraverso un ininterrotto narrare la propria storia ai componenti della comunità, le figure femminili, in particolare quelle familiari (la mamma, la nonna, Elisa, la Piccola), sono vestite di lunghi silenzi, immerse nella coazione a ripetere gesti senza tempo, icone di una esistenza condotta secondo i ritmi della natura, tracce persistenti del mito della grande madre terra.

35 Ed è ad una figura femminile, indimenticabile per il lettore, che Abate affida la funzione di attante, di elemento dinamico della narrazione e insieme di connettivo tra le varie sequenze, quella della cagnetta Spertina. Tutta l’esperienza è come affidata e concentrata nel nome di questa fedele compagna che, nella prima e nella seconda parte del romanzo, spesso, apre e chiude, con i suoi gesti istintivi, la cronotopia dei vari capitoli.

36 Anche il tempo diventa circolare, quasi che grazie al mito, il passato possa tornare per indirizzare il futuro, spingere a compiere scelte non obbligate da «una pistola alla tempia» ma consapevoli e libere, atti volontari di uomini responsabili della propria esistenza.

37 In una struttura narrativa a blocchi, sottolineata anche dall’utilizzo della ripresa, in particolare tra il primo e il secondo capitolo, oscillante tra reale e immaginario, unico punto fisso è il racconto, di uno e di molti, attorno al fuoco di Natale che brucia parole e pensieri: Poi, rivolto ai suoi tre amici, ripeté che il fuoco era davvero superbo, një ziarr shumë i bukur, davvero, un fuoco che pareva fatto apposta per… Così. Con uno stop brusco. Afferrò la bottiglia di birra e la scolò fino all’ultima goccia. Restammo tutti zitti nell’attesa che concludesse il pensiero e guardammo il fuoco con gli occhi trasognati, come se lo vedessimo per la prima volta. Mio padre non parlava. Le fiamme più alte dondolavano spinte dal vento. Sentivo distintamente la loro voce frusciante e segreta. (p. 13-14)

38 Abate, attraverso il reticolato delle narrazioni orali, non solo realizza la mise en abîme del suo racconto ma conferma la funzione gnoseologica di queste, intese come testimonianza evenemenziale e trasferimento dell’esperienza.

39 Il rito del grande falò, secondo la tradizione folklorica, è la malinconica iterazione di un mito della comunità-famiglia che spera in una rinascita; un rito che nel momento stesso in cui viene celebrato presuppone il successivo gesto dell’abbandono. Ciononostante la fiaccola dell’utopia non si riduce in cenere. Anzi. Attraverso la narrazione bruciano le scorie di una esistenza fatta di dolorose attese e di altrettanto dolorose disillusioni e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 73

risplendono aduste le speranze individuali e collettive in un mondo meno ingiusto, in cui ogni uomo abbia il diritto all’amore e alla pace.

NOTE

1. C. Abate, Storie di germanesi, «L’Indice», dicembre 2000. 2. C. Abate, La festa del ritorno, Mondadori, Milano 2004, p.32-33 passim. D’ora in poi, per le citazioni da questo libro, si darà direttamente il numero della pagina. 3. É. Glissant, Poetica del diverso, Meltemi, 1998, p. 28. 4. Vedi M. Belpoliti, Primo Levi, Milano, Marcos y Marcos, Riga 13, 1997, p. 189.

AUTORE

ALFREDO LUZI Université de Macerata

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 74

L’île partagée. Géographies de la différence dans Passavamo sulla terra leggeri de Sergio Atzeni

Matteo Meschiari

“These are the colors of Africa”, he said. The blood that flowed from the zebra’s mouth was dark red and clotted. J. Kilgo, Colors of Africa1.

1 Pour les chercheurs qui ont étudié le genre épique et les multiples dynamiques de l’oralité chez des peuples qui sont loin de notre « anthropologie de la modernité », parler de tonalité épique dans la littérature contemporaine a peu de sens ou, s’il en a, c’est plutôt dans une acception métaphorique et méta-littéraire. À la rigueur, l’épopée se tient à distance du roman, tandis que toute tentative du deuxième de s’approprier la première se retrouve hâtivement classée dans le lieu commun de la polyphonie et du postmoderne.

2 Ce que l’on a perdu irrémédiablement, c’est le contexte ethnologique dans lequel la machine épique menait sa fonction de cohésion collective et de vérification identitaire. On est très loin de cette idée de « destin collectif » dans de « grands espaces », et cependant, au-delà de tout instrument herméneutique dont la critique littéraire dispose, on continue à utiliser l’adjectif « épique » pour saisir l’essence la plus intime de livres comme Il partigiano Johnny de Beppe Fenoglio 2 ou comme la Border Trilogy de Cormac McCarthy3. Mais à tous les méta-discours sur les genres épique et romanesque dans la modernité, il manque une donnée sans laquelle l’ambition épique elle-même se tarirait : la terre. Comme l’a fait remarquer Couloubaritsis, chez les plus anciennes civilisations, le genos et le topos étaient les deux coordonnées essentielles pour circonscrire le monde connu car, grâce à elles, la communauté pouvait se situer dans le temps et dans l’espace, sur la base d’une double appartenance, historique et géographique, chronologique et topologique à la fois4. L’épopée des origines ne fait pas abstraction de ces deux éléments, et la critique contemporaine devrait peut-être

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 75

s’ouvrir à une lecture des archétypes anthropologiques, pour vérifier l’hypothèse d’une persistance du registre épique dans la prose occidentale contemporaine5.

3 Avant de passer à l’analyse de la structure géographique, topologique et idéologique du roman de Sergio Atzeni, ce préambule, qui d’ailleurs nous suggère quelques pistes méthodologiques pour la lecture qui suit, nécessite tout de même un autre appendice. Avant donc d’explorer le topos, il nous faut repérer le genos d’un ouvrage qui ne demeure pas isolé dans la dernière décennie du XXe siècle. En 1990 parait Omeros de Derek Walcott, et il est suivi, en 1992, de Texaco de Patrick Chamoiseau, deux textes qui semblent re-découvrir un registre épique au-delà du remaniement postmoderne, car ils s’imposent comme la voix authentique, et au premier degré, d’une conscience collective de la différence. Omeros est un poème épique d’environ 8000 vers qui, sur le palimpseste de l’Iliade d’Homère, chante l’histoire de deux pêcheurs de la Mer caribéenne : J’ai chanté le calme Achille, le fis d’Afolabe, / qui n’a jamais pris un ascenseur, / qui n’avait pas de passeport, car l’horizon n’en demande point, // qui n’a jamais mendié ni demandé un prêt, ni jamais ne fut le serveur de personne, […] / J’ai chanté le seul massacre / qui lui donna du plaisir, et par nécessité – / celui des poissons, j’ai chanté les sillons de son dos dans le soleil. / J’ai chanté notre vaste pays, la Mer caribéenne6.

4 C’est Omeros, l’aède alter ego de Walcott, qui chante, tandis que dans Texaco c’est Marie- Sophie Laborieux qui raconte à Chamoiseau, simple « marqueur de parole », l’épopée antillaise de la Martinique. Et l’auteur, en résonance avec l’épilogue de Walcott, conclut ainsi son livre : Je réorganisai la foisonnante parole de l’Informatrice […]. Puis, j’écrivis de mon mieux ce Texaco mythologique, m’apercevant à quel point mon écriture trahissait le réel. Elle ne transmettait rien du souffle de l’Informatrice, ni même n’évoquait sa densité de légende. Pourtant [j’était encouragé] à poursuivre le marquage de cette chronique magicienne. Je voulais qu’il soit chanté quelque part, dans l’écoute des générations à venir, que nous nous étions battus avec l’En-ville, non pour le conquérir (lui qui en fait nous gobait), mais pour nous conquérir nous-mêmes dans l’inédit créole qu’il nous fallait nommer – en nous-mêmes pour nous-mêmes – jusqu’à notre pleine autorité7.

5 Walcott souligne que le seul massacre perpétré par le « calme » Achille est celui du pêcheur qui demeure libre en lui-même, et qui n’accepte pas la corruption du modèle occidental ; de même, Chamoiseau observe que même si la reconquête de la terre n’est désormais plus possible, la véritable liberté des Créoles doit passer par une reconquête identitaire de la langue, de la mémoire et de la conscience de soi. L’enchevêtrement entre « peuple » et « lieu » produit donc un discours narratif qui oppose à la globalisation capitaliste une résistance amère des identités locales et, au-delà de tous les discours sur les genres littéraires, les deux auteurs sont proches l’un de l’autre dans ce besoin de transmettre (« chanter » selon leur terme) la grande histoire collective d’un peuple qui a découvert sa différence dans une dialectique perdante avec la machine coloniale et néo-coloniale.

6 L’idée d’un envahisseur ethnique, économique et porteur d’un modèle insoutenable qui dénature l’essence de la culture précédente, qui piétine la micro-histoire des « sans noms », qui efface les différences vers une homologation perpétrée avec une rhétorique grossière, au nom de l’intégration et du progrès, est une idée qui, à la même période, semble intéresser un pays qui ne viendrait pas à l’esprit, l’Italie, où les « zones périphériques » commencent à donner des signaux d’une nouvelle inquiétude créative8.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 76

Mais il faut tout de même comprendre que le modèle colonial dont on parle était vécu ici d’une manière plus subtile et métaphorique, car il ne se référait pas à une véritable politique d’exploitation ou d’oppression, mais il s’enracinait en tant que discours critique là où l’on essayait de définir, dans le bien ou dans le mal, un paramètre de différentiation.

7 Avec Passavamo sulla terra leggeri, Atzeni invente une épopée sarde qui se déroule de 2 400 avant J.-C. jusqu’au XIVe siècle de notre ère, un véritable « îlot » littéraire dans le panorama narratif italien, mais aussi une unité significative dans l’archipel international. La structure du roman est simple. Elle répète le modèle adopté par les auteurs évoqués jusqu’ici : le récit se dédouble entre une première personne singulière, le « je » du narrateur qui reçoit le récit, et une première personne plurielle, le « nous » collectif du peuple sarde. En l’occurrence, il s’agit de Sergio Atzeni et d’Antonio Setzu, l’adulte qui se souvient de son enfance et l’aède méconnu qui transmet au garçon la « véritable » histoire des Sardes : Ascoltai la storia il 12 agosto 1960 nella cucina di casa Setzu, a Morgongiori, fra le tre del pomeriggio e il tredicesimo rintocco di mezzanotte, quando Antonio Setzu pronunciò l’ultima parola. Avevo otto anni, non sapevo nulla della vita, avevo ascoltato la storia, non l’avevo capita, anche ora che lo dico non so che senso abbia. […] a otto anni ero abituato a essere guardato con sospetto, con diffidenza, con paura – molto tempo dopo, scoprendo di essere di stirpe ebrea marrana, oltre che sarda e genovese con sfumature arabe e catalane, ho immaginato che il sangue degli antichi erranti perseguitati vivesse in me facendomi apparire la diversità dagli altri come abituale […]9.

8 Pour Atzeni, comme pour Walcott, Chamoiseau et Maggiani, la différence dérive des coordonnées du genos et du topos, du sang et de la terre, mais chez Atzeni il s’agit aussi d’une diversité puissance trois, pour ainsi dire, car il parle en tant que Sarde mal compris par les Sardes, en tant que Sarde mal compris par les non Sardes, et il est un écrivain sarde qui, ni en Sardaigne ni sur le continent, ne se sent vraiment chez lui. Pour saisir cette dialectique stratifiée il faut reconnaître que Passavamo sulla terra leggeri naît d’un contexte plus large que celui de la littérature sarde, et pour s’apercevoir de l’existence d’une véritable filiation, on peut lire en parallèle quelques phrases de Texaco et du roman d’Atzeni : Nous avions l’impression d’avancer contre le vent. Ce dernier gardiennait son domaine. À chaque débouché au-dessus d’une ravine, il nous cueillait avant le paysage. Plus pur. Plus sauvage. (p. 161) Nous allions. Les mornes n’étaient pas si vides que ça. Partout, de ci, de là, mais de plus en plus rares à mesure des montées, l’antique vie surgissait. Ruines d’anciennes. Grand-cases. Solages de chapelle. Canaux de pierres mortes. (p. 161) Échappées de Saint-Pierre. Nous étions allés loin. Nous avions raciné tout au long de la Trace. Peupler l’Alma, peupler la Médaille, Fonds Boucher, les abords de Colson, les pentes de Balata. (p. 207)

9 Et maintenant Atzeni : Esplorammo un tratto d’isola e scegliemmo per vivere un luogo che riuniva molte buone cose: era esposto a oriente sulla costa d’occidente, accanto alla montagna, dove avremmo potuto rifugiarci e difenderci in caso di nemici. (p. 14) Ventuno sopravvivemmo e dovemmo imparare a coltivare i frutti e le erbe, a catturare e mungere le pecore e le capre. Coi giunchi lunghi, neri, resistenti, che trovammo nelle paludi a meridione dell’approdo, facemmo le nostre case. (p. 17) Non lasciavamo altre tracce che i nuraghe, le navi di bronzo di Urel di Mu e i piccoli

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 77

uomini cornuti, guardiani dell’isola, che molti fecero imitando Mir. Nessuno sapeva leggere e scrivere. Passavamo sulla terra leggeri come acqua. (p. 39)

10 On serait tenté de penser que l’enchevêtrement entre les actions et les lieux, le ton sec et la visibilité du style, les répétitions formulaires, la structure fragmentaire (sorte de laisses épiques) et la parataxe, qui régit la syntaxe de la phrase autant que la macro- syntaxe du texte, sont des éléments qui rapprochent les deux textes pour des raisons fortuites, pour une quelconque convergence polygénique ; tout cela serait vrai si Atzeni n’avait pas été le traducteur italien de Texaco de Chamoiseau 10. On comprend alors qu’au cœur de l’invention de Passavamo sulla terra leggeri il y a un rapport intertextuel qui a aidé son auteur à ne pas tomber dans le piège d’une production régionaliste à part entière et, surtout, que le dialogue avec Chamoiseau a conforté Atzeni dans sa volonté de confier à la géographie insulaire un double message idéologique : comment la terre s’oppose à la mer, et comment au sous-sol s’oppose la surface, et la culture sarde à la « colonisation » et à la « superficialité » du continent. Grâce à un processus peu banal de traduction métaphorique de l’histoire ancienne, Sergio Atzeni s’engage dans la mise en espace des différences historiques, culturelles et politiques de son époque, tandis que par le biais du registre épique et à travers des images et des formes moulées sur une véritable « poétique de l’espace » insulaire, il souligne la conscience d’une nouvelle « ligne » sarde, qui fait face à la norme littéraire italienne.

11 Adone Brandalise a observé que la poésie « renvoie le paysage au lieu de sa formation, qui correspond à l’exercice compositif de la poésie elle-même », car la poésie en face du paysage « doit le soustraire à l’identification avec une objectivité purement subie, doit sauver ses signifiés11 ». C’est pour cela que l’insularité des paysages d’Atzeni correspond pleinement à la topologie que Gaston Bachelard décrit dans sa Poétique de l’espace, une dialectique qui rend compte de la différence, et qui finalement en est la véritable racine ontologique : Dehors et dedans forment une dialectique d’écartèlement et la géométrie évidente de cette dialectique nous aveugle dès que nous la faisons jouer dans des domaines métaphoriques. Elle a la netteté tranchante de la dialectique du oui et du non qui décide de tout. On en fait, sans y prendre garde, une base d’images qui commandent toutes les pensées du positif et du négatif12.

12 Cependant, le panorama est plus complexe, et pour chercher l’évolution la plus authentique de l’intuition de Bachelard, il faut arriver jusqu’à l’espace lisse et l’espace strié de Gilles Deleuze et Felix Guattari : L’espace lisse et l’espace strié – l’espace nomade et l’espace sédentaire –, l’espace où se développe la machine de guerre et l’espace institué par l’appareil d’État – ne sont pas de même nature. Ce qui occupe l’espace lisse, ce sont les intensités, les vents et les bruits, les forces et les qualités tactiles et sonores, comme dans le désert, la steppe ou les glaces. Craquement de la glace et chant des sables. Ce qui couvre au contraire l’espace strié, c’est le ciel comme mesure et les qualités visuelles mesurables qui en découlent13.

13 En d’autres termes, sur le socle topologique, eth(n)ique et moral (dedans/dehors ; nous/eux ; bien/mal) vient se greffer une opposition idéologique plus subtile (nomos/ logos ; nomade/sédentaire ; liberté/état de droit) qui se développe aussi dans le terrain de l’esthétique : L’espace lisse, haptique et de vision rapprochée, a un premier aspect : c’est la variation continue de ses orientations, de ses repères et de ses raccordements ; il opère de proche en proche. Ainsi le désert, la steppe, la glace ou la mer, espace local

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 78

de pure connexion. […] Ces questions d’orientation, de repérage et de raccordement sont mises en jeu par les pièces les plus célèbres de l’art nomade […]. (p. 615-616)

14 De la même façon que le paysage physique et le paysage mental arrivent à un certain point à se superposer et à se refléter mutuellement, l’espace topologique et l’espace textuel se lient entre eux dans une série ininterrompue de citations. C’est pour cela que le « dispositif théâtral » de l’île, avec sa dialectique terre/mer qui régit la structure profonde du roman, devient aussi un univers imbriqué14. Et c’est pour cela que le lecteur avisé ne doit pas lire la géographie de l’île d’après les seules coordonnées bachelardiennes, mais il devra faire résonner en elle une sorte de géophilosophie deleuzienne15. La Sardaigne représentée dans Passavamo sulla terra leggeri nous parle avant tout d’elle-même, mais elle renvoie aussi à l’a priori émotionnel et intellectuel qui l’a générée : mélange d’espaces lisses et d’espaces striés, lieu d’opposition et de confusion entre eux, il s’agit d’une Sardaigne de la terre et de la mer (géologie), d’une Sardaigne de l’esprit (géopoétique), et surtout d’une Sardaigne du texte (géo-graphie), elle représente donc, finalement, le roman lui-même, qui s’organise à son tour comme une île dans la mer, un portulan-paysage que l’on regarde avant de le lire, et dans lequel les paramètres codifiés de l’espace et du temps s’atténuent.

15 Au lieu de fournir la liste des lieux du livre où l’on pourrait procéder à une lecture stratifiée du binôme terre/mer, il suffit d’analyser rapidement le passage qui représente le mieux cette complexité topologique : Dal villaggio di Mu, nelle paludi, videro una nave avvicinarsi. Portarono sulla riva cristalli di sale, punte levigate di pietra nera, uova di pesce salate e secche, capre da latte e agnelli saltellanti, quel che compravano i rari naviganti dando in cambio pietre di vari colori, tessuti, anfore e gioielli. Ma non erano i soliti naviganti. Erano uomini uccelli. Sbarcarono a decine. Sul corpo avevano piume, invece delle braccia avevano ali. Erano armati di asce e reti. Sorridevano. Vedendo le reti Sul, una bambina di sei anni, convinse i fratelli, Air, Zte e Lus, di sette, nove e undici anni, a fuggire e nascondersi nel bosco sul monte. (p. 18)

16 Le début de l’épisode des hommes-oiseaux fixe d’emblée les deux termes de l’opposition : d’un côté le marais, la mer et le danger, de l’autre la forêt, la montagne et le salut. Mais l’objet qui rend l’opposition plus ambiguë et complexe est le filet de pêche, dans une scène qui, à juste titre, réveille la méfiance de la fille. Le filet brandi comme une arme frôle le rêve archétypique : l’outil de capture appartient ici à l’animal qui, dans la réalité quotidienne, devrait en être la victime. Mais le filet est aussi un filet de pêche, et le renversement entre le chassé et le chasseur, qui fait écho à celui entre les poissons et les oiseaux, parle à l’inconscient d’une sorte de vengeance des animaux sur les hommes. De la mer vient ainsi une double menace, celle d’un ennemi en chair et en os, et celle beaucoup plus subversive et dérangeante qui trouble les règles et l’ordre naturel des choses.

17 La fracture entre les mondes est ensuite soulignée par les listes de biens de consommation : d’un côté les produits essentiels de la terre (les œufs de poisson sont eux aussi desséchés et soustraits à l’élément liquide), de l’autre côté les biens de luxe, qui viennent d’une culture et d’une technologie plus avancées. De la mer, de l’espace lisse, l’île reçoit donc ce qu’elle n’est pas à même de produire, un surplus de richesse, un art nomade, mais aussi ce que Deleuze appelle la « machine de guerre » : Sfruttando lo stupore della gente di Mu si gettarono sui giovani e li catturarono con le reti. Presero i vecchi, li trascinarono sugli scogli e li sbatterono come fossero fuscelli, spaccando la testa, le braccia, le gambe. Radunarono i bambini capaci e incapaci di camminare, gli strapparono le gambe perché non fuggissero e li

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 79

calpestarono come se vendemmiassero […]. In due notti e tre giorni tutti i villaggi seppero la notizia. Dieci genti guidate da Ur El decisero di combattere. Dieci, guidate da Mir decisero di fuggire nelle foreste inesplorate, sui monti. Ur El fu ucciso. I suoi o uccisi o fatti schiavi. (p. 18-19)

18 La guerre doit se dérouler près de la mer, et c’est là qu’un choix drastique s’impose aux « S’ard » : la division manichéenne des gens de l’île amène à la disparition de la moitié, tandis que le groupe qui se sauve met la plus grande distance entre lui et la mer : non seulement loin du rivage vers le centre de l’île, ma en haut, sur la montagne, et en bas, dans le cœur renfermé de la terre : Mir guidò le dieci genti fino al cuore dell’isola. Trovò un monte cavo. Per accedere alla cavità dovemmo infilarci in una fessura larga il torace di uomo e lunga venti braccia. Un pendio ci portò alle viscere della terra, dove non cresce più erba, dove non arriva luce, sotto i sentieri e le vigne. […] Al termine del cammino sotterraneo trovammo un cerchio di terra con un raggio di dieci braccia. A metà della notte vedemmo la luna da una fessura della roccia, alt sopra le nostre teste. La luna illuminò il cerchio. Mir disse nell’antica lingua “t’Is kal’i”. La frase diventò nome del luogo. (p. 19-20)

19 L’entrée dans le monde souterrain coïncide avec une double reconnaissance : la découverte du site de Tiscali (une sorte d’omphalos de l’île) et sa nomination dans la langue des ancêtres. Atzeni voit ce lieu comme l’origine et le destin des « S’ard », et il établit ainsi leurs attributs historiques et culturels, ainsi que psychologiques et caractériels, sous l’égide d’un lien primordial avec la terre et avec la bénédiction nocturne de la lune. Tiscali est en définitive une île dans l’île, la métonymie de la Sardaigne, un « dedans à nous » contre un « dehors à eux », la verticalité d’une terre creuse contre l’horizontalité de la mer, le lieu de la défense et non de l’offensive, la nuit où l’on se cache plutôt que la lumière du jour, et finalement, pour empêcher des futures séparations, Tiscali est surtout la fondation de la norme de droit contre l’anarchie : Mir dichiarò sacro il monte della salvezza e disse: “Qui i padri delle genti devono riunirsi in caso di attacco nemico per decidere che fare, sotto la protezione di Is. In caso di discordia fra i padri uno di loro, il giudice, sotto la protezione di Is districa il torto della ragione con sentenza inappellabile immediata”. (p. 20)

20 Le cœur de l’île deviendrait ainsi l’espace strié qui s’oppose à l’espace lisse de la mer, si Deleuze ne nous mettait en garde contre une division trop manichéenne : nous devons rappeler que les deux espaces n’existent en fait que par leurs mélanges l’un avec l’autre : l’espace lisse ne cesse pas d’être traduit, transversé dans un espace strié ; l’espace strié est constamment reversé, rendu à un espace lisse. (p. 592-593)

21 Sarde et européen à la fois, partagé entre l’île et le continent, bien conscient que l’échange multiethnique est une richesse, Atzeni, après avoir fixé les termes de l’opposition, cherche dans celle-ci une autre complexité, plus profonde, dans l’esprit du métissage : les S’ard vaincront leurs ennemis, mais en même temps ils assimileront leur diversité culturelle : Trovammo quattro Ik vivi. Tre donne e un uomo. Li curammo. Conoscevamo erbe capaci di guarire le loro ferite. Non sapevano mettere più di quattro parole in fila né disegnare forme sulla sabbia né contare oltre undici né coltivare la terra né mungere il bestiame né costruire capanne né intagliare pietre. Sapevano combattere e navigare, usare il fuoco e fare i cerchi che mettevano dentro la pelle. Sapevano catturare e addomesticare i cavalli. Rszr, una delle donne straniere, aveva un oggetto: la scorza dura e bucata di un frutto sconosciuto unita a un bastone grazie a un’erba collante. Dalla scorza al bastone un giunco fine infilato agli estremi

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 80

in due piccoli cerchi lignei rotanti grazie ai quali si tendeva o diventava molle. Battendo e strisciando sul giunco teso un giunco fine, Rszr traeva suoni. Per notti intere restammo a ascoltarla. Mai avevamo udito nulla di simile. Sembrava il vento fra gli alberi e la voce dei falchi, l’onda del mare che rifluisce in riva sui sassi e il frusciare delle bisce nell’erba. (p. 24)

22 Comme pour la liste des biens qu’on a rencontré plus haut, le passage ci-dessus propose un autre affrontement entre deux mondes différents : la sphère sémantique de la terre, avec les activités et les produits propre à une civilisation sédentaire, et l’univers nomade lié à la mer, au mouvement et à la guerre. Et cependant, la scène parvient à une sorte de règlement du contentieux, car la description de la mélodie incarne en quelque sorte une nouvelle alliance cosmique entre les éléments primaires du paysage, de l’air des faucons aux vagues de la mer à la terre de l’herbe et des arbres. Précisément l’espace lisse, qui est porteur de désordre, introduit sur l’île l’harmonie d’une musique inouïe : les termes de l’opposition s’enrichissent ainsi de nuances imprévues, et ils se réconcilient dans les espaces de l’art.

23 Avec l’épisode archétypique des hommes-oiseaux, Atzeni pose les bases nécessaires pour la structure du livre, une structure qui, avec des variations, des jeux de miroirs, des atténuations ou des densifications, continue à se greffer sur un dualisme topologique, élémentaire et articulé à la fois. Mais le dernier passage nous fournit aussi une occasion de pousser l’analyse dans le domaine de la stylistique. La description détaillée de l’instrument de musique est confiée à une stratégie de regard en biais que les Formalistes russes ont appelé « défamiliarisation16 », et qui ici, dans la prose nominale, introduit un registre différent. Atzeni veut peut-être montrer que la rencontre entre des cultures diverses amène à une complication de la pensée (qui de synthétique devient analytique), mais sur le plan plus strictement littéraire il est en train de compliquer le tissu polyphonique du récit. Comme Tiscali est une île dans l’île, une île composée d’autres îles que les paysages, les toponymes et les événements ponctuels organisent en une mosaïque de « chronotopes », l’espace du texte répète la forme de l’archipel, un archipel d’épisodes et de styles, de la chronique à la légende, du mythe à l’épopée, de la fable à l’histoire, en passant à travers différents degrés de la langue et de la parole, toujours en suspens entre le lisse et le strié, le pluriel et l’uniforme, l’excès et la mesure.

24 C’est pour cela que la langue du texte fait penser aux contractions et aux dilatations de l’oralité, une modalité de la parole qui est strictement liée à l’épopée des origines. Mais comment parler aujourd’hui d’oralité romanesque ? Atzeni, comme Chamoiseau, travaille le texte avec une ductilité illimitée, et il lui arrive de nous donner une impression d’oralité grâce à quelques stratagèmes comme l’anaphore, la parataxe, l’ellipse, le refrain, la répétition de formules figées, la reprise épique, tandis qu’il efface habilement les données onomastiques et chronologiques pour nous restituer une généalogie hors du temps. Mais si d’oralité il s’agit, c’est une oralité au deuxième degré, qui n’a rien à voir avec la vraie genèse du récit17.

25 Chamoiseau, qui réclame l’oralité comme le véritable a priori de l’écriture créole, doit finalement se résigner à l’échec : seule l’écriture, et non la voix, peut exorciser le silence, car une fois que Marie-Sophie Laborieux est morte, ce qui s’impose lourdement au « marqueur de parole » n’est que la transcription et la réorganisation des cahiers et des bandes magnétiques. Bien plus évolué qu’un simple scribe, Chamoiseau superpose son anthropologie moderne, celle de Gütenberg, à une modalité de la parole qui a perdu

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 81

comme l’univers des îles son ancienne liberté. Atzeni lui-même, par les mots d’Antonio Setzu, conclut ainsi son livre : Potrai aggiungere spiegazioni nuove dei fatti antichi narrati nella storia che ti è affidata e raccontare avvenimenti memorabili del trentennio della tua custodia, purché con chiarezza e concisione. Noi custodi del tempo, dal giorno della perdita della libertà sulla nostra terra, abbiamo preferito finire la storia a questo punto. (p. 211)

26 Le conte se termine aussi pour le lecteur, avec une recomposition finale de la fracture entre récit et récit dans le récit, mais au bout du compte les deux morceaux ne coïncident pas parfaitement : la « suspension de l’incrédulité18 » qui accompagne toujours la lecture d’un bon roman, une fois que l’on referme le livre s’éteint, et même l’épopée, dissimulée dans la prose, se flétrit ironiquement dans le désenchantement.

NOTES

1. J. Kilgo, Colors of Africa, Athens, University of Georgia Press, 2003, p. 9. 2. B. Fenoglio, Il partigiano Johnny, Turin, Einaudi, 1968. 3. C. McCarthy, All the Pretty Horses, New York, Vintage Books, 1993 ; The Crossing, New York, Vintage Books, 1995 ; Cities of the Plains, New York, Alfred A. Knopf, 1998. 4. L. Couloubaritsis, Aux origines de la philosophie européenne. De la pensée archaïque au néoplatonisme, Paris-Bruxelles, De Boeck Université, 1995, p. 29-39. 5. Voir G. Sommavilla, Peripezie dell’epica contemporanea, Milan, Jaka Book, 1983 ; F. Moretti, Opere mondo. Saggio sulla forma epica dal “Faust” a “Cent’anni di solitudine”, Turin, Einaudi, 1994 ; A. Scurati, Guerra. Narrazioni e culture nella tradizione occidentale. Antichità epica. Modernità romanzesca. Contemporaneità televisiva, Rome, Donzelli, 2003. 6. D. Walcott, Omeros, trad. it. de A. Molesini, Milan, Adelphi, 2003, p. 542-543. « I sang of quiet Achille, Afolabe’s son, / who never ascended in an elevator, / who had not passport, since the horizon needs none, // never begged nor borrowed, was nobody’s waiter […] / I sang the only slaughter / that brought him delight, and that from necessity – / of fish, sang the channels of his back in the sun. / I sang our wide country, the Caribbean Sea ». Texte inédit en français. 7. P. Chamoiseau, Texaco, Paris, Gallimard, 1992, p. 497-498. 8. Voir C. Abate, Il ballo tondo, Milan, Mondadori, 2005 (Marietti, 1991), et M. Maggiani, Il coraggio del pettirosso, Milano, Feltrinelli, 1996, un récit que l’auteur conduit sur le double fil d’une mémoire historique et géographique, entre deux terres et deux rêves, les Alpes Apuanes et Alexandrie, les anarchistes de la fin du XIXe siècle et les « Apui » de l’époque pré-romaine. Comme Walcott et Chamoiseau, Maggiani raconte une utopie et une disparition inexorable, en essayant de donner la voix à un « nous » sans histoire. Il s’agit d’une sorte de chant primordial des racines ethniques, de l’enracinement dans un lieu d’où toutes les différences découlent comme un théorème : « Per il tempo a venire, con tutto quello che è successo, Carlomagno è sempre rimasto di qua dalla Via e da ogni altra cosa. Dalla parte di là, nella piana ricca e aperta al mare, sulle colline meridiane, lungo i seni grassi del fiume così dolce, tutto il resto del mondo, di qua dalla strada, oltre gli acquitrini e i bozzi, schiacciato sui contrafforti delle montagne di pietra di marmo, Carlomagno. Solo loro. » Texte inédit en français.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 82

9. S. Atzeni, Passavamo sulla terra leggeri, Milan, Mondadori, 1996, respectivement p. 17 et p. 17-18. Texte inédit en français. 10. P. Chamoiseau, Texaco, trad. it. de S. Atzeni, Torino, Einaudi, 1994. Voir aussi M. Bestini, « Tradurre la parole de nuit: Sergio Atzeni e Texaco di Patrick Chamoiseau », dans La grotta della vipera, LXXV, 1996 ; M. Pala, « Cercando scritture meticce. L’analogia postcoloniale tra la Barbagia e i Caraibi », dans G. Marci et G. Sulis (éds), Trovare racconti mai narrati, dirli con gioia, Cagliari, CUEC, 2000. 11. A. Brandalise, « Soglie e confini. Etiche ed estatiche del paesaggio veneto », dans Id., Oltranze. Simboli e concetti in letteratura, Padoue, Unipress, 2002, p. 113-123 et p. 118. Nous traduisons. 12. G. Bachelard, La poétique de l’espace [1957], Paris, PUF, 2004, p. 191. 13. G. Deleuze et F. Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, respectivement p. 592 et p. 598. 14. Voir M. Marras, L’insularité dans la littérature narrative sarde du XXe siècle , Toulouse, Éd. universitaires du Sud, 1998. 15. Voir M. Antonioli, Géophilosophie de Deleuze et Guattari, Paris, L’Harmattan, 2003. 16. Voir V. Chklovski, Théorie de la prose, Lausanne, L’Âge d’homme, 1973. 17. Voir W. J. Ong, Orality and Literacy. The Technologizing of the Word (New Accents), Londres-New York, Methuen, 1982. 18. Voir J. R. R. Tolkien, On Fairy-Stories, in The Monsters and the Critics and Other Essays, Londres, Allen & Unwin, 1983, p. 109-161.

AUTEUR

MATTEO MESCHIARI Université Charles de Gaulle - Lille 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 83

Images et formes de la différence identitaire et insulaire chez Marcello Fois

Margherita Marras

1 Parler des images et formes de la différence dans les ouvrages sardes de Marcello Fois conduit inévitablement à s’arrêter sur les concepts de sardité et d’insularité. Ainsi en va-t-il dans les deux trilogies (bientôt tétralogies selon les projets de l’auteur), l’une de genre historique (fin XIXe siècle) avec Sempre caro1, Sangue dal cielo2, L’altro mondo3, l’autre située à l’époque contemporaine (dernières années du XXe siècle), composée de Ferro recente4, Meglio morti5 et Dura madre6. Si les temps de la représentation sont différents, on ne peut en dire autant pour l’espace, la Sardaigne, qui reste le point constant de référence. Dans les deux cas est évidente la préférence du romancier de Nuoro pour les époques de transition, de passage, qui correspondent à des moments cruciaux du passé et du présent de l’île. Indéniablement les deux trilogies présentent des éléments de continuité laissant à penser qu’elles peuvent être le fruit d’un même projet : leur complémentarité se lit au travers des éléments constitutifs de l’univers insulaire des romanciers contemporains reliés aux dérives politiques et socio-culturelles rapportées dans les œuvres historiques en une relation cause-conséquence indélébile.

2 Un autre facteur commun aux romans des deux trilogies est le genre policier dont la particularité exprime l’éclectisme de Marcello Fois et sa fructueuse relation avec les centres les plus importants du roman policier italien (il est l’un des principaux représentants du Gruppo 13 de Bologne), comme avec la culture littéraire sarde caractérisée, à partir des années 1980, par l’apparition et l’affirmation de nouvelles formes du récit qui ont attiré, au cours de la décennie suivante, l’attention d’un public national et international. Marcello Fois a sans aucun doute été l’un des principaux artisans de cette « nouvelle vague », surtout en sa qualité de chef de file du policier sarde. Si le contexte insulaire n’est pas une constante dans la production de l’auteur, les formes et les nombreuses images de la différence présentent, dans les deux trilogies, un rapport direct avec la condition historiquement, socialement et culturellement périphérique de la Sardaigne. Cette constance dans la méthode permet d’établir des

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 84

similitudes parlantes avec des littératures et des cultures enracinées en d’autres lieux et en d’autres contextes à forte spécificité et qui illustrent une vérité fondamentale : la diversité ne se donne pas à lire seulement selon l’optique de la singularité absolue et de la distanciation, mais aussi selon celle du partage et du rapprochement.

3 On a là l’une des raisons justifiant une lecture croisée entre les œuvres de Marcello Fois et certaines théories littéraires, récemment dites post-coloniales. Cette juxtaposition pourrait sembler étrange, surtout en raison de la signification historique couramment attribuée à l’expression post-colonial, souvent utilisée « de manières différentes et pas toujours cohérentes7 ». Naturellement elle est prise ici dans une acception limitée aux œuvres narratives et aux théories exprimées par les écrivains qui se font voix d’une minorité, qui se distinguent par un discours critique exposant la conflictualité des relations entre centres du pouvoir et réalités périphériques, par l’importance de leur réflexion sur les dynamiques profondes de la diversité (qu’elles soient de nature historique, économique, socio-culturelle, psychologique ou linguistique) et, plus généralement, qui se réfèrent à « une idée globale de l’Occident8 ».

4 Qui connaît l’histoire et la littérature sardes reconnaîtra sans difficulté dans ces références les traits distinctifs de nombre de thématiques identitaires fréquentes dans la littérature narrative de l’île et dont témoignent aussi les romans de Marcello Fois.

5 Tenant compte de l’ampleur du sujet, nous limiterons la comparaison au phénomène de l’antillanité telle que la repropose et la discute Édouard Glissant et à la relation entre créolité et écriture élaborée par Jean Bernabé, Raphaël Confiant er Patrick Chamoiseau, dans ce que l’on peut considérer comme un manifeste : l’Éloge de la créolité9.

Images de la différence insulaire et identitaire

6 L’une des bases et des constantes pour la conceptualisation et la formalisation littéraires, aussi bien dans les ouvrages historiques de Fois que dans les théories des écrivains créoles, est le paradigme centre-périphérie dont naît une série d’images que l’on peut ranger selon deux typologies principales : les images discursives et les images poétiques (ou construites sur des bases analogiques et métaphoriques). Il ne s’agit pas en réalité d’une séparation draconienne mais plutôt d’une répartition aux limites floues : ces deux typologies apparaissent, en effet, fonctionnelles l’une à l’autre et c’est dans leur continuelle intersection que se manifeste le rapport colonial qui lie la Sardaigne au pouvoir central, noyau fondateur et fil conducteur du récit historique sarde chez l’écrivain de Nuoro.

7 Très nombreux sont les rappels de cette subalternité : l’île est présentée comme « canile di Roma10 », elle est définie terre d’exil et de « selvaggi11 » et l’altérité insulaire est perçue par l’état italien comme sous-culture : Non siamo cittadini qualunque, non italiani come gli altri. Noi siamo carne da lavoro e cani da guerra. Una cosa l’abbiamo capita subito […] di quello che siamo, di quello che siamo stati, di quello che saremo, non importa niente a nessuno12.

8 Fort éloquente est à ce propos la représentation inscrite dans les lois spéciales, promulguées par le gouvernement Pelloux (1898-1899) pour garantir la sécurité publique en Sardaigne et combattre le banditisme, auxquelles Marcello Fois se réfère pour ce qui concerne leur application. Des lois que l’avocat Bustianu13, serial detective de la trilogie historique, critique en de véritables réquisitoires pour leur caractère punitif14, pour leur inefficacité et, surtout, pour la nocivité de leurs conséquences :

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 85

l’aggravation de la fracture entre l’île et le continent et de la défiance des Sardes face à l’État italien et à la Justice15. Si elles sont évoquées dans les trois romans historiques, c’est dans L’altro mondo que les lois spéciales acquièrent une place centrale : images, dialogues et considérations diverses deviennent illustration d’une véritable « guerre », conduite par les forces de l’ordre et d’importants détachements militaires expédiés sur la terre sarde pour opérer des perquisitions et des arrestations en masse des parents des fugitifs (y compris les femmes et les enfants), dans le but de contraindre ces derniers à se rendre.

9 En fait, chez de Fois, ces lois sont les instruments de complots et de chantages, tant privés que publics, aux dépens de sujets faibles et marginaux (les Sardes socialement et économiquement les plus fragiles16). Loin d’être le moyen de combattre le crime, elles sont bien plutôt celui par lequel il se perpétue en raison de leur évidente utilisation comme très efficace instrument de l’affirmation de logiques d’état prévaricatrices et d’exécution des ignobles actions prévues dans le protocole « Altro mondo », comme on le découvre dans les pages du roman homonyme. Ce protocole, charpente et coeur du texte, consiste en une préparation expérimentale à une « guerre totale » (p. 172) que les dirigeants italiens considéraient stratégiquement nécessaire pour prévenir de nouvelles défaites après le désastre de Adua (1896). Bien que sa réalisation ait été officiellement abandonnée en raison de « l’impossibilità di trovare uno spazio adatto » (p. 172) sur le territoire national et du refus de quelques députés, le projet est secrètement mis en œuvre en Sardaigne. L’intrigue, les crimes et l’enquête du roman sont entièrement liés à la mise en œuvre du protocole, source d’images discursives et figuratives tragiquement poétiques où l’île, éventrée et anéantie, devient le décor de la transposition métaphorique d’une histoire d’abus et d’injustices. On le voit dans le climat de chaos, le bouleversement et la transformation de la « zona franca » (p. 81), zone d’expérimentation de l’« altro mondo » (p. 81), en « un paradiso che sa d’inferno » (p. 81) et de mort : Quello che vedono17 sono scheletri immersi nella poltiglia delle loro carcasse. I cinghiali sono morti e sono morti i corvi che di loro si sono pasciuti. Ma nel marasma fetido sono visibili piume di tortora e pelli di donnola. Ghigni di lepre emergono dalla mucillagine sanguinolenta. (p. 84)

10 Autant d’images qui apportent une nouvelle signification au caractère plurisémantique et à la valeur dichotomique du titre du roman : Altro mondo evoca l’opposizione dell’isola […] ad un Altrove. […] Altro mondo implica una relazione con l’alterità […]. Altro mondo sottintende l’immagine di un’isola primitiva caratterizzata dall’isolazionismo e dall’isolamento, risultante della sua separatezza geografica e delle sue differenze socioculturali18.

11 La matière historique est pour Marcello Fois une source inépuisable d’inspiration. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un élément fondamental des intrigues, il est utile de rappeler l’évocation, dans chacun des trois romans, de l’Édit des enclosures, l’un des événements qui a le plus fortement marqué le passé de la Sardaigne et que les narrateurs insulaires ne cessent de reprendre dans leurs œuvres de fiction. Promulgué en 1820 par le gouvernement piémontais, l’Édit accordait aux municipalités et aux particuliers le droit d’enclore les terres incultes, jusqu’à cette date librement utilisées par les paysans et les bergers. Fois s’y réfère au travers d’une vigoureuse polémique en défense de l’île et en dénonciation d’une histoire de l’absence19 tout en opérant, au niveau structurel, un mouvement à rebours qui interrompt le présent de la narration. Cette technique a pour conséquence de créer un effet de redondance : dans les récits du romancier de Nuoro, la

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 86

référence à l’Édit, présenté comme un droit « imposé », établit un lien de continuité entre les politiques d’oppression précédentes et les nombreuses actions coercitives menées par le pouvoir central dans la Sardaigne de la fin du XIXe siècle. Dans Sangue dal cielo20 elle est le point de départ d’une impressionnante représentation apocalyptique construite sur une succession tragique d’événements impliquant le site insulaire dans son intégralité : Alla fine di ottobre del 1820, dopo nove giorni e nove notti di pioggia da annegare il cristiano e le talpe sotto terra, dal sud si era fatto largo a furia di spinte un alito unticcio e caldissimo, si era aperto un corridoio rotolando verso le Barbagie. E le montagne cominciarono a sudare sangue. […] Proprio nell’ottobre del’20. L’anno dell’Editto sulla chiusura delle terre comuni. Che allora pareva un segnale chiaro dell’ira della povera gente. La zaffata micidiale arrivò con i banditori del re che annunciavano i muri a secco. L’editto arrivò accompagnato da un fetore ferruginoso di acqua stagnate. E intrise valli e montagne di sangue. La ricchezza non era l’oro, e nemmanco il pane, ma pietre su pietre per cingere i terreni e braccia per costruirli: questo diceva l’editto. E al Sangue dal cielo si unì il sangue degli uomini, il massacro delle tanche. Che se giravi il cielo con la terra era lo stesso: gli uomini e le nuvole lottavano allo stesso modo. E sarebbe stato uguale persino non essere nati mai in quella terra dove l’alto e il basso di confondevano. (p. 72-73)

12 Les lois spéciales, le protocole « Altro mondo » et l’Édit des enclosures ne forment qu’une partie des nombreuses références historiques qui, traduites en récit par Marcello Fois, conduisent à une représentation de l’histoire qui ne peut être perçue comme développement diachronique d’événements, mais bien plutôt comme circularité et répétition éternelle d’actes menant à l’anéantissement de l’île. Un concept d’une histoire non-histoire récurrent dans le roman sarde (qu’on retrouve aussi chez les auteurs italiens du Mezzogiorno) et présente dans les œuvres et les théories des auteurs antillais comme Édouard Glissant qui, dans Le discours antillais, parle, en référence à la Martinique, d’une « “non-histoire” syncopée21 ». Cependant, si la similitude entre ces deux auteurs insulaires est évidente dans le regard porté sur leur passé, il n’en faut pas moins préciser que le parcours indiqué par Glissant pour l’explication du phénomène n’est pas, comme c’est le cas pour la Sardaigne de Fois, la déstructuration de codes autochtones et identitaires mais plutôt l’absence et l’impossibilité de leur construction.

13 Un autre point évident de contact entre les écrivains antillais et le Sarde Marcello Fois se manifeste dans l’importance attribuée au paysage. Dans les romans de la trilogie historique les éléments naturels, les espaces et les lieux les plus reculés sont soumis à un processus d’anthropomorphisation et à l’insertion de détails liés aussi bien à la culture qu’à l’histoire sardes. L’espace devient ainsi un personnage en soi qui subit, comme les hommes, le poids des contradictions du passé et du présent se transformant, comme l’écrivent aussi les théoriciens de la créolité22, en un témoignage tangible de la mémoire collective et du bagage d’émotions et de sensations de ses habitants. Il en va de même dans les romans situés à l’époque contemporaine où les blessures, la dénaturation et les transformations du paysage et de l’espace insulaires deviennent le miroir fidèle des bouleversements advenus dans la société de Nuoro et confirment son incapacité à soutenir la confrontation avec la modernité. Dans Ferro recente23, les gens de Nuoro, qui n’arrivent pas à proposer au « futuro un compromesso dignitoso » (p. 50) et à préserver ce qu’il y avait de bon dans leurs traditions : du passé, ils ont conservé le pire. C’est ce que démontre la représentation constante, réalisée par la triade thématique (soumission, fatalisme et servilisme acritique) souvent utilisée par l’auteur,

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 87

des tares et de maux endémiques. Coupables d’avoir laissé le temps « scorrere addosso » (p. 51), ils sont responsables du « livellamento feroce, vorace » (p. 51) qui a frappé toute chose, transformant la Sardaigne en un organismo privo di anticorpi: restava il folclore, l’esibizione di riti non più rituali, senza significato, restava quel collegamento inconscio con valori estranei e fatali. Restava la violenza. (p. 51)

14 Et c’est ainsi que les personnages insulaires de Fois, dans la trilogie contemporaine, n’évaluent plus leur propre altérité en fonction de l’Autre, du non-insulaire – comme c’est en revanche le cas dans la trilogie historique – mais par rapport au sentiment d’être étrangers à leur propre vie, par rapport à un dépaysement qui leur interdit de se repérer dans leur propre espace-temps. Et la dégradation du paysage devient le révélateur d’une géographie complexe de la négation qui remodèle et répète toutes les dérives et les corruptions morales, politiques et matérielles qui ont frappé l’île : Nuoro est une ville explosée24, le royaume de la spéculation immobiliaire, des constructions abusives suivies de régularisation25, c’est le lieu de l’inachevé et du non sens, à l’image des chantiers jamais achevés qui la caractérisent.

Pratiques d’écriture : oralité et oraliture

15 C’est dans les pratiques d’écritures liées, dans leur forme, à l’oralité que la ressemblance entre Marcello Fois et les théoriciens antillais se montre la plus forte. L’oralité est sans aucun doute l’une des bases de la construction et de la représentation du site insulaire dans la trilogie historique et, quoique de manière moins invasive, dans Dura madre26. Elle se manifeste dans le sens le plus traditionnel, à savoir dans la transposition à l’écrit de formules linguistiques d’expression verbale et de registres oraux, reconductibles d’un côté à l’usage de formes orales générales (non circonscrites au monde sarde) et, de l’autre, à l’intégration d’expressions relevant d’une norme de récit parlé de matrice sarde : on note en effet d’évidentes interférences du sarde aux niveaux structurel, morphosyntaxique et lexical. Cette procédure, visant à la recherche d’une « fidélité » expressive, se retrouve d’ailleurs aussi bien dans le discours indirect que dans le discours direct. De fait, la mixité linguistique est aussi une prérogative du narrateur, particulièrement de celui qui, dans la pluralité des voix narrantes qui peuplent les romans de Fois, assume le rôle de conteur de la communauté nuoraise, avec pour fonction le témoignage et la transmission. À l’instar des personnages d’extraction populaire, son langage est imprégné de régionalismes syntaxiques27, pléonasmes28, expressions et greffons sardes29 qui s’intègrent au texte italien sans que l’auteur formalise, par la ponctuation ou l’emploi de caractères différents, le changement de registre. Ainsi se définit naturellement une évolution de la phrase qui, outre qu’elle exprime une incontestable cohérence avec le monde raconté, tend à focaliser le paradoxe existant entre les représentations de la diversité culturelle sarde et les prétentions du pouvoir central qui met en œuvre une expéditive et violente assimilation politique et culturelle de la Sardaigne. Dans cette opposition apparaissent toutes les contradictions du processus d’« italianisation » forcée30. Mais la signification inhérente aux éléments linguistiques caractérisant nombre de personnages s’applique aussi à l’importance de l’oralité dans la culture sarde, objet, dans Sangue dal cielo, d’une véritable défense théorique. En effet, un code expressif argumentatif, propre à la tradition narrative de l’île, sert de base à la réflexion polémique, conduite par Bustianu, contre les cultures de conquête et le concept d’unicité et exclusivité culturelles. C’est

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 88

une mise en accusation des pratiques coloniales appliquées en « India o America che fosse » (p. 98), avec une référence explicite à Christophe Colomb et à son attitude envers les indigènes qu’il décide de transporter sur l’une de ses caravelles « per farli vedere al re » (p. 98). Son récit met en relief la préoccupation de Colomb qui craint qu’au souverain, comme à « tutta la cultura, l’unica cultura che esso incarnava » (p. 98), puisse déplaire que ces indigènes n’aient pas la moindre connaissance de l’espagnol. Il se fait donc précéder par une missive dans laquelle il précise « porterò sei di questi uomini alle Vostre Altezze, così che possano imparare a parlare » (p. 98). La citation de Bustianu est suivie d’un commentaire au contenu révélateur : « Capisce? Incalzai. “Non ha detto: così che possano imparare a parlare lo spagnolo; ha detto così: che possano imparare a parlare” » (p. 98-99).

16 Cette explication de Bustianu entraîne implicitement un déplacement vers la situation et l’histoire de l’île, en cela qu’elle se présente comme un élément de transition vers une réflexion successive qui souligne la priorité absolue de la parole dans la société sarde, laquelle a construit sur le récit oral sa mémoire propre : Le parole hanno costruito ogni singolo meccanismo della nostra società: noi con le nostre parole abbiamo costruito civiltà di pietra levigata e codici universali. Non a parole. La scrittura è arrivata dopo dalle navi fenicie e romane. Ed era scandalosa. (p. 99)

17 À partir de ces références spatio-temporelles croisées, du transfert dans le présent des situations passées, il est clair que la signification de cette défense théorique de l’oralité s’étend à toutes les réalités marginales ayant subi, ou subissant, abus et violations de leurs particularismes culturels. Ainsi apparaît clairement la nécessité de l’identité relation, concept par lequel Édouard Glissant, dans Le discours antillais, affirme qu’il ne peut exister d’intégration sans le respect des diversités ethniques et culturelles.

18 De la même façon, dans Dura madre, l’auteur joue à la fois sur les deux tableaux du style et de la réalité, avec des conséquences évidentes sur la structure narrative. Dans la société nuoraise de Marcello Fois, aliénée et déstructurée, se côtoient une multitude de codes expressifs (qui vont des codes moyens – sobres et linéaires – à la violence langagière des jeunes, tel celui de la Cosmo good) sans oublier une série de formules et de matériels linguistiques (actes officiels, administratifs, etc.) dont l’utilisation semble viser la mise en évidence des aspects nuisibles de la neutralisation dont a été victime la Sardaigne. Il faut sans doute lire en ce sens la présence plus rare dans Dura madre, par rapport aux trois romans historiques, de régionalismes syntaxiques, de greffons, de termes sardes italianisés, qui de plus sont signalés par l’italique, souvent suivi par une traduction31 ou une explication 32 en langue italienne. Le naturel expressif, caractéristique de la trilogie historique, est donc remplacé par des formalisations et formulations précises qui transforment les références linguistiques au sarde en bribes de souvenirs opérant sur le plan de la composition pour faire apparaître les résultats de la brutale superposition aux codes culturels de l’île d’autres codes, qui lui sont « estranei e fatali33 ».

19 Les choix plurilinguistiques que propose Marcello Fois ne représentent, cependant, que l’un des nombreux processus de la bien plus complexe « oralisation de l’écrit34 » (confrontation entre la pratique d’écriture et l’oralité) dont parle Glissant dans son Discours antillais. Dans Dura madre, par exemple, on retrouve une série de mécanismes typiques de l’oralité au sein même de la structure du récit. Ainsi en va-t-il explicitement de ce que le roman définit comme des métaphores, qui renvoient à des

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 89

termes de l’ancienne topographie de Nuoro (entre autres, un terrain dit « Mortu s’omine ») ou à des expressions en usage dans la quotidienneté linguistique des personnages (« Il cane di Fronteddu »). Ces métaphores sont à l’origine d’une véritable transcription et/ou recréation de paraboles, autrement dit d’histoires, intégrées au récit, dont la fonction de comparaison illustre un enseignement par analogie. C’est ce que le juge sarde Salvatore Corona explique au commissaire Sanuti, romagnol fraîchement arrivé en Sardaigne : Ma come, non ha capito? La metafora, intendo, o se preferisce la parabola. Qui le parabole si mangiano a colazione: lei dica una parola, noi abbiamo una parabola o, più semplicemente, una rima corrispondente. (p. 41)

20 Leur emploi renvoie à la double particularité de ce code distinctif : si en effet, d’un côté, paraboles et métaphores ont une fonction explicative, de l’autre elles présentent une valeur évocative qui s’étend à un système de relations spécifique de la communauté nuoraise. Techniquement cette pratique de transposition et transcription de paraboles et de métaphores est reconnaissable et identifiable dans l’oraliture, terme créé dans les années 1970 par l’écrivain haïtien Ernst Mirville, pour désigner la reproduction dans l’écriture de matériaux préexistant dans la culture et la tradition orale : légendes, récits populaires, proverbes, etc. Bien évidemment, ces procédés d’oraliture, chez Marcello Fois comme chez les Antillais, vont bien au-delà de la simple technicité. Les auteurs de l’Éloge de la créolité35 ont théorisé à diverses reprises l’utilisation de l’oralité en littérature, qu’ils définissent aussi comme « enracinement dans l’oral » (p. 33), comme élément lié à leur survie culturelle et identitaire : l’oralité est notre intelligence, elle est notre lecture de ce monde, le tâtonnement, aveugle encore, de notre complexité. L’oralité créole, même contrariée dans son expression esthétique, recèle un système de contre-valeurs, une contre-culture ; elle porte témoignage du génie ordinaire appliqué à la résistance, dévoué à la survie. (p. 33-34)

21 La valeur symbolique et démonstrative attribuée à l’oraliture par le romancier sarde semble aller en ce sens. L’interpréter ainsi permettrait par ailleurs de résoudre ce qui pourrait apparaître, dans Dura madre, comme une contradiction de fond. On a dit que l’une des caractéristiques stylistiques du roman repose sur la pluralité des registres linguistiques et la faible présence du sarde, toutes deux emblématiques de la perte des valeurs culturelles liées à la tradition insulaire. Avec les techniques d’écriture liées à l’oraliture, l’auteur semble en revanche revitaliser la tradition orale sarde précisément par l’emploi de particularismes culturels et socio-linguistiques liés au monde même dont il raconte la fin. Il est délicat d’expliquer la cause et les raisons de ces choix d’auteur, mais si l’on s’en tient au texte, l’effet produit est tel que les procédés inhérents à l’oraliture fonctionnent comme une sorte d’antidote littéraire à la représentation d’une tradition sarde désormais domptée et transformée en folklore, une démonstration pratique de résistance aux dangers de l’assimilation et de l’aliénation culturelle. Il en résulte une reconstruction convaincante, quoique romancée, de la mémoire historique d’une île à la fois particulière et universelle. On assiste en effet dans les romans insulaires de Marcello Fois à un véritable voyage dans la particularité sarde qui ne se traduit jamais en une exaltation de principes liés au localisme ou à des célébrations « nombrilistes ». La réutilisation des matériaux de la tradition orale, sève nourricière de ses œuvres de fiction, devient le lumineux témoignage de la capacité des petites réalités, égales en cela aux grandes, à enrichir un projet littéraire, en faisant « corps avec le monde36 », ainsi que le soulignent les

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 90

théoriciens antillais dans l’Éloge de la créolité. Là est le sens (lié à une dynamique littéraire et identitaire) du savoir « subsister dans la diversité » (p. 53) qui implique que l’écrivain se reconnaisse, se structure et se préserve mais sache aussi se placer « en situation d’irrruption37 » (p. 42) en renouvelant les modèles littéraires de la tradition pour s’inscrire dans la modernité (p. 36). Marcello Fois est certainement un écrivain de son temps : il réutilise et dépasse la tradition en imprégnant son écriture de techniques et de styles d’expression d’orientation progressiste et en recherchant constamment de nouvelles esthétiques.

22 L’auteur nuorais et les écrivains post-coloniaux sont les chantres d’un art capable de métaboliser le passé pour une nécessaire projection dans l’avenir et, surtout, ils démontrent combien la diversité culturelle dans l’œuvre d’un narrateur est et doit être une valeur poétique ajoutée. Ce qui a aujourd’hui plus de sens encore qu’hier, en cela que les œuvres d’écrivains tels que Marcello Fois nous portent à une réflexion sur l’adaptabilité du roman contemporain, et à reconsidérer ses nouvelles potentialités non plus, ou non seulement, dans une dimension nationale mais à travers une nécessaire confrontation avec l’actuel contexte multiculturel.

NOTES

1. M. Fois, Sempre caro, Nuoro, Il Maestrale, 1998. 2. M. Fois, Sangue dal cielo, Milano, Il Maestrale-Frassinelli, 1999. 3. M. Fois, L’altro mondo, Milano, Il Maestrale-Frassinelli, 2002. 4. M. Fois, Ferro recente, Bologna, Granata Press, 1992. 5. M. Fois, Meglio morti, Torino, Einaudi, 2000. 6. M. Fois, Dura madre, Torino, Einaudi, 2001. 7. F. Neri, « Multiculturalismo, studi postcoloniali e decolonizzazione », Introduzione alla letteratura comparata, A. Gnisci, Milan, Mondadori, 1999, p. 267. 8. Voir M. Pala, « The return of the native. L’idea di minoranza in alcune letterature del commonwealth secondo la critica post-coloniale », Letterature marginali/emarginnate, Eudossia I, 2002, p. 49. 9. Conférence prononcée le dimanche 22 mai 1988 au Festival caraïbe de la Seine-Saint-Denis. Maintenant dans J. Bernabé, P. Chamoiseau et R. Confiant, Éloge de la créolité [1989], Paris, Gallimard, 1993. 10. M. Fois, L’altro mondo, ouvr. cité, p. 161. 11. M. Fois, Sempre caro, ouvr. cité, p. 63. 12. Ibid., p. 62. 13. Pour sa construction romanesque du personnage de Bustianu, Fois s’est inspiré de l’avocat et poète nuorais Sebastiano Satta (1867-1914). 14. « Non ne hanno fatte abbastanza di leggi speciali? Altroché se ne hanno fatte! Tutte per noi le hanno fatte! E tutte per punire! Le abbiamo viste lo scorso maggio in azione le leggi speciali! Arresti in massa. Quanti erano gli arrestati? Quattrocento? Perquisizioni arbitrarie; bambini e persino donne incinte tirati giù dal letto, ammassati sul sagrato! Tutti delinquenti, tutti colpevoli! », M. Fois, Sangue dal cielo, ouvr. cité, p. 32.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 91

15. Avec ces lois, comme le fait remarquer Bustianu, l’État et la justice se placent « sullo stesso piano, ma io dico peggiore, di colui che l’offende [il bandito] », M. Fois, L’altro mondo, ouvr. cité, p. 67. 16. En exploitant leurs faiblesses. La complicité de ceux des Sardes qui se sont prêtés à la politique de l’« Altro mondo » est âprement critiquée par Bustianu qui compare l’action de Seddone à une guerre entre gueux : « Come tutti i servi sciocchi che in nome di un progetto che sempre li sovrasta, e mai li riguarda, si prestano alla lotta tra pezzenti. Perché sia chiaro che hanno perso due volte: hanno perso la vita e hanno perso la dignità », M. Fois, Ibid., p. 196. 17. Il s’agit de Bustianu, Zenobi et de maréchal des logis Poli : venus dans la zone franche à la recherche d’indices pouvant éclairer les causes et les mobiles de l’exécution de Elena Seddone, ils découvrent à l’entrée de la caverne ce macabre spectacle. 18. M. Marras, « Paradossi e particolarità dello spazio insulare in Marcello Fois », Mélanges offerts à Marie-Hélène Caspar. Littérature italienne contemporaine, CRIX, novembre 2005, p. 556. 19. Voir M. Fois, Sempre caro, ouvr. cité, p. 108. 20. M. Fois, Sangue dal cielo, ouvr. cité. 21. É. Glissant, Le discours antillais [1981], Paris, Gallimard, 1997, p. 325. 22. Voir J. Bernabé, P. Chamoiseau et R. Confiant, Éloge de la créolité, ouvr. cité, p. 38 23. M. Fois, Ferro recente, ouvr. cité. 24. « città che scappava da tutti i lati colando dall’altipiano come una zuppa che, per troppo bollore, fosse debordata dal recipiente », M. Fois, Meglio morti, ouvr. cité, p. 120. 25. M. Fois, Meglio morti, ouvr. cité, p. 67, p. 178 ; M. Fois, Ferro recente, ouvr. cité, p. 101 ; M. Fois, Dura madre, ouvr. cité, p. 14, p. 44. 26. Comme dans la trilogie historique, des formes grammaticales inspirées du sarde et des mots ou des constructions sardes sont utilisés, dans Dura madre, par les nombreux narrateurs communautaires et par les personnages les plus âgés, ceux qui représentent le mieux l’ancien monde : la mère et le père Marongiu, Antonio Lilliu, le gardien du cimetière. 27. Récurrence du « che » dont l’emploi reproduit souvent l’usage adverbial du « Ca » (parce que) sarde de dérivation latine (quia). Voir, entre autres, M. Fois, Sempre caro, ouvr. cité, p. 19 ; M. Fois, Sangue dal cielo, ouvr. cité, p. 45. 28. Voir, entre autres, M. Fois, Sempre caro, ouvr. cité, p. 15, p. 60. 29. Voir ibid., p. 26-27, p. 36, p. 45, p. 46, p. 112-113, p. 132. 30. Comme on peut le déduire de cette réflexion de Bustianu dans Sangue dal cielo (ouvr. cité) : « L’Italia è una nazione ancora troppo giovane: deve passare il suo tempo prima che riusciamo a parlare la stessa lingua. E non mi riferisco al linguaggio in se stesso, mi riferisco a quella cultura che, nel bene o nel male, è un nostro patrimonio comune. Non avevamo mica l’anello al naso quando l’hanno fatta quest’Italia. Questo dico: ci lascino il tempo di stabilire come vogliamo starci in questa nazione. Penso che saremmo italiani migliori se ci fosse permesso di entrarci da Sardi in questa nazione », p. 32. 31. Voir M. Fois, Dura madre, ouvr. cité, p. 31, p. 32, p. 120, p. 126, p. 127, p. 137. 32. Voir, ibid., p. 45. 33. M. Fois, Ferro recente, p. 51. 34. É. Glissant, Le discours antillais, ouvr. cité, p. 451. 35. J. Bernabé, P. Chamoiseau, R. Confiant, Éloge de la créolité, ouvr. cité. 36. Ibid., p. 39. 37. Concept utilisé par É. Glissant, puis repris par J. Bernabé, P. Chamoiseau et R. Confiant, dans Éloge de la créolité.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 92

AUTEUR

MARGHERITA MARRAS Université d’Avignon

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 93

Quelles marginalités ? La recherche de la différence chez quelques écrivains à la charnière des XXe et XXIe siècles

Pierre Laroche

1 Les questions examinées ici portent sur un certain nombre de textes narratifs de la fin du XXe siècle, pour l’essentiel des œuvres d’écrivains momentanément identifiés comme « nuovi cannibali », ceux qui figurent dans l’anthologie Gioventù cannibale, la prima antologia italiana dell’orrore estremo1, notamment Niccolò Ammaniti, Carlo Lucarelli, Aldo Nove. Ces écrivains ne se sont pas limités à leur contribution à cette anthologie et on note d’entrée de jeu que nombre des titres de leurs romans ou nouvelles, Gioventù cannibale, antologia italiana dell’orrore estremo, Vivere e morire al Prenestino, L’ultimo capodanno dell’umanità, Ti sogno con terrore, Il giorno del lupo, Lupo mannaro, Serial Killer – Storie di ossessione omicida, Il trillo del diavolo, Fa un po’male, annoncent une esthétique de la violence sadique, jouant sur les registres de la peur, du cynisme, de l’ironie, de l’humour macabre2.

2 Ces auteurs ont été « momentanément » identifiés comme « nuovi cannibali » d’abord parce que, comme le dit Raffaele Manica, « il y a peu de survivants de la célèbre Gioventù cannibale3 ». En même temps, leur évolution les éloigne bientôt de certaines tendances extrêmes du « cannibalisme » : on ne trouve dans Io non ho paura4 d’Ammaniti ni les fantasmes sexuels ni la violence sanguinolente de Fa un po’male5 qui va chez certains auteurs jusqu’à l’anthropophagie. Ce qui n’empêche qu’il serait sans doute possible de rechercher dans Io non ho paura ce qui perdure des structures narratives des « cannibales », de la maîtrise du suspense (y compris par la fin ouverte) qui substitue la terreur à l’horreur, ou, dans Guernica6 de Lucarelli, où l’on pourrait attendre une œuvre politique, la dimension onirique et fantastique constante et même dominante dans le finale.

3 À ces « cannibales », j’ai joint Enrico Brizzi, dont le roman Jack Frusciante7 è uscito dal gruppo (1994)8 n’a en commun avec eux ni la violence ni la sexualité envahissante dans

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 94

le récit et l’expression. Au contraire, les amours d’Alex et Aidi9 sont parfaitement chastes et très « fleur bleue », ce qui donne lieu à des images d’une fraîcheur étonnante compte tenu de la tonalité générale du corpus ici examiné : « gli sorrideva come un’alba d’inverno » (p. 23) ; on trouve aussi chez Brizzi une invention lexicale débridée qui dépasse ce qu’on trouve chez les « cannibales ».

4 De façons diverses, les personnages de ces romans ou récits peuvent être considérés comme relevant de la marginalité. Pas telle qu’on l’entend couramment, celle qui touche des personnes rejetées hors de la société, parfois conduites à des formes variées de délinquance, sans domicile, sans travail, parfois sans famille, généralement pour des raisons sociales, économiques, politiques, rarement par un choix ou un consentement délibérés de leur part, et encore faudrait-il comprendre ce qui les a conduites ou poussées à ce choix ou à ce consentement. Pas, non plus, la marginalité qui est le lieu social, économique, politique et culturel de certaines œuvres des années trente, comme Tre operai de Carlo Bernari, Berlin Alexanderplatz de Döblin, ou la trilogie de Roberto Arlt, El juguete rabioso, Los siete locos et Los lanzallamas. Ces dernières œuvres ont pour protagonistes des adultes qui ont un rapport avec la société, tentative d’intégration, opposition, volonté de destruction, et une sorte de projet politique, l’utopie d’une autre société, projet plus ou moins conscient, plus ou moins fantasmé, fondé sur le refus de la société où ils vivent, refus dont il faut reconnaître qu’il ne se place pas toujours dans une perspective humaniste et libératrice. La marginalité est peut-être ici la forme la plus forte de la différence, définie en fonction d’un regard sur l’ensemble de la société, ses inégalités, ses conflits, les règles qui assurent sa reproduction.

5 Les personnages des textes narratifs italiens qui sont traités ici sont des jeunes, jeunes adultes, adolescents, parfois des enfants10. On ne sait pas avec précision à quel moment ont lieu les faits racontés, mais on peut les situer à la fin du siècle dernier11. On ne peut dire si ces jeunes sont heureux ou malheureux ; Brizzi écrit de son personnage Alex : « si sentiva profondamente infelice ma in modo distaccato […] come se la sua vita appartenesse a qualcun altro » (Jack Frusciante…, p. 11). Daniele Brolli voit en eux des « individus sans désirs ni conscience12 ». On ne sait rien ou peu de choses de leur famille, souvent absente, qu’ils méprisent ou massacrent, de leurs activité et statut sociaux, mais, en général, ils sont de milieux assez aisés. Ils sont socialement et économiquement indifférenciés, à part quelques exceptions : dans Il rumore, le narrateur rapporte des faits qu’il a commis dans un milieu défavorisé, « un quartiere popolare a Cologno Monzese (per chi non lo sapesse, Cologno era, ed è tuttora, un sobborgo-dormitorio alle porte di Milano) » (p. 126-127). La parenthèse « è tuttora » ramène cette histoire à l’actualité, comme le cauchemar que le narrateur essaie d’exorciser par son récit. Mais les faits narrés remontent à la fin des années cinquante, quand il avait dix ans ; il déclare maintenant : « non mi posso lamentare. Faccio il redattore in una rivista femminile, guadagno abbastanza bene da mantenere la mia famiglia », toutes choses qui l’amènent à ne mentionner que comme contexte de la délinquance des autres13 les conditions socio-culturelles dans lesquelles il a commis une agression sexuelle qu’il ne parvient pourtant pas à censurer et qui est la clé du récit ; mais la contiguïté de la narration de cet acte avec celle des violences familiales conduit évidemment le lecteur à établir une responsabilité de ces conditions que le narrateur donne l’impression de ne pas vouloir retenir.

6 La sexualité, sous des formes violentes, agressions, actes de sadisme, viols, mutilations et auto-mutilations, est omniprésente dans ces œuvres. La violence y conduit souvent

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 95

au meurtre. De façon générale, la mort rôde en permanence. Cadia Farinato relève la récurrence des termes liés au sang, à la couleur rouge et à la mort chez Ammaniti et Aldo Nove14. En revanche, d’autres formes de délit, le vol, l’escroquerie, la fausse monnaie, les excès de vitesse, sont rares ou inexistantes. Certes, Martino, l’ami d’Alex, son modèle dans Jack Frusciante…, est mêlé au trafic de la drogue ; dans Fa un po’male, Aldo et Robbi volent un bébé kangourou dans un zoo. Mais, dans l’ensemble, ils font penser à ce qu’écrivait Patrick Kéchichian rendant compte de Les mauvestis de Frédéric Valabrègue15 : quelques adolescents ou jeunes adultes. Pas des marginaux ou des voyous, juste des jeunes au seuil de la vie autonome, ou la commençant. Et qui savent déjà qu’ils ne referont jamais le monde, qu’au contraire tout est réuni pour que leur départ dans la vie n’ait rien de joyeux, de rose16.

7 Cependant, même s’il n’y a pas vraiment de projet concret, il y a chez Brizzi l’expression d’une sorte de nostalgie de cette période où une volonté de changement s’est exprimée en Italie, comme dans d’autres pays européens dans les années soixante- dix, souvenir d’enfance car il « vecchio Alex17 » n’avait pas dix ans à cette époque. Il se définit comme « catholic punk » ou « red catholic » (p. 79), ne supporte pas « i ciellini18 », raille « le cinquantenni stronze che piangevano in estasi facendo tinitinnare i gioielli e sbavandosi il trucco […] le facce di culo ipocrite che incontrava in chiesa. Compresi i giovani del catechismo » (p. 49) ; il souhaite que soit construite « una nuova Italia perché la Prima Repubblica era fallita » (p. 107), s’indigne de l’assassinat du juge Giovanni Falcone19. Ses compagnons les plus proches parlavano anche di politica […] si sentivano rossi, radicali, anarchici. Odiavano, ricambiati, gli stronzi nazisti che proliferavano nella loro scuola […]; si sentivano parte, con sfumature differenti, d’una sinistra sorridente e sincera; simpatizzavano con il mondo underground dei centri sociali occupati e delle case discografiche indipendenti, e soprattutto odiavano i pinocchi di piombo delle organizzazioni di partito20. (p. 57)

8 Mais Alex fait figure d’exception : les autres personnages de ces récits ne sont porteurs d’aucun projet politique, individuel ou collectif, même vague. Dans La merda, Aldo Nove le fait dire explicitement au narrateur dans une phrase où le dernier mot, inachevé, traduit l’incapacité assumée de formuler un tel projet : « Bisogna cambiare la situazione politica. Fare qualcosa per questo mondo. Lo pensavo sempre, da bambino. Oggi, ritengo ch21 » ; de façon générale, Superwoobinda laisse l’image d’un monde où l’on n’a pas, où l’on n’a plus, ni rêve ni perspective : « La mia generazione ha tanto bisogno di sognare », regrette Aldo Nove (Woobinda, dans Superwoobinda, p. 15). Même si le narrateur de Woobinda commente le faible niveau culturel des « televisioni di Berlusconi » en disant que « questo è uno degli effetti della destra », c’est pour une raison qu’on pourra juger subalterne : « non fanno più vedere Woobinda22, il ragazzo svizzero che correva nella savana23 ». Il y a cependant, chez certains personnages d’Aldo Nove, une nostalgie comparable à celle d’Alex, qu’on retrouve dans ce commentaire sur une émission de télévision : « Era un cartone animato di destra, un cartone animato della Lega Lombarda perché non aveva un discorso suo di fondo come Woobinda, che ci faceva sentire uniti quando uscivamo la sera a suonare i campanelli nel 1979 avevamo in mente quella cosa lì, ci faceva sentire uniti tutti, ora le forze sono m » (A. Nove, Woobinda, p. 16). Mais cette nostalgie n’a plus de charge polémique, n’est qu’un souvenir du bon vieux temps, elle s’exprime dans une phrase qui ne trouve pas sa fin, encore une fois. Dans l’ensemble, il paraît difficile de parler, comme le fait Cadia Farinato, d’« une forte critique sociale24 » : même chez Enrico Brizzi et Aldo Nove, on ne

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 96

peut constater que le désenchantement, y compris chez les personnages qui expriment le plus d’insatisfaction face au fonctionnement de la société. Ainsi, dans Drammatico caso nel mondo dello sci, le frère du narrateur, mort en compétition, doit continuer à honorer un contrat qui l’oblige à représenter son sponsor jusqu’à la fin de la saison : « Mio fratello rappresenta il primo caso di morto che si classifica terzo a una prova mondiale. Grazie ai propulsori a ossigeno compresso trapiantati nella schiena, la sua velocità attuale non è mai scesa sotto i livelli che abitualmente raggiungeva da vivo » (dans Superwoobinda, p. 74-75) ; ici, l’humour dédramatise l’expression et pourrait lui donner plus d’objectivité, mais le passage à l’invraisemblable la prive de virulence au bénéfice d’une absurdité simplement comique.

9 On a donc surtout, du fait de l’apparente objectivité de récits dépassionnés, l’impression que les personnages ne se sentent pas concernés par ce qui les environne ; ils n’ont souvent pas d’amis, tout au plus des compagnons de malheurs et de méfaits. De même que le héros de Brizzi « è uscito dal gruppo », de même, dix ans plus tard, les élèves du protagoniste de Secoli di gioventù sont, selon les termes d’Eraldo Affinati, « fuori dal coro25 ». On pourrait dire qu’ils sont au moins autant des marginaux de la vie que des marginaux de la société. En rupture avec l’une et l’autre, il arrive qu’ils meurent d’une façon violente qui résulte de choix de vie qu’on pourrait appeler suicidaires mais qu’eux-mêmes n’expriment pas comme tels. Ainsi, les deux protagonistes d’Il mondo dell’amore26 meurent d’hémorragie parce qu’ils se sont émasculés, non pour mourir, mais afin de réaliser un fantasme, celui de devenir femmes « per provare una storia lesbo » (p. 61).

10 La différence doit être explicitée, par les autres, par soi-même, ou par les deux. Les protagonistes de ces œuvres se distinguent des autres par leur jeunesse. Jeunesse que leur reprochent ces autres, mais qu’ils revendiquent en exprimant leur haine, leur mépris, leur répugnance des « vieux ». Dans Mia nonna27, le narrateur déteste sa grand- mère, il essaie de la tuer alors qu’elle est sur la tombe de son mari, mais « ovviamente non è morta […]. Avrei dovuto considerare che giocava a casa » : ici la haine s’exprime dans cet humour macabre qui s’appuie sur ce qu’on pourrait appeler une idéologie du supporter. Ce qui motive cette haine, facilement identifiée à la haine des parents28, c’est que ceux-ci sont vus comme ayant la possibilité d’accéder à des biens qui paraissent inaccessibles et qu’éventuellement l’on méprise, par rejet des valeurs et des formes culturelles du monde des parents : Alex, visitant la chambre de son ami Martino, constate qu’il y a de quoi y rester des heures, à chercher le nom des personnages figurant sur les posters, à contempler la collection de vidéocassettes29, mais, pour ce qui est des livres, « sarebbe bastato un nanosecondo30 ». Et sa réflexion le conduit à une idée de la vie qui ne le pousse pas vers la recherche de nouveaux horizons : « le foto di Martino mi hanno dato la percezione reale della beffa : bastava stare fermi lì e cogliere l’occasione, kazzo31… ». En conséquence, outre les parents, les enseignants sont eux aussi la cible des sarcasmes d’Alex : « il conformismo e la doppiezza dei profii, il modo biforcuto che avevano di incoraggiare a parole l’indipendenza di giudizio dei ragazzi e la rabbia sottile con cui punivano ogni minimo segnale d’autonomia quei bastardi » (p. 12). La différence jeunes/vieux est donc une métaphore de la différence sociale et culturelle, entre pauvres et riches, ou tenus pour tels. La culture scolaire n’est d’ailleurs pas la seule à être tournée en dérision, la culture populaire l’est également, que ce soient les contes pour enfants, avec la parodie du Petit Chaperon rouge par Daniele

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 97

Luttazzzi, ou la culture télévisuelle (voir Aldo Nove, Il mondo dell’amore), raillée au même titre que la société de consommation dans son ensemble.

11 Du coup, la haine ne s’adresse pas qu’aux vieux : Alex ne déteste pas seulement les adultes, mais aussi les jeunes qui ne sont pas de son clan, qui sont conformistes, les filles avec des bagues dentaires, les « semprevergini », les bons élèves qui rentrent à l’heure en classe, qui s’habillent à la mode, en somme ceux dont la vie est identique ou conforme à celle que leurs parents ont eue ou désirée. Dans cette différence qui tourne autour du rapport jeunes/vieux, les jeunes pensent que c’est le monde vieux qui est isolé : Aldo Nove parle du « desiderio spiazzante di essere sciolti in un unico, pulsante corpo che gode di avere 18 anni. La frigidità dell’aria del mondo era parcheggiata fuori dalla discoteca32 ».

12 La volonté de rupture avec les générations précédentes s’exprime chez les auteurs dans le rapport à l’écriture, à la structure du récit, aux limites morales exprimées par la littérature reconnue comme telle dans l’Italie du siècle dernier. En ce qui concerne le récit, la différence s’exprime avant tout par la violence, violence physique, violence sexuelle, une violence démesurée qui coexiste avec la plus grande banalité de la vie courante. Cette violence s’exerce le plus souvent sans motif explicité : « des gestes dépourvus de passion et de sens, des actes qui déchirent le voile superficiel de la normalité pour révéler que ses bases reposent sur un terrain incandescent d’inquiétude » (D. Brolli, p. VII-VIII), contre les plus faibles, contre les vieux, contre les enfants, contre les femmes, montrées comme stupides, vulgaires, réduites à des objets de mépris et de domination, particulièrement de domination sexuelle, qu’elles soient consentantes ou non. Les « cannibales » auraient-ils pressenti avant d’autres la montée d’une violence gratuite, symptôme d’une société en perte de repères ?

13 Cette différence entre les hommes jeunes et le reste des humains se traduit dans la fonction qu’ils occupent dans la narration : à part le narrateur protagoniste d’Il rumore, on ne voit guère une femme, un enfant ou un homme de plus de quarante ans protagoniste d’un récit des « cannibales ».

14 Violence verbale aussi, par une écriture qui vise à une rupture totale avec la tradition33 : déjà, chez Brizzi, sans doute sous l’influence de Pier Vittorio Tondelli, puis chez les « cannibales », l’écriture tente de restituer la langue orale des jeunes, multiplie interjections, onomatopées, abréviations, ellipses34, sigles, superlatifs, intercalaires, néologismes pouvant aller jusqu’à l’apax, américanismes, phrases brèves, tronquées qui calquent le style direct et laissent supposer une réflexion qui ne sait pas, ou n’ose pas aboutir, ou, au contraire, phrases très longues sans ponctuation, procédant par associations d’idées, à la limite de l’écriture automatique, le tout combiné avec des inflexions dialectales, des formes prises au langage populaire et à l’argot, au langage de la télévision et du journalisme, de la BD, de la publicité, une forte présence de la culture anglo-saxonne, nord-américaine surtout. Pour ce qui est de l’écrit : orthographe inventée, ponctuation surabondante et un goût marqué pour les points de suspension et d’exclamation. On pourra objecter que tout cela n’est pas totalement nouveau, mais le côté systématique conduit Daniele Brolli à parler d’une « langue encore en voie de formation qui, sans fausse pudeur, récolte ses mots dans les programmes de télévision, la culture des rues, le cinéma, la musique pop35 ».

15 Les « cannibales » poursuivent sur cette voie, en généralisant le recours à la scatologie, au macabre, à l’obscénité : les organes génitaux des deux sexes sont abondamment mentionnés, sous leur dénomination argotique, avec des orthographes variées, tantôt

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 98

avec leur sens propre, tantôt comme juron, tantôt comme appellatif ou insulte, voire comme simple intercalaire. Parfois, en revanche, l’écriture peut aussi être très recherchée et les références culturelles plus ou moins explicites ne sont pas rares36. Aldo Nove, dans sa nouvelle particulièrement sanguinolente Il mondo dell’amore (dans Gioventù cannibale) conclut son récit par un texte de Nanni Balestrini et recourt même, pour l’épigraphe d’un chapitre, à une citation de Giacomo da Lentini : « Amor è uno desio che vien dal core per abundantia di gran plazimento e gli ogli in prima generan l’ardore e lo core gli dà nutrimento » (p. 58), juste avant une scène chirurgicale télévisée précédée de l’annonce suivante : SI AVVERTONO GLI SPETTATORI FACILMENTE IMPRESSIONABILI DI ASTENERSI, DA QUESTO MOMENTO, DALLA VISIONE DELLE SEQUENZE SULLA SINTESI DELL’INTERVENTO CHIRURGICO SUL CAMBIAMENTO DI SESSO. (p. 59)

16 Ce n’est pas seulement l’aspect lexical et syntaxique qui est en cause : le rapport entre auteur, narrateur, protagonistes et lecteurs, est bouleversé. Tantôt Brizzi fait parler le protagoniste au style direct, tantôt il intervient en narrateur extra-diégétique, s’intègre à la fois au récit et au public, prend à témoin le lecteur pour s’auto-définir « quale conoscente del vecchio Alex » (Jack Frusciante…, p. 11) ; Lucarelli, dans Almost blue, procède de même, donne la fonction de narrateur soit à un personnage extra- diégétique soit à un protagoniste, pas toujours le même. La conduite du récit est ainsi remise en cause par des changements de narrateur imprévisibles, marqués à l’évidence par le langage cinématographique et surtout par la pratique du zapping devant la télévision.

17 À propos de l’influence du cinéma et de la télévision dans le récit et l’écriture, je reprends une analyse de Piero Cudini, qui, lors d’une réunion du « Centre interdisciplinaire de recherche sur la culture des échanges », le 12 mai 2001, observait qu’on a accordé peu d’importance au fait que, dans Jack Frusciante…, « le cinéma entre massivement dans le récit […] le début même du roman de Brizzi “dépend” du cinéma ; mais c’est un cinéma vu à la télévision » : le nom des personnages, Aidi (Heidi), Alex (comme le héros du film de Kubrick, A Clockwork Orange), la place de la télévision dans la vie de leurs familles respectives, les références explicites à certains films (Il portaborse, Gone with the wind), le recours à un vocabulaire technique, la scène où Aidi quitte Alex pour aller étudier un an aux États-Unis (p. 170), scène que Piero Cudini qualifie de « pré-finale ouvertement filmique », soutiennent cette analyse37.

18 L’influence de la BD et du cartoon est également sensible, par exemple dans l’écriture riche en onomatopées et dans le mélange de réalisme et d’invraisemblable. On en a un exemple particulièrement frappant avec la fin de Cappuccetto Splatter, où Cappuccetto Rosso et le vieux ***, assassinés, découpés en dés mis au congélateur, passés à la moulinette, dévorés en partie, sont arrachés du ventre de leur assassin et en sortent parfaitement vivants, Cappuccetto Rosso s’exclamant « Cazzo. Non sai che incubo! » et concluant qu’elle ne sortira plus seule le soir dans les rues de Milan. C’est la même « logique » narrative, la complaisance macabre en moins, que celle des cartoons de Tex Avery et surtout de Hannah Barbera, où le coyote écrasé par une tonne de rochers ou laminé par un train réapparaît dans la séquence suivante, allumant allègrement la mèche d’une cartouche de dynamite. Dans la mesure où cette violence est vaine, dédramatisée, ne tue pas, on peut évidemment y voir la puérilité d’un fantasme d’immortalité, dont témoignent depuis longtemps certains contes comme Pierre et le loup. De façon plus générale, on peut juger invraisemblable le fait que les meurtres n’aient jamais de conséquences pour les meurtriers, ne fût-ce que parce que ceux-ci

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 99

n’ont aucune difficulté à effacer les traces du crime, cadavres y compris. À quelques exceptions près, comme Almost blue de Lucarelli, ces textes ne tiennent aucun compte de la police ; mais précisément, Almost blue est structuré comme un roman policier.

19 La télévision cristallise les contradictions de ces personnages : elle fait partie du décor de la vie, remplace le contact avec la société : dans La strage di via Palestro, le narrateur en fait le constat : « Ho vent’anni. Passando tra la gente, mi vedevo tra le macerie ed ero triste, ma meno che guardando la televisione, perché alla televisione, tutto sembra vero38… ». Mais, ressentie comme le symbole de ce qui banalise l’horreur et la platitude conjointes, la vie violente et sans attrait qu’ils vivent, elle est aussi objet de dérision. Elle est une « odiosamata » qui s’intègre dans une réception contradictoire de la « modernité », qui est à la fois le monde où vivent ces jeunes et la société et le mode de vie créés par les adultes qu’ils rejettent. Chez Brizzi, ce refus du « moderne » est particulièrement sensible : Alex ne se déplace qu’à bicyclette mais sa référence en la matière n’est ni Pantani ni Fausto Coppi, probables héros de la génération de ses parents et grands-parents, mais Girardengo39.

20 Un des traits de cette littérature « cannibale » qui se veut fondamentalement différente de l’écriture et des formes narratives du passé est ainsi le contact entre divers héritages culturels et les formes les plus récentes de la communication, entre les apports de diverses formes d’expression culturelle et entre divers niveaux d’écriture. Plus que d’une littérature de rupture, on pourrait parler d’éclectisme qui juxtapose le dolce stil novo et la pornographie, la référence classique, voire archaïque, aux médias les plus récents et à la communication publicitaire.

21 D’un autre point de vue, concernant non plus l’écriture mais l’idéologie, on pourrait parler de littérature du conjoncturel, du précaire, de l’incertain et de l’inutile : il n’y a plus de certitudes, de projets, de rêve et d’utopie ; il y en a eu, les personnages les connaissent, certains les ont vécus, y ont même cru et participé. Désormais, ils rejettent le monde actuel, et du coup veulent rejeter le monde tout court et parfois même la condition humaine et la vie, y compris la leur, en toute indifférence ou inconscience. Il y a sans doute là, plus que la marginalité, une recherche volontaire de la marginalité qui pourrait bien être la justification ultime de l’écriture.

22 J’ai dit au début que les personnages créés par les « cannibales » ne sont pas, pour la plupart, des victimes de la misère économique. Mais, violents, sans doute par mimétisme de la violence qu’ont prise les rapports humains et leur représentation par les médias, violents sans autre but que le plaisir du mal, non pas le mal métaphysique, mais le plaisir de faire mal, psychologiquement et physiquement, ils pourraient être une projection, déformée par le prisme du regard d’écrivains cultivés, d’une société où la révolte est, comme le suicide, un appel au secours.

NOTES

1. N. Ammaniti, L. Brancaccio, A. Teodorani…, Gioventù cannibale, la prima antalogia italiana dell’orrore estremo, sous la dir. de D. Brolli, Turin, Einaudi, 1996.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 100

2. Pour ce qui est de la place de ce courant dans l’historique des avant-gardes italiennes du XXe siècle, voir C. Farinato, I Cannibali: novità e tradizione in una scrittura di fine millennio, maîtrise de littérature italienne contemporaine sous la dir. de J.-Ch. Vegliante, UFR italien-roumain, Sorbonne Nouvelle - Paris 3, 2003, p. 3-5. 3. « Nella fortunata Gioventù cannibale […] pochi superstici » (R. Manica, « Novecento, ultimo quarto », dans L’ultima letteratura italinana, sous la dir. de C. Lando et F. Pietrangeli, Rome, Manziana, 1999, p. 19). 4. N. Ammaniti, Io non ho paura, Turin, Einaudi, 2001. R. Manica estime qu’« Ammaniti a été un véritable cannibale ». C. Lando, dans L’ultima letteratura italiana (ouvr. cité, p. 35), précise que, à la différence d’autres « cannibales » comme A. Nove, il parle à la troisième personne, dans une perspective objective et que son récit reste compréhensible et vraisemblable. Pourtant, Fa un po’male d’Ammaniti s’achève dans un monde de gitans, de prostitués des deux sexes, au bord d’une autoroute, aux abords de la ville, d’une marginalité tellement violente et caricaturée que cela frôle l’onirique et le fantastique. 5. Voir par exemple E. Roma piange, de A. Teodorani et Cappuccetto Splatter, de D. Luttazzi, dans Gioventù cannibale. 6. C. Lucarelli, Guernica, Turin, Einaudi, 2000. 7. John Frusciante est un guitariste du groupe Red Hot Chili Peppers. Les connaisseurs en font un disciple de Jimmy Hendricks. 8. E. Brizzi, Jack Frusciante è uscito dal gruppo, Ancona, Transeuropa, 1994. L’édition ici utilisée est celle de Baldini & Castoldi, Milan, 1997. 9. Diminutif d’Adelaide. Mais Brizzi le dit d’entrée de jeu, c’est un clin d’œil vers la série télévisée Heidi, « la tipa dei cartoni animati che vivera nella baita svizzera » (Jack Frusciante…, p. 23). 10. Voir S. Massaron, Il rumore, dans Gioventù cannibale…, ouvr. cité, p. 125-152. 11. Il faut évidemment faire une exception pour Guernica de C. Lucarelli. 12. D. Brolli, Le favole cambiano, introduction à Gioventù cannibale, p. V. 13. « quelli che non riuscivano a lavorare in nero finivano immancabilmente per farsi assumere dall’azienda più prospera e rigogliosa che si potesse trovare in posti come quello: la piccola criminalità organizzata » (S. Massaron, Il rumore, p. 127). 14. C. Farinato, I Cannibali…, p. 83-85. 15. F. Valebregue, Les mauvestis, Paris, POL, 2005. 16. Dans « le Monde des livres », 29 avril 2005. 17. Au moment où se situe la narration, « il vecchio Alex non aveva ancora compiuto diciott’anni » (Jack Frusciante…, p. 11) ; Brizzi lui-même en a à peine vingt au moment où paraît son livre. 18. Catholiques qui se reconnaissent danss le mouvement de « Communione e liberazione ». 19. E. Brizzi, Jack Frusciante…, ouvr. cité, p. 123. Le juge Falcone a été assassiné avec sa femme et leur escorte alors qu’ils se rendaient à l’aéoroport de Palerme le 23 mai 1992. Il enquêtait sur la mafia, en particulier sur les rapports avec certaines formations politiques et sur les fonds déposés en Suisse par cette organisation crimminelle. Deux mois plus tard, le juge Borsellino était à son tour victime d’un attentat dans des conditions identiques. 20. Il vit à Bologne mais ne se reconnaît pas dans la tradition politique de cette ville et de sa région. 21. Dans Superwoobinda, p. 68. 22. Woobinda est le héros éponyme d’une série télévisée australienne (39 épisodes) diffusée en italie dans les années soixante-dix, ainsi qu’en France à partir de 1975. De son vrai non Stevens, baptisé Woobinda par les aborigènes, il est vétérinaire et lutte pour sauver les animaux de la forêt australienne en butte aux attaques des braconniers. 23. Dans Woobinda, p. 1. 24. C. Farinato, I Cannibali…, p. 106.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 101

25. E. Affinati, Secoli di gioventù, Milan, Mondadori, p. 18. 26. A. Nove, dans Gioventù cannibale, p. 53-62. 27. A. Nove, « Mia nonna », dans Superwoobinda, p. 53-54. 28. Voir A. Nove, « Il bagnoschiuma », dans Superwoobinda : « Ho ammazzato i miei genitori perché usavano un bagnoschiuma assurdo […] mia madre mi faceva schifo […]. Mio padre diventava sempre più vecchio anche lui » (p. 7-8). Cetta haine des parents est constamment présente dès le début de Jack Frusciante… où E. Brizzi l’étend avec commisération à la famille ; « Questi poveri esseri umani costituivano, anni luce fa, una famiglia d’italiani viventi ». 29. Où l’on trouve avec surprise « persino delle cose con attori che la nostra generazione aveva raramente sentito nominate : Jean Gabin, Louis De Funès, Peter Sellers » (Jack Frusciante…, p. 40). 30. Ibid. 31. Ibid., p. 44. 32. A. Nove, « La frigidità dell’aria mondo », dans Superwoobinda, ouvr. cité, p. 116. 33. Voir C. Farinato, I Cannibali…, ouvr. cité, p. VIII. 34. « gli sembrava di conoscere Aidi da sempre, poiché quando si dice il sentimento ragazzi » (Jack Frusciante…, p. 25). 35. D. Brolli, dans Le favole…, ouvr. cité, p. VIII. 36. Voir C. Farinato, ouvr. cité, p. 138-151. 37. Piero Cudini est mort brusquement le 5 novembre 2002. Le volume dans lequel il devait publier cette intervention n’a pas vu le jour. 38. A. Nove, « La strage di via Palestro », dans Superwoobinda, ouvr. cité, p. 28. 39. Constante Girardengo (1893-1978). Sa carrière se déroule de 1913 à 1938.

AUTEUR

PIERRE LAROCHE Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 102

Identità femminile e generazionale in In principio erano le mutande di Rossana Campo

Peter Gahl

1 Le profonde trasformazioni che si sono prodotte nella società italiana a partire dagli anni ’80 e i noti rovesciamenti politici verificatisi a cavallo tra la fine dello stesso decennio e l’inizio del successivo hanno non solo messo in crisi alcune certezze ideologiche dei decenni precedenti, ma hanno anche – e non poteva essere altrimenti – inciso sul rapporto tra i due sessi. Il presente contributo è dedicato ad una scrittrice che si è affermata soltanto dopo i mutamenti suddetti: si tratta di Rossana Campo, nativa di Genova, classe ’63, ma che da qualche anno a questa parte vive a Parigi. L’autrice fa parte di quel filone eterogeneo della letteratura italiana recente che Renato Barilli qualifica come «la terza ondata», ovvero come la «neo-neoavanguardia»: per essere più precisi, essa appartiene non alla famosa ma effimera «Gioventù cannibale», bensì a quel gruppo più addomesticato dei «giovani narratori», tutelati da ex membri del Gruppo 63 come Nanni Balestrini e . Lo scopo di queste pagine è di chiarire come si articola la coscienza dell’identità femminile e generazionale nel suo romanzo d’esordio, intitolato In principio erano le mutande e pubblicato dalla Feltrinelli nel 1992. Ho scelto questo romanzo perché risulta a mio avviso più significativo di altre opere in relazione alla questione che ci interessa. A parte ciò, questo testo è a detta della stessa autrice – anche a distanza di parecchi anni – tra quelli che le stanno più a cuore1.

2 In principio erano le mutande presenta caratteristiche riconducibili al genere picaresco: la narratrice e protagonista è una donna ventisettenne senza mestiere ben preciso che fa parte di una sorta di bohème genovese. La giovane tira avanti a forza di prestiti, lavoretti e inviti, e gran parte del testo racconta la sua movimentata vita sentimentale (e sessuale): la giovane si considera afflitta da «una lunga serie infinita di sfighe»2, e – pur essendosi dedicata «alla ricerca dei piaceri edonistici sfrenati di vera lussuria» (PM 28) – si innamora ripetutamente di tipi definiti ogni volta come «infami». Il romanzo è tuttavia a lieto fine, perché a un certo punto la giovane si ritrova incinta e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 103

riesce a convincere il padre del nascituro – «l’infame numero tre» (PM 55) – a mettere su casa con lei.

3 All’interno della trama sono inoltre inseriti dei capitoli basati su ricordi della prima adolescenza della narratrice. Si tratta tuttavia di episodi non legati alla vicenda principale: nel complesso la struttura del libro risulta dunque variegata e in certo qual modo discontinua, complicata anche dall’inserzione di digressioni relative a personaggi secondari o al racconto di antefatti, ricordi ecc. Tali digressioni sono di regola introdotte da formule colloquiali come: «Ora la storia di questa Christina ve la faccio» (PM 63). Pertanto l’andamento della narrazione piuttosto che seguire il lineare svolgimento diacronico dei fatti è costruito sulla falsariga del racconto casuale, in cui l’intreccio dei vari fili viene gestito in modo da apparire frutto di un’affabulazione spontanea e naturale.

