Les grands cadres actuels de la politique des transports et de leur financement avec des ajustements chaque fois tout à fait justifiés. Par exemple, en 2003 le groupe projets, des groupes de projets ou même un axe toute entier. Ce à haut niveau avait classé le projet de liaison Seine-Escaut comprenant le Canal coordonnateur aura pour tâche de conseiller les promoteurs de projets Seine-Nord dans une liste de projets pour le plus long terme, faute d’engagements dans le montage financier et l’évaluation, et à ce titre il devrait veiller à fermes des autorités françaises. Mais depuis la réunion du Comité interministériel consulter aussi les opérateurs ou les régions et les collectivités locales d’aménagement du territoire de décembre 2003, ces engagements au niveau de directement concernés. Ca sera donc un travail pour Jacques BARROT l’Etat sont maintenant clairs et ce projet a donc pu être ajoutée à la liste des dès 2005 de proposer à la Commission de désigner ces coordonnateurs priorités européennes. pour les projets qui en ont le plus besoin. • Une procédure de déclaration d’intérêt européen qui aura, entre autres, 3. Le contenu de la décision finale pour effet de faciliter l’intégration des procédures d’évaluations qui sont Le premier élément est une nouvelle liste de 30 projets prioritaires pour le réseau à l’heure actuelle cloisonnées entre Etats membres. Concrètement, les transeuropéen : les 14 projets d’Essen qui sont confirmés ou étendus plus 16 autres Etats membres devront coordonner leurs procédures d’évaluation et de projets nouveaux dans les nouveaux Etats membres mais aussi dans les anciens consultation du public. Ceux qui le souhaitent pourront même dans le Etats membres. cas de projets techniquement et financièrement indivisibles comme les Sans rentrer dans le détails des projets, en fait des grands axes composés de ponts et tunnels réaliser une enquête transnationale unique. nombreux sous projets, on retrouve par exemple pour ce qui concerne la France des projets bien connus de vous (sans être exhaustifs): IV. le casse tête du financement • la liaison ferroviaire du Lyon- étendue jusqu’à Budapest ; • la liaison ferroviaire Paris-Strasbourg étendue jusqu’à Munich, Vienne et Mais ces améliorations –encore faut-il les mettre en œuvre !- ne résoudront pas Brastilava ; le casse-tête du financement. Où trouver les 225 Mrds d’euros requis d’ici 2020 • la liaison ferroviaire Lyon-Mulhouse qui doit se connecter à l’axe Bâle- pour financer les 30 projets prioritaires du réseau transeuropéen ? Et ce n’est Duisburg-Rotterdam/Anvers ; que la pointe de l’iceberg, puisque le coût de l’ensemble du réseau transeuropéen • la liaison Tours-Bordeaux-Vitoria-Madrid. dans l’Europe élargie dépasse les 600 milliards d’euros, d’après les dernières mises à jours. Qui peut payer? On retrouve aussi le projet de lancer des autoroutes de la mer notamment de la mer de l’Ouest (via l’Arc Atlantique) et de la mer du Sud-Ouest de l’Europe 1. Le contribuable national ? (Méditerranée occidentale). C’est une innovation très importante pour l’Union Les marges budgétaires existent si la volonté politique est là. Mais les Etats membres européenne qui pour la première fois reconnaît que des aides peuvent être invoquent le Pacte de stabilité et de croissance pour repousser ou abandonner nécessaire à ces autoroutes de la mer exactement comme pour les infrastructures des projets prioritaires pour l’Union, en préférant des investissements à plus court terrestres que sont les autoroutes et les voies ferrées. terme et avec des retombées nationales plus directes.

Mais il ne suffit pas de déclarer l’intérêt européen des grands projets pour qu’ils On peut se demander toutefois si 0,16% du PIB en dépense annuelle -que voient le jour. Il faut trouver les financements –j’y viendrai tout à l’heure– mais il représentent les projets prioritaires- menacerait l’équilibre du Pacte de stabilité et faut aussi des dispositifs organisationnels et de coordination qui pour l’instant au de croissance. On a tendance à souvent oublier le volet Croissance du Pacte. Or niveau européen manquent. La décision introduit à cet égard deux nouveautés : selon les études de la Commission, la réalisation de ces projets et des réseaux dans • Pour renforcer la coordination entre les Etats membres et en finir avec les nouveaux Etats membres créerait un surplus de croissance économique de 0,2 l’attitude consistant à laisser le voisin le soin d’investir le premier, la à 0,3 du PIB dans l’Union européenne (meilleure accessibilité, effets de réseaux), Commission peut nommer un coordonnateur européen pour certains et ce en plus des réduction de pollution et de congestion.

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Dans le cadre de la révision des règles de mises en œuvre du Pacte de stabilité et également la coordination entre les États membres et aide à assurer le respect de croissance, certains évoquent l’idée de déduire les dépenses militaires ou de des règles communautaires. recherche et développement. Bien que le groupe n’ait pas voulu prendre position sur cette question, il me semble –à titre tout à fait personnel et je l’avais écrit à De nouvelles règles pour l’octroi de subventions RTE-T ont été adoptées en avril Mme de PALACIO- qu’avant de discuter de ces idées, il faudrait au moins discuter 2004 par le Conseil et le Parlement. Le budget RTE peut maintenant, du moins en de celle de déduire les dépenses dans ces projets prioritaires qui eux au moins théorie, cofinancer jusqu’à 20% du coût pour les sections des projets prioritaires sont parfaitement connus et déjà déclarés d’intérêt européen par le Parlement transfrontaliers ou traversant des barrières naturelles. et le Conseil. Cela est très positif, mais totalement inutile aussi longtemps que le budget disponible total n’aura pas été augmenté: le budget RTE –T actuel de 700 millions d’euros par 2. L’usager ? an jusqu’en 2006 est dérisoire ! Il ne fait aucun doute que l’usager doit être appelé à contribuer davantage au financement des infrastructures. Selon les estimations de la Commission, c’est de Je veux donc souligner ma satisfaction avec les propositions faites par la Commission l’ordre de 20% que les usagers pourraient apporter au total. le 14 juillet dernier pour les nouvelles perspectives financières pour 2007-2013. • Mais il faut d’abord que la Communauté se dote de règles communes en En effet, la Commission propose une révision importante du budget pour le réseau matière de tarification de l’usage des infrastructures. C’est ce que vise de transport transeuropéen et des règles pour l’octroi de l’aide financière. Le la proposition adoptée par la Commission en juillet 2003 sur la taxation règlement prévoit un budget communautaire de 20 milliard d’euros pour soutenir des poids lourds (directive Eurovignette) qui affecte les recettes de péage le réseau du RTE-T (2007-2013) : il s’agit d’un montant quatre fois plus élevé que aux transports, et en les encadrant, permet des financements croisés à le budget actuel. partir des péages routiers pour construire de nouvelles infrastructures dans des zones sensibles. Or, force est de constater que la proposition La proposition vise aussi à renforcer l’effet de levier communautaire : les subventions de la Commission est, pour l’instant, loin de faire l’unanimité parmi les octroyées pourront aller jusqu’à 50% des coûts des projets transfrontaliers Etats Membres. prioritaires et des projets liés au déploiement des systèmes interopérables, de • Vu l’apport théorique des usagers, on peut songer à faire appel aux capitaux sécurité et de sûreté, comme incitation dans des cas exceptionnels. privés. Mais 80% des projets prioritaires sont des projets ferroviaires Ces aides viendront s’ajouter évidemment aux fonds structurels et de cohésion, et il ne serait pas honnête intellectuellement d’accréditer l’idée que le qui continueront à cofinancer les infrastructures de transport dans les pays et les secteur privé est prêt à investir spontanément dans les infrastructures régions éligibles. ferroviaires tant que les compagnies ferroviaires continuent à être gérées comme elles le sont. La poursuite de politique ferroviaire européenne Je saisis cette occasion pour exprimer mon soutien total à ces propositions. Mais est donc déterminante. Par ailleurs vu la nature à très long terme de ce elles doivent être décidées par les autres institutions et avoir l’appui des Etats type de projet, des garanties d’emprunts doivent pouvoir être octroyées membres, or j’observe que six d’entre eux -dont la France- déclarent vouloir limiter plus facilement au niveau européen. les dépenses de l’Union à 1% du PIB (au lieu de 1,15%). Certaines dépenses comme l’agriculture étant figées, je crains qu’une telle limite -si elle se confirmait- se fasse 3. Le contribuable européen ? au préjudice des politiques nouvelles importantes pour la croissance comme le Le budget de l’Union devrait pouvoir se substituer aux financements nationaux réseau transeuropéen. défaillants, au moins pour les tronçons transfrontaliers, qui sont les premiers sacrifiés par les Etats, des projets prioritaires. Le financement communautaire a Malheureusement, si je soutiens la proposition de la Commission, je suis pessimiste l’avantage d’être plus stable dans le temps que les budgets nationaux. Il encourage et je pense qu’on ne répondra pas au niveau du Conseil à l’attente du groupe de

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 62 Les grands cadres actuels de la politique des transports et de leur financement - Débat travail pour donner suffisamment de moyens à l’Union européenne pour qu’elle u Débat puisse stimuler davantage les priorités au niveau des infrastructures de transport. Le rôle de l’Europe est appelé à croître pour compenser le déficit de structures François GROSRICHARD, journaliste au Monde dans le marché unique. L’Etat, l’Europe ou RFF seuls ne peuvent plus tout financer. Nous sommes obligés de coopérer. Claude LEVI STRAUSS disait ainsi : « le moi n’est pas seulement haïssable, V. Conclusions il n’a pas de place entre un nous et un rien » Nous avons besoin d’un « nous », financier, économique et bancaire pour mener à bien les projets proposés. J’en viens à conclure. Les investissements dans les infrastructures de transport, dans le réseau Jean GUENARD, président de CEVM transeuropéen de transport, sont clé pour le bon fonctionnement du marché J’appartiens à Eiffage. Merci au Vice-Président de la BEI pour ses aimables propos intérieur, tout en améliorant la cohésion du territoire et, en conséquence, en concernant Millau. Le projet était facile car le volume financier de l’ouvrage favorisant la compétitivité et la croissance de l’Union européenne. Malgré le travail permettait de le faire. Je remercie Karel Van MIERT pour sa franchise. Nous législatif réalisé en 2003 et 2004, un travail important reste à faire pour régler le commençons à vivre la belle aventure de Perpignan Figueras. Nous rencontrons des problème des financements. problèmes de langues, de cultures, de règles et de lois. Le Groupement européen d’intérêt économique a été créé pour ce faire. Malheureusement, le GEIE ne Mais peu à peu, outre la question de construire et de financer les infrastructures de répond pas à tous les besoins. Nous sommes obligés de créer socialement deux transports, se pose au niveau européen de plus en plus la question de la régulation établissements. Les règles fiscales, la TVA, l’impôt sur les bénéfices sont différents. du réseau transeuropéen, autrement dit harmoniser les règles de circulation et Nous avons pourtant la prétention de faire des équipes mixtes. 90% du tunnel se d’exploitation sur le réseau transeuropéen par exemple dans le domaine des trouve en France. Nous allons travailler depuis l’Espagne. Il semble que nous devions contrôles et des sanctions. Un vaste chantier en perspective pour, en fait, faire un changer les règles de fonctionnement en passant la frontière. Nous avons besoin réseau « fédéral », même si le mot effraie. que la Commission européenne travaille à une harmonisation.

Je vous remercie. Karel Van MIERT, ancien vice-président de la Commission européenne Quand Jacques DELORS m’a confié le portefeuille des transports, il m’a demandé de m’occuper des infrastructures. J’ai répondu que les gouvernements s’y opposaient. Le traité de Maastricht a fait en sorte que la Commission européenne fasse partie du jeu. Face aux nombreuses difficultés financières, procédurales ou culturelles rencontrées, nous souhaitons nous donner les moyens d’y remédier. La subsidiarité reste au centre de nombreuses décisions. Beaucoup de gouvernements refusent d’aller plus loin que la création d’un coordonnateur. Celui-ci devrait avoir les moyens de donner un avis négatif si les autorités ne coopèrent pas suffisamment. La grande question est de savoir si nous admettons la création d’une société européenne harmonisée. Malheureusement, je ne peux pas vous garantir que nous aurons cet instrument d’ici quelques années.

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Jean GUENARD, président de CEVM Bernard SELIGMANN, membre du CGPC Pour pallier ces difficultés réelles, soulignons la volonté commune de la CIG, de la Monsieur Van MIERT a parlé du casse-tête du financement. Je me demande si nous Commission de contrôle et de la Commission de suivi, comme des Etats. ne facilitons pas le règlement de ce casse-tête en choisissant des bons projets bien étudiés, peu chers, et qui rapportent beaucoup car il n’existe que peu de clients Karel Van MIERT, ancien vice-président de la Commission européenne au final qui pourront en payer le prix. Un ministre nous a reproché à l’occasion de Monsieur Jacques BARROT nous invite à utiliser les instruments créés. l’audit des grandes infrastructures d’avoir supprimé le rêve pour les politiques. Je me demande si nous pouvons nous payer le prix du rêve aujourd’hui. Je pose cette Jean-Christophe GALLICIAN question aux pouvoirs politiques. Monsieur MUSTIER a évoqué le risque trafic. Avez-vous pris en compte cette notion dans la sélection des 30 grands projets choisis parmi les 100 proposés ? Karel Van MIERT, ancien vice-président de la Commission européenne Les projets repris dans la liste sont importants. Depuis plus de dix ans, nous Karel Van MIERT, ancien vice-président de la Commission européenne discutons de la construction d’un tunnel dans les Alpes que tout le monde reconnaît Il fallait en premier lieu que le projet soit rentable. S’il ne l’était pas, il fallait le comme nécessaire. Si vous avez une solution, nous attendons toujours de bonnes préciser. Nous souhaitons que la prochaine fois, la BEI fasse une étude de rentabilité idées. avant qu’un groupe à haut niveau discute des priorités. Il faut prendre en compte la dimension cohésion comme l’aspect environnemental des projets, ce qui constitue Noël DE SAINT PULGENT, inspecteur général des finances une question politique. Récemment, l’Institut Montaigne qui comprend quelques-uns des plus grands patrons français, a publié un opuscule intitulé « comment restaurer la compétitivité François GROSRICHARD, journaliste au Monde en Europe ». Il s’agit de satisfaire l’ambition de Lisbonne de faire de l’Europe la Nous pouvons poser la question à Monsieur Mustier : est-ce que les capitaux première économie de la concurrence en 2010. La dernière proposition consiste privés peuvent s’intéresser à un projet pour autre chose que sa rentabilité à dire qu’il ne faut surtout pas faire le programme FASTRA qui est le programme financière ? d’accélération des infrastructures. Même si ces projets sont utiles, et ils le sont, comme nous sommes dans un système de pénurie budgétaire, il vaut mieux investir Jean-Pierre MUSTIER, directeur général, Société Générale davantage dans la formation des jeunes et dans l’économie de la connaissance. Si ces C’est une bonne question à laquelle je réponds par l’affirmative, à condition que projets n’ont pas été concrétisés, c’est peut-être parce que d’autres, plus urgents, le projet ait suffisamment de subventions pour en assurer la viabilité. Nous avons ont pris leur place. L’opuscule fait toutefois exception des projets transfrontaliers. une politique et une déontologie qui nous amènent à nous intéresser à des projets Francis MER disait ainsi que nous devions être compétitifs sur ce qui fait la différence, sociaux et surtout à refuser de participer à des projets contraires à une bonne c’est-à-dire l’économie de la connaissance. éthique. Karel Van MIERT, ancien vice-président de la Commission européenne François GROSRICHARD, journaliste au Monde Certaines études parviennent à d’autres conclusions. Durant de nombreuses Nous pourrions envisager que les banques aient un comportement citoyen et ne années, un manque d’investissement a touché les infrastructures. S’il faut bien sûr recherchent pas toujours une rentabilité de 12 à 13 %. investir dans la recherche et le développement, nous aurions pu nous interroger Jean-Pierre MUSTIER, directeur général, Société Générale depuis longtemps sur l’utilité de consacrer tant d’argent à l’agriculture plutôt que Je n’irai pas jusque là : nous avons besoin d’une rentabilité adéquate qui satisfasse de l’investir ailleurs. Il semble que nous ne soyons pas encore prêts à le faire. Nous nos clients et nos actionnaires. Nous arrivons parfois à faire converger ces intérêts n’avons pas encore créé l’environnement nécessaire pour que les projets jouent divergents. un rôle vraiment important au sein de l‘Union européenne.

