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Le Xe Festival De Montréal : La Compétition Officielle]

Le Xe Festival De Montréal : La Compétition Officielle]

Document généré le 30 sept. 2021 23:45

24 images

Le Xe Festival de Montréal La compétition officielle Luc Chaput

Numéro 31-32, hiver 1987

URI : https://id.erudit.org/iderudit/22080ac

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Éditeur(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique)

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Citer ce compte rendu Chaput, L. (1987). Compte rendu de [Le Xe Festival de Montréal : la compétition officielle]. 24 images, (31-32), 14–16.

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n peut remarquer dans le cinéma mondial que depuis O quelques années, il y a de plus en plus de multilingues, par exem­ ple cette année en compétition officielle à Montréal, il y avait Aghaat, in­ dien où l'on réussit à parler hindi et anglais dans la même phrase, Cactus, où l'on parle français et anglais, C'est la faute au paradis, film italien où la chan­ son est en anglais, Sarraouina où l'on parle français et plusieurs langues afri­ caines. Cet état de fait est souvent justifié par exemple dans Laputa d'Helma Sanders- Brahms où Berlin, île de Gulliver, joue bien le rôle de carrefour de l'Europe et on peut parler quatre langues: français, allemand, anglais et polonais. Le travail de la réalisatrice est bien ficelé, à la fois comme discours sur les relations est- ouest et celles entre homme et femme. Le jury a eu la bonne idée de lui donner son prix et le prix d'interprétation fémi­ nine à Krystyna Janda. dans Tiempo de Silencio de Vincente Aranda À l'autre bout du spectre, on a cette fois, les Italiens ont présenté un jeune Xiao Ping une tentative importante de coproduction franco-italienne Pourvu réalisateur et un chevronné et comme libéralisation qui favorise l'émergence que ce soit une fille, où des acteurs c'est le cas, depuis 1982, n'ont rien d'une nouvelle classe d'entrepreneurs. italiens, français et Scandinave parlent gagné. Ciao et basta. Ye Shan/Dans les montagnes Sauvages tous italien avec le même accent et où six de Yan Xueshu est une comédie de scénaristes ont écrit une histoire sur la SOCIÉTÉ QUAND TU NOUS TIENS! mœurs qui décrit les relations entre deux place des femmes en Italie qui aurait eu couples d'agriculteurs d'un petit village Cette évolution des mœurs si pénible­ de l'impact il y a dix ans mais qui n'est reculé. L'évolution des mentalités con­ ment représentée dans le Monicelli et plus qu'un pétard mouillé. Coproduc­ cernant le mariage et la nouvelle idéolo­ dans le Nuti a été l'objet de nombreux tion oblige le personnage joué par gie y sont montrées avec finesse. Chaque films en compétition: Tiempo de Silen­ Phillipe Noiret meurt, dès lors, le per­ personnage a une personnalité propre cio, Falfuro, Sorekara, Aghaat et sonnage incarné par Catherine Deneuve avec ses défauts et qualités. On est loin Vesnicko ma Streediskova. peut vraiment entrer en scène. Mario des statues déclamant des pensées de Monicelli aura encore eu une de ces Tiempo de Silencio de Vincente Aranda Mao dans les films de la révolution baisses de régime chers à ce festival: une raconte les aventures d'un scientifique culturelle. belle affiche, un film moyen. empêtré dans une affaire d'avortement La Hongrie a connu depuis plus long­ L'autre film italien en compétition, lut­ durant les années 50 à Madrid. Le réali­ temps le même type d'évolution et ses ta Colpa del Paradiso (C'est la faute au sateur a voulu nous tracer un portrait cinéastes commencent à s'interroger sur Paradis) est une comédie de mœurs de presque complet de la société madrilème l'occidentalisation des comportements Francesco Nuti. M. Nuti se met lui- du temps, des bidonvilles aux gens de la tant dans Visszaszamlalas (Compte à même en scène, fait quelques blagues haute en passant par l'intellegentsia des rebours) de Pal Erdoss présenté dans la mais au moins nous sert un discours in­ cafés. Aranda manie mieux l'ironie que section «Cinéma d'aujourd'hui et de de­ téressant sur l'adoption dans ce pays le drame et Victoria Abril peut passer main» que dans Falfuro présenté en machiste qu'est l'Italie. Le film a le char­ difficilement aujourd'hui pour une fille compétition. Falfuro (Le Perceur de me bizarre du Lambrusco, vin rouge de 19 ans. murs) de Gyorgy Szomjas raconte l'his­ mousseux un peu sucré et dépasse à La Chine connaît depuis la mort de Mao toire d'un travailleur hongrois qui se peine en niveau Monicelli. Encore une et surtout la prise du pouvoirpar Deng lance dans les affaires et qui se heurte à