4 Per poter mettere in evidenza quanto questo romanzo sia legato a un momento storico ben preciso, potrà essere utile ricorrere talvolta al confronto con un testo per certi versi affine ma che risale a un’epoca diversa, e cioè il famoso Porci con le ali (1976), apparso alla vigilia delle contestazioni del Settantasette e scritto a quattro mani da Lidia Ravera e Marco Lombardo Radice (che si celano però dietro lo pseudonimo di «Rocco e Antonia»). Questo libro, oltre a essere uno dei successi editoriali più strepitosi del periodo (partendo da una tiratura iniziale di seimila copie si arrivò a nove ristampe con un totale di 300 mila esemplari già nei primi sei mesi, e ormai il numero di copie vendute ha superato la soglia dei due milioni), può essere considerato emblematico della cultura giovanile di quell’epoca almeno quanto i jeans a zampa d’elefante o certi dischi dei Pink Floyd e di Lucio Battisti. Porci con le ali racconta in forma dialogica le vicende di due liceali a Roma che fanno parte di un gruppo della sinistra extraparlamentare studentesca. Quei due ragazzi, tra riunioni assemblee manifestazioni varie, s’innamorano, si amano, si separano, fanno altre esperienze del genere. Il libro intende proporsi come un contributo al «dibattito sulla sessualità», e infatti questo è l’argomento principale. Dunque, notevole affinità tematica con l’esordio letterario della Campo.

«Oralità scritta»?

5 Parecchi dei critici – militanti e accademici – che si sono occupati di In principio erano le mutande e dei libri successivi di Rossana Campo sostengono che la loro originalità (ammessa o contestata che sia) risieda in prima linea nella forma linguistica, che sarebbe riconducibile all’intenzione di riprodurre a livello lessicale e sintattico un certo modo di parlare giovanile e gergale. Questo è il punto di partenza della violenta stroncatura di Roberto Cotroneo ne L’Espresso (14 giugno 1992), il quale cita a titolo d’accusa ben quattro frasi a suo parere particolarmente orrende3. Ma sulla pretesa autenticità linguistica dell’autrice insistono anche contributi esenti da una vena polemica, come quello di Marco Berisso4 che include il romanzo in un campionario di quindici testi narrativi scritti da giovani autori nei primi anni ’90, sottoponendolo a un’analisi stilistica comparata, oppure quello di Giulio Conti che discute le soluzioni addottate nelle finora cinque traduzioni tedesche della narrativa campiana, definendola nello stesso titolo del suo saggio come «oralità scritta»5.

6 Che le cose non stiano semplicemente così è l’autrice stessa a dirlo. In un’intervista rilasciata a Kate Litherland nel 1999 dichiara, è vero, il suo ripudio di una «lingua

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 104

accademica, artificiale e paludata»6 e afferma che il suo ideale sia «una letteratura che faccia i conti con la forza e l’energia del parlato»7. Ma in seguito ci tiene a precisare: «Io non è che utilizzavo il gergo giovanile nel senso che vado in giro col microfono e poi sbobino. La mia lingua è sempre un’elaborazione letteraria dell’idea della lingua parlata»8. È seguendo questa sua intenzione che l’autrice varia sensibilmente il proprio stile di libro in libro. La cifra stilistica dominante in In principio erano le mutande riproduce certamente un’oralità «bassa» e giovanile, ma ogni tanto si avverte pure un certo distacco ironico da quella matrice linguistica. Basti un esempio, preso dalla prima pagina del libro: la protagonista si sente assediata dal suo amico Luca che insiste «per riavere le sue trecentomila lire. I miei trecento sacchi, dice lui così».

7 Inoltre, più che da uno solo, il romanzo è caratterizzato (più di ogni opera successiva dell’autrice) dalla copresenza e dall’intrecciarsi di registri diversi e tra di loro contrastanti. Per esempio, l’autrice fa uso ogni tanto di elementi tipici del linguaggio burocratico come la posposizione del numerale («fidanzato da anni sette», PM 42) e la sostituzione della prima persona con la locuzione «la sottoscritta». Un effetto simile risulta da strutture sintattiche ridotte che ricordano vagamente lo stile telegrafico, attraverso la soppressione del verbo e dell’articolo. Certo, queste due peculiarità stilistiche sono abbastanza diffuse anche nelle conversazioni e narrazioni familiari; fanno parte di certo umorismo colloquiale e neppure esclusivamente giovanile, e perciò possono, volendo, considerarsi motivate dall’intento di servirsi di un linguaggio «orale». Ciò non vale invece per altre caratteristiche della prosa del libro: parecchie volte sono imitati espedienti narrativi tipici della letteratura per l’infanzia, come per esempio i titoli dei capitoli che ne riassumono il contenuto9. Ma non sono infrequenti nel testo anche interventi metanarrativi di altri tipi, che non rimandano necessariamente alla tradizione del libro per l’infanzia.

8 Più importante ancora mi pare la presenza di un’altra categoria di elementi che non derivano dal linguaggio gergale: mi riferisco a intere sequenze in cui tale linguaggio, pur presente, è contaminato con palesi rimandi a situazioni topiche tratte dalla letteratura romanzesca dell’Ottocento. Ad esempio l’intera sequenza del primo incontro d’amore, che avviene tra gli scaffali di celebri opere ottocentesche, come Cime tempestose e la Certosa di Parma: nella soffitta dell’artista-pittore i due innamorati finiscono per sentirsi «esatti esatti Rodolfo e Mimì» (PM 57)10.

9 Per riassumere: lo scopo principale delle scelte stilistiche che caratte-rizzano i vari romanzi campiani non è quello di riflettere mimeticamente una determinata realtà linguistica11, ma quello di creare, attraverso il ricorso sistematico al racconto in prima persona, un’immagine il più possibile coerente di protagonisti principali spesso caratterizzati da una personalità vistosamente incoerente, com’è il caso dell’eroina di In principio erano le mutande.

Un romanzo postideologico

10 L’incipit di In principio erano le mutande è caratterizzato dalla volontà della narratrice di mettere subito in chiaro alcune cose: il primo capoverso allude ben due volte alle sue ristrettezze economiche (menziona «le mie borse della spesa non pesanti», PM 11, e un debito che lei non è in grado di saldare); inoltre si fa menzione anche di una certa Akofa e l’eroina si dichiara «abituata alle donne africane mie vicine di casa» (ibid.). Le preme ovviamente di segnalare sin dall’inizio che la storia è ambientata nella so-cietà italiana

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 105

multietnica e trasformata – quella degli anni novanta appunto – e che la protagonista abbia familiarità con quella sottocultura particolare. È significativo che né quella Akofa, né alcun’altra donna africana compaiano nel seguito del libro: ciò dimostra che questa battuta assolve unicamente la funzione di un temporal marker.

11 Ma il testo offre anche altri esempi di elementi simili, che servono a segnalare che l’Italia non è più quella che era stata fino a pochi anni prima. A volte sono i personaggi stessi ad alludere a un loro passato nettamente distinto dalla condizione presente. Nel settimo capitolo, la «amica del cuore Giovanna» esprime un giudizio scettico su un nuovo amante della protagonista e dichiara: «Lo conosco da un po’ io sai, aveva una storia con una che faceva politica con me» (PM 43). Il «fare politica insieme» è diventato dunque un fatto che appartiene a un’epoca irrevocabilmente passata. Certe ideologie che caratterizzavano quell’epoca sono rievocate di passaggio anche da una specie di running gag, una battuta che ricorre più volte nel romanzo: di tanto in tanto la protagonista si procura degli indumenti di cui ha bisogno tramite un cosiddetto «esproprio rivoluzionario» (vale a dire: un furto) ai danni dei grandi magazzini (PM 55, 63). Una volta rincara persino la dose: «Così pensiamo di fare spedizione da Coin per ennesimo esproprio rivoluzionario antiapartheid pure» (PM 118). Si potrebbe supporre che l’autrice miri a tacciare di indifferenza morale la generazione presente, pronta persino a prendere in giro gli ideali di una volta. Sembra più plausibile invece un’interpretazione opposta: questa battuta sul conto dei rivoluzionari di vent’anni prima denuncia l’ipocrisia e la presunta superiorità morale di chi all’epoca pretendeva di potersi procurare tutti gli oggetti di consumo desiderati senza spendere una lira, in più con la coscienza di chi rivendica i diritti delle classi sfruttate. È interpretabile nello stesso senso anche la spiritosa descrizione di Marco, un amico della protagonista, che ha conosciuto la sua fidanzata «quest’inverno durante l’occupazione dell’università che tutti occupavano felici e ci davano dentro a organizzare i famosi seminari autogestiti […]. Marco lui è già laureato da un pezzo ma appena c’era aria di occupazione autogestione seminari lui si è lanciato e si dava anzi un sacco da fare» (PM 128).

12 Questi commenti maligni, oltre a confermare che si tratta di un libro datato, inequivocabilmente legato all’epoca successiva al venir meno dei famosi grands récits, dimostrano soprattutto che l’autrice mira a farlo apparire tale, e a fare i conti, inoltre, con l’epoca precedente e con certe sue ideologie. Non sarà certo questo l’obiettivo principale del romanzo, tuttavia si tratta di una componente da non trascurare12.

13 Che l’epoca non sia più quella delle grandi ideologie sociali traspare del resto anche dal modo di gestire i rapporti interpersonali tenuto dalla protagonista del romanzo: ne abbiamo una conferma anche attraverso un confronto con Porci con le ali, in cui la cellula sociale più importante è il cosiddetto collettivo. È lì che i giovani trovano la loro dose vitale di calore umano, lì sanno di essere al loro posto – anche se succede molte volte che qualcuno «strippi» o che ce l’abbia con quelli un po’ più anziani, che la sanno sempre troppo lunga. Diverso il caso di In principio erano le mutande. Una caratteristica importante della protagonista è di non appartenere a nessun «collettivo» del genere. Non solo non è integrata nella società borghese (mentre Rocco e Antonia lo sono, perché nono-stante le loro velleità rivoluzionarie fanno i bravi liceali), ma non ha nemmeno una sottocultura o controcultura che la accolga. È legata in qualche modo a dei sodalizi artistici, ma questo le serve più che altro per sbevazzare e sfamarsi alle loro feste. Anche in quelle occasioni, peraltro, dimostra un atteggiamento di disincanto ironico nei confronti di chiunque le presenti un’ideologia o una teoria di sorta.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 106

Autocoscienza femminile

14 È da qualificare post-femminista Rossana Campo, come sostiene Stefania Lucamante13? Lo è il personaggio principale di questo suo romanzo? Confesso che avverto un certo disagio a impiegare questo termine, dato che mi pare ambiguo. C`è chi lo usa per indicare un atteggiamento di ri-nuncia, di backlash volontario (cioè, di un ritorno al modello femminile tradizionale, in certi casi accompagnato da un fare ironico o sprezzante nei confronti dello stesso femminismo), mentre altri lo usano per caratterizzare coloro che del «femminismo storico» (quello militante e politico degli anni ’70) accettano le conquiste, pur non avvertendo più l’esigenza di lottare per la causa della donna. C’entra inoltre la famosa distinzione tra il femminismo della parità e quello della differenza, che complica ulteriormente le cose. Dunque, in che senso del termine il personaggio può definirsi postfemminista? Come si definisce il suo rapporto con il femminismo e la propria identità femminile?

15 È interessante osservare a questo proposito che il movimento femmi-nista degli anni ’70 e i suoi slogan non vengono mai ironizzati con battute analoghe a quella degli «espropri rivoluzionari». Mancano d’altronde anche riferimenti «seri» che invece sono ben presenti negli altri testi dell’autrice, soprattutto in Mai sentita così bene, dove si trovano diversi rimandi a teoriche del femminismo come Simone de Beauvoir o Betty Friedan. Inoltre, le «conquiste» politiche del movimento ottenute negli anni ’70 vengono date per scontate, e lo stesso vale per certi mutamenti del clima sociale, come l’accettabilità del rapporto di convivenza. La stessa protagonista di In principio erano le mutande non dimostra nessuna voglia né di continuare quelle battaglie ideologiche e politiche, né di assumersi quelle responsabilità che derivano dalle «mete raggiunte» sopra ricordate: non cerca di «realizzarsi» tramite un’attività professionale qualificata, ma si accontenta di arrangiarsi – vale a dire di sbarcare il lunario alla men peggio. Inoltre, non prova nessun bisogno di lottare per la propria indipendenza, perché indipendente lo è già. L’«impegno di rivisitazione dei mo-duli femministici14» che la Lucamante considera una costante dell’opera campiana, in questo primo romanzo si manifesta, semmai, soltanto tra le righe.

16 L’essenza della femminilità del personaggio va cercata invece su un altro livello, ovvero quello a cui allude il titolo del romanzo. Silvia Contarini osserva, a proposito di Mai sentita così bene, che «il femmi-nismo di Campo è quello dell’emancipazione sessuale»15. Tale valutazione può essere applicata anche a In principio erano le mutande, con l’unica differenza che, mentre nel libro commentato dalla Contarini questa posizione emerge soprattutto nelle discussioni accese tra amiche, nel primo romanzo viene esclusivamente dimostrata in actu. Tutto sommato, la protagonista del testo coltiva una concezione prettamente edonistica della vita, in cui un ruolo principale è assegnato alla sensualità (che include, oltre al sesso, anche «le gioie del mangiare e del bere», PM 41) e le passioni. È soprattutto amando che afferma la propria femminilità16.

17 Tuttavia va fatta una precisazione importante: ciò che dà sapore e senso all’esistenza della protagonista di In principio erano le mutande non è il piacere solamente carnale, ma le «storie d’amore con tantissima passione e però anche molta tragedia» (PM 28). Gli amori veri e propri – meglio ancora se conditi con dei contorni romanzeschi – vengono prefe-riti agli sfoghi puramente sensuali (benché quest’ultimi non vengano disprezzati). Nell’autodefinizione del personaggio il cuore e anche gli strazi del

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 107

medesimo hanno sicuramente una parte più importante rispetto alle parti inferiori del corpo17.

18 Una caratteristica essenziale del suo modo di amare è inoltre che anche questo si può definire postideologico. La giovane donna non si dà o non si nega per conformarsi a degli ideali – «l’amore libero» o la ribellione della donna contro lo sciovinismo maschile – ma appunto per il suo piacere carnale o sentimentale. Questo elemento va dunque annoverato tra quelli che abbiamo analizzato nel capitolo precedente.

19 Torniamo per un attimo a Porci con le ali. Volendo definire questo libro – come spesso si fa – il manifesto di una generazione, rimane da chiedersi a quale generazione ci si riferisca. Certo non a quella sessantottina (la quale costituisce per i protagonisti pur sempre un irraggiungibile punto di riferimento), ma neanche a quella di coloro che in seguito sarebbero stati i protagonisti del Settantasette: anagraficamente, i conti non tornano; i due liceali protagonisti sono semplicemente troppo giovani. Il libro anti-cipa tuttavia qualche componente importante di quel movimento: non solo l’importanza data allo «stare insieme», ma anche l’insofferenza nei confronti della sinistra istituzionalizzata – sia quella dei sindacati e del PCI di Berlinguer, ormai avviato sulla strada del compromesso storico (questa parte è recitata nel libro dal padre di Rocco), sia quella dei vari gruppetti extraparlamentari del post-sessantotto. Detta insofferenza si esprime soprattutto nel modo in cui certi personaggi appartenenti a quei gruppi vengono descritti: il ventottenne Carlo che «rappresenta la linea nera, marxista- leninista, paleo-sciovinista»18; oppure Marcello, teorico di musica pop e autore del saggio «Zappa e Reich», ironicamente qualificato come «Dirigente-nazionale-di- organizzazione-culturale vicina all’area di Classe. Praticamente Dio» (PA 38). Dunque, la generazione protagonista di Porci con le ali è quella dei «fratelli più piccoli», più giovani di qualche anno dei sessantottini e dei futuri «settantasettini»: un elemento tra i più importanti nel testo è infatti il rapporto difficile con i «fratelli maggiori», ideologicamente più preparati e che, all’occorrenza, si pongono meno problemi a soddisfare le proprie voglie di godere19. Quest’osservazione ci porta a quello che costituisce forse il lato più interessante del libro. Gli adolescenti sentono infatti un crescente disagio nei confronti sia dei modi di fare dei compagni più anziani sia della permeazione ideologica della loro vita sentimentale. Ciò riguarda più che altro Antonia, la quale avverte un disgusto palese nei confronti del comportamento dei maschi più esperti, per esempio di quello del già menzionato Carlo che la rimorchia, si accoppia sbrigativamente con lei (senza neanche simulare un bricciolo di trasporto), per poi ritornare a giocare a carte con i suoi amici. Ma la protagonista se la prende anche con Rocco quando fa delle asserzioni come: «Io e te stiamo benissimo, ma dobbiamo fare attenzione a non se-pararci dai compagni. Perché è una cosa borghese» (PA 90)20. Ma simili critiche, incentrate sul sospetto della presenza di residui dell’ideologia borghese, vengono rivolte anche allo stesso Rocco, ad esempio quando Marcello per convincerlo ad atti omosessuali aggira agilmente le sue possibili resistenze qualificandole in anticipo come «residuati» di un’educazione restrittiva (PA 46). Inoltre, delle fantasie da romanzo d’appendice di cui si è fatto menzione sopra, almeno quelle che Rocco e Antonia mettono in scena insieme per aggiungere sapore a certi incontri erotici sono interpretabili come tentativi di sottrarsi al dettato dell’ideologia impe-rante che all’insegna dell’Amore libero condanna il rapporto di coppia perché ritenuto repressivo e dannoso per il collettivo (come emerge anche dalla dichiarazione di Rocco appena citata). La rivendicazione della feli-cità nel rapporto d’amore da parte di Rocco e Antonia rimane, ahimé, episodica, legata a quel breve periodo in cui i due sono uniti

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 108

davvero da legami sentimentali oltre che erotici. Proprio durante la discussione che pone fine al loro rapporto, Antonia polemizza anche contro la «coppia come istituzione» (PA 122). Infine, quasi tutti i tentativi di ribellione all’ideologia che abbiamo ricordato sono accompagnati da notevoli sensi di colpa.

20 Il carattere repressivo del dictat de «Il privato è politico» – e anche la volontà dei protagonisti di liberarsene – diventa particolarmente evidente quando si arriva alla questione della procreazione. È proprio nella fase più felice del loro rapporto che Rocco e Antonia sognano di stare insieme a lungo e di avere dei figli – nonostante la lettura de La morte della famiglia di Daniel Cooper sia d’obbligo – e anche di non doverli battezzare Vladimir Ilic. In questo caso l’impulso di ribellione si manifesta in modo particolare, perché persegue un duplice obiettivo, essendo diretto sia contro i teorici della «morte della famiglia» e dei «funerali della coppia» (PA 93), sia contro il comunismo tradizionale e di partito. D’altronde anche qui i ragazzi si sentono in colpa per aver covato tali desideri di felicità personale.

21 Nel romanzo della Campo invece i figli si fanno sul serio. L’argomento «maternità» affiora più volte nel corso del romanzo, anche ben prima del colpo di scena finale. E non viene taciuto il carattere ambivalente della fecondità: la gravidanza involontaria della protagonista è vista inizialmente come «l’ultima bella botta dell’infame destino» (PM 133), ma porterà anche, dopo qualche rapida peripezia, all’unione felice con l’uomo desiderato, con la prospettiva che il tempo delle «sfighe cosmiche» (PM 42) e della «vita di grandi miserie» (PM 11) sia finito. Rimane però, per il momento, la nausea.

22 A scorrere un po’ la produzione successiva dell’autrice, può sembrare che la questione l’abbia addiritura in qualche modo ossessionata: in Mai sentita così bene la rivelazione di una maternità indesiderata dà avvio al «finale furioso» della vicenda narrata, mentre ne Il matrimonio di Maria e in Mentre la mia bella dorme gravidanze involontarie costituiscono persino la base della trama. In quegli altri libri però si propone un’imma- gine marcatamente disincantata del problema: tanto, i padri sono sempre o dei deficienti o degli scellerati, e in nessuno dei casi si giunge ad una se-rena convivenza dei futuri genitori. In principio erano le mutande invece concede al padre l’occasione di guadagnarsi la qualifica di «ex infame» (PM 145) e di assumersi la responsabilità; il romanzo finisce con una «scena d’amore bellissima come nei film» (PM 140), dunque con un happy end il cui carattere artificiale e di citazione viene esplicitamente sottolineato.

23 Questo capitolo finale del romanzo merita tuttavia uno sguardo un po’ più approfondito. Prima di finire in armonia e abbracci, il colloquio della protagonista con il suo amante prende una piega assai diversa, in quanto la giovane donna dimostra inizialmente un atteggiamento molto scontroso: «prendo a gridare […]: guarda che non mi aspetto nie-e-enteeee da teeeee guarda che questi sono fa-a-ttiiii mieiii… […] Io e il mio figlio non abbia-mo niente da spartiiiireee con un maiale della tua specieeee…» (PM 142; nel testo originale, le parole urlate sono tutte in maiuscolo). La gravidanza involontaria le offre la possibilità di giocare con ruoli diversi e di recitare la parte della donna forte e che farà da sé, prima di passare a quella dell’amante dolce e remissiva.

24 La svolta conclusiva della storia potrebbe essere interpretata come espressione di una posizione post-femminista nel senso ‘rinunciatario’ del termine, come un elogio della maternità che ponga fine alla vita di godimenti insensati e disorientati – come se il senso di tutte le peripezie narrate precedentemente fosse quello di condurre la protagonista ad accettare il ruolo della brava madre e moglie. Ma questa

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 109

interpretazione appare poco convincente. Il testo invita infatti a diffidare del carattere positivo di questo lieto fine nella misura in cui, appunto, si sottolinea il suo carattere artificiale e romanzesco: persino gli stessi personaggi affermano nel loro dialogo di sentirsi come dentro un romanzo della categoria di «quelli che vanno a finire bene» (PM 145). Dato che da queste battute i due senza perdere tempo passano ad un amplesso dai toni decisamente erotici, si vede che la maternità non sostituisce la sensualità ma vi convive. La fecondità è dunque – lungi dall’essere ideologicamente caricata – uno dei diversi aspetti della carnalità e dell’identità femminile.

25 Porci con le ali costituisce un tentativo di rivendicare il diritto alla feli-cità personale contro i vincoli di certi ideali rivoluzionari che condannano tale individualismo; tentativo che rimane tuttavia a metà strada. Pur non essendo questa l’intenzione principale degli autori, il libro mette pure in evidenza certe ipocrisie e contraddizioni della cultura giovanile di sinistra dell’epoca e, soprattutto, il carattere in ultima istanza repressivo di certa ideologia liberalizzante. In principio erano le mutande invece è ambientato in un periodo storico che questa ideologia l’ha lasciata alle spalle. Perciò l’autrice ci può presentare un personaggio che si prende appunto quelle libertà che Rocco e Antonia si potevano soltanto sognare.

NOTE

1. Vedi F. Balletta, «‘Weibs-Bilder’: Zwischen Sprach/Witz und Engagement. Ein Gespräch mit Rossana Campo», Zibaldone. Zeitschrift für italienische Kultur der Gegenwart, 34, cadere 2002, pp. 27-35, p. 35. 2. R. Campo, In principio erano le mutande, Milan, 1992, p. 39. Citazioni da questo romanzo d’ora in poi con la sigla PM e l’indicazione della pagina fra parentesi nel testo. 3. Appare curioso che il numero successivo dello stesso periodico presenti una seconda recensione severa – benché più mitigata nei toni – dedicata allo stesso romanzo, nella quale Angelo Guglielmi parla di «linguaggio che riflette […] l’afasia dei giovani di oggi» (A. Guglielmi, «Il romanzo: belle mutande ma senz’anima», L’Espresso, XXXVIII-25, 21 giugno 1992, pp. 96-97, p. 97. 4. M. Berisso, «Livelli linguistici e soluzioni stilistiche. Sondaggi sulla nuova narrativa italiana 1991-1998», Lingua e stile, XXXV-3, settembre 2000, pp. 471-504. 5. G. Conte, «Wie übersetzt man die ‘schriftliche Mündlichkeit’ von Rossana Campo?», Zibaldone. Zeitschrift für italienische Kultur der Gegenwart, 34, cadere 2002, pp. 37-48. 6. C. Litherland, «Rossana Campo: Un-learning the Rules of Writing», The Italianist, XXIV-1, 2004, pp. 126-134, p. 128. 7. Ibid. 8. Ibid., p. 129. 9. Nella già ricordata scena iniziale del romanzo si legge la domanda rivolta al pubblico: «Mi giro e sapete allora chi è?», la quale ricorda il famoso «‘…un re!’ diranno i miei piccoli lettori» del Pinocchio. 10. Qui si può osservare un parallelo interessante con Porci con le ali: anche in quel testo, i due adolescenti nei loro incontri amorosi (o per far partire le fantasie masturbatorie) ogni tanto

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 110

s’immaginano vere e proprie scene da film o da romanzo d’appendice, con personaggi come il famoso avventuriere e spadaccino conte Vronski. Vedremo in seguito che questo fatto è più significativo di quanto possa sembrare a prima vista. 11. Tesi che sarebbe peraltro difficile da sostenere nel caso degli ormai ben sei romanzi ambientati all’estero. 12. In Mentre la mia bella dorme (1999) questa intenzione dell’autrice è ben più vistosa e decisa: in quella specie di detective story, una giornalista si propone di chiarire perché una sua amica poco più che ventenne si sia suicidata senza motivo apparente, e man mano viene a conoscenza di un antefatto complesso. In una comunità rurale hippie nella Francia meridionale degli anni ’70 una donna, con una figlia quattordicenne, convive con il proprio amante. Dopo che l’amante ha violentato l’adolescente, la donna fa passare la bambina che nasce da questo stupro come propria figlia. Venti anni dopo, la ragazza scopre l’intera storia e suo padre, divenuto nel frattempo un manager affermato, temendo che sua figlia possa palesare tutto, decide di farla tacere. L’apparente suicidio si rivela dunque essere un assassinio vero e proprio. In quel libro, l’autrice sembra mirare a denunciare le menzogne e la repressione sessuale che si potevano nascondere nell’ideologia love and peace. Nel suo primo romanzo invece, il suo atteggiamento nei confronti del passato è piuttosto beffardo che non accusatorio. 13. Voir S. Lucamante, «‘Una laudevole fine’: femminismo e identificazione delle donne nella narrativa di Rossana Campo», Italianistica, XXXI-2/3, maggio-dicembre 2002, pp. 295-306. 14. Ibid., p. 305. 15. S. Contarini, «Riflessioni sulla narrativa femminile degli anni ’90», Narrativa, 10, sept. 1996, pp. 139-163, p. 157. 16. Va aggiunto che in questo suo modo di concepire e gestire la vita sentimentale e sessuale sta la differenza più notevole tra l’epoca presente e quella dell’adolescenza: anche in quell’epoca remota, il sesso era l’argomento principale delle conversazioni fra le amiche, ma sia quei discorsi, sia i primi tentativi di tresca da parte della ragazza restavano pur sempre l’imitazione di certi modelli di comportamento proposti da altri (per esempio dalle cosiddette «cugine porche» (PM 33) più grandi di qualche anno). La donna adulta invece, attraverso il proprio modo di amare (e di parlare delle proprie esperienze), afferma la sua autonomia e indipendenza. Detti capitoli di retro-spettiva assolvono dunque anche la funzione di mettere in particolare evidenza questa evoluzione del personaggio. 17. Nel corso della storia la narratrice consuma talvolta delle esperienze omosessuali. Quando ne parla confidenzialmente con un suo amico – a sua volta bisessuale –, fa una distinzione interessante: dichiara di innamorarsi sia di uomini sia di donne, «ma le grandi passione tragiche solo con i maschi» (PM 80). L’amore lesbico rappresenta dunque la tentazione del godimento puro, senza le sofferenze del cuore, e a un certo punto la giovane donna, momentaneamente delusa dall’«infame» di turno, sta per cedere a questa tentazione: «Forse che dovrò anch’io diventare una donna che si mette lì e ama solo le altre donne simili dello stesso sesso?» (PM 125). Ma è appunto in virtù di questa sua «concezione tragica della vita» (PM 84) che abbandonerà subito questa strada. 18. Rocco e Antonia [L. Ravera, M. Lombardo Radice], Porci con le ali. Diario sessuo-politico di due adolescenti, Roma, Savelli, 1976 [si cita dalla IX ediz., dic. 1976], p. 161. Citazioni da questo volume d’ora in poi con la sigla PA e l’indicazione della pagina fra parentesi nel testo. 19. In alcune occasioni, il moto di insofferenza dei più giovani si manifesta anche tramite commenti ironici riguardanti certi elementi stilistici propri del gergo politicizzante e sinistroide dei vari «leaderoni» e «leaderini». Se ne trovano per esempio nella descrizione della conferenza sulla musica pop di Marcello (che risulta scarsamente comprensibile al giovane pubblico), il quale usa ripetutamente la locuzione «in ultima analisi», ovvero quella «formula con cui chi ha più di 25 anni sostituisce il ‘secondo me’ di quando aveva meno di venticinque anni» (PA 41), come chiosa maliziosamente Antonia.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 111

20. Va aggiunto che gli avvenimenti successivi dimostrano che c’è anche una buona dose di ipocrisia in questo atteggiamento da «Monsignor rivoluzione» (PA 90) di Rocco, dato che a stroncare il rapporto di coppia non sarà certo la sua rigorosa condotta politica bensì le sue fissazioni sul piano sessuale, che rappresentano piuttosto un eccesso di intimità.

AUTORE

PETER GAHL Université de Constance

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 112

Dall’uguaglianza alla differenza e oltre romanzi-testimonianza di Lidia Ravera

Hanna Serkowska

1 La mia relazione consiste di un’analisi dell’evoluzione che il pensiero femminista italiano ha subito nei libri di una scrittrice che con il femminismo italiano ha un conto lungo – aperto fin dagli albori della seconda ondata del movimento, negli anni ’70 – e tuttora attivo, e che quindi potrebbe prestarsi per modello rappresentativo di quell’evoluzione in genere. Per parlarne – e mi soffermo in particolare sui romanzi Porci con le ali, Né vecchi né giovani, La festa è finita e sul racconto Per funghi – inizio presentando la situazione del concetto della differenza sessuale in Italia, concetto fondante per lo sviluppo e la forma del pensiero e del movimento femminista italiano negli anni ’70, e importante fino ad oggi.

2 Nel suo libro-manifesto Sputiamo su Hegel, Carla Lonzi spiegava nel 1970 (precisiamo che l’opera di Luce Irigaray – in particolare Speculum e Etica della differenza sessuale – comunemente ritenuta ideatrice del pensiero della differenza sessuale, è stata tradotta in Italia dopo che è uscito il libro della Lonzi) che l’uguaglianza in realtà non è che una trappola1. Da una parte Lonzi dimostrava la necessità di andare oltre l’uguaglianza, dall’altra avvertiva contro il rischio della piena identificazione con il femminismo della differenza2 d’origine francese (ritenuto tutto teorico, simbolico, filosofico) a cui le Italiane devono comunque molto. Pur rimanendo chiaramente nell’orbita di quello francese, il pensiero italiano non ha ripreso l’idea del «represso femminino» presente nel linguaggio, e non ha duplicato l’attenzione preminente delle francesi alla letteratura, al simbolico, al linguistico, a discapito delle manifestazioni pratiche. La caratteristica specifica, distintiva della riflessione femminista italiana – e al contempo quella che lo contrapponesse al pensiero francese – doveva essere l’attenzione all’impiego pratico (che d’ora in avanti chiamerò politico) delle teorizzazioni filosofiche3, l’attenzione – insomma – all’attività politica e sociale delle donne in genere. Contrariamente al postulato di non perdere di vista gli aspetti della ricaduta pratica del proprio teorizzare – chiusa la fase dell’attivismo femminista degli anni ’60 e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 113

’70 – all’interno della comunità filosofica femminile della Diotima (che, costituita nel giugno del 1984, resta fino ad oggi il fenomeno più rilevante nell’ambito del pensiero italiano) si assumeva il pensiero filosofico di Luce Irigaray come riferimento autorevole, e si impostava la ricerca attorno alla potenza simbolica della differenza sessuale. Diotima muove dalla constatazione dell’espulsione e dell’annichilimento originale delle filosofe donne (e dell’elisione del fattore sessualità) da parte della filosofia maschile, e cerca di rimediare al furto originale compiuto ai danni della donna restituendole la voce. Luisa Muraro, che insieme ad Adriana Cavarero fu fondatrice della Diotima (oggi è da sola la figura principale nell’associazione, dopo che Cavarero se ne distaccò alla fine degli anni Ottanta4), ha ideato il concetto di affidamento che presuppone l’esistenza tra le donne di un legame simbolico madre-figlia5. Chi riconosce il ruolo di maestra e di mentrice (madre), deve riconoscerne l’autorità. Quindi c’è in gioco il potere (o meglio, l’autorità, perché Muraro tiene a fare netta distinzione tra i due concetti6) che permette di realizzare il principio di thiassos (circolo femminile fondato per venerare la dea Afrodite) con l’aggiunta dell’affetto e della cura. Questa utopia delle donne che si amano e si trasmettono saperi (più che all’accademia platonica, Diotima si assimila alle associazioni religiose), è la principale componente utopica promossa da Muraro, e significa una fuga dalla partecipazione alla vita politica e sociale. Restando fedele allo spirito della differenza di importazione francese, Diotima va contro lo specifico del pensiero femminista italiano ideato negli anni ’70: l’impegno politico e la messa della teoria in pratica rimangono per le pensatrici riunite nell’associazione veronese una rivendicazione gratuita. L’associazione si dà pertanto come un nucleo chiuso nel mondo accademico. Quel che si può percepire come separatismo e monologismo, tipici della Diotima, probabilmente è sintomo di rifiuto a passare alla post-differenza, cui viceversa inevitabilmente si approda se si tiene presente il contesto pratico, sociale e politico in cui opera l’individuo. Luisa Muraro appare pertanto come una figlia ribelle di Carla Lonzi che era innanzi tutto un’attivista socio-politica anche se, con ogni probabilità, era più facile esserlo negli anni ’70.

3 Tenendo presente questo ambivalente retaggio del pensiero femminista italiano, e ricordando il movimento femminista italiano, le donne «in piazza», propongo ora una riflessione sulla produzione letteraria di Lidia Ravera che sembrerebbe una seguace dei precetti del femminismo politico, attivo, ideato dalla Lonzi, per vedere che tipo di riflessione teorica si cela nei suoi scritti e quali importanti passaggi possiamo individuarvi. Leggo le opere della scrittrice, insomma, cercando di far vedere come intende il passaggio dal femminismo egualitario a quello della differenza e oltre chi ha fatto parte della contestazione giovanile e del movimento femminista dal ’68 in poi, e chi vanta anche una parentesi operaia.

4 Ravera esordisce nel luglio del 1976 con Porci con le ali, progettato come un libro- volantino, un pamphlet, un opuscolo di circolazione interna, nato dietro all’imperativo categorico di «cambiare il mondo prima che il mondo cambi noi»7, e comunque di cambiare (cosa che parrebbe una bella utopia, ma che poi infatti si rivelò l’inizio rivoluzionario dei cambiamenti sociali e politici del ’900) se non la grande politica dei rapporti di forza, almeno quelle «piccole cose» della vita individuale, affettiva, dei rapporti fra le persone. La scrittrice, sempre attenta ai reali problemi della società italiana, si fa carico di presentare la contestazione giovanile studentesca e operaia, ma illustra soprattutto l’apporto del femminismo ai grandi, epocali cambiamenti sociali tra cui la detabuizzazione dell’eros in genere (nel libro esso diventa una metafora politica), una maggiore comprensione e tolleranza verso chi (omosessuale, mentecatto) non è più

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 114

considerato un malato bensì un diverso, la scoperta e la rivalutazione del privato, ecc. Quello ostentato dalla giovane Antonia (che riempie a quattro mani con Rocco le pagine del loro diario) è un femminismo arrabbiato, confrontativo (gli anni Settanta, sostiene Ravera, erano dei bei tempi, perché allora la parola «femminista» non equivaleva ancora a un insulto, p. 85), a cui seguirà un lento e faticoso (già rinvenibile nel suo libro d’esordio) germogliare del femminismo della differenza, all’epoca intriso del vieto spirito rivendicativo, emancipativo.

5 In tutto il diario la voce narrante fa il punto della disuguaglianza fra la donna e l’uomo e di conseguenza vede le donne come un gruppo di viventi affini, somiglianti tra di loro e posti in una posizione svantaggiata rispetto agli uomini. Essere femmina – racconta Antonia – vuol dire piacere o non piacere (importante quasi come essere o non essere). A volte le sembra di esistere solo per piacere agli uomini: «se non mi scelgono, mi viene paura di morire» (p. 61). Tuttavia Antonia prova presto un senso di disgusto e di ribellione nel constatare che le donne debbano formare uno schieramento unitario, uniforme, presumibilmente affiatato al proprio interno. Scopre inorridita che sua madre, che aveva firmato per l’aborto e per il divorzio, non la contraddice in materia della sessualità libera e gratuita, eppure «andare d’accordo con la propria madre era come fare pipì in chiesa» (p. 98). La madre è sempre una madre e come tale appartiene a un’altra generazione. Così, le distinzioni all’interno dell’organico «donne» iniziano a manifestarsi insieme alla rivolta generazionale del ’68. Sui conflitti di genere (la disparità tra donne e uomini intesi come generi costruiti socialmente sembra scontata) si sovrappongono quelli generazionali, e la differenza, la pluralità all’interno del proprio gruppo (tipica della riflessione postfemminista) pare qualcosa di auspicabile, solo al momento ancora non raggiungibile. Non a caso Porci con le ali – il libro che costituisce una memoria di quella contestazione – chiude con un atto di ribellione estrema dovuta in parte alla presa di coscienza di quanto si è detto sopra, dell’ineluttabile evoluzione che la contestazione e il femminismo stessi andavano subendo. La sedicente bambina viziata decide di affrontare quei cambiamenti non inerte, scappa di casa per entrare in fabbrica: Otto ore a tirare una leva, col rumore e tutto, voglio vedere se mi resta l’energia di essere stronza. E poi sfilo con la tuta blu […] e la classe operaia sono io, il primo maggio è mio, basta con gli amorazzi e le cazzate, il fumo, il sesso, il femminismo, la rivoluzione la fa chi fa la produzione, non chi si strascina da uno stupido banco di scuola a una festa pop. (pp. 154-155)

6 Il diario di Rocco e Antonia va avanti, fino all’anno 1976, quando qualcosa comincia a cambiare, ma non nel senso che si poteva presagire a partire dalla contestazione operaia e studentesca. Il senso dell’impegno forte, e con esso il senso di appartenenza a un gruppo, un’ideologia, un genere, negli anni ’80 cede alla frivolezza diffusa, alla leggerezza generalizzata, al non prendere niente troppo sul serio e sotto nessuna possibile bandiera. Sfuma, si eclissa il progetto iniziale che era, possiamo dire, quello di conciliare una buona ideologia (o la buona filosofia) con una buona prassi, o di tradurre l’una nell’altra. Ma se ciò non è stato pienamente attuabile, la colpa era della teoria o degli sviluppi pratici?

7 Da attivi di un tempo, oggi gli ex-giovani sono diventati «vedovi della vita attiva», leggiamo in seguito nel racconto Per funghi: è tutto decaduto, e gli ex-giovani se leggono i giornali è solo per poter «dire male del mondo, spettegolare contro il cinema, contro la letteratura…»8. Il racconto è scritto a dieci anni di distanza dalla seconda ondata del femminismo, quello politicamente attivo, o semplicemente politico. Negli stessi anni

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 115

Ottanta l’elaborazione teorica e filosofica del pensiero della differenza sessuale trae profitto soprattutto dall’attività sociale e politica delle donne in genere. L’inizio del racconto, che prende avvio da una scena di incontro di diverse donne, lo assimila ai racconti di carattere testimoniale o memoriale aventi per tema gli incontri dei gruppi femminili di autocoscienza9. Quattro amiche si riuniscono in un casale maremmano appartenente ai coniugi Ethel e Riccardo, ma parlano – diversamente da quanto succedeva nell’altro tipo di racconti femministi – delle proprie esperienze e degli eventi recenti, del tutto comuni. Al centro del loro discorrere si colloca non più la memoria di soprusi o molestie subite, e neanche le rivendicazioni di alcun genere (come nei racconti con cui Ravera evoca qui un’associazione), bensì la figura di una fanciulla di nove anni, figlia dei padroni di casa, un’enfant prodige fin dall’età di sei anni padrona di vasto vocabolario. Oltre ad essere straordinariamente precoce, la bambina è anche molto balda, a volte insolente, giudiziosa ma petulante, un tipico prodotto degli incontri di gruppi femministi che si riunivano a discorrere in case private. Ravera ci invita qui a riflettere sul tipo di passato che hanno alle spalle le amiche di Ethel, e suggerisce che la stagione del femminismo inteso come partecipazione attiva alla vita sociale e politica è chiusa. Tutte e quattro, donne intelligenti e infelici, vengono «da altre epoche. Epoche in cui era doveroso leggere libri e archiviare divertimenti e sentimenti sotto la voce “esperienza”» (p. 19), in cui si poteva fare di tutto e ci si scusava con l’uso di adeguate parole. Tre delle quattro sono donne non sposate o divorziate, Ethel (all’apparenza bella, forte e sicura di sé), la sola sposata (con un uomo cinico e fedifrago), è delusa dal marito rivelatosi fasullo e vanitoso, ma fallito nel suo progetto di sposarla per sottomettersela. Al «tu hai tutto» di una delle amiche, la protagonista (che in chiusura si suicida) ribatte: «Voi pensate che qualsiasi donna che è riuscita a mettere insieme un figlio un lavoro e un marito, viva in un perpetuo en plein. […] non è così… aritmetica, la felicità» (p. 27). Il privato si rivela insufficiente per ovviare alle carenze del pubblico, del politico a cui si è volto le spalle.

8 Leggendo Per funghi si constata quanto la stagione del femminismo battagliero, attivista e egualitario, quel movimento che mirava a liberare la donna dalle limitazioni e voleva creare un mondo di libera scelta e di pari opportunità, non solo appartenga al passato, ma non abbia dato adito a uno sviluppo nel seno della riflessione femminista. Si ha l’impressione che nell’ottica della Ravera il femminismo politicizzato non sia valso a nulla, scontratosi con le vecchie, solide e evidentemente insuperabili barriere biologiche. Alcune conquiste del femminismo vengono addirittura presentate come un onere, un martirio a cui le stesse beneficiarie si sarebbero volentieri sottratte10. Ma oggi finalmente le donne sono libere di rifiutare, dalla gamma delle conquiste delle loro madri e nonne, quelle che vogliono rifiutare, e tale libertà non è certo sinonimo di un passo indietro. Semmai, è la rielaborazione teorica (filosofica) a rimanere in ritardo rispetto a una prassi diversa che non traccia discrimini tra il privato e il pubblico.

9 Né giovani né vecchi è un libro che unisce l’epoca della passata giovinezza della narratrice a quella della stasi venuta dopo che la festa delle contestazioni è finita. È una specie di libro di appunti, composto di riflessioni e osservazioni sul presente e di ricordi del passato, completo di colloqui con persone di rilievo, intellettuali, altri scrittori, libro che riassume il femminismo degli anni ’70 come nato nel seno del giovanilismo (inteso come massimalismo, entusiasmo, fiducia nella propria onnipotenza e infallibilità), quindi nato all’interno del movimento di rivolta generazionale, contro i genitori, i padri, o meglio contro l’ordine sociale e politico dei padri: «oro occupavano la casa quindi io occupavo la scuola» (p. 9). Del passato Ravera richiama e ripropone

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 116

all’attenzione le situazioni in cui la sorte del singolo rifletteva quella dell’intera generazione, sentendosi essa stessa un rappresentativo «campione socioculturale, politico, logico, la logica espressione d’un tempo e d’una condizione» (p. 13). All’interno del gruppo generazionale v’era solo una spaccatura, un distinguo: il ’68 fu vissuto diversamente da donne e da uomini, seppur appartenenti alla stessa generazione: «Non viviamo di storia noi donne, bensì di storie. Per gli uomini c’è stato il sessantotto. Ti raccontano idee, sfumature, contrapposizioni, giudicano, rigettano, oppure rimpiangono, glossano, enfatizzano» (p. 14). I maschi organizzano la festa (del ’68), e le ragazze, alcune di loro, sono solo delle invitate11. Ma non aspirano al potere. Non hanno capito di dover aspirare al potere, a conseguire un ruolo di rilievo sull’arena politica, per poter cambiare alcunché. […] noi donne eravamo attente, insicure, allegre, silenziose, confuse, allibite. […] Per i ragazzi era diverso […] perché allora i due mondi erano ancora inconciliabili, o, se non inconciliabili, separati. Eravamo figli di uomini e di donne che conducevano vite separate. I padri uscivano nel mondo, producevano reddito, le madri restavano a casa, addette alla organizzazione della sopravvivenza degli altri, alla socializzazione dei figli. Questo marchiava anche noi, anche se stavamo esplorando il mondo al di là delle barriere. I ragazzi ancora appartenevano, per oscuro diritto di genere, al privilegio dei padri, alla loro incontestabile superiorità. (p. 16)

10 Guardando a posteriori, si constata che l’uguaglianza era un miraggio, irraggiungibile, il che è comprovato dagli anni dell’attività politica. Non si possono invece contestare le conquiste del femminismo politico negli anni ’60 e ’70, la parità dei diritti e delle opportunità nel privato e nel pubblico. Abbiamo scoperto il piacere, ne abbiamo rivendicato una porzione equa, abbiamo rifiutato il mito dell’imene intatto da scambiare con l’eterna protezione maschile, abbiamo resa laica e peritura ogni forma di unione, abbiamo disgiunto il sesso dalla procreazione e poi il sesso dall’amore, e poi la procreazione dall’amore e l’amore da se stesso. Abbiamo trascorso gli anni più energici della nostra vita a ritagliare spazi, a scavalcare recinzioni, a definire e ridefinire instancabilmente i territori delle nostre libertà. (p. 36)

11 Tuttavia, raggiunta la libertà e la parità sessuale, le donne non sono riuscite a far cessare le disparità biologiche. La donna, sia quella fresca sia quella matura, ha uguale paura del tempo – scrive Ravera. L’età la segna. È sempre importante l’età che si ha: «Il tempo logora le donne le quali vivono costantemente nella paura di diventare meno donne. Gli uomini restano uomini anche da vecchi» (p. 17). Ecco con deprimente evidenza riaffiorare in concreto il pensiero della differenza sessuale. Non siamo uguali, donne e uomini, vorremmo pertanto che il mondo fosse diverso, diversificato, e i nostri diritti adeguati alle differenze che non si riesce a risolvere. Le note di sfiducia che si sentono tanto incisive sono un’espressione della presa di coscienza delle insidie, tuttora attuali, del femminismo egualitario contro cui ammoniva anni fa Lonzi. Allo stesso tempo Ravera ci fa capire che il mondo si avvia oramai verso la post-differenza che fa dileguare le divisioni tra i generi con l’indesiderata deriva sostanzialista che esse comportavano (per es. la presunta maggiore propensione delle donne a prestare cura teorizzata dalle pensatrici della differenza12). Finita l’epoca in cui si aveva bisogno di appartenere e di sentirsi appartenenti a un ceto, un gruppo, una categoria, un genere, i giovani e le giovani di oggi – leggiamo – non hanno nessun fenomeno collettivo che li tenga uniti da ricordarsi o in corso, non hanno fatto rivoluzioni – dice Ravera – ma sono stati agiti (agitati anziché agitatori!) dalla rivoluzione: quella informatica e dei mezzi di comunicazione. L’unica appartenenza pare la non appartenenza. L’unico loro progetto

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 117

è di stare bene. Non è più di moda il disagio mentale, il senso di disadattamento, essere in terapia da qualche santone junghiano, freudiano, lacaniano o misto. Cercare di stare bene, è un progetto a breve termine, oggi, domani, al massimo fino a giovedì. I giovani capiscono che il mondo fa schifo, ma non gli interessa cambiarlo: «Quello di cambiare il mondo era il vostro trip» – dice alla narratrice una ragazza ventenne (p. 131) – perché sentono di avere tutte le informazioni che vogliono e di essere liberi di scegliere. Sono più modesti e realistici dei sessantottini, tendono a non sopravvalutare se stessi, cercano di eliminare le ambizioni. Non azzardano grandi definizioni, ma disfano con gusto le definizioni altrui. Tipico atteggiamento afasico della generazione X, individui senza una vocazione, intorpiditi, incapaci di grandi emozioni, eterni bambini che non si rassegnano a diventare adulti. Costretti al presente, i nuovi ventenni presentati da Ravera si organizzano per godere come possono, come sanno; è lo stato del pianeta che condanna a vivere nel presente chi è, per età, in possesso di parecchio futuro, un presente che è un tempo dell’edonismo e dell’egofilia senza ostacoli. Dappertutto si sente predicare la centralità del tempo libero, della cura di sé. Divertirsi, lavorare poco e guadagnare molto, meglio ereditare che guadagnare, ecc.

12 L’egocentrismo, il rifiuto dei giovani di oggi di far parte di un gruppo sono la condizione del mondo della post-differenza per l’appunto, che sventa una volta per tutte ogni recidivo delle gerarchie contro cui il femminismo si è dall’inizio battuto. La differanza invece della differenza, perché si differisce all’infinito allontanandosi (anche nel tempo) sempre di più dal modello di partenza, dal se stesso di prima, dall’altro da sé adesso. La differenza, portata al grado assoluto.

13 Nonostante questi sviluppi positivi, rimangono dunque dei problemi duri da risolvere. Basti pensare ad alcune prerogative degli uomini negate alle donne. Ravera ne parla in due capitoli, intitolati rispettivamente «Le state giovani» e «Gli inossidabili». La differenza sessuale, in ultima analisi, si rivela decisiva quando gli esemplari di due generi maturano e invecchiano: allora vediamo che non esiste una donna a cui il tempo conferisca una patina pregiata e non banale. Il tempo non impreziosisce la bellezza femminile. Il maschio cinquantenne è invece un inossidabile: in genere dopo la prima moglie, la sua «ex-compagna che gli ciclostilava a fianco, si risposa con un’altra, una che all’epoca portava il grembiulino con le ochette ricamate» (p. 44). Anche l’obesità è un difetto perdonabile a un maschio e un ostacolo insormontabile nella carriera della donna. Si domanda Ravera, dopo aver constatato che Giuliano Ferrara da anni porta la sua corporatura di obeso sugli schermi delle televisioni e sul proscenio della carriera politica: «Quando mai una donna, intelligente e brillante come lui, ma anche altrettanto lontana dalla taglia 42, condurrà una trasmissione televisiva con durevole gradimento» (p. 49).

14 Insomma nei tempi dell’imperante omologazione di ruoli, funzioni sociali politiche e culturali, i giovani parlano oggi della libertà di scelta e dell’accesso all’informazione che è un fattore democratizzante decisivo. Ma non si accenna a rimuovere l’ineguaglianza tra le categorie generiche divise sempre con ostinazione, non più da fattori di natura culturale, bensì (horribile dictu!) naturale, biologica! L’identità generica ha a che fare con il corpo, mentre si pensava che una volta conquistata la libertà di parlare, di pensare, di scrivere, di filosofare, tutto si sarebbe risolto. Il baluardo della differenza (che nell’ultima Ravera è presentata come qualcosa da superare) restano l’età (che la scrittrice ha già eletto a tema del suo Né giovani né vecchi), un modo diverso di invecchiare con la conseguente perdita della femminilità, contrastata con il fascino

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 118

inscalfibile della mascolinità, e l’usus socio-culturale che ammette diversi standard del fisico a una donna e a un uomo. Al maschio sono consentite bruttezza, vecchiaia, trasandatezza, obesità, qualità che pregiudicano non solo il look, ma l’intera performance – quella pubblica e quella privata – di molte donne. Alle donne, dice Ravera, «non è riconosciuta dignità di spirito indipendente dallo stato dei loro corpi» (p. 49). La donna è ancora sempre il suo corpo. Un corpo sintomatico, ricoperto da una rete di significati che vi attribuiscono la cultura, la società, ma che figura sempre nella sua tangibile fisicità di corpo umano, o meglio corpo femminile. L’ultima Ravera sembra quindi vicina alle posizioni detenute dal post-femminismo statunitense (per es. da Camille Paglia13) per cui la donna resterà eternamente inferiore all’uomo proprio per motivi naturalistici, biologici. Mentre per Irigaray e per le pensatrici della Diotima il corpo della donna doveva costituire la fonte della scrittura, per Ravera il corpo e la fisiologia sono la fonte del tormento, il motivo dell’inferiorità reale in pubblico e in privato, qualcosa che non libera la donna, ma che la vincola. Ravera ci invita insomma a riflettere sul fatto che, anche se le giovani cui sembra di aver abolito le categorie e cancellato le distinzioni non se ne rendono conto, le « state giovani » sanno che la differenza sessuale, ce la portiamo addosso.

NOTE

1. Il vecchio femminismo egualitario (liberale) aveva un solo nemico da abbattere, il patriarcato, che voleva le donne subordinate in senso politico, sociale e culturale all’uomo, mentre donne e uomini sono uguali e devono godere di pari diritti. Si lamentava l’ineguale divisione del lavoro e del tempo libero, del lavoro rimunerato e non rimunerato, del tempo produttivo e riproduttivo – che era conseguenza non di un’esigenza naturale, bensì di un costrutto sociale. Maschile/ femminile sono categorie naturali, donna/uomo categorie costruite socialmente. La società è basata sui ruoli di genere preconfezionati. Il genere determina l’ineguaglianza e quindi dovrebbe essere rimosso dalle nostre considerazioni per cui tutto andrebbe diviso esattamente per metà, uguali, identiche. 2. Il pensiero della differenza sessuale sottolinea le importanti differenze tra donne e uomini, respinge l’idea di una società senza genere, e propone di sostituire «l’etica della giustizia» (basata sull’uguaglianza) con «l’etica della cura» vista come il necessario supplemento della giustizia. 3. Secondo Carol Lazzaro-Weis e Lucia Re, l’empirismo contraddistingue anche il femminismo statunitense, più conservatore per alcuni versi, ma più progredito per altri, in quanto pone enfasi sulle differenze non delle, ma tra le donne. In America è stato decisivo l’impatto delle teorie post- coloniali che hanno portato al post-femminismo. C. Lazzaro-Weis, The Concept of Difference in Italian Feminist Thought: Mothers, Daughters, Heretics, pp. 31-49, L. Re, Diotima’s Dilemmas: Authorship, Authority, Authoritarianism, pp. 50-74. Entrambi i saggi sono apparsi in Italian Feminist Theory and Practice. Equality and Sexual Difference, ed. G. Parati e R. West, Madison, Fairleigh Dickinson University Press, 2002. 4. Muraro si sarebbe ispirata a Simone Weil – con la sua teoria che la comunità ha bisogno di autorità, radici e obbedienza, di sottomissione, invece dell’indipendenza intellettuale dell’individuo, postulato viceversa da Hannah Arendt, cui si richiama Adriana Cavarero. Tu che mi

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 119

guardi, tu che mi racconti (1997) sigilla definitivamente la dipartita della Cavarero dalla Diotima sostituendo la nozione dell’identificazione di (e con il) gruppo con l’idea dell’unicità e irripetibilità di ogni individuo, spostando l’enfasi sulle questioni identitarie, sul soggetto e sulla narrazione che contribuisce alla formazione dell’identità. Segna in tal modo il proprio avviarsi verso le posizioni post-femministe sviluppate nell’area statunitense. 5. L’affidamento (ritenuto a tutt’oggi l’apporto più importante delle femministe italiane al femminismo globale) riafferma la natura sessuale (gendered) del pensiero e ridefinisce un legame in virtù del quale una donna (di solito più anziana) passa i saperi, l’esperienza e il potere a quella più giovane che si affida alla prima. Il concetto denota un rapporto tra mentrice-guida e una discendente-figlia che permette a quest’ultima di osservare che lo sviluppo e la maturazione possono seguire strade diverse da quelle della separazione e ostilità, indottrinamento e auto- annientamento. 6. Muraro difende la doppia obbedienza; nei confronti dei principi e della figura del leader, ma per eludere l’accusa del totalitarismo, spiega che nella Diotima si distingue nettamente il potere (che è maschile) dall’autorità (una caratteristica femminile), a cui le donne si sottomettono spontaneamente. 7. Prefazione dell’autrice all’edizione di Porci con le ali Oscar Mondadori del 1996, p. 7. 8. L. Ravera, Per funghi [1986], ora in Un lungo inverno fiorito e altre storie, Milano, Baldini & Castoldi, 2001, p. 41. 9. Basti ricordare il racconto di Dacia Maraini, Cinque donne d’acqua dolce (apparso nella raccolta Il pozzo segreto, Cinquanta scrittrici italiane presentate da M. R. Cutrufelli, R. Guachi, M. Rusconi, Firenze, Giunti, 1993) – in cui ciascuna delle donne che s’incontrano per parlare racconta la propria passata esperienza traumatica, l’infanzia sciupata da un padre o zio stupratore, la madre complice del maschio… 10. Lo si può osservare altresì nel racconto Un lungo inverno fiorito. Una madre anziana, ma sempre frivola, accoglie il figlio tornato da Long Island dove vive da anni, accorso per i funerali del padre. La protagonista che ha sempre guidato la macchina «per emancipazione», ora constata: «Non mi sono mai tirata indietro, lo sai, dal martirio delle conquiste femminili» (p. 61). 11. È Alexandra di La festa è finita (Milano, Mondadori, 2002): una ragazza che visse il ’68 e gli anni ’70 come una storia d’amore per Carlo, il caposciopero, l’affascinante eroe biondo. 12. Alla faccia della sfiducia generale, del disappunto per l’esito dell’attività femminista («nessuna scoperta, nessun equipaggio, nessun Vello d’oro» – Ravera cita in epigrafe una poesia di Emily Dickinson), Alexandra – l’infante cronica, l’eterea, la gnometta dei boschi; così la chiamano con supponenza gli amici, data la sua insostenibile ingenuità e bontà scambiate con stoltezza – vive ritirata nella solitudine, rifiuta gli ex-compagni, e si dedica, come volontaria, alla cura degli anziani, ai «Poveri Vecchi». Per Alexandra la festa grande è finita. Sarebbe ora di iniziarne delle piccole. 13. C. Paglia, Sexual Personae. Art and decadence from Nefertiti to Emily Dickinson, -New Haven, Yale University Press, 1990.

AUTORE

HANNA SERKOWSKA Université de Varsovie

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 120

Il fascino della differenza nell’identità (in crisi) dello scrittore, del critico, dell’intellettuale. Bazlen, Debenedetti, Benjamin nella narrativa italiana 1983-(2001)-2004

Luciano Curreri

Progetto

1 Nel mio intervento cercherò di evidenziare, con periodizzazioni e tematizzazioni generali e parche citazioni dai testi, il «ritorno narrativo» di alcuni uomini di cultura che incarnano – non solo in rapporto al sistema e al potere delle istituzioni (accademiche in specie) – una certa idea della differenza. Si tratta, innanzi tutto, di una differenza intellettuale, legata a tre personaggi dell’intellighenzia novecentesca il cui fascino, evocato nel titolo, è sostanzialmente postumo, ovvero rintracciato ed esaltato in morte, talora in seno a una letteratura come figura del feticcio1, e reso marginale in vita e come sdoppiato e fatto correre fra volonté de différence e rejet de la différence; poli problematici del convegno con i quali si chiudeva l’appel à communication di Alain Sarrabayrouse che ringrazio per l’invito, insieme a tutti gli amici e colleghi del GERCI.

2 Non mi sembra un caso che nella quête della narrativa italiana degli ultimi vent’anni si assista al ritorno di tali identità. Si tratta, infatti, di alter ego utili per cercarsi – è il caso di Bazlen, soprattutto – e in prospettiva per riaffermare anche l’importanza – è il caso di Debenedetti e Benjamin – dell’identità (in crisi) dello scrittore, del critico e, in genere, dell’intellettuale. Il contesto narrativo e critico in cui emergono questi alter ego è duplice: da un lato gli anni Ottanta, inizialmente segnati, come indicato da Benussi e Lughi, da esordi romanzeschi che producono un’immagine composita, sfocata, ipotetica, contraddittoria, «insolita» della nostra narrativa, spesso nutrita di saggistica e critica letteraria2; dall’altro, già alla fine di quel decennio, con Steiner, e poi lungo gli

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 121

anni Novanta, con la fortuna italiana di un suo libro3 e con Eco, abbiamo, in seno a un certo spirito apocalittico e a certi limiti, alcuni atti d’accusa nei confronti della scrittura critica e dell’interpretazione, o quanto meno della proliferazione dei commenti e della sovrinterpretazione4. Tale duplice contesto scivola infine nell’oggi, con la critica difesa quasi come una specie in via d’estinzione, con rilancio di limiti e confini5, e un romanzo, un racconto caratterizzato, anche in senso conoscitivo ed etico, dall’attrattiva delle cose ultime6.

3 Bisogna dire subito che l’attrattiva delle cose ultime, sulla quale si dovrà ritornare, non è da mettere direttamente in relazione al significato etico del titolo Della cosa ultima (2004) di Massimo Cacciari7 («ogni cosa è l’ultima proprio perché – in quanto dono, pura gratuità – è degna d’esistere nella sua contingenza»8). Forse, e piuttosto, è da relazionarsi a Ogni volta unica, la fine del mondo (2005) di Jacques Derrida, per il quale «la morte dell’altro [...] non è [...] la fine di questa o quella vita. La morte dichiara ogni volta la fine del mondo nella sua totalità»9.

4 In questo intervento, comunque, l’attrattiva delle cose ultime è, innanzi tutto e più semplicemente, un tratto tematico comune – connesso per più vie all’evocato fascino postumo – dei testi narrativi che ora vi cito seguendo le date di nascita (e di morte) dei tre intellettuali di cui in quei testi si seguono le tracce: Walter Benjamin (1892-1940) è nel romanzo L’angelo della storia (2001) di Bruno Arpaia; Giacomo Debenedetti (1901-1967) in Giacomino (1994) del figlio Antonio, riproposto nel 2002; Roberto Bazlen detto «Bobi» (1902-1965) in Lo stadio di Wimbledon (1983) di Daniele Del Giudice10.

5 Seguendo le date di nascita dei tre noti personaggi, potremo anche iniziare un viaggio all’indietro nella narrativa italiana degli ultimi vent’anni, notando tuttavia che i narratori e gli stessi testi narrativi disegnano, rispetto a quell’universo, un interessante iter cronologico – e doppiamente geografico, fuori e dentro i testi – da apprezzare subito in termini di generazioni e possibili periodizzazioni.

6 Abbiamo, dunque, Antonio Debenedetti nato a Torino nel 1937, a Roma nel 1949, Bruno Arpaia a Ottaviano, in provincia di Napoli, nel 1957; ma anche Lo stadio di Wimbledon (1983), con Trieste e Londra, Giacomino (1994), con molta Roma, ché «il mondo per Antonio Debenedetti ha soprattutto la forma di Roma»11, L’angelo della storia (2001), con molta Parigi.

Work in progress e periodizzazioni

7 Tengo a precisare che si tratta di un work in progress, principiato alcuni anni fa. Nel corso del 2002 ho cominciato a seguire le tracce di Bazlen, Debenedetti e Benjamin nel romanzo italiano, per una lezione fiorentina prevista nell’autunno 2003. Siccome fin d’allora era l’immagine complessiva a interessarmi e non proprio le vicende individuali, per di più intrecciate nel caso di Bobi e Giacomino, amici, come è noto, ero portato tendenzialmente ad evadere letture isolate dei singoli testi e a cercare piuttosto di abbozzare un tracciato relativo a circa un ventennio di narrativa italiana, fra il 1983 e il 2001, poi percorso anche in seno ad altri interessi (la guerra civile spagnola in Bruno Arpaia12) e via via compiuto con letture relative al 2002 – Tutto il ferro della Torre Eiffel (2002) di Michele Mari13 – ed esteso finanche per questa occasione, e un po’ al di là di modalità propriamente romanzesche, al 2004, con Il Novecento segreto di Giacomo

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 122

Debenedetti (2004) di Walter Pedullà14. Di qui la necessità di precisare ulteriormente, nel sottotitolo, i termini temporali di una ricerca in corso: 1983-(2001)-2004.

8 Si tratta dunque di un work in progress connesso all’oggi e a un ventennio ancora «aperto» ma che nasce proprio al limitare di quella che i citati Benussi e Lughi hanno indicato – anche col Pier Vittorio Tondelli (1955-1991) di Altri libertini (1980) ma prima del giovanilismo esasperato e della gioventù cannibale – come stagione significativa, in Italia, di un «romanzo d’esordio». Tale categoria è rintracciabile fra il 1975 e, per l’appunto, il 1983, attraverso ottanta testi tutti raccolti in seno al «romanzo alto, letterario, d’autore» e non di «genere (gialli, rosa...)»15 e tutti più o meno significativi, ma in cui paiono svettare, col senno di poi, e a un capo e all’altro del regesto, Piazza d’Italia (1975) di (1943) e Lo stadio di Wimbledon (1983) di Daniele Del Giudice (1949), dove si seguono per l’appunto le tracce di Roberto «Bobi» Bazlen. Certo, Benussi e Lughi passano anche per i tardi e significativi esordi di Gesualdo Bufalino (1920-1996), con Diceria dell’untore (1981), e di Umberto Eco (1932), con Il nome della rosa (1980), e non trascurano nemmeno, per i due poli dell’indagine, quelli di Stanislao Nievo (1928), con Un prato in fondo al mare (1975), e di Francesco Biamonti (1933-2004), con L’angelo di Avrigue (1983).

9 Ma questa è in gran parte, e in prospettiva, nell’alternarsi, soprattutto, tra anni Ottanta e Novanta, di tardi e precoci esordi, un’altra e forse più complicata storia. In seno, invece, all’esordio di Del Giudice, «nel mezzo del cammin di nostra vita», potremmo dire, e al dinamico contesto teso a guadagnare l’oggi che abbiamo rapidamente evocato e che via via preciseremo nei suoi possibili points d’ancrage, l’idea critica era, all’inizio, davvero semplice, forse e finanche ingenua: si trattava di selezionare un lettore flâneur, ovvero un personaggio affascinante proprio per la differenza e la libertà che incarna rispetto ai limiti dell’interpretazione, ai confini della critica; di quel lettore flâneur che può identificare subito Benjamin, ma anche Bazlen e in un certo senso pure Debenedetti; di quel lettore flâneur che dichiara ancora di preferire in una lettera a «ttL» del 13 agosto 2005, in risposta all’articolo di Andrea Cortellessa I romanzi non si leggono da soli, serve la mediazione del critico16, dedicato a tre recenti titoli di Romano Luperini, Mario Lavagetto, Giulio Ferroni sulla critica17; di quel lettore flâneur, infine, che forse più semplicemente mi fa pensare, con Emanuele Trevi e i suoi/ miei ricordi, «a quei lontani e ingenui anni Ottanta [in cui] il concetto di flâneur era molto in voga nei corsi accademici, e di conseguenza era un frequente argomento d’esame, in probabile concomitanza con la prima grande edizione integrale dei Passages di Benjamin pubblicata da Einaudi»18.

10 Dopo quella prima ipotesi di selezione, molto larga e discutibile, occorreva però specificare un minimo, guardando magari e rispettivamente, per Benjamin, Debenedetti e Bazlen, a un angelo, a un dandy e a «un uomo a cui piaceva vivere negli interstizi della cultura e della storia»19. Nei primi due casi, angelo e dandy sono formule celebri, più o meno evincibili da opere e vita e completabili con specificazioni, altrettanto note, quali «della storia» e «della letteratura», come, per esempio, fin dal titolo del romanzo di Arpaia20. Nel terzo, ovvio è il rinvio a Eugenio Montale – che ci ricorda che a Bobi non sarebbe piaciuto l’appellativo di intellettuale – e al suo Ricordo di Roberto Bazlen, apparso sul «» il 6 agoso 1965.

11 Un ricordo, quest’ultimo, che potrebbe finanche spingere la tematizzazione romanzesca di «Bobi» all’indietro, con gli anni Sessanta a far da ponte non per gli anni Ottanta ma per i Quaranta, dove troviamo tracce di Bazlen nel personaggio di Ans in

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 123

Manoscritto di Sebastiano Carpi. Non si tratta proprio di un romanzo ma di un documento, da leggersi in chiave autobiografica e impegnata, uscito nel 1948 e tuttavia redatto, come dice nella breve nota introduttiva l’autore21, fra il dicembre 1943 e il luglio 1944, «a Roma [...] sotto i tedeschi e i fascisti»; in quella Roma dove Bazlen approda nel 1939, senza più staccarsene. In questa prospettiva, l’iter basato sui tre intellettuali del Novecento potrebbe forse permettere di connettersi meglio con gli anni Trenta e attraversare poi sessant’anni di storia culturale italiana e europea, muovendo cronologicamente dall’ultima pagina di Manoscritto di Carpi, datata, per l’appunto, luglio 1944, e approdando a Il Novecento segreto di Giacomo Debenedetti di Pedullà, uscito nell’ottobre 2004.

12 Ma preferisco attenermi ai limiti indicati, sposando così anche quelli del Convegno, e, prima di procedere ad alcuni rilievi tematici e strutturali, voglio sottolineare e brevemente completare la significativa rappresentatività, nell’insieme, del quadro professionale (e, ripeto, intergenerazionale) degli autori citati, almeno in seno a un certo denominatore comune, quello della critica, e a un mondo delle lettere sempre più teso e diviso fra editoria (ma anche giornali, radio, televisione) e insegnamento, soprattutto ma non solo, in corso di carriera, di livello universitario: Pedullà, nato a Siderno, presso Reggio Calabria, nel 1930, è giornalista, critico militante e docente universitario; Debenedetti è giornalista e scrittore; lo stesso dicasi per Del Giudice, che però è anche un critico letterario, mentre Mari, nato a Milano nel 1955, è ancora un docente universitario, oltre che critico letterario e scrittore, e Arpaia è un traduttore (dallo spagnolo), oltre che giornalista, critico letterario e scrittore.

Tratti comuni, tematici e strutturali

13 Lidia De Federicis, in un fine articolo dedicato a Il rapporto fra vita e letteratura nella nuova narrativa italiana, apparso su «Belfagor» nel 200322, poi riproposto nel 2004 con l’aggiunta di un Dialogo con Massimo Onofri, vede agire oggi «in molti scrittori [...] l’attrattiva delle cose ultime», «la solitudine del morente», il «viaggio nei novecenteschi suicidi», la «sfida» di portare e tenere «in scena» la «morte». Una sfida giocata molto, come sottolinea Onofri, su un «un nuovo patto tra autore e lettore» fondato sostanzialmente sull’«extratesto, nella convinzione che la letteratura per la letteratura si riduca ad un giuoco in fondo fatuo»; un gioco che non può «garantire le stesse possibilità conoscitive ed etiche del racconto». Uno dei testi evocati dalla De Federicis in relazione a questi tratti è Un teologo contro Hitler. Sulle tracce di Dietrich Bonhoeffer (2002) di Eraldo Affinati (1956)23.

14 Tenendo presente che non si tratta di produrre confronti tra i protagonisti dell’extratesto e di argomentare sull’importanza di Bonhoeffer e Resistenza e resa (1943-1945) per la teologia e poi per esempio su quella di Benjamin e dei Passages (1935-1940) per la critica, vanno comunque poste due domande: il nostro percorso può approdare a un siffatto point d’ancrage ? Insomma possiamo provare a seguire le tracce di Bazlen, Debenedetti e Benjamin in Del Giudice, in Antonio Debenedetti, in Arpaia, o anche in Mari, Pedullà, puntando in quella direzione ?

15 Per quanto riguarda l’oggi, il 2000, sostanzialmente, di cui e da cui parlano De Federicis e Onofri, dobbiamo subito escludere, a scanso d’equivoci, quel Mari che fa un uso spregiudicato, «postmoderno» – certo ludico e collocabile, come è stato detto, «fra il sublime e il kitsch» – dell’intelletuale tedesco e dell’«ossessione della letteratura come

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 124

feticcio». Il testo di Mari, assolutizzando il vagabondaggio del flâneur perde la memoria di Benjamin in infinite invenzioni, in enumerazioni di irriconoscibili intellettuali e in una macchina narrativa che «rischia di girare a vuoto»24. Dobbiamo poi ribadire certe riserve avanzate su Arpaia proprio qui a Grenoble, un paio d’anni fa25. Del resto, quando L’angelo della storia appare in Francia, col titolo mutato in Dernière frontière, Lionel Richard, sul dossier del «Magazine littéraire» dell’aprile 2002, dedicato a Benjamin, commenta: «un roman qui n’est qu’une coquille bourrée d’artifice dans un bricolage conventionnel» [«Un romanzo che non è che un guscio pieno zeppo di artifici messi insieme in un bricolage convenzionale»].

16 D’altro lato è pur vero che certi tratti tematici comuni rinvenibili nelle opere di Daniele Del Giudice, Antonio Debenedetti, Bruno Arpaia, riguardano proprio «l’attrattiva delle cose ultime», «la solitudine del morente», il «viaggio nei novecenteschi suicidi», la «sfida» di portare e tenere «in scena» la «morte». E sono tutti tratti tematici che convergono, a mio avviso, verso quel fascino della differenza intellettuale esaltata in morte ma resa marginale in vita di cui si diceva in apertura.

17 Ovviamente, col senno e la tranquillità del poi, dopo il rejet de la différence, emerge sempre una volonté de différence. Ma oggi – e anche in un oggi un po’ più dilatato, quale è quello che cerchiamo di mettere a fuoco lungo un ventennio – tale volontà o, se volete, aspirazione, esigenza, sembra emergere certe volte a tal punto che descriverla e tematizzarla dall’esterno, in prospettiva, con distacco e/o con un narratore onnisciente, non basta più. Ecco perché, nel sempre più diffuso spirito di identificazione e di assimilazione, nutrito forse di un certo narcisismo, individuale e collettivo, fatto di personalità e di gruppi, o «nella fiducia accordata alla relazione (nel primato dell’intersoggettività messa in luce oggi da storici e antropologi)» in cui «tende forse a ricomporsi la crisi del soggetto novecentesco»26, ecco perché, dicevo, in una ricerca anche strutturalmente comune, condivisa, seppur secondo diverse modalità, lo scrittore «si dispone come personaggio, si mette in pagina» ed è protagonista o figura di contorno, è luogo o tramite delle testimonianze, vere e/o fittizie, o testimone tout court.

18 In tal senso, personaggio è Affinati, con tanto di foto, in Un teologo contro Hitler, ma lo sono anche, seppur in modi diversi, Arpaia in L’angelo della storia e Del Giudice in Lo stadio di Wimbledon. E sono tout court e allo stesso tempo personaggi e testimoni – e d’eccezione – Antonio Debenedetti e Walter Pedullà nei rispettivi testi, in relazione al padre e al maestro, Giacomino/Giacomo.

19 Di più. Il Novecento segreto di Giacomo Debenedetti è fitto di dialoghi, è intessuto di personaggi ed è un racconto per frammenti più che un saggio e in tal senso sposa la folgorante brevità del racconto, o del raccontare per frammenti e per intermittenze della memoria, che è già tipica di Giacomino dieci anni prima (e oggi, in parte, della conversazione con Paolo Di Paolo che dà vita a Un piccolo grande Novecento, 2005)27. E in questa prospettiva, al di là delle non poche differenze (e delle polemiche), l’allievo Pedullà cerca e sostiene la memoria di un personaggio e il dato tecnico, narrativo e frammentario, che la veicola già all’interno del romanzo del figlio.

Alcuni rilievi28

20 Nella prima pagina de Lo stadio di Wimbledon (1983) – in quell’abitacolo pubblico in movimento che è il treno, luogo che porta un viaggiatore solitario ed eccentrico nel

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 125

fuori del mondo e degli incontri e che ci fa venire in mente un altro incipit di romanzo «triestino», ovvero La dura spina (1963) di Renzo Rosso29 – subito lo scrittore si dispone come personaggio, si mette in pagina con un risveglio «dopo un sonno breve», un risveglio difficile che è anche e ovviamente metaforico: «Ho cominciato solo ascoltando […] Ho aperto gli occhi e forse non ero pronto» (p. 3). Un risveglio simile, ma più problematico, caratterizza l’incipit di Giacomino (1994) di Antonio Debenedetti, il figlio che rivendica il suo punto di vista, dentro e fuori il testo, ribellandosi «proprio all’intelligenza e bravura di Giacomino» (p. 245) e, al di là del «consenso postumo» (ibid.), ritrovando il «venerato e un po’ misterioso genitore» in virtù del suo mettersi sulla pagina con lui in un «In principio era il risveglio» (p. 7). Sottratto al sonno e al risveglio è invece Benjamin, fin dall’inizio, con la fuga da Berlino, e quasi costantemente ne L’angelo della storia (2001) di Arpaia, che ne raccoglie notizie in Messico grazie a un «io» che incontra un esule della guerra civile spagnola; sottratto al sonno e al risveglio nel romanzesco forse un po’ come nel percorso biografico la tensione alla felicità è continuamente messa in scacco dalla sconfitta e dall’oscurità dell’epoca storica30.

21 Fra un polo e l’altro, è possibile comunque seguire, rapidamente, nei tre testi narrativi, «l’attrattiva delle cose ultime» e il «viaggio nei novecenteschi suicidi»: con Benjamin che effettivamente si suicida il 25 settembre del 1940, a Port Bou, paesino vicino al confine franco-spagnolo (pp. 251-254), mentre all’ultimo momento tenta di sottrarsi a una Francia nazista, pericolosa per tutti ma molto di più per un tedesco di origine ebraica allontanatosi già da Berlino nel 1933, ancora e quasi all’ultimo momento; con Debenedetti la cui «morte rassomiglia a un suicidio» (triste refrain de Il Novecento segreto di Giacomo Debenedetti di Pedullà)31.

22 Ma, al di là del dato del suicidio, più o meno o non frequentabile, è possibile seguire «la solitudine del morente» e la «sfida» di portare e tenere «in scena» la «morte». Solitudine e sfida che comprendono anche il luogo per eccellenza, specie per critici e scrittori, in cui la morte – insieme anche alle guerre, alle catastrofi, alle fini del mondo che la provocano – viene differita, ovvero la biblioteca, pubblica e/o privata. Ne Lo stadio di Wimbledon, subito Del Giudice suggerisce: «La biblioteca è protettiva, potrei restare qui, dove si trasforma il molto in poco» (p. 10); in Giacomino, negli ultimi anni di guerra, il critico protagonista «percorrendo ogni giorno un incerto sentiero in mezzo ai prati, raggiungeva a piedi la bella villa e la biblioteca di Pietro Pancrazi. E qui, fumando tutto quello che trovava […] aspettava la libertà studiando e scrivendo di Vittorio Alfieri» (p. 102); ne L’angelo della storia, all’inizio, Benjamin, in viaggio verso Parigi, «con sé portava un paio di valigie piene di libri, dattiloscritti e appunti più che di vestiti, ma la sua biblioteca, quella che gli serviva per il suo lavoro, era stato costretto a lasciarla lì in Germania» (p. 14), ma poi, giunto a Parigi, approda alla Bibliothèque Nationale e a una «scrivania» che diventa la sua «linea Maginot» (p. 136).

23 Insomma, una resistenza intellettuale e solitaria, ma a suo modo impegnata, quella di Walter Benjamin, «in disparte […] estraneo alle lotte», con l’attesa della fine e «l’accoglienza catastrofica» del «saggio» – «oggi […] forse la sua opera più nota» – «sull’Opera d’arte nell’epoca della sua riproducibilità tecnica» (p. 27 e 29); come lo è anche quella di Debenedetti, con un’«agonia accompagnata dai fantasmi del fallimento e del dubbio» (p. 197). Entrambi, poi, come il Bazlen che si cela nello scrittore che si dispone come personaggio e che fa ricerca in biblioteca ne Lo stadio di Wimbledon, trasformano spesso «il molto in poco», eccellendo nell’arte del saggio, della nota critica, della

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 126

recensione e della lettera, del frammento, forse dei racconti critici, come è stato detto per Debenedetti. E forse si tratta di una scelta generazionalmente estesa, fra anni Novanta dell’Ottocento e alba del nuovo secolo, per accordarsi e insieme per reagire a un mondo fatto a pezzi, favorendone, a livello interpretativo, conoscitivo ed etico, una ricostruzione meno monolitica e autoritaria.

NOTE

1. A. Barbero, «La letteratura come feticcio. Benjamin e il nano malefico», L’Indice, 1, 2003, p. 8. Per un certo uso del termine fascino, U. Volli, Fascino. Feticismi e altre idolatrie, Milano, Feltrinelli, 1997, pp. 8 e seguenti. 2. C. Benussi e G. Lughi, Il romanzo d’esordio tra immaginario e mercato, Venezia, Marsilio, 1986. Di «insolito libro» parla Calvino nella Nota di quarta di copertina di D. Del Giudice, Lo stadio di Wimbledon, Torino, Einaudi, 1983. 3. Da sottolineare subito, almeno in nota, che l’input straniero ora evocato a livello critico – ovvero Real presences (1989) di Steiner, volume che ha larga influenza in Italia (trad. it. di C. Béguin, Vere presenze, Milano, Garzanti, 1992), viene ristampato ne «Gli Elefanti» nel 1998 e nel 1999, e citato come esempio già dal Ferroni di Dopo la fine (Torino, Einaudi, 1996) e dal Luperini di Controtempo (Napoli, Liguori, 1999) – ha un suo significativo corrispettivo romanzesco nella parabola creativa dello stesso Steiner, con Proofs, che insegue un altro grande ma diverso personaggio della critica novecentesca, italiana ed europea, Sebastiano Timpanaro (1923-2000), e che esce non a caso nel 1992, con titolo Il correttore (Milano, Garzanti), tre anni dopo l’edizione inglese di Real presences, ma quasi in concomitanza con l’edizione italiana, Vere presenze, che, ripetiamolo, è proprio del 1992. 4. Vedi, per U. Eco, I limiti dell’interpretazione, Milano, Bompiani, 1990 e Interpretation and overinterpretation, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, trad. it. di S. Cavicchioli, in Interpretazione e sovrainterpretazione, un dibattito con R. Rorty, J. Culler e C. Brooke-Rose, a cura di St Collini, Milano, Bompiani, 1995. Su Steiner ed Eco, in relazione al problema dell’interpretazione ma soprattutto a quello, assai legato, della traduzione, mi si permetta di rinviare a L. Curreri, «Pensieri sulla critica della traduzione e sulla sua ricezione», Palazzo Sanvitale, 15-16, 2005, pp. 174-189. 5. Vedi nota 16. 6. Potremmo amplificare in nota suggerendo che più si diffonde, nell’immaginario e nel mercato, l’idea di essere di fronte al tramonto di un’epoca, l’epoca storico-critica del commento, fatta di ideologie e di etica (professionale ma anche trascendentale), più mi sembra di poter assistere a un certo «ritorno narrativo» di un insieme di uomini di cultura che il mio titolo presenta e sintetizza provvisoriamente in seno al fascino della differenza nell’identità (in crisi) dello scrittore, del critico e dell’intellettuale. 7. M. Caciari, Della cosa ultima, Milano, Adelphi, 2004. 8. I. Bertoletti, «Prima della nozione di Dio», L’Indice, 11, 2004, p. 28. 9. J. Derrida, Ogni volta unica,la fine del mondo, Milano, Jaca Book, 2005. 10. B. Arpaia, L’angelo della storia, Parma, Guanda, 2001; A. Debenedetti, Giacomino, Milano, Rizzoli, 1994 e poi Venezia, Marsilio, «Tascabili Narrativa», 2002; D. Del Giudice, Lo stadio di Wimbledon, op. cit.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 127

11. S. Perrella, «Il suono della sabbia», L’Indice, 10, 2005, p. 12, che recensisce A. Debenedetti, E fu settembre, Milano, Rizzoli 2005. 12. L. Curreri, Tra Madrid e Guernica. Guerra civile spagnola e città ferite nella narrativa italiana (1996-2002), Cahiers d’études italiennes. Novecento... e dintorni, 1, a cura di Ch. Mileschi, Grenoble, ELLUG, 2004, pp. 175-202; in particolare pp. 195-200. È dello stesso il volume Le farfalle di Madrid. «L’antimonio», i narratori italiani e la guerra civile spagnola, Roma, Bulzoni, 2006. 13. M. Mari, Tutto il ferro della Torre Eiffel, Torino, Einaudi, 2002. Ma Benjamin affiora una volta anche in A. Tabucchi, Tristano muore. Una vita, Milano, Feltrinelli, 2004, p. 108: «… la Storia è una creatura glaciale, non ha pietà di niente e di nessuno, quel filosofo tedesco che si suicidò in una pensioncina di confine fuggendo da Franco e da Hitler e da tutti e forse anche da se stesso aveva riflettuto troppo su questa dama priva di pietà che gli uomini corteggiavano invano, non gli deve aver giovato… nelle sue riflessioni scrisse che davanti al nemico, se vince, neanche i morti saranno al sicuro…». Mi sia concesso rinviare a L. Curreri, «La sfida di non farsi leggere. Appunti intorno a “Tristano muore” (2004) e “Alla cieca” (2005)», in A. Barwig, Th. Stauder, Intellettuali italiani del secondo Novecento, Oldenbourg, Verlag für deutsch-italienische Studien (in corso di stampa). 14. W. Pedullà, Il Novecento segreto di Giacomo Debenedetti, Milano, Rizzoli, 2004. 15. C. Benussi e G. Lughi, Il romanzo d’esordio tra immaginario e mercato, op. cit., p. 11. 16. A. Arbasino, Preferisco il lettore flâneur, «ttL», 1476, 2005, p. 1; A. Cortellessa, I romanzi non si leggono da soli, serve la mediazione del critico, «ttl», 1475, 2005, p. 3. 17. Più esplicitamente: più G. Steiner (1929) denuncia, a partire da Real presences (1989), l’inflazione della critica, dei discorsi secondari, più U. Eco fissa I limiti dell’interpretazione (1990), più i recenti e, ognuno a suo modo, diversi I confini della critica (Napoli, Guida, 2005) di G. Ferroni (1943), l’Eutanasia della critica (Torino, Einaudi, 2005) di M. Lavagetto (1939) e La fine del postmoderno (Napoli, Guida, 2005) di R. Luperini (1940), cercano di diffondere il bisogno e finanche il rispetto di strumenti di lettura adeguati contro «una glassa di metadiscorsi», che non è poi così «d’improvviso avvertita come soffocante», secondo il giudizio un po’ appiattito sul presente di Cortellessa (1968), più si assiste al ritorno di un lettore flâneur nel romanzo. 18. E. Trevi, «“Il flâneur” (un po’ malinteso) di », Alias, 28, 2005, p. 18. Il rinvio interno è a W. Benjamin, Parigi, capitale del XIX secolo. I «passages» di Parigi, a cura di R. Tiedemann, Torino, Einaudi, 1986 (ed. or. Das Passagen-Werk, Frankfurt am Maim, Suhrkamp, 1982). Ora in Opere complete, IX, I «passages» di Parigi, Torino, Einaudi, 2000. 19. E. Montale, «Ricordo di Roberto Bazlen», Corriere della sera, 6 agosto 1965, poi in I. Svevo e E. Montale, Carteggio. Con gli scritti di Montale su Svevo, a cura di G. Zampa, Milano, Mondadori, 1976, pp. 145-147. 20. È uscito nel 2003, in traduzione italiana, con titolo Pessimismo culturale, dal Mulino di Bologna, un saggio di Oliver Bennet, centrato sulla vocazione apocalittica degli intellettuali; in relazione alla quale possiamo passare, per esempio, da Spengler, quello del Tramonto dell’Occidente (1918), alla Scuola di Francoforte e a Benjamin, per l’appunto, e al suo angelo, paralizzato dalla visione del passato, di cui ci parla nella nona tesi delle Tesi di filosofia della storia, redatte nella primavera del 1940. Di fronte al mondo moderno, all’accumulo di eventi che si suole chiamare progresso resta agghiacciato persino l’Angelus Novus di Klee che è l’apice e il nucleo più celebre delle diciotto tesi e che Benjamin interpreta allegoricamente come L’angelo della storia – da cui il titolo di Arpaia. Ma in Arpaia c’è poco che possa, con non troppa ovvietà, vitalizzare la nota parabola dell’angelo e di Benjamin. Sentite Benjamin (e poi al limite Arpaia): «L’angelo della storia […] Ha il viso rivolto al passato. Là dove davanti a noi appare una catena di avvenimenti, egli vede un’unica catastrofe, che ammassa incessantemente macerie su macerie e le scaraventa ai suoi piedi. Egli vorrebbe ben trattenersi, destare i morti e riconnettere i frantumi. Ma dal paradiso soffia una bufera, che si è impigliata nelle sue ali, ed è così forte che l’angelo non può più chiuderle. Questa bufera lo spinge inarrestabilmente nel futuro, a cui egli volge le spalle, mentre

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 128

cresce verso il cielo il cumulo delle macerie davanti a lui. Ciò che noi chiamiamo il progresso è questa bufera» (Sul concetto di storia, a cura di G. Bonola e M. Ranchetti, Torino, Einaudi, 1997, pp. 35 e 37; cf. G. Schiavoni, Walter Benjamin. Il figlio della felicità, Torino, Einaudi, 2001, pp. 377-379). Le Tesi, oggi disponibili in varie versioni dattiloscritte, sono recapitate solo nel giugno 1941 all’Istituto di ricerche sociali di Los Angeles, dove Adorno le riceve grazie a Hannah Arendt, a cui Benjamin le aveva affidate, a Marsiglia, insieme ad altri suoi scritti, poco prima di varcare illegalmente la fontiera con la Spagna. Nella finzione di Arpaia (L’angelo della storia, op. cit.) a recapitare il plico è il combattente per la libertà, l’uomo d’azione, poi più anonimo contrabbandiere, che in una veste o nell’altra ha la fortuna di incontrare Benjamin e tutti i «grandi», scrittori, intellettuali, che passano per la frontiera spagnola (a partire da Machado, ovviamente: «E quel signore anziano? Ma sì era proprio lui, era Machado… Don Antonio si appoggiava al braccio del fratello […] scesi dal camion con un solo balzo. “Don Antonio…” gridai, ma lui non mi sentì e io dal camion con i documenti e i soldi non mi potevo allontare più di tanto», p. 81). 21. S. Carpi, Manoscritto, Torino, Einaudi, 1948, pp. 7-8, seguita dall’elenco de Le persone principali a p. 9, dove Ans è descritto subito come «amico, molto più anziano, di Sebastiano». 22. L. De Federicis, «Il rapporto fra vita e letteratura nella nuova narrativa italiana», Belfagor, 347, 2003, pp. 582-588; poi raccolto, sotto il titolo Il filo della voce e l’aggiunta di un Dialogo con M. Onofri, in Del raccontare. Saggi affettivi, San Cesario di Lecce, Manni, 2004, pp. 41-52. Citazioni seguenti rispettivamente da pp. 583-584 e 51. 23. E. Affinati, Un teologo contro Hitler. Sulle tracce di Dietrich Bonhoeffer, Milano, Mondadori, 2002. 24. A. Barbero, La letteratura come feticcio. Benjamin e il nano malefico, op. cit. 25. L. Curreri, Tra Madrid e Guernica. Guerra civile spagnola e città ferite nella narrativa italiana (1996-2002), op. cit. 26. L. De Federicis, Il rapporto fra vita e letteratura nella nuova narrativa italiana, op. cit., p. 586, anche per la citazione seguente. 27. A. Debenedetti, Un piccolo grande Novecento. Conversazione con Paolo Di Paolo, Lecce, Manni, 2005. 28. Se non altrimenti indicato, faccio seguire alle citazioni nel testo il numero di pagina in parentesi, riferendomi alle edizioni sopra citate, la prima, di Einaudi, per Del Giudice, quella di Marsilio invece per Debenedetti, e ancora la prima, di Guanda, per Arpaia. 29. Vedi L. Curreri, Fra solitudine ed eccentricità: alcuni percorsi della «marginalità» ne «La dura spina» di Renzo Rosso. Appunti «in magine» a un incipit romanzesco del 1963, in AA.VV., Letteratura e marginalità, a cura di A. Neiger, Trento, New Magazine, 1996, p. 89-119. 30. Vedi G. Schiavoni, Walter Benjamin. Il figlio della felicità, op. cit. 31. W. Pedullà, Il Novecento segreto di Giacomo Debenedetti, op. cit., pp. 12 e 210, esemplificative per inizio e fine ma l’osservazione ritorna in molti altri luoghi del testo.

AUTORE

LUCIANO CURRERI Université de Liège

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 129

Gendarmes et voleurs à l’heure de la globalisation dans les romans noirs de Massimo Carlotto

Lise Bossi

1 Con l’arrivo delle organizzazioni straniere è cambiata la malavita e sono cambiati anche sbirri e giudici. Nemmeno loro rispettano più le regole. M. CARLOTTO, Il corriere colombiano.

2 Si l’on en croit les quatrièmes de couverture de ses detective’s story – celles-là-mêmes qui nous intéressent et qui ont l’Alligatore comme protagoniste1 – Massimo Carlotto, serait l’initiateur, en Italie, d’un nouveau type de giallo, proche du roman noir américain. On pourrait, en effet, relever de nombreux points de contact, qu’il s’agisse de la structure, du ton, du milieu ou de la caractérisation des personnages, qui confirment amplement ce jugement. Un seul de ces éléments nous intéresse cependant ici : l’accent qui est mis, dans le roman noir, sur le statut de l’autre, que son altérité soit géographique – voire ethnique –, sociale ou politique.

3 Pour que notre propos soit clair, il nous faut commencer par une brève histoire du roman policier, envisagée selon cette optique un peu inhabituelle mais qui ouvre des pistes de lecture et d’analyse utiles à la compréhension des ouvrages de Carlotto et à l’appréhension des modifications qu’il fait subir aux canons du genre.

4 Au commencement – si on laisse de côté le roman à énigme, fondé sur les mécanismes de causalité chers au positivisme, qui ressortit plutôt au jeu intellectuel –, le roman policier était, dans ses présupposés mêmes, le lieu littéraire du rétablissement de l’ordre et de l’état de droit. En effet, un récit sera qualifié de « policier » non parce qu’il met en scène un représentant de la police, mais parce que la sauvegarde de la Polis et de ses lois à travers la recherche et la punition du ou des coupables d’un délit est à la fois l’objet et le moteur de l’enquête qui est le sujet du récit. On peut donc considérer que, lors de sa naissance au dix-neuvième siècle, ce produit dérivé de la rationalité positiviste avait pour but ultime de représenter la restauration de la justice grâce à une sorte d’épiphanie de la vérité. Comme la justice était celle de la classe bourgeoise

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 130

dominante dans la vieille Europe, on peut dire que, s’il y avait une stigmatisation de l’autre à ce stade de formation du genre, la définition de cette altérité reposait éventuellement, mais pas nécessairement, sur une démarcation politique et sociale mais surtout sur des considérations éthiques – même si la définition du Bien et du Mal a toujours été inséparable du contexte politique et social où elle est élaborée.

5 La mutation qui va rapprocher « l’autre » du centre des préoccupations des auteurs et des lecteurs de romans policiers va avoir lieu aux États-Unis. À vouloir résumer les choses en adoptant le regard qui semble être le leur, il apparaît qu’à la fin du dix- neuvième siècle et surtout au début du vingtième, l’ordre instauré par les héritiers des pères fondateurs est perturbé par l’afflux de hordes d’émigrés, pour la plupart sans foi ni loi, outre que sans le sou. Attirés par l’appât du gain et obéissant à des codes connus d’eux seuls à l’intérieur des ghettos où ils se regroupent spontanément pour continuer à vivre selon les coutumes souvent barbares de leurs pays d’origine, ces étrangers n’ont aucun respect pour les règles et les lois qui régissent le pays qui les accueille si généreusement. Pis encore, loin de tenter de s’intégrer, ils sont mêlés à toutes sortes de trafics et les plus dangereux d’entre eux constituent des associations criminelles qui mettent en péril la société tout entière. Pour parvenir à leurs fins, ces mafias communautaires n’hésitent pas à pervertir les plus faibles et les plus influençables parmi les représentants de la loi et sont donc la cause de la corruption d’une partie de la police, voire de certains membres du système judiciaire. Heureusement, face à eux se dressent d’incorruptibles défenseurs de la loi ou, à défaut, une catégorie un peu marginale de citoyens qui a fait de la recherche de la vérité son métier et de la restauration de la justice son credo, par conviction ou par nécessité : les détectives privés, héros de cette nouvelle tendance au sein du genre policier qu’est le roman noir américain de l’entre-deux guerres et, plus particulièrement, de l’après-Grande-Crise. Car rien de tel que les crises, surtout si elles sont économiques, pour que les autres paraissent plus autres encore et pour que la moindre différence les transforme en êtres nuisibles contre lesquels la société a le droit et le devoir de se défendre.

6 Les mêmes causes produisant les mêmes effets, positivisme et déterminisme obligent, la prospérité de l’Europe réconciliée et triomphante de l’après-deuxième-guerre mondiale a elle aussi attiré de nombreux étrangers, pour la plupart issus des anciennes colonies, qui ont trouvé à s’employer dans une industrie dopée par la reconstruction puis par l’épanouissement du capitalisme libéral. En Italie, la croissance a d’abord ralenti puis stoppé une émigration économique désormais séculaire et a favorisé, faute de décolonisés, l’afflux d’immigrés intérieurs. Venue des régions les plus rurales et les plus pauvres, particulièrement du Sud, cette main d’œuvre bon marché, sous-qualifiée et sous-politisée, a été la bienvenue dans les métropoles industrielles du Nord où elle a remplacé les agitateurs communistes et leurs complices syndicalistes qui voulaient leur part du « miracle économique » au début des années Soixante. Hélas, comme leurs parents et leurs grands-parents lorsqu’ils émigrèrent vers le nouveau monde, ces Siciliens, Calabrais et autres Napolitains, se sont empressés de contaminer les honnêtes, laborieuses et industrieuses sociétés septentrionales avec leurs pratiques clientélistes et mafieuses qu’une commission parlementaire instaurée en 1962 s’est chargée de réprimer2. Ils ont en outre, tels de nouveaux Sacco et Vanzetti, adhéré massivement à des mouvements extrémistes et anarchistes, appelés Potere Operaio, Potere Studentesco ou Lotta Continua, dont le but à partir de l’automne 1969 – l’autunno caldo – a été d’ébranler

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 131

les fondements de l’ordre politique et économique établi grâce à l’aide bienveillante des États-Unis d’Amérique.

7 On n’est pas loin ici des conditions qui ont favorisé l’émergence du roman noir aux Etats-Unis. Mais comme ce sont particulièrement des Italiens du Sud qui sont perçus par d’autres Italiens comme des éléments corrupteurs, c’est un autre type de roman policier qui va naître, à l’initiative d’écrivains comme Sciascia, un méridional lui aussi. Un auteur qui, au lieu de dénoncer les méfaits de ses compatriotes, va essayer de jeter l’opprobre sur les hommes politiques de tous bords en prétendant que la ligne du palmier est remontée vers le Nord et en dénonçant ce qu’il appelle des collusions entre le pouvoir, la mafia et même l’Église.

8 Heureusement, il reste encore en Italie, dans l’administration, l’armée et les services secrets, des hommes aux valeurs inébranlables, soucieux de défendre – fût-ce le glaive3 à la main – la Nation contre les dérives de l’État néo-transformiste en éliminant ces corps étrangers, géographiquement ou politiquement ; et ce, avec les moyens les plus efficaces voire les plus extrêmes, afin de protéger la société italienne contre les contempteurs de la propriété privée, de la famille, de la morale et de la religion.