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 64 Les grands cadres actuels de la politique des transports et de leur financement - Débat

François GROSRICHARD, journaliste au Monde Nous allons clore la quatrième partie des débats afin de conclure cette journée. Nous accueillons Hugues de Jouvenel pour une vision prospective à l’horizon 2050. Comme l’a dit Woody Allen : « Nous devons tous nous intéresser au futur car nous sommes condamnés à y passer le reste de notre vie ».

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N’oublions jamais que le futur n’émerge pas du néant, qu’il s’enracine dans le 8 présent. Tout commence donc par la représentation collective que nous sommes 8 capables de nous forger de la situation actuelle au travers de sa dynamique temporelle longue, donc par notre aptitude à nous forger une opinion aussi pertinente que possible sur ce que l’on appelle souvent : Conclusion • d’un côté les tendances lourdes telles que le vieillissement démographique, en forme de prospective la dématérialisation des économies modernes, la mondialisation et, par une vision prospective voie de conséquence, la montée d’une concurrence de plus en plus à l’horizon 2050 importante non seulement entre les entreprises mais également entre les territoires ; Hugues de JOUVENEL, Directeur général de Futuribles • d’un autre côté ce que Pierre MASSE appelait déjà les « idées et faits porteurs d’avenir », ce que l’on qualifie aujourd’hui de signaux faibles, C’est un grand honneur pour moi d’avoir été invité à la célébration du bicentenaire à charge pour nous -et ce n’est pas le plus simple- de fait le tri entre du Conseil général des Ponts et Chaussées pour y intervenir, non sur son histoire, les phénomènes à caractère purement conjoncturel et ceux qui sont mais sur son rôle dans la construction de l’avenir. Sans doute est-ce en raison annonciateurs de développements durables. Par exemple, vient ici à des travaux que nous avons eu le privilège de mener avec la 4e section sur la l’esprit l’embellie de croissance économique que nous avons connue à la prospective des transports à l’horizon 2050. Je vous remercie de m’avoir permis fin des années 90 et la controverse qui s’est alors instaurée entre ceux qui ici rapidement de l’évoquer. l’interprétaient comme le signe annonciateur d’un nouveau Kondratieff ascendant et ceux, dont nous étions à Futuribles, qui estimaient qu’il ne Trop nombreux sont nos contemporains qui se positionnent en spectateurs de s’agissait que d’une embellie passagère. l’histoire. Insuffisamment nombreux sont ceux qui entendent en être les acteurs • Enfin restent des incertitudes majeures telles que l’évolution des prix et, parmi ceux-là, rares sont ceux qui, ne se contentant point d’être gestionnaires, des hydrocarbures ou le développement scientifique et technologique s’efforcent d’être de véritables stratèges. et la probabilité d’avènement, à quel horizon temporel, de substituts aux énergies fossiles. Comme vos célèbres prédécesseurs, vous avez vocation à être des bâtisseurs d’avenir et donc, à l’image du navigateur, vous devez simultanément user avec Une fois diagnostiquée correctement la dynamique actuelle, il faut explorer le adresse de deux instruments complémentaires mais différents : spectre des futurs possibles. En cette matière existent incontestablement deux • de la « vigie » (à laquelle on se réfère désormais en parlant de veille ou écoles de pensée : l’une, chère aux statisticiens et prévisionnistes, qui consiste à d’intelligence stratégique) et de la prospective dite exploratoire qui doivent penser que demain diffèrera d’aujourd’hui comme aujourd’hui diffère d’hier, que vous permettre d’essayer de discerner ce qui peut advenir, quels sont les les mêmes choses changeront toujours de la même manière, au même rythme et futurs possibles qui peuvent découler de la situation actuelle, les enjeux dans le même sens selon des « lois » immuables. Ainsi les tenants de cette école majeurs à moyen et à long terme qui y sont liés ; useront-ils d’extrapolations plus ou moins raisonnées et, notamment, de modèles • du « gouvernail », en ne vous trompant pas sur vos réelles marges de économétriques de plus en plus sophistiqués. manœuvre, en vous interrogeant cette fois sur les futurs souhaitables et finalement la vision, ou le projet, qui vous anime, et enfin la stratégie N’oublions jamais ce qu’est un modèle économétrique. Il s’agit d’une représentation, permettant de le réaliser. à l’aide d’un système d’équations, de la manière dont un sous-système, que l’on a plus ou moins artificiellement isolé de son contexte, a fonctionné dans le passé,

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 66 Conclusion en forme de prospective : Une vision prospective à l’horizon 2050 modèle dont on se servira par la suite pour réaliser des simulations qui comportent les retenir… Bref, à nouveau, beaucoup de variables à caractère qualitatif souvent trois faiblesses essentielles : La première tient à l’hypothèse implicite que le sous- tout aussi importantes, sinon davantage que celles sur lesquelles nous disposons système sera pérenne dans le temps, qu’il n’y aura donc pas, par exemple, d’effets de chiffres auxquels on accorde trop souvent une importance excessive. de seuil au-delà desquels la morphologie du système se modifierait en profondeur. La seconde résulte de l’hypothèse que « tout reste égal par ailleurs » et qu’aucune Ajoutons que, contrairement à une idée hélas très répandue, notamment chez les variable externe ne fera irruption dans le système, en modifiera donc la morphologie économistes, les êtres humains ne fonctionnent pas de manière rationnelle et donc et la physiologie. La troisième résulte évidemment du fait que si les hypothèses que le principe de cohérence a priori jette un doute sur la fiabilité de méthodes d’entrée sont simplistes, arbitraires ou erronées, les prévisions -quoique vêtues dites scientifiques d’exploration de l’avenir. d’un voile de scientificité- seront tout aussi simplistes, subjectives et arbitraires que les hypothèses d’entrée. La seconde école, celle qui se réclame de la philosophie et de la démarche Que l’on utilise de tels modèles de prévision lorsque l’on raisonne à court ou prospective, recourt bien souvent à l’élaboration de scénarios contrastés, repose moyen terme peut se justifier. En revanche, méfions-nous, surtout lorsqu’on raisonne sur un parti pris radicalement différent. Les tenants de celle-ci, préférant une à long ou très long terme, de l’idée sous-jacente selon laquelle tout se répète à approximation exacte à une précision fausse, s’inspirent de l’analyse systémique et l’identique à l’infini sans discontinuités ni ruptures, certaines dont nous risquons entendent prendre en compte, ou essayer de le faire, toutes les variables entrant d’être les victimes, d’autres dont nous serons nous-mêmes les acteurs. en ligne de compte, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives, ainsi que les phénomènes de discontinuité et de rupture qui -rappelons-le- peuvent être subis De graves erreurs sont souvent commises en la matière quant à l’appréciation des (par exemple le changement climatique) ou délibérément provoqués (par exemple inerties et des changements. Par exemple, en matière démographique, l’on considère la réalisation d’un réel réseau transeuropéen de transport). souvent à tort que les inerties sont telles que l’on peut faire des projections sans grand risque d’erreurs y compris à long terme. Or, s’il est évident que nous héritons Les prospectivistes usent souvent de la méthode des scénarios qui, ne l’oublions d’une population que nous pouvons dénombrer dont nous pouvons connaître la jamais, sont des histoires de futurs possibles composées d’une base (la situation répartition par âge et par sexe, il est non moins évident que les évolutions à venir actuelle), de cheminements et d’images finales. dépendront de trois variables -la fécondité, l’espérance de vie et le solde migratoire- dont on connaît fort mal les déterminants et sur lesquelles, en conséquence, l’on Ne tombons pas dans le piège qui fut celui de la Datar lorsqu’elle nous proposa est enclin à adopter des hypothèses souvent éminemment simplistes et discutables, quatre images de la France en 2020 sans nous informer le moins du monde sur surdéterminées par les observations plus ou moins fiables du passé. la manière d’y parvenir, donc sur les cheminements qui pouvaient y conduire. N’oublions pas non plus que lorsqu’on élabore des scénarios, ceux-ci à l’évidence ne Ainsi suis-je enclin à penser que les projections démographiques, contrairement à sont pas équiprobables à chaque instant, qu’ils n’ont pas non plus la même espérance une idée fort répandue, sont empreintes d’une incertitude non négligeable : d’environ de vie, que l’on ne va pas basculer par enchantement du jour au lendemain d’un 10% à dix ans, 20% à vingt ans et peut-être 100% à l’horizon d’une espérance de vie scénario souvent qualifié de tendanciel à un scénario contrasté. Il s’agit donc de humaine. Si, partant de là, je m’intéresse au nombre et à la composition des ménages, construire une réelle arborescence des futurs possibles non pas d’ailleurs pour je devrais faire des hypothèses sur l’évolution de l’emploi, sur l’attitude des jeunes conduire au choix de celui-ci ou de celui-là mais pour éclairer, à la lumière de ces vis-à-vis du travail, sur les qualifications acquises et requises… , autant de variables futuribles, quels sont les enjeux à moyen et à long terme auxquels nous risquons dites molles qui seront déterminantes quant à l’âge d’entrée en activité des jeunes de nous trouver confrontés. générations. A l’autre extrémité de la vie active, se poseront de la même manière des questions concernant l’évolution des aptitudes tout au long du cycle de vie, la C’est en s’appuyant sur une telle démarche que, avec la 4e section du Conseil propension des seniors à se maintenir en activité et la capacité des entreprises à général des Ponts et Chaussées, nous avons conduit une prospective des transports

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à l’horizon 2050. Aussi bien des transports de personnes que de marchandises, non seulement dans le cadre étroit de l’Etat nation mais dans un cadre géographique plus large, celui de l’Europe, voire du monde. Et en tenant compte à la fois de la dynamique de l’offre mais aussi de celle de la demande ou, mieux encore, des besoins. Soulignons la vertu et les limites de ces scénarios qui sont en voie d’achèvement. Aucun d’entre eux n’a vocation à préfigurer exactement l’avenir. Ils ont vocation tous ensemble à éclairer le spectre des possibles et, surtout, les enjeux à long terme auxquels nous risquons d’être confrontés. Ils sont bâtis autant que possible en évitant tout jugement de valeur. Il s’agit là d’un travail à caractère exploratoire qu’il convient de bien distinguer d’un autre registre : celui de la construction du futur, donc de la représentation que vous pourriez vous forger d’un avenir souhaitable et réalisable, dont j’aime à dire qu’il s’agit d’un rêve passé au crible de la raison (une étude de faisabilité) qui implique donc un choix politique et donc idéologique. A ce stade, trois questions essentielles inéluctablement se poseront : • Quelles sont vos marges de manœuvre et comment celles-ci peuvent- elles évoluer y compris, par exemple, à la lumière de la répartition des compétences entre les acteurs publics et privés, des ressources disponibles, des technologies mobilisables… ? • Quelle est votre conception des différents avenirs souhaitables et, en définitive, le projet résultant, soulignons-le, d’un choix politique au sens le plus noble de ce terme ? • Quelle est enfin la stratégie qui pourrait être adoptée pour atteindre cette objectif à l’horizon 2050, donc le compte à rebours des actions à entreprendre, par qui et à quel moment, pour le réaliser ? Ensuite restera l’épineuse question du passage à l’action, donc de la capacité des hommes et des organisations à se mobiliser autour d’une vision commune d’un avenir souhaitable, mobilisation qui doit être suffisante pour surmonter les rigidités et les inerties qu’on aurait tort de sous-estimer. Et, là encore, -pardonnez-moi de le répéter- la mobilisation collective des compétences, des intelligences, des énergies -toutes choses que l’on peut difficilement mettre en équation- s’avèrera sans doute plus déterminante qu’une variation, fut-elle importante, dans ce que vous aimez mettre en équation.

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 68 Intervention de Jacques BARROT

l’un des pays européens qui possède le taux le plus élevé d’investissements directs étrangers. Selon nombre d’entrepreneurs, cet attrait est en grande partie lié à la 9 9 qualité exceptionnelle de ses infrastructures et de ses réseaux de transport. Sûrs, rapides, efficaces, à la pointe du progrès technique, ils permettent de relier en quelques heures n’importe quel lieu du territoire national. Ces infrastructures Intervention de Jacques BARROT favorisent les échanges entre les acteurs économiques et dynamisent notre commissaire européen aux transports économie.

