[lERS DE L'INSTITUT

L’

CONSEIL D ADMINISTRATION

WAUDECK ROCHET VICTOR JOANNES JEANNETTE THOREZ-VERMEERSCH PIERRE JUQUIN Dr H.P. KLOTZ BENOIT FRACHON PAUL LABERENNE FRANÇOIS BILLOUX IIIIENE LANGEVIN-JOUOT GUY BESSE JEAN PAUL LE CHANOIS LOUIS ARAGON NADIA LEGER EUGENE AUBEL GEORGES BAUQUIER JEAN LODS JEAN LURÇATt ANDRE BERTELOOT FLORIMOND BONTE HENRI MARTEL RAOUL CALAS PIERRE MEUNIER JEAN-MICHEL CATALA VICTOR MICHAUT JACQUES CHAMBAZ IFANNE MOUSSINAC HENRI CLAUDE JEAN ORCEL Général PETIT AUGUSTE CORNU PABLO PICASSO PIERRE COT GABRIEL PIORO PAUL COURTIEU Colonel ROL-TANGLTi' JACQUES DENIS LOUIS SAILLANT FERNAND DUPUY JEAN SURET-CANALE LOUIS DUREY EMILE TERSEN JEAN FREVILLE ELSA TRIOLET t JEAN GACON MARIE-CIAUDE VAILLANT-COUTURIER GEORGES GOSNAT FERN.\NDE VAUGNAT EUGENE HENAFFt CLAUDE WILLARD PIERRE HENTGES MARCEL ZAIDNER JEAN JEROME JEAN ZYROMSKI

PRESIDENCE

GEORGES COGNIO'I JEAN ORCEL président délépté JEAN SURET-CANALE JEAN FREVILLE MARIE-CLAUDE VAIULANT-COUTURIER GEORGES GOSNAT présidenis CAHIERS DE L’INSTITUT MAURICE THORE7

Revue irimeslrielle

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Directeur : Georges COGNIOT Comité de rédaction :

Raoul CALAS, Flenri CLAUDE. Basile DARIVAS, Jacques DENIS. Jean GACON, François HINCKER, Victor JOANNES. Victor MICHAUT. André MOINE. Claude WILLARD. Administrateur : Jacques LE CAZOULAT

4“ année, n° 20 4* trimestre 1970 SOMMAIRE

CINQUANTE ANS DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS AU SERVICE DE LA CLASSE OUVRIERE. DU PEUPLE ET DE LA NATION

JEAN FREVILLE : Un colloque international à l’Institut Maurice Tliorez .... 5 CLAUDE W'ILLARD : Rapport de la première com­ mission ...... 24 JEAN GACON: Rapport de la deuxième com­ mission ...... 27 JACQUES CHAMBAZ: Rapport de la troisième com­ mission ...... 34

ETUDES GEORGES COGNiOT: A propos des origines du mou­ vement communiste en France et des lois de son avenir .... 30 VICTOR JOANNES : GERMAINE WILLARD : La tactique < classe contre Maurice Tliorez. l’homme, le classe » dans le l^arti commu­ militant, Georges Cogniot et niste français ...... 31 Victor Joannè.s ...... 101

DOCUMENTS JEAN GACON: LE CONGRES Sur la Révolution française. DE TOURS Claude Mazauric ...... 104 l. — Résolution ...... 65 II. — Manifeste...... 65 CHRONOLOGIE BASILE DARIVAS: SOUVENIRS DE MILI­ TANTS ...... 68 50 ans d histoire du Parti communiste français : 1920- ROGER DARVES- 1970 (février 1936 à janvier BORNOZ, (Jean Parceval) ; 1937) ...... 107 Délégué au Congrès de Tours 69 ANDRE MOINE: LIVRES REÇUS ...... 134 Les chemins d ’une adhésion 82 NOTICES BIBLIOGRA­ RAYMOND BAUDIN : PHIQUES ...... 137 La trempe de l’acier ...... 88 A. LEGENDRE: POUR L’AIDE A LA PRO­ Bibliographie éditée à l'occa­ PAGANDE DE MASSE sion du centième anniversaire Schéma de conférence popu­ de Lénine ...... 138 laire sur la Commune de Paris ...... 93 Un Prix annuel de l'Institut Maurice Thorez ...... 139 LES LIVRES L’assemblée nationale des MARCEL ZAIDNER : correspondants de l’Institut . 140 La Nuit finit à Tours. Jean Appel aux lecteurs (biblio­ Fréville ...... 97 thèque) ...... 141 UN COLLOQUE INTERNATIONAL A L’INSTITUT MAURICE THOREZ

par Jean FREVILLE

Le Parti communiste français célèbre en décembre 1970 le cinquantième anniversaire de sa fondation. L’Institut Maurice Tborez, dont les activités et le rayonnement ne cessent de croître d ’année en année, a ouvert, par un Colloque international, le cycle des manifestations par lesquelles travailleurs manuels et intellectuels de France, et aussi d ’ailleurs, vont commémorer le cinquantenaire du Congrès de Tours. Ce Colloque, qui portait à la fois sur la naissance du Parti communiste français et la pénétration des idées léninistes en France, s’est déroulé du samedi 31 octobre au lundi 2 novembre dans la salle des conférences de l’Institut Maurice Tborez. Le succès qu’il a obtenu s’expliqxie amplement par la qualité des rapports et des interventions. Il a été apprécié par une assistance de choix. Notre presse s’en fit l’écho, de même que la Pravda. le Neucs DoutscMand, beaucoup de journaux français dont Le Monde, et la radio nationale. I.Æ seul reproche qu’on puisse lui adresser a la valeur d ’un éloge : le Colloque fut si riche en idées et en thèmes, si condensé, qu’à beau­ coup il parut trop court, trop ramassé dans le temps. Au vrai, il aurait fallu quatre jours pour laisser s’exprimer à la tribune les voix qui auraient voulu ou dû se faire entendre et pour que fussent rendus publics certains exposés qui ne purent, faute de temps, être développés qu’en commission, c’est-à-dire devant un auditoire restreint (entre autres, les souve­ nirs émouvants de Virgile Barel, le rapport nourri que fit Lucien Sève sur l’activité des éditions du Parti et la diffusion de la littérature marxiste en France). Les excellents comptes rendus de Claude Willard, de Jean Gacon, de Jacques Cliambaz sur le travail des trois commissions permirent au public de connaître les sujets débattus, mais avivèrent d ’autant plus ses regrets. Vingt-neuf pays étaient représentés, dont le Japon et la Mongolie. Les délégués de l’Afrique francophone et des Antilles, par leurs interventions d ’un niveau élevé et d ’une forme impeccable, produisirent une très forte impression. Les cinq rapports inscrits au programme furent tous d ’une haute tenue histo- riqpie et politique, ils embrassèrent les questions dans leur ensemble, les présentèrent dans leurs justes perspectives, en éclairèrent plus spécialement certains aspects, avec une rigueur dans la présentation et un bonheur dans les formules auxquels le talent de chaque rapporteur conférait un accent parti­ culier. Les débats qui suivirent furent marqués par de brillantes interventions : celles notamment de l’académicien soviétique Piotr Fédosséiev, directeur de l’Institut du marxisme-léninisme de Moscou, du délégué du Parti communiste italien Giuliano Pajetta, du professeur Ernest Labrousse, du délégué guinéen Mamadi Keita, secrétaire d ’Etat à l’Education nationale, de Pierre N’zé, du Parti congolais du travail. Mention spéciale doit être faite des analyses de Jean Suret-Canale sur la lutte anti-impérialiste et anticolonialiste du Parti communiste français, ainsi que d ’Alberto Secchi concernant les analogies et les différences de départ entre les Parti communistes italien et français. Tous recueillirent les applaudissements mérités de l’assistance. Des personnalités éminentes, l’ambassadeur de l’U.R.S.S., Valérian Zorine, qui suivit de bout en bout le Colloque, l’ambassadeur de Tchécoslovaquie, Frantisêk Zachystal, Ratiani, qui fut pendant de longues années le corres­ pondant de la Pravda à Paris et qui, aujourd’hui, dirige dans le même journal une importante rubrique de politique étrangère, de nombreux dirigeants du Parti communiste français, Lucien Midol, Jeannette Thorez- Vermeersch, Nadia Léger, le professeur Auguste Cornu et Jean Orcel, membre de l’Académie des sciences, honorèrent le colloque de leur présence. L’assistance était sérieuse, attenti^'e, de toute évidence vivement intéressée par les questions traitées. On remarquait dans la salle un grand nombre de jeunes, d ’étudiants, d ’agrégés d ’histoire, de sévriennes. Les représentants de la génération montante, qpii désiraient approfondir leur connaissance du passé ponr mieux continuer le combat qu’ont mené vaillamment leurs aînés, tirèrent des exposés entendus et des témoignages apportés par les partis frères de nouvelles raisons d ’espérer et une mémorable leçon d ’internationalisme prolétarien. Un ouvrage spécial, publié prochainement aux Editions sociales, rassem­ blera les textes, rapports et interventions de ce Colloque. Ainsi sera mise à la disposition d ’un vaste public une contribution importante à l’histoire du Parti conmiuniste français. Dans ce numéro des Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, il ne saurait être question de retracer de façon exhaustive le cours des débats. Nous nous contenterons de rappeler les thèmes développés dans les rapports et dans certains exposés, en nous excusant de passer sous silence des interventions intéressantes, que reproduira le volume à paraître. La sécheresse, la simplification, l’appauvrissement sont des défauts inhérents à tout résumé. Il conviendra donc de se reporter aux textes originaux, ce qui permettra d ’en apprécier pleinement la valeur. Les travau.x du Colloque ont été ouverts par une allocution de l’auteur de ces lignes, qui souligna la signification et l’importance du Congrès de Tours. Il précisa la portée et le caractère du Colloque, la volonté de ses organisateurs d ’examiner, dans un esprit scientifique et en faisant appel au sens critique, le premier demi-siècle de l’existence du Parti communiste français. Après avoir rendu hommage à Marcel Cachin, à Paul Vaillant-Couturier, à , à Maurice Thorez, il évoqua quelques souvenirs personnels.

Claude WILLARD

Claude Willard traita des origines du Parti communiste français avec une sobriété et une précision qui s’alliaient à une vue synthétique des événements de l’époque. Il évoqua les bouleversements apportés par la guerre dans l’économie et les conditions de vie des travailleurs, les souffrances et le calvaire des soldats (sur dix hommes âgés, en 1914, de 20 à 45 ans, en 1918 deux sont morts, un reste jusqu’à sa disparition à la charge de la société, trois sont amoindris pro­ visoirement ou pour toujours). A l’arrière et sur le front, la haine de la guerre ne cesse de croître. Après la Conférence de Zimmerwald (septembre 1915), l’opposition à la guerre s’organise dans des comités restreints, tant sur le plan politique que syndical. Elle se heurtera à maints obstacles, mais touchera des milieux de plus en plus larges, surtout à partir du moment où la Révolution 8

nisse appellera les prolétaires de tous les pays à se dresser contre la bourgeoisie impérialiste, contre les chefs socialistes et syndicalistes qui la suivent, à lutter pour la paix et le socialisme. La fin des hostilités le 11 novembre 1918 va donner aux luttes sociales, libérées de la menace allemande, un élan accru. Les idées de Lénine éveillent l’enthousiasme d ’une grande partie du prolétariat français, que fascine l’exemple soviétique. « Il conviendrait, observe Claude Willard, de pouvoir apprécier en quoi le très riche et complexe passé révolutionnaire de la France favorise et entrave à la fois la pénétration du bolchévisme. Une classe ouvrière révolutionnaire française, dont le Bureau de l’Internationale Communiste salue « les étonnantes traditions révolutionnaires, la culture, la disposition au sacrifice, l’admirable tempérament de combat » ; mais une classe ouvrière imprégnée d ’idéologies et de pratiques fort éloignées du léninisme. Reste cet événement : la rencontre de la tradition socialiste et révolutionnaire française avec l’influence léniniste. » Après avoir rappelé les principaux épisodes des grandes luttes sociales de 1919 et de 1920, Claude Willard passe en revue les divers courants qui s’affron­ tèrent au Congrès de Tours. « A la différence d ’autres partis conununistes, souligne-t-il, le Parti com­ muniste français naît comme parti de masse, échappant par là à certaines structures mentales propres aux sectes, mais traînant un pesant héritage. » Et Claude Willard conclut : « En France, la naissance du Parti communiste paraît répondre à un besoin profond des masses, en quête d ’une organisation neuve, d ’une stratégie nouvelle. En dépit de toutes les ambiguïtés, de toutes les confusions, les 100 000 fonda­ teurs du Parti communiste français semblent, à des degrés divers, avoir ressenti l’événement comme un commandement de l’histoire, comme une rénovation indispensable et profonde du mouvement ouvrier et socialiste français. L’his­ toire ne leur a-t-elle pas donné raison ? »

Victor JOANNES

« Les enseignements de Lénine sur la nécessité et le rôle du Parti d ’avant- garde », tel fut le thème que développa avec beaucoup de compétence et de clarté Victor Joannès, directeur de l'Institut Maurice Thorez. Après avoir réfuté les arguments et les thèses des propagateurs de l’anti­ communisme, Victor Joannès rappelle la position de Marx et d ’Engels en ce qui concerne le parti de la classe oiivrière, depuis la Ligne des comimmistes et après l’expérience de la Conunune. L’apparition des partis ouvriers nationaux de niasse se rapporte à une période qui est liée à l’activité de la IP Internationale. Pour des raisons qu’énumère l’orateur, ces partis furent peu à peu gangrenés par l’opportunisme, que Lénine ne cessa de combattre. « La nouvelle époque, souligne Victor Joannès, exigeait un parti ouvrier d ’un type nouveau, im parti révolutionnaire capable de conduire la classe ouvrière vers la conquête du pouvoir, un parti dont les formes d ’organisation, la composition et les cadres répondent aux besoins d ’une stratégie et d ’une tactique révolutioiuiaires. » Lénine engagea le combat pour la création d ’un tel parti au tournant du XIX» et du XX® siècles. Lutte théorique contre les révisionnistes, les « écono­ mistes », les « marxistes légaux » ; conception d ’un parti ouvrier de type nouveau, défini dans Que faire ? comme « le détachement d ’avant-garde cons­ cient de la cla.sse ouvrière, appelé à rassembler les masses les plus larges et à se mettre à leur tête dans la lutte pour la démocratie et la lutte pour le socialisme, qui forment un tout indissociable ». Le parti marxiste-léniniste représente « la fusion du mouvement ouvrier et du socialisme ». Victor .loannès insiste avec raison sur l’importance de la théorie : I..énine considérait la fidélité au marxisme comme le trait essentiel d ’un parti authen­ tiquement révolutionnaire. Mais cette fidélité ne se réduit pas à une répétition mécanique de formules apprises par coeur : il importe de procéder à l’analyse concrète de chaque situation concrète, de chaque phase du mouvement : « Le mouvement révolutionnaire international du prolétariat, a écrit Lénine, ne marche pas et ne peut pas marcher du même pas et dans des formes identiques dans les divers pays. » Les nations viendront au socialisme par leurs voies propres, étant entendu qu’il existe des lois générales de la révolution. La fidélité au marxisme créateur consiste à combattre les déformations opportu­ nistes de la théorie révolutionnaire et aussi sa fossilisation dogmatiqtie. Le Parti doit toujotirs garder le contact avec les masses. Victor Joannès rappelle la pensée et les attitudes de Lénine pour rendre intime et ])ermanente l’interaction du Parti et des masses : il analyse les principes léninistes d ’orga­ nisation, forgés dans la lutte contre les opportunistes, en premier lieu, évidem­ ment, contre les menchéviks. « Dans sa lutte pour le pouvoir, répétait lénine, la classe ouvrière n’a d ’autre arme que l’organisation. » 10

Les principes léninistes d ’organisation du Parti, le centralisme démocratique permettent d ’assurer l’unité et l’efficacité. Le centralisme démocratique trouve son expression pratique dans la direction collective à tous les échelons. La formation des cadres dans un esprit de critique et d ’autocritique acquiert une importance décisive. La victoire du Parti bolchevik s’explique par son organisation, son union, sa discipline : il a marché avec les masses et à leur tête, gagnant toujours davantage leur confiance et leur appui. Le Parti communiste est un parti d ’internationalistes conséquents : « Edu­ quée, dirigée par le Parti communiste français, la classe ouvrière de France, déclare Victor Joamiès, a assumé avec honneur toutes ses responsabilités inter­ nationales et nationales, elle s’est affirmée et s’affirme de plus en plus comme la seule classe capable de continuer la France. » Les enseignements de Lénine sur le parti ont triomphé de l’épreuve du temps, c’est grâce à eux que le mouvement communiste international s’est développé et que le Parti couuuuuiste français est devenu un parti ouvrier de type nouveau. Voilà pourquoi les masses lui font confiance. « Fidèle aux enseignements et aux recommandations de Lénine, maîtrisant toujours mieux la richesse inépuisable du marxisme-léninisme, développant de façon créatrice ses thèses essentielles, le Parti commimiste français, conclut Victor Joannès, a ouvert de nouveaux chemins pour la marche de la France au socialisme. »

Etienne FAJON

La séance du samedi après-midi, placée sous la présidence de Jeannette Thorez-Vermeersch, débute par le rapport d ’Etienne Fajon : « Le Parti com­ muniste français et la théorie marxiste-léniniste ». Le directeur de F Humanité examine d ’abord la signification théorique de la formation du Parti et rappelle à grands traits ce que furent les divers courants idéologiques du mouvement socialiste et ouvrier français jusqu’à la guerre de 1914. Il explique les raisons de l’impuissance et de l’effondrement du Parti socialiste français et de la Confédération générale du travail quand éclata la première guerre mondiale. « Le Parti commimiste français, né au Congrès de Tours, dit Etienne Fajon, s’inspire dans son activité théorique de deux préoccupations inséparables. D’ime part, il défend le marxisme-léninisme contre toutes les variantes de l’idéo- 11

logie bourgeoise et du révisionnisme, il veille à la formation théorique de ses militants et à une propagation toujours plus large de la théorie dans la classe ouvrière et le peuple. D’autre part, il apporte sa contribution au développement de la théorie, science vivante qui s’enrichit sons cesse des acquisitions de la recherche et des expériences de la lutte, au fur et à mesure que les succès des pays socialistes, de la classe ouvrière et des mouvements de libération natio­ nale modifient le rapport des forces et par voie de conséquence les conditions de l’action révolutionnaire. » L’orateur analyse les processus caractéristiques de l’économie française au XX® siècle. Accélération de la concentration capitaliste, formation de trusts et de cartels gigantesques, intervention croissante de l’Etat. Le pouvoir des mono­ poles se renforce, l’antagonisme entre les intérêts de l’oligarchie et ceux de la nation s’accentue. C’est sur la base de cette analyse que le Parti communiste français a défini sa politique, dont le rapporteur résume les étapes. La classe ouvrière joue désormais un rôle historique déterminant, elle apparaît comme la dirigeante naturelle de toutes les forces anticapitalistes. « Notre politique en 1970 continue celle d ’il y a 35 ans sans, bien sûr, la copier, les différences de l'une à l’autre s’expliquant à la fois par les modifi­ cations des rapports de force intervenues entre-temps en France et dans le monde, par l’évolution du capitalisme monopoliste d ’Etat dans notre pays et par les leçons de l’expérience française et internationale accumulée au fil des années. » Etienne Fajon étudie ensuite les voies du socialisme et l’effort créateur du Parti communiste français, qui s’accorde pleinement avec la résolution votée à Moscou en juin 1969 par la Conférence internationale des partis communistes et ouvriers : « Chaque parti, partant des principes du marxisme-léninisme et tenant compte des conditions nationales concrètes, élabore en toute indépen ­ dance sa politique, définit sa direction, les formes et les méthodes de sa lutte, détermine sa voie pacifique ou non-pacifique, selon les circonstances, de passage au socialisme, ainsi que les formes et les méthodes de construction du socialisme dans son pays. » IjC mot d ’ordre pour une démocratie avancée, proclamé en 1968 dans le Manifeste de Champigny, comporte un ensemble de mesures économiques et sociales susceptibles de réduire la puissance des féodalités économiques et aussi d ’assurer la participation effective du peuple à tous les échelons de la gestion de l’économie et du gouvernement. C’est là une voie originale proposée à la classe ouvrière et au peuple de France. Le Parti communiste français, qui s’inspire de l’internationalisme prolé- 12

tarieu, fonde son action sur ses responsabilités nationales et sa vocation à prendre en charge les destinées du pays. Héritier d ’un passé glorieux, il identifie l’intérêt national et les intérêts de la classe ouvrière, il préconise l’alliance de la classe ouvrière avec toutes les couches sociales antimonopolistes. Sa politique est une politique nationale et une politique de classe, qu’il mène en luttant contre l’opportunisme de droite et de gauche.

Ernest LABROUSSE

Dans une vibrante intervention, le professeur Ernest Labrousse rappela qu’il parlait en témoin et eu ami. Il insista sur le fait que la naissance du Parti comnumiste était commandée par le déroulement même de l’histoire. « Les années 1919-1920 sont caractérisées par un mouvement ouvrier sans précédent. Le mouvement se développe d ’autant plus qu’on est en période de démobilisation militaire, qui est aussi démobilisation des anxiétés nationales. « L’hypothèque nationale, l’inhibition nationale de la lutte sociale est levée. L’ancien poilu se rend compte qu’à la mort des uns ont correspondu les profits des autres. Une sorte de grand règlement de comptes devient inévitable. « Jamais on n’avait assisté à une pareille accélération du mouvement, encouragé par le « jamais vu » de 1917. » La courbe des grèves descend brusquement après l’échec de la grève des cheminots de mai 1920. Mais le mouvement qui porte les travailleurs français vers la Révolution russe est irréversible. « Ainsi le Parti communiste est né dans une conjoncture économique et sociale, et, par-delà, dans une atmosphère morale qui résultait : 1) de la guerre ; 2) de la révolution soviétique. Il n’est pas né d ’un hasard, mais de l’immense appel d ’une génération. « La révolution ouvrière et paysanne représentait un facteur mondial sans précédent. Elle avait un prestige sans bornes. Les travailleurs voulaient être dans le camp de la révolution russe. Et c’est ce sentiment qui maintint debout, face au vent, le Parti communiste français, malgré les dures années de son enfance. Ce Parti était le fruit d ’une conscience de classe exaltée par l’immense événement qui faisait la grande différence du XIX* et du XX® siècles en susci­ tant deux camps dans le monde. Et je garde de ces circonstances un très vif souvenir ; la naissance du Parti fut incertaine et fragile, comme toutes les naissances. Mais les événements d ’où il est sorti étaient à la mesure de son destin. » 15

En terininaiit, Ernest Labrousse souligna le rôle que joue rbomnie, l’individu dans l’historiographie marxiste, laquelle « n’exile ni le héros ni la masse >.

Georges COGNIOT

Georges Cogniot, président de l'Institut Maurice Thorez, qui vient de publier aux Editions sociales, eu collaboration avec Victor Joannès, un ouvrage remarquable sur Maurice Thorez, consacre un rapport non moins remarquable au dirigeant qui joua pendant quarante années, de 1924 à 1964, un si grand rôle dans les luttes du peuple français et sur l’arène internationale. « Maurice Thorez, dit excellemment Georges Cogniot, a donné une inter­ prétation léniniste du mouvement de la société française. Il a dès le début compris la formation du parti ouvrier de type nouveau dans notre pays comme une nécessité historique, comme l’aj)plication d ’une loi de développement du mouvement ouvrier, par opposition à l’idée révisionniste et bourgeoise d ’après laquelle la fondation de ce parti, en décembre 1920, aurait été ou fortuite ou arbitraire. Il voyait dans le Parti communiste français le produit de la « fusion entre le mouvement ouvrier national et le marxisme-léninisme », fusion qui dénotait une maturité politique supérieure du prolétariat. « Lors du quarantième anniversaire du Congrès de Tours, le secrétaire général du Parti a évoqué la décision de 1920 comme résultant normalement de l’influence convergente exercée par les idées léninistes, que la Révolution d ’Octobre avait mises dans tout leur éclat, et par l’essor de la lutte des masses en France même, qui faisait revivre les plus belles traditions révolutionnaires de notre classe ouvrière et de notre peiq)le ; le Parti est né d ’un retour aux meilleures sources nationales, il est né de la profonde continuité révolution­ naire française réactivée et renouvelée par le léninisme, — et non pas, selon la version de certains historiens antieommunistes français, comme Mme Annie Kriegel, ou américains, comme M. George Lichtheim. — d ’une greffe artificielle du bolchévisme sur le vieux socialisme français. Mme Annie Kriegel écrit que le communisme français « existe hors et contre le socialisme traditionnel ». .Maurice Thorez pensait au contraire que le communisme, en dépassant la tra­ dition socialiste, l’avait du même coup accomplie et couronnée ! « Tout en mettant l’accent sur cette tradition, Maurice Thorez faisait ressortir l’inunense apport novateur de Lénine à la théorie de la révolution socialiste et à la théorie du parti ouvrier de type nouveau, ainsi que la précieuse 14

contribution pratique de Lénine et de l’Internationale Communiste à la consti­ tution du Parti communiste français en 1920 et ensuite à son développement positif à travers la lutte contre les séquelles de l’opportunisme. Il insistait sur l’aide déterminante de l’Internationale coranuiniste à la transformation d ’un Parti communiste de nom, réformiste et conciliateur de fait, en un véritable Parti communiste digne du titre qu’il porte et incarnant effectivement les meilleures qualités de la classe ouvrière. » Maurice Tliorez s’est battu pour que le Parti commimiste soit réellement l’avant-garde de la classe ouvrière. L’orateur brosse la fresque des luttes incessantes menées par le secrétaire général du Parti pour unir le prolétariat et lui donner des alliés — paysans, intellectuels, artisans et petits commerçants. L’vmité de la classe ouvrière a été conçue par Maurice Thorez comme la condition de l’union des forces démocratiques, et la question des alliances a toujours été posée par lui concrètement au cours des différentes étapes du combat. Ce sont les principes mêmes du marxisme-léninisme que Maurice Thorez s’est attaché à faire triompher en France contre toutes les formes de l’oppor­ tunisme. n a instauré solidement dans le Parti les règles du centralisme démo­ cratique. Il a lutté sur deux fronts, contre l’opportunisme droitier et contre le sectarisme gauchiste. Il a enseigné aux cadres le style léniniste de direction, caractérisé par la méthode scientifique, l’esprit démocratique et le sens de la direction collective, enfin par l’esprit de réalisation et la concordance des actes avec les paroles. Il a fait constamment appel aux jeunes et aux femmes, aux forces neuves qui naissent à la vie sociale et politique. Défenseur ardent de l’internationalisme prolétarien, Maurice Thorez s’est appuyé sur un patriotisme populaire de type nouveau, il a été l’artisan principal de « la nouvelle rencontre de la classe ouvrière avec la France ». La saisie concrète de la réalité changeante et la faculté d ’innovation sont les traits marquants de son activité politique. Son aptitude à saisir les éléments originaux de chaque situation lui a permis d ’effectuer les tournants dont l’his­ toire du Parti, sous sa direction, offre tant d ’heureux exemples. « Maurice Thorez, souligne Georges Cogniot, a été un éminent connaisseur et théoricien du marxisme-léninisme. Réagissant vivement contre le dédain de la théorie, l’éclectisme et l’empirisme qui traduisaient dans le mouvement ouvrier français la double survivance de la paresse d ’esprit, de la routine social-démocrate et du culte anarchisant de la spontanéité, bataillant contre « le praticisme étroit et borné », il a donné à tous les militants l’exemple de 15

la culture marxiste puisée aux sources, de la lecture méthodique des classiques du socialisme scientifique, de l'étude approfondie du matérialisme dialectique et historique en liaison avec l’analyse sans parti pris de chaque situation objec­ tive et avec le travail pratique quotidien. » Georges Cogniot analyse l’apport personnel de Maurice Thorez à la théorie marxiste-léniniste. Maurice Thorez a fait du Parti communiste français un facteur utile et efficace, il l’a inséré dans la vie politique et pratique du pays à chaque étape. Et Georges Cogniot salue en ces termes les conséquences et les résultats de quarante-cinq années d ’activité militante de celui qui fut assurément un des meilleurs fils du peuple français : « Le Parti communiste français, au temps de Maurice Thorez et apres Maurice Thorez, a toujours indiqué à la classe ouvrière et au peuple l’issue concrète de chaque situation particulière, la solution immédiate de chaque problème partiel. En même temps, il montrait à tous les travailleurs, à toutes les victimes de l’oppression monopoliste, la direction générale de la vie nouvelle, la nécessité de la transformation sociale qui découle de toutes les tendances de la société actuelle. Parti révolutionnaire de type nouveau, le Parti conununiste français n’a pas seulement eu le mérite, reconnu par le sociologue bourgeois Raymond Aron, de « durer tel que l’ont voulu ses fondateurs », avec Lénine au premier rang. Il s’est développé à tel point que, pour reprendre une formule de Maurice Thorez (27 mars 1956), il « porte les espoirs de tout un peuple résolu à vivre dans la liberté. »

Roland LEROY

Après une suspension, la séance reprend sous la présidence du professeur Jean Orcel. Roland Leroy, membre du Bureau politique, présente son rapport : « Le Parti conununiste français et la culture nationale ». Aucun autre parti en France, observe l’orateur, n’accorde ime attention aussi constante, une place aussi grande dans son activité aux problèmes de la culture. Après avoir souligné l’influence qu’exercèrent les intellectuels dans le passé. Roland Leroy rappelle les enseignements de Lénine sur la révolution culturelle. Seul le socialisme, déclare l’orateur avec force, peut apporter une réponse aux problèmes posés par le développement même de la culture. 16

Les intellectuels communistes ont pris une part éminente à l’essor culturel du Front populaire et aux luttes de la Résistance. Georges Cogniot a, dès 1943, esquissé une réforme démocratique de l’enseignement ; et Henri Wallon l’ont élaborée à la Libération. Aujourd’hui, « nous ne sommes plus à l’époque où il ne pouvait s’agir, pour l’essentiel, que du ralliement d ’un petit nombre d ’intellectuels à la classe ouvrière. C’est d ’une alliance, d ’une lutte de masse conmiuiie qu’il s’agit désor­ mais, d ’une alliance qui devient capitale dans les luttes pour la démocratie et le socialisme ». Les conséquences de la révolution scientifique et technique sur la produc­ tion et la vie quotidienne sont considérables. Les problèmes culturels prennent une dimension nouvelle. Mais le régime social s’oppose à l’accession des masses à la culture. Le capitalisme monopoliste d ’Etat est incapable de mettre en œuvre toutes les ressources intellectuelles de la nation, comme le commandent le niveau atteint par les forces productives et les besoins du développement de la culture elle-même. Les contradictions du capitalisme ne peuvent être résolues que par le pas­ sage au socialisme. Dans une première étape, il s’agit d ’éliminer le pouvoir des monopoles et de le remplacer par une démocratie avancée, qui créerait les conditions d ’une politique culturelle réellement démocratique, à l’élaboration de laquelle participeraient les intellectuels. Le XIX“ Congrès du Parti conununiste français a mis en évidence l’impor­ tance croissante de la lutte idéologique. La grande bourgeoisie utilise les moyens multiples dont disposent le pouvoir et l’appareil d ’Etat. L’idéologie bourgeoise, s’appuyant sur les teclmocrates, avance des thèses qui tendent à proclamer le dépassenrent du capitalisme et du socialisme, leur convergence vers un type unique de société, dite « industrielle », voire « post-industrielle ». La classe ouvrière, à en croire ces « théoriciens », n’aurait plus de rôle à jouer ; la première place appartiendrait désormais aux intellectuels, intégrés dans le capitalisme et opposés à la classe ouvrière. Lutter contre cette idéologie bourgeoise devient une tâche essentielle. Il importe d ’approfondir et de développer les acquis nouveaux de la science et de la pensée en les englobant dans le matérialisme dialectique et historique. Roland Leroy trouve d ’heureuses formules pour exposer les conceptions du Parti communiste dans le domaine de la culture et de l’art. « La « nouvelle société », telle que l’a définie M. Cliaban-Delinas, ne serait rien d ’autre qu’une « société de consommation dotée d ’un supplément d ’âine ». 17

L’art aurait ainsi pour rôle d ’offrir une compensation à des maux qui seraient inhérents à toute « société industrielle ». Il constituerait pour l’homme le seul domaine dans lequel il pourrait trouver la preuve de sa dignité et réaliser l’épanouissement de sa personnalité. « Nous combattons l’idée que l’art pourrait suppléer aux transformations sociales indispensables pour libérer l’homme de maux qui sont ceux de la société capitaliste. « Nous combattons également les thèses gaucliistes, — dont la parenté avec ce que nous venons de dire est criante, — et qui font de l’art l’instrument privilégié, sinon unique, de la prise de conscience de la nécessité de ces transformations. « Nous rejetons toute conception grossièrement utilitariste et normative de l’art. Nous combattons toute prétention d ’interdire à l’art d ’explorer tel ou tel domaine de la vie sociale. Les artistes doivent pouvoir exprimer, dans le libre déploiement de leur imagination, leur goût et leur originalité, dans la confrontation permanente des écoles et des styles, tous les aspects de la réalité contemporaine, y compris tout ce par quoi se manifeste ce qui en constitue la donnée majeure : l’écroulement, à l’échelle du globe, du vieux monde capitaliste d ’oppression, de misère et d ’ignorance et la prise en mains par des masses humaines toujours plus considérables de leur propre destin. « Nous ne demandons pas davantage à l’artiste de s’amputer de l’homme social, du citoyen qu’il est. »

LES DEBATS

Les débats qui remplirent la journée du dimanche 1" novembre, sous les présidences de Marie-Claude Vaillant-Couturier, de François Billoux, de Flo- rimond Bonte, de Marc Dupuy ne présentèrent à aucun moment la froideur de débats académiques. Ils furent vivants, chaleureux, parfois passionnés, d ’une grande richesse de contenu, instructifs et émouvants à souhait. Quelques- unes des interventions retinrent, par leur importance, plus particulièrement l’attention ; l’assistance apprécia vivement des communications comme celle du jeune professeur Jacques Varin qui, au nom du Mouvement de la jeunesse communiste, rappela comment la jeunesse socialiste avait précédé, en 1920, de quelques mois, le Parti socialiste français sur la voie de l’adhésion à la IIP Internationale. 18

Oii écouta aussi avec intérêt les exposés du représentant du Parti de l’Avant-garde socialiste d ’Algérie ; de Joseph Czezak, du Comité central du Parti unifié polonais ; d ’Ernest Diehl, du S.E.D. (R.D.A.) ; des repré­ sentants des partis frères tchécoslovaque, roumain, bulgare, guadeloupéen, grec, belge, espagnol... Il faudrait les énumérer tous. Claude Willard, Jean Gacon, Jacques Chambaz résmnèrent avec maîtrise à la tribune le travail des commissions. Leurs rapports figurent dans le présent numéro, ainsi que la communication d ’un délégué au Congrès de Tours, notre camarade Roger Darves-Bornoz (Jean Parceval). Nous nous bornons ici, faute de place, à citer certains passages des impor­ tantes interventions de Piotr Fédosséev et de Giuliano Pajetta.

Piolr FEDOSSEEV

La communication de Piotr Fédosséev, par son intérêt historique et les précisions qu’elle apporte, mériterait d ’être reproduite in extenso. Nous en citons le début. « En parlant du devenir du Parti communiste français, du rôle de Lénine dans sa formation, il convient avant tout de souligner que la fondation du Parti a été le résultat logique de l’évolution historique du mouvement ouvrier et socialiste en France, du développement des contradictions de classe propres à ce pays dans les conditions de la nouvelle époque inaugurée par l’Octobre russe. « Dès les années de la première guerre mondiale, Lénine, notant l’activité des internationalistes révolutionnaires de France dans le mouvement ouvrier, écrivait : « Je fais confiance au prolétariat révolutionnaire français. 11 saura activer aussi l’opposition française. » La lettre de Lénine fut publiée en tract à Genève, en 1916, en langue française, et fut aussi diffusée en France. L’influence de la Révolution socialiste d Octobre, disait Maurice Thorez, a été décisive pour le mouvement ouvrier français. Elle l’a tiré de l’état de dispersion et de faiblesse dans lequel il se trouvait pendant la guerre impé­ rialiste de 1914-1918. Elle l’a éveillé et fait renaître en déterminant, confor­ mément aux traits originaux du mouvement prolétarien et de la conjoncture politique en France, la création d ’im parti ouvrier de type nouveau : le Parti communiste français, fondé en décembre 1920. « La création en mars 1919 de l’Internationale comnnmiste basée sur les 19

principes de rintcrnatioualisme prolétarien constituait un immense pas on avant dans le développement du mouvement révolutionnaire mondial. La classe ouvrière française, avec ses traditions révolutionnaires et son esprit combatif, s’assimila rapidement les idées du communisme. « Dans son adresse du 10 octobre 1919, « Salut aux communistes italiens, français et allemands », I.,éuine écrivait qu’en France, « une série d ’organisations prolétariennes ont déjà adhéré à la IIP Liternationale. Les sympatliies des masses ouvrières sont incontestablement du côté du communisme et du pouvoir des Soviets. » En même temps. Lénine indiquait aux communistes français la nécessité de combattre résolument l’opportunisme et le centrisme. « Dans sa lettre du 28 octobre 1919, Lénine, en s’adressant à ses partisans en France, indiquait qu’il faudra « ... lutter longtemps encore contre l’oppor­ tunisme... ». Il avertissait que « les parlementaires et politiciens « expérimentés » essaieront bien des fois encore de s’en tirer en reconnaissant verbalement la tactique révolutionnaire et la dictature du prolétariat, mais en cherchant en réalité à duper le prolétariat par des stratagèmes et des faux-fuyants nouveaux,... à poursuivre la vieille politique opportuniste, à nuire à la révo­ lution et à l’entraver au lieu de l’aider. » Dans sa correspondance avec Jean Longuet, Lénine attirait inlassablement l’attention sur le fait que le prolétariat français avait besoin d ’un parti libéré de tout opportunisme ; et que la princi­ pale condition de l’adhésion du Parti socialiste français à la IIP Internationale était l’exclusion de ce parti des opportunistes avérés. « Tout en contribuant au profond remaniement du Parti socialiste, à son passage sur des positions communistes, l’Internationale communiste établissait une nette distinction entre les leaders opportunistes et les militants du rang. Sous ce rapport, un grand intérêt s’attache à la lettre du Comité exécutif de l’Internationale communiste en date du 22 mai 1920, qui est relative à la préparation du IP Congrès de l’Internationale communiste et adressée à Loriot. Dans cette lettre, conservée aux archives de l’Internationale, il est dit : « Ceux des indépendants allemands et des longuettistes français qui acceptent enfin de renoncer sérieusement à leurs errevirs et d ’adhérer loyalement à l’Asso­ ciation internationale des ouvriers dite Internationale communiste, pourront participer à notre Congrès et nous serons heureux de les y rencontrer. L’immense majorité des ouvriers adhérant au Parti indépendant d ’Allemagne et au Parti socialiste français dirigé par Longuet sont de notre côté. » La lettre exprimait le vœu que les ouvriers longuettistes français envoient leurs repré­ sentants au Congrès. « Lénine et l’Internationale communiste enseignaient aux socialistes de 20

gauche comment surmonter aussi bien les errements opportunistes de droite que le gauchisme et l’esprit sectaire. L’ouvrage de Lénine La maladie infan­ tile du communisme (le € gauchisme »), rédigé au printemps de 1920, eut une immense importance pour les communistes français. » A la fin de son substantiel exposé, Piotr Fédosséev a remis à l'Institut Maurice Thorez, de la part de l’Institut du marxisme-léninisme, de précieux documents historiques.