9 C’est justement à l’occasion d’une descente conduite par des membres zélés de la police que le héros de Massimo Carlotto, alors chanteur de blues, est raflé en même temps que l’inconnu à qui il a imprudemment donné l’hospitalité. Et c’est pour avoir refusé de payer le prix de cette imprudence – en l’occurrence accepter de reconnaître certaines personnes sur certaines photographies – que ce jeune homme passe sept ans dans les prisons les mieux équipées du pays où l’on redresse les fortes têtes de son espèce. Il y rencontre les délinquants et les marginaux qui deviennent ses fréquentations favorites quand, après sa libération, il utilise ses connaissances dans le milieu pour devenir détective privé, spécialiste des affaires qui nécessitent un certain doigté et une conception élastique de la légalité. Dès lors, il se fait appeler Alligatore et ses clients trouvent qu’il semble sorti d’un film policier des années Quarante4 – ce qui vaut mieux, pensent certains, qu’être un « ex musicista blues sciroccato e bevuto che fa l’investigatore perché è andato fuori di testa in galera5 ». Ces associés ne valent pas mieux que lui. Il s’agit du truand Beniamino Rossini « uno degli ultimi rappresentanti della vecchia malavita milanese6 » doté d’un « suo assurdo senso dell’onore da gangster vecchio stampo7 » et de l’agitateur latitante Max la memoria, « che si occupava di controinformazione per un gruppo della sinistra extraparlamentare » et qui, après avoir été « donné » par des pentiti, est devenu « un cane sciolto che usa quello che sa ai fini di una strategia tutta personale : vende o regala informazioni solo se l’uso che ne viene fatto coincide con i suoi disegni politici8 ».

10 De cette première prise de contact avec les personnages, il ressort que les trois enquêteurs principaux sont du mauvais côté de la barrière qui devrait normalement séparer les représentants de la loi et les délinquants. Ils remplissent cependant des missions qui font d’eux les défenseurs de la justice et de la vérité9, même si leur légitimité est parfois contestée. Un tel changement d’état ou de polarité n’est pas exceptionnel mais va être pour Carlotto l’occasion de toute une série de bouleversements des codes narratifs du roman policier et de renversements de perspective en cascade.

11 La première conséquence visible d’un tel choix, c’est que la malavita peut ainsi être examinée de l’intérieur, du point de vue du protagoniste-narrateur. Cela permet ensuite à Carlotto de corser la nature des enquêtes, qui sont le plus souvent confiées à

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 132

ses détectives par des avocats dont les clients sont en délicatesse à la fois avec la police et avec la pègre10. Le statut ambigu des enquêteurs leur permet enfin et surtout de servir de passerelle entre les deux mondes : parce qu’ils sont autres, ils peuvent évoluer à l’aise dans le Milieu, dont ils connaissent les règles et dont ils emploient parfois les méthodes, et le monde des honnêtes gens qui, a priori du moins, ignore tout des activités illégales. Leur force tient, en somme, à ce qu’ils connaissent et respectent à la fois les codes de la malavita et le code pénal11.

12 Assez rapidement cependant, ce bel équilibre est compromis par une nouvelle donne politique : la chute du mur de Berlin et l’effondrement du bloc soviétique font se déverser sur la vieille Europe un flot d’émigrés. En Italie, Albanais, ex-Yougoslaves, Russes, telles des sauterelles, se jettent sur les voisines et prospères régions du Nord- Est. Comme jadis les émigrants aux États-Unis, ils apportent avec eux leurs réseaux criminels et ne reconnaissent pas d’autre loi que celle du plus fort. Longtemps endogène et liée à l’action corruptrice des Méridionaux sur la vie politique et économique nationale, la délinquance dans la péninsule redevient donc exogène. Du coup, les conditions qui ont favorisé l’émergence du roman noir américain dans les années 1920-1930 se trouvent à nouveau réunies dans l’Italie de la fin des années 1980 et des années 1990.

13 De fait, les romans de Carlotto décrivent les conséquences, sur les paisibles provinces du Nord-Est, de l’irruption de cette nouvelle criminalité qui fait des anciens délinquants à la mode de Rossini, attachés à toutes sortes de règles et de codes d’honneur, des objets de musée. On voit ici que le choix de ce gangster comme bras droit de l’Alligatore n’a rien de gratuit et qu’il correspond à une cohérence interne : il fait d’autant mieux ressortir la nature délétère, jusqu’au sein de ce secteur bien particulier et restreint qu’est la délinquance, de l’arrivée massive d’étrangers dans une société policée et respectueuse des lois, qu’il s’agisse de celles des « regolari » comme Rossini les appelle ou de celles du milieu12.

14 Leur incivilité rend manifeste l’énorme déficit moral des pays de l’Est par rapport à la société italienne et aux sociétés occidentales en général et elle est une démonstration supplémentaire des méfaits du communisme. En effet, là-bas, mafieux mais aussi policiers, douaniers, miliciens et militaires corrompus, sont non seulement trafiquants d’armes, contrebandiers ou proxénètes mais n’hésitent pas à traiter les plus faibles de leurs compatriotes et les autres émigrés économiques comme des marchandises, ni à se débarrasser de leurs concurrents sans autre forme de procès13. Et leurs trafics engendrent de tels profits que les délinquants locaux – et Rossini lui-même – doivent bien se résigner à travailler avec eux en s’adaptant à leurs façons de procéder peu orthodoxes ou à combattre ces concurrents déloyaux14.

15 Face à cette situation particulièrement dangereuse pour l’ordre public, police et magistrature sont contraintes d’adopter de nouvelles méthodes à base de tractations avec ces mêmes délinquants locaux15 – qui se voient promettre, grâce à la généralisation du pentitismo, des remises de peine ou l’immunité en échange d’informations sur les nouveaux réseaux étrangers – mais aussi à base de désinformation et de manipulations.

16 Comme on le voit, les conséquences de l’importation incontrôlée de ces façons de faire différentes et de ces produits exotiques sont considérables, mais leurs effets pervers sur les divers secteurs de la société italienne ne s’arrêtent pas là : non seulement la délinquance locale modifie ses comportements contraignant ainsi la police à adopter,

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 133

bien malgré elle, des méthodes expéditives ou douteuses, mais d’honnêtes entrepreneurs et des personnalités respectables se laissent à leur tour tenter par les gains faciles et se lancent dans toutes sortes de fraudes et de trafics illégaux16.

17 Heureusement, une telle situation n’a pas que des effets négatifs : grâce à l’apport de la main d’œuvre à bas prix que sont les émigrés plus ou moins clandestins, la compétitivité et la rentabilité de secteurs entiers de l’économie se trouvent accrues et permettent une expansion considérable des entreprises du Nord de l’Italie17. C’est du moins ce qui peut ressortir d’une lecture hâtive des romans de Carlotto, tellement hâtive que nous doutons que ses lecteurs assidus aient pu en reconnaître le sens véritable. Car il y a, bien évidemment, une autre lecture et d’autres conclusions à tirer de la critique sans concessions qu’il fait de la société italienne à travers les enquêtes de l’Alligatore. En effet, si nous reprenons maintenant notre analyse au point de départ, c’est-à-dire à cette position particulière de l’enquêteur, à cheval entre deux mondes – le monde supposé légal où évoluent des citoyens au-dessus de tout soupçon ayant pignon sur rue et le monde interlope des pregiudicati, des libérés sur parole et autres gibiers de potence –, mais depuis l’autre point de vue, à partir de ce renversement de perspective qui brouille la distribution des rôles convenus en confiant la recherche de la vérité et la restauration de la justice à ceux qui sont de l’autre côté, du mauvais côté a priori, tout change. Car un tel renversement peut aussi être – et est effectivement – métaphorique : il suggère au lecteur de changer lui aussi de côté pour voir les choses autrement. En effet, en effaçant ainsi la frontière entre ces deux mondes Carlotto signifie à son lecteur que le passage de l’un à l’autre est possible et que la frontière entre les deux n’est pas aussi nette que l’on pourrait le croire.

18 De ce nouveau point de vue, on contemple le pourrissement de toute cette zone où s’appliquent, plus et mieux que partout ailleurs en Italie et dans le reste de l’Europe, les nouvelles règles de l’économie libérale – au premier rang desquelles la concurrence libre et non faussée – qui sacrifient, sur l’autel de la rentabilité et de la satisfaction immédiate, des milliers d’êtres humains attirés par le mirage de la société de consommation occidentale18. Leur différence – qui fait ou a pu faire d’eux des parias ou des boucs émissaires selon le contexte politico-économique du moment – justifie le dérapage vers ce qui, il y a encore quelques décennies, s’appelait l’illégalité, de toute une société bien pensante prête à exploiter la misère du monde au nom de la croissance du PIB et du profit personnel19. Une société où le pourcentage le plus élevé d’esclaves économiques et sexuels correspond aux régions les plus vertueusement « liguées » contre le dépérissement de la morale et de la religion et contre les contrôles fiscaux20. Une société où, depuis des décennies, les défenseurs officiels de la loi et de l’état de droit – la police et la magistrature – encouragent par leurs pratiques douteuses cette dérive mafieuse ordinaire21, en facilitant la restructuration de la criminalité organisée22 qui les manipule ou les corrompt et en s’arrêtant aux portes des résidences et des bureaux des notables qui en font autant.

19 De ce nouveau point de vue, la dialectique de l’ici et de l’ailleurs qui permettait de stigmatiser les effets corrupteurs de l’afflux de populations immigrées sur tous les secteurs d’activité autochtones s’inverse totalement. Et d’autant plus significativement que Carlotto place justement son enquêteur à cheval sur la ligne de plus en plus fragile et mouvante qui est censée séparer le légal de l’illégal, c’est-à-dire, constitutionnellement et moralement parlant, le bien du mal23. Si les délinquants avérés des pays économiquement sous-développés ou politiquement instables déferlent

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 134

sur le Nord-Est de l’Italie et plus largement sur l’Occident, cela ne veut pas dire que les bons riches de chez nous sont victimes des méchants pauvres venus d’ailleurs, mais que l’Occident, grâce à ses mécanismes économiques dérégulés, à ses principes moraux fluctuants et à la crétinisation-homogénéisation de ses citoyens-consommateurs24, leur offre des opportunités inespérées.

20 Dans la dialectique de l’ici et de l’ailleurs, la contamination ne joue pas dans le sens que l’on pourrait croire : c’est l’Occident qui pervertit en fait le reste du monde. Et si on lui superpose une dialectique de l’avant et de l’après, ce ne sont pas la chute du mur et l’effondrement du communisme qui font date mais la révolution néo-libérale des années 1980. C’est à partir de là que l’on assiste, en effet, à l’épanouissement d’une société entièrement pourrie de bêtise et d’ennui, d’esprit de lucre et de luxure25, où la dérégulation morale est l’exact reflet de la dérégulation économique et où la délinquance classique, qu’elle soit endogène ou exogène, est largement dépassée voire tractée par la nouvelle délinquance en col blanc qui l’utilise plus qu’elle ne la combat.

21 Les romans de Carlotto donnent à voir cette inversion complète des rôles à travers la lutte que ses héros mènent pour faire triompher la vérité et la justice contre les mensonges et la corruption de tout un système ; une lutte qui oppose symboliquement des délinquants-justiciers à des représentants de l’État ripoux et barbouzes26. En fait, c’est tout le mécanisme de dévoilement et de restauration – c’est-à-dire le fondement- même du roman policier – qui est inversé. Ce qui signifie, métaphoriquement, que les présupposés qui faisaient du roman policier un instrument de dénonciation des manquements à la morale et à la loi ne sont plus pertinents, dès lors que la morale et la loi sont bafouées par ceux-là mêmes qui devraient en être les garants.

22 On pourrait croire qu’en dénonçant cette inversion des valeurs de l’État de droit grâce au changement radical de perspective que le point de vue particulier de ses enquêteurs nous a permis, Carlotto a exploité au mieux l’ambiguïté volontaire du statut de ses personnages et le bouleversement des codes du genre policier – même si le procédé n’est en soi pas nouveau et a déjà été utilisé, par Sciascia entre autres, dans un but sensiblement identique de dénonciation des perversions du pouvoir et de ses représentants. Mais ce n’est pas le cas. Le statut équivoque des trois détectives et, en particulier, leur passé commun de pensionnaires des geôles de la République italienne vont être utilisés par Carlotto pour une nouvelle et terrifiante démonstration- dénonciation.

23 Le détective privé sans licence, le truand à l’ancienne et le gauchiste en cavale se sont effectivement connus en prison. Ils y sont allés, en connaissance de cause, pour ne pas avoir respecté les lois en vigueur telles qu’elles étaient alors définies par le code pénal, même si, dans le cas de l’Alligatore, le code pénal a été un peu forcé. Et c’est en prison qu’ils ont appris à respecter d’autres lois, celles de la malavita, qui ne sont pas moins rigoureuses. C’est justement pour cela qu’ils ont été sensibles, plus que quiconque, au bouleversement qu’a représenté l’arrivée d’étrangers, émigrés économiques ou délinquants patentés, qui sont habitués à une conception différente des rapports sociaux et de l’État de droit et qui ne respectent pas ces lois. Pour les mêmes raisons, ils ont été les mieux placés pour constater que les différences entre délinquants autochtones et délinquants étrangers s’amenuisaient jusqu’à disparaître ; de même que, rapidement, les différences entre délinquants mafieux et honorables délinquants en col blanc et costume trois-pièces, et enfin entre délinquants et défenseurs de l’ordre et de la loi. Pour constater ensuite qu’ils ne se combattaient plus et avaient même plutôt

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 135

tendance à se servir les uns des autres tant que cela n’allait pas à l’encontre de leurs intérêts propres – qui étaient de toute façon de plus en plus souvent des intérêts communs. Pour constater enfin que tous ont désormais les mêmes méthodes de voyous27 et les mêmes valeurs perverties cautionnées par l’inertie d’une opinion publique à tel point gavée de scandales qu’elle croit qu’ils sont la norme et matraquée de pensée unique qu’elle ne trouve rien à redire à cette belle unanimité.

24 Il y a pourtant quelques milliers de voix – voire quelques millions à l’échelle de la planète – qui s’élèvent contre cette indifférence et cette indifférenciation. Face à ce que l’on appelle désormais – en usant d’un terme importé des États-Unis comme beaucoup d’autres choses – la globalisation, ils sont les No global, les altermondialistes, autrement dit les tenants du droit à la différence justement, qu’elle soit politique, économique, sociale, sexuelle ou alimentaire. En réclamant ce droit à la différence dans l’unanimisme ambiant, ils sont, de fait, différents c’est-à-dire hors-norme et du coup – à la faveur d’un glissement sémantique et politique de plus en plus répandu – hors-la- loi.

25 C’est une qualification que les enquêteurs de Carlotto connaissent bien et ils connaissent aussi le prix à payer, puisqu’ils l’ont payé en prison, en termes d’humiliation, de violence gratuite, de sadisme même. Ils sont donc une nouvelle fois dans une position privilégiée pour reconnaître ces pratiques et constater qu’elles sont, comme toujours, appliquées aux hors-la-loi ; à ceci près que, lors de la grand-messe unanimiste du G8 à Gênes – puisque c’est par là que Carlotto décide de faire passer son intrigue et ses personnages –, c’est le citoyen ordinaire qui est traité ainsi par la police et les agitateurs qu’elle a recrutés28.

26 Dans la nouvelle Polis globalisée, le fait de réclamer le droit à la différence est donc un crime si grave qu’il justifie une véritable suspension des droits civiques et des garanties constitutionnelles à l’encontre de ceux qui s’en rendent coupables. Et un crime à ce point reconnu et accepté comme tel, qu’un État – qui jusqu’ici, comme beaucoup d’autres, chargeait ses services les plus secrets de se débarrasser des indésirables, en toute discrétion29 – peut exercer ouvertement les pires violences contre des manifestants pacifiques et inoffensifs au vu et au su de sa propre opinion publique et de l’opinion internationale sans susciter d’autres réactions qu’une désapprobation vertueuse.

27 À notre connaissance, à l’heure où nous écrivons ces lignes, Carlotto n’a pas ajouté de nouvel opus au cycle de l’Alligatore et il pourrait sembler logique, sinon inévitable, que Il maestro di nodi, où sont relatés les événements du G8 de Gênes, soit le dernier roman à structure policière mettant en scène ses trois personnages d’enquêteurs. Tout d’abord parce que leur légitimité en tant que défenseurs de la vérité et de la justice se fonde sur une série de règles et de codes qui sont désormais les vestiges d’un passé révolu, comme le montre la substance des enquêtes qu’ils conduisent. Ensuite, parce que, pour fonctionner, les mécanismes d’élucidation et de dénonciation propres à l’intrigue policière ont besoin que le lecteur – pacte oblige – ait les mêmes référents, c’est-à-dire, en l’occurrence et pour faire bref, la même définition du bien et du mal, ce qui devient difficile à en juger par les dérives et les glissements, sémantiques et autres, que ces mêmes enquêtes donnent à voir. Enfin, parce que le but que l’on peut raisonnablement espérer atteindre en démontant l’enchaînement des causes et des effets et en dénonçant l’engrenage des mensonges et des dénis de justice – fût-ce par l’intermédiaire de chevaliers errants d’encre et de papier – c’est d’empêcher qu’ils se

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 136

reproduisent en provoquant la condamnation – même symbolique – du coupable grâce à l’effet de catharsis que l’épiphanie de la vérité est censée engendrer. Un but qui n’est visiblement pas atteint et depuis fort longtemps déjà, si l’on en juge par le nombre de romans policiers classiques, modernes, post-modernes même, dont les réquisitoires et les preuves à charge, depuis Sciascia jusqu’à Carlotto, sont restés lettres mortes. C’est sans doute pour l’avoir constaté que la nouvelle génération d’écrivains de « polars » s’est orientée vers le thriller où le crime n’est plus le résultat de toute une série de causes analysables et dénonçables mais s’inscrit dans le quotidien aplati d’un présent indéchiffrable et sans mémoire comme simple fait divers ; divers non pas parce que différent mais au contraire parce qu’indifférent et indifférencié. Comme tout le reste.

NOTES

1. Il s’agit des cinq romans dont le détective Marco Buratti, surnommé l’Alligatore, est le héros. Nous les donnons ici dans l’ordre chronologique de leur publication et, à l’exception du dernier, dans l’édition de poche dont nous utiliserons la pagination. Massimo Carlotto, La verità dell’Alligatore, Roma, Edizioni e/o, 1995, coll. « Tascabili e/o », 1998. Ci- après VA. —, Il mistero di Mangiabarche, Roma, Edizioni e/o, 1997, coll. « Tascabili e/o », 1999. Ci-après MM. —, Nessuna cortesia all’uscita, Roma, Edizioni e/o, 1999, coll. « Tascabili e/o », 2000. Ci-après NCU. —, Il corriere colombiano, Roma, Edizioni e/o, 2001, coll. « Tascabili e/o », 2001. Ci-après CC. —, Il maestro di nodi, Roma, Edizioni e/o, 2002. Ci-après MN. 2. « Aveva avuto un buon maestro in Totuccio Contorno, che agli inizi degli anni settanta era arrivato in Veneto con un provvedimento di confino. Fino ad allora Castelli era il giovanissimo capo di una banda di balordi, un po’ladri un po’rapinatori, che i padroncini dei laboratori di scarpe e bambole pagavano bene per intimidire i lavoratori con velleità di diritti sindacali. In particolare prediligevano le operaie […]. Il Veneto ricco e pacioso che fino ad allora aveva conosciuto solo una malavita abituata ad accontentarsi dello stretto necessario era il posto giusto per impiantare una nuova organizzazione mafiosa ». NCU, p. 12. 3. Il s’agit bien sûr ici d’une perfide allusion au réseau Gladio qui prétendait défendre les valeurs de l’Occident contre la « peste rouge ». 4. VA, p. 111. Voir aussi MM, p. 76 « avrei dovuto capirlo dalla botta in testa… Tutti gli investigatori la prendono a metà film ». 5. MM, p. 26. 6. VA, p. 28. 7. MM, p. 70. 8. VA, p. 148. 9. « Qui non si tratta di giocare a guardie e ladri ma di ristabilire la verità », VA, p. 66. 10. « Lavoravo per gli avvocati che avevano bisogno di qualche aggancio con il mondo della malavita, magari per togliere dai guai i loro assistiti o per clienti un po’particolari ». NCU, p. 17. 11. Les mots changent : « un’ingiustizia insopportabile o meglio un’infamità come dite voi malavitosi », VA, p. 65 ; les valeurs sont les mêmes : « Un malavitoso e un avvocato della vecchia guardia, cresciuti nel rispetto delle regole, delle tradizioni e della parola data. Uomini a cui una stretta di mano era sufficiente a ricordare un impegno per tutta una vita », MM, p. 48.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 137

12. « La mala albanese rigidamente articolata in nuclei familiari era una vera e propria organizzazione mafiosa, un’accolita criminale ancora impermeabile al fenomeno del pentitismo. Era un tale modello di virtù che la n’drangheta aveva deciso di ristrutturarsi sullo stesso modello organizzativo. In quel tipo di cultura era infatti difficile che ci si decidesse ad accusare padre o fratello ». NCU, p. 35. 13. « Come la maggioranza delle prostitute albanesi in Italia Eda era finita sulla strada vittima di un tranello della mala albanese », NCU, p. 28 ; suit la méthode employée pour « former » ces jeunes filles. Quant à la concurrence : « A Bergamo gli sbirri stanno cercando un serial killer di prostitute invece sono gli albanesi che stanno sistemando le indipendenti a colpi di spranga », NCU, p. 30. 14. « Era tornato al contrabbando che praticava con comodi e veloci motoscafi attraversando il braccio di mare che divideva il Veneto dalla Dalmazia. Trasportava di tutto : latitanti, puttane russe, oro, caviale, armi », NCU, p. 24 15. « Capeggiano una banda veneto-campana affiliata alla camorra. Sono anche informatori di prim’ordine legati a doppio filo con un maresciallo della questura », VA, p. 168. 16. « Dalla cocaina ha preso il via ogni cosa. Gli altri amici sono imprenditori che hanno rapporti con il Sudamerica. All’inizio cominciarono a portarne qualche grammo. Adesso due, tre chili l’anno […]. La vendiamo a una signora che gestisce un giro di… pubbliche relazioni […]. È un giro di studentesse e giovani signore frequentato da politici e professionisti. Tutta gente in vista », VA, p. 105. « Il giro cagliaritano che gestisce i “veri” affari è un misto di massoneria, politici, costruttori, grossi commercianti », MM, p. 131. 17. « Erano tutti immigrati clandestini. Per lo più orientali che lavoravano nei laboratori tessili della zona », NCU, p. 39. 18. « Le carrozze di seconda erano piene di serbi e rom in cerca di lavoro e fortuna », CC, p. 178. 19. « Con la benedizione e la copertura, […] inconsapevole di una parte del clero, questa struttura raccoglie tuto il marcio di questa città – da vecchi arnesi fascisti implicati in Gladio e varie trame nere, a esponenti corrotti del mondo politico, finanziario, giudiziario, militare – ed è a sua volta trasversale ad altre strutture, lobby o logge massoniche, anche estere », VA, p. 155. 20. « Suddividendoli per regione ci rendemmo conto che la maggioranza delle schiave viveva in Piemonte, Lombardia e Veneto, in particolare nelle grandi città », MN, p. 70. 21. « Era un pezzo che non vedevo uno spacciatore raccogliere gli incassi alla luce del sole. In questura sul suo fascicolo ci deve essere un bel timbro con la scritta intoccabile », MM, p. 55. 22. « Magistratura e forze dell’ordine ne ignoravano evidentemente l’esistenza dato che il boss assolutamente indisturbato, continuava a comandare, dirimere controversie, riciclare denaro, rafforzare l’organizzazione », NCU, p. 35. 23. « Ho scelto di fare questo mestiere perché mi permette di non stare con nessuna delle due parti », VA, p. 245. 24. « Bisogna colpire la fantasia della gente mescolando sapientemente giuste dosi di morte, mistero, intrigo, sesso, corruzione del potere. Argomenti che fanno aumentare audience e tirature. Si determina così una congiuntura positiva tra la necessità economica dei media di vendere le notizie e il desiderio di una parte consistente dell’opinione pubblica di ingozzarsi di scandali », VA, p. 233. 25. « La solita fauna di commercianti, industrialotti e malavitosi pronti a farsi portare via la camicia per sentirsi dire che erano dei maschioni belli e cazzuti », NCU, p. 33. 26. « Avanzi di galera come lei […] e il suo socio non possono pensare di accusare stimati professionisti, nonché […] membri emeriti della comunità. Farlo significherebbe solo un inutile sacrificio. La giustizia è un meccanismo che stritola i perdenti […]. I nostri amici farebbero quadrato intorno a noi e userebbero la loro influenza per difenderci », VA, p. 227. 27. « Un ex ufficiale dei servizi segreti francesi. Adesso continua a lavorare per loro ma per conto proprio: si occupa della guerra clandestina, e “ufficialmente” non autorizzata che i francesi ci

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 138

hanno dichiarato… Agguati, sequestri, torture, omicidi, tentativi di infiltrazione queste sono le loro attività… In più gestisce uno spaccio di eroina… i francesi lo lasciano fare perché tanto è la gioventù corsa a morire », MM, p. 165. 28. « Il comportamento degli sbirri mi era sembrato “normale” e questo era corretto se rapportato al mondo del carcere e dell’uso della violenza poliziesca su marginali e malavitosi. Non lo era però nei confronti di persone pacifiche e incensurate », MN, p. 156. 29. « L’incontro di alcuni ex agenti segreti di varie nazionalità con un incerto numero di malavitosi, i quali hanno deciso insieme di offrire i loro servigi al miglior offerente… Oggi la Francia, domani potrebbe essere la Spagna, l’Inghilterra o l’Italia… per tutte quelle operazioni che ufficialmente i governi non possono autorizzare », MM, p. 172.

AUTEUR

LISE BOSSI Université de la Sorbonne - Paris 4

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 139

Éthique de la différence dans Il padre e lo straniero de Giancarlo De Cataldo

Brigitte Le Gouez

1 Ce sont ici des notes de lecture que nous proposons, plus qu’une analyse véritablement aboutie. En effet, Il padre e lo straniero de Giancarlo De Cataldo est un roman qui peut susciter quelque perplexité. Le texte pourrait lui-même apparaître comme inabouti, à moins qu’il ne manifeste, précisément, une volonté d’inachèvement. Ce sont ces questionnements du lecteur que nous avons résolu d’exposer ici. Le récit oscille entre « giallo » et « noir », double coloration à laquelle nous avait déjà habitués Giancarlo De Cataldo, juge en cour d’assise et auteur de romans dont le plus célèbre est sans doute Romanzo criminale1, sorte d’épopée de la Banda della Magliana, bien connue des romains dans les années 1980. De ce volumineux récit de 600 pages a été tiré un film, sorti en Italie en septembre 2005. Probablement en raison du succès du premier ou à cause de l’attente suscitée par le projet cinématographique, Il padre e lo straniero, court roman de 147 pages, édité par e/o en 2004 après parution en feuilleton dans le journal Il Manifesto, a relativement peu retenu l’attention de la critique.

2 Dans les vingt dernières années, alors que prenait forme une Italie multiethnique et pluriconfessionnelle, le personnage de l’étranger « extracomunitario » n’a fait qu’une entrée discrète dans le champ littéraire. Il est pourtant une des figures-types de la société des années 1990 et du début du XXIe siècle. Nous ne parlerons pas ici de la littérature dite « migrante », écrite par ces écrivains immigrés en Italie qui préfèrent maintenant se définir comme « Italiens par vocation ». C’est une réalité littéraire apparue dans les années 1990 sur laquelle nous nous sommes penchée en d’autres lieux2. En parallèle, il n’est pas moins intéressant de mener une recherche sur la figure de l’étranger dans la littérature contemporaine écrite par des auteurs italiens de naissance. L’étranger est, en effet, une figure éminemment propice à tous les fantasmes. C’est, notamment, un « suspect » de choix pour le roman policier. L’autre – plus encore s’il est culturellement différent – se présente dans son opacité au regard de l’enquêteur dont le rôle est précisément de rétablir la transparence et la lisibilité du réel. Sandrone Dazieri utilise cette figure d’étranger « suspect numéro un » dans une des enquêtes de la série des « Gorilla ». Dans La cura del Gorilla3 (2001), l’opacité du

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 140

mystère se concentre autour de trois personnages albanais : victimes ou assassins ? martyrs ou bourreaux ? jusqu’à la fin et même après, d’ailleurs, leur statut reste ambigu.

3 Parmi les premiers écrivains contemporains italiens à avoir pris acte des transformations sociales de l’Italie devenue terre d’accueil, il faut citer . La communauté tunisienne de Mazara del Vallo, cas de figure bien connu des sociologues et géographes travaillant sur l’immigration en Italie, alors qu’elle attirait peu l’attention des gens de Lettres, n’avait pas échappé à Camilleri, qui y fait référence, en 1996, dans Il ladro di merendine4. D’autres romans, encore antérieurs, pourraient être cités : par exemple, Una ignota compagnia (1992) de , dont Franco Manai nous entretient dans le présent ouvrage5. Comme chez Camilleri, on peut considérer que cet intérêt manifesté pour le personnage de « l’étranger » comme composante désormais intégrante du panorama social italien est relativement précurseur. Dans Il giro di boa (2003)6, Camilleri revient à la question de l’immigration à travers l’évocation de la difficile question des traversées maritimes des migrants clandestins. Alors que les naufrages en Méditerranée sont devenus une tragédie périodique, pour ne pas dire « habituelle », et qui ne suscite même plus guère d’émotion excessive, Camilleri est un des rares écrivains à avoir abordé le sujet. De Cataldo peut aussi faire figure de précurseur dans la réflexion qu’il mène sur les dérives de nos sociétés post- industrielles. Dès 1989, dans Nero come il cuore, paru dans la collection des « gialli » Mondadori, il traite d’un trafic d’organe s’opérant aux dépens des immigrés clandestins. Le personnage central est originaire d’Afrique du Sud, comme Jerry Masslo dont l’assassinat, la même année, fut à l’origine de douloureuses prises de conscience en Italie. Ces événements tragiques nous sont contemporains. Ils adviennent sans troubler outre mesure notre conscience de (télé) spectateurs et, pour la plupart d’entre nous, la passivité constitue le meilleur refuge. Nos sociétés manqueraient-elles de compassion ? Il n’est ici nullement question d’instruire le procès des sociétés occidentales mais seulement de souligner que certains auteurs, qui ont élaboré, à travers leurs écrits, une réflexion nourrie par ces questions, pourraient bien remplir la fonction de ce que nous nommerons des « éveilleurs ». Leur texte s’inscrit dans une dimension que l’italien définit comme letteratura civile.

4 Publié dans la collection « assolo » des éditions e/o, Il padre e lo straniero est un roman difficile à classer. Il rassemble tous les ingrédients nécessaires à l’écriture du roman policier : il y a du mystère, une disparition, un cadavre, des coups de feu, des personnages ambivalents, enfin, des indices apparents sont disséminés mais ils ne conduisent à aucune solution. Car le nouage ne se fait pas et ces ingrédients n’arrivent jamais vraiment à constituer un « impasto ». De même qu’il n’y a pas eu véritablement de « nouage », il n’y aura pas de dénouement… Bref, si le lecteur attend qu’on lui raconte une histoire, il verra son attente déçue. Entre « giallo » et « noir », le livre se présente comme un roman policier mais il ne l’est visiblement pas.

5 C’est, en fait, la rencontre entre deux hommes, qui est au cœur du récit. Tout les oppose – origine, statut social, mode de vie… – mais un même drame les rapproche car tous les deux sont pères d’un enfant handicapé. Le récit s’ouvre dans la cour de l’Institut de pédiatrie, triste microcosme hors du « vrai » monde, où ils conduisent leur fils respectif tous les samedis matins. Pour Diego Marini, simple employé au « Ministero di grazia e giustizia », cette contrainte va devenir peu à peu, un moment privilégié, attendu tout au long de la semaine, et une amitié va naître entre les deux hommes. Avec la

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 141

disparition improviste du « straniero » (chap. 9), le récit bascule dans le registre du « giallo » (ou du roman noir). Diego Marini se voit sollicité de manière plus ou moins insistante par divers personnages mal identifiés. Policiers ? Fonctionnaires des services de sécurité ? Espions ? On ne le saura pas. Alors que la première partie du récit avait placé la rencontre avec l’autre sous le signe d’une quasi épiphanie, associée à des expériences et valeurs toujours positives (ouverture, partage, plaisir, solidarité, confiance…), la disparition de l’étranger et le retour en force du « même » (employés et collègues du bureau de Diego, beaux-parents, forces de l’ordre…) voit l’irruption de la violence, de la coercition, de la duplicité, de la trahison…

6 Ainsi, une fois exclue l’hypothèse selon laquelle De Cataldo aurait voulu nous raconter une histoire policière, nous en étions venue à penser que ce petit roman reposait sur une sorte de jeu d’écriture consistant à inverser le schéma qui associe « même » et amical – d’autant qu’« italiani brava gente » est un axiome toujours en puissance – et « autre » et dangereux. Ce postulat se trouve renforcé par le contexte socio- économique propre à l’Italie, traumatisée par l’afflux des « hordes migrantes » abordant à ses rives depuis les années 1990. Ces visions d’exode et de chaos ont été assez relayées par les médias – en particulier entre 1991 et 1993 avec les bateaux d’Albanie – pour avoir durablement marqué l’imaginaire social. Dix ans plus tard, le traumatisme du onze septembre propage ses ondes de choc jusqu’en Italie. Depuis lors, la figure de l’étranger arabe est associée à celle du terroriste en puissance7.

7 Ce n’est donc pas n’importe quel type d’étranger qui est mis en scène dans le roman de De Cataldo mais un personnage mystérieux provenant d’une partie du monde hautement suspecte. Son origine n’est d’abord pas mentionnée explicitement – même si on devine que Walid vient du Moyen-Orient – enfin, il est fait mention de sa naissance au Liban. On remarque que De Cataldo n’utilise aucun des termes qu’on rencontre couramment dans la presse pour désigner les immigrés arabophones. Faut-il y voir la manifestation d’une décolonisation profonde de son regard ?8 Un regard qui serait porté sur l’autre dans le respect absolu de son altérité, laquelle n’est pas vue sous le signe de l’infériorité ? Diego est fasciné par l’élégance de Walid, son aisance et son savoir-vivre. Bientôt, celui-ci devient son mentor à travers une Rome cosmopolite. La ville s’ouvre à lui, « indigène romain » sur les pas d’un guide allogène, certes, mais plus informé, mieux introduit et mieux « outillé » pour circuler au milieu d’une Babel où lui, Diego, se sentirait étranger. Piazza Vittorio, les bains turcs, la discothèque orientale sont les étapes de ce parcours à la (re)découverte d’une ville qui lui révèle soudain ses doubles fonds, ses arrière-cours, une troisième dimension insoupçonnée.

8 À cette étape de notre lecture, nous sommes donc tentée de souscrire à l’hypothèse selon laquelle De Cataldo n’entendrait ici nullement nous raconter une histoire mais jouerait de l’inversion des stéréotypes. L’Italien « civile » devient le barbare, face à un étranger « gran signore ». Car le degré de savoir-vivre de Walid n’a d’égal, dans le roman, que la vulgarité des collègues de Diego au ministère et la brutalité des policiers. Le texte démontre l’inanité de l’opposition entre « même » et « différent », entre « soi » et « autre » ou indigène et étranger, les deux faisant ici cause commune à travers l’expérience partagée d’une même douleur. Le but pourrait être de créer, dans l’imaginaire du lecteur, un espace de réflexion, au sens optique du terme, une image capturant l’essence de la nature humaine, c’est-à-dire son aptitude à la « condivisione del dolore ». Quando Einstein, alla domanda del passaporto, risponde ‘razza umana’, non ignora le differenze, le omette in un orizzonte più ampio, che le include e le supera. È

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 142

questo il paesaggio che si deve aprire: sia a chi fa della differenza una discriminazione, sia a chi, per evitare una discriminazione, nega la differenza9. écrivait Pontiggia en 2000 dans Nati due volte, autre texte mettant en scène un père confronté au handicap de son fils.

9 L’amitié qui soude pour un moment les deux destins de Walid et Diego, se manifeste par la solidarité, par une loyauté qui ne passe pas par la parole donnée (genre qui aurait aussi bien pu être de nature mafieuse) mais, au-delà de toute expression verbale, par l’approche empathique de la souffrance de l’autre. Cette dimension éthique transparaît dans un moment-clé du récit, lorsque Walid enseigne à Diego à souffler sur le visage de son fils autiste, fermé au contact du monde. Ce moment emblématique transporte le récit dans une autre dimension, au seuil du sacré. Mais la magie n’opère pas dans la réalité du « noir » : malgré le souffle chaud du père, Youssouf, le fils de Walid, meurt et Giacomo, dans les bras de Diego, se détourne, ennuyé. La tragédie de ces deux pères s’accomplit : leur descendance n’est pas viable. On accède alors à une sorte de double fond du récit qui ouvre sur un propos pessimiste sur la transmission. Nous y reviendrons.

10 Dans ses aspects formels, la narration est construite pratiquement comme un scénario de film ou de téléfilm. Ainsi, la scène d’ouverture du roman – et on cède aisément à la tentation de parler de scène plutôt que de chapitre – plante le décor et les personnages de manière très visuelle : Diego fumava una sigaretta dopo l’altra in attesa di riprendersi il bambino. Mancavano dieci minuti alla fine della seduta. Tirava un fresco venticello autunnale, e, al centro dello spiazzo sterrato che separava il reparto dei convulsivi da quello dei cerebrolesi, alcuni ragazzi epilettici giocavano a rincorrersi sotto lo sguardo distratto di un’anziana signora intenta a sferruzzare. Due terapiste tentavano di mettere in posizione eretta un bimbetto dalla testa microscopica. Diego aveva già notato quella creaturina disarticolata, che sembrava uno scherzo della natura. Tra sé lo chiamava “il mostrino”10.

11 Le personnage de Walid fait son apparition comme s’il entrait dans le champ de la caméra : Non vide l’uomo sinché non gli si sedette accanto, dal lato della panchina immerso nell’ombra. Un quarantenne alto e olivastro, profondi occhi neri, un’eleganza che rasentava la ricercatezza11.

12 Au chapitre dix-neuf, la scène du guet-apens nocturne est aussi très visuelle (on la définirait volontiers comme « filmique », voire « théâtrale ») : extérieur nuit ; des coups de feu claquent, une sorte de chien des Baskerville, « un cane gigantesco, una belva assatanata » (p. 135), se dresse entre Diego et un cadavre sans visage, à demi dévoré…

13 L’unité de lieu est respectée dans presque tous les chapitres et la plupart sont très courts (quatre ou cinq pages, aux dimensions du feuilleton). Le « décor » est celui de la Rome urbaine et périurbaine. Quelques scènes situées à Ostie gardent l’empreinte de souvenirs littéraires placés sous le signe de la mort. Une des scènes les plus réussies, à notre avis, est celle qui manifeste l’absence par la représentation du petit manteau de Youssouf, abandonné sur un banc, dans le jardin désert de la maison d’Ostie (chap. 10).

14 Rome, chez De Cataldo, est une ville violente mais, dans une époque violente, elle ménage pourtant des « interstices » – ou voies de fuite – inattendus. Una Roma lussureggiante di crimini e segreti acquattati nell’ombra, piena di interstizi e cul de sac, di luoghi sconosciuti e resi estranei soprattutto dal loro

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 143

contenuto di umanità: mimica, gergo, gerarchie e relazioni non domestiche, misteri antropologici da decifrare12. comme la décrit Maria Agostinelli, présentant l’ouvrage sur le site internet Railibro. En somme, Rome recèle une plus grande part d’exotisme que le personnage de l’étranger lui-même. Sur les pas de ce dernier, la ville est devenue un espace fantastique offrant à Diego Marini l’opportunité inattendue d’un voyage sur place. Pleine de culs de sac, de doubles fonds, d’« interstizi », la ville lui a permis de « dilatare lo spazio13 », et c’est le détour par cette Rome de l’« autre » – celle des bains turcs, du marché de Piazza Vittorio, de la discothèque orientale – qui a sorti de son enfermement Diego Marini, à l’étroit dans une vie monotone.

15 En marge de notre lecture, on pourrait poser la question de la reterritorialisation de l’espace urbain dans les grandes villes italiennes et de la façon dont elle est ressentie par les habitants de souche plus ancienne. À quelles dynamiques d’inclusion ou d’exclusion cette reterritorialisation donne-t-elle lieu ? De Cataldo évoque la Piazza Vittorio (chap. 3). Comme tout le quartier de l’Esquilino, qu’un article de L’Espresso en 2000 rebaptisait « Ex-Qui-Lin14 » selon la graphie d’un vieil immigré chinois qui, ne parlant pas italien, remplissait dans une phonétique approximative ses mandats postaux, certains quartiers de Rome sont au centre de vives polémiques.

16 Nous avions souscrit à l’hypothèse d’un jeu d’écriture reposant sur l’inversion des stéréotypes. Nous avons pu évoquer un regard « décolonisé ». On demeure, cependant, assez gênée par un exotisme de bazar qui guette derrière la porte… Dans certains tableaux (celui de la danse orientale ou du hammam), on sent l’auteur céder à la fascination des arabesques, certaines scènes évoquant l’orientalisme un peu kitsch du XIXe siècle. Dans la scène de la visite au hammam (chap. 4), le décor est planté de manière encore une fois très visuelle dès les premières lignes du chapitre : Il bagno turco era a qualche metro dal vecchio albergo diurno di via Cavour. Non c’era insegna, ma solo, in cima a tre scalini, un vecchietto con tanto di turbante e un asciugamano bianco sul braccio15.

17 Force est pourtant de remarquer que, dans la Turquie actuelle, le port du turban est à peu près aussi courant que la pratique de la mandoline en Italie. Aussi ce « vecchietto con tanto di turbante » évoque-t-il plus une fantaisie mozartienne qu’un trait de réalisme social16. De même, au chapitre six, les paroles que Michel, le gérant gréco- arménien de la discothèque, adresse à Diego en guise de bienvenue : « Tu ordina e io eseguo, padrone! » (p. 43) nous apparaissent comme une réplique digne du génie de la lampe d’Aladin. Au rang des « turqueries » ou des « arabesques », on compte encore une scène de danse que Walid nomme « danza del ventre », dénomination triviale qui n’est pas usitée au moyen-orient où on parle de « danse orientale » ou de « danse égyptienne ». Cet art complexe aux innombrables figures et variantes régionales est réduit sous la plume de De Cataldo à « una curiosa danza, dalle movenze languide e sensuali », deux qualificatifs dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas vraiment inattendus (p. 38). Ceci étant, c’est néanmoins une véritable fascination qu’exprime l’auteur en consacrant presque tout le chapitre à la danse et à la musique orientales et à la transe étrange qu’elles provoquent.

18 L’approche de l’altérité conduit Diego à entrer en symbiose avec l’autre mais aussi à évoluer de plain-pied dans un monde qui lui était jusqu’alors fermé. De Cataldo représente ici une expérience interculturelle où se joue ce fameux « métissage culturel », objet de tant de débats en Italie entre 2004 et 2005. Cela ne suffit toutefois

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 144

pas à faire de De Cataldo un fin connaisseur du moyen-orient. Ainsi, son personnage turc s’exprime en arabe17 et Walid, voulant initier son ami italien aux traditions moyen- orientales, commande un couscous (p. 38), plat inconnu au Liban mais typique, en revanche, de la cuisine d’Afrique du nord. Le texte n’est donc pas fiable, s’il s’agit d’illustrer de façon documentaire les échanges interculturels entre un italien et un moyen-oriental, mais ce n’est sans doute pas là le but recherché par l’auteur.

19 Rapporté au contexte socio-politique de l’Italie de 2004, il est probable que le message le plus fort véhiculé par De Cataldo est autre. On rapprochera ici le roman d’un film sorti la même année et traitant d’un sujet proche : Le chiavi di casa, de Gianni Amelio, inspiré du roman de Giuseppe Pontiggia, Nati due volte (2000) 18. Le réalisateur qui, de film en film, décline les figures d’une même thématique – celle du rapport père-fils, des difficultés de la filiation et de la transmission – représente, dans Le chiavi di casa, les retrouvailles entre un père et son fils handicapé qu’il a jusqu’alors tenu à l’écart de sa vie. Dans le même temps, le contexte socio-économique italien et les médias exaltent la réussite et la performance. La société se met en scène, peuplée de « belloni » riches et puissants. La vie, telle que nous la voyons à travers le filtre de nos écrans, est un reality show. En fait, le spectacle masque une réalité économique moins brillante. Les médias tiennent d’ailleurs deux discours en parallèle qui se contrediraient s’ils entraient en contact. Tandis que les journaux titrent sur la « nouvelle pauvreté » en Italie, qu’on débat du coût de la vie et de l’inflation générée par l’euro, à la télévision défilent i belloni, i ricchi e i vincenti. La mise en scène de soi-même devient une sorte d’impératif susceptible de tenir lieu d’éthique : au fond, tout se résume à far bella figura. Sur fond de néolibéralisme, la compétition gagne tous les domaines : non seulement la vie est un spectacle mais c’est aussi una gara sportiva. L’éthique de l’époque – à certains égards, on ne peut plus étique – commande d’être performant. Dans un contexte de cette nature, poser la question de la place qui revient à ceux qui ne sont ni beaux, ni riches, ni nés pour être des « gagnants » devient quasiment subversif. La question posée ici, à travers les thèmes de la paternité et de la filiation, n’est autre que celle des valeurs à transmettre. Elle n’est pas sans rapport avec celle de la place faite à l’étranger.

20 Y a-t-il une possibilité véritable de décoloniser assez nos esprits occidentaux pour le recevoir comme « autre » à égalité et non pas comme autre « inférieur » représentant une menace ? Il nous semble que c’est cette voie qui s’esquisse dans le roman. Malgré quelques traces d’orientalisme kitsch, ce que nous dit Giancarlo De Cataldo, c’est qu’à travers la « condivisione del dolore », on entre dans une même humanité. Les alter ego « naturels » de Diego, petit fonctionnaire au Ministère de la Justice, n’étant pas ses proches : ni ses collègues et leurs considérations graveleuses après qu’ils l’ont vu en compagnie d’une séduisante amie de Walid ; ni l’allié prétendu, Santini, figure ténébreuse et brutale ; pas davantage sa propre femme, tenue à l’écart d’une relation d’amitié où elle jouerait le rôle d’une intruse ; au bout du compte, c’est bien l’étranger qui s’inscrit naturellement dans l’évidence d’un partage, « [in] quel tempo senza tempo delle loro mute confidenze » (p. 47). Alors s’établit une relation où n’entre aucune forme de prepotenza.

21 Bien que De Cataldo parle d’optimisme à propos de son roman19, nous sommes frappée par la tragédie de ces deux pères « en impasse ». Leurs enfants ne sont pas viables et on est au bout d’une chaîne de transmission. Et pourtant, ce sont bien eux : ces pères impuissants et ces fils en état de faiblesse, qui sont des garants d’humanité dans un récit traversé de bruit et de fureur. C’est d’ailleurs à son fils, et à personne d’autre, que

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 145

Diego entend rendre compte de ses actes, après l’échec d’une tentative de sauvetage héroïque20.

22 Le fil logique de la trame pseudo-policière nous échappant, le lecteur finit pas se retrouver dans une position qui le rapproche de ces deux enfants autistes, empêchés dans leur décryptage du réel. Le monde extérieur, lieu de l’agitation et source de menaces diffuses, nous devient étranger, comme il l’est pour Youssouf et Giacomino. L’intrigue échappe, l’histoire déborde le cadre du récit : à deux reprises, on croit qu’on va savoir, comme on dit, le « fin mot de l’histoire » mais cette attente est déçue. Une première fois, c’est Santini, « lo sbirro », qui semble près d’expliciter à Diego Marini les tenants et les aboutissants de la disparition de Walid, mais il n’en sera rien. Au dernier chapitre enfin, Walid lui-même, au moment de quitter son ami et de disparaître dans un autre pays, une autre histoire, offre, par loyauté, de lui révéler son identité véritable et les motifs de ses actes, mais Diego refuse de savoir, lui donnant ainsi la preuve d’une amitié inconditionnelle. Si abbracciarono commossi. Non riuscivano a trovare le parole adatte. Non ne sprecarono nessuna di inutile o dannosa. Walid era smagrito, insaccato in un cappottino unto, con i cappelli lunghi, ma lo sguardo era limpido, il sorriso mite. Diego salì a bordo del taxi, Walid si mise al volante. Presero la direzione di Firenze. Per un po’si limitarono a fumare una sigaretta dopo l’altra, poi Walid ruppe il silenzio. “Ti devo delle spiegazioni, amico”. “Non voglio sapere niente”. “Forse è meglio così”. (p. 140)

23 Au terme de la lecture, l’image rémanente d’une génération condamnée à ne jamais se mettre debout, projette une ombre sur le futur qui pourrait découler des choix de l’époque21. Dans l’Italie nocturne et violente du roman noir, l’espace est restreint pour le « minorato » : handicapé, immigré, présumé suspect qu’on malmène d’abord (chap. 10 : l’enlèvement de Diego par les « sbirri ») avant de chercher, éventuellement, à comprendre… Au-delà du roman, l’enfant déficient, l’étranger, l’handicapé – mais on pourrait ajouter le quatrième âge et les économiquement faibles – détonnent dans le show de l’Italia « razza padrona ». De par ses fonctions de juge en Cour d’Assise, De Cataldo ne pouvait manquer d’apercevoir les coulisses du show. Est-ce l’envers du décor qu’il nous donne à voir dans les doubles fonds du récit ou bien un rappel de la substance, sous les paillettes ? Il se pourrait, au fond, que l’auteur nous mette ici en garde contre la disparition, dans l’Italie contemporaine engagée dans une compétition néolibérale sans états d’âme, d’un sentiment démodé qui est celui de la compassion. On voudrait conclure sur ce point, loin d’être anecdotique, mais, comme nous l’avons dit, le récit est construit de manière très visuelle et l’image de fin appelle un ultime commentaire. Elle n’est pas sans évoquer le final récurrent d’une célèbre bande dessinée française où un « poor lonesome cow-boy », libre de toute attache, s’en va vers le crépuscule. Au dernier chapitre, Walid a réapparu, là où on ne l’attendait pas. Sorte de moderne prince du désert, il voyage léger. Émancipé de sa propre histoire et de son identité (il a de nouveaux papiers), son nom véritable restera inconnu du lecteur comme de Diego. Il n’est pas même aliéné par l’argent puisqu’il renonce à la mystérieuse mallette sauvée par Diego et lui en fait don. Fantasme de liberté, idéal improbable, fata morgana qui apparaît et disparaît, il incarne la figure de l’homme libre qui trace sa route et préserve son intégrité sans accepter de mutilation d’aucune sorte pour rentrer dans la norme, et pour qui « même » et « autre », « normal » et « différent », non seulement n’ont plus de sens, mais sont des catégories inopérantes.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 146

NOTES

1. G. De Cataldo, Romanzo criminale, Turin, Einaudi, Stile Libero, 2002. 2. Voir nos précédents articles : « Voix africaines en Italie », dans Exil et migration, Presses universitaires de Caen, Cahiers de la MRSH, octobre 2003, p. 197-212 ; « Auteurs d’Afrique et lettres italiennes – Quelques réflexions autour de la littérature de la migration », dans Regards culturels sur les phénomènes migratoires, Babel, no 11, université du Sud Toulon-Var, premier semestre 2005, p. 235-254 ; « La littérature migrante en Italie », Mélanges pour Marie-Hélène Caspar : Littérature italienne contemporaine, Musique, Paris X-Nanterre, C.R.I.X., 2005, p. 591-606. 3. S. Dazieri, La cura del gorilla, Torino, Einaudi, 2001. 4. A. Camilleri, Il ladro di merendine, Palermo, Sellerio, 1996. 5. Voir, dans cet ouvrage, F. Manai, « Extracomunitari protagonisti nella letteratura italiana: il keniota Warùi di Una ignota compagnia di Giulio Angioni ». 6. A. Camilleri, Il giro di boa, Palermo, Sellerio, 2003. 7. Dans le cadre d’un cours de licence intitulé « Presse italienne et société » à l’université Paris 3, nous avons invité nos étudiants à faire une recherche dans quelques quotidiens italiens sur la représentation de l’immigré venu du monde arabe. Il est intéressant de noter que l’appellation change de façon tout à fait tendancieuse au cours des vingt dernières années. Le terme de « Vu’Cumpra’ » a d’abord été forgé dans les années quatre-vingt pour désigner les immigrés – souvent sénégalais ou marocains – vendeurs ambulants proposant sur les parvis des gares ou sur les plages, lunettes de soleil, boissons gazeuses et autres marchandises. Dans les années 1990, l’imminence de l’adhésion à Euroland et les fameux critères de Maastricht conduisent à une sorte de focalisation autour de la question de l’Europe. C’est ainsi que le terme d’« extracomunitari » en vient à désigner tous les migrants provenant d’autres pays que ceux d’Euroland. En même temps, le Maroc étant le pays d’origine du plus grand nombre des immigrés d’Afrique du Nord en Italie, le terme de « marocchino » acquiert alors une acception globalisante pour désigner tout immigré arabophone. Progressivement, le terme de « musulmano » (ou « mussulmano »), tend à s’imposer dans l’usage pour désigner ces mêmes migrants arabophones, occultant dans les esprits que beaucoup d’arabes du Moyen-Orient sont de confession chrétienne. Enfin – et cela est net dans l’après-11-septembre, le terme d’« islamico » prévaut dans les écrits de la presse quotidienne que nous avons analysés. 8. Cette question vient comme en écho, à l’appel qu’Armando Gnisci réitère inlassablement de livre en livre : « Noi europei dobbiamo decolonizzarci da noi stessi » (A. Gnisci, La letteratura italiana della migrazione, Rome, Lilith, 1998, p. 97). 9. G. Pontiggia, Nati due volte, Milan, Mondadori, 2000, p. 42. 10. Il padre e lo straniero, début du premier chapitre, p. 9. 11. Ibid. 12. M. Agostinelli, « Il padre e lo straniero », . 13. Nous nous trouvons ici en résonance avec la réflexion proposée par Matteo Giancotti sur l’œuvre de Tondelli et le sentiment d’enfermement de la jeunesse d’Émilie-Romagne. Voir dans le présent ouvrage M. Giancotti, « Il rombo dell’Emilia paranoica: Altri libertini di Tondelli ». 14. « All’impiegata che controlla un modello di versamento viene la ridarola: “Deve mettere Roma, dopo la via, no Ex Qui Lin. Eppoi che sarebbe’sto ‘qui lin’, semmai Esquilino” », Cristina Mariotti, « L’ondata cinese: Ex Qui Lin », L’Espresso, 24 août 2000. 15. Il padre e lo straniero, p. 23. 16. Nous pensons à la représentation du même lieu qui est montré dans le film de Ferzan Ozpetek, Hammam (1998), où le jeu sur la lumière et la pénombre est empreint d’une grande poésie sans pour autant tomber dans le kitsch.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 147

17. Bien sûr, on pourrait imaginer qu’un turc puisse parler l’arabe mais ce n’est pas le cas général ; la langue turque, dont les origines restent assez mystérieuses, n’est pas une langue sémitique et les turcs ne connaissent généralement de l’arabe que les formules apprises par cœur à l’occasion de la récitation des prières, une connaissance comparable à celle que les catholiques d’avant Vatican II avaient du latin. 18. G. Pontiggia, Nati due volte, Milan, Mondadori, 2000. 19. Dans l’article « Il padre e lo straniero di Giancarlo de Cataldo », consultable sur le site du magazine d’information culturelle en ligne Pordenonelegge.it, à la date du 21 février 2005, l’auteur déclarait : « Il racconto ha tratti patetici, aggressivi, disperati, ma si conclude su una nota di speranza. Una speranza che potrà forse essere giudicata impossibile, ma nella quale io continuo, ad onta di tutto, a credere fortemente: la speranza che ciò che la politica, il costume, la cultura e la religione dividono possa essere unito dalla condivisione del dolore, dalla sua serena e laica accettazione ». 20. Après avoir échoué dans son entreprise de sauver Walid, Diego téléphone à sa femme en pleine nuit et lui demande de réveiller leur fils : « Attese qualche minuto. Poi sentì il lamento del piccolo disturbato nel suo sonno difficile. “Ho fallito” disse, e riattaccò » (p. 125). 21. L’auteur se refuse pourtant à conclure sur une perspective mortifère : aussi les dernières lignes du récit formulent-elles l’espoir d’un autre enfant que Diego appellerait Youssouf et qui rachèterait « la felicità negata agli altri due e ai loro padri » (p. 143).

AUTEUR

BRIGITTE LE GOUEZ Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 148

«Sono storie d’amore e basta». Figure della differenza nella narrativa di Walter Siti*

Filippo Fonio

[…] il regarde l’homme qui se penche sportivement au-dessus de l’eau; comme hypnotisé, il regarde son corps, fort, musclé et curieusement disproportionné, avec des larges cuisses féminines et des gros mollets inintelligents, un corps absurde comme l’injustice incarnée. M. KUNDERA, La lenteur, 1995.

1 Due parole di presentazione, di Walter Siti scrittore e della matrice dantesca che ne caratterizza le opere, prima che del ruolo dell’alterità nei suoi romanzi e racconti. Accennare a Dante in Siti, dopo aver detto chi sia Siti, può costituire un modo per mostrare, attraverso un’esemplificazione macroscopica del fenomeno, come la memoria letteraria agisca nel professore-romanziere. L’analogia con l’argomento di questo saggio, la presenza dell’alterità nella narrativa di Siti, risiede nel fatto che essa pare costituirne la tematica di fondo, attraverso un analogo processo di riappropriazione decontestualizzante. Siti si appropria infatti della memoria dantesca come di una tradizione culturale altra, attraverso una serie di procedimenti consapevolmente stranianti. A chiusura di questo paragrafo introduttivo, mostrerò quello che mi pare il carattere saliente di Siti romanziere, la maniera di rapportarsi allo statuto della finzione.

2 Il mio interesse per l’opera narrativa di Walter Siti (Modena, 1947) si colloca in un percorso di ricerca incentrato sulla letteratura come «eccezione»1. Trovo affascinante l’idea che professionisti della cultura (professori in particolare, ma non soltanto) possano portare, nella loro attività d’eccezione appunto, nuova linfa alle forme della scrittura narrativa, mediante il ricorso a un modo, imprestato dalla cosa che fanno per vivere, da far convergere in questo mestiere «altro».

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 149

3 Quest’ipotesi trova conferma anche nei romanzi e nei racconti di Walter Siti. In lui, peraltro, lo scarto fra primo e secondo mestiere è meno accentuato rispetto ad altri autori su cui mi sono finora soffermato2. Walter Siti insegna Letteratura italiana moderna e contemporanea all’università dell’Aquila. Curatore delle opere complete di Pasolini, si è inoltre occupato di poesia italiana del Novecento e, più di recente, di teoria e storia del romanzo3. È insomma un addetto ai lavori, e lo si vede in particolare dal grado di consapevolezza delle tecniche e artifici della narrativa che Siti mette in atto ogniqualvolta si trova «dall’altra parte».

4 Il progetto dei suoi romanzi, che compongono una trilogia (cf. TP, 2) chiusasi con Troppi paradisi, rinvia all’impianto delle cantiche dantesche4. Non a caso, l’azione di Scuola di nudo, primo capitolo della serie, inizia «al compimento del trentacinquesimo anno» (SDN, 4); gli occhi di Walter/Dante «ebbero un appannamento proprio in quell’istante» (SDN, 14) in cui assiste all’ipostasi del nudo pneumatico emissario del divino, e ciò avviene in ragione del fatto che «lo strano puntuale mancamento della vista non è che il limite invalicabile su cui si misura l’insufficienza dei nostri sensi umani» (SDN, 14-15); TP (oltre al titolo evidentemente dantesco) 5 si conclude con un’ascesa dantesco- pasoliniana al monte Sinai (TP, 407 ss).

5 Se l’intertestualità con la Commedia si presta a fungere da efficace chiave di lettura della trilogia di Siti, quasi un itinerarium mentis in amorem, anche la memoria delle altre opere volgari di Dante agisce sui romanzi di Siti a diversi livelli. Non tanto le rime, da cui pure Siti attinge talvolta6, quanto la Vita nova. Nel romanzo autobiografico che il Cane (deuteragonista di SDN e quasi alter ego di Walter) sta scrivendo, Walter cerca grottescamente di assurgere al ruolo di Beatrice: «Se m’ammazzavo il venti di maggio [giorno in cui ricorre il compleanno del Walter di SDN] te lo facevo come regalo di compleanno; era una bella coincidenza per il tuo romanzo» (SDN, 447). Fuori dalla mise en abîme, inoltre, si trova sempre in SDN un’altra Beatrice, Bruno, non a caso cognominato Portinai: «Il messaggero Bruno (portinaio veramente), facendomi innamorare mediante il trucco indegno di innamorarsi lui, ha spalancato un trabocchetto: ormai l’unica strada per salvarmi è quella verso il basso».

6 In Un dolore normale, seconda parte del trittico, il carattere di ipotesto della Vita nova è ancora più evidente, stavolta più scopertamente sul piano strutturale. Se SDN e DN sono entrambi prosimetri, la prosa di quest’ultimo si presenta infatti come una glossa ai versi, che ne costituirebbero il nucleo concettuale. Inoltre, è forte in DN l’idea del libro come diario sentimentale scritto per testimoniare che «incipit vita nova», e che di conseguenza le vicende della vita alia siano narrate per ricostruire la genesi del nuovo inizio e per fungere da memento a sé e ad altri.

7 Tre romanzi, tre racconti e una sorta di testo teatrale7, sette storie d’amore. «Non è una storia d’amore omosessuale […] è una storia d’amore e basta» (DN, 14).

8 Quantitativamente, si può osservare che gli amori eterosessuali sono sempre sullo sfondo (con l’eccezione del racconto Le mosse di Farhan, che ha al centro una storia fra due uomini e una donna). Sullo sfondo non significa meno importanti. Anzi, gli amori dei «normali»8 sono costantemente presenti, come orizzonte di riferimento e termine di paragone ma anche, si intuisce, come paradiso perduto da riguadagnare.

9 Se per lo statuto esperienziale dei racconti andrebbe fatto un discorso a sé, si può considerare la trilogia come caratterizzata da una evidente matrice autobiografica9. Anche in questo caso, analogamente a quanto detto a proposito della memoria dantesca

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 150

in Siti, si vede all’opera il magistero autoriale nei confronti dei codici di genere e della tradizione del realismo. SDN, TP e MM sono accompagnati da una Nota o Avvertenza10, che fa il verso, nei primi due casi, alle prefazioni apologetiche dei romanzi del Settecento, finalizzate fra l’altro a conferire una patente di autenticità a quanto ci si accingeva a leggere; nella nota ai racconti, Siti si misura anche con una certa critica letteraria, (un tempo) militante e impegnata a ricercare il realismo in letteratura.

10 Così SDN: «Ogni riferimento a fatti accaduti o a persone esistenti è da considerarsi puramente casuale» (SDN, 597). E MM: «I racconti qui pubblicati sono esclusiva opera di finzione e non hanno alcun rapporto con fatti realmente accaduti o con persone davvero esistenti» (MM, 187). Già in questo secondo caso però, la perentorietà del tono e l’insistenza sul carattere ‘assoluto’ dell’operazione compiuta («esclusiva», «alcun rapporto», «davvero») può indurci a nutrire qualche sospetto. Leggendo il seguito della citazione da SDN («la coincidenza delle mie generalità con quelle del protagonista di questo libro non è che una sconcertante omonimia», SDN, 597), l’impressione ludica si rafforza.

11 Ciò a maggior ragione in quanto il protagonista dei tre romanzi si chiama Walter Siti, come l’autore. Anzi, TP inizia con un’affermazione destabilizzante da parte del personaggio principale e narratore: «Mi chiamo Walter Siti, come tutti» (TP, 3). Se l’identità dei protagonisti fa parte dei caratteri topici della serialità, qui si tratta di un’identità poco più che nominale: i Walter Siti della finzione, a differenza dell’autore in questo caso, sono tre persone diverse. Dotati di caratteri minimi di riconoscibilità, sia fra loro sia nei confronti del referente (sono tutti docenti di letteratura italiana, tutti, si intuisce, romanzieri, tutti amanti del «nudo pneumatico»)11, gli altri tre alter ego di Walter Siti sono diversi fra loro, e questo fatto non è dovuto a un décalage cronologico della trilogia: non sono tutti nati lo stesso anno, alcuni sono orfani dalla tenera età, alcuni hanno fratelli, eccetera.

12 Dal primo al terzo capitolo della trilogia, e in misura minore con i racconti, matura la consapevolezza di aver inventato un genere, che è anche e forse soprattutto (di qui un nuovo segnale dell’autoconsapevolezza dello studioso che si fa narratore) una deroga. L’etichetta coniata da Siti per definire la sua narrativa, ulteriormente precisata in diverse sedi da Siti stesso e dai primi studiosi che se ne sono occupati12, è quella di «autobiografia di fatti non accaduti». Se da un lato lo si può considerare un omaggio alla tradizione degli imaginary portraits (entro un certo limite almeno), dall’altro, guardando agli autori a cui Siti critico di se stesso si rifà13, viene da pensare proprio a una deroga, a una categoria coniata ad hoc per sfuggire al casellario creato dagli studiosi di autobiografia e autofiction14.

13 Autobiografia travestita, pseudo-autobiografia, auto-eterobiografia. Questo per dire che il dato di partenza è sempre il biografico, sia quando si tratta di altri, come nel caso del racconto Il colpo di pollice, ultimo di MM, incentrato sulle ultime ore di vita di un Poeta che si intuisce essere Pasolini. Si dice nella Nota: «sono partito da un dato di realtà biografica, ma l’ho travestito e travisato fantasticamente, di modo che anche i pensieri e le azioni espressi in quel testo sono da considerarsi fittizi» (MM, 187). Sia anche, soprattutto, quando si tratta di Walter Siti alias everyman (altra forte marca dantesca), il cui trattamento falsificante coinvolge tutti i personaggi facenti parte del sistema dei romanzi. Dall’Avvertenza a TP: Anche in questo romanzo, il personaggio Walter Siti è da considerarsi un personaggio fittizio: la sua è una autobiografia di fatti non accaduti, un facsimile di

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 151

vita. Gli avvenimenti veri sono immersi in un flusso che li falsifica; la realtà è un progetto, e il realismo una tecnica di potere. Come nell’universo mediatico [orizzonte di riferimento di TP] anche qui più un fatto sembra vero, più si può stare sicuri che non è avvenuto in quel modo. Compaiono nel libro molti nomi e cognomi di persone note […]; tali nomi e cognomi hanno una pura funzione segnaletica, e le biografie delle persone che essi designano sono volutamente e palesemente falsificate. All’opposto di quanto accade nei romanzi- a-chiave, dove i fatti veri sono attribuiti a personaggi ‘in maschera’, qui a persone reali, indicate con nome e cognome, si attribuiscono fatti esplicitamente fittizi. Così funziona la post-realtà, nel regno dell’immagine […]. (TP, 2)

Differenza e alterità. Altro da chi, altro da cosa?

14 Prima di vedere se, e a quali livelli, si possa considerare l’alterità una tematica non secondaria della narrativa di Walter Siti, vorrei precisare brevemente cosa intendo con «alterità», considerando la categoria dell’alterità come derivata da quella di differenza, attraverso una sorta di recupero ‘archeologico’del lat. alter (gr. héteros).

15 Intendo differenza (che nel senso comune è qualcosa di diverso dalla différance derridiana)15 come termine dotato di una connotazione simile a quella del lat. alius, «altro fra molti», rimpiazzato nelle lingue romanze da alter, che ne ha assunto il significato perdendo quello originario di «altro fra due»16. La necessità di recuperare il termine «alterità», impiegandolo in un’accezione più specifica rispetto a quella di «differenza», nasce dall’esigenza di supplire alla mancanza di una parola che esprima il concetto di una polarità nella differenza, di un either, di una diversità rispetto a un altro.

16 Si può essere diversi in senso adiaforo, ovvero dotati di proprie peculiarità che differenzino gli uni dagli altri, nell’ottica di una pluralità non orientata in termini di valori. Ma se, e questa è l’impressione forte che nasce dalla lettura di Siti narratore, si percepisce una distinzione tra gli omosessuali e i «normali» ad esempio, ovvero sussiste un referente sentito come altro da sé, ecco l’esigenza di introdurre un termine che possa esprimere tale differenza polarizzata, se non ancora o non soltanto nell’accezione di un bene e un male, di un sic/non, già nell’accezione intuitiva di un io/mondo, di un io/voi in cui non si danno plurali inclusivi e solidali.

Prima figura dell’alterità sitiana. Plurilinguismo e antiaccademismo

17 Non ho approfondito la mia indagine tanto da poter prendere posizione in merito al fatto se Siti abbia o meno inaugurato una tradizione «altra» nella narrativa italiana. Per quanto mi risulta, direi che non ha fatto scuola, né si è allineato a un movimento letterario preesistente17. Ha fatto parte a sé, di nuovo come Dante, mutatis mutandis. E se Siti non ha fatto scuola, ciò è probabilmente dovuto anche al fatto che quella da lui inaugurata (quanto meno in Italia) è una tradizione difficile da seguire, sia a livello di realizzazione sia dal punto di vista di un gradimento popolare18.

18 Se si può parlare di una tradizione, non vanno ricercati degli antecedenti immediati, dei padri, ma piuttosto una continuità che parte da lontano, dal solito Dante. Walter Siti romanziere, e Walter Siti personaggio di SDN si schierano apertamente per il recupero

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 152

di una tradizione «altra», presente ab origine nella cultura letteraria italiana, quella che Gianfranco Contini ha definito la linea del plurilinguismo19.

19 Non è un caso che Contini contrapponga alla linea dantesca-gaddiana, per vocazione mistilingue e sperimentale, quella umanistico-petrarchesca e poi petrarchista, fautrice di un unilinguismo omologante. Allo stesso modo in cui Matteo Casimbeni alias il Cane, collega, fratello nel sistema edipico di SDN e doppio complementare di Walter, è studioso del Petrarca, del quale celebra senza sosta il purismo e l’eurocentrismo. Il Cane è l’accademico baroneggiante, che si fa e si fa fare strada nella vita con la lancia in resta della critica testuale e con un erotismo a dir poco esuberante. Il Walter di SDN è l’altro, quello che ai concorsi universitari non si vuole neppure presentare, gettando tutti i titoli nel Tevere, e che nella vita fa da strada, rifiutandosi di cedere alle logiche dell’accademismo e preferendo ‘calarsi le braghe’senza esserne richiesto, mantenendo un’integrità non si capisce quanto morale e quanto reale.

20 Emblematico terreno dello scontro tra Matteo e Walter è la critica leopardiana20. In occasione di un convegno, i due si impegnano in un certamen ermeneutico sul Passero solitario, campioni rispettivamente il primo della stilistica strutturale, il secondo di una lettura freudiana e ‘irrispettosa’del canto.

21 Il Padre accademico di Walter e Matteo si schiera apertamente a favore di quest’ultimo. Il Cane è, appunto, fedele a un rispetto incondizionato per l’istituzione, sentita come incarnazione di inveterate dinamiche di potere e sopraffazione. Walter, per contro, irride un’accademia di cui sente di non essere parte, si ascrive da subito dalla parte dei servi. È o proclama di essere terzomondista e antielitarista, forse anche per provocazione, quanto Matteo si dichiara purista e filocolonialista.

22 Ai valori dell’Umanesimo proferiti a gran voce dal Cane (non) si contrappone un Walter oltranzista nella propria difesa di una tradizione culturale «altra», minoritaria numericamente e sul piano del prestigio. Lo stile che lo scrittore Walter Siti sceglie di far suo rinvia a una tradizione petrosa, antipetrarchesca, antinormativa, profondamente ibridata, e che ricorre a uno spettro di registri e risorse espressive quantomai vasto.

Seconda figura dell’alterità sitiana. I «normali»

23 Walter Siti personaggio si sente costantemente «altro», dal punto di vista sessuale prima di tutto21. La sua alterità su questo piano si presenta come duplice, e tale da condannarlo a una solitudine (emotiva) pressoché totale. Walter sente di essere al di fuori della normalità, identificata con la comunità degli eterosessuali, così come si esclude da un’omosessualità manifestata senza ostentazioni né reticenze ma vissuta con serenità.

24 Andiamo per gradi. Lungi dall’essere universalmente accettata né tantomeno assimilata alla cosiddetta normalità, l’omosessualità costituisce, per alcuni dei personaggi di Siti, Walter incluso, un problema. Un caso emblematico in questo senso è Nick, protagonista del racconto Storia di un bodyguard, terzo di MM. Apparentemente eterosessuale e con tendenze omofobe, per una serie di circostanze Nick si trova, come molti personaggi di Siti, a vendersi ad altri uomini. Ed è agli omosessuali da cui Nick si sente sfruttato (e che forse è lui a sfruttare in realtà) che l’ex bodyguard attribuisce la responsabilità per la fine del suo rapporto con Jennifer, una ragazza americana con cui ha avuto un breve

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 153

flirt: «[Nick] s’era convinto che la colpa di non essere riuscito a soddisfare Jennifer era tutta di quegli impestati di ricchioni, che gli avevano succhiato le energie imprenditoriali» (MM, 146).

25 Nick si sente profondamente «altro» rispetto agli omosessuali, sulle cui inclinazioni egli ha una teoria tutta sua (non così aliena dal senso comune, purtroppo): «Gli omosessuali non sono come noi, a loro la vita gli fa orrore e hanno bisogno di sfogarsi con le porcherie per dimenticarla; non ne hanno mai abbastanza» (MM, 147). Qui la percezione di un mondo sentito come incurabilmente «altro» raggiunge forse il massimo grado. Per Nick non c’è differenza fra omosessualità e perversione, una perversione peraltro in escalation costante e insaziabile.

26 Il professore, personaggio-regista del racconto in questione, alter Walter ovviamente, un omosessuale in apparenza pacificato con se stesso e col mondo, nutre nondimeno alcuni dubbi sugli «altri» omosessuali. Tanto è vero che, richiesto di fornire un alibi a Nick implicato in una storia di sesso estremo finita tragicamente, il professore sceglie di testimoniare il falso, mosso, fra l’altro, dalla «sufficienza verso un supposto ‘tipo inferiore’di omosessuali, a cui temeva di assomigliare troppo», e finisce la propria riflessione affermando «poveri pervertiti, loro sì che sono anormali» (MM, 150).

27 DN è del resto un’elegia che canta la nostalgia dell’Eden, i tentativi frustrati di un «altro» che vuol farsi normale. Il libro nel libro scritto da Walter cerca di rispondere alla domanda se «i desideri non-compatibili possono conciliarsi con una vita normale; se il paesaggio può apparire gradevole anche a chi non ne è escluso» (DN, 9). Walter si illude della facilità di essere normali (DN, 89), crede che la chiave per capire il partner sia una parola, tormalina («non so nemmeno che aspetto abbia, finché non mi resi conto che era l’anagramma di ‘normalità’«, DN, 22), biglietto di ritorno dall’altrove in cui si sente confinato, e conclude: Desideravo diventare normale – sarebbe stata quella la vera avventura, […] perché si può dimostrare scientificamente che è impossibile per due maschi amarsi a lungo. I maschi, per gli omosessuali, sono un’illusione ottica: volerci impiantare una convivenza, rivendicando tutte le prerogative d’un amore fertile e sincero, è come la scimmia che crede di trovare un’altra scimmia dietro lo specchio. (DN, 204)

Terza figura dell’alterità sitiana. La lotta coi padri22, ovvero: se non riesci a sconfiggerli, fatteli… amici

28 In SDN in particolare, Siti propone una specularità del sistema edipico dalla dimensione familiare a quella accademica. Walter e Matteo sono fratelli d’accademia, hanno un padre, anzi un Padre, Alfredo, e di conseguenza (anche se non si insiste su questo elemento) una madre, Olga, moglie di Alfredo, con cui Matteo ha una relazione.

29 La struttura edipica base, triadica, è però complicata in primo luogo per la presenza di un numero più elevato di attanti. In particolare, lo stesso Matteo si candida a soppiantare la figura del Padre, assumendone le prerogative in relazione a Walter23. Matteo come Edipo, dunque. Ma, e questa è la seconda ragione per cui la struttura si rivela più complessa, lo stesso Walter spodesta, entro certi limiti, il Padre. Oltre al fatto che il punto di vista di Walter, un’ottica tendenzialmente omosessuale, ridimensiona il ruolo della madre, ascrivendo al Padre anche gli attributi materni. Ciò rende le dinamiche di SDN «altre» rispetto all’edipismo. L’incesto si consuma dunque con il Padre (SDN, 456-457).

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 154

30 E non è probabilmente un caso che SDN si apra con Walter che spia da un pertugio Alfredo che si masturba sotto la doccia (SDN, 8-9). La fellatio di Walter ad Alfredo (SDN, 456-457) è vissuta con toni onirici (come esplicitamente onirico è il rapporto sessuale che Walter immagina di consumare con il Cane, SDN, 164-165), forte è il senso di trasgressione e si ha l’impressione che i ruoli stiano per essere sovvertiti. In realtà, i tentativi di Walter per affrancarsi dall’autorità del Padre sono destinati allo scacco, come allo scacco è destinata la finzione paterna del Walter di DN nei confronti del giovane partner.

31 I padri alla cui autorità Walter (quello di SDN in particolare, ma non soltanto) si sente sottoposto sono però molti. Sono tanti da costituire una società, che viene a coincidere con la società, rispetto alla quale Walter percepisce la propria inadeguatezza e una profonda e irriducibile alterità. I membri di questa società dei padri sono sempre designati come «loro». La non-inclusione è accompagnata da sensazioni diverse, che vanno dalla nostalgia («gli altri, a forza di detestarli, son diventati così importanti per me che non mi resta che correre quando mi convocano: se ritardano, la mia non è rabbia, è smarrimento», SDN, 124) a un aristocratico distacco non esente da titanismo («Se sapessero quel che ho combinato ieri sera […], ognuno di loro avrebbe il diritto di disprezzarmi; e tuttavia il confronto tra noi non può essere solo di parole – bisogna che vengano pesate, tutte intere, le nostre vite», SDN, 112).

32 Tra i vari rapporti paterni che legano Walter al resto della società, soltanto uno sembra risolversi positivamente, con l’integrazione in un mondo sempre considerato «altro». La sudditanza nei confronti del capitalismo, degli Stati Uniti in particolare, relega Walter in un isolamento che lo allontana dai vincitori e lo accomuna (involontariamente, si ha l’impressione) alle minoranze dei diseredati, assumendo connotati inequivocabilmente edipici: «Mi nascondevo al padre non osando oppormi a lui; il capitale è il nostro padre comune rispetto al quale siamo tutti fratelli» (SDN, 572-573). Negli ultimi capitoli del romanzo tuttavia, in maniera analoga a quanto accade ad Alexander Portnoy, eroe eponimo del Complaint di Philip Roth, mediante l’amplesso con la soldatessa israeliana24, la relazione con il guatemalteco Hochy fornisce a Walter la green card che gli consente il ritorno nella Heimat agognata: L’amore per Hochy è stata la miccia che ha acceso un amore più grande, un amore che aspettava addormentato, l’amore per gli Usa. […] Gli Usa sono il padre che ho sempre sognato […]. Un tempo pensavo: speriamo che i poveri perdano, così posso continuare a essere dalla loro parte. Ora voglio vincere insieme ai miei, godere della legittima eredità, riprendere il mio posto in famiglia. (SDN, 561-562. Vedi anche SDN, 341-342)

Quarta figura dell’alterità sitiana. La non-elusione del patto autobiografico e il superamento dell’inazione. A mo’di conclusione

33 La figura dell’alterità sitiana in cui le altre tre in qualche modo confluiscono rinvia a quanto detto sopra circa l’ineludibile matrice autobiografica della narrativa di Siti.

34 Il personaggio Walter, specie quello di SDN, oscilla costantemente tra il riconoscimento e la negazione della propria individualità. Se già in limine Walter afferma, in relazione alla sua attività di critico letterario, «non voglio essere identificato con quello che scrivo […]. Consegno il saggio al capo […] e io già posso essere un altro» (SDN, 4), subito

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 155

dopo riconosce: «la critica letteraria era l’unica forma che mi consentiva un’esibizione autobiografica entro i limiti della decenza» (SDN, 6), e poco più avanti, riferendosi a Leopardi, «non riesco a studiare qualcuno con cui non mi identifico» (SDN, 86).

35 Altrove invece, allorquando l’autobiografia assume più specificamente i caratteri di una confessione, Walter prende coscienza di non essere altro da sé. Soffocata la gatta Malvina, ammette candidamente (facendo il verso a Rimbaud): «tutto è opera mia e io non sono un altro» (SDN, 228). Una simile accettazione della parte oltremodo cattiva dell’io, non più sentito come «altro», si verifica ancora in corrispondenza di un autodafé. Siti racconta, facendo il verso a Camus, una tragedia dell’assurdo quotidiano, un tragico scherzo di Walter che causa la morte di una donna (SDN, 470 ss). Di nuovo, Walter si riconosce nei gesti compiuti.

36 Non è un caso che questo processo di accettazione coincida con due delle pochissime azioni compiute da Walter. Il dato fondamentale che rende Walter irrimediabilmente «altro» rispetto a «loro» è infatti la passività. Anche i tentativi di superamento dell’inazione e di una vita vista anziché vissuta sono destinati a una riuscita solo episodica. In questa dinamica esistenziale dell’alterità del personaggio Walter, come per le tre figure precedenti, piano accademico e sfera emotiva tendono a coincidere. Sulla politica universitaria dichiara perentorio: «fin che gli altri scelgono per me, io sono libero» (SDN, 45). Riflettendo sul narcisismo di Bruno/Beatrice, grande amore di SDN, Walter considera: «forse Narciso vero sono io […], incapace di pensare un movimento proiettivo che non coincida con la morte» (SDN, 57).

37 Per poter entrare a far parte del «loro» mondo, Walter ritiene di dover diventare uomo d’azione (SDN, 103-104).

38 Sebbene la conclusione del romanzo, in particolare il rapporto con Hochy, la guarigione dall’impotenza, il concorso vinto inducano a credere che l’ignavia possa restare solo un ricordo, una lettura della trilogia alla ricerca di un riscontro al superamento dell’inazione come dinamica straniante mi ha dato l’impressione che quest’ultima, summa delle altre figure dell’alterità sitiana, resti la meno risolta. La si potrebbe compendiare in un’affermazione del Walter di SDN, divertito e sgomento di fronte al mondo che gli si muove incessantemente e operosamente attorno: Non posso giudicare le azioni buone o cattive fin che qualunque azione per me rimane un miraggio; […] non è che un caso particolare della scelta generale di patire la vita piuttosto che viverla: il mio settore è quello del voyeurismo autolesionista, che si tratti di letto o di cattedre. (È meglio aver torto lontano da loro che ragione con loro […]). (SDN, 152-153)

NOTE

*. Un grazie particolare a Walter Siti per l’attenzione e la curiosità (reciproca). Ringrazio inoltre Alessandro Grilli per la pazienza e le trouvailles d’archivio, Tatiana Korneeva per le conversazioni maieutiche, Enzo Neppi e Gianluigi Simonetti per gli utili consigli, Guido Paduano per aver aperto la via, Tiziana per avermi fatto conoscere i romanzi di Siti e Francesca per il supporto. A partire dalla presentazione del corpus ricorrerò alle seguenti abbreviazioni:

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 156

Scuola di nudo, Torino, Einaudi, 1994: SDN. Un dolore normale, Torino, Einaudi, 1999: DN. La magnifica merce, Torino, Einaudi («L’Arcipelago», 59), 2004: MM. Troppi paradisi, Torino, Einaudi, 2006: TP. Le citazioni sono ridotte al minimo per ragioni di spazio. 1. Vedi G. Baldissone, «La letteratura come eccezione. Narrativa e poesia nell’uso dei filosofi», in Il potere delle parole. Sulla compagnia tra filosofia e letteratura, a cura di S. Petrosino, Roma, Bulzoni, 2000, pp. 13-51. 2. Penso fra gli altri ad Alessandro Barbero e a Franco Cordero, rispettivamente medievista e giurista oltre che romanzieri. 3. Mi pare superfluo riportare in questa sede una bibliografia di Siti critico. La sua attività è del resto ben nota agli specialisti. D’altronde non farò riferimento alle pubblicazioni storico- letterarie di Siti, se non per alcuni scritti di «autocritica», riflessioni da letterato sulla propria produzione letteraria. 4. Trovo conferma alla mia impressione di lettura nel corso di una conversazione privata con l’autore. Preciso da ora che molte di queste riflessioni sono appunto nate dalla sinergia fra lettore comune e arcilettore. 5. L’espressione «troppi paradisi» ricorre già nella seconda di copertina dell’edizione dei racconti. 6. Cf. ad esempio SDN, 317: «… non c’è intelletto d’amore […]». 7. Mi riferisco a Perché io volavo, primo pezzo contenuto nella Magnifica merce. 8. Cf. in part. SDN, 222, e DN, passim. 9. Per una serie di ragioni, non ultimo il rischio di risultare troppo prolisso, mi limito qui a rubricare sotto la voce autobiografia i riferimenti contenuti nei paratesti della trilogia e di MM. Diverse riflessioni in merito, e non tra le meno interessanti, si nascondono anche fra le pieghe dei romanzi, di SDN in particolare. Ricordo almeno 18, 113, 216. 10. SDN, 597-598 ; TP, 2 ; MM, 187. 11. Ad esempio SDN, 64, ma le citazioni sarebbero numerose. 12. Oltre alle già citate Note e Avvertenze, ricordo almeno W. Siti, «Il romanzo come autobiografia di fatti non accaduti», Narrativa, 16, 1999, pp. 109-115; G. Simonetti, (a c. di), «Un realismo d’emergenza. Conversazione con Walter Siti», Contemporanea, 1, 2003, pp. 161-167. Vedi inoltre S. Contarini, «Walter Siti: Scuola di nudo», Narrativa, 16, 1999, pp. 117-131; R. Gigliucci, «Il corpo come luogo mentale» (rec. a W. Siti, La magnifica merce), L’Indice, 21, 2004, 12, p. 5; F. La Porta, «Piango, ma per finta. Una storia scomparsa tra pene d’amor perdute e dichiarate ambiguità» (rec. a W. Siti, Un dolore normale), L’Indice, 16, 1999, 5, p. 7; C. Madrignani, rec. a Scuola di nudo, L’Indice, 12, 1995, 3; G. Paduano, «Ogni educazione è uno stupro», La Rivista dei libri, 4, 1994, 12, pp. 18-20; G. Simonetti, «Lezioni di inesistenza: Scuola di nudo di Walter Siti», Nuova corrente, 42, 1995, pp. 113-128. 13. Mi riferisco in particolare a W. Siti, Il romanzo come autobiografia di fatti non accaduti, op. cit., e a Id., «L’orgoglio del romanzo», L’Asino d’oro, 5, 1994, 10, pp. 63-69. 14. Vedi in part. Ph. Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975, in part. pp. 13-46 (già in «Poétique», 14, 1973), e la definizione di autobiographie: «récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier, sur l’histoire de sa personnalité.» (p. 14); Autofictions & Cie, a c. di S. Doubrovsky, J. Lecarme, Ph. Lejeune, université Paris X-Nanterre, 1993 (RITM, 6: Centre de recherches interdisciplinaires sur les textes modernes) e la definizione di autofiction: «Fiction, car il n’y a jamais d’adéquation entre l’auteur, le narrateur et le personnage, entre le sujet de l’énoncé et le sujet de l’énonciation, entre un sujet soi-disant plein et le sujet divisé, dispersé, disséminé de l’écriture.» (R. Robin, L’autofiction. Le sujet toujours en défaut, pp. 73-86, rif. p. 74). Vedi inoltre R. Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1961.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 157

15. Rifacendosi fra l’altro a Saussure e alle accezioni del latino differre, Derrida identifica le due matrici della différance nel rimando indefinito (temporeggiamento) e nella non-identità (spaziamento). J. Derrida, La «différance» [1968, poi 1972], tr. it. in Margini della filosofia, a c. di M. Iofrida, Torino, Einaudi, 1997, pp. 27-57. 16. Mi rifaccio ad A. Ernout, A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, Klincksieck, 1979, pp. 21-22. 17. Ammesso, e non ne sono molto sicuro, che in riferimento alla narrativa italiana contemporanea si possa realmente (ovvero a prescindere da etichette e sistemazioni più o meno scolastiche) parlare di movimenti, correnti, tendenze. 18. Proprio nei giorni in cui scrivo, gli indici delle vendite di TP sembrano smentire tale constatazione. Preferisco non entrare nel merito della questione, limitandomi a riflettere sul fatto che un libro possa diventare un bestseller grazie a dinamiche non necessariamente di gradimento. 19. G. Contini, «Preliminari sulla lingua del Petrarca» [1951], in Varianti e altra linguistica. Una raccolta di saggi (1938-1961), Torino, Einaudi, 1970, pp. 169-192. Ma si tratta di un’idea che Contini riprende spesso nei suoi scritti. 20. Cf. SDN, 133-136; 293-303; 363-364. 21. Ma anche dal punto di vista accademico, emotivo, politico. Mi pare nondimeno che la dimensione sessuale della polarità altro/normale sia quella maggiormente significativa, se non altro perché si tratta di una tematica centrale in DN. 22. Cf. in part. G. Paduano, Ogni educazione è uno stupro, op. cit. 23. Vedi ad es. SDN, 95 ss., dove un rapporto sessuale fra Matteo e Fausta, segretaria del Dipartimento, è visto in filigrana con scene familiari legate ai genitori biologici di Walter. 24. Ph. Roth, Portnoy’s Complaint [1969], Toronto, New York, London, Bantam Books, 1970, p. 183 ss.

AUTORE

FILIPPO FONIO Université de Pise, Université Stendhal - Grenoble 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 158

La narrativa lesbica italiana nel contesto europeo. Note al margine

Eleonora Pinzuti

Una norma, nell’esperienza antropologica, non può essere originale. La regola non comincia ad essere regola se non agendo da regola, e questa funzione di correzione nasce dall’infrazione stessa. Georges CANGUILHEM, Il normale e il patologico. Quando mai t’ho chiesto l’eroismo dell’illusione? Io ti ho chiesto se potevi trar gioia dalla realtà qual era […] Ti ho chiesto se io ero per te l’amore, come tu lo eri per me, in tutte le contingenze, da lontano come da vicino […] separate da mille cose e pur unite in ogni respiro, salde, convinte di questa nostra unità, felici, felici, felici! Sibilla ALERAMO, Lettere d’amore a Lina.

1 Se l’oggetto della teoria narrativa non è il racconto ma la narratività, come relazione tra questa il senso, e il desiderio, e se un soggetto è «ingenerato» (come scrive Teresa De Lauretis)1 proprio dal suo inverarsi nel racconto, il dispiegarsi di certa tematica all’interno di una determinata letteratura dovrebbe rispecchiare, marxianamente, il livello antropologico della struttura sociale in quanto humus alle opere di finzione. Del resto il tema altro non è che una forma del topos, e il topos ingenera un livello di riferimento che, essendo simbolico, è strutturale e dunque risente delle dinamiche interne all’egemonia (gramscianamente intesa) del codice culturale: è il meccanismo generatore di testi di Lotman2.

2 Prendiamo quel che scrive Virginia Woolf in Una stanza tutta per sè: «Non ci sono uomini in questa stanza? Mi giurate che dietro quella tenda rossa non si nasconde Sir Charles Biron? Mi assicurate di essere soltanto fra donne? Allora vi posso dire che le prime parole che lessi furono: “Chloe voleva bene a Olivia”»3. Queste parole, pronunciate di

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 159

fronte alle ascoltatrici delle sue due conferenze sulle donne e il romanzo4, ci offrono subito l’occasione per ancorare il discorso dell’amore tra donne nell’ambito del culturalmente vietato: chiedersi se ci siano uomini ad ascoltare equivaleva infatti temere di infrangere il (comprensibile allora) confine fra ciò che ha diritto al racconto e ciò di cui invece è giusto tacere, secondo il canone dominante. L’amore fra donne (tanto vietato da essere stato nei vari codici penali spesso omesso perché inesistente) si presenta dunque come un discorso che necessita di essere decolonizzato da uno sguardo maschile che l’ha rappresentato secondo i feticci del proprio dettato. Il desiderio lesbico, descritto a tinte fosche da Charles Baudelaire, che nel suo Femmes Damnées pone in scena un rapporto quasi demoniaco, soggetto ai «travestimenti/ travisamenti» del Balzac di La fille aux yeux d’or, gestito dalle descrizioni «iniziatiche» di De Sade (che vedeva nella sessualità fra donne solo «l’educazione sentimentale» per accedere al «vero sesso», quello con i maschi), inventato da Pierre Louÿs nelle sue Chansons de Bilitis, non è dunque soggetto pronto a narrarsi, ma oggetto da sottrarre all’attenzione maschile per essere ri-creato attraverso il proprio bisogno di inverarsi nel narrato.

3 È peraltro evidente che la pubblicazione del racconto d’amore fra donne, rendendo «pubblico» un desiderio taciuto, lo rende pericoloso e inquietante (si potrebbe qui richiamare il «perturbante» freudiano): del resto, citando Kaan, ben aveva ipostatizzato il problema Michel Foucault, quando scrive che «la causa della deviazione è l’immaginazione»5, dunque proprio sull’immaginazione/immaginario, prima che divenga parola, si era imposto il silenzio. Questa sorta di «repressione addizionale»6, cioè di repressione che agisce sul vissuto impedendone la vocalità tramite gli specifici interessi del dominio, si chiarisce meglio se si leggono le parole di Hayden White: «Se vediamo la narrazione e la narratività come strumenti attraverso i quali le esigenze contraddittorie dell’immaginario e del reale sono mediate, arbitrate o risolte in un discorso, cominciamo a comprendere insieme il fascino della narrazione e le ragioni per respingerla»7. Ed è qui facile citare quanto dice Mario Mieli («L’esistenza del non- desiderio si riduce in gran parte all’esistenza di desiderio negato»8), che proprio in virtù della sua negazione, ancorandosi nel rimosso, trova un criterio di esistenza secondo le note teorie freudiane. Ma per quanto l’esistenza del rimosso agisca «sotto traccia», in posizione tachigrafica rispetto alla grammatica e al discorso del racconto, questa condizione non può soddisfare il criterio della narrazione come forma espansa della soggettività: «l’epistemologia del chiuso» dunque (per citare Eve Kosofsky Sedgwick)9 ha necessariamente bisogno, in quanto epistemologia, delle forme di discettazione (dunque di liquidità simbolica) che le sono proprie. A questo proposito appare chiaro che la predisposizione innata al desiderio è costruzione e che l’intento di gestione normativa è volto al mantenimento dell’omeostasi sociale: «Le norme sociali guidano tale sviluppo verso la meta indicata, volta a volta, come giusta, reprimendo e selezionando i desideri e le loro espressioni verso ciò che viene stabilito “consensualmente” come degno di essere realizzato»10.

4 Il rapporto dunque fra il detto e il taciuto si gioca in realtà seondo le categorie proprie del canone come langue all’interno della quale, saussurianamente, si innesta la parole, cioè la declinazione, lo scarto spitzeriano all’interno alla tradizione. Se, per dirla con Mireille Frauenrath, si analizza il rapporto biunivioco fra sujet donné e sujet traité11, è chiaro che il soggetto trattato (e le modalità paradigmatiche con cui questo viene trattato) risponde a contrario a tutta una serie di istanze immateriali che si concretano nella dimensione materiale, storica e paradigmatica del testo. Il testo dunque che tratta

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 160

un tema non-trattato (anaforicamente, senza un trattato di genere che lo sostenga) si trova allora nella difficile situazione dell’irregolarità, che impone, per trovare una forma di comunicazione fra i codici, la necessaria ritraduzione del simbolico in un ordine meglio conosciuto. L’oggetto del discorso, essendo così eccentrico, permette dunque soltanto una soluzione di mediazione, che rispecchi in qualche modo una forma, limitata e limitante, dell’orizzonte di attesa. Il «corpo in figure» di Adriana Cavarero12, diviene allora necessariamente lo «scritto sul corpo» di Jeanette Winterson13, perché solo partendo da una scrittura della corporeità (quindi da un ordine di segni diverso da quello grammaticale proprio di un linguaggio normativo e normalizzante) si può perseguire un dettato che ricostruisca, dall’esterno, la storia di un desiderio che, perché desiderante, si fa tema e dunque narrazione.

5 La fuga quindi da una forma di «costruzionismo» del desiderio fra donne, se è iniziata fattivamente molto presto (e per una ricostruzione anche storiografica si veda l’insuperato studio di Daniela Danna)14, ha risentito della funzione che a questo desiderio era stata data dalla cultura dominante, lottando per un processo di «decolonizzazione» che forse raccoglie oggi i primi sensibili risultati. Del resto, la difficoltà di una sub-cultura (intendendo con questo termine la difficoltà di accesso al paradigma dominante che tenta sempre una riduzione del simbolico a se stesso), fa sì che molta letteratura lesbica necessiti dell’aggettivo in quanto parte, caratteristica, connotato necessario alla tematizzazione specifica. Questo crea a sua volta un sapere minoritario, che nel rapporto fra canone e anticanone gioca le sue carte di autorappresentazione, ma che invera in sé i segni di un alfabeto che diverranno scarti stilistici e di riconoscimento (si pensi, appunto, a tutto il «saffismo» di una scrittrice come Renée Vivien15, a Violette Leduc16, Lidja Zinov’eva-Annibal17, che pur muovendosi fra stereotipie – da qui l’aggettivo connotato – misero in circolo modalità di riconoscimento, funzioni di racconto, e strategie finzionali che ebbero sicuramente un impatto sulle categotie rappresentative), cioè di trasmissione. Questo è ben argomentato da Iris Marion Young quando scrive: Il gruppo definito dalla cultura dominante come deviante, come uno stereotipato Altro, è davvero culturalmente diverso dal gruppo dominante, perché la condizione di Alterità dà luogo a esperienze assolutamente specifiche e perché i gruppi culturalmente oppressi sono spesso socialmente segregati […]. I membri di tali gruppi si comunicano gli uni con gli altri le specifiche esperienze e interpretazioni del mondo proprie del loro gruppo, elaborando e perpetuando così una loro cultura18.

6 Dunque per usare i sintagmi coniati da Giddens, la «coscienza pratica» della propria marginalità, attraverso il concetto di cultura si fa «coscienza discorsiva»19 proprio nel bisogno di narrativizzazione. La specificità del vissuto lesbico all’interno degli studi femministi ha trovato una sorta di collocazione categoriale nelle a-perimetrie dei queer studies, volti, com’è noto, a scardinare la fondazione di un sistema di tassonomie sul corpo tanto rigide quanto arbitrarie. Judith Butler a questo proposito chiarisce infatti come, all’interno delle filosofie femministe, la categoria onnicomprensiva del genere «donna», che la Spivak definisce funzionale alla pratica politica, in realtà universalizzi una categoria ontologica nella quale molte donne non si riconoscono senza una ulteriore declinazione del termine: questo atteggiamento ha creato un problema sia teorico che politico, e precisamente che un certo numero di donne appartenenti a diverse posizioni culturali si sono rifiutate di riconoscersi come “donne” nei termini formulati dalla teoria femminista, con il risultato che esse non rientrano nella categoria e vengono

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 161

a trovarsi nella seguente alternativa: o non sono donne come avevano precedentemente ritenuto di essere, oppure la categoria riflette la posizione ristretta delle sue premesse teoriche, e, quindi, non è in grado di riconoscere l’intersezione del genere con la razza, la classe, l’etnia, l’età, la sessualità e le altre componenti che contribuiscono alla formazione della (non) identità culturale20.