Mais l’excellence ne suffit plus. Aujourd’hui, le corps de bâtisseurs que vous êtes se Mesdames et Messieurs, doit de raisonner davantage à une échelle européenne et non plus nationale. Nous avons besoin d’une pensée européenne pour résoudre le problème, par exemple, Je suis heureux de pouvoir m’exprimer devant votre prestigieuse institution qui de la desserte de Strasbourg. depuis deux cents ans est au cœur de tous les grands projets d’infrastructure et de développement. Mes débuts en tant que secrétaire d’Etat au logement ont été Pour l’implantation du troisième aéroport parisien dont je ne sais pas à ce stade si facilités par la présence au ministère de toutes les forces intellectuelles des Ponts les besoins se feront sentir à terme, une chose est sûre : ce type d’investissement et Chaussées. J’ai appris ce qu’était une institution animée par le sens du devoir ne peut se décider sans concertation avec les pays voisins de la France qui ont aussi envers l’Etat. de grands aéroports. Mais d’autres voies peuvent aussi être explorées. La croissance du trafic pourrait en effet être largement absorbée en développant des alliances J’aime également cette institution qu’est le Conseil économique et social, où avec d’autres hubs européens comme celui de Schipol à Amsterdam. le dialogue social est pratiqué quotidiennement sous l’impulsion de l’excellent président Jacques DERMAGNE que je salue Comme vous le voyez, la dimension européenne est aujourd’hui une donnée essentielle de la problématique des infrastructures de transport. Elle permet, par Je tiens à réaffirmer à Karl Van MIERT en ce jour où je suis investi comme grand une gestion coordonnée avec nos partenaires et voisins, de maximiser l’efficacité commissaire combien il laissera de marques prestigieuses en Europe tant dans de l’ensemble de nos infrastructures (et de l’argent public). le domaine des transports que dans celui du marché intérieur ou des politiques communautaires. En charge de la Haute-Loire, je n’ai eu de cesse d’ouvrir ce Je voudrais à ce propos rendre hommage à Monsieur Claude MARTINAND, vice- département et je suis fier de lui avoir permis d’avoir un solde migratoire positif président du Conseil général des Ponts et Chaussées, qui fut l’un des premiers à et un taux de chômage de 6%. comprendre la nécessité de penser et d’agir au plan communautaire en matière d’infrastructure. En précurseur, il a pris l’initiative il y a dix ans, de créer une structure Concepteurs et constructeurs visionnaires, les ingénieurs des Ponts et Chaussées permettant aux différentes fédérations du secteur français de la construction, de ont, avec un savoir-faire reconnu dans le monde entier, contribué au rayonnement l’aménagement et des travaux publics, d’être directement représentées à Bruxelles économique de la France en élaborant des projets d’infrastructure ambitieux, en partenariat avec le ministère, mais indépendamment de la représentation s’inscrivant dans un schéma d’aménagement du territoire. permanente de l’Etat. Pourtant, si la France possède un corps d’ingénieurs talentueux entièrement Reprenant le titre que vous avez donné à cette journée « transports et réseaux : dévoués à son service, j’entends souvent parler de son déclin et du repli de son continuités et ruptures », je voudrais vous dire pour mon premier discours comme influence économique. Ces assertions contrastent avec le fait que la France est vice-président chargé des transports, quelles seront mes priorités.

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I. La continuité dans l’action de la Commission en européen dans son ensemble. Pour atteindre un objectif aussi ambitieux, il faudra faveur de la politique des réseaux de transports aussi développer des connexions avec nos nouveaux voisins à l’est et au sud de l’Europe. Un nouveau Groupe à Haut Niveau sera donc chargé d’identifier les Mon action s’inscrira bien sûr dans la continuité de l’action de mon prédécesseur, projets prioritaires pour réaliser un réseau paneuropéen d’infrastructure. Madame de PALACIO. A l’heure où l’Union européenne s’élargit, le marché des transports change de taille II. Une rupture dans certaines de nos pratiques et s’agrandit. Ouvrir le marché européen des transports ce n’est pas seulement achever le marché intérieur pour mieux réduire les disparités entre les différents La politique européenne des transports passe aussi par une rupture importante modes de transports, mais c’est aussi s’adapter à ce changement de taille. Si le et salutaire avec certaines pratiques. marché n’est pas une fin en soi, la concurrence est un élément fondamental du progrès. Je pense bien sûr au transport de passagers par chemin de fer. n Tout d’abord je veux établir une rupture dans le financement des infrastructures. Il faut donner une véritable dimension budgétaire à la politique des transports. La sécurité routière sera l’une de mes priorités. Nos concitoyens attendent, dans Il faut que les Etats Membres, et notamment la France, passent de la parole aux la mondialisation, des espaces de sécurité. Nous avons encore 40 000 morts sur actes en matière de réseaux transeuropéens. Ils doivent se donner les moyens nos routes et nous parions sur une réduction de moitié d’ici 2010. Je veux saluer budgétaires de leurs ambitions. C’est tout le sens de la proposition des perspectives ici les excellents résultats obtenus et l’expérience acquise par le ministre des financières adoptées par la Commission le 14 juillet dernier. transports monsieur Gilles de ROBIEN. Je ferai un bilan à mi-parcours des résultats Je demande que la proposition de la Commission européenne de multiplier par obtenus par les Etats et proposerai de nouvelles mesures Il faut bien sûr assurer quatre le budget communautaire consacré aux transports soit soutenue par les les investissements pour atteindre ces objectifs. Etats membres. Je compte sur vous pour que cette demande soit relayée auprès des autorités gouvernementales, notamment de celles de ce pays. L’acquis en matière de sécurité aérienne, maritime et ferroviaire a beaucoup Le renforcement de la dimension budgétaire de la politique des transports passe progressé ces dernières années en Europe. Je veillerai à ce que les trois agences également par le rééquilibrage des taux de cofinancement communautaire des de sécurité mises en place grâce aux efforts de madame de PALACIO, disposent grands projets entre les taux pratiqués dans le cadre de la politique de cohésion de tous les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement. Surtout, je n’attendrai qui peuvent aller jusqu’à 85 % et ceux encore trop bas, limitant à 10 ou 20% le pas la prochaine marée noire pour poursuivre les Etats qui n’appliquent pas les soutien octroyé dans le cadre des Réseaux transeuropéens de transports (RTE). règles que l’Union européenne s’est données pour renforcer la sécurité maritime. Dans certains pays de l’Est, certaines infrastructures sont la condition première A ce sujet, sans doute faudra-t-il compléter les règles déjà imposées aux Etats du de la productivité. Par exemple, un article soulevait récemment les difficultés pour port en renforçant les obligations incombant aux Etats du pavillon. se rendre de Bratislava à Vienne. Il faut additionner le budget européen, l’effort des Etats membres, la politique de cohésion et même l’action de la BEI. Nous La continuité dans l’effort pour connecter les réseaux de transports des 15 à celui devrions parvenir à un rééquilibrage des taux communautaires pour dépasser des 10 nouveaux Etats Membres sera mise en œuvre. Je saisis cette occasion pour les10 à 20% qui se révèlent souvent insuffisants pour servir de leviers. Je compte saluer le travail accompli brillamment par Karel Van MIERT qui a servi de base à sur vos réflexions pour parvenir dans ces sociétés qui ne pensent pas au futur à l’identification de 30 projets prioritaires d’intérêt européen. Je souhaite poursuivre obtenir l’épargne nécessaire. la mise en place des réseaux transeuropéens à l’échelle d’une Europe élargie. n Dans ce contexte, je souhaite renforcer l’attention portée aux infrastructures L’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux, ainsi que l’accès à transfrontalières. ces réseaux sont des éléments majeurs de la continuité territoriale du continent Si les RTE ont pris du retard dans leur mise en œuvre aujourd’hui, c’est parce que

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 70 Intervention de Jacques BARROT les projets transfrontaliers ne sont pas assez considérés comme prioritaires par directe des recettes des transports vers la construction d’infrastructures. les Etats alors qu’il s’agit en fait des tronçons qui amplifient la valeur ajoutée des Je me réjouis d’ailleurs que la France ait décidé de créer une agence qui affecte les réseaux nationaux en les connectant les uns aux autres. dividendes des sociétés d’autoroute aux financements d’infrastructures dans les Je comprends le réflexe des Etats d’allouer en priorité les fonds disponibles aux autres modes de transports. Dans ces conditions, je regrette un peu que la France projets qui ont un intérêt national. Le TGV Est n’a pourtant de sens que s’il est ait été parmi les Etats membres opposés à ce principe d’affectation obligatoire connecté sur l’ICE allemand. Je suis prêt à débloquer un financement de cette des recettes de l’Eurovignette aux infrastructures de transports, lors du dernier connexion dès lors que la France et l’Allemagne se seront engagées sur un calendrier Conseil Transports. de réalisation de ce tronçon et auront permis l’adoption du cadre financier pour 2007-2013. III. Conclusion En tout état de cause, il faut que la Commission concentre son attention sur les points névralgiques de ce réseau européen que sont les volets transfrontaliers. Comme Karel Van MIERT, vient de le souligner, les infrastructures de transports et Je veillerai donc personnellement à maintenir les Etats sous pression, à les aider les réseaux transeuropéens sont l’une des clés du bon fonctionnement du marché aussi, pour garantir l’avancement concret des projets. Je travaillerai notamment à commun et de la croissance européenne. Malgré les efforts considérables entrepris la mise en place d’une agence européenne de coordination des financements des jusqu’ici, il reste un immense chantier à terminer. RTE qui devrait nous aider dans ce sens. Dans ce contexte, l’action de la Commission ne doit pas se résumer à l’adoption n Il faut également accentuer le rééquilibrage des modes de transports. Dans ce de nouvelles directives et règlements. Il ne sert à rien de doubler l’acquis tous les domaine, j’espère que nous pourrons passer de la parole aux actes. Depuis de cinq ans s’il n’est pas appliqué. J’attacherai une importance toute particulière au nombreuses années, l’Union, les Etats et la Commission proclament qu’ils vont agir contrôle et à la mise en œuvre effective des règles existantes. pour rééquilibrer les modes de transports. Il y a déjà des inflexions perceptibles dans le transport des passagers. Mais pour les marchandises, le succès grandissant Mon action visera aussi à développer la valeur ajoutée communautaire en incitant de la route a pour conséquence une double aggravation de la congestion et de la les Etats à soutenir de grands projets tournés vers l’innovation technologique. Le pollution. programme de radionavigation par satellite Galileo, ou bien les projets Sésame de Je veux promouvoir les transports en commun ainsi que les modes de transports gestion du trafic aérien ou encore ERTMS pour le trafic ferroviaire, témoignent en plus respectueux de l’environnement. Je ne veux pas une politique contre les effet de la vitalité et du potentiel de la coopération technologique au niveau européen. camions mais plutôt une politique pour développer des alternatives à la route. Quand je vois que Saint-Etienne n’a toujours pas de liaison moderne avec Lyon, je La politique des transports que je souhaite pour l’Europe ne sera donc pas constate l’absence de décision en ce domaine. seulement normative. Ce doit être aussi une politique budgétaire et une politique Je souhaite poursuivre les négociations sur la directive Eurovignette. Au-delà, je industrielle et technologique. veux reprendre la réflexion sur l’intégration des coûts externes dans une politique tarifaire adaptée à chaque mode de transports et qui augmentera notamment la Comme vous le voyez, je ne manque, ni d’ambition, ni d’énergie pour les années contribution des usagers. à venir. Cependant, pour réussir, j’ai besoin de partenaires prêts à s’engager aux La politique des transports exige du réalisme. Si nous voulons nous doter de côtés de la Commission. Les Etats Membres doivent donner à la Commission les réseaux de transports efficaces avec un impact environnemental réduit, il faut en moyens financiers de leurs ambitions. On ne peut pas espérer connecter l’ensemble payer le prix. d’un continent à un même réseau sans un engagement financier à la hauteur. On Bien qu’il faille trouver un compromis avec l’ensemble des Etats membres, je continue ne peut pas développer le rail sans financer l’interopérabilité. à penser qu’il faudra que nous nous orientions vers une affectation de plus en plus

71 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Les partenaires financiers, aux premiers rangs desquels la Banque européenne d’Investissement, doivent eux aussi prendre des risques pour nous aider à mener à bien des projets à forte valeur ajoutée communautaire.

Enfin, je sais que je peux compter sur le prestigieux corps des Ponts et Chaussées qui est aussi bien représenté à Bruxelles qu’à Paris, car vous connaissez mieux que quiconque l’impact concret que peut avoir le développement des réseaux de transports sur la vie de nos concitoyens.

La politique des transports est l’ouverture vers les autres et vers le futur grâce à des infrastructures lourdes. Vous m’avez donné les uns et les autres le désir de participer aux grandes politiques de transport qui restent essentielle à l’avenir de l’humanité. C’est grâce à la route que a répandu une civilisation. Il faudra toujours des routes et des chemins pour aller vers l’autre.

Je vous remercie.

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 72 Clôture du Colloque

exerçant des responsabilités importantes. Nous allons réfléchir à la manière de maintenir ou développer une expertise pour les pouvoirs publics, l’ensemble du 10 10 pays et les autorités européennes. Concernant la question de la confiance des citoyens par rapport à un minimum Clôture du Colloque d’approche rationnelle, il faut dépasser le scientisme, une techno-science triomphante que nous aspirons à dépasser parce que nous ne souhaitons pas rester Claude MARTINAND, vice-président des technocrates. Les questions auxquelles nous sommes confrontés exigent que du Conseil général des Ponts et Chaussées la légitimité de nos actions se crée à travers le débat public et démocratique. Il nous faut apprendre à communiquer. Nous sommes impressionnés par la qualité du colloque d’aujourd’hui comme de ceux des autres jours : je tiens à en remercier tous les intervenants de haute Le développement durable est notre « étoile du berger ». L’aménagement et le qualité et tous les participants. L’animation de François GROSRICHARD a été développement durable des territoires, plus particulièrement pour nous, impliquent excellente. une réflexion sur le rapport au temps et à l’espace. Nous pouvons espérer que le rendez-vous périodique que nous avons avec l’histoire et la géographie soit réussi, Ce bicentenaire est certes l’occasion de revenir sur un passé prestigieux, mais notamment à travers la question des réseaux transeuropéens. surtout un moyen de « construire le futur ». Il s’agit de faire de la prospective en améliorant notre réflexion, notamment en étudiant les continuités comme les Je tiens à remercier les participants, les organisateurs et notamment Claude ruptures. GRESSIER et Chantal LECOMTE. Nous entendons montrer que le CGPC est un vieillard encore vert et dynamique. Il faudrait citer la formule célèbre Nous avons un corps qui date de 1716, une école de 1747, un Conseil Général de attribuée à GRAMSCI alors qu’elle est de Romain ROLLAND : « il faut concilier 1804 et un ministère des Travaux publics de 1830. Ce « carré magique » va être le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ». Je préfère celle profondément « impacté » par la décentralisation, par la construction européenne, de Jean MONNET : « nous ne devons être ni optimistes ni pessimistes, mais la mondialisation, la libéralisation, la réforme de l’Etat et notamment la réforme déterminés ». budgétaire, les nouvelles technologies et l’irruption de la société civile. Nous sommes d’ailleurs ici dans la maison de la « société civile organisée », selon la formule du président Jacques DERMAGNE que je remercie pour son accueil.