Giuliano PAJETTA

Giuliano Pajetta consacre son intervention à l’activité des militants italiens membres du Parti communiste français pendant la période qui va de l’établissement du fascisme en Italie (1922) à la guerre victorieuse de libé ­ ration (1945). Sujet neuf et passionnant ! L’orateur examine non seulement les rapports qui se sont établis progressivement entre les deux partis, mais aussi la participation active des communistes français à la lutte contre le fascisme italien. « Les raisons sont nombreuses qui, en ces années, ont conféré une telle importance à tous les événements de la politique étrangère et intérieure de la France, et par conséquent au rôle du P.C.F. « Citons en premier lieu le poids de la France du fait qu’elle était une grande puissance, et même la plus grande puissance continentale, depuis la conclusion du Traité de Versailles, la puissance la plus forte économiquement et militairement pour une longue suite d ’années, et le chef de file d ’un large système d ’alliances, jusqu’aux années trente. « Ensuite, l’animation de la vie politique, culturelle et syndicale de votre pays, qui entraînait dans son mouvement les masses nombreuses d ’émi­ grés et de réfugiés provenant des contrées les plus diverses, depuis les réfugiés arméniens jusqu’aux Russes blancs, des Italiens aux Polonais ; l’influence de la culture française, et en dernier lieu, mais non au dernier plan, le rôle particulier de Paris, la ville à la fois la plus française et la plus cosmopolite, la grande et xmique capitale de l’Europe depuis la décadence de Berlin, de Vienne et de Saint-Pétersbourg à la suite de la première guerre mondiale et de la victoire du fascisme dans une si grande partie de l’Europe. « La raison la plus importante tenait toutefois au fait que pour l’Europe 21

et le monde, même aux moments des sursauts nationalistes et des Parlements « bleu horizon », la France était le pays de la grande révolution de 89 et de la Commune de Paris. « Ce rôle de la France prit im éclat nouveau lors des années 1934-1939, quand elle apparut, en dehors de l’Union Soviétique, comme la grande espé­ rance d ’une reconquête de la liberté, la citadelle et le refuge des forces démocratiques et antifascistes. Même au cours de la guerre d ’Espagne, la plus noble et la plus glorieuse des batailles nationales et internationales qui précédèrent la Résistance, ce rôle de la France ne fut point amoindri. « Le fait même qu’à la tête de ce grand mouvement de renaissance natio­ nale que fut le Front populaire se plaçait le Parti de la classe ouvrière, le P.C.F., et que ce Parti était devenu, surtout après le VIP Congrès de l’Inter­ nationale communiste, le plus important parmi les partis des pays capitalistes européens, s’avéra comme un grand exemple, un encouragement et un stimulant, aussi bien qu’une riche source d ’enseignements pour les communistes de toutes les nationalités, et en premier lieu pour ceux qui résidaient en France. « ... Un lien traditionnel, facilité par le voisinage géographique, par la similitude des langues, par les nombreux contacts économiques et culturels, s’est établi de longue date entre les démocrates et les révolutionnaires italiens et français. D’autre part, ainsi que Thorez le rappelait dans son rapport d ’Arles, la France était intervenue directement, pour le bien et pour le mal, par sa politique et par ses armes, dans les événements de l’unification italienne au cours du XIX* siècle. A côté d ’une France officielle, qui avait défendu le pouvoir temporel des papes, qui s’était souciée uniquement d ’équilibre de puissance et avait craint la naissance d ’un grand Etat italien unitaire, la France démocratique avait constitué la terre d ’élection des forces les plus avancées de la démocratie italienne, de Garibaldi à Mazzini, à Pisacane. » Avec l’instauration du fascisme en Italie, l’émigration des ouvriers italiens en France grossit considérablement. Ciuliano Pajetta étudie avec beaucoup de précision les rapports entre l’émigration italienne et le P.C.F. de 1921 à 1933, puis de 1933 à 1939, enfin pendant la guerre et la Résistance (de 1939 à 1945). Cet historique forme la substance même de son rapport. « Une caractéristique particulière de l’attitude des communistes italiens qui militaient dans le P.C.F. a toujours été leur esprit de parti développé », note Giuliano Pajetta. Il est impossible de résumer le récit fouillé que fait l’orateur des péripéties et des drames par lesquels passa l'émigration italienne durant de longues aimées de luttes. Les communistes italiens ont écrit avec leur sang une page glorieuse de leur histoire au sein du P.C.F., dans les batailles de la Résistance française. Rentrés en Italie pour prendre part à la guerre des partisans, ils rap­ portaient de France « un riche bagage d ’expérience politique et d ’expérience d ’organisation, ils s’orientaient vers la réalisation d ’une politique d ’unité nationale. »

Georges MARCHAIS

Le lundi matin 2 novembre, au cours de la séance solennelle de clôture, sous la présidence de Raymond Guyot, , secrétaire général adjoint du P.C.F., a prononcé un important discours où il a évoqué quelques-uns des problèmes cruciaux de notre temps. Il a souligné la nécessité d ’aborder l’étude de l’histoire du Parti commu­ niste français « avec esprit scientifique » et sans « esprit d ’apologie ». Parlant d ’une voie propre à la France pour le passage au socialisme, Georges Marchais déclare : « Sans doute s’agit-il d ’uue voie nouvelle, originale, de marche au socia­ lisme. Sans doute les révolutions qui ont abouti à ce jour à l’avènement de quatorze Etats socialistes ont-elles suivi des cours différents. Mais le léninisme fait précisément à chaque Parti communiste un devoir de fonder son pro­ gramme de lutte sur une appréciation scientifique de la réalité, sur une analyse exacte des conditions nationales et de la conjoucture historique. S’il y manquait, s’il se laissait aveugler par le dogmatisme, il lui serait impossible de conduire sa tâche au succès, impossible de gagner la confiance des masses populaires. « ... C’est pourquoi, nous fondant à la fois sur les principes du socialisme scientifique, sur la riche expérience du mouvement communiste international avec ses succès et ses erreurs, sur les particularités nationales de notre pays, nous proposons à notre peuple de construire la société socialiste selon une voie véritablement propre à la France, et à la France d ’aujourd’hui. « Le grand débat que nous avons désormais engagé avec les masses popu­ laires nous permettra sans auctin doute d ’enrichir encore et de préciser nos solutions en ce sens. « Il y va de nos responsabilités devant la classe ouvrière et le peuple français, mais aussi devant le mouvement ouvrier et révolutionnaire mondial. » Après avoir rappelé avec beaucoup de relief les principes dont s’inspire le Parti communiste dans son action, Georges Marchais souligne que « notre Parti n’a rien à cacher aux masses populaires parce qu’il est leur Parti. » Le secrétaire général adjoint termine son discours par le rappel que le Parti communiste n’est lui-même qu’en avançant au rythme de notre temps. « A notre époque, l’époque du passage du capitalisme au socialisme dans le monde, les transformations de tous ordres se poursuivent à un rythme rapide. « Comment le Parti révolutionnaire de la classe ouvrière pourrait-il ne pas tenir étroitement compte de ces changements qui affectent la société, les hommes, les conditions de notre lutte ? Marx, Engels, Lénine, le mouvement communiste international nous donnent l’exemple à cet égard. « C’est pourquoi, nous appuyant solidement sur nos principes marxistes- léninistes, sur notre expérience et sur celle du mouvement ouvrier international, nous nous employons à répondre aux exigences nouvelles du combat en utili­ sant des façons de faire nouvelles, en avançant des idées neuves. Nous l’estimons indispensable pour être encore mieux nous-mêmes, c’est-à-dire un Parti commu­ niste lucide et fort, jouant toujours plus efficacement son rôle d ’avant-garde dans le combat pour la démocratie et la paix, pour le socialisme. » Le Colloque était terminé. Avant de regagner leur pays, les délégués des partis frères se retrouvèrent autour des dirigeants du Parti communiste français et des dirigeants de l’Institut Maurice Thorez à un repas fraternel, où des toasts chaleureux furent échangés. Digne fin d ’une manifestation de solidarité nationale et internationale autour de notre Parti, qui fera date et au cours de laquelle de nouveaux contacts s’établirent, de nouvelles amitiés se nouèrent. Ce Colloque, d ’un exceptionnel éclat, n’a pas seulement donné un exemple de l’esprit scientifique avec lequel doivent être entreprises les recherches historiques : il a, par les problèmes posés et les témoignages recueillis, ouvert la voie à de nouvelles et passionnantes investigations. A ce titre, il aura bien mérité et du Parti communiste et de la recherche historique, qu’il a à la fois illustrée et encouragée. 24

RAPPORT DE LA PREMIÈRE COMMISSION

pat Claude WILLARD

le voudrcàs d'abord dégager les caractè­ res essentiels des travaux de notre commission. Le premier caractère concerne la compo­ sition de notre commission. Une borme moitié était composée de jeunes, jeunes étudiants, jeunes agrégés; cette participation de la jeu­ nesse, plus importante que dons les Colloques précédents, constitue un élément essentiel du succès de notre Colloque. A côté de ces jeunes, siégeaient des vétérans du parti, Fernand Grenier, Victor Michaut, Victor Joannès, qui ont nourri la discussion de leur très riche expérience de combat. Deuxième caractère positif, auquel j'ai été Fxmtlculièrement sensible — ceux qui me con­ naissent diront que c'est un de mes dadas — ; il y a vraiment eu discussion, dialogue, et non pas une série de monologues Troisième caractère : s'il y eut de nom­ la III" Internationale. Le troisième témoignage, breuses questions, demandes d'éclaircisse ­ oral celui-ci, de Fernand Grenier, porte sur son ments, critiques, l'accord, finalement, s'est adhésion au Parti communiste, dans le Nord, réalisé sur toutes les questions discutées. en 1922. Fernand Grenier évoque d'abord le Mon rapport portera sur cinq points. grand prestige et l'autorité dont jouissaient les dirigeants S.F.I.O. de la Fédération du Nord, Nous avons recueilli plusieurs témoignages les Delory et les Lebas, maires de Lille et de fort précieux. Le premier est un rapport écrit Roubaix, excellents administrateurs, prestige et de Jean Le Ramey, ancien mutin du cuirassé autorité qu'ils mirent au service de la recons­ « France », sur la révolte de la mer Noire. truction de la « vieille maison » ; les très nom­ 11 reconstitue avec bonheur l'atmosphère enfié­ breux jeunes (dont Grenier lui-même) qui, dans vrée, le climat révolutionnaire de cet épisode le Nord, rompent avec la social-démocratie et glorieux. Le deuxième rapport émane d'un adhèrent au communisme sont avant tout gui­ délégué ou Congrès de Tours, Roger Darves- dés par un sentiment de haine contre la guerre, Bornoz, connu aussi sous son pseudonyme de un mouvement de sympathie et d'admiration Jean Parceval. De sa riche contribution, je pour la Révolution d'Octobre. retiendrai deux éléments ; d'une part, les ren­ seignements inédits et précieux sur les dessous Ces témoignages me font suggérer trois du Congrès de Tours, comme les manoeuvres propositions. La première — la plus facile à de Frossard, la propagande de bouche à réaliser — est la publication dans les oreille dans les couloirs, les calomnies anti­ « Cahiers * de l'Institut de ces trois contribu­ soviétiques ; d'autre part, les raisons person­ tions. La seconde, c'est que la quête des sou­ nelles de l'adhésion de ce jeune étudiant socia­ venirs ne reste pas, comme elle l'a été trop liste à la III’ Internationale ; « Ce ne fut pas souvent, un vœu pieux ; des efforts, certes, ont l’adhésion des rescapés de la tuerie, de ceux déjà été entrepris ; et je sais les difficultés que Barbusse décrit dans «Le Feu»... Obéis- de toutes sortes que suscite un tel travail ; sctis-je à Tamour de la Russie soviétique et au cependant l'historien dispose là d'une source sentiment de solidarité avec elle ? Pas même, irremplaçable et malheureusement périssable, cela m'est venu plus tord. Sans doute j'étais une source qu'il n'a pas le droit de laisser heureux de voir le socialisme sortir des rêves disparaître. Troisième proposition : que l'Ins­ pour entrer dans la réalité, mais j’étais assez titut collecte les diverses publications des orga­ mal informé sur cette réalité lointaine. Je crois nisations du Parti, de la C.G.T., des organisa­ plutôt qu'il faut pour expliquer mon adhésion tions de masse, non seulement de périodes remonter à 1914, à mon amertume devant la reculées, mais aussi du proche passé et du faillite de mes espérances et la trahison des présent ; que l'Institut rassemble les collections dirigeants de la II* Internationale. Je pensais les plus complètes possible de tracts, de jour­ qu'il fallait reprendre la voie du combat. » naux de cellule, de procès verbaux de réunions Voilà un élément du dossier qu'il faudra un de cellule, de comités fédéraux, etc. Ceux qui jour réunir sur les raisons de l'adhésion à écrivent l'histoire en combattant doivent pen­ 26

ser à ceux qui écrivent ou écriront leur his­ et Victor Michaut. De cette discussion, je déga ­ toire ! gerai deux conclusions essentielles ; d'abord, La deuxième partie de mon rapport est la nécessité de briser résolument avec une ten­ consacrée à une contribution originale de J.B. dance qui fut parfois la nôtre d'idéaliser l'his­ Morcellesi, enseignant à l'Université de Nan­ toire du Parti ; il n'y a pas, il ne peut y avoir terre ; le premier intérêt de sa communication de voie royale. L'histoire du P.C.F. doit être est qu'elle constitue une nouvelle preuve que écrite de façon scientifique. D'où, d'ailleurs, la pluridisciplinarité n'est pas une mode mais la deuxième conclusion qui se dégage de la répond à une exigence scientifique ; en guise discussion : la nécessité de replacer chaque de hors-d'œuvre pour sa thèse de doctorat sur période dans son contexte historique ; com­ le vocabulaire historique au Congrès de Tours, ment comprendre autrement, montre V. Joan- un linguiste démontre que ceux qui cherchent nès, la tactique « classe contre classe » ou la à utiliser la linguistique pour prouver que le Résistance ? Parti communiste français n'est qu'une greffe Le cinquième problème, touchant à la no­ artificielle du bolchévisme sur le corps du socia­ tion de parti révolutionnaire de type nouveau, lisme français commettent (consciemment ou a été soulevé par notre ami yougoslave Vladi ­ non) un grave contresens ; je cite sa conclu­ mir Goati. La commission a dégagé deux ter­ sion : « Il n'y a pas, pour l'ensemble des socia­ rains d'accord : en premier lieu, c'est à Lénine listes par rapport aux non-socialistes, des majo­ (et non à Marx) que revient le mérite historique ritaires par rapport aux autres socialistes, de d'avoir découvert les principes politiques, idéo­ ghetto linguistique, et sur le plan du vocabu­ logiques et d'organisation du Parti communiste, laire, le Congrès de Tours ne rompt pas avec parti révolutionnaire de type nouveau. D'autre la tradition du socialisme fronçais, mais il la port, il revient à chaque parti se réclamant continue ». du marxisme-léninisme de définir la stratégie Annie Lacroix, Danielle Tartakowski, Yves et la tactique adaptées aux conditions concrè­ Sabourdy, Henri Manceau, Michel Margaras tes de son pays. ont soulevé le problème de l'implantation com­ Ma conclusion finale sera fort brève : je muniste dans certains départements paysans, veux seulement souligner, mais avec force, spécialement en Haute-Vienne et en Corrèze. l'extrême fécondité de notre nouvelle méthode Quelle a été l'influence respective des struc­ de travail en commission, parce que fondée tures paysannes, des traditions démocratiques, sur le dialogue, infiniment plus fructueux des rapports entre parti et syndicats (ouvriers qu'une série de monologues. et agricoles) ? Un vaste champ de recherches, encore à peine défriché ! Quatrième partie de mon rapport : une intervention critique fort intéressante d'Yves Sabourdy suscite une longue et passionnante discussion, nourrie surtout par Victor Joonnès 27

RAPPORT DE LA DEUXIÈME COMMISSION

par Jean GACON

Les points de départ des débats de la deuxième commission devaient être pris dans les deux rapports ; — d'Etienne Fajon, sur le Parti commu­ niste français et la théorie marxiste-léniniste ; — de Georges Cogniot, sur le rôle histo­ rique de Maurice Thorez pour l'introduction du marxisme-léninisme en France. Par les interventions orales comme par les contributions remises sous forme écrite, disons que nous avons été assez fidèles à ces thèmes qui se recoupent d'ailleurs en partie. La commission, que présidait Georges Cogniot et à laquelle ont participé notam­ ment : Suzanne Dupuy, Germaine Willord, agrégée de l'Université ; nos camarades Fouad, du Liban, Simon Mafouta, André Ksonda, du Congo-Brazzaville, a en effet entendu : 1®) des souvenirs émouvants, mais en même — Frédéric Robert, musicologue, sur la temps solidement argumentés de vétérans reconquête par le peuple de son hymne natio­ encore pleins de verdeur : nal la Marseillaise ; — Virgile Barel, secrétaire fédéral, puis ré­ — Roland Weyl, docteur en droit, avocat à gional des Alpes-Maritimes et une partie des la cour d'appel, sur le Parti communiste fran­ départements voisins, depuis 1936 député des çais et la légalité républicaine. Alpes-Maritimes et membre de la Commission Vous voyez qu'il y aurait là ample matière centrale de contrôle financier, actuel député des à une longue synthèse. Sans ambitionner de Alpes-Maritimes. Virgile Barel, député du Che­ tirer des conclusions définitives, je vais me min de l'honneur, est mandaté pour saluer le borner à dégager quelques points essentiels. Colloque au nom du groupe parlementaire communiste Je commencerai par une réflexion de Pierre de l'Assemblée Nationale ; Boiteau qui me paraît pouvoir être mise en — Marc Dupuy, ancien membre du Comité exergue du Colloque tout entier : central et du Bureau politique, ancien secré­ taire fédéral C.G.T. des cheminots, ancien « Faire une histoire scientifique, ce qui est député de la Gironde ; notre ambition ici, ne signifie pourtant pas se — Lucien Monjauvis, ancien député du pencher sur le passé par plaisir gratuit, mais XIII* arrondisement de Paris, qui fut préfet de essayer de faire de l'histoire un banc d'essai la Loire à la Libération. théorique pour la pratique du présent. » C'est en ce sens que les précieux souvenirs 2®) des interventions de : des vétérans encore assez alertes pour être, — Pierre Boiteau, ancien secrétaire de comme on dit, un peu là, doivent nous aider à l'Union des syndicats C.G.T. de Madagascar, la fois comme matériaux irremplaçables de ancien secrétaire du Groupe communiste à l'histoire et comme exemples dans l'action. l'Assemblée de l'Union française, qui a parlé de Il faut saisir sur le vif les souvenirs de ceux Maurice 'Thorez et les peuples coloniaux ; qui ont côtoyé Maurice Thorez. J'émets le même — Pierre Hentgès, membre du comité de vœu que Qaude Willard sur la quête néces­ rédaction de la revue « Problèmes de la Paix saire de ces souvenirs pour l'histoire. et du socialisme » (N.R.I.), qui a traité de Léon Blum au Congrès de Tours et la dictature du Virgile Barel nous montre Maurice Thorez prolétariat ; dans les Alpes-Maritimes Iqu'il appelait sa — Eugène Kerbaul, qui fait des recherches seconde fédération, parcourant les routes ou sur la naissance du Parti à Brest où il fut jadis faisant une lecture critique du « Patriote », lui-même un des premiers militants. attentif au moindre détail ; l'ancien mineur devenu féru de minéralogie suggérant avec Enfin, nous avons reçu les contributions de : compétence des travaux de voirie ; Thomme — Pierre Billot, ancien secrétaire régional- sans idées préconçues reposant le problème Alpes, ancien député de l'Isère, sur les quinze de la place des informations religieuses dons premières années du Parti dans ITsère ; la chronique locale du journal communiste. 20

Marc Dupuy et Lucien Monjauvis nous ont croix sur les travailleurs trompés, mais cher­ dépeint, avec preuves précises à l'appui, l'hom­ chant à les ramener, s'il s'agissait vraiment me d'action au grand courage personnel lors d'hommes honnêtes et capables de rectifier de manifestations entravées par la police ou leurs errements. Maurice Thorez a fait passer dans les couloirs de la Chambre des députés dans la réalité quotidienne le principe aisé à aux prises avec les réactionnaires. Un homme énoncer, mais moins facile à appliquer : les d'action réfléchi, image bien éloignée des cli­ problèmes d'organisation sont toujours étroite­ chés plus ou moins malveillants de certains : ment liés aux problèmes théoriques et politi­ par exemple, M. Jacques Fauvet disant : « Il ques. Il a su faire du centralisme démocratique concevait, mais les autres appliquaient » ; ou à la fois un moyen d'analyse de la réalité Mme Annie Kriegel : son portrait de Maurice sociale et de prise sur cette réalité, autant que, Thorez est un modèle de calomnies perfides dons le Parti, un moyen pour chacun de parti­ enrobées de quelques fausses amabilités. ciper à l'élaboration des décisions et à leur Par delà ces portraits vivants, indispensa ­ application. bles pour réfuter les mensonges, il faut, bien Mais surtout, il y a peut-être une suggestion sûr, aller plus profond. à exploiter dans le bel exposé de Virgile Barel. Chez Lucien Monjauvis, je retiendrai surtout l'y ai été d'autant plus sensible que j'ai publié combien l'exemple de la méthode employée par dans les « Cahiers de l'Institut Maurice Thorez » Maurice Thorez à partir de juillet 1930 pour un article sur la tradition parlementaire du peu­ redresser la situation créée par le groupe ple français, illustrant le fait qu'en France les Barbé-Célor mérite d'être médité. Grâce à Mau­ luttes parlementaires sont devenues au cours rice Thorez, bien des ouvriers révolutionnaires, des deux derniers siècles un aspect capital de des jeunes, un temps abusés, apprennent à se la vie publique et de l'action des révolutionnai­ défier de la phrase anarchiste, lisent la « Mala­ res eux-mêmes, inséparables des batailles de die infantile », font enfin connaissance avec ce masse sur d'autres terrains. Il serait, a dit Vir­ qu'est réellement le marxisme en théorie et en gile Barel, utile de faire une étude sur ; Mau­ pratique. C'est parce que Maurice Thorez a su rice Thorez, défenseur des intérêts des travail­ tout reprendre : — soutien des revendications leurs au Parlement. On pourrait élargir le sujet : tes plus minimes, respect des règles du cen­ — d'une part, suivant les enseignements de tralisme démocratique, — en éduquant dons Lénine, Maurice Thorez a toujours su faire du l'action, que le groupe a cessé de fcdre du Parlement une tribune où, par-dessus la tête des mal et que les meilleurs ont pour toujours députés, il s'adressait au peuple tout entier ; compris la leçon. mais d'autre port, utilisant la tradition française Marc Dupuy a montré pareillement comment dont j'ai parlé, il a toujours eu conscience que dans la lutte contre Doriot à Saint-Denis et les batailles de la Chambre n'étaient pas en dans la banlieue parisienne, Maurice Thorez a France des joutes vaines et de moindre intérêt su expliquer et écouter avec une patience infi­ que d'autres formes de lutte. nie, ne faisant jamais une fois pour toutes une Le Parlement, sans jamais tomber dans Til- 30

lusion réformiste que tout y était possible, il a contrainte et forcée par nos luttes, au premier su pleinement en tirer parti, en utiliser les rang desquelles Maurice Thorez a montré le ressources : « Il nous a aussi conseillés et chemin, bravant, en 1932 comme en 1949, en guidés sur le plan parlementaire, il a été un plein Parlement, sarcasmes et insultes. exemple », dit Virgile Barel. Comme l'a montré hier matin Suret-Canale — Dans l'opposition, il a popularisé toutes à propos de Pierre Mendès-France sur l'Algérie, les solutions du Parti communiste français : il serait édifiant de comparer ce que disaient à — au temps du Front populaire, il a tiré tout la même date des grands problèmes-clefs à la le possible de ce grand moment de l'histoire de tribune du Parlement un gaulliste, un centriste, l'unité ouvrière et démocratique; un socialiste et Maurice Thorez, par exemple. — à la Libération, il a démontré les capa­ On verrait à chaque fois où réside la lucidité cités des communistes à l'échelle nationale due à une analyse scientifique du réel. comme hommes de gouvernement, comme réa ­ lisateurs au service du peuple. * Mais peut-être, l'histoire devra retenir plus encore des textes inoubliables à cause de leur Que tout le Parti ait bénéficié de l'impulsion contraste avec la myopie des autres parlemen­ donnée par Maurice Thorez, la contribution de taires ; notre camarade Kerbaul l'a nettement démon­ tré. C'est un modèle de ce que nous pourrions — 1932, le discours sur l'Indochine contre faire pour bien d'autres villes que Brest. Ker­ la répression après l'affaire de Yen Bay, évoqué baul estime et démontre que les documents par Georges Cogniot, annonce, de façon quasi existent, que les témoignages sont possibles, prophétique, à l'heure de la répression, la vic­ mais qu'il faut se donner la peine de les cher­ toire du socialisme au Vietnam ; cher et de les recueillir. Son étude, à partir des — 1949, contre la meute réactionnaire textes et des souvenirs, permet d'assister à la déchaînée, défense de l'alliance et de l'amitié mue du Parti à Brest dans les années 1934- franco-soviétiques en un temps où des fanati­ 1937. ques ne songeaient qu'à transformer la guerre D'un petit groupe d'une douzaine d'adhé ­ froide en croisade contre l'U.R.S.S. rents, convaincus mais sectaires, en 1933, on Textes qui firent scandale à l'époque et passe à une conférence de rayon avec 150 par­ pourtant ne faisaient que préfigurer la réalité ticipants et à une diffusion large de « l'Huma­ d'aujourd'hui. nité » et de l'hebdomadaire local, fin 1936. On Textes qui font date et qui montrent ce qui obtient ce Parti vivant et éduqué, qui devait a changé, et dons iquel sens, en 1970. Textes payer un si lourd tribut au temps de la Ré­ qui prouvent que nous avions raison et que la sistance. bourgeoisie française ne nous donne raison La progression du Parti, son lien réel avec aujourd'hui, acceptant le Vietnam socialiste ou les masses s'expliquent par l'application de la nécessité de négocier avec l'U.R.S.S., que presque toutes les données théoriques évo- 51

quées par Etienne Fajon et de tous les ensei­ un mineur de La Mûre, ni pour un carrier de gnements de Maurice Thorez dégagés par Voiron, ni pour ces jeunes ouvriers de Brest Georges Cogniot. dont Kerbaul parle savamment parce qu'il a On pourrait croire que le travail de Kerbaul été lui-même l'un d'entre eux. a été lait exprès pour illustrer les rapports Pour de jeunes ouvriers, qui avaient vu d'introduction. Or, il n'en est rien puisqu'il plusieurs des leurs tomber sous les coups de s'agit d'un patient travail de recherche et d'en ­ la répression armée rue de Siam et avaient quête, mené indépendamment. Nous apprenons ensuite par rage cassé quelques vitrines, ce par exemple que le célèbre discours de Mau­ n'était pas simple de comprendre que c'était rice Thorez à la radio, à la veille des élections parfois plus difficile d'être communiste. Mais de 1936, a été mal connu des campagnes non ces jeunes le comprirent, et notamment avec encore électriiiées, écouté par 5 400 postes de un éducateur aussi vigilant et averti que Mar­ T.S.F. à Brest, surtout chez les bourgeois, mais cel Hamon. Les jeunes fous, généreux mais que des camarades avaient organisé déjà des ignorants, devinrent les meilleurs des militants. écoutes collectives. Ces jeunes comprirent en particulier, selon Etre communiste à Brest en 1930, c'était le mol d'Aragon, « la bataille menée pour reva­ presque uniquement ne pas se découvrir, par loriser dans la masse vivante de notre peuple provocation, devant un enterrement religieux les valeurs nationales », avec comme symbole ou un drapeau tricolore. la « Marseillaise » et le drapeau tricolore. Etre communiste en 1936, c'était avoir com­ pris la nécessité, spécialement en Bretagne, de Frédéric Robert rappelle que Louis Le Pro- la main tendue et de la reconquête du dra ­ vost de Launay, député monarchiste, avait dit peau de la Révolution française. Mais c'était en 1879, non sans perspicacité : « On a fait la aussi avoir compris où était la juste voie en se Commune au chant de la « Marseillaise ». On gardant également de la phraséologie gau­ refera des Communes au chant de la « Mar­ chiste et du renoncement opportuniste : le seillaise ». » renoncement opportuniste conduit aux compro­ Son fils, topaze six-févriériste, essaya en mis sans principe, le gauchisme mène à l'esprit vain de prostituer la « Marseillaise » au service de secte, à se couper des masses et à l'aven­ des ligues comme les colonialistes avaient turisme. tenté en vain de profaner le drapeau tricolore Toute l'étude de Paul Billat illustre admira ­ au service de leurs expéditions conquérantes. blement ce qu'est dans un département comme La Résistance a prouvé que « Marseillaise », l'Isère, où cohabitent de fortes traditions réfor­ drapeau tricolore, 14 juillet sont devenus des mistes et de non moins fortes traditions anar- valeurs indétournables, qui appartiennent au cho-trotskistes, cette juste voie tracée par le peuple. Les jeunes de 1970 qui en doutent, Parti dès 1926-1927 et reprise après les méfaits comprendront à leur tour, si nous savons expli­ passagers du groupe Barbé-Celor. Prendre quer, ce que les jeunes Brestois de 1936 avaient cette juste voie, ce n'était pas si clair ni pour compris en leur temps. 32

« * * Perspective qui recoupe d'ailleurs notre conception même du socialisme. Roland Weyl Et d'ailleurs, l'histoire du Parti, comme le a raison de remarquer que c'est cette concep­ montre bien Roland Weyl, est celle de la mise tion même du pouvoir qui nous amène en en échec des tentatives de la bourgeoisie pour bonne logique à dénoncer la répression contre nous isoler et nous jeter dans l'illégalité. Très les gauchistes, beaucoup plus que l'inquiétude profondément, cinquante ans d'histoire nous d'être demain à notre four des victimes. imposent, jusque dons la conscience des mas­ Nous ne modifions en rien notre désappro­ ses non communistes et dans celle même de bation totale des activités et des idéologies la bourgeoisie, comme appartenant à la léga­ gauchistes. Mois nous disons que le tour pris lité française. par la répression va fondamentalement à l'en­ La bourgeoisie ne l'a pas accepté de bon contre de ce que nous appelons légalité répu­ gré. Il n'y a pas eu de complaisances mutuel­ blicaine. les. Mais c'est devenu un fait imposé jusque par les luttes de masse contre la répression, Nous enfermons la bourgeoisie dans ses par toutes les formes de solidarité agissante. contradictions au nom de la place que nous, nous avons conquise de haute lutte dons la Roland Weyl souligne avec justesse que la légalité républicaine, en cinquante ans de pro­ période illégale du Parti communiste français grès. Et le peuple français nous écoute parce est ressentie aujourd'hui par l'ensemble du que nous avons l'audience correspondant à peuple comme celle où tous les démocrates et cette victoire sur ce terrain. L'histoire du Parti le peuple d'alors étaient aussi hors-la-loi par la est là pour montrer que sans sombrer dans les décision de Hitler et de ses complices. Que réflexes légalistes, sons émousser la combati­ cette illégalité ait débuté en 1939, démontre vité de classe, nous avons conquis le droit justement quels étaient alors les véritables traî­ d'invoquer la loi. tres à la République et à la France. Demain, pareillement, nous pourrons invo­ Au contraire, c'est par le fait jqu'il s'est quer notre loi pour la défendre dans la démo­ imposé dans la légalité que le Parti commu­ cratie avancée et dons la marche au socia­ niste français peut aujourd'hui parler de la lisme, forts de l'appui des masses et de perspective du passage au socialisme par voie l'alliance antimonopoliste. pacifique. Il ne s'agit pas là d'un choix moral ou d'une tactique occasionnelle. Il s'agit d'une Les réflexions de Pierre Hentgès sur Léon donnée objective. A condition de préserver Blum et la dictature du prolétariat nous aident cette situation par l'action des masses et la à affiner nos analyses à ce sujet. conquête de la majorité d'abord chez les tra­ Mais si Blum a régressé avec sa théorie de vailleurs, se réalisent les possibilités de la voie la gérance loyale du capitalisme, puis du livre. pacifique, dans la mesure même où le capita­ « A l'échelle humaine », il a longtemps affirmé lisme est mis hors d'état d'avoir recours à la son attachement à la notion de dictature du violence. prolétariat. 33

Ce curieux attachement abstrait l'amène à et abstraites sont l'apanage de ces frères ne pas la reconnaître dans le pouvoir des jumeaux que sont les opportunistes de droite Soviets en 1920 ; à ce propos, Emile Buré disait et de gauche. L'analyse concrète de la réalité plaisamment : « Léon Blum est comme ces Israé­ concrète, pour bâtir la théorie et guider la pra­ lites qui ont tant parlé de la venue du Messie tique, est le privilège des révolutionnaires dans l'Ancien Testament et ne le reconnaissent authentiques. Il y a ceux qui font semblant de pas quand paraît Jésus-Christ. » Son état d'es ­ faire peur et ceux qui se battent réellement et prit l'amène à ne voir dans le léninisme qu'un sur tous les fronts. Ceux-ci, ce sont les commu­ néo-blanquisme, l'amène à l'utopisme et à l'in­ nistes. décision mêlés perpétuellement. A cette reconnaissance abstraite et inutile d'une notion, Pierre Hentgès oppose la cons­ truction concrète du socialisme et d'une démo­ cratie réelle. 11 a beau jeu d'opposer les pro­ phéties pessimistes de Léon Blum au Congrès de Tours sur la révolution soviétique et les victoires du socialisme sur notre planète depuis cinquante ans. Les contributions de Pierre Hentgès et de Roland Weyl apportent ainsi des illustrations complémentaires au texte où Etienne Fajon a montré samedi la continuité et le caractère profondément dialectique de nos thèses sur les voies du socialisme en France d'après le « Ma­ nifeste » de Chompigny. Pierre Hentgès a eu raison de rappeler que Léon Blum, abandonnant soudain les nuances de sa valse hésitation, effrayait le bourgeois en parlant des vacances de la légalité. Roland Weyl a eu raison de montrer que le vrai parti révolutionnaire français, le Parti communiste français, s'est forgé en s'imposant contre le gré des bourgeois, au cœur même de la légalité française, avec pour objectif demain de faire vaincre la légalité supérieure de la démocratie avancée ouvrant la voie au socialisme. Ce n'est pas un paradoxe amusant et superficiel, mais une leçon profonde. Les phrases sonores 34

RAPPORT DE LA TROISIÈME COMMISSION

par Jacques CHAMBAZ

La commission sur le rapport de Roland Leroy : Le Parti communiste fronçais et la cul­ ture nationale, s'est tenue samedi soir. Elle a permis une discussion fructueuse, dont se déga ­ gent deux remarques générales. La variété, l'intérêt des questions abordées soulignent à la fois la dimension nouvelle que prennent les problèmes de la culture et la nécessité d'en avoir une conception globale, cohérente. La discussion, très libre, s'est inscrite dans la démarche même du rapport présenté par Roland Leroy, démarche comprise dans sa tota­ lité. Elle n'a porté que sur quelques aspects du rapport, mais il s'en est dégagé un accord réel de tous les participants. C'est ce double aspect que ce compte rendu s'efforcera de rendre sensible. 35

Un premier ensemble de questions a con­ les publications du Parti s'inspirent plus encore cerné l'cmalyse de la situation actuelle de la de notre conception globale de la culture et culture en France. attachent toute l'importance nécessaire aux Jean Lods a souligné, à juste titre, l'impor­ développements scientifiques. A ce propos, tance du cinéma dons la création artistique elle a posé la question suivante ; le style, le contemporaine et le rôle que prennent les langage de certains articles ne relève-t-il pas moyens audio-visuels dans la lutte idéologique. d'une « spécialisation outrancière » qui en rend Son intervention était d'autant plus justifiée l'accès difficile ? La question est réelle, et que le cinéma français traverse aujourd'hui complexe. Certaines recherches, spécialisées, une crise profonde, à laquelle le pouvoir refu­ recourent inévitablement à un vocabulaire se, pour l'essentiel, d'apporter les solutions pos­ spécialisé lui aussi. Il faut en tenir compte, sibles et nécessaires. l'essentiel, ici, étant d'assurer la confrontation Le camarade Hugonnot, à partir d'exemples des points de vue comme l'a fait remarquer personnels, a illustré les obstacles que rencon­ Francis Cohen. Cependant, l'accord s'est fait trent aujourd'hui les masses populaires pour dans la commission pour estimer qu'un effort accéder à la culture. Il a souligné en particu­ était nécessaire dons le sens d'un langage plus lier l'insuffisance dramatique des équipements accessible, plus direct, sans tomber pour autant culturels à la campagne. Cette situation jus­ dans le schématisme ou la simplification abu­ tifie les efforts auxquels participent les com­ sive. munistes pour obtenir dès maintenant des La discussion s'est poursuivie à propos des moyens supplémentaires en faveur de la diffu­ questions nouvelles, et importantes, que sus­ sion de la culture, dons la diversité de ses cite aujourd'hui le progrès des sciences et qui composantes, comme l'a souligné Rémy Du­ alimentent des tentatives révisionnistes, sur le mont-Fillon, à partir d'expériences concrètes. plan philosophique. Elle a ainsi évoqué les Enfin, Régis Lemoine a attiré l'attention de rapports entre le développement scientifique et la commission, en rapport avec les idéologies technique et les divers modes d'expression technocratiques, sur les travaux de l'assem­ artistique ; les problèmes posés par l'évolu­ blée récente du patronat français à Lyon, con­ tion des sciences, qu'il s'agisse de l'apparition sacrés aux problèmes de l'enseignement et de disciplines scientifiques nouvelles, mais de la formation professionnelle. Il a montré aussi, et tout aussi importantes, des mutations comment l'orientation qui s'en dégage confirme qui se produisent dans les disciplines plus la volonté des monopoles de limiter l'ensei­ « classiques ». gnement et la formation à leurs besoins écono­ La discussion a confirmé la nécessité, sou­ miques et idéologiques. lignée dans le rapport, de travailler scientifi­ Un second ensemble d'interventions a plus quement et sérieusement, dans un effort unis­ particulièrement porté sur la partie du rapport sant spécialistes des diverses disciplines scien­ consacrée aux questions idéologiques. tifiques et philosophes, à intégrer à notre con­ La camarade Tortakowski a souhaité que ception du monde les acquis nouveaux, à 56

approfondir et à développer ainsi le matéria­ l'édition en France des classiques du marxisme- lisme dialectique et le matérialisme historique. léninisme. La publication intégrale de cette Un second échange de vues a eu lieu, intervention dans le compte rendu des travaux auquel ont notamment participé les camarades du Colloque, décidée par la direction de l'Ins­ Kaldor et J.P. Jouffroy, à propos des liens, des titut Maurice Thorez, répond au voeu qu'elle rapports de l'art avec la vie sociale, la politique avait exprimé pour sa part, dons la mesure et l'idéologie. où le nombre de communications n'a pas per­ mis qu'elle soit prononcée en séance plénière. La discussion a souligné la réalité de ces liens, mais aussi leur spécificité. Notre refus La commission m'a chargé, ou risque d'un d'assimiler de façon mécanique l'art à la poli­ certain schématisme, d'en donner ici la dé ­ tique, l'art à l'idéologie ne signifie ni éclec­ marche. tisme, ni indifférence, encore moins souci tac­ S'appuyant sur une documentation rassem­ tique. Il découle de notre conception même de blée par André Moine et sur des discussions l'art et de son rôle, et cette conception anime avec de nombreux camarades parmi les prin­ la lutte que nous menons contre les concep­ cipaux artisans et témoins de l'effort d'édition tions diverses qui nient l'apport original et du Parti, Lucien Sève a montré comment le irremplaçable de l'art à l'enrichissement de la Parti communiste français a contribué à faire vie et à notre compréhension de la réalité. du marxisme l'une des composantes de la Elle fonde aussi notre refus de toute con­ culture nationale en donnant à lire Marx, ception étroitement utilitariste ou normative Engels et Lénine au peuple fronçais. de l'art. Avant 1918, en effet, il n'existe aucune édi ­ Comme l'a dit Roland Leroy, « il n'y a pas tion de Lénine en France et les seuls textes de de séparation totale entre le citoyen et l'artiste. Marx-Engels à connaître une diffusion non Les pensées d'ordre philosophique, éthique, négligeable, mis à port « Misère de la philoso­ politique qui animent le citoyen ne peuvent phie », le « Manifeste du parti communiste », pas ne pas influer sur le regard que l'artiste « Socialisme utopique et socialisme scientifi­ porte sur le monde. Mais personne ne peut, que », sont les abrégés du « Capital ». ni ne doit résoudre, à sa place, les problèmes Encore y a-t-il progrès par rapport à la fin esthétiques. » du XIX' si^le, puisque l'effort des guesdistes Dons la discussion, plusieurs camarades eux-mêmes est demeuré limité. Sans doute ont souhaité le développement d'études histo­ pour des raisons matérielles, mais plus encore riques et de recherches interdisciplinaires à cause d'une sous-estimation du rôle de la conduites dans un tel esprit. théorie pour le mouvement révolutionnaire. Enfin, la commission a entendu une com­ Une nouvelle étape commence avec la munication de Lucien Sève, membre du Comité fondation de l'Internationale Communiste en central et directeur des Editions Sociales, sur 1919, la création du Parti communiste français le rôle du Parti communiste fronçais dans en 1920. On entreprend de faire connaître le marxisme vivant du XX* siècle, le marxisme- Sons doute ; mais elle reflète aussi la fusion léninisme. incomplète du marxisme-léninisme et du mou­ De 1923 à 1925, les éditions de « l'Huma­ vement ouvrier en France, le rapport réel nité » publient « La Maladie infantile », « L'Im­ des forces qui existait alors, le Parti commu­ périalisme, stade suprême du capitalisme », niste fronçais éditant Lénine tandis que Marx, «Que faire?», «l'Etat et la révolution». En selon l'expression de Lucien Sève, demeurait 1928, avec les Editions sociales internationales, en quelque sorte l'otage du réformisme. commence la publication des oeuvres complètes Dès 1924, l'Internationale Communiste s'est de Lénine. Huit volumes paraissent jusqu'en préocupée de cette situation, qui change seule­ 1934. ment au début des années 30, années dont on jamais un tel effort n'avait été entrepris sait l'importance dans l'histoire du Parti com­ par le mouvement ouvrier fronçais. Mais cet muniste français. Le Parti commence alors à effort a ses limites. éditer les œuvres de Marx et d'Engels, y com­ pris les œuvres fondamentales. Chaque année, Ainsi, les tomes 10 et 21 paraissent avoir désormais, plusieurs volumes paraissent et, à été édités à 1 800 exemplaires, ce qui est à la la veille de la seconde guerre mondiale, les fois beaucoup et peu. D'autre part, et jusqu'en tomes 1 et 2 du « Capital » sont publiés. Politzer 1924, les publications de Zinoviev et surtout de et Solomon travaillent à une traduction de la Trotski sont plus nombreuses en France que « Dialectique de la nature ». C'est alors aussi celles de Lénine. qu'Auguste Cornu entreprend son œuvre. C'est seulement après 1924 que l'effort Cet effort d'édition modifie les données de d'édition donne sa véritable place à l'œuvre la lutte idéologique en France. Il facilite en de Lénine. particulier la démarche d'intellectuels, tel Paul Le travail d'édition suit ainsi les vicissitu­ Longevin, qui découvrent alors le matérialisme des de l'histoire du Parti. Il est caractéristique, dialectique et qui participent à la publication à titre d'exemple, qu'il soit considérablement des recueils « A la lumière du marxisme ». Une réduit en 1929-1930, pendant la période du étape a été franchie, dont le bilan est des groupe Barbé-Celor. De même, si le jeune Parti plus positifs. communiste édite Lénine, les œuvres de Marx L'importance nouvelle, pour le mouvement et d'Elngels sont éditées soit par la S.F.I.O., ouvrier français, que le Parti communiste fran­ soit par des maisons d'éditions sans rapport çais attache à la théorie s'exprime jusque dans avec le mouvement ouvrier, en particulier par les conditions de la lutte contre l'occupant nazi. les éditions Costes, dons des traductions fau­ Les textes classiques les plus indispensables tives et non scientifiques. sont édités à quelque 30 000 exemplaires cha­ Une question se pose ici, concernant les cun, au prix de nombreux sacrifices. raisons de cette situation. Exprime-t-elle le Au lendemain de la Libération, les Editions manque de moyens dont disposait le Parti, la sociales sont créées. Les faits sont ici mieux priorité accordée à l'effort de propagande ? connus, puisqu'on partie actuels. 38