7 Pare di sentir riecheggiare qui il «la lesbica non è una donna»21 della Wittig, che destruttura il bourdiano campo del sapere aprendolo ad altre forme di intersecazione/ costruzione delle identità. La Witting, autrice de Il corpo lesbico22, intendeva, con il suo oramai famoso epifonema, affermare che la lesbica non pertiene all’oggetto sociale della donna culturalmente intesa, e che invece è soggetto di una «pratica conoscitiva» che muta i rapporti sociali e le loro condizioni in posizione eccentrica rispetto alla normatività dell’istituzione eteropatriarcale.

8 Comunque, il termine stesso di identità (del resto refrattario, mobile, declinabile oramai in rivoli continui di auto-rivisitazioni), quando si diasistemizza in scrittura, comporta di necessità un riposizionamento all’interno della riflessione. Il tema infatti, e la sua rappresentazione, può declinarsi sia come auto-narrazione dell’esperire del sé (attraverso fome finzionali autobiografiche) sia come tema svincolato dall’identità soggettiva (che spesso comporta un elevato gradiente citazionale). Quel che però ci preme sottolineare è che, ci pare, mentre la tematica dell’amore fra donne, nelle letterature europee e occidentali del Novecento ha visto una sorta di fioritura all’interno del canone e delle modalità di rappresentazione (si pensi, per fare esempi corrivi, a The color purple di Alice Walker, ai romanzi di Vita Sackwille West e alla messe di narrazioni per le quali si rimanda all’utilissimo studio di Margherita Giacobino, Guerriere ermafrodite cortigiane)23, la letteratura italiana, in questo si è mostrata meno ricca di esempi e narrazioni che siano state assimilate all’interno del canone, anche per la difficoltà che, a lungo, l’ambiente accademico ha mostrato nel recepirne le implicazioni e le aperture. Del resto, come osserva Francesco Polo: [mentre] le grandi case editrici (Einaudi, Feltrinelli, Garzanti, Guanda, Mondadori, Adelphi) pubblicano Sibilla Aleramo, Alberto Arbasino, , , , Giuseppe Patroni Griffi, Giovanni Testori […] Sul versante lesbico la situazione è, in parte, più desolante: bisogna aspettare gli anni ’60 e ’70 per leggere i romanzi (tradotti) di Radclyffe Hall (Dall’Oglio), Violette Leduc (Feltrinelli), Rita Mae Brown (Bompiani), Carson McCullers (Mondadori); e gli anni ’80 per Willa Cather (La Tartaruga), Marina Cvetaeva (Guanda), Sheridan Le Fanu (Sellerio); romanzi e autrici d’importazione che si inseriscono in un sottobosco di saggi, racconti, poesie dell’amore tra donne confinato nelle autoproduzioni o microedizioni, mentre continuano a mancare grandi narratrici lesbiche italiane o, comunque, grandi storie lesbiche scritte da penne italiche24.

9 Facile qui sottolineare il sostrato culturale proprio della società in cui il prodotto letterario nasce e si sviluppa. Le ragioni di una parziale latitanza pertengono forse di più a una sorta di sociologia della narrazione: all’interno della stessa però, e dei prodotti che offre, possiamo comunque delineare alcune mappe utili al proseguimento della riflessione attraverso le modalità della stessa. Margherita Giacobino, in Orgoglio e privilegio. Viaggio eroico nella letteratura lesbica25, cita e analizza alcuni romanzi e racconti di Maria Rosa Cutrufelli, Complice il dubbio26, di Valeria Viganò, Il piroscafo olandese27, di Sara Zanghì, La cima della stella28, proponendo quest’ultimo come explicit dell’ideale silloge, poiché la Zanghì non propone la sofferta differenza presente a vario titolo in Cutrufelli e Viganò. Alternando racconti che mettono in scena amori etero e lesbici, la Zanghì, secondo la Giacobino, fa sì che «la storia lesbica diventa storia di tutti e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 162

viceversa»29. Ora, se questo ragionamento può essere certo sostenuto, è chiaro che però evidenzia come la normalizzazione debba passare non tanto attraverso l’assimilazione del tessuto per farsi in qualche modo regola, ma che la compresenza di storie d’amore eterossessuale, «diluendo» il tema specifico nel più ampio soggetto d’amore, ne elide anche la focalizzazione e dunque gli effetti: dato che fa riflettere perché si parla di testi recentissimi.

10 Se prendiamo la raccolta di racconti a cura meritoria di Delia Vaccarello (meritoria appunto perché va a coprire una assenza assordante, se è permesso il banale sintagma) Principesse Azzurre30, edito da Mondadori (dunque una casa editrice di larghissima diffusione – e qui è necessario fare del paratesto genettiano, cioè soffermarsi sul supporto finanche editoriale che determina la diffusione) si legge nella prefazione: L’amore tra donne non è più l’eccezione che non merita il canto. Un canto prima solitario, oggi a più voci. L’amore tra donne si può fantasticare, immaginare, intrecciare, rendere drammatico e lieve, virtuale e reale, si può narrare. Magia e favolosità, grazie al canto, diventano dimensione da vivere e non rifugio o maschera di delirio. La scrittura da qualche tempo si sta prendendo cura dell’amore tra donne. E lo nutre, lo tiene in vita31.

11 Il volume è uscito nel 2003, e basterebbe la data a creare frizione con il dettato: se la Vaccarello sente il bisogno, a fronte di una situazione evidentemente di non larga perimetria, di citare ancora la narrazione dell’amore fra donne come «maschera di delirio» (seppur in modo antifrastico, ma la necessaria precisazione è segno della necessità del disancoramento) e la dimensione temporale («da qualche tempo») viene ribadita, vuol dire che la soggettivizzazione del racconto lesbico non si è ancora del tutto emancipata dall’oggettivizzazione di una sottesa «diversità». Il titolo stesso, che rimanderebbe a forme di riscrittura delle violenze proprie delle fiabe (si pensi a quelle di Angela Carter ne La camera di sangue32, volte a ri-creare attraverso la dimensione morfologica proppiana delle fiabe altre funzioni che ingenerassero dimensioni diverse dall’obbligatorio orizzonte del «principe azzurro» come sogno d’amore obbligato per tutte le bambine), lo richiama in tralice come segnale quasi provenzale di presa di distanza. Ben diversa la seria a cura di Daniele Scalise, Men on Men33, che instaura subito un dettato ancorato alla corporeità senza ipotesti soggiacenti. Del resto, mentre nell’antologia a cura di Scalise gli scrittori firmano con il nome proprio, in Principesse Azzurre appaiono evidenti pseudonimi (non molti, per la verità, ma sufficienti a rimandare a situazioni che rievocano non più il wildiano «amore che non dice il suo nome» ma chi non dice il suo nome dicendo l’amore), a traccia di una non liquida e pronta visibilità nominale del sé. Infatti, nella introduzione a Principesse Azzurre 2, Delia Vaccarello sente il bisogno di dire, a seguito di lettere di gratitudine delle lettrici: «Principesse Azzurre è diventato un punto di riferimento, una speranza»34. Ora, il lemma è chiramente simbolo di un bisogno di immaginario, di una ricerca di autoriconoscimento, che ancora forse, nella letteratura italiana, non ha superato le dinamiche del canone e non è riuscita a imporsi non tanto come scrittura degna di lettura, ma come scrittura del continuo esperire umano che fa della tematizzazione soggetto di gnoseologia al pari dei topoi propri della tradizione (e dunque, archetipicamente, dell’esistenza).

12 La stessa necessità di nicknames è poi presente in un’altra antologia, Sabato sera a casa da noi35, di recentissima pubblicazione, e sta ad indicare in fondo una non risolta assunzione di dettato che turba e lascia perplessi proprio per il rimando che sottende, e cioè che la visibilità della scrittura, là dove non sia ancorata alla visibilità personale,

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 163

acquista un sapore domestico, privato. E se sono passati decenni dal famoso sintagma «il privato è politico», è evidentemente a causa di una polis non così aperta alle differenze, che il privato rimane legato ad una dimensione di maschera. Questo rimanda dunque alle forme di rappresentazione ancora ancorate, almeno in parte, a stilemi non del tutto rielaborati e assunti come parti del soggetto sociale. È difficile infatti non citare un romanzo peraltro molto interessante come quello di Elena Stancanelli, Benzina36, dove le due protagoniste, Lenni e Stella, uccidono la madre di Lenni sullo sfondo di una pompa di benzina. Il noir lesbico, teorizzato da Paulina Palmer, ci permette qui di analizzare il genere del romanzo non tanto o non solo come genere popolare, ma per la ricaduta che il noir ha sul tessuto del romanzo. Le due ragazze commettono un omicidio uccidendo la madre di una di loro (sul simbolismo dello stesso è piuttosto facile per altro discettare) e dunque l’«eccentricità» del narrato (l’amore fra donne) viene facilmente sussunta e collegata all’atto omicida: in fondo la parodia delle «cattive ragazze», l’evocazione di tanta letteratura on the road, rimandano però all’inquietante gesto che appunto lega la sessualità alla dimensione mortuaria, al disordine sentimentale, alla vischiosità (per sineddoche, quella della benzina) di un sentimento patologico. La lesbica assassina dunque (si pensi alle vampire o alle dimensioni mortuarie di primo Novecento: pensiamo a Guido Ceronetti e al suo La vera storia di Rosa Vercesi e della sua amica Vittoria)37, se qui può sussumersi in citazione e dunque in superamento, richiama però il topos con inquietante e serrata precisione.

13 Del resto, anche nell’ottica di una eventuale normalizzazione per la quale le lesbiche sono assassine o delinquenti come qualsiasi altro «gruppo» sociale, il dettato potrebbe sostenersi meglio se le dinamiche attraverso le quali si rappresenta il disordine (si pensi al celebre film Monster) fossero analizzate come impatto della disorganicità e non prevedibilità da parte del tessuto sociale ad un sentimento «imprevisto» (de-genere), ma il fatto che il genere (in questo caso narrativo) del poliziesco lesbico abbia avuto un maggior successo che altre forme di racconto colloca di per sé l’espressione dello stesso in un sostrato che rimanda, comunque, al concetto di margine, rafforzandolo.

14 , ne Il bacio della medusa38, mette in scena un femminile perturbante per nominalizzazione (Madlin detta Medusa e Norma, la donna borghese trascinata nei vortici della «perdizione» quando si allontana dalle dinamiche sociali), ancorando il racconto all’unhappy end proprio dei romanzi lesbici (e omosessuali in genere). Del resto in Lei così amata39, la funzione propria della biografia, legata com’è alla vicenda di Annemarie Schwarzenbach, non sottrae il dettato ad una lettura che friziona in tutto e per tutto con l’idea del lesbismo che circolava in Europa negli anni trenta, e che la Schwarzenbach per altro, suo malgrado, incarnò. Però, quello che qui ci preme sottolineare è che la narrazione biografica risente anch’essa del sistema modellizzante del narratore e ha funzioni ideologiche forti e pregnanti (si pensi all’exemplum agiografico). La vita dunque della Schwarzenbach rievoca per alcuni tratti un famoso romanzo, pubblicato nel 1928 e subito censurato, The well of loneliness40, di Radclyffe Hall, facendo rientrare in circolo il tema dell’androginia della lesbica e la sofferenza del vissuto, pur mediato da brani di intenso lirismo e profonda compartecipazione che inseriscono il lettore in una dimensione interna al narrato. Il gioco di specchi che si instaura dunque con la Schwarzenbach, non bruciandosi con la dimensione strettamente cronachistica o storica, si riverbera immediatamente in assunto contemporaneo. In Non dire il mio nome41 (quasi aposiopesi esistenziale e di un non esplicato vissuto se il nome ha funzione sociale e indica il primo criterio di esistenza),

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 164

Paola Presciuttini narra un vissuto difficile, faticoso, quasi straniante per la recente uscita del romanzo.

15 Il finale è un finale mobile («mi fermo qui per ora»42), non senza la straziante angoscia del racconto duro che proietta le ombre sull’intero vissuto della protagonista (si pensi alla scena sulla spiaggia, dove, nella vocalità orribilimente offensiva del maschio si risente in tralice il dettato gnomico proprio delle forme di violenza fatte all’amore fra donne: non a caso infatti l’epigrafe che apre il libro recita: «Il calabrone, secondo le leggi dell’aerodinamica, non può volare: ma lui non conosce queste leggi, e vola», ad indicare quanto il volo verso se stessi infranga le leggi del pensiero dominante).

16 Siamo comunque oramai lontane dal rischio che la narrazione (e dunque il desiderio) venga risommerso, come temeva Adrienne Rich. Vale la pena rileggere le sue riflessioni intorno ai significati da dare a quello che ancor oggi è un continente da decrittare e da storicizzare (vengono a mente le forme «resistenziali» dello «scrivere al buio» di bell hooks), proprio per fissare, senza violenza epistemica, una semiosfera dai margini e dalle perimetie tanto mobili e soggettive: Esistenza lesbica sta ad indicare sia il riconoscimento della presenza storica delle lesbiche sia la nostra costante elaborazione del significato di tale esistenza. Per continuum lesbico intendo una serie di esperienze – sia nell’ambito della vita singola di ogni donna che attraverso la storia – in cui si manifesta l’interiorizzazione di una soggettività femminile e non solo il fatto che una donna abbia avuto o consciamente desiderato rapporti sessuali con un’altra donna43.

17 Se il sintagma «soggettività femminile» aprirebbe qui la necessaria discussione teorica sull’aggettivo, ci pare che queste parole stiano ancora ad indicare il percorso (storico, culturale, narrativo) che il corpo della lingua ha fatto, e deve ancora fare per definirsi e fissarsi in forme canoniche: infatti solo il topos permette la consecuzione e la trasmissione culturale. Il silenzio che ha avvolto la narrativa dei sentimenti d’amore fra donne, la Lettera aerea di Nicole Brossard 44 che appunto non trovava terra, si deve ancorare al canone se vuole fecondare l’immaginario nella necessaria dialettica fra la propria continua specificità, le diverse forme in cui si esplica, e l’ascolto comune. Il corpo cancellato, e con lui il desiderio di narrazione per secoli sommersi, richiama ora le parole di Judith Butler: The body that is on the couch is the same body that did the deed, but on the couch, the deed is relayed verbally; the body acts again, but this time through the bodily act of speaking itself … what about the body? It is the referent of the deed; it is that whose activities are reported, relayed, communicated45.

NOTE

1. Vedi T. De Lauretis, Sui generis. Scritti di teoria femminista, Milano, Feltrinelli, 1996 e T. De Lauretis, Pratica d’amore. Percorsi del desiderio perverso, Milano, La Tartaruga Edizioni, 1997. 2. Si vedano per le teorizzazioni intorno alla semiotica della cultura e ai meccanismi generatori di testi J. Lotman, Testo e conteso. Semiotica dell’arte e della cultura, Bari, Laterza, 1980 e J. Lotman, Il testo e la storia. L’Evgenij Onegin di Puskin, Milano, Il Mulino, 1985. 3. V. Woolf, Una stanza tutta per sé, Milano, Il Saggiatore, 1993, p. 92.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 165

4. «Ma, direte, noi le abbiamo chiesto di parlare delle donne e il romanzo – che c’entra il fatto di avere una stanza tutta per sé?» V. Woolf, Ibid., p. 92. In realtà il saggio che darà il nome al libro si basa su due conferenze lette in due scuole universitarie femminili nel 1928: la Arts Society di Newnham e la Odtaa di Girton, che avevano per tema, appunto, il rapporto fra le donne e il romanzo. 5. M. Foucault, Gli anormali, Milano, Feltrinelli, 2003, p. 249. 6. H. Marcuse, Eros e civiltà, Torino, Einaudi, 1977, p. 81. 7. H. White, «The Value of Narrativity in the Representation of reality», Critical Inquiry, 7(1), autunno 1980, pp. 8-9. 8. M. Mieli, Elementi di critica omosessuale, Milano, Feltrinelli, 2002, p. 174. 9. Cf. E. Kosofsky Sedgwick Epistemology of the Closet, Berkeley, University of California Press, 1990. 10. P. Rigliano, Amori senza scandalo. Cosa vuol dire essere lesbica e gay, Milano, Feltrinelli, 2001, p. 76. 11. M. Frauenrath, Le fils assassiné : l’influence d’un sujet donné sur la structure dramatique, München, Fink, 1974. 12. A. Cavarero, Corpo in figure. Filosofia e politica della corporeità, Milano, Feltrinelli, 1995. 13. J. Winterson, Scritto sul corpo, Milano, Mondadori, 1993. 14. D. Danna, Amiche, compagne, amanti. Storia dell’amore tra donne, Milano, Mondadori, 1994. 15. Renée Vivien è pseudonimo di Pauline Mary Tarn (1879-1909), autrice di un romanzo dal titolo Une femme m’apparut, dove con toni drammatici, del tutto volti a porre in scena un inevitabile maledettismo (appunto da femmes damnées) racconta della sua storia d’amore con Natalie Clifford Barney. 16. Ci si riferisce soprattutto a Thérèse et Isabelle, racconto di una passione lesbica, fortemente carnale, che esplode in un collegio femminile. Scritto nel 1955 uscirà in Italia, in edizione integrale per Baldini & Castoldi solo nel 2002. La dimensione claustrale/collegiale era propria di un altro racconto, Olivia di Olivia (pseudonimo per Doroty Strachey), pubblicato anonimo nel 1949 in Inghilterra. 17. Autrice di un racconto dal titolo 33 mostri (Tridcat’-tri uroda, S. Petersburg, 1907), considerato il primo racconto lesbico della letteratura russa. 18. I. M. Young, Le politiche della differenza, Milano, Feltrinelli, 1996, p. 77. 19. Vedi A. Giddens, Central Problems in Social Theory. Action, Structure, and Contradiction in Social Analysis, London, Palgrave Macmillan, 1979. 20. J. Butler, «Genere, teoria femminista e discorso psicoanalitico», in Letteratura e femminismi, a c. di M. T. Chialant e E. Rao, Napoli, Liguori Editore, 2000, p. 175. 21. Le Non Donne di Monique Wittig, intervento di Simonetta Spinelli al Convegno sulla Letteratura Lesbica, Casa Delle Letterature, Roma, giugno 2002. 22. Il corpo lesbico fu pubblicato in Italia nel 1976 (Roma, Edizioni delle donne). 23. M. Giacobino, Guerriere ermafrodite cortigiane. Percorsi trasgressivi della soggettività femminile in letteratura, Milano, Il Dito e La Luna, 2005. 24. F. Polo, «L’editoria lesbica, gay, transessuale/ transgender», in We will survive! Lesbiche, gay e trans in Italia, a c. di P. Pedote e N. Poidimani, Milano, Mimesis Edizioni, 2007. 25. M. Giacobino, Orgoglio e privilegio. Viaggio eroico nella letteratura lesbica, Milano, Il dito e La Luna, 2003. 26. M. R. Cutrufelli, Complice il dubbio, Milano, Interno Giallo, 1992. 27. V. Viganò, Il piroscafo olandese, Milano, Feltrinelli, 1999. 28. S. Zanghì La cima della stella, Roma, Empiria, 1998. 29. M. Giacobino, op. cit., p. 115. 30. Principesse Azzurre. Racconti d’amore e di vita di donne tra donne, a c. di D. Vaccarello, Milano, Mondadori, 2003. Faranno seguito a questa prima raccolta, sempre per Mondadori e con la cura

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 166

di D. Vaccarello, Principesse Azzurre 2 (2004), Principesse Azzurre 3 (2005), Principesse Azzurre crescono (2006), Principesse Azzurre da guardare (2007). 31. Ibid., p. 5. Corsivi nostri. 32. A. Carter, La camera di sangue, Milano, Feltrinelli, 1984. 33. D. Scalise, Men on men, Milano, Mondadori, 2002, a cui faranno seguito, sempre per Mondadori e sempre a cura di D. Scalise, Men on men 2 (2003) Men on men 3 (2004) Men on men 4 (2005) Men on men 5 (2006). 34. Principesse Azzurre 2. Racconti d’amore e di vita di donne tra donne, a c. di D. Vaccarello, Milano, Mondadori, 2004, p. 6. Corsivi nostri. 35. AA.VV., Sabaro sera a casa da noi, Forlì, Zoe Edizioni, 2007. 36. E. Stancanelli, Benzina, Torino, Einaudi, 1998. 37. G. Ceronetti, La vera storia di Rosa Vercesi e della sua amica Vittoria, Torino, Einaudi, 2000. 38. M. Mazzucco, Il bacio della medusa, Milano, Baldini & Castoldi, 2006. 39. M. Mazzucco, Lei così amata, Milano, Rizzoli, 2000. 40. R. Hall, The well of loneliness, London, Jonathan Cape, 1928. 41. P. Presciuttini, Non dire il mio nome, Padova, Meridiano zero, 2004. 42. Ibid., p. 285. 43. A. Rich, «Eterosessualità obbligatoria ed esistenza lesbica», Nuova DWF, 23-24, Roma, Coines, p. 26. 44. N. Brossard , La Lettre aérienne, Montréal, Editions Remue-Ménage, 1985. 45. J. Butler, Undoing Gender, New York, Routledge, 2004, p. 165.

AUTORE

ELEONORA PINZUTI Université de Florence

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 167

La rappresentazione della differenza. Il ritorno di Meg March nella letteratura scritta dalle donne*

Barbara Meazzi

Tieni sempre presente che è una donna. Sai, no, le donne? Quelle tanto diverse da noi. Stefania BERTOLA, Biscotti e sospetti1.

1 Il sottotitolo potrebbe essere: «Ovvero le piccole donne crescono come possono ma sono sempre in circolazione, altro che Hasta siempre mujercitas»2, in riferimento al titolo di uno degli ultimi libri della cilena Marcela Serrano, che si rifà alla celeberrima saga delle sorelle March creata da Louise May Alcott nel 18683, per certi versi a sua volta molto simile ai romanzi della Austen. Si pensi anche solo ad Orgoglio e pregiudizio4 del 1813, in cui Elisabeth Bennet fatica a trovare una sua dimensione in mezzo alle sciocche sorelle, la cui unica ragione di vita è il matrimonio a tutti i costi.

2 Nel romanzo della Alcott, come è ben noto, viene narrata la storia di quattro sorelle: Meg, la quale non concepisce la propria esistenza al di fuori dell’essere sposa e madre; Jo, la preferita da tutte le giovani lettrici, anticonformista ed indipendente; Beth, timida e virtuosa pianista, morta prematuramente di scarlattina e responsabile delle lacrime versate non solo da parenti e amici raccolti intorno al suo capezzale, ma anche da generazioni di bambine di tutto il mondo occidentale; Amy, pittrice in nuce, frivola ed arrivista, che si sposa con l’innamorato di Jo, nipote del ricchissimo vicino di casa. Il carattere delle quattro ragazze March viene delineato fin dall’indimenticabile incipit: “Christmas won’t be Christmas without any presents”, grumbled Jo, lying on the rug. “It’s so dreadful to be poor!” sighed Meg, looking down at her old dress. “I don’t think it’s fair for some girls to have plenty of pretty things, and other girls nothing at all” added little Amy, with an injured sniff. “We’ve got Father and Mother, and each other”, said Beth contentedly from her corner5.

3 Le eredi di Jo, nella letteratura italiana contemporanea al femminile, sono numerose: si pensi a Rossana Campo, Nicoletta Vallorani, Anna Berra, piuttosto lontane dalle

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 168

tormentate storie messe in scena dalla Fusini o dalla Sanvitale, da Clara Sereni o da Elisabetta Rasy.

4 Le figlie di Jo, all’insegna dell’iscrizione di un anonimo cubano che nel lontano 1762 annotava «Las muchachas de La Habana no tienen temor de Dios6», non solo non temono più Dio, ma nemmeno gli uomini. Si ribellano, conquistano la loro indipendenza, pagandola certo a caro prezzo, e indugiano nel sottolineare l’uguaglianza e la parità – quella «smania di far da sola7» che animava già la Clelia di Pavese in Tra donne sole –, nei confronti degli uomini, ma anche la differenza rispetto a questi ultimi, differenza oltremodo accentuata in taluni romanzi della Santacroce, della Teodorani o sottolineata in alcuni saggi da Cinzia Tani. Che sono sempre discendenti della Alcott, però piuttosto del genere Piccole donne uccidono8.

5 C’è da chiedersi tuttavia che fine abbiano fatto i personaggi invece più simili a Meg. Già, perché la Campo, la Santacroce, la Teodorani, o ancora Margherita Oggero, Laura Grimaldi, Nicoletta Vallorani insistono sulla differenza tra uomo e donna e sulla donna diversa. Il topos dell’affermazione della differenza uomo-donna è diventato pressoché una norma, per le discendenti di Jo, per le nipotine di Simone De Beauvoir – che scandivano nei cortei «Figlia moglie e madre ne ho le ovaie quadre».

6 «Le brave bambine vanno in paradiso, quelle cattive vanno ovunque», diceva un altro slogan femminista: sulle cattive bambine si è scritto molto, appunto, ma dove sono finite le brave? Quali sono le caratteristiche delle eredi di Meg, brave ragazze da marito? Come viene rappresentata la differenza tra le brave e le cattive bambine? E come vivono questa differenza le brave bambine?

7 Dopo un sintetico e parziale bilancio della situazione editoriale italiana, è nei romanzi di Barbara Garlaschelli che si cercherà la risposta, in particolare in Alice nell’ombra9 del 2002.

Noi che non siamo come le altre10

8 Ci sono donne normali e donne che non sono come le altre. Le donne normali, nei romanzi di Stefania Bertola, sono quelle che fanno una vita normale: «Si alzano presto, trangugiano un caffè di corsa e corrono al mercato per fare la spesa prima di andare al lavoro»11. Alzarsi presto significa alzarsi verso le sette e mezzo, è il caso di Ginevra in Aspirapolvere di stelle: La donna che lavora si alza alle sette e mezzo, e si fa il caffè. E poi si prende cura dell’epidermide, perché tra i venticinque e i trentacinque stanno lì in agguato le famose ‘rughe di espressione’, e bisogna sventarle ai primi sintomi12.

9 La donna che lavora non ha tempo «ma il poco che ha adora perderlo13»; sa tenere tutto sotto controllo, ha una famiglia perfetta, dei figli perfetti, una casa perfetta. Non come Carolina: Carolina non è mai stata sposata, e come me non ha figli, ma qui finiscono i punti di contatto. Io non sono sposata perché sto aspettando di sposare Alex. Appena lui sarà disponibile, filo ad acquistare il più bianco degli abiti di crinolina. Carolina, invece, non è sposata perché sposarsi non le piace, vivere con gli uomini non le piace, allevare bambini non le piace. Le piace fidanzarsi ardentemente per brevi periodi, guardare i suoi gatti, […] e cedere a violente passioni per attività manuali e pratiche. Ultimamente decora mobiletti14.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 169

10 Nel momento in cui Carolina – che non è precisamente una cattiva bambina – desidera un figlio, significa che si è innamorata sul serio e che quindi è diventata una donna normale: l’happy end è allora assicurato e Carolina, come tutte le protagoniste del romanzo, finirà per essere una donna sentimentalmente appagata. Non c’erano né dubbi né suspence, a tale proposito, giacché il finale «fiori d’arancio» si intuiva fin dalla prima pagina del romanzetto.

11 Questa è letteratura di intrattenimento e la Bertola, spiritosa e talentuosa artigiana- scrittrice, non riesce tuttavia ad uscire dai solchi profondamente tracciati dalla maestra Carolina Invernizio. Nondimeno, grazie alla Bertola o attraverso i suoi libri, abbiamo la possibilità di renderci conto che le figlie di Meg, brave ragazze e brave spose, imperversano, leggono i libri di Lina Sotis sul bon ton e non si ribellano quasi mai, se non contro la sfortuna che impedisce loro di incontrare il principe azzurro bello e ricco.

12 Il fatto è che Stefania Bertola non è l’unica ad essersi cimentata nel genere «rosa»: le figlie di Meg proliferano, specialmente nelle librerie italiane, in maniera sconcertante15. Vanno a fare shopping con le sorelle, spendono e spandono ma poi si redimono e non hanno nemmeno niente a che vedere con le Amy ipergamiche, a cui è dedicato per esempio l’ultimo sforzo creativo dell’ex trasgressivo il quale, abbandonati Cazzi e canguri16, ha recentemente riscritto il pamphlet di Zsa Zsa Gábor intitolato Come accalappiare un uomo, come tenerselo stretto e come scaricarlo17, definito «il libro rosa più shocking dell’anno»18.

13 Ahimè, dopo aver imparato che uomini e donne sono costituzionalmente diversi ma legalmente uguali, dopo aver inteso che tale differenza non è una tara, una malattia, uno svantaggio o un difetto ma un dato di fatto, e dopo aver preso atto delle lotte condotte con coraggio dalle figlie di Jo, le figlie di Meg, sempre più numerose in letteratura, la fanno da padrone: invece di rivendicare l’uguaglianza, rivendicano la differenza o addirittura l’inferiorità, rispetto agli uomini. Torna in auge allora la donna un po’civettuola, emotiva, certo non più completamente sottomessa, per lo meno quando vuole fare shopping, sessualmente poco attiva ma comunque sempre più ossessionata dalla ricerca di un partner grazie al quale diventare moglie ed eventualmente madre, realizzando così il suo ideale tradizionale – non tradizionalista – di donna.

14 Le figlie di Jo non sono come le altre: hanno imparato a stimare loro stesse o per lo meno ci provano e rivendicano, magari anche insieme agli uomini, il diritto che ha ogni persona di scegliersi la vita che vuole vivere; le figlie di Meg, invece, si guardano allo specchio per verificare se il completino nuovo nasconda sufficientemente il giro- fianchi, sono ambiziose solo nella ricerca del marito, usano armi da donna per sgominare la concorrenza, sono – come già detto – piuttosto refrattarie al sesso e confondono vieppiù femminilità con civetteria19.

Sorelle e Nemiche: il lato oscuro di Meg

15 Barbara Garlaschelli è un’autrice ancora ed ingiustamente poco nota, in Italia, ma è ben conosciuta invece dai cultori del giallo e del noir. Non è poi solo autrice di noir: Tre amiche e una farfalla narra per esempio la storia di un’amicizia tra ragazze, mentre in Sirena, del 200120, l’autrice racconta i dieci mesi successivi all’incidente occorsole all’età

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 170

di quindici anni quando, in seguito ad un tuffo in mare, si lesionò la quinta vertebra cervicale.

16 O ridere o morire, raccolta di racconti del 1995, è il suo primo libro, appena ripubblicato dai tipi della Todaro: la vena ironica cui rimanda il titolo è sottesa poi anche in alcuni romanzi e caratterizza molti racconti dell’autrice; molto più rilevante è però la grande capacità di costruire agghiaccianti atmosfere e di penetrare l’oscurità della psiche dei suoi simili, o piuttosto delle sue simili, giacché molti suoi testi raccontano storie di donne21. Anzi, di piccole donne, piccole Meg, mogli e madri, protagoniste di vite normali e anche un po’banali che un evento, esterno o interno, viene a sconvolgere improvvisamente. Storie incisive, come quelle della tarantola maschio: «L’amò, morì»22; storie sempre tragiche di cui le figlie di Meg sono protagoniste in quanto vittime oppure in quanto carnefici: Terza notte di nozze. Si svegliò e restò a contemplarla nella luce tenue della luna. […]. La guardò a lungo. Non sarebbe riuscito ad amarla più di così. Cercò di immaginarsi la loro vita insieme, un tranquillo scorrere di giorni e di notti. Il lavoro, la casa, la famiglia, forse dei figli. Il Natale, le vacanze al mare, la settimana bianca. E poi di nuovo lavoro, casa, figli, Natali, vacanze, settimane bianche. Le loro due esistenze, un metronomo che avrebbe scandito sempre lo stesso ritmo. In eterno. […] Le accarezzò dolcemente una guancia e le rotolò sopra. Lei spalancò gli occhi […], poi gli sorrise. atale, vacanze, settimane bianche, figli, lavoro, casa. Figli. Lavoro. Casa. Figlilavorocasa, figlilavorocasa. Continuò a sorridergli sino a quando il suo viso scomparve sotto il cuscino. Figli, lavoro, casa. Non aveva mai creduto all’amore eterno. (pp. 83-84)

17 Sono donne che lavorano, donne normali, mogli che non sopravvivono alla terza notte di nozze, appunto, che per amore o per odio si trasformano improvvisamente in vendicatrici sanguinarie, come la protagonista del racconto «Un colpo ben assestato», quando scopre che il marito la tradisce, incoraggiato dalla di lui madre. «Siamo sposati da cinque anni, ma tra noi due nemmeno una sola notte è stata un’avventura» (p. 85), commenta la donna, voce narrante, a cui il marito ha giurato che non si trattava di un tradimento, ma solo dell’avventura «di una notte». Lei gli spara due colpi di pistola, che lui riesce ad evitare, fuggendo, malgrado la mancanza di agilità e la pinguedine. Il finale è sconcertante, come sempre : Mi sento comunque appagata. Due pallottole non sempre uccidono. L’infarto sì. (p. 86)

18 Non sempre il marito è la causa da eliminare; ci sono talvolta mogli ingombranti e anche alcune madri invadenti, oppure affettuosamente asettiche, ossessivamente perfette: Tutti gli aggettivi utilizzati dalla gente per descrivere Adelaide Breme erano accompagnati da un avverbio. Tremendamente affascinante. Sorprendentemente arguta. Prodigiosamente abile. Meravigliosamente dolce. Amorevolmente vezzosa. (p. 53)

19 Le figlie di questi esseri perfetti sono invece naturalmente perfettibili: Tutti gli aggettivi utilizzati dalla gente per descrivere Giuditta iniziavano con la “i”. Inetta. Indolente. Introversa. Insipida. Imbarazzante. (p. 54)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 171

20 Giuditta non pratica nessuna delle attività predilette dalla madre, ma una cosa sa fare: sparare. L’ultima frase del racconto, «E aveva un’ottima mira» lascia intendere che la madre di Giuditta ha poche probabilità di morire serenamente di vecchiaia.

21 Per arrivare ad Alice nell’ombra, si deve passare attraverso Nemiche, del 1998: ancora una raccolta di racconti, meno noir ma più cupi, dove le protagoniste sono quindici donne. Figlie, madri, mogli, amanti. Tutte hanno o avrebbero unsistenza normale, se non fosse che la loro vita subisce, come già in O ridere o morire, una sorta di interruzione, una rottura improvvisa che le spinge ad agire e a trasformarsi, ad essere diverse da quello che erano prima, quando erano donne normali, almeno in apparenza. Non sembra che ci sia predestinazione di alcuna sorta, se non nella predisposizione che alcune di loro hanno ad essere Nemiche di qualcosa o di qualcuno, o addirittura Nemiche fra di loro: qualcuno ha parlato a tale proposito di misoginia, forse per via del testo di Patricia Highsmith; credo tuttavia che la parola misoginia sia poco corretta, giacché mi pare che la misoginia implichi un’avversione anche ideologica nei confronti della donna. Ora, in questo caso, l’odio delle protagoniste non si scatena contro le donne perché donne, è un odio che non si sofferma sulle differenze tra i sessi. Forse è sproporzionato il riferimento alla differenza ontologica così come la sviluppa Vattimo23, per esempio, ma la differenza che pure caratterizza tali donne dall’apparenza normale significa che l’essere non è, ma accade. E per riprendere seppur superficialmente il contorto pensiero di Derrida24 a tale proposito, la decostruzione temporale che caratterizza la maggior parte dei testi della Garlaschelli non conduce all’essere, ma alla differenza, che è originaria, che è prima di tutto. La differenza è già in queste donne, vittime della spontaneità del loro pensiero e forse della passività della loro intuizione: la differenza spinge queste donne all’azione, molto spesso efferata.

22 Angela, protagonista del racconto omonimo, quello che chiude il libro, ha due Nemiche e un nemico: la madre, Vera; l’amica della madre, Giovanna; il marito, figlio di Giovanna, Maxi. Il racconto si apre su Angela che si sta aggirando in una villa dalle dimensioni abnormi, con un’accetta nella mano destra, alla ricerca della terza vittima, il marito, appunto, che a sua volta la sta cercando, con l’intenzione di fermarla, forse di ucciderla. Angela esplora la casa, immersa nel buio, sempre con l’accetta in mano, e ricorda gli episodi del passato remoto, alternandoli con quelli del passato prossimo. Racconta di sé bambina e del primo incontro con Giovanna e Maxi, dopo la scomparsa improvvisa del padre; racconta di come, vent’anni dopo, ritornò a vivere in quella casa e di come Maxi l’amasse, senza mai essere ricambiato. E racconta anche dell’amicizia amorosa che avvolge le due madri, Vera e Giovanna. La protagonista, dopo aver ucciso le due madri, vuole uccidere anche Maxi per riconquistare la libertà, simbolicamente rappresentata da un cappello a falde larghe da sfoggiare senza timore della riprovazione altrui.

23 In Alice nell’ombra i fatti si precisano: Angela diventa Alice. Non è qui solo una specie di angelo vendicatore che si aggira con l’accetta in una casa somigliante all’hotel Overlook in Shining: Alice ha profondità, carattere, rispetto ad Angela. Alice ha una storia che qui, appunto, viene dettagliata, nel corso dell’esplorazione della casa, alla ricerca di Maxi; insieme a lei, acquistano profondità anche Maxi, e soprattutto le due madri dai nomi cambiati, Sofia, madre di Maxi, ed Elena, madre di Alice.

24 Alice non è una donna come le altre, avrebbe voluto o potuto esserlo, così come avrebbe potuto essere una bambina come le altre se non avesse o se non avesse avuto una madre come Elena, così dura e tanto ostile. In seguito alla scomparsa del marito, padre affettuoso di Alice, Elena si avvicina all’amica più cara, Sofia, con la quale vive un

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 172

rapporto quasi simbiotico di amicizia e di amore non ricambiato. Un rapporto che schiavizza, mi scrive Barbara Garlaschelli, come molto spesso accade con l’amore (e anche di questo volevo raccontare, dell’amore quando diventa una costrizione, quando ti schiaccia perché non sai viverlo). Elena e Maxi amano senza essere ricambiati e forse per questo amano… Sofia e Alice sono imprendibili ma in modo diverso: Sofia basta a se stessa, Alice no25.

25 Alice accetta di sposare Maxi, indifferente a quello che le succede, lasciandosi scegliere, anche per rimediare al senso di colpa nei confronti della madre: Sposandomi mi avrebbe resa felice. Mi amava e solo questo importava, disse una sera […]. Mi amava, che altro potevo desiderare di più? Nulla, naturalmente. Non avevo mai desiderato nulla. Non con sufficiente convinzione, almeno. […] Nessuno mai mi aveva parlato come lui. Nessuno mai mi aveva giurato che si sarebbe preso cura di me. E in quel momento mi resi conto di averne disperatamente bisogno. (p. 92)

26 Alice concede la sua mano e il suo corpo a Maxi, senza mai provare desiderio, senza uno stato d’animo particolare: Non ha mai smesso di amarmi perché non gli ho mai negato l’unico rifugio nel quale volesse nascondersi: il mio corpo. E come molti uomini innamorati dell’amore, pensò che la mia mente, la mia anima fossero lì, dove c’era il resto di me. (p. 108)

27 Lui è ricco, colto, famoso, innamorato, mentre Alice è sempre più in-differente, sterile nelle emozioni e nella sessualità. Solo una volta sembra reagire alla sua stessa passività, con un movimento impercettibile delle dita sulla schiena di Maxi, dita che avrebbero potuto trasformarsi in artigli e che invece si posano sul corpo di lui assecondandone il ritmo: S’inginocchiò accanto alla poltrona e posò la testa sul mio grembo. La sua mano mi accarezzava la coscia. “Tesoro, sei così sola, così distante da tutto…” Sentii la sua mano che scivolava, lenta. Chiusi gli occhi, mandai un sospiro e aprii un poco le gambe. Qualunque cosa purché la smettesse con quel discorso. Mi sollevò il vestito. Sentivo il suo respiro caldo. Lanciavo occhiate verso la porta, aspettandomi da un momento all’altro l’ingresso di mia madre o di Sofia. In pochi istanti mi aveva spogliata e presa, con la voracità di sempre. Affondai le dita nella sua schiena e seguii il suo muoversi sempre più rapido e violento. (p. 110)

28 L’evocazione delle due madri nel momento dell’intimità contribuisce ad ispessire il senso di soffocamento di cui Alice è vittima: al pieno di lui non sa e non può opporre niente altro che il vuoto della mente e del corpo. E finché le cose continuano così, Alice è solo questo, un corpo vuoto, un corpo senza volto, indifferenziato. Del resto non ha oggetti che la caratterizzino, non ha abiti – ne ha ma è come se non le appartenessero perché non li ha scelti lei –, non ha mobili, non possiede nulla e non ha bisogno di nulla. Ha dei cappelli che prima sua madre e poi Maxi detestano; legge libri che non hanno titolo e vaga al di fuori della grande casa, senza meta, in uno spazio senza immagini.

29 Un giorno Davide entra nella sua vita e Alice scopre, così, di essere: di essere un corpo, una mente, di avere delle aspirazioni, di provare desiderio e piacere. Scopre di essere libera, viva, scopre di essere diversa da quello che era o che pensava di essere, scopre di poter scegliere: «Davide faceva vivere il mio corpo in sintonia con la mia mente. Non mi era mai accaduto prima. Non sapevo fosse possibile» (p. 138).

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 173

30 Proprio quando Alice sceglie di vivere amando, proprio quando decide di lasciar emergere la propria differenza – che è la sua essenza di donna – giunge ineluttabile la morte, per tutti: si scopre che la madre di Alice ha ucciso il marito, che Maxi ha ucciso Davide, che Alice ha ucciso Sofia ed Elena e che sta aspettando Maxi per uccidere anche lui.

La differenza originale

31 La narrazione, in Alice nell’ombra, ha forma di monologo decostruito in tre spazi che dilazionano così lo scorrere del tempo: il passato (dall’infanzia al presente); il presente (Alice che vaga nella casa); la sospensione del tempo (Alice che pensa). Solo così Alice può prendere consistenza, esistere, sottrarsi, ed è proprio qui, in questa decostruzione che appare la differenza di Alice, la differenza originaria. Tra il passato, il presente e l’immanente, grazie proprio all’affioramento della differenza, Alice agisce, spinta da un pensiero estremo e cogente: Fermarmi, questo devo fare. Non io che vado incontro a lui, ma lui che viene verso di me. Non è molto lontano. Ripete il mio nome. Alice. Alice. Alice. Lo sento avvicinarsi. Ha paura, lo so. […] Perché ormai adesso so come andrà a finire. Lui ha l’amore. Io la rabbia. E nessuna fretta, ormai. (p. 184-185)

32 Lasciando affiorare la differenza primaria, compare nel finale un’Alice molto diversa anche dal personaggio in-differente che attraversa il romanzo in qualità di protagonista e di narratrice apparentemente normale. Mi scrive ancora Barbara Garlaschelli a proposito delle donne «intrappolate in ruoli che spesso non si sentono addosso»: «Vivono vite che non assomigliano a ciò che sono davvero ma non hanno il coraggio di fare scelte diverse, sino a quando qualcosa irrompe nella loro esistenza, sconvolgendole.»

33 Alice nel paese degli orrori è oramai irriconoscibile, animata come sembra da una sorta di furia omicida, trasformatasi dopo una notte, proprio come avviene all’omonima Alice, nel paese delle meraviglie: Alice raccolse il ventaglio e i guanti, e perché la sala sembrava una serra si rinfrescò facendosi vento e parlando fra sè: – Povera me! Come ogni cosa è strana oggi! Pure ieri le cose andavano secondo il loro solito. Non mi meraviglierei se stanotte fossi stata cambiata! Vediamo : non son stata io, io in persona a levarmi questa mattina? Mi pare di ricordarmi che mi son trovata un po’diversa. Ma se non sono la stessa dovrò domandarmi: Chi sono dunque? Questo è il problema. – E ripensò a tutte le bambine che conosceva, della sua stessa età, per veder se non fosse per caso una di loro. – Certo non sono Ada, – disse, – perché i suoi capelli sono ricci e i miei no. Non sono Isabella, perché io so tante belle cose e quella poverina è tanto ignorante! e poi Isabella è Isabella e io sono io. Povera me ! in che imbroglio sono!26

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 174

34 Le due Alici – quella di Carroll e quella della Garlaschelli – sono speculari in tutto, ma entrambe vivono in una dimensione che appartiene solo a loro, fatta di sogni, immagini e pensieri, di solitudine e anche un po’di paura, di fantasia. Ancora, di spontaneità nel pensiero e passività nell’intuizione. Alice, nel paese delle meraviglie, si costruisce, mentre Alice, nel paese degli orrori, si decostruisce, finalmente capace di oltrepassare la soglia della paura che invece l’altra Alice varca fin dall’inizio un po’per sfida, un po’per curiosità. Per accadere.

La differenza siamo noi

35 Nell’ultimo libro di Barbara Garlaschelli, intitolato Sorelle, si racconta la storia drammatica e agghiacciante di due sorelle, appunto, Amelia e Virginia, Nemiche consanguinee, diverse tra loro eppure profondamente simili, vittime e carnefici di un uomo, Dario, colpevole di aver cercato di sedurle. Si ravvisano qui alcune caratteristiche che rendono peraltro le due sorelle molto simili ad Alice, non foss’altro che tutte e tre, da brave figlie di Meg, all’interno delle spesse pareti di case «nido e prigione», si consumano nella tragedia che le trasforma da in-differenti a differenti.

36 E la polizia che fa? Che accade alle Alici scellerate, alle figlie di Meg con la pistola? Credo che spetti al lettore decidere, dato che la polizia, in questi casi, non interviene mai. Come potrebbe, del resto, dipanare queste tragiche matasse? Chi è differente è fuori norma, e quindi fuorilegge. Ma come si fa a trovare il bene ed il male nelle perfide storie di famiglia – secondo la formula di Laura Grimaldi 27 – di fine millenio? Alla fine degli anni ’70, Franca Rame concludeva il monologo Una donna sola sulla protagonista che imbraccia il fucile, mentre la cilena Marcela Serrano trasforma la Violeta di Antigua, vita mia, donna dell’epoca neo-democratica, vittima di stupri consumati tra le pareti domestiche, da assassina a giustiziera28: qui le cose sono più semplici, il confine tra bene e male, buono e cattivo, vittime e aguzzini è chiaro, preciso, ben delineato, anche perché queste donne, potenziali figli di Jo in lotta per la loro emancipazione, sono collocabili in una sfera spazio-temporale chiaramente identificata per cui l’assassinio è un vero atto di giustizia.

37 Le piccole donne assassine, le figlie di Meg con l’accetta in mano, ci mettono in imbarazzo perché la loro differenza, rispetto alla normalità o alla giustizia, non può essere afferrata, definita, delineata chiaramente. Il confine tra normale e non normale è una linea sottile e, come mi scrive ancora Barbara Garlaschelli, la normalità non esiste ma è come se molte persone (donne e uomini) ambissero a questa normalità che diventa, però, una sorta di tagliola, di miraggio e di gabbia.

38 Non ci resta che aspettare, come Alice, l’arrivo di Maxi, consapevoli della differenza originaria che sta in tutti noi, consci del fatto che il trionfo della verità non sempre coincide con il trionfo della giustizia umana. Duca Lamberti, ne I Milanesi ammazzano al sabato29, smascherando il colpevole che ha fatto giustizia da sé, malediceva se stesso e imprecava contro il male assoluto che spinge i buoni a diventare spietati assassini. Ma Alice è poi davvero una giustiziera? Non avrebbe potuto trovare altre soluzioni per sfuggire dall’inferno?

39 In Alice nell’ombra e poi in Sorelle, la realtà è sotto i nostri occhi: spetta ad ognuno di noi decidere in quale verità credere e quale giustizia dovrà prevalere, ché «trionfare» è un verbo che la giustizia regge con difficoltà. È questo il dramma del postmodernismo e del

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 175

post-postmodernismo: l’enfer c’est les autres, ma in ognuno di noi sta il germe della differenza, che non può essere né volontà né rigetto. C’è, latente.

NOTE

*. Per evitare di cadere negli eccessi dello studio della letteratura per generi, preferisco non utilizzare l’espressione letteratura femminile o al femminile. Vedi E. Rasy, La letteratura e le donne, Roma, Editori Riuniti, 2002. Che mi sia consentito qui di ringraziare Tiziana Jacoponi per i generosi consigli di lettura; grazie anche al mio fraterno amico Ugo Pozzoli per i preziosi suggerimenti filosofico-letterari e per le riletture pazienti. 1. Milano, Salani Editore, 2004, p. 235. 2. M. Serrano, Arrivederci piccole donne, Milano, Feltrinelli, 2005 [2004 per l’edizione originale]. 3. Piccole donne (contenente la seconda parte, intitolata Le piccole donne crescono) è scritto e pubblicato tra il 1868 e il 1869; Piccoli uomini è del 1871 e I ragazzi di Jo è del 1886. La prima traduzione in italiano delle Piccole donne dovrebbe risalire al 1918: da allora, i romanzi della Alcott sono diventati un punto di riferimento per la letteratura infantile destinata alle bambine italiane, figlie del baby boom e appartenenti alla generazione degli “sfiorati”. Vedi anche AA.VV., E l’uomo educò la donna, a cura di C. Covato e M. C. Leuzzi, Roma, Editori Riuniti, 1989, contenente un saggio sulla fortuna della Alcott in Italia. 4. . 5. . 6. L. Campuzano, Las muchachas de La Habana no tienen temor de Dios, L’Avana, Ediciones Unión, 2004. 7. C. Pavese, Tra donne sole [1949], Torino, Einaudi, 1998, p. 60. 8. L. M. Alcott, Piccole donne uccidono, Roma, Editori Riuniti, 1996. Si tratta di una raccolta di racconti della Alcott dedicati al tema della follia e dell’omicidio. 9. B. Garlaschelli, Alice nell’ombra, Milano, Frassinelli, 2002. Le citazioni dal romanzo saranno d’ora in poi indicate semplicemente tra parentesi. 10. Lucía Etxebarría, Noi che non siamo come le altre, Parma, Guanda, 2003 [1999 per l’edizione originale]. La storia di quattro donne inquiete e particolari, indipendenti e bisognose di amore. 11. S. Bertola, Ne parliamo a cena, Milano, Tea, 1999, p. 200. 12. S. Bertola, Aspirapolvere di stelle, Milano, Tea, 2002, p. 5. 13. S. Bertola, Ne parliamo a cena, op. cit., p. 11. 14. Ibid., pp. 23-24. 15. E non è finita… di prossima uscita presso Baldini Castoldi Dalai editore un testo di Lauren Henderson, specialista di Jane Austen, intitolato: Come trovare l’uomo giusto secondo Jane Austen. 16. A. Busi, Cazzi e canguri (pochissimi i canguri), Milano, Frassinelli, 1994. 17. Z. Z. Gábor e A. Busi, Come accalappiare un uomo, come tenerselo stretto e come scaricarlo [1970], Padova, Alet Edizioni, 2005. 18. Così lo descrive lo slogan pubblicitario apparso sulla prima pagina di «Tuttolibri» della Stampa del 12 novembre 2005. 19. Cf. L. Etxebarría, Eva futura, Parma, Guanda, 2005 [2000 per l’edizione originale]. Si tratta di un saggio semi serio e poco scientifico sulla questione femminile. Lo cito qui, tuttavia, perché da poco è stato tradotto in italiano, prova del successo editoriale che sta riscuotendo in questi mesi

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 176

la letteratura «rosa» in Italia, forse anche sulla scia di alcune serie televisive americane, tipo Sex and the city. Non intendo soffermarmi sulla storia del femminismo o sulle teorie femministe, riguardino esse la letteratura, la sociologia, la giurisprudenza o altri settori: mi è pertanto sembrato inutile fornire qui una bibliografia degli scritti sul femminismo. Rimando per eventuali approfondimenti sul dibattito femminismo dell’uguaglianza e femminismo della differenza all’indispensabile opera di Luce Irigaray ed in particolare a tre saggi particolarmente noti, Ethique de la différence sexuelle, Paris, Éditions de Minuit, 1984; Le temps de la différence, Paris, Librairie générale française, 1989; Je, tu, nous: pour une culture de la différence, Paris, Librairie générale française, 1992. Le traduzioni in italiano dei principali testi di Irigaray sono state curate da Feltrinelli. 20. B. Garlaschelli, Sirena – Mezzo pesante in movimento, Milano, Salani, 2004. 21. Mi pare che esistano significative similitudini tra certi racconti della Garlaschelli, sorprendenti per incisività, e alcuni scritti di Patricia Highsmith, in particolare in Piccoli racconti di misoginia, Milano, Bompiani, 1984 [1977 per l’edizione originale]. 22. B. Garlaschelli, O ridere o morire [1995], Lugano, Todaro editore, 2005, p. 99. 23. G. Vattimo, Le avventure della differenza, Milano, Garzanti, 1980. 24. J. Derrida, L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967. 25. E-mail di Barbara Garlaschelli a Barbara Meazzi, 22 novembre 2005. Ringrazio di cuore Barbara Garlaschelli per aver risposto con pazienza e generosità alle mie domande. 26. . 27. L. Grimaldi, Perfide storie di famiglia, Milano, Tropea, 1996. 28. F. Rame, «Una donna sola» [1977], in Le commedie di Dario Fo – Venticinque monologhi per una donna, Torino, Einaudi, 1989, vol. VIII, pp. 11-26; M. Serrano, Antigua, vita mia, Milano, Feltrinelli, 2000 [1995 per l’edizione originale]. 29. G. Scerbanenco, I Milanesi ammazzano al sabato [1969], Milano, Garzanti, 2001.

AUTORE

BARBARA MEAZZI Université de Savoie

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 177

The Evolution of the Theme of Sexual Difference as Revealed Through the Experience of Rape in Sibilla Aleramo’s Una donna and Dacia Maraini’s La lunga vita di Marianna Ucrìa

Catherine Ramsey-Portolano

1 In this article I will examine the evolution of the theme of sexual difference as revealed through the experience of rape in the novels of two Italian authors, Sibilla Aleramo’s 1906 Una donna and Dacia Maraini’s 1990 La lunga vita di Marianna Ucrìa. Aleramo’s autobiographical novel and Maraini’s fictional account of rape shed light on the historical reality of rape within the Italian context and immortalize its victims within the Italian literary canon. In both novels rape is utilized by the authors as a metaphor for the patriarchal violation of women. Aleramo and Maraini do not, however, limit themselves to portraying the patriarchal societies that have historically facilitated this violence against women, they challenge such societies by representing strong heroines who not only survive but triumph over their oppressor and the systems of oppression. Aleramo and Maraini recognize this violent historical reality and its patriarchal roots and respond to it by representing their protagonists’ respective triumphs over their victimized female statuses.

2 In their respective novels Aleramo and Maraini explore similar ways in which women are able to find self-expression, through the written text and through sexuality. In such a way, both Aleramo and Maraini succeed in creating a symbolic female order in which their protagonists are able to express themselves, as opposed to the patriarchal order of contemporary society that does not appreciate their difference. However, while the theme of female sexuality is only briefly explored in Aleramo’s early-20th-century novel, in her late-20th-century text Maraini explores in full female sexuality as a means

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 178

of freedom and self-expression for women. I will discuss Maraini’s adherence to modern Italian feminist thought, which emphasizes the theme of sexual difference and the need for construction of a female alternative to traditional language and sexual practices based on the male model, as a key to understanding the evolution of sexual difference in Maraini’s novel with respect to Aleramo’s novel.

3 Aleramo observes in Una donna that men in early-20th-century Italian society are accustomed to thinking of woman as “un essere naturalmente sottomesso e servile”.1 This perceived passivity of women is so embedded within the culture that when the protagonist’s future husband reports to her that his friend is in love with her and wants to carry her off, she merely observes, “questo era un uso non raro in quei luoghi e al ratto seguiva il matrimonio” (27). Sharon Wood observes how Maraini’s novel is also set in a time and place, that of 18th-century Sicily, “where such an incident [as rape] would not even have been a punishable offence”, a society where “rape as a legitimate, non- criminalized act inscribed into the social order is the centrepiece of male oppression of women, of women’s bodies”.2 Anna Camaiti Hostert notes that 18th-century Sicily was indeed “remarkable, even for that time, in the cruelty of its oppression of both the poor and women”.3 It is within these repressive settings that Aleramo and Maraini’s narratives of rape take place. Both novels trace the lives of their respective protagonists from their innocence in childhood through their traumatic experiences of rape and the resulting loss of innocence.

4 Before her experience of rape, Aleramo’s protagonist is a confident and carefree individual who asserts that “non mi sarei mai maritata, che non sarei stata felice se non continuando la mia vita di lavoro libero, e che, del resto, tutte le ragazze avrebbero dovuto far come me … Il matrimonio … era un’istituzione sbagliata” (28). Shortly after she makes this statement however, she laments, “D’improvviso la mia esistenza […] veniva sconvolta, tragicamente mutata. Che cos’ero io ora? Che cosa stavo per diventare? La mia vita di fanciulla era finita?” (35). What has occurred is her rape, at age fifteen, by a fellow employee at her father’s factory. The protagonist provides a confused account of the event, stating, Così, sorridendo puerilmente, accanto allo stipite di una porta che divideva lo studio del babbo dall’ufficio comune, un mattino fui sorpresa da un abbraccio insolito, brutale, due mani tremanti frugavano le mie vesti, arrovesciavano il mio corpo fin quasi a coricarlo attraverso uno sgabello, mentre istintivamente si divincolava. Soffocavo e diedi un gemito ch’era per finire in urlo, quando l’uomo, premendomi la bocca, mi respinse lontano. (34)

5 Although the young protagonist does not fully understand what has happened to her, she is aware that its consequences will affect her entire life. As was common in the protagonist’s society, the rape victim will later marry her rapist. She later reflects, “accettando l’unione con un essere che m’aveva oppressa e gettata a terra, piccola e senza difesa, avevo creduto di ubbidire alla natura, al mio destino di donna che m’imponesse di riconoscere la mia impotenza a camminar sola” (82). The protagonist thus loses her independence along with her virginity as a result of this violent sexual act.

6 Marianna Ucrìa, the protagonist of Maraini’s novel, also loses her virginity in a childhood experience of rape and is forced by her family to later marry her rapist, although neither she nor the reader becomes aware of these facts until Marianna is an adult, due to her repression of the traumatic event. Maraini reports the events leading

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 179

up to Marianna’s rape retrospectively, revealing the secret origins of Marianna’s loss of hearing and speech through the recollections of her older brother Carlo, Cosa cavolo stava succedendo in quei labirinti di via Alloro? una sera si erano sentiti dei gridi da accapponare la pelle e Marianna con le gambe sporche di sangue era stata portata via, sì trascinata dal padre e da Raffaele Cuffa, strana l’assenza delle donne … il fatto è che sì, ora lo ricorda, lo zio Pietro, quel capraro maledetto, l’aveva assalita e lasciata mezza morta … […] per amore diceva lui, per amore sacrosanto che lui l’adorava quella bambina e se n’era ‘nisciutu pazzu’.4

7 As a result of this traumatic experience, Marianna, once a healthy child, loses two of her senses and is relegated to the fringes of a society that looks down upon those with disabilities.

8 Both Aleramo and Maraini portray the lasting effects of the rapes that their protagonists experienced as children as well as the marital rapes that they experience as adults. Because of their brutal sexual initiations, neither protagonist is able to enjoy her later sexual encounters. However, they are continually violated by the same men who initially violated them as children, despite their protests and attempts to escape.

9 As a young bride, Aleramo’s protagonist notes that “il mio distacco dal mondo, ora, era sincero; dotata di gioventù e di bellezza, io potevo, mercé la crisi attraversata, credermi esente per sempre da ogni desiderio dei sensi” (119). However, she is not immune to her husband’s sexual desires and advances, to which she is forced to submit against her wishes. After years of forced sexual encounters, the protagonist laments, “Questa la mia vita. Essere adoprata come una cosa di piacere, sentir avvilita l’intima mia sostanza. E vedere i giorni seguir le notti, un dopo l’altro, senza fine” (189). Aleramo’s protagonist finds only debasement in her relationship with the man who initiated her to sexuality.

10 Like Aleramo’s protagonist, Marianna will also reflect after years of non-consensual sexual encounters, può Una donna di quarant’anni, madre e nonna, svegliarsi come una rosa ritardataria da un letargo durato decenni per pretendere la sua parte di miele? che cosa glielo proibisce? niente altro che la sua volontà? o forse anche l’esperienza di una violazione ripetuta tante volte da rendere sordo e muto tutto intero il suo corpo? (190)

11 Wood notes regarding La lunga vita di Marianna Ucrìa that “images and rhetorical devices underline the connection between physical violence and sexuality” (233). Indeed, Marianna’s description of her sexual encounters with her husband provide the reader with powerful and violent imagery of marital rape. She describes her husband’s embrace as “quell’abbraccio da lupo” and sexual relations with him as “una corsa senza scampo” (89). His hands are “le zampe del predatore sul collo” (89) and his body is “un corpo che non le ha mai ispirato amore per quei modi austeri, violenti e freddi a cui si accompagnava” (149). Sex with her husband is, indeed, not only empty but violent and degrading for Marianna. Resulting from the initial and subsequent brutal encounters with her husband, Marianna is unable to derive any pleasure from the act.

12 Maraini and Aleramo both vividly depict the negative consequences of rape on their protagonists, yet they respond to this patriarchally-condoned violence against women by allowing their protagonists to ultimately overcome their victimized status. Aleramo’s protagonist reaches the turning point in her life when she attempts and survives suicide. Upon reaching the lowest point of her life, she is able to localize the moment of descent in her rape by her future husband, “Da quanto tempo la crisi si

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 180

svolgeva in me a mia insaputa? Il dì in cui un informe essere aveva brutalmente interrotto la fioritura della mia adolescenza, un processo di dissolvimento s’era iniziato in me” (91). The protagonist’s suicide attempt represents, therefore, the attempt to end the life of the woman she had been until that point, a woman with no form of self- expression, trapped in an abusive relationship.

13 The protagonist’s survival is proof that death is not the only escape for a woman in her situation. Her road to freedom, however, is not an easy one and she is forced to make sacrifices in order to achieve it. When she reflects on the life of her mother, she exclaims, “Amare e sacrificarsi e soccombere! Questo il destino suo e forse di tutte le donne?” (55). Una donna’s protagonist decides, however, that such will not be her ultimate destiny. Her first act of rebellion against her repressive surroundings is the act of reading. It is through reading that the protagonist is able to escape to some extent her isolated existence, often confined to one room of her house during the day, and feel herself connected to the outside world: “Mercé i libri io non ero più sola, ero un essere che intendeva ed assentiva e collaborava ad uno sforzo collettivo” (110). Aleramo’s protagonist also resists the isolated existence and restrictions imposed upon her by contemporary society through the act of writing. Beginning with a diary of reflections on her experiences and those of her growing son, she progresses to writing articles for women’s journals, writing on topics from social to feminist issues. Her collaboration with a journal will offer the first chance for liberation from her suffocating existence in the small town in which she lives when she moves to Rome for a brief period to work for the journal.

14 The protagonist of Una donna also rebels against the patriarchal culture that views a wife’s body as the property of her husband to use and violate at his discretion. Although she suffers his unwanted sexual advances for many years, she is eventually able to stand up to him, refusing to have sexual relations with him after he is diagnosed with a sexually-transmitted disease. Not only is the protagonist finally able to reject the man who has violated her repeatedly, but she further triumphs over her experience of rape by reclaiming her own sexuality. Now no longer the young girl who passively submitted to the social practice of marrying the man who raped her, she comes to challenge the patriarchal ideas of women as objects rather than subjects who are able to enjoy their own sexual experiences. When she first awakens to this idea, she relates, “E i miei vent’anni insorsero … Perché non avrei potuto esser felice un istante, perché non avrei dovuto incontrare l’amore, un amore più forte di ogni dovere, di ogni volere? Tutto il mio essere lo chiamava” (83) She blames the patriarchal society, which allows her husband to hold her captive, for her repression but she is determined not to allow it to conquer her, as her thoughts reveal, sentivo nel mio sangue penetrare la persuasione d’un diritto mai soddisfatto, e con essa un impeto formidabile di conquista, lo spasimo di raggiungere, di conoscere quella gioia dei sensi che fa nobile e bella la materia umana; quella fusione di due corpi in un sospiro di felicità dal quale il nuovo essere prenda l’impulso alla vita trionfante? (188)

15 Aleramo’s protagonist does not, however, find the sexual satisfaction she feels is lacking in her life. Aleramo stops short of representing this form of self-realization and expression for her protagonist, leaving merely the suggestion of its possibility. The protagonist’s ultimate act of rebellion consists instead in fleeing the man and the society that have oppressed her. Encouraged by her older female friend in Rome who declares to her: “Sai pure che la rassegnazione non è una virtù!” (183), she first

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 181

attempts to break free from her relationship with her husband by remaining in Rome, rather than moving back to his hometown. Although the attempt does not succeed, a year later she states, “Ma adesso, dopo l’annata di tormentosa e inflessibile meditazione, dopo la visione raccapricciante dell’abisso, era un commando cui dovevo obbedire, o morire” (210). Despite the patriarchal laws that deprive her of her right to her son or to her own money, she cannot be dissuaded from this decision. Although she mourns the loss of her son, one day several months after her departure she realizes “con uno strano stupore che vivevo ancora, che nulla di essenziale era veramente morto in me, e che d’ogni intorno, quasi occultamente, mille enigmi mi sollecitavano (218). By the end of the novel, she has triumphed over the traumatic sexual violation of her childhood and the repeated partriarchally-sanctioned violations experienced throughout her adult life.

16 Through the relationship that develops between Una donna’s protagonist and her older female friend, Aleramo suggests a relationship of entrustment between women, anticipating modern Italian feminist thought on the benefits for women of a female order. Thinkers in the Libreria delle Donne di Milano and the Veronese feminist philosophical group Diotima have explored a feminist alternative to the sexist structures of patriarchal society by rejecting the Freudian interpretation of familial relations and re-examining the mother-daughter relationship as a way of recuperating the mother as a positive figure within familial and social structures. The 1987 Libreria delle Donne di Milano volume Non credere di avere dei diritti proposes a female order that exalts woman’s qualities and capabilities in contrast to the existing male order, which negates those qualities and capabilities. The notion of affidamento between women, in the recognition of what women have to offer each other, is suggested as a way of establishing a female order: “Affidarsi a una propria simile spesso, se non sempre, è indispensabile a Una donna per raggiungere un fine sociale”. 5 Rebecca West refers to relationships of affidamento as “processes of mediation whereby more experienced and more authoritative women provide female modes of access to the world and to effective agency for their less experienced and usually younger ‘affidate,’ thus seeking to nullify the more deleterious effects of patriarchal power-based modes of mediation which do not take into account sexual difference”.6 In her early-20th-century novel, Aleramo creates a positive female model for her female protagonist and suggests a possible female order for women of her time, thereby anticipating modern Italian feminist theory.

17 Maraini also allows her protagonist to triumph over the violence she has suffered at the hands of patriarchal society, represented in Marianna’s case by her own family. In fact, when her brother Carlo recalls Marianna’s rape, he refers to it as “un segreto di famiglia,” “un affare fra uomini” (210). It is precisely the father’s role in covering up the episode of Marianna’s rape that perhaps most wounds her, as the following passage reveals, “Mai avrebbe immaginato che il signor padre e il signor marito zio tenessero in comune un segreto che la riguardava ; che si fossero alleati tacendo a tutti di quella ferita inferta al suo corpo di bambina” (245). The moral wound of her father’s compliance in the act is far more hurtful than the physical wound of the rape itself, as Joann Cannon observes, “At the origin of Marianna’s malady lies not only a traumatic event, but, more important, the very structure of patriarchal society in which women are exchanged in accordance with the law of the father”.7 Although Marianna has been betrayed by the men in her family and subjected to violence because of her role as a

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 182

woman in a patriarchal society, the novel traces her triumph rather than her defeat. Although recognizing that Marianna is scarred by the violence that she has undergone at the hands of patriarchal society, Cannon suggests that Unlike the “fallen” heroines of the male-authored, feminocentric novels, Marianna will not succumb to her fate. In such works as Clarissa, rape marks the end of the heroine’s story, the point at which the heroine’s fate has been sealed. In Maraini’s novel, by contrast, the rekindled memory of the rape ultimately opens up now possibilities to the protagonist. Freed from obedience to a father who betrayed her and a husband who abused her, Marianna’s lunga vita has only begun. (144).

18 In contrast to Aleramo’s novel, where the experience of rape is a painful experience to be forgotten and overcome, in Maraini’s novel the protagonist’s realization of her rape as a young child is the catalyst for her self-liberation from the oppressions of the society that has thus far violated and restricted her. In fact, shortly after coming to know of her rape, Marianna has the courage to discover sexual passion for the first time with the young servant Saro.

19 As in Una donna, reading and writing become two ways in which Marianna succeeds in rebelling against the patriarchal society that rejects her because of her difference as deaf and oppresses her because of her status as woman. Because the men in her family have damaged Marianna through the violent act of rape, her desire to read and write, activities not common for women of the time, is excused. Cannon, in fact, notes that Marianna’s muteness “becomes not only a sign of female subjugation but also a means to challenge the female destiny as written by patriarchy. Marianna’s muteness encourages and excuses one of her most subversive activities – her predilection for reading” (141). Marianna thus receives an exceptional education, even for women of the upper class, which allows her to express herself in ways that are uncommon for the time. It is through reading, for example, that Marianna discovers and interrogates herself on the writings of English philosopher David Hume. Yet Marianna’s handicap and intellectual capabilities qualify her as “other” in the eyes of contemporary society, as the following passage reveals, Di lei, mutola, i campieri e i gabelloti hanno una soggezione che rasenta la paura. La considerano una specie di santa, una che non appartiene alla razza grandiosa dei signori ma a quella miserabile e in qualche modo sacra degli storpi, dei malati, dei mutilati. Ne hanno pietà ma sono anche irritati dai suoi occhi curiosi e penetranti. E poi non sanno scrivere e lei con i suoi biglietti, le sue penne, le mani macchiate d’inchiostro li mette in uno stato di agitazione insopportabile. (155)

20 Reading and writing constitute an alternative path for Marianna to language and the role within society from which she is excluded. Unable, or unwilling, to make her voice heard, Marianna finds an autonomous space in which to make her words heard: the space of writing.

21 Camaiti Hostert writes that La lunga vita di Marianna Ucrìa “describes a transition from a patriarchal world where women are silenced to a female symbolic order in which women are finally able to speak their own language” (286). The notion explored by Maraini of women’s silencing within patriarchal society and the need for an alternative means of expression for women recalls contemporary Italian feminist theory on sexual difference. In the 1987 Diotima volume Il pensiero della differenza sessuale, Adriana Cavarero emphasizes woman’s need for a language that breaks away from the language of patriarchal society, which is based on the male model and is therefore a “foreign” language for women. Cavarero notes the following possible alternatives for women: “In

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 183

questa esperienza di distanza della lingua, trovano spazio vie di fuga a noi ben note: il silenzio, il residuo non detto, il corpo piuttosto che il pensiero”.8 In her novel Maraini explores such escape routes for the protagonist of her novel: first through silence, then through writing and finally through rediscovery of her body and her sexuality.

22 Marianna rebels against the expectations of patriarchal society and finds self- expression by eventually refusing to give her body to the man who raped her as a child and who has forced sexual relations upon her throughout their marriage. After the birth of their fifth child, “per la prima volta, guardando in faccia il signor marito zio, [Marianna] riesce a fare un segno di diniego con la testa” (90). Not long after she decides to cease sexual relations with her husband, Marianna’s body awakens to the possibility of sexual pleasure when she discovers passion with Saro. However, the relationship with Saro reveals not only the possibility and existence of sexual pleasure to Marianna, as the description of Marianna and Saro’s first sexual encounter reveals, “Sa che si sono abbracciati come due corpi amici e accoglierlo dentro di sé è stato come ritrovare una parte del proprio corpo che credeva perduta per sempre” (238). In contrast to the violence of the patriarchal sexual encounters experienced with uncle husband, with Saro Marianna discovers the existence of a mutual relationship in which she as woman is also able to express her sexuality. Wood notes that “Maraini emphasizes in this novel that real freedom for the woman lies in the re-appropriation of the expressivity of her own body. For Maraini it is not the text, the word, but the body which is the primary expression of female identity and self” (226). At the end of the novel, Marianna regains power over her violated body and learns to communicate sexual desire and passionate love.

23 It is this aspect of Marianna’s victory, the rediscovery and acceptance of her body and its sexuality, that constitutes the principal form of evolution of the theme of sexual difference in Maraini’s novel with respect to Aleramo’s novel. It is also through this victory for Marianna that Maraini further adheres to contemporary Italian feminist thought on sexual difference. In the 1983 Libreria delle Donne di Milano article “Più donne che uomini”, the authors discuss woman’s blocked potentiality within patriarchal society: Nello scacco come nel disagio diffuso si avverte che la cosa che fa ostacolo, che non c’entra con i giochi sociali, è in definitiva il fatto di essere e avere un corpo di donna. […] Lo scacco si produce perché l’essere donna, con la sua esperienza e i suoi desideri, non ha luogo in questa società, modellata dal desiderio maschile e dall’essere corpo di uomo9.

24 The authors locate woman’s sense of discomfort and inadequacy within patriarchal society precisely in the female body. In a society dominated by male ambition and desire, the expression of woman’s profound feelings and desires and of an intelligence true to her emotions and desire are not allowed free rein and therefore become distorted or are silenced. In La lunga vita di Marianna Ucrìa Maraini explores the ways in which woman can uncover and freely express her desires through the protagonist’s discovery of the pleasures of her body and sexuality. At the end of the novel, Marianna’s body is no longer an obstacle or a object of male pleasure but rather a vehicle for the attainment of self-satisfaction and fulfilment.

25 In the conclusion of Maraini’s novel the protagonist enacts, as the protagonist of Una donna had also done, a final rebellion against the patriarchal forces put into play by her family and by society when she “defies the conventional moral restrictions of class and gender roles”10 by leaving her home and family and starting a new life. The

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 184

protagonists of La lunga vita di Marianna Ucrìa and Una donna defy the conventions of contemporary Italian society that restrict women’s freedom, thereby rejecting the society that has harmed them in the past. Cannon observes regarding Maraini’s novel how such an ending “inscribes a new female destiny, a new ending to the female Bildungsroman. That ending suggests that for Marianna, and for heroines to come, the female journey is an open-ended one” (146).

NOTES

1. S. Aleramo, Una donna, Milano, Feltrinelli, 1997, p. 30. All citations from Una donna refer to this text. 2. Sh. Wood, «The Language of the Body and Dacia Maraini’s Marianna Ucrìa», Journal of Gender Studies, 2.2, November 1993, pp. 223-237. 3. A. Camaiti Hostert, «Afterword», The Silent Duchess, Dacia Maraini, Trans. D. Kitto & E. Spottiswood. New York, The Feminist Press at the City University of New York, 1998, p. 250. 4. D. Maraini, La lunga vita di Marianna Ucrìa, Milano, Rizzoli, 1990, pp. 209-210. All citations from La lunga vita di Marianna Ucrìa refer to this text. 5. Libreria delle Donne di Milano, Non credere di avere dei diritti., Torino, Rosenberg & Sellier, 1987, p. 18. 6. R. West, «Women in Italian», in Italian Studies in North America, Eds. M. Ciavolella & A. A. Iannucci. Ottawa, Dovehouse, 1994, p. 210. 7. J. Cannon, «Rewriting the Female Destiny: Dacia Maraini’s La lunga vita di Marianna Ucrìa», Symposium, 49.2, Summer 1995, pp. 136-146. 8. A. Cavarero, «Per una teoria della differenza sessuale» in Diotima, Il pensiero della differenza sessuale, Milano, La Tartaruga, 1987, p. 53. 9. Libreria delle donne di Milano, «Più donne che uomini», Sottosopra, January 1983. 10. Sh. Wood, «The Language of the Body and Dacia Maraini’s Marianna Ucrìa», Journal of Gender Studies, 2.2, November 1993, p. 225.

AUTHOR

CATHERINE RAMSEY-PORTOLANO Université américaine de Rome

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 185

Le differenze culturali e la figura dell’immigrato in Benvenuti in questo ambiente di Carmen Covito

Susanne Kleinert

Letteratura di migranti e dialogo interculturale

1 La letteratura di migranti è – insieme alla letteratura di viaggio – uno dei campi principali degli studi di letteratura interculturale. Se in passato l’Italia ha fornito a questo campo di ricerca soprattutto una letteratura di emigrazione1, la situazione è cambiata con l’arrivo di un numero notevole di migranti in Italia durante gli ultimi decenni, un’immigrazione che comporta anche la nascita di una letteratura di migranti in Italia. L’immigrazione in Italia da paesi del Terzo Mondo è un fenomeno relativamente recente, se paragonato alla Francia. Se in Francia gli studi di letteratura interculturale sono ben radicati, perché già da tempo esiste una letteratura di migranti di varie generazioni, in Italia essi non hanno ancora riscontrato molto interesse, cosa che non stupisce se si pensa alla relativa novità del fenomeno. Inoltre la divisione fra i vari indirizzi di studi letterari non è favorevole alla ricerca sull’interculturalità. In Germania gli scrittori italiani emigrati che hanno scelto di usare il tedesco come lingua letteraria spesso non si sentono presi in considerazione né dalla germanistica né dall’italianistica2. Armando Gnisci, studioso di Letteratura comparata e di Letteratura di migranti, rimprovera polemicamente all’Italia di aver praticamente rimosso il suo passato colonialistico, di aver dimenticato la letteratura dei propri emigranti e di essere sorda alle voci dei migranti che oggi contribuiscono a creare una nuova letteratura interculturale3.

2 Come fa notare il critico e scrittore italiano emigrato Carmine Chiellino, il migrante non solo porta la sua cultura d’origine con sé, ma modifica anche la cultura del paese d’arrivo perché crea una diversità all’interno di questa, cosa che tendenzialmente comporta un processo di percezione interculturale, sia dialogico sia conflittuale4.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 186

3 In questo senso, la presenza di migranti in Italia si fa notare non solo nella letteratura di migranti5, ma anche nella cultura italiana stessa. Nel film Gente di Roma di Ettore Scola (2003), i migranti extracomunitari hanno un ruolo importante perché la loro presenza incita a una riflessione sull’immagine della tolleranza (o indifferenza) romana, quindi sulla capacità dei romani di percepire e tollerare le differenze culturali. , in Gli sfiorati, introduce il suo protagonista Mète in un ambiente di giovani filippini che abitano a Roma e lavorano come domestici. Questi personaggi sono secondari, ma hanno una loro dignità tragica. Nell’epilogo il protagonista è lui stesso emigrato nelle Filippine e parla la loro lingua (non tradotta in italiano nel testo)6. Il romanzo si chiude quindi con l’immagine di una diversità culturale adottata dal protagonista italiano.

La figura dell’immigrato in Benvenuti in questo ambiente

4 Nel terzo romanzo di Carmen Covito, Benvenuti in questo ambiente (1997), l’immigrato non è più una figura secondaria, bensì il protagonista del romanzo. Avendo passato vari anni in Giappone come moglie di uno studioso giapponese, la Covito è dotata di una particolare sensibilità per le situazioni interculturali. Ha dedicato il suo romanzo a una coppia di nome arabo che definisce come «italiani nuovi». Il romanzo inizia con la descrizione di un dialogo tra un immigrato tunisino di nome Nureddin Djemali e un computer, che funziona anche come riferimento metafinzionale perché si autodefinisce così: «Ho in dotazione un senso dell’umorismo standard. Dispongo anche di: Frivolezza, serietà, sentimento medio e medio-alto»7. Il dialogo tra Nureddin e il computer struttura l’intero testo, che comprende una serie di flash-backs introdotti dai comandi del programma Word «apri finestra», con riferimento esplicito alla tecnologia informatica. Verso la metà del romanzo Nureddin scopre che Lucia, la madre del proprietario di casa, si nasconde dietro lo schermo del computer. Il primo flash-back racconta l’incontro tra l’immigrato e il proprietario di casa, Ugo Digrosso, un chirurgo estetico di Desenzano.

5 Quando Nureddin incontra Ugo, che deciderà di assumerlo come custode e cameriere- cuoco tuttofare, ha già alle spalle l’esperienza deludente tipica dell’immigrato. Alla stazione di Bolzano, mezzo morto per il freddo di gennaio, Nureddin ha deciso di tornare verso il Sud, una decisione che equivale a riconoscere il fallimento della ricerca di un posto di lavoro. Nella descrizione dell’incontro fra Nureddin e il suo futuro datore di lavoro, Ugo Digrosso, la Covito pone l’accento sul punto di vista di Digrosso e sui cliché da cui è condizionato. Lo stupisce per esempio l’italiano colto di Nureddin, la sua cortesia e il fatto che egli non cerchi di vendergli niente.

6 Già all’inizio del romanzo Carmen Covito si serve di un doppio registro: all’immagine stereotipata della differenza dell’immigrato rispetto all’autostereotipo dell’italiano (povero e incolto versus benestante e colto) si sostituisce un altro gioco delle differenze: Nureddin è diverso dall’eterostereotipo8.

7 Il contatto fra il ricchissimo Ugo e il povero Nureddin nasce nella situazione fortuita di un treno affollato e viene rafforzato da una situazione di emergenza, perché Nureddin, che non ha mangiato niente da vari giorni, crolla e viene immediatamente soccorso da Digrosso. Quest’ultimo lo assume e lo porta alla sua villa di Desenzano, sul lago di

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 187

Garda, dove abita con la sorella Sandrina, titolare di una ditta di software. I due italiani non corrispondono al cliché dell’italiano legato in primo luogo alla famiglia. Non hanno figli, si dedicano completamente al lavoro e si lasciano guidare dalle proprie nevrosi; nel loro atteggiamento, figurano come esempi dello sviluppo economico dell’Italia settentrionale, ma anche di certe tendenze di life style universali. Se Ugo rappresenta l’ossessione del corpo e del suo continuo modellamento, Sandrina vive invece nei mondi dell’intelligenza artificiale ed ha attrezzato la casa di alta tecnologia elettronica. A 23 anni, la ragazza ha una paura nevrotica del declino biologico delle cellule del suo cervello, ma non esita ad aiutare i suoi clienti a licenziare gli ultimi lavoratori9. I due fratelli rappresentano ironicamente i settori più avanzati d’Italia, ma il vocabolario anglicizzante di Sandrina dimostra che si tratta solo della parte italiana di un’industria globalizzata. L’autrice commenta la scelta dell’ambientazione del romanzo: «Il romanzo è ambientato nel Nord-Est italiano perché mi è sembrato un luogo di contraddizioni, particolarmente adatto a drammatizzare quelle che sono le attuali contraddizioni nei confronti dell’informatica e della telematica»10.

8 Dopo la festa di compleanno di Sandrina i due spariscono per vari giorni e Nureddin rimane solo davanti ai tanti computer che apparentemente dirigono anche gli attrezzi di casa. Nureddin scopre che i suoi movimenti vengono controllati dalle videocamere e dal computer – con il quale comincia a comunicare. Egli si sente onorato della fiducia dimostrata dai due fratelli nel lasciarlo lì solo e sente come suo obbligo personale prendersi cura della casa. Questo suo punto di vista viene però contraddetto dal fatto che Sandrina gli prende il passaporto, trattandolo quindi come una persona non degna di fiducia e per di più dipendente dalla volontà del padrone di casa. Le due prospettive implicano un’asimmetria. Se, dal canto loro, i due ricchi italiani percepiscono Nureddin solo in virtù della funzione assegnatagli in casa, lui, dal canto suo, vorrebbe invece essere stimato come persona.

9 Il romanzo comincia quindi con la creazione di un forte contrasto fra Nureddin e il lussuoso ambiente italiano. L’atteggiamento degli italiani rispetto a Nureddin non è caratterizzato da un aperto razzismo. I due fratelli sono piuttosto indifferenti e talmente presi dai propri problemi personali e professionali che non si curano della presenza di Nureddin. Dall’altro lato la figura di Nureddin non rappresenta tanto il lato sociale della questione dell’immigrazione, quanto piuttosto l’aspetto psichico e identitario. Egli non conferma il cliché dell’immigrato povero e incolto, perché è cresciuto all’Hotel Hilton di Tunisi e sa muoversi in un ambiente internazionale. Il suo personaggio riveste nel romanzo una funzione particolare: la descrizione dell’ambiente di lusso attraverso la sua percezione assume una valenza caricaturale. A causa del suo sentimento della dignità personale da un lato, e delle varie nevrosi dei due fratelli e dei loro amici dall’altro, sorge una serie di malintesi che conferiscono al romanzo una comicità interculturale. I complessi d’inferiorità di Nureddin sono condizionati dalle norme della sua società di origine, ma sono superflui nella società italiana, cosa che lui però non sa. Al pudore di Nureddin si contrappongono le invadenti strategie di seduzione di Annapaola, una grande consumatrice di uomini (BIQA, pp. 100-105), o la transessualità di un altro personaggio operato da Digrosso (p. 54). In questo contrasto i due atteggiamenti vengono ironizzati dall’autrice. Per quanto riguarda il tema della sessualità e del corpo, la Covito si serve del grottesco per sottolineare il contrasto fra le società nordafricane e gli atteggiamenti molto liberi dei giovani italiani, descritti come narcisisti e sfruttatori. Si potrebbe dire che nel romanzo della Covito il giovane tunisino soffre dei suoi complessi sessuali e i giovani italiani invece di una mancanza di empatia

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 188

sentimentale. Ma questa critica implicita delle due culture non viene drammatizzata, bensì trasmessa in modo più leggero attraverso un registro comico-grottesco.

10 La Covito si è molto preoccupata di non rinchiudere la figura dell’immigrato in una serie di clichés. Nureddin non è un rappresentante tipico della società tunisina, ma raffigura piuttosto il migrante, cioè una persona che si trova in una posizione intermedia fra due culture. Con la creazione di questo personaggio l’autrice si è allontanata decisamente dal carattere di letteratura documentaria molto diffuso nella letteratura della migrazione. La biografia di Nureddin sottolinea il suo ruolo di mediazione: egli è infatti il frutto di un breve amore tra un cuoco tunisino dell’Hotel Hilton di Tunisi e una hippy italiana, che lascia il bambino a suo padre perché vuole realizzarsi andando in India come Sanyassin del Bhagwan Shree Rajneesh. Nella scena dell’incontro durante il quale la madre lascia Nureddin al cuoco Yussef, l’autrice gioca ironicamente sulle differenze di percezione di entrambe le culture. Auto- ed eterostereotipo formano un contrasto divertente: mentre la madre di Nureddin è estasiata di fronte ai tramonti sul deserto e sulla città di Tunisi e immagina per il figlio una vita «autentica»11, il padre ha ben altri progetti: […] mai e poi mai avrebbe consegnato la produzione delle proprie viscere a un branco di ignoranti tunisini, donne di casa o maestri di scuola che fossero: suo figlio, nato internazionale, era predestinato a diventare un europeo famoso, un Paul Bocuse, un Joël Robuchon, o, per considerare la nazionalità dell’utero dal quale gli era stato scodellato, perlomeno un Gualtiero Marchesi. (BIQA, p. 72)

11 L’autrice non rappresenta le differenze culturali in modo essenzialistico, ma come proiezioni di eterostereotipi: mentre la madre hippy di Nureddin cerca la vita «autentica» fuori dall’Europa, secondo lo spirito degli anni 1970, Yussef coltiva invece il sogno di un’Europa raffinata, che consente la liberazione dalle costrizioni della società tunisina. Per questo motivo Yussef fa crescere Nureddin come un clandestino lontano dalla società tunisina, in quel luogo di passaggio tra le culture dove lui stesso lavora, l’Hotel Hilton di Tunisi. Il testo sottolinea in questo modo che dà scarso valore alla questione dell’origine12.

12 La Covito non ha creato la figura dello straniero simbolo di autenticità e naturalezza in opposizione alla decadenza della cultura occidentale. Nureddin non possiede un’identità stabile. Uno dei motivi per cui è andato in Italia è la ricerca della madre e delle ragioni del suo abbandono. Essendo privo di madre e straniato anche dalla società tunisina per volontà del padre, non si sente legato alla famiglia o ad un collettivo sociale. Il suo soprannome «Light» sottolinea proprio questo fatto: il doppio significato di «Light» (luce e leggero) rimanda alla sua fragile identità (BIQA, p. 17). Il padre gli ha trasmesso la cultura occidentale, ma non gli ha insegnato l’arabo. Nureddin ha quindi interiorizzato un’immagine molto positiva della cultura italiana, ed europea in genere, alla quale però gli stessi italiani non credono più. Mentre Nurreddin ha letto molti libri europei all’Hotel Hilton di Tunisi e possiede una discreta cultura letteraria, Ugo Digrosso legge solo studi di chirurgia e fumetti – un dettaglio significativo che sottolinea la differenza fra i nuovi ricchi italiani e l’immagine che Nureddin ha dell’Europa (BIQA, pp. 83-84).

13 L’illusione del padre di Nureddin di potergli garantire uno splendido futuro in Europa solo tramite la padronanza delle lingue e della cultura europea viene smentita dall’esistenza reale del figlio, che non ha nemmeno un passaporto tunisino – «come mai nato, come mai vissuto» (BIQA, p. 107) – e, dopo la morte del padre, decide di andare in Italia come immigrato clandestino. Il carattere interculturale della figura di Nureddin è

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 189

anche evidente in una scena di sogno: egli immagina di trovarsi in una casa occidentale di sua proprietà che però si restringe sempre di più, e nella quale si muove non come un corpo bensì come «una forma fatta di pura luce» (BIQA, p. 117). Dato che Nureddin non appartiene ad una determinata cultura, la sua condizione e la sua identità sono leggere. Com’è evidente dal sogno citato, egli vive la propria situazione con un senso di angoscia. Alla fine del romanzo la Covito comunica però una visione piuttosto positiva di questa condizione. Nureddin viene esplicitamente definito una figura che rappresenta la postmodernità: Senza parole – non possiede ancora parole sufficienti per un pensiero tanto acrobaticamente solipsista, tanto assolutamente postmoderno – Nureddin si sta vedendo andare per la vita con se stesso come tutto bagaglio, e la cosa gli piace. Non ha origine, lui. Lui è puro uomo. Generato in un transito casuale, sgusciato tra due mondi approfittando di un interstizio… (BIQA, p. 246)

14 La figura di Nureddin rappresenta quindi una postmodernità che evita i discorsi identitari, come sottolinea la costante ironia del romanzo. Anche la fine aperta corrisponde a questa linea del romanzo, che non si chiude con la classica scena del ritrovamento della madre di Nureddin: è una fine che lascia aperti i conflitti e che non conclude. È più importante l’autodefinizione di Nureddin, che ha il coraggio di definirsi «normale» ad alta voce (BIQA, p. 240). Analogamente ai due primi romanzi dell’autrice13, anche questo romanzo contiene tracce del romanzo di formazione: Nureddin impara a liberarsi da un’immagine dell’identità che si basi unicamente sulla questione dell’origine e comincia ad apprezzare la propria posizione a cavallo fra due culture. Questa evoluzione interna viene rappresentata simbolicamente dal fatto che egli riesce ad abbandonare la ricerca della madre italiana, innamorandosi della Dama del Computer. Non impara solo a muoversi nello strano ambiente dei nuovi ricchi di Desenzano, ma anche a riflettere su se stesso in un altro modo, accettando la propria identità leggera, tipicamente postmoderna.

Interculturalità/transculturalità e voce narrativa

15 Che rapporto ha questa immagine della condizione «light» dell’immigrato con la rappresentazione della società di origine di Nureddin? Anche se la Covito non approfondisce molto il tema delle radici nordafricane di Nureddin, spiega l’origine del suo sentimento di sradicamento inserendo nel romanzo un brano su Tunisi. Nella scena del matrimonio dello zio, che forse è il suo padre biologico, Nureddin scopre una società molto gerarchica e rappresa in tradizioni assurde che costringono gli individui a mentire e dissimulare. Inoltre i suoi coetanei tunisini trattano Nureddin in modo violento ed umiliante quando scoprono che lui non è circonciso e perciò lo identificano come «cristiano» (BIQA, p. 176-192). Escluso in questo modo dalla propria famiglia, Nureddin mette a fuoco la società nordafricana in modo abbastanza critico. Ma dal punto di vista di Nureddin anche gli interessi e i comportamenti degli italiani appaiono strani e il lettore condivide facilmente il suo giudizio («Che famiglia di matti», BIQA, p. 57), quando osserva il consumismo e i litigi sfrenati dei due fratelli e l’atteggiamento bizzarro dei loro amici. Visti dalla prospettiva di Nureddin, i tentativi di Annapaola di sedurre il giovane tunisino appaiono insensibili, aggressivi e irrispettosi delle differenze culturali (BIQA, pp. 100-105). Altri amici, come Marco, il fidanzato di Sandrina, si perdono in Internet e nei mondi della fantascienza e dell’orrore14. La figura

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 190

dell’immigrato assume quindi la funzione di specchio critico e straniante rispetto alle due culture, sia la tunisina che l’italiana.

16 La voce narrativa è strutturata in modo complesso. L’azione viene raccontata nei file del computer da una voce misteriosa che verso la metà del libro si scopre essere quella di Lucia, la madre dei due fratelli. Nelle varie «finestre» viene intercalato il dialogo diretto fra Nureddin e la Dama del Computer. A metà del romanzo si trova anche una riflessione metafinzionale presentata come un Easter Egg nel gergo dei programmatori15. La narratrice dei file oscilla fra focalizzazione esterna ed interna degli altri personaggi. Carmen Covito commenta la struttura narrativa nel modo seguente: Insomma, io credo che la narrativa tradizionale non debba più accontentarsi delle strutture letterarie classiche, ma debba in ogni modo far entrare nei suoi canoni quelle che sono le modificazioni della nostra percezione. E la nostra percezione oggi è modellata innanzitutto dai mass media (primo in ordine cronologico la televisione), ma ora anche dalle interfacce dei computer16.

17 Quanto all’azione, la Dama del Computer ha una funzione ambigua nel romanzo. Da un lato fa scoprire a Nureddin la sua «deviazione» – cioè il fatto di non essere circonciso – come normale, portandolo così ad accettare la propria virilità, dall’altro lato è un personaggio straniato e mostruoso per la sua deformità fisica17. Il personaggio implica anche una funzione di commento psicologico, ma d’altra parte la sua violenza può indurre il lettore a seguire il giudizio di Sandrina, che considera la madre una pazza da rinchiudere definitivamente in cantina. Dato che la Dama del Computer scrive i file che costituiscono il racconto, la voce narrativa stessa acquisisce una certa ambiguità.

18 Già all’inizio del romanzo Ugo paragona il soprannome di Nureddin, Light, al nome Lucia di sua madre (BIQA, p. 17). L’avvicinamento fra la narratrice e il migrante struttura il racconto, entrambi hanno una funzione straniante ma vengono a loro volta straniati attraverso la costante ironia del romanzo. Alla fine l’avvicinamento fra i due personaggi si sposta dal livello sentimentale a quello elettronico: Sandrina allestisce una pagina Internet per sua madre e Nureddin, sulla quale lui pubblicherà le sue ricette di alta gastronomia multietnica. La stessa struttura narrativa evita quindi di costruire un’istanza centrale da cui vengano emessi i commenti sui personaggi. La focalizzazione flessibile acquisisce un valore culturale perché viene associata al dialogo fra la narratrice e il migrante e alla tematica di confronto interculturale.

19 Il riferimento a Internet s’inserisce in una serie di rimandi alla cultura mediatica contemporanea. Sia Nureddin che i suoi coetanei italiani cercano di capire la realtà orientandosi secondo modelli presi dal cinema, dalla televisione o da Internet18. Con i suoi rinvii ad una cultura mediatica comune l’autrice trascende il livello di paragone interculturale, cioè di giustapposizione di due culture distinte, una giustapposizione che è tuttavia presente nel romanzo nei brani che mettono a confronto la cultura nordafricana con i settori economicamente e tecnologicamente avanzati della cultura occidentale. Nel dibattito teorico sull’interculturalità, si distingue fra interculturalità (nel senso di dialogo o conflitto fra due culture diverse) e transculturalità (nel senso di una pluralità d’identità culturali che non permette più di fissare un limite preciso fra due culture)19. Con i grandi processi di migrazione e di globalizzazione dell’economia, le esperienze transculturali aumentano, e Carmen Covito sembra esserne consapevole. Il modo in cui il romanzo si serve di allusioni al cinema e ai nuovi media fa capire al lettore che i media creano dei punti di convergenza fra le varie culture. Covito vede i

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 191

processi transculturali in un’ottica positiva e si dichiara attratta dalle implicazioni sociologiche, psicologiche e filosofiche di Internet, ossia «l’azzeramento delle distanze e dei confini geografici attraverso la simultaneità della comunicazione, la frantumazione e la moltiplicazione dell’io»20. In primo luogo difende i diritti dell’individuo contro i concetti d’identità collettiva, come dimostra nel romanzo l’episodio dell’aggressione dei giovani tunisini contro Nureddin. Inoltre, in un’intervista sui personaggi e il punto di vista nel romanzo, sostiene che grazie ai media il mondo di oggi è diventato « più imprendibile, ma molto più vicino»21. Ciò che dice sulla condizione moderna/ postmoderna in questa intervista è applicabile anche alla questione del come vivere in un mondo multiculturale e policentrico: Dobbiamo accettare serenamente questa nozione: non abbiamo centro e direi addirittura che l’essenza della modernità consiste nel non sapere che farsene di un centro. Questa consapevolezza può fare anche molta paura… Ma no!!! Magari perdessimo tutti i centri che ancora resistono. La nostra sfida di moderni o, se preferisce, di postmoderni, è questa: camminare sul vuoto. E bisogna affrontarla con una certa baldanzosità22.

20 Il tema delle differenze culturali affrontato dall’autrice nel suo terzo romanzo riflette quindi una presa di posizione più ampia dei soli aspetti tematici. Nel caso della Covito si può parlare di una estetica della differenza, di una visione frammentaria della realtà, come dimostra un altro brano della stessa intervista: «Il romanzo può ancora avere una funzione conoscitiva, può dirci qualcosa di sconvolgente, di imprevisto, di inedito, di totale: però deve farlo, ormai, attraverso una simulazione frammentaria della realtà»23.

21 In sintesi, in Benvenuti in questo ambiente la figura del migrante assume la funzione di rispecchiamento straniante di tendenze attuali della nostra società e rappresenta il dialogo interculturale nelle sue difficoltà ma anche nel lato comico-grottesco dei suoi malintesi. Inoltre, nel suo terzo romanzo l’autrice presenta la sua visione di una cultura policentrica, aperta alle differenze culturali, ma anche lontana dall’idealizzare condizioni culturali ostili alle scelte personali degli individui. Sottolineando l’influenza dei media sulla percezione, l’autrice dimostra anche di essere consapevole dei punti di contatto transculturali inerenti al processo di globalizzazione.