J’aurais pu développer des réflexions sur les flux, les réseaux et territoires, puisque comme chacun sait il s’agit de mon sujet de prédilection. Je m’intéresse à l’approche systémique, au passage pour les transports d’une « économie administrée » à une « économie ouverte et régulée ». Il faudra chiffrer le coût de « la non- Europe » des RTE. Il va falloir sortir de notre « colbertisme high-tech » qui doit se repenser avec la construction européenne. Les corps de fonctionnaires vont devoir se transformer. Bernard DescomPs nous a invités à réfléchir à une sorte de PhD technologique qui soit assis sur une formation scientifique, technique et économique ainsi que sur la pratique et l’expérience professionnelle acquise en

73 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES 11 11 Annexes Annexe I Introduction

Le TGV au 21e siecle : Le bicentenaire du Conseil général des Ponts et Chaussées (CGPC) est une occasion rompre sans dEnaturer particulièrement appropriée pour réfléchir à l’avenir du TGV puisque ses ingénieurs président tous les comités de pilotage des études préalables des projets d’extension Guillaume PEPY et Michel LEBOEUF du réseau ferroviaire et apportent leur expertise pour les bilans a posteriori des projets réalisés. C’est d’ailleurs l’occasion de saluer deux de ses membres, grands Introduction visionnaires, messieurs COQUAND et LE VERT pour leur action en faveur d’une 1. Forces et limites du modèle TGV actuel première ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon à une époque où le train était, 1.1 Le modèle initial pour certains, condamné à une inéluctable obsolescence. 1.2 Evolution du modèles initial 1.2.1 Montée en puissance du TGV En reconnaissant l’intérêt et en souhaitant la réalisation ou l’approfondissement 1.2.2 Optimisation commerciale et rationalisation industrielle d’une quinzaine de projets d’infrastructures nouvelles totalisant 2000 km, plus 1.2.3 Premières inflexions du modèle que les infrastructures en service à ce jour, le CIADT de décembre 2003, inspiré 1.3 Forces et limites du modèle actuel par l’audit préalable du CGPC et de l’Inspection Générale des Finances, a délivré 1.3.1 Constitution d’un actif spectaculaire un formidable message de confiance pour le développement de ce mode de 1.3.2 Limites du modèle actuel transport. 2. Rompre sans dénaturer le modèle 2.1 Parti stratégique Malgré les progrès incessants de la voiture et l’extension rapide du réseau 2.2 Renforcer les points forts autoroutier (plus de 50% entre 1990 et 2002), malgré la banalisation du mode aérien 2.2.1 Pénétration au cœur des villes allant de pair avec la baisse du prix du voyage en avion, les projets correspondants 2.2.2 Aptitude à massifier des flux aux 1500 km de lignes nouvelles à grande vitesse (LGV) actuellement en service 2.2.3 Vitesse ont tenu leurs promesses commerciales et au-delà. La SNCF est fière d’avoir fêté, 2.3 Pallier les nouveaux risques il y a un an déjà, 1 milliard de voyageurs transportés en toute sécurité. 2.3.1 Bataille des prix 2.3.2 Ouverture du marché Avec son nom commun le TGV est devenu une des dix marques préférées des 2.3.3 Passage à l’échelle européenne Français. Il s’est imposé sur le marché des transports interurbains entre 200 et 800 2.3.4 Financement des nouvelles infrastructures km (sa part sur le marché tous modes est majoritaire sur les origines - destinations Conclusion (OD) radiales qu’il dessert). Il est le leader en Europe. Il est le moteur financier du système ferroviaire français puisqu’il assure (en 2003) à lui seul pas loin de la moitié des revenus commerciaux de RFF.

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 74 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer

Figure 1 – Carte des projets du CIADT de décembre 2003

Figure 2 – Parts de marché sur longue période La SNCF a toujours défendu l’idée que la grande vitesse doit être conçue comme un système. Aussi la réflexion sur l’avenir à long terme du modèle TGV englobe autant les éléments physiques du système (l’infrastructure, les gares et le matériel roulant) que ses composantes plus immatérielles (positionnement marketing, po- litique tarifaire et de vente, etc.) et leur optimisation commerciale. La SNCF, toute entière à ses métiers de transporteur, de gestionnaire des gares et du matériel roulant et de gestionnaire délégué de l’infrastructure, doit donc prendre une part active dans la réflexion sur l’avenir du réseau aux côtés de RFF. Dans le cadre de la nouvelle donne ferroviaire instituée par la réforme de 1997, elle souhaite poursuivre le dialogue entamé avec RFF, les régions et l’État et rester force de proposition quant à l’extension et aux caractéristiques du réseau, compte tenu de sa confrontation permanente et directe avec les marchés domestiques et internationaux.

Cet article, consacré à l’évolution du modèle TGV, appelle à regarder avec un œil neuf, certaines évolutions volontaires ou subies de ce système comme des inflexions nécessaires et durables. Il constitue le résultat d’un travail mené par ses auteurs dans le cadre du bicentenaire du CGPC. Il ne s’agit pas d’un document officiel de la SNCF.

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1. Forces et limites du modèle TGV actuel Figure 3 – Profils et longueurs comparés de la ligne ancienne

1.1 Le modèle initial Le modèle TGV, originel et original (issu du service de la Recherche de la SNCF dans les années 60), est tout entier brièvement et habilement résumé dans le titre du rapport que la SNCF a envoyé à sa tutelle à la fin des années 60 pour proposer la construction d’une première ligne nouvelle :

«Desserte du quart Sud-Est de la France (et pas seulement Paris-Lyon) par des rames (sous entendu indéformables et couplables) à très grande vitesse (260 km/h) et haute fréquence sur infrastructure nouvelle (sous entendu dédiée)»

Les grands choix stratégiques et les grandes ruptures par rapport au modèle grandes lignes précédent étaient les suivants : • création d’une nouvelle infrastructure seulement dédiée à la grande vitesse, • compatibilité du matériel roulant avec le réseau conventionnel, • abandon de la rame tractée au profit d’une rame articulée, indéformable pouvant être jumelée, et de la ligne nouvelle Paris-Lyon • réduction de la capacité d’emport des trains compensée par l’augmentation des fréquences, Ce modèle a effectivement permis de renverser la tendance déclinante du trafic, • accélération significative des trains au prix d’une augmentation très im- à l’époque de plus en plus menacé par le succès d’Air Inter. Il a donné au train portante de leur puissance (2 motrices et 6 bogies moteurs) et de leur une image moderne fondée sur la technologie et la vitesse, en rupture avec le adhérence, rendant possible un tracé rectiligne et sans tunnel avec peu prestige suranné de quelques trains drapeaux et “TEE innox”. Seule concession à d’ouvrages d’art malgré un relief accidenté, la continuité avec le modèle grandes lignes précédent, la couleur orange des rames • réduction de la distance physique à parcourir (20% sur Paris-Lyon) par- comme un clin d’œil aux trains Corail récemment mis en service. Dans ce nouveau ticipant largement au gain de temps, modèle tout concourait directement de la réduction des temps de trajet : vitesse, • gares nouvelles à l’extérieur des villes (Montchanin- Le Creusot et Mâcon) rectitude du tracé, gares périphériques, spécialisation des missions et limitation favorisant un tracé plus rectiligne, du nombre d’arrêts. Le slogan “Gagnez du temps sur le temps ” donnait, en 1983, • limitation du nombre d’arrêts par train grâce à une spécialisation des au TGV un mérite directement issu de son utilité. D’ailleurs dans les bilans socio- missions, économiques le gain de temps procuré aux voyageurs ressortait bien comme le • dessertes entièrement centrées sur Paris, facteur positif prépondérant. • site unique d’entretien en région parisienne, Si ce modèle était en rupture avec la pratique de l’exploitation grandes lignes, il faut • flotte homogène achetée en grande série, reconnaître qu’il réveillait un savoir endormi en empruntant beaucoup au mode • réservation obligatoire des places. d’exploitation de la banlieue parisienne: rames bloc, infrastructures dédiées dans d’assez

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 76 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer nombreux cas, spécialisation des missions, exploitation centrée sur Paris. du réseau. Le modèle ainsi décrit s’écarte assez fortement de deux autres modèles, celui mis en œuvre en Allemagne fondé sur des lignes nouvelles mixtes voyageurs/fret, avec des arrêts assez rapprochés et un accès libre (réservation non obligatoire) des ICE d’une part et celui correspondant initialement à l’aérotrain et plus récemment au Transrapid d’autre part.

La SNCF opposait au premier qu’il allait à contre-courant de l’histoire car les exi- gences des trafics marchandises et voyageurs divergent ce qui conduit à l’usage de moyens dédiés. Les premiers trains mixtes ont disparu. Les circulations voyageurs et marchandises mélangées sur des voies mixtes ont été progressivement tempo- rellement séparées sous forme de batteries pour des raisons de débit, le trafic fret se trouvant souvent rejeté vers la nuit. La locomotive universelle a fait long feu et l’entreprise ferroviaire acquiert aujourd’hui des locomotives fret... Au second modèle elle reprochait l’absence de compatibilité avec le réseau existant et l’impossibilité de pénétrer facilement au cœur des villes. Les modèles économé- triques ont permis de donner la mesure du premier inconvénient en établissant une équivalence pour le voyageur entre une correspondance et une pénalité de une heure et demie. Quant au second inconvénient il peut se résumer par une boutade : ces moyens de transport avec leurs terminaux excentrés sont comme des avions qui vont d’aéroport en aéroport mais moins vite. Figure 4 – Mise en service des lignes nouvelles 1.2 Evolution du modèle initial Le modèle TGV n’a finalement rien renié de ses fondements originels pendant le presque quart de siècle qui nous sépare de la première mise en service commer- ciale en 1981.

1.2.1 Montée en puissance du TGV La construction des lignes à grande vitesse a commencé en 1976. Le TGV Méditerranée a été le dernier mis en service en 2001. En 25 ans 1500 km de lignes nouvelles ont donc été construits, soit une moyenne de 60 km par an. La mise en service du TGV Est européen en 2007 est dans la continuité du rythme précédent. Le réseau ferroviaire à grande vitesse s’étend donc assez lentement, plus lentement que le réseau autoroutier (220 km/an sur la même période). Le développement du trafic TGV est en revanche beaucoup plus rapide que celui de l’infrastructure et sa dérivée à long terme ne semble pas diminuer, même si les projets ont normalement une utilité décroissante, en raison de l’effet de maillage

77 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Figure 5 – Evolution comparée du trafic et du réseau de la ligne Paris - Lyon, notamment celles du Laboratoire d’Économie des Transports Les créations et améliorations de dessertes très nombreuses qui ont jalonné cette de Lyon et de INRETS, ont par ailleurs permis de démontrer que les provinciaux période ont largement permis de vérifier les équations des modèles de prévision utilisent le TGV autant, sinon plus, que les parisiens. de trafic et ont rassuré sur le lien mathématique entre le volume de trafic sur une OD donnée d’une part et la fréquence et le temps de parcours d’autre part. Il en Les parts de marché obtenues par le TGV montrent que son domaine de pertinence est de même de la répartition du marché entre le TGV et l’avion. Cela a fortement maximum correspond à l’intervalle de temps de parcours allant d’environ 1 heure milité pour ne pas remettre en cause les fondements du modèle initial puisqu’il tient ses à 4 heures 30 minutes. promesses. Figure 6 – Part de marché du TGV en fonction du temps

Figure 7 – Parts de marché du train (Panel 2002) de parcours ferroviaire La zone de chalandise du TGV est directement liée au périmètre de sa desserte. A ce L’origine du trafic nouveau a également pu être précisée par des enquêtes qui ont sujet il convient de rappeler que la volonté de recevoir le TGV dans beaucoup de d’ailleurs conforté les modèles économétriques. En dehors du trafic reporté de villes a catalysé de nombreuses opérations de modernisation du réseau classique l’avion directement estimé par les modèles, le reste du trafic nouveau provient dont les exemples les plus significatifs sont les électrifications de Lyon – Grenoble plus d’un accroissement de la mobilité que d’un report de la route. Ainsi a été et de Poitiers – La Rochelle. Le TGV a été à tort accusé d’un clivage vers un réseau étayée le concept du TGV comme un produit nouveau et non simplement comme à deux vitesses. un train accéléré. Il faut effectivement reconnaître que le TGV rendait possible l’aller retour entre Paris et Lyon dans la journée alors que c’était très pénible en La pénalité ressentie par le voyageur à chaque correspondance précédemment voiture comme en train classique (le temps de parcours moyen était de 4h30 pas évoquée a par ailleurs confirmé l’importance de la compatibilité avec le réseau sens) et cher en avion. existant. Ceci avait d’ailleurs fait l’objet d’une étude spécifique à la demande de la Cour des Comptes qui s’interrogeait sur la pertinence de l’usage d’un matériel Les enquêtes et les nombreuses études faites postérieurement à la mise en service apte à 260 km/h (à l’époque) sur des lignes limitant la vitesse des trains à 160

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 78 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer km/h, voire moins. En effet il convient pour tout arrêt intermédiaire de faire en sorte que le nombre de clients en bénéficiant soit équivalent ou supérieur au nombre de clients perdus du fait de l’arrêt (en raison d’un temps de parcours plus long donc d’une offre moins attractive par rapport à la concurrence) et de s’assurer que le bilan temps des voyageurs reste positif (un arrêt fait perdre environ 5 minutes à chacun des voyageurs qui restent dans la rame).

1.2.2 Optimisation commerciale et rationalisation industrielle Les infrastructures nouvelles sont désormais conçues pour que leur géométrie soit compatible avec des vitesses d’au moins 350 km/h. La vitesse commerciale maximum des trains a augmenté (260 puis 270 puis 300 km/h jusqu’à présent et 320km/h en 2007 avec la TGV Est européen) de façon continue mais sans entraîner un changement radical dans la conception du matériel roulant. L’articulation de la rame a été largement justifiée notamment en termes de stabilité, de maintenance, de confort et de sécurité.

Figure 8 – Réseau parcouru par les rames TGV en 2004 Une bonne idée de la pertinence de la compatibilité du matériel TGV avec le réseau classique est obtenue en comparant les 1500 km de LGV avec les 7000 km de lignes globalement parcourues par les rames, ce qui fait apparaître un coefficient de “ démultiplication géographique ” de la desserte de 4,67 Une autre façon d’illustrer cet effet de levier est de rappeler qu’en allongeant le réseau ferroviaire de 5%, le TGV a capté 75% du trafic grandes lignes.