L'effort d'édition franchit une nouvelle étape, faux contre l'idée que le marxisme serait supérieure par le nombre des titres publiés, dépassé ou que le Parti communiste français qui comprennent désormais les oeuvres majeu­ serait indifférent à l'assimilation et à l'enrichis­ res de Marx et d'Engels, et, en co-production sement du marxisme-léninisme ; avec les Editions de Moscou, les « Œuvres » de — elle confirme la validité du matérialisme Lénine, dont les derniers volumes paraissent en historique dans la mesure où cette histoire ce moment même ; supérieure aussi par la ne s'éclaire qu'à la lumière des luttes de clas­ qualité scientifique des traductions et de l'ap­ ses et de leur histoire; pareil critique, grâce aux maîtres d'œuvre et aux traducteurs. — elle illustre le rôle de la théorie, donc du livre, pour un parti communiste, d'une théorie Cet effort, par son ampleur, par son impact, inséparable de la pratique et enrichie par les traduit le rôle nouveau que joue désormais le réponses qu'il faut porter aux questions nou­ Parti communiste français dans la vie natio­ velles posées par la vie. nale, l'influence croissante du marxisme-léni­ nisme et des idées du socialisme scientifique. Telles sont les remarques qui se dégagent La part principale de l'édition des classiques de la discussion de la commission. revient aux éditions communistes. De 1958 à 1969, 146 titres sont publiés en France; 97 le sont par les Editions sociales, 14 par les Editions de Moscou, soit plus de 75 % de l'ensemble. Aujourd'hui, le Parti communiste français se trouve devant la nécessité de franchir une nouvelle étape. Depuis les luttes du printemps 1968, en particulier, l'intérêt pour les classiques s'est encore accru. Les exigences de la lutte idéologique, dont l'importance devient de plus en plus déterminante, se sont à la fois diver­ sifiées, — la lutte idéologique s'étend à tous les domaines de la vie nationale, — et déve­ loppées. Le travail d'édition du parti se trouve donc devant la nécessité de répondre toujours mieux à ces exigences et, pour ce faire, de passer à une nouvelle étape, supérieure. En conclusion, Lucien Sève a dégagé trois idées principales : — l'histoire même de ces éditions s'inscrit en 39 ETUDES

A PROPOS DES ORIGINES DU MOUVEMENT COMMUNISTE EN FRANCE ET DES LOIS DE SON AVENIR

Georges COGNIOT

U GRANDE LEÇON DE LA COMMUNE A quelques mois de distance, la classe ouvrière de notre pays et tous ses amis fêtent le demi-siècle d'existence et d'activité du Parti communiste français et le centenaire de la Commune de Paris. Mais les deux commé­ morations ne sont pas seulement reliées par les hasards de la chronologie; entre la Com­ mune et la naissance du Parti ouvrier de type nouveau, il y a un rapport intime : la Com­ mune a démontré a contrario que le Parti était nécessaire à la classe. L'un des ensei­ gnements principaux de la révolution parisienne a été dégagé par Lénine en ces termes dans la Rabotchaîa Gazéta du 15 avril 1911 : « Pour qu'une révolution sociale puisse triompher, deux conditions au moins sont 40

nécessaires : des forces productives hautement prolétariat en parti politique est indispensable développées et un prolétariat bien préparé. pour assurer le triomphe de la révolution sociale Mais en 1871 ces deux conditions faisaient et de son but suprême : l'abolition des clas­ défaut. Le capitalisme français était encore ses ». Le mouvement économique de la classe peu développé et la France était surtout un ouvrière et son activité politique devaient être pays de petite bourgeoisie (artisans, paysans, « indissolublement unis ». boutiquiers, etc.). Par ailleurs, il n'existait pas de parti ouvrier ; la classe ouvrière n'avait ni Le déroulement de la révolution issue du préparation ni long entraînement et dans sa 18 mars avait confirmé avec éclat la justesse masse, elle n'avait même pas une idée très de cette vieille thèse de Marx et d'Engels. claire de ses tâches et des moyens de les Le communard Charles Longuet devait décla ­ réaliser. Il n'y avait ni sérieuse organisation rer en 1872, au Congrès de La Haye de l'Inter­ politique du prolétariat, ni syndicats et asso­ nationale, où assistaient notamment Paul ciations coopératives de masse... » Laforgue, Edouard Vaillant, Eugène Dupont : Au lendemain même de la Commune, Marx « Si nous avions eu une organisation politique et Engels avaient jugé indispensable de tirer ouvrière, la Commune, repoussant l'attaque, les conclusions de cette grande expérience se serait affermie à Paris et à Berlin. La historique et d'apporter en conséquence cer­ Commune est tombée faute d'organisation. » taines modifications au programme de la Pre­ mière Internationale. Réunie en septembre 1871, la Conférence de Londres de l'Interna­ tionale adoptait une résolution sur l'action MARXISME ET BAKOUNINISME politique de la classe ouvrière, en se pronon­ çant pour l'incorporation de ce texte aux sta­ Le principal adversaire de l'organisation de tuts. La résolution contenait la thèse essen­ la classe ouvrière en un seul parti politique tielle, — formulée par les fondateurs du spécial était l'anarchiste Bakounine, qui sapait marxisme dès le temps de la Ligue des commu­ à l'aide de sa fraction secrète, — l'Alliance, — nistes et du Manifeste du Parti communiste, — la discipline de l'Internationale. Marx et Engels, sur la nécessité de créer un parti ouvrier indé­ dans leur texte de 1873 ; L'Alliance de la pendant pour lutter en faveur de la dictature démocratie socialiste et l'Association interna­ du prolétariat. Elle disait : « Contre ce pouvoir tionale des travailleurs, montreront que Bakou­ collectif des classes possédantes, le prolétariat nine remplace la lutte économique et politique ne peut agir comme classe qu'en se consti­ de la classe ouvrière pour son émancipation tuant lui-même en parti politique distinct, « par les actes pandestructifs du gibier de opposé à tous les anciens partis formés par bagne, dernière incarnation de la révolution », les classes possédantes... Cette constitution du par l'appel à la violence aveugle des éléments déclassés et incontrôlables. Bakounine procla­ (1) Lénine : La Commune de Paris, Editions en langues étrangères, Moscou, pp. 18-19. mait que « le révolutionnaire ne connaît qu'une 41

seule science : la destruction » ; il recomman­ CARACTERISTIQUES ECONOMIQUES dait la politique du pire, et, tout en flattant ET CONDITIONS POLITIQUES démagogiquement la jeunesse, ne voyait, en Russie, qu'une seule catégorie de révolution­ La France de la fin du XIX* siècle et du naires : « le monde aventureux des bandits ». début du XX® siècle — à ce que remarque 11 n'attendait pas la disparition de l'Etat du Lénine dans L'impérialisme, stade suprême du dépérissement des classes sociales en régime capitalisme, — est « un pays de vieux déve­ socialiste ; mais, mettant l'histoire sens dessus loppement capitaliste » La progression de dessous, il entendait commencer la révolution l'industrie y a été retardée, notamment par par un décret sur l'abolition de l'Etat. Toute la croissance du capital usuraire ; en 1914, un organisation politique de la classe ouvrière, tout demi-million de personnes en âge de travailler travail quotidien d'un parti ouvrier étaient n'exercent aucune profession : ce sont les rejetés par lui. rentiers. La disproportion entre la croissance du capital bancaire et celle du capital indus­ Ces idées, étroitement apparentées au triel était la caractéristique essentielle de proudhonisme, se perpétueront en France, dans l'impérialisme français ; même l'essor indus­ la période qui s'étend de la Commune à la triel sensible après 1900 reste très inégal. guerre de 1914, sous la forme de l'anarchisme Le prolétariat industriel « est moins nom­ et de l'anarcho-syndicalisme. Les anarcho- breux, moins concentré qu'ailleurs ; la France syndicalistes, puissants dans la C.G.T. de ce n'a ni sa Ruhr ni son Lancashire » ; on temps, affirmeront qu'il suffit à la classe compte au plus 4 500 000 ouvriers en 1914, ouvrière d'avoir des syndicats, que les ouvriers les Français qui vivent de ('industrie sont n'ont aucun besoin d'une organisation poli­ toujours moins nombreux que ceux qui vivent tique et ne doivent pas s'occuper de politique ; de l'agriculture ; en outre, les deux cinquièmes que la politique se déroule dans un monde des ouvriers sont employés dans le textile ; qui n'est pas le leur ; que s'y mêler d'une l'industrie du bâtiment reste presque complè­ façon active reviendrait forcément à accepter tement artisanale, avec tout juste un peu les règles du jeu. Ces idées vont de pair avec plus de deux compagnons par patron en 1911. la croyance à la possibilité d'une émancipation Dans le prolétariat, des couches importantes par les coopératives, croyance caractéristique sont formées de paysans fraîchement trans­ d'un monde encore semi-artisanal. En niant la plantés. Enfin, la classe ouvrière est nettement politique, les anarchistes assujettissaient en polarisée ; d'un côté, on trouve des masses fait la classe ouvrière à la politique bourgeoise, à bas salaires ; de l'autre, une aristocratie à laquelle l'anarcho-syndicalisme a d'ailleurs ouvrière. Ce dernier trait, qui se renforce à fourni directement des dirigeants (Aristide (2) Cf. Lénine : Œuvres, tome 22, p. 279. Mais la traduc­ Briand, par exemple). C'est servir la propa­ tion « vieux pays capitaliste » est grossièrement inexacte : elle fait contresens. gande capitaliste que d'inculquer aux travail­ (3) A.A. TrembitzkaTa s Le mouvement socialiste en France leurs l'idée qu'ils peuvent se passer de leur de 1899 9 1917, Moscou, 1964, p. 8. (4) Pierre Sorlin : La société française, 1840-1914, Arthaud, parti. Paris, 1%9, p. 260. 42

partir de l'entrée dans l'époque impérialiste, voyaient pas toujours que le décor républicain est commun à tous les grands pays. cachait la monarchie de la finance. Il se créait On ne peut pas comprendre les particu­ une situation très favorable à une politique larités du mouvement socialiste dans la France opportuniste de « bloc des gauches » qui sou­ d'avant 1914 sans garder présentes à l'esprit mettait à la bourgeoisie radicale le parti de ces caractéristiques de l'économie française. la classe ouvrière réduit au rôle de force d'ap ­ Dans son article du 16 décembre 1910 sur point. Depuis l'entrée du socialiste Millerand, Les divergences dans le mouvement ouvrier en 1899, dans le cabinet Waldeck Rousseau européen, Lénine observe ; « La rapidité du aux côtés du général Gallifet, le bourreau de développement du capitalisme est inégale dans la Commune, la France était le pays classique les divers pays... La classe ouvrière et ses du reniement des chefs socialistes (et aussi de idéologues assimilent le marxisme avec le plus l'apprivoisement des chefs syndicaux, puisque de facilité, de rapidité, de la façon la plus déjà Pelloutier se laissait nommer par Mille­ complète et la plus solide là où la grande rand à un poste officiel). industrie est le plus développée. Les rapports économiquement arriérés ou en retard dans leur développement conduisent constamment LA VICTOIRE DE L’OPPORTUNISME à l'apparition de partisans du mouvement ouvrier qui assimilent seulement certains Les radicaux au pouvoir de 1902 à 1914 aspects du marxisme, seulement certains élé­ associent la phrase démocratique à la lutte ments de la conception du monde nouvelle contre le mouvement ouvrier. L'opportunisme ou certains mots d'ordre, certaines revendica­ l'emportera de plus en plus dans le Parti tions, sans être en état de rompre résolument socialiste unifié en 1905, d'où, en contrepartie, avec toutes les traditions de la conception du le développement des tendances antiparlemen­ monde bourgeoise, et en particulier de la con­ taires et apolitiques dans une fraction de la ception démocratique bourgeoise. » Les raisons classe ouvrière, développement qui favorise d'être profondes de la prédominance de l'op­ l'état d'esprit anarcho-syndicaliste. portunisme tenaient, comme le dit Lénine, à Certes, les traditions militantes et révo­ l'économie du pays, au caractère du déve­ lutionnaires de la Commune subsistaient, les loppement capitaliste en France. leçons de la Commune avaient été tirées en En ce qui concerne l'état politique du partie, et le Parti ouvrier français de Guesde pays, la république avait donné une certaine et de Laforgue s'était constitué sous le signe liberté à la lutte de classe (liberté de parole, du marxisme. Mais les traditions de la Com­ de presse, de réunion, de coalition, etc.) et mune étaient liées pour beaucoup au souvenir créé pour le mouvement ouvrier des possibi­ de la guerre de 1870, et la bourgeoisie impé­ lités de développement légal. Le revers de la rialiste s'entendait à mésuser et à abuser du médaille était la surestimation du régime poli­ patriotisme populaire, à le pervertir en pa­ tique existant de la part des masses, qui ne triotisme bourgeois, en chauvinisme. L'anti­ 43

marxisme se colorait volontiers de chauvinisme. Parti, tout tournait autour de l'activité parle­ Le père du « possibilisme » contre-révolution­ mentaire et du groupe parlementaire 1*', pour­ naire, Brousse, avait dit le 25 septembre 1882 quoi, enfin, au jour de l'épreuve, la classe 6 Saint-Etienne ; « Les ultramontains ne peu­ ouvrière n'a pas eu de dirigeants capables. vent pas obéir à la loi de leur pays, parce Même au point de vue des effectifs, le Parti que leur chef est à Rome. Les marxistes ne unifié resta faible, impuissant à atteindre les peuvent pas obéir aux décisions du Parti et 100 000 adhérents, à devenir un parti de à ses congrès, parce que leur véritable chef est masse. La C.G.T., de son côté, n'a jamais à Londres... Il n'y a qu'une solution nécessaire ; groupé le dixième des travailleurs industriels. la séparation des Capucins marxistes et de l'Etat socialiste ouvrier. » Les traditions vivantes dans le peuple et POURQUOI L'INFLUENCE DU MARXISME cultivées par l'école, par la presse, par toute EST-ELLE FAIBLE? la propagande officielle remontaient à 1789. Le malheur était qu'une grande partie des Jacques Duclos a fait observer depuis socialistes français croyaient qu'il suffit pour longtemps à titre de particularité du mou­ la révolution d'avoir des traditions et du tem­ vement français que « le marxisme avait péné­ pérament, et qu'on peut donc négliger à la tré les masses prolétariennes de France moins fois la théorie du socialisme et l'organisation profondément que dans d'autres pays » l'L de la classe ouvrière. Et dans le même numéro de revue où Jacques Bref, depuis la Commune, le capitalisme Duclos exprime ce jugement, un militant trop avait connu un développement relativement tôt disparu, René Maublanc, posait directe ­ paisible, et ses contradictions n'apparaissent ment la question : « Pourquoi le marxisme s'est pas dans toute leur violence : « ... Cette peu développé en France avant 1920 ». 11 période, dit Lénine, avait engendré la ten­ écrivait : « C'est un fait que, jusqu'à ces der ­ dance à nier la lutte des classes et à prôner nières années, le marxisme était resté en la paix sociale, à nier la révolution socialiste, France profondément inconnu et méconnu, non à nier le principe même des organisations illé­ seulement dans les divers milieux bourgeois, gales, à admettre le patriotisme bourgeois, mais dans la classe prolétarienne, dans les etc. » syndicats, jusque dans les partis ouvriers. Je Toute cette situation explique pourquoi la pense que les historiens de l'avenir s'étonne- classe ouvrière de France n'a pas eu de 1905 (6) L'historien suisse J.J. Fiechter note que l'action parle­ à 1914 un parti de classe vraiment indépen­ mentaire fut le principal terrain d'activité des socialistes de 1898 à 1914, qu'elle épuisait en fait l'activité politique du dant dans sa politique, pourquoi il ne s'est parti, que le groupe parlementaire était le cerveau et le même pas constitué dans le Parti unifié une coeur du parti. Témoignage d'autant plus digne d'attention qu'il vient d'un admirateur du réformisme. (JJ. Fiechter: gauche dont la pensée et l'organisation fussent Le socialisme français de l’affaire Dreyfus à la grande guerre, Genève, 1965.) vraiment à la hauteur, pourquoi, dans ce (7) Jacques Duclos : Le développement idéologique du Parti communiste, « Cahiers du bolchévisme •, 15 janvier (5) Lénine : Œuvres, tome 21. p. 160. 1936, p. 19. 44

ront de constater qu'à la fin du XIX' siècle vement socialiste de notre pays comme le plus et au début du XX* siècle, la grande majorité avancé et le plus important alors même que des membres des partis socialistes français ce n'était plus vrai et que le centre du mou­ n'avaient jamais lu une ligne de Marx et vement révolutionnaire s'était transporté en d'Engels, en dehors du Manifeste du Parti Russie. Les anarcho-syndicalistes français di ­ communiste (souvent encore dans une édition saient tout de go qu'ils étaient en avance de qui en déformait le sens et le commentait plusieurs siècles sur le mouvement ouvrier des tendancieusement) autres pays. Au bout du compte, la surestima­ « Les chefs mêmes du Parti, à commencer tion de la tradition révolutionnaire nationale par Jaurès, n'avaient du marxisme qu'une conduisait au renforcement de l'opportunisme connaissance bien imparfaite ou l'interprétaient contre-révolutionnaire. à la façon de Guesde, de façon rigide et Le Parti socialiste unifié avait eu beau se étroite... » W. Ces chefs du Parti professaient donner une plateforme marxiste en 1905; effectivement pour la plupart une philosophie dans la pratique, il s'écarta de plus en plus éclectique et relativiste, sinon franchement des principes généraux de sa charte d'unité, idéaliste la parole et l'acte divergèrent de plus en plus. Tout ce passage de l'article de Maublanc Bien que Jaurès fût un défenseur sincère et serait à citer. Il voyait les raisons de l'état courageux de la paix et de la démocratie, le de choses qu'il déplorait dans la persistance jauressisme, considéré comme courant politi­ du socialisme utopique français et du confu­ que, exprimait l'idéologie des couches de la sionnisme proudhonien, mêlés à l'anarchisme petite bourgeoisie sympathisantes avec le so­ et à l'anarcho-syndicalisme. La prétention cialisme, et non l'idéologie de la classe ou­ d'opposer un « socialisme français » au vrière ; or les anciens blanquistes avec Edouard marxisme étiqueté « socialisme allemand » Vaillant capitulèrent rapidement devant le jau­ s'exprimait fortement dans l'atmosphère chau­ ressisme. A cette majorité opportuniste on vit vine créée par la défaite de 1870-1871 et se rallier de plus en plus souvent les ultra- influait sur les intellectuels socialistes de l'en­ gauches (hervéistes, « syndicalistes » à la tourage de Jaurès (Lucien Herr, Charles And- Hubert Lagardelle) ; quant au guesdisme, il ler, etc.). se mourait, dégénérant en un courant cen­ On sait que même les guesdistes, pour ne triste, malgré les efforts de Paul Lafargue, rien dire des autres courants, n'échappaient Charles Rappoport, Marcel Cachin. La trahison pas à la manie de croire exceptionnelle la de 1914 mûrissait. mission de la France et considéraient le mou­ La révolution russe de 1905-1907 avait es) Maublanc vise l'édition Charles Andler. pourtant ouvert une période nouvelle, une (9) René Maublanc : Le rayonnement du marxisme, < Cahiers du bolchévisme >, 15 janvier 1936, p. 85. période révolutionnaire pour le mouvement (10) Comme un historien anticommuniste américain se fait un plaisir de le souligner. (A. Noland ; The Founding ouvrier mondial. Elle avait stimulé le mouve­ of tha Franch Socialist Party 1893-1905, Cambridge, 1956), ce ment en France. Mais de la révolution de 1905, qui dominait dans la conception philosophique de Jaurès, c’était < la morale, l’Intellect et l'idéal esthétique >. les opportunistes voulaient retenir surtout l'is­ 45

sue malheureuse : « La défaite de la révolution actions des masses laborieuses qui ont un ca­ russe de 1905 ne pouvait que retentir sur l'état ractère à la fois économique et politique. Elles d'esprit de la social-démocratie internationale aboutissent à des résultats positifs, comme la en y renforçant les dispositions opportunistes. » loi des huit heures et la cessation de l'inter­ C'est Kroupskaïa qui le constate vention contre la Russie soviétique. Mais les Le passage des pays capitalistes au stade défauts de ce mouvement et la trahison des de l'impérialisme signifiait que les facteurs dirigeants réformistes (par exemple dans les objectifs de la révolution socialiste étaient pré­ grèves de 1920) montrent avec encore plus sents. Cependant, même parmi ceux qui se d'insistance la nécessité de créer un parti de réclamaient du marxisme en France, personne type nouveau pour la direction politique de la ne comprenait l'avènement d'une nouvelle classe ouvrière, un parti qui, à l'exemple des époque de l'histoire ; personne ne comprenait bolchéviks, rompe définitivement avec l'oppor­ que l'époque du développement paisible et fa­ tunisme. cile du capitalisme cédait la place à une époque Le Parti communiste français naît au de développement inégal et par bonds, une Congrès de Tours en décembre 1920. Sa créa­ époque de crise et de haute activité des tra­ tion est la conclusion normale et logique de vailleurs, une époque d'aggravation des contra­ tout le développement du mouvement ouvrier dictions, donc une époque où il fallait créer dans notre pays. Elle répond pleinement aux aussi le facteur subjectif de la révolution, repré­ besoins de l'époque nouvelle, aux besoins d'une senté en dernière analyse par le parti révolu­ société française où s'établit progressivement tionnaire. Le prolétariat n'avait pas une vue le capitalisme monopoliste d'Etat, sorte de claire des problèmes urgents, la grande ques­ moule du socialisme en négatif. tion était en quelque sorte ajournée. Les traits essentiels qui caractérisent le parti de type nouveau, ce sont : sa conscience d'être le parti de la classe ouvrière et son indé­ UNE ERE NOUVELLE S’OUVRE A TOURS pendance par rapport à toutes les influences bourgeoises et à tous les partis bourgeois, son En fait, c'est seulement après la victoire intransigeance à l'égard du capitalisme et de d'Octobre 1917 que le mouvement ouvrier fran­ la réaction, sa liaison vivante avec les grandes çais reprendra sa marche en avant. Les années masses et le peuple tout entier, son attache­ 1919-1920 sont marquées par de puissantes * • ment à la théorie du marxisme-léninisme insé­ (11) Voir son article : Pour le vingt-cinquième anniversaire parable de la pratique, c'est-à-dire de l'effort de la parution de > Matérialisme et empiriocriticisme », dans pour être toujours un facteur d'action. Les • Pod znaméniem marxisma » 1934, n“ 4, p. 6. Cette consta­ tation ne saurait évidemment faire oublier que non seu­ principes d'organisation découlent de là. lement Lafargue et Vaillant, mais aussi Jaurès avaient eu une attitude très positive et très juste à l'égard de la Révolution Le parti de type nouveau ne peut conduire de 1905 ; Jaurès, en particulier, avait vu et déclaré que la bourgeoisie russe de son temps n'avait rien de commun les actions de la classe ouvrière et de ses alliés avec la bourgeoisie française de 1789 et qu'en revanche, le qu'au prix d'une double lutte : contre l'oppor­ prolétariat russe allait se mettre, en cas de victoire, à la tête du prolétariat européen. tunisme de droite, qui prêche la passivité, 46

l'adaptation aux intérêts du capital, et repré­ combat contre le nihilisme national au nom de sente la pression directe de l'idéologie bour­ l'unité dialectique entre l'internationalisme geoise sur le prolétariat, — contre l'opportu­ prolétarien et l'amour du peuple pour le pays, nisme de « gauche », traduisant le révolution­ qui est vendu en bloc par la grande bourgeoisie narisme petit-bourgeois, autrement dit l'impa­ tantôt à Hitler, tantôt ô l'impérialisme améri­ tience du petit-bourgeois ruiné, qui n'est pas cain. Tout cela a été mis en pleine lumière d'accord pour tenir compte de la situation par le Colloque international de l'Institut Mau­ objective, s'avère incapable d'un travail révo­ rice Thorez, dont Jean Fréville rend compte lutionnaire prolongé et opiniâtre, et voudrait d'autre part. en finir avec le capitalisme d'un seul coup, A l'heure actuelle, toute la politique du sans se demander si les conditions nécessaires Parti communiste français est commandée par sont réunies ou non (anarchisme, trotskisme, les idées du Manifeste Pour une démocratie mouvements gauchistes divers). Ici aussi, l'ac­ avancée, pour une France socialiste, qui repré­ tion est absente : elle est remplacée par la sentent une extension et un développement na­ phrase et la gesticulation. turels, — dans les conditions nouvelles, — de la politique de Front populaire pratiquée avec le bonheur que l'on sait il y a trente-cinq ans. LA STRATEGIE DU PARTI COMMUNISTE Le Parti considère que le coup doit être porté contre le capital monopoliste, et qu'à côté Ce n'est pas le lieu dans cet article de de la classe ouvrière, toutes les couches prin­ rappeler les grandes lignes de l'action du Parti cipales de la nation — des paysans aux intel­ communiste français depuis cinquante ans : sa lectuels, des artisans aux autres petits patrons, lutte pour le pain, pour la liberté et pour la — ont un intérêt vital ô l'élimination de la paix, toujours déployée sous le signe d'une toute-puissance des monopoles : de là, la possi­ corrélation profonde entre la défense des inté­ bilité de fondre tous les mouvements démo­ rêts immédiats et l'action pour le but final, — cratiques en un grand courant de lutte contre sa politique de front unique ouvrier et de ras­ l'oligarchie financière. semblement de toutes les couches sociales vic­ Le Parti se souvient de la maxime de Lénine times des monopoles, — sa conception de disant que le prolétariat n'est révolutionnaire l'unité étroite entre l'action pour la démocratie que dans la mesure où il prend conscience de et l'action pour le socialisme, — sa contribu­ l'hégémonie à exercer vis-à-vis de toutes les tion au développement créateur du marxisme- classes et couches sociales lésées par le grand léninisme sur des points comme le passage capital et où il fait de cette hégémonie une au socialisme par des voies pacifiques, la non- réalité. C'est pourquoi il s'efforce de réaliser la fatalité de la guerre à notre époque, etc., — plus large coalition antimonopoliste. Avant son attachement en actes à l'internationalisme tout, il travaille ô l'unité d'action avec le Parti prolétarien et sa solidarité active avec tout le socialiste. Dans cette lutte pour l'unité, il répète mouvement anti-impérialiste mondial, — son ses thèses de toujours, d'après lesquelles les divergences idéologiques ne sont pas un obs­ est devenu fort. Quand le Parti s'est formé, il tacle à la coopération. était obligé par l'histoire de lancer avant tout Parti indépendant, parti bien résolu 6 ne le défi à l'opportunisme, de se démarquer de pas se dissoudre dans quelque bloc que ce soit, la S.F.I.O. d'une façon d'autant plus éclatante parti fort de sa cohésion et de ses principes qu'il était lui-même plus chancelant et moins idéologiques, il est d'autant plus résolu aux assuré. Mais une telle attitude serait une grosse plus larges accords avec les partis qui se récla­ faute aujourd'hui, quand le Parti est fort et ment de la classe ouvrière et même avec des solide sur ses positions révolutionnaires. formations ou des courants sociaux non prolé­ C'est pourquoi le Parti communiste fran­ tariens, qui sont prêts à lutter contre le capital çais ne se propose pas pour but l'absorption monopoliste. du Parti socialiste ou quoi que ce soit d'ana ­ Lénine nous a enseigné que, dans la poli­ logue, mais la coopération avec le Parti socia­ tique d'unité, l'opportunisme consiste à con­ liste pour les luttes partielles et pour la lutte clure des accords, à mettre sur pied des combi­ finale, la lutte pour l'implantation et la cons­ naisons qui tendent à détourner les masses truction du socialisme. Cette politique d'unité de l'action, à résoudre les questions dans leur n'est pas une politique de circonstances, mais dos, tandis que l'interprétation révolutionnaire une politique à longue portée. Ce n'est pas du front unique est d'entraîner des masses elle qui divise le Parti socialiste, au sein duquel de plus en plus larges dans la lutte pour la les actuelles divergences ne sont nullement une démocratie et le socialisme. Le front unique, conséquence de la coopération d'ensemble avec c'est l'action, disait toujours Maurice Thorez, le Parti communiste, coopération encore inexis­ et il répétait souvent que des caractères de la tante. politique du Parti tels que l'esprit de principe N'importe quelle alliance se conclut quand et la souplesse tactique doivent constamment les parties contractantes y ont toutes deux inté­ être associés ; il citait Lénine disant qu'on doit rêt. Le Parti socialiste n'aurait aucune perspec­ savoir unir le dévouement le plus strict aux tive de progrès, voire de survie, s'il se pliait à la idées communistes et l'art de consentir tous les politique de désagrégation de la gauche au compromis pratiques nécessaires. profit de l'oligarchie, à la variante centriste de la «stratégie des grandes firmes». Tout « exercice du pouvoir » par le Parti A L’AUBE DU SECOND DEMI-SIECLE socialiste dans d'autres conditions que l'union de la gauche contre le capital a montré depuis C'est dans cet esprit d'union pour l'action longtemps que dans le meilleur des cas, — que le Parti communiste français aborde les comme Otto Bauer en faisait l'aveu dès 1936, tâches de son deuxième demi-siècle d'activité. — cette politique ne pouvait pas empêcher les La situation dans laquelle il se trouve au bout capitalistes de porter le mode de production de cinquante ans de lutte est bien différente capitaliste à un niveau supérieur, qu'elle était de celle où il était après 1920. De faible, il incapable de toucher aux rapports capitalistes 48

de propriété. Toute politique centriste ne peut Ceux qui pouvaient en Russie participer qu'assurer la relève de la garde autour des pacifiquement au pouvoir socialiste, ont volon­ privilèges du capital sous le signe de l'anti­ tairement servi la contre-révolution. Les possi­ communisme. bilités d'une coopération de plusieurs partis se sont évanouies. La Russie soviétique avait vécu une expérience irréversible. POUR LA PLURALITE DES PARTIS Le régime du parti unique est donc avant tout un fait de l'histoire, non une donnée de La thèse du parti unique n'a jamais appar­ la théorie. Dans la pratique même du Parti tenu au trésor de pensée du marxisme-léni­ bolchévik avant et pendant la révolution alter­ nisme. « Les communistes travaillent à l'union nent constamment les phases de rupture et et à l'entente des partis démocratiques de tous d'opposition, les phases d'accord et de compro­ les pays » {Manifeste communiste). Cette atti­ mis. Dans les thèses sur le front unique ouvrier tude provient du fait que les communistes ne élaborées par le présidium du Comité Exécutif conçoivent pas leur Parti comme une fin en de l'Internationale Communiste en décembre soi, mais comme un instrument au service de 1921 avec la participation active de Lénine, la classe ouvrière ; aussi n'ont-ils pas d'intérêts référence était faite à l'expérience des bolché­ distincts de ceux du prolétariat dans son en­ viks avant 1917, aux cas répétés où ils avaient semble, et c'est encore le Manifeste qui le dit. conclu des accords avec les menchéviks « non La confusion qui a régné autrefois sur la seulement en raison des péripéties de la lutte question du parti unique avait sa source histo­ des fractions, mais sous la pression directe des rique dans la situation de la Russie soviétique larges couches d'ouvriers... » Penser que le telle qu'elle s'était dessinée après l'intervention régime du parti unique est une caractéristique étrangère et la guerre civile, à la suite des spécifique et constitutive du pouvoir proléta­ énormes fautes politiques commises à l'époque rien témoigne d'un manque d'information. par les partis socialistes de droite, fautes sur lesquelles aucun historien sérieux ne garde le moindre doute. Tandis que les officiers tsa- SAVOIR APPREHENDER LE VIVANT ristes patriotes ralliaient en masse l'Armée rouge, les partis en question fournissaient des De toute façon, des circonstances histori­ ministres à l'amiral Koltchak ! Mais Lénine ques originales appellent des solutions neuves, n'avait ni prévu ni voulu cette situation. Il a et le mouvement ouvrier français se trouve dit lui-même : « Nous n'avons exclu personne devant des possibilités inédites : la croissance du Soviet. » Bien au contraire, il a présidé des forces antimonopolistes fournit la base pendant plusieurs mois un gouvernement sovié­ réelle d'une alliance des divers partis qui se tique de coalition (avec le parti des socialistes- réclament d'elles. révolutionnaires de gauche), et ce ne sont pas Les traditions séculaires de la vie démocra­ les bolchéviks qui ont rompu cette coalition. tique française jouent également leur rôle ici : 4f)

ce n'est pas le peuple qui attentera jamais aux de toutes les forces de rénovation sociale. Mais droits de la liberté qu'il a conquise au prix la compétition est ouverte entre les partis des ­ de son sang et qu'il défend si durement aujour­ tinés à s'associer ; c'est le peuple qui décerne d'hui contre les atteintes de l'autoritarisme ! le « rôle dirigeant ». La possibilité d'édifier le L'une des caractéristiques du marxisme par socialisme en France est incontestablement liée rapport aux formes primitives du socialisme, à la capacité du Parti communiste français de c'est, selon Lénine, qu'il ne lie le mouvement jouer le rôle d'avant-garde dans le développe­ à aucune forme de lutte déterminée, mais ment de la révolution et de l'édification socia­ admet les formes de lutte les plus diverses, listes. Mais cette fonction, il entend la remplir selon ce que proposent la vie, l'état réel des à titre de primus inter pares, c'est-à-dire à tra­ forces de classe. Le militant fidèle au marxisme vers une émulation loyale avec d'autres partis est toujours prêt à accueillir la nouveauté im­ égaux en droits dans le cadre de l'engagement posée par le changement de la conjoncture de tous en faveur du régime nouveau. Si le sociale. capitalisme, surtout le capitalisme de mono­ pole, engendre sans cesse les conditions propres C'est pourquoi la perspective de construc­ à provoquer l'hétérogénéité dans la classe ou­ tion du socialisme par plusieurs partis associés vrière et les tendances centrifuges dans le mou­ n'a rien de déconcertant dans une France où vement ouvrier, l'atmosphère de la révolution beaucoup de couches sociales se mobilisent socialiste, les conditions économiques que la contre le capitalisme monopoliste d'Etat. La vie révolution crée, l'enthousiasme qu'elle suscite, est plus riche et plus « rusée » que les dogma­ etc., conduisent forcément à l'unification ou tiques se l'imaginent. au rapprochement des forces prolétariennes et Sachons nous appuyer sur l'analyse des progressistes. processus réels, maintenir en éveil notre fa­ Les déclarations du Parti communiste sur culté d'appréhender le vivant, de façon préci­ la coopération de plusieurs partis dans la lutte sément à nous rattacher à la méthode de Marx pour la construction du socialisme se relient et de Lénine. Sachons garder leur héritage, logiquement à l'ensemble de la politique que précisément en nous appliquant aux problèmes notre Parti met en oeuvre, par exemple à la nouveaux et aux solutions nouvelles. Pour pen­ déclaration précise que Georges Marchais fai­ ser le rôle du Parti communiste et ses alliances sait dans son interview du 19 novembre à La comme pour affronter n'importe quel autre Croix en réponse à la question ; « Voulez-vous domaine de la théorie, le point de vue histo­ dire rique est essentiel ; le Parti, comme disait Lé­ qu'il n'y aurait pas [dans une France nine, est toujours en présence d'un système de socialiste] d'enseignement officiel et obligatoire forces en mouvement. de la philosophie marxiste ?» Le secrétaire gé­ néral adjoint du Parti communiste s'exprimait Nous, communistes, nous sommes certes très clairement : « Nous voulons construire la convaincus que notre Parti est le détachement société nouvelle avec d'autres formations qui d'avant-garde de la classe ouvrière et par suite ne sont pas communistes. Comment pourrions- 50

nous espérer, même si nous le voulions, imposer roles dirigées contre le gauchisme ; « Le cama­ l'enseignement officiel et obligatoire de ce qui rade Bêla Kun pense que l'esprit révolutionnaire est notre doctrine ? consiste à défendre toujours et partout ceux « Je dois vous dire que notre Parti n'a de la gauche. La préparation de la révolution jamais discuté cette question. Personnellement, en France, un des plus grands pays d'Europe, je considère que l'enseignement de toute so­ ne s'effectue pas par le seul parti. La conquête ciété moderne devrait faire au marxisme, — des syndicats par les communistes français est et cela dès aujourd'hui, chez nous — une un succès qui me réjouit par dessus tout... place qui corresponde à son influence et à sa Quand je vois le magnifique travail du Parti communiste... je déclare : la victoire de la révo­ fécondité. » lution en France est assurée si ceux de la Dans une France socialiste, le Parti com­ gauche ne font pas de bêtises. » muniste gardera tous ses caractères et sa vita­ lité de force politique. Il restera un instrument Ces déclarations de Lénine prennent un de lutte et d'éducation. Il ne s'identifiera pas relief nouveau dans les conditions d'aujour­ à l'Etat. On peut évidemment se demander ce d'hui. que deviendront les divers partis à une phase Les possibilités créatrices de la classe ou­ ultérieure, quand l'unité non seulement politi­ vrière et la fécondité du marxisme-léninisme que et sociale, mais culturelle et morale de se manifestent avec éclat dans l'importance notre peuple sera réalisée au plus haut niveau ; nouvelle que prend, aux yeux du Parti commu­ mais à cette question, l'avenir seul répondra. niste français, la perspective de la pluralité des Concluons avec le secrétaire général du partis en régime socialiste. L'affirmation de Parti, le camarade : « Non cette perspective témoigne à la fois du sens seulement l'existence d'un seul parti pour réa­ aigu des réalités nationales profondes qui ca­ liser le socialisme ne répond pas forcément à ractérise le Parti communiste et de la confiance la situation de tous les pays, mais dans certains du Parti dans ses propres forces, dans sa mis­ pays le fait de présenter une telle exigence sion, dans son avenir. peut retarder l'avènement du socialisme en gênant le rassemblement de toutes les forces socialistes et progressistes. » Lors du récent Colloque de l'Institut Mau­ rice Thorez, le directeur de l'Institut du marxisme-léninisme de Moscou, le camarade Fédosséiev a opportunément rappelé les paroles de Lénine à la séance du 17 juin 1921 de l'Exécutif de l'Internationale communiste, pa­

(12) WaldecK Rochet: L'avenir du Parti communiste fran­ çais, Editions sociales, Paris 1970, p. 115. 51

LA TACTIQUE “CLASSE CONTRE CLASSE” DANS LE PARTI

COMMUNISTE FRANÇAISA

Vicior JOANNES

Dans son remarquable article : c Histoire et politique ». Georges Cogniot rappelait ici même cette indication de Lénine : « Les questions de tactique sont des questions de comportement politique du Parti. On peut et on doit justifier tel ou tel comportement à la fois par la théorie, par 1 information Historique et par l’analyse de toute la situation politique, etc. » Il ajoutait : «La connaissance de l'histoire représente ainsi une des trois bases de toute tactique correcte et sûre. Elle est source de sagesse dans la mesure où elle permet de ne pas retomber dans les fautes déjà commises, de reprendre les voies qui se sont révélées fécondes. » Un demi-siècle d'bistoire du Parti communiste français illustre ces affirmations. Chaque étape