14 des multiples problèmes. En parallèle, le Med Hondo dans Sarraouina, fait plu­ présentation dans Équinoxe est trop évi­ réalisateur mène une enquête factice sur sieurs fois référence aux griots, aux dente, par exemple la musique de Jean une affaire de prostitution. M. Szomjas chroniqueurs qui racontent l'histoire des Sauvageau trop carrée, enfonce inutile­ se permet un peu trop de coquetteries de grands faits et gestes et au travail du ment le clou à propos des mauvais gar­ style comme l'utilisation de filtres aux cinéaste qui peut être un griot moderne. çons. Les personnages secondaires ne couleurs bizarres pour masquer le man­ Cette coproduction bourkina fasso-fran- sont pas assez complexes. Pourtant l'in­ que de rigueur de son propos. çaise raconte l'histoire de la conquête terprétation est bonne, surtout par Jac­ Dans Falfuro ainsi que dans Vesnicko par la France de l'Afrique occidentale à ques Godin, la jeune Ariane Frédérique Ma S t redisk ova (Mon petit village) la fin du siècle dernier et des problèmes et Marcel Sabourin dans un rôle trop de Jiri Menzel, on retrouve le même que lui a causés une reine africaine Sar­ court. acteur principal, Janos Ban dans deux raouina. Le discours de Med Hondo est Dans Der Wilde Clown (Le clown sau­ rôles très différents. Celui d'un tra­ surtout intéressant lorsqu'il montre la vage). Josef Roedl utilise les grands es­ vailleur normal dans le film hongrois et place de la femme et des croyances ani­ paces d'un camp militaire américain en d'un idiot que son village protège dans le mistes face à la chrétienté et à l'islam, Bavière par opposition aux espaces res­ Menzel. Jiri Menzel retrouve ici sa forme mais sa saga se perd dans les sables, l'in­ treints des villes allemandes pour traiter d'antan, cette fine critique sociale alliée terprétation des acteurs français étant du thème de l'Allemagne divisée, champ à un souverain sens du gag. plutôt faible et les commentaires dits par de bataille entre l'Est et l'Ouest. Au Du Japon, Sorekara (Plus Tard) montre Med Hondo à propos de l'action sou­ départ, Jakob sert de fou du roi à son une société, au début du siècle où le vent redondants. patron, prêt à toutes les compromissions poids des conventions freine l'épanouis­ Dans Loyalties, une famille anglaise fuit pour de juteux contrats avec l'armée. Le sement d'un amour. Yoshimitsu Morita l'atmosphère oppressante de la Grande- fou du roi devient trop perspicace et est a réussi un film parfaitement contrôlé. Bretagne pour les grands espaces du obligé de se réfugier dans ce champ de Par la beauté picturale de sa photogra­ Lac-la-Biche dans le nord de l'Alberta. manoeuvres américain. La réalisation de phie, par ses envolées lyriques spéciale­ Anne Wheeler a été réalisatrice de Roedl est plutôt lourde et il laisse trop ment dans les scènes dans les moyens de documentaires et de téléfilms à la télévi­ l'acteur principal faire ce qu'il veut. transport, par une interprétation toute sion canadienne. Son film reste dans les Le film britannique The American Way intériorisée, il rejoint de grands prédé­ limites de ce genre dont on peut décrire utilisait les grands espaces américain et cesseurs comme Ozu. Seul le jury œcu­ ainsi l'évolution. Pour parler d'un pro­ led voyages réels et imaginaires dans une ménique, semble-t-il, a apprécié ce film blème qui leur tenait à cœur, les satire féroce mais brouillonne de la pu­ puisqu'il lui a accordé une mention. réalisateurs naguère utilisaient le blicité subliminale, de la guerre du Viêt- La production indienne de 600 à 700 documentaire strict ou le cinéma-vérité. Nam, des sectes pseudo-religieuses et des films par an est surtout consacrée aux Quelqu'un eut l'idée d'inventer le équivalents américains de Margaret films d'action et aux longues comédies docum-drama ou dramentaire en in­ Thatcher. Le réalisateur Maurice Phi- musicales. À côté de cela, de grands cluant des scènes reconstituées