Plus le réseau des lignes nouvelles s’allonge, plus il est logique de repousser les limites du périmètre de desserte TGV. L’extension du périmètre de desserte n’est donc pas une inflexion du modèle TGV car la vitesse commerciale moyenne des rames n’a pas été réduite et au contraire. Cependant la volonté politique a parfois conduit à dégrader l’optimum sur lequel l’entreprise ferroviaire se cale spontanément, le cas le plus criant Figure 9 – Graphique : évolution de la vitesse commerciale des TGV dans ce domaine étant, jusqu’à décembre 2004, la desserte des Sables d’Olonne par des Cet accroissement de la vitesse commerciale n’a pas eu seulement pour objectif rames TGV tractées par des locomotives diesel. d’optimiser l’offre mais aussi d’accroître la productivité du système. A l’occasion du TGV Méditerranée, la SNCF a modifié les rames Sud-Est pour qu’elles puissent rouler La conception des dessertes a conservé les principes initiaux de spécialisation et d’arrêts à 300 km/h en service commercial. Ceci a permis d’homogénéiser les circulations espacés. Avec le TGV Méditerranée les longs trajets directs comme Paris – Valence sur la ligne Paris Lyon et de maintenir le débit de 12 trains par heure, sachant que voire Paris – Avignon sont la règle. La SNCF est restée très rigoureuse dans ce les rames duplex qui relient Paris à Marseille doivent circuler à cette vitesse pour domaine en résistant souvent à demandes locales par ailleurs compréhensibles. effectuer le trajet en 3 heures. Tous les bilans économiques qui ont suivi la mise

79 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES en service du TGV Sud-Est ont en outre confirmé que le facteur prépondérant TGV reste un transport de masse par comparaison au mode aérien notamment. dans la formation des charges d’exploitation du transporteur (donc hors péages Le rendement des rames TGV n’a cessé d’augmenter et le parcours moyen d’infrastructure) est le temps, et non la distance. Ainsi, contrairement aux idées a annuel dépasse désormais 1200 km par jour. Les rames duplex, les plus utilisées, priori qui prévalaient autrefois la grande vitesse n’est pas dispendieuse mais elle est effectuent 530 000 km par an. Ceci est le résultat de l’utilisation au plus serré un facteur puissant d’amélioration de la productivité ferroviaire et d’optimisation des rames notamment par réduction de la durée des demi-tours en gare et des résiduelle du modèle TGV initial. périodes d’entretien. En période de pointe seulement 7% des rames restent dans les centres d’entretien. Ce modèle tablait par ailleurs sur le fait que le trafic de super pointe et même des pointes hebdomadaires (cas du TGV Atlantique) ne pourrait pas être acheminé La maintenance a été systématiquement optimisée grâce à un retour d’expérience en rames TGV. Le dimensionnement du parc TGV sur ces niveaux de trafic ne permanent en provenance des exploitants afin d’allonger les pas entre les opérations paraissait pas économiquement raisonnable. Il était prévu de maintenir des trains d’entretien et à accroître l’autonomie des rames (c’est-à-dire le parcours possible d’écrêtement circulant sur lignes classiques pendant les périodes chargées. En sans retour à leur base de maintenance). L’appareil de production pour cette fait l’introduction, à l’occasion de la mise en service du TGV Nord, d’un système fonction est extrêmement concentré autour de trois Etablissements de maintenance de contingentement des places (appelé “ yield management ”) et les adaptations situés à Conflans (Sud-Est), à Châtillon (Atlantique) et au Landy (Nord), à proximité faites sur la gamme tarifaire ont permis une bien meilleure gestion de ces périodes immédiate des terminus parisiens des rames. chargées. Les trains d’écrêtement sont en voie de complètement disparaître y compris sur l’axe Atlantique où le coefficient de pointe hebdomadaire était le plus La SNCF a aussi développé un savoir faire pour les rénovations et les modifications fort. Il faut aussi reconnaître l’effet d’aplanissement de la saisonnalité hebdomadaire des rames. La longévité du matériel est effectivement un des points sur lesquels du trafic concomitant à la réduction des temps de trajet. Le CGPC a d’ailleurs bien le modèle TGV ne s’écarte pas du modèle précédent. C’est sûrement un handicap identifié ce point dans le cadre du bilan a posteriori du TGV Atlantique, au moment par rapport à l’automobile qui en raison de son cycle rapide de renouvellement où il s’est agi d’évaluer les effectifs de voitures et locomotives rendues disponibles peut intégrer facilement le progrès technique. Les rames TGV font l’objet d’un par la mise en service du TGV. Le modèle initial n’avait pas complètement anticipé ces programme quasi continu d’adaptation soit aux contraintes techniques internes au facteurs (contingentement des places et adoucissement de la structure temporelle du monde ferroviaire soit aux évolutions des attentes des clients (trains non fumeurs, trafic) qui n’ont fait que renforcer l’aptitude du TGV à traiter la totalité des besoins des par exemple). marchés servis sur les différents axes. La rationalisation de l’offre ainsi effectuée renforce évidemment l’efficacité économique du modèle. La transition entre la première desserte du sud-est de la France et l’offre actuelle à l’échelle nationale et européenne s’est traduite par une industrialisation de Une des conséquences les plus importantes du poids croissant de la saturation l’appareil de production. progressive des installations fixes, et plus particulièrement de la ligne Paris – Lyon et des gares parisiennes, est la création par la SNCF de la rame duplex. Depuis 1.2.3 Premières inflexions du modèle À partir de 1997, les péages d’usage de l’infrastructure ont eu pour effet de brutale- 1997, la SNCF n’acquiert plus que ce type de matériel à grande vitesse. Les trains ment accroître le coût marginal de circulation puisqu’autrefois les infrastructures constitués de deux de ces rames couplées, offrent plus de 1000 places, quasiment engendraient des charges essentielles fixes ou communes dans les comptes de la le maximum permis par la longueur des quais des gares. Certes, le TGV Jumbo SNCF. Désormais ces péages représentent entre 40 et 50% du coût marginal de (une seule rame de 400 mètres de long) permettrait de gagner encore 10 à 15% circulation. Cette proportion va d’ailleurs encore augmenter car le droit d’accès en capacité mais il ne pourrait convenir qu’à un marché très restreint (Paris-Lyon), a été récemment rendu variable au nombre de sillons réservés. Il en résulte que et même sur ce marché conduirait à un gâchis de places en dehors des périodes l’exigence en terme d’occupation prévisionnelle des rames s’élève lorsqu’il s’agit de pointe. Bien que les rames aient moins de capacité que les trains classiques, le de décider des créations de dessertes. Incontestablement, la politique tarifaire du

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 80 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer gestionnaire de l’infrastructure influence désormais les décisions du transporteur. présente pas comme une incitation à créer des sillons. Même si le dialogue entre RFF et la SNCF s’apparente à une relation entre un La rupture la plus marquante dans le modèle TGV initial est finalement due à monopole et un monopsone, les choix faits pour l’activité du TGV, entre autre, la création de la Jonction, c’est-à-dire à la ligne nouvelle reliant le TGV Nord relèvent d’une logique de marché et la SNCF répond par des modifications de directement au TGV Sud-Est et indirectement au TGV Atlantique ainsi qu’à la desserte aux signaux que l’État émet chaque fois qu’il modifie ses barèmes. création des gares TGV de Roissy Charles-de-Gaulle, Chessy Marne-la-Vallée et Massy. Cette rupture a été initiée à l’occasion de la commission Rudeau qui a La politique de couplage des rames est un élément très important dans la conception piloté les études du TGV Nord et qui s’est trouvée confrontée au problème de la des dessertes. On peut considérer que c’est sûrement un des premiers cas d’inflexion du desserte de Roissy. Plutôt que de créer un “ modèle TGV. Dans les années 80, alors que le péage n’existait pas, la différence de ventre ” sur le tracé du TGV Nord ou coût entre la circulation séparée de deux rames simples d’une part et la circula- d’ajouter une antenne à la LGV, il est apparu préférable de placer l’aéroport sur tion de deux rames couplées d’autre part se limitait au seul coût de la conduite, une ligne périphérique reliant les LGV radiales. L’avantage est d’étendre l’hinterland c’est-à-dire finalement à peu de chose au regard du coût marginal total. Le coût de la plate forme aérienne à l’ensemble du pays. De façon générale, les principes additionnel en jeu étant très faible il était préférable de jouer la fréquence, avec son d’exploitation et l’équation économique des TGV Jonction diffèrent profondément effet d’entraînement sur le trafic, que d’économiser sur la conduite. L’introduction du modèle TGV initial. Les parcours des TGV Jonction n’ont pas pour origine ou des péages a tellement renchéri le coût marginal de circulation que la politique de destination Paris, car ils traversent l’Île - de - France en s’arrêtant dans les gares pé- fréquence a été freinée et ce, d’autant plus que, les infrastructures se saturant, les riphériques précitées parfois appelées gares bis. Leurs parcours sont généralement rendez-vous de rames deviennent des causes d’irrégularité et sont consommateurs longs et le trajet de bout en bout est souvent franchement en dehors du champ de de capacité quand ils se font sur infrastructure nouvelle. pertinence du TGV précédemment rappelé. Contrairement aux TGV radiaux qui se vident progressivement à mesure qu’ils s’éloignent de Paris, les TGV Jonction La rupture dans la conception de l’offre déjà exposée, qui résulte de l’introduction des reposent sur l’idée qu’une place pourra plus systématiquement être occupée par péages d’infrastructure et de leur forte augmentation depuis 1997, est également visible dans la gestion opérationnelle de l’offre. deux voyageurs successifs. Ainsi, les TGV Jonction rassemblent dans une même rame des voyageurs intéressés par des trajets très différents, province - province Le graphique prévisionnel de circulation des trains a été revisité en vue de réduire le pour les uns et province – Ile – de - France ou Ile - de- France – province pour les nombre des sillons facultatifs ainsi que les adaptations en temps réel du plan de transport. autres. Ce sont ces derniers qui se relaient sur les mêmes sièges. Cette synergie En 2003 par rapport à 2002 le nombre des adaptations du plan de transport a été de flux offre plusieurs avantages : réduit de 27% en passant de 8000 à 5900. La stabilisation de l’offre va d’ailleurs de pair avec le cadencement des trains. La SNCF a longtemps été réticente au • elle rend viable des trains sur des relations transversales (Lille - Bordeaux cadencement pour finalement s’y lancer en 1998 sur Paris - Lille et Paris - Lyon par exemple) où le marché n’est pas assez important pour justifier une avec un bon succès commercial explicable par une meilleure lisibilité de l’offre. On offre TGV tout court ou une offre TGV pertinente en terme de fré- peut s’interroger sur les raisons qui n’avaient pas conduit, au moment de la mise quence, en service du TGV Paris – Lyon, à tout de suite retenir ce schéma étant donné la • elle rapproche certains franciliens du TGV grâce à des points d’accès plus remise à plat des horaires que le gain de deux heures sur Paris - Lyon a de toute proches de leur domicile ou de leur bureau que les gares dans Paris, façon imposé. La généralisation du cadencement sur les autres axes a aussi été elle évite aux voyageurs province – province comme aux voyageurs pro positive dans la plupart des cas. Elle a toutefois parfois conduit à des pertes de • - temps notamment lorsque les sillons doivent être compatibles avec deux systèmes vince –Île-de-France concernés d’encombrer les gares de Paris et retarde de cadencement. Cela a été le cas sur certaines relations internationales comme donc leur saturation, Paris – Lausanne. D’une façon générale, le cadencement n’est acceptable que lors- • au passage à l’aéroport Charles-de-Gaulle, elle complémentaires les mo- qu’il n’entrave pas l’optimisation globale du capital en infrastructure et matériel des ferroviaire et aérien et accroît l’aire de chalandise du parc de loisirs roulant (en interdisant de bonnes réutilisations des rames par exemple) et ne se Disneyland Paris.

81 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Le trafic des TGV Jonction a connu un essor extrêmement rapide de même que Si le TGV a globalement modifié la perception géographique de la France, force est celui des gares bis. Ce succès tient autant au fait que pour le marché de l’Île-de- de reconnaître le tropisme de l’espace qu’il a d’abord provoqué au profit de Paris. France (premier marché ferroviaire en Europe) les gares bis ajoutent à l’accélération En rendant possible des transversales efficaces les TGV Jonction rééquilibrent cette du trajet principal un gain de temps sensible de pré ou post acheminement. Pour déformation du territoire national à l’avantage des métropoles de province. les marchés province – province, l’offre ferroviaire était pauvre et peu attractive. Le saut qualitatif est d’autant plus grand que les TGV empruntent successivement deux lignes nouvelles. Le marché réagit en conséquence. Comme les flux point à point de province à province sont généralement faibles, ils sont peu concurrencés par l’avion, malgré la distance. Ils forment donc un marché assez protégé pour le TGV dont la vertu est justement de savoir les massifier.

Figure10 – Poids du trafic Jonction dans le chiffre d’affaires TGV et Figure 11 – Evolution du trafic Jonction

1989 Paris-Lyon + TGV Atlantique branche ouest 1996 TGV Atlantique branche sud-ouest + contournement de Lyon + TGV Nord + Jonction 2001 TGV Méditerranée 2007 TGV Est Européen

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 82 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer

Figure 12 – Carte isochrones de Paris et Figure 13 – Carte isochrones de Lille en 2003 Figure 15 – Carte isochrones Barcelone en 2002 L’accessibilité de la France par fer a aussi été profondément transformée. Bruxelles En considérant le pourcentage de la population accessible au départ d’une ville dispose aujourd’hui d’une vue sur notre pays meilleure que certaines villes françaises. donnée avec un trajet ferroviaire de 5 heures maximum, par exemple, Paris n’est Par contre Barcelone ou Francfort restent relativement éloignées. pas la ville qui a le plus gagné comme le montre le tableau ci-après :

Figure 14 – Carte isochrones Bruxelles en 2002 Pourcentages de population atteignable en 5 heures de train

Bordeaux Lille Lyon Marseille Nantes Paris Strasbourg Fin 1989 44 47 71 43 50 85 34 Fin 1991 47 47 74 45 55 88 37 Fin 1995 49 67 76 46 57 93 37 Fin 2001 52 75 81 58 60 93 37 Ecart entre 8 28 10 15 10 8 3 1989 et 2001

Le TGV Est européen va bien évidemment redresser les scores de Strasbourg et Francfort. Lille, Lyon, Marseille, Nantes et Bordeaux enregistreront des gains certes inférieurs à ceux de Strasbourg mais nettement supérieurs à celui de Paris.

Le tableau présenté au paragraphe précédent ne traite que des cas de grandes villes. Une analyse systématique de la desserte des unités urbaines françaises permet de disposer d’une vision plus globale. Ainsi, il apparaît que 92 des 233 unités urbaines de plus de 20 000 habitants, potentiellement accessibles par train, bénéficient d’arrêts du TGV dans leur gare, soit un taux de couverture moyen de 39%. Ceci concerne toutes les unités urbaines d’au moins 500 000 habitants, 80% des unités urbaines dont la population est entre 100 000 et 500 000 habitants, 37% des unités urbaines dont la population se situe entre 40 000 et 100 000 habitants et enfin presque 20% des unités urbaines dont la population est entre 20 000 et 40 000 habitants. Là encore le TGV Est européen va sensiblement accroître la couverture territoriale. Les autres projets à venir vont rectifier les écarts actuels et resserrer les liens entre la France et ses voisins européens. Tous ces chiffres démontrent, s’il le fallait, que le TGV est bien un sujet dont les enjeux sont d’ampleur nationale. Les populations et les élus ne s’y trompent pas. L’évolution du modèle TGV reste au cœur de leurs préoccupations. Y réfléchir permet donc d’alimenter un débat qui ne concerne pas seulement les transports et la concurrence intermodale mais véritablement l’aménagement du territoire national.