(!) Colliers de r/rtsftful Maurice Thorez, n" 18. 52

essentielle de son combat pour la transformation L’apprentissage a été rude. Le Parti commu­ révolutionnaire de la société est un exemple de niste français a dû mener de dures batailles en son l’effort entrepris pour p.irvenir à la compréhen­ sein contre l’opportunisme de droite et de gauche sion vivante de l’histoire et de 1 actualité, prépare et gagner de nombreuses victoires sur lui-méme et ouvre l’étape suivante, sur la base de 1 expé­ avant de s’affinner comme un véritable parti de rience acquise par les masses populaires et par la classe ouvrière, élaborant sa politique en toute le Parti dans l’application des décisions politiques indépendance, de manière réaliste et en conformité prises à tel ou tel moment, face à telle ou telle avec les intérêts immédiats et d'avenir de la classe situation concrète. ouvrière, du peuple et de la nation. Lénine et 1 In­ De ce point de vue, nous voudrions plus spé­ ternationale Communiste l’y ont beaucoup aidé. cialement dans cet article essayer d ’apporter une La tactique classe contre classe recommandée contribution à l’étude d ’une période très controver­ par l’Internationale Communiste pour les élec­ sée et mal connue : la période « classe contre tions législatives de 1928 et adoptée par le Parti classe >. communiste français a été un de ces pas néces­ saires à accomplir dans la recherche d ’une tactique juste du Parti comme avant-garde consciente de LES ELECTIONS DE 1928 la classe ouvrière. ET LE MOT D’ORDRE De quoi s’agissait- il? Il s’agissait d'amener le CLASSE CONTRE CLASSE Parti à une rupture démonstrative avec 1’ < élec­ toralisme >, avec la pratique des coalitions sans Rappelons d abord que le Parti communiste principe, avec la vieille classification politique français né à Tours en décembre 1920 n’était simpliste. < les rouges contre les blancs >. de dis ­ encore qu’une petite avant-garde. Il avait à gagner siper sur le plan électoral comme ailleurs toute le soutien de millions d'ouvriers, de paysans tra­ fausse interprétation sur le caractère et le rôle vailleurs. d ’intellectuels, la confiance et 1 appui révolutionnaire du Parti, sur l’autonomie de la des couches moyennes des villes, pour devenir un politique du Parti ouvrier. véritable parti de masse — même si cette carac­ téristique de parti de masse était présente en II s'agissait de tenir compte de Tévolution de puissance dès l’origine grâce au fait que le Parti avait reçu à Tours l’adhésion de la majorité des (2) Déjà dans la lettre du Présidium de TLC. au Comité anciens socialistes. central du Parti communiste français en date du 2 avril 1027. on lit ; < Le Parti doit éviter toute politique électorale ou Sorti de la social-démocratie, il avait à se parlementaire qui ne porte pas un cachet de classe clair et débarrasser des stigmates de sa souche originelle, compréhensible par la masse ouvTièrc. > C’est en octobre 1927 à acquérir une idéologie vraiment prolétarienne, que le secrétariat du Comité Exécutif, sous la signature de à se familiariser avec la pratique d ’une politique Boukbarine. résume par le mot d ’ordre < classe contre classe » la lactique électorale. La IX* session plénière du Comité Exécutif juste, à devenir capable d ’organiser et de diriger (9-23 février 1928) et le VI* Congrès de l’Ï.C. (17 juillet- les masses laborieuses, à prendre de l'expérience 1^* “ septembre 1928) devaient confirmer celle lactique et la et de l’autorité. généraliser, sans doute un peu trop schématiquement. 33

l’expérience du Cartel des gauches obligé de à la suite du vole par le Parlement, en juillet céder la place en 1926 à l’Union nationale de 1927. du scrutin majoritaire à deux tours, dont Poincaré. — Union nationale qui avait le soutien l’objectif était de lui faire subir un grave échec efficace du Parti socialiste — et d opposer au sur le plan électoral. bloc de la social-démocratie avec la bourgeoisie « II est certain, écrit Gérard Walter dans son le front de toute la classe ouvrière. Histoire du Parti communiste français qu’en Cela était d ’autant plus important qu’existait grande mesure. le rétablissement de ce mode de dans le Parti la tendance à établir pour les élec­ scrutin était dicté par la peur de voir renforcer tions des listes communes avec le Parti socialiste la représentation communiste à la Chambre et par et qu’en général, lorsqu’ils faisaient campagne en le désir de faire annuler, au moins sur le plan commun avec d autres partis, les communistes parlementaire, les résultats de la propagande du inclinaient à laisser entre leurs mains la direction Parti dans les milieux ouvriers. » de ces campagnes. Un danger réel existait donc Appréciation pleinement justifiée si l’on se rap­ de voir le Parti devenir un appendice du bloc porte à quelques déclarations retentissantes d ’hom­ des gauches, ou la queue de la social-démocratie. mes politiques de l'époque. Rappelons par exemple ce qu’écrivait dans le journal Le Petit Pro­ vençal du 5 juin 1927 le président socialiste de la POUR REPONDRE Chambre des députés. Fernand Bouisson ; «Le AUX EXIGENCES DE LA SITUATION scrutin d ’arrondissement est le seul qui puisse réduire le nombre des députés communistes à la En même temps, la tactique classe contre Chambre à huit ou dix élus... Ceci étant exposé, classe répondait parfaitement aux exigences de la on se demande par quelle aberration certains anti­ situation dans laquelle se trouvait placé le Parti communistes forcenés s’obstinent à combattre le scrutin d ’arrondissement, qui est le seul scrutin (5) Le Cartel des cauclics constitué pur IVnlente du Parti capable d ’écraser en France le Parti communiste. » socialiste, du Parti radical et du Parti républicain soctaliste l'avait emporté sur le Bloc national aux élections lé^slatives On peut citer encore cette mise en demeure du de 192*4. Mais les gouvernements du Cartel devaient rapide ­ ministre de l’Intérieur d alors, le radical Albert ment tourner le dos à leurs promesses électorales. Il en fut Sarraut. aux représentants de différents groupes ainsi sur le plan économique et social, sur celui dos libertés parlementaires qu’il avait convoqués à son démo< ratiques et en politique extérieure. En juillet 1926. In chute du deuxième gouvernement Herriot devant le < mur bureau de la place Beauvau : « Si l’arrondisse­ d ’argent » marque la fin du Cartel des gauches. (Voir Histoire ment n’est pas voté, c’est soixante ou quatre-vingts du Parti communiste fronçais, Editions sociales. 1964. cha­ communistes qui entrent à la Chambre > pitre IV. pp. 151 et suivantes), (4) Le 5 février 1928 à la tribune de la Chambre des L’application de la tactique classe contre classe députés, Poincaré s'exprime ainsi : < Je dois rendre au Parti .socialiste cette justice tiu'il a conduit son opposition sans {5 ) Editions Somogy. 1948, p. 183. aucune hostilité, avec modération et avec loyauté, et que. en (6) Cf. rHumanité du 7 Juillet 1927. Rappelons qu*Albert tenant le Cabinet comme c’était son droit en surveillance étroite, Sarraut s'était déjà illustré en lançant à Constantme le 21 il n*a pas cherché à entraver son action essentielle. > (J.O. avril 1927 son cri de guerre : < Le communisme, voilà Débats parlementaires. 4 février 1928, p. 429). I ennemi ! > 54

aux élections législatives revêtait donc une haute de plus de 5 000 habitants, qu’il avait des mino­ signification. Elle devait d ’ailleurs permettre au rités dans 55 conseils municipaux et qu’à Paris Parti de rassembler au premier tour de scrutin des il avait obtenu 98 400 voix, il emportait, en masses importantes sur son programme propre, 1929, 115 conseils municipaux dont 26 dans les comme le montre le nombre de suffrages recueillis : villes de plus de 5 000 habitants, il avait des 1 060 000, soit une augmentation de près de minorités dans 159 conseils municipaux et à 200 000 par rapport à 1924. Paris il recueillait 107 646 voix. Il est vrai qu’au second tour de scrutin, par Cependant, en dépit de son importance, due suite d ’un travail pratiquement nul de front uni­ notamment au fait qu’elle établissait une ligne que, dans les circonscriptions soumises à ballo- de démarcation nette entre l’attitude du Parti tage, le Parti ne retrouvait que 56 % de son effec­ communiste et celle du Parti socialiste dans la tif électoral du premier tour et perdait en défini ­ politique électorale et parlementaire, la tactique tive 11 députés, passant de 25 à 14, alors que classe contre classe appliquée aux élections n’était 1 Union républicaine démocratique, formation qu’un aspect de la nouvelle orientation du Parti, réactionnaire, qui avait rassemblé sur ses candi ­ orientation rendue nécessaire par les changements dats, au premier tour, 1 008 000 voix, obtenait intervenus dans la situation générale. finalement 142 sièges. C’était là le résultat du scrutin d ’arrondissement, de la collusion de tous DE LA NATURE DES CHANGEMENTS les autres partis et de leur violente campagne anticommuniste. Bouisson et Sarraut pouvaient En effet, l’année 1927 avait vu le renforce­ se vanter d ’avoir vu juste I ment des tendances interventionnistes dans la plu­ 11 reste néanmoins qu’à l’épreuve des faits, la part des pays : le danger de guerre et d ’agression tactique électorale classe contre classe se révélait antisoviétique s’était amplifié considérablement. positive. Malgré une application mécanique, < Depuis le printemps de 1927, écrit Georges étroite et sectaire du front unique elle recevait Cogniot dans son ouvrage sur l'Internationale 1 approbation de la partie la plus éduquée, la plus Communiste (pp. 98-99), les milieux dirigeants combative des travailleurs. des Etats impérialistes avaient organisé une série Les élections municipales de 1929 devaient de provocations contre le pays des Soviets En confirmer ces indications. Préparées et conduites mai. le gouvernement anglais rompait les relations sous le même mot d ’ordre : classe contre classe, commerciales, puis diplomatiques avec Moscau. elles marquèrent une consolidation de l’influence Dans notre pays, le maréchal Foch donnait au du Parti. Alors que celui-ci avait conquis, en 1925, (s) En particulier les incidents se multipliaient sur la fron­ 70 conseils municipaux, dont 21 dans les villes tière soviéto-mandcKouc et sur la côte du Pacifique. L*aml>as&adc de rU.R.S.S. à Pékin et son consulat à Shnngkaî étaient (7) Par exemple, au second tour des élections, le Parti l’objet d ’attaques provocatrices. CKac|ue jour des attentats maintint ses candidats contre les candidats socialistes sans s'être étaient organisés contre le chemin de fer de l’Est chinois, des seulement adressé aux oirvriers socialistes, sans avoir engagé la fonctionnaires et des employés soviétiques étaient arrêtés, etc. moindre action pour établir le front imique, sons avoir expliqué Voir Maurice TTiorez ; « Fils du Peuple >. Œuntcs choisies, les raisons de sa conduite. tome 5. pp. 570-571. JJ

journal britannique Referee l’inters’iew fameuse où commerciale, pour la conslruclion de centrales il se proposait comme chef de la croisade militaire électriques, pour l’électrification des chemins de contre l'U.R.S.S. > fer, la construction de canau.x et 1 aménagement En France, où le capitalisme venait d ’acbever des ports, l’Etat accordait d ’importantes subven­ la période de restauration des ruines de la guerre, tions. un processus rapide de concentration se produisait Cette intervention plus systématique de l’Etat sous l’égide du capital financier. Dans les indus­ comme « gérant de l’économie nationale! avait pour tries chimique, sidérurgique, des constructions résultat de soumettre plus complètement toute mécaniques, de l’automobile, de l’électricité, etc,, la politique générale aux exigences de la grande s’étaient formés des trusts nalionau.x puissants industrie et de la haute banque. Cette tendance pour la plupart liés aux trusts similaires étrangers au capitalisme d ’Etat, le VI' Congrès du Parti par des cartels internationaux, ce qui transformait (51 mars-6 avril 1929) devait fortement la souli­ complètement la physionomie et la structure de gner. 11 indiquait : « Comment pratiquement se l’économie nationale par rapport à l’avant-guerre manifeste la tendance du capitalisme d ’Etat ? et même par rapport aux premières années de Par l’Etat, client principal d ’entreprises détermi ­ l’après-guerre. nées. surtout des enteprises sidérurgiques : par la participation financière, sous forme de subven­ Ajoutons que dans cette concentration capita­ tions ou de prêts, à des entreprises de « caraclère liste et en vue cîe son développement et de sa conso­ national > ; par le gros effort direct de 1 Etal lidation. l'Etat intervenait de plus en plus sous pour < l’amélioration de l’outillage national ». Et forme de participations et de subventions. Ainsi, comme conséquence de ces tendances, par une dans les constructions navales, l’aviation, l’électri­ interpénétration de l’appareil d ’Etat et des grands fication, la participation financière et la gestion organismes patronaux (Conseil Supérieur des che­ des entreprises s’exerçaient en collaboration avec mins de fer où siègent les représentants du les industries intéressées. Pour la construction de Comité des Forges, du Comité des Houillères, logements, pour le développement de la flotte etc.) » Parallèlement à la concentration industrielle, (9) Pour ne prendre que deux exemples, retenons les faits suivants ; le prolétariat se renforçait numériquement et se i® C'est dans cette période que l’industrie ctiimique sc concentrait de plus en plus dans des régions et constitue en trust avec trois brancKcs principales ; engrais, colo­ dans de grandes cités industrielles. rants et électro-chimie, essenlieilemcnl concentrées par la société Par exemple, à Paris, les ouvriers des métaux Kublinann qui a successivement absorbé ; La Compagnie nationale des matières coloronics. La Société des niaiièrcs colo­ passaient de 114 356 en 1906 à 189 082 en 1926. rantes de Saint-Denis et les Produits chimiques de Sainte-Cloire- Dans le même temps, la population industrielle du-Rhône. Kublmann. avec les Sociétés de Saint-Gobain et de la banlieue passait de 312 000 à 509 000, les d ’Aiès. Froges et Camargue monopolise toute I.a production ouvriers des métaux passant pour leur part de française d'engrais et matières colorantes. 2° Dans l'automobile, c'est en particulier le développement 48 461 à 193 159. Dans le département du Nord, de la Société des outomobtfes Citroen avec la participation de la haute finance (Banque Laxard) et de la grosse métallurgie (lO) Rapport politique Ju Comité central nu VI* Congrès (Scfirreider et Aciéries de Chéiiiilon-Commentry), national. Bureau j’éditions, Je diffusion et de publicité, p. 44. 36

un processus identique se produisait : 53 443 de la grande bourgeoisie vers la constitution d ’un ouvriers des métaux en 1906, 92 438 en 1926. * pouvoir fort » Sur un plan plus général. les statistiques offi­ De là aussi une aggravation de la lutte de cielles indiquent que la population industrielle classe avec des deux côtés des forces beaucoup est passée de 7 294 873 personnes en 1906 à plus importantes que jadis, des chocs plus directs, 8 232 597 en 1926, plus particulièrement occu­ des conflits plus fréquents, des hostilités plus pées dans les mines et le travail des métaux acharnées. Eln témoignent le développement des (dans la métallurgie, le nombre de travailleurs, luttes ouvrières, leur caractère, leur contenu. monte de 917 000 en 1906 à 1 536 000 en 1926). Voici par exemple un tableau général des cependant que la population agricole ne représente grèves les plus importantes établi à partir des plus en 1926 que 33 % au lieu de 44 % en 1906 indications publiées par l'Humanité : (de 3 452 392. elle tombe à 4 741 661) 1927 : 443 grèves, 120 000 grévistes. 1928 ; 943 grèves, 220 000 grévistes. 1929 : 1000 grèves. 439 000 grévistes. L’ESSENTIEL DANS LA TACTIQUE Sans doute faut-il noter que si les grèves CLASSE CONTRE CLASSE atteignent de grandes industries comme le textile, le bâtiment, les transports, puis les mines, elles Les profondes transformations opérées dans ne touchent encore que très peu des industries I appareil de production du ca,pitalisme français, maîtresses comme la métallurgie et les produits les changements inter\’enus dans la composition chimiques 0>). Mais il reste que les grèves sont et la structure de la population, tout cela modi­ généralement offensives, qu’elles se concentrent fiait les rapports entre les classes. L’antagonisme de plus en plus géographiquement et par bran ­ fondamental entre la grande bourgeoisie devenue ches d ’industrie, qu’aux revendications de salai­ plus puissante, plus consciente, et le prolétariat res s’ajoutant très souvent d ’autres motifs de lutte : devenu plus concentré et également plus conscient contre la rationalisation capitaliste, pour la solida­ apparaissait maintenant au premier plan. rité. pour le droit syndical, etc. De plus, aux grè­ ves s’ajoutent une série d ’autres formes de lutte, De là, les efforts de l’impérialisme français pour par exemple les manifestations contre l’exécution obtenir un élargissement de ses positions à l’exté­ de Sacco et Vanzetli, notamment celles du 23 rieur et à I intérieur, avec comme conséquence sa août 1927 à Paris et en province, qui rassemblent politique de préparation à la guerre, de surexploi­ plusieurs dizaines de milliers de personnes et au tation coloniale, de rationalisation industrielle, de cours desquelles, en particulier à Paris, les mani- répression à l’encontre du mouvement ouvrier et du Parti communiste, d ’acheminement méthodique (12) Cf. Histoire du Parti communiste français. Editions sociales. 1964. pp. 186-187 et 206 à 215. (11) Tous les cliifFrcs avancés ont été puisés dans les docu­ (13) Au cours des années 30-51. on comptera 1200 000 ments officiels donnant les résultats statislicpies des recense­ grévistes avec par exemple Tenlrée en lutte de régions métallur­ ments effectués en 1906, en 1926 et dans rAnnuuire Btaüsttque giques. celle de l'Est notamment, qui n'avait pas donné signe que devait Le Parti ne pouvait ignorer toutes ces transfor­ accomplir le Parti dans l’élaboration et la mise mations économiques et politiques qui revêtent en oeuvre de sa politique, s’il voulait être à la un caractère e.xtrêmement complexe et qui ren­ hauteur de ses responsabilités au regard de la daient son activité plus difficile, plus compliquée situation nouvelle. mais aussi plus prometteuse. Il devait y adapter L’accent est mis principalement sur la né­ sa stratégie et sa tactique, ses méthodes de travail, cessité de remplacer le système et 1 esprit des rompre radicalement et sur tous les plans avec combinaisons électorales, des ententes exclusives les théories, la pratique et les méthodes opportu­ entre leaders des partis de gauche, de la lutte indi ­ nistes qui l’imprégnaient encore. recte par l’intermédiaire des élus, par un travail Pour cela, il lui fallait s’orienter plus nette­ de front unique avec la masse des travailleurs ment vers les masses et d ’abord vers les couches socialistes, socialisant et sans-parti. « Un effort les plus exploitées de la classe ouvrière. 11 lui systématique et persévérant à la base, dans les fallait se montrer apte à organiser la lutte pour entreprises, auprès des ouvriers socialistes et confé­ les revendications immédiates, apte à les formu­ dérés pour les faire participer à la lutte effective ler clairement, à s’attacher à trouver dans chaque contre la bourgeoisie >, écrit Maurice Tlrorez dans situation concrète, dans chaque usine, dans cha­ les Cahiers du holchévisme d octobre 1928 en que corporation, le ou les mots d ’ordre qui per­ commentaire de la « Lettre ouverte >, tel était mettraient de mettre les masses en mouvement. l’essentiel de la tactique classe contre classe. Et C est cette orientation que traçait la « Lettre Maurice Thorez souligne ensuite la signification ouverte du Comité central aux membres du Parti > fondamentale de cette tactique : rupture avec de novembre 1Q27 qui insistait notamment sur la l’idol&trie de la démocratie parlementaire bour­ nécessité pour le Parti de donner comme axe à sa geoise. orientation plus résolue vers la lutte direc ­ politique. « non pas les élections en tant que te à l’usine et dans la vie quotidienne, activité telles, mais l organisation de la lutte directe des plus grande contre la guerre et la rationalisation, ouvriers alliés aux paysans contre le gouverne­ lutte plus énergique contre 1 attitude des diri ­ ment d'Union nationale, ses lourds impôts, ses geants socialistes qui, en laissant faire I expé­ lois de guerre, la baisse des salaires, le chômage rience Poincaré, ne font que prolonger objective­ et la vie chère, en s’adressant ainsi non aux seuls ment l’L^nion nationale. électeurs, mais aux travailleurs dont des millions sont exclus du droit de vote : femmes, jeunes, LES DESACCORDS SUR LA TACTIQUE soldats, marins, ouvriers étrangers » CLASSE CONTRE CLASSE Cette lettre est un document de première importance, trop souvent ignoré ou déformé dans Un changement aussi brusque de la politique son e.spril par les prétendus historiens du Parti du Parti, y compris sa politique électorale, ne fut communiste français. Son étude est pourtant indis- pas sans provoquer beaucoup d ’hésitations dans ses rangs et d ’abord dans ses organismes diri ­ (M) Cf. rHiinmntl^ du 19 novembre 1927. geants : Bureau politique et Comité central, au 58

sein desquels se manifestèrent de profondes diver­ classes, à l’accélération du mouvement révolution­ gences qui devaient alimenter des courants oppor­ naire > tunistes et sectaires. Ce qui n’était pas sans conséquences. La pre­ Fondamentalement, ces divergences décou­ mière était la sous-estimation du danger de guerre laient d ’une appréciation différente de la situation et du rôle que jouait l’impérialisme français dans en France, de l'évolution des rapports de classe et la préparation de la guerre, comme nous l’avons de la gravité du danger de guerre, d ’une concep­ rappelé plus haut. La seconde était une appré­ tion différente, voire opposée, de l'attitude à ciation inexacte des rapports de classe entraînant observer à l’égard des partis de gauche et surtout des difficultés à comprendre la signification réelle du Parti socialiste. de l’Union nationale. — « comme expression poli­ tique du regroupement des différentes fractions Ainsi, par exemple, plusieurs membres du de la bourgeoisie ayant subordonné les intérêts de Bureau politique et du Comité central estimaient groupes à l’intérêt commun de la classe capita­ que la « Lettre ouverte > ne donnait pas une ana­ liste, en vue de pratiquer la politique qu’exige le lyse correcte de la situation générale en France, développement de l’impérialisme français > —. que la « radicalisation » des masses ne s’opérait pas aussi rapidement qu’on 1 affirmait et qu’en la politique répressive, comme aussi des difficul­ conséquence, il n’y avait pas lieu de modifier tés à comprendre l’évolution des courants qui sensiblement la tactique électorale par rapport à traversaient la classe ouvrière. celle de 1924. Sans doute la rationalisation capitaliste était- elle trop schématiquement interprétée par certains Il est exact, comme devait d ailleurs le recon­ dirigeants de l’Internationale Communiste, en naître le VI* Congrès du Parti, que la « Lettre particulier Boukbarine et Humbert-Droz. comme ouverte > donnait une appréciation exagérée, donc devant entraîner une « radicalisation » générale incorrecte du développement de la crise économique, des masses aboutissant naturellement à une aggra­ qui pouvait laisser croire que la stabilisation tem­ vation de la lutte entre le communisme et le poraire du capitalisme était épuisée, qu’elle prou­ réformisme. Mais il est incontestable que la ratio­ vait prendre fin d ’un moment à l’autre, ce qui nalisation capitaliste opérait une différenciation marquerait la catastrophe de tout le système profonde au sein de la classe ouvrière, dont il capitaliste. Mais la critique de ceux qui fallait tenir le plus grand compte pour la con­ s opposaient à la tactique classe contre classe quête des masses. allait beaucoup plus loin. < Ils croyaient, eux, à En effet, alors que certaines catégorie de tra­ une amélioration considérable des positions de la vailleurs étaient directement et fortement touchées bourgeoisie française, en niant et en sous-estimant par la politique de rationalisation, il en était les côtés négatifs, les contradictions qui sapent d ’autres relativement favorisées, ce qui n’allait pas ces positions... Ils voyaient en l’exagérant ou en sans créer un renouveau d ’illusions réformistes généralisant arbitrairement, tout ce qui est ou paraît favorable à la consolidation des forces (15) Maurice TJiorez ; Les prcilèmes de la politique du Parti communiste français. Cahiers du bolchévisTue. n“ 8, octo­ bourgeoises. Ils ignoraient ou négligeaient tout ce bre 1028, pp. 921-922. qui contribue à l’élargissement de la lutte des (16) Idem, page 923, 59

sur la politique gouvernementale et patronale, direction. Bien qu'ils soient généralement connus, illusions entretenues par les dirigeants du Parti il n'est pas inutile de rappeler à ce propos quel­ socialiste et de la C.G.T. qui trouvaient en elles ques faits parmi les plus saillants. un appui et une base. La grande bourgeoisie était parfaitement cons­ € Si l'on n'est pas d'accord là-dessus, dira ciente du danger que représentait pour elle et Maurice TTiorez dans la discussion de la question pour la réalisation de ses plans les efforts du française au VI* Congrès de l’I.C., si l'on n'a pas Parti pour entraîner les masses à l'action contre encore saisi cette transformation essentielle dans la guerre, contre la politique d'exploitation colo­ les rapports de classes en France, si l'on n'a pas niale, de rationalisation et de vie chère. Aussi analysé les conséquences multiples de la politique cherchait-elle par tous les moyens à le réduire au de rationalisation sur la classe ouvrière, on ne silence, à le détruire. Le gouvernement à son ser­ peut comprendre le sens profond des luttes de vice multipliait inculpations et arrestations : il classes actuelles en France : on reste attaché aux jetait en prison les militants, afin de décapiter manifestations superficielles et parfois contradic­ le mouvement ouvrier. toires. aux routines de la vieille politique En juin 1929, c’est Maurice Thorez, clandestin au sein du Parlement ; on reste figé dans les depuis 1927, qui était arrêté, victime d ’une dénon­ vieilles formes : on n'a pas du tout compris les ciation. A la veille du 1*' août, dont le Parti avait changements de contenu. > décidé de faire une grande journée de lutte contre Ces divergences de caractère opportuniste sur la guerre impérialiste, c’étaient à leur tour plu­ l'appréciation de la situation économique et poli­ sieurs membres du Comité central qui étaient tique en France, sur la façon nouvelle d'aborder arrêtés « préventivement >. le travail de masse du Parti, sur la nécessité de Par ailleurs, pour étouffer la grande voix f\e modifier en conséquence sa politique de front l'Humanité, André Tardieu, ministre de l’Inté­ unique dans tous les domaines devaient nourrir rieur. faisait bloquer les opérations de la Banque le courant sectaire et conduire, dans I application Ouvrière et Paysanne, où se trouvait le compte de la tactique classe contre classe, à des erreurs du journal. Il pensait que l’Humanité, journal et à des fautes graves, aboutissant en fait à sa ouvrier ne disposant pas de capitaux, ni de déformation. « bailleurs de fonds » comme les journaux capi­ Tout cela devait non seulement entraver l'acti­ talistes, mais vivant au jour le jour du produit vité du Parti, mais également faciliter les manœu­ de sa vente, serait obligé de disparaître. On sait vres de la grande bourgeoisie pour désagréger sa que sur ce point, l’opération échoua. Le Comité central lança un appel aux travailleurs pour sauver l'organe central du Parti, et, en quelques (17) Voir Jfiâloir? du Parti commimisic français, pp. 193-1Ç4. semaines. l’Humanité fut sauvée, grâce à leurs (18) Classe contre classe (La question française au IX* Exé- souscriptions. Tardieu était battu ; son attaque ctilif et DU Vl* Congrès de rintemotionale Communiste) Bureau d'Editions, 1929, p. 170. tournait à sa confusion et montrait l’affection (|9) Voir Maurice Tfiorez. Œurres choisies, tome 3. pp. 371* dont les travailleurs entouraient le Parti et son 572. journal. 60

Cependant, comme toujours dans les périodes MAURICE THOREZ : difficiles, à l’attaque dirigée contre le Parti de LA LUTTE SUR LES DEUX FRONTS I extérieur se combinait une attaque de grande ET LA VICTOIRE DE LA POUTIQUE envergure montée de l'intérieur. Des rénégats, D’UNITE des faibles tournaient casaque : six conseillers municipaux de Paris sur sept, derrière Louis Sel­ C est en juillet 1950. avec l’élection de Mau­ lier et Garcbery quittaient le Parti ; d ’autres, tel rice Thorez comme secrétaire général du Parti, Doriot, se camouflaient pour mieux trahir. que commencera le redressement de la ligne du Profitant de l’arrestation et de la dispersion Parti, redressement qui devait conduire à la signa­ d ’un grand nombre de militants responsables ture, le 27 juillet 1934, du Pacte d ’unité d ’action des éléments corrompus qui s’étaient glissés dans entre le Parti communiste et le Parti socialiste, le Parti constituaient un groupe occulte : le groupe puis à la constitution du Front populaire. Barbé-Célor, et s’emparaient de la direction. Le Dès le 20 juillet 1930. dans un article de la groupe sabotait les décisions du Comité central : revue l’Internationale communiste le nouveau il prônait l’abandon du front unique et, soutenu secrétaire général faisait le point sur la situation en cela par Doriot, il multipliait les attaques du Parti. Après avoir montré que la ligne générale sectaires contre les ouvriers socialistes ; il consi­ élaborée au cours des années 1927-1928 était dérait l’action pour les revendications immédiates conforme à l’orientation définie par l’Intematio- comme périmée, rejoignant ainsi dans la pratique nale, que les perspectives qu’elle avait tracées les opportunistes de droite qui, avec les débuts étaient justes, se vérifiaient pour l’essentiel, il de la grande crise économique de 1929. ne analysait les causes principales des faiblesses, des croyaient pas à la possibilté d ’engager la lutte erreurs et des fautes du Parti. dans cette conjoncture ; il s’efforçait de détruire toute démocratie dans le Parti. Ces ennemis de La plus grande faiblesse, écrit-il, est « dans la classe ouvrière pratiquaient en réalité le secta­ le travail de masse, c’est l’inattention aux revendi­ risme à dessein, avec la volonté d'isoler le Parti cations partielles, générales ou particulières à l’en­ des masses et de provoquer sa décomposition. treprise. Les exemples abondent où nos militants, S ils ne purent parvenir à leurs fins, ils réussi- passablement qualifiés dès qu’il s’agit de choses rt'nt néanmoins à affaiblir considérablement le de Chine ou d'Amérique, perdent pied lorsqu il Parti, à fausser l’application de sa ligne politique, faut parler de revendications de l’usine ou de la à en faire une organisation étroite, repliée sur elle- corporation... C’est ce dédain du travail minu­ même. au lieu d ’une avant-garde consciente, tieux qui constitue un des plus grands obstacles agissante de la classe ouvrière ***'. à l’élargissement de l’influence du Parti et au (20) Marcel Cacliin, Bentrft FracKon. Pierre Semard. Paul renforcement de ses organisations. » Vaiilant-Couturier. Gaston Monmousseau. Henri Gourdeaux Rattachant à la question du travail de masse étaient en prison, où Maurice TKorez devait les rejoindre en les fautes et les faiblesses dans la tactique du 1929 avec bien d ’autres militants. Jacques Duclos vivait dans l'tllégalfté. front unique que le Parti avait « oubliée ». n’ap- (21) V^oir Maurice Tftoret. CHiiores choies, tome 3. pp. 580- 381. (22) Maurice Thorez. Œuvres, lomc premier, pp. 44-56. 61

piiquuit pas ou uppliquuil seulement de façon tion du groupe « gauchiste ». sectaire, et pour caricaturale, il indiquait : « On a oublie cela donner toute sa valeur, toute son ampleur à la dans le Parti, et rares sont les actions de front politique de front unique et de défense des reven­ unique, et surtout d'organisation effective du front dications immédiates. Maurice Thorez apporta unique de lutte, à l’entreprise principalement ». à cette lutte une contribution décisive. Ses articles ce qui était I essentiel dans la tactique classe dans l Humanité de I époque : « Que les bou­ contre classe. Maurice Thorez déplorait « I em­ ches s ouvrent 1 ». < Pas de mannequins dans le ploi de formules et de clicbés sur le « social Parti I ». « Jetons la pagaïe I » trouvèrent non fascisme », ce qui ne permettait pas de gagner les seulement un écho favorable considérable dans ouvriers à l’action commune et nourrissait deux le Parti. mais eurent aussi des répercussions dans courants qui dévient de notre politique à I égard tout le mouvement ouvrier. Ils devaient aider du Parti socialiste. Le premier, effrayé par les puissamment le Comité central à démasquer et succès socialistes, tend à la révision de notre écarter le groupe. ligne d ’attaque contre la social-démocratie. à la De même. Maurice Thorez reviendra à plu­ liquidation de notre politique « classe contre sieurs reprises sur la nécessité de < mettre un classe ». Le second courant, qui marque une terme aux bavardages sur le social-fascisme » en­ égale frayeur devant les progrès momentanés des tendant par là, comme il le soulignait dès 1930. socialistes, présente le Parti socialiste comme un moins condamner une expression malheureuse bloc fasciste achevé et aboutit à la négation du et erronée qu une conception de fond : la concep­ front unique. » tion dogmatique, qui gênait le ralliement de tous les ouvriers à la lutte nécessaire. Comme le disait En conclusion de son examen des questions très justement Georges Cogniot au Colloque « sensibles » de la politique du Parti et surtout scientifique organisé par l'Institut Maurice Tbo­ de son application, de sa réalisation. Maurice rez sur Le Front populaire et l’action de Maurice Tborez invitait tout le Parti à mener la lutte sur Thorez. le nouveau secrétaire général du Parti les Jeux fronts. « Il ne s’agit pas là. écrivait-il. « voyait dès ce moment qu’il y avait une diffé ­ d ’une simple fonnule : il s’agit de comprendre que rence essentielle entre le fascisme et la démocratie le Parti ne réalisera pas ses tâches sans une lutte bourgeoise, entre les adhérents de l’un et les par­ vigoureuse contre l’oppportunisme sous tous ses tisans de l’autre » aspects, lutte qui ne peut être menée de façon Débarrassé du groupe, menant de façon vigou­ conséquente si on ne combat pas simultanément reuse et en permanence la lutte sur les deux les déviations de « gauche », sous toutes leurs fronts, le Parti, sous la direction de Maurice Tho­ manifestations ». Et il appelait le Parti « à ne rez allait développer désormais une lutte consé­ pas apparaître seulement comme le Parti de la quente et intense pour le front unique. révolution de demain, mais aussi comme le seul On connaît les faits : du soutien sans réserves Parti de la lutte quotidienne à l’entreprise et sur à l’initiative de Henri Barbusse et Romain Rolland tous les terrains ».

Une âpre lutte idéologique et politique allait (23) L'Humanité des H-21 août et 23 septembre 1931. dès lors se dérouler dans le Parti pour l’élimina­ (24) Cahiers de l'Insiiiul Maurice Thorez. 3/4, p. 36. 62

pour la réunion d ’un Congrès mondial contre la guerre, en 1932. aux propositions de front unique à tout prix de la Conférence nationale d Ivry en juin 1934, en passant par le discours historique de la salle Bullier à Paris, le 2 décem ­ bre 1932, avec les célèbres mots d ’ordre : « Nous luttons pour la reconstitution d ’une C.G.T. uni­ que : une seule classe ouvrière unie contre la bourgeoisie ; un seul syndicat : un seul parti du prolétariat ». l’effort est continu. Et il a abouti. Si l’on doit regretter que les déformations de la tactique classe contre classe n’aient pas permis que cet effort et sa conclusion positive intervien­ nent plus tôt. si cette tactique, en raison même des combats intérieurs qu’elle a nécessités, s’est main­ tenue et prolongée trop longtemps dans une situa­ tion changeante et alors qu’apparaissaient des dif ­ férenciations parmi les socialistes, il reste, et c’est là un des enseignements essentiels, qu’elle a per­ mis d ’affermir les positions de la classe ouvrière, de lui faire prendre conscience de l’autonomie de son action et de sa vocation à l'hégémonie dans le camp démocratique, de jeter les bases d ’un front unique prolétarien à partir de positions de prin­ cipes sans lesquelles il n’y aurait pas eu de véri­ table rassemblement de toutes les forces intéres­ sées à la lutte contre la grande bourgeoisie et son produit le plus pernicieux : le fascisme. 65 DOCUMENTS

LE CONGRES DE TOURS

Nous donnons ci-après deux documents Les insatiables appétits de la classe bour­ extraits du « compte rendu sténographique » geoise et l'évolution fatale du monde indus­ du Congrès : triel ont engendré l'impérialisme et la concur­ — La Résolution présentée par le Comité de rence des impérialistes rivaux suscite la guerre la III® Internationale et par la fraction en permanence. Dans le sang de millions de Cachin-Frossard, votée par le Congrès, le prolétaires, la coalition impérialiste des Alliés mercredi 29 décembre 1920, à la séance a vaincu la coalition adverse et a cru s'assurer de nuit. l'hégémonie mondiale. Maîtresse des colonies — Le Manifeste du Congrès, rédigé et pré­ d'Asie et d'Afrique, elle impose sa volonté aux senté par Paul Vaillant-Couturier, le 30 dé ­ anciens Etats neutres, elle réduit en esclavage cembre 1920, à la séance de l'après-midi. les peuples de l'Europe centrale par des traités consacrant le triomphe de sa force et son « droit » de spoliation, de pillage à outrance. RESOLUTION Mais la Russie révolutionnaire a mis en question l'omnipotence de la coalition impéria­ Après quatre années de massacre mondial, liste victorieuse. Refusant de subir la loi du et deux ans de prétendue paix, pendant les­ capitalisme, elle a renversé le régime bourgeois, quels la bourgeoisie n'a cessé de poursuivre transmis le pouvoir au prolétariat, exproprié les une guerre contre-révolutionnaire et impéria­ expropriateurs, entrepris l'instauration de la liste contre le peuple russe et les peuples d'Asie société communiste. Elle a résisté victorieuse­ opprimés, le Parti socialiste constate l'impossi­ ment aux assauts de la contre-révolution inter­ bilité où se trouve le capitalisme de survivre nationale et, à son exemple, s'organise dans au bouleversement économique et social qu'il tous les pays la résistance à l'oppression du a provoqué. capital. 61

En même temps se développent les inéluc­ leur aberration. Ils comprennent que des dizai ­ tables conséquences de la guerre impérialiste. nes de millions d'hommes sont morts pour la La rivalité des oligarchies capitalistes concur­ satisfaction des intérêts bourgeois. Ils n'aper­ rentes disloque le faisceau des impérialistes as­ çoivent ni paix, ni justice, ni civilisation ; ils sociés. La ruine des Etats, le déséquilibre des ne voient que guerres, exploitation, barbarie. Et budgets, l'inflation de la circulation fiduciaire, les générations nouvelles subissent le sort de succédant à la destruction d'innombrables vies celles qui ont cru les sauver. humaines et d'inappréciables richesses, portent Chaque prolétaire comprend aujourd'hui à son comble le désordre économique. La para­ que son ennemi est dans son propre pays, et lysie des échanges internationaux, le tarisse­ que la seule, l'unique guerre légitime est celle ment de la production, la croissance irrésistible des exploités contre leurs exploiteurs. Dans du coût de la vie exaspèrent les antagonismes chaque prolétariat, une élite consciente s'est de classes. Les contradictions minant le capita­ organisée en parti politique, qui dirige la classe lisme atteignent une virulence mortelle pour le opprimée dans sa lutte contre la classe privi­ vieux régime. légiée. Ces partis socialistes ou communistes se Dans le chaos général où la bourgeoisie sont groupés dans une nouvelle Internationale, aveugle continue de rechercher la domination sur l'initiative des socialistes clairvoyants, qui et le profit, le prolétariat gagne chaque jour surent ne jamais renoncer à la lutte contre le en clairvoyance, prend conscience de sa mis­ régime capitaliste, et sous l'égide de la pre­ sion révolutionnaire et engage le combat libé ­ mière révolution prolétarienne victorieuse. rateur contre ses maîtres. Le Parti socialiste français proclame que Pendant quatre années, les peuples, aveu­ cette nouvelle Internationale Communiste est glés par de monstrueuses légendes, fanatisés l'interprète qualifié des aspirations des masses par des haines factices, égarés par le men­ exploitées de toute la terre et le guide sûr, songe et l'erreur, que la bourgeoisie a créés et éprouvé, de l'avant-garde prolétarienne. entretenus grâce à la toute puissance corrup­ Conscient du rôle historique qui lui incombe trice de l'argent et à la toute puissance coerci­ à l'heure où les destinées du prolétariat sont tive de l'Etat, se sont entr'égorgés dans une en jeu sur le front mondial de la lutte des lutte fratricide insensée. Trompés par les diri ­ classes, /e Parti décide d'entrer dans l'Interna­ geants de la II* Internationale, en même temps tionale Communiste qui coordonne les efforts que par les gouvernants bourgeois, ils ont cru, de toutes les organisations prolétariennes révo­ les uns et les autres, défendre une juste cause, lutionnaires et dirige leur action libératrice. leur patrie, la justice, le droit, la civilisation ; ils ont cru acheter de leur sang la paix perpé­ Le Parti se déclare pleinement solidaire de tuelle et assurer par leurs sacrifices le salut la République des Soviets, qui ne lutte pas des générotions nouvelles. seulement pour le salut des prolétaires de Rus­ sie, mais encore pour l'affranchissement du Ils mesurent actuellement l'immensité de prolétariat mondial. Il affirme que le devoir 65

primordial des travailleurs de tous les pays est des travailleurs, et la majorité des trois quarts d'assurer, par tous les moyens, la sauvegarde des suffrages exprimés qui s'est manifestée à de la révolution sociale commencée en Russie, Tours donne à cette adhésion sa valeur de et d'entreprendre contre l'impérialisme, contre souveraine puissance. le régime capitaliste, une guerre sans merci, Héritiers des hommes qui fondèrent et notre dont l'issue sera l'émancipation intégrale du Parti en France et l'organisation ouvrière révo­ travail. lutionnaire dans le monde, nous poursuivons leur tâche. Du Congrès inaugural de la Pre­ mière Internationale, il y a 56 ans, au Congrès MANIFESTE d'Amsterdam, en 1904, et de notre Congrès d'unité de 1905 au Congrès de Tours, la Vaillant-Couturier. — Camarades, voici la chaîne est continue. déclaration que vous m'avez chargé de rédiger A la droite de notre Parti, un petit nombre au nom du Parti socialiste. Je m'excuse du d'hommes, des élus plus que des militants, dont retard apporté dans la lecture de ce document. certains comptaient des états de service, mais Les difficultés de la traduction de la sténo­ qui s'étaient laissé conquérir par la conception graphie en sont les causes : révisionniste et purement parlementaire, nous Le Congrès de Tours marquera une date ont quittés délibérément. Leur position était historique dans la vie longue déjà et glorieuse prise d'avance ; ils avaient préparé leur du socialisme en France. S'il restaure parmi schisme. Au Congrès de la Fédération de la nous les conceptions traditionnelles de Marx Seine, le secrétaire du Parti avait démasqué et d'Engels, les doctrines jadis consacrées et leurs desseins. Ils n'ont pas voulu comprendre trop souvent désertées dans la pratique, il la loi d'airain des temps nouveaux. Nous adapte en même temps aux nécessités des passons. temps nouveaux, aux obligations impérieuses Au centre, d'autres en plus grand nombre que nous assigne la crise révolutionnaire mon­ ont rompu avec nous. Ils ont hésité jusqu'à la diale, les méthodes de préparation et d'action dernière minute. Irrésolus, incapables de faire qui doivent désormais prévaloir. leur choix entre le réformisme parlementaire En face du régime capitaliste qui croule et le communisme marxiste, ils se sont rappro­ politiquement, économiquement, socialement, chés des hommes mêmes qu'ils avaient jadis notre discipline devait se resserrer, la rupture combattus. s'affirmer avec tout ce qui représente les clas­ Partisans, suivant leur motion, d'une adhé ­ ses déclinantes, la lutte des classes être pro­ sion à la III' Internationale, ils se sont refusés clamée dans toute son ampleur. à suivre aucun des chemins qui pouvaient y Tel est le sens de l'adhésion du socialisme conduire. français à cette Internationale Communiste qui Ms sont les véritables auteurs de la crise, si a relevé le véritable drapeau de l'Internationale restreinte soit-elle, où pénètre notre Parti. 66