NOTE

1. Cf. La letteratura dell’emigrazione. Gli scrittori di lingua italiana nel mondo, a. c. di J.-J. Marchand, Torino, Edizioni della Fondazione Giovanni Agnelli, 1991. Per la letteratura di emigrati italiani in Germania, vedi le opere di C. Chiellino, p. es. «Parole erranti. Emigrazione, letteratura e interculturalità», in Saggi 1995-2000, (Quaderni sull’emigrazione 5), Isernia, Cosmo Iannone Editore, 2001; e Am Ufer der Fremde. Literatur und Arbeitsmigration 1870-1991, Stoccarda, Metzler, 1995. 2. Lo studioso della letteratura italo-tedesca di migrazione Carmine Chiellino è lui stesso poeta e migrante. In Parole erranti lamenta una mancanza di dialogo fra intellettuali tedeschi ed intellettuali migranti (p. 89) e della scarsità di strumenti critici a disposizione dell’italianistica italiana per studiare gli autori migranti (p. 95). 3. Vedi A. Gnisci, Creolizzare l’Europa, Roma, Meltemi, 2003, pp. 145-146.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 192

4. Vedi C. Chiellino, «Parole erranti», p. es. il capitolo sulla memoria biculturale, pp. 77-85. 5. P. es. M. Fortunato e S. Methnani, Immigrato, Roma-Napoli, Theoria, 1990 e 1997. 6. S. Veronesi, Gli sfiorati, Milano, Mondadori, 1990 e 2001. Vedi anche gli altri contributi in questo volume dedicati al tema delle differenze interculturali. 7. C. Covito, Benvenuti in questo ambiente, Milano, Bompiani, 1997, p. 5, in seguito abbreviato BIQA. 8. In questo senso Nureddin si può paragonare a M. Fortunato e S. Methnani, Immigrato: anche il narratore di questo testo documentario fa mostra delle proprie conoscenze culturali. Non è un immigrato incolto, bensì laureato e dotato di una cultura cinematografica che comprende perfino i film di Fassbinder (cf. pp. 12 e 116). Per il concetto di auto- ed eterostereotipo vedi il saggio ormai classico sulla comunicazione interculturale: G. Hofstede, Cultures and organizations: Software of the Mind, London, McGraw-Hill Book Company, 1991, p. 212. 9. L’immagine delle ditte italiane è ironica, vedi p. es. la seguente riflessione di Sandrina su come trattare un cliente: «Tordelli Posaterie di Lumezzane, sta rognando perché il Controller Catena che gli abbiamo fornito concede un intervallo-pipì ai lavoratori. Obiettargli che il nostro sistema gli ha già permesso di ridurre la manodopera umana a soli tre operai senegalesi. Intimidirlo ricordandogli che cinque minuti su otto ore sono il minimo per non incappare nella Convenzione di Ginevra sui prigionieri di guerra. Se non ride, proporgli di upgradare il sistema passando alla versione 5.1, per fabbrichette totalmente robotizzate.» (BIQA, p. 38). La scena del compleanno di Sandrina (pp. 37-59) introduce il lettore nell’ambiente sofisticato dei giovani professionisti dell’Italia settentrionale. 10. R. Capozzi, «Un incontro elettronico con Carmen Covito», Forum Italicum, 33, 1, Spring 1999, p. 271. 11. «Ma è un incanto, un incanto! Mio figlio crescerà qui, tra i suoi antenati…» (BIQA, p. 71). 12. Infatti, il testo fornisce tre versioni della relazione fra Yussef e la madre di Nureddin (pp. 67-79); la terza suggerisce che il padre biologico di Nureddin non è Yussef, ma lo zio Hassan, il portiere di notte dell’Hilton. Vedi anche il consiglio dato a Nureddin dalla Dama del computer per dissuaderlo dal progetto di trovare sua madre in Italia: «Lascia stare, Nureddin. Certe madri è meglio perderle che trovarle.» (BIQA, p. 150). 13. Sulle opere della Covito vedi S. Kleinert, «Carmen Covitos Italienbilder: Geschichten von narzisstischen, elektronischen und interkulturellen Beziehungen», in Italienische Erzählliteratur der Achtziger und Neunziger Jahre, a. c. di F. Balletta e A. Barwig, Francoforte et al., Peter Lang, 2002. 14. Marco, come Sabrina, tende a perdersi in un mondo virtuale, perché «vede tutto il mondo un po’ sfasato, come attraverso un filtro polaroid sporchiccio che gli mostra gli oggetti e le figure tutti clonati di virtualità» (BIQA, p. 161). Un altro personaggio, Carol Invernizio, rimanda ironicamente ai romanzi popolari di Carolina Invernizio. 15. In questa sequenza, scritta in corsivo, il narratore si autodefinisce così: «Abbastanza onnisciente ma divinamente discreto, sono un occhio orientabile, un orecchio direzionale, una macchina celibe in agguato per processare un po’ di vite altrui. Non le giudico, al massimo le salvo: configuro, scandisco, seleziono, sincronizzo, ottimizzo, interconnetto, codifico, formatto e immagazzino una campionatura della vita; poi, tramite tastiera, la riverso su carta.» (BIQA, p. 115) 16. R. Capozzi, op. cit., p. 269. 17. Lucia spiega a Nureddin che in Europa è normale per un uomo non essere circonciso, cosa che lui non sapeva, essendo cresciuto in una situazione d’isolamento dai coetanei (pp. 175-176). Spiega anche perché si è messa a disposizione di Ugo come oggetto di esperimenti chirurgici e come si è trasformata in una specie di Artemide di Efeso lasciandosi applicare otto seni artificiali in aggiunta ai due naturali. Il racconto di Lucia sulle sue operazioni di chirurgia estetica è caricaturale, ma ha anche un lato ossessivo, di modo che il lettore non può fidarsi completamente dello stato mentale del personaggio (vedi anche l’autoritratto di Lucia come donna probabilmente psicotica, pp. 132-146). Il lato ossessivo del personaggio diventa evidente nel suo

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 193

gesto di ferire Nureddin con una forchetta dopo il coito, un gesto che però acquisisce anche una funzione pedagogica: lo vuole distanziare da sé perché sa di essersi offerta a Nureddin come un sostituto della madre. 18. Cf. il ruolo dei film western nell’immaginazione di Nureddin (BIQA, p. 179) e i riferimenti ai vari James Bond (p. 153), al film Blade Runner (p. 164), alle serie televisive, p. es. X-Files (p. 159), soprattutto nell’immaginazione di Marco. 19. H.-J. Lüsebrink, Interkulturelle Kommunikation, Stuttgart, Weimar, Metzler-Verlag, 2005, pp. 17-18. 20. R. Capozzi, op. cit., p. 268. 21. L. Lepri, «Intervista a Carmen Covito, I personaggi e il punto di vista», in Scrittura creativa. La scrittura creativa raccontata dagli scrittori che la insegnano, Milano, Bompiani, 1998, p. 103. 22. Ibid., p. 101. 23. Ibid., p. 102.

AUTORE

SUSANNE KLEINERT Université de Sarrebruck

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 194

Les Italiens et l’image du Maroc dans l’œuvre narrative de Younis Tawfik

Isabelle Felici

1 L’œuvre narrative de Younis Tawfik, qui comporte deux romans, La straniera et La città di Iram, parus en 1999 et 2002 chez l’éditeur milanais Bompiani, se prête particulièrement bien au thème de la différence. La différence y prend d’innombrables formes : elle est linguistique chez cet auteur d’origine irakienne, installé depuis quelques décennies en Italie et qui écrit en italien ; elle est culturelle et religieuse, Tawfik étant de culture arabo-musulmane ; elle est aussi sexuelle puisque cet homme choisit de mettre en scène des personnages féminins qui sont les narratrices de leur propre histoire. La différence s’insinue aussi dans la forme choisie pour ces romans, pour le premier en particulier, dont la construction, très élaborée, offre au lecteur le double récit des mêmes scènes, une première fois par un narrateur, en fait une image de l’auteur, puis par la narratrice. La différence apparaît enfin sur le plan social et « national », pourrait-on dire, à travers le thème du déplacement : dans le premier roman, celui d’une Marocaine qui arrive clandestinement en Italie, et dans le second, celui d’une Italienne qui effectue un voyage au Maroc.

2 Le lecteur rencontre donc, dans un jeu complexe de regards qui se croisent1, Italiens et Marocains, dans leurs rapports d’autochtones à immigrés à Turin, où se déroule le premier roman, et de touriste à autochtones, à Tanger, Fès, Marrakech, Essaouira – le circuit classique – que traverse la protagoniste du second roman. Ces rencontres et les images transmises au lecteur passent par le filtre du narrateur qu’il est difficile de ne pas assimiler à Tawfik lui-même, lequel reconnaît d’ailleurs avoir pris comme point de départ de son premier roman « plus ou moins sa biographie2 ». Le récit est ainsi conditionné par le regard d’un non Italien, qui n’est plus tout à fait un étranger puisqu’il s’est déjà parfaitement moulé dans la société d’accueil. L’image du Maroc, également protagoniste de cette œuvre narrative, passe aussi par le filtre du narrateur, arabe mais non marocain, qui redécouvre la culture arabe à travers le Maroc, alors qu’il est lui-même « privé » de son propre pays depuis son arrivée en Italie en 1979.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 195

3 Ces deux romans de Tawfik, comme l’ensemble de ses publications et de ses activités culturelles, ont très clairement pour objectif de rapprocher d’un public occidental, en l’occurrence italien, une réalité culturelle arabe et musulmane peu et mal connue, perçue négativement, faussée par le pouvoir médiatique et par les craintes, largement amplifiées par ce même pouvoir médiatique et par certains hommes politiques, que suscite la présence en Italie de migrants qui véhiculent la différence3. La lecture que nous proposons de ces romans se fait donc à la lumière de cette approche didactique fréquemment revendiquée4 par Younis Tawfik.

4 Penchons-nous dans un premier temps sur le narrateur, un personnage qui s’entoure d’un silence inquiétant, puisqu’il tait son nom et ne prononce jamais le nom de son pays d’origine, et dont le rôle dans le récit est de servir de pont entre les cultures. Arrêtons-nous sur une description qu’il fait de la maison de son enfance. Pendant quelques pages, le lecteur est transporté dans un monde où l’on dort sur les toits, sur des couvertures posées à même le sol, où l’on peut parfois entrevoir le corps légèrement voilé d’une voisine qui s’est découverte pendant son sommeil. Cette description regorge d’épithètes qui mettent constamment le lecteur à distance, ce qui est compréhensible, mais, ce qui l’est moins, révèle le fossé qui s’est créé entre le narrateur et le décor de son enfance, qualifié d’« arabesco » ; l’atmosphère est « orientale », « tipicamente araba et misteriosa » et rappelle parfaitement « i bellissimi dipinti di Ingres e di Lewis »5. Le narrateur en appelle ainsi aux images, aux stéréotypes, que son lecteur possède déjà sur l’Orient, et semble lui-même avoir adopté ce système de références, celui de l’autre, pour évoquer sa propre culture6. Il est en quelque sorte le vecteur d’une vision orientaliste de son propre pays – notons d’ailleurs que Jean-Auguste Dominique Ingres n’a jamais quitté l’Europe – vis-à-vis duquel il montre ainsi un certain détachement. Dans une scène du second roman, qui fait pendant à cette description, on retrouve la même vision extérieure, mais cette fois justifiée, puisque c’est la protagoniste, une Italienne, fraîchement débarquée à Tanger, qui découvre la vision et l’odeur de ce qu’elle est venue chercher au Maroc : l’« exotique7 ». Le lecteur des deux romans reçoit donc une description d’un ailleurs par quelqu’un qui se trouve sur le même bord que lui, une touriste et un immigré qui a adopté les critères et les modes de pensée de son pays d’accueil. Le filtre semble définitivement posé.

5 Le récit du narrateur de La straniera montre tous les efforts qu’il accomplit pour s’approprier la culture du pays qui l’accueille, privilégiant la fréquentation d’étudiants italiens à l’université, plutôt que des autres étudiants arabes, s’insérant dans la vie sociale italienne, y compris dans le travail : il est devenu architecte, alors que d’anciens camarades d’université ont ouvert une boucherie hallal ou une boîte de nuit à « l’ambiance typiquement orientale ». Il n’a des expériences sentimentales et conjugales, d’ailleurs manquées, qu’avec des Italiennes… C’est en fait la rencontre avec une sans-papiers marocaine, Amina, qui provoque un rapprochement vers sa culture d’origine. Amina est un élément déclencheur qui lui fait rechercher une partie de lui- même qu’il avait refoulée, « le passé et le lien avec [sa] terre » (p. 174), qui lui permet de retrouver le plaisir du partage, lorsque, par exemple, ils s’émeuvent en écoutant ensemble les chansons d’Oum Kalthoum, l’« étoile de l’Orient ». Amina le fait aussi plonger dans une réalité qu’il n’avait jusque là pas affrontée, celle des immigrés, de leur « irruption », c’est le mot qu’il emploie, dans une ville, sa ville, auparavant « organisée et propre » et dans laquelle ils créent un « malaise », qu’il ne parvient parfois pas à

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 196

« tolérer » (p. 131). Lui, qui appartient à la catégorie des « intégrés », reproduit l’attitude et les préjugés de la société italienne envers cette « catégorie de marginaux ». S’il a quelques élans de compassion, le rapprochement n’est que provisoire. Il choisit la compagne italienne qui était en concurrence sentimentale avec Amina, laquelle avait pourtant éveillé son « arabité ». Il s’éloigne d’elle parce que la clandestinité et sa dépendance envers un mari autoritaire et brutal, auquel elle a voulu échapper, ont fait d’elle une marginale, une prostituée, qu’il ne se sent pas en mesure de « sauver » (p. 133). Cette femme arabe, l’essence de « sa terre », l’a trahi puisqu’elle s’est vendue à d’autres hommes. Empêtré dans deux visions de la réalité entre lesquelles il est incapable de trouver sa propre identité, victime des préjugés des deux cultures, il est condamné à la folie. Le dédoublement de la personnalité est marqué par un changement dans la narration : dans le dernier chapitre de La straniera, le récit est désormais à la deuxième personne du singulier, et le « tu » désigne celui qui avait été jusqu’alors le narrateur. Suicide ou rêve de suicide, le personnage disparaît, en quelque sorte puni parce qu’il n’a pas su préserver ses racines8.

6 Force est de constater qu’Amina est elle aussi punie, par la maladie et la mort, au moment même où elle réussit à sortir de sa condition en trouvant un travail décent et quelqu’un qui l’accueille et l’épaule comme sa propre fille. Elle avait coupé ses cheveux très courts, comme « on les porte maintenant9 », avait changé son prénom, d’Amina en Mina, un procédé auquel les « extra-communautaires » se prêtent souvent de mauvais gré, devant l’impossibilité pour des bouches italiennes récalcitrantes de prononcer certains prénoms : Mohamed devient Ali, dans un récit de vie intitulé justement Chiamatemi Alì : È arrivato il solito problema della pronuncia del mio nome. Mentre i figli e la moglie non hanno difficoltà, il principale non riesce mai a chiamarmi Mohamed: si confonde, pasticcia, si ferma, lo storpia. Ho così sfoderato il mio “secondo nome” (creato appositamente da quando sono in Italia, perché prima non sapevo di averlo): “Chiamatemi Alì!”. Così è tutto più semplice10.

7 De la même façon, Khadija devient Caterina, Rabah se transforme en Roberto et, plus étonnant, Younes en John… Fatima semble avoir plus de chance de rester elle-même. En perdant sa chevelure et son nom, Amina/Mina avait commencé à perdre son identité d’où la nécessité, sûrement inconsciente chez l’auteur, de la faire disparaître. Les figures d’immigrés marocains en Italie qui apparaissent dans le second roman, une femme rencontrée par la protagoniste sur la place Jemâa El Fna à Marrakech (p. 64), et un peintre, installé à Essaouira, après une expérience d’émigration clandestine en Italie, où il finit par réussir à suivre des études aux Beaux-Arts (p. 81), sont le reflet inverse d’Amina et connaissent, au lieu du châtiment, le salut et le bonheur car ils ont choisi le retour à la terre/mère.

8 Ce thème de l’émigration apparaît dans les deux romans, même si c’est de façon périphérique dans La città di Iram, à travers des récits qui mettent en évidence les mécanismes de l’émigration des jeunes Marocains que l’on suit dès avant leur départ du Maroc. C’est d’autant plus efficace, et l’on retrouve là la démarche didactique de Tawfik, que les ouvrages grand public sur ce thème11 évoquent rarement la vie des immigrés avant l’émigration12. Ce sont aussi des passages importants parce qu’ils sont écrits sans le filtre dont il a été question plus haut. Tawfik nous livre des témoignages qu’il a reçus de façon directe et qu’il transmet en prêtant sa plume à des personnes qu’il a rencontrées, comme la jeune Marocaine dont il a fait la connaissance dans un bar et dont le récit lui a servi pour élaborer le personnage d’Amina13 ; quant aux autres

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 197

personnages d’immigrés qu’on rencontre dans les deux romans, leur histoire est celle de milliers de personnes, arrivées en Italie avant 1990, clandestinement ou plus souvent avec un visa touristique, et ayant bénéficié de la régularisation qui a accompagné la loi Martelli.

9 D’une manière générale, ces récits visent à montrer un Maroc que les Italiens ne connaissent guère, ni dans sa réalité sociale, ni même dans sa géographie, une ignorance qui provoque l’agacement des immigrés originaires de ce pays14. Des films comme Marrakech express15 ont à ce titre fait plus de dégâts que de bien. Ceux qui n’ont pas visité le pays l’imaginent comme un ailleurs, désertique et sauvage, lointain. Dans l’imaginaire de certains Italiens, il est même assez lointain pour avoir risqué d’être atteint par le raz-de-marée qui a ravagé d’autres régions de la planète à la fin de l’année 2004… Quant aux Italiens qui l’ont visité, ils sont souvent passés à côté d’une réalité sociale16 que des mesures policières draconiennes et la « légendaire hospitalité marocaine » contribuent à rendre moins visible, surtout aux yeux de ceux qui ne la cherchent pas.

10 Par la bouche d’Amina et de quelques personnages secondaires des deux romans, se dessine la réalité que connaissent les jeunes Marocains, hommes et femmes, souvent diplômés, qui ne voient leur salut que dans l’émigration vers l’Europe dont ils rêvent parce qu’ils n’ont pas de travail, ou un travail sous-payé, sans contrat ni protection sociale, rien qui puisse leur permettre de « se construire une vie et un futur17 ». À travers le parcours d’Amina, une femme hors normes par sa capacité de révolte, on découvre aussi un Maroc rural en proie à l’analphabétisme et à la misère. Sur ce plan, le contraste avec le deuxième roman est strident. En effet, dans La città di Iram, est au contraire brossée l’image d’un Maroc plus conventionnel, stéréotypé, digne des catalogues des voyagistes. On retrouve le filtre, personnifié par Isabella, la protagoniste du roman, venue au Maroc pour une recherche spirituelle, qui explique le titre du livre : celui-ci fait référence au mythe de la ville d’Iram aux colonnes, auquel s’est intéressé Khalil Gibran et dont il est question dans le Coran18. Certains passages du livre de Tawfik19 doivent vraisemblablement beaucoup au dialogue métaphysique écrit par Gibran en 1923, intitulé Iram, City of the Lofty Columns20. Malgré cette quête mystique, dans laquelle on trouve aussi des échos du roman de , La Nuit sacrée, le lecteur garde surtout l’impression d’un voyage où le matériel et le touristique l’emportent sur le spirituel : on boit beaucoup de thé à la menthe dans des intérieurs marocains riches ou moins riches, dans les ruelles des médina, au souk de Marrakech et même lors d’une petite escapade en 4 x 4 dans le désert et on rencontre à peu près tout ce que le Maroc a d’exotique aux yeux du touriste ou du voyageur pressé.

11 Pendant la gestation de ce deuxième roman21, s’est produit l’attentat du 11 septembre 2001, que l’auteur a intégré dans la trame narrative sous la forme d’un dialogue entre la protagoniste et une amie marocaine. La scène au cours de laquelle cette jeune musulmane, qui porte le voile, lui raconte les circonstances de l’attentat de New York et les réactions de la jeune Italienne, ramène le lecteur à la question identitaire et au malaise déjà perceptible dans le premier roman. Le malaise devient ici manifeste et le filtre évoqué plus haut se transforme en une barrière très nette qui sépare un « vous » d’un « nous » et qui montre les deux systèmes culturels clairement en opposition : “Temo che voi vogliate la nostra fine, Fatima. Perché ce l’avete con noi? Perché ci odiate così tanto?” La collera per un attimo mi offuscò la mente e mi fece parlare con rancore a una donna che, come me, non aveva nulla a che fare con ciò che era successo22.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 198

12 Le dialogue entre les cultures dont Tawfik se veut le héraut23 semble bien se résumer à une affirmation, de part et d’autre, d’identités monolithiques, inchangeables dans leur substance. « S’ouvrir vers l’autre culture24 », établir un pont, voudrait donc dire donner des clefs pour accéder à la compréhension de l’autre, mais en évitant tout risque de mélange, d’altération. À cette vision substantialiste, qui a des partisans aussi bien chez les nationalistes arabes que chez les adeptes de LA civilisation occidentale, nous opposons une autre conception qui tient compte du caractère hybride et hétérogène des sociétés humaines et de leurs capacités à intégrer les différences sans pour autant les effacer, en renvoyant aux écrits d’Edward W. Said, en particulier à l’essai qu’il rédige en réponse aux critiques qu’a suscitées son ouvrage Orientalisme25, et à son ouvrage Culture et impérialisme26. Nous renvoyons aussi, en guise d’illustration, au roman Il padre e lo straniero, dont il est question dans ce volume, dans lequel le lecteur assiste réellement à un échange. On voit en effet dans ce roman de Giancarlo De Cataldo un Italien qui n’hésite pas à affronter, quitte à ressentir le malaise qu’il y a à être différent27, la « partie arabe » du marché où l’a conduit son ami, un diplomate, bandit, terroriste, agent secret (?) libanais (?), grâce auquel il apprend à aimer son fils handicapé. Il accède aussi grâce à lui à d’autres lieux « étrangers », sans rester en marge, et surtout à un système de pensée dont il s’imprègne et s’enrichit, sans pour autant se « perdre ». Il n’y a presque rien de ce « mélange », de cet enrichissement, dans les romans de Tawfik, à l’exception peut-être d’une danseuse orientale28, une Italienne que le narrateur prend pour une femme arabe29, et de l’enfant conçu par la narratrice du second roman lors de l’escapade dans le désert30. Cet enfant, la seule chose qu’Isabella, qui devient Jamila – encore un changement de nom –, semble avoir effectivement ramené de son voyage et de sa quête spirituelle et qu’on voit nourrisson à la fin du roman, a une double identité, au moins génétique, marocaine et italienne, que le lecteur ne voit cependant pas prendre forme dans la réalité.

13 Il y a d’autant moins d’occasions d’échange culturel dans les deux romans de Tawfik qu’il y a peu de personnages italiens. Dans le second roman, la protagoniste est la seule à chercher ce contact, les autres personnages servant surtout à soutenir la trame narrative. Dans La straniera, tous les personnages italiens sont au contraire en contact avec des étrangers, même si c’est de façon superficielle, et entrent dans une sorte de typologie des rapports immigrés/autochtones qui s’instaurent. Parfois, l’étranger est rejeté ou se sent rejeté, comme dans ce restaurant italien où Amina accompagne le narrateur : elle ne voit que des regards désapprobateurs à son égard et beaucoup de froideur, malgré le luxe qui jure avec ses vêtements voyants et son parfum de mauvaise qualité, « typique des jeunes immigrées31 ». Mais c’est peut-être dans ce cas un reflet de son propre malaise plutôt que le résultat d’un rejet car la même scène racontée par le narrateur, selon la construction double du roman, ne fait pas allusion à ces regards en coin qui viseraient le couple qu’il forme avec la jeune Marocaine (p. 125 et p. 151). Le rejet est en revanche bien réel de la part d’un commerçant qui répond à Amina, en quête d’un emploi, qu’il n’engage pas de Marocains car « son magasin a sa réputation » à préserver (p. 167). Dans une autre scène du roman, où se déroule un dîner organisé par une collègue de travail du narrateur, Tawfik s’emploie à faire défiler les différentes manifestations d’une xénophobie souvent palpable en Italie : un convive se livre à une classification des nuisances liées aux différentes présences étrangères en Italie, Albanais, Chinois, Arabes… (p. 109), un autre fait remarquer que, tout en n’étant pas hostile aux étrangers, il y a tout de même de quoi avoir peur de sortir la nuit… (p. 111).

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 199

14 C’est aussi une forme de rejet que manifestent les trois compagnes italiennes du narrateur de La straniera, qui lui reprochent d’avoir toujours sa valise prête (p. 39) ou d’être trop absorbé par son passé (p. 173-174) et finissent par le quitter. Ce rejet devient d’ailleurs réciproque étant donné les conclusions que tire le narrateur sur le comportement de la « femme occidentale » (p. 40) en général, avec laquelle toute relation lui semble vouée à l’échec.

15 D’autres personnages secondaires italiens témoignent au contraire de la solidarité envers les étrangers, comme la commerçante qui prend Amina sous son aile ou la tenancière d’un hôtel qui l’aide dans ses démarches… et beaucoup de compréhension, surtout chez les Italiens qui font ressurgir le passé migratoire de l’Italie, qu’il s’agisse des migrations internes ou de l’émigration proprement dite. Tawfik met en effet en scène plusieurs personnages italiens qui ont vécu directement l’expérience de l’émigration. Sont ainsi évoqués les problèmes identitaires de la première compagne du narrateur, fille de méridionaux installés à Turin et complexée par ses origines (p. 37), ou « resservis » les stéréotypes sur les Italiens du sud – ici, une collègue de travail du narrateur d’origine calabraise au très fort caractère32 – mais, surtout, Tawfik établit un parallèle entre les deux expériences migratoires que connaît l’Italie qui, de pays d’émigration, est devenue pays d’accueil. Ainsi le propriétaire du bar que fréquente quotidiennement le narrateur affirme-t-il bien comprendre la nostalgie que ressentent les immigrés car il a lui-même quitté son village de Vénétie quand il était enfant et n’a plus personne avec qui échanger des souvenirs33. Enfin, lors du dîner entre amis dont il a déjà été question, une convive répond aux propos xénophobes qu’elle entend en rappelant que les Italiens aussi ont été des émigrants, pour certains clandestins ou délinquants34.

16 Cette démarche, très naturelle, de mise en relation du passé migratoire de l’Italie, qu’on a longtemps tendu à refouler, avec les phénomènes migratoires qui touchent le pays depuis trois décennies, est fréquente dans des œuvres à destination du grand public, comme Lamerica de Gianni Amelio ou L’orda. Quando gli albanesi eravamo noi de Gian Antonio Stella35, mais aussi dans le domaine de la recherche. C’est le cas sur le terrain de l’histoire sociale en Italie36 et au sein de l’italianisme français, chez les chercheurs qui s’occupent des questions migratoires et de leurs implications culturelles37. Ces travaux sur l’émigration italienne, parce qu’ils apportent des bémols au mythe de l’intégration facilement réussie des Italiens en France38, servent, dans une démarche que l’on pourrait appeler de « civilisation comparée », à mieux comprendre le phénomène actuellement en cours en Italie, ainsi d’ailleurs que les vagues d’immigration plus récentes en France que l’on dit plus visibles.

17 Tawfik cite lui-même le cas de la France, qui l’intéresse particulièrement pour la fusion linguistique qui s’y pratique : In Francia, ad esempio, ci sono parole che si usano normalmente e vengono usate da tutti. […]. L’Italia è un paese ancora giovane per quanto riguarda l’immigrazione, ma il fenomeno è destinato a crescere. Si arriverà dunque a giocare con la lingua, a modellarla come fanno gli scrittori in Francia39.

18 Il prépare quant à lui cette fusion en introduisant dans ses romans, dans le premier surtout, des mots arabes qui ne viennent pas perturber le fil de la lecture, mais au contraire attiser la curiosité du lecteur non arabophone, et en introduisant des poésies, forme d’expression par excellence de la culture arabe40, qui viennent rythmer le texte narratif. C’est sans doute sur ce plan linguistique que le rapprochement interculturel

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 200

voulu par Tawfik est le mieux réussi. Sur le plan narratif, la mise à distance qui apparaît à l’analyse des deux romans ne doit cependant pas être considérée comme un choix définitif de la part de l’auteur, qui donne par ailleurs un bon exemple de relation interculturelle réussie, même si elle appartient au passé, à travers les nombreuses pages qu’il consacre à une amitié entre un musulman, le père du narrateur, et un juif dans l’Irak d’avant 194841. Peut-être est-ce l’approche didactique qui renforce le filtre déjà perceptible dans La straniera et encore assombri dans le second roman, un filtre qui vraisemblablement empêche l’accomplissement du rapprochement culturel.

19 S’il y a une perte d’élan littéraire très nettement perceptible entre les deux romans, c’est aussi que Tawfik n’a pas suivi la logique du chemin qu’il avait tracé en entrant dans les lettres italiennes avec La straniera : dans La città di Iram, il a montré un Maroc de pacotille au lieu de creuser celui qu’il a à Turin, à portée de sa main et de sa plume, beaucoup plus intense et authentique. Amina, au lieu de ressusciter, a totalement disparu au profit d’un personnage secondaire du premier roman (Anna-Rita) qui devient la protagoniste du second. Celle-ci, trop préoccupée de sa recherche d’elle- même, est, comme en un raccourci saisissant de LA société occidentale, incapable de s’ouvrir réellement aux autres.

20 Le premier ouvrage a obtenu un succès public important, 20 000 exemplaires vendus avant la parution en format de poche, plusieurs récompenses42 et un projet de transposition au cinéma, sans compter l’impact médiatique qui a suivi, car Tawfik se prête volontiers aux interviews des journalistes de la télévision qui l’interrogent sur l’Islam, l’Irak et même sur le rite du thé à la menthe, lui qui connaît plutôt le thé à la cardamome… Tout ceci a bien sûr pesé sur la création, sans compter le poids de la maison d’édition, toujours prête, vu les enjeux économiques, à « monter » de prétendus écrivains qui ne font que « coucher sur le papier leur propre existence et cessent très vite de communiquer quelque chose d’important, si tant est qu’ils l’aient fait la première fois43 ». Le phénomène de mode, auquel a vraisemblablement cédé Tawfik, est décrit de façon particulièrement lucide par Mohamed Hmoudane dans son premier roman : Je compris qu’il fallait peut-être imaginer quelque chose qui collerait bien à mon nom : une terre d’Islam par exemple, avec casbahs et canons rouillés, tels des sexes en berne, muezzins et lumière, blancheur de voile sur fond ocre de muraille, baroque d’ancienne colonie, un port et du désespoir, le désespoir surtout et le large comme promesse. Du “déjà vu” en quelque manière mais en version un peu plus sophistiquée, sans trop forcer sur le folklore ni faire le trop-plein de dévouement dont nous gave une certaine littérature aux effets pervers, bien bonasse et bien pensante teintée d’engagement44.

21 Sans doute faut-il attendre la prochaine production narrative de Tawfik pour vérifier s’il pourra retrouver la force et l’épaisseur des personnages du premier roman, une force et une épaisseur totalement absentes du second. Quoi qu’il en soit, l’œuvre narrative de Tawfik est entrée dans la littérature sur l’immigration45 et a aussi une grande valeur pour le civilisationniste qui se penche sur les questions d’immigration, au même titre que la publicité, la presse, les feuilletons télévisés ou le cinéma, voire la bande dessinée46, autant de matériaux qui effraient souvent l’italianisme « classique », toujours prêt à suspecter un glissement « dangereux » vers l’histoire ou les sciences sociales. Une incursion dans ces domaines et une vision interdisciplinaire nous semblent indispensables pour élargir, au moins dans le domaine migratoire qui nous intéresse particulièrement, ce thème de la différence47, et pour répondre à la question

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 201

qui sous-tend forcément toute analyse sur le sujet : combien sommes-nous disposés, de part et d’autre de cette barrière culturelle, d’une brûlante actualité dans la France de l’automne 200548, à donner de nous-mêmes et à prendre à l’autre ?

NOTES

1. Nous avons traité cet aspect du premier roman de Tawfik dans « Regards croisés sur l’immigration marocaine en Italie. La straniera de Younis Tawfik », Babel, no 11, revue semestrielle éditée par la faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université du Sud-Toulon-Var, premier semestre 2005. 2. Voir l’entretien de Younis Tawfik avec Davide Bregola, « Il machamath tra i Murazzi », juillet 2001, Da qui verso casa, Rome, Edizioni interculturali, 2002, p. 12. 3. Voir C. Marletti (dir.), Televisione e islam. Immagini e stereotipi dell’islam nella comunicazione italiana, Rome, Nuova ERI, 1995. 4. Voir l’entretien de Younis Tawfik avec Tina Cosmai, « Una cultura di poesia e di fratellanza », et le descriptif de son dernier ouvrage, L’Islam dai califfi all’integralismo, Turin, Ananke, 2004. 5. Y. Tawfik, La straniera, Milan, Bompiani Bestesellers, 2003, p. 17, 18 et 23. 6. Voici, à titre de comparaison, comment le narrateur marocain de French Dream, premier roman de Mohamed Hmoudane, décrit le décor qu’a préparé une de ses amies françaises pour leur rencontre : « Dîner aux chandelles, musique douce, dans une atmosphère inspirée de l’Orient, encens, sofa… si bien qu’on se serait cru dans un tableau de la période coloniale de Delacroix », M. Hmoudane, French dream, Paris, La différence, 2005. 7. Y. Tawfik, La città di Iram, Milan, Bompiani, 2002, p. 46. 8. Voir l’entretien, déjà cité, de Y. Tawfik avec T. Cosmai. 9. La straniera, ouvr. cité, p. 190. 10. M. Bouchane, Chiamatemi Alì, Milan, Leonardo Paperbacks, 1991, p. 183. Les exemples qui suivent sont eux aussi authentiques. 11. Pour un exemple de ces ouvrages grand public, voir A. Colombo et G. Sciortino, Gli immigrati in Italia, Bologne, Farsi un’idea, Il Mulino, 2004. 12. Ada Lonni ( Immigrati, Milan, Mondadori, 2003) adopte au contraire une démarche explicative qui englobe la vie d’avant l’émigration, au moins le contexte politique et économique du pays d’origine. Sur le Maroc, voir p. 54 et suivantes. 13. Voir l’entretien de Y. Tawfik avec Tiziana Montaldo, « Amore e morte nella Torina multietnica », décembre 2000, 14. M. Bouchane, Chiamatemi Alì, ouvr. cité, p. 139. Voir aussi p. 85. 15. Marrakech express de Gabriele Salvatores, avec Diego Abatantuono, Columbia Tri Star, 1988. 16. « Anche se abbiamo visitato il loro paese, la nostra cecità raramente ci ha consentito di cogliere la situazione reale in cui versa la popolazione », dit A. Lonni, ouvr. cité, p. 54. 17. La straniera, ouvr. cité, p. 77. 18. Voir la sourate 89. 19. La città di Iram, ouvr. cité, p. 107. 20. Kh. Gibran, Les Dieux de la terre suivi de Iram, cité des Hautes colonnes et de Lazare et sa bien- aimée, Paris, Arthème Fayard, Mille et une nuits, 2003.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 202

21. Voir l’entretien, déjà cité, de Y. Tawfik avec D. Bregola, p. 16. 22. La città di Iram, ouvr. cité, p. 98 et suivantes. Voir aussi p. 103. 23. Voir par exemple l’entretien de Y. Tawfik avec Francesca De Sanctis, « Sono contro Saddam, ma anche contro la guerra », février 2003, 24. Voir l’entretien, déjà cité, de Y. Tawfik avec F. De Sanctis. 25. E. W. Said, Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005, notamment p. 375 et 376 de la postface. 26. E. W. Said, Culture et impérialisme, Paris, Arthème Fayard/Le Monde diplomatique, 2000. 27. G. De Cataldo, Il padre e lo straniero, Roma, Edizioni e/o, 2004, p. 21. Une première édition, par Manifestolibri, remonte à 1997. 28. Sur la mode de la danse du ventre qui semble faire fureur à Turin, voir le chapitre « Soft power e mezzaluna. Integrazione e danza del ventre », dans F. Paci, L’Islam sotto casa. L’integrazione silenziosa, Venezia, Marsilio, 2004, p. 21 et suivantes. 29. La straniera, ouvr. cité, p. 177. 30. Maria Cristina Mauceri commente assez ironiquement cette maternité : « Il messaggio per i lettori sembra essere che la vera natura e spiritualità di una donna si rivela nella procreazione preferibilmente con un compagno esotico. » 31. « Il suo profumo non è di buona qualità. Comincio a notarlo anche andando in giro per i mercati e nelle strade: sembra che, oramai, sia diventato tipico delle ragazze straniere », La straniera, ouvr. cité, p. 123. 32. « È dotata di una forte capacità di convincimento. Non le si può rifiutare niente. Le sue origini calabresi salterebbero fuori subito, dopo un semplice “no”. È molto cara e simpatica, ma è anche molto permalosa, e guai a farla arrabbiare: sarebbe capace di tenere il muso per giorni », Ibid., p. 102. 33. Ibid., p. 100-101. 34. Ibid., p. 109 35. G. Amelio, Lamerica, Italie, 1994. G. A. Stella, L’orda. Quando gli albanesi eravamo noi, Milan, Rizzoli, 2002, maintenant en édition économique. 36. Voir par exemple deux numéros de la revue Il calendario del popolo, intitulés « Balie italiane e colf straniere. Migrazioni al femminile nella storia della società italiana » et « Macaronì e vu’cumprà. Emigrazione e immigrazione nella storia della società italiana », Milan, Teti editore, [1995] 1997. 37. Nous renvoyons au programme de Circe, dirigé par J.-Ch. Vegliante, « L’Italie vue d’ici ». Voir également « Regards culturels sur les phénomènes migratoires », Babel, no 11, premier semestre 2005, qui porte à la fois sur les questions d’émigration et d’immigration. 38. Voir les nombreux travaux de J.-Ch. Vegliante, notamment sur la langue des Italiens en France, dans la bibliographie de Circe , et le débat lancé dans « Italiani in Francia: assimilazione e identità a seconda delle generazioni di immigrazione », Itinera. Paradigmi delle migrazioni italiane, M. Tirabassi (éd.), Turin, 2005, p. 251-273. Sur le cas de l’accueil des Italiens à Marseille, voir I. Felici, « L’invasion italienne vue par Louis Bertrand. Ribattiamo il chiodo », Babel, no 1, 1996. 39. Voir l’entretien, déjà cité, de Y. Tawfik avec D. Bregola, p. 17. Notons que ce phénomène s’explique autant, voire davantage par le passé colonial de la France que par les phénomènes migratoires. 40. Voir l’entretien, déjà cité, de Y. Tawfik avec T. Cosmai. 41. La straniera, ouvr. cité, p. 113 à 121. 42. Voir l’entretien, déjà cité, de Y. Tawfik avec D. Bregola, p. 13.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 203

43. « Devo anche aggiungere che ci sono scrittori migranti che non sono scrittori, ma improbabili scrivani della propria esistenza e finiscono subito di comunicare qualcosa di importante (ammesso che lo abbiano fatto la prima volta) e altri che sono montati dalle case editrici di mercato. » « Il gioco dell’incontro. Diagolo intertestuale con Armando Gnisci », D. Bregola, Da qui verso casa, ouvr. cité, p. 154. 44. M. Hmoudane, ouvr. cité, p. 119. 45. Parmi les nombreux outils que l’on peut trouver en ligne, citons la bande de données élaborée à l’initiative d’Armando Gnisci, qui recense les textes des écrivains migrants, . Pour des indications bibliographiques sur la littérature de la migration et la littérature sur l’immigration, on pourra consulter aussi . 46. Pour un exemple de cette utilisation plurielle (entretiens oraux, littérature et bande dessinée), voir A. Mauri, « Le charme slave. Images littéraires et paralittéraires de femmes slaves émigrées en Italie. Stéréotypes et réalités » dans Regards culturels sur les phénomènes migratoires, Babel, no 11, premier semestre 2005. 47. Un thème qui se complète dans presque toutes les manifestations culturelles (littéraires et cinématographiques notamment) celui de la déviance sociale : prostitution, drogue, trafics en tout genre sont souvent irrémédiablement liés aux figures de l’immigré en Italie. Parmi les rares exceptions, citons le très beau film de Vincenzo Marra, Tornando a casa, 2001. 48. Voir le débat sur les violences urbaines et sur ses résonances avec le cas de l’émigration italienne en France lancé par J.-Ch. Vegliante à l’automne 2005, dans le cadre du programme « L’Italie vue d’ici » et mis en ligne sur le site de Circe : .

AUTEUR

ISABELLE FELICI Université du Sud-Toulon-Var, Université Paris 3, Circe

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 204

Personnages migrants en quête d’intégration dans l’opulence milanaise des années 1980

Franco Manai

1 Lorsqu’en 1992 Giulio Angioni publie son troisième roman Una ignota compagnia1, en Italie le phénomène de la grosse vague migratoire récente provenant d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est était déjà une caractéristique nationale. La littérature italienne compte peu de personnages d’immigrés d’envergure. On peut rappeler le personnage de Gaben dans I Fannulloni de Marco Lodoli, la famille Korniakowski dans Il Polacco lavatore di vetri d’Edoardo Albinati2 ainsi que les divers protagonistes de la littérature italophone des Sénégalais Saidou Moussa Ba et Pap Khouma, du Tunisien Salah Methnani ou du Marocain Mohamed Bouchane3.

2 Una ignota compagnia confie le rôle de personnage principal à deux jeunes immigrés, le Sarde Tore et le Kenyan Warùi, dans le Milan des années 1980 dont l’opulence ne profite qu’aux autres. Le roman s’ouvre sur une épigraphe composée de vers des Suppliantes d’Eschyle sur lesquels il est opportun de s’arrêter. Il s’agit d’un extrait du discours final que Danaos fait à ses filles après que l’hospitalité leur a été accordée par le roi d’Argos, Pélasgos, et par son peuple. Hospitalité signifie pour les Danaïdes principalement protection contre leurs cousins Égyptiens qui veulent les épouser contre leur gré. Danaos, précisément parce que, comme l’indique l’épigraphe du roman, Una ignota compagnia Solo col tempo viene giudicata. Ognuno ha la lingua svelta e ingenerosa Verso lo straniero.

3 Danaos donc, recommande à ses filles de mener une vie honnête car c’est la seule façon pour elles, étrangères, d’être acceptées dans la société. Dans les Suppliantes nous voyons donc se dessiner une situation où deux parties se rencontrent : une qui demande l’hospitalité, l’autre qui l’offre. La problématique de la rencontre entre deux cultures différentes apparaît avec clarté. Du côté du Roi Pélasgos, la décision de donner l’hospitalité aux Danaïdes se base en bonne partie sur la reconnaissance d’une origine

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 205

commune. Il s’agit en réalité d’une origine plutôt lointaine qui plonge dans les nébuleuses du mythe4 et qui pourrait signifier simplement une commune origine humaine. D’un côté comme de l’autre est nécessaire l’adoption de prudentes stratégies permettant de trouver un modus vivendi satisfaisant pour tous. Comme on le sait, Eschyle écrit ses tragédies dans une période où Athènes était encore éprouvée par la lutte contre les Perses, précisément dans la période où était en train de s’élaborer avec complexité une sorte d’identité grecque à travers une violente opposition, identité basée principalement sur la délimitation entre ce qui était grec et ce qui ne l’était pas. Avant Eschyle, le célèbre terme de bàrbaros n’avait pas de connotation négative5.

4 Il est donc extrêmement significatif qu’une importante tragédie comme les Suppliantes soit concentrée non sur l’opposition entre une ethnie grecque et une autre mais aille chercher précisément les éléments communs qui justifient, encore que ce soit de façon mythique, des rapports intensifiés entre peuples divers, un échange entre cultures. En réalité, dans la perspective non de Pélasgos au sein de la tragédie mais sûrement d’Eschyle et de son public à l’extérieur, à l’horizon de la rencontre entre Grèce et Égypte, il y a un enrichissement culturel fondamental. L’Égypte, en effet, était vue comme la terre de la culture par excellence, patrie d’antiques savoirs et de grandioses modèles sociaux et politiques. C’est probablement d’Égypte que sont arrivés en Grèce les premiers germes de l’art figuratif, aussi bien anthropomorphe qu’ornemental6.

5 Le fruit de cette rencontre pénible est donc la perspective d’une convenance réciproque, un enrichissement culturel qui seul peut être produit par un mélange d’autres éléments.

6 Certains ont lu Una ignota compagnia comme le roman de l’intégration manquée, et même de deux intégrations manquées7. En effet l’histoire qui met en scène deux protagonistes, deux jeunes immigrés à Milan, le Sarde Tore Melis et le Kenyan Warùi Kihika, semble s’achever par le renoncement de tous deux à poursuivre le rêve qui les avait conduits à Milan. Warùi quitte l’Italie pour retourner au Kenya, Tore envisage également de mettre un terme à l’expérience en Lombardie et pense retourner en Sardaigne. Le roman entier est constellé d’annotations et d’observations qui visent à mettre en évidence les difficultés, même extrêmes, que doivent rencontrer les deux héros principaux ainsi que les personnages secondaires, venus à Milan de lieux proches et éloignés. Il faut observer tout d’abord qu’Una ignota compagnia est le produit d’une réécriture d’un récit de 1983, Il mestiere di Tore dont il conserve intacte la structure fondamentale8. C’est l’écriture d’ascendance joycienne d’une unique journée qui correspond au libre flux de conscience du protagoniste qui revisite par la mémoire ses expériences récentes d’immigré. Ce qui différencie nettement le roman du récit est l’insertion, aux côtés de Tore, d’un protagoniste qui l’accompagne, Warùi, présent uniquement à travers les souvenirs que l’ami a de lui. Warùi constitue une sorte d’alter ego du narrateur. À travers l’introduction de ce personnage, Angioni souhaite rendre compte du changement d’époque qui a caractérisé la réalité italienne entre les années 70 et les années 90 du siècle dernier : la transformation définitive du pays de terre d’émigration interne et externe en terre d’immigration, encore une fois, interne et externe. Selon la légende, à un moment donné, des hordes d’émigrés provenant du tiers et quart monde se seraient déversées sur la Péninsule, prêtes à accomplir ces travaux que les Italiens paresseux, victimes d’une assistance trop généreuse, ne désiraient plus faire. Ces bataillons de pauvres immigrés constitueraient donc le nouveau prolétariat, connoté de façon ethnique et raciale avant de l’être socialement. À ce sens commun

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 206

retrouvé, relayé de façon zélée par la presse et les shows télévisés, Angioni oppose la description d’une réalité bien différente, bien plus complexe et fragmentée. Là est le sens du dédoublement du personnage, ce Tore qui dans Il mestiere di Tore était seul au centre de la narration, conduite à la première personne d’un point de vue strictement limité par les capacités interprétatives attribuables à un jeune provincial peu cultivé, racheté par sa tendance à la réflexion et sa profonde honnêteté. Bien qu’exploité et opprimé, provincial et marginalisé, Tore, dans le nouveau roman, joue le rôle du Blanc et de l’Italien. Faire du Kenyan Warùi son alter ego signifie implicitement mettre sur le même plan non seulement les deux races mais de façon plus générale, un membre de la communauté européenne et un individu extérieur à cette communauté. Cela signifie miner de l’intérieur ce paradigme interprétatif quelque peu hasardeux dont nous avons parlé. Par rapport à Tore, Warùi a, si l’on peut dire, le beau rôle. Non seulement il est supérieur physiquement, plus grand, plus beau, plus vif, de façon générale doté de plus de vitalité mais il est surtout plus agile mentalement, plus fin, plus cultivé. Il a tiré profit de ses années passées au Kenya dans un séminaire catholique et dans des écoles de modèle britannique. Warùi représente donc le type courant du jeune immigré qui inspire les plus fréquentes récriminations dans la presse la plus éclairée, qui se plaint de ce que les malheureux pays du tiers monde soient abandonnés précisément par ces jeunes, les meilleurs, les plus cultivés, qui seuls pourraient constituer un espoir pour l’avenir. Ces jeunes gens sont entraînés irrésistiblement vers le monde occidental précisément par cet esprit d’entreprise dont leur pays aurait tant besoin. Considérés de ce point de vue, ces jeunes aventuriers ne peuvent apparaître que comme des traîtres, des transfuges, que l’on devrait tenter de garder ou faire repartir au plus vite dans leur patrie. Cela est évidemment un discours facile à tenir pour les autres, un de ces discours selon lequel, pour le bien commun, le leur mais aussi celui de notre pays, ces jeunes devraient rester bien gentiment chez eux et supporter des conditions politiques et sociales, économiques, prohibitives. Peu importe si, au vu de la situation dans leur pays, déterminée tant par des facteurs internes qu’externes, la tenace volonté d’engagement et de progrès dont ces jeunes sont animés finit par devenir soif de martyr.

7 Rien de tout cela chez Angioni. Le choix de Warùi de tenter sa chance en Europe n’est jamais remis en question de ce point de vue, mais seulement et toujours par le biais d’une optique inhérente au personnage et consistant à savoir quelle pourrait être la meilleure voie pour lui, pour sa formation, pour son futur. Il ne s’agit pas d’évaluations simplistes, de choix faciles à sens unique, mais d’une constante remise en question. Beaucoup de réflexions sur la société et sur les individus qui dans le récit étaient faites par Tore sont à présent attribuées au vif Warùi, de même que d’autres réflexions sur la nouvelle réalité sociale et politique ainsi que sur l’arrière-plan africain, qui bien évidemment, ne pouvaient être de Tore. De même, le regard critique et conscient que le Noir est en mesure de jeter sur la société qui l’entoure ne pouvait être de Tore : Warùi seul possède les outils intellectuels et le recul nécessaires, précisément parce qu’il vient d’ailleurs. La comparaison entre l’Europe du présent et l’Afrique du passé de Warùi est comme un bruit de fond permanent dans leurs conversations. Il s’agit d’une Afrique parfois présentée de façon caricaturale, fantastique, parfois de façon plus réaliste mais en tout cas, l’accent est presque toujours mis sur son caractère archaïque et atemporel. Ce n’est pas un hasard s’il en est presque toujours ainsi. Nombreux sont les récits de Warùi dans lesquels émerge, comme dans la réalité, le continent noir aussi bien dans la scansion du temps que dans la mise en place rapide de la globalisation. C’est dans cette

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 207

dimension que le rapprochement entre le Kenyan et le provincial sarde prend tout son sens. Ce dernier aussi provient d’une région qui jusqu’il y a fort peu de temps – par exemple un temps qui remonte à l’enfance de Tore – était plongée dans des conditions de vie d’un archaïsme absolu et baignait dans le conservatisme social et culturel. Mais en réalité, même la Sardaigne est et était plongée entièrement dans l’histoire qui, peut- être à un rythme plus lent qu’ailleurs, produisait quand même ses effets. Entre Tore et Warùi s’opère alors un échange de savoirs. Ils reconnaissent l’un dans l’autre le fruit d’une succession de générations qui ont transmis de père en fils, de grands-pères en petits-fils, le suc d’une expérience humaine et existentielle, inspirée de valeurs mises à l’épreuve ou carrément mises à mal par le tourbillon de la modernité.

8 Warùi est arrivé en Italie avec la ferme intention d’étudier, de travailler pour pouvoir faire ses études. En réalité, l’université demeure un rêve lointain, rendu inaccessible par la dure nécessité de la survie quotidienne. Il finit dans une pension miteuse où vit également Tore. Ainsi naît entre les deux parias une amitié extraordinaire, qui sera encore renforcée par une profession commune dès lors que Tore réussit à faire embaucher son ami à la Lucetta Confezioni, une petite usine de sous-vêtements féminins à bas prix, peuplée d’une armée de jeunes filles provenant de toutes les régions d’Italie et du monde et dirigée par la Signora, qui elle est une pure milanaise.

9 La Lucetta Confezioni est un microcosme en soi, gouverné par ses propres lois et marqué par des événements récurrents. En pratique c’est une excellente occasion pour les deux héros d’observer, comme in vitro, un spécimen de société, pour étudier les rapports de force, les dynamiques ouvertes et cachées qui sont à la base de la vie sociale à laquelle on est tant habitué qu’en général on la considère comme naturelle. La Signora, qui est l’expression directe du pouvoir au sein de la Lucetta Confezioni, est en réalité à son tour soumise aux ordres et aux abus de pouvoir de son mari, surnommé l’Avvoltoio. Il est lui-même sous la coupe d’un homme d’affaires plus important, il Falco. Warùi, dans ce contexte, n’est guère plus marginalisé ou exploité parce qu’il est noir que les autres personnages, Tore, blanc et Italien, ou les couturières blanches et noires, Italiennes du nord, du sud, du Mozambique ou de Roumanie. Ces dernières – et ce n’est pas un hasard – sont au nombre de cinquante, comme les Danaïdes, hébergées en terre étrangère. Si la patronne et l’Avvoltoio sont, dans une certaine mesure, eux aussi dans le groupe, condamnés à une vie faite de sacrifices par des mécanismes d’auto-exploitation, ils peuvent d’autre part être identifiés à travers la fonction hospitalière exercée dans la tragédie d’Eschyle par le Roi Pélasgos. La modalité de rencontre entre ceux qui accueillent et ceux qui sont accueillis est plusieurs fois répétée par l’Avvoltoio aussi bien que par la Signora, c’est celle du dur labeur. Quiconque travaille en suivant les rythmes imposés par les exigences de la productivité et par l’avidité des patrons, qu’il soit blanc ou noir, homme ou femme, jeune ou vieux, est accueilli dans la communauté, dans cette nouvelle communauté qui dans le brouillard milanais englobe et intègre transfuges, naufragés d’un monde partout à la dérive. On a fait allusion précédemment au fait que, en général, Una ignota compagnia avait été interprété comme le roman de l’intégration manquée, voire de l’intégration impossible. Il nous semble opportun à ce propos de nous arrêter un moment sur l’une des nombreuses variantes introduites par l’auteur au moment de la publication du roman, apparu précédemment chez Feltrinelli en 1992, dans la collection de l’Unione Sarda en 2004. Ici la conclusion de l’expérience italienne du Noir Warùi change sensiblement. Dans la première version Warùi, légèrement éméché après avoir fêté son anniversaire, arrive par hasard un soir dans la rue Leoncavallo où se trouve la Lucetta

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 208

Confezioni. Se sentant suivi par quelqu’un et craignant une agression, voyant la lumière encore allumée dans l’atelier, il y entre pour chercher refuge. Il trouve la Signora encore au travail malgré l’heure tardive qui l’accueille cordialement et, après avoir appris que c’était son anniversaire, lui offre un verre. Sur ce, arrive le mari de la Signora, l’Avvoltoio, complètement saoul, qui s’adonne à une scène de jalousie et rapidement passe des insultes aux coups avec sa femme. Warùi s’interpose pour la défendre et suscite la réaction rageuse du robuste et violent Avvoltoio qui se lance sur lui dans la ferme intention de lui donner une leçon mémorable. Le Noir dans un premier temps se défend en empoignant la coupeuse et en blessant son adversaire qui tombe à terre et semble mort. Prenant la fuite dans la confusion et le désespoir, convaincu d’avoir commis un homicide, il demande de l’aide à Eligio, l’oncle de Tore qui travaille dans les environs. Eligio se rend à l’atelier pour voir ce qui s’est réellement passé, constate que rien de très grave n’est arrivé et ramène Warùi à la pension de Brugherio. Mais pour Warùi l’épisode est l’occasion d’un long bilan de son expérience italienne et des perspectives réelles que cette dernière est en mesure de lui offrir, et il conclut que les projets pour lesquels il avait choisi de quitter le Kenya ne peuvent être réalisés en continuant dans cette voie ; aussi décide-t-il de rentrer dans son pays au bout de quelques jours. Dans la seconde version au contraire, on ne sait pas qu’il n’y a pas eu homicide, et Warùi, au cœur de la nuit, aidé d’Eligio et de Tore, se procure de l’argent et des papiers et prend le premier avion pour fuir. Dans cette seconde version, Angioni spécifie la raison pour laquelle Warùi quitte l’Italie : ce n’est pas la déception pour une intégration manquée mais tout simplement une suite de contingences et surtout un malentendu. Dans les deux versions, Tore apprend par hasard par une connaissance commune qu’au Kenya Warùi a repris ses études universitaires et qu’il projette son retour à Milan. Il est évident que du point de vue de Warùi, l’expérience italienne n’a pas été un total échec et c’est même quelque chose qu’il envisage de poursuivre.

10 Un fin critique, Mario Barenghi9, a observé que la langue du roman présente une sorte de plurilinguisme intégrant. De nombreux termes empruntés aux plus divers dialectes italiens et aux diverses langues africaines émaillent un tissu linguistique éloigné du modèle de Gadda, qui évite les contrastes grinçants et cherche plutôt à offrir une perspective de compréhension mutuelle, réciproque. Barenghi considère que ce choix linguistique pacifiant est en contradiction avec le contenu de l’histoire narrée qui n’est autre qu’une somme de dramatiques échecs. Il juge l’italien utilisé par Angioni une langue courante en raison de la clarté, de la perspicacité, de l’absence d’aspérités et du recours à un registre moyen bas mais non pas argotique ou vulgaire. À ce propos, il convient à nouveau de faire une petite pause, pour comparer la prose du récit Il mestiere di Tore de 1983 avec celle du roman. Prenons cet extrait à titre d’exemple (mais les exemples pourraient être bien plus nombreux) : Ma del Carlino non ricordo solo i suoi teatri. Ricordo anche che una volta che mi sono ammalato mi ha ceduto il suo letto in cucina, mi faceva compagnia, mi comprava le medicine. E parlava e parlava come se parlasse da solo, gesticolando e scotendo la testa, come un mulino a vento. Per anni in seguito l’accento veneto mi ricordava quei giorni di febbre passati col Carlino tra gli odori di cucina e le zaffate del suo fiato di birra. (Sardonica, 77) Ma del Carlino non ricordo solo quel teatro, che ogni notte rompeva il primo sonno e mi teneva con due occhi spalancati dentro il buio della stanza. Ricordo bene la sua compagnia, nei giorni d’influenza, quando Warùi diceva che sembrava la malaria. Lui, Carlino, mi ha ceduto il suo letto di cucina, mi dava l’aspirina e lo sciroppo e mi

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 209

parlava, mamma quanto parlava : con la bocca sembrava divorare i pomeriggi, maltrattava l’aria con le braccia, si grattava la crapa spelacchiata con due ciocche in fondo al collo, come barbe di cocco : “Capelli, perduti”, c’era scritto sulla sua carta d’identità, e gli piaceva farcela vedere. (Ignota, 1992, 15)

11 La comparaison montre le passage d’une écriture scrupuleusement surveillée, comme l’est celle de Sardonica, tenue fermement dans les limites de la prose, à la « prose poétique », qui est la caractéristique stylistique de l’Angioni le plus mûr10, dominée par la recherche d’un rythme et ponctuée de vers classiques comme les hendécasyllabes et les septénaires. (On remarquera par exemple les deux hendécasyllabes avec rime interne et le septénaire du premier hémistiche : « Mi ha ceduto il suo letto di cucina // mi dava l’aspirina e lo sciroppo ».)

12 Il est donc évident que la prose d’Angioni, dans cette œuvre comme dans bien d’autres à partir de L’Oro di Fraus, est certes caractérisée par un phrasé clair et facile, par la volonté d’atteindre une communication immédiate étrangère à toute obscurité du langage et aux circonlocutions complexes, mais surtout par une musicalité constante qui en fait une sorte de poésie en prose.

13 Cette langue unifiante, ponctuée de termes exotiques et dialectaux, dont la présence ne porte jamais préjudice à la compréhension de la page, au point que le glossaire en fin de volume est quasi superflu (et en effet, dans la version de 2004 il disparaît) est en parfaite symbiose avec la vision d’une intégration possible qui éclaire les pages du roman.

14 La journée pleine de souvenirs et de réflexions narrée dans Una ignota compagnia s’achève, comme déjà le récit Il mestiere di Tore, par une sorte d’épiphanie qui révèle au protagoniste la réalité du travail aliéné et aliénant. En passant par hasard devant un magasin dans l’une des rues principales de Milan, Tore voit exposées dans une vitrine certaines pièces produites par la Lucetta confezioni et il reconnaît des combinaisons et des sacs de plage qu’il a contribué à réaliser avec les autres employés. Il voit aussi une jeune femme qui mesure sur elle puis achète l’une de ces combinaisons et pour la première fois il prend conscience du fait que le fruit de son labeur, une fois sorti de l’engrenage productif, a une existence autonome, a son utilité réelle. Mais cette utilité, pour ainsi dire sociale, de son travail est entièrement étrangère aux gestes pénibles et répétitifs qui martèlent sa vie quotidienne, une vie sans lumière et sans issue. Dans le roman, à la différence du récit, cette révélation est le fruit d’une longue alliance avec le critique Warùi. Les promenades et les conversations avec le Noir expert des fourrés et des cabanes, dont les animaux totems sont le lion et l’éléphant (comme on peut aisément le deviner d’après les proverbes qu’il emploie), sont les éléments qui ont permis au jeune provincial européen de mûrir une conscience critique qui seule pourra lui permettre de trouver un salut personnel, d’acquérir une personnalité politique.

BIBLIOGRAPHIE

ALBINATI E., Il polacco lavatore di vetri, Milan, Mondadori, 1998.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 210

ANGIONI G., A fuoco dentro. A fogu aintru, Cagliari, Edes, 1978.

—, Sardonica, Cagliari, Edes, 1983.

—, L’oro di Fraus, Rome, Editori Riuniti, 1988.

—, Il sale sulla ferita, Venezia, Marsilio, 1990.

—, Una ignota compagnia, Milan, Feltrinelli, 1992.

—, Lune di stagno, Cagliari, Demos, 1993.

—, Se ti è cara la vita, Nuoro, Insula, 1995.

—, Il gioco del mondo, Nuoro, Il Maestrale, 1999.

—, La casa della palma, Cava de’Tirreni, Salerne, Avagliano, 2002.

—, Millant’anni, Nuoro, Il Maestrale, 2002.

—, Il mare intorno, Palerme, Sellerio, 2003.

—, Assandira, Palerme, Sellerio, 2004.

—, Una ignota compagnia [seconda versione], Cagliari, L’Unione Sarda, 2004.

—, Alba di giorni bui, Nuoro, Il Maestrale, 2005.

BARENGHI M., « Stranieri a Milano », Linea d’ombra, X, no 72, juillet-août 1992, p. 28.

BOUCHANE M., Chiamatemi Alì, Rome, Leonardo, 1991.

CACCIATORI R., « Il libro in nero. Storie di immigrati », in Tirature 91, éd. V. Spinazzola, Milano, 1991, p. 163-173.

CESERANI R., Lo straniero, Rome-Bari, Laterza, 1998.

DEL MONTE P. (Regia), La ballata dei lavavetri, P.F.A. Films. Italia, Mikado-Cecchi Gori Home Video, 1998. Sceneggiatura, Bazzini L. ; Musica, Lucantoni D. ; Interpreti, Agata Buzek, Andrzey Grabowski, Romuald Andrzey Klos, Olek Mincer, Eljana Nikolova Popova, Kim Rossi Stuart, Grazyna Wolszak.

FORTUNATO M. e METHNANI S., Immigrato, Rome, Theoria, 1990.

GNISCI A., Creoli meticci migranti clandestini e ribelli, Rome, Meltemi, 1998.

—, Poetiche dei mondi, Rome, Meltemi, 1999.

—, Una storia diversa, Rome, Meltemi, 2001.

—, Biblioteca interculturale, via della decolonizzazione europea, Rome, Odradek, 2004.

KHOUMA P., Io venditore di elefanti. Una vita per forza fra Dakar, Parigi e Milano, Milan, Garzanti, 1990.

LAVINIO C., Narrare un’isola. Lingua e stile di scrittori sardi, Rome, Bulzoni, 1991.

—, « Sedici gennaio, un martedì », L’Unione Sarda, 16 avril 1992, p. 11.

LODOLI M., I fannulloni, Turin, Einaudi, 1990.

MARCI G., Narrativa sarda del Novecento. Immagini e sentimento dell’identità, Cagliari, Cuec, 1991.

—, « Dai margini arrivano voci sconosciute », La Nuova Sardegna, 30 avril 1992, p. 51.

MELE R., « La foresta di Piazza del Duomo », Il Giornale d’Italia, 10 mai 1992.

MOUSSA BA S., MICHELETTI A., La memoria di A., Turin, Edizioni Gruppo Abele, 1995.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 211

NELLI A., Marco Lodoli, Fiesole, Firenze, Cadmo, 2000.

RIEGL A., Problemi di stile. Fondamenti di una storia dell’arte ornamentale, Mario Pacor, Milan, Feltrinelli, 1963.

VENTAVOLI B., Pornokiller, Rome, Edizioni e/o, 1995.

—, Amaro colf, Rome, Edizioni e/o, 1997.

VERONESI S., Gli sfiorati, Milan, Mondadori, 1990.

NOTES

1. Nous donnons à la fin de cet article la liste des principales œuvres narratives d’Angioni auxquelles nous ferons référence dans le corps du texte en indiquant uniquement les pages lorsque cela sera nécessaire. Pour les références complètes des ouvrages auxquels nous renverrons, voir bibliographie en fin d’article. 2. À propos de I Fannulloni voir A. Nelli, Marco Lodoli, p. 100-102. Une bonne adaptation cinématographique a été tirée du roman d’Albinati en 1998 : Peter Del Monte (Réalisateur), La ballata dei lavavetri. 3. Se reporter aux commentaires perspicaces de R. Cacciatori, Il libro in nero. Storie di immigrati, p. 163-173. Pour un cadre historique et politique de ce genre de littérature lire les essais de A. Gnisci, Creoli meticci migranti clandestini e ribelli (Rome, Meltemi, 1998) ; Id., Poetiche dei mondi ; Id., Una storia diversa ; Id., Biblioteca interculturale: via della decolonizzazione europea. Il y a sûrement d’autres romans et récits avec des personnages d’immigrés mais ils n’ont qu’un rôle marginal. Il suffira de penser au couple très catholique des Philippins (Dani et Mila Eleccion) assistant la famille dans le roman Gli sfiorati de Sandro Veronesi et qui ont pour véritable fonction de mettre en relief les vrais protagonistes de l’histoire, Mete et Belinda, leurs jeunes et riches maîtres italiens, unis par des liens de sang qui finissent par avoir un rapport incestueux. Ou bien aux bonnes sud-américaines (Azzurra) et aux actrices porno hongroises (Margit) des hard boilers de Bruno Ventavoli, Pornokiller ; Id., Amaro colf, dont le véritable protagoniste est le détective privé, une sorte de Philip Marlowe turinois avec la passion du jeu de hasard. 4. La prêtresse grecque Io avait enflammé le cœur de Zeus, et cela avait conduit Héra, l’épouse jalouse de Zeus à la transformer en génisse. Poursuivie par les piqûres d’un taon, la pauvre Io avait été contrainte d’errer à travers l’Europe, l’Asie et l’Afrique. En Égypte Zeus finalement l’effleure de son souffle divin et lui permet de retrouver sa forme humaine. De la rencontre avec Zeus naît Épaphos le chef de file des Rois d’Égypte. Leurs descendants sont les frères Danaos et Égyptos, ce dernier étant le père de cinquante fils avec lesquels les Danaïdes refusent obstinément de se marier. 5. Voir R. Ceserani, Lo straniero, p. 19 6. Voir A. Riegl, Problemi di stile. Fondamenti di una storia dell’arte ornamentale. 7. Voir par ex. R. Mele, La foresta di Piazza del Duomo. 8. C’est ce qu’on peut lire dans G. Angioni, Sardonica, p. 73-142. 9. M. Barenghi, Stranieri a Milano, p. 28 10. Voir les observations précises sur la langue d’Angioni dans C. Lavinio, Narrare un’isola. Lingua e stile di scrittori sardi, p. 151-171 ; Id., Sedici gennaio, un martedì ; G. Marci, Narrativa sarda del Novecento. Immagini e sentimento dell’identità, p. 309-319 ; Id., Dai margini arrivano voci sconosciute.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 212

AUTEUR

FRANCO MANAI Université d’Auckland

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 213

Sotto «un cielo straniero». Gli emigranti di laura pariani

Vera Horn

Tango di emigranti Quando vim da minha terra, se é que vim da minha terra (não estou morto por lá?), a correnteza do rio me sussurrou vagamente que eu havia de quedar lá donde me despedia. Os morros, empalidecidos no entrecerrar-se da tarde, pareciam me dizer que não se pode voltar, porque tudo é conseqüência de um certo nascer ali. [...] Que carregamos as coisas, moldura da nossa vida, rígida cerca de arame, na mais anônima célula, e um chão, um riso, uma voz ressoam incessantemente em nossas fundas paredes. Novas coisas, sucedendo-se, iludem a nossa fome de primitivo alimento. As descobertas são máscaras do mais obscuro real, essa ferida alastrada na pele de nossas almas. Quando vim da minha terra, não vim, perdi-me no espaço, na ilusão de ter saído. Ai de mim, nunca saí.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 214

Lá estou eu, enterrado por baixo de falas mansas, por baixo de negras sombras, por baixo de lavras de ouro, por baixo de gerações, por baixo, eu sei, de mim mesmo, este vivente enganado, enganoso. Carlos DRUMMOND DE ANDRADE, A Ilusão do migrante.

1 Per Salman Rushdie, l’emigrante è forse la figura centrale o qualificante del ventesimo secolo. Secondo l’autore, normalmente un emigrato patisce un triplice sconvolgimento: perde il suo luogo, s’immerge in un linguaggio alieno e si trova circondato da individui i cui codici di comportamento sono diversi dai propri o addirittura offensivi rispetto ai suoi. Ed è proprio ciò che li rende figure così importanti, perché le radici, la lingua e le norme sociali sono gli elementi più importanti nella definizione di un uomo. L’emigrato, negati tutti e tre, è obbligato a trovare nuovi modi di descriversi, nuovi modi di essere uomo. Spesso l’emigrato si vede costretto a scordare il vecchio modo di essere e impararne uno nuovo1. In ogni caso, la sua è una condizione di attraversamento, di traduzione; lui non appartiene alla nuova patria, ma non ha perso sostanzialmente la sua, alla quale sogna di poter ritornare come ad un luogo mitico. Come la parola, l’emigrato è sospeso, non ancora fissato in un significante più o meno stabile. Tale condizione lo porta inevitabilmente a cercare un senso di appartenenza e di recuperare quello che Augé chiama «luogo antropologico», e cioè, la costruzione concreta e simbolica dello spazio che l’individuo rivendica come proprio, che riassume il suo percorso culturale e che è allo stesso tempo identitario, relazionale e storico2.

2 L’opera di Laura Pariani è popolata spesso dalla figura dell’emigrante, soprattutto quell’italiano espulso dalla povertà contadina di fine Ottocento e inizio Novecento ed emigrato in Argentina, a volte come golondrinas, a volte in modo permanente, ed è questa la situazione che dà maggiormente adito alla rappresentazione dell’emigrante che stabilisce un vincolo con il nuovo luogo, e per conseguenza la costruzione di un locus identitario. Nel racconto «Di corno o d’oro», della raccolta omonima (1993) 3, l’argomento si presenta in nuce, una specie di inventario della problematica dell’emigrazione nell’opera della scrittrice a venire, a partire dal desiderio di emigrare per sfuggire alla povertà e dall’attrazione verso una «terra di delizie» che ha colonizzato l’immaginario delle campagne venete e lombarde in quegli anni: «Il Mìliu non si dà pace. Si è messo in mente di andare in Argentina; là si vive da cristiani: si mangia ogni giorno, non come in Italia, dove si crepa di stenti» (p. 35). In seguito, la delusione della ricchezza facile, sostituita dal lavoro duro, frustrante, mal stipendiato; la coscienza dell’essere sempre e comunque uno straniero, quella macchia che non svanisce; la solitudine, lo sradicamento: «Perché sei qui, Carlén? – sembra dirgli – non al tuo posto, così lontano dall’Italia, così perdutamente lontano da casa?… ma da quale casa, da quale casa, hombre?!» (p. 9); il senso della non appartenenza: «anche dopo tanti anni che è in America, lui resta sempre un gringo coi capelli biondi» (p. 12). Anche in «Lo spazio, il vento, la radio», de Il pettine (1995) 4, Pariani ricorda l’esperienza dei primi emigranti, contadini di un piccolo mondo proietatti negli ampi spazi dell’oceano e di una terra sterminata. È la sensazione che l’autrice prova quando ascolta un tango: «A volte la riprovo ascoltando un vecchio tango: è l’America, l’esser soli in una terra straniera, cambiamento, rischio di perdere la propria identità, desencuentros, sradicamento…» (p. 100). Nella «Ballata del sognatore», de La perfezione degli elastici (e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 215

del cinema) (1997)5, Teresio emigra dalla sua Valle del Ticino, «stancamente, dopo aver lasciato l’istituto e tentato varie strade» (p. 154), per concludere, alla fine della vita: «E insomma, cosa m’è rimasto alla fin della fiera? Né terra, né figli, ché nessuna donna mi ha mai amato» (p. 155). Teresio, come Carlén, e come i contadini lombardi de Il pettine rispecchiano il senso dell’emigrazione come esperienza deleteria che non solo non permette il ricomporre delle lacerazioni dello strappo, ma sottolinea il dolore, il fallimento e la diversità.

3 Ma è soprattutto in Quando Dio ballava il tango (2002) che la questione acquisisce una veste più matura, nel dare alle questioni terra, identità e norme sociali, voce e corpo tramite i racconti di sedici donne, appartenenti a sei famiglie diverse e vissute in tempi diversi, ma collegate tra di loro dal peso dell’emigrazione, in modo diretto o indiretto, in un andirivieni temporale non lineare ma con frequenti cambi di prospettiva, sempre al suon di un tango. Nelle due punte del romanzo, cioè, a capo del primo e dell’ultimo capitolo, ci sono Venturina Majna e Corazón Bellati, separate da intere generazioni, ma che «in qualche punto della distanza che le separa compongono una risposta»6. Tra i due personaggi, l’ansia di riscattare la memoria; Venturina vuol trasmettere a Corazón la trama che lei non conosce, Corazón, dopo esser vissuto molti anni in Italia, torna in Argentina, per cercare di ricomporre la memoria con la cinepresa e il registratore. In questo senso, la donna è l’interprete ideale, la rappresentante delle lacerazioni provocate dall’emigrazione.

4 Il primo elemento di perdita per l’emigrante, secondo Rushdie, è il luogo. Nell’opera di Pariani, la terra che accoglie l’emigrante è un eterno «cielo straniero», in contrasto con un impossibile nóstos: «Italiani che, come lei, vivevano di ricordi e di lunghi sogni per un viaggio di ritorno che tutti rimandavano a un futuro lontano a cui nessuno credeva, ma che comunque serviva a accettare un presente fatto di scontentezze» (p. 142). Il ricordo della terra madre si traduce in nostalgia: «in Merica era il dolore di non vedere mai un monte, neanche un puggèt di quelli piccoli, di non poter battere il piede contro una pietra, perché da ogni parte che ti giravi c’era solo palta e sabbia… Allora, appena per caso inciampavi in una pietra vera, ti sentivi dentro intera la memoria dei monti dove eri nato… Ecco cos’è la nustalgìa…» (p. 19). Per l’emigrante, il mito è un ritorno a sé, un ritorno al tempo anteriore all’emigrazione, perché anche se potesse tornare al suo luogo, non potrebbe tornare al tempo della partenza, tantomeno all’individuo che era al momento della partenza7. Poveri coloni che sfruttati nella loro stessa terra decidevano di riscattare la propria dignità: «sei un colono che conta un soldo bucato, senza proprietà, senza danè, senza reputazione» (p. 23), affidando ad una terra sconosciuta e distante la loro unica possibilità di salvezza, «Poveri contadini che non sapevano il destino di disgrazie che li aspettava quando, pieni di sogni, erano partiti per l’Italia; il manualetto dell’emigrante che avevan dato loro all’imbarco di Genova non contemplava una tale eventualità» (p. 290), senza sapere che migratio in latino è viaggio, spostamento, ma anche fatica, onere: «e puede ser che sua madre indovinasse che mai la Catte sarebbe stata felice, che avrebbe patito la nostalgia e si sarebbe pentita di aver detto sì alla richiesta in sposa del Luis, che in Argentina la aspettava la stessa povertà che in Italia. […] Che la Catte aveva fatto né più né meno quello che facevano gli altri partiti col sogno di affrancarsi nel cuore e poi rassegnati a fare i servi, finendo per mettere radici nel fango di questa città» (p. 78). Antonio Majna, padre di Venturina, emigrato prima da golondrina e in seguito per ricongiungersi con la donna india che aveva lasciato in Argentina, abbandonando in Italia moglie e figlie ebbe dall’esperienza emigratoria il senso tragico di una vita di fallimento e dolore: «Antonio Majna, suo

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 216

padre, aveva contratto un debito, era diventato schiavo, epperciò aveva il lobo dell’orecchio e il mignolo mezzo […]. Ché popoli pietosi hanno messo el infierno nell’aldilà, ma i padroni della fornace no, la pietà non la conoscevano» (p. 44). Antonio Majna si era riversato in Argentina come tanti altri italiani che hanno deciso di lasciare la propria terra alle spalle per cercar fortuna in un mondo nuovo: «Era nel 1898, e qui si faceva la fame» (p. 13), «dicevano che là in Mèrica c’era un futuro migliore…» (p. 17), per poi subire la delusione delle promesse e delle attese: «È la disperazione di affrontare un mondo di cui non si sa niente, neanche il paesaggio e la lingua; è il crollo dei sogni di una ricchezza facile; il tormento degli atti definitivi» (p. 77), e il peso di aver abbandonato la propria patria, di averla tradita: «Ma soprattutto si soffre nel profondo, sentendosi colpevoli di aver abbandonato la propria casa; aspettando la punizione. La nostra colpa è stata quella di aver tradito la casa dove eravamo nati, la nostra terra, pensa la Catte. Terra è una di quelle parole che contengono un mucchio di cose» (p. 77). L’emigrante, quindi, è colpevole dell’abbandono, del tradimento, aspetta la punizione. Antonio Majna, il capostipite, muore dopo aver contratto una malattia che lo ha divorato inesorabilmente fino alla morte in solitudine, sentendosi addosso una terribile colpa, convinto «che la sua malattia fosse un castigo che Dio gli aveva mandato per il fatto di aver lasciato l’Italia, abbandonando una moglie e delle bambine. […]. La vida son debiti che no se pagan, sono lunghe promesse che no se cumplen» (p. 45). Delusi e traditi, gli emigranti, dovendo fare i conti con una «doppia vita d’inferno: doppia terra con cui fare i conti – Argentina e Italia – e doppia lingua; il più delle volte anche doppia famiglia. Come se vivesse [ro] contemporaneamente in due mondi paralleli» (p. 22), trascinati in un tempo furioso: «laggiù, sopra il lago d’Orta, gli anni duravano di più, procedendo dritti un giorno dopo l’altro, non scorrevano in un vortice così veloce come adesso» (p. 169).

5 Non potendo superare la distanza della terra natia, all’emigrante resta il tentativo di recuperare qualcosa del suo «luogo antropologico». In questo senso, cerca di recuperare l’identità tramite la manutenzione di tradizioni del luogo di origine, per lo più culinarie: «Preparare pasta fresca, questo doveva fare: ai ragazzi piaceva così tanto, sarebbero stati contenti […]. Doveva dimostrare ai figli che tutto era come prima» (pp. 106-107), e musicali: «Canta questa melodia antica, leggermente ritmata, calando l’ultima sillaba di ogni verso, come facevano le vecchie di casa quando lei era piccolina» (p. 65), legando il passato mitico al presente che non offre possibilità di ritorno. Ma è soprattutto nel tentativo di far cristalizzare il tempo all’indietro, come per cercare nei suoi anfratti le radici perdute, che l’emigrante di Pariani cerca di tradurre un mondo nell’altro, come Corazón Bellati, sentendo nelle «note la vibrazione di vite che ci stanno nascoste, cifrate in un giro di accordi» (p. 300), raccogliendo le storie di famiglia, le storie dure e dolorose d’emigrazione per ricomporre la memoria delle vite tradite, lei che era stata eletta la depositaria della memoria, quella che avrebbe dovuto conservare la testimonianza di come vissero e soffrirono quelli che, quando nacquero, Dio si era girato da un’altra parte: «lei potesse ricordare e trasmettere la memoria di quei tempi lontani a qualcun’altra. Alla piccola Cora, per esempio. Storie di emigranti strappati alla terra e agli affetti, che misurano con le lacrime la distanza che li separa dalla patria: sicché “siamo italiani” ai miei occhi significava soltanto che mepà piangeva ogni volta che arrivava una lettera di somà» (p. 90). Storie di donne infelici e deluse che reclamano «un nome, una data, un misero aneddoto da raccontare» per non cadere nel «pericolo di scomparire nell’oblio»8. Memorie alla ricerca di un centro, di un cuore- Corazón: «niente è passato […] tutto è presente: […] tutto mi sta qui nel cuore» (p. 84). I

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 217

filmati di Corazón, le fotografie di Encarnada, i quadretti di Socorro, il culto dei morti di Catterina, l’orologio sempre fermo alla stessa ora di Encarnada raccontano il tempo fermo delle memorie in cerca di radici – terra, casa, cuore.

6 Anche la lingua e le norme sociali sono elementi di perdita per l’emigrante, secondo Rushdie. In Quando Dio ballava il tango, la mescolanza di italiano (con interferenze del dialetto lombardo, che sta a ricordare l’origine dei contadini emigrati) e di spagnolo compone un’orchestra polifonica nella quale la lingua è anche patria, perché «l’ultimo refugio per i perseguitati è la lingua materna» (p. 20), nella quale la lingua è anche memoria: «Ci sono momenti in cui il passato lontano costituisce un rifugio così saldo, così profondo, che il resto del mondo sembra scomparire e […] pare di esistere, di consistere, solo nel suono di quelle antiche parole» (p. 17). La lingua, per l’emigrante, funziona anche come meccanismo di esclusione. In Argentina, il cocoliche stava ad indicare la lingua imperfetta dell’emigrante che non era capace di esprimersi in spagnolo e impiegava un miscuglio tra italiano e spagnolo. Corazón Bellati, da figlia di emigrati, incarna il dilemma delle doppie radici e perciò impara a guardare il mondo dell’emigrazione con occhi diversi, per aver vissuto un doppio sradicamento e aver «sperimentato sulla propria pelle cosa si prova a vivere in una terra dove non si è nati, parlando un’altra lingua con un accento mai perfetto, quasi fosse un marchio di diversità» (p. 291). Un marchio di diversità, un cielo straniero, l’emigrante di Laura Pariani incarna magistralmente la condizione dello straniero, descritta da Ceserani: tanto più le comunità sono compatte e chiuse in sé, consapevoli di una propria identità, tanto più respingono gli stranieri confinandoli nella loro diversità e accentuandone i tratti differenzianti9. All’altro, allo straniero viene impressa un’identità in negativo, che finisce col consolidare il senso di diversità: «Per Gabriel è facile, la sua famiglia vive qui da più di un secolo; lui può calpestare questa terra sentendosi a casa. Per la mia gente è stato diverso: una disperazione, una fatica, un’esperienza di estraneità…» (p. 227); di non appartenenza: «in questo paese estraneo Mafalda si sentiva insicura, spogliata di un’identità che fin da piccola aveva creduto inalienabilmente sua» (p. 169); la ghettizzazione: «Quando ci arrivammo, c’erano quartieri apposta per noi italiani, ricorda la Catte, con conventillos cadenti tra mucchi di immondizia. Si viveva tutti amontonados: gnàgnera, battibecchi, sospetti» (p. 67-68); perfino la criminalizzazione: «Prima dell’alba era venuta la polizia. Il Pïdro si era lasciato portar via in manette, come un burattino era uscito dall’almacén. Sul marciapiede c’era una piccola folla che inveiva contro gli italiani» (pp. 104-105), che punta pericolosamente verso lo stereotipo, rafforzando l’immagine negativa dell’emigrante e i meccanismi di esclusione, impedendo la strada al pluralismo.

Lo scrittore migrante

La stessa nozione di patria, nel senso nobile e sentimentale del termine, è infatti legata alla relativa fugacità della nostra vita, che ci mette a disposizione troppo poco tempo perché possiamo affezionarci a un altro paese, ad altri paesi, ad altre lingue. , L’ignoranza.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 218

7 Il desecuentro, il dispatrio, la disperanza, la perdita dei tre elementi identitari identificati da Rushdie sono anche all’origine delle vicende migratorie dello scrittore polacco Witold Gombrowicz in Argentina, che Pariani narra nel romanzo La straduzione (2004)10. Nel romanzo, Gombrowicz, allora giovane scrittore polacco, sbarca in Argentina per un breve soggiorno, ma al momento del ritorno, decide di restarci. In Europa c’è la guerra e la sua Polonia è stata invasa da Hitler. Senza lavoro, senza soldi, senza meta, lo scrittore sceglie l’Argentina come il suo luogo provvisorio, come seconda patria. All’inizio Gombrowicz si trascina in un’esistenza da esule volontario, ma è costretto ai più svariati espedienti pur di avere il cibo e un posto per dormire. Non gli mancano solo le condizioni per vivere nei canoni della decenza, ma anche il senso del gruppo e dell’appartenenza: Gombrowicz vive infatti in un quasi totale isolamento, al margine, con poche frequentazioni e comunque appartato dai circoli letterari; la sua ristretta cerchia sociale documenta tutavia il suo interesse verso gli outsider, da Mattia, il ragazzo italiano abbandonato e solitario che sogna di diventare un pugile famoso ai compagni dei bar, «Tutti expatriados, estrangeros: detriti che le guerre o le dittature avevano depositato sulle rive del Río del la Plata» (p. 164), al «campionario umano di odori sulfuri di tabacco nero e piedi sudati» (p. 112) delle sale da ballo popolari o ai ragazzi, i «puti», conosciuti per strada. Così anche la sua scrittura, tracciata ai margini, filtrata dalla memoria, nata dalla lingua-rifugio nello spazio in cui la lingua dell’altro è la lingua del rifiuto. Il suo riavvicinarsi graduale alla letteratura, provoca tuttavia subito innumerevoli delusioni, dall’articolo firmato da un altro ai libri e articoli respinti o anche l’esclusione dai «salotti-tutta-cultura» frequentati dagli intellettuali di fama. Alla fine, una donna influente ottiene dall’Editorial Argos la possibilità di tradurre in spagnolo il suo Ferdydurke, scritto e pubblicato in Polonia. Comincia così «il sogno di una pazza straduzione», verso la fine del romanzo.

8 La condizione di Gombrowicz è quella di uno scrittore autoesiliato, ma a differenza di molti altri scrittori vissuti in questa condizione, lui non sceglie lo spagnolo come nuova lingua letteraria, ma la sua produzione rimane in polacco: «lo scrittore emigrato porta dentro di sé la propria frontiera»11, come afferma Ciccarelli. Nel momento della traduzione del Ferdyduke, si presenta una doppia difficoltà: né lo scrittore ha la padronanza linguistica dello spagnolo per realizzare la traduzione, né il polacco è lingua conosciuta nell’Argentina di allora. Gombrowicz, quindi, decide di affidare la traduzione ad un gruppo di amici avente per guida lo scrittore cubano Virgilio Piñera: lo scrittore racconterebbe a Piñera e agli altri collaboratori tra scrittori e compagni di bar il testo e questi cercherebbero di tradurlo in un discreto spagnolo, passando magari per il francese, nel caso lo spagnolo imperfetto di Gombrowicz non riuscisse a farsi capire: «sarà un’esperienza mai tentata in nessun’altra parte del mondo: tradurre da una lingua che nessuno dei traduttori né conosce né parla. […] Pensate: cubano, francese, polacco e argentino, una mescolanza esplosiva» (p. 168).

9 Prima ancora della traduzione, per Gombrowicz si presenta la condizione dell’esule, dell’emigrato, seppur volontario, ma non privo di ferite: «È questo il caso di uno scrittore in cui nessuno crede che un certo giorno, stanco di se stesso, ha deciso di seguire la propria vocazione di perdente assumendo il ruolo dell’esule a cui è espressamente proibito avere aspettative» (p. 157). La condizione di scrittore emigrante non prevede nessun riconoscimento: «Scrittore polacco, ha detto? Qui in Argentina è come essere italiano: qualcosa che non ha nessun prestigio e puzza di miseria immigratoria» (p. 51). Uno scrittore espatriato, spiega Ciccarelli, che scelga di vivere in

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 219

una lingua non sua, trascina con sé un universo culturale che non può facilmente dispiegarsi all’interno della tradizione letteraria che lo ospita12. Gombrowicz si sente imperfetto, incapace di imporsi al pubblico, diviso tra le cambiali e i rifiuti di pubblicazione: «nessuno mi prende sul serio» (p. 54). Per lo scrittore, la pubblicazione in spagnolo del Ferdyduke significava la possibilità di essere finalmente compreso e accettato come scrittore, come si apprende, tra l’altro, dalle battute sul «romanzo argentino-romanzo polacco» e dall’aspettativa creatasi intorno all’imminente pubblicazione: «pensò alle persone che avrebbero letto le sue pagine e se ne sarebbero meravigliate, vide il volume sopra una bancarella, con le pagine lacere, impronte di dita […] ; un uomo con un grosso soprabito che si metteva il libro in tasca prima di fare un viaggio, un altro che gli scriveva una lettera» (p. 196). Lo scrittore desidera attraversare il confine, in questo caso, come un traduttore, migrante metaforico da lingua a lingua, che facilita il passaggio del confine linguistico alle parole, favorendone la metamorfosi in un altro idioma13. Si tratta, per Gombrowicz, di ricostruire il presente, rinominandolo, a partire dalla traduzione argentina, di ricostruire una nuova definizione di sé, avendo perso il luogo di origine, di ricostruire la propria identità. Ciononostante, Gombrowicz scopre il fallimento specchiato nello sguardo dell’altro: «col batticuore scrutava il viso dell’uomo, attento al voltare delle pagine, tremò al vedere come il “suo lettore” sbuffando richiudeva il libro e lo buttava nella sua valigetta» (p. 197). L’insuccesso della traduzione lo colloca nuovamente di fronte alla condizione di esule, sradicato, inserito in una lingua aliena e in un codice sociale che lo rifiuta come l’altro, lo straniero: «da anni viveva appartato, solo; da desterrado, da straniero» (p. 130). La traduzione fallisce come strategia di inserimento nella cultura argentina, come possibilità di affrontare quelli, «uomini e donne come cigni che, appena fiutavano nell’altro il diverso, l’anatrino, gli si gettavano contro, beccandolo a morte» (p. 124).

10 Gombrowicz cercava nella traduzione del Ferdy anche la sua traduzione nel mondo argentino. La traduzione, spiega Albertazzi, non più solo passaggio da lingua a lingua e da cultura a cultura, diviene anche trasformazione, metamorfosi, attraversamento di frontiere non solo geografiche. Lo scrittore migrante, uomo tradotto per eccellenza, vive più di ogni altro la sua esperienza come traduzione, passaggio fisico e letterario tra due realtà14. Quella di Gombrowicz è fondalmentalmente una doppia traduzione mancata: «solo e fracasado in mezzo a un’enorme città straniera» (p. 158), Witold non ritrova le radici perdute: «Che bello se avesse sentito rinascere dentro di sé la parolina ‘patria’ e se fosse riuscito semplicemente a salire su una nave. Perché non se ne andava?»15; e resta tra l’ansia di attraversare il confine: «se scegliere l’Argentina nel’39 forse è stata una fuga, adesso so che ogni evasione è finita, il Sudamerica è diventato la mia “realtà”» (p. 160) e l’impossibilità del nóstos: «l’Europa per me è un nome che non designa più nessuno, triste parola che, se qualche volta si insinua ancora nella mia mente, è solo per insegnarmi che l’unica verità è la separazione. La Polonia era ormai tanto lontana quanto i suoi sogni di ragazzo» (p. 160).

11 Gombrowicz riassume l’esperienza della diaspora nel binomio solitudine-fallimento: «Buenos Aires l’ha finita con me, basta cambiali e insonnia, basta affacciarmi alla vetrina di un Café di avenida Corrientes per cercare qualcuno, basta rifiuti di pubblicazione» (p. 159). Tra gli emigranti di Quando Dio ballava il tango e Gombrowicz, lo stesso senso di un mondo senza consolazione: «semplicemente al mondo per quelli come lui non c’era consuelo» (p. 116), dominato dal senso di fallimento, che rimane l’unica verità ineluttabile. Gli emigranti di Quando Dio ballava il tango cercano il loro

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 220

luogo antropologico, tra l’altro, nel mito della memoria e della storia, mentre Gombrowicz lo cerca nella scrittura. Nella scrittura, sostiene Ciccarelli, lo scrittore emigrato può recuperare la propria identità perduta, dispersa in un passato fragile e remoto16: «Io non chiedo a nessuno di restare con me. Né prometto pomi d’oro a chi mi leggerà. Il mio compito è sedere al tavolo in questa stanza a pensione e battere sui tasti della mia macchina da scrivere, per mettere dentro la pagina quanta più eternità possibile» (pp. 201-202).

NOTE

1. Vedi S. Rushdie, Patrie immaginarie, trad. it. di C. di Carlo, Milano, Mondadori, 1991, pp. 301-304. 2. Augé, Marc, Nonluoghi. Inrtroduzione a una antropologia della surmodernità, trad. it. di D. Rolland, Milano, Eléuthera, 200, pp. 43-52. 3. L. Pariani, «Di corno o d’oro», in Di corno o d’oro, Palermo, Sellerio, 1993. 4. L. Pariani, «Lo spazio, il vento, la radio», in Il pettine, Palermo, Sellerio, 1995. 5. L. Pariani, «Ballata del sognatore», in La perfezione degli elastici (e del cinema), Milano, Rizzoli, 1997. 6. L. Pariani, Quando Dio ballava il tango, Milano, Rizzoli, 2002, p. 28. D’ora in poi si registrerà soltanto il riferimento alla pagina. 7. Vedi A. Sayad, A imigração (ou os paradoxos da alteridade), trad. it. di C. Murachco, São Paulo, Edusp, 1998. p. 17. 8. L. Pariani, Quando Dio ballava il tango, op. cit., p. 83. 9. R. Ceserani, Lo straniero, Bari, Laterza, 1998, p. 7. 10. L. Pariani, La straduzione, Milano, Rizzoli, 2004. I riferimenti ai nr. di pagina saranno affiancati alle citazioni. 11. A. Ciccarelli, «Esilio, migrazione, frontiera, nell’opra di Magris e Pressburger», Intersezioni, n. 3, dicembre 2004, p. 424. 12. Ibid. 13. S. Albertazzi, Lo sguardo dell’altro. Le letterature postcoloniali, Roma, Carocci, 2000, pp. 141-146. 14. Ibid., p. 146. 15. Ibid., p. 158. 16. A. Ciccarelli, op. cit., p. 427.

AUTORE

VERA HORN Université de Pise

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 221

L’iperattività dei «fannulloni» di Marco Lodoli

Flavia Cartoni

1 Cosa hanno in comune i personaggi de I fannulloni di Marco Lodoli1? Queste figure che percorrono l’Italia da una città all’altra, e le strade di Roma in su e in giù, da cosa sono uniti? Qual è il filo che cuce le loro storie, quali i pezzi che formano il collage o le tessere multicolori che completano il mosaico?

2 Tre personaggi principali (e principalmente sfasati nel tempo, giacché uno sostituisce l’altro), assai diversi in quanto a origini, età, comportamento, educazione e formazione, diventano amici, o amanti, legati tra di loro da vincoli che si fanno forti e stretti nel breve percorso delle giornate trascorse insieme. Unione e amicizia che rappresentano un appoggio reciproco, la fedeltà, ma anche l’avventura, il divertimento, la trasgressione, l’allegria, le risate e la tristezza.

3 Nella nostra società del XX secolo, caratterizzata dalla multiculturalità, dall’immigrazione, dal precariato e dalla disoccupazione, si dà vita a personaggi protagonisti che sono il frutto di questa situazione anche, evidentemente, nella narrativa. E ne costituisce un buon esempio questo romanzo di Marco Lodoli.

4 Sono proprio loro: è l’anziano (Lorenzo Marchese) che si innamora della sgarbata giocatrice di pallacanestro. Lui, uomo solitario, venditore di pietre preziose in brutte città di provincia, che si trascina da una pensione all’altra, occupando stanze tristi e consumando pasti solitari. È la terza età della società ricca, tanto attesa da chi – come lui – aspetta il momento di smettere di lavorare: la pensione come meta, come punto di arrivo, il riposo dopo una lunga e dura fase di lavoro per anni e anni, ma grigia e piatta.

5 La ragazza, Caterina, giocatrice di pallacanestro dal corpo immenso, è appunto eccessivamente alta e grande da potersi muovere a proprio agio in questo mondo. Il suo non è solo un disagio nel rapporto con lo spazio, quanto una vera e propria difficoltà nella società in senso più ampio. Almeno finché non conosce l’anziano, che adatterà gli oggetti e lo spazio circostante alle sue necessità. Si conoscono e cominciano a frequentarsi, a condividere luoghi e tempo, niente di più diverso come tipi umani. Lei è maldestra nei movimenti; lui, invece, procede a piccoli passi – così si muove in questo

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 222

mondo, a passettini brevi ma precisi – ma intorno a lei, come un pianeta che ruota circolarmente consapevole dell’epicento della sua rotazione. È Caterina che darà senso alla sua vita, sarà lei a portare la luce e la gioventù in quest’anziano che sente di avere ancora molta forza e energia per andare avanti, per dare e ricevere. Un’unione che forse è necessità, è prendersi cura dell’altro, occuparsi di entrambi, stare vicini e rispondere alle richieste di aiuto.

6 Non sempre il bello è anche duraturo: l’immensa e sanissima Caterina perde improvvisamente la vita, lasciando il vuoto dietro di sé, soprattutto nel cuore del marito. E dopo la perdita i cambiamenti si introducono con carattere quasi improvviso. Gli incontri urbani, le grandi città, a parte la possibilità di mettere in contatto la gente, riescono anche a creare delle unioni che altro non sono che l’incontro, ma anche lo scontro, delle componenti opposte della nostra società. Se in un primo momento il vecchio riesce ad appoggiarsi – come se del solido pilastro di un ponte si trattasse – sulla ragazza, sarà invece molto più esotico ed eccentrico il suo secondo e duraturo appoggio d’ora innanzi.

7 Si introduce quindi la figura dell’emarginato (il nuovo appoggio umano, la spalla), che vive nei dintorni e nei contorni della nostra società; eppure tra di loro si creerà un’amicizia che si farà sempre più solida e intensa nel corso del tempo.

8 Un extracomunitario, un negro, un vu’ cumpra’. Il suo nome è Gabèn. Niente di più emarginato e nero, il venditore ambulante conosciuto nello squallido ambiente della stazione Termini di Roma. Questa conoscenza rappresenta un improvviso cambiamento nella vita di entrambi; non più due uomini soli, ma un’amicizia così stretta da farci pensare a un solo uomo composto di una doppia identità, quasi una società per azioni che unisce le debolezze e nel loro insieme riesce a creare la forza necessaria per affrontare l’esterno. Due età differenti, due corpi che sono agli opposti, diversi il colore della pelle, la cultura, le origini.

9 È proprio questa l’anima della recentemente creata società per azioni, per darle un nome attuale. Là dove le «azioni» sono il riflesso della nostra stessa società, pluriculturale, plurilinguistica e sfaccettata nelle sue numerose componenti. Ma anche «azioni» in quanto agiscono, fanno, si muovono e combinano diverse cose. Sono attivi, anzi direi quasi che sono iperattivi, la loro amicizia li porta a essere e a stare nel mondo in quanto persone che agiscono, senza sosta.

10 Se da una parte la relazione con Caterina era un rapporto caratterizzato dallo «stare», quello con il giovane e vigoroso extracomunitario viene rappresentato invece dal «fare». Di qui, appunto, quello che denomino la loro iperattività.