83 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Figures 16 et 16 bis – Temps de parcours à long terme 1.3 Forces et limites du modèle actuel

1.3.1 Constitution d’un actif spectaculaire Le train lui-même, le TGV, qui donne son nom à la marque, est une réussite technologique. Il a démontré ses possibilités autant avec le record du monde de vitesse à 515,3 km/h le 18 mai 1990 qu’avec celui de l’endurance avec un parcours Calais Marseille de 1070 km en 3 heures 29 minutes seulement (soit 307 km/h de moyenne).

Désormais la flotte TGV (pour le service intérieur et les relations internationales) compte environ 400 unités (soit plus de 150 000 places) dont une cinquantaine de rames duplex.

A titre de comparaison, la flotte actuelle d’Air France (courts et moyens courriers et flotte régionale) comporte environ 260 appareils offrant globalement 29 000 places.

La valeur de renouvellement de l’actif ferroviaire, auquel il faut ajouter les immobilisations relatives aux gares et aux ateliers notamment, est comprise entre 10 et 15 milliards €. Cet actif a dégagé en 2003 un EBE supérieur à 750 millions € (hors charges de structure) auquel il convient d’ajouter environ 900 millions € de péages. Sa rentabilité pour l’ensemble des deux acteurs ferroviaires est globalement au-dessus de 10%. La rentabilité de la rame DUPLEX marginale affectée à la croissance du trafic actuel (et non à la desserte des projets de lignes nouvelles actuellement en construction ou à l’étude), pour la SNCF, avec les conditions économiques et péages actuels

Le TGV c’est aussi près de 90 millions de clients par an. Comme indiqué précé- demment, cette clientèle prise la marque TGV de même que les marques , et Lyria. Une partie significative de cette clientèle est détentrice de car- tes et adhère au programme de fidélité Grand Voyageur. Cet actif client est donc considérable. Une étude de la DAEI (Alain SAUVANT) a d’ailleurs récemment montré que le TGV s’est démarqué du train classique et rapproché de l’avion avec une élasticité du trafic par rapport au PIB en volume proche de 1,5. Le TGV en mordant sur la concurrence de l’avion a importé dans son évolution propre une partie du dynamisme de ce mode.

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 84 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer

Le coût de production du TGV reste faible par rapport à ceux des autres modes au rail débouchent sur de tels goulets d’étranglement. de transport et la vitesse, au lieu d’accroître les charges permet d’intenses progrès Jusqu’à présent, le TGV a bénéficié d’une bonne articulation avec le TER. Beaucoup de productivité. Il reste encore des marges de productivité, notamment dans la de clients effectuent en effet un parcours TER en amont ou en aval de leur trajet distribution. Cela explique que le TGV démontre en permanence son aptitude à en TGV. Or, à juste titre, les régions vont progressivement s’approprier leur outil réagir aux à-coups de la concurrence. Il a en particulier résisté à l’offensive des de transport et le modeler en fonction de leurs besoins spécifiques. Certes, elles compagnies aériennes à bas coûts en proposant le tarif Prems, sans dégrader pour auront soin de maintenir des correspondances avec les TGV, ce qui entre d’ailleurs autant son économie. La croissance rentable qui caractérise ces dernières années est dans leur définition du service public. Mais l’équilibre actuel entre les besoins et la preuve que le TGV est un modèle économiquement sain dans lequel la création contraintes des dessertes internes et externes aux régions peut évoluer au détri- de valeur reste étroitement liée au gain de temps. La grande vitesse a une valeur ment du TGV. De même, la tarification dite “ réseau principal ” va vraisemblablement marchande telle que la clientèle est prête à en payer le prix. disparaître du fait des responsabilités nouvelles des régions. Un risque de perte de la cohérence et de la synergie du réseau ne peut être nié. Le TGV a développé et consolidé un savoir faire dans de nombreux métiers Cet actif, incorporel trouve sa “ réalisation ”financière dans le compte de résultat du Alors que les voyages à l’étranger pour les loisirs deviennent de plus en plus fréquents TGV. Il est au centre de l’intérêt que les entreprises ferroviaires voisines voient en raison de la baisse du prix du voyage aérien, il est impératif que le TGV sorte des dans leur coopération avec la SNCF pour les liaisons internationales qui emploient frontières et attaque le marché européen encore plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. le TGV. Il est, de façon plus générale, d’autant plus reconnu et recherché à l’inter- Notons pour mémoire qu’en 2004 le trafic grande vitesse aura transporté 90 millions national, notamment dans le domaine de l’ingénierie, que le modèle lui-même est de passagers dont 15 sur des axes internationaux. En 2010, le total devrait être porté copié. Demain, ce savoir faire sera valorisé au travers des “ facilités essentielles ” à 120 millions dont 24 sur des axes internationaux, preuve que l’international est une que les nouveaux entrants viendront acquérir auprès de SNCF. composante très dynamique dans la croissance du modèle TGV. Cependant, la tarification de l’infrastructure n’est pas établie selon les mêmes principes Enfin, le TGV a devant lui une promesse très ambitieuse de développement du ni selon les mêmes niveaux de coût (coût marginal, coût complet, etc) d’un état membre réseau car la société dans son ensemble est très attachée à ce mode dans une à l’autre, et comme les péages représentent l’élément le plus important des charges perspective de développement durable. d’exploitation, le trafic ferroviaire, TGV en particulier, doit surmonter désormais de nouvelles frontières au moment où l’on essaye de réduire les frontières techniques 1.3.2 Limites du modèle actuel notamment avec l’ETCS. Le risque est grand d’un bond en arrière à l’époque où les Le point noir le plus important pour l’avenir semble être celui de la saturation du réseaux additionnaient leurs tarifs de part et d’autre des frontières en ignorant les prix réseau qu’il faut aussi considérer comme la conséquence du succès commercial de marché. C’est justement pour optimiser le produit de bout en bout par rapport au du modèle TGV. La saturation de la ligne Paris Lyon est la plus inquiétante. Il s’agit marché que la SNCF a développé une politique de partenariat avec les entreprises du segment majeur du réseau à juste raison construit en premier. De ce fait il est ferroviaires voisines, en créant des sociétés ou entités d’offre communes tant pour le TGV le moins moderne et dispose d’un système ancien d’espacement des trains, la TVM que pour le train classique d’ailleurs : Eurostar, Thalys, Lyria, Artesia, Elipsos. 300, moins performant que son successeur, la TVM 430. Ceci limite à 12 au lieu de 15, le nombre de trains par heure et par sens. La saturation des gares parisiennes Les exigences croissantes de la sûreté risquent par ailleurs de compliquer l’accès au est tout aussi importante et coûteuse à résoudre. Cette saturation est d’autant train alors que jusqu’à présent, surtout par rapport à l’avion, le train se caractérise plus préoccupante dans la perspective de l’arrivée de nouveaux entrants car elle par sa facilité d’accès. empêchera la concurrence d’atteindre son but, le bénéfice du consommateur, puisque l’offre ne pourra pas être agrandie. Les projets d’extension du réseau ne Il serait erroné de penser que la concurrence est arrivée au bout de ce qu’elle tiendront pas par ailleurs leurs promesses si les flux de trafic qu’ils doivent apporter peut faire. L’automobile dispose de marges de progrès considérables notamment

85 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES par la connaissance en temps réel des embouteillages et l’aide au conducteur que le TGV doit prioritairement faire encore mieux qu’aujourd’hui ce que pour les éviter. L’apparition des compagnies aériennes à bas coûts n’est pas un la voiture et surtout l’avion ne savent pas faire ce qui revient à dire qu’il phénomène éphémère sans compter qu’il entraîne avec lui une réaction compé- est plus productif et utile de renforcer les points forts plutôt que de pallier titive forte des opérateurs historiques. Les dix dernières années témoignent plus les faiblesses. d’un foisonnement d’initiatives que d’un essoufflement des idées et des moyens S’il fallait trouver un système de représentation des qualités des trois modes de des concurrents du TGV. transport, la route, le fer et l’air, nous opterions pour un triangle dont les sommets seraient la vitesse, l’économie et la flexibilité. L’avion serait le plus près du sommet 2. Rompre sans dénaturer le modèle vitesse mais le plus loin des sommets prix et flexibilité. La voiture se rapprocherait du sommet flexibilité mais resterait écartée du sommet vitesse. Le TGV serait très 2.1 Parti stratégique près du sommet économie mieux placé que l’avion pour la flexibilité et mieux placé L’avenir du TGV, comme de toute activité en général, dépend de son utilité relative que la voiture pour la vitesse. par rapport aux autres modes de transport. Cette utilité est simple à vérifier car elle est en proportion directe de la fréquentation. Il faut donc réfléchir sur les raisons qui incitent au voyage en TGV.

Parmi les modèles économétriques de prévision de trafic, le plus répandu est le modèle dit multimodal hiérarchisé. En bref, selon ce type de modèle, le client se décide pour le TGV au terme d’un choix effectué en deux étapes. Dans un premier temps il choisit entre le transport privé (la voiture) et le transport public. Dans un second temps et s’il a opté pour le transport public, il se détermine en faveur soit du TGV, soit de l’avion, soit de l’autocar, pour autant que ces modes soient à sa disposition pour son trajet.

La question stratégique qu’il faut résoudre est donc : où vaut-il mieux concentrer les moyens pour maximiser l’utilité du TGV estimée sur la base de la part de marché qu’il captera ?

Deux raisonnements concourent à définir un parti stratégique. Le premier consiste à dire qu’à très long terme l’utilité est préservée si le TGV offre un avantage spécifi- que alors que s’il tente d’acquérir les attributs de la voiture ou de l’avion, il ne sera jamais qu’une voiture ou un avion de second ordre. Dans cet esprit il faut recher- cher et amplifier ce qui singularise le TGV par rapport à la route et l’air. Le second Figure 17 – Positionnement qualitatif de la voiture, de l’avion et du train raisonnement tire les leçons des modèles. Ou bien le choix public-privé est mis Bien entendu cette représentation est variable en fonction des trajets origine en majeur et c’est sur cet axe qu’il faut travailler : démarquer le TGV de la voiture. – destination. Il arrive que de porte à porte le train soit plus rapide que l’avion. Ou bien le choix public-privé est considéré dépendre de beaucoup de facteurs sur De même la taille du groupe influence l’économie du transport et avantage la lesquels le TGV n’a pas prise et il faut alors mettre l’accent sur la différenciation voiture par rapport au train surtout du fait que l’utilisateur ne juge que sur le essentiellement par rapport à l’avion. Les deux approches nous convainquent coût perçu, qui est le coût marginal (carburant et péages) pour la voiture et pas

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 86 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer pour ses concurrents. des gares en cul-de-sac et relier les gares parisiennes entre elles. Une liaison TGV Par ailleurs une analyse prospective du modèle TGV ne peut pas laisser de côté les entre les gares du Nord et de Lyon, avec un arrêt intermédiaire à République par changements de l’environnement concurrentiel, économique et institutionnel qui vont exemple, permettrait à un voyageur d’accéder directement aux 5 lignes de RER et affecter le transport de personnes. Avec la perspective de la libéralisation du transport à 7 des 14 lignes de métro. Un tel schéma est en place à Bruxelles. C’est le parti ferroviaire, dès le futur troisième paquet ferroviaire, il est temps de se préparer à une retenu à Berlin où la liaison inter gares à récemment été électrifiée et où la nouvelle concurrence qui sera, à terme, aussi innovante et active que dans l’aviation. Une façon gare Hauptbahnhof est en cours de construction. C’est le but du projet Crossrail de caractériser très globalement l’évolution à laquelle il faut s’attendre, est de dire que à Londres : Cross London Rail Links est une “ joint venture ”, entre Transport for le transport interurbain de personnes va tendre vers un marché parfait, c’est-à-dire London et la SRA, chargée de développer deux grands axes passant par Londres, un marché avec beaucoup de vendeurs et d’acheteurs, disposant chacun de toute Crossrail line 1 (Est/Ouest) et Crossrail line 2 (Nord-Est/Sud-Ouest), le tout l’information utile en temps réel. Cet avenir est à la fois enthousiasmant et pour un budget de 10 milliards de livres. Pareillement, les gares de Chamartin et inquiétant pour un opérateur historique comme la SNCF. Il s’analyse en Atocha à Madrid d’une part et de Sants et Sagrera à Barcelone d’autre part seront termes de risques et de ripostes possibles lors de leur occurrence. reliées par des voies à l’écartement UIC dans un avenir assez proche. A Zurich, il est prévu (mais le projet n’est pas encore complètement financé) d’ajouter une 2.2 Renforcer les points forts seconde gare “traversante” souterraine à Lowenstrasse, équipée de 4 voies, dont l’utilisation serait mixte, S-Bahn Zurich et Grandes Lignes. 2.2.1 Pénétration au cœur des villes La pénétration en zone urbaine fait partie des atouts du train par rapport à l’avion. Tant la Jonction que ces liaisons inter - gares résoudraient définitivement la ques- Cependant cet atout peut être encore beaucoup optimisé. Les deux exemples tion de la saturation des terminus parisiens. De son côté, le projet de barreau sud suivants fournissent des pistes. propose des solutions à ces questions complémentaires avec la création d’une gare à Orly et un accès des TGV Sud-Est et Atlantique au secteur Bibliothèque Le plus grand marché ferroviaire européen est celui de l’Île - de - France. Histori- François Mitterrand - Austerlitz. quement les terminus ont été conçus dans Paris d’où l’impression que les parisiens ont plusieurs point d’accès au train, ce qui faux car, dans la plupart des cas, pour aller vers une ville de province donnée il n’y a pas de choix possible de la gare tête de ligne. Ce qui est vrai de Paris était quasiment vrai de l’Île-de-France dans son ensemble avant la Jonction. Il en résultait que le plus gros marché ferroviaire d’Europe était en même temps celui qui imposait les temps d’accès aux gares les plus longs. Ceci démentait le fait que le TGV va au cœur de la ville et réduisait sensiblement son avantage concurrentiel par rapport à l’avion. Les gares bis de Massy, Marne-la-Vallée et Roissy ajoutent à Paris trois autres points d’accès au TGV en Île de France, sans compter Versailles et Mantes-la-Jolie dans une moindre mesure. L’optimum n’est pas atteint de ce point de vue et il est assez logique de projeter pour le long terme une ceinture de gares périphériques rapprochant les franciliens du TGV. Le système de la Jonction offre au voyageur d’un TGV donné le choix entre plusieurs gares en Île de France. Ce n’est généralement pas le cas des trains radiaux qui ont leur origine ou leur terminus Paris. Pour aller plus loin, il faudrait dépasser le système

87 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Figure 18 – Schéma du projet de Barreau sud que le train. Il peut aussi s’organiser en hub, mais c’est au prix de correspondances Dans le cas d’un projet comme celui du TGV Côte d’Azur, il est évident que la pour les passagers. fragilité du TGV tient au fait que la distance avec Paris est quasiment infranchissable Le train a la possibilité de facilement “ lâcher ” et “ prendre ” des voyageurs en en moins de 3 heures 30 minutes. Se contenter de bolides seulement dirigés vers cours de route. Mais plus le train va vite plus les arrêts sont pénalisants. Vouloir Nice, serait faire des TGV de mauvais avions. Au contraire, en ménageant plusieurs augmenter les arrêts serait aller à l’encontre d’un des traits spécifiques du modèle raccordements entre la ligne nouvelle et la ligne côtière, c’est toute le littoral TGV déjà exposé. méditerranéen que les TGV desserviront. En effet, les trains seront, comme dans la banlieue parisienne, directs et rapides jusqu’à ces points de raccordement au Le couplage et découplage des rames est une autre façon de massifier des flux. Il est facile réseau classique puis ils s’arrêteront en chapelet sur la ligne côtière actuelle. Ainsi d’en comprendre l’avantage: deux rames ayant des origines et ou des destinations le handicap du temps de parcours sera surmonté grâce à une desserte en surface différentes circulent couplées sur un tronc commun en général en ligne nouvelle. au plus près des points d’émission et de réception des voyages. Il en résulte que la capacité du tronc commun est économisée et que le péage relatif à son usage est réparti sur deux flux au lieu d’un seul. Une autre façon de Figure 19 – Encradé sur l’Intermodalité en Suisse et en Allemagne traiter le sujet consiste à considérer deux destinations sur lesquelles circulent des trains déjà composés de 2 rames et à dissocier chacun de ces 2 trains pour les recomposer sous forme de rames couplées sur un tronc commun. Au seul prix d’une perte de temps pour l’opération de couplage et ou découplage, il est possible d’offrir pour chaque destination une fréquence supplémentaire, sans consommer plus de capacité en ligne (sous réserve toutefois que les opérations de couplage et découplage ne se fassent pas sur ligne nouvelle).