Ils ont montré, par leur geste, aux masses Ainsi s'est réalisée en France l'union intime laborieuses de ce pays, qu'ils en assumaient la et désormais indissoluble de tous les socialistes responsabilité. Ce n'est pas sur un vote de communistes. principe qu'ils sont sortis, mais sur la lecture C'est la France salariée, la France en ré­ d'un document d'allure polémique, un message volte contre le régime capitaliste, régime de de l'Internationale Communiste dont ils ont guerre et de faillite, régime de rapine, d'exploi­ voulu méconnaître la signification réelle. tation et de servitude, c'est toute cette France C'est en vain que nous leur avons offert militante qui est avec nous ; c'est elle qui tous les apaisements légitimes. C'est en vain défendra demain, de concert avec toutes les que nous avons pris l'engagement catégorique sections de l'Internationale Communiste, la de consacrer, dans un statut, le droit des paix, le droit des peuples et la révolution me­ minorités. C'est en vain que nous nous sommes nacés par les impérialistes, masquant leurs prononcés contre les exclusions pour les actes intérêts de classe derrière la défense nationale. du passé. L'œuvre qui s'impose à notre Parti est Des considérations d'amour-propre où se énorme ; elle ne nous effraie pas. Le vieux révèle l'esprit petit-bourgeois, des raisons que monde s'effondre devant l'esprit des temps le prolétariat ne peut comprendre, lui qui met nouveaux. La révolution qui s'annonce, qui est la cause de la révolution au-dessus des per­ née en Russie et qui gagnera de proche en sonnes, les ont conduits à la rupture. proche tous les Etats et tous les continents, Qu'ils en gardent devant l'histoire la lourde trouvera des millions et des millions d'artisans charge ! sévères. L'âpre lutte continuera, patiente quand Dans cette séparation d'avec des éléments il faudra, rapide et décisive à l'heure venue anciens, nous regardons avec joie la puissance pour la libération des nouveaux esclaves. Le saine et majestueuse de notre grand Parti. régime bourgeois chancelle sur ses bases au Toutes les grandes fédérations des régions in­ lendemain de la plus cruelle des guerres ; nous dustrielles sont avec nous ; les fédérations lui porterons seulement le dernier coup. paysannes sont venues, par leur renfort, nous attester le fécond travail qui s'accomplit dans les masses rurales. Ainsi se marquent la soli­ PROLETAIRES, OUVRIERS ET PAYSANS darité grandissante entre les travailleurs des villes et ceux des champs, les progrès de l'esprit Vos devoirs s'accroissent dans la mesure de classe, cette condition même de l'élabora­ où les temps s'avancent. Vous ne vous laisserez tion de la société future. séduire ni par ceux qui veulent trouver dans C'est la clarté tranchante de la politique le parlementarisme exclusif, dans l'abandon des menée en commun par tous les partisans sin­ principes socialistes, dans la collusion avec l'ad ­ cères de la 111“ Internationale qui a frappé le versaire capitaliste, des avantages illusoires, des plus vivement la conscience du prolétariat. transactions mortelles pour la révolution, ni par 67

ceux qui cherchent leur voie à tâtons sons jamais se résoudre et qui inconsciemment, pa­ ralysent l'œuvre d'affranchissement. Vous tous, vieux militants de notre Parti qui l'avez servi par votre dévouement opiniâ­ tre, jeunes hommes soulevés par le cyclone de la guerre et qui affluez dans nos rangs, vous viendrez à nous pour consommer l'œuvre com­ mencée. Que notre Parti soit grand ! Que notre Parti soit fort et discipliné, maître à la fois de ses militants et de ses élus ! Que dans l'In­ ternationale, relevée à l'ombre de la première des grandes révolutions sociales, il soit digne de son passé, digne de Babeuf, digne des hommes de juin 1848, digne de la Commune, digne de Jaurès, digne de l'avenir glorieux qui s'offre à nous ! Le combat continue plus ardent et plus ample. Il ne s'agit point d'émeutes et d'aven­ tures. En travailleurs, toujours équipés avant l'heure de l'offensive, nous creuserons nos parallèles de départ, toujours à l'affût d'un ennemi que nous savons implacable et pré­ paré. Que la décision de Tours soit l'ordre su­ prême pour tous les prolétaires français ! Que l'adhésion à la III* Internationale reten­ tisse à travers le monde comme l'annonce des grands changements prochains ! VIVE LE SOCIALISME REVOLUTION­ NAIRE FRANÇAIS ! VIVE L'INTERNATIONALE COMMU­ NISTE ! (Vifs applaudissements à la fin de la lec­ ture du Manifeste.) 68 SOUVENIRS DE MILITANTS

A LA RUDE ECOLE DE LA LUTTE DE CLASSE

Les souvenirs que nous publions ei-dessous à Ces trois militants ont connu à des degrés l’occasion du cinquantenaire du Parti commu­ divers la dure école de la lutte de classe et mené niste français émanent de militants chevronnés. sans défaillance la lutte contre la bourgeoisie et Deux d ’entre eux, Jean Parce val et Raj'mond l’Etat capitaliste. Ils sont venus au Parti com­ Baudin, étaient membres du Parti socialiste avant muniste français par des chemins différents, mais de se prononcer pour l’adhésion à ITnternationale ils se dévouent à .sa cause avec la même ardeur. communiste. J. Parceval fut même délégué au Ils sont légitimement fiers de lui être restés Congrès de Tours. Le troisième, André Moine, fidèles. membre du comité de rédaction des Cahiers de L'hommage que nous rendons à ces trois mili­ l’Institut Maurice Thorez, a assumé d ’importan­ tants ne se limite pas à eux-mêmes. Il va plus tes responsabilités dans le Parti : il avait adhéré loin. Il s’adresse à tous ceux, à travers la France, au Parti communiste en 1925. qui, à leur modeste place, ont été les pionniers de notre grand Parti. Ils ont lutté dans les Deux ouvriers donc et un intellectuel (J. Par­ conditions les plus difficiles du Parti commu­ ceval), dont l’adhésion au communisme à Toui-s niste à sa naissance, ce Parti dont Jean Fréville fut particulièrement méritoire à un moment où a eu raison d ’écrire, dans son beau livre La Nuit les intellectuels étaient encore peu nombreux à finit à Tours, que « cinquante ans après, le Parti suivre l’exemple d ’Anatole France, de Raymond communiste français a gardé la flamme des joui-s Lefebvre, de Paul Vaillant-Couturier. où il est né». 69

DELEGUE AU CONGRÈS DE TOURS

Roger IDARVES-BORNOZ (Jean PARCEVAL)

Le 19 avril 1919, j’étais mis en sursis pour études (ce n'est que le 15 août suivant que j’étais démobilisé et touchais la prime de 250 francs et le complet Abrami). Je retrou­ vai, avec quelle joie, ma Faculté des sciences de Lyon et je redevins presque aussitôt secré­ taire du groupe des Etudiants collectivistes de Lyon, poste que j’avais occupé avant 1914. Les membres étaient plus nombreux qu’avant guerre, d ’une composition et d ’une maturité dif ­ férentes. Plusieurs Serbes en faisaient partie ; leur culture, leur connaissance dii français, leur formation politique étaient remarquables. L’un d ’eux s’appelait Popovitch, comme l’actuel

(1) Tout démobilisé recevait de l'Intendanco ou com­ plet, appelé « complet Abrami » du nom du sous-secré­ taire dTitat aux Effectifs et pensions du gouvernement Clemenceau. 70

ministre des Affaires étrangères de Yougoslavie Barbusse décrit dans «Le Feu». Ma vie n’a (mais les « fils de pope » ne manquent pas !), il jamais été réellement menacée par la guerre, était plus à gauche que Constantinovitch ; ce j’aurais aussi bien pu contracter le paludisme dernier était davantage dans la tradition social- en un voyage lointain, et à part quelques rares démocrate. J’ai appris, bien plus tard, qu’après mitraillages de mon escadrille par avion à basse mon départ, le groupe avait connu une scission altitude, j’ai couru peu de risques. C’est si vrai par l’exclusion de la plupart des Serbes. que je n’ai jamais demandé une carte d ’ancien Une autre nouveauté : de nombreuses étu­ combattant ni fait valoir mes droits à pension. diantes, qui, à part ma sœur, venue au groupe Obéissais-je à l’amour de la Russie sovié­ surtout par sympathie pour moi, étaient toutes tique et au sentiment de solidarité avec elle ? politiquement très avancées : des élèves d ’archi­ Pas même, cela m’est venu plus tard. Sans tecture (Cuminal et Capelle) et deux anciennes doute, j’étais heureux de voir le .socialisme sortir élèves des Alexandre, ces disciples du philoso­ des rêves pour entrer dans la réalité, mais phe Alain : Camille Moron et Jeanne Frontier, j ’étais assez mal infonné sur cette réalité qiii passaient en toute innocence apparente la lointaine. frontière suisse et établissaient le contact avec Je crois plutôt qu’il faut, pour expliquer Humbert-Droz pour le Comité de la III* Inter­ mon adhésion, remonter à 1914, à mon amertume nationale. devant la faillite de mes espérances et la trahi­ Si les discussions étaient parfois vives au son des dirigeants de la II® Internationale. Je siège rue Sébastien Gryphe, une bonne camara­ pensais qu’il fallait reprendre la voie du combat ; derie nous liait ; c’est d ’un même cœur que nous le secrétaire des Etudiants collectivistes de Lyon chantions des hymnes révolutionnaires derrière en 1919 revivait les certitudes qui avaient animé notre drapeau et nos pancartes au défilé du le même secrétaire en 1913-14. l" mai ; nous faisions même des sorties collec­ La plupart des adultes que je fréquentais au tives du dimanche ; il me souvient de l’une Comité de la IIP Internationale, avaient une d ’elles dans une banlieue lointaine, où nous activité sociale et des liaisons de masse ; Cumi­ avions acheté un cerisier en pleine production, nal, directeur d ’école primaire supérieure, s’oc­ liais mon activité n’en souffrait pas ; j ’avais pris cupait de coopération ; Calzan, professeur d ’alle­ contact avec Cuminal (dont deux fils et une fille mand au lycée Ampère, et le jeune Fégy étaient étaient au Groupe). Par son intermédiaire, j ’étais les éléments moteurs d ’un dynamique syndicat devenu, avec Calzan, le Dr Lévy, Métra, Fégy, de locataires ; ils avaient eu maille à partir avec membre du Comité de la IIP Internationale et la justice de Clemenceau, mais après la victoire, du Comité syndicaliste révolutionnaire. celui-ci les convoqua au ministère de la Guerre. L’instant est peut-être venu d ’examiner mes Dans le vestibule, Calzan, en accrochant son raisons personnelles de donner une adhésion qui pardessus, fit tomber avec le portemanteau toute fut très réfléchie, très profonde, puisque je lui une kyrielle de képis à feuilles de chêne et suis resté fidèle toute ma vie. Ce ne fut pas plaisantant, Mandel leur dit : « A peine arrivés, l’adhésion des rescapés de la tuerie, de ceux que vous renversez le ministère. » L’accueil du 71

« Tigi-e » fut tout aussi cordial : « Nous sommes ce sans surprise pour moi que je ne fus pas vainqueurs, l’heure est venue de faire la paix admissible au concours de 1919. Après la ren­ entre les Français. Vous, M. Cuminal, vous vous trée scolaire d ’octobre 1919, ma bourse d ’agré­ occupez de coopération, vous, M, Calzan, des gation fut transféi'ée <à la Faculté de Strasbourg locataires : c’est l)icn, continuez. » Inutile de et en décembre, le groupe des Etudiants collec­ dire que ce sketch de charme resta sans effet tivistes de Ijyon organisa pour moi une céré­ sur les deux militants. monie d ’adieu ; je fus remplacé au secrétariat Il n’est pas inutile de recenser ceux des par un fils Cuminal. Une page de ma vie était membres du groupe qui sont restés fidèles au tournée. Parti communiste français. A part moi, je ne trouve que Jeanne Prontier, devenue pharma­ cienne dans une banlierie de Paris ; il est vrai A STRASBOURG, EN 1920 qu’elle a épousé un militant que j’ai connu en 1920 à Rouen ; Dalhet, jeune peintre en Très lieu de temps après mon arrivée à bâtiment, qui me fit le plus bel éloge qui soit Strasbourg, je reprenais le secrétariat du grouim en me disant que j’étais le moins pédant des des Etudiants collectivistes de cette ville, groupe professeurs. Prulhière resta toute sa vie un com­ nouvellement formé et bien moins nombreux muniste convaincu, mais sans sa carte. Cuminal que celui de Lyon. fils devint un personnage important de la nou­ Six mois seulement me séparaient du con­ velle forme para-capitaliste de la coopération cours de l’agrégation et cette fois, je voulais (COOP). Camille Moron, qui connut des années réussir. Je pensais déj,à, comme Maurice Thorez de vie matérielle difficile, devint trotskiste et l’exprima plus tard, que les étudiants révolu­ épousa un docteur yougoslave. Heureusement tionnaires doivent se montrer les meilleurs dans que Georges Cogniot, adhérent au groupe après leur spécialité. mon départ, donne un magnifique exemple de J’assistai entre temps à une importante réu­ l’exception propre à confirmer la règle d ’après nion de la section socialiste de Strasbourg. Elle laqiTelle les adhésions de jeunes intellectuels sont fut assez décevante ; la majorité des présents moins sûres que celles de jeunes ouvrière. étaient évidemment du cru, les autres des fonc­ Bien sûr, les jeunes intellectuels n’ont pa,s tionnaires importés. Les interruptions se fai­ le monopole de l’infidélité. Pégy finit aux côtés saient en dialecte, quelques interventions égale­ de Doriot et sans que mes souvenirs sur son ment. Je ne les suivais pas et quand j’intervins, compte soient précis. Métra n’a pas eu une fin suivi -surtout par les « Français de France », politique glorieuse. il me fut pénible de voir des rires ponctuer des Naturellement, je repris ma préparation à interruptions dont je ne comprenais pas le l’agrégation de mathématiques, mais après un sens. Peu importe, ces interruptions étaient sûre­ arrêt de cinq ans, il aurait fallu que je puisse ment sans malice. m’y donner à fond, ce qui n’était pas le cas J’ai un assez vague souvenir d ’une réunion, étant donné mes activités politiques. Aussi est- do style conspiratif, tenue dans une forêt avec 72

des militants du Comité de la III* Internatio­ tion officielle de la place Kléber, devant la nale, avec lesquels j’avais pris contact. Faculté. Mes camarades alsaciens étaient moins Avec un certain recul, je comprends mieux étonnés que moi. Ils voyaient reprendre par maintenant la tendance autonomiste de certai­ l’administration française les habitudes de l’Al­ nes manifestations auxquelles je participais. Des lemagne, où les groupes d ’étudiants jouissaient aspirations autonomistes je ne voyais qu’une d ’une grande considération. face : le côté ouvrier et révolutionnaire ; l’autre Ma réponse, concertée, fut d ’une rare m’échappait, la face du parti prêtre refusant insolence. la laïcité et voulant prarder ses écoles confes­ sionnelles. Il ne faut pas oublier qu’avant la gueire de 1914, l’Allemagne était en avance sur la LE CONGRES DE STRASBOURG France pour la législation sociale ; mais surtout il faut encore moins oublier qu’à la fin de la Fin février 1920, mes camarades du Comité guerre, les conseils d ’ouvriers et soldats tenaient de Lyon de la III* Internationale me firent Strasbourg, que le drapeau rouge flottait sur l’honneur de m’élire parmi les délégués du rilôtel de Ville et sur la cathédrale et que c’est Rhône au congrès national S.F.I.O. qui se tenait le maire socialiste Peirotes qui les avait fait justement à Strasbourg, dans la salle de l’Oran­ enlever. gerie ; et sur place, le groupe des Etudiants Je comprends maintenant que pour exprimer collectivistes fut chargé de faire partie du ser­ certains sentiments de frustration, il était plus vice d ’ordre ; l’un d ’eux put ainsi prendre une facile de faire appel à un étudiant venu de excellente photo. « 1 ’intérieur » qu ’à un autochtone, qui aurait pu Je serais bien en peine de faire un compte être taxé de .sentiments pro-allemands. C’est rendu précis de ce Congrès. Mon admiration ainsi que comme secrétaire du groupe des Etu­ allait surtout à Vaillant-Couturier et à Raymond diants collectivistes, je fus amené à prononcer Lefebvre, dont l’éloquence ardente me soulevait. un discours dans la salle comble de l’Aubette, Ne voulant pas être en reste, je lançai une di.scours fort applaudi par un public ofl j’aurais attaque véhémente contre Renaudel et Albert dû remarquer que les ouvriers n’étaient pas en Thomas, en déclarant que les écrits de l’un et les majorité. actes de l'autre nous faisaient « rougir de honte Un autre fait assez .symptomatique : j’eus un dans les tranchées ». Je forçais un peu la note, jour la surprise de recevoir à mon adresse per­ puisque je n’avais pas connu les tranchées. Mais sonnelle une lettre officielle où mon nom était il y eut plus grave : mon intervention ayant suivi de la mention « Président (sic) des Etu­ été reprise par la presse locale, elle fut attri­ diants collectivistes de l’Université de Stras­ buée à un autre délégué de Lyon, brave ouvrier bourg ». Je m’attendais à une désagréable convo­ de la Quillotière, qui, âgé de 65 ans, n’avait pu cation. A ma grande stupéfaction, j’étais invité connaître le front, ce qui lui attira quelques ès qualités à honorer de ma pré.sence l'inaugura­ lazzis à .son retour. 73

Ce Congrès ent surtout pour moi le grand de trois camarades avec qui j'allais faire équipe avantage de me faire connaître, dans les réunions pendant de nombreuses années : Lipinski (ap­ de groupe, les principaux militants du Comité pelé plus tard « Koral », puis Duret), Kalma- de la III* Internationale. Le Congrès fut parfois novitch (plus lard, le Dr Coron, de rHimanité), aosez houleux, mais je me souviens d ’un amusant Gayman (qui fut longtemps rédacteur parle­ incident d’union sacrée sur l’autel de la cul­ mentaire à l’Humanité). Il y avait également les ture latine. Un délégué de fonnation « pri­ deux frères Vouïovitch (le grand V et le petit v), maire » s’étant exclamé : «Ne nous prenez pas dont l’un mourut dans les prisons de Bulgarie pour des minus hahens'», j’eus la joie d ’enten­ et l’autre fut secrétaire de l’Internationale com­ dre Bracke à l’extrème-droite et Raymond Lefeb ­ muniste des jeunes. J’ai appris bien plus tard vre à l’extrcme-gauche rectifier en chœur que le jeune Indochinois qui assistait, silencieux, « habentes ». à notre Congrès devait devenir célèbre sous le En juin 1919, je passais l’écrit de l’agi'éga- nom de Ho Chi Minh. tion de mathématiques et j’cTis la joie d ’être Nous étions sans doute en majorité membres admissible. du Comité de la IIP Intemationale et à l’ex- trêmc-gauche de l’extrême-gauehe, le grand V n ’allait-il pas jusqu’à déclamer : « La Clarté A PARIS EN JUILLET 1920 (sic) est eonfusionniste. » « Clarté » était le mou­ vement créé par Paul Vaillant-Couturier et L’oral de l’agrégation de mathématiques me Henri Barbusse ; c’était aussi la revue de ce ramena à Paris en juillet 1920 comme m’y même mouvement. avaient amené en 1912 les oraux de Normale Ce même jour, vers onze heures, un incident Supérieure et de Polytechnique, mais au lieu comique : Lipinski, après une de ces interven­ de l’hôtel borgne qui m’avait abrité une nuit tions dont il avait le secret, truffées de citations de 1912 et qui avait eu tant de conséquences de Marx dont je .soupçonne certaines d ’avoir été pour mon avenir, je descendis avec mon ami Bal- imaginées, nous déclare ; « Camarades, exeusez- main, également admissible à l’agrégation, dans moi, je vais me marier. » Et il sortit pour épou- un coqiiet hôtel de la rue Gay-Lussac, non loin du .ser en effet une jeune lycéenne, ce qui ne l’em­ lycée Saint-Louis où se passaient les oraux. pêcha pas de revenir le .soir et de passer une Par une heureuse coïncidence se tenait alors partie de la nuit jusqu’à 2 he\ires du matin à Paris le Congrès national des Etudiants collec­ pour mettre nu point avec Gayman, Kalmano- tivistes ou révolutionnaires. Et j’y fus double­ viteh, le grand 3’ et moi le texte d ’une longue ment délégué par les Etudiants révolutionnaires « plateforme » (c'était le mot à la mode pour de Strasbourg, dont j’étais le secrétaire, et par dire ; thèse) très bien argumentée dans ses pré­ les Etudiants collectivistes de Lyon, pour qui misses et plus exigeante dans ses conclusions que j’avais rempli la même fonction avant et après celle du Congrès de Tours cinq mois plus tard. la guerre. Nous étions sérieux, mais non moroses, Kalma- C’est à ce Congrès que je fis connaissance noviteh étant de petite taille, Lipinski, qui 74

n’était pas d ’accord avec lui sur une formule, transfonuation. Si bien que, en août 1939, quand lui jeta : « Kalman, tu es trop petit, monte sur j’appris, par ma femme, que Vital Gayman la table ! » avait écrit dans l’Œuvre un article condamnant Il n’est peut-être pas trop tôt pour dire ce le pacte germano-soviétique, je ne voulus pas que sont devenus les ti'ois mousquetaires, dont, le croire et ne me l’explique pas encore. J’ai comme chez Dumas, j’étais le quatrième : jeté une pelletée de terre sur nos souvenirs de lutte commune et veux oublier cette triste fin. Kalman-Coron fut un vrai médecin du peu­ ple, pas fortuné, parce qu’il omettait souvent Lipinski, familièrement « Lip », était un de se faire payer. Auparavant, étudiant en vrai personnage de roman. Il racontait qu’à médecine, sa carrière faillit êti'e brisée par une quinze ans, il appartenait au Parti socialiste incarcération pour faits de presse. Sa famille, polonais et faisait le coup de feu dans les forêts, des juifs assez rigides (le père était sacrifica­ et c’était peut-être vrai ; sa mère était profes­ teur), était atterrée et il me fut très reconnais­ seur de français à Varsovie et non seulement sant de la visite que je lui rendis à la Santé, il connaissait bien notre langue, mais il était de alors que j’étais agrégé. Certains de ses profes­ culture française. Sa mémoire lui permettait seurs firent le nécessaire pour qu’il puisse pour­ aussi bien de citer Karl Marx que de débiter des suivre ses études. Lors de la guerre d ’Espagne, tirades de Victor Hugo ou de Rostand. 11 fut, il abandonna son cabinet pour diriger un service un temps, professeur d ’économie politique à aux Brigades Internationales. Moscou dans une Université de jeunes révolu­ tionnaires d ’Asie, à la suite de quoi on lui donna Mon pauvre et cher ami, si bon, si courageux, la nationalité soviétique et une bourse pour faire si gai, doublement coupable comme résistant et à Paris une thèse sur les réquisitions au temps comme juif, fut déporté et mourut en déporta­ de la Terreur ; mais il aimait mieux aller au tion, et je ne puis évoquer son souvenir sans une cinéma ou prendre des taxis que de fréquenter infinie tristesse. les cours de Mathiez ou la Bibliothèque Natio­ Vital Gayman avait vraiment fait la guerre nale et il arriva ce qui devait arriver : après lui de 14 comme lieutenant de tirailleurs algériens avoir demandé à plusieurs reprises où en étaient et comme il était fort intelligent, il me fit un ses travaux, on le convoqua à Moscou. Il jugea jour, au pied levé, un cours sur la guerre de 14, préférable de ne pas s’y rendre et on lui enleva, qui aurait pu trouver sa place dans un manuel non seulement sa carte du Parti, mais sa natio­ d ’histoire. Rédacteur parlementaire, il écrivait nalité russe ; il devint sans-parti et apatride. dans VHuma, d ’une plume alerte, des articles A ce sujet, il me disait un jour : « Même si d ’un grand sens politique. Certains lui valurent j ’étais, sur im point, en désaccord avec le des ennuis judiciaires ; il devint quelque temps P.C.P., je ne le manifesterais pas. Quand on clandestin. Un jour, un homme barbu sonna à lâche la rampe, on ne sait pas où cela peut ma porte, que je pris pour un fou, car il mener !» Et il a tenu parole et notamment a s’écriait : « Que je suis content que vous ne me fait partie du brain-trust de la C.G.T., sous connaissiez pas», et c’était lui, heureux de sa le nom de Duret. Un jour, où j’avais Benoît 75

Frachon à la maison et où je lui demandais A ROUEN, OCTOBRE-DECEMBRE 1920 des nouvelles de Duret, il me dit : « Il siège toujours dans les hauteurs ». Voulait-il dire : Au lycée Corneille de Rouen, je rencontrai il a son bureau au 5® étage, ou ; il voit les pro­ comme proviseur M. Bellé, qui avait été censeur blèmes de haut ? En tout cas, il a représenté la au lycée de Chambéry quand j’y étais élève. C.Cr.T. au Conseil National Economique, et avec Je le reconnus sans peine, bien que sa barbe ses solides connaissances économiques, son talent assez assyrienne, de noire qu’elle était, fût deve­ de controversiste, il a dû y tenir une place hono­ nue grisonnante. Quant à lui, il ne s’étonna pas rable. Signe particulier, il adore les chats, pen­ de retrouver dans le bon élève chahuteur qu'il sant au surplus que le chat doit vivre en tribu ; avait connu, un agrégé devenu révolutionnaire. en conséquence de quoi, il en a quatre ou cinq Dans ce dernier trimestre de 1920, je me chez lui, peu civilisés, mais polyglottes comme lui donnais à fond à l’activité politique et j'y con­ et reconnaissant la signification du mot « vian­ sacrais la plupart de mes soirées. C’est alors de » en cinq langues ! que je pris le pseudonyme de Jean Parceval, sous lequel je suis encore connu des plus anciens Mais revenons à juillet 1920 et n’oublions pas militants du Parti. Pourquoi Jean Parceval ? que j’étais venu à Paris pour passer les oraux Jean était le prénom de mon grand-père, Jean de l’agrégation. Comme pour ma licence, je les Lacroix, menuisier, ancien compagnon du Tour passai fort détendu. Ils consistent en deux de France et probablement adhérent à la Pre­ leçons, une de mathématiques spéciales, une de mière Internationale. Quant au nom de Parceval, mathématiques élémentaires. A la première, sur je le trouvai sur une tombe voisine de celle de la géométrie descriptive (intersection de cônes et mon grand-père dans le petit cimetière de Saint- de cylindres), cela alla fort bien ; à la seconde Pierre-d ’Albigny (Savoie) et il me plut, peut- (résolution trigonométrique de triangles), je fis être comme doublet français du nom romanti­ une ou deux fautes de calcul. Le président du que de Parsifal. jury, l’inspecteur Blutel, ne m’épargna pas une Le nom de Parceval fut bientôt connu dans perfide observation ; il m’avait rencontré 1 ’avant- toutes les sections du département de la Seine- veille au Boul’Mich’, donnant le bras à une jeune Inférieure, car dès que l’une d ’elles discutait de marraine de guerre qui m’avait rejoint à Paris, l’adhésion, prévenu par mes liaisons avec le et me dit : « Votre première leçon a été la Comité de la IIP Internationale, j’allais y dé­ meilleure de la série, nous vous avons mis 18. fendre nos thèses et dans la plupart des cas, Mais à la seconde, vous nous avez semblé fati­ retournais la majorité en notre faveur. Il en fut gué, nous n’avons pu vous mettre que 13, mais ainsi même à Sotteville, dont le maire, l’institu­ cependant vous êtes reçu 6® sur 22, ce qui n’est teur Tilloy, était un ami de Renaudel, ou à pas mal, et va vous permettre d ’être nommé Elbeuf, où l’imprimeur Lebret, éditeur d ’une dans une grande ville. » feuille locale teintée de socialisme, partageait les mêmes idées, ou encore à Petit-Quevilly, où C’est ainsi que je fus nommé à Rouen, où le maire Bazin penchait vers Longuet et les j’entrai de plain pied dans la vie politique. « reconstructeure ». 76

Mais la bataille se livrait surtout à Rouen, français, ce qui ne l’empêcha pas, plus tard, de la plus importante section. Le Parti socialiste quitter le Parti pour revenir à ses anciennes était propriétaire d ’une très vieille bâtisse dans amours anarcho-syndicalistcs. une vieille rue, la rue Damiette. On y prenait A Rouen, la partie fut bientôt gagnée. On le des risques en montant l’escalier en fort mauvais vit bien quand Renaudel tenta de remonter le état et en passant sur des planches consolidant courant par une grande réunion publique, sur l’entrée du premier étage, mais on trouvait la place du Boulingrin, d ’ordinaire réservée aux alors une salle fort grande ayant même une cirques. Son discours fut haché d ’interruptions scène pour des spectacles. Les jours de réunion, et de cris ; alors il se livra à une véritable pro­ la salle était pleine, et c’était une manière de vocation en lisant en russe (!) le texte des condi­ spectacle qui s’y donnait. tions d ’adhésion. Cela faillit tourner mal, et il Alors, l’éloquence, voire la grandiloquence nous accusa même de lui avoir pris sa serviette. étaient à la mode. L’exemple venait de haut, de Autre fait à noter : au Congrès national des la parole ardente et bouillonnante de Vaillant- Pltudiants collectivistes auquel je participai en Couturier, de ses mots à l’emporte-pièce, de juillet 1920, nous étions pour la transformation l’éloquence ciselée et pure de Raymond T^efebvre. immédiate du Parti socialiste en Parti commu­ Plutôt qu’à Marx ou Engels, je faisais sou­ niste. C’est pouixiiioi j’étais partisan d ’une cei'- vent appel à Hugo, à Jaurès, à Verhaeren ; il taine motion extrémiste de Heine-Leroy qui le était question de la « forêt ensorcelée des hom­ demandait. I^e sachant, Souvarine me pria de mes », de ceux « qui vivent » parce qu’ils « sont passer le voir à la prison de la Santé, où il était ceux qui luttent », de cette « route de l’humanité incarcéré. On entrait lâ comme dans un moulin. qui monte vers le progrès mais qui est bordée de Chaque détenu avait fourni une liste de per­ tombeaux », et ITT.R.S.S. « se levait comme le sonnes autorisées à le visiter ; si quelqu’un soleil, à l’est, pour nous découvrir des hoinzons d ’autre venait, il citait un dos noms de la liste nouveaux ». Et les envolées oratoires étaient et cela passait sans vérification. On racontait ponctuées d ’applaudissements comme au théâtre. même l’histoire suivante : « Je m’appelle Durand A Rouen, j’étais particulièrement soutenu — Mais Durand est là ! » — « Excusez mon par Basilaire, chef de bureau à la Préfecture, étoui-derie, je m’appelle Dubois — Ah bon ! qui donnait dans le même genre, mais en plus passez ! » compassé, par Delahaye, un peintre en bâtiment Je trouvai un Souvarine bien différent do qui recevait de Paris pour les vendre une cin- l’éditorialiste cassant du Bulletin communiste. (piantaine de numéros du BnUetin communiste, Il me traita gentiment d ’égal à égal, me fit par Engler, le secrétaire du syndicat des dockers. comprendre qu’il fallait procéder par étapes, Cet Engler, qui mesurait près de deux mètres, ne se séparer que des éléments vraiment indési ­ était bâti en force ; avec son invraisemblable rables et surtout garder le titre de Parti socia­ casquette, son allure de pachyderme, il fut tenu liste pour en conserver les biens et notamment nu IIP Congrès de l’Internationale Communiste rHumanité. Il n’eut aucune peine à me convain­ pour un authentique représentant du prolétariat cre et dès novembre, je rectifiai mon tir et sou­ tins la motion Caehin-Frossai'd, qui remporta le centre hésitait et devait pencher d ’un côté ou de ti'ès loin au Congrès fédéral du Havre. Paul de l’autre, car ses membres ne pouvaient même Louis, journaliste « reconstructeur », essaya plus prendre au sérieux leur idée de recons­ bien de nous attendrir pour que nous fa.ssions truire une Internationale en réunissant les une place à Bazin, représentant des amis de assassins de Karl Liebknecht et de Rosa Luxem- Longuet. Nous fûmes intransigeants et je fus burg aux vainqueurs d ’Octobre ; on continuait délégué ainsi que Basilaire au Congrès de Tours. pourtant à les appeler les « reconstructeui's ». Pour que tout soit clair, le IIP Congrès de l’Internationale Communiste avait formulé vingt- LE PARTI NAIT A TOURS et-une conditions d ’adhésion d ’un parti à l’Inter­ nationale communiste. Elles pouvaient se résu­ Sur le Congrès de Toure, j’ai mieux que des mer en une sorte de Iapali.s.sado : pour adhérer souvenirs lointains et affaiblis : j'ai une longue à l’Internationale Communiste, un parti doit lettre, que j’envoyais à un camarade des Etu­ être communiste ! diants collectivistes de Lyon en lui demandant Avec un certain recul et plus d ’expérience de me la retourner pour le compte rendu que politique, je comprends maintenant que l’enjeu j’aurais à faire à mon retour à la Fédération de principal du Congrès fut : « Où ira le centre ? ». Seine-Inférieure dont j’étais le délégué. La droite fit tout pour l'entraîner avec elle Mes impressions ])rises sur le vif gardent dans la scission. La gauche était prête à accueil­ toute leur valeur, mais non mes jugements sur lir tous ceux qui souscrivaient aux vingt-et-une certains hommes, particulièrement sur Frossard. conditions. Enfin, Frossard manœuvrait pour Mais pouvais-je, à ce moment, prévoir que ce garder auprès de lui le plus grand nombre po.ssi- secrétaire général du Parti communiste allait de ble de ses anciens amis et rester le maîtiv du chute en chute finir comme ministre de l’Infor­ Parti. mation de Daladier et demander, avec le socia­ Il était allé avec Cachin au IP Congrès de liste Sérol, la peine capitale pour d ’anciens cama­ l’Internationale communiste, mais tandis que rades restés fidèles à leur idéal ? l’adhésion de Caehin était enthousiaste et sans Le Congrès s’ouvrit le 25 décembre 1920 réserves, celle de Frossard était calculée et pleine dans la salle du Manège de Tours. La principale de restrictions mentales. Quelques jours aupai-a- question à l’ordre du jour était l’adhésion du vant, une de ses interventions au Congrès de la Parti socialiste fi’ançais à la IIP Internationale. Fédération de la Seme avait été critiquée par Avant le Congrès, la situation était la sui­ le Comité de la IIP Internationale pour sa posi­ vante : la droite de Renaudel et de Blum, se tion en retrait par i-apport aux engagements sachant battue depuis le Congrès de Strasbourg, pris. était décidée à faire scission et à partir. La Il voulut prendre sa revanche. Avant le gauche du Comité de la IIP Internationale vou­ Congrès, il réunit à Paris les secrétaires fédé ­ lait un parti de type nouveau sincèrement révo­ raux de province qu’en bon manœuvrier il con­ lutionnaire et discipliné. Entre ces deux pôles, naissait presque tous individuellement et leur fit 78

décider « spontanément » que le Congrès débu ­ cheminots de Sotteville, des ouvriers du textile terait par l’audition de tous les délégués des d ’Elbeuf et du bâtiment de Rouen. Il me fallait départements. Il espérait ainsi que la province les traduire. A ma manière, je le fis avec quelque se manifesterait plus proche de lui que du ironie e7i disant : « Ils s’étaient embarqués sur Comité de la 111' Internationale et que cela la galère de la reconstruction, moins par ré­ pèserait sur la suite du Congrès. flexion que par s.\Tnpathie pour le pilote (Lon­ Son espoir fut déçu. guet). Ils se sont ressaisis et sont maintenant sur la terre ferme, celle de la Révolution d ’Octo- bre. » Puis je m’appliquai, un peu lourdement LA PROVINCE PARLE peut-être, à préciser ce que devait être un parti révolutionnaire sans compromission et discipliné. Quand j’appris en arrivant au Congrès que Fini, disais-je, le temps où le groupe parlemen­ l’ordre du jour avait été modifié et commence­ taire agis-sait à sa giiise, il devra désormais se rait par un défilé des délégués des fédérations soumettre aux directives de la direction. de province, j’en fus désappointé, car j’attendais Alors, Blum salua ma maladroite formulation les interventions des grands « ténors » du Parti. d ’un ironique et très parlementaire « Très Je craignais que des militants de petites villes bien ! ». Tandis que Frossard qui présidait et n’en profitent pour placer des discours de réu­ que mon intervention gênait, me disait ; « Abrè ­ nion publique ou au mieux pour plagier les ge, camarade ». Désarçonné par ces interrup­ discours que Caehin avait prononcés dans son tions, je fis un lapsus, remplaçant les contra­ ardente propagande à travers le pays après son dictions internes du capitalisme par les « con­ retour de Moscou. vulsions » internes, ce qui provoqua quelques Il n’en fut rien. Les interventions furent sourires et me fit précipiter ma conclusion. fort objectives, situant très fidèlement la posi­ tion de chaque fédération ou les positions des diverses tendances lorsque chacune d ’elles était LES DESSOUS DU CONGRES représentée. Le courant pour l’adhésion était très fort et, fait qui me surprit, souvent très Le soir, les tendances se réunirent séparé­ marqué dans les fédérations paysannes du centre ment. L’assemblée des partisans de l’adhésion et du midi. L’apport de la génération du feu fut assez mouvementée. Dans le pacte d ’unité, avait fait pencher la balance. il avait été prévu que la direction de vingt- Quand vint mon tour d ’intenenir au nom quati’e membres serait partagée également entre de la Seine-Inférieure, j'étais assez ému. En le Comité de la III* Internationale et les ralliés, trois mois, j’avais visité la plupart des sections Frossard restant secrétaire général. L’attitude du département pour y faire triompher les tliè- ambiguë de Frossard au Congrès de la Seine fit ses de la IIP Internationale. Je connaissais bien revenir mes amis à une autre répartition : 13 les sentiments et l’évolution des métallos et des du Comité de la III' Internationale contre 11 ; dockers du Havre, des verriers du Tréport, des là-dessus, Frossai’d s'insurge et refuse d ’être secrétaire, puis il marchande, reprend sa démis ­ la scission, mais quand j’appiûs plus tard que sion à condition qu’on le laisse demain au Con­ sans le refus du vieux communard Camélinat, grès libre de faire toutes les interventions qu’il administrateur de l’Humanité, ils auraient mis jugera utile. II en est ainsi décidé. la main sur le journal, je compris qu’ils vou­ laient et la maison et les meubles ! Prétention exorbitante pour une fraction .si LE VRAI CONGRES COMMENCE nettement minoritaire du Parti, mais qui justi­ fiait la précaution prise par nous de gai'der Le lendemain, l’heure des grands discours au début le nom de Parti socialiste pour que la était venue, il serait trop long d ’en parler, je justice ne puisse considérer les gens de la n’insisterai que sur ceux qui curent valeur « vieille mai.son » comme les héritiers légitimes. tactique. Sembat, dignitaire maçonnique et Nous eûmes ensuite quelques coups de théâ- excellent orateur, es.saya de nous attendrir : « de ti’e. Les « reconstructeurs », pour e,ssayer do salue, disait-il, les jeunes dans les yeux de qui débaucher Frossard, se firent pathétiques, pai’- je vois luire la flamme qui fait les martyrs. Ils lant de leur vieille amitié, des dangere courus sont prêts à tomber dans les provocations du ensemble, de leur lutte clandestine et après un pouvoir qui veut noyer dans le sang avant leur discours de Verfeuil, Frossard se prit la tête maturité nos espoirs l'évolutionnaires ». Du bon dans les mains et se mit à pleurer. J ’y fus jn-is ; théâtre, mais du théâtre ! je n’avais pas encore vu ce grand comédien Plus cartésien, Blum s’efforça de nous dé- dans un .sketch plus réussi, à un congrès qui monti’er que nous étions des blanquistes qui se tenait à la Bellevilloise, lorsqu’il simula un s'ignoraient, et puisque je parle à nouveau de malaise et resta étendu quelque temps parce Blum, ceci me rappelle une autre intervention, qu’un orateur avait, d ’après lui, attaqué la celle d ’un Indochinois qui, fort applaudi par la mémoire de Jaurès ! gauche, novis évoqua en termes émouvants les Le Comité exécutif de rinternationale Com­ souffrances de son peuple et comme devant lui, muniste sui%'ait avec une extrême attention le Blum, ostensiblement indifférent, conversait avec déroulement de notre Congrès. Il y avait délé ­ ses amis, l’orateur étendant la main au-dessus gué une grande figure du mouvement révolu­ d ’eux, clama: «Silence, les parlementaires!». tionnaire, une camarade de lutte de Karl Lieb- Cet liomme, qui s’appelait alors Nguyen Aï knceht et de Rosa Luxemburg ; Clara Zetkin. Quôc, devait devenir célèbre sous le nom d'IIo Le Congrès eut d ’elle une longue lettre nous Chi Minh. informant que le visa lui avait été refusé et Dans le discours de Blum, il y avait une nous exhortant à la fermeté politique. phrase déjà lourde de sens, mais qui devait Le Congrès reçut ensuite un télégramme du encore s’éclairer plus tard : « Nous garderens Comité Exécutif de l’Internationale Communiste. la vieille maison tandis que vous irez courir Ce télégramme signé Zinoviev était rédigé en les aventures. » Elle confirmait la certitude que termes polémiques, les centristes y étaient appe­ no\is avions, que les droitière avaient déjà décidé lés « agents de la politique bourgeoise ». 80