L’Italia degli anni novanta

11 Cosa succedeva nel corso degli anni novanta, in Italia, dopo l’esplosione e il rientro delle forze comuniste e studentesche, dopo il clou politico rappresentato dal PSI con il suo leader Bettino Craxi ormai fuori dal nostro paese? Cosa si stava insediando tra la popolazione, se non un approfondimento delle crisi già iniziate nei due decenni precedenti? Crisi che ebbero inizio dopo l’uccisione di Aldo Moro e il soffocamento della prospettiva di un’apertura nei confronti del PCI (che nella seconda metà degli anni ’70 costituiva la seconda forza politica); e dopo la generosa accoglienza di molti rifugiati politici del sudamerica (cileni e argentini soprattutto), sia dopo il golpe in Cile

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 223

dell’11 settembre 1973, sia dopo l’ascesa del generale Videla al potere nel 1976 nel secondo paese citato; generosa comunque solo dal punto di vista dell’apertura delle frontiere, e non piuttosto in quanto alla sistemazione economica e lavorativa di questo disagiato gruppo di persone. L’economia italiana visse una ripresa nel corso della fine degli anni ’80, inizio degli anni ’90, portando il nostro paese ad occupare il quinto posto come potenza mondiale. Tanto potere politico, sociale ed economico, certamente non ben calcolato (o per lo meno calcolato funzionalmente in quanto alla produttività a livello mondiale piuttosto che in quanto alla distribuzione del reddito a livello nazionale) causò un effetto calamita verso altre popolazioni non favorite dalla economia e soprattutto caratterizzate dall’estrema povertà. L’Italia, uno dei paesi promotori della creazione della comunità economica europea, poi UE, fu scelta come una delle principali destinazioni della popolazione africana (magrebina, nigeriana, dopo l’entrata delle donne di Capo Verde e della Guinea, oramai parte del personale domestico da molti anni) che venivano dunque ad aggiungersi al flusso migratorio precedente (anni ’70). Un numero incalcolabile di persone che si dedicavano (e ancora oggi) alla vendita ambulante, organizzata da efficienti mafie operative a livello nazionale, ma internazionalmente organizzate.

12 Secondo l’affermazione di Paul Ginsborg: […] è essenziale comprendere che il rapporto tra paesi poveri e paesi ricchi non è casuale ma strutturale. Dipende dalle posizioni rispettivamente occupate nella divisione mondiale del lavoro e del commercio. Nel corso delle trasformazioni degli ultimi trent’anni sono stati i paesi sviluppati del Nord, e gli Usa soprattutto, a dettare le proprie regole sia a livello macro-economico che a livello locale. In particolare, la politica verso i paesi in via di sviluppo è mutata […]. Il Sud globale è stato esortato ad aprire le proprie economie alla concorrenza del mercato globale, a incoraggiare il libero flusso di capitali, a ridurre i settori statali, spesso corrotti e inefficienti. I mercati dovevano regnare sovrani. […] L’America Latina e l’Africa subsahariana hanno patito pesantemente le conseguenze sia di questo mutato approccio che della politica macroeconomica complessiva degli Stati Uniti2.

13 Conseguenza di tutto ciò è in parte il flusso migratorio che riflette l’inquietudine e l’incertezza del presente di molta della popolazione del sud, e che sceglie (scelta coatta) di trasferirsi nei paesi ricchi dell’emisfero nord. La tragedia di una popolazione che si ritrova poi di nuovo con ulteriori difficoltà di vita nei paesi sviluppati.

14 È l’immagine di Gabèn, il principale protagonista e ideatore delle attività narrate nel romanzo e personaggio che rappresenta le mille storie dei subsahariani e degli emarginati dalle origini pressoché sconosciute, trascinandoli quasi dietro di sé come se di una scia in alto mare si trattasse.

Marco Lodoli precursore letterario

15 Dopo aver ricevuto dalla casa editrice Einaudi la richiesta di scrivere qualcosa sul denaro, Marco Lodoli pubblica nel 1990 I fannulloni, romanzo che in realtà non si basa tanto sull’aspetto del denaro nella nostra società, quanto sul raggiungimento dei desideri nascosti e sul modo di realizzarli. Per portare a termine lo scopo, si passa anche attraverso l’inganno, l’imbroglio, l’audacia, l’azzardo e il coraggio. Componenti che segnano il percorso comune tra Lorenzo Marchese e Gabèn, perché il forte e giovane extracomunitario agisce da propulsore d’energia (propone, osa, fa, dispone e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 224

fornisce idee), mentre l’anziano – dopo un primo gesto di sorpresa e di rifiuto – si lascia trascinare semplicemente affascinato da tanto vigore ed esuberanza3.

16 Tre sono le situazioni audaci che questo insolito duo di amici propone al resto della società, come sfida e affermazione di se stessi, che Gabèn manifesta chiedendo: – Io ho abbastanza vita davanti, non voglio vendere sempre gli occhiali sul marciapiede, non mi basta avere un po’da mangiare e un po’da dormire… – E cosa vuoi? – gli dico sperando di poterlo aiutare. – Non lo so… tu lo sai cosa vuoi? Allora mi metto a pensare, cercando di tenere il passo delle sue gambe scattanti, e mi accorgo che anch’io non saprei dire niente di preciso. Vorrei Caterina, ma è impossibile. Vorrei volare, ma perché? Vorrei essere giovane, ma poi tornerei di nuovo vecchio, vedrei di nuovo la pelle che s’allenta, i denti che cadono, ed è la cosa più triste. (p. 13)

17 Per superare questa impasse (il dubbio del desiderio) che, pur con caratteristiche diverse, costituisce un filo comune tra i due amici, Gabèn propone di: 1. lottare come pugile 2. cantare come esperto in musica jazz 3. fingersi Ambasciatore di un non meglio identificato paese dell’Africa.

18 Si tratta in realtà di tre finzioni, in quanto il giovane extracomunitario non è preparato ad affrontare nessuna di queste circostanze. Ma, come lui stesso sostiene, è un problema di noi occidentali, dal momento che «Qui ognuno utilizza il dieci per cento di quello che è, lo spreme, lo sfrutta, e si dimentica del resto, non va bene, mi dispiace ma non va bene. Bisogna essere più larghi, larghissimi» (p. 34). La finzione è peraltro la condizione minima per la creazione letteraria, e in questo Lodoli è riuscito ad introdurre la menzogna in quella finzione che è proprio la letteratura.

19 I tentativi di intraprendere queste nuove avventure saranno caratterizzati (nel caso delle prime due) da un entusiastico inizio, un violento e anche umiliante svolgimento dell’azione e un finale che quasi tocca la tragedia. Si comincia sul ring, dove arrivano gli insulti del pubblico in un miscuglio di razzismo e mancanza di rispetto contro la terza età («Negraccio!, Morto di fame!, Zulù, e grazie al cielo anche Vecchio di merda!, per me. Così almeno eravamo uniti, con tutto da spartire» (p. 27).

20 Sarà invece un tentativo del tutto riuscito nella sua realizzazione proprio l’ultimo, la menzogna dell’Ambasciatore dello strano stato africano. Perché i due alleati riescono a portare avanti fino al completo e affascinante inganno la popolazione che anima il locale notturno? Come possono far credere loro che il denaro che la mattina fabbricano in tipografia (quella tipografia che era diventato il lavoro di Lorenzo da pensionato) e pieno di zanne di elefanti e altri animali esotici possa corrispondere davvero a un paese mai citato? Per quale motivo i tiratardi (che sono poi I fannulloni) hanno tanta voglia di ascoltare e credere a delle storie del tutto inverosimili?

21 È la necessità della fantasia come ricorso per uscire dalle miserie quotidiane, dalla tristezza che sta dietro alla vita di ciascuno di loro. L’unica via d’uscita è l’atteggiamento credulo, è lasciarsi andare e permettere che altri trasportino i loro pensieri e i loro desideri. La finzione è così attraente, che non ci si può sottrarre. Perché non credere che i morti del lontano paese di Gabèn possano fare una visita in un pullman dell’Acotral e risvegliare le fantasie sopite di quanti per lungo tempo hanno aspettato questo momento di incontro? È questa la più bella festa, il momento algido dell’unione tra gente diversa e tra i due mondi (i vivi e i morti). Per arrivare a questa

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 225

fase, è stato necessario attraversare i due tentativi precedenti, il ring e lo scenario della musica jazz. Ma è solo la fantasia a permettere di raggiungere il mondo dei sogni, del desiderio condiviso dagli altrI fannulloni.

22 Nel 2003 è uscito il film di Ettore Scola Gente di Roma. In un ambiente simile alla città nella quale si muovono i personaggi di Lodoli, gli attori di questo film (anche loro inquieti, multiculturali, pluridialettali, autoctoni e immigranti) si esibiscono nel creare il puzzle che compone la città. Sono immagini piene di contrasti e di opposizioni, dove l’abbondanza scontra con la miseria, la cultura con l’assenza di formazione e il caos è certamente uno dei fili conduttori della narrazione. Anche qui l’accostamento tra giovani e vecchi, la presenza del razzismo, gli abitanti di sempre e quelli invece nuovi, che hanno portato un altro colore tra i volti delle persone, è da una parte ricchezza di situazioni, ma dall’altra apre la finestra sulla nuova realtà che il nostro paese, e Roma in tali contesti, sta vivendo.

23 La relazione di continuità e di approfondimendo attraverso il linguaggio filmico, che è altro rispetto alla narrazione letteraria, tra I fannulloni (1990) e Gente di Roma (2003), fornisce certamente un notevole contributo visivo a quanto lo scrittore ha voluto mettere nel suo romanzo; così come è da riconoscere a Lodoli l’intuizione illuminata della necessità di captare queste inquietudini, con tanto anticipo rispetto al grande fenomeno che si sta vivendo attualmente.

Il personaggio della terza età come protagonista letterario

24 L’ultima scena del film Gente di Roma di Ettore Scola stabilisce un incontro quasi lirico tra due anziani: uno scende dalla carrozza, vestito di tutto punto e l’altro, che si trovava sdraiato su una panchina di piazza Navona, un indigente o homeless, gli fa spazio e si mettono a chiacchierare. Una conversazione non trascendentale, in una inquadratura storica, tra due diversi rappresentanti della nostra società. Una società che sta invecchiando e sempre più andrà verso un’età avanzata; una generazione di anziani, come Lorenzo Marchese, il vecchio protagonista e fannullone di Lodoli. Un largo spazio è stato dato dalla letteratura, in questi ultimi anni, ai vecchi. Sia esperienze personali, sia romanzi o diari. A cominciare dal saggio di Norberto Bobbio, De senectute (1996), una vera riflessione intorno allo svolgimento dell’ultima fase della nostra vita, un saggio sulla cosiddetta terza età; per passare al libro che rappresenta una sintesi della storia del secolo scorso, di Vittorio Foa, Questo Novecento (1996). La storia di un secolo narrata attraverso l’esperienza della figura del politico che ha sempre ricevuto un grande riconoscimento a livello nazionale. Non storia degli avvenimenti sociali e politici attraverso il resoconto di altri, ma la propria storia che si è svolta nella cornice di un lungo periodo, interessante, conflittivo e pieno di cambiamenti di ogni tipo. E non ultimo: il romanzo di , L’estro quotidiano (2005), il tirare le somme di una vita dopo aver compiuto gli 80 anni. Cosa resta da vivere, dopo aver vissuto tanto? Tutto, tutto può ancora accadere, tutto o niente, come sempre. Come potrebbe succedere anche per gli altri, per le altre generazioni. Lo sguardo che La Capria rivolge al mondo circostante rimanda all’immensa stupidità umana, ai cambiamenti di ruoli nelle nuove generazioni. Anche Marco Lodoli, professore e giornalista, osserva dolente i cambiamenti che affliggono gli adolescenti, che anziché arricchirsi e riempire di valori le proprie vite, sono invece sempre più vuoti e persi.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 226

25 Un osservatorio (l’occhio degli scrittori anziani) che trova il suo riscontro nell’esperienza del professore, osservatore attento e vicino alle nuove generazioni, eppure così distante dalle reazioni che i giovani hanno di fronte all’omogeneità, all’identificazione con il gruppo, con l’ambiente circostante.

Dolore e sublimazione: la distrazione e il diversivo

26 La comicità alla quale ricorre Lodoli nelle sue descrizioni di situazioni e di incontri tra gente così diversa è costante in questo romanzo – così come permea anche le sue altre opere narrative. Ma il comico va di pari passo alla descrizione di situazioni di dolore e di sofferenza, di mancanza e di separazioni.

27 Sono numerosi gli esempi che ci possono servire a descriverle, cominciando da alcuni oggetti quotidiani: il frigorifero dei vecchi (che significa la loro solitudine, vuoto in basso, ma pieno di stallattiti di ghiaccio nella parte alta), eppure per loro ancora funzionale; il vestito di Caterina, così grande e fatto da sola, cucito per poter fare le ruote di contentezza.

28 Per finire con una delle ultime immagini suggestive del libro: A piedi siamo arrivati fino a un bar che dava proprio sulla spiaggia con una pensilina e tanti tavolini vuoti. Non so perché, ma il barista mi è parso molto simile all’uomo che al caramba preparava i cocktail. O invece somigliava al padrone del Camarillo? O a quello del baretto in cui Gabèn e io ci fermammo a bere dopo la boxe? o erano tutti un po’uguali, come i piloni di un ponte che porta nella foschia a una riva invisibile? – Sessanta cappuccini e sessanta cornetti, – ha ordinato Gabèn, e ha subito pagato con le sue fantasiose banconote. L’uomo non ha battuto ciglio. (p. 79)

29 Questa è l’esuberanza della fantasia di Marco Lodoli, che riesce ad accattivare anche il semplice barista della periferia romana, della spiaggia alla quale approdano dopo una notte folle, piena di speranza e di desiderio, di voglia di uscire dalla routine e rompere con la mancanza di sicurezze e certezze. Una notte nella quale si sentono potenti e forse anche cittadini con tutti i diritti rispettati. Non più emarginati, extracomunitari, anziani o gente che non c’è più. La fantasia è un miscuglio di desiderio e sogno, di evasione e via d’uscita. E questa è la proposta del romanzo di Marco Lodoli.

BIBLIOGRAFIA

ASOR ROSA A., (a c. di), Letteratura italiana del Novecento. Bilancio di un secolo, Torino, Einaudi, 2000.

AUBERT A., Il dolore, Roma, Borla, 1999 (La douleur, Paris, Presse universitaire de France, 1996).

BELPOLITI M., Settanta, Torino, Einaudi, 2001.

—, Crolli, Torino, Einaudi, 2005.

BOBBIO N., De senectute, Torino, Einaudi, 1996.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 227

FOA V., Questo Novecento, Torino, Einaudi, 1996.

GINSBORG P., L’Italia del tempo presente, Torino, Einaudi, 1998.

—, Il tempo di cambiare, Torino, Einaudi, 2004.

LA CAPRIA R., L’estro quotidiano, Milano, Mondadori, 2005.

LODOLI M., I fannulloni, Torino, Einaudi, 1990.

MONDELLO E. (a c. di), La narrativa italiana degli anni Novanta, Roma, Meltemi, 2004.

TODOROV T., El hombre desplazado, Madrid, Taurus, 1998 (L’homme dépaysé, Paris, Editions du Seuil, 1996).

NOTE

1. M. Lodoli, I fannulloni, Torino, Einaudi, 1990. Citeremo direttamente da questa edizione. 2. P. Ginsborg, Il tempo di cambiare, Torino, Einaudi, 2004, pp. 6-7. 3. Per Lorenzo Marchese la vita cambia profondamente dopo aver conosciuto l’amico alla Stazione Termini: «Adesso la mattina vado a passeggio con Gabèn, e mi piace perché lui è speciale, è uno diverso, com’era Caterina. Subito il mondo diventa un’avventura. Non saprei dire quanti anni ha Gabèn, gliel’ho domandato, ma nemmeno lui lo sa di preciso: più o meno trenta, credo, ma potrebbero essere molti di meno, quando ride, e molti di più, quando gli prende la malinconia» (p. 12).

AUTORE

FLAVIA CARTONI Université de Castille - La Mancha

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 228

Ventriloquie et best seller chez Margaret Mazzantini. La marginalité comme repoussoir

Martine Bovo-Romoeuf

1 Après le succès du best seller Non ti muovere1 en 2003 qui remporta le Prix Strega, Zorro, un eremita sul marciapiede publié en juin 2004 propose une approche de la différence sociale sous la forme d’un monologue théâtral mettant en scène un clochard. En 2003, avec son roman, Margaret Mazzantini avait séduit plus d’un million de lecteurs2 en leur offrant un poignant drame intime dont la trame reposait précisément sur l’impossibilité d’une relation amoureuse entre un médecin quinquagénaire et une jeune femme symbole d’un monde qui lui était totalement étranger : issue d’un milieu social défavorisé, vivant dans une grande précarité, d’apparence physique ingrate, en somme le contraire exact de l’épouse du médecin, véritable parangon de beauté évoluant dans un milieu sécurisé. Cet amour impossible entre les personnages d’Italia et de Timoteo défiait toute logique tout en appelant quelques interrogations : comment et pourquoi Margaret Mazzantini concentrait-elle son intrigue sur des personnages issus de deux mondes voués à ne jamais se rencontrer ? Il semblerait que cela ne soit point tant la rencontre que l’impact de cette rencontre en particulier sur le personnage masculin qui intéresse l’auteur. En effet, le roman relate dans un premier temps le choc de cette rencontre avec un personnage qui concentre tous les attributs de la différence, sociale et sentimentale, avant d’en illustrer tous les impacts émotionnels et de faire chavirer le roman dans le mélodrame. C’est précisément cette rencontre avec l’altérité qui s’avère intéressante car, au-delà d’une trame caractéristique de roman sentimental, il convient de remarquer un intérêt tout particulier de l’auteur pour un thème que nous allons retrouver formulé cette fois sous la forme d’un monologue théâtral : l’observation des changements d’humeur, des sensations affectives, des modifications de la perception du monde environnant, de la remise en cause identitaire dès lors que le personnage est mis en contact avec un être différent. Le personnage d’Italia, bien que ou plutôt parce que situé aux antipodes de celui de Timoteo, par sa simplicité, son « sentir vrai », faisait émerger chez le personnage masculin une partie de lui qui était demeurée enfouie,

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 229

avait été mise en sourdine par les règles et les habitudes d’une vie conformiste et bourgeoise. Le récit du choc de la rencontre avec la différence se focalisait exclusivement sur le personnage masculin : l’approche de la différence était certes productrice de sens, puisque Timoteo considérait cette expérience comme la plus sincère et la plus forte qu’il ait jamais connue, mais cette connaissance s’accompagnait irrémédiablement de la perte physique de l’être aimé, et ne pouvait s’accomplir que dans la douleur.

2 Le monologue théâtral qui voit le jour en 2004 reprend le même sujet mais en le déplaçant d’un plan affectif et sentimental sur un plan strictement social, du moins en apparence. Le personnage qui évolue sur scène se raconte lui-même, dans un soliloque tantôt désespéré, tantôt exalté, porté par une voix qui est l’expression d’un dédoublement entre un « je » racontant et un « je » raconté et nous dévoile comment, un matin, il a basculé dans la marginalité sociale.

3 Car là est le point d’ancrage de l’écriture de Margaret Mazzantini : mettre en scène un homme, quinquagénaire comme dans le best seller, qui, suite à une rencontre malheureuse, se laisse glisser progressivement dans la marginalité sociale et se laisse happer par celle-ci. Un bref rappel des faits est nécessaire avant de mesurer l’ampleur et la signification de cette mise à l’écart : le personnage – dont on ignore l’identité réelle – a un jour involontairement renversé un jeune garçon qui traversait la route sans regarder, et qui est mort à l’hôpital au bout de quelques jours. Après le décès, le personnage, qui prendra le nom de Zorro, ne verra plus le monde de la même façon, comme si cet accident l’avait dessillé : il commence à prendre conscience de l’inconsistance des rapports entre les membres de sa famille, à cerner et refuser la fragilité tout autant que la superficialité des êtres qui l’entourent, et se réfugie dans une exclusion sociale perçue comme seul et unique mode de survie logique dans un univers qui lui semble désormais reposer uniquement sur les apparences.

4 De nombreux points communs avec le best-seller peuvent être observés : une tranquille vie bourgeoise dans laquelle baignent les deux personnages masculins (le médecin dans Non ti muovere et l’employé de bureau dans le monologue), un événement extérieur qui met en péril cet ordre bourgeois (dans le best seller : la relation passionnelle entretenue par le personnage du médecin avec une femme aux antipodes de sa condition sociale, relation qu’il a soigneusement cachée pour protéger sa famille et sa carrière mais dont on prend connaissance parce qu’un événement terrible survient dans la vie du protagoniste. À l’occasion funeste d’un banal accident de scooter qui met en péril la vie de sa fille, le médecin livrera son secret dans un semblant de confession adressée à son enfant comme si la mise à nu devait racheter une mort probable. Dans le monologue le point de basculement est constitué par l’accident et le décès du jeune homme). Seul le finale change : dans le best seller, le protagoniste conserve son statut social alors qu’il est mort affectivement, dans le monologue le personnage profondément choqué par les conséquences de l’accident mortel dont il est l’auteur opte pour une mort sociale. Dans les deux cas, la tiédeur ouatée de la vie quotidienne est lacérée par la douleur qui, seule, semble pouvoir donner lieu à l’expression de vrais sentiments (cas du best seller) ou à une vraie vie (cas du monologue). Margaret Mazzantini propulse ses personnages dans le ravin pour leur faire toucher le fond et leur permettre d’accéder ainsi à une forme de sagesse existentielle.

5 L’auteur propose de nouveau à travers ce texte théâtral le thème du déraillement de la vie quotidienne mais cette fois va plus loin, en faisant franchir le pas de l’exclusion

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 230

sociale à son personnage. Elle nous raconte ou nous fait raconter l’avant, le point de basculement et l’après, en le hissant sur une scène insolite : le trottoir ! Cette tribune d’exception est présentée dans une préface signée de façon intime du prénom de l’auteur et ayant valeur de prologue comme un « observatoire privilégié du monde normal ». Le choix du monologue théâtral, avec une voix comprenant un « je » racontant et un « je » raconté parfois en conflit, entre dans cette double perspective consistant à montrer les différentes étapes de ce lent glissement du personnage vers la déchéance et à offrir à travers le soliloque un regard d’entre-deux, c’est-à-dire le regard d’un personnage situé à mi-chemin de la société civile qu’il a quittée il y a peu de temps – et qu’il connaît donc encore bien – et de la rue, monde qu’il a choisi, auquel il s’habitue progressivement. À en croire les propos de l’auteur situés en préface, Zorro bénéficierait d’une place privilégiée pour nous renseigner de façon critique à la fois sur notre monde régulier, normal, mais aussi sur son existence de marginal.

6 Ce n’est donc pas un hasard si l’auteur a choisi comme personnage un homme d’âge mûr ; il a une cinquantaine d’années, donc une expérience de vie qui servira de base à ses futures réflexions sur le monde régulier. En réalité, il s’agit d’un vagabond édulcoré, un entre-deux marginalisé certes, puisqu’il vit dans la rue, mais qui en même temps n’a pas encore plongé dans une déchéance physique trop marquée, même si cette dernière se profile à l’horizon comme une menace potentielle, juste ce qu’il faut pour un effet de vraisemblance. Écoutons-le se présenter : Io posso sempre sembrare uno che viaggia, che si ferma al diurno perché ha sudato in treno. Io non ci vado dalle ragazze del diurno messo male, mi stanno sui coglioni quelli che arrivano sporchi, con la sbornia cattiva addosso. Anch’io bevo, regolare, faccio il pieno. Il troppo pieno mai. Io sono ancora un bell’uomo, ho ancora i denti, ho ancora lo sguardo3.

7 Ce clochard de théâtre, encore soigné, tient à se démarquer de deux mondes : tout d’abord de celui des hommes vivant dans la société, qu’il nomme les Cormorans, et qu’il observe depuis son trottoir avec intérêt, parfois amusement dès lors qu’il prétend tirer des enseignements de leurs expériences, de leur mode de vie qu’il considère comme contre-exemples avec un détachement teinté de dédain, parfois avec colère quand ceux-ci font peser sur lui un regard d’exclusion et de mépris. Notons ensuite qu’il souhaite se démarquer des vrais marginalisés qui vivent dans la déchéance et le mépris de leur propre personne : il s’agit d’un clochard qui revendique et dit connaître encore la dignité, qui a sa fierté d’homme, peut éprouver encore la pudeur, l’offense, l’humiliation, comme si ces sentiments n’étaient en rien liés aux valeurs de la vie civique. Paradoxalement, c’est par une comparaison triviale qu’il véhicule ce concept dans un semblant d’aphorisme : Mi tengono in palmo di mano, a me, le azzurrone, perché io sono educato, mangio a bocca chiusa, porto indietro il vassoio, non sciupo il pane, non scoreggio. La dignità non è una tessera che te la dà la società civile, e se non ci stai dentro alla società civile perdi la tessera, te la ritirano come il bancomat. No, la dignità è un seme che t’ha messo dentro il Creatore. Una cosa che è solo tua come il seme nei coglioni. (p. 34)

8 La vulgarité de Zorro, qui est un de ses traits les plus récurrents, tranche avec les efforts dont il se targue pour conserver sa dignité d’homme, comme nous pouvons le constater dans cet extrait où on l’entend décocher ses flèches sarcastiques et amères : No, Zorro non pretende. Zorro non tende la mano. Zorro ha i pugni chiusi. Zorro ha fatto una scelta. Certo il destino gli ha dato una mano, il calcione gli ha dato il destino. L’altro giorno me ne sto lì, tranquillo, in panchina, che metto in ordine il

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 231

cassetto qui in alto (si tocca la testa), e mi viene vicino un bambino: “signore… signore…”, bel bambino, bel cappottino… “che vuoi?” Tende la manina con la moneta e aspetta. La madre sta a qualche passo, freme. Cos’hai, bella signora? Hai paura che t’inghiotto il figliolo? La miseria ti fa paura, quel colpo malvagio del destino che a te per fortuna non è toccato ? Perché a me, signora, quelle brutte monetine? Metallo che offende signora. Zorro non ha chiesto, Zorro non necessita. Hai tante bustine rigide di boutique che ti pendono dal braccio, devi aver sciupato un bel po’ di grano stamattina. Ma ora, cos’è, bella Cormorana, passeggiando c’hai pensato, che è freddo, che è quasi la Befana, c’hai pensato, passeggiando, a tutta quella povera gente che muore di fame, e tu, buttare tutto ’sto grano per niente… Cos’è, sei nervosa perché non ritiro la moneta? Vuoi darmi l’obolo per metterti un po’ di pace dentro? Per goderti meglio il cachemirino di boutique? Però non ti vuoi avvicinare troppo. Capisco. Mandi avanti il bambino. Capisco. Ah, certo, pedagogico, insegniamo alle piccole generazioni la ginnastica della solidarietà. A che scuola vai bel bambino? College inglese. Bravo: English is very important, indeed! Vai anche a pianoforte il martedì? Bravo. Che belle manine, da ginecologo. Cormorana, è fortunata, il suo piccino parlerà l’inglese e suonerà il pianoforte. Sulla figa delle sue pazienti. Dammi la moneta, moccioso. (p. 27)

9 Le sarcasme et la vulgarité du personnage se concentrent sur ce qu’il nomme le monde régulier et s’arrête tour à tour sur la superficialité des relations humaines (sa femme le quitte car son nouvel amant possède une voiture à air conditionné), sur l’égoïsme (lors de l’accident qu’il a provoqué involontairement ses proches le consolent en lui assénant des phrases comme « l’importante è che c’hai i testimoni, che dicono che non è colpa tua »), sur l’absurdité des menus faits de la vie quotidienne (l’accident est arrivé sur le trajet séparant sa maison de celle de sa mère car cette dernière, qui a la manie de faire de la polenta en plein mois d’août, l’a contraint à passer chez elle pour retirer le repas), sur l’absence de communication (tous ont des téléphones portables et s’isolent dans des conversations futiles). En somme, le regard de Zorro se pose de façon critique sur tous les aspects négatifs de cette vie en société qu’il a quittée par dépit, comme suivant le droit fil d’une maturité qui se serait déclarée à la suite des événements dramatiques vécus.

10 Par contraste avec l’objet de son sarcasme, le personnage du vagabond se définit lui- même. Tout d’abord par une attitude consistant à renommer le réel, l’existant : il renomme les membres de la société civile (les Cormorans), il s’est renommé lui-même (Zorro en souvenir d’un chien qui avait été son unique et fidèle compagnon de jeu dans son enfance et qu’il croit retrouver par cet étrange concours de circonstances, l’animal de compagnie du jeune homme accidenté portant également ce nom). Et ce sera ensuite le concept même de normalité et de différence qui sera remis en question et fera l’objet d’une dispute lexicologique en solo : Dici che non sono normale? Calma, Cormorano, qui c’è da fare un discorso lungo. Io non lo faccio. Dico solo che normale è una parola storta. Parliamo di frequenza e infrequenza, così mi sta meglio. Diciamo che è infrequente che la gente attraversi a cazzo come me. Io sono un infrequente. Infrequente è bello, è una rarità. (p. 37)

11 Ce besoin de renommer l’existant se double d’une liberté de ton que s’octroie le personnage et qui coïncide avec une curieuse alternance entre trivialité et lyrisme. Lyrisme dès lors qu’il commente sa différence : « infrequente è bello, è una rarità. È come un fico a dicembre. Io sono un fico a dicembre, una ciliegia a gennaio, una pesca a febbraio » (p. 37). Trivialité dès lors qu’il évoque ce qui lui manque le plus : l’amour. Le

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 232

langage vulgaire reprend alors le dessus et redevient le moyen d’expression du désespoir, accentuant ainsi la solitude du personnage. Vienici te, quando ho voglia di fottere, dottoressa Cormorana, assistente sociale, o mandami tu l’amica tua, la volontaria del giovedì. Veniteci voi a leccarmi il giocattolo, invece di tutte quelle chiacchiere! Ecco il buono-pasto, il buono- dormitorio, il buono-parrocchia! Fanculo! Dammi il buono tuo! (p. 35)

12 Enfin, le personnage se définit toujours par contraste avec le monde régulier, par le biais des modalités de perception du monde environnant. Nous avons compris dans les pages précédentes qu’il avait quitté sa vieille peau de façon concrète mais aussi symbolique en prenant le nom d’un chien. Or la métamorphose de cet homme racontée par Margaret Mazzantini est pour le moins surprenante : l’auteur ne se contente pas de lui faire adopter le nom d’un animal, elle choisit un objet scénique des plus significatifs. On notera à ce propos que les indications portant sur le jeu de scène sont rares, et encore plus rares sont les objets scéniques mentionnés. Le seul à l’être se trouve en ouverture du texte : « un uomo disteso a terra. Ha gli occhi chiusi, un guinzaglio intorno al collo ». La transformation ne s’arrête pas là : sous la plume de Margaret Mazzantini, le voici devenu chien à part entière car elle concentre toutes les perceptions de son personnage dans le domaine olfactif. Sa mémoire est olfactive : le souvenir de son enfance est associé au bien-être physique, à la sensation de chaleur, mais surtout à l’odeur réconfortante « di miele e di strofinaccio » de sa mère (p. 21). La mort de cette dernière a laissé une empreinte indélébile dans son esprit, « un odore di unto profondo » (p. 22), et même le souvenir de l’accident qui a fait basculer sa vie a une odeur, « quell’odore di famiglia riunita dove tutti ti vogliono dare una salvata » (p. 40).

13 Si la mémoire olfactive peut constituer un lien entre son passé et le présent, les modalités perceptives liées à son statut de marginal sont toutes circonscrites au domaine des sensations physiques. La perception de sa propre personne dans l’espace y est liée : en ouverture du monologue, il fait état des sensations physiques désagréables, on l’entend se plaindre de douleurs dans les os ou les reins (mais peut-être devrions- nous dire « l’arrière-train » ?) ou inversement se réjouir du bien-être qu’il a su trouver en dormant à l’abri sous un tunnel. Même sa perception du temps a changé et est également soumise aux sensations purement physiques : Mi piace dormire nel tunnel di vetro della metropolitana, c’è sempre luce, c’è sempre tiepido. Mi sento un pulcino in batteria. Che ore sono? Vediamo, mi sono già passati undici trenini sotto il culo. Ecco che arriva il dodicesimo. Sono le sette e trenta, circa. Buongiorno Zorro. (p. 15)

14 Jusque là, le personnage pourrait convaincre un lecteur peu exigeant, qui ne verrait que du feu dans cette régression canine et interprèterait ces détails comme des marques burlesques de déchéance physique. La machine théâtrale s’enraye dès lors que l’on regarde attentivement la contradiction existant entre ce qui tient lieu de prologue du texte et le contenu même du soliloque. L’auteur annonce dans le prologue : « Ho sempre pensato che la marginalità, nella sua terribile durezza, sia un osservatorio privilegiato ». (p. 12)

15 Doit-on comprendre que le trottoir serait le tremplin idéal pour une réflexion sur la marche du monde et sur l’existence, comme semble aussi le suggérer le sous-titre de l’ouvrage, Un eremita sul marciapiede ? Les propos de l’auteur sont sans équivoque : la méditation serait favorisée par la marginalité, la mise en retrait, l’écart en marge de la société. Margaret Mazzantini voudrait faire observer le monde, notre société

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 233

contemporaine, de façon critique et constructive par la lorgnette de son vagabond. Or, le personnage de Zorro, même s’il lève le voile par ses incongruités sur les points négatifs de la vie en société, devient – hélas – une marionnette véhiculant un florilège de lieux communs et de vues utopiques. Les lieux communs enchaînent l’expression d’un bonheur simple, pur et quasi parfait4, l’absence de l’ennui au quotidien (« non mi annoio, cammino », p. 17), un bien-être réduit à sa plus simple expression, la liberté de choisir ses faits et gestes sans contrainte d’aucune sorte (« oggi mi prendo la mia libera, la mia giornata da uccello. Guardo solo il cielo », p. 19), le luxe de regarder les gens en face (« guardo la gente in faccia, ho tempo e posso permettermelo. È un lusso », p. 16), la maîtrise absolue du temps qui passe (« l’orologio, non ce l’ho, è solo peso. L’ora io ce l’ho in cielo. Per me, Cormorano, la vita è un giorno, uno solo, dall’alba al tramonto, e amen », p. 18 ; ou encore : « c’è un regalo che la strada ti fa: ti regala il tempo. Ti sembra un regalo brutto, solo noia, ma non è vero », p. 53). En somme, ce personnage voudrait nous convaincre que ses besoins matériels sont amplement assouvis, plus et mieux que dans la vie normale, avec l’avantage de ne plus en connaître les désagréments. Du haut de son pavé, on l’entend s’exclamer sentencieusement : Allora mi chiedo: ma che sono tutti ’sti bisogni, tutti ’sti negozi? Obblighi, fregature. Io con questo vestito, ci faccio le quattro stagioni. D’estate scalo la giacca, d’autunno apro i bottoni, d’inverno tiro su il bavero che c’ho la cervicale. Te invece, Cormorano, di abiti ce n’hai uno per ogni sputo di tempo. Con quattro gocce tiri fuori il trench, te. E dove li metti, ’sti vestiti? Mica te li puoi tirare dietro! Ti serve l’armadio. E l’armadio, dove lo metti? In mezzo alla strada?! No, ti serve una casa. La casa chi te la tiene? Una negra? Meglio una moglie, le negre le tiri su il sabato sera nei viali. E la domenica che fai, non la porti fuori tua moglie? Ti serve una macchina, e serve che ti fermi a comprare i bignè perché serve che vai dai suoceri. Cazzo, è domenica! Cazzo hai il trench, hai il piuma d’oca, lo spigatino! Cazzo, Cormorano, compra i bignè! Zorro non ha il trench, non ha lo spigatino, non ha l’armadio, non ha la casa, non ha la moglie, non ha i suoceri, e i bignè lo fanno vomitare. Com’è brutta la domenica, Cormorano! Il dopopranzo, dopo i bignè, tutti quei televisori accesi, i bambini ai giardinetti, la fila all’altalena, il padre che parla al cellulare con gli amici: dove siete Dove siete? La madre che parla all’altro cellulare con gli altri amici: dove siete? Dove siete? (p. 47)

16 Margaret Mazzantini s’engoufre dans la voie d’un misérabilisme prononcé et va jusqu’à faire de son personnage un homme ayant des privilèges, libre des contingences, un esclave affranchi des contraintes matérielles, en somme un philosophe de la rue, du trottoir plus exactement. Il va sans dire que cette suite de lieux communs d’ordre moral voit triompher celui de la liberté des vagabonds qu’elle oppose au conformisme des cols blancs.

17 Mais revenons aux quelques pages qui font office de prologue pour y découvrir le second point de rupture du projet d’écriture de Margaret Mazzantini. Elle nous révèle comment est né le projet de ce monologue théâtral : cercavo una buona idea per Sergio Castellitto, per il suo talento d’attore ma non solo, qualcosa che desse voce alla sua parte muta. Dopo tanti film gli era venuta nostalgia del teatro, della vecchia placenta dove era nato come attore, di quel corpo a corpo con se stesso in quella bolla di polvere e luce.

18 Le monologue s’annonce comme le fruit d’un couple d’artistes où le créateur ainsi que l’objet créé sont indissociables de l’acteur destinataire. N’oublions pas que Mazzantini a elle-même été actrice de théâtre avant d’épouser Sergio Castellitto, acteur de cinéma et metteur en scène, et que leur union à la ville a déjà eu des prolongements sur le plan artistique : en 2003 il avait porté à l’écran, comme réalisateur, le texte du best seller5.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 234

Ce qui frappe le plus dans les déclarations de l’écrivaine est un certain type de requête ou de justification : Pensavo a un monologo intimo che gli desse la possibilità di sgangherarsi. Perché ogni tanto viene voglia di stendersi sul guanciale dell’abbandono, di dire: ma sì, voglio essere molle e cagionevole, stupido e disdicevole, non ce la faccio più a tenere il punto fermo, la bussola orientata sulla rotta della decenza. Gli attori hanno questa possibilità di sbracare, di prendersi una vacanza dalla normalità. E di essere ben pagati e applauditi per questo. Hai la possibilità di vergognarti senza che nessuno se ne accorga. Di piangerti qualcosa di solo tuo in mezzo a un cumulo di bugie. (p. 10)

19 Il ne s’agit plus d’observer le monde ni de réfléchir sur la société mais plutôt de trouver un prétexte permettant à un acteur bien précis de se libérer des liens d’une décence identifiée comme normalité, de s’abandonner à l’attraction d’une dégradation frôlant la bestialité, et de pleurer tout son saoul sur lui-même dans le giron d’une feinte marginalité. Le prologue revendique le droit à l’indécence et au nombrilisme artistique, comme le prouvent de nombreuses métaphores qui émaillent le texte et établissent une comparaison entre l’artiste (comédien ou acteur) et le vagabond.

20 Comparaison implicite tout d’abord : « Scrivere è un lavoro da sfaccendati, ogni motivo è buono per mollare, per uscire dalla clausura. Esci con la scusa di una cartuccia d’inchiostro e ti perdi a zonzo. E questo bighellonare a volte ti premia » (p. 9). Puis de plus en plus explicite : Scrivere di un senzatetto è affidarsi alla scabrosità di una possibilità che ti appartiene. Perché gli artisti, spesso e volentieri, sono barboni fortunati. Ce l’hanno fatta a non finire all’addiaccio, ma conservano i tratti disturbati e l’inquietudine dell’erranza, vagano con gli occhi, sentenziano sul mondo, hanno ossessioni, riti. Ogni giorno, corrono il rischio di perdersi, di non trovare più la strada del ritorno. (p. 11)

21 Le personnage du vagabond agit comme un miroir réfléchissant qui inverse les données initiales : ce n’est plus le vagabond qui possède une liberté d’action et de pensée, mais son alter ego artistique ou plutôt l’acteur qui joue son rôle. En somme, Mazzantini crée de toutes pièces un personnage de marginal qui s’avère un prétexte, un faire-valoir de son mari comédien, même s’il lui est difficile de se départir de formes stylistiques et langagières bien identifiables : si nous avons pu relever des contradictions entre le prologue et le texte du soliloque, un fil unit ces deux parties, une composante linguistique unique et parfaitement reconnaissable, la griffe de l’écrivaine qui déploie tous ses efforts pour atteindre une virtuosité pure à force de comparaisons et de métaphores pléthoriques. Il suffira d’en citer quelques-unes : il teatro era la vecchia placenta dove Castellitto era nato (p. 10) ogni tanto viene voglia di stendersi sul guanciale dell’abbandono (p. 10) una notte di strozzatura d’anima (p. 13) Zorro ha accettato il suo destino come la cacata di un uccello sulla testa, imprecando e ringraziando insieme (p. 11) chi di noi non ha sentito il desiderio di accasciarsi per strada, come marionetta, gambe larghe sull’asfalto, testa reclinata sul guanciale di un muro? E lasciare al fiume il suo grande, impegnativo corso. Venirne fuori, venirne in pace. Tacito brandello di carne umana sul selciato dell’umanità. (p. 14)

22 Le personnage de Zorro, curieusement, s’exprime lui aussi par de telles métaphores, qui contrastent avec ses propos vulgaires : derrière un ton élevé, soutenu linguistiquement, parfois vibrant (on pensera au pathos de la scène dans laquelle il se rappelle son enfance), bref un ton qui est absolument non plausible pour un tel personnage, derrière

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 235

le masque de Zorro on entrevoit Margaret Mazzantini et ses comparaisons maniéristes. L’une d’elles, située dans le prologue, est remise pratiquement mot pour mot dans la bouche du vagabond et nous met en garde contre les dangers de la ventriloquie. È il piano della vita che s’inclina, si mette di traverso (p. 11, prologue) quand’è stato che il piano di cristallo si è inclinato [?] (p. 37, monologue de Zorro)

23 À travers le monologue Zorro, un eremita sul marciapiede, Margaret Mazzantini a exhibé une forme de différence sociale avec une ostentation qui se doublait du désir d’égratigner une classe sociale à laquelle elle appartient, tout en cédant à la tentation d’une licence langagière. Le personnage de Zorro n’est pas sans rappeler d’autres fort célèbres vagabonds de l’écriture théâtrale : je veux parler des vagabonds de Samuel Beckett, auteur d’En attendant Godot6, une pièce qui connut immédiatement un grand succès et signala le début de sa carrière théâtrale. Beckett atteignait avec ses personnages une nudité de langage qui disait, comme à ras de terre, la condition humaine : ils s’interrogeaient sur une thématique apparemment indéfiniment répétitive, le temps humain, l’attente, la quotidienneté, la solitude, l’aliénation, l’errance, la non-communication, la déchéance et aussi plus rarement l’espoir, le souvenir, le désir. Chez Beckett, ce ne sont pas les thèmes qui définissent l’œuvre, l’écriture, mais le langage employé pour les dire, pour les mettre en scène. Les clochards de Beckett étaient des voix, des ombres, des incarnations d’une certaine condition humaine et pour cela donnaient au texte une portée universelle dans un dépouillement presque abstrait. Le texte de Margaret Mazzantini aborde des thèmes semblables à ceux de Godot ; cependant, en voulant faire de la marginalité un observatoire privilégié du monde normal, l’auteur a produit une sorte d’anti-Godot, un texte qui, au lieu de s’élever par la nudité du langage vers une réflexion universelle pour dire la condition humaine, renvoie par l’abondance et la préciosité des métaphores à une angoisse toute personnelle qu’elle souhaite conjurer. Le texte du prologue nous renseigne fort à propos : Zorro mi ha aiutato a stanare un timore che da qualche parte appartiene a tutti. Perché dentro ognuno di noi, inconfessata, incappucciata, c’è questa estrema possibilità: perdere improvvisamente i fili, le zavorre che ci tengono ancorati al mondo regolare. (p. 13)

24 Le vagabond de Mazzantini fait office de repoussoir en renvoyant à une peur bien identifiée et avouée, celle du basculement, du déraillement de la vie quotidienne : l’actrice écrivaine s’accorde, le temps d’un monologue, le frisson d’un danger virtuel qui la renvoie par son improbabilité aux certitudes rassurantes de son existence fortunée. Rappelons-nous l’une de ses phrases introductives : « Ho sempre pensato che la marginalità nella sua terribile durezza sia un osservatorio privilegiato ». Le leurre fonctionnait : nous pensions que le regard d’un marginal porté sur le monde pouvait éclairer ce dernier, en réalité il n’est qu’un miroir réfléchissant sous les feux de la rampe. Bas les masques !

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 236

NOTES

1. M. Mazzantini, Non ti muovere, Milan, Mondadori, octobre 2001. 2. Le chiffre a été communiqué par G. Pacchiano, « Un barbone con troppi virtuosismi », Il Sole 24 ore, 1 août 2004, p. 30. 3. M. Mazzantini, Zorro Un eremita sul marciapiede, Milan, Mondadori, 2004, p. 16. 4. « Intendiamoci, se tutti smetteste di fare il vostro bel dovere e veniste a deambulare qui con me sull’asfalto, sarebbe un bel guaio, non avrei più la mia pace, la mia sacrestia, i vostri bidoni di immondizia. Voi non ci crederete, ma io qui, non sempre ma certe volte, dal nero, mi sono visto davanti la gioia », p. 25. 5. Non ti muovere, 2003, avec les acteurs Sergio Castellitto et Penelope Cruz. 6. En attendant Godot fut représenté à Paris en 1953 au Théâtre de Babylone, dans une mise en scène de Roger Blin.

AUTEUR

MARTINE BOVO-ROMOEUF Université Michel de Montaigne - Bordeaux 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 237

Regards croisés et jeux de miroirs. L’expérience originelle de la différence dans Fratelli, de Carmelo Samonà

Isabelle Payet

1 Le lien fraternel est, des liens familiaux, celui qui a été le moins étudié (les frères et sœurs sont « les oubliés de notre culture1 », « les méconnus du roman familial2 »), et même si depuis une trentaine d’années le rythme des publications concernant le sujet s’accélère, le retard à rattraper est grand. Les relations fraternelles ont d’abord surtout intéressé les psychologues et les anthropologues anglo-saxons, et depuis la fin des années 1980 les études se multiplient également en Europe, investissant plus largement le champ des sciences humaines et sociales. Mais de l’aveu de la psychologue Odile Bourguignon, « c’est dans les œuvres littéraires que le thème trouve son meilleur épanouissement3 ».

2 Une des caractéristiques du lien fraternel est son côté insaisissable et obscur : difficile à systématiser dans la seule cellule familiale (l’âge, le sexe, le rang des différents membres de la fratrie sont autant d’éléments qui ont une influence sur son fonctionnement), pour l’appréhender dans sa totalité, il faut lui ajouter en amont tout un substrat mythologique et biblique, et en aval, tout un développement métaphorique dans la société occidentale, qui a fait de la fraternité un idéal du lien social.

3 Des frères partagent leurs parents. Mais sont aussi des frères les membres de la même famille humaine, les enfants d’un même Dieu, ou encore des hommes qui partagent une communauté d’intérêts, d’idées, une relation affective. En somme, on voit bien là comment « le fraternel » peut investir le champ de la vie privée et publique, comme le champ de la littérature.

4 En 1978, Carmelo Samonà publie un premier roman très remarqué, Fratelli : le titre est sans ambiguité et laisse en même temps, entre l’absence d’article et un pluriel un peu

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 238

énigmatique, une perspective ouverte. Dès les premiers mots du roman on comprend qu’un narrateur se propose de faire le récit de sa relation avec son frère malade : Vivo ormai sono anni in un vecchio appartamento nel cuore della città, con un fratello ammalato4.

5 Tout ce qui fonde généralement la relation fraternelle, les parents communs, les autres frères et sœurs, la communauté de souvenirs, tout est ici rapidement balayé dès les premières lignes : ils sont « gli ultimi rimasti di una famiglia che fu numerosa al tempo della [sua] giovinezza » (p. 7), depuis la mort de leur père, « i Fratelli maggiori sono partiti uno alla volta lasciando inutili tracce della loro esistenza » (p. 7). Ils habitent un grand appartement occupé autrefois par toute la famille, mais cet espace s’est peu à peu vidé de toute signification, et les deux frères qui continuent à y vivre entretiennent avec les quelques objets qui restent « un rapporto privo di risonanze affettive » (p. 7). Nous ignorons jusqu’aux noms et prénoms des protagonistes, et si l’on ajoute à cela l’absence de localisation géographique et temporelle – ils vivent « in uno spazio acronico » (p. 78), « in un ostinato presente » (p. 9), même les bruits qui leur parviennent de l’extérieur sont « lembi di esistenza senza storia » (p. 7) –, on a le sentiment qu’il s’agit, dans cette histoire, d’éliminer dès le départ tout ce qui pourrait parasiter l’essence du lien fraternel, le frère étant entendu ici comme la figure emblématique de l’Autre, semblable et étranger, celui par lequel passe la première expérience de l’identité et de l’altérité.

6 En dépassant clairement l’horizon du partage et de la rivalité5, Samonà interroge en réalité la relation à l’Autre à travers la relation fraternelle, en se demandant finalement ce que devient l’identité du sujet, ici celle du narrateur, face à l’Autre, un Autre qui lui ressemble parce qu’ils sont frères, mais qui est aussi foncièrement différent, parce qu’il est malade.

7 De fait, c’est la maladie qui fonde la première différence entre les deux frères, elle est l’élément qui creuse la relation d’altérité. C’est parce que l’un des deux protagonistes est malade et l’autre pas, que les deux frères sont si différents : le narrateur, lors de leurs nombreux jeux, peut s’amuser à imiter son frère, à entrer dans son univers, l’horizon indépassable est pour l’instant celui de la maladie : « Io posso imitare la malattia ; lui è costretto a viverla. Lui, insomma, è malato ; io sono sano. » (p. 13)

8 « Non sarai mai come me » (p. 30) dira-t-il un peu plus tard en observant son frère. Nous sommes au début du roman, le narrateur s’attache à décrire la maladie de son frère, il suggère qu’il s’agit d’une maladie mentale mais sans jamais la nommer – « Non le darò un nome. La malattia rappresenta, nel nostro peregrinare, l’incognita permanente » (p. 12) ; il précise qu’elle est partout – « in ogni caso non possiamo sfuggirle » (p. 11), « impalpabile e lenta, percorre di soppiatto ogni luogo » (p. 12), et imagine parfois qu’elle est une force indépendante dont son frère jouerait à sa guise : « forse è lui [un regista] che possiede il controllo della malattia, la piega ai suoi voleri e la costringe a rappresentare umilmente uno spettacolo ininterrotto. » (p. 16)

9 Cependant, après les premiers chapitres où on la découvre, la maladie disparaît progressivement du texte, elle reste comme complexe explicatif, mais le mot-même s’efface au bénéfice d’une tension continue qui altère et déforme la relation entre les deux frères. Avant de réapparaître à la toute fin du roman sous une forme inversée et opérant par là comme un renversement des rôles (le narrateur avoue que sa santé commence à souffrir de ces échanges incessants entre le jeu et la réalité6), la maladie

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 239

laisse tout le champ littéraire à un mouvement constant et presque « dépouillé » de tension entre deux pôles qui constitue le noyau de la relation fraternelle.

10 Ce qui caractérise fondamentalement la relation fraternelle et, du même coup, contribue à l’architecture du roman, c’est donc un mouvement ininterrompu entre deux pôles : le dehors et le dedans, un avant et un après, le corps de l’un et celui de l’autre, le fragment et l’unité (nous y reviendrons), ou encore le jeu et la réalité.

11 Dans la structure même du roman on peut observer la première des oppositions évoquées ci-avant sous la forme d’une tension entre l’extérieur et l’intérieur : en effet, les dix premiers chapitres se déroulent à l’intérieur de l’appartement des frères tandis qu’à partir du onzième, les scènes se déroulent à l’extérieur. Or la représentation de la transition est emblématique du mouvement qui agite le passage d’un univers à l’autre : alors que le frère du narrateur se prépare à sortir, c’è nei suoi movimenti, benché siano rivolti verso l’esterno una concitata tessitura di spinte, di traiettorie contrarie. Prima il suo corpo attraversa la porta come se qualcuno lo succhiasse con fatica da fuori; poi le sue gambe volteggiano lungo le dieci rampe di scale eseguendo (o piuttosto subendo passivamente) un doloroso meccanismo espulsivo. […] La lotta che ingaggia fra il dentro e il fuori sembra sopraffare a tratti la sua resistenza. (p. 52-53)

12 Le narrateur pousse son frère dehors, celui-ci voudrait à la fois rester et sortir, mais alors que la lutte intérieure du frère malade continue7, le trouble gagne le narrateur qui lui-même doit faire des efforts pour ne pas se laisser entraîner8.

13 À partir du chapitre 19 (le roman en compte vingt et un), nous revenons à l’intérieur, mais là nous approchons du terme du récit, le temps s’accélère, et la tension se déplace de l’axe géographique ou spatial, à l’axe temporel. Elle s’exprime ici entre le passé et le temps de l’écriture, qui se rapprochent. En effet, nous ne sommes plus dans les premiers chapitres où le temps se dilatait, s’étirait dans un présent sans cesse renouvelé9, le narrateur fait maintenant allusion à la vieillesse (« comincio a sentirmi vecchio », p. 93), à son corps qui se fatigue, il oppose plus fréquemment le passé et le présent (« Fantastico di vigilare su [mio fratello] solo moralmente, dominando la situazione […] Ma anche in questo non mi sento lucido e tempestivo come una volta », p. 93), et ce changement de mouvement correspond à une plongée dans le réel, une sorte de dramatisation du temps qui du même coup s’accélère. Jusqu’à présent nous étions dans un temps suspendu entre un passé aux contours flous (l’histoire familiale des deux frères) et un futur inévitable (concrétisé par l’hospitalisation du frère malade) mais absent de l’horizon. À partir du chapitre 19, le temps reprend son avancée inéluctable, créant ainsi de nouvelles tensions et de nouvelles perspectives sur lesquelles nous reviendrons.

14 Dans le tissu du récit, ensuite, on retrouve le même mouvement de tension et lorsque le narrateur décrit la relation qui s’installe entre son corps et celui de son frère, « si direbbe che il nostro esserci consista, più che nella presenza dei nostri corpi, in un allentarsi e ricongiungersi, continuo, di lontananze e di vuoti » (p. 10). Il donne de la sorte une image exacte du modèle sur lequel le récit se construit. Le balancement répété d’un corps à l’autre résonne dans le temps, dans l’espace, à l’extérieur10 et à l’intérieur, comme ce jour où, de retour dans l’appartement après une promenade, le narrateur qui se trouve dans sa chambre entend son frère qui le cherche : Non so fino a quando mi cercherà ancora, se farà irruzione nella mia stanza o flotterà nei dintorni a lungo, senza trovarmi. A volte il brusio si allontana gradatamente, perdendosi in una scia di silenzi piatti: schegge di vuoti corrono da

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 240

ogni parte della casa verso quell’unico centro vitale, fino a placarlo e inghiottirlo. Può succedere, invece, che a un tratto ne senta così imminente l’arrivo che mi convinco ad alzarmi e ad andargli incontro. (p. 92)

15 La tension entre les corps trouve un écho dans « ces éclats de vides », symboles des fragments qui traversent tout le récit, à l’image de la langue du frère du narrateur faite de « lucidi frammenti di un discorso che ha perduto la sua compattezza in seguito a una lontana, terrificante esplosione » (p. 25). La langue est morcelée, le corps du frère malade l’est aussi11 et à l’idée de fragment semble être sous-jacente celle d’une tension vers l’unité à la fois comme norme et comme idéal. Mais la réalité est plus complexe, et dans le mouvement de tension ininterrompue, tous les éléments qui s’opposent font sens.

16 Il en va ainsi de la lutte : • entre l’ordre et le désordre : la tentative de la part du narrateur d’organiser le temps avec la « tabella del tempo » qui se solde par un échec est significative, le narrateur reprochera du reste à son frère de mettre constamment en péril le fragile équilibre qu’il cherche à maintenir (p. 102). • entre l’absence et la présence : le matin, le frère vient souvent frapper à la porte vitrée de la chambre du narrateur ; entre le moment où le narrateur entend le bruit, et celui où il peut se lever pour aller ouvrir, il évolue dans un état de semi-conscience où la silhouette du frère derrière la vitre prend différentes formes, d’abord celle d’un chien, ensuite d’une femme mais, lorsque le narrateur est assez éveillé pour saisir l’image de son frère, « la percezione dell’identità del suo corpo coincide con un’assenza » (p. 34). Une réalité insaisissable, un désordre permanent, sur le terrain de ces luttes, aucune victoire n’est jamais acquise ; difficile de dire lequel des deux, du narrateur ou de son frère malade, l’emportera dans les innombrables « batailles » qui occupent leur quotidien, car l’un et l’autre naviguent en permanence entre le jeu et la réalité.

17 Le jeu, élément central de la relation qui lie les deux frères, leur permet d’occuper le temps et surtout de trouver un terrain d’entente : c’est lors de leurs Grands et de leurs Petits Voyages12 qu’ils réussissent le mieux à se comprendre. Dans le récit nous passons donc sans cesse du monde du narrateur dit « orizzontale, stabile, piatto » (p. 17), à celui de son frère, inversement caractérisé par la verticalité, un équilibre précaire, l’emboîtement des différents temps et des différents espaces. À l’intérieur même du jeu où l’espace est tantôt « un deserto in cui [il fratello] rischia di perdersi », tantôt « una prigione troppo stretta in cui annaspa come un volatile zoppo » (p. 15), nous ne sommes pas délivrés des tensions qui continuent à donner son mouvement au récit.

18 En conséquence, et si nous voulons résumer l’idée générale de cette suite d’exemples, nous pouvons dire que tout le récit est émaillé d’images de luttes, de tiraillements et de batailles, entre le narrateur et son frère (pour manger, s’habiller, sortir, jouer…), parfois avec une troisième personne, lorsqu’intervient certaine dame au chien – « un gioco triangolare di rimbalzi, occultamenti e rifiuti si insinuava lentamente nel nostro stile abituale » (p. 73), ou lorsqu’intervient le souvenir de la figure paternelle13.

19 Le jeu continu de forces opposées dans un espace clos et un temps suspendu donne sa dynamique et sa dimension théâtrale au récit, en même temps qu’une impression de circularité. Et c’est cette sensation de circularité que le narrateur se prend à regretter, au moment où il re-plonge dans le réel, lorsqu’il pense au chemin qu’il aurait pu faire s’il avait mis bout à bout les espaces parcourus pendant toutes ces années dans l’univers clos qu’il s’est construit avec son frère :

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 241

Mettendo in fila tutti i giri viziosi che sono costretto a fare nelle uscite pomeridiane, tutte le rincorse estenuanti cui mi sobbarco per gioco, per inerzia o per altro patto e desiderio segreto, formerei un’interminabile linea retta: una pista infinita, percorrendo la quale, nello stesso tempo che impiego a muovermi fra le pareti di casa o nel poco spazio del nostro quartiere, arriverei molto lontano da qui, fra gente diversa, in mezzo al mare, in un punto della grande pianura o in un’altra casa nel cuore di un’altra città. Il pensiero di questo viaggio in linea d’aria […], libero e repentino, insomma, invece che tortuoso e ingannevole, mi conquista per brevi momenti durante la notte. Ma gli si collega subito per contrasto […] un’idea opposta di logoramento e di stanchezza. (p. 93)

20 Ce long passage, se situe justement au chapitre 19, au moment où la tension se déplace de l’axe spatial à l’axe temporel, celui où le narrateur est projeté dans le temps fini, ce qui l’oblige à quitter le tourbillon intemporel dans lequel il vivait depuis plusieurs années (p. 9). Lorsque commencent les derniers chapitres (19 à 21), les deux hommes reviennent de l’extérieur, et ce moment de retour dans un espace clos est aussi un retour sur soi. Jusqu’à présent la quête du narrateur, c’était l’Autre, le frère différent, et ce qui nous avait été présenté comme un jeu était en réalité une quête fondamentale, comme l’exprime très explicitement cette phrase : « Il gioco, bisogna dirlo, si è ridotto a pochi meccanismi essenziali ; il tema è praticamente uno solo: la ricerca dell’altro. » (p. 23) Et le frère malade de répéter au narrateur : « cercami, […] cercami di nuovo, […] anche se mi hai trovato. » (p. 35)

21 À ce moment de retour sur soi et lorsqu’il retrouve la conscience du temps qui passe, le narrateur doit trouver le moyen de sortir du cercle pernicieux, parce que stérile, de cette recherche de l’Autre, dans lequel l’enferme la relation fraternelle. Et c’est par l’écriture qu’il va tenter de pacifier son propre regard et celui de son frère, dans un récit qu’il reconstruira seul, et donc délivré des tensions qui jusqu’à présent l’empêchaient de progresser vers une véritable connaissance de l’Autre et de soi. Cependant, dans cette tentative, il ne peut pas faire totalement abstraction de la présence de l’Autre, et de la force de son regard. C’est donc à la croisée des regards et de l’écriture, dans un ultime affrontement, que vont tenter de se résoudre les tensions accumulées.

22 Le regard, d’abord, joue un rôle fondamental dans la relation des deux frères, et ce depuis le début du récit. Il est source d’expression autant, sinon plus, que la langue elle- même. Ainsi, le jour où le frère prononce pour la première fois devant le narrateur une phrase intelligible, qui respecte les liens de cause à effet, la syntaxe donc, qui est l’expression d’une démarche raisonnée et raisonnable14, son regard en dira bien davantage que la phrase elle-même, que l’on soupçonne vite d’être comme une coquille vide : Dopo un poco, scorsi negli occhi di mio fratello un vacillamento che attenuava la compattezza del gesto appena compiuto; vi lessi anche una remota ironia […] e insieme una velata astrattezza, che colmava lentamente il suo sguardo e pareva in procinto di deviarlo verso altri orizzonti. (p. 29-30)

23 Ailleurs, lorsque le narrateur est obligé de recourir à l’autorité, il évite de regarder son frère dans les yeux, car ce dernier pourrait y trouver la brèche qui lui permettrait de remettre en cause cette autorité. Ailleurs encore, dans l’épisode du magasin de vêtements, lorsque le frère malade voit de loin le narrateur et le défie en se mettant à distribuer à la ronde des pull-overs, des rouleaux de tissu qui étaient exposés à la devanture du magasin, le narrateur se met à l’observer – « mi nascosi fuori dagli

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 242

sguardi di tutti. Sbirciavo senza essere visto. Guardavo gli occhi inquieti di mio fratello flottare intorno, avendomi perduto, in cerca d’un mio segnale » (p. 64) – et c’est alors l’autre qui, se croyant perdu de vue, hors du champ du regard de son frère, mesure sa faiblesse.

24 Par conséquent, tout ce qui passe dans l’affrontement ou l’évitement des regards est l’expression paradigmatique de la recherche de l’Autre et nourrit le jeu, et théâtral et « guerrier », que nous évoquions auparavant. Dans ce contexte, le narrateur va chercher dans l’écriture une voie pour sortir de cette relation à l’Autre, stérile car elle ne l’aide pas à « gouverner » la différence de son frère, et dangereuse, car, en raison de tout ce que nous avons déjà dit autour de la tension, elle compromet constamment son fragile équilibre.

25 À partir du chapitre 20 et jusqu’à la fin du roman, le narrateur se met en scène comme écrivain, et dans ce mouvement de retour sur soi lié au temps, son jeu à lui n’est plus de chercher l’Autre, il va essayer de se chercher lui-même dans l’écriture, en concentrant son regard sur soi. Cette quête-là s’accomplit dans la solitude, dans le silence que la nuit apporte, et dans un espace protégé, celui de sa chambre à coucher. Là le narrateur peut affirmer sa toute puissance : sono libero e onnipotente all’interno della scrittura. (p. 96) non so immaginare territorio più mio, zone di cui vantare con più diritto il possesso esclusivo, spazio nel quale entrare e uscire più facilmente all’insaputa di mio fratello. […] mi organizzo nell’ombra il mio piccolo recinto di annotazioni e commenti, su cui confido, di volta in volta, che nessun vortice o moto esterno potrà inferire. (p. 97).

26 Pour le narrateur, écrire c’est aussi défier le temps, il peut ajouter, effacer, écrire à nouveau, revenir en arrière, et il insiste : « solo a me spetta documentare o inventare, saggiare ipotesi o limitarmi ai dati sicuri. Quando il foglio è immobile e bianco sullo scrittoio, posso tutto… » (p. 97). Mais rapidement cette toute puissance se craquèle, le désordre extérieur atteint cet ilôt où le narrateur se croyait protégé ; d’abord des feuillets se mélangent, puis d’autres disparaissent : le responsable ne peut être que son frère. La situation devient peu à peu incontrôlable au point que le narrateur, pris dans une spirale, se met à espionner son frère, à le traquer, jusqu’au jour où il le surprend dans sa chambre en train de fouiller dans ses papiers. Cette découverte va déclencher l’ultime bataille entre les deux protagonistes, point culminant du roman, et en même temps prélude à la résolution des tensions accumulées. Dans cet épisode, le regard concentre d’ailleurs les forces respectives des personnages : Lo spiai per un poco dalla porta socchiusa. […] Lui mi vide là in agguato […], non riuscii a dominare la collera che s’impadroniva di me al sentirmi scoperto, a mia volta, nell’odioso ufficio di spia. […] Lo costrinsi […] a guardarmi negli occhi. […] Quindi presi le sue guance fra le dita di una mano e le strinsi forte, cercando di tirarle verso di me per imprigionare finalmente i suoi occhi. […] Constatai che taceva ed eludeva […] il mio sguardo. (p. 102-103) Et lorsque finalement la colère du narrateur éclate, celui-ci insiste sur son aveuglement : « ero accecato dall’ira […] una cieca volontà di precipitare mi possedeva. » (p. 103)

27 Mais surtout, c’est dans cet épisode que l’on comprend comment le regard et l’écriture se croisent, comment le regard sur l’Autre (de l’Autre aussi) et l’écriture de soi (mais de l’Autre, forcément) sont au cœur de la lutte dernière, mais aussi originelle au fond, fondatrice et/ou refondatrice. Pendant les trois jours qui suivent l’affrontement, c’est

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 243

encore par le regard que le narrateur essaie de rattraper son frère : « il mio sguardo [era] simile a un serpente teso e prolungato fin dove mio fratello poteva annidarsi. » (p. 105)

28 À l’aube du quatrième jour, le frère malade réapparaît, et à ce point du récit, on comprend que si la cassure définitive a été évitée, l’écrivain a perdu la partie. Lui qui, dans les moments où il pouvait se réfugier pour écrire, enfermé dans sa chambre, étendu sur le lit, avait « lo sguardo fermo e concentrato nel buio » (p. 91), ne pourra plus écrire : sa tentative de concentrer son regard sur lui seul, sur lui sans frère, sur un lui écrivain et écrivain de soi, le plongeait dans le « noir », un vide en somme : le narrateur comprend seulement à ce moment-là qu’il ne peut pas exister sans le regard de son frère. Accepter la réconciliation, c’est pour le narrateur accepter qu’il a besoin des yeux « fous » de son frère pour être lui-même, il doit compter avec cette fracture et cela devient évident lorsque les deux hommes se retrouvent : au moment de changer les vêtements de son frère, le narrateur se rend compte que la poche dans laquelle il avait trouvé le feuillet à l’origine de ce terrible affrontement était celle d’une de ses vestes : La giacca che mio fratello indossava al momento del nostro scontro, era mia; la tasca da cui avevo tolto il foglio del rendiconto, dunque, mi apparteneva. Forse, frugando su di lui, avevo perquisito, senza rendermene conto, me stesso. (p. 106)

29 Pour la première fois, le narrateur se voit dans l’Autre : en fouillant son frère il s’est fouillé lui-même. L’image est on ne peut plus claire, et à partir de cet instant, les tensions vont peu à peu s’apaiser. Nous approchons du dénouement et après cette scène terrible, il sera de moins en moins possible au narrateur d’écrire (« ho dovuto ridurre sensibilmente i tempi della scrittura e rassegnarmi alla sua inevitabile fine », p. 107), de s’interroger sur lui-même en refusant l’intrusion de l’Autre, car ce serait s’exposer à chaque fois au néant ; il s’agira pour lui d’accepter d’accueillir dans cet espace intime la présence du malade.

30 Voici où nous mène le roman, au terme du processus où le frère prend presque littéralement corps à l’intérieur du narrateur. A partir de là, le narrateur anticipe les demandes de son frère : « Ho acquisito grande scioltezza nei gesti che accompagnano lo scambio degli abiti (che io stesso sollecito, ora, prevenendo il più delle volte le sue richieste) ; ho sviscerato i criteri di distribuzione e conservazione dei cibi fino a sapere in anticipo quali frammenti giaceranno nelle sue tasche » (p. 109) ; il se surprend à l’observer et à l’imiter ; mais à présent il n’est plus capable de sortir aussi facilement qu’avant du jeu, et ses excursions dans la réalité se résument à quelques vélléités de fuite et de désertion qui ne durent pas. Entre mimétisme et anticipation, les deux images du narrateur et de son frère finissent par se superposer, et lors d’une des dernières scènes du roman, où le narrateur habille son frère, on ne voit plus qu’une seule personne qui étudie et caresse son reflet face à un miroir : Poiché lo aiuto, come sempre, a vestirsi, ci troviamo di nuovo l’uno di fronte all’altro e ci sfioriamo con leggerezza le braccia e le spalle. Osservo con pazienza ogni suo movimento, aiuto il suo corpo a raddrizzarsi o piegarsi, sollecito la sua testa a riemergere dal collo di una camicia, le sue dita a scivolare lungo maniche ingarbugliate. (p. 112)

31 Le narrateur cherche dans le miroir le regard de l’Autre et se voit lui-même, la fusion identitaire s’accomplit et dans la lenteur des gestes on comprend que les tensions sont enfin apaisées.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 244

32 Au moment où le processus arrive à son terme, il reste à constater l’avancée du silence, corollaire de l’échec de l’écriture. Intérioriser la figure du frère malade (différent), c’est, pour le narrateur, laisser gagner le silence : una mimica misteriosa va sempre più rimpiazzando le già sparute frasi di un tempo […]; la trama delle pause è divenuta più fitta e complessa; […] Mi chiedo se tutto questo vuol dire unicamente un viaggio verso il mutismo, un progressivo spogliarsi dell’ingombro delle parole per un ritiro netto e definitivo nel dominio imperscrutabile del silenzio. (p. 108) Et lorsque le silence devient total, les deux images se confondent en une seule : la différence est absorbée, au propre comme au figuré.

33 Toute la tension du roman qui a conduit le lecteur à cette métaphore de l’intériorisation de l’Autre, celui qui est différent, va dans le sens d’une conscience de la fragmentation de l’être et d’une impossible unité. Récupérer les fragments, c’est accepter l’intrusion de la différence, de l’Autre que moi-même, comme expression de la fragilité et d’une identité fracturée. Le narrateur ne pouvait se trouver en « creusant » une distance hors du cercle, mais seulement dans l’acceptation du partage d’un même espace dans l’épaisseur duquel il faut creuser pour se trouver : vi sono momenti in cui mi sembra d’essere vicino a uno spiraglio di verità […]. Sono sul punto di abbattere una cortina alla cui base mi sto scavando, a forza di unghie, un passaggio. (p. 112)

34 Le rideau tombe aussi sur ces mots, dans le roman, sur l’image de cette recherche souterraine du narrateur : accepter le « frère obscur15 » qui est en lui, c’est, pour le narrateur, se donner une chance de commencer à se trouver.

NOTES

1. O. Bourguignon, dans AA.VV., Le fraternel, Paris, Dunod, 1999, p. 1. 2. AA.VV., Des sœurs, des frères, les méconnus du roman familial, Paris, Autrement, 1990. 3. O. Bourguignon, ouvr. cité, p. 5. 4. C. Samonà, Fratelli [1978], Milan, Garzanti, 1991, p. 7. Désormais, pour les citations de ce roman, nous renverrons directement au numéro de page de cette édition. 5. C’est généralement l’horizon proposé par la grande majorité des études sur la question des relations fraternelles que cette contradiction entre partage et rivalité, entre amour et haine. 6. « Questi scambi veloci tra vero e falso […] si son fatti così insistenti negli ultimi tempi che la mia salute ha cominciato a soffrirne » (p. 95). 7. « Tutto avviene, così, lungo le scale, nel passaggio dall’alto al basso e dall’interno all’esterno. Mentre si cala ansimando, caracollando, verso l’ultima rampa, mio fratello consuma velocemente la passeggiata dentro di sé come se volesse annientarla prima di averla fatta: rivive l’ampiezza della città per chiuderla in uno spazio minimo e in un tempo irrisorio, riassorbe il futuro rientro pensando al movimento opposto del risalire, declinando le scale da sotto a sopra, l’attraversamento della porta da fuori a dentro. » (p. 53) 8. Pour le frère du narrateur « la città non è che l’abito rivoltato e scompaginato dell’appartamento; l’appartamento è il centro e il punto di osservazione di tutto, il nucleo generatore della città […]. Quanto a me, so che questa prospettiva è sbagliata e che non devo

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 245

stare ai ricatti del punto di vista che egli possiede al momento della discesa. […] Devo concentrarmi molto, però, per non cadere anch’io nell’abbaglio. » (p. 54) 9. Le narrateur évoque au début du roman « l’illusione di un ostinato presente: di un tempo, cioè, non annullato, ma raggomitolato e contratto per anni nella dimensione pratica e sbrigativa, continuamente ripetuta, di un solo giorno. » (p. 9) 10. « Aggiungerò che qualche volta, saettando fra le traverse, mio fratello mi sfugge. Nella tensione verso l’interno può avere scatti ai lati così repentini che il suo corpo viene rubato al mio sguardo prima che io abbia il tempo di capire in che punto e verso quale obiettivo si è mosso. Ci dividono, di solito, pochi metri e non mi è difficile individuare la traversa che improvvisamente lo inghiotte; […] Allungo solo il passo con grande cautela e quando arrivo all’altezza della traversa, capita che sia già troppo tardi: il suo corpo è scivolato oltre una cortina di persone e di oggetti […]. E mi do a ricerche laboriose da solo, spiando dentro i portoni, […] fermandomi per aguzzare lo sguardo in profondità. Non di rado questa tenacia minuziosa mi porta lontano, e finisce per ritardare il ricongiungimento con lui. » (p. 59) 11. « In tutta la persona che avanza, noto qualcosa di arbitrario e di frammentato che la rende subito da un corpo teso […] a un’unica meta. » (p. 56) 12. « Dal suo corpo affiorano, suscitati da un attimo di rapimento o da una breve concentrazione, piccoli universi aleatori, nei quali si trasferisce anche per lunghi periodi, e dove a me è dato il privilegio di entrare, ogni tanto, e di abitare con lui. Li chiamiamo, di solito, i Grandi Viaggi (per distinguerli dagli spostamenti abituali fra un punto e un altro della casa, che sono i Piccoli Viaggi ed hanno, a differenza dei Grandi, un utile immediato, un profitto). » (p. 16) 13. « Quanto più mio fratello si avvicina a ciò che io chiamo un comportamento normale […], tanto più il suo modo di agire mi sembra imperfetto. I suoi torpori, balbettamenti e sussulti, proprio quando sono frenati o nascosti, diventano per me, invece che delle proprietà, dei difetti. […] Sento nel suo corpo, una vergognosa volontà di degradarsi a copia, qualcosa di simile al rivelarsi di un suono li latta in un recipiente dorato. È allora che mi sembra finalmente ciò che forse è : il prolungamento mal riuscito di un padre […] e, di conseguenza, una cattiva copia di me. […] Questa intrusione paterna […] è ciò che colma la misura del mio disagio connotandolo d’una lieve, ma ben avvertibile, sensazione di orrore. Così, sul problema della rassomiglianza fra noi, ho finito per mettermi in una posizione incoerente […]. Da un lato impartisco a mio fratello lezioni puntigliose di adeguamento a me stesso, dall’altro cerco di sfuggire agli effetti di quel virtuosismo mimetico, pur istantaneo, che un tempo mi rallegravo di constatare in lui e che oggi mi ripugna segretamente. » (p. 30-31) 14. « D’accordo, è ora che smetta di arrampicarmi in cielo e di cercare fantasmi sottoterra. Lasciamo per sempre tutte queste sciocchezze e andiamocene a pranzo. » (p. 29) 15. Nous reprenons ici une expression que Marina Maggi utilise à propos de Pirandello (« Pirandello e il fratello oscuro », dans Esperienze letterarie, année XXV, no 2, 2000, p. 32-45).

AUTEUR

ISABELLE PAYET Université Stendhal - Grenoble 3, GERCI

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 246

La folie entre autobiographie et fiction. L’altra verità. Diario di una diversa d’Alda Merini

Flaviano Pisanelli

Solo angeli e dèmoni parlano lo stesso linguaggio, da sempre

1 En Italie, l’activité d’Alda Merini est surtout liée à son importante production poétique, qui compte désormais des dizaines de recueils parus en volumes, en plaquettes, en versions de poche ou sur support vidéo1. Une telle diffusion, imposant l’œuvre à l’attention du grand public, montre combien la parole poétique peut, dans une époque de plus en plus habituée à une communication synthétique et parfois dénuée de valeur expressive, agir au-delà du public spécialisé de la critique littéraire. Cependant, l’œuvre d’Alda Merini demeure relativement peu connue à l’étranger. En France, par exemple, jusqu’à présent, aucune traduction de ses ouvrages en vers ou en prose n’a jamais été publiée. Cela dit, il faut tout de même signaler que le succès de la poésie de Merini en Italie et sa diffusion auprès du grand public sont assez récents. En effet, à ses débuts (qui remontent aux années 1950) la très jeune Merini n’avait attiré que l’intérêt de la critique la plus sensible aux voix émergentes. Les deux critiques qui ont découvert l’écriture de Merini sont Giacinto Spagnoletti et Angelo Romanò, qui ont mis tout de suite en valeur la publication du premier recueil intitulé La presenza di Orfeo (1953)2.

2 Alda Merini fait immédiatement preuve d’un caractère inquiet et extravagant, à la fois anticonformiste et fuyant, et d’une marque stylistique aussi bien traditionnelle qu’« avant-gardiste ». Bien qu’elle ne se soit jamais consacrée à des études littéraires, ses vers révèlent, dès le début, une attitude naturelle à l’égard d’une écriture proche de la tradition, qui rendent hommage à ses connaissances musicales dues à l’apprentissage très précoce du piano. Très jeune (Alda Merini n’a alors qu’une vingtaine d’années), elle fréquente un cercle d’écrivains déjà très connus : Giorgio Manganelli, Salvatore Quasimodo, et ensuite Maria Corti. Un certain nombre de critiques

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 247

commence à s’intéresser à son œuvre : Oreste Macrì, Pier Paolo Pasolini3 et .

3 Alda Merini continue pendant une décennie à publier régulièrement des recueils. En abordant de façon très originale les thématiques érotique et mystique, elle affiche une écriture qui s’appuie essentiellement sur une sorte de lyrisme dramatique. Ses vers essayent de donner des réponses à tout un ensemble de questionnements humains, à l’aide d’un langage proche de la dimension orale de la parole4. Ce langage du sentiment et de l’intuition, exprimant la difficulté pour l’homme de se libérer de l’angoisse et de l’inquiétude qui lui appartiennent naturellement, crée un réseau de symboles iconographiques que Merini puise dans la mythologie classique et également dans la tradition biblique, notamment dans l’ancien Testament. Les renvois fréquents aux cultures chrétienne et païenne, donnant lieu à une poésie qui superpose la sphère religieuse et mystique à celle plus physique du corps et de la matière, arrivent à représenter – comme dans la tragédie grecque – les contradictions du caractère terrestre et céleste de l’homme ainsi que le sens de sa douleur5.

La folie comme expérience transitoire du mal

4 Le parcours littéraire d’Alda Merini s’arrête en 1962 à la suite d’une expérience qui change non seulement sa vie privée, mais aussi sa recherche poétique. Elle est d’abord mise en observation dans un hôpital psychiatrique, avant d’être internée dans l’asile « Paolo Pini » d’Affori, un village aux alentours de Milan, sa ville natale. Le silence poétique et littéraire ne se brisera qu’en 1979, lorsqu’elle retrouve sa liberté. L’expérience de l’internement forge une nouvelle poétique et, grâce à l’écriture, elle peut enfin « partager » avec ses lecteurs cette expérience de la ségrégation et de la douleur, qui aura duré environ quinze ans. Pendant ces années, Merini vit dans un « non-lieu » où les hommes considérés comme des malades mentaux, comme des fous, vivent à l’écart de la société.

5 Dès la fin de son internement, elle se remet à l’écriture. Les textes poétiques rédigés entre 1978 et 1983 seront rassemblés en 1984 dans le recueil La Terra Santa, qui sera publié en 1984. Mais les années 1980 marquent aussi la naissance d’une écriture en prose à travers laquelle Merini « raconte » dans l’urgence de la communication ce qu’elle a vécu pendant ses quinze ans d’isolement forcé.

6 En 1986, Vanni Scheiwiller, un grand ami de Merini, publie L’altra verità. Diario di una diversa. Il s’agit d’un texte se présentant sous la forme d’un journal intime dans lequel – à travers une mémoire qui se traduit en écriture – la poétesse revient après une vingtaine d’années sur son expérience de l’internement. Mais ce « diario » est beaucoup plus et beaucoup moins qu’un journal intime : la vie et la littérature se côtoient sans arrêt tout au long de la narration, dans l’effort à la fois cruel et honnête de faire s’exprimer une douleur qui forge une écriture violente et onirique, quoique toujours lucide. L’asile devient aux yeux de Merini le « lieu-non lieu » où des corps, des individus, essayent d’affirmer un « regard autre » sur la communauté extérieure qui habituellement les rejette au nom d’une folie conçue comme critère discriminatoire par rapport à une notion non précisée de normalité.

7 Giorgio Manganelli, dans sa préface à L’altra verità. Diario di una diversa, en dévoilant la nature complexe de ce texte, qui se situe entre l’autobiographie et la fiction, nous permet d’établir une première approche de l’univers de l’asile, lequel perd d’emblée la

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 248

connotation de « lieu6 ». Il ne s’agit pas, pour Merini, de représenter un « lieu », mais plutôt de vivre un « espace » qui, manquant de détermination temporelle et identitaire, ne peut être saisi qu’à travers le vécu et l’imaginaire individuel. La parole descriptive laisse place à une voix qui s’exprime par la force évocatrice du délire, de la cantilène, de l’image se révélant par flash, entre l’ombre et la lumière, telle une épiphanie.

8 Nous accédons à l’intérieur d’un « monde à part », où tout caractère humain disparaît puisque la folie constitue un discrimen entre les dimensions humaine et inhumaine de l’individu. La folie, considérée comme un symptôme de différence, rabaisse l’individu à un état tellement inférieur qu’Alda Merini sera, entre autres, soumise à la stérilisation à l’âge de trente-neuf ans, à la suite d’un accouchement ayant eu lieu à l’intérieur de l’asile. Pourtant, dans cet enfer où l’identité individuelle est humiliée de différentes manières, l’écrivain, en faisant de cet espace un point d’observation privilégié, réhabilite les notions de sacré et d’amour. Grâce à l’écriture, Merini atteint un état de perfection de la douleur qui devient une véritable forme de connaissance, comme Manganelli l’a mis en évidence de façon remarquable dans sa préface7.

9 À travers cette expérience de la douleur, Merini ne cesse de vouloir comprendre les raisons de cet univers déshumanisé et déshumanisant. Son regard, toujours attentif, essaie de pénétrer les personnalités qui habitent l’asile : un enfer qui pousse à adopter un autre regard pour que la vie et les sentiments les plus profonds aient encore un sens. Elle continue, ainsi, à vivre sa condition d’épouse, de mère, de femme, en essayant de ne jamais perdre le contact avec une réalité qui semble s’arrêter au-delà des barreaux des fenêtres de sa chambre, aux pieds de son lit de contention, au-delà des portes de l’hôpital « Paolo Pini », qui demeureront fermées pendant de longues années.

La folie comme forme de révolte, entre isolement et autoexclusion

10 L’internement provoque tout de suite chez Alda Merini une attitude de révolte qui n’est pas comprise par son entourage, comme nous pouvons le constater dans les premières pages du texte8. Dans cet espace clos, il n’y a pas de place pour le discours et le raisonnement : la folie se combat, d’après les idées reçues des hommes normaux, au moyen de l’isolement et de toutes sortes de médicaments. Très rapidement la femme Merini perd son identité d’être humain et, avec elle, l’ensemble des relations qui contribuent à situer l’individu à l’intérieur d’une société.

11 Alda Merini insiste dans plusieurs passages de l’ouvrage sur le langage des sens : il s’agit du seul type de langage qui puisse représenter fidèlement la cruauté des gestes qui dégradent non seulement l’esprit, le « paysage intérieur » de chaque patient, mais aussi son corps, ses pulsions à aimer et à être aimé. Tous les sens sont concernés dans cette forme régressive de l’expression : la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût. Il est souvent question, tout au long de la narration, de l’odeur de l’urine et des selles qui restent longtemps sur le sol des chambres et des couloirs de l’hôpital ; du goût des médicaments que les infirmiers font avaler continuellement aux patients dans le but de les calmer, de les rendre inconscients de la situation qu’ils vivent ; de la vue de corps qui n’ont aucune expression de vie ni de mort ; des hurlements furibonds des malades dus aux électrochocs ou à la contrainte de rester pendant toute une nuit les bras et les

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 249

pieds attachés au lit de contention, pour éviter que ces fous ne traînent dans les couloirs ou qu’ils ne dérangent le personnel soignant9.

12 Le lecteur comprend peu à peu que le traitement médical et acharné n’arrive pas à soigner la folie – si l’on peut véritablement parler de la folie comme d’une forme pathologique précise – mais qu’au contraire, il provoque l’affaiblissement, chez les patients, de toute forme de résistance et de différence par rapport à une sensibilité moyenne, à travers l’humiliation de toute personnalité, de tout besoin humain et de toute sorte de désir. D’où la lourde et sombre atmosphère de cet espace qu’Alda Merini compare à de véritables gironi dantesques10.

13 Dans cet espace de violence et de répression du désir humain, la folie fait tellement peur que les médecins et les infirmiers qui travaillent dans l’asile ne font que se retrancher derrière une attitude de fausse tolérance, de jugement et, parfois, d’indifférence. Cependant, Merini garde toujours un regard attentif qui lui permet de considérer la folie, non pas comme le simple symptôme d’une maladie, mais surtout comme une manière différente d’aborder la réalité, une façon différente de se percevoir et surtout de percevoir l’autre. Cette volonté d’atteindre une « autre vérité » l’amène à opérer une véritable transposition sémantique de l’asile qui devient, dans cet ouvrage, une sorte de « terre promise », de « terre sainte », un « lieu séparé » dans lequel chaque individu demande à sa manière ce dont tout le monde a besoin : de la confiance et de l’amour. Dans la sombre et parfois violente atmosphère de l’asile, Merini essaie de poursuivre la recherche d’une forme « épiphanique » du sacré dans chaque geste, dans chaque attitude, dans chaque manière de souffrir. L’univers clos de l’hôpital « Paolo Pini » d’Affori devient aussi l’image sacrée d’une « réalité parallèle » capable d’exprimer une sensibilité différente, que le monde extérieur refoule. Pour Merini, donc, l’asile n’est plus seulement un « espace », mais il représente plutôt une « manière d’être » que l’on peut vivre au-delà des chambres, des jardins et des enceintes de l’asile11.

14 La folie qu’Alda Merini évoque, est tout à fait particulière ; elle ressemble beaucoup au raptus mystique qui emportait les auteurs des Lauda du Moyen Âge 12, à la folie « supérieure » qui pousse le chrétien à faire de la foi un exercice de vie, comme Erasme de Rotterdam l’écrivit en 1511 dans son Éloge de la folie, en polémiquant contre le fanatisme, le dogmatisme et les évasions mystiques de son époque. Il s’agit d’une folie s’exprimant comme un dispositif qui lie langue et image, esprit et matière, sacré et mondain, dans le but d’interpréter et d’interroger autrement le monde. Cette forme de folie a été évoquée aussi pour d’autres auteurs contemporains qui ont préféré lire le monde d’un côté mystique, par une parole onirique qui s’exprime par les mots et les images, dans une sorte d’association libre et non immédiate qui pourtant relève d’une cohérence inouïe.

15 Nous pensons, en particulier, à la folie de Dino Campana qui a fait couler beaucoup d’encre13 et, de manière différente, à la crise mystique de Clemente Rebora 14. Il s’agit toujours de poètes et d’écrivains qui ont fait du mystique le caractère essentiel de leur recherche littéraire et poétique, et qui représentent des lieux de discontinuité par rapport à la tradition de leur époque. Le même acharnement que les proches de Campana ont exercé sur le poète au tout début du siècle dernier, nous le retrouvons aussi à l’origine de l’internement de Merini qui ne semble être comprise ni par son mari ni par les autres membres de sa famille15.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 250

16 La folie et le fait de vivre à l’écart sont souvent liés par une relation de cause à effet, puisque la folie engendre l’envie de mettre à l’écart celui qui est considéré comme un fou. L’exclusion peut à la longue se transformer en une sorte d’autoexclusion de la part du fou, qui, comme dans le cas de Campana, préfère ne pas intégrer le système culturel et littéraire de son époque, d’où sa polémique parfois très violente avec les auteurs de Lacerba et avec les « vociani 16 ». Chez Alda Merini, au contraire, il y a toujours une tendance à ne pas couper complètement les liens avec la réalité extérieure. La conscience d’avoir les rôles sociaux d’épouse et de mère permet à l’écrivain de maintenir les contacts avec une réalité qui la rejette et qui veut, de son côté, la relever de toute fonction sociale. Merini n’oublie jamais ses enfants qu’elle a dû quitter au moment de l’internement ; ils font toujours l’objet de ses pensées, surtout lors de ses moments de lucidité17.

17 Les rôles de mère et d’épouse restent fondamentaux, quoique son mari ait voulu suspendre tout type de relation avec sa femme pendant la période de l’internement. Cette attitude d’Ettore Carniti, le mari de Merini, montre la réaction la plus immédiate de mise à l’écart du fou : la négation de toute fonction sociale qui l’empêche de se situer par rapport à une communauté et en fait un individu inutile, un méchant bon à rien prêt uniquement à pécher.

18 D’ailleurs, les notions de péché, de mal et de maladie contribuent à créer une image de misère humaine qui n’est même pas digne de la compassion d’autrui, ni de soi-même. Ce type de réaction de la part de ses proches amène Merini à ne plus demander leur présence. La conviction de cette inaptitude à la vie et le sentiment croissant de vivre dans un état de péché créent autour d’elle une situation de total isolement. Elle croit vivre parmi des ombres qui n’ont le droit ni à la vie ni à la mort. Les fonctions vitales deviennent, elles aussi, des obligations ; manger, dormir, se laver, tout geste est une occasion pour humilier et pour rabaisser l’individu à une condition sous-humaine.

19 Dans plusieurs passages de l’ouvrage – nous l’avons dit – Merini fait allusion à un espace qui rappelle l’univers dantesque de l’enfer. Dans cette sorte de limbe, la folie se traduit en isolement, en emprisonnement, en autoexclusion, en séparation du reste du monde. Pourtant, à l’intérieur de cette « réalité parallèle », chaque malade amène ses propres valeurs substantielles et il les garde jalousement comme seule forme de résistance possible contre l’effacement de toute identité et de toute liberté individuelle. Pour cette raison, Merini soutient que l’asile ne peut pas être défini comme un lieu correctionnel puisqu’il n’affiche aucun sentiment d’amour ni aucune notion de sacré.

La folie comme maladie d’amour, le corps face au sentiment du sacré

20 Alda Merini revient souvent sur le sentiment de l’amour qui se décline sous toutes ses formes. Elle revendique aussi bien le droit d’aimer et d’être aimée que le besoin du sacré. En raison de cette absence totale du sacré, elle définit paradoxalement l’asile comme une « terre sainte », puisque personne n’a droit au péché. L’asile devient, ainsi, l’espace de la rédemption, du salut, un paradis créé sur mesure pour que les malades mentaux puissent se racheter de manière définitive. Toutefois, ce paradis d’anges et de démons ne cesse de tout transformer en sentiment de culpabilité : les instincts primaires, les désirs, les sens, le corps, l’esprit. Tout ce qui appartient à l’univers des

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 251

fous représente une faute, d’où le rapprochement entre les pécheurs et les saints. Les deux sont à ses yeux et par définition des « êtres séparés », ceux qui provoquent le scandale en s’éloignant des principes de la morale commune. L’idée de sainteté rejoint ainsi l’idée de monstruosité18.

21 Le besoin d’amour devient une priorité ; il s’agit d’un manque d’amour amical mais aussi sexuel, accompagné d’une envie constante de maternité. Merini évoque, tout au long de l’ouvrage, de nombreux personnages masculins qui font l’objet de ses attentions. D’abord Aldo, puis Pierre, dont elle a un enfant. L’amour est souvent lié chez Merini au sentiment de maternité, quoique les rapports entretenus avec ses enfants restent tout de même problématiques, surtout à partir du moment de leur naissance. Dans un passage du Diario, Merini fait allusion au mythe de Cronos. Elle explique ne pas avoir de problèmes relationnels avec l’enfant pendant la période de la grossesse, mais qu’une fois que l’enfant sort de son corps, elle commence à ressentir une pulsion infanticide. Cette situation l’avait déjà obligée à confier deux de ses filles aux soins d’une tierce personne, tout en essayant de garder des contacts directs avec elles.

22 Mais le désir amoureux devient à l’intérieur de l’asile une façon de rendre le corps vivant, d’affirmer un besoin humain primordial qui était strictement interdit aux malades mentaux. La rencontre avec Pierre, constituant un véritable moment de libération, brise le manque d’amour et rétablit un rapport avec la sphère du sacré. Dans l’univers d’Alda Merini, le sentiment du sacré forme un binôme indissoluble avec l’expression physique et corporelle de l’amour19.

23 Cette relation met en évidence la valeur de l’incorruptibilité face à l’indifférence des gens sains et aux corps des fous déshumanisés et soumis à tout un ensemble de devoirs et de règles. La relation avec Pierre naît après un moment de liberté vécu à l’extérieur de l’enceinte de l’asile. Dans ce passage, Merini insiste sur la présence des roses, se laissant aller à l’un des très rares moments de lyrisme de l’ouvrage. Toutes les inquiétudes semblent disparaître comme par l’effet d’une magie et l’odorat et de la vue sont sollicités par la puissante présence des roses qui occupent tout l’espace. À ce moment précis, Merini évoque l’effet d’une métamorphose, en faisant une fois de plus allusion aux métamorphoses kafkaïennes20.

24 Dans cet élan purement lyrique, la rose synthétise les deux aspects dominants de l’univers mis en place par la folie de Merini : le sacré et l’amour. La rose évoque, sur le plan religieux, l’une des nombreuses appellations de Marie, qui revient par exemple dans les litanies mariales (« rose mystique ») que l’on récite lorsqu’on égrène le chapelet ; mais la rose est en même temps et par tradition la fleur de la passion charnelle et un symbole qui se rattache à la notion de printemps, de prima aetas : l’âge du retour à la vie, de la fertilité. Merini, par ailleurs, se métamorphose en une « ape gonfia ed estremamente forte », manifestement liée à la reproduction des espèces florales et, entre autres, symbole d’attitude laborieuse.

25 Grâce à cette rencontre amoureuse, le plan humain se superpose au plan sacré, comme si dans le mystère divin se cachait le mystère tout humain de l’amour, qui réhabilite la fonction primordiale de la création. Mais avec la vie revient aussi le sentiment opposé de la mort, qui fait également partie de la doctrine du christianisme. D’ailleurs, le répertoire iconographique et symbolique de l’Ancien Testament constitue un leitmotiv récurrent dans l’œuvre d’Alda Merini21. Une fois de plus, nous assistons à la contamination entre les dimensions humaine et divine, dans un langage s’exprimant à

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 252

travers des icônes qui puisent dans la culture chrétienne et dans une tradition païenne d’origine classique.

26 Partant de la négation d’un esprit vidé de toute faculté rationnelle, créative et mystique, et d’un corps dépourvu de toute fonction vitale et physique, la rencontre amoureuse avec Pierre assume une portée miraculeuse. Elle sanctionne un acte de résistance tout en donnant du sens à une douleur qui n’avait jusqu’alors rien créé. Dans l’acte d’amour – qui est à la fois sacré et mystique – Alda Merini réaffirme son désir irrésistible de vivre non pas comme une malade de folie mais comme une femme folle d’amour, et à travers ce désir elle affiche son « regard autre » sur une réalité qui est éternellement soumise à un processus de renouvellement.

De la folie à la douleur, de la douleur à la vérité, de la vérité à la liberté

27 Dans cette dernière partie de l’étude, nous essayerons de comprendre comment la folie se transforme en un processus gnostique et dans quelle mesure elle devient un dispositif permettant le passage de la douleur à l’écriture. Merini nous explique dans son Diario que la nature et les effets des horreurs qu’elle vit dans l’asile l’amènent progressivement à ressentir et à développer un profond sentiment de liberté, qui se traduit après des années en parole22. En effet, pendant son internement, elle n’a jamais cessé de participer au quotidien de cette communauté de fous. Son regard figé sur les différentes personnalités de ce microcosme scrute et s’interroge sur les attitudes non seulement des malades mais aussi des « hommes sains », censés soulager leur douleur et leurs obsessions. L’observation de cette « réalité parallèle » contribue, d’une part, à faire comprendre à Merini ses contradictions intérieures et, d’autre part, à lui faire prendre conscience de la méchanceté du monde extérieur, le même monde dans lequel elle avait précédemment vécu.

28 La coercition, la violence et l’indifférence de l’asile provoquent chez la poétesse un tel dessèchement de son être, de ses désirs, de ses pulsions et de son corps, qu’elles transforment la douleur en une forme parfaite et absolue de connaissance. Comprendre la folie ne veut pas dire pour Merini coller sur un symptôme le nom d’une pathologie, ne signifie pas non plus combattre contre un délire à travers la thérapie sédative de certains médicaments, puisque d’après elle la folie dérive toujours d’une souffrance et, paradoxalement, la souffrance ne connaît pas d’autre antidote que la prise de conscience et par conséquent la compréhension de sa propre douleur23.

29 La douleur devient ainsi une forme de connaissance dans la mesure où la folie n’est jamais considérée par Merini comme synonyme de démence ou de « pazzia ». L’expérience de l’isolement vécu dans un « espace séparé » lui permet de transformer la douleur et la ségrégation en une forme de spiritualité24 capable de détourner l’âme vers d’autres regards portés sur la réalité. L’enfer de l’institut « Paolo Pini » devient un espace de sainteté où les martyrs retrouvent enfin la possibilité d’affirmer une différence qui est à la fois expression du salut individuel et demande infinie d’amour. De cette manière, l’expérience de l’isolement et le sentiment de damnation transforment la douleur en un dispositif de création littéraire et poétique, qui fait de la différence un principe d’identité et de la parole une forme imperfectible d’expression.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 253

30 Cet ouvrage, qu’Alda Merini définit à la fois comme un texte lyrique en prose, une exégèse, une imploration permettant la destruction de toute philosophie et de tout acte conceptuel, dépasse largement le statut de « journal intime », puisque – comme Brigitte Urbani l’a bien mis en évidence25 – la volonté de l’auteur n’est pas d’offrir une autobiographie narcissique qui plaide en faveur de l’extraordinaire valeur de la folie. Le sens conventionnel qui attribue au « diario » une fonction de soulagement à la douleur est largement dépassé, car à travers cette écriture l’auteur veut surtout imposer et réaffirmer la construction d’une identité qui est axée sur le trinôme sainteté-amour- folie. Dans les dernières pages de L’altra verità, Alda Merini revient sur l’importance de l’oubli et de la mémoire. Ils semblent travailler ensemble – et de manière complémentaire – à la reconstitution de l’individu, d’un paysage extérieur et intérieur, qui s’appuie sur les notions d’amour, de sacré et de liberté26.