Cela conduit à réfléchir sur la conception des lignes nouvelles notamment au droit des gares qui y sont créées pour mieux résoudre le problème de la perte de débit due aux arrêts et opérations de couplage ou découplage.

L’aspect le plus important de la massification des flux concerne le matériel roulant. La rame duplex est quasiment la plus grosse capacité d’emport compatible avec les marchés lourds au sens large et avec la longueur des quais. L’emport corres- pondant à 2 rames couplées dépasse 1000 places et optimise l’infrastructure. Or cette rame, idéale pour tirer le meilleur parti de l’infrastructure, est quasiment l’équivalent d’un futur gros porteur Airbus A 380. Sa taille est moins adaptée aux marchés de moindre ampleur comme les transversales traitées par la Jonction. 2.2.2 Aptitude à massifier des flux Les rames actuelles à 1 niveau, qui offrent environ 350 places, (dont l’équivalent La massification des flux est cruciale pour les modes de transport public. Elle est aérien est cependant un Boeing 777), sont mieux dimensionnées pour ces flux plus la condition d’un transport économique. modestes. L’inconvénient est qu’elles n’optimisent pas la capacité des LGV puisque jumelées elles n’emportent que 700 places. Chaque fois que deux rames 1 niveau L’avion rassemble difficilement des voyageurs ayant des trajets différents. Certes il remplacent deux rames duplex sur une LGV, l’emport est réduit de 300 places, ce peut faire des escales mais il lui est beaucoup plus difficile et coûteux de “ s’arrêter ” qui revient à une perte de capacité de l’infrastructure de 30%.

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 88 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer

Figure 20 – Comparaison des capacités TGV et avion place pour les radiales et conduirait à compléter le dispositif des EIMM parisiens par de nouveaux sites situés en périphérie de la France.

Les gares de la Jonction verront monter en puissance un rôle de correspondance entre TGV desservant des axes sécants En particulier, la gare de Chessy – Marne-la-Vallée va voir se multiplier les échanges entre convois nord – sud et est – ouest. Pour être pertinentes les correspondances devront autant que possible être faites quai à quai. Il faut aujourd’hui imaginer quels autres points nodaux en France tiendront potentiellement une situation aussi stratégique par rapport aux grands flux transversaux et radiaux. De même les trains terminus sur la Jonction sont aujourd’hui assez rares. Mais l’extension géographique du réseau de LGV couplée avec un développement de l’intermodalité fer – air à Orly peuvent remettre à l’ordre du jour les idées de hub ferroviaire. Enfin, dès lors qu’il s’agit de développer des infrastructures en Île-de-France la synergie avec le réseau Transilien, qui joue le rôle de “feeder” démultipliant la desserte en surface de la région par les gares bis, peut conduire à revisiter certains choix aussi fondamentaux que la spécialisation des voies.

Figure 21 – Schémas de desserte offrant 3 fréquences sur 3 destinations Des rames courtes, avec une motorisation répartie, composées de 7 caisses seulement, pouvant être assemblées par 3, dédiées à la Jonction (qui n’auraient pas de terminus à Paris, mais plutôt aux confins de l’hexagone), pourraient pallier l’inconvénient précédent en offrant un emport global de l’ordre de 900 places, ce qui réduit la perte de capacité de l’infrastructure à 10%. Mais, cette perte légère peut être compensée. En effet un autre avantage de la rame courte est précisé- ment d’accroître les fréquences en réduisant la consommation de capacité et les péages. En effet 2 trains formés de telles “ triplettes ” produisent 2 fréquences sur 3 OD différentes alors qu’avec des rames 1 niveau actuelles, il faut 3 trains pour obtenir la même desserte. Avec cette perspective la remarque précédente sur la conception des nouvelles infrastructures pour réduire la perte de capacité liée aux opérations de couplage et découplage doit être amplifiée. En outre, il convient de prêter attention au risque de perte de robustesse de l’exploitation consécutif à tout rendez-vous de rames. A contrario, à mesure que le réseau de LGV s’étend, les TGV circulent de plus en plus en site propre et rencontrent moins de facteurs susceptibles de perturber leur marche.

Une telle rupture par rapport à l’axiome de la rame de 200 mètres transformerait profondément l’exploitation de la Jonction, en la séparant de l’organisation en

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Figure 22 – Terminus actuels des TGV Figure 23 – Temps de trajets porte à porte

longues avec des enjeux commerciaux, notamment de concurrence avec l’avion, très importants. Compte tenu du coût plutôt croissant de construction des lignes 2.2.3 Vitesse nouvelles (en partie à cause d’exigences sociétales et environnementales plus fortes) Dès lors qu’il offre une bonne pénétration urbaine, le TGV peut battre l’avion ou et de l’éloignement croissant des marchés visés, il convient de revisiter la question au moins rivaliser avec lui en temps de trajet de porte à porte. Bien des efforts de la vitesse commerciale optimum. Pour éclairer le sujet, voici un calcul brutal et sont d’ores et déjà déployés pour accroître la fluidité à l’entrée et à la sortie des très schématique relatif au projet SEA. La LGV coûtera environ 3 milliards € pour gares, par des accès plus visibles, faciles et directs vers les transports en commun, un gain de temps de 50 minutes. L’effort consenti par la collectivité pour gagner les taxis et les parcs à voitures. 5 minutes correspond donc 300 millions €. C’est à l’aulne de ce ratio qu’il faut regarder le surcoût infrastructure et matériel roulant pour atteindre par exemple Avec le TGV Est européen, la vitesse devrait atteindre 320 km/h. Cette performance 350 km/h en service commercial, sachant que TGV approcherait 2 heures sur sera obtenue avec des rames actuelles. Ce sera le troisième pallier de vitesse Paris - Bordeaux et 3 heures sur Paris – Toulouse, après construction des LGV commerciale depuis les premiers services commerciaux du TGV en 1981. Les correspondantes, en touchant des marchés analogues en volume à ceux de l’axe projets futurs tant le TGV Sud Europe Atlantique et Bordeaux Toulouse Narbonne Paris – Lyon - Marseille. d’une part que le TGV Côte d’Azur d’autre part portent sur des distances plus

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 90 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer

2.3. Pallier les nouveaux risques de base). Dans ce système le client désirant voyager un jour donné à une heure donnée ne peut pas savoir à l’avance ce qu’il devra payer. C’est l’état instantané de 2.3.1 Bataille des prix la demande qui définit le prix. Le TGV est moins cher que l’avion. Cependant les prix d’appel des compagnies aériennes à bas coûts le concurrencent sérieusement. Il suffit de rappeler que l’ar- La SNCF n’a pas décidé de s’aligner sur le modèle de vente des compagnies low rivée d’Easyjet sur Paris - Genève a fait chuter le trafic ferroviaire correspondant costs car, en tant qu’entreprise de service de référence sur le marché des transports de 15% en trois mois. Comme précédemment exposé, la SNCF a réagi par le tarif interurbains, elle tient à ce que le client sache à l’avance ce qu’il va payer au moins Prems. Cependant la question est plus vaste et plusieurs sujets sont à aborder. dans certaines conditions. Ceci n’exclut pas qu’en fonction de ses exigences ou de sa souplesse le client puisse trouver d’autres prix. Le i-TGV répond notamment La SNCF qui a rénové sa gamme tarifaire à la fin des années 90, se trouve aujourd’hui à cette demande. Il est une expérimentation qui vise plusieurs objectifs. Il permet un peu décalée par rapport aux pratiques du marché. Elle doit refonder sa politique d’introduire une nouvelle méthode de gestion du yield et de tester d’autres dans ce domaine pour disposer d’outils de riposte beaucoup plus fins et rapides à comportements de la demande. Il incite la clientèle à utiliser l’Internet, le canal mettre en œuvre, le marché faisant preuve de plus en plus d’inventivité. La SNCF de distribution le plus économique. Il va permettre de mieux estimer “ the value for s’est engagée dans cette voie. Elle est effectivement progressivement en train de money ”, comme le disent si bien les Anglais, du service et de la grande vitesse. Il explore une passer d’une tarification historique dominée par la proportionnalité à la distance nouvelle vision de la distinction 1ère / 2ème classe que le TGV a héritée du train classique. vers un système liant prix et capacité autant que prix et fonction de production et prix et valeur perçue du produit. Figure 24 – Comparaison des profondeurs de gamme sur Paris-Genève

La cohérence entre les tarifs et les coûts de production signifie que le prix peut (mais pas nécessairement) suivre une loi congruente avec celle régissant la formation des charges d’exploitation. Dans le cas de l’offre TGV radiale, sur Paris - Marseille par exemple, le voyageur Paris - Marseille ne coûte pas plus cher à transporter que le voyageur Paris - Avignon car le système est dimensionné par la capacité à offrir au départ du train. Il en résulte que le transporteur est fondé à s’affranchir d’une tarification linéaire en fonction de la distance. En perdant cette contrainte, le TGV trouve plus de facilité pour s’adapter à l’état des marchés sur lesquels il se place.

Par ailleurs, il est logique que le client ne paye pas le même prix en fonction des contraintes qu’il impose ou de la flexibilité dont il fait preuve. Cela concerne aussi bien la possibilité d’échanger les titres de transport que le fait d’anticiper la date du voyage ou bien sûr le désir de voyager en période de pointe, pour citer 2.3.2 Ouverture du marché quelques exemples. Nous avons noté un premier danger qui guette la SNCF dans ce cadre, celui de la La relation prix - capacité relève clairement de la politique de yield laquelle repose saturation des installations, dont l’effet immédiat serait de devoir réduire l’offre TGV pour sur le contingentement des places en temps réel et sur la gamme tarifaire qui fixe “ faire de la place ” à de nouveaux entrants. Il est à noter que tant que la législation notamment les prix de référence. Les concurrents aériens low costs ont tous européenne ne reconnaîtra pas de “ droits du grand-père ” ou leur équivalent, le danger adopté une politique de yield définissant au fur et à mesure du remplissage de précédent est relatif car les nouveaux entrants hésiteront à payer le ticket d’entrée l’avion un niveau de prix accessible (technique des “ buckets ” déduits d’un prix (investissements en matériel roulant très élevés à engager sur longue période, sans

91 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES compter les frais de formation du personnel à recruter) sur le marché s’ils n’ont pas le modèle sur lequel l’entreprise ferroviaire se fonde présente assez de souplesse pour d’assurance sur la pérennité de leur offre c’est-à-dire sur la possibilité d’amortir leurs s’adapter rapidement. La flexibilité pourrait prendre le pas sur la longévité si tant est que investissements. l’obsolescence commerciale “ tuera ” le matériel avant qu’il ne soit usé. La conception des nouveaux matériels doit intégrer cette préoccupation et c’est dans cette optique que Pour maintenir l’économie du système dans la zone de croissance rentable, le TGV le cahier des charges du TGV du futur doit être élaboré. devra sans répit accroître sa productivité et réduire ses coûts. Des gisements de productivité et des mesures d’abaissement des charges existent. S’ils ne sont pas spécifiques au TGV, comme la distribution, il convient de reconnaître que c’est 2.3.3 Passage à l’échelle européenne grâce au parti de la réservation obligatoire pris dès le début des services TGV Nous l’avons déjà dit : le marché européen ferroviaire ne peut prendre son essor qu’ils donneront toute leur mesure. qu’avec une politique cohérente de tarification d’usage de l’infrastructure. Selon la théorie économique l’optimum pour la collectivité est atteint en appliquant le La libéralisation du ciel a amené les compagnies aériennes low costs. Le même coût marginal social. Aujourd’hui les directives y font bien allusion mais laissent aux phénomène risque de se produire dans le domaine ferroviaire et particulièrement états des marges de manœuvre telles que quasiment tous les systèmes coexistent. dans celui de la grande vitesse. Peut-on produire un service à grande vitesse dont le Une autre solution, peut-être plus réaliste car elle ne suppose qu’un optimum de prix de revient serait sensiblement abaissé par rapport au prix de revient actuel ? second rang (Ramsay - Boiteux), a été envisagée pour le TGV Méditerranée dans le La SNCF a apprécié, dans son domaine, l’applicabilité de certains concepts mis en rapport Blanc - Brossier. Cette fois le péage varie en raison inverse de l’élasticité de œuvre par les compagnies aériennes low costs. La distribution est évidemment la demande au prix du produit final. En d’autres termes les péages sont plus légers un champ de réflexion. Au-delà de cette composante du coût il apparaît qu’une pour les trains qui servent des OD très concurrencées. Quelle que soit l’approche, il low cost ferroviaire est impossible sans réduction des charges de capital (matériel importe qu’une philosophie globale inspire la tarification de l’infrastructure de telle roulant et infrastructure, c’est-à-dire péages), parce que ces charges constituent façon que les entreprises ferroviaires les intègrent et en tire le meilleur parti au lieu à elles seules la majorité des frais d’exploitation. Le résultat de cette recherche qu’aujourd’hui, non seulement les tarifs d’infrastructure ne répondent pas, d’un pays est positif à condition d’admettre une certaine dégradation du service offert au à l’autre, au même objet mais ils varient dans de fortes proportions sans égard pour client. Pour parvenir à ce résultat, c’est toute la chaîne de valeur qui serait l’équilibre des opérateurs et sans souci de leur fournir un cadre stabilisé, cohérent et systématiquement passée au crible en cherchant pour chaque composante compatible avec la réalité des marchés qui aurait valeur d’une règle du jeu. un remplaçant moins coûteux et ou plus variable en fonction du niveau du trafic. Si la méthode n’a rien d’original, elle induit par contre une vision très La question de la capacité du réseau est également tout aussi cruciale à l’échelle différente de l’actif aujourd’hui mobilisable pour le service. C’est également européenne, voire plus, dans la mesure où les trains doivent parfois s’insérer dans plusieurs dans le passage d’une industrie à coûts fixes vers une production de services systèmes de cadencement. On peut reprocher aux directives actuelles de n’obliger un à coûts plus variables que d’importants progrès sont à obtenir. gestionnaire d’infrastructure ayant déclaré son infrastructure saturée qu’à l’élaboration d’un plan d’augmentation de la capacité sans devoir le mettre en œuvre. D’ailleurs est-ce Lorsque plusieurs entreprises ferroviaires se trouveront en position de concurrence son intérêt dès lors que la déclaration de saturation lui ouvre la possibilité de majorer les frontale, il n’y a pas de raison que les caractéristiques physiques du transport comme les péages ? Le paradoxe est d’ailleurs que les trains payent plus cher pour circuler moins temps de parcours les départagent. Leurs trains rouleront sur les mêmes lignes et rien ne bien puisqu’il y a saturation ! les empêchera d’acheter chez les constructeurs des rames identiques ou équivalentes. La grande vitesse va inéluctablement vers une banalisation de la performance comme Un autre aspect essentiel est l’interopérabilité des réseaux. La mutation vers dans le secteur aérien. L’innovation dans le service et la réduction du “ time-to-market ” l’interopérabilité est intéressante si elle se réalise rapidement. Or il n’y a aucune seront en revanche des facteurs discriminants. Les deux ne peuvent être obtenus que si raison pour que les grandes opérations de renouvellement des systèmes