La lecture de ce télégrainuie déclencha à la la police, était parmi nous ! Ce fut un moment droite et au centre un orage de cris et de pro­ d ’intense émotion ; la gorge nouée, les militants testations. Il ne reprenait cependant qu’une avaient peine à chanter VIntematimale ; cer­ appréciation donnée par Lénine au III® Congrès tains, dont j’étais, avaient les yeux humides. en ces termes : « L’opportunisme est notre enne­ Puis elle parla, dans un religieux silence. mi principal... Il est pratiquement démontré que De sa voix frêle, au registre élevé de vieille les militants ouvriers appartenant aux tendan ­ femme, elle nous communiqua sa volonté farou­ ces opportunistes défendent mieux la bourgeoisie che et nous dit la nécessité où nous étions de que le-s bourgeois eux-mêmes. » construire un parti fort, discipliné, capable de Sous une forme plus ramassée, le télégramme traverser sans se diviser tous les orages, et quand ne disait pas autre chose ; mais si l’indignation elle disparut, comme elle était venue, par une était sincère chez Ijonguet, homme d ’une sus­ porte dérobée pour écliapper à la police, la ceptibilité maladive et blessé dans son orgueil, grande majorité du Congrès avait retrouvé calme elle était forcée et tactique chez bien des cen­ et résolution. tristes, travaillés pendant les interséanecs par C’est alors que s’amorça une manœuvre. Un les sirènes de la droite. des lieutenants de Longuet, Mistral, député de On leur disait : une discipline militaire .se l’Isère, déposa une motion : « Le Congrès, en conçoit en Russie, pays qui est en état de guerre présence du télégramme de l’Exécutif de la IIP civile. Mais chez nous, elle sera insupportable, Internationale, se refuse à prononcer les exclu­ appliquée par 1’aiitoritarisme orgueilleux d ’un sions demandées et proclame sa volonté de main­ Souvarine ou par le sectarisme sans nuances tenir Vunité actveUe du Parti ». d ’un Loriot. Aux politiciens, députés ou maires, Cette rédaction était tendancieuse à un dou­ présents ou futurs, on disait : « Finie votre ble titre : le télégramme ne parlait pas explici­ situation, ou enterrées vos espérances, quand le tement d ’exclusion, mais précisait que les oppor­ drapeau rouge, brandi par le Parti, effrayei’a tunistes (à eux de se définir) n’avaient pas place vos électeurs radicaux. » dans un parti adhérant à l’Internationale com­ La plupart de ces gens hurlaient comme muniste et devaient suivre la droite, dont chacun chats échaudés, quand Frossai’d reprit la parole savait (et Blum l’avait avoué en parlant de la pour tenter de raccommoder la porcelaine cas­ «vieille maison») qu’elle devait partir, et par sée par ce que la droite appelait « le coup de suite, no faisait pas partie de l’unité actuelle pistolet » de Zinoviev. du Parti. Mais l’atmosphère du Congrès allait bru.s- Mais Verfeuil déjoua la manœuvre en deman ­ quement changer. Aidée par deux camarades, dant à Blum si ses amis et lui se considéraient une femme âgée, toute menue, gravissait pénible ­ comme en dehors du Parti et s’abstiendraient ment les marches menant à la tribune et se cram­ dans le vote, car dans le cas contraire, l’expre.s- ponnait au bureau du président, presque défail ­ sion unité actuelle prenait une tout autre signi­ lante devant la formidable ovation qui mojitait fication. Blum répondit « Nous voterons la mo­ vers elle : Clara Zetkin, sans passeport, déjouant tion. » Alors Verfeuil, très applaudi, s’écria : 81

«Je ne croyais pas nies amis capables d ’une A Tours, le torrent bouillonnant avait déra ­ telle duplicité, tout s’éclaire, je ne voterai pas ciné sur sa droite et sur sa gauche ; il a dû la motion Mistral. » ensuite se décanter, rejeter sur ses rives son Le vote eut lieu dans ces conditions et donna : écume et ses épaves, briser maints barrages, Motion Daniel Renoult : 3 247 s’engager, rétréci et grondant, dans le défilé Motion Mistral : 1 338 de la Résistance, en sortir pour recevoir de nom­ Abstentions : 142 breux affluents, et devenir enfin le fleuve large, La partie était gagnée ! Cela alla ensuite tranquille et majestueux porteur des espoirs de assez vite. libération du peuple de France. Le droitier Paoli, de noir vêtu comme un Ma fierté est d ’avoir assisté à sa naissance ordonnateur de pompes funèbres, lut un papier et d ’avoir suivi, toute ma vie, son cours. préparé d ’avance, annonçant que ses amis et lui quittaient la séance et allaient tenir ailleurs le Congrès du Parti socialiste (section française de l’Internationale ouvrière). La prophétie sur la « vieille maison » se réalisait ; ils quittèrent la salle en silence, tandis que Frossard prenait la parole dans un discours qui commençait par ces mots : « Le socialisme continue... ». Dans la nuit du 29 au 30 décembre 1930, le vote sur l’adhésion eut lieu ; il donna : Pour 1 ’adhésion : 3 208 Motion Longuet ; 1 022 Abstentions : 39 Il y avait également une motion extrémiste favorable à l’adhésion, mais demandant que le Parti prenne sur le champ le nom de Parti com­ muniste (et non celui de Parti socialiste adhé ­ rent à l’Internationale Communiste), qui obtint 44 mandats, et une motion intermédiaire de Pressemane, qui recueillit 60 mandats. Une vi­ brante Internationale salua ce résultat, car nous avions l’impression, comme l’avait dit Clara Zetkin, que nous faisions l’histoire. Cinquante ans se sont écoulés depuis. Jaurès disait : « C’est en allant vera la mer que le fleuve reste fidèle à sa source ». 82

LES CHEMINS D’UNE ADHÉSION

André MOINE

Chacun vient au Parti communiste par des j’étais alors à Saint-Chamond dans la Loire. Je chemins différents, pour des raisons qui varient revois encore très nettement l’affiche de mobili­ suivant les époques. Déjà en 1920 Lénine souli- sation, les gens du quartier qui la lisent et en Siiait que la « ...jeunesse, par la force des discutent, le départ de mon père mobilisé, les choses, est obligée de venir au socialisme autre­ trains de soldats, ceux-ci apparemment joj'^eux, ment, par d’autres voies, sous d ’autres formes criant : « A Berlin, à Berlin ! » et dans d’autres conditions que ses pères » Puis c’est ma mère qui doit travailler à la Fouillant dans les raisons profondes qui poudrière, où elle devient toute jaune en manipu­ m'ont fait adhérer au Parti en 1925, à 16 ans, il lant la dangereuse inélinite. Encore aujourd’hui me semble pouvoir apporter des éléments de ré­ je ressens les angoisses des fins de journée de ponse, valables en ce qui me concerne person­ cette période ; n’y a-t-il pas eu une explosion ? nellement, mais sans doute aussi pour un certain Ma mère rentrera-t-elle ? Et les atroces tourments nombre de militants de ma génération. au moindre retard. Tout mon être a été irrémé­ diablement marqué par ce drame, et c’est proba­ blement là la première source en moi d ’une haine LA HAINE DE LA GUERRE tenace, féconde, contre la guerre. Mon souvenir le plus lointain remonte à la Nous subissions la propagande guerrière. En déclaration de g\\erre en 1914. J’avais 6 ans; 1915 sortaient des Aciéries de la Marine les premiers gros tanks. Ils étaient présentés comme (1) Textes sur la jeunesse. Editions du Progrès. invulnéi’ables, ils devaient, inévitablement, percer Moscou. 1968, p. 214. le front. Mon imagination de gosse les voyait 83

foncer sur Berlin entraînant la fin des liostilités les marchands de canons, les spéculateurs, les en quelques semaines. « nouveaux riches » ; et les gouvernements, fran­ Or la guerre sc prolongeait, on nous mentait. çais et allemand, apparaissaient à leur service ; En 1917, une grande grève, dirigée en partie au fond, ils s’entendaient pour tirer profit de la contre la guerre, est déclenchée aux Aciéries de guerre. Ne parlait-on pas de fournitures fran­ la Marine. Je me sens solidaire des grévistes. çaises livrées aux Allemands par l’intermédiaire Mais les dirigeants du mouvement sont arrêtés de la Suisse? en pleine nuit et envoyés en première ligne avec Ainsi la haine grandissante contre les gou­ l’intention avouée de les faire tuer. Je me sou­ vernants français surplombait celle que 1 ’on pou­ viens aussi de la critique des ouvriers : pourquoi vait avoir contre les Allemands. Je suppose que couchaient-ils chez eux? Ils n’auraient pas dû les efforts de propagande socialiste et syndicaliste se laisser prendre comme des lapins. d ’avant-guerre reprenaient racines dans cette C’était ma première leçon de lutte ouvrière. situation. Confusément mûrissait parmi les ouvriers un sentiment de classe qui bientôt devait dominer, NAISSANCE D’UN SENTIMENT DE CLASSE et j’en étais imprégné. A la réflexion, avec le recvil du temps bien Je me vois encore dans une « queue » devant sûr, il me semble que ce sentiment s’opiiosait, en la boulangerie, puis, je ne sais pas pourquoi, les grande partie, au sentiment national. dragons à cheval qui arrivent et dispersent brutalement les femmes, les vieux, les enfants et C’est au nom de la Patrie, de la Défense moi, malgré une peur terrible, escaladant un petit nationale, que les gouveniements, mandataires mur qui donnait sur la eovtr de la boulangerie, de la classe dirigeante, avaient appelé à la guerre, car je ne voulais pas revenir à la maison sans trompé les masses populaires, organisé le massa­ ma couronne de pain. cre. La réaction naturelle, primitive, des victimes les plus conscientes était de rejeter ces prétextes L’opposition à la guerre grandissait ; l’atmo­ et avec eux de nier toute valeur aux notions de sphère de ce centre ouvrier se chargeait de colère Patrie et de Défense nationale. A cette époque contre les responsables de la tuerie. D’autant et dans ces circonstances la classe ouvrière était plus qu’un double sentiment, sans doute très pourtant seule à être vraiment solidaire des inté­ vague, se dégageait peu à peu. rêts bien compris de la nation, que la première Pourquoi se battre contre les Allemands ? guerre impérialiste broyait dans sa chair et dimi ­ N’étaient-ils pas des travailleurs comme nous ? nuait économiquement, financièrement, politique­ Quels intérêts nous opposaient ? N’étions-nous ment, en la faisant tomber dans la vassalité des pas, au contraire, des victimes identiques des banquiers anglo-saxons. mêmes fauteurs de guerre ? Mais la classe ouvrière n’avait pas la maturité Par contre on voyait de plus en plus claire­ nécessaire pour comprendre qu’elle devait arra­ ment que des gens bénéficiaient de la guerre : cher son héritage, la patrie, des mains des exploi­ 84

teurs ; elle n’avait pas encore suffisamment de Derrière le déchaînement de mensonges sur forces pour enlever des positions déterminantes. la Russie soviétique on entrevoyait la silhouette, Il faudra auparavant franchir l’étape décisive encore brumeuse, d ’une autre société, contrastant de la formation d ’un Parti communiste puis avec celle que nous subissions et qui pouvait les premières épreuves des années 20. Il faudra porter nos espoirs. Cette lumière qui venait de aussi l’intelligence lucide et le courage de Mau­ Moscou restera toujours pour moi le phare qui rice Thorez pour démasquer le faux visage indique le port. national de la bourgeoisie, lui arracher le dra ­ Je n’avais aucun élément de jugement sur peau tricolore, réconcilier la Marseillaise et VIn­ la scission de 1920. Pourtant elle m’a frappée. ternationale, et proclamer le droit de la classe Je ne comprenais pas. Comment peut-on diviser ouvrière et de ses alliés à la direction de la la classe ouvrière face à un ennemi puissant ? Nation. N’était-ce pas renoncer à la victoire î En tout Bien sûr ces idées étaient très loin d ’être cas, cette réaction me montre, aujourd’hui, com­ pensées par moi à l’époque ; elles cheminaient bien déjà je m’identifiais spontanément à ma dans des voies tortueuses et au milieii d ’obstacles classe. multiples. C’est pourquoi, probablement, en 1924, je sjnnpathisais avec le Bloc des Gauches et espérais sa victoire, tout en voulant, instinctivement, un PORTEE DE LA REVOLUTION D’OCTOBRE succès du Bloc Ouvrier et Paysan, refuge su­ ET REALITE prême de mes espoirs. DE L’OPPRESSION DE CLASSE Or à cette époque je fis une dure expérience. J’étais sorti d ’une école professionnelle avec la La Révolution en Russie me faisait un peu qualification d ’ajusteur. J ’étais très fier de mon peur, mais elle avait ma sympathie car, disait-on, savoir technique et de mon métier. Pour l’épo­ les ouvriers étaient au pouvoir et les bolcheviks que, c’était du reste beaucoup. voulaient la paix. Comme le note Jean Gacon, Cependant, après une fièvre typhoïde, je dus « ceux qui lisaient Le Feu de Barbusse, d ’un partir pour Berck-Plage et, là, je fus contraint même cœur admiraient la Russie de Lénine » par la nécessité de m’embaucher où je pus ; Mon père était un petit employé, socialisant, dans une pâtisserie. Dix heures par jour, je hésitant entre le réformisme et la révolte. Je me récurais les plats, enveloppais les bonbons et souviens que, lorsqu’il était indigné du spectacle portais les gâteaux dans les villas, où j ’attendais que donnait la vie des « nouveaux riches », ou le pourboire. Ce fut une humiliation terrible. Les de la politique du gouvernement, il me disait patrons étaient de braves gens, mais âpres au avec véhémence : «Tu verras. Lénine et l’armée gain et poussés par la concurrence, ils exigeaient Rouge viendront ici leur régler leur compte ». beaucoup de travail ; nous n’étions pas du même bord, et je me sentais infiniment plus près de la (2) Conférence de l’Institut Maurice Thorez. N“ 21. jeune bonne tchécoslovaque que j’aidais parfois Avril 1970. à faire la vaisselle. Elle ne parlait pas français. 85

mais elle peinait comme moi, était exploitée d ’une LE ROLE DE UHVMAMTE manière identique, nous étions solidaires, natu­ rellement. En ce temps-là je lisais beaucoup : Zola, avec Dans ces conditions, il est bien évident que son inoubliable « Germinal », Barbusse avec « Le mon jugement critique sur la société et sur les Feu », témoignage accablant contre la guerre, capitalistes qui la dominaient se raffermissait Balzac et ses tableaux de la société ; « Résurrec­ singulièrement. tion » de Léon Tolstoï exacerba ma sensibilité ; la révolte petite-bourgeoise de Victor Margueritte Je veux introduire ici un autre épisode de ne me satisfaisait pas, mais n’a pas été sans ma jeunesse, qui survint bien après, mais qui me m’influencer. fit sentir, dans ma chair et dans mon esprit, l’oppression sociale et le rôle de l’appareil d ’Etat. Ces lectures confirmèrent, étayèrent mes sen­ C’était en 1930. J’étais alors à Boucau dans timents et mes raisons de vouloir un changement les Basses-Pyrénées. Une grève très dure avait social, mais il faut dire que, reçues sans autre éclaté à l’usine des Forges de l’Adour d ’où formation et sans un sens critique suffisant, elles j ’avais moi-même été révoqué, deux ans plus tôt. ne contribuèrent pas toujours à clarifier mes Après de violents accrochages avec les gardes idées sur les exigences de la lutte des classes. mobiles qui imposaient un état de siège dans la C’est à l’occasion des obsèques d ’Anatole localité, la grève fut battue, les licenciements France que je lus l’Humanité pour la première furent très nombreux, des années de prison dis ­ fois et je fus fortement impressionné en appre­ tribuées à divers militants. nant que ce grand écrivain dont j’admirais les J’avais participé à la lutte et, après la défaite, ouvrages était communiste. c’est par groupes que nous errions dans la Je continuai dès lors à lire le journal dirigé région à la recherche d ’un emploi. Un certain par Marcel Cachin, ce qui me permit de faire nombre d ’entre nous furent embauchés à Bayonne de rapides progrès dans la connaissance des pro­ aux travaux de terrassement pour la construc­ blèmes politiques. tion d ’une caserne de gardes mobiles. En 1924-1925 j’étais acquis, de cœur et de On peut deviner notre amertume, nos senti­ raison, au courant politique porté par le Parti ments de révolte, d ’autant plus que l’entrepre­ communiste. Cependant je ne saisissais pas con­ neur, profitant des circonstances, réduisit bruta­ crètement la nécessité d ’agir ; je ne voyais pas lement les salaires. Je vivais la réalité de la comment, moi, je pouvais apporter ma pierre à dictature du capital. l’édifice ; j’étais encore à l’extérieur et le Parti Mais revenons à 1924. Je trouvai enfin du ne me paraissait pas d ’un accès facile. travail d ’ajusteur dans un atelier de mécanique Je percevais bien l’obligation d ’une lutte en où des communistes, en particulier le camarade faveur des travailleurs, mais j’étais loin d ’en Rémy, aujourd’hui vétéran du Parti à Houilles, saisir toute la complexité, la nécessité de tracer orientèrent mes idées et me firent connaître les une ligne politique déterminée et d ’organiser cette communistes. lutte, d ’une manière consciente, rationnelle. 86

Mon adliésion aux idées communistes était la conséquence de la politique et de l’activité du franche et relativement solide, il me restait néan­ Parti qui, quotidiennement et face aux événe­ moins à passer de l’interprétation passive du ments, prenait position, agissait, se montrait monde social à la participation active à sa trans­ comme un moteur et comme un guide, défendant formation. toujoure la classe ouvrière et les masses popu­ laires. C’est essentiellement l’Huvumitê qui me fit prendre conscience de cette étape nécessaire. En 1925, je suis à Saint-Etienne. Les illusions LA CONVICTION D’UN COMMUNISTE qu’avaient suscitées le Bloc des Gauches se dissi- jiaient et, pour moi, une politique s’appuyant en Pour essayer de me faire saisir avec plus de premier lieu sur la classe ouvrière apparaissait relief, j'invoquerai un exemple d ’un autre ordre, de plus en plus comme la condition et l’exigence mais qiii me semble typique. d ’une rénovation sociale. Dans un livre très commenté « Lettres à un La guerre du Maroc battait son plein. J’étais mécréant », sœur Marie Yvonne explique que, indigné de cette agi-ession militaire contre un jeune et entourée d ’amis, actrice à la Comédie peuple qui se voulait libre, agression typiquement Française, c’est au coure d ’une tournée au impérialiste et que seuls des intérêts sordides Proche-Orient qu’elle eut la révélation de Dieu ; pouvaient justifier. La courageuse politique du peu après elle rompait avec le monde et entrait Parti communiste français valait des mois de au couvent. Sa foi en Dieu lui permit, dit-elle, prison à nombre de militants, mais elle avait l’im­ de surmonter les difficultés et les duretés de mense mérite d ’une attitude claire, solidement la vie monastique et de sa consacrer entièrement fondée. à la préparation du Royaume de Dieu. C’est dans ces conditions que j’envoyai mon Je n'examinerai pas ici les problèmes qu’une adhésion à la région lyonnaise du Parti, installée telle foi soulève. Je remarquerai simplement que à la Maison du Peuple dans la vieille rue Molière, l’explication religieuse veut — et les choses se à Lyon, et que dirigeait Benoît Frachon. présentent ainsi — que son origine soit exténeure Ainsi cette adhésion était le i-ésultat d ’expé­ au monde social et à la personnalité qui la reçoit riences pratiques qui, vécues au fil des années, comme un don gi'atuit venu d ’en haut. constituèrent pour moi une formation déter ­ Il me semble que là se trouve sa fréquente minée ; elle était l’aboutissement logique, naturel, fragilité. Sans enracinement véritable, sans autre d ’une lente prise de conscience des piublèmes point d ’appui qu’une croyance au départ, les sociaux dans lesquels baignèrent mon enfance et confrontations inévitables avec la vie amènent ma jeunesse ; elle s’enracine donc au plus profond souventson amenuisement, sa désagrégation, cette de mon être et de la vie sociale. Là résident, je crise de la foi religieuse qui est aujourd’hui un crois, sa solidité et sa force. fait généralisé. Sans aucun doute cette adhésion était encore Comme on a pu le constater en lisant ces 87

lignes, l'expérience d ’un coninuiniste est tout et cette audace conquérante qui frappe tout un autre. La force interne qui le pousse à l’action, chacun. aux sacrifices, aux élans généreux, autrement dit Tels sont les origines de mon adhésion au la conviction communiste qui le guide vers un Parti et le sens de ma démarche personnelle, idéal humain élevé, n 'est pas abstraite, mystérieu­ tout ce qui m’a permis de traverser les difficultés se, extérieure à lui-même. Elle est, généralement, matérielles et politiques de 45 ans de vie militan­ inséparable du sort de sa classe, en tout cas te, les épreuves de la clandestinité, les périodes de ancrée dans la réalité sociale, au cœur du dérou­ prison ou de camp, sans que soient altérées les lement de sa propre vie. Le communiste trouve forces vives de ma confiance. sans cesse, là, des ressources et des impulsions qui renouvellent et fortifient ses forces, ses sen­ timents et ses espérances. La lutte sociale qu’il pratique révèle au militant communiste sa qualité d ’être social, lui fait saisir sa dimension réelle, lui assure une dignité conquise et constituée pied à pied. Dans ces conditions la pensée rationnelle, l'étude scien­ tifique justifient, consolident, arment la volonté, alimentent son autodynamisme. La conviction communiste n’est pas une grâce face au péché ; elle n’est pas un libre choix volontariste et abstrait. Elle est indissociable du conditionnement d ’un milieu socio-historique et des luttes qui le divisent. Elle se constitue au cours de l’évolution des circonstances et se forge dans l’action pour transformer les circonstances. Il est vrai qu’au fond, la foi religieuse a ses origines dans les mêmes conditionnements, mais ils sont alors, d ’une manière très complexe, parasités par l’idée de Dieu, offrant une issue prédéterminée qu’il suffit de découvrir. Quant à la conviction communiste, le terreau .social dans lequel elle puise ime sève inépuisable, l’accumulation interne d ’expériences, de senti­ ments, de pensées rationnelles qui concordent, s’organisent et se structurent, lui donnent finale­ ment cette solidité que l’on vérifie tous les jours 88

LA TREMPE DE LACIER

Raymond BAUDIN

(L ’Hay-les-Roses)

Je suis né il y a 72 ans dans un des plus pauvres coins du plus pauvre arrondissement du Paris de l’époque, le 13®, quartier de la Gare. Je vis le jour dans une maison vétuste d ’une rue qui s’appelait, ô dérision ! « Château des Ren­ tiers ». Cette maison faisait angle avec la rue Harvey habitée presque entièrement par des chif­ fonniers. La maison de deux étages où je naquis logeait 22 locataires, c’est dire que presque cha­ que ménage, parfois chargé d ’enfants, n’avait qu’une pièce à sa disposition. Les professions exercées par les locataires se limitaient généra­ lement à celles de chiffonniers, débardeurs, ma­ nœuvres, chanteui-s des rues, plus, parfois, un « acrobate » travaillant aux terrasses des cafés ou encore un monsieur « bien de chez lui » sombré dans la débine. Il y avait aussi quelques repris de justice dont les occupations étaient moins avouables. Presque tout ce monde buvait. L’argot était langue courante. Il n’y avait pas de loca­ taires très vieux, sauf la mèi-e Picard, une vieille 89

communarde, chiffonnière de son état. Les en­ nité. C’est ainsi que le journal fondé et dirigé fants mouraient jeunes. par Jean Jaurès pénétra dans la maison. Quoique gosse, j’avais alors une douzaine d ’années, je le lisais avec intérêt d ’abord, avec passion ensuite, DURE ENFANCE y trouvant l’écho de ma révolte contre l’injustice sociale et une solution aux questions que je me C’est au milieu de cette misère que se passè­ posais. rent les neuf premières années de mon enfance. La misère que je côtoyais avait fait de moi un Ma mère tenait un « bistrot » faisant parfois rebelle, la lecture quotidienne de l’Humanité restaurant, mon père tenait une modeste fabri ­ m’ouvrait les yeux vers des temps nouveaux. que de carreaux de plâtre à l’autre bout de la J’étais ainsi préparé à devenir communiste. rue près des « fortifs » où nous, les gosses, allions laisser nos fonds de culotte en nous laissant Nous étions en janvier 1914, je venais d ’avoir glisser le long des buttes, toboggans agréables et 16 ans. Un soir je m’en fus au lavoir porter à gratuits. « couler » le linge que ma mère devait aller laver. Le lendemain je ■vus sur un mur une affiche : Les affaires de mon père allaient mal, il lui « Aux jeunes ! » C’était un appel de la jeunesse était difficile de faire face à ses obligations pour socialiste du 13* arrondissement pour assister à rembourser l’emprunt qu’il avait contracté pour une réunion publique qui devait se tenir à qirel- s’établir. Les quelques sous que rapportait le petit ques jours de là dans un café de la rue de commerce tenu par ma mère étaient chaque fois 'Tolbiac. Je m’y rendis et fis ma demande d ’ad ­ absorbés par la modeste fabrique afin de faire hésion. face aux échéances. Les fins de mois étaient difficiles. Souvent le « papier bleu » de l'huissier entrait dans la maison. Ma mère pleurait, mon père jurait et moi, sachant mes parents honnêtes JEUNE SOCIALISTE et travailleurs, je sentais en moi monter la ré­ volte. C’était mon premier acte de militant. Le groupe de la jeunesse était adhérent à part entière à la 13" section du Parti socialiste RENCONTRE AVEC VHVMAmTE (S.F.I.O.) en ce sens que ses adhérents assistaient aux réunions de la section comme ceux des autres J’avais un oncle, le frère de mon père, maire groupes (im par quartier) rassemblant les adul­ républicain d ’une petite commune rurale du Loi­ tes. Les jeunes prenaient part aux discussions ret, qui avait abonné mon père à un journal ainsi qu’aux votes. Ce qui n’empêchait d ’ailleurs local qui « donne des nouvelles du pays ». Mon pas la jeunesse socialiste d ’avoir sa Fédération père pour l’en remercier offrit de lui adresser et son journal, La Voix des Jeunes, paraissant un quotidien de Paris de son choix. Mon oncle une fois par mois. qui évoluait vers le socialisme demande l’Huma­ Je participai avec ardeur à la campagne 90

législative de 1914, qui s’ouvrit par un grand Obligé de quitter Paris à la recherche de meeting au manège Huyghensoù parlèrent notam­ travail, j’en trouvai dans une ferme de la Beauce ment Edouard Vaillant, Jules Guesde — qui pour charger et conduire des tombereaux de bet ­ malade ne fit qu’une courte apparition — et teraves à la sucrerie de Toury. Je ne revins à Jean Jaurès. On y lut une lettre d ’Anatole Paris qu’en décembre 1914. Ce fut aussitôt pour France qui devant présider le meeting s’excusait reprendre contact avec les camarades de la de ne pouvoir êti'e présent et appelait à voter 13* section. Une grande partie des membres du socialiste. groupe de la jeunesse était mobilisée, le reste Le scrutin fut un grand succès pour le Parti s’était dispersé. Je ne retrouvai plus que deux socialiste qui totalisait 100 élus. Pour fêter ce camarades dont un, Henri Goudon, venait de résultat le Parti avait édité des petits drapeaux son Tarn natal. A nous trois nous nous préoccu­ rouges avec l’inscription : « Parti socialiste pâmes de faire revivre le groupe des jeunes. Nous S.P.I.O. 100 élus *, destinés à être arborés aux étions tous les trois opposés à la guerre et à ce fenêtres à côté des lampions du 14 juillet. que nous appelions alors le « social-patriotisme ». Ilélas ! les lampions éteints, ce fut, trois Ma reprise de contact avec la section se fit en semaines après, l’assassinat de Jean Jaurès et janvier 1915. La section quasi-unanime approu­ la guen*e. vait la position « jusqu’auboutiste » de la direc ­ tion du Parti. Il y avait cependant deux excep­ tions, une jeune étudiante, Halbwaehs, et Charles RESIGNATION DEVANT LA GUERRE Rappoport, que je rencontrais pour la première fois. Le lendemain de la mort de Jean Jaurès, passant devant le 142 de la rue Montmartre oit était alors le siège de l’Humanité, je signai le NAISSANCE DE L’OPPOSITION registre de condoléances et fus frappé du calme des camarades rencontrés en cet endroit. Il y Quelque temps après ayant reconstitué le avait certes beaucoup de douleur mais aussi une groupe de la jeunesse (nous n’étions cependant certaine résignation devant la guerre qui venait guère plus d ’une demi-douzaine) j’allai trouver et qui avait fait sa première victime du grand Rappoport pour lui apporter l’adliésion de notre tribun socialiste, apôtre de la paix. petit groupe à l’opposition à la guerre et à Le soir du même jour, au siège de la 13* sec­ l’attitude de la direction du Parti. Dès lors, tion, rue Edouard Manet, alors que je pensais Rappoport fut appuyé par quelques jeunes que rencontrer des camarades opposés à la guerre et leurs aînés social-démocrates regardaient avec prêts à 1 ’insiu'rection, je fus surpris de la discus­ une indulgente pitié. sion qui s’y déroulait. Il y avait là plusieurs Cependant, peu à peu, l’opposition gagnait du membres de la direction de la section et leur plus terrain dans notre section, comme dans l’ensemble grande préoccupation était de savoir si l’Angle­ du Parti. Je me souviens d ’une séance très agitée terre entrerait à nos côtés dans le conflit. où nous nous oppo.sâni&s à quelques-uns, mais en 91

vain, à la mise à la porte du local où la section auquel les « kienthalicns » pratiquant la poli­ était réunie, de camarades de la 12® section, celle tique de la présence, adhéraient également et de Bourderon (qui avait participé à la conférence membre du « Comité pour la reprise des relations de Zimmenvald). Ces camarades du 12® étaient internationales » qui demandait le refus par les venus distribuer des tracts appelant à la reprise parlementaires socialistes du vote des crédits des relations internationales et condamnaient militaires. la position capitularde de la social-démoeratie. L’opposition à la politique de guerre grandis ­ Dehors, sous un bec de gaz, où un camarade de sait dans le Parti. Les progrès étaient notables la jeunesse et moi avions rejoint les militants à la 13® section. La Révolution de février en du 12* qui n’avaient pu se faire entendre à la Russie nous ouvrit des espérances. section, nous causâmes longtemps. lies camarades du 12® nous remirent des tracts et des brochures que irous fîmes circuler dans la section. EN CHANTANT VIISTERISATIONALE Mobilisé dès avril 1917 dans l’infanterie, je J’E^TE^DS PARLER restai en contact avec la section et les camarades de la minorité que je retrouvais à mes l’ares DE LA III® INTERNATIONALE permissions. Puis vint Octobre. Ma mère m’en­ voyait, sur ma demande, sous bande, donc ouver­ Ce fut ensuite la conférence de Kienthal. A tement, Le Populaire de Paris que dirigeait, je ce sujet je proposai au groupe de la jeunesse crois, Pressemane. Quand nous étions à l’arrière, du 13* arrondissement d ’organiser une réunion jamais ce journal ne m’était remis, alors que d ’information où cette question serait traitée. ma mère me l’envoyait régulièrement, mais en Nous avions demandé à un camarade de la 12® .sec­ ligne je le recevais toujours. Il m’arrivait avec tion de traiter ce sujet. Mais vint au.s.si un le courrier. Un lieutenant de ma compagnie et étudiant, membre de la 5' section, que nous ne un autre officier de ses amis me demandaient de connaissions pas. Il avait lu l’objet de la réunion le leur prêter à lire. C’était l’époque où nous dans la rubrique des convocations que publiait descendions des tranchées en chantant l’Intenia- alors l’Humanité pour les sections de la région tionale et les Sacrifices ; je ne fus jamais in­ parisienne. La position exprimée par l’étudiant quiété. nous parut beaucoup plus conséquente que celle Démobilisé au début de 1920, je pris part à des camarades du 12® arrondissement. Ce fut ce la bataille menée dans le Parti pour l’adhésion soir-là. que j’entendis pour la première fois parler à la III* Internationale. La majorité avait depuis d ’une III® Internationale, idée à laquelle j'allais longtemps basculé à la 13® section du Parti. Le bientôt me rallier. comité pour l’adhésion à la III® Internationale J’étais à la fois adhérent du « Comité pour la comptait de nombreux membres pai’mi lesquels défense du .socialisme international » dirigé par Rappoport, Demusois, Payet et le « leader » était les centristes Longuet, Pressemane, etc., mais un cei’tain Lazurick qui par la suite !... 92

LA TROISIEME L’EMPORTE

Nous défendions avec ardeur les « 21 condi­ tions » justement exigées pour l’adhésion à l’In­ ternationale Communiste afin de briser avec l’opportunisme qui avait fait tant de mal à l’In­ ternationale. Quand notre section fut appelée à se pro­ noncer en vue du Congrès de Tours, les par­ tisans de l’adhésion à la III* Internationale l’em­ portèrent très largement sur les partisans peu nombreux de la II® Internationale et sur les « reconstructeurs » partisans de l’Internationale 2 1/2. Parmi ces derniers, plusieurs se rangèrent à Tours aux côtés des adeptes de la III* Interna­ tionale et lui restèrent fidèles par la suite. Je n’étais pas présent au Congrès de Tours, mais avec les camarades restés à Paris nous suivions les débats avec un intérêt passionné. Je me souviens de notre enthousiasme quand, à une énorme majorité, le Congrès se prononça pour l’adhésion à l’Internationale Communiste. Dès lors la lutte prit un autre aspect. Il s’agissait de faire face à l’opportunisme de droite et de gauche et de bâtir contre les politi­ ciens à la Frossard et les anarcho-syndicalistes un véritable Parti communiste. Ce fut la tâche des vétérans. Puis d ’autres militants sont venus. Notre Parti a traversé de dures épreuves. Il a maintenant la trempe de l’acier. Beaucoup de jeunes lui font confiance. Il a l’avenir pour lui. 93

POUR L’AIDE A LA PROPAGANDE DE MASSE

SCHÉMA DE CONFÉRENCE POPULAIRE SUR LA COMMUNE DE PARIS

I. — Les causes de la Commune

a) L’issue malheureuse de la guerre avec la Prusse et la trahison des milieux dirigeants avaient sapé l’autorité des classes régnantes dans les niasses laborieuses ; b) La composition réactionnaire de l’Assemblée nationale inspirait une vive inquiétude quant aux destinées de la République ; c) Les ouvriers d ’avant-garde rêvaient d ’une République qui non seulement assure au peuple les libertés démocratiques, mais apporte aux travailleurs l’émancipation sociale ; le mouvement ouvrier avait beaucoup grandi dans les dernières années du Second Empire.

n. — Le déclenchement de la révolution

a) Dans la nuit du 18 mars, le gouvernement essaie de désarmer la Garde nationale, c’est-à-dire le peuple en armes. La tentative échoue ; l’insur­ rection populaire remporte la victoire. Thiers et ses ministres s’enfuient 94

à Versailles ; les troupes se replient sur cette même ville. A Paris, le pouvoir passe aux mains du Comité central de la fédération de la Garde nationale ; b) Le 26 mars ont lieu les élections à la Commune de Paris, qui est proclamée le 28. Elle se compose de 81 membres, dont 30 ouvriers, 13 employés, 30 journalistes, avocats et autres intellectuels. Au point de vue politique, les membres de la Commune se divisent en deux groupes, majorité et minorité : la majorité se compose de néo-jacobins (démocrates petits- bourgeois qui se considèrent comme les continuateurs des jacobins du XVIIP siècle) et de blanquistes ; la minorité se compose de proudhoniens, de collectivistes et pour partie de bakoiministes. Parmi les membres de la Commune, il y a des dirigeants des organisations ouvrières et des groupes socialistes (Varlin, Léo Frankel, Duval, Benoît Malon, etc.) et des repré­ sentants éminents de l’intelligentsia révolutionnaire (Vaillant, Delescluze, Jules Vallès. Flourens, Courbet, etc.).

IIL L’œuvre de la Commune a) L’œuvre principale de la Commune, en sa qualité de premier gouvernement de la classe ouvrière que l’histoire ait connu, a été la destruction du vieil appareil d ’Etat et la création d ’un Etat de type nouveau (suppression de l’armée de métier remplacée par le peuple en armes ; abolition de la haute bureaucratie et de la police ; proclamation du principe de l’éligibi ­ lité, de la responsabilité et de la révocabilité de tous les fonctionnaires). La Commune n’a pas été une institution parlementaire de type traditionnel ; elle a été un organe à la fois législatif et exécutif. Pour la direction des différents secteurs de l’administration, la Commune a créé neuf Commissions et mis à leur tête une Commission exécutive (remplacée le !"■ mai par un Comité de salut public) ; b) La Commune a projeté et en partie réalisé une série de mesures visant à l’amélioration de la situation de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie (suppression du travail de nuit des ouvriers boulangers, inter­ diction des amendes, moratoire des loyers, moratoire des échéances com­ merciales, etc.). Certaines des dispositions économiques arrêtées par la Commune sortaient des cadres du régime capitaliste (organisation d ’un contrôle ouvrier sur la production, remise aux associations ouvrières des entreprises abandonnées par les patrons en fuite) ; 95

c) La Coininunc a accordé beaucoup d ’attention à l’école et au travail culturel : introduction de l’enseignement laïque, obligatoire et gratuit ; sauvegarde des trésors de la culture ; mise de la culture (théâtres, concerts, arts plas­ tiques) au service du peuple ;

IV. — Les fautes de la Commune a) La Commune a sous-estimé la nécessité de réprimer énergiquement la contre-révolution et elle n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour mettre un terme à l’activité de sape des agents de Versailles. Elle ne s’est pas décidée à confisquer l’actif de la Banque de France, qui a continué librement à alimenter les Versaillais en disponibilités financières ; b) La Commune n’a pas organisé l’attaque immédiate de Versailles et ainsi elle a accordé à Thiers le répit qui lui était nécessaire ; c’est pourquoi l’armée de Versailles a pu se reformer et passer à l’attaque le 2 avril (ignorance de la nécessité absolue pour l’insurrection armée de se maintenir à l’offensive) ; c) La Commune n’a pas suffisamment veillé à la liaison avec les masses paysannes et avec la province. Les Communes révolutionnaires proclamées après le 18 mars à Marseille, Lyon, Saint-Etienne, Dijon, Toulouse, Nar­ bonne, Limoges et au Creusot ont été de brève durée (de deux à dix jours) et se sont trouvées hors d ’état de secourir Paris. La paysannerie, abusée par la propagande contre-révolutionnaire, n’a pas compris les buts véritables de la Commune et ne l’a pas soutenue. L’isolement de Paris lui a été fatal ; d) La défaite de la Commune a coûté un prix affreux au prolétariat : 50 000 arrestations, 20 000 exécutions sans jugement, 13 450 condamnations à la peine de mort, à la déportation ou au bannissement.

V. — Les répercussions internationales de la Commune a) Un très grand nombre de révolutionnaires étrangers ont combattu héroï­ quement dans les rangs de la Commune (Léo Frankel, Amilcare Cipriani, Dinitriéva, Dombrowski, Wroblewski, etc.) ; b) La cause de la Commune a été appuyée énergiquement par la classe ouvrière et les organisations révolutionnaires des autres pays, en particulier 96

par le prolétariat allemand (condamnation de Bebel et Wilhelm lâeb- luiecht) ; c) Marx et Engels ont déployé une propagande intense en faveur de la Commune, maintenu la liaison avec elle, prodigué leurs conseils ; d) Inversement, les milieux réactionnaires de toute l’Europe ont fait front contre la Commune. Le gouvernement allemand et les troupes d ’occupation ont accordé une aide décisive à la contre-révolution versaillaise (libération de 100 000 soldats et officiers prisonniers de guerre pour renforcer l’armée de Tbiers ; coopération au blocus de Paris, etc.).