à côté de lipps avait bien su s'entourer d'acteurs réalisateurs comme Satyajit Ray et scènes documentaires. Mais on peut américains chevronnés mais son passé de Mrnal Sen ont pu construire une œuvre aussi prendre du recul et sur un sujet réalisateur de publicité et de vidéo-clips importante. Cette année, l'Inde de Rajiv donné, écrire un téléfilm. Chaque per­ transparaît trop souvent. Certaines Gandhi nous présentait Aghaat de Go- sonnage au départ est bien défini et sa scènes sont réussies et de belle façon, vind Nihalani, tentative de montrer la trajectoire programmée à l'avance. Il ne mais la qualité de l'ensemble est inégale. place des syndicats dans la société ac­ vous reste plus qu'à espérer ou à vous Encore une fois «la grande guerre pa­ tuelle à travers la lutte que se livrent assurer que votre réalisation et l'inter­ triotique» de 1941 à 1945 sert de toile de deux syndicats d'idéologie différente prétation seront de bon niveau et alors le fond à un film soviétique. Zakonny pour le contrôle des ouvriers d'une tour est joué. Par exemple, ici le sujet Brak (Mariage légitime) est une comédie métallurgie. En mineur, le réalisateur a est «femmes de tous les pays, unissez- douce-amère sur les relations entre un placé l'histoire d'un de ces ouvriers vic­ vous»; le contexte: village éloigné, un acteur, don juan à ses heures et une time d'un accident de travail et les dif­ nouvel arrivant qui ne comprend pas jeune fille qu'il rencontre à l'occasion ficultés qui s'en suivent. Le réalisateur habituellement la complexité de la place, d'une tournée. Un mariage de conve- aurait pu et dû traiter l'histoire de l'ou­ se rapprochera des gens qui comme lui ance s'ensuit. Le réalisateur Albert vrier, en majeur, à la manière néoréaliste sont en marge (une Britannique et une Mkrtchan parsème son récit de chansons et cela aurait sûrement eu plus d'impacts métisse). Cela vous permet de traiter du et de notations humoristiques les inter­ que les longs et sempiternels discours problèmes des Amérindiens. Si en plus prètes arrivent bien à donner vie à des qu'il s'est senti obligé de nous infliger. un des nouveaux arrivants a une faute personnages bien écrits. originelle, bravo, c'est encore mieux et LES GRANDS ESPACES dans ce cas-ci, je vous la laisse découvrir. Anne Wheeler a réussi dans son scénario AMOUR, DÉLICES ET MORGUE Havlandet (Aurore boréale) est une à bien tisser tous ses axes, sa réalisation Comme toujours, les aléas des relations coproduction suédo-norvégienne illus­ est bonne et ses interprètes de calibre, homme-femme constituent un axe im­ trant une légende nordique. La place de son film est donc ... un bien joli petit pa­ portant du cinéma et ce depuis le début. l'homme dans la nature était un autre quet. Dans plusieurs films en compétition thème de la compétition cette année. Arthur Lamothe s'était surtout fait con­ cette année, ces relations viraient au tra­ Dans ce films et dans Équinoxe, naître au Canada par sa somme filmique gique. Loyalties, Sarraouina et même dans sur les Amérindiens. Dans Équinoxe, il Après le quasi-échec auprès du public et Cactus, on voit des grands espaces et reprend plusieurs de ces thèmes chers: la de la critique de La Lune dans le cani­ souvent le difficile travail de l'homme relation d'égalité nécessaire entre les veau, on attendait Jean-Jacques Beineix dans ces conditions. Le réalisateur Lasse êtres et entre l'homme et la nature, la pour voir s'il avait retrouvé la touche. Glomm fait un peu trop appel aux rêves place de la famille dans la transmission Oui, son style est toujours aussi flam­ freudiens mais son utilisation des sons des connaissances, la place des légendes boyant et il réussit presque à garder, ambiants et d'une musique cumulative dans cette transmission et l'opposition pendant tout le film, le cap entre le rire est intéressante. industrie-nature. Malheureusement, sa et les larmes pour montrer les change-