31 Le domaine de la fiction, du symbole et de la transposition s’entremêlent, donnant lieu à une écriture qui se développe sous le signe dissident de l’onirisme, entre réalité, mémoire et fiction. Dans ce texte, qui affiche dans le titre son caractère « différent- dissident », la mémoire n’enregistre pas d’événements mais, au contraire, elle forge – à l’aide de la parole, d’images et de véritables icônes – un vécu qui s’extériorise à travers un regard libre et figé, là où il n’y a pas de place pour la liberté. De la même manière, Merini réaffirme la fonction et la valeur de l’amour dans un « espace » où toute forme d’amour, toute forme d’expression sacrée et humaine demeurent interdites27. Elle en arrive à dire que le microcosme de l’établissement « Paolo Pini » ne se différencie pas énormément de l’établissement de la « société civile », où la folie se traduit en peur de vivre, en manque de partage, peut-être aussi de liberté28.

32 La grande folie dont Alda Merini fait preuve dans cette « re-création » qui bénéficie du filtre du temps – il faut rappeler que le Diario a été rédigé environ vingt ans après le séjour de l’auteur dans l’asile – se nomme liberté. Il ne s’agit pas de théoriser un concept, une idée ou une pure notion philosophique, car la folie ne demande pas de contemplation abstraite. D’ailleurs, la folie ne prévoit pas les idées de vie et de mort, tout devient essentiel, gestuel et immédiat, et le ton lucide du délire ne fait appel qu’aux notions de corps et de mystère.

33 La folie chez Alda Merini, serait-elle donc un œil supplémentaire capable de réactiver un processus de création et de jeter un « regard autre » sur une réalité plurielle de plus en plus soumise aux formes les plus différentes de jugement, ou serait-elle plutôt l’expression d’un érotisme mystique universel et totalisant ? Serait-elle la frontière d’une communauté qui aurait perdu le sens primordial de la liberté, ou plutôt la réaffirmation d’une manière sacrée d’être dans un espace vague de perdition ?

34 Les questionnements soulevés par cet ouvrage demeurent sans réponses définitives ; cependant, nous pouvons sans doute affirmer qu’Alda Merini vit sa folie surtout comme une mission, un parcours initiatique, une forme de témoignage de l’enfer existentiel des femmes et des hommes qui vivent dans la condamnation de ne pas être libres : L’iniziazione si compiva lì, proprio ai margini della sofferenza più inaudita e noi non avevamo specchi per vedere questo mutamento, ma sapevamo, sentivamo che segretamente avvenivano dei traslati; immutati fermi e ferventi diventavamo via via colonne lucide di agonia, un’agonia che però non preludeva alla morte, in quanto la morte nella follia non è mai contemplata né presa in esame. […] È certo che l’uomo deve sentirsi prima libero e poi padrone anche della propria morte. Poter gestire la propria morte è come poter gestire la propria vita in quanto ci dà la misura del nostro io. (AVD, p. 138-141)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 254

NOTES

1. Nous citons ici, par ordre de publication, les ouvrages les plus importants de l’auteur. Parmi les productions poétiques : La presenza di Orfeo, Milan, Schwarz, 1953 ; Paura di Dio, Milan, Scheiwiller, 1955 ; Nozze romane, Milan, Schwarz, 1955 ; Tu sei Pietro, Milan, Scheiwiller, 1962 ; La Terra Santa, Milan, Scheiwiller, 1984 ; Testamento, Milan, Crocetti, 1988 ; Vuoto d’amore, Turin, Einaudi, 1991 ; Ballate non pagate, Turin, Einaudi, 1995 ; Fiore di poesia 1951-1997, Turin, Einaudi, 1998 ; Superba è la notte, Turin, Einaudi, 2000. Parmi les productions en prose : L’altra verità. Diario di una diversa, Milan, Scheiwiller, 1986, (nouv. édition : Milan, Rizzoli, 1997) ; Delirio amoroso, Milan, il Melangolo, 1989 ; La pazza della porta accanto, Milan, Bompiani, 1995 ; Lettere a un racconto. Prose lunghe e brevi, Milan, Rizzoli, 1998 ; Il ladro Giuseppe. Racconti degli anni Sessanta, Milan, Scheiwiller, 1999. 2. En réalité le début de Merini en tant que poète remonte à la fin des années quarante, lorsque Silvana Rovelli fait lire un petit nombre de poèmes d’Alda à Angelo Romanò. Ce dernier passe les textes à Giacinto Spagnoletti qui décide d’insérer quelques poèmes de Merini dans une anthologie qu’il était en train de publier (Antologia della poesia italiana 1909-1949, Parma, Guanda, 1950). D’autres textes poétiques de Merini ont été publiés l’année suivante par Giovanni Scheiwiller dans le volume Poetesse del Novecento, paru en 1951. Le recueil La presenza di Orfeo est le premier volume de vers publié par Merini. 3. Pier Paolo Pasolini consacre à Alda Merini une partie de l’une de ses études critiques, qui est axée sur l’analyse de différents exemples de poètes orphiques italiens de l’époque contemporaine. Cette étude a été publiée dans la revue Paragone en 1960 et rééditée récemment dans le volume : P. P. Pasolini, Saggi sulla letteratura e sull’arte, Milan, Mondadori, coll. « I Meridiani », p. 572-581. En particulier : « Nous nous déclarons désarmés face à la possibilité d’expliquer cette précocité, cette monstrueuse intuition d’une influence littéraire parfaite. […] Alda Merini vit dans un état d’informité qui relève presque d’une difformité non réfléchie, […] stagnante, archaïque, d’où surgit une voix masculine prête à définir cet état, une fois que le poète s’éveille de l’inquiétude nerveuse de ses sens malheureux. » (p. 580) Nous traduisons. 4. Dans l’introduction au volume Fiore di poesia, Maria Corti, faisant référence aux deux premiers recueils d’Alda Merini, écrit : « De ce volume, nous pouvons profitablement tirer deux réflexions : la première concerne le pouvoir prophétique que le poète dégage de ses vers, surtout dans ceux qui sont plus intimement extatiques, contemplatifs, pour ainsi dire calmes. La deuxième réflexion concerne l’impossibilité de la jeune femme de se libérer de l’angoisse et son impuissance face à une solution rationnelle, qui représentent presque les premiers signes de sa future folie. » (A. Merini, Fiore di poesia (1951-1997), Turin, Einaudi, 1998, p. IX.) Nous traduisons. 5. « Un autre point important – que les tout premiers poèmes allaient révéler – concerne l’expérience de l’amour qui survenait ; il s’agissait d’un amour en même temps mystique et sensuel, toujours parcouru par des frémissements idéalistes. […] La vie pressait aussi bien que l’amour sous forme d’extase, amour pour la culture, pour l’apprentissage de beaucoup de choses qui étaient pour elle hardies et bouleversantes. […] Au moment de sa “découverte”, Merini a su conquérir l’attention générale d’écrivains, de poètes, de critiques, qui ont été tous attirés par la publication de ses poèmes dans la revue Paragone et par le recueil La presenza di Orfeo. Parmi les plus anciens, Betocchi et Ungaretti, Montale et Quasimodo se sont montrés très intéressés et aussi deux remarquables écrivains, comme Anna Banti (qui invita Merini à Florence, où elle n’alla jamais) et Maria Corti. » (G. Spagnoletti, « Alda Merini: da La presenza di Orfeo a La Terra Santa », dans Poesia italiana contemporanea, Milan, Spirali, p. 637-638.) Nous traduisons. 6. « Il Diario di una diversa di Alda Merini non è un documento, né una testimonianza sui dieci anni trascorsi dalla scrittrice in manicomio. È una ricognizione, per epifanie, deliri, nenie,

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 255

canzoni, disvelamenti e apparizioni, di uno spazio – non un luogo – in cui, venendo meno ogni consuetudine e accortezza quotidiana, irrompe il naturale inferno e il naturale numinoso dell’essere umano. » (G. Manganelli, « Prefazione », dans A. Merini, L’altra verità. Diario di una diversa, Milan, Rizzoli, 1997, p. 7.) Dorénavant les références au texte renverront toujours à cette édition, qui sera désignée par AVD. 7. « Credo che di rado sia stata più fermamente sperimentata la qualità empirea della parola impegnata nella ricognizione dell’inferno; la felicità di questo testo di Alda Merini non è altro che l’incontro con la perfezione del dolore; la salvezza è il battesimo verbale della disperazione. […] La vocazione salvifica della parola fa sì che il deforme sia, insieme, se stesso e la più mite, indifesa e inattaccabile perfezione della forma. » (G. Manganelli, in AVD, p. 8-9.) 8. « La sera vennero abbassate le sbarre di protezione e si produsse un caos infernale. Dai miei visceri partì un urlo lancinante, una invocazione spasmodica diretta ai miei figli e mi misi a urlare e a calciare con tutta la forza che avevo dentro, con il risultato che fui legata e martellata di iniezioni calmanti. Ma, non era forse la mia una ribellione umana? Non chiedevo io di entrare nel mondo che mi apparteneva? Perché quella ribellione fu scambiata per un atto di insubordinazione? » (AVD, p. 12-13) 9. Alda Merini insiste sur la dégradation physique et psychologique infligée aux malades mentaux. Elle montre, dans les passages suivants, comment les individus sont privés de leur dignité humaine : « Parevano tutte uscite da un raduno infernale. E io, non so, ma mi sono domandata spesso come mai le malate di mente debbano avere volti così brutti e così inauditi, e se siano i farmaci a procurare quelle sembianze, della qual cosa sono quasi sicura. » (AVD, p. 30-31) ; « Ci allineavano tutte davanti a un lavello comune con i piedi nudi per terra fissi nelle pozzanghere d’acqua. Poi ci strappavano di dosso i pochi indumenti (il camicione dell’ospedale di lino grezzo eguale per tutti, che aveva dei cordoncini ai lati e che lasciava filtrare aria da tutte le parti). Poi le infermiere passavano ad insaponarci anche nelle parti più intime, e ci asciugavano in un comune lenzuolo lercio […]. Io, ogni mattina, davanti a quel lavello e all’odore terribile del luogo, svenivo e venivo ripresa con male parole e buttata sotto l’acqua diaccia. » (AVD, p. 35) ; « La stanzetta degli elettroshock era una stanzetta quanto mai angusta e terribile; e più terribile ancora era l’anticamera, dove ci preparavano per il triste evento. Ci facevano una premorfina, e poi ci davano del curaro, perché gli arti non prendessero ad agitarsi in modo sproporzionato durante la scarica elettrica. L’attesa era angosciosa. Molte piangevano. Qualcuna orinava per terra. » (AVD, p. 85) 10. « Ci si aggirava per quelle stanze come abbrutiti da un nostro pensiero interiore che ci dava la caccia, e noi eravamo preda di noi stessi; noi eravamo braccati, avulsi dal nostro stesso amore. Eravamo praticamente le ombre dei gironi danteschi, condannati ad una espiazione ignominiosa che però, a differenza dei peccatori di Dante, non aveva dietro sé colpa alcuna. Qualcuno dei malati, al colmo della disperazione, tentava di infierire, infierire su se stesso: e anche questo era giudicato malattia, e non si riconosceva al malato il suo diritto alla vita, il suo diritto alla morte. » (AVD, p. 98-99) 11. « Sono le sette del mattino. A quest’ora in manicomio spiavamo la giornata; guardavamo se era bella, e poi non potevamo uscire. Ma almeno coccolavamo in seno per delle ore quella probabilità così umana, così necessaria. Anche qui è giorno. Qui, fuori dalLa Terra Santa, ma come nel manicomio, tu non sai dove andare. Il manicomio non finisce più. È una lunga pesante catena che ti porti fuori, che tieni legata ai piedi. Non riuscirai a disfartene mai. E così io continuo a girare per Milano, con questa sorta di peso ai piedi e dentro l’anima. Altro che Terra Santa! Quella era certamente una terra maledetta da Dio. » (AVD, p. 94-95) 12. La lauda est un texte poétique à sujet religieux dont les moines se servaient pour louer Dieu. Elle se répand en Toscane, en Ombrie et dans le Latium pendant le Moyen Âge, pour ensuite dépasser les frontières de la péninsule. En particulier, Jacopone da Todi (1236-1306) nous laisse 93 lauda d’attribution certaine et un grand nombre d’autres textes en latin et en vulgaire

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 256

d’attribution incertaine. Ses textes poétiques font preuve d’un tempérament violent et extrémiste, surtout lorsque ses ouvrages s’attaquent, sous forme d’invective, à la corruption ecclésiastique et aux différentes hérésies de son époque. Les lauda de Jacopone da Todi révèlent une spiritualité très fervente qu’il oppose aux vices de ce monde dans le but d’exalter les vertus ascétiques et mystiques. 13. Le binôme folie-création littéraire a fait l’objet de nombreux études critiques consacrées à l’œuvre de Dino Campana (1885-1932). Après une jeunesse difficile et de fréquents voyages dans toute l’Europe et en Amérique du Sud, Campana est interné à plusieurs reprises, dès l’âge de vint- et-un ans. Il sera définitivement interné dans l’asile de Castel Pulci en 1918, après avoir publié en 1914 son seul recueil de poèmes, Canti Orfici. 14. Clemente Rebora (1885-1957) poursuit ses études littéraires et philosophiques à l’université de Milan. Après avoir publié son premier recueil Frammenti lirici (1913), il participe à la première guerre mondiale en tant qu’officier de l’armée de terre. Cette expérience provoque chez lui une bouleversante crise spirituelle qu’il exprime dans le recueil Canti anonimi, publié en 1922. Ensuite, il se consacre à la lecture de la Bible, d’auteurs orientaux, des mystiques et sa conversion spirituelle aboutit en 1936 à son ordination sacerdotale auprès de la congrégation des rosminiens. 15. « Insomma ero una sposa e una madre felice, anche se talvolta davo segni di stanchezza e mi si intorpidiva la mente. Provai a parlare di queste cose a mio marito, ma lui non fece cenno di comprenderle e così il mio esaurimento si aggravò, e morendo mia madre, alla quale io tenevo sommamente, le cose andarono di male in peggio tanto che un giorno, esasperata dall’immenso lavoro e dalla continua povertà e poi, chissà, in preda ai fumi del male, diedi in escandescenza e mio marito non trovò di meglio che chiamare un’ambulanza, non prevedendo certo che mi avrebbero portata in manicomio […]. Fui quindi internata a mia insaputa, e io nemmeno sapevo dell’esistenza degli ospedali psichiatrici perché non li avevo mai veduti, ma quando mi ci trovai nel mezzo credo che impazzii sul momento stesso in quanto mi resi conto di essere entrata in un labirinto dal quale avrei fatto molta fatica ad uscire. » (AVD, p. 11-12) Dans un essai consacré à l’œuvre de Campana, Christophe Mileschi, retraçant les étapes de l’histoire de la folie de l’auteur, met en évidence le rôle que les parents de l’écrivain ont eu dans ses vicissitudes psychiatriques. Il écrit : « Le conflit qui opposa Dino à ses parents fut à l’origine de bien des mésaventures, que laisse deviner la fiche établie par la Mairie de Marradi lors de la demande (rejetée) d’internement à l’asile de Florence, en 1909 […]. Le premier internement de Dino Campana n’affiche aucune motivation médicale probante, mais la dénonciation du refus d’un jeune homme de souscrire au statu quo : et sa sanction par la microsociété familiale, elle-même inscrite à l’intérieur de la collectivité citadine de Marradi et soucieuse d’en respecter les schémas normatifs, que l’institution psychiatrique – à son tour expression d’une communauté nationale dont les valeurs sont façonnées de conventions morales, d’archaïsmes culturels et de mensonges officiels – a pour mission de défendre. » (Ch. Mileschi, Dino Campana. Le mystique du chaos, Paris-Lausanne, L’Âge d’Homme, 1998, p. 33, p. 35.) 16. À propos de la polémique entre Campana et les revues florentines et du sentiment d’autoexclusion de l’auteur, Mileschi écrit : « On peut l’imputer, pour les revues La Voce et Lacerba, à l’hostilité qui marqua ses rapports avec Papini et, dans une moindre mesure, Soffici. Et il est bien probable que l’avant-garde florentine ait préféré tenir à l’écart cet artiste impulsif intransigeant, qui dans sa première lettre connue à Papini en fustige les hypocrisies, les mollesses, les compromissions […]. Il écrit aux florentins qu’ils sont une “masse de lèche-bottes, de pédés, de valets de chambre, de ménestrels, de saltimbanques, de journalistes et de philosophes”. Il rebaptise Lacerba en L’acerba (la chose pas mûre), il gratifie les Vociani d’une graphie injurieuse (“voci + ani” : voix + anus) […]. En refusant de se plier aux règles du jeu […], en proclamant son dégoût du marché culturel où règnent “ces misérables suceurs du meilleur sang d’Italie qui s’appellent éditeurs”, ces “salauds”, […] Campana entend rester fidèle à lui-même.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 257

Mais l’intégrité a ici quelque affinité avec la volonté d’échec. Ou, pour mieux dire, la cohérence envers soi-même comporte une préférence accordée au désastre solitaire sur le succès social, qu’il est hors de question de payer d’une monnaie de concessions. » (Ibid., p. 39-41) 17. « Le inquietudini si alternavano alle inquietudini. Correvo spesso a telefonare ai miei figli, quasi fossi costantemente sul punto di perderli. Ma questo non mi dava alcuna pace. I miei figli li avevo inconsciamente smembrati, si erano persi durante quel mio lungo viaggio in manicomio. Altri avevano voluto che la loro immagine fosse così distorta. Non io. E intanto giungevo al parossismo della nevrosi, perché non sapevo dove collocare i miei affetti. » (AVD, p. 89-90) 18. « Noi venivamo saziati di colpa, quotidianamente; i nostri istinti erano colpa; le visioni erano colpa; i nostri desideri, i nostri sensi erano colpevolizzati. Così ridotti, non potevamo che giocare, giocare a fare i mostri oppure i santi, il che fa quasi lo stesso… Ricordo il primo giorno che entrai in manicomio. Fin lì non ne avevo mai sentito parlare. […] E poi tu diventi una di loro e fuori nessuno ti riconosce più e tu diventi il protagonista delle metamorfosi kafkiane. Così la mia bellezza si era inghirlandata di follia, ed ora ero Ofelia, perennemente innamorata del vuoto e del silenzio, Ofelia bella che amava e rifiutava Amleto. » (AVD, p. 104-105) 19. « Ma mentre accarezzavo le rose, sentii una mano vicina alla mia. Era la mano di Pierre. E sentii le sue labbra sulle mie labbra, e la comunione fu così dolce e perfetta che conobbi in quel momento la vera natura di Dio. […] Così, io e Pierre, adagiati sulle rose e sulle spine godemmo del primo amplesso del nostro amore. E fu amplesso che durò millenni, il tempo della nostra esecrazione. E da quell’amplesso senza peccato nacque una bimba. […] Ciò che noi desideravamo in quel luogo dissacrante era di “creare”. […] Ma prima che la bimba nascesse, sia Pierre che Aldo vennero mandati in un cronicario, e io rimasi, senza volerlo, vedova di me stessa. […] Era quello il primo frutto bello, non intaccato, che usciva da un luogo di alienazione. Ma mi fu subito tolta. Oggi la bimba non è con me, ma è mia come non mai. » (AVD, p. 108-110) 20. « E la nostra sofferenza era arrivata fino al fiore, e era diventata fiore essa stessa. Dio!, mi parve di essere un’ape; un’ape gonfia ed estremamente forte. E per ore, inginocchiata a terra stetti a bere di quella sostanza vitale, senza peraltro fiatare, senza dire a nessuno che avevo incontrato un nuovo tipo di morte. Divine, lussureggianti rose! Non avrei potuto scrivere in quel momento nulla che riguardasse i fiori perché io stessa ero diventata un fiore, io stessa avevo un gambo e una linfa. » (AVD, p. 107-108) 21. L’évocation de la tradition chrétienne et ancestrale, de ses images et de ses symboles, pénètre le système poétique, métaphorique et linguistique de l’œuvre en vers et en prose d’Alda Merini. Les titres d’un certain nombre de recueils affichent cette tendance du poète : Paura di Dio, La Terra Santa, Testamento. Dans le poème La Terra Santa, Merini écrit : « Fummo lavati e sepolti, / odoravamo d’incenso. / E dopo, quando amavamo /ci facevano gli elettrochoc /perché, dicevano, un pazzo /non può amare nessuno. / Ma un giorno da dentro l’avello /anch’io mi sono ridestata / e anch’io come Gesù /ho avuto la mia resurrezione, / ma non sono salita ai cieli /sono discesa all’inferno /da dove riguardo stupita /le mura di Gerico antica. » A. Merini, La Terra Santa, Milan, Scheiwiller, 1984. 22. « Da bambina ero di straordinaria intelligenza. Perché adesso la mia anima si era mummificata? Perché aveva assunto l’aspetto di chi non ha parole? Perché era un ectoplasma non facente parte di un corpo fisico? Questi erano i pensieri che azzannavano la mia povera mente, laggiù, al ghetto manicomiale. Senonché, l’azzurro fondo della vestaglia, a volte, me ne traeva fuori. Nell’orrore ritrovavo la libertà delle cose vive, e nell’orrore finivo col morire. » (AVD, p. 113-114) 23. « Di fatto, non esiste pazzia senza giustificazione e ogni gesto che dalla gente comune e sobria viene considerato pazzo coinvolge il mistero di una inaudita sofferenza che non è stata còlta dagli uomini. […] Perché la pazzia, amici miei, non esiste. Esiste soltanto nei riflessi onirici del sonno e in quel terrore che abbiamo tutti, inveterato, di perdere la nostra ragione. » (AVD, p. 115, p. 121)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 258

24. À propos de l’asile conçu comme espace de sainteté et de martyre, Merini écrit : « Ogni giorno diventavo più spirituale e, da quell’immensa vetrata, da quel grande lucernario che illuminava la sala, qualche volta vedevo scendere gli angeli. Quando lo dissi al medico delle terapie mi dette una forte dose di serenase contro le allucinazioni. » (AVD, p. 64) 25. B. Urbani, « Folie d’amour… Aimer à la folie dans le monde d’Alda Merini », Italies, no 3, Aix- en-Provence, université de Provence, p. 40-67. En particulier : « Mais peu importe : la volonté d’Alda n’est pas d’offrir vaniteusement une autobiographie. Pour elle la poésie est essentiellement don de soi, partage d’émotion, communion. Il est vrai que, dans son cas précis, la connaître permet d’apprécier d’autant mieux sa production artistique. Mais on ne doit pas exagérément chercher de qui elle parle, vouloir à tout prix faire un lien entre l’auteur du texte, son contenu et son destinataire […]. Il faut lire et se laisser porter par les images, se laisser bercer par les mots, souffrir ou jouir avec elle. » (p. 43) 26. « È stato scritto con il linguaggio semplice di chi nel manicomio ha scordato tutto e non vuole né vuole più ricordare. Rimane la velata e struggente nostalgia del manicomio come tempio di una aberrante religione. I fatti sono simbolici – e così i protagonisti –, ma l’autrice ancora vive e vorrebbe che questo crimine cadesse dalle carni di chi come lei ha patito e continua a patire il più efferato degli Inferni. » (AVD, p. 131) 27. Tout en gardant une profonde lucidité de l’esprit, dans une atmosphère de douleur parfois contraignante, Merini écrit : « In manicomio il sesso è bandito come sconcezza, quasi come portatore di microbi patogeni e noi per l’appunto eravamo asessuati ma non per questo il nostro sguardo era meno carico di intesa e di sessuali domande. » (AVD, p. 21) 28. « Il manicomio che ho vissuto fuori e che sto vivendo non è paragonabile a quell’altro supplizio che però lasciava la speranza della parola. Il vero inferno è fuori, qui a contatto degli altri, che ti giudicano, ti criticano e non ti amano. » (AVD, p. 135)

AUTEUR

FLAVIANO PISANELLI Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Circe

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 259

Clara Sereni, ovvero l’indecente differenza

Gabriella De Angelis

Una vita a mosaico

1 Nell’introduzione al Taccuino di un’ultimista1 Clara Sereni giustifica così il criterio secondo il quale, nella raccolta, sono stati ordinati i testi da lei scritti negli anni ’80 e nella prima metà dei’90 per diverse riviste e quotidiani: Non fingo alle quattro partizioni di questo libro un’oggettività esterna, ma le dichiaro come i quattro spicchi dei quali, con continui sconfinamenti, mi sembra di compormi: ebrea per scelta più che per destino, donna non solo per l’anagrafe, esperta di handicap e debolezze come chiunque ne faccia l’esperienza, utopista come chi, radicandosi in quanto esiste qui e oggi, senza esimersi dall’intervenire sulla realtà quotidiana, coltiva il bisogno di darsi un respiro e una passione agganciati al domani. La fatica di dare coerenza a queste parti, e gli sconfinamenti dall’una all’altra, sono peraltro la rappresentazione più fedele di una fase diversa da quella di «scrittrice pura» che vantavo fino a pochi anni fa. (TU, pp. 11-12)2

2 Quattro spicchi, dunque, compongono l’identità della scrittrice, il cui vissuto affiora prepotentemente in tutte le opere, al punto da renderne più che mai ardua l’attribuzione al genere dell’autobiografia o a quello della fiction. Una vita «a mosaico», «costruita a tessere mal tagliate», ogni tessera portatrice di una differenza. Ed è, a nostro avviso, l’attenzione alla diversità3 il filo conduttore, la ragione profonda dell’opera della Sereni, come narratrice e come editorialista; così che essa diventa, da una parte, la lente attraverso la quale si legge il mondo e le relazioni tra gli esseri che lo abitano, dall’altra, principio che dà forma alla scrittura, anche a livello stilistico.

3 La Sereni peraltro mette in guardia i suoi lettori, «democratici, di sinistra», contro l’illusione di risolvere i problemi posti dalla diversità, in tutte le sue manifestazioni, con atteggiamenti generici di solidarietà o «buonismo», ma insieme li invita a riconoscere ad essa una sorta di plusvalore, a coglierne la ricchezza: Il pensiero di un mondo più vivibile, il solo in cui i marginali di ogni specie possano avere reali possibilità di vita, è un pensiero complesso, che nella mente dei più è

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 260

stato sostituito dall’idea che basti essere democratici, di sinistra, genericamente solidali, insomma ‘buoni’, perché il problema dei ‘matti’si risolva, automaticamente o quasi. I fatti dimostrano facilmente il contrario. La malattia mentale – come il colore della pelle e il credo religioso, come la tossicodipendenza e la differenza sessuale – ha una sua irriducibilità scomoda e ricca, che deve essere accolta ma che è pernicioso illudersi di cancellare. (TU, p. 76)4

Donna, non solo per l’anagrafe

4 Se già nel primo suo libro, Sigma Epsilon5, la Sereni sperimentava una scrittura segnata dal «genere», è solo con Casalinghitudine6 che la sua ricerca approda a un risultato originale, nella direzione di una specificità della scrittura delle donne.

5 La prima novità dell’opera sta nella sua struttura: Casalinghitudine si presenta come un libro di cucina, in cui ad ogni gruppo di ricette fa seguito un brano che evoca personaggi o fatti significativi della vita dell’autrice. Nel loro insieme, i brani compongono così una sorta di autobiografia, che, sebbene frammentaria e incompleta, trova un’organizzazione nel susseguirsi delle sezioni corrispondenti alle diverse parti di un pranzo e, soprattutto, un ordine simbolico nel suo snodarsi tra la nascita del figlio e la morte del padre, con un’inversione significativa della sequenza cronologica reale. Nell’ultimo capitolo, intitolato Conservare, è la stessa scrittrice a darci la chiave interpretativa del libro: Quando mio padre morì un amico mi scrisse che dovevo accettare di non essere più figlia, tutte le recriminazioni e le rivendicazioni stop, potevo prendermela solo con me stessa. Di fronte a me non c’era più l’Avversario, e non avevo più – anagraficamente – radici. Allora ho pensato che potevo smettere di suicidarmi, potevo perfino permettermi di avere della felicità da regalare, di farmi radice: è nato Tommaso. […] Cerco di radicarmi in me, dipendo puntigliosamente dall’esterno, da persone e cose che non riescono a garantirmi sicurezze. Così la casa – abitudine, solitudine, negritudine – si fa radice vistosa e assorbente: non posso lasciarla a se stessa, non reggo il disordine la polvere il vaso dei fiori vuoto. […] vuotare i posacenere, sprimacciare i cuscini del divano, raccogliere i giochi di Tommaso, annaffiare le piante del terrazzo, sistemare i giornali, spegnere lo scaldabagno quando accendo la lavatrice altrimenti il contatore non regge, cucinare e ospitare, comprare il latte, pulire l’oliera almeno ogni tanto, il cambio di stagione con i vestiti da mettere via, dividere il bianco dal colore prima di mettere i panni in lavatrice, stendere il bucato e ritirarlo, lavare le tende smontarle e rimontarle, attaccare i bottoni, togliere la polvere dai quadri altrimenti è inutile tenerli appesi, comprare il concime per le piante, mettere l’antispifferi alle finestre, sostituire il rotolo finito di carta igienica con quello nuovo, pulire il filtro della lavastoviglie, comprare le pile di ricambio per la sveglia elettrica e per i giochi di Tommaso, togliere le incrostazioni di calcio dalla macchinetta del caffè e dal ferro da stiro, comprare la carta extra-strong e la puntina del giradischi, un detersivo per il cotone un altro per lana seta nylon, sale grosso e sale fino, affettare l’arrosto, grattare il parmigiano: fare argine alle puzze, al degrado, alla frantumazione – e senza questi gesti non si sopravvive, io non sopravvivo. (CAS, pp. 164-165)

6 La casa come radice, dunque, e la casalinghitudine come espressione del ruolo insostituibile delle donne nell’arrestare il degrado del mondo. Le ricette come deposito di quei saperi femminili che, svalutati dall’egemonia di una cultura maschile, sono rivendicati come altrettanto essenziali. In altri termini, per la Sereni non si tratta, o non si tratta solo, per le donne, di riuscire a realizzare il sogno di una stanza tutta per

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 261

sé; si tratta soprattutto di poterlo fare senza essere costrette, per questo, ad amputare una parte importante della loro identità, comune a tutte, al di là delle diversità di ciascuna. Quella identità (di genere) che si è strutturata a partire dal corpo e che dalla corporeità (la nutrizione, la cura) non può prescindere, ma la cui linfa è la storia e la cultura.

7 Così la struttura composita del libro diventa metafora della struttura composita di ogni vita di donna; i diversi ingredienti, necessari per la creazione di un piatto, metafora delle tessere del mosaico in cui si può scomporre ogni essere umano; la ricerca di parole nuove, a partire da quella che dà titolo al libro, e di nuovi linguaggi, fatica essenziale per ri-creare il mondo: Così le mie radici aeree affondano nei barattoli, nei liquori, nelle piante del terrazzo, nei maglioni e coperte con i quali vorrei irretire il mondo, nel freezer: nella mia vita costruita a tessere mal tagliate, nella mia vita a mosaico (come quella di tutti, e più delle donne) la casalinghitudine è anche7 un angolino caldo. Un angolino da modificare ogni momento, se fosse fisso sarebbe morire, le ricette solo una base per costruire ogni volta sapori nuovi, combinazioni diverse. Reinventare unico sconfinamento possibile. Reinventare per non rimasticare. Reinventare per non mangiarsi il cuore. Tutto è già stato detto, tutto è già stato scritto. (CAS, p. 165)

8 Con una scelta apparentemente sorprendente, il libro, che racconta il difficile percorso compiuto da una figlia per costruirsi come persona autonoma e come donna, nei confronti di un padre piuttosto speciale, si conclude con le parole di quel terribile Avversario, tratte da un saggio8 che ricostruisce scientificamente l’origine del piatto tradizionale di Napoli, i maccheroni col pomodoro: illuminante esempio di quella cultura maschile che si appropria della quotidianità, della vita vissuta, per trasferirla sul piano della teoria e che, per parlarne, usa una lingua artificiosa, astratta, addirittura irta di latinismi. È un assaggio di prosa scientifica accostata, perché se ne rilevi la diversità, alla scrittura precisa, ma lineare e concreta, di sapore familiare, aliena dall’uso di parole difficili, che caratterizza tutto il libro. Una scrittura che non è mai sciatta, ma è vivificata dalla presenza di un’emozione e dal desiderio di comunicarla, o meglio, di condividerla.

9 Reinventare la casalinghitudine, dunque ma anche reinventare la scrittura, andando al di là dei confini imposti alle donne, sconfinando: esperienza di sconfinamento è il libro stesso9, che si rivela dunque ben diverso dalla banale raccolta di ricette, destinata a un pubblico di donne, che potevamo aspettarci.

«Madre handicappata»10

10 Manicomio Primavera11 raccoglie molti racconti in cui si riflette l’esperienza di una maternità speciale. Le storie hanno per protagoniste donne che cercano di inventarsi il difficile rapporto con un figlio «diverso» e insieme con il mondo, per superare la vergogna di aver «partorito un prodotto imperfetto». Il racconto intitolato Borderline12 si apre con la sintetica descrizione di una madre che attende all’uscita di scuola il suo bambino, una donna «democratica e di sinistra», perciò disponibile ad accogliere le diversità: Ai saluti, la maestra accennò al bambino nuovo che c’era in classe, diagnosticato borderline13 e certo sofferente, difficile, bisognoso di rapporti. Si offerse subito, malgrado la definizione che non conosceva: però in mente tutta

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 262

una lunga sequenza di diversi che sempre, fin da quando suo figlio era al nido, aveva accolto in casa. […] Indagò con lo sguardo il borderline che si avvicinava: stigmate non ne presentava […]. Normale nel viso e in tutto. Forse un’esagerazione della maestra: borderline in fondo significa soltanto ‘frontiera’, al di qua o al di là dipende magari da come ti trattano. Si rallegrò dell’apparenza, ogni volta camminare per la strada con un segnato da Dio un piccolo disagio glielo dava, più vivo quando non c’era un’altra madre con lei a segnalarne una diversa appartenenza. (MP, p. 37-39)

11 In un primo momento tutto va bene, «nessun segno di difficoltà o stranezza». Ma, una volta a casa, il bambino comincia a incalzare la donna ripetendo ossessivamente la domanda «chi sei?». Lei risponde paziente, pensando di aver individuato nella mancanza di memoria «la linea di demarcazione». Ma non è così. Un’altra domanda, «mi dai da mangiare?», smentisce questa prima rassicurante conclusione e l’inquietudine cresce quando anche suo figlio dichiara di aver fame e la induce ad anticipare la merenda; ma mentre lui mangia con voracità e allegria, l’altro non tocca cibo, insistendo nella richiesta.

12 Disorientata, la donna crede ancora una volta di capire, quando il borderline apre la cartella e resta deluso nel trovare vuoto il pacchetto di wafer, cui evidentemente il suo chiedere faceva riferimento.

13 I bambini tornano ai giochi, ma nel loro modo di giocare la donna percepisce qualcosa di strano, una nota stonata; fanno baccano, battendo gli oggetti in modo ritmato e parossistico. Invano lei li invita a moderarsi, suo figlio replica ed enfatizza il ritmo dell’altro, che continua a ripetere senza posa le sue domande. Il tentativo di trovare diversivi, proponendo giochi e favole, fallisce e la tensione raggiunge il culmine quando i bambini, complici, anzi divenuti improvvisamente uguali, si alleano in un girotondo forsennato che la chiude in un cerchio: i ruoli indossati per anni con scioltezza saltano quando lei, terrorizzata, ricorre a un gesto di violenza, assolutamente inabituale per la mamma che è sempre stata. I bambini reagiscono in modo opposto: – Piantala o ti chiudo al buio. Suo figlio si bloccò, spaventato dal tono e gelato dalle parole […]. Si avvicinò per una carezza, ma il borderline si intromise ridendo, una brutta risata, sonora e incomprensibile. Ecco, il confine era lì davanti: un volo di follia, toccare e toccarsi, mi dai da mangiare. Gli orli slabbrati, le frontiere incerte. Stava per rischiare: scoprirsi, scoprire cosa c’è dietro il filo spinato e le barriere. Rovi e serpenti forse, o magari un tesoro: ma i racconti di chi c’è stato sono imprecisi e inquietanti. Si tirò indietro. Secca, e priva ormai di altri aggettivi, trascinò via suo figlio per un braccio, all’altro intimò: – Non muoverti di qui, – e lo lasciò nella stanza. Suo figlio davanti al televisore, lo sguardo appena inebetito di sempre. Da solo il borderline batteva, domandava, si limitò ad accostare la porta e la frontiera era ristabilita. (MP, p. 41)

14 Una volta ristabilita la frontiera, una volta certa che lei e suo figlio, «sani e normali senza ambivalenze, senza contiguità azzardate», sono saldamente ancorati al di qua di essa, la donna può tornare ad essere accogliente e generosa con l’altra madre che viene a riprendersi il bambino: Perciò quando sulla porta il borderline disse ancora «chi sei?» non ebbe incertezze: – Buono, sta buono – disse paziente accarezzandogli i capelli; – torna pure a giocare, ti farò trovare i wafers. (MP, p. 42)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 263

Ebrea

15 Paura di varcare i confini, dunque, terrore di scoprire qualcosa di spaventoso (qualcosa di sé?) nell’incontro con l’altro. Queste sembrano essere anche le ragioni della protagonista di Ebrei, un racconto che fa parte di un libro di alcuni anni più tardi, Eppure14.

16 Una ragazzina di buona famiglia, di indole solitaria, rafforzata nel suo isolarsi da una madre cui non piace «il cortile, con quel confondersi di abitudini e parole», scopre all’improvviso l’amicizia: al liceo una compagna, che appare inoffensiva in quanto è «quasi una copia di se stessa», l’aiuta, senza esserne richiesta, ad ottenere i buoni voti cui aspira. A poco a poco le barriere sembrano sgretolarsi, le due ragazze diventano inseparabili, fino ad essere soprannominate «le gemelle» e l’intervallo dell’estate risulta difficile da vivere in solitudine; tanto che, guardando dalla finestra con invidia le ragazzine del cortile, scalmanate e sudate, la protagonista non resiste e chiede di scendere anche lei; ma ne viene drasticamente dissuasa («non vorrai mica mischiarti con quelle lì»), per cui si rassegna a riempire il tempo imparando «senza gioia, senza interesse le abilità di sua madre».

17 Arriva finalmente l’inizio del nuovo anno scolastico, ma qualcosa di sgradevole, e complicato da capire, si frappone fra lei e l’amica: Poi Zarfati non venne a scuola né a casa sua per i compiti: un giorno, due, tanti. Quando tornò aveva un’aria seria sul viso che la faceva più grande […] confusamente e con imbarazzo disse di articoli apparsi sui giornali, di leggi, di politica, di preoccupazioni che avevano i suoi genitori: cose lontane, difficili, che lei non poteva pensare riguardassero la loro amicizia. No, proprio non poteva pensarlo. Per questo, quando lesse la paura negli occhi dell’amica la incoraggiò sull’interrogazione e la pagella: rifiutandosi a ogni sua altra preoccupazione. Fra loro scese un silenzio pesante, una distanza di cui non riusciva ad immaginare le ragioni. (EPP, p. 48)

18 Poco dopo, la scomparsa definitiva della compagna, su cui la ragazza preferisce non indagare, viene vissuta come tradimento intollerabile e conferma dell’opportunità di erigere barricate intorno alla propria tranquillità: Dalla scuola altri scomparvero, insegnanti e allieve. Senza clamori, e se vi furono commenti lei riuscì a non sentirli, presa da quel dolore soltanto suo. Però c’era qualcosa, nell’aria di novembre. Qualcosa che l’inquietava, un sospetto di spavento che attraversava le sue giornate e le rendeva inutile lo studio. Con una scusa e qualche fatica convinse sua madre ad accompagnarla nel quartiere dove abitava Zarfati. Proprio lì, vicino a via Arenula. Vicoli stretti e bui, muri che si stringevano verso l’alto, soffocanti per chi abitava in quelle case. I pochi passanti camminavano a testa bassa rasente i muri, frettolosi. Qualche voce di venditore, un richiamo: anche nei sussurri si percepiva una differenza, vocaboli incomprensibili e inauditi. (EPP, p. 50)

19 La voglia di correre incontro a Zarfati, intravista attraverso il vetro di un negozio, sembra essere, per un attimo, più forte della paura della diversità; ma la ragazzina, trattenuta dalla madre, non ce la fa ad attraversare la soglia e le «parole incomprensibili: – Baruchù barushemà…» di una filastrocca, che le arrivano dall’interno, rafforzano l’impressione del tradimento e la decisione di rinunciare ad avventurarsi verso l’ignoto.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 264

20 Da quel momento, «fu bene attenta a che niente del genere le capitasse mai più. […] Un’accortezza diffidente la tenne sempre al riparo da ogni rischio. Le tinte tenui furono la sua scelta: per eleganza diceva lei, preoccupata di contrasti eccessivi. […] Delle vite degli altri pensò di non doversi immischiare» (EPP, pp. 51-52).

21 La rivelazione delle ragioni del supposto «tradimento» dell’amica avviene molti anni dopo, in occasione di una merenda che la protagonista, ormai nonna, ha preparato per la nipote e una compagna di scuola. Ma questa rinuncia a un panino col prosciutto e dichiara come motivo un’appartenenza ormai non più indicibile: – Noi il prosciutto non lo mangiamo, siamo ebrei. Un sussulto nella memoria, un collegarsi di notizie che aveva allontanato da sé. Lo spalancarsi improvviso e abissale di una possibilità, una spiegazione, un motivo: le convinzioni e le difese di una vita intera messe in dubbio da una parola sola, ebrei15. Per quella possibilità, che mai prima aveva accettato di considerare, in un attimo la vita le si confuse, cambiando di senso e di significato: la strada percorsa smarriva le proprie ragioni, e spuntava una voglia di colori vivi e solari, sconvolgente. (EPP, p. 54)

22 Ma basta un attimo, e un bicchier d’acqua, e la protagonista, «ancorandosi alle certezze di sempre […] recuperò pian piano la sicurezza della voce stentorea e delle scelte che aveva compiuto». Per difenderle, queste scelte, che le hanno regalato una vita incolore16 ma tranquilla, la donna fa in modo che la nipote non arrivi a rinsaldare il legame con la compagna e la induce sulla strada che la farà simile a lei: – Sai, disse, e la voce suonava saggia, – non è questione, ma è sempre meglio non mischiarsi… – Con chi? – chiese la bimba. – Con chi non conosci bene, non sai chi è: magari vai a incrociare abitudini differenti dalle tue, e puoi trovartene male. […] – A me il prosciutto mi piace, disse la bambina, come concludendo un suo ragionamento. – Però mi va bene anche il parmigiano. Lei sospirò, cercò le parole per raccontarle Zarfati, il tradimento, la sparizione […]. – Il mondo è più complicato di come te lo immagini tu – e anche meno buono. Sotto il peso di quella sentenza la bambina s’incupì […]. Sulla porta, al momento di salutarsi, nonna e nipote si diedero appuntamento come sempre al giorno dopo, all’uscita della scuola: e se voleva far venire qualche altra compagna lei non avrebbe avuto difficoltà. Preoccupata di preservarla da ogni delusione, con un buffetto, la nonna come scherzando si raccomandò: – Ma non farmi impazzire con merende strane, siamo intesi? (EPP, p. 55)

Utopista

23 A questa donna senza nome assomiglia molto Giulia, una delle protagoniste de Le Merendanze17, l’ultimo romanzo della Sereni; in esso la scrittrice sembra voler delineare un mondo diverso (utopico?), un mondo in cui le donne, forti dell’esperienza della diversità che le connota da sempre, nel corpo e nell’anima, diventino capaci di reinventare le relazioni 18, a partire dall’accettazione e dall’accoglimento di tutte le diversità.

24 Giulia è una donna di mezza età, che stenta a riempire le sue giornate dopo che il marito l’ha lasciata. A interrompere la monotonia non bastano le rare visite dell’unico figlio, che peraltro la costringono a faticose corvées in cucina, come vediamo nell’incipit del romanzo:

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 265

Il grosso coltello cala con regolarità sulla fetta di filetto, spessa e sanguinolenta. Tanti colpi fitti, netti, prima in orizzontale, poi in verticale. Arrivata al margine, lì dove una minuscola scaglia di grasso macchia appena di bianco il rosso compatto della carne, Giulia fa ruotare di quarantacinque gradi quasi esatti il tagliere, in modo che anche i colpi sulle due diagonali cadano precisi, e nessuna fibra sfugga al suo destino. Con il dorso del coltello, attenta a non perdere neanche una goccia del sangue che suo figlio considera prezioso, trasferisce in una terrina la carne ormai ridotta in poltiglia. Su un tagliere diverso dispone qualche fetta di cipolla insieme a un ciuffo di prezzemolo e un pugno di capperi sotto sale che ha messo opportunamente a bagno mezz’ora prima. Le cipolle la fanno piangere (con il mixer potrebbe evitarlo), pure le riduce in poltiglia con la mezzaluna inseguendo sul tagliere capperi e prezzemolo, e anche questo mescola alla carne: con metodo ed energia, benché il manico della forchetta le infiammi e indolenzisca il palmo della mano. […] E gira, gira: ma soddisfatta, perché nella terrina c’è ormai un composto perfettamente omogeneo. Due foglie di prezzemolo e una rondella di carota per guarnire: copre l’opera con un piatto, la ripone nel frigorifero. Pensa che col frullatore sarebbe venuto più vellutato, e più in fretta, ma il palmo enfiato della mano è come il pegno che paga a suo figlio, all’uomo della sua vita così esperto di cucina da imporle le preparazioni che considera sane ed energetiche. Anche quando, fra taglieri e terrine, per preparare una semplice bistecca alla tartara finisce che il lavello è pieno di roba da lavare, e su una mattonella spicca – rosso – uno schizzo di sangue. Il sangue le ha sempre fatto orrore (anche il suo, quando c’era). Vorrebbe cancellarlo […]. Ma può sperare che il disordine dell’angolo cottura non lo infastidisca, pranzeranno nel tinello, tutto tirato a lucido. […] E intanto lei non dovrà star lì a trafficare, potrà farsi bella per lui, e aspettare a mani ferme che lui si sieda a raccontarle il mondo. (MER, pp. 9-11)19

25 Per quanto avvilita dalla percezione della mancanza di senso, Giulia è tuttavia ben decisa a difendere la tranquillità della sua casa ordinata; finché un giorno l’invito del Vescovo a un gesto di solidarietà concreta con gli «ultimi», la induce a progettare di aprirne le porte a donne straniere, ospiti di una Casa d’Accoglienza. Ma la diffidenza è difficile da superare («Ma tu che dici, è pericoloso… Che pensi, ci si può fidare a… Insomma, io non faccio venire mai nessuno e adesso proprio gli immigrati… Però visto che la Curia… Magari l’argenteria la levo, i soldi in giro tanto non li…», MER, p. 32); e arduo è trovare il coraggio di mischiarsi con chi, in quanto diverso, è percepito come pericoloso («la sua idea di immigrati – paurosa – erano gli arabi sulle scalette del Duomo, i traffici presumibilmente di droga. Le liti, improvvise e calorose. Maschi, pericolosi», MER, p. 51).

26 Per vincere la paura Giulia fa ricorso ad altre donne, più vicine a lei sul piano sociale, ma portatrici ognuna di scelte e storie diverse: Laura, soddisfatta e fiera del nido accogliente che ha saputo costruire per il marito e i figli, ma irritata dalla convivenza obbligata con una mamma non più autonoma; Lucilla, avvocata di successo, che comincia a pagare il prezzo della sua indipendenza affettiva ed economica; Francesca e Caterina, una coppia diversa, che l’insorgere della malattia mentale e le difficoltà economiche rischiano di mettere in crisi.

27 L’incontro con le immigrate non manca di lasciare tracce nella vita di ciascuna di loro e insieme, tutt’e cinque, decidono un’iniziativa destinata a raccogliere fondi per la Casa di Accoglienza: un mercatino fatto con gli oggetti che esse stesse realizzeranno e rallegrato da una merenda-pranzo, un merendanzo, da preparare col contributo delle donne della Casa20.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 266

28 Così quei saperi delle donne, quei mille gesti di cui è fatta la casalinghitudine, rischio perenne di negritudine e solitudine, trovano visibilità e forza nell’affermarsi necessari allo costruzione di un mondo tutto colorato, dalle tinte forti e contrastate, dove i sapori e le lingue si intrecciano, le persone si mischiano, le vite e le sofferenze degli altri ci riguardano21; e lo sconfinamento diventa la regola, le frontiere e i muri stretti e soffocanti vengono abbattuti e la differenza, non più indecente22 (quindi da non vedere, da tacere, da cancellare) diventa una ricchezza.

29 Le Merendanze riprende così i temi fondamentali della scrittura della Sereni, primo tra tutti quello del cibo23, cui a livello simbolico è attribuito il ruolo di connotare un’identità, individuale o collettiva24; ma che, nel concreto, non è mai uguale a se stesso, può essere mescolato, modificato, reinventato all’infinito. Perché sia scongiurato il rischio di «rimasticare», di «mangiarsi il cuore»: I sogni, angosciosi o rosei, appartengono soltanto al privato […]. L’utopia no, l’utopia non è qualcosa che si possa vivere nel chiuso della propria animuccia. L’utopia non può che essere pensata, costruita, sognata insieme ad altri: qui sta la sua forza, e questa è la ragione per cui gli incubi peggiori non bastano a cancellarla. […] Le donne, l’ecologia, l’handicap, le diversità: le lenti per guardare all’utopia e costruirla insieme non sono invecchiate con gli anni e le esperienze, e invece la maturità che hanno acquisito è pronta a essere utilizzata al meglio. (TU, p. 129)

NOTE

1. Cl. Sereni, Taccuino di un’ultimista, Milano, Feltrinelli, 1998. D’ora in poi abbreviato in TU. 2. In questa citazione, come nelle successive, corsivi e grassetti sono nostri, a meno di diversa indicazione. 3. «Diversità» ha in genere una connotazione più negativa rispetto a «differenza», ma noi useremo indifferentemente l’una o l’altra parola. 4. Il testo prosegue così: «Se l’eredità di una concezione egualitaristica del mondo è evidentemente difficile da scalzare, non è però più accettabile che le elaborazioni e le disperazioni che le diversità inducono restino chiuse nelle camere stagne di chi questi problemi vive giorno per giorno. Di questo parlava Basaglia quando diceva che i manicomi impoverivano il mondo di tutti; di questo, credo, è necessario parlare oggi…» 5. Cl. Sereni, Sigma Epsilon, Padova, Marsilio, 1974; il libro è stato in un certo senso rinnegato dall’autrice e mai più ristampato. 6. Cl. Sereni, Casalinghitudine, Torino, Einaudi, 1987. D’ora in poi abbreviato in CAS. Un’analisi interessante del romanzo si trova in S. Kolsky, «Clara Sereni’s Casalinghitudine: the politics of writing. Structure and intertextuality», in Italian Quarterly, 1997, n. 34, pp. 47-58. Si veda anche G. Menozzi, «Food and Subjectivity in Clara Sereni’s Casalinghitudine», Italica, vol. 71, n. 2, 1994, pp. 217-227. 7. Il corsivo è del testo. 8. E. Sereni, Note di storia dell’alimentazione nel Mezzogiorno: i Napoletani da «mangiafoglia» a «mangiamaccheroni», in Terra nuova e buoi rossi, Torino, Einaudi, 1981.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 267

9. «… la scrittura resta una grande trasgressione per le donne…»: così la Sereni nell’intervista contenuta in AA. VV., Conversazioni di fine secolo, Milano, La Tartaruga, 1995, pp. 159-173. Sconfinamento assai più grave l’assunzione di cariche politiche, storicamente riservate agli uomini: di questa esperienza e della difficoltà di conciliare i nuovi ruoli con quelli tradizionali è testimonianza il romanzo Passami il sale, Milano, Rizzoli, 2000. 10. Così si definisce la scrittrice, avvertendo come l’handicap del figlio si rifletta inevitabilmente sulla madre, e non solo per effetto dello sguardo degli altri che a lei lo collegano. 11. Cl. Sereni, Manicomio Primavera, Firenze, Giunti, 1989. D’ora in poi, MP. Sui racconti della Sereni si veda A. Morini, «I racconti di Clara Sereni: dall’altra parte del muro», Narrativa, septembre 1999, n. 16, pp. 73-91. 12. Ibid., pp. 35-42. 13. Il termine, straniero, è sempre in corsivo nel testo. 14. Cl. Sereni, Eppure, Milano, Feltrinelli, 1995. D’ora in poi, EPP 15. Il corsivo è del testo. 16. A «gli incolori» è dedicata la prima sezione di Eppure, op. cit. 17. Cl. Sereni, Le Merendanze, Milano, Rizzoli, 2004. D’ora in poi, MER. 18. A pieno titolo la scrittura della Sereni ci appare improntata a quella «poetica della relazione» delineata nei libri di Edouard Glissant, ad es. Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1990, e Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996. 19. La preparazione di una bistecca alla tartara è descritta accuratamente negli ingredienti e nelle procedure, in un modo che ricorda Casalinghitudine. Qui però la ricetta s’integra nel corpo del romanzo ed evoca, attraverso i gesti e gli utensili, le sensazioni fisiche che ogni donna che sia mai stata in cucina riconosce come un’esperienza sua; un’esperienza per molte quotidiana, cui non si attribuisce eccezionalità, che tuttavia consente la realizzazione di vere opere d’arte: Giulia, l’artista, copre il suo capolavoro con un panno, in attesa del figlio, il critico che emetterà il giudizio. Ma la scena è piena di sangue e lacrime, a rappresentare in modo fin troppo evidente quel sacrificio delle donne che è, prima di ogni altra cosa, sacrificio del loro corpo, poi del loro tempo e della loro anima; un sacrificio consumato spesso, del resto, con la loro stessa complicità, come il caso di Giulia dimostra. 20. Le donne immigrate hanno mani abituate alla fatica e senza il loro aiuto, difficilmente le cinque signore potrebbero venire a capo dell’impresa; ma la creatività di tutte ha modo di esprimersi nelle abilità diverse e, ancora una volta, nella preparazione di cibi in cui si mescolano tradizioni e gusti: così come il dolce e il salato si mescolano nel cuscus di cui Giulia, finalmente arrischiatasi all’assaggio, riesce ad apprezzare l’originale sapore. 21. L’espressione è anche il titolo di un libro collettivo sull’handicap, che contiene, tra l’altro, il racconto che la Sereni fa della vicenda di suo figlio: si veda Diario, in AA. VV., Mi riguarda, Roma, Edizioni e/o, 1994, pp. 101-125. 22. Ho preso in prestito l’espressione «indecente differenza» da uno scritto di Alessandra Bocchetti apparso nel Sottosopra del 1987 (Milano, Libreria delle Donne), dove il termine si riferisce alla sola differenza di genere. 23. Per un’analisi più completa del motivo tematico del cibo in tutta la narrativa della Sereni (e sul rapporto tra scrivere e cucinare) si rinvia a un nostro saggio di prossima pubblicazione. 24. Si vedano, come esempio, i due racconti analizzati sopra.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 268

AUTORE

GABRIELLA DE ANGELIS Université de Provence - Aix Marseille 1

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 269

L’umano e l’animale in Il pianeta irritabile di Paolo Volponi

Andrea Inglese

1 Comincerò il mio intervento con una citazione di un brano di , recuperato da Mario Barenghi tra le carte di preparazione della raccolta di saggi Una pietra sopra del 1980. Più precisamente, si tratta di un frammento che avrebbe dovuto far parte di un articolo apparso su Repubblica il 15 aprile 1980 con il titolo «Sotto quella pietra» e ora antologizzato in appendice alla raccolta di saggi dello stesso anno, nell’edizione dei Meridiani. Quanto dice Calvino, come sentirete, non riguarda direttamente Volponi, ma sintetizza in modo estremamente lucido e onesto una condizione generale, in cui sono venuti a trovarsi scrittori e intellettuali italiani all’altezza degli anni Settanta. Scrive Calvino: Gli anni Settanta ci hanno abituato a una visione della società come fallimento d’ogni progetto politico, caduta di ogni maschera di rispettabilità, improvvisazione economica, sgretolamento sociale, violenza sub-ideologizzata, riserve di vitalità elementare e spinte suicide. A questa assuefazione all’ambiente, la risposta d’una letteratura che non sia mimetica, a rimorchio dell’esistere, non si vede ancora quale potrà essere. Tutto avviene per i giornali e sui giornali: nasce in Italia un nuovo giornalismo degli scrittori e anche il nostro Autore vi partecipa (negli anni tra il 1975 e il 1978 anche in prima pagina, sul Corriere della Sera) senza alcuna soddisfazione particolare, perché il linguaggio della volontà di morte invade tutto e assorbe anche il linguaggio di ciò che resta della volontà di ragione, ormai costretto a ripetere le recriminazioni e le prediche di ogni fattaccio. […] Vedere la società umana in una prospettiva antropologica che situa la cronaca che ci tocca vivere in scala con le grandi fasi plurimillenarie del passato e del futuro; vedere la letteratura nei suoi nessi con le funzioni elementari della strumentazione simbolica delle culture umane, questo è il quadro in cui sono si sono andate situando negli anni Settanta le riflessioni dell’autore1.

2 Ho scelto questo passo inedito, perché ha il vantaggio di condensare in poche righe il discorso che Calvino, in «Sotto quella pietra», svolge e articola per alcune pagine. Due sono le cose che ci interessano particolarmente. La prima riguarda la crisi della «funzione dell’intellettuale», così come Calvino e altri scrittori italiani l’avevano immaginata e sperimentata dal dopoguerra in poi. Con la fine degli anni Sessanta, viene

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 270

ad esaurirsi l’ipotesi secondo cui la pratica di una certa letteratura, che definiremo genericamente «impegnata», è connessa con la costruzione di una società più giusta e razionale. Tale ipotesi era per lungo tempo rimasta valida, anche laddove esistevano sensibili differenze tra scrittori, critici o intellettuali di partito, sul modo in cui intendere il nesso tra letteratura e società. Ora, questo nesso viene meno, in ragione di due nuovi fattori. Il primo riguarda l’evoluzione dei saperi e, in particolar modo, delle cosiddette scienze umane. Tra queste ultime, Calvino cita la linguistica, l’antropologia strutturale, la semiologia: tutto quel territorio di discipline che a lui si era reso visibile, dall’osservatorio francese, già a partire dagli anni Sessanta. Il bagaglio umanistico dello scrittore italiano, anche corretto e ampliato attraverso la lezione marxiana, non pare più fornire gli strumenti adeguati per dare senso al divenire della civiltà industriale e a tutte le contraddizioni, i conflitti, le anomalie nazionali che in essa si manifestano nel tornante decisivo degli anni Settanta.

3 La prima conseguenza di questa nuova condizione, è il venir meno nella fiducia del proprio ruolo «civile» e «pedagogico». Calvino, per primo, riconosce l’inefficacia delle «recriminazioni e delle prediche», a cui lo scrittore è ormai ridotto dal pulpito di qualche autorevole quotidiano nazionale. L’esito di questa esperienza è un definitivo scetticismo. Quanto mai onesto, Calvino scrive in «Sotto quella pietra»: «m’ero reso conto che il mondo era cambiato e che non avrei più saputo dire dove stava andando»2. A spingerlo verso queste posizioni, è stato senza dubbio anche un altro fattore, legato all’ondata di contestazione giovanile e di agitazione operaia, esplosa con il’68 e proseguita negli anni seguenti. Alla crisi dei saperi si aggiunge la perdita d’autorità dell’intellettuale in quanto tale, quasi sempre avulso, come lo furono in quegli anni gli stessi quadri dei partiti istituzionali di sinistra, da quelle variegate forze popolari, che si esprimevano ora in forme nuove e autonome.

4 Sappiamo, però, che di fronte a queste traumatiche trasformazioni sociali e culturali, c’è anche chi, come Pasolini, rivendica in modo temerario proprio la funzione di «pedagogo», a costo di trovarsi sempre più isolato, in un ruolo che nessuno più si fida ad interpretare in forme così combattive.

5 Nonostante sia in parte consapevole dei limiti dei propri strumenti d’analisi, Pasolini sembra non voler rinunciare fino all’ultimo al compito di predicatore, anche quando questo implicherà l’assunzione di attitudini provocatorie e scandalose. Pasolini, infatti, sembra meno scosso dalle nuove forme di specializzazione del sapere, e più ossessionato da un altro tipo di fenomeno: quello che lui definisce, con termine solenne ed estremo, il «genocidio culturale». E proprio in una lettera aperta indirizzata a Calvino, sul Mondo del 30 settembre 1975, Pasolini esporrà ancora una volta quelle che, per lui, sono le ragioni più profonde della crisi, non solo dell’intellettuale di sinistra, ma di tutta la società italiana e della sua variegata cultura popolare. Cito da Lettera luterana a Italo Calvino: È cambiato il «modo di produzione» (enorme quantità, beni superflui, funzione edonistica). Ma la produzione non produce solo merce, produce insieme rapporti sociali, umanità. Il “nuovo modo di produzione” ha prodotto dunque una nuova umanità, ossia una “nuova cultura”: modificando antropologicamente l’uomo (nella fattispecie l’italiano). Tale “nuova cultura” ha distrutto cinicamente (genocidio) le culture precedenti: da quella tradizionale borghese, alle varie culture particolaristiche e pluralistiche popolari3.

6 Questo passaggio è doppiamente significativo, nel contesto di questo convegno. Esso rimanda innanzitutto all’ampia sintomatologia di quei processi di sradicamento e

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 271

omologazione, che hanno investito la società italiana, e più in generale l’Occidente capitalistico, in ragione di una mercificazione del mondo e della vita sempre più capillare e diffusa. Pasolini, come spesso Franco Fortini proprio in quegli anni gli ricordava aspramente, non era in grado di spingersi verso un’analisi approfondita di questo «nuovo modo di produzione». Egli si limitava soprattutto a registrarne e a denunciarne gli effetti. Sappiamo anche, però, che attraverso Petrolio, il romanzo-fiume rimasto incompiuto, Pasolini si riproponeva di ricostruire, almeno per quanto riguarda la realtà italiana, gli ingranaggi economici e politici che avevano portato a questa trasformazione.

7 Accantonando l’analisi delle cause del «mutamento antropologico», che in questa sede non ci interessa, formuliamo invece la domanda per noi più pertinente: come risponde la letteratura, l’invenzione romanzesca in particolare, a un mondo dove non solo gli oggetti mutano, ma le relazioni tra gli uomini, e in definitiva gli uomini stessi? Ritorniamo allora all’inquietudine di Calvino, per una letteratura «a rimorchio dell’esistere», ma di un esistere che ha perso la sua densità e varietà, per profilarsi come esperienza stereotipata o come oggetto in serie. In altri termini, si chiedono Calvino e Pasolini, e con loro l’autore di cui soprattutto voglio parlare, Paolo Volponi, come è possibile raccontare la realtà, se essa sta subendo, nel nuovo mondo capitalistico, un annientamento delle sue determinazioni particolari, delle sue innumerevoli differenze, geografiche e storiche, religiose e culturali, linguistiche e sociali? Tutti gli scrittori italiani, attivi nel corso degli anni Settanta, si trovano confrontati a questo problema, che tocca l’impianto formale e linguistico dell’opera, ancor prima che quello tematico. Il problema più generale, infatti, non riguarda il «come raccontare questa trasformazione», ma con quali strumenti specifici raccontare una qualsiasi vicenda, avendo come riferimento questo mondo ormai trasformato.

8 Fin dal suo esordio come romanziere, con Memoriale del 1962, Volponi si presenta come un narratore-poeta alla strenua ricerca di un discorso narrativo non mimetico, capace di sfuggire a dettami del realismo e ad ogni illusione di una restituzione unitaria e composta dell’esperienza umana nel mondo industrializzato. Nei suoi romanzi degli anni Sessanta che, oltre a Memoriale, includono La macchina mondiale del 1965 e Corporale del 1974, ma con stesura iniziata intorno al’66, Volponi ottiene la scomposizione del modello realistico del romanzo, in virtù di un potenziamento estremo del punto di vista soggettivo. Il culmine di questa strategia narrativa è realizzato con Corporale, dove saltano radicalmente le coordinate spaziali e temporali che permettono il facile inquadramento della vicenda narrata. L’istanza narrativa oscilla tra la prima e la terza persona, caratterizzandosi per un pensiero che procede quasi sempre per libere associazioni. Il risultato è quello di una disintegrazione dell’io quanto dello scenario in cui questo si muove, scenario che mantiene comunque una riconoscibilità storica e che non si dissolve nel puro e semplice delirio del protagonista.

9 Per molti versi, Corporale è dunque già da considerarsi la risposta volponiana a quella violenta trasformazione della realtà e a quella frantumazione delle categorie intellettuali, che costituiscono sia per Calvino che Pasolini la sfida maggiore che gli anni Settanta lanciano agli scrittori italiani. Ma è di un romanzo successivo di Volponi, che voglio parlarvi. Si tratta de Il pianeta irritabile apparso nel 1978, ma la cui stesura risale al’76. (Ricordo di sfuggita, che tra Corporale e Il pianeta irritabile, Volponi scrive Il sipario ducale, un romanzo che, polemicamente, si vuole «tradizionale» e si caratterizza per una ripresa di moduli narrativi più semplici e lineari. Di fronte all’ostracismo di

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 272

critica e pubblico incontrato da Corporale, Volponi reagisce confezionando un intreccio più leggibile, sovrapponendo i caratteri del romanzo storico e d’attualità).

10 Il pianeta irritabile presenta degli aspetti che lo avvicinano al Sipario ducale e altri che rimandano invece alla produzione più sperimentale. Si configura, innanzitutto, come un romanzo a metà strada tra il genere di fantascienza e quello della favola allegorica, ma condotto con il ritmo incalzante di una narrazione picaresca. Il testo è quindi composito dal punto di vista dei generi e si rifà ad una duplice ed apparentemente inconciliabile prospettiva: a quella popolare della letteratura di fantascienza e a quella, di tradizione illuministica, della leopardiana «operetta morale» e del conte philosophique. Lavorare, sovrapponendo generi di storia e caratteri così diversi, significa ovviamente ottenere risultati quanto meno inaspettati, in quanto, come sempre avviene nella modernità letteraria, la poetica d’autore assorbe e plasma a suo favore i generi codificati, piuttosto che uniformarsi ad essi. Dunque, Il pianeta irritabile è un romanzo, nel senso pieno del termine, costituito dall’amalgama di più sottogeneri, ma non riducibile ad uno solo di essi.

11 Rimane però da chiarire la necessità che impone al nucleo tematico scelto da Volponi, di essere sviluppato narrativamente nelle forme della fantascienza o della favola allegorica. Delimitiamo innanzitutto questo nucleo. Esso ci rinvia, ancora una volta, alla citazione di Calvino e all’esigenza di sfuggire da una «cronaca dell’esistente». La soluzione proposta è «vedere la società umana in una prospettiva antropologica che situa la cronaca che ci tocca vivere in scala con le grandi fasi plurimillenarie del passato e del futuro». Sappiamo che Calvino realizza questo progetto attraverso due raccolte di racconti: Le Cosmicomiche del 1965 e Ti con zero del 1967. In entrambe le opere, l’unità di misura della virtù affabulatoria non è la società industriale e consumistica uscita dalla storia recente, ma le immani metamorfosi del cosmo e i tempi lentissimi del suo divenire. Anche Il pianeta irritabile è costruito intorno all’idea di rompere i limiti dell’antropocentrismo, immaginando delle vicende che coinvolgano forze remote ed estranee, come lo sono ormai divenuti gli animali, quelli non domestici e non in cattività negli zoo e nelle riserve «ecologiche». Come Calvino, dieci anni prima, anche Volponi sente, sul finire degli anni Settanta, l’esigenza di allontanare e dirigere altrove l’immaginazione rispetto alla vita in società e alle sue vicende sempre più povere, uniformi e ripetitive.

12 Il procedimento di Volponi, però, non assomiglia a quello di Calvino, e ne è per certi aspetti il suo rovescio. Calvino scrive, ad esempio, presentando nel 1968 La memoria del mondo e altre storie cosmicomiche: «Io vorrei servirmi del dato scientifico come d’una carica propulsiva per uscire dalle abitudini dell’immaginazione, e vivere anche il quotidiano nei termini più lontani dalla nostra esperienza»4. Volponi non assumerebbe in modo così acritico e neutrale il «dato scientifico», utilizzandolo poi come eccitante dell’immaginazione. Per lui, infatti, come si evince da una serie di saggi scritti a cavallo tra gli anni Settanta e Ottanta, la stessa pratica scientifica è coinvolta nel processo di svuotamento della realtà e di smarrimento dell’uomo che egli constata nella società attuale. Questo convincimento non lo spinge a rimpiangere un mondo pre-scientifico, ma gli impedisce di avere un approccio puramente strumentale alla scienza. Quest’ultima, come Calvino sembra ignorare a metà degli anni Sessanta, è per Volponi parte del «problema». Ecco cosa scrive in Etna: natura e scienza, un articolo apparso nel 1983: «La natura è mutata nel corso di milioni di anni, facendosi sempre più bella e fertile secondo la distinzione e il riconoscimento degli uomini. Anche la scienza è

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 273

mutata, ma quasi soltanto per arricchire se stessa e per ridurre gli uomini alla mercé sua e dei suoi maghi»5.

13 In queste poche parole, troviamo già in forma sintetica un’opposizione concettuale che ricorre costantemente nella riflessione saggistica di Volponi e che si pone, quindi, come importante riferimento anche nella fase dell’invenzione narrativa. Il primo termine chiave è «riconoscimento» che compare appaiato a «distinzione». La natura si evolve, muta, in quanto muta anche l’uomo che costituisce, in qualche modo, il suo specifico agente di variazione e articolazione. Ciò che qui più conta è il forte nesso di reciprocità che coinvolge la natura e l’umanità in un processo dinamico, di cui la conoscenza umana è parte attiva, fattore di spinta.

14 L’altro termine chiave riguarda la scienza, ossia la sua tendenza ad «arricchire se stessa». Volponi individua in questo aspetto, la tara profonda della società capitalistica, tara che appartiene alla natura stessa del capitale: la scienza, come lo stato, l’industria, e infine il capitale, sul quale ogni altra realtà si modella, sono governati da una dinamica di puro accrescimento, chiusa su se stessa, avulsa da ogni dialettica di riconoscimento o reciprocità d’azione. In altri termini, il capitale, e le sue manifestazioni settoriali (industria, scienza, stato), risponde alla logica dell’identità astratta e dell’immobilità, annullando ogni forma di divenire molteplice e concreto. In un articolo del 1977, La grande crisi e la crisi minore, Volponi denuncia il tentativo del «potere economico» di «sovrapporre i propri termini a quelli storici, di identificarsi un’altra volta con il potere dello Stato e tornare ad essere tutto, principio e fine»6.

15 Il percorso di «allontanamento» intrapreso da Volponi non risponde quindi alle motivazioni «scettiche» di Calvino, ma ad una ben più radicale intenzione critica, che non risparmia neppure i «dati» della scienza. Non solo, ma a differenza delle due raccolte di racconti calviniane, che reintroducono nel cuore stesso del più remoto o microscopico lembo di universo figure e situazioni umane, Il pianeta irritabile è la storia di un’evacuazione della propria umanità realizzata da uno degli ultimi essere umani viventi su un pianeta sconvolto dalle guerre atomiche. Calvino, come ricorda Claudio Milanini, «rimane convinto dell’impossibilità di pensare il mondo se non attraverso figure umane […] e rivendica quindi […] l’antropomorfismo delle sue invenzioni»7. Volponi lavora, invece, lungo tutto il romanzo a evidenziare l’estraneità del mondo animale e naturale nei confronti dei disegni umani. Ma su questa potente traccia leopardiana, s’innesta un motivo tipicamente novecentesco: la figura distopica di una società umana, tecnologicamente avanzata, a cui spetta un destino di distruzione non solo dell’uomo stesso, ma dell’intero universo vivente. La potenza maligna non è più insita nella natura, ma nell’artificio tutto umano, di cui la bomba atomica è il sommo paradigma.

16 Vediamo, ora, come questo nucleo tematico complesso si risolva sul piano dell’intreccio. La vicenda si svolge sulla terra, nell’anno 2293. Ne è protagonista un piccolo ed eterogeneo gruppo di esseri viventi, di cui fanno parte Epistola, un babbuino che ha funzione di capo, Plan Calcule, un’oca dalle sviluppate capacità logico- matematiche, Roboamo, un dottissimo elefante, e Mamerte, un nano sfigurato. L’ambiente presenta le caratteristiche di uno spazio naturale selvaggio, in gran parte disabitato, dal quale emergono, di tanto in tanto, relitti di una civiltà tecnologicamente avanzata. La voce narrante ci rende poi consapevoli che una lunga serie di catastrofi e di guerre si è susseguita sul pianeta, prima che esso assumesse il suo aspetto definitivo e spettrale. Oggetto della narrazione è il viaggio che il gruppo intraprende in occasione

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 274

dell’ultima catastrofe planetaria. Tutti e quattro, infatti, provengono da un circo in cui, salvo il nano, erano costretti in cattività. All’interno della società degli uomini, però, il nano svolgeva la funzione più bassa e ripugnante, quella del raccoglitore di escrementi. Egli, quindi, viveva tra i suoi simili già come uno schiavo, un mezzo uomo, anche in virtù della sua «diversità» fisica. Nel gruppo degli animali, poi, egli continuerà ad essere trattato come un essere inferiore, ma per tutt’altra ragione che il suo nanismo. Egli è un rappresentante di quella specie umana che non solo è stata responsabile, nel circo, di crudeltà verso di loro, in quanto animali, ma che è colpevole della distruzione dell’intero pianeta.

17 Se il punto d’avvio del viaggio è il circo, ossia una microsocietà gerarchica e crudele, che rispecchia perfettamente l’ingranaggio dell’intera società umana, almeno nel suo rapporto di dominio e sfruttamento dell’altro da sé, il punto d’arrivo è un utopico regno, verso cui Epistola guiderà l’intero gruppo, anche a costo del sacrificio di sé. La narrazione si chiude prima che tale regno sia raggiunto, e quindi esso rimane l’immagine di un altrove, rispetto al regno dell’uomo e alla logica dell’identico che lo ha caratterizzato. Ma ciò che conta non è il compimento del viaggio, l’approdo ad un rinnovato equilibrio tra gli esseri viventi e il cosmo, ma il purgatoriale travaglio e movimento che costituisce lo specifico oggetto della narrazione. Per questa ragione, Il pianeta irritabile rimane un romanzo sospeso tra distopia e utopia, tra evocazione della suprema catastrofe e visione di un mondo nuovo e sanato. Ciò che a Volponi veramente interessa è il percorso che si realizza tra questi due estremi, un percorso che è frutto di una conversione o che comunque ne disegna il difficile tragitto.

18 Ad un primo sguardo, potrebbe sembrare che tale cambiamento di stato riguardi esclusivamente Mamerte, l’elemento umano, e quindi corrotto, del gruppo. È lui, innanzitutto, che deve compiere una palinodia dell’umano, rovesciando fuori da sé quanto appartiene all’ambito della ragione astratta, strumentale, e quindi anche all’ambito del linguaggio, che di quella ragione è condizione necessaria. Il gesto che segna in modo esemplare il rifiuto di Mamerte della propria umanità, è il sacrificio del suo «capitale simbolico» più prezioso: la poesia della suora di Kanton.

19 Al passato del nano, appartiene un’unica storia d’amore, che assomiglia per il suo carattere grottesco a certe storie d’amore che riscontriamo nei romanzi di Samuel Beckett e in particolare in Malone muore. In Volponi, come in Beckett, l’amore ha il carattere di una pura e rude «comunicazione carnale», da cui è esclusa ogni forma anche elementare di «sublimazione»8. Per questo motivo, durante il periodo in cui il nano e la suora, all’interno di un ospedale, realizzano ripetutamente i loro incontri erotici, nessuno scambio linguistico avviene tra i due. Come in Beckett, l’abbassamento comico spinto fino alla figurazione grottesca del rapporto amoroso garantisce un residuo d’innocenza, laddove ogni intrusione del linguaggio e del portato simbolico, culturale, che esso veicola, ripiomberebbe i personaggi all’interno di attese e attitudini stereotipate ed inautentiche.

20 Nel momento dell’addio, però, quando Mamerte è costretto ad abbandonare l’ospedale, la suora gli affida una poesia scritta in ideogrammi su un foglio di carta di riso. Attraverso il dono, ella restituisce al rapporto una dimensione «simbolica». Questo testo, scritto in un linguaggio sconosciuto, diviene però per Mamerte uno straordinario capitale, qualcosa di astratto, indefinito, inutilizzabile, ma che racchiude in sé tutto il valore incommensurabile di quel rapporto amoroso, e del passato in cui esso è sepolto.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 275

21 Durante tutto il viaggio, dal circo degli uomini e al regno di Epistola, il nano custodisce nel segreto assoluto questa sua proprietà. A differenza di tutto l’armamentario di oggetti poveri, di cui è grande raccoglitore, il foglio di riso non possiede, fino all’explicit del romanzo, alcun valore d’uso. Mamerte è un instancabile manipolatore d’attrezzi propri ed impropri, grazie ai quali si trae d’impaccio nelle situazioni più difficili, ma la poesia della suora di Kanton non viene mai coinvolta in un rapporto pratico, di necessità materiale, con il mondo. Essa appartiene ad una sfera altra, superiore. Ma a conferma dell’avvenuta conversione di Mamerte, il suo «capitale simbolico» cambierà di statuto. Esso verrà dissipato come nutrimento, riconquistando così un «valore d’uso». Le ultime righe del romanzo sono dedicate alla solenne spartizione del foglio di riso. Il nano lo divide tra sé ed i suoi due amici superstiti, l’elefante e l’oca9, per poi inghiottirlo. Assistiamo, dunque, all’ultimo ed esemplare «abbassamento»: la parola scritta, che inaugura in ogni cultura la presa di distanza dell’uomo dall’ambiente, permettendo l’accumulo sovraindividuale dell’esperienza, viene qui cancellata in favore del suo supporto materiale. Il simbolo, che si realizza nel rinvio ad un altrove condiviso di nozioni, è qui ricondotto alla sua pura natura fisica, di traccia materiale su di supporto. Ed è in virtù di questa riduzione, di questo abbassamento che, all’ordine simbolico di un mondo ormai respinto dalla piccola società dei sopravvissuti, subentra il trionfo di una condivisione tutta concreta, fisiologica, del cibo nell’attimo presente. L’elementare ragione animale, che si manifesta nella puntuale e circoscritta risposta ai bisogni, s’impone sulla ragione umana. Quest’ultima, infatti, ha finito col produrre, nel tempo, un deleterio e catastrofico sradicamento dalla sua base naturale.

22 Lo scioglimento del romanzo si realizza con l’incontro dei quattro con il governatore e l’ultimo drappello di uomini superstiti. Si tratta, in realtà, di un incontro impossibile, in quanto il governatore e i suoi uomini non sono più in grado di riconoscere l’altro da sé, altro uomo, o altra specie, o altra forma di vita. Il governatore non può che incontrare possibili sudditi o schiavi, ossia individui da assoggettare ai propri scopi, da includere nel proprio copione ideologico. Egli è cosciente che l’umanità ha distrutto se stessa ed il proprio mondo attraverso la guerra. Ma il futuro che vuole costruire è fatto ad immagine e somiglianza del passato. Ecco le parole che indirizza agli animali e al nano, credendo di avere a che fare con altri uomini superstiti: Tale dramma è adesso storico: non c’è più ambiente, non c’è più differenza! Io solo posso guidarvi a salvamento. Amici o nemici non ci sono più! C’è solo l’umanità. Chi è vivo può venire con me dall’altra parte: salire con me sul razzo che ci porterà su un mondo nuovo e migliore. Là potremo ricominciare e rifare la storia. Dio è con me. La storia è con me. (PI, 156)

23 Si scorge più che altrove, in queste scene conclusive dell’intreccio, il disegno didattico che anima l’invenzione volponiana. L’apice negativo della storia umana è la cancellazione dell’ambiente, ossia delle infinite differenze che lo costituiscono. Lo sfruttamento di ogni settore del pianeta, sottoposto all’unica logica del valore di scambio e del profitto, culmina con la distruzione atomica. Ma l’umanità stessa, la residua umanità sopravvissuta, è ormai cronicamente vittima del suo smarrimento, e non pare neppure capace, in mezzo alla catastrofe, di riconoscere le proprie colpe. «C’è solo l’umanità!», sentenzia il governatore, e con essa rimangano in piedi, intatte, le ideologie che hanno giustificato la sua hybris nei confronti della natura: Dio, alibi metafisico alla superiorità della specie umana su tutto il creato, e Storia, alibi idealistico che assegna al caotico divenire umano un preteso sviluppo verso la perfezione.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 276

24 All’inutile arringa del governatore, Mamerte risponde con una vera e propria invettiva: L’artificiale come artificiosa ragione del potere e non come ricerca e scienza. Perché l’artificiale scientifico ritorna naturale; vicino anche alla buona merda! Mentre il tuo artificiale resta sempre e solo artificiale, e per reggere come tale deve continuare a aumentare i propri artifici e staccarsi come potere dal naturale. (PI, 170)

25 Il nano ha compiuto ormai il suo percorso di liberazione da un’identità amputata, che pretendeva attraverso la forza dell’artificiale di scindersi dalla propria dimensione animale. Ma cancellando in sé l’animale, l’uomo finiva col rinunciare alla forma più elementare di contatto e intimità con l’ambiente. Solo questo contatto e questa intimità con le varie forme di vita animali e vegetali possono permettere un più misurato sviluppo dell’artificiale, attraverso innanzitutto la comprensione e il rispetto per la differenza, per ciò che rimane irriducibile alla presa dell’uomo.

26 Il nucleo poetico di questo romanzo è dunque costituito da un percorso di «abbassamento grottesco» a cui è sottoposto un eletto tra gli umani: il nano, uomo mancato, imperfetto, mostruoso. Proprio perché non sufficientemente uomo, il protagonista è colui che meglio si presta a compiere questo percorso di «ritrovamento» della propria animalità. Ma la dialettica tra umano e animale finisce per coinvolgere gli animali stessi, ossia i due animali che sopravvivranno allo scontro violento con il governatore e i suoi uomini.

27 Con la morte di Epistola e del Governatore, è come se si annientassero le due opposte e fondamentali spinte distruttive che attraversano il romanzo: quella dell’uomo che nega l’animale, e quella dell’animale che a sua volta, per sopravvivere, deve negare l’uomo, ormai assurto a pericolo numero uno dell’intero pianeta. Ecco allora compiersi il viaggio, con il raggiungimento del regno. Ma quest’ultimo, prima ancora di essere uno spazio fisico, è una figura relazionale, un tipologia di rapporti interni al gruppo. Così lo annuncia la voce narrante: Tutti questi gesti venivano compiuti, singolarmente o insieme, anche per saggiare la dimensione del nuovo gruppo e quella dei nuovi rapporti. Perché ciascuno potesse trovare la propria posizione e la misura adatta dentro la nuova figura sociale. Tanto più che nessuno pensava di poter guidare e governare come capo assoluto. In questi gesti ciascuno voleva provare di esistere per quel che era, e intendeva inoltre dichiarare ed esprimere il proprio senso di parità con gli altri. (PI, 184)

NOTE

1. I. Calvino, Saggi, a cura di M. Barenghi, Milano, Mondadori, 1995, t. II, pp. 2934-2935. 2. I. Calvino, Saggi, op. cit., t. I, p. 404. 3. P. P. Pasolini, Lettere luterane. Il progresso come falso progresso, Torino, Einaudi, 1976, p. 183. 4. I. Calvino, Romanzi e racconti, a cura di M. Barenghi e B. Falcetto, Milano, Mondadori, 1992, vol. II, p. 1300. 5. P. Volponi, Romanzi e prose, a cura di E. Zinato, Torino, Einaudi, 2002, vol. II, pp. 705-706. 6. P. Volponi, Scritti dal margine, Lupetti, Manni, 1995, Milano, Lecce, p. 58.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 277

7. Cl. Milanini, Introduzione, in I. Calvino, Romanzi e racconti, op. cit., vol. II, p. XXIII. 8. «La suora non volle mai una parola, e negò qualsiasi forma di comunicazione che non fosse carnale […]. Tutto avveniva nel cesso come il proseguimento della soddisfazione di un bisogno corporale.» (P. Volponi, Il pianeta irritabile, Torino, Einaudi, 1978, p. 23. D’ora in poi PI.) 9. «Svolse il foglio adagio, con molta attenzione; lo ripiegò in modo diverso e poi lo strappò per dividerlo in due parti: una grande tre quarti e una un quarto. Consegnò quella più grande a Roboamo e divise ancora la più piccola in due: ne diede un pezzo all’oca e l’altro lo tenne per sé. Lo stirò ancora, gli soffiò sopra angolo per angolo, lo rialzò verso la luce, se lo accostò al buco e cominciò a mangiarlo.» (PI, 186)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 278

Tra cavalli, elefanti, leopardi. Le «forme della differenza» nel bestiario dell’ultimo Moravia (1980-1990)

Chiara Lombardi

A ritroso

1 Su si mettono spesso in evidenza due aspetti, che associano verità evidenti a qualche pregiudizio: la facilità di scrittura, che potrebbe apparire frutto di un pensiero intuitivo e immediato, poco attento a un’elaborazione intellettuale più profonda e strutturata, e l’attenzione alla sessualità, che spesso figura sfacciatamente, per alcuni morbosamente, in forme sempre diverse pur con alcune costanti. Entrambe queste caratteristiche non si possono del tutto smentire, ma meritano, a mio avviso, ulteriori specificazioni e approfondimenti, in parte già offerti dalla critica degli ultimi anni, italiana e anche straniera, a testimonianza della risonanza internazionale dell’opera dell’autore1.

2 È mia intenzione approfondire questi due aspetti in romanzi che sono stati scritti negli ultimi dieci anni di vita di Moravia e in rapporto a un punto di vista particolare, quello dell’animal analogy, ovvero delle trasformazioni metaforiche dei personaggi in animali, e del loro possibile significato o molteplicità di sensi. Vorrei, inoltre, procedere, per così dire, ‘a ritroso’, cominciando dall’ultimo romanzo di questo autore, La donna leopardo, al quale – secondo Siciliano, che ne ha curato l’introduzione – Moravia aveva apposto la parola fine proprio nei giorni in cui morì, il 26 settembre 1990 2. In base ad alcune osservazioni suggerite da questo testo sull’argomento, passerò poi a considerare più brevemente L’uomo che guarda (1985), La cosa e altri racconti (1983) e Lettere dal Sahara (1981), che raccolgono gli articoli scritti per «Il Corriere della Sera» dall’autore come inviato speciale in Africa dal 1975 al 1981.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 279

Lo specchio e il felino

3 L’intento di procedere a ritroso da La donna leopardo non è casuale, ma risponde alla sensazione che quest’ultimo testo suggerisca – proprio a partire dall’animal analogy – alcune riflessioni che si diffondono lontano, agli altri romanzi, e permettono una riconsiderazione della scrittura di Moravia e della sua attenzione alla sessualità. La storia, appunto, è in apparenza ‘semplice’, ma risulta poi sapientemente costruita su visioni colte e figurate allo specchio, che rimandano a una corrispondenza di ‘duplicazioni’dotate di un effetto di reale triste e mortificante, a cui si contrappone una più vitale discesa metaforica nell’oscuro, nell’animale, con le sue contraddizioni, la sua forza e con certi segreti portatori di inquietudine ma anche di sorpresa e di felicità.

4 Lorenzo deve partire per il paese africano del Gabon, nei giorni di capodanno, ma il suo viaggio «si annunziava problematico a causa dell’indecisione di Nora», sua moglie (p. 5). Ed è l’indecisione stessa della donna che fa scaturire, dalla prima riga del libro, la storia e, per prima cosa, l’indagine del marito («Ma Lorenzo voleva sapere almeno che cosa si nascondeva dietro quel “non me la sento”», ibid.), l’insistente e serio interrogatorio che, però, la donna trasforma in un gioco3: “Se domanderai qualcosa che non è vero, io ti dirò: acqua, acqua, sai, come nel gioco, se ti avvicinerai alla verità dirò: fuoco, fuoco”. Lui disse, scoraggiato: “Ti piace sempre giocare, a te”. “Sì, mi piace giocare, che male c’è?” (pp. 6-7)

5 Va comunque specificato che l’incertezza rimane tale per alcuni giorni, fino a quando una sera, prima di andare a letto, «spinto da un impulso improvviso», Lorenzo non si decide a «costringere» Nora a dare delle spiegazioni (p. 5). In quel momento, prima che lei si diverta a «giocare», la sua figura gli appare in un’immagine sintetica e, al tempo stesso, triplicata da una lampada a tre luci, su tre specchi (pp. 5-6), preludio a una serie di successivi rimandi e corrispondenze intertestuali. Subito dopo, è Nora che si guarda ripetutamente allo specchio, come fanno molti personaggi femminili di altri romanzi dell’autore4, «con una specie di buona volontà infantile» (p. 6), ma anche per compiacersi – in una prospettiva da dramma barocco5 – del gioco che sta inscenando, proprio come l’Armida della Gerusalemme Liberata gode della sua seduzione e del potere che esercita su Rinaldo, a lei completamente devoto, soltanto compiacendosi della propria immagine in uno specchio (XVI, 20 sgg.).

6 In tutto ciò, sembra a Lorenzo – uno di quei personaggi di Moravia che rientrano nello stereotipo dell’«idiota» di Dostoevskij, il «tipo positivamente perfetto»6, anche questi alle prese con una donna, Nastas’ja, la quale gli suggerisce che «la bellezza è un enigma»7 – di scorgere «qualche cosa di oscuro e di reale che lui non poteva rinunziare a conoscere» (p. 7). Il gioco prosegue e la conversazione tra i due personaggi contribuisce a sciogliere, almeno in parte, l’incomprensione, e a introdurre una coppia in un certo senso speculare a quella di Nora e Lorenzo, rappresentata dai loro compagni di viaggio: Colli (presentato solo per cognome) e la moglie Ada. Il motivo per cui Nora esita a partire per l’Africa, infatti, sembra essere un ambiguo «presentimento» (p. 10) che le ispira proprio Colli, direttore e proprietario del giornale per cui scrive Lorenzo.

7 A questo punto la storia si arricchisce di ulteriori stimoli e spessore, perché le rappresentazioni «allo specchio» si estendono dalla semplice funzione descrittiva di ritrarre in modo narcisistico e potenziato le figure del testo fino a sottolineare la dinamica dei loro rapporti. Già dal primo incontro delle due coppie, Lorenzo accosta le

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 280

potenzialità di seduzione e la vivacità della moglie Nora a quelle di Colli, «dicendosi», invece «che lui e Ada erano due specchi che riflettevano Colli e Nora o meglio due doppi che non potevano non ripetere i gesti degli altri due» (p. 28). Altrove Lorenzo spiegherà, associando all’idea dello specchio proprio un paragone tra sé e Ada e gli animali: «Siamo due scimmie che si specchiano in loro» (p. 61). Da un punto di vista non più descrittivo ma narrativo, lo specchio materialmente sparisce, ma figura in forma implicita sotto altri due aspetti: 1) in occasione del gioco delle coppie che si svolge nella realtà e nella fantasia gelosa di Lorenzo (tra lui e Nora, tra lui e Ada, tra Nora e Colli, tra quest’ultimo e la moglie Ada); 2) come elemento strutturale di un romanzo quasi a spirale, che quindi torna su se stesso per osservarsi, ripetersi e meglio delinearsi, in una serie di corrispondenze che legano, proprio come un serpente che si morde la coda, l’inizio e la fine, sul genere di Pale Fire di Nabokov.

8 Attraverso le avventure che portano i quattro personaggi in viaggio nel Gabon e poi in aereo a Mayumba, con una sosta quasi obbligata nella foresta equatoriale, infatti, vengono alla fine riproposte alcune metafore usate da Lorenzo per chiarire la propria posizione di voyeur di fronte all’esuberanza del vero o presunto flirt degli altri due. Una di queste è quella che ritrae Nora come un felino, prima delineata come tale («il cuore di Nora, così enigmaticamente felino» e per «il solito gioco erotico dell’amore a quattro zampe», pp. 46-47), poi identificata nella «donna leopardo», quando Colli e Lorenzo vedono «due luci fosforescenti, circolari» irrompere dalla foresta («Gli occhi di Nora», pensa il marito, p. 108). Tuttavia, è proprio la presa di coscienza di questa analogia, che a poco a poco prende corpo nel corso del romanzo, a permettere a Lorenzo di riconquistare la donna che ama, non più respingendone ma accogliendone con coraggio proprio i tratti più pericolosi, quelli felini, già delineati all’inizio del romanzo (pp. 5-6), e notati per la prima volta durante una conferenza da lui tenuta, quando Nora era tra il pubblico: Pareva un ragazzo per via dei capelli biondi tagliati cortissimi in modo da formare come un casco d’oro intorno al volto dai tratti smussati, efebici, quasi maschili. Poi, durante la conferenza, aveva notato altri particolari: gli occhi della ragazza dalla testa d’oro erano di un azzurro risplendente ma ansiosamente fissi e come privi di sguardo. Questi occhi insieme con la forma del volto stretto alle tempie e largo alla mascella davano alla faccia un aspetto che si poteva facilmente chiamare felino. Sì, aveva pensato Lorenzo, la ragazza seduta in prima fila aveva qualcosa del gatto e anche di un felino più grosso, la pantera o il leopardo. Aveva appena fatto questo paragone che si era accorto quasi con paura che adesso, invincibilmente, non parlava più per il pubblico, ma per la ragazza dalla testa d’oro. (pp. 113-114)

9 Sembra possibile vedere qui balenare un ricordo – nel trapasso dagli occhi ai capelli, che più esplicitamente delineano il paragone con la pelliccia animale – di racconti come Passion dans le désert e La fille aux yeux d’or di Balzac, autore letto da Moravia durante la lunga malattia della sua adolescenza, la tubercolosi ossea8. Un ricordo di Paquita Valdés, la La fille aux yeux d’or – «una donna dalla bellezza selvaggia» 9, con gli occhi «gialli come quelli delle tigri», «un giallo oro che brilla, oro vivo, oro che pensa, oro che ama e vuole assolutamente venirti in tasca»10 – che fa pensare a come ha definito la donna di Moravia: «selvaggia, ma prima di tutto selvaggiamente puttana»11.

10 Non credo, comunque, che questo giudizio vada inteso in senso morale, ma semplicemente descrittivo, tanto più se lo si applica a un personaggio come Nora, sempre ambivalente, ora indifesa come quando si protegge da un gesto violento di Lorenzo scatenato dalla sua gelosia, «come un animale selvaggio preso in trappola», ma

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 281

anche, poco dopo, con il volto di un «cobra in collera» (p. 53). Inoltre, la metamorfosi immaginaria in animali riguarda tutti i personaggi di questo libro, non soltanto Nora: in primis la stessa Ada che, nel suo triste tentativo di emulare Nora e di intraprendere con Lorenzo un rapporto speculare, viene avvicinata e respinta «come una vacca» (pp. 72 e 90), già disegnata in un lugubre e poco vitale contrasto di bianco e nero (p. 23). A motivare questa analogia tra uomini e animali è proprio Colli, toscano e dotato di un’«allegria attiva, frizzante, come quella degli uccelli» (p. 80), che si diverte a immaginare un gorilla «uscito dalla foresta magari indossando uno slip rosa sui lombi neri e pelosi e fosse venuto a fare un tuffo in piscina con gli altri bagnanti» (p. 45). E lo spiega in questo dialogo: Lorenzo domandò: “Ci sono dei leopardi nel Gabon?” “Ci sono,” informò Colli versandosi della birra, “e se non bastano quelli reali, ci sono quelli immaginari.” “Immaginari?” “Sì,” spiegò Colli in un ormai piacevole e ozioso racconto, “ci sono individui, a quanto pare, dotati a loro volta di facoltà magiche ai quali viene attribuita la capacità di trasformarsi in animali. Sono persone qualsiasi e come ho detto non sono consapevoli di questa loro proprietà. Senza volerlo o saperlo possono trasformarsi in bufali, in antilopi o magari, come potrebbe essere stato il caso di poco fa, in leopardi e via dicendo”. (pp. 108-109)

11 Alla fine del libro, sarà proprio la pesantezza della donna-vacca, Ada, «sciocchissima moglie» (p. 166), a trascinare Colli nella morte, aggrappandosi a lui su una barchetta che li portava a fare una gita. A lei si contrappone ancora una volta Nora, quando si avvicina a Lorenzo in acqua, per fare l’amore con lui «come una creatura marina», e invitarlo a una serena apatia con le parole: «lasciati fare», «lasciati vivere» (pp. 162-163). In questo modo, la donna indirettamente neutralizza la nevrosi di Ellida, la Donna del mare di Ibsen – di cui sembra assorbire l’ansia di essere libera e la definizione di creatura marina – con questa imperturbabile, giocosa e felice animalità. Infatti, anche di fronte all’ultima, feroce domanda del marito geloso sull’infelicità di Colli («Perché era infelice? Parla, bestia, perché era infelice?»), Nora – «bestia» perché è «come un felino enigmatico e impenetrabile» – continua a ritrarsi e risponde a Lorenzo, riferendosi alle sue misteriose conversazioni con Colli: «Non te lo dirò mai. Era qualche cosa che non ti riguarda, che riguardava soltanto lui e me» (p. 167). Il testo, come Nora, sospende ogni risposta.

L’animal analogy tra natura e società

12 Molti simboli presenti in questo romanzo rievocano altri simili e corrispondenti che troviamo in tutta l’opera di Moravia a partire dagli Indifferenti e dalla Ciociara (dove, parlando proprio di animal analogy, Rosetta è paragonata per il viso a «una pecorella» e, nel corpo, a una «cavalla giovane»12), fino ai testi dell’ultimo decennio. Ad esempio, il paragone tra l’allegria di Colli e quella degli uccelli richiama un ritratto degli africani proposto in Lettere dal Sahara, dove è citata l’operetta morale di Leopardi, Elogio degli uccelli: Ma che cos’è la vita quotidiana in un villaggio Lobi? Quello che mi colpisce di più mentre li guardo vivere, è che tra i Lobi, come del resto tra le tante altre tribù cosiddette primitive, l’accento è messo sul dato esistenziale molto più che su quello del lavoro […] esso non pare ubbidire a schemi programmatici; più che eseguito, si direbbe che venga vissuto senza sforzo e quasi senza intenzione, cioè inserito nel

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 282

ritmo biologico come tutto ciò che non è lavoro, per esempio dormire, mangiare e soprattutto giocare. Già perché si potrebbe dire degli africani quello che Leopardi dice degli uccelli: che in loro c’è un’allegria naturale che oltrepassa continuamente il limite dell’utilità e trasforma in gioco anche le più esasperanti fatiche. (p. 44)

13 L’idea del gioco legata a quella della spensierata allegria degli uccelli collega così implicitamente – e con ulteriore forza rispetto a quanto già viene detto nel testo, nei frequenti accenni al loro appartarsi e alle loro conversazioni – Colli e Nora, l’uno per la sua allegria e leggerezza, l’altra per la propensione a trasformare in «gioco» anche gli argomenti più seri. Di conseguenza, inoltre, associa i due personaggi a certe caratteristiche degli africani e dei loro spazi13, come la stessa foresta e il mare, che subiscono a loro volta una sorta di umanizzazione oppure di confronto con gli animali, creando un territorio comune e condivisibile. La foresta, ad esempio, in evidenti corrispondenze con la donna, compone «una specie di capriccioso e irregolare mosaico di diversi gruppi di alberi, ciascuno con un fogliame di colore diverso» (La donna leopardo, p. 95), ma può diventare anche «una massa nera e indistinta sovrastata da un cielo vespertino tra il rosso e il verde», fino a formare «un paesaggio immobile e silenzioso, che pareva in attesa della notte per rivelare la propria misteriosa vitalità» (p. 136); il mare, invece, dà a Lorenzo la sensazione di avere per così dire sorpreso l’oceano assorto nell’incessante alternarsi del flusso e del riflusso come si sorprende un animale selvatico nel folto di una foresta, assorto in se stesso, innocente, ignaro e indifferente a qualsiasi altra presenza. (p. 152)

14 Attraverso la metafora e il paragone, quindi, sembra che il mondo vegetale e, pur in modo diverso, quello animale, delineino una sorta di terra di nessuno, o forse, meglio, un «territorio infetto»14 e organico, in cui – complice la letteratura – confluiscono e prendono vita, pur in forme metamorfiche e instabili, caratteristiche che apparterebbero a due universi distinti e di per sé incompleti: da una parte quello dell’uomo, spesso raffigurato come lo spazio dell’inautentico e dell’indifferenza – ma anche, in una più precisa corrispondenza con la società contemporanea, dell’«antiumanesimo» e del «neocapitalismo», con i suoi miti di facilità e possesso15 – dall’altra quello animale e vegetale, talvolta guardato davvero con occhio leopardiano: il mondo della «greggia» beata e indifferente, della natura «bella e terribile», silenziosa, lontana, incapace di rispondere (la Natura interrogata dall’Islandese, come il personaggio di Nora interrogato da Lorenzo), quella che nella Ciociara assiste con sconsiderata imperturbabilità ai segni della violenza sessuale inflitta alle due donne. Uno spazio, insomma, non meno indifferente, ma forse soltanto più autentico.