VI. — Les leçons de la Commune

a) Les causes de la défaite de la Commune sont : l’immaturité socio-économique et l’impréparation politique de la classe ouvrière, — Pabsence d^un parti révolutionnaire du prolétariat, — l’influence négative des théories petites- bourgeoises de Proudhon et de Bakounine, — les fautes tactiques des Communards, — la situation défavorable à l’échelle nationale et inter­ nationale ; b) L’importance historique de la Commune tient au fait qu’elle a été la première expérience d ’une dictature de la classe ouvrière (alliée à la petite bourgeoisie), la première tentative héroïque du prolétariat pour orienter la marche de l’histoire contre le capitalisme. Les leçons de la Commune, analysées par Marx, Engels et Lénine, ont joué un rôle déterminant dans l’histoire du mouvement ouvrier non seulement français, mais interna­ tional, — dans le développement de la théorie marxiste-léniniste de la révolution prolétarienne, — dans la préparation historique de la Révolution d ’Octobre et de la constitution du système socialiste mondial, éclatante revanche de la Commune de Paris. 07

Jean FREVILLE par la guerre pour précipiter la chute de la domination capitaliste. LA NUIT « Le Congrès de Tours clôt et résume une FINIT période héroïque. Il a consacré la défaite de l'opportunisme et proclamé la résurrection du A TOURS socialisme fronçais dans le rayonnement de la révolution russe. » « Le Parti communiste français est Dans quel abîme était tombé le mouvement né de la force des choses. » ouvrier français ! Jean Fréville sonde cet abîme Raymond LEFEBVFIE. avec colère. Toujours lucide, il n'est jamais froid. L'examen scientifique de l'histoire n'exige pas qu'on bannisse la passion. A Tours, c'est Les deux grandes forces qui ont donné nais­ une longue nuit d'hiver qui s'achève, la nuit sance, le 29 décembre 1920, dans la salle du de la guerre, la nuit des reniements, la nuit Manège à Tours, au Parti communiste français, des abandons, et Ton voit poindre le jour, celui ne se sont pas rencontrées par hasard. Deux de l'âpre lutte « patiente quand il faudra, voix parlent : celle des ouvriers, des paysans, rapide et décisive à l'heure venue ». des intellectuels avancés de notre pays, qui sortent de la boue et du sang de la guerre Le courant révolutionnaire français, Iqui avec Tamertume d'avoir été conduits à l'im­ cherchait comment s'exprimer, a trouvé sa passe, d'avoir vu leurs espérances anéanties voie. Le Parti communiste est né de la force par la fin peu glorieuse de la II' Internationale, des choses. 11 était aussi indispensable à l'his­ — celle de Lénine, celle des révolutionnaires toire quand il naquit, qu'il est indispensable qui surent tenir parole et appliquer la réso­ aujourd'hui à la lutte pour une société plus lution de Stuttgart en utilisant de toutes leurs juste. forces la crise économique et politique créée Le beau livre de Freville tient bien sa place dans l'effort entrepris pour marquer les cin­ (1) Editions sociales. (Edition du cinquantenaire). 1970. quante ans du Parti communiste. Il dit ce qu'a 98

enduré la classe ouvrière française, sa rage, proches les temps et les hommes. 11 ne force au réveil, non seulement d'avoir souffert, mais pas la note, il laisse à ses amis et à ses adver­ d'avoir été ligotée, empêchée d'agir, intégrée saires leurs idées, leur grandeur et leurs fai­ dans l'union sacrée par les dirigeants socia­ blesses, les justifications qu'ils se donnent. listes. « C'est parce que l'opportunisme l'avait « La réalité objective fidèlement rendue, sa emporté sur le marxisme au sein de l'Interna­ valeur d'enseignement, sa vie frémissante et tionale que l'impérialisme put ransformer l'Eu­ son pouvoir mobilisateur », voilà ce qui nous rope en charnier, » fait admirer ceux qui cherchèrent à déchirer Pourquoi cet aboutissement et comment la les brouillards de la nuit, ceux qui n'abdiquè ­ leçon en fut-elle tirée ? C'est sur quoi Fréville rent jamais et ceux, plus nombreux, qui com­ nous fait réfléchir, c'est ce qu'il nous donne à prirent à temps. Ils nous ont ouvert la voie, ils comprendre. Son livre s'adresse à tous. Comme ont créé de leur énergie et de leur enthou­ « Les Thibault », il soulève le cœur contre Top- siasme le Parti qui a prouvé, depuis cinquante portunisme. Comme « Les Cloches de Bâle », il ans, que les déclarations et les actes sont faits exalte, il annonce un monde nouveau. Il chante pour s'accorder. les hommes et les femmes qui se lèvent pour les temps modernes. C'est un livre de lucidité Si quelques-uns ne surent pas « dépouiller et de confiance, un livre aussi qui aide à la le vieil homme », selon l'expression de Maurice réflexion et à la recherche. Thorez, la plupart des hommes et des femmes qui firent le Congrès de Tours sont devenus * des exemples pour les jeunes générations. Que ** d'admirables modèles, de Jeanne Labourbe, qui réclama d'aller parler aux soldats des Qu'on ne s'y trompe pas, l'édition du cin­ armées d'intervention et qui y laissa sa vie, à quantenaire constitue un livre nouveau. Certes, Vaillant-Couturier, qui sut traduire avec élo­ l'auteur n'y modifie pas les idées exprimées quence la volonté des « rescapés du casse- dons les éditions antérieures en 1950, puis en pipe venus au socialisme », juges sévères du 1960, mais il enrichit considérablement son parti « qui a capitulé devant la guerre et qui l'a texte. soutenue » ; de Marcel Cachin, entraîné dans Participant actif de la vie de l'Institut Mau­ l'union sacrée par sa fidélité à Jules Guesde et rice Thorez, il n'a laissé dans l'ombre aucun qui eut l'immense mérite de comprendre la apport nouveau de la recherche collective et valeur du monde nouveau bâti dans la peine il tient le plus grand compte de tous les tra­ et la lutte, de prendre la main tendue par vaux récents qu'il met en valeur de façon per­ Lénine et d'entraîner la majorité du Parti sonnelle et originale. socialiste, à Gaston Monmousseau, rejetant Cette étude historique exacte et méticuleuse l'anarcho-syndicalisme qui s'était développé est aussi un roman, un roman de notre histoire comme fruit de la carence socialiste et ame­ et elle se lit comme tel. Le livre fourmille de nant au communisme bon nombre d'ouvriers portraits, de scènes, qui nous rendent plus révolutionnaires écœurés par l'opportunisme. 9Q

Chacun sera plus particulièrement ému par Comment croire que Lénine cherche à créer un nom évoqué dans ce beau livre. Je l'ai été en France « un Parti dévoué aux intérêts de la par celui de Venise Gosnat, sans doute parce révolution russe »? La révolution soviétique que Venise Gosnat s'est éteint dans cette année n'a pas encore eu lieu, et Lénine argumente en des cinquante ans du Parti pour lequel il avait fait pour aider le prolétariat fronçais à trouver bataillé à l'aurore dans le Cher. Forgeron à la sa propre voie, uni au prolétariat international. haute stature, droit et solide à 83 ans, ce mili­ Lénine est attentif au premier pas que font, tant rayonnait d'une force calme et résolue. à Zimmerwald, les délégués, encore hésitants, Les femmes que chante Aragon sont ici pré­ du syndicalisme révolutionnaire français. sentes, non seulement par la grande figure de Au II* Congrès de l'Internationale Commu­ Clara Zetkin, venant à Tours apporter l'élan de niste, qui discute de l'admission des partis, il la Révolution, mais aussi par l'évocation de s'opposera aux sectaires, qui ne veulent pas leurs luttes : la première Conférence interna­ comprendre ce que représente la venue de tionale des femmes en 1915, les grèves en 1916, Marcel Cachin à Moscou. Pour Lénine, ce sont les premières manifestations en 1917 pour les les masses laborieuses de France qui viennent, vingt sous des midinettes, l'action courageuse avec Marcel Cachin, à la rencontre de la Révo­ contre l'intervention en Russie quand, à Saint- lution russe. Etienne, les ouvrières se couchent sur les rails. Dans ces deux cents pages se dessinent avec netteté les forces en présence. Elles expli­ * * quent le pourquoi, les origines de notre Parti. D'une pcfft, voici l'énorme faillite, l'effondre­ ment d'un parti qui regroupait les divers cou­ Freville enrichit aussi l'édition de 1970 par rants du socialisme français sans les avoir une analyse de Jaurès, plus poussée, à la fois jamais vraiment unis et qui vole en éclats plus critique et plus nuancée, et par une quand sonne l'heure de la vérité. L'unité de recherche sur certaines des conditions qui 1905 s'était faite sur une base de lutte de facilitèrent la diffusion du poison de l'union classe, mais très vite dans la pratique, c'est sacrée. l'opportunisme qui l'emporta. Le divorce entre Contre le militarisme allemand, on avait les déclarations de principe et le comportement coutume alors d'invoquer la révolution fran­ réel fit glisser le Parti socialiste, sous l'impul­ çaise, où patriote et révolutionnaire étaient des sion de son groupe parlementaire, vers la col­ mots synonymes. laboration de classe ayant comme contrepartie Lénine, attentif à aider les prolétaires fran­ l'anarcho-syndicalisme. çais, répond, dans une lettre à Souvarine de De l'autre côté, nous voyons les travailleurs décembre 1916, que ce n'est pas la France de qui souffrent de l'exploitaion, de la misère de 1792, de 1848, de la Commune qui mène cotte « la belle époque », qui mènent les luttes, qui guerre, qu'en réalité, l'usurier du monde défend voient s'amonceler les nuages annonciateurs de son butin. la guerre dénoncée par Jaurès. Dans leur mas­ 100

se, ils seront emportés par le courant, aban ­ il s'est aguerri. 11 a puisé dons la classe donnés à eux-mêmes par des chefs qui trahis­ ouvrière ses propres dirigeants. Il a formé et sent ou qui baissent les bras. forme par milliers des révolutionnaires aptes Mais la volonté de lutte ne s'éteindra à défendre les intérêts conjugués de la classe jamais. Elle prendra des formes mouvantes. ouvrière et de la nation dans toutes les cir­ Des hommes changeront plusieurs fois de constances. camp. A travers ces démarches tâtormontes, *** on sent autre chose : on sent, du fond même de la classe ouvrière, sourdre la volonté tenace Sans doute devons-nous aussi dégager du de sortir du labyrinthe. livre de Fréville l'idée que dons cette énorme La flamme des luttes révolutionnaires du bataille, le courant révolutionnaire non seule­ prolétariat fronçais n'aura jamais été tout à ment a su s'organiser et devenir majoritaire fait éteinte. Les souffrances endurées par la dans la classe ouvrière, mais qu'il a aussi créé guerre vont l'aviver et la Révolution d'Octobre dans notre pays une situation telle que même va lui donner une nouvelle vigueur. Alors ce parmi les travailleurs qui n'épousent pas tou­ sera le bouillonnement qui, à partir du meeting tes ses idées s'est fait jour et grandit la volonté passionné du Cirque d'hiver, agitera tout le de lutter en commun, de rejeter l'opportunisme pays. Section par section, le Parti socialiste et la collaboration de classes. va être gagné à l'adhésion à la III* Inter­ Il est vrai, comme l'écrit Fréville, que Jules nationale. Moch et d'autres théoriciens de la social-démo- Les socialistes adhèrent à l'Internationale cratie ont abandonné la revendication essen­ communiste pour se retrouver eux-mêmes. tielle de l'appropriation collective des moyens Il devient clair qu'il faut à la classe ouvrière de production. Mais il est non moins vrai que un instrument à elle, dont elle puisse disposer leurs thèses n'ont jamais été ratifiées par l'en­ pour ses luttes, qu'il faut un parti de type nou­ semble du Parti socialiste. Les tentatives en ce veau, le Parti communiste. sens n'ont jamais abouti et, contrairement à un Après cela, nul ne peut présenter le grand nombre des partis de l'Internationale Congrès de Tours comme un accident de l'his­ socialiste, le Parti socialiste en France a gardé toire, qui aurait donné six mois plus tard un les références théoriques au marxisme. Quel­ résultat différent, ni comme une greffe étrangè­ ques pas nouveaux sont même accomplis par re aux traditions de notre peuple. D'ailleurs, le Plon d'action socialiste adopté au Congrès l'expérience a tranché entre ceux qui prophéti­ d'Epinoy. saient le malheur au nouveau Parti et ne La ligne politique actuelle du Parti com­ voyaient pour lui aucun avenir et ceux qui muniste, qui a pour objet de réaliser l'unité des eurent confiance dans l'élan révolutionnaire. forces ouvrières et démocratiques, — à com­ Des épreuves majeures sont venues. Non seu­ mencer par l'unité d'action du Parti commu- lement, le Parti communiste français s'est (1) Voir le rapport de G. Marchais au Comité central de conduit conformément à ses engagements, mais Vitry les 13, 14 et 15 octobre 1970. 101

niste et du Parti socialiste, — s'appuie sur Après cinquante ans, nous sommes convain­ l'expérience que font les travailleurs de l'action cus que le chemin pris à Tours était le bon unie à la base pour la défense de leurs inté­ chemin. En rappelant aux uns, en enseignant rêts. Elle n'oublie jamais que les progrès de aux autres quel fut le chemin parcouru, Fré­ l'unité n'excluent pas, mais au contraire exi­ ville nous aide de la façon la plus efficace à gent l'effort du Parti communiste pour dévelop­ poursuivre la route et à gagner de nouvelles per son action, étendre son rayonnement et énergies. accroître ses forces organisées. Marcel ZAIDNER. Fréville montre que ce sont toujours les capitulards, ceux que les obstacles, que la lutte effraient, qui rejettent la responsabilité de leur conduite sur le dos de la classe Georges COGNIOT ouvrière. et Victor JOANNES : C'est au contraire la confiance qui anime Lénine quand il écrit en juillet 1920 « à tous les MAURICE THOREZ, membres du Parti socialiste, à tous les prolé­ taires conscients de France » en expliquant les L'HOMME, LE MILITANT conditions d'adhésion à l'Internationale : En cette année du 50* anniversaire de la « Quelques partisans du « centre » com­ fondation du Parti communiste français — qui mencent à se nommer communistes et suppo­ est aussi celle du 70* anniversaire de la nais­ sent qu'on peut entrer dans la III* Internatio­ sance de Maurice Thorez — écrire un livre nale en continuant à mener en fait la politique sur Maurice Thorez s'imposait. mi-réformiste d'autrefois. Cela, l'Internationale communiste ne peut l'admettre. Nous ne per­ Successivement secrétaire de la Fédération mettrons pias de mettre de l'eau dans notre du Pas-de-Calais (1923), membre du Comité vin révolutionnaire... central (1924), membre du Bureau politique (1925), secrétaire général du Parti de 1930 à « La question principale n'est pas celle de 1964, président du Parti jusqu'à sa mort, sa l'exclusion de certaines personnes. C'est la vie et son action sont inséparables de celles question de la rupture avec la tradition réfor ­ du Parti communiste français. « Il n'existe pas miste... de bonheur plus grand que de consacrer sa « Il n'est pas possible que la classe ouvrière vie à la cause du communisme et de voir révolutionnaire de France avec ses splendides autour de soi monter une génération nouvelle traditions révolutionnaires, sa haute culture, à qui transmettre le flambeau », disait Maurice son esprit de sacrifice et son magnifique tem­ Thorez dons son discours de clôture au XVII* pérament combatif ne crée pas un puissant Congrès du Parti communiste français. Le Parti communiste à l'heure où commence l'ago­ (!) Editions sociales. Notre Temps. 1970. Préface de G. nie de la société bourgeoise. » Marchais. 102

combat militant de Maurice Thorez lui a permis même. Il savait apprendre continuellement des de donner à sa propre vie le contenu le plus autres, des mineurs du Nord, comme des pay­ plein. Mais, en même temps, comme le démon­ sans creusois, comme des amis qu'il recevait, trent Georges Cogniot et Victor Jeannès, si le si nombreux, malgré un emploi du temps extrê­ Parti communiste français est aujourd'hui le mement chargé. Et sans cesse ausi, il appre­ grand Parti qu'il est « le mérite en revient pour nait dans le Parti lui-même, tant dons les une port à Maurice Thorez » (p. 186). « discussions libres et fraternelles » du Comité La biographie est un genre ingrat. Quand central, auxquelles il s'est efforcé en perma­ il s'agit d'un homme de l'envergure de Maurice nence de pousser, que dans sa cellule d'Ivry, Thorez, il peut sembler difficile d'éviter les dons laquelle il travaillait régulièrement, que pièges de l'hagiographie, surtout pour des dans les conversations qu'il aimait avoir en auteurs qui furent ses proches collaborateurs toutes occasions avec les camarades du Parti. et qui éprouvaient pour lui admiration et affec­ Il apprenait aussi dans la lutte pratique qu'il tion. Bien au contraire, on est frappé de la n'estimait nullement « réservée » à d'autres. Les retenue — on pourrait dire de la pudeur —, auteurs rappellent notamment toutes les tâches avec laquelle est présenté l'homme. Si le lec­ assumées par Maurice Thorez pour l'aide à teur sent l'émotion toujours sous-jacente, elle l'Espagne républicaine ; sa participation étroite est toujours volontairement contenue ; cette à la vie du Parti dons sa circonscription, en rigueur et cette simplicité n'en donnent que particulier son souci constant des affaires mu­ plus de force à la vérité. nicipales et sa collaboration régulière au jour­ nal « Le Travailleur ». Au cours des réunions D'autre part, l'homme n'est jamais étudié pour la rédaction de cet hebdomadaire, « la dis ­ in abstracto. Si, pour la clarté de l'exposé, les cussion, toujours très libre, amenait chacun à premiers chapitres constituent plutôt un portrait parler ouvertement et concrètement des pro­ de Maurice Thorez et les autres une étude blèmes. Des idées qui jaillissaient pendant de son œuvre, jamais les deux ne sont séparés. ces séances de travail, certaines ont fait ensuite Ainsi est évitée l'image d'Epinal du « penseur génial » apportant aux masses la bonne parole. l'objet d'examens au sein du Bureau politi­ Bien entendu, le rôle essentiel de Maurice que ; elles ont donné lieu, parfois, à d'impor­ Thorez est mis en valeur; il ressort du livre tantes décisions » (p. 33). Ainsi l'activité créa­ entier. Et il y est montré comment les remar­ trice de Maurice Thorez, qui a marqué si pro­ quables qualités personnelles de Maurice Tho­ fondément l'histoire du Parti communiste, se rez — son intelligence, sa culture, son exigence nourrissait constamment dans le corps vivant à l'égard de lui-même, son souci de l'homme, du Parti, « dons le contact intime avec les son assimilation toujours plus poussée du hommes et la réalité » (p. 83). Il a été « un marxisme — contribuèrent à faire de lui, au grand homme », parce qu'il a « exprimé de sens le plus plein du terme, un « dirigeant la manière la plus lucide les aspirations des éminent ». Mais sa richesse de pensée, Maurice forces montantes et s'est identifié à elles » Thorez ne la tirait pas uniquement de lui- (p. 26). 105

Les auteurs devaient aussi éviter de dresser les que l'historien, des années après, peut les un monument funéraire, un ® tombeau », com­ reprendre. Où trouver, par exemple, une meil­ me on disait autrefois. Cet écueil a également leure description de la France de 1936 que été tourné. Parce que le portrait de Maurice dans le rapport de Villeurbanne ? Une étude Thorez est concret et vivant. Mois surtout parce plus complète de la capitulation de Munich que le passé est toujours relié au présent, que dans le rapport présenté au Vélodrome parce que la portée actuelle de l'œuvre de d'Hiver le 7 octobre 1938 ? Un tableau plus Maurice Thorez est sans cesse dégagée. lucide de la situation française après le 13 mai Maurice Thorez avait en effet assimilé en que dans le rapport à la Conférence de Mon­ profondeur la doctrine marxiste-léniniste. Il en treuil, en juillet 1958? avait compris toute l'importance historique : C'est cette aptitude à découvrir toutes les d'où son intransigeante fidélité au socialisme composantes concrètes d'une situation donnée scientifique, ses efforts pour en faire triompher qui fait de Maurice Thorez un novateur. Les les principes, que rappelle le chapitre III. Mais exemples d'innovations politiques qui lui sont il en avait compris aussi la nature profondé­ dues sont nombreux; mais certaines ont eu ment créatrice. A l'exemple de Lénine, et con­ et ont encore une importance particulière ; trairement aux guesdistes qui plaquaient les notamment sa réflexion sur les problèmes de conclusions de Marx sur la situation française la démocratie et de la nation. C'est peut-être là, de leur temps, Maurice Thorez concevait le comme nous l'exposent les auteurs dons les marxisme comme un instrument d'analyse de chapitres IV et V, qu'on saisit le mieux la chaque situation concrète. D'où « le trait essen­ marche de la pensée créatrice de Maurice tiel de sa personnalité de dirigeant ; le sens Thorez et le poids historique de ses innovations. de la nouveauté politique, la souplesse tacti­ La montée du fascisme, intérieur et exté­ que, unie à une fermeté absolue sur les rieur, conduit Maurice Thorez à pousser sa principes et à une lutte intransigeante contre réflexion, d'ailleurs déjà amorcée, sur ces pro­ l’opportunisme de droite et de gauche » (p. 83). blèmes. Non seulement il définit avec sûreté Maurice Thorez a ainsi fortement contribué le fascisme à partir d'une analyse économique à rendre le Parti communiste — hier et aujour­ et sociale rigoureuse, mais il entreprend, face d'hui — constamment attentif à l'apparition aux menaces qui pèsent sur la démocratie et de tendances et de facteurs nouveaux; d'où sur la nation, de réévaluer « le contenu toujours son aptitude à trouver la tactique la mieux vivant qu'exprimaient certaines idées et cer­ adaptée, sons hésiter à se débarrasser de mots taines choses, même léguées par le passé » d'ordre qui ne collent plus aux réalités. Il a {p. 125). Sa connaissance de l'histoire nationale fortement contribué aussi à donner au Parti vient enrichir l'analyse de la réalité présente. communiste — hier et aujourd'hui — cette exi­ Et c’est ainsi qu'il peut « unir en un tout indis ­ gence de la connaissance scientifique de la soluble la connaissance du passé et la création réalité qui peut seule fonder une politique militante du nouveau » (p. 74). juste. Ses propres analyses sont d'ailleurs tel­ La portée historique de cette réflexion, que 104

Mcrurice Thorez ne cessera d'approfondir, est pour cette époque. Mais cette défaveur, dont connue. Non seulement elle est à la source les causes sont multiples, voire divergentes d'initiatives comme le Front populaire, le Front (prudence des uns, intérêt pour ce qui est français, le Front national, qui ont changé le supposé « plus actuel », chez d'autres) ne destin national ; non seulement elle constitue, s'étend pas au public ni aux militants ouvriers. par son enrichissement du marxisme-léninisme La bourgeoisie ne s’y trompe pas, puis­ un apport pour tout le mouvement ouvrier qu'elle continue à jeter sur le marché des international, mais c'est en se fondant sur cette falsifications d'inégale portée. Si elle doit, en réflexion, pour l'approfondir encore, que le partie, son emprise actuelle sur l'Etat à ce qui Parti communiste français peut, aujourd'hui, se passa en 1789, pour conserver cette emprise, avec le manifeste de Chompigny, ouvrir « les il lui faut désormais exorciser le spectre de la chemins qui conduisent au socialisme de la grande alliance jacobine de 1793 qui vit unies façon la plus sûre et en accord avec les condi­ les forces de progrès contre celles du passé. tions de notre temps et de notre pays » Il lui faut, à tout prix, démontrer que si "Turgot Avec l'étude de Georges Cogniot et de ou Necker avaient été écoutés, on aurait pu Victor Joannès, Maurice Thorez nous est rendu faire l'économie d'une Révolution ! Ainsi des dans sa dimension d'homme et de « grand colonnes des magazines pseudo-historiques homme », et il nous est rendu vivant. Qu'ils aux ouvrages à prétention scientifique, perce en soient remerciés. la préoccupation idéologique, monte l'hymme Germaine WILLARD. aux « réformateurs » de tous poils et aux mira­ cles de la voie médiane ! Or, le test de Léon Bourgeois demeure actuel. 11 demandait aux royalistes « ralliés » Claude MAZAURIC à la 111* République : « Vous acceptez, mes­ sieurs, la République ! Mais, acceptez-vous la SUR LA REVOLUTION Révolution ?» En un certain sens, Claude Mazauric soumet ses lecteurs au même test, en FRANÇAISE unissant la fougue polémique à la science la (Contribution à l'histoire plus rigoureuse. de la révolution bourgeoise) 11 pousse les lecteurs dans leurs retranche­ ments et les oblige à admettre que l'étude Dans sa préface au recueil d'études de marxiste de la Révolution de 1789, de la mono­ Claude Mazauric « Sur la Révolution fran ­ graphie sur Rouen à l'analyse du Babouvisme çaise » non sans raison, Albert Soboul note ou de la Chouannerie, débouche toujours sur une certaine défaveur, parmi les historiens. une sorte de vérification expérimentale des vertus de la méthode marxiste, en un domaine (2) Waldeck Hochet : c Qu'est-ce qu'un révolutionnoire essentiel, puisqu'il s'agit de celui des luttes dans la France de notre temps ». Editions sociales. 1967, p. 53 (1) Edition sociales. 1970. 240 pages. de classes. 105

Et ce qui est réjouissant pour nous et grave Le résultat choque et agace. Pour ces au­ pour l'adversaire, c'est que le lecteur ne peut teurs qui prétendent « dépasser » Mathiez, pas ne pas percevoir — en dépit du caractère G. Lefebvre ou Labrousse, l'intervention des strictement historique de telle ou telle ana­ masses populaires et l'alliance jacobine de lyse — que les vertus du marxisme sont dou­ 1793 furent des « dérapages » regrettables de la bles : pour la compréhension du passé, mais Révolution bourgeoise. Quel dommage, du pour l'intelligence tout autant d'autres luttes reste, que le despotisme éclairé n'ait pas historiques, celles d'aujourd'hui. réussi en France, à cause du manque d'intel ­ ligence de Louis XVI et des « complexes » de Dans les six contributions qui constituent cette pauvre Marie-Antoinette ! la partie « recherches concrètes » du livre, Qaude Mazauric donne donc une excellente Le mépris des devanciers reniés se double leçon méthodologique. Il approfondit ce que de l'emploi prétentieux du vocabulaire psycha­ l'on peut appeler l'éclairage des structures (les nalytique et des anachronismes à sensation ! rapports de production dans la France de Siéyés veut faire « le cartel des non » et Bruns­ la fin du XVIll' siècle), mais pour en tirer wick demande : « Paris brûle-t-il ? » Cependant, l'explication des événements. Son marxisme, même exaspéré, le lecteur peut être troublé ; pleinement dialectique, nous permet de saisir universitaires, nos auteurs ne sont-ils pas des les interactions. Il réfute ainsi aussi bien le érudits sérieux ? plat fatalisme pseudo-marxiste des « écono­ mistes » que les transpositions françaises de la Qaude Mazauric leur enlève le masque et sociologie américaine. ce n'est pas là son moindre mérite. Il démontre où sont les parti-pris et la fausse science. Là n'est toutefois pas encore l'essentiel. La Parti-pris antimarxiste, qui prétend interdire première partie du recueil est intitulé « essais aux marxistes de travailler sur la Révolution critiques ». Et c'est ici qu'éclate tout le talent française parce que le matérialisme historique de Claude Mazauric. En particulier, lorsqu'il serait une idéologie périmée et déformante ! démonte le mécanisme d'une des plus récentes Parti-pris antisoviétique puéril, car le parallèle entreprises de travestissement de l'histoire de avec un supposé « dérapage » de la Révolution la Révolution française. russe est transparent ! Parti-pris antipopulaire : les paysans bornés et les sans-culottes ont Une grande maison d'éditions a commandé failli gâcher la bonne révolution, celle des à M. Furet et à M. Richet le texte d'un com­ élites bourgeoises ! Parti-pris antinational, mentaire « sérieux » pour un album paré d'un enfin, car on en vient à habiller le patrio­ grand luxe iconographique. Ces deux auteurs tisme de 1793 des oripeaux du nationalisme ont (par conviction ou complaisance, peu militariste du siècle suivant ! importe !) profité de l'occasion : ils ont pris leurs distances avec le marxisme qui eut Erudits ? Chercheurs purs ? Nos auteurs ont naguère leur faveur, mais aussi avec des maî­ en réalité multiplié les contre-sens. Mazauric tres à qui ils doivent beaucoup. explique, preuves à l'appui, que la Révolution 106

française, certes bourgeoise, mais aussi anti­ féodale, a donc été un nécessaire pas en avant. Et l'on II fut non un « dérapage », mais la période de « radicalisation intense » qui sauva l'acquis le plus précieux, grâce aux masses populaires en action et grâce à la grande alliance jacobine. Sous le camouflage du « renouveau » et de la fin du dogmatisme, Qaude Mazauric dénonce la méconnaissance scientifique et ses racines politico-idéologiques. Et c'est lui qui fait œuvre vraie d'érudit, de chercheur authen­ tique (comme l’ont surabondamment illustré ses « contributions »), mais aussi de savant, armé d'une théorie plus efficace que jamais : le matérialisme marxiste. Jean GACON. 107

50 ANS D’HISTOIRE DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS DE LA PÉRIODE 1920-1970

Texte élaboré et présenté par Basile DARIVAS

TROISIEME PERIODE

DE LA VICTOIRE DU FRONT POPULAIRE AU DECLENCHEMENT DE LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE (1936-1939)

(1) Le lecteur aura intérêr à se reponer pour cette période à l'Histoire du Perti communiste frenfeis, Paris, Edirions sociales, 1964, Chap. VII-VIII. Nous publions dans ce numéro la première partie de la chronologie de la troisième période, qui va du février au 51 décembre 1956. 106

Trois événements d ’une importance et d ’une le gouvernement Léon Blum procède à la dévaluation gravité exceptionnelles jalonnent la troisième période du franc et, cinq mois plus tard, décide la « pause » de notre chronologie. dans l’application du programme du Front populaire. Sur le plan intérieur, c’est la victoire du Front Les gouvernements qui se succèdent, cédant à la populaire Sur le plan extérieur, c’est d ’abord la pression de la grande bourgeoisie, provoquent pro­ guerre civile espagnole et ensuite, la signature de gressivement l’affaiblissement du Front populaire, l’accord de Munich. affaiblissement qui aboutira à sa complète dislocation C’est autour de ces trois événements majeurs que à la fin de 1938. se sont cristallisées, principalement, la politique et La cause essentielle de la faiblesse du Front l’aaion du Parti communiste français au cours des populaire fut le fait qu’au lieu d ’être un mouvement années 1936-1939. solidement enraciné dans les masses avec des Comités La victoire du Front populaire aux élections géné­ organisés à la base, il ne fut qu’une entente au rales des 26 avril et 3 mai 1936 conduit à la for­ sommet, et ce, en dépit de tous les efforts du Pani mation du premier gouvernement issu du Front communiste pour réaliser un véritable mouvement de populaire présidé par Léon Blum, chef du parti masse, puissant, qui veillerait à l’application du pro­ socialiste. gramme. Les puissantes grèves de mai-juin 1936, grèves Dès le début de son existence, le gouvernement sans précédent dans le mouvement ouvrier français, Léon Blum a eu à faire face à un problème inter­ aboutissent à la signature, le 7 juin, des Accords national extrêmement grave : la rébellion du général Matignon, Accords qui apportent aux travailleurs des fasciste Franco contre la République et le peuple satisfactions substantielles. La victoire du Front popu­ espagnols, rébellion qui se transforme en guerre laire a des conséquences heureuses pour le pays et civile. De l’attitude du gouvernement français allait pour le peuple de France : le fascisme est mis en dépendre, dans une large mesure, le sort de l’Espagne échec, des revendications essentielles de toutes les républicaine. couches laborieuses de la population sont satisfaites. La politique adoptée p»ar le gouvernement Léon Mais, dès l’été même de 1936, le grand patronat Blum à l’égard de la République espagnole aboutit, s’évertue à ne pas appliquer les Accords Matignon, — en violation du traité de commerce franco- désorganise la produaion, spécule sur la monnaie et espagnol de décembre 1935, — au blocus de l’Es­ fait ouvertement l’apologie du fascisme : « Plutôt pagne républicaine, sous couleur de neutralité et sous Hitler que le Front populaire ». En septembre 1936, le nom de « non-intervention ». Cette politique cor­ respond aux exigences du gouvernement conserva­ (2) Si la chronologie de la troisième période était rigou­ teur britannique. reusement conforme à son intitulé, elle devrait partir du 26 avril 1936, date du premier tour de scrutin des élections Quant à la bourgeoisie française, elle se solidarise générales. La fixation du point de départ au février 1936 avec la rébellion franquiste, soutenue, politiquement permet l’inclusion de certains événements qui se sont déroulés entre la fin des travaux du VIIl* Congrès du P.C.F., qui ter­ et militairement, par Hitler et par Mussolini. mine la deuxième période de notre chronologie, et le 26 avril 1936. Dès le début de la guerre civile, le Parti commu­ 109

niste français dénonce cette jK)litique et montre dépècement de la Tchécoslovaquie, nation alliée et qu’une défaite de la République espagnole serait en amie de la France, et qui compromet sérieusement même temps une défaite de la France et de la paix. la sécurité de notre propre pays. Il déploie tout au long de la guerre d'Espagne, une énergique campagne de solidarité à travers tout le Après Munich, la guerre se profile nettement à l'horizon. Dès lors, le Parti développe une extraordi­ pays et il est un des principaux organisateurs des naire campagne pour la signature d ’un pacte d ’assis­ célèbres Brigades internationales qui, aux côtés des tance mutuelle entre la France, la Grande-Bretagne armées républicaines, participent glorieusement à la et l’Union Soviétique, seul susceptible de contrecarrer lutte du peuple espagnol contre le fascisme et pour son indépendance nationale. les plans hitlériens d ’hégémonie mondiale et de sau­ vegarder la paix. Avec la chute du premier gouvernement de Front Aux premiers mois de 1939, les agressions fas­ populaire, en juin 1937, la grande bourgeoisie estime cistes s’accélèrent. Le danger de guerre apparaît immi­ que le moment est venu d ’en finir avec le Front nent. Le Parti communiste en souligne la gravité. populaire et provoque une série de crises ministé­ rielles qui contribuent à le désagréger. La situation Les gouvernements français et anglais font traîner internationale lui est favorable. Elle profite de la en longueur les pourparlers militaires, ouverts à montée du fascisme dans le monde et en particulier Moscou le 12 août 1939 en vue de la signature d ’un en Allemagne, montée qui culmine avec l’accord de paae d ’assistance mutuelle anglo-franco-soviétique. Munich. La capitulation de Munich donne le feu L’antisoviétisme des gouvernants français et britan ­ vert à Hitler, ouvrant ainsi la voie au déclenchement niques l’emporte sur la volonté de l’Union Soviétique de la deuxième guerre mondiale. C’est le président d ’organiser la sécurité collective, face à la politique du cinquième gouvernement issu du Front populaire, d ’agression de l’Allemagne hitlérienne. Edouard Daladier, chef du parti radical-socialiste, qui L’Union Soviétique, menacée d ’une guerre qui est un des quatre signataires de l’accord de Munich serait déclenchée dans les conditions les plus défa ­ — les trois autres étant Neville Chamberlain, pre­ vorables pour elle et tirant les conséquences du mier ministre de Grande-Bretagne, Hitler et Musso­ double jeu mené par les gouvernements de la France lini. et de la Grande-Bretagne, conclut, le 23 août, avec Le Parti communiste, qui menait depuis de lon­ l’Allemagne un pacte de « non-agression >. gues années et, plus particulièrement, depuis l’avè­ Le 25 août, l’Hufnofiité publie une « déclaration nement de Hitler au pouvoir, une puissante campagne du Pani communiste français » sur le pacte franco- contre les agressions fascistes à travers le monde et soviétique. Ce numéro de l’Humanité est saisi sur pour une politique de sécurité collective, redouble ordre du gouvernement Daladier comme le sera dès d ’efforts afin d ’empêcher la signature de l’accord de sa parution, celui du 26, titrant : « Union de la Munich. nation française contre l’agresseur hitlérien ». Une fois l’accord signé, il se dresse, seul en tant Le 27 août, le gouvernement interdit par décret que Parti, devant la Chambre, avec ses 73 députés, toute publication communiste. On est à cinq jours contre le honteux et criminel diktat qui permet le du déclenchement de la seconde guerre mondiale. no

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français

l" février 1936. < Pour l’unité de la classe ou­ vrière. » Lettre adressée par le Parti com­ muniste au Congrès extraordinaire du Parti socialiste.

1*2 février 1936. Congrès extraordinaire du Parti socialiste réuni à Boulogne-Billan­ court. Le Congrès envisage la tenue d ’assemblées communes avec le Par­ ti communiste pour discuter de l’unité.

9 février 1936. A l’appel du Parti communiste, 150 000 antifascistes manifestent, Place de la République pour com­ mémorer la journée du 9 février 1934.

13 février 1936. Le Conseil des ministres dissout le mouvement d'Actiott française. Attentat pat les < camelots du roi > contre Léon Blum, boulevard Saint-Germain. l4 février 1936. Le secrétariat du Parti commu­ niste élève une protestation indi ­ gnée contre l’attentat du boulevard Saint-Germain et propose au Parti socialiste d ’organiser en commun une manifestation anti-fasciste. 111

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français

16 février 1936. Un demi-million de Parisiens par­ En Espagne, victoire du Front ticipent à la manifestation anti­ populaire au premier tour des élec­ fasciste, du Panthéon à la Nation, tions législatives. organisée par le Parti communiste et le Parti socialiste.

19 février 1936. En Espagne, à la suite du succès électoral du Front populaire. Manuel Azana, succédant à Portela Val- ladares, constitue un gouvernement de gauche.

21 février 1936, Par 380 voix contre 151, la Chambre des Députés approuve les mesures de défense républicaine.

22 février 1936. En Espagne, après la viaoire des gauches, 30 000 détenus politiques sont libérés.

27 février 1936. Par 353 voix contre 164, la Chambre des Députés ratifie le Pacte franco-soviétique.

2 mars 1936. En Espagne, le second tour du scrutin complète la victoire du Front populaire.

2-5 mars 1936. Réunion, à Toulouse, du Congrès de la Confédération générale du travail réunifiée. 112

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français

7 mars 1936. En Allemagne, Hitler dénonce le Paae de Locarno. La Reichswehr occupe la rive gauche du Rhin, qui était démilitarisée.

8 mars 1936. A la suite du coup de force de Hitler, faisant entrer les soldats allemands dans la zone rhénane démilitarisée, le Parti communiste lance un appel à la nation fran­ çaise : € Hitler veut isoler la France afin de pouvoir l'attaquer à son heure. Il veut la priver du soutien de l’Union Soviétique dans la dé ­ fense de la paix. » (L’Humanité.) 10 mars 1936. A la suite de la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler, le Parti communiste, dans une lettre adres ­ sée au Parti socialiste, propose l’or­ ganisation de l’action de masse par les deux partis pour la défense de la paix. Il propose, en premier lieu, une démarche commune des deux partis auprès de l’Internationale communiste et de l’Internationale socialiste et auprès des deux Inter­ nationales syndicales afin d ’obtenir l’organisation de l’action commune.

10-19 mats 1936. Les représentants des puissances du Pacte de Locarno (Belgique, France, Grande-Bretagne, Pologne, Tchécoslovaquie) se réunissent à Paris afin d'examiner la situation créée à la suite de la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler. La confé­ rence poursuivra ses travaux à Lon­ dres à partir du II mars. 113

Le Parti Communiste PüLITIQLH: iNTÉRIEURU Politique Extérieure Français

12 mats 1936 . Par 226 voix contre 48, le Sénat ratifie, à son tour, le Pacte franco- soviétique. La Commission aiiministrativc V'etmanente du Parti socialiste re­ jette la proposition pour l’unité d ’action internationale faite par le Parti communiste le 10 mars.

13 mars 1936. Le Parti communiste, dans une seconde lettre adressée au Parti so­ cialiste, réitère sa demande d ’« exa­ miner une nouvelle fois les propo­ sitions communistes et d ’accepter d ’œuvrer en commun à la réalisa­ tion de l’unité d ’action internatio­ nale pour sauver la paix ».

14 mars 1936. Le Conseil de la Société des Nations se réunit à Londres et, le lendemain, invite officiellement le III* Reich à faire partie de la S.D.N. Hitler accepte sous conditions l’invitation du Conseil de la S.D.N.

18 mars 1936. I Vlir Congrès national des Jeu- i nesses communistes de France à Marseille. I M

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La direaion du Parti commu­ niste, respectant la décision du Congrès de la C.G.T., décharge de leurs responsabilités au sein du Co­ mité central Benoît Frachon et Ju­ lien Racamond, en prenant en considération leur demande dans ce sens formulée le 9 mars 1936.

19 mars 1936. Sur proposition du gouverne­ Le Conseil de la S.D.N. cons­ Devant la Chambre, le groupe- ment, la Chambre des Députés vote tate, à l'unaniœJté, la violation du communiste souligne l'insuffisance r < humanisation > de certains dé ­ Pacte de Locarno, par Hitler. des mesures proposées par le gou­ crets-lois. Le représentant hitlérien déclare vernement. que l’Allemagne rejette cette déci­ sion.

27 mars 1936. Entrée en vigueur du Pacte fran­ co-soviétique.

5 avril 1936. A Paris, au stade Buffalo, devant 80 000 personnes, Maurice Thorez prononce son discours : « Réponse à Hitler > (voir l’Humanité du 9 avril 1936).

9 avril 1936. En Grèce, succédant à Demertais, président du Conseil, mort subite­ ment, le général pro-hitlérien Jean Métaxas accède au pouvoir.