15 ments brusques d'humeur d'une jeune fille cyclothimique qui fait irruption dans la vie d'un écrivain retiré des af­ faires. Jean-Hughes Anglade dans le rôle de Zorg est très bon mais Béatrice Dalle connaît des problèmes dans les dures scènes de la fin. Comme dans La Lune..., Beineix place le mot Stromboli, peut-être en référence au film de Rosselini mettant en vedette Ingrid Bergman sur les rapports difficiles entre homme et femme de milieu différent. Demoner (Démons) de Carster Brandt, tiré d'une pièce de Lars Noren, décrit un huis-clos où deux couples s'entre-déchi- rent. Rien de très neuf n'en ressort sauf une très bonne séquence où les deux hommes se lancent des méchancetés tout en jonglant avec un vase de prix. Le Festival rendait cette année hommage au producteur italien, Dino de Lauren- tiis, qui a à son palmarès des films tels que La Strada, Three Days of the Con­ dor mais aussi King Kong et Maximum Overdrive. Pour lui, David Lynch avait Lors Green et Ewa Trôling dans Démons de Carsten Brandt réalisé déjà Dune. Il retourne à ses premières amours, le drame psychologi­ que dans Blue Velvet. Ce film est tout le image ou joue un personnage. En con­ La compétition officielle était cette long en porte-à-faux: l'interprétation de clusion, un film ambigu qui a suscité des année d'un bon niveau, nous n'avons la chanson-titre date de 1963 et plusieurs réactions mitigées. pas eu comme naguère ces chers navets. éléments du film font référence à cette El Amor Brujo (L'amour sorcier) est le Comme toujours, des films présentés dans certaines sections auraient pu avan­ époque, mais d'autres font plutôt réfé­ troisième volet de la trilogie de Carlos 2 rence aux années 70 et même 80. En plus Saura sur le flamenco, essence de l'âme tageusement y figurer: 40 m Deut- David Lynch mélange une histoire espagnole. Autant Garcia Lorca dans schland de Tevfik Baser et L'homme d'amour plutôt fleur bleue avec une rela­ Noces de sang et Mérimée dans Carmen dans la lune (Mandan I Maneri) d'Eric tions sado-masochiste et une histoire cri­ suscitaient chez Saura une urgence, une Clausen. minelle assez dégueulasse. Les change­ rage qui transparaissait dans le film, au­ ments de ton ont même lieu à l'intérieur tant les personnages que Saura nous pré­ des séquences, Lynch semble vouloir sente ici n'ensorcellent personne. Les in­ jouer avec le spectateur à tel point qu'il terprètes sont trop vieux pour leurs en a horripilé plusieurs. L'interprétation rôles. Des jeunes danseurs auraient peut- elle-même est très irrégulière, Kyle être ramené la magie. Saura semble utili­ MacLacchlan et Isabella Rosselini ne ser les musiques modernes et le décor ar­ sont pas crédibles, Laura Dem, bonne tificiel de la pièce pour montrer qu'en dans les scènes enjouées, dérape un peu Espagne il est difficile aujourd'hui de beaucoup dans les scènes tragiques et il retrouver le caractère authentique du est difficile de savoir si Denis joue de son flamenco.

PALMARES OFFICIEL

Grand prix des Amériques: 37°.2 le Matin, J.-J. Beineix Prix spécial du Jury: Mon cher petit village, Jiri Menzel Prix du Jury: Laputa, Helma Sanders-Brahms Prix d'interprétation féminine: Krystyna Janda, (Laputa) Prix d'interprétation masculine: Denis Hopper (Blue Velvet) Prix du jury à l'occasion d'E/ Amor Brujo, à Carlos Saura. Prix de Montréal (court-métrage): Tables of Content, pour sa trilogie, Wendy Tilby Prix du jury oecuménique: Mon cher petit village; mention à Sorekara de Yoshimitsu Morita Prix du public: 37°.2 le matin Prix de la FRIPESCI: Tanner le noir de Xavier Koller; mention à Laputa. Prix de la Presse Internationale au meilleur film canadien hors-compétition: Sitting in Umbo de John N. Smith

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