15 Queste considerazioni non devono, comunque, portarci a immaginare il mondo animale (o la stessa animal analogy con cui esso, in questo modo, comunica letterariamente con quello umano/sociale) come uno spazio contrapposto a quello umano, essendo entrambi inadeguati e violenti, rappresentabili in immagini di metamorfosi e confusione, quando l’umano prende forma e significato di «cosa» e anche quando l’inanimato si scopre ‘vitale’per metafora o per analogia, trovando l’uno e l’altro spesso una corrispondenza nelle immagini di una spinta sessualità16.

16 Tali procedimenti non avvengono, comunque, casualmente. Sempre nel saggio L’uomo come fine, Moravia spiega – parlando, paradossalmente, proprio da «moralista»17 – il significato del desiderio e del sesso nella società contemporanea, con parole che chiariscono molte sue scelte letterarie, a partire da una riflessione su Gli indifferenti

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 283

concepiti con la struttura di un dramma, a cui si precludeva, però, ogni dignità tragica in virtù di questo: Mi si chiariva insomma l’impossibilità della tragedia in un mondo nel quale i valori non materiali parevano non avere diritto di esistenza e la coscienza morale si era incallita fino al punto in cui gli uomini, muovendosi per solo appetito, tendono sempre più a rassomigliare a degli automi18.

17 Proprio la volontà di rappresentare questi automi, pur distaccandosi in qualche modo da essi e dal realismo che li presupporrebbe raffigurati perfettamente come tali, ispira la scrittura e il successo del romanzo Gli indifferenti e di quelli successivi. Un’ulteriore precisazione è offerta nel capitolo intitolato La psicanalisi, dove Moravia osserva di avere ricavato da Freud e Marx il fatto che entrambi mettano all’origine di attività apparentemente autonome e ideali «una determinazione materiale: l’istinto sessuale in Freud, il motivo economico in Marx»19. Più precisamente, e di conseguenza: l’effetto di Freud sull’arte è la franchezza e l’obiettività sul fatto sessuale. Non credo che ci possa essere poesia là dove c’è conformismo consapevole o inconsapevole. La grande arte classica non conosceva conformismi, anche se spesso taceva certe cose. Il conformismo in materia sessuale è un residuo ottocentesco. Freud ci libera da questo conformismo permettendoci di affrontare l’argomento senza vergogna, senza sentimentalismo e senza cinismo. Ossia, con lo svelarne il mistero, permettendoci di trattarlo in maniera poetica. (p. 64)

18 Credo che sia proprio questo il fine di Moravia: l’intenzione di trattare un dato antropologico e, in un certo senso, sociale ed economico, «in maniera poetica», dissociando nettamente la sfera morale da quella letteraria, che pur in essa indaga, «senza vergogna». Ciò escluderebbe – almeno in parte, e almeno come intenzione, forse non sempre perfettamente riuscita – la centralità dell’esperienza sessuale come fine a se stessa, come un modo per attirare il lettore inesperto e curioso. Mi sembra, invece, che proprio attraverso il vivo linguaggio figurale – quello che ispira procedimenti metamorfici e metaforici come quello dell’animal analogy, con tutta la loro problematicità, e che assorbe in sé anche la rappresentazione della sessualità – l’autore riesca in questo suo intento di guardare alla società contemporanea (o all’uomo in generale) davvero «in maniera poetica».

Donne dannate

19 Per completare questa proposta e prima di concludere, vorrei proseguire il discorso con un riferimento ad altri due romanzi del decennio 1980-1990, che sono La cosa e altri racconti e L’uomo che guarda, per poi tornare alla lettura di La donna leopardo. Nei primi due casi, si tratta di racconti-romanzi che potrebbero essere più spiccatamente definiti «post-moderni» per la densa e ostentata intertestualità che trova spazio al loro interno. Essa contribuisce al formarsi di immagini sempre tratte dal mondo animale, che però sembrano condurre in una direzione diversa, pur già presentando tratti simili, come il voyeurismo, la specularità, la teatralizzazione, prese come ipotesi di rappresentabilità poetica e letteraria del reale proprio attraverso la loro mancata aderenza ad esso, attraverso la metamorfosi, la deformazione, le analogie e le metafore, l’intertestualità stessa.

20 In L’uomo che guarda, ad esempio, alla rappresentazione raccapricciante del tradimento- incesto di Silvia, la moglie di Dodo («dal nome di una razza di uccelli ora estinti», p. 51), con il suocero, si contrappone – sempre da un ovvio punto di vista voyeuristico suggerito

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 284

dal titolo stesso del libro – la momentanea alternativa dell’amore con la nera Pascasie, che sembra interrompere, come una scheggia anomala, quel gioco allucinante di specchi e di riproduzioni che coinvolge Dodo e la sua famiglia. Pascasie è infatti nera, e assomiglia «all’immagine irreale e fantomatica di una negativa». Inoltre: Pascasie pare fatta di due persone diverse: dalla vita in su è una giovane donna di forme normali; dalla vita in giù, essa ricorda, per il volume straordinario delle natiche, il “folle elefante” di Mallarmé. (p. 52).

21 Pascasie diventa il simbolo della «negra posseduta dal demonio», come recita il verso del poeta francese, ma anche un modo per esorcizzarlo, oppure «il simbolo del mondo che la bomba atomica distruggerà» (pp. 122-123), secondo un’ossessione apocalittica che ricorre di frequente in questo romanzo (pp. 141 sgg.), come anche in altri racconti contemporanei.

22 Intertestualità e animal analogy tracciano «territori infetti» anche nel racconto La cosa, dove compaiono altre due coppie (come in La donna leopardo), ma tutte al femminile, in quanto è descritto, in forma di lettera, un intreccio di amori omosessuali (in cui l’uomo, ovviamente, è del tutto ‘estinto’). Di queste, la narratrice Ludovica riflette nella poesia di Baudelaire, Donne dannate, il suo rapporto sia con la destinataria della lettera (un’altra donna di nome Nora) sia con Diana, con cui racconta di essersi legata in collegio, muovendosi l’una tra le braccia dell’altra «come un serpente» tra i rami di un albero, la cui lingua è «una lumaca innamorata» (pp. 8-9). I versi riportati nella storia sono: «I miei baci sono lievi come le efemere / che sfiorano la sera i grandi laghi trasparenti, / quelli del tuo amante scaveranno in te rotaie / come se fossero carri o zoccoli di cavalli»20. Molto libera è la traduzione di Moravia rispetto agli ultimi due versi corrispondenti di Baudelaire, «… Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières / Comme des chariots ou des socs déchirants»21. L’immagine del cavallo, che non compare nell’originale, anticipa però la raccapricciante storia dell’amore tra Diana – il cui nome ricorda la dea della caccia e della castità – e Margherita, che concludono il racconto lasciando intravedere a Ludovica il loro raccapricciante ménage a trois con un pony, «usato» come se fosse un uomo (di qui il termine «la cosa»). Ludovica, invece, si pone sia nei confronti di Nora sia con Diana come la Delfina di Baudelaire, che «la covava con occhi ardenti,/come un animale forte che sorveglia la preda/dopo averla segnata a tutta prima con il suo morso» (p. 11). Ma il suo scopo, con questa lettera- racconto e con il riferimento a Baudelaire, è di indurre l’amica a dissociare «gli scrupoli morali» dalle «cose dell’amore» (p. 8) e, soprattutto (molto provocatoriamente), a salvarsi «dalla dannazione»: quella «della schiavitù al membro maschile» e di una «illusione di normalità» (p. 14).

23 Sembra questo, simbolicamente, il punto nodale della «dannazione»: una società che ha divinizzato il consumo e il possesso. Di dannazione, infatti, si parla anche nel racconto intitolato Il diavolo non può salvare il mondo22, dove il desiderio torna a materializzarsi in modo ambivalente. Il diavolo si innamora e sfiora la possibilità di salvare il mondo, che gli verrebbe data «per l’immensa forza dell’amore» (p. 105). Prevale, invece, la sua impotenza, pari, ormai, a quella di Dio, mortificate entrambe dall’ambizione smodata dell’uomo. Dal punto di vista dell’uomo, infatti, la dannazione è quella di non ottenerne il consumo e il possesso, perché il diavolo svanisce proprio nel momento dell’amplesso. Mentre l’unica possibilità, per il demonio, di mantenere la sua forza – forse quella che potenzialmente gli permetterebbe di operare il Bene pur volendo il Male (come recitano i versi del Faust di Goethe riportati nel Maestro e Margherita di Bulgakov) – sembra trovarsi proprio nella tensione vitale suscitata negando all’uomo la sua

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 285

soddisfazione, il possesso. Perché, al contrario, chi si illude di possedere il diavolo, «alla fine abbraccia il nulla» (p. 107).

24 A questo punto restano però aperte alcune domande: può il racconto raccapricciante di La cosa opporsi come provocazione o come forma degradante a una convenzionale idea di consumo e di possesso quale quella diffusa dalla società contemporanea? O esso è solo specchio deformato e raccapricciante di quella stessa realtà che riproduce? Che cosa vuole dire, in fondo, l’animal analogy? Possiamo anche noi arrivare alla conclusione di Sanguineti sull’epilogo della Noia che quanto ha compreso il personaggio borghese è «che il solo modo di non esercitare violenza sopra la realtà, in ogni sua forma, è la rinunzia al possesso»23? È abbastanza inevitabile giungere a questa riflessione, anche guardando a quella parte dell’opera di Moravia composta nel suo ultimo decennio. Con qualche precisazione. Innanzitutto, nel romanzo La donna leopardo, alla vista del corpo nudo si collega l’ansia di sapere, mentre l’unione sessuale ha una sua «autonomia simbolica, che faceva del sesso di Nora un oggetto di sua assoluta proprietà» (p. 140). Nora, infatti, è parte di quel «territorio infetto» – dove sono sprofondati gli altri personaggi presi in considerazione, tra ribellione e rispecchiamento, trasformazioni analogiche che collegano uomo e natura, ciascuno appartenente a un mondo fitto di aporie irrisolte, distinti solo da una diverso grado di autenticità – ma ne esce con una certa saggezza, non solo quella, emblematica, di non essere posseduta (è questo l’ovvio significato del suo ritrarsi di fronte all’orgasmo), ma anche di fermarsi a un limite: «non cercare di sapere di più. Anche perché non c’è nulla da sapere» (p. 141). Sono le parole di una donna «selvaggiamente puttana», ma anche di Beatrice a Dante. Contrariamente ad Ada, infatti, «sciocchissima moglie» – secondo una definizione che ricorda un po’le novelle antiche, dalle Mille e una notte al Decamerone – Nora mantiene vivo l’uomo che ama con due armi: quella di produrre indirettamente la storia e la scrittura (grazie alla sua indecisione, alla sua opacità, al suo sottrarsi e al suo essere «donna leopardo») e quella di lasciare scorrere, in una sorta di nirvana, la vita e l’amore stesso: «lasciati fare», «lasciati vivere», sono le parole di lei («bestia» fino alla fine) al marito, dentro l’acqua. E sono le stesse parole dette dal diavolo di La cosa e altri racconti: «Il diavolo non sta né fuori né dentro di te. Non pensarci più al diavolo; abbandonati alla vita» (p. 104). Parole utopiche, forse, certo non risolutive, ma che – toccando il cuore della scrittura di Moravia dall’inizio alla fine, nelle sue più suggestive metamorfosi e simbologie – indicano in quali spazi ancora si viva, e si scriva; e forse, semplicemente, un antidoto all’annichilimento e all’automatismo da cui l’autore vede la nostra società minacciata e dai quali tenta possibili e molteplici vie di fuga.

BIBLIOGRAFIA

Le opere citate di Alberto Moravia si riferiscono a:

La ciociara, Milano, Bompiani, 1957-2005; abbreviato in CIO.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 286

L’uomo come fine e altri saggi, Milano, Bompiani, 1963, 1972; abbraviato in UF.

Lettere dal Sahara, Milano, Bompiani, 1981; abbreviato in LS.

La cosa e altri racconti, Milano, Bompiani, 1983; abbreviato in CR.

Io e il mio tempo: conversazioni critiche con Ferdinando Camon, Padova, Nord Est, 1988; abbreviato in IO.

L’uomo che guarda, Milano, Bompiani, 1985; abbreviato in UG.

La donna leopardo, Milano, Bompiani, 1991; abbreviato in DL.

Boh, Milano, Bompiani 1996: abbreviato in BO.

Altre opere letterarie e critiche:

BASILE B., La finestra socchiusa. Ricerche tematiche su Dostoevskij, Kafka, Moravia e Pavese, Roma, Ed. Salerno, 2003.

BAUDELAIRE C., Les fleurs du Mal, trad. it I fiori del male di G. Bufalino, Milano, Mondadori, 1983-2003.

BATTAGLIA S., «La narrativa di Moravia e la defezione della realtà», Filologia e Letteratura, 8, 2, 1961, pp. 113-142.

BENJAMIN W., Il dramma barocco tedesco [1974], trad. it. di G. Schiavoni, Torino, Einaudi, 1999.

CAPRA A., «Dare ‘corpo’a un personaggio: le espressioni idiomatiche somatiche come lettura globale e analisi tematica. Esempi in due novelle di Beppe Fenoglio e Alberto Moravia», Collection de l’ecrit, 7, 2004, pp. 99-110.

CHANG N. V., «Moravia’s Indifferent Bodies: Fascism and feminility in “Gli indifferenti”», Italica, 2, 2003, pp. 209-228.

CHIAMPI J. T., «Policing the Secret: Alberto Moravia’s “Il conformista”», Italica, 2, 2004, pp. 200-220.

DEBENEDETTI G., Saggi critici. Seconda serie, Venezia, Marsilio, 1990-1999.

DE CRISTOFARO F., Zoo di romanzi. Balzac, Manzoni, Dickens e altri bestiari, Napoli, Liguori, 2000.

DI GIAMMARINO G., «Un articolo di Moravia sul romanzo collettivista», Rivista di studi italiani, 2, 2001, pp. 243-251.

DOSTOEVSKIJ I., L’idiota, Milano, Garzanti, 1982, 2 vol., trad. it. di R. Küfferle.

DOTTI U., «Manzoni, la borghesia, il romanzo (Moravia e Gadda)», Giornale storico della letteratura italiana, 589, 2003, pp. 1-35.

ELKANN A., MoMo, Milano, Bompiani, 2003.

IEVA S., «Moravia contro Pavese. Un esempio di critica “parodica”?», Italies, 4, 1, 2000, pp. 425-446.

LUPERINI R., Il Novecento. Alberto Moravia: dalla coscienza della crisi alla crisi della coscienza, Torino, Loescher, 1981.

MARAINI D., Il bambino Alberto, Milano, Bompiani, 1986.

MOROSETTI T., «Un’aria di preistoria. Lo stereotipo africano di Alberto Moravia», Quaderni del ’900, 4, 2004, pp. 115-124.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 287

PARIS R., Ritratto dell’artista da vecchio: conversazioni con Alberto Moravia, Roma, Minimum Fax, 2001.

PARIS R., Moravia: una vita controvoglia, Milano, Giunti, 1996.

SANGUINETI E., Alberto Moravia, Milano, Mursia, 1962.

SANGUINETI E., Le donne di Moravia, in Id., Giornalino 1973-1975, Torino, Einaudi, 1976.

SAVIANE G., Moravia desnudo, Milano, Sugarco, 1976.

SICILIANO E., Alberto Moravia: vita, parole, idee di un romanziere, Milano, Bompiani, 1982.

SLAVIK S., «Learning in Marriage: A Study of Moravia’s “L’amore coniugale”», Forum Italicum, 2, 2003, pp. 454-466.

STAROBINSKI J, «Amleto e Freud», in E. Jones, Amleto e Edipo, Milano, Mondadori, 1987, pp. 159-188.

STEFANELLI S., «Per una rilettura di “Boh” di Alberto Moravia», Contemporanea, 2, 2004, pp. 11-21.

STELLA M. J., Self and Self-compromise in the Narratives of Pirandello and Moravia, New York, Peter Lang, 2000.

STROLOGO F., «Moravia ‘vs’ Dostoevskij: il caso delle “Ambizioni sbagliate”», Rassegna europea di letteratura italiana, 20, 2003, pp. 99-128.

TESSARI R., Alberto Moravia: introduzione e guida allo studio dell’opera moraviana: storia e antologia della critica, Firenze, Le Monnier, 1975.

VOZA P., Moravia, Palermo, Palumbo, 1997.

NOTE

1. S. Ieva, «Moravia contro Pavese. Un esempio di critica “parodica”?», Italies, 4, 1, 2000, pp. 425-446; G. Di Giammarino, «Un articolo di Moravia sul romanzo collettivista», Rivista di studi italiani, 2, 2001, pp. 243-25; B. Basile, La finestra socchiusa. Ricerche tematiche su Dostoevskij, Kafka, Moravia e Pavese, Roma, Ed. Salerno, 2003; N. V. Chang, «Moravia’s Indifferent Bodies: Fascism and feminility in “Gli indifferenti”», Italica, 2, 2003, pp. 209-228; A. Capra, «Dare ‘corpo’a un personaggio: le espressioni idiomatiche somatiche come lettura globale e analisi tematica. Esempi in due novelle di Beppe Fenoglio e Alberto Moravia», Collection de l’ecrit, 7, 2004, pp. 99-110; J. T. Chiampi, «Policing the Secret: Alberto Moravia’s “Il conformista”», Italica, 2, 2004, pp. 200-220. 2. E. Siciliano, Prefazione a A. Moravia, La donna leopardo, Milano, Bompiani, 1991, p. V. 3. Questo confermerebbe lo schema proposto da Debenedetti, secondo cui il romanzo o racconto breve di Moravia è costituito da un intreccio di crisi, dove il personaggio passa dall’essere all’azione attraverso l’effetto traumatico provocato dall’entrata in scena di un altro personaggio che imprevedibilmente acquista la funzione dell’antagonista. «Lo chiameremo il personaggio impulsivo, a reazioni isteriche o epilettiche», spiega lo studioso. «Il suo ingresso è narrativamente preparato, ma l’atto che egli viene a compiere è improvviso.» (G. Debenedetti, Saggi critici. Seconda serie, Venezia, Marsilio, 1990-1999, p. 169.) 4. Vedi S. Stefanelli, «Per una rilettura di “Boh” di Alberto Moravia», Contemporanea, 2, 2004, pp. 11-21, p. 13. 5. J. Starobinski, «Amleto e Freud», in E. Jones, Amleto e Edipo, Milano, Mondadori, 1987, pp. 159-188; W. Benjamin, Il dramma barocco tedesco [1974], trad. it. di G. Schiavoni, Torino, Einaudi, 1999.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 288

6. F. Strologo, «Moravia ‘vs’ Dostoevskij: il caso delle “Ambizioni sbagliate”», Rassegna europea di letteratura italiana, 20, 2003, pp. 99-128, p. 105. 7. I. Dostoevskij, L’idiota, trad. it. di R. Küfferle, Milano, Garzanti, 1982, vol. I, p. 96. 8. Vedi D. Maraini, Il bambino Alberto, Milano, Bompiani, 1986, p. 94, dove l’intervista tocca gli autori che Alberto leggeva durante la malattia: «Dostoevskij, Dickens, Balzac e in generale gli scrittori dell’Ottocento». Sull’analisi di questi racconti in rapporto all’animal analogy, cf. F. De Cristofaro, Zoo di romanzi. Balzac, Manzoni, Dickens e altri bestiari, Napoli, Liguori, 2000. 9. F. De Cristofaro, ibid., p. 41. 10. Questo passo di Balzac è citato e tradotto in F. De Cristofaro, ibid., p. 42. 11. E. Sanguineti, Le donne di Moravia, in Giornalino 1973-1975, Torino, Einaudi, 1976, p. 38. 12. A. Moravia, La ciociara [1957], Milano, Bompiani, 2005. La descrizione è a p. 126. 13. Vedi T. Morosetti, «Un’aria di preistoria. Lo stereotipo africano di Alberto Moravia», Quaderni del ’900, 4, 2004, pp. 115-124, dove però, a mio avviso, vengono fraintese molte immagini dello scrittore legate all’Africa, ed erroneamente ricondotte a pregiudizi e a stereotipi che rifletterebbero addirittura un’eccessiva indulgenza verso gli europei colonialisti. 14. Anche per questa definizione sono debitrice al saggio citato di F. De Cristofaro, op. cit., pp. 15-25. 15. Mi riferisco all’analisi proposta da Moravia nella prefazione al saggio L’uomo come fine, concepito come «un attacco all’antiumanesimo che oggi va sotto il nome di neocapitalismo»; si considera «antiumanesimo» «un desiderio o meglio, una nostalgia di morte, di distruzione, di dissolvimento», ma anche «lo scadimento dell’umanesimo tradizionale; la sua immobilità, il suo conservatorismo; la sua ipocrisia di fronte agli eventi tragici della prima metà del secolo». «L’uomo del neocapitalismo con tutti i suoi frigoriferi, i suoi supermarket, le sue automobili utilitarie, i suoi missili e i suoi set televisivi è tanto esangue, sfiduciato, devitalizzato e nevrotico da giustificare coloro che vorrebbero accettarne lo scadimento quasi fosse un fatto positivo e ridurlo a oggetto tra gli oggetti […]. Sotto apparenze scintillanti e astratte, si celano, a ben guardare, la noia, il disgusto, l’impotenza, l’irrealtà.» (A. Moravia, L’uomo come fine e altri saggi [1963], Milano, Bompiani, 1972, pp. 3-4.) 16. «Naturalmente la spia a questo particolare carattere del mondo moderno la fanno, al solito, le arti. Esse rispecchiano, in forma esasperata, i caratteri negativi dell’antiumanesimo neocapitalista. E quali sono questi caratteri? Direi che si possono riassumere in una sola parola: il nulla. Si osserva infatti, nelle arti, soprattutto la scoperta, la rappresentazione, l’espressione, la descrizione e l’ossessione del nulla. Questo nulla non ha niente a che fare con il vecchio nichilismo anarchico il quale, in realtà, era soprattutto negazione e rivolta.» (Ibid., pp. 4-5) 17. Ma neanche così paradossalmente, considerato quanto Moravia dice di Boccaccio: «si è detto che era un sensuale; come se la sensualità escludesse necessariamente una coscienza morale.» (A. Moravia, Boccaccio, in ibid., pp. 105-125) 18. A. Moravia, Ricordo di Gli Indifferenti, in ibid., p. 48. 19. A. Moravia, Psicanalisi, in ibid., pp. 63-64. 20. A. Moravia, La cosa e altri racconti, Milano, Bompiani, p. 8 21. C. Baudelaire, Les Fleurs du Mal [1857], trad. it I fiori del male di G. Bufalino, Milano, Mondadori, 2003, pp. 274-283. 22. La cosa e altri racconti, op. cit., pp. 67-107. 23. E. Sanguineti, Alberto Moravia, Milano, Mursia, 1962, p. 130.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 289

AUTORE

CHIARA LOMBARDI Université de Turin

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 290

Luoghi sub specie alteritatis. Giovanni Testori

Silvia Giuliani

1 L’impressione destata dalla Trilogia1 di Giovanni Testori in coloro che hanno potuto assistere negli anni Settanta alla messa in scena di uno dei tre drammi è quella di un teatro «differente» dalla prassi scenica e dalle convenzioni teatrali contemporanee2: diverso suonava innanzitutto il linguaggio nel suo improbabile impasto di dialetto lombardo, latinismi e francesismi, diversi i personaggi e le loro battaglie rispetto ai modelli tragici codificati dalla tradizione, diversi i costumi e le scene quasi presi in prestito da un cabaret d’accatto, diverso il luogo fisico delle rappresentazioni, il Salone Pier Lombardo di Milano3, nonché la persona dell’attore, Franco Parenti, in funzione del quale i drammi erano stati concepiti.

2 Anche per chi, come in questo caso, elimina gli aspetti inerenti la messa in scena per basarsi su un’analisi esclusivamente letteraria dei testi in questione, che spesso per la loro struttura a monologo presentano forti caratteri di narratività, restano comunque in gioco diversi livelli in cui si articola il motivo dell’alterità.

3 Uno per tutti, quello al quale tutti gli altri risultano inesorabilmente legati, è il piano della costruzione del personaggio, da cui questa disamina prenderà le mosse.

4 La posizione di diversità conflittuale di cui gode statutariamente l’eroe tragico rispetto ad una collettività è amplificata e portata al massimo grado, nei personaggi della Trilogia, da una sovrapposizione tra due momenti temporali diversi, quello del presente della rappresentazione e quello mitico in cui la vicenda tragica è ambientata, ma soprattutto da un conseguente cortocircuito fra il personaggio di primo grado, derivato dalla tradizione letteraria, e il personaggio-attore di secondo grado, lo Scarrozzante, carico del suo personale dramma che va a confondersi con la traccia drammatica di base. Questi attori girovaghi della Brianza degli anni Trenta chiamati «scarrozzanti» facevano delle campagne e delle piazze di paese il teatro delle loro istintive messe in scena, rifacimenti abborraciati di pièces in cui spesso finivano per convogliare la loro personale esperienza, le loro proteste e rivendicazioni, creando una sovrapposizione di teatro e vita che non poteva non colpire profondamente l’immaginazione di Testori.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 291

5 Ed è da questo momento che il mondo degli scarrozzanti, ovvero, secondo le parole dell’autore stesso, «dei reietti, dei diversi, dei fuori norma, dei non accettati dai partiti e dalle chiese», di quelli «per cui la vita è fatale solitudine, autodistruzione, girare, andare»4, entra a far parte della scrittura drammaturgica testoriana, determinando con la sua invadente presenza uno slittamento nella vicenda tragica presupposta per far posto ad una nuova, ulteriore diversità.

6 Il principe Amleto si presenta così come un guitto di provincia che, dando il via metateatralmente all’azione tragica, presenta la ditta di cui fa parte e stabilisce come ambientazione un’imprecisata località che potrebbe essere «Elzinore», o Camerlata, o Lomazzo, o la «Mediolanensis urbiz», in un tempo volutamente lasciato in sospeso che rinvia tanto ad un fosco Medioevo o al Settecento, quanto ai nostri giorni.

7 Il giovane dimentica gli attributi di principe intellettuale per esprimere la sue inquietudini di zingaro insofferente ai ruoli e al potere, tormentato da angosciose domande sul senso della vita e della nascita, interiormente scisso tra «Am» e «bleto», senza riuscire a capire come potrà un giorno ricongiungere i due brani di sé per trovare nuovo significato.

8 Tempo prima, in preda ad una profonda crisi esistenziale, Ambleto racconta di essere stato salvato da morte sicura dal «Franzese», «angioro incarnato» che lo aveva saputo condurre sulla strada dell’amore universale e oblativo, l’unico sentimento per cui la vita meriterebbe di essere vissuta e che potrebbe riscattare l’umanità dal suo stato di degrado. Per quanto però ci si guardi intorno, l’amore non sembra aver lasciato alcuna traccia dopo essersi sottratto ad una terra fatta come una «piramida» nella quale possono avere ormai asilo solo le scalate ai più alti gradi sociali, alle onorificenze, alla ricchezza e al potere. Tale è il regno di Arlungo, lo zio del protagonista, che si è impadronito del potere dopo la morte del fratello e ne sta per sposare la moglie: in siffatto regno non possono trovar spazio gli insegnamenti del Franzese, il novello Orazio scacciato dalla famiglia di origine perchè «diverso»5 e invitato con scopi polizieschi dai sovrani, ma presto bollato da questi come un «’narchico, e pergiunta ‘vuno de quei’narchi che credono anca in del Cristo! […] Bello, amadore de vuomini e de donne, zobillante e cont el Cristo, qui, in zul cuore!» (p. 1173).

9 Ecco dunque che Ambleto, da bravo scarrozzante e in una sorta di doppio rispetto al Franzese, cercherà di realizzare nel suo regno quella promessa di amore che la colpa degli uomini ha disatteso, di ristabilire un ordine basato sull’eguaglianza e la comunione fra gli uomini, senza violenza, repressione, prevaricazione, dove non ci siano diversi né emarginati.

10 L’apparizione dello spettro del padre in un altro dei momenti di più profonda disperazione di Ambleto non aiuta a trovare risposta alcuna ai suoi interrogativi angosciosi, ma l’uomo, dopo aver rivelato la verità circa la sua morte, o meglio il suo assassinio tramite una «formaggella» avvelenata, e dopo essersi rivolto ad Ambleto con una chiara ingiunzione («Ma te non facere neintus conta el regno… Salva la statutazzione; salva la corona; salva la granda, soveràna piramida dell’ordeno e del potere; salvala…», p. 1185), sparisce nel nulla.

11 Questo ordine non è per Ambleto che la goccia che fa traboccare il vaso: d’ora in avanti ogni suo sforzo sarà ridotto alla distruzione della «piramida» e della «statutazzione», «a comenzare dall’Unico e Unichissimo che ce sta sù, in la cima!» (p. 1185), ma ogni sforzo tendente ad una nuova vita si conclude pessimisticamente in una sequela di

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 292

morti che alla fine coinvolgerà il protagonista stesso, nel nulla e nella distruzione totale senza un Laerte o un Fortebraccio in grado di ristabilire, seppur momentaneamente, gli equilibri sconvolti. I tempi non sono ancora maturi perché si possa pensare ad un ordine capace di integrare una diversità che dà «scandalo»6; l’unica alternativa è ancora il nulla.

12 Mentre l’apparizione dello spettro nella tragedia shakespeariana contribuiva a creare una piattaforma di consentaneità tra padre e figlio sulla quale innestare la comune vendetta e giungere a ristabilire l’ordinamento del sistema sociale che era stato scardinato dalla morte violenta del legittimo sovrano, nell’analoga scena in Testori emerge invece la volontà di un figlio di opporsi al padre, o meglio ai padri7 e al regime da loro colpevolmente fondato e perpetrato, in nome di valori diversi su cui basare la vita sociale e politica. Quando anche una madre, l’istanza femminile, l’unico appiglio per realizzare un nuovo mondo fondato sull’amore, si compromette con il potere onnipresente e onnipervasivo, non merita pietà: a differenza del modello elisabettiano sarà Amleto ad uccidere Gertruda prima di togliersi la vita.

13 Allo stesso risultato nullificante pervengono coloro che, invece di distruggere in nome di un’alterità, cercano di integrarsi e di inerpicarsi su per la «piramida»: questa è la sorte del Macbetto-scarrozzante di Testori.

14 Il principio del male che si impadronisce del Macbeth shakespeariano tramite il sortilegio delle streghe risulta in questo caso interno al protagonista stesso e momentaneamente oggettivato in funzione drammatica tramite la figura fantasmatica di una strega generata da una defecazione indotta da pillole di fuca consigliate a Macbetto dalla Ledi. Le allettanti profezie acquistano però la consistenza di una sequela di assassinii solo grazie all’intervento prepotente e persuasivo della donna, descritta fin dall’inizio dallo stesso Macbetto come dotata di tratti fortemente virili, la principale depositaria del «cazzo del potero e del dominamento» (p. 1245), una sorta di Clitennestra dal «cuore capace di maschi pensieri»8, la cui colpevolezza è esaltata fino ai limiti dell’attacco misogino nella versione testoriana. Quello che non si perdona alla donna è ancora una volta l’aver annullato la peculiarità del principio femminile, principio dell’amore e della condivisione, nel «principio “maschile” della prevaricazione e del potere»9.

15 Le perplessità iniziali di Macbetto sfociano in vero e proprio senso di colpa nel momento del sacrificio dell’amico Banco, culmine dell’azione tragica e punto di svolta verso il rinnegamento di quanto è stato finora compiuto. È proprio il tradimento dell’amore che ha innescato questa tragica scalata e dal momento di chiedersi: «amare, qui, in’sta terra, o anca solamente non ancidere / se poderà proprio mai più?» (p. 1292), al momento di scagliarsi con ferocia omicida nei confronti della donna, passa davvero un breve lasso di tempo nella mente di Macbetto. Mentre la Ledi, pugnalata a morte, canta un inno al potere che d’ora in avanti si chiamerà indicativamente «potera», sferra anche l’ultimo distruttivo assalto nei confronti di Macbetto, avverando la profezia secondo la quale sarebbe stato ucciso da un individuo né femmina, né maschio.

16 Ancora una volta ogni alternativa è negata in un meccanismo che schiaccia coloro che si avvicinano. L’ossessione del potere (ormai sinonimo dell’ineliminabile male di vivere) ha ucciso i due sanguinari protagonisti senza possibilità di ritrattazione. Macbetto può solo constatare che senza amore «la vita non è vita. È solo un vurlo, / un ciurlo; / o forse un uè uè… / E poi? Nigora, demenza, / fabbreca de morte, sfantascienza… […] Non

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 293

c’è speranza più» (pp. 1319-1320) 0; nell’indeterminato regno alpestre di Macbetto come nella valle della Brianza raccontata dallo scarrozzante.

17 Anche l’ultimo dramma della Trilogia, Edipus, è caratterizzato da un’ambientazione vaga e una collocazione temporale che può rimandare ora all’antica Tebe, ora alla contemporaneità, tanto più in quanto più marcatamente che negli altri drammi questa è la tragedia di Edipo ma, in non diversa misura, anche dello Scarrozzante, solo sulla scena a interpretare tutti i ruoli e a raccontare, in un intreccio inestricabile fra le due trame, di essere stato abbandonato sia dalla prima attrice, sua ex amante, che ha cercato una sistemazione borghese nel matrimonio con un mobiliere di Meda, sia dal giovane attore che ha preferito una compagnia di cabarrettisti. Tra cianfrusaglie e chincaglierie, rabbia e ricordi elegiaci, si erge l’ultimo depositario di un modo diverso di far teatro.

18 Fin dalla prima scena, in cui lo scarrozzante si affretta ad indossare gli abiti di Laio, emerge con chiarezza la problematica fondamentale del dramma qui maggiormente caricata rispetto ai drammi precedenti di chiare connotazioni politiche e sociali e di riferimenti polemici alla scottante attualità del «compromesso storico» fra Marx e Vangelo: il totalitarismo repressivo dei padri contro la trasgressione edipica portatrice di valori alternativi e individuali.

19 Una lampante descrizione del primo versante del binomio è fornita da Laio stesso che presenta la sua persona e il suo regno nel momento di accingersi a processare tre traditori dell’ordine costituito: Re […] e, nell’istessissimo tempo, Pontifex maximum, maximum et unichissimum, della qui insiemata e coincarnata Giesa, tebanica o tebaica anca lei; la qual Giesa et el qual Regno […] se son reuniti, imbracciati, inlettati, fusi, perfusi, inchiavati e incoitati dedentro el grembo maternissimo della storia, vegnendo a formare un’unità mai prima de’desso vista e cognossuta; un’unità impastata int una solissima tessitazione de volontà, de ardori, de amori, de’bligazzioni, de statuti, de camare senatoriali e deputatoriali, de parrocchie, de ordini, de conventualità […]. Unità la quale est mondaniga et, insieme, devina; politiga et, insieme, estraterrica; socialiga et insieme clericaliga; et anchis, in del suo più alto segnificarsi, metafisica, patafisiga et metabolica. (pp. 1328-1329)

20 Un regno tale deve essere mantenuto costantemente puro e libero da ogni presenza «anti»: il primo a dare il buon esempio è stato Laio stesso sacrificando il proprio figlio che i vaticini avevano bollato come futuro disgregatore dello stato. Si procede dunque ai sommari processi e alle esecuzioni, la cui descrizione è complementare a quella appena riportata ai fini della delineazione dello stato. La prima vittima è accusata di crimini contro la chiesa, avendo calpestato un’ostia e gridato, brandendo i genitali, che Cristo è una «vaccata» inventata dai preti e dai «socialighi» (p. 1333); il secondo uomo è stato sorpreso a pulirsi il sedere con la bandiera «partitiga, giesastiga et operariga» (p. 1334), motivo più che sufficiente per meritare la ghigliottina; il terzo, scandalo degli scandali, è un bellissimo giovane che invece di sfruttare le sue doti facendo il ballerino si è ridotto allo stato di omosessuale e, come se non bastasse, «Scandalistego e infanticidigo dell’anima e della carne altruiche» (p. 1335). «El contralex, el contrasocietas, el contranatura» (p. 1335) è stato infatti sorpreso a commettere atti orali con un quindicenne e ad avanzare anche la pretesa che le guardie gli lasciassero finire l’opera intrapresa prima di condurlo in prigione. Laio ordina che gli venga tagliata la gola.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 294

21 Lo Scarrozzante prende alternativamente le vesti di Giocasta e quelle di Laio inscenando un dialogo in cui emerge una donna in preda ai sensi di colpa per aver permesso al marito di sacrificare il neonato in nome dello stato «tebanico» e speranzosa che questi da qualche parte possa essere ancora vivo.

22 A confermare la madre nelle sue aspettative fa la sua apparizione l’Edipo-scarrozzante che senza troppi ambagi cerca subito il confonto diretto col padre. Veniamo presto a sapere che il neonato è stato tratto in salvo dalle belve del Citerone e cresciuto da un pastore e che, fattosi adulto, è stato informato delle sue vicissitudini e formato al suo credo da un dio diverso da quelli venerati nello stato tebano: Dioniso. Contro l’ordinamento apollineo già macchiato di socratismo e il principio di individuazione si erge Dioniso che, in quanto principio dell’indistinto e dell’unità originaria, secondo la tesi nietzschiana che l’autore fa propria, si pone come fondamento culturale della rivoluzione in atto. L’inno con cui Edipo presenta ed esalta la propria divinità in quanto canto della diversità fa da perfetto contraltare all’elogio fatto da Laio all’unità e «totalità» dello stato: existe no domà la sfingia a fa i oraculi! Existe anca el Dioniso! Lui, el dio luciferico, el follo, el’briaco, el baccante, l’ispiradore dei poeti, dei lunateghi, dei malinconighi, dei diseredati, dei deversifigati, dei reietti, dei degetti, dei oscurati de mente, dei maledetti dal Cristo e dal Marxo […]. El dio che protegge, envoca e dimanda no l’ordino, imbensì el disordino: no la’bedienza imbensì la revolta, la rebelliona, la sovversività, la ruina e la destruzion d’ogni et qualsiasi legge, la’narchia completa e universaliga […] lui, el dioniso m’ha revelato su tutto! Tutto, pater! El tuo piano, el tuo disegno, el tuo’sassinio! (pp. 1351-1352)

23 Da Dioniso ha saputo che Laio è il suo peggior nemico e che deve vendicarsi contro di lui, in nome di tutti coloro che rischiano di essere annullati e rimossi dalla prevaricante totalità dello stato paterno, e allo scopo di non consentire che in nome di un tale leviatano un giorno qualcuno possa imporre: «basta’namoramenti, basta feste, basta gioiezze, basta figazioni, basta inculazioni, basta felicità et felicitazioni […] basta occhi popille e bocche de fiori, basta at ogni et qualunque libertà» (pp. 1352-1353).

24 Non resta che procedere senza esitazione alcuna all’evirazione e sodomizzazione del padre.

25 Il momento cardine dell’incontro con Giocasta non tarda ad arrivare e sempre con la stessa decisione e la stessa violenza viene perpetrato l’incesto, e inferto in tal modo anche l’ultimo supremo colpo all’autorità paterna10.

26 Contrariamente alle aspettative, l’impatto dell’incesto su Giocasta sembra aver sortito l’effetto di risvegliarla improvvisamente dopo anni di letargo e di farla sentire per la prima volta viva. Ai dubbi se sia giusto uccidersi per essersi macchiata di una tale colpa davanti alle leggi del «decalogo Unitarigo e Testamentarigo» e «per offerire a tutti gli unifigati un àltero sanguinanto et ciarissimo exempio de come tutto et omnia se sacrifighi all’Unetà, anca la vita!» (p. 1367), la donna si fa afferrare del tutto dalle sensazioni paradisiache del suo risveglio a nuova luce e in uno slancio vitalistico, rinnegate le «patrie, leggi, leggiferazioni, corone», chiede a «Ledipus» di portarla con sé a Colono, nel nuovo stato di natura, nel mitico regno matriarcale dell’amore.

27 L’unità mistica dei due, secondo la quale Edipo è diventato «creatoro» oltre che creato, è però improvvisamente dilaniata da una raffica di mitra dalle quinte che uccide madre e figlio. Non sono però dei perdenti perché hanno contribuito ad aprire una strada che

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 295

altri continueranno e il loro sacrificio cristologico è servito per preparare un mondo migliore. Così conclude con coerente metateatralità Edipus-scarrozzante: Inlùdeti no d’aver vinciuto, Unifigazzione porca e’sassina! La scala è longhissema, ma là, in la cima, ce stiamo noi, no te; noi, quelli che han da perdere e crepare perchè ce sia sempre quarcheduno che poda vencerti e destruggerti! E,’desso, sarà sù el sipario, spireto del teatro. La tragedia è fenida; fenida è la triloghia; et anca la ditta dei dittanti… (p. 1374)

28 Simili al regno di Laio per violenza e prevaricazione sono i regni istituiti dal Totem re di Post-Hamlet11 e da Smepì nello Sfaust12, ma stavolta a preoccupare maggiormente sono i risvolti più tragici dello sviluppo capitalistico (che Testori ha visto diffondersi velocemente nell’Italia di quegli anni): l’omologazione livellatrice, la reificazione e la progressiva disumanizzazione tesa alla riduzione dell’uomo a macchina. Le nuovissime divinità a cui si dedicano altari sono rispettivamente la Ragione13 e la Scienza che contamina tutto, tanto da attribuire la sua iniziale non solo al nome del nome del protagonista, suo adepto, ma a tanta parte dei vocaboli usati nel dramma.

29 Il modo di essere diversi e rifiutare un coinvolgimento annichilente con le nuove divinità da parte degli «eroi» protagonisti è però radicalmente cambiato rispetto alla Trilogia nella nuova prospettiva fideisticamente pacificata dell’autore.

30 La figura di Cristo vagamente allusa nel sacrificio di Edipus si concretizza nel nuovo Amleto, non più l’Ambleto paralizzato e infine soffocato da un pessimistico cupio dissolvi, ma il redentore mandato dal Padre per liberare l’umanità (rappresentata dal coro), schiava di una civiltà tecnocratica e artificiale che ha cancellato sentimenti, natura, libertà, per rimpiazzarli con «boschi di fabbriche», «foreste di gas e di cementi», «plastiche angosce» foriere di morte. L’irriducibilità del sacrificio di Amleto che nel duro confronto con il Totem-re, sacerdote della Ragione, arriva a perdere la lingua pur di non sottostare al siero che annulla la volontà e non perdere la sua essenza di uomo, dona al coro con il suo exemplum la forza di reagire e riacquistare attraverso il rito della comunione il senso della dignità dell’uomo, della libera espressione di sé, del rapporto con l’altro e con un corpo fatto di carne. Anche la stessa Gertrude, ennesima figura femminile che è stata fagocitata dal principio maschile del Totem-re tradendo la sua missione materna di amore, trova il coraggio di fare ammenda e unirsi al coro nel lungo cammino di rinascita.

31 Più tormentato è il cammino di Sfaust-scarrozzante per emanciparsi dall’impero della plastica dell’«Acna-Vernò-Vesuviana» che egli stesso inizialmente aveva contribuito a fondare e reggere siglando, nel giorno della sua incoronazione, il patto col diavolo Smepì. Fuori dai programmi di quest’ultimo fa però la sua comparsa in questo mondo pieno di fantocci di plastica senza carne e sentimenti, la procace e sensuale Margherita (o che dir si voglia «Catarina de lecch») che si mette a corteggiare il «bel Faustin» trasportandolo di botto in un Eden fatto di sensi e carnalità.

32 La vendetta di Smepì per il tradimento non tarda ad arrivare e nel quarto quadro compare Sfaust dilaniato dal dolore davanti al cadavere di Caterina. Il risveglio della vita, dei sensi e dell’amore è ormai avvenuto e niente può il rancoroso diavolo per ripristinare lo status quo ante; anzi, sarà proprio questo residuo di umanità che si oppone alla «Macchina» a meritargli il perdono e la salvezza ad opera di Cristo, sopraggiunto nel frattempo, a redimere l’amante prostrato.

33 L’amore inteso come caritas cristiana sembra dunque a Testori l’unica risposta valida in questo momento alle preoccupanti dinamiche del neocapitalismo e alla «mutazione

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 296

antropologica» di pasoliniana memoria, alla spersonalizzazione dell’individuo in nome dell’artificiale e alla incipiente globalizzazione con la sua contropartita: l’emarginazione e l’isolamento dell’uomo.

34 L’estremo omaggio di Testori alla carità14 salvifica, sorta di testamento spirituale, può essere ritenuto il dramma sdisOrè15, omaggio che acquista ancora maggior valore dalla diversità profonda tra la riproposizione e il modello offerto dalla tradizione tragica; l’eroe portatore della carità che salverà il mondo ha qui tanta più efficacia di esempio in quanto oltre che staccarsi dalla massa corrotta e degradata dell’umanità in modo da vederne il marcio e cercare rimedio, si distacca in modo provocatorio da secoli di tradizione, tanto da rinunciare al suo nome e alla sua identità mitica. È quello che accade allo scarrozzante-Oreste alla fine del suo monologo drammatico: il filo della vendetta, dopo essere stato teso nel corso del dramma con l’aiuto dell’enfasi sulla negatività della figura di Clitennestra, si spezza improvvisamente mediante l’affidamento proprio ad Oreste, l’eroe della vendetta per eccellenza così come è stato consacrato teatralmente da Eschilo, un messaggio di misericordia. Oreste, una volta compiuto il duplice assassinio, si pente rinnegando il «gran macello della vendetta» in nome di concetti del tutto nuovi che non appartengono al «grechico vocabular»: il perdono e la carità. Il capo della città di Argo, nonché della chiesa (secondo il noto inscindibile binomio), chiede ad Oreste anche in nome del «traghico Estituto» di andare in esilio lontano da Argo e di rinunciare, insieme alla sua terra e ai suoi diritti, anche al nome che tale Istituto gli aveva sino ad ora assegnato. sdisOrè rinuncia dunque alla sua tradizionale identità e nel momento di congedarsi dalla città e dalla tragedia, ormai braccato dalle Erinni, fa sentire il suo grido di rivolta: Meglio le Furie, e notte, e die, meglio le strie, ch’el vostro chivile patteggiar, la vostra chivile, inesistenta pase! 16

35 Forse però quello di sdisOrè è un viaggio verso una nuova, più vera identità. La «granda et sacra vela» di Oreste prende il largo nel tramonto e si sente nell’aria l’attesa della comparsa del Cristo- «remador» che sappia condurre l’umanità ad un diverso approdo.

36 Contro l’omologazione imperante va anche l’idioletto testoriano nel suo espressionismo: occorreva una lingua deformata, carnale e sanguigna per reggere all’urto del «tecnocratese» e del «televisese», nuovi linguaggi della cultura di massa; occorreva creare un precipitato di esperienze disparate in cui non piccola parte avessero i misteri e l’autenticità delle valli tanto conosciute e studiate dall’autore attraverso i pittori che le hanno ritratte17 nella loro diversità ancora non contaminata.

37 All’omologazione sembra però non riuscire a sottrarsi la produzione testoriana di quest’ultimo periodo, che, nel tentativo di rapportarsi ad alcuni fondamentali quesiti esistenziali in prospettiva «fideistica», finisce per diventare declinazione con poche varianti di questi.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 297

NOTE

1. G. Testori, L’Ambleto, Milano, Rizzoli, 1972; Macbetto, Milano, Rizzoli, 1974; Edipus, Milano, Rizzoli, 1977. Prime rappresentazioni rispettivamente: 16 gennaio 1973; 21 ottobre 1974; 25 maggio 1977. La Trilogia va in scena a Milano, Salone Pier Lombardo, a cura della Cooperativa Franco Parenti. Regia di Andrée Ruth Shammah, scene e costumi di Gian Maurizio Fercioni, musiche di Fiorenzo Carpi. Interprete principale: Franco Parenti. 2. Sull’effetto generale di «diversità» suscitato da una rappresentazione romana del 1974 de L’Ambleto di Testori riflette G. Taffon nell’introduzione al suo saggio Lo scrivano, gli scarrozzanti, i templi. Giovanni Testori e il teatro, Roma, Bulzoni, 1997. 3. Così Testori stesso descrive la bizzarra sede teatrale scovata fortunosamente dalla compagnia pochi mesi prima della rappresentazione: «Non era un teatro, era un locale nato come cinema, poi trasformato in autorimessa, e poi tornato cinema, ma di quei cinema di periferia, un po’schifosetti… In mancanza di meglio, lo prendemmo, e quello divenne il salone Pier Lombardo. Il teatro era tutto squinternato. Fino a poche ore dalla ‘prima’non avevamo ancora in mano il permesso di agibilità del teatro.[…] Alla fine, comunque, il permesso ci fu accordato, e il sipario potè aprirsi». (Vedi L. Doninelli, Conversazioni con Testori, Parma, Guanda, 1993, pp. 63-64. Vedi inoltre A. Bisicchia, Teatro a Milano 1968-1978. Il “Pier Lombardo” e altri spazi alternativi, Milano, Mursia, 1979. 4. G. Testori, Opere, 1965-1977, a cura di F. Panzeri, Milano, Bompiani, 1997, p. 1532. D’ora in poi, rimandiamo direttamente a questa edizione. 5. È forse sufficiente sottolineare come la tormentata omosessualità di Testori lo mettesse in condizione di toccare con mano i problemi di una sessualità diversa che si confronta con una dimensione sociale; sarebbe invece errato insistere su elementi «biografistici» per la valutazione del fatto letterario, a meno che certe costanti biografiche legate alla dimensione psicologica non siano prepotentemente entrate nel processo della scrittura (Cf. a tal proposito F. Orlando, Dodici regole per la costruzione di un paradigma testuale, in Per una teoria freudiana della letteratura, Torino, Einaudi, 1992). La presenza dell’omosessualità si fa comunque sentire fortemente in tutta la trilogia: si pensi ai personaggi di Laerte oltre che del Franzese e di Ambleto nel primo dramma, Banco nel secondo e l’ultimo dei tre condannati dal regime di Laio nell’Edipus. 6. Quello della diversità che genera scandalo è un motivo che accomuna il macrotesto testoriano a quello pasoliniano. Il tentativo utopico di una rivoluzione contro il potere costituito e l’omologazione capitalistica, destinata però ad approdare ad una nichilistica sconfitta, avvicina in modo significativo Ambleto al personaggio di Pilade, protagonista dell’omonimo dramma di Pasolini. 7. Di nuovo un significativo punto di contatto fra Pasolini e Testori, stavolta rinvenibile nella questione del rapporto padri-figli e del conflitto generazionale; la meditazione circa la contestazione studentesca e i movimenti giovanili degli anni Sessanta-Settanta si è andata a sovrapporre ad un momento forte del vissuto di questi autori, fino a generare un nucleo tematico ricorrente nelle rispettive opere. Se Testori ha concentrato questa riflessione soprattutto all’interno della Trilogia, Pasolini l’ha invece inserita in ogni ambito della sua poliedrica attività creativa: si pensi sul versante del cinema a Uccellacci e Uccellini (1965), Edipo re (1967), Teorema (1968); al poemetto Poeta delle ceneri (1966) o al componimento Il Pci ai giovani!! (1968), alla poesia Il Coccodrillo (1968) o alle pagine introduttive delle polemiche Lettere Luterane (1976), al dramma Affabulazione (1966). 8. Eschilo, Agamennone, Milano, Rizzoli, 1995, v. 11. 9. A. Cascetta, Invito alla lettura di Giovanni Testori, Milano, Mursia, 1983, p. 110.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 298

10. In questa declinazione didattica del triangolo freudiano «ciò che soprattutto viene estremizzato è la scelta a favore del figlio, di modo che la pulsione parricida e incestuosa non ha nessuna remora interna, ma […] si afferma solarmente come idea di un’umanità libera e nuova». Vedi G. Paduano, Lunga storia di Edipo re. Freud, Sofocle e il teatro occidentale, Torino, Einaudi, 1994. 11. G. Testori, Post-Hamlet, Milano, Rizzoli, 1983. Si tratta di un dramma in versi in quattro parti rappresentato per la prima volta a Milano, Teatro di Porta Romana il 12 aprile 1983 per la regia di Emanuele Banterle, scene di Gianmaurizio Fercioni, musiche di Fiorenzo Carpi. Interpreti: Adriana Innocenti, Andrea Soffiantini, Lino Troisi. 12. G. Testori, Sfaust, Milano, Longanesi, 1990. Si tratta di un monologo in quattro quadri (dal terzo quadro in versi) che costituisce il primo dramma della «Branciatrilogia seconda», rappresentato la prima volta a Milano al Teatro Nazionale il 22 maggio 1990 per la regia di Giovanni Testori. Interprete: Franco Branciaroli. 13. Di nuovo una consonanza col Pilade di Pasolini, che prospetta in forma drammatica alcune delle riflessioni che Pasolini già alla fine degli anni Sessanta andava disseminando nelle colonne dei quotidiani italiani: l’improvviso ed enorme salto fra «una cultura fatta di analfabetismo (il popolo) e di umanesimo cencioso (i ceti medi)» caratterizzata da «un’organizzazione culturale arcaica» e «l’organizzazione moderna della cultura di massa», da Pasolini definito «mutazione antropologica», rischia di spazzare via l’«universo agricolo paleocapitalistico» con la sua cultura, il suo dialetto, i suoi culti arcaici e ciclici alcora legati al paganesimo. Tale mutazione è quella imposta violentemente da Oreste nella «primitiva» città di Argo grazie alla guida e alla volontà di Atena, dea della Ragione e del nuovo sviluppo capitalistico imposto alla città. 14. Nello stesso anno di composizione dello sdisOrè l’autore stava lavorando alla traduzione della prima lettera ai Corinzi di san Paolo (G. Testori, Traduzione della prima lettera ai Corinti, Milano, Longanesi, 1991) il cui messaggio fondamentale, basato appunto sulla carità portatrice di perdono e riconciliazione, viene tradotto in forma drammatica nella vicenda di Oreste. 15. G. Testori, sdisOrè, Milano, Longanesi, 1991. 16. Ibid., p. 118. 17. Il riferimento è a Giacomo Ceruti, Giovan Battista Moroni, Gaudenzio Ferrari, il Romanino ed altri pittori ben conosciuti e studiati dall’autore durante la sua lunga attività di critico d’arte. Gli scritti di Testori intorno a questi autori sono stati raccolti nel volume La realtà della pittura. Scritti di storia e critica d’arte dal Quattrocento al Settecento, a cura di P. C. Marani, Milano, Longanesi, 1995.

AUTORE

SILVIA GIULIANI Université de Pise, École pratique des hautes études - Paris 4

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 299

Le portrait et la catastrophe

Claude Ambroise

1 La différence, j’ai voulu la repérer entre les lignes et dans les marges de Il sorriso dell’ignoto marinaio, un texte publié en 1976, qui n’est pas le premier écrit de Consolo, mais qui est, à ses yeux, et au regard de la critique également, un livre fondateur1. Pour préciser cette dernière notion à l’aide d’un exemple géographiquement voisin, on rappellera que Le parrocchie di Regalpetra (1956) de Sciascia n’est pas le premier texte de cet auteur, mais que celui-ci y voyait le texte fondateur de son œuvre.

2 Consolo est revenu sur cette fonction du Sorriso dell’ignoto marinaio, dans un court écrit de 1997, qui aujourd’hui figure dans Di qua dal faro (1999), ainsi qu’en appendice au roman lui-même dans l’actuelle édition Oscar Mondadori, dont je tire les citations qui vont suivre.

3 Précisant qu’il a vécu dans les pays des Nebrodi, Consolo remarque qu’on n’y note que de rares révoltes populaires « come quella rirsorgimentale di Alcàra Li Fusi, tramandata più dal racconto orale che dalla storiografia ». Je souligne l’opposition entre la tradition orale et l’historiographie.

4 À propos du tableau d’Antonello, il indique que celui-ci, quand il pensait le livre à faire, devait être, en quelque sorte, la pointe névralgique d’une « invenzione, costruzione, soprattutto linguistica ».

5 Troisième et dernière citation, un peu longue, toujours tirée de cette revisitation consolienne, et vraiment en harmonie avec l’objet d’un colloque sur la différence : La struttura poi del romanzo, la cui organicità è spezzata, intervallata da inserti documentari o da allusive, ironiche citazioni, lo connotava come metaromanzo o antiromanzo storico. […] per me il suo linguaggio e la sua struttura volevano indicare il superamento, in senso etico, estetico, attraverso mimesi, parodia, fratture, spezzature, oltranze immaginarie, dei romanzi d’intreccio dispiegati e dominati dall’autore, di tutti i linguaggi logici, illuministici, che, nella loro limpida, serena geometrizzazione, escludevano le “voci” dei margini.

6 Je ne désire pas proposer, directement du moins, une interprétation idéologique du roman de 1976, en relation avec l’analyse qu’on peut produire du moment historique où il est écrit, ni non plus avec les prises de position politiques de son auteur, ni encore avec le devenir des choses italiennes du temps présent.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 300

7 Pour réaliser un texte où se manifestent les ruptures, les allusions, les parodies, les citations, les exagérations de l’auteur, etc., il faut que des différences apparaissent, que le texte ne soit pas unifié dans une géométrie, dont la rection semblerait appartenir à celui qui l’écrit, comme cela se pratique dans la quête unifiante d’une histoire, opérée dans tant d’œuvres, et qui constitue également un double gommage : et de la textualité et du réel. En revanche, la différence doit être inscrite au cœur de l’œuvre, si on veut tenter un dépassement. Comment ? Dans quelle mesure ? Tel est le problème critique, ce qui signifie, pour un lecteur qui interroge et s’interroge, ne pas commencer par les universaux du méta- ou de l’anti-roman historique, ni non plus par la problématique des marginaux.

8 Je ne quitte pas le texte de 1997, intitulé « Il sorriso, vent’anni dopo » : environ à la moitié, Consolo évoque sa découverte de Cefalù, de l’érudit ottocentesco Enrico Pirajno di Mandralisca, et surtout du Ritratto d’ignoto di Antonello da Messina, tradizionalmente detto dell’Ignoto marinaio, trovato dal Mandralisca a Lipari, nella bottega di uno speziale. Dans le paragraphe suivant, le tableau est simplement indiqué comme il Ritratto, avec une majuscule.

9 Donc : il Ritratto, l’Ignoto marinaio, Ritratto d’ignoto di Antonello da Messina. Et titre métonymique que Consolo utilise pour l’évocation rétrospective de son roman renvoyant au tableau : Il sorriso. Il y a des différences à exploiter.

10 Du livre de Consolo, la recension la meilleure a sans doute été celle de . Elle figure dans Cruciverba (1983), où sous le titre L’ignoto marinaio, elle précède immédiatement une nota, intitulée L’ordine delle somiglianze, consacrée à Antonello da Messina, et d’où est extraite la seconde épigraphe du Ritratto. Du texte sciascien, évidemment antérieur au roman de Consolo, je tire ceci : A chi somiglia l’ignoto del Museo Mandralisca? Al mafioso della campagna e a quello dei quartieri alti, al deputato che siede sui banchi della destra e a quello che siede sui banchi della sinistra, al contadino e al principe del foro, somiglia a chi scrive questa nota (ci é stato detto); e certamente somiglia ad Antonello. E provatevi a stabilire la condizione sociale e la particolare umanità del personaggio. Impossibile. È un nobile o un plebeo? Un notaro o un contadino? Un uomo onesto o un gaglioffo? Un pittore un poeta un sicario? “Somiglia”, ecco tutto.

11 Ce paragraphe n’échappe pas à la contradiction consciente, énigmatique pour son auteur, qui parcourt tout le raisonnement sciascien servant de base à l’analyse de l’oeuvre d’Antonello, en relation directe avec la réalité sicilienne, laquelle se doit d’être historique, en devenir, et qui, pourtant, semble être une essence dans sa fixité. Mais ce qui se donne à regarder chez le peintre sicilien c’est, curieusement, l’essence même de la ressemblance, et ce à l’intérieur d’une société transhistorique qui, de la ressemblance justement, fait une clé de lecture de l’intersubjectivité.

12 Il faudrait être distrait pour ne pas apercevoir le lien, et même la dialectique, entre différence et ressemblance. Les Siciliens sont, plus que d’autres peut-être, en quête des ressemblances. Reste que, pour enregistrer une ressemblance, il faut d’abord qu’ait été établie une différence, pas de ressemblance sans différence préalable. Si bien que la ressemblance ne fait que traduire une plus juste évaluation d’un point du réel, la reconnaissance d’une limite. Nous avons affaire à une correction, la différence n’apparaissant plus comme un absolu, si bien que la ressemblance peut être dite un mode d’intériorisation de la différence.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 301

13 On a soutenu que ce qui ne ressemblait à rien n’existait pas. Il n’y a que la mort, « annidata, accettata, vagheggiata », dans n’importe quelle pensée du Sicilien, observe Sciascia, pour satisfaire en toute rigueur, croyons-nous, à cette absolue condition. La mort seule ne ressemble à rien puisqu’elle est justement le rien, encore que nous ne cessions de nourrir notre imagination de ses représentations, qui en fait ne constituent que des pressentiments. En revanche, tout ce qui existe a une ressemblance possible, même s’il faut qu’un sujet l’articule. Le réel est un ensemble instable d’objets, séparés les uns des autres par leur différence ontologique, dans laquelle on discernera un maillage multidimensionnel. La ressemblance est une façon de contourner la différence en tel ou tel point, de l’accepter tout en la contestant. L’ordre des ressemblances est alors comparable à un tissage que le sujet propose pour lire la part du réel qu’il saisit.

14 Dans Il sorriso dell’ignoto marinaio, au chapitre premier, le noble Mandralisca transite de l’Île de Lipari, où il a acquis le Ritratto dell’ignoto marinaio, vers la côte de la Sicile. Il ne quitte pas cette tavoletta, qu’il a même attachée à son vêtement, comme s’il voulait, physiquement, ne faire qu’un avec l’objet, qui est un portrait, et avec lequel il a veillé toute la nuit de la traversée. On dira encore que le baron y est attaché. Mais celui-ci est interpellé par un curieux personnage – « uno strano marinaio » – qui ressemble à quelqu’un qu’il connaît, se répète-t-il. Mais à qui ? En vain il cherche qui peut être ce faux inconnu. Exemple de mémoire différée, le souvenir ne lui reviendra que rétrospectivement, et en deux temps. Le personnage énigmatique était Interdonato, déguisé en marin, pour mieux jouer son rôle de conspirateur. Au chapitre 2, il se donnera pour marchand. La fiction romanesque, la fiction tout court, en effet, jettent le lecteur dans les années qui précèdent la conclusion sicilienne de l’Unità.

15 Par jeu d’écriture intercalé, Consolo manipule le tableau d’Antonello. Il en tire la figure du conspirateur, qui avait été, tout comme Mandralisca, membre du parlement sicilien en 1848 : un lecteur avisé reconnaît, dans la description du personnage, un équivalent textuel, ou presque, du portrait quattrocentesco, en particulier dans l’insistance sur le sourire. En s’interrogeant sur l’identité de l’étrange marin, qui lui a aussi indiqué, le plus simplement du monde, que, à bord, l’homme souffrant des poumons, en quête d’une guérison miraculeuse, était un « cavatore di pietra pomice », le noble Pirajno ne vit pas une expérience différente de celle que connaît quiconque a regardé le tableau d’Antonello, et que Sciascia a saisie : le personnage du tableau ressemble, mais à qui ? Et c’est précisément cela qui échappe. À la fin du premier chapitre du roman, quand le tableau est publiquement dévoilé, dans la demeure de Mandralisca, celui-ci a comme une illumination : le marin inconnu sur le bateau entre Lipari et Tindari était, étrange image, semblable au personnage de Antonello da Messina.

16 L’enjeu c’est le portrait. Le portrait de qui ? Et qu’est-ce qu’un portrait ? À l’intérieur d’un système pictural fondé sur la représentation, comme celui de ce qu’il est convenu d’appeler « l’Occident », le portrait constitue sans doute la réalisation parfaite d’un désir du peintre ou de son modèle. Non pas que le peintre fasse basculer, en le fixant sur la toile, un instant de la vie d’un être humain, exprimé par son visage, dans l’éternité. Cela ne sera même pas vrai avec la photographie. Faire un portrait, picturalement, signifie saisir d’un sujet un quid sensible, qui, en quelque sorte, est son identité, et la restituer en le reproduisant sur une surface, d’où l’illusion que ce que je vois sur le tableau coïncide avec l’image que j’ai de cette personne, ou qu’elle a d’elle- même.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 302

17 Le portrait constitue un cas du rapport entre différence et ressemblance, le cas limite, vu qu’au travers de ce dessein pictural se poursuit l’abolition d’un écart, le peintre visant l’identité de deux images : celle que j’ai de la personne que je vois, et celle du tableau que je regarde. Ne dit-on pas, en forme de compliment, que la ressemblance est parfaite ? Mais, dans cette formulation, l’adjectif altère le substantif, on tend à suggérer, en fait, l’identité, car la ressemblance, par rapport justement à l’identité, sera toujours l’aveu d’une imperfection. Ainsi pensée, elle est comme le signe d’une défaite : la différence n’a pas été abolie, malgré le désir du peintre ou de son commettant.

18 Il faut recourir à la mort. Le portrait poursuit la mort de celui qu’il représente. Quand le modèle meurt, nous en possédons enfin l’essence, le vivant n’étant plus là pour le dégrader en ressemblance, et contester la perfection supposée de l’identité. Avec perfidie, on ajoutera : combien d’hommes plus ou moins illustres ont, de leur vivant, cherché à ressembler à leur soi-disant portrait ! Et maintenant, les voici enfin tels que l’éternité les change… Le portrait vise une identité individuelle, la ressemblance est bien le moins qu’on puisse en attendre, le peintre sait qu’il faut aller au delà.

19 À moins que ne se produise un accident. Le portrait devait éterniser un mortel, mais, pour quelque raison inconnue, on a perdu jusqu’au nom et à la fonction de cet homme, et la philologie est impuissante à fournir une conclusion acceptable. Objectivement, ce portrait peut être celui de quiconque, et donc le portrait de personne. Il faut se résigner : portrait d’inconnu. Pourquoi ne serait-ce pas un marin ? Impossible, proclame l’historien de l’art, à l’époque, pas de tableau de genre, ça ne saurait être un marin, Roberto Longhi paraît chagrin que les littérateurs reprennent cette légende. Pourtant, comme le prouvent Sciascia et Consolo, c’est la littérature qui tient la route, car un tableau, aussi prestigieux soit-il, appartient autant aux gens de lettres qu’aux philologues de l’art. Et même, un tableau, n’importe quel tableau, appartient à quiconque : sur ce tableau je suis libre de projeter ma propre identité, de me confronter avec lui.

20 Dans le cas du Ritratto d’ignoto de Antonello da Messina, qui se trouve à Cefalù, où l’avait recueilli Pirajno di Mandralisca, on est en présence d’un portrait en quête d’un modèle, et tout Sicilien, à quelque époque qu’il appartienne, est candidat à ce rôle, peut être ce personnage. La capture de l’identité est inversée : le peintre entendait s’emparer d’une identité individuelle, alors que, maintenant, des individus s’interrogent, sont l’objet d’une interrogation relative à leur ressemblance avec ce portrait, qui pourtant n’est pas le leur, puisqu’il n’y a qu’une ressemblance. Et si la ressemblance valait plus que l’identité ?

21 Sciascia, Consolo disent que tel ou tel Sicilien ressemble à ce portrait. lls sont plusieurs, un nombre non fini, à lui ressembler. C’est à partir de là qu’est construit Il sorriso dell’ignoto marinaio. Au fond, cette œuvre d’Antonello, grâce à un manque, est devenue comme l’essence du Sicilien, ou, à tout le moins, d’un certain nombre d’entre eux. Le portrait reste une image, cela signifierait-il que l’essence du Sicilien est imaginaire ? Ou encore approchée, fausse ? Joli paradoxe pour une essence, mais conforme à une certaine idée du Sicilien. Effectivement, dans le cas du conspirateur Interdonato, la ressemblance réelle avec le portrait côtoie le déguisement, l’écriture permet une sorte d’osmose, au point que, trouvaille romanesque, la fiction fournit cette désignation récusée par la philologie historique : Ignoto marinaio. Le lecteur doit attendre la fin du chapitre premier pour que Mandralisca commence à comprendre, et ce n’est qu’au

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 303

chapitre 2 que le baron débrouillera la perception confuse initiale. Il écrit au chapitre 6, à Interdonato, à propos du legs qu’il entend faire de ses livres et collections : I libri e la ricolta d’antichità e dipinti saranno una pubblica biblioteca e un museo, nel quale risplenderà come un gioiello, voi già sapete, quel ritratto d’ignoto d’Antonello, a voi sì simigliante… E forse un poco anche a me, ma pure al pittore Bevelacqua, a mio cugino Bordonaro, al vescovo di qua Ruggiero Blundo, e infino, e ciò mi duole, al già ministro borbonico Cassisi e al direttore di polizia Maniscalco… Sapete? A furia di guardarlo, quell’uomo sconosciuto, qui nel mio studio, in faccia allo scrittoio, ho capito perché la vostra fidanzata, Catena Carnevale, l’ha sfregiato, proprio sul labbro, appena steso in quel sorriso lieve, ma pungente, ironico, fiore d’intelligenza e sapienza, di ragione, ma nel contempo fiore di distacco, lontananza (come quella materiale vostra d’un tempo, per mari e porti e capitali d’Europa e d’Africa), d’aristocrazia, dovuta a nascita, a ricchezza, a cultura o al potere che viene da una carica… Ho capito: lumaca, lumaca è anche quel sorriso!

22 Autour de ce passage, d’autres se regroupent, chaque fois que le mot sorriso, ou le verbe sorridere, ou riso-ridere, ou encore quelque terme qui semble renvoyer au personnage d’Antonello, apparaissent dans le texte, le lecteur se fait vigilant, pour capter les fragments du tableau irradiant. J’interprète rétrospectivement l’aveuglement du premier chapitre : c’est, paradoxalement, la ressemblance qui trompe Mandralisca, en même temps que son désir inconscient de collectionneur, d’être lui seul semblable au personnage de ce tableau. Je ne néglige pas la lecture qu’Interdonato proposait du geste de la fille du pharmacien Carnevale, au chapitre 2 intitulé L’albero delle quattro arance, ainsi que ces autres portraits, de l’Italie cette fois, que sont la Koré grecque et la broderie faussement confuse en forme d’arbre à l’envers. Ce thème du portrait, jeu stylistique de la ressemblance, plutôt que de l’identité, très fort dans les deux premiers chapitres, va se réduire par la suite, sans jamais disparaître pour autant. Les objets en présence et la structure même des deux premiers chapitres du roman sont à mettre en parallèle, car ils se ressemblent et s’opposent. Se ressembler et s’opposer, telle est aussi la structure du château du chapitre 8, « Il carcere ». Mais dans la catastrophe d’Alcàra Li Fusi, je ne vois plus le Ritratto dell’ignoto marinaio. Toutefois, il est repérable encore, au début du chapitre 7, de façon ambiguë, quand Mandralisca se souvient qu’il a transcrit les poèmes des prisonniers : « il riso dell’Ignoto, a me davanti, al tremolìo del lume, da lieve e ironico mi parve si volgesse in greve, sardonico, maligno… ». Je n’oublie pas le plan de Cefalù peint par Bevelacqua, que le baron tient dans son bureau près du portrait d’Antonello, car c’est une façon de pourtraire la ville. L’écriture consolienne enfin est portrait du langage.

23 Le thème dominant dans toute l’œuvre de Vincenzo Consolo est la catastrophe : historique, psychique, linguistique, cosmique… mathématique peut-être. Du moins est- ce là un horizon de lecture. Il sorriso dell’ignoto marinaio (1976) renferme une catastrophe au sens courant de ce terme : la révolte de Alcàra Li Fusi. L’Unità, pour la Sicile, a été une catastrophe : oui et non, au sens du Verga de Viva la libertà, oui et non au sens de quelque noble pirandellien de I vecchi e i giovani. Mais Consolo a aussi décrit la catastrophe en tant que telle, et non pas seulement comme jugement idéologique ou comme vécu de classe. Quand il montre Alcàra Li Fusi après la révolte et sa répression, ce qu’il dit c’est la catastrophe, le résultat. Le lecteur n’assiste pas à la jacquerie, le personnage qui raconte est arrivé, dirons-nous, après la bataille, il constate. Le recours à la métonymie systématique, au sens de Jakobson, conduit, dans le récit, à une représentation disloquée de ce qui tombe sous les sens, il n’y a plus d’ordre structuré

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 304

des choses, d’ordre des ressemblances, tandis que l’emploi d’expressions de la liturgie enracine le texte dans un contexte chrétien, de fin du monde En position dominante, reparaît le moine épileptique, c’est-à-dire atteint du mal caduco, personnage central du chapitre 3 intitulé « Morti sacrata ». L’épisode de la révolte lui-même s’est passé dans le Val Demone, lieu dont le signifiant évoque le diable…

24 La catastrophe – il suffit de songer au théâtre – ne se situe pas dans un avant et un après, c’est un acte final, dernier et principal événement d’un poème, d’une tragédie, mais aussi d’un roman, d’une séquence historique. Elle est à peine moins définitive que la mort, uniformisante, elle abolit tout, et jusqu’à la différence. La mort, précisément, en est souvent une composante. Dans le roman de Consolo, la catastrophe inscrite dans l’histoire (mais en Sicile, on ne connaît de fin de l’histoire qu’en apparence, ça ne cesse de continuer) en induit une autre qui s’inscrit dans la vie d’un individu, puisque le personnage principal, Pirajno di Mandralisca, se convertit à la suite de cet événement. Il s’agit bien d’une conversion, car le baron passe d’une croyance qui lui apparaît comme fausse à la vérité. Il change ontologiquement. Il cesse de croire en la différence qui fondait la noblesse, pour penser un horizon humain sans classe. Le lecteur du Sorriso dell’ignoto marinaio estimera peut-être que la fin des temps apocalyptique ou bien, dans une version laïque, la fin de l’histoire, c’est toujours ce même concept d’une catastrophe finale qui hante l’humanité et constitue l’arrière-plan de toutes les catastrophes locales traversant la vie de chacun et l’histoire des sociétés.

25 Non pas identifiable aux faits de Alcàra Li Fusi, mais en fonction de ceux-ci, un élément différentiel devient décisif idéologiquement, narrativement, structurellement, dans le personnage de Mandralisca, qui cesse d’être un noble érudit et savant, accumulant de la connaissance en soi (emblématiquement, tout savoir sur les escargots siciliens…), pour devenir le défenseur des révoltés du Val Demone auprès d’Interdonato, un personnage important dans le nouveau régime, qui n’a plus besoin de se déguiser en marin, mais à Messine est devenu procureur.

26 Dans la fiction consolienne, comme il se doit, la conversion du baron ne s’identifie pas à une illumination subite et sans antécédent. Des faits qui sont l’histoire ont happé ce collectionneur, ce docte, qui avait siégé au Parlement de Sicile en 1848, qui avait hébergé des conspirateurs en 1856, qui avait été torturé pour cette raison, qui savait d’avant encore ce qu’était la respiration d’un homme rongé par la silicose, qui avait interpellé et été interpellé ensuite par un prisonnier de Maniforti, qui avait vu Alcàra Li Fusi après la jacquerie… si bien qu’il finit par parler comme les grands socialistes de son siècle. Ce qui fait de ce personnage le héros d’une œuvre, quand bien même celle-ci joue sur la discontinuité, c’est, comme dans tout roman, la signification exemplaire que le lecteur perçoit : dans Il sorriso dell’ignoto marinaio, le cheminement intérieur et public de Pirajno di Mandralisca s’identifie à la crise de sa propre identité nobiliaire, il plaide pour les hommes de Alcàra Li Fusi, parce qu’il ne s’éprouve plus comme noble, mais comme homme.

27 Un noble est un être différent. Il peut choisir sa différence, en étant érudit, collectionneur, et même le plus grand expert de « malacologia terrestre e fluviatile di Sicilia ». Mais ce qui fait la noblesse, c’est, fondamentalement, une différence collective, de fait une appartenance : être noble, c’est ne pas être comme tous les autres. Comment saisir le fondement de cette proposition et son extension ? Tel est le questionnement qui se développe au travers du personnage, qui entre en crise vraiment, c’est-à-dire dont l’identité, à ses propres yeux, ne va plus avoir de fondement. Le point de départ

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 305

est vittorinien, car il s’agit toujours de la même question : Uomini e no ? Le noble appartient à un groupe, à une classe, encore que réduite en nombre ; entre ceux qui la composent règne une sorte d’égalité, et, malgré les différences individuelles, une complicité de fait. Les autres, qui ne sont pas nobles, peuvent être traités comme s’ils n’étaient pas des hommes, car la sélection nobiliaire engraine un mécanisme d’exclusion. Cela n’est pas vrai pour les serviteurs et quelques autres qui sont comme absorbés par le monde personnel du maître et des maîtres, qui y participent et en tirent profit. Il en va autrement des paysans, qui constituent la classe antagoniste. Que dire des révoltés, des captifs, qui sont les vrais marginaux ?

28 L’ultime strate du réel est la richesse, à savoir, à la fin du dix-neuvième siècle en Sicile, comme dans beaucoup d’autres contrées du globe, la terre. Les nobles la possèdent, les paysans la travaillent. Il existe aussi d’autres possédants avec lesquels faire bloc. L’avoir engendre une différence ontologique entre les hommes, que le socialisme, utopique ou non, entendait briser, le recours à la violence ne pouvant être tu. D’où la position incarnée par Mandralisca, par Consolo et d’autres : le Risorgimento en Sicile ne saurait se soustraire à une interrogation sur la violence. L’Italie, oui, mais quelle société ?

29 La spécificité du roman historique, par rapport à une recherche dite objective, tient à ce qu’il permet, à travers la subjectivité de l’écrivain, une réflexion critique vivante. Impossible de s’abriter derrière ce qu’on nomme les faits, et qui n’est le plus souvent qu’une apologie justificatrice de ceux qui, dans une certaine conjoncture, l’ont emporté. Le Mandralisca consolien est moins situé dans l’histoire qu’il ne montre la crise de la revendication nobiliaire en tant que justification idéologique typique de n’importe quelle classe dominante. La noblesse a pu compter davantage en Sicile qu’ailleurs, et toute justification est une fable, soutient justement le romancier.

30 On ne se débarrasse pas facilement de l’identité nobiliaire pour autant, on aimerait qu’il en restât, sur la base d’un meilleur fondement, la marque distinctive, que quelque chose continue à lui ressembler. Mandralisca est hanté par la question, il a de la sympathie pour ce que nous nommerions méritocratie, il voit aussi en Interdonato un homme noble… Mais il comprend la position de Catena, qui est la fiancée d’Interdonato : être noble, c’est faire le choix d’une attitude, celle-là même qu’a saisie Antonello dans ce portrait2, dans ce sourire notamment. Il faut donc aboutir au rejet de ce sourire que la peinture a fixé, mais qui est d’abord le mouvement d’un visage réel. Le livre de Consolo ne dépend pas particulièrement d’une thématique idéologique que les dernières années 1960 du XXe siècle auraient favorisée. Il donne à voir des différences, un culte trompeur de la différence, que la répartition, ou plus justement la captation de la richesse engendre, et qui conduit à une tragédie, à la catastrophe, face à laquelle il ne reste plus, pour le juste, qu’à tenter, après coup, de faire en sorte qu’elle ne serve pas, dans une logique de la culpabilité, à garantir la vengeance.

31 Pirajno voudrait renverser la dialectique de la différence. Comme baron, il est différent, parce que, en dernière analyse, la possession de la terre n’est possible que du fait qu’il y a des paysans qui n’ont rien et qui travaillent ses terres (i feudi). Il ne peut pas s’identifier à eux, et ne saurait parler en leur nom. Réciproquement, le discours des paysans ne peut être qu’autre, fondé sur un autre code à trouver, pour exprimer, en particulier, leur comportement et sa justification à l’égard de la violence. Une société où les paysans sont des sujets, articulent eux-mêmes leur dire, c’est une société différente, où le rapport à la propriété aurait changé. Ce dessein n’est-il que la dernière illusion d’un noble idéaliste, dont on se gausserait, s’il ne fallait en sourire ? Pour le

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 306

moment, au lendemain de l’Unità, il reste à faire (morale provisoire ?) quelque chose pour sauver la vie des paysans qui ont laissé exploser leur violence, dans la mesure où un noble éclairé en saisit la logique, enracinée dans une société qui, elle, doit être changée. De là cette plaidoirie adressée à Interdonato, qui semble avoir porté ses fruits, à en juger par le premier appendice au chapitre 9, qui constitue également une variation stylistique et éthique sur la différence.

32 Je ne crois pas que Il sorriso dell’ignoto marinaio soit un roman ésotérique, ou qu’il dise tout sur la condition humaine au delà de ce que cherche toujours à exprimer un écrivain dans une œuvre fondatrice. La spirale, la cycloïde, la coquille d’escargot… n’y est pas la clé du monde ou de l’histoire, je vois manifestée, par cette forme, la cohérence d’un personnage, vraisemblablement selon une approche matérialiste : il se convertit, mais sa pensée est analogique d’un objet constant. Par ailleurs, la spirale appartient à la culture musulmane, comme la Koré à la Grèce ; l’une et l’autre appartiennent à la Sicile et l’ont faite, comme l’Espagne, comme l’Italie, la réciproque étant également vraie, si bien que la Sicile est aussi la Grèce, les arabes, les chrétiens, l’Hispanidad, l’Italie… Elle est ce palimpseste de différences superposées, qui fait que son roman historique, dans la deuxième moitié du XXe siècle, ne peut pas être univoque, linéaire, mais, comme Il sorriso dell’ignoto marinaio, charrie une matière sédimentée, éparse apparemment.

33 L’écriture consolienne, dans son baroquisme, son refus de l’uniformité dérivée des Lumières, non pas du fait d’une position réactionnaire, mais au contraire pour que le dire soit réel autant que combatif, exprime une diversité, le refus de l’uniformisation et de l’homologation. Planté au cœur du langage, de l’historiographie, qu’il évoque et qu’il suppose connue de son lecteur, l’écrivain imagine, en relation avec la catastrophe, deux écritures : celle du baron et celle des prisonniers que la répression a frappés. Au long du roman, les différences d’écritures ont été multiples, selon la source rédactionnelle (archives, citations ou pseudo-citations…), selon les épisodes et les personnages romanesques (variations et variantes de styles narratifs), mais c’est dans l’opposition qui, bien sûr, n’est pas que formelle, entre la description objective de la catastrophe, et ces sortes de poèmes où les révoltés disent et se disent à la première personne, que la différence prend pleinement son sens, qu’elle devient la raison d’être d’un paradoxal plaidoyer. L’écrivain n’est pas hors de la société, mais au travers de la différence des écritures, il se doit d’imaginer. Il n’est ni le baron ni le paysan en révolte : il fait percevoir la différence en même temps qu’un référent commun tragique.

34 L’ordre des ressemblances reste présent à la conscience de celui qui écrit, et de celui qui lit ou relit Il sorriso dell’ignoto marinaio. Consolo a vu la fin, en Sicile, de la société que ses personnages sont censés incarner et représenter, mais il a connu également Milan, l’Italie… dans les années 1960-1970. Aujourd’hui je regarde la planète unifiée par le libéralisme, et je perçois des ressemblances avec ce que me donnait à imaginer le romancier, il y a plus d’un quart de siècle. Si Consolo était un idéologue, il n’aurait pas écrit ce livre, mais quelque traité, quelque essai. Or il a écrit un roman, et on pensera que des figures réelles de noble sicilien, d’illuminista et d’illuminé, de révolté, de femme… l’ont interpellé, ont nourri sa méditation, et l’ont conduit à écrire un chef d’œuvre, où des personnages leur ressemblent.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 307

NOTES

1. Ma bibliographie se limite au numéro de Nuove effemeridi, année VIII, no 29, 1995/1 et à l’essai de G. Traina, Vincenzo Consolo, Cadmo, 2001. 2. N’étant ni sicilien ni noble, je me situerai par rapport à cet auto-portrait sartrien que sont Les mots : « Si je range l’impossible Salut au magazin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. »

AUTEUR

CLAUDE AMBROISE Université Stendhal - Grenoble 3

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 308

Comptes rendus de lectures

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 309

Abravanel Nicole, Benoit- Roubinowitz Martine, Delmaire Danielle (éds), Histoire et conscience. Il y a soixante ans, l’ouverture des camps d’extermination, Actes des journées d’études de Lille-Amiens (31 janvier 2005 et 3 février 2005) Villeneuve d’Ascq, Édition du Conseil Scientifique de l’université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2007

Claudia Zudini

RÉFÉRENCE

Abravanel Nicole, Benoit-Roubinowitz Martine, Delmaire Danielle (éds), Histoire et conscience. Il y a soixante ans, l’ouverture des camps d’extermination, Actes des journées d’études de Lille-Amiens (31 janvier 2005 et 3 février 2005), Villeneuve d’Ascq, Édition du Conseil Scientifique de l’université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2007, 169 pages.

1 La parution de cet ouvrage collectif vient souligner le soixantième anniversaire de l’ouverture des camps d’extermination nazis par le biais d’une étude qui prend en compte aussi bien l’aspect historique que la réflexion sur la prise de conscience individuelle et collective face à la Shoah. Le recueil rassemble des communications d’historiens, d’historiens de l’art et de spécialistes de littérature, des témoignages de déportés et de jeunes gens qui se sont rendus à Auschwitz, ainsi qu’un poème inédit de Julien Delmaire, l’objectif pédagogique commun aux différentes contributions étant « le refus de l’oubli, la mémoire, la transmission – notamment à un public étudiant parfois

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 310

très démuni – et la justesse des mots » (p. 11). Cet aspect lexical fait notamment l’objet de l’intervention d’Anne Grynberg, dans le cadre de la réflexion plus générale autour de l’acte de commémorer, par laquelle cet ouvrage s’ouvre (« Auschwitz : Commémorer et nommer ») et dont nous soulignerons aussi, parmi d’autres, l’interrogation sur l’usage public et sur l’institutionnalisation de la mémoire menée par George Bensoussan et par Enzo Traverso. La notion de résistance est convoquée dans la deuxième partie du livre (« Auschwitz : Résistance ») selon deux acceptions différentes : la résistance concrète des Juifs en France et en Europe orientale, et celle intérieure des Allemands devant l’acceptation de l’Holocauste. Le questionnement historique cède la place aux récits des survivants et l’expression poétique de la douleur dans la partie médiane du recueil (« Auschwitz : Témoignages ») : le CD accompagnant les actes rend directement compte de ces témoignages. Le quatrième volet de cet ouvrage (« Auschwitz : Secret et conscience ») se concentre sur l’élaboration de la prise de conscience : en analysant le sens de la désobéissance chez de hauts fonctionnaire qui réagirent de manière différente à la persécution des Juifs, Paul Zawadki vient notamment souligner la dimension individuelle, intérieure et transcendante à la contrainte politique et au Zeitgeist, de ce que l’on appelle désobéissance civile. La dernière partie de l’ouvrage aborde l’approche littéraire et picturale de l’horreur des camps (« Auschwitz : Paroles, silences, images ») : le témoignage de Primo Levi y a une place majeure, comme le montre Giuditta Isotti-Rosowsky, qui s’arrête sur le rôle problématique de la mémoire de l’écrivain témoin, notamment de la mémoire négative qui serait susceptible de saborder ses propos, en l’obligeant à se heurter à la limite de son propre témoignage, à mettre à l’épreuve celui-ci sur le plan de la vérification historique.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 311

Arcangeli Massimo, Giovani scrittori, scritture giovani. Ribelli, sognatori, cannibali, bad girl Rome, Carocci, 2007

Claudia Zudini

RÉFÉRENCE

Arcangeli Massimo, Giovani scrittori, scritture giovani. Ribelli, sognatori, cannibali, bad girl, Rome, Carocci, 2007, 182 pages.

1 L’ouvrage enrichit l’histoire de la langue italienne d’un corpus de documentation inédit, à savoir les œuvres des écrivains italiens qui, à partir des années 1950, profitèrent de la représentation « di ambienti giovanili per riprodurre le forme espressive provocatorie o “antigrammaticali” – e comunque, in polemica con il carattere “monocorde” della comunicazione media tra gli adulti, mai neutre – riconoscibili come perfetti esemplari identitari […] generazionali » (p. 12). Dans le cadre de ce corpus, qui arrive jusqu’à l’expérience cannibale des années 1990 et à l’écriture érotique féminine des auteurs de la décennie suivante, comme Melissa P. et Pulsatilla, Arcangeli accorde une place privilégiée aux écrivains ayant choisi d’impliquer dans le texte la langue et les langages des nouveaux mass medias, visant un effet de prise directe de l’écriture sur le réel, façonnée sur la représentation cinématographique ou télévisuelle. Dans l’ensemble, la qualité novatrice de cette étude réside dans la qualité technique des repérages lexicaux et rhétoriques, appliquée de manière systématique à un corpus ayant moins fait l’objet, jusqu’à présent, d’analyses formelles que de lectures thématiques ponctuelles.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 312

Lazzarin Stefano, Colin Mariella (éds), La critique littéraire du XXe siècle en France et en Italie, Actes du colloque de Caen (30 mars-1er avril 2006) Caen, Presses universitaires de Caen, 2007

Claudia Zudini

RÉFÉRENCE

Lazzarin Stefano, Colin Mariella (éds), La critique littéraire du XXe siècle en France et en Italie, Actes du colloque de Caen (30 mars-1er avril 2006), Caen, Presses universitaires de Caen, 2007, 332 pages.

1 La critique littéraire du XXe siècle en France et en Italie réunit des contributions qui abordent les différentes méthodes d’interprétation du texte (stylistique, psychanalytique, formaliste, sémiotique, anthropologique, thématique, historique, sociologique) et les œuvres de quelques grands interprètes, dans le but de dresser le bilan du siècle écoulé, de ce véritable « âge d’or des sciences humaines » (p. 7), au cours duquel la théorie de la littérature a connu ses moments les plus glorieux dans les deux pays. Le domaine culturel franco-italien se constitue comme le terrain idéal d’une telle enquête, en raison de sa position centrale dans le canon occidental et des rapports d’influence réciproque qui unissent les traditions critiques française et italienne. Un triple enjeu est à la clé de ce remarquable ouvrage collectif : « revenir sur l’histoire de la critique littéraire […] dans un souci “philologique” de reconstruction du passé » ; « réfléchir à la situation présente – à la crise actuelle » de la critique littéraire dans nos sociétés « et aux perspectives nouvelles », voire aux nouvelles écoles critiques qui pourraient apparaître ou se développer ; et, dans ce contexte, « envisager les rapports franco-

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 313

italiens » (p. 10). Les liens réciproques entre la France et l’Italie sont au centre du questionnement critique de Viviana Agostini-Ouafi autour de la valeur de la critique de la traduction, et d’Anne-Rachel Hermetet en ce qui concerne les études comparatistes et leur réception en France. Sur le rapport entre la théorie littéraire et les sciences humaines portent les interventions de Pierluigi Pellini, qui se penche sur la marginalisation de la critique thématique en Italie, de Mario Domenichelli, proposant une revalorisation de l’histoire dans les études littéraires, d’Aldo Nemesio, défendant l’anthropologie littéraire. Des contributions s’attachant à des formes traditionnellement définies comme paralittéraires rappellent le danger d’un canon littéraire ayant longtemps exclu de la tradition littéraire « haute », par exemple, l’écriture féminine, comme le montre Claude Cazalé Bérard ; le genre fantastique, dont Roger Bozzetto discute la définition controversée ; la littérature enfantine : c’est Mariella Colin qui souligne la récente redécouverte de celle-ci, « à la faveur du renouvellement des méthodes d’interprétation littéraire » (p. 127). Dans le cadre d’une réflexion davantage théorique, Remo Ceserani nuance l’opposition entre les études littéraires et culturelles, en défendant une théorie de la littérature qui soit au service d’« un approccio alieno da qualsiasi concezione assoluta » (p. 137) ; de son côté, Romano Luperini précise la nécessité du « carattere dialogico » de la critique (p. 152), dans le contexte d’une pratique critique publique et sociale ; Edoardo Esposito s’attache à montrer l’intégration possible entre la théorie littéraire et l’étude technique de la forme poétique. D’autres contributions sont consacrées au structuralisme et à sa mise en question : celle d’Andrea Inglese autour de l’œuvre de médiateur accomplie par Cesare Segre ; de Massimo Fusillo, documentant la réception italienne du structuralisme français ; Stefano Lazzarin montre comment, par le biais de sa « (re) lecture » des œuvres de Bakhtine (p. 197), Todorov parvint à sortir de la révolution structuraliste tout en en sauvegardant les acquis ; Davide Luglio discute la réception du déconstructionnisme par la critique littéraire italienne. Les enjeux de la critique psychanalytique dans la tradition française sont examinés par Fabrice Wilhelm ; Giuseppe Sangirardi explore les raisons du rapport laborieux que les critiques italiens ont toujours eu avec la psychanalyse, en défendant son appropriation critique, à la fois « nécessaire » et « problématique » (p. 245). La critique sémiotique est au centre des préoccupations de Denis Ferraris, qui s’attache à reconstruire les rapports entre Calvino et les milieux français du structuralisme et de la sémiologie ; de Christine Baron, reconstruisant le parcours intellectuel de Calvino ; de Roberto Pellerey, départageant les courants sémiotiques français et italien ; de Nicolas Bonnet, qui souligne les malentendus dont l’œuvre critique d’Umberto Eco a été l’objet.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 314

Matard-Bonucci Marie-Anne, L’Italie fasciste et la persécution des juifs Paris, Perrin, 2007

Claudia Zudini

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 315

RÉFÉRENCE

Matard-Bonucci Marie-Anne, L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Perrin, 2007, 599 pages.

1 « L’objet de cet ouvrage est […] de s’interroger sur la nature et la fonction de l’antisémitisme d’État dans le cadre d’un régime totalitaire » (p. 10) et de faire la lumière sur une dimension longtemps ignorée du fascisme italien, notamment en France, celle d’un antisémitisme qui s’imposa comme priorité politique en Italie en 1938, de la conversion brutale des élites politiques, administratives et intellectuelles du régime à la nouvelle doctrine de haine, de la logique qui conduisit à la déportation de plusieurs milliers de juifs sous la république de Salò. S’il faut souligner la « discontinuité majeure » (p. 10) qui caractérisa l’adoption des lois raciales en Italie par rapport à la tradition idéologique libérale et fasciste, Matard-Bonucci remarque néanmoins que ces lois répondirent à une nécessité structurelle et conjoncturelle précise : « L’exclusion des juifs fut pensée comme le moteur qui permettrait à un régime au pouvoir depuis plus de quinze ans de trouver un nouvel élan » (p. 10). Si donc le meurtre en masse des Juifs n’avait pas été programmé dans le fascisme des origines, toutefois il intégra aisément, et radicalisa un régime qui concevait l’action comme un dogme, revendiquait l’escalade et la violence comme ses marques génétiques. Cet essai documente et explique comment l’antisémitisme contribua à la survie même du régime : « Sans la lutte contre l’ennemi, le fascisme, qui devait beaucoup à la culture de guerre acquise dans les tranchées, aurait perdu son identité. L’ennemi emprunta les visages successifs du communiste, du socialiste, du démocrate, du franc-maçon, du bourgeois et enfin du juif. » (p. 432)

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 316

Vial Éric, De Capitani-Bertrand Patrizia, Mileschi Christophe (éds), Emilio Lussu (1890-1975). Politique, histoire, littérature et cinéma, Actes du colloque de Grenoble (25-26 février 2005) Grenoble, Publications de la MSH-Alpes, 2008

Claudia Zudini

RÉFÉRENCE

Vial Éric, De Capitani-Bertrand Patrizia, Mileschi Christophe (éds), Emilio Lussu (1890-1975). Politique, histoire, littérature et cinéma, Actes du colloque de Grenoble (25-26 février 2005), Grenoble, Publications de la MSH-Alpes, 2008, 287 pages.

1 Complétant la bibliographie critique existant déjà en Italie, cet ouvrage collectif apporte de nouveaux éclairages sur la vie et l’œuvre de l’homme politique et écrivain Emilio Lussu, qui, tenté dans un premier temps par une conciliation avec le fascisme, en devient un des plus farouches adversaires, participant, entre autres, à la fondation du groupe libéral-socialiste activiste « Giustizia e Libertà » et du « Parti d’Action ». Parmi les différentes approches de son œuvre, une place de choix est accordée à la traduction cinématographique de son livre de souvenirs (Un anno sull’Altipiano, 1938) : ainsi, Laurent Scotto, Oreste Sacchelli et Olivier Forlin examinent le célèbre film de Rosi Uomini contro (1970), en le confrontant respectivement au contexte chronologique immédiat, à l’universalité incontestable de son message, à sa réception en France. D’autres interventions rendent compte de la valeur de la représentation de la première guerre mondiale dans les pages de Un anno sull’Altipiano (Stefano Magni), du rôle de

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008 317

Lussu dans le « sardisme » à cette même époque (Margherita Marras), de la mise en écriture de la montée du totalitarisme que Lussu propose dans l’écrit autobiographique de 1933 Marcia su Roma e dintorni (Stéphanie Laporte, Alain Sarrabayrouse). En ce qui concerne la période suivante, celle de la Résistance de Lussu en France, l’examen de prises de position de l’écrivain au sein de « Giustizia e Libertà » (Brando Fornaciari, Leonardo Casalino) ainsi que de l’antifascisme en exil (Éric Vial) est complété par la présentation d’un texte méconnu de Lussu, consacré à l’absence de défense de Rome à l’automne 1943 (Renzo Ronconi). L’étude de l’activité politique de Lussu dans l’Italie libérée et républicaine (Frédéric Attal) et le poids de son héritage (Marie-Françoise Zana-Régniez, Claude Ambroise, Luisa Maria Plaisant) concluent un ouvrage qui reconnaît et illustre à la fois le témoignage politique et humain de l’expérience de Lussu et la qualité stylistique de son écriture.

Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008