17 avtù 1936. En Espagne, la lutte contre le Maurice Thorez prononce à la fascisme est engagée. Le peuple de radio, à l’occasion de la campagne Madrid riposte par la grève aux électorale, son retentissant discours : provocateurs fascistes, dont les li­ « Pour une France libre, forte et gues sont mises hors la loi par le heureuse. > (Texte dans l’Humanité gouvernement. du 18 avril.) 115

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24 avril 1936. A Paris, manifestation dans la rue des travailleurs des Services publics contre les décrets-lois de misère.

26 avril 1936. Premier tour du scrutin des élec­ Eclatant succès du Parti commu­ tions générales. Grande victoire du niste au premier tour du scrutin. Front populaire.

28 avril 1936. Appel du Comité de coordina­ tion du Parti communiste et du Parti socialiste pour compléter la victoire électorale du 26 avril.

1’^'' mai 1936. A l'appel de la C.G.T., « pour le pain, la paix, la liberté », un magni­ fique mouvement de grèves et de manifestations se déroule à travers la France sous le signe de l'unité.

3 mai 1936. Deuxième tour du scrutin des Le Parti communiste avec élections générales. Consolidation de 1 502 404 voix contre 796 630 en la victoire du Front populaire. 1932 (France et Algérie) et 72 élus, fera dans la nouvelle Chambre des Députés d'un grand poids pour faire appliquer le programme du Front populaire (J) Le programme du Front populaire avait été adopté par les Partis et Mouve­ ments faisant partie du Rassemblement populaire, le 10 janvier 1936 et publié dans la presse du 11 janvier. 16

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6 mai 1936. Dans une conférence de presse tenue à Paris, salle de la Mutualité, Maurice Thorez et Jacques Duclos présentent les positions du Parti communiste après la victoire du Front populaire. (Voir l’Humanité des 10 et 11 mai 1936.)

9 mai 1936. En Italie, Mussolini, par un coup < Pour l’unité du Front popu­ de force, proclame l'annexion de laire > : lettre adressée par le Parti l'Ethiopie. Le roi "Victor-Emmanuel communiste au Conseil national du devient * Empereur d'Ethiopie >. Parti socialiste, réuni pour exami­ ner la situation politique au lende ­ main de la viaoire électorale du Front populaire. (Voir : Cahiers du bolchevisme, 1936, N” 10-11, pp. 735-736). 10 mai 1936. Réunion du Conseil national du En Espagne, les Cortès élisent, Parti socialiste, à Paris, à l'Hôtel par 754 voix sur 864 votants, Ma­ Moderne. nuel Azana y Diez président de la République.

12 mai 1936. Lettre adressée par le Parti socia­ Le Conseil de la Société des liste au Parti communiste lui de ­ Nations condamne l’annexion de mandant de participer au gouver­ l’Ethiopie par l’Italie et maintient nement. (L’Humanité) les sanctions contre celle-ci.

15 mai 1936. En réponse à la lettre du Parti socialiste, le Bureau politique du Parti communiste estime que, dans l’intérêt même du Front populaire, les communistes < serviront mieux la classe ouvrière en soutenant loya­ lement, sans réserves et sans éclip- 117

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français

ses, le gouvernement à direction so­ cialiste plutôt qu'en offrant, par leur présence dans le cabinet, le prétexte aux campagnes de panique et d ’affolement des ennemis du peu­ ple. * {L’Humanité). On a su plus tard qu’au sein du Bureau politique, Maurice Thorez a défendu la thèse de la participation des communistes au gouvernement. (Voir : Benoît Frachon. — Souve­ nirs de militants, l'Humanité, 20 avril 1956).

24 mai 1936. A l’appel des organisations du Rassemblement populaire, 600 000 Parisiens défilent au Père-Lachaise devant le Mur des Fédéréss.

25 mai 1936. Réunion du Comité central du Parti communiste à Ivry. Le C.C. considère comme indis ­ pensable une collaboration étroite et loyale à l’oeuvre gouvernementale de demain pour la réalisation du pro­ gramme du Rassemblement populai­ re et assure le prochain gouverne­ ment à direction socialiste d ’un « soutien complet et sans éclipse. » (Voir Cahiers du bolchevisme, 1936, n° 10-11, pp. 743-744).

27-28 mai 1936. Début du grand mouvement de grèves revendicatives, avec occupa­ tion d'usines, mouvement qui se 18

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français poursuivra jusqu’à fin juin et se terminera par la victoire des travail­ leurs.

30 mai 19.36. Appel des municipalités du Front Lettre adressée par le Parti com­ populaire de la banlieue parisienne muniste au Congrès du Parti socia­ pour le soutien des travailleurs en liste ; le P.C.F. propose au Parti grève. socialiste, entre autres, que les orga­ nisations des deux partis soutien­ nent d'un commun accord les mas­ ses laborieuses qui, pour faire res­ pecter la vonlonté du pays, s’unis­ sent et créent des Comités de Front populaire.

30 mai - l*' juin 1936. 33* Congrès du Parti socialiste réuni à Paris, gymnase Huyghens. La résolution finale du Congrès pré­ conise la mise en oeuvre du pro­ gramme du Rassemblement popu­ laire.

1" juin 1936. Le Parti communiste adresse au Congrès du Parti socialiste un mes­ sage en faveur de l’action commune des deux partis.

4 juin 1936. Léon Blum, leader du Parti so­ Jacques Duclos, membre du Bu­ cialiste, constitue son ministère. reau politique et secrétaire du Parti Edouard Hetriot, leader du Parti communiste, est élu vice-président radical, est élu président de la de la Chambre des Députés. Chambre des Députés. I 10

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5 juin 1936. Le Bureau politique du Parti communiste salue le gouvernement issu de la viaoire du Front popu laire ainsi que le magnifique mou­ vement des ouvriers français, una­ nimement dressés pour la défense de leur pain et de leurs libertés. {L’Humanité.)

6 juin 1936. La Chambre des Députés vote la confiance au gouvernement Léon Blum par 384 voix contre 210.

7 juin 1936. Signature des « Accords Mati­ gnon » entre les délégués des syn­ dicats patronaux et les représentants de la C.G.T. C'est une grande vic­ toire de la classe ouvrière française : reconnaissance du droit syndical, augmentation des salaires de 7 à 15 %, semaine de 40 heures, congés payés, conventions collectives, etc.

8 juin 1936. En Espagne, vague de grèves contre les factieux et pour la défen ­ se de la paix.

13 juin 1936. Le Comité central du Parti com­ muniste se réunit à Paris. Il lance le mot d ’ordre ; « Tout pour le Front populaire. Tout par le Front populaire. » Le C.C. se réjouit de l'effet pro­ duit par la déclaration de Maurice Thorez : « Il faut savoir terminer 120

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français

une grève dès l'instant que les re­ vendications essentielles ont été ob­ tenues. » (Déclaration faite à Paris, le 11 juin, devant l’assemblée des communistes parisiens, au gî’mnase Jean-Jaurès.)

16 juin 1936. Réunion du Comité national de la C.G.T., à Paris, Salle de la Mu­ tualité. Le Comité se félicite de la con­ clusion des « Accords Matignon » et appelle à la solidarité avec les tra­ vailleurs encore en lutte.

16-18 juin 1936. En Belgique, grève revendicative de 400 000 ouvriers (le 23 juin ils obtiendront certaines améliorations de leurs conditions de vie et de tra­ vail).

18 juin 1936. Le Conseil des ministres pronon­ ce la dissolution des ligues fascistes.

22-25 juin 1936. Conférence internationale sur la sécurité collective en Méditerranée, réunie à Montreux.

27 juin 1936. «La Marseillaise», discours pronon­ cé par Maurice Thorez à l’occasion du centenaire de Rouget de Lisle (voir Œuvres de Maurice Thorez, t. 12, pp. 55-61). 121

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Le secrétariat du Groupe parle­ mentaire communiste demande la convocation d ’urgence de la Déléga­ tion des gauches afin de prendre des mesures empêchant le comte de La Roque de reconstituer son mou­ vement des « Croix de feu > sous l’appellation de Parti social fran­ çais (P.S.F.).

30 juin 1936. La Chambre des Députés approu­ ve, par 375 voix contre 192, la dis ­ solution des ligues fascistes proposée par le gouvernement.

1" juillet 1936. Georges Marrane, maire d ’Ivry, conseiller général communiste, can­ didat unique du Front populaire, est élu président du Conseil général de la Seine.

4 juillet 1936. La Chambre des Députés vote la loi créant l’Office du blé par 357 voix contre 215.

8 juillet 1936. Conférence de presse sur < Le Parti communiste et le Front popu­ laire » donnée par Maurice Thorez et Jacques Duclos. Maurice Thorez déclare que « le Front populaire, c’est l’ordre, la défense des travailleurs et des clas­ ses moyennes frappées par le capi­ tal, l’union de la nation française. » (Voir l'Humanité du 9 juillet 1936.) 122

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10-11 juillet 1936. Conférence nationale du Parti communiste tenue à Paris, au gym­ nase Huyghens. Dans son rapport « Au service du peuple de France », Maurice Thorez réaffirme la posi­ tion du Parti communiste ; « Tout pour le Front populaire. Tout par le Front populaire. » (Voir : Œu­ vres de Maurice Thorez, t. 12, pp. 11-12 juillet 1936. 74-121). A Paris, Salle Pleyel, Assemblée nationale de < Paix et Liberté » convoquée par le Comité français de lutte contre le fascisme et la ^pierre.

14 juillet 1936. Plus d ’un million de Parisiens défilent de la Bastille à la Nation. l6 juillet 1936. La Chambre des Députés vote, par 484 voix contre 84, la natio­ nalisation partielle de l’industrie d ’armements. 18 juillet 19.36. Coup de force hitlérien contre la Pologne : le gouvernement nazi de Dantzig abolit la Constitution de la ville libre et y instaure le pouvoir de la Gestapo.

Coup de force militaire dans le Maroc espagnol. Rébellion contre la République espagnole dirigée par le général Bahamonde Franco. Le gou­ vernement de Madrid engage la lut­ te contre les rebelles. 123

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19 juillet 1936. En Espagne, le gouvernement Ca- A la suite du coup de force hit­ sarès Quiroga est remplacé par celui lérien de Dantzig, le Parti commu­ de Martinez Barrio, auquel succède niste lance un appel à « l’union le gouvernement José Giral ; il dé ­ des peuples pour la défense de la crète la mobilisation générale. Les paix. » (L’Humanité). ouvriers en armes se battent contre les rebelles.

24 juillet 1936. Appel du Parti communiste pour l’aide à l’Espagne républicaine ; « En masse ce soir au Vel’ d ’Hiv’ ! »

25 juillet 1936. Le gouvernement français inau­ gure Sa politique de « non-interven­ tion ».

A l'occasion du 2’ anniversaire du Pacte d'unité d ’action et à l’appel du Parti communiste et du Parti socialiste, 20 000 Parisiens manifes­ tent au 'Vélodrome d'Hiver : c Pour le pa«e ! Pour le soutien de l'Espa­ gne ! ».

30 juillet 1936. La Chambre des Députés vote plusieurs projets de lois en faveur des petits commerçants, industriels et artisans. « Le gouvernement constitution­ nel d ’Espagne doit bénéficier du l" août 1936 . droit international. Seuls, en France, les traîtres peuvent couvrir l’arme­ ment par le Führer et le Duce des rebelles de Franco », titre l'Huma­ nité. V14

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2 août 1936. En Espagne, dans un message ra­ diodiffusé, le président des Cortès Martinez Barrio demande < à tous les peuples, à tous les gouvernements le respect de la volonté de la nation espagnole >.

3 août 1936. Le Parti communiste lance un appel ; « Avec l’Espagne républicai­ ne, pour la sécurité de la France ! » {L’Humanité).

4 août 1936. En Grèce, le général pro-hitlérien Jean Métaxas dissout le Parlement, décrète la loi martiale et instaure la dictature. 8 août 1936. Le gouvernement confirme sa po­ La Grande-Bretagne adhère à la sition de « non-intervention » en position de « non-intervention » Espagne. adoptée par le gouvernement fran­ çais. Un Comité international de coordination sera constitué et siégera à Londres. {L’Humanité, 9 août 1936). 9 août 1936. A l’appel du Rassemblement uni­ versel de la paix, 400 000 Parisiens manifestent à Saint-Cloud pour la paix aux cris de : « Des avions pour l’Espagne ! A bas le fascisme î ».

19-25 août 1936. A Moscou, devant le tribunal suprême de l’U.R.S.S. se déroule le procès du groupe trotskiste-zinovié- viste. Le tribunal prononce seize condamnations à mort. La sentence est exécutée. 125

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25 août 1936. Arrivée à Paris du docteur Hjal- mar Schacht, directeur de la Reichs- bank. Il s'entretient avec le gouver­ neur de la Banque de France.

27 août 1936. Maurice Thorez dans une lettre adressée à Léon Blum, chef du gou­ vernement français, proteste, au nom du Parti communiste, contre l'invi­ tation à déjeuner faite officiellement au Dr. Schacht ; à ce déjeuner doi­ vent assister Léon Blum lui-même et son ministre des Affaires étran­ gères, Yvon Delbos. {L’Humanité). 3 septembre 1936. A Paris, au Vélodrome d'Hivcr, devant une foule immense, Dolorès Ibarruri (la < Pasionaria »), député d'Oviedo, membre du Bureau poli­ tique du Parti communiste espagnol, adresse au peuple de France le cri de l'Espagne : < Aidez-nous ! Vous seuls pouvez nous sauver ! ».

3-5 septembre 19.36. Réunion à Bruxelles du Congrès universel de la paix. Le Congrès dé ­ finit la Charte de la paix des peu­ ples.

5 septembre 1936. Le Parti communiste adresse au Parti socialiste une lettre pour le soutien du peuple espagnol. {L’Hu­ manité).

7 septembre 1936. 300 000 métallurgistes parisiens font une grève d'une heure pour 126

Le Parti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français protester contre le blocus de l'Espa­ gne républicaine et pour la défense de leurs revendications.

9-14 septembre 1936. En Allemagne, congrès du Parti national-socialiste à Nuremberg. De­ vant le congrès Adolf Hitler reven­ dique des colonies et annonce le début de la grande croisade anti- bolchévique. Joseph Goebbels, son ministre de la Propagande, lance un virulent appel à la guerre contre l'Union soviétique et insulte et me­ nace la France.

21 septembre 1936. Des avions hitlériens se mettent au service de Franco contre la Répu­ blique espagnole. (L'Humanité).

27 septembre 1936. Le Parti communiste dans une proposition de loi déposée devant le Parlement, demande un prélèvement progressif sur les grosses fortunes. (L'Humanité).

29 septembre 1936. Sur proposition du gouvernement A la Chambre, le Groupe com­ Léon Blum, la Chambre des Dépu­ muniste vote la loi de dévaluation tés vote la loi de dévaluation du du franc dans le seul but de main­ franc pat 350 voix contre 221. tenir la cohésion du Front populaire. Il critique vivement une politique monétaire néfaste.

30 septembre 1936 ! La délégation de la République espagnole à la Société des Nations I publie le dossier de la < non-inter- 1 vention >. 12:

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Août-septembre 1936. A l'appel du Parti communiste, tout au long des mois d'août et sep­ tembre, d'innombrables meetings, auxquels participent souvent d'au­ tres organisations démocratiques, se déroulent à travers la France ; € Pour l'Espagne républicaine ! Pour la paix ! »

Septembre 1936. De nombreuses grèves se dérou­ lent dans toute la France pour la signature des conventions collecti­ ves et autres revendications.

2 octobre 1936. Entrée en vigueur du nouveau régime monétaire. Le franc Poincaré, déjà diminué des quatre-cinquièmes, subit une nouvelle amputation de l'ordre de 30 % environ.

4 octobre 1936. A l'appel du Parti communiste, 80 000 Parisiens se réunissent à Paris au Parc des Princes, avec le mot d'ordre : « Union toujours plu.s ferme pour l'application du pro­ gramme du Front populaire ! »

octobre 1936. Devant le Comité de coordination de Londres, l'Union Soviétique dé ­ clare quelle « se considérera comme libre des engagements découlant de l'accord de « non-intervention > si les violations de cet accord ne ces­ sent pas immédiatement ». 128

Ll P.lrti Communiste Politique Intérieure Politique Extérieure Français

11 octobre 1936. Dans un discours prononcé à Strasbourg, Maurice Thorez attire l’attention sur le danger nazi : « Hit­ ler, c’est Mein Kampf », et précise la politique du Parti communiste- sur le problème alsacien : < Nous avons lutté et nous continuerons à lutter pour les revendications spé­ cifiques des populations laborieuses d ’Alsace-Lorraine, mais nous nous dressons contre toutes tendances sé­ paratistes qui ne peuvent que faire le jeu de Hitler. » {L’Humanité. 15 octobre 1936). i4 octobre 1936. Rencontre, à Paris, des représen­ tants de l’Internationale communiste (Marcel Cachin et Maurice Thorez) et de l’Internationale socialiste (Louis de Brouckère et Friedrich Adler, respectivement président et secrétaire de l’I.S.). Aux propositions d'unité d ’action de TLCi., l’I.S. ré­ pond par une fin de non-recevoir.

16-17 octobre 1936. Réunion du Comité central du Parti communiste à Ivry. Le CC. se prononce avec force < pour l’ap­ plication du programme du Front populaire ». 22-25 octobre 1936. Réunion du Congrès du Parti radical-socialiste à Biarritz. Edouard Daladier, président du Parti, pro­ clame : « Il faut que le Front popu­ laire réussisse. La rupture ou réchcc du Front populaire mettrait en péril 1.1 République elle-même ». 129

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23 oaobre 1936. L’Union Soviétique dénonce une fois de plus, devant le Comité de « non-intervention » siégeant à Lon­ dres, la duperie de la neutralité à sens unique.

26 octobre. L’Internationale socialiste et la Fédération syndicale internationale réunies à Paris, Salle de la Mutua­ lité, se prononcent contre le blocus de l’Espagne républicaine ; mais, une fois de plus, l’I.S. repousse les propositions d ’unité d ’aaion présentées pour aider l’Espagne ré­ publicaine et pour sauver la paix.

30 oaobre 1936. « Voici ce que veulent les com­ munistes >, déclaration faite pat Maurice ’Thorez au nom du Parti. (L’Humanité).

Oaobre 1936. A l’appel du Parti communiste, tout au long de ce mois, de nom­ breuses manifestations ont lieu dans toute la France contre la dévaluation de la monnaie, contre le danger fas­ ciste, pour l’aide à l’Espagne répu­ blicaine et pour la paix.

3 novembre 1936. Franklin D. Roosevelt est réélu président des Etats-Unis.

4 novembre 1936. Hitler fait exécuter à la hache, à Hambourg, le militant communis­ te et syndical Edgar André. 10

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13 novembre 1936. Le président Herriot déclare au journal L’Avant-Gurde : « L’amitié franco-soviétique est une garantie pour la paix. » {L’Humanité).

18 novembre 1936. Suicide de Roger Salengro, mi­ Les pilotes allemands et italiens nistre de l’Intérieur (socialiste) à la bombardent Madrid. Il y a 250 suite des attaques de la presse fas­ morts et 450 blessés. {L'Humanité). ciste française dont il a été l’objet.

19 novembre 1936. Hitler et Mussolini reconnaissent la Junte de Franco. {L’Humanité).

21 novembre 1936. A la suite du suicide de Roger Salengro et à l’appel du Parti com­ muniste, une foule immense ras­ semblée à Paris, au 'Vélodrome d ’Hi- ver, exige la mise hors d ’état de nui­ re des ligues fascistes.

22 novembre 1936. 150 000 personnes se réunissent à Paris et 500 000 à Lille assistent aux obsèques de Roger Salengro et manifestent leur volonté d ’action contre « le fascisme assassin ».

25 novembre 1936. Signature du pacte anti-commu­ niste Berlin-Tokio.

Novembre 1936. Au cours de ce mois, un grand nombre de travailleurs mènent la lutte pour le respect du droit syn­ dical. lïl

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2 décembre 1936. En Espagne, 5 000 soldats nazis I débarquent à Cadix. (L’Humanité.) En Union Soviétique, le VIIF Congrès des soviets adopte, à l’una­ nimité, la nouvelle Constitution. 5 décembre 1936. En Angleterre s’ouvre la crise constitutionnelle à la suite de la décision du roi Edouard VIII d ’éjxiuser Mrs Simpson, en dépit de l’opposition du gouvernement britannique (cabinet Baldwin). Le 4 décembre, à la Chambre des Com­ munes, Baldwin exige l’abdication du roi. 3 décembre 1936. A la Chambre des Députés, au Au cours des débats de la Cham­ cours des débats sur la politique de bre sur l’affaire espagnole, les dépu­ blocus de l’Espagne républicaine, tés communistes s’abstiennent de l’ordre du jour de confiance est voté prendre part au vote en signe de par 350 voix; 171 députés votent désapprobation de la politique de contre ou s’abstiennent. blocus appliquée par le gouverne­ ment français. Maurice Thorez dé ­ nonce, au nom du Parti communis­ te, la fausse neutralité qui assassine la République espagnole et favorise les préparatifs de Hitler pour une guerre contre la France. 8 décembre 1936. Première réunion du Comité d ’entente du Parti communiste et du Parti socialiste. Ce comité prend la suite du Comité de coordination. Son but consiste, essentiellement, à veiller à l’application du Pacte d ’unité d ’aaion socialiste-commu­ niste. 132

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9 décembre 1936. Le Parti communiste allemand lance un appel : cTout pour la dé ­ faite de Hitler en Espagne comme en Allemagne ! > {L'Humanité.)

10 décembre 1936. IDénouement de la aise consti­ tutionnelle anglaise : abdication d'Edouard VIII. Le duc d'York de ­ vient roi sous le nom de George VI.

11 décembre 1936. Alvarea del Vayo, ministre espa­ gnol des Affaires étrangères, dénon­ ce devant la Société des Nations l'intervention fasciste italo-allemande en Espagne.

14 décembre 1936. En Chine, soulèvement national contre le fascisme nippon. (L’Hu­ manité.)

17 décembre 1936. Le Bureau politique du Parti com­ muniste se prononce : « Contre le sabotage patronal ! Pour la défense de l’économie nationale ! Pour l'ai­ de à l'Espagne républicaine ! ». (Voir l’Humanité du 19 décembre 1936.)

19 décembre 1936. La Conférence franco-britannique organisée par le Comité pour l'aide à l'Espagne républicaine se réunit à Paris, Salle de la Mutualité. Elle estime que < la France et l'Angle­ terre doivent reprendre leur liberté d'aaion si Hitler et Mussolini ne cessent pas leur intervention en Es­ pagne ». 133

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30 décembre 1936. 40 000 métallurgistes parisiens manifestent pour le rajustement de leurs salaires.

31 décembre 1936. Le Bureau politique du Parti com­ muniste se prononce « Pour le res­ pect des lois sociales et pour la défense de la paix. > (Voir : Cahiers du bolchevisme, 1937, n* 2, p. 239. 154

LIVRES REÇUS

ALBIN MICHEL LE CLUB FRANÇAIS DU LIVRE EDITIONS DE LA FEDERATION DE LA SARTHE DU P.C.F. Edmond POGNON : De Gaulle et Le 13 mai 1958. Une nouvelle ma­ l'histoire de France. 1970. nière d'écrire l'histoire. Colleaion Robert JARRY ; Les communistes dirigée pat Joseph Kessel. 1970. au cœur des luttes des travailleurs /IRAfWND CO LUN sarthois. 1970. LE COURRIER DU UVRE M. HALBWACHS: EDITIONS DE L'ARCHE — Morphologie sociale. 1970. Claude AUBERT : L'industrialisa­ — Plan et perspeaives (Commissa­ tion de l'agriculture (salut ou suicide — Bertold BRECHT : Les Arts et riat général au plan) 1970. de l'homme). 1970. la Révolution. 1970. — Même auteur : Sur le cinéma. CUJAS AUBIER Précédé d'extraits de carnets sur Jacques WOLFF : Capitalisme et l'art nouveau, sur la critique, sur la Auguste COMTE ; Plan des tra­ croissance (Textes - Bibliographies). théorie de la radia 1970. vaux scientifiques nécessaires pour 1969. — Même auteur : Sur le réalisme. réorganiser la société. 1970. Précédé de l'Art politique. Considé­ DESCIEE DE BROUWER rations sur les arts plastiques. 1970. BORDAS — G. COTTIER ; Régulation des Y. TORTIGNON ; Naissance et naissances et développement démo­ EDITIONS DU CERF croissance de TU.R.S.S. 1970. cratique. 1969. E. POUSSET ; Union conjugale et — L’évangile de Jean XXlll. 1970. liberté. 1970. CALMANN-LEVY E.D.I. — Georges COULONGES ; Le EDITIONS DE MINUIT Grand Guignol. 1970. — Monique LAKS : Autogestion ouvrière et pouvoir politique en Rudolf HILFERDING : Le Capital — Alfred SAUVY ; La révolte des financier. 1970. jeunes. 1970. Algérie (1962-1965) 1970. — Robert BRECY ; La grève géné­ EDITIONS NOUVELLES LE CENTURION rale en France. 1969. — J.-M. BROHM : La théorie gé­ ET IMPRESSIONS W. THEIMER : Les grands thèmes nérale du droit et le marxisme. Pâquerette POINSART-CHASSON : du marxisme. 1969. Eve sans Adam. 1970, I 55

LES EDITIONS droite française et le 6 février 1934. AIHME D’ORGANISATION PARIS 1970. — Marcel LE CLERE : L'assassinat — Jean-Jacques MARIE : Le trots­ — Pierre GASPAR : Formation des de Jean Jaurès. 1969. kisme. 1970. adultes ou transformation des struc­ — Suzanne MATHIEU ; Le célibat — Jean ROBINET : Les paysans tures de l’entreprise, une expérience féminin. 1970. du CU.C.E.S. 1970. parlent. 1970. — Peter DRUCKER ; La grande — Pierre SOUYRJ ; Le marxisme mutation, vers une nouvelle société. après Marx. 1970. AIOUTON 1970. — Marx et la pensée scientifique FRANCE-EMPIRE : contemporaine. 1969. EDITIONS OUVRIERES Christian BERNADAC : Le train de — J.-M. ALBERTINI : Capitalis­ la mort. 1970. mes et socialismes à l’épreuve. 1970. PAYOT — Jean BRON : T. II : La contes­ JULLIARD P. H. CHOMBART DE LAUWE : tation du capitalisme par les travail­ Images de la culture. 1970. leurs organisés. (1884-1950). 1970. — J. DEBU-BRIDEL: La Résis­ — Robert THALVARD : Démo­ tance des intellectuels. Textes et té- cratiser le management ? 1970. moign.iges. 1970. PRESSES DE LA CITE

EDITIONS DU PROGRES — Ernest MOLTE : Raymond DRONNF. ; La Libération Le fascisme dans son époque : de Paris. 1970. — Léonide GROSSMAN ; Dos­ 1. L’Action française. toïevski. Traduit du russe par Mi­ II. Le fascisme italien. chel KAHN. 1970. III. Le National-socialisme. 1970. PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE — KHOROUNJI : Ciel de guerre. Traduit du russe par Jean CHAM­ ROBERT LAFFONT — Henri ARVON ; L'Esthétique PENOIS. 1969. marxiste. 1970. — William MANCHESTER ; Les — LENINE : A propos de la Fran­ — Joseph GABEL ; Sociologie de Armes de Krupp (1587-1968). ce. Textes choisis pat C LEITEI- l’alimentation. 1970. ZEN. 1970. 1970. — Pierre GEORGES : Les Métho­ — Nicole OLLIER ; L’exode sur — Textes sut les syndicats. Articles des de géographie. 1970. et discours de LENINE. Préface de les routes de l’an 40. 1970. — Jean LAMORE : Cuba. 1970. B. KO VAL. 1970. — Jean-François REVEL : Ni Marx ni Jésus (la nouvelle révolution — Jean VINCENS ; La prévision E.P.I. mondiale est commencée aux Etats- de l’emploi. 1970. Unis). 1970. COLLECTIF d ’auteurs ; Changer d ’école. 1970. PRIVAT L'HERNE — Jean-Marie GABAUDE : Le FLAMMARION — Marx et Engels, écrits militaires. jeune Marx et le matérialisme anti­ — Maurice CHAVARDES : La 1970. que. 1970. 156

SEGHERS ne de Paris à l’assaut du ciel (réédi ­ de 1871 (réédition). Editions so­ tion augmentée) 1970. ciales. 1970. — Henri ARVON : Lénine. 1970. — Les Communistes et la condi­ —■ Georges SORIA : Grande His­ — P.E. de BERREDO CARNEI- tion de la femme - Etude de la toire de la Commune. T. 3. Editions RO : Vers un nouvel humanisme. Commission centrale de travail par­ Robert Laffont, pour le livre du 1970. mi les femmes, rédigée par Yvonne Club Diderot. 1970. DUMONT. 1970. STOCK — Jean FREVILLE : La nuit finit — Edouard CALIC : Hitler sans à Tours. Naissance du Parti commu­ masque. 1969- niste français. (Edition du cinquan­ — Anny LATOUR ; La Résistance tenaire.) 1970. juive en France. 1970. — Maurice GODELIER : Sur les — William R. SHIRER ; La Chute sociétés précapitalistes. Textes choi­ de la Iir République. Une enquête sis de Marx, Engels, Lénine. 1970. sur la défaite de 1940. 1970. — NGUYEN KHAC VIEN : Expé­ riences vietnamiennes. 1970. UNION GENERALE D’EDITIONS — Tristan REMY : La Commune à Montmartre. 23 mai 1871. 1970. La guerre civile aux Etats-Unis. 1970. LES EDITEURS FRANÇAIS REUNIS EDITIONS SOCIALES — Hilaire CUNY; Nobel de la — Des victoires de Hitler au triom­ dynamite et les prix Nobel. 1970. phe de la démocratie et du socia­ — Gilette GIEGLER : Paris et ses lisme. Origines et bilan de la révolutions. 1970. deuxième guerre mondiale. (1939- — Edith MORRIS : Bonjour Viet­ 1945). Compte rendu du Colloque nam (traduit de l’américain par scienti&que organisé par l’Institut Yvette GEORGES). 1969. Maurice Thorez (Paris, 17-18-19 oc­ — Jules VALLES ; La Commune tobre 1969). 1970. de Paris. Pièce inédite en 5 actes. — Florimond BONTE : Le Chemin Préface et notes de Marie-Claire de l’honneur (réédition) 1970. BANCQUART. 1970. — Georges COGNIOT et Victor — Littérature et Révolution. Re­ JOANNES : Maurice Thorez, l’hom­ cueil de textes littéraires de Jules me, le militant. Préface de Geor­ VALLES. Préface et notes de Roger ges MARCHAIS. 1970. BELLET. 1969. — Marcel COHEN : Toujours des regards sur la langue française. SERVICE D’AUTEURS 1970. — Jean BRUHAT : Jean DAUTRY — Jacques DUCLOS : La Commu­ et Emile TERSEN ; La Commune 157

NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES JULLIARD La Résistance intellectuelle. Textes et témoi­ LES EDITIONS DE MINUIT gnages réunis et présentés par I. DEBU- BRIDEL. Rudolf HILFERDING: L© Capital financier. Cet ouvrage rédigé par un résistant authentique offre un très vif intérêt. La résis­ Ecrit en 1910, le célèbre ouvrage de R. tance des intellectuels a le mérite d'être ici Hilferding n'avait jusqu'ici jamais été intégra­ relatée et exaltée par ceux qui l'ont faite, par lement publié en fronçais. Jacques Debu-Bridel, qui, avec Jean Paulhon et Aujourd'hui, la critique du capital financier Pierre Lescure, participa aux premières publi­ de l'époque est entrée dans le domaine de cations clandestines. l'histoire et c'est sous cet aspect que la paru­ Membre du Front National, délégué au tion de ce livre doit être notée avec intérêt. Conseil National de la Résistance, Debu-Bridel On pourra se reporter utilement à l'utilisation participa à cette guerre de l'esprit où le Front et à la critique qu'en fit Lénine dans « l'Impé­ National joua un rôle de premier plan et que rialisme, stade suprême du capitalisme ». les textes et témoignages réunis et présentés ici illustrent brillamment. LES EDITIONS OUVRIERES MAME Robert THALVARD ; Démocratiser le mana ­ Marcel LE CLERE ; L'assassinat de Jean gement ? Jaurès. L'auteur critique le système familial « bour­ La prestigieuse figure de Jean Jaurès, la geois » de l'entreprise capitaliste d'hier pour mort qui en fit un martyr de la Paix ont naturel­ justifier le « management » moderne. D'après lement provoqué la publication de très nom­ lui, ce n'est plus la propriété des moyens de breux ouvrages exaltant sa mémoire, ou faisant production qui donne l'autorité, mais le talent, des réserves sur ses objectifs politiques. Parmi la compétence. Dans ces conditions, la « parti­ les éléments qui constituent l'ouvrage de Mar­ cipation » doit être démocratisée en vue de cel Le Clere, figure une étude intéressante sur créer les conditions optimales du fonctionne­ le procès de Villain, l'assassin de Jean Jaurès. ment des entreprises et de la société. On trouvera dons le livre de longs développe­ PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE ments sur ce que doit être la « participation » telle que la conçoit l'auteur. Il est inutile de Jean LAMORE : CUBA souligner l'aspect chimérique des considéra­ Un « que sais-je » ? sur ce fascinant pays tions rebattues sur la prétendue séparation de aux problèmes complexes et spécifiques. L'ou­ l'autorité et de la propriété. vrage est surtout historique, remontant de la 138

colonisation espagnole du XVI* siècle à la Cuba LENINE révolutionnaire de notre époque. On y trou­ vera notamment une analyse de « dix années Bibliographie éditée à l'occasion du cen­ de castrisme » et une étude sur la vie cultu­ tième anniversaire de la naissance de Lénine relle et les problèmes de l'enseignement liés (A. LEGENDRE) : aux perspectives de formation d'un « homme nouveau ». I - Centième anniversaire. Documents. II - Marxisme-léninisme. stcx :k III - Matérialisme dialectique. Philosophie William L. SCHIRER ; La chute de la marxiste-léniniste. Matérialisme histori ­ m* République. que. Ce volumineux ouvrage de plus de mille IV - Economie politicpie. Question agraire. pages constitue une profonde enquête sur la - Coopération. défaite de 1940. Cette recherche amène l'au­ V - Socialisme. Communisme. teur à retracer toute l'histoire de la III* Répu­ blique depuis la Commune de Paris. VI - Lénine tel qu'il fut. L'auteur, journaliste américain, étudie en VII - A l'occasion de quelques anniversaires détail les événements qui vont du « tournant et du centenaire de la naissance de fatidique » du 6 février 1934 à la capitulation Lénine. de juin-juillet 1940. On trouvera dons ce livre un riche rappel des événements, dont certaines 68 pages multigraphiées. Couverture illustrée. interprétations doivent être soumises à la cri­ tique. Prix: 5 F

ERRATUM. — Il ne figurait pas au sommaire du no 19 des Cahiers de l'Institut Maurice Thorez un inédit ; la lettre adressée par Roland Dorgelès à Paul Vaillant-Couturler emprisonné à la Santé, lettre datée du 1»' mars (1929). Elle se trouve à la page 84 de ce même numéro. Nous nous excusons auprès de M. Roland Dorgelès et auprès de nos lecteurs de cette omission Involontaire. UN PRIX ANNUEL DE L’INSTITUT MAURICE THOREZ

Le Conseil d ’administration de l'Institut Maurice Thorez a décidé la création d ’un prix annuel de l’Institut, d ’un montant de 2 000 F., destiné à récompenser un travail inédit (non publié en librairie) sur l’histoire du mouvement ouvrier et de la pensée sociale, dû à un jeune chercheur. Pour l’année 1971, le sujet des mémoires présentés devra se rap­ porter au thème : « Autour de la Commtme : le mouvement ouvrier français de 1848 à 1879 ». Les mémoires devront traiter ou de la période dans son ensemble, ou d ’une partie. Le.s mémoires devront être adressés au secrétariat de l'Institut Maurice Thorez, 64, boulevard Aupuste-Blanqui. Paris-XlII'', avant le 15 octobre 1971. Le prix sera décerné le 15 décembre 1971.

Le jury est composé de Jean Bruhat, Jean-Michel Catala, Georges ('.ogniot, Victor Joanncs, Maurice Moissonnier, Marie-Claude Vaillant- Couturier et Claude Willard. Le 17 janvier à 9 heures 30 au siège de l’Institut assemblée nationale des correspondants départementaux et de tous les militants actifs de l’institut

ORDRE DU JOUR 1. Le bilan du travail de l’Institut depuis la fondation. Rapporteur: Victor JOANNES 2. Tâches et perspectives : le Colloque sur la Commune, le Prix de l’Institut, la propagande dans les départements, etc. Rapporteur: Georges COGNIOT

3. La diffusion des publications de l’Institut. Rapporteur: Jacques LE CAZOULAT APPEL AUX LECTEURS

La Bibliothèque de l'Institut Maiirice Thorez adresse un appel à ses lecteurs, à tous ses amis et camarades en les priant de lui adresser les numéros des revues dont les titres suivent et dont ils disposeraient, afin de lui permettre de compléter ses collections ; — L'Internationale Communiste. — La Nouvelle Critique. — Economie et Politique. — Lo Pensée. Avec ses vifs remerciements. Renseignez-vous et commandez L’EXPOSITION LA COMMUNE DE PARIS SON IMPORTANCE NATIONALE ET INTERNATIONALE

Le Centre de Documentation de l’Institut Maurice Thorez a réalisé une exposition à l’occasion du lOO anniversaire de la Commune en mars 1971. Elle est composée de panneaux répartis selon les thèmes suivants: 1) La Commune de Paris et la province. 2) Origines de la Commune. 3) La guerre franco-prussienne et le siège de Paris (trahison des classes dirigeantes et patriotisme prolétarien). 4) La proclamation de la Commune. 5) L’œuvre de la Commune : a) mesures politiques, b) mesures sociales, c) mesures culturelles. 6) L’effort militaire de ta Commune. 7) La Semaine sanglante, la répression. 8) La Commune et le mouvement ouvrier international. 9) Le Parti Communiste Français, digne continuateur de la Commune. Riche en photos, documents, affiches, caricatures et textes explicatifs, d ’une présen­ tation esthétique, l’Exposition, préparée pour le Colloque international sur la Commune de Paris qu’organise l’Institut, est également à la disposition des Centres culturels, des Bibliothèques, des Comités d ’entreprise, des fédérations, sections et cellules. Sur les neuf thèmes considérés, l’exposition peut comprendre selon la place disponible de neuf à trente panneaux. Pour une somme plus modique, on peut ne retenir au besoin que cinq, trois ou même un seul panneau sans que l’unité de l’ensemble soit détruite. S’adresser pour tous renseignements à l'Institut Maurice Thorez (documentation), 64, boulevard Auguste-Blanqui - Paris-lS*. A L’OCCASION DE SA CAMPAGNE D'ABONNEMENTS L’INSTITUT MAURICE THOREZ vous OFFRE DES AVANTAGES EXCEPTIONNELS

L'INSCRIPTION A 50 F • L’abonnement aux « Cahiers ». donnant droit à • L’abonnement aux « Conférences ». • La réception du « Bulletin de liaison » (trimestriel). • L’accès gratuit à la bibliothèque et aux docu­ ments d ’archives. • Une réduction très importante sur toutes les publications de l'Institut. L’ABONNEMENT A 30 F • L’abonnement aux «Cahiers». donnant droit à : • L’accès gratuit à la bibliothèque et aux documents d ’archives. • Une réduction sur les « Conférences » donnant la possibilité de s’abonner pour 30 F.

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Souscrit un abonnement d ’un an (4 N“-’) 30 F*" S’inscrit aux activités de l’Institut 50 F'” dont j’adresse le montant à l'INSTITUT MAURICE THOREZ 64, bld A.-Blanqui - Paris-13^ C.C.P. 3.363 - 26.

(1) Rayer la mention inutile. LE NUMERO DE DECEMBRE des

□U CCDIVtMUIMISIVE REVUE THEORIQUE ET POLITIQUE MENSUELLE OU COMITE CENTRAL DU PAKTl COMMUNISTE FRANÇAIS EST CONSACRE AU CMOOANTENIUBE W PARÏÏ CQMMDNISTE FRAISAIS LE PARTI REVOLUTIONNAIRE DE NOTRE TEMPS

Pourquoi il faut à la France un grand Parti commu­ Le parti, les intellectuels et la culture, Roland niste, Georges Marchais. Leroy. Force et faiblesse du socialisme français d ’avant L’alliance ouvriers-paysans, un problème toujours 1914, Georges Cogniot actuel, Fernand Clavaud. Ce parti qui les empêche de dormir, François Les communistes avec la jeunesse d ’aujourd’hui, Billoux. Jean Colpin. La lutte des communistes français pour l’émanci­ Des chemins nouveaux pour l'unité et l’union, pation de la femme, Mireille Bertrand. Jacques Chambaz. Un parti pas comme les autres, avec des hommes L’internationalisme et l'intérêt national, Jacques comme les autres, André Vieuguet. Duclos. Le colloque sur le cinquantenaire du Parti commu­ Contre le colonialisme, pour la fraternité des peu­ niste français, Germaine Willard. ples, Henri Martin. Maurice Thorez, l’homme, le militant (un ouvrage de Le parti et le marxisme créateur, Etienne Fajon. Georges Cogniot et Victor Joannès), Léo Figuères.

PRIX DU NUMERO: 3,50 F Abonnement d ’un an : 25 F COMMANDES ET ABONNEMENTS au C.D.LP. : 148, rue du Faubourg-Poissonnière - PARIS-X' — C.C.P. Paris 4629-39

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Prix du numéro; FRANCE 8 F ETRANGER 10 F