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 92 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer d’espacement des trains par ERTMS coïncident avec les dates d’amortissement voie de la création d’entités d’offre qui forment un échelon de décision (tant pour des matériels roulants sur les lignes concernées. Si le fait déclenchant est le les fonctions techniques comme la maintenance que marketing et commerciales) renouvellement de la signalisation (c’est-à-dire que l’opération se produit selon dépassant les opérateurs nationaux. Cette organisation, outre qu’elle améliore un calendrier optimal pour les gestionnaires d’infrastructure) l’accélération la réactivité et la performance sur le marché, maintient un intérêt commun des du processus de transition vers ERTMS suppose donc d’aider les entreprises partenaires dans une coopération, sachant que s’ils devaient jouer séparément ils ferroviaires à adapter leur matériel à un moment où il est encore loin de devoir mettraient en péril le modèle économique dont ils vivent. Le contre exemple a être remplacé. Sans une telle aide les entreprises ferroviaires sont conduites à d’ailleurs été fourni sur la relation Cologne Francfort où la double offre Thalys et considérer que la charge de l’investissement est de leur côté. Cela les rend d’autant ICE suscite un jeu perdant - perdant. plus réticentes à consentir cet effort financier qu’elles achèteront ensuite les péages des sillons qu’elles auront contribué à rendre possibles. L’homogénéité de la présentation commerciale de l’offre TGV mise en œuvre au début des années 1980, qui était essentiellement fondée sur l’image de la rame Si la dimension européenne est à regarder comme un nouveau potentiel de de livrée orange (Corail, en fait), a été globalement maintenue. Pour la préserver, développement, on ne peut pas en même temps penser à l’aspect paradoxal de cette livrée orange des premières rames s’est d’ailleurs muée en livrée bleu et gris cette opportunité. En effet, le changement d’échelle place très vite le TGV en comme sur l’axe Atlantique. Toutefois, les spécificités imposées par les relations dehors de son champ d’attractivité. Il est évident par exemple que la liaison Paris internationales, en matière d’alimentation en énergie électrique, de gabarit, etc, ont – Barcelone, qui sera exploitée en 2009 lorsque le tronçon international Perpignan poussé vers la création de “ sous parcs dédiés ”. On notera donc à cette occasion - Figueras sera construit, a un intérêt stratégique limité car le temps de parcours que si le matériel a créé la marque, les marques ont ensuite “ déteint ” sur le de 5 heures 30 environ est justement en limite de pertinence du modèle. Une matériel. Eurostar, Thalys ont accentué la différenciation du matériel pas seulement façon de surmonter cette difficulté est paradoxalement d’allonger le parcours imposée par des impératifs techniques. L’image de la marque arrive désormais devant en imaginant des TGV de jour Paris - Madrid qui traverseraient Barcelone en le matériel par ordre de préséance et s’invite sur la livrée des trains comme dans leurs s’arrêtant dans deux gares de cette ville (une fois que les travaux correspondants aménagements intérieurs. Aujourd’hui, Lyria n’échappe pas à cette règle alors que, dans les de jonction à l’écartement UIC auront été réalisés). Ces trains exploiteraient deux années 80, la clientèle n’était pas en mesure de percevoir cette différenciation. Abandonner marchés essentiels Paris – Montpellier d’une part et Madrid – Barcelone d’autre la coopération actuelle signifierait donc perdre pour certains, voire tous, cet actif que sont part. Autrement dit, ils trouveraient leur justification dans la desserte de deux précisément ces marques auxquelles le public est désormais attaché. marchés domestiques placés aux deux extrémités de leur parcours. Le double arrêt dans Barcelone renforcerait l’atout de la desserte en surface au cœur de la 2.3.4 Financement des nouvelles infrastructures ville. Son inconvénient sur le temps de parcours global ou partiel est à relativiser Le CIADT de novembre 2003 envisage un programme très ambitieux de nouvelles LGV. du fait que ce ne sont pas les voyageurs qui le subissent qui constituent le marché Certes, une nouvelle agence de financement des infrastructures de transport (AFIT) est prioritairement visé. Ce troisième modèle diffère du modèle radial caractérisé créée et amplifiera les ressources dont elle disposera en provenance des autoroutes par un train qui se vide progressivement et du modèle de la Jonction où une par un effet de levier issu de sa capacité d’endettement, mais cela risque de ne pas place abandonnée par un voyageur en Île –de – France est aussitôt occupée suffire et des montages financiers alternatifs pourraient voir le jour. D’ores et déjà le par un autre voyageur monté dans la même gare ou une gare très voisine recours à des partenariats publics-privés (PPP) a été envisagé. En outre, les régions et de cette région. autres collectivités territoriales sont incitées à dépasser les subventions forfaitaires qui caractérisent leur apport jusqu’à présent. En dernier lieu il convient d’évoquer les coopérations entre opérateurs historiques Quelle que soit la solution retenue, son aboutissement dépend d’une nouvelle répartition qui ont prévalu jusqu’à présent pour citer le risque de les voir remises en question. des risques entre les acteurs. Les principaux risques apparents d’un projet de LGV sont L’expérience d’Eurostar ainsi celle de Thalys ou Lyria confortent la SNCF dans la bien connus :

93 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

• Le risque de construction (coûts et délais) est essentiellement du côté du maître Si certains traits semblent définitifs comme l’articulation et la non déformation de la d’ouvrage de la LGV et de l’État, comme dans le cas de la LGV Est européenne rame, d’autres aspects du modèle, dont certains ont pris l’allure d’axiomes, doivent être actuellement en cours de construction. reconsidérés. En particulier, la distinction 1ère/2ème classe, la vitesse commerciale maximum • Le risque commercial concerne les produits issus du trafic transporté qui et la longueur de la rame sont des sujets qui méritent de prendre le temps d’une résultent directement de son volume et du produit moyen payé par le client nouvelle analyse au regard des évolutions internes et externes constatées et attendues. Il final. Ce risque est porté par l’entreprise ferroviaire et non par le gestionnaire en est une, notamment, qui est fondamentale : le modèle n’est plus unique car la de l’infrastructure pour qui le trafic s’exprime en nombre de circulations, Jonction a un fonctionnement profondément différent de celui des radiales. lesquelles ne peuvent guère s’écarter des dessertes proposées dans les dossiers L’optimum global sera probablement mieux atteint par la reconnaissance de spécificités d’enquête d’utilité publique, sinon c’est le fondement du projet qui serait remis traduites dans le matériel, l’exploitation et les installations en gare que par la volonté en cause. de traiter uniformément tout le marché. Et c’est sans doute dans la perspective d’une • Le risque financier est relativement classique. Il n’est cependant pas inutile gamme offrant un maximum de compatibilité entre ses versions qu’il faut réfléchir. de souligner qu’il touche l’entreprise ferroviaire qui investit parfois beaucoup de son côté pour acquérir la flotte nécessaire à l’acheminement du trafic. Par Le modèle TGV n’est pas seulement sous tendu par la rame TGV. La séparation de la exemple, dans le cas tu TGV Est européen, la SNCF est le second investisseur gestion de l’infrastructure de l’exploitation du trafic risque d’occulter la chose première, après l’État. qui a tendance à s’effacer par la familiarité dans laquelle elle a été tenue jusqu’à présent, le système ferroviaire. L’infrastructure a été très fortement modelée et À côté de ces risques bien apparents, existent d’autres risques, bien souvent sous-estimés continuera de l’être par la puissance des engins moteurs. Les commandements du voire ignorés, qui tiennent entre autre au fait que les projets de LGV ne peuvent être marché s’imprimeront tout autant dans le référentiel technique des installations fixes isolés du reste du réseau. Il s’agit en particulier : que dans celui du matériel roulant. Les gares notamment doivent être réinventées • du risque sur les temps de parcours, pour mieux répondre aux besoins de capacité, d’intermodalité, de sûreté, de confort et • du risque sur la capacité du réseau et le positionnement horaire de l’offre, d’exploitation. • du risque sur les péages en amont et aval du projet considéré. C’est la SNCF qui a introduit la grande vitesse en France. Aujourd’hui elle n’en a plus Comme ces risques pointent précisément des facteurs qui ont déjà provoqué, dans le le monopole en Europe car elle a été copiée, entre autres par l’Espagne, sans compter passé, des effets de rupture, il est logique de s’interroger sur l’impact que leur redistribution nos voisins britanniques, hollandais, belges, luxembourgeois, allemands suisses et italiens entre acteurs aura sur le modèle TGV. Il est bien sûr trop tôt pour le dire mais on peut qui, par le biais de la coopération avec la SNCF, actuellement, ou dans un très proche prédire des changements significatifs. avenir, exploitent ou exploiteront notre modèle chez eux. Fatalement la grande vitesse se banalise. Toute contrainte, ou tout frein nouveau est à regarder comme une occasion de dépassement, sans nostalgie d’un ancien zénith. Ce seront l’aptitude à inventer de Conclusion nouveaux services et la flexibilité des options retenues pour le modèle qui deviendront les facteurs prépondérants du succès sur un marché où la grande vitesse On ne change pas un modèle qui gagne et auquel la France dans son ensemble est très n’est déjà plus une spécificité française. attachée : rompre sans dénaturer pourrait bien être la devise d’avenir du modèle TGV car sa pérennité ne peut être assurée dans une fin de non évolution opposée à un D’ailleurs au fil des ans, un certain glissement s’est produit dans l’image commerciale marché qui relève du vivant. Le souvenir de toutes les luttes qu’il a fallu soutenir pour du TGV. Il est perceptible dans les affiches et slogans utilisés pour le vanter. Les maintenir l’unité et éviter des dérives du modèle ne peut effectivement être le motif dernières affiches en date, “ Prenez le temps d’aller vite ” semblent presque dire permanent d’un refus du changement. le contraire des premières, déjà citées avec cette devise “ gagnez du temps sur le

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 94 Annexe I - Le TGV au 21e siécle : rompre sans dénaturer temps ” autrefois présentée sur fond de rame orange. Le nouveau slogan insiste cette fois sur l’essence du modèle, la vitesse, symbolisée par les graduations en km d’un Bibliographie biberon ou la pagination aussi en km d’un livre. Il vise ainsi à redonner un contenu au temps du voyage (soins à un bébé ou lecture), le voyage proprement dit semblant Atlas de France – Transport et énergie – Reclus 2000 se faire en parallèle, en douce, presque à l’insu du voyageur. Le train est juste un Association des villes européennes de la grande vitesse – Grande vitesse, mobilité, citoyenneté sol qui roule, où l’on peut tout faire comme à la maison ou au bureau, mieux qu’en – plaquette 2003 voiture ou dans l’avion. La forme du train n’est plus le sujet de l’image : elle serait CIADT – Dossier de presse – 18 décembre 2003 d’ailleurs un pléonasme visuel du logo tant la notoriété de la marque est forte. La Commission des communautés européennes – communication de la Commission – Une perfection est dans l’effacement, formidable sédimentation, formidable oubli. initiative européenne pour la croissance, investir dans les réseaux et la connaissance pour soutenir la croissance et l’emploi – Bruxelles 11/2003 Conseil Economique et Social - “ environnement et développement durable : l’indispensable mobilisation des acteurs ” - avis présenté par M Claude Martinand – Journaux Officiels – mars 2003 CGPC – IGF – Rapport de la mission sur les redevances d’infrastructure du TGV Méditerranée – établi par André Blanc, Christian Brossier, Laurent Ménard, Michel Gérard et Jean-Marc Moulinier – juin 2000 CGPC – IGF – Rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures de transport – février 2003 CGPC, DGAC, DTT –Michel Guyard, Jean-Noël Chapulut, David Ranfaing, – Complémentarité modale Air/Rail – rapport final 2004 CRCI Paris- Île-de-France – Création et aménagement des infrastructures de transport en Ile- de-France : 6 priorités pour les entreprises – 2003 DATAR – La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ? avril 2003 HM Treasury – PFI : meeting the investment Challenge – July 2003 Lovells – L’ordonnance PPP, vue d’ensemble – novembre 2003 MELT – DTT - Schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse – mai 1991 RGCF – 20 ans de TGV – 2001 SNCF – Panel 2002 Strategic Rail Authority (SRA) - West Coast Main Line Strategy, refreshing a Prime National Asset – June 2003 UIC – Passenger Traffic Study 2010/2020 -Rapport final Inrets-Intraplan 2003 JH Ausubel, C Marchetti, PS Meyer – Toward green mobility : the evolution of transport – European review, 1998 Cédric Audenis & Jean-Jacques Becker – “ Comment contenir les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ?” - Analyses économiques n°50 Octobre 2004, Ministère de l’Économie et des Finances Gérard Blier – Nouvelle géographie ferroviaire de la France – La Vie du Rail – 1993

95 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Nadine Cattan & Claude Grasland – Une approche multimodale des différentiels d’accessibilité des villes moyennes en France – MELT – 1997 Éric Cinotti & Jean-Baptiste Treboul – Les TGV européens Eurostar, Thalys – Que sais-je ? n°3540 PUF 2000 Yves Crozet – Les réformes ferroviaires européennes : à la recherche des “ bonnes pratiques” - Institut de l’entreprise 2004 Sonia Goujon – Le transport ferroviaire en Europe : libéralisation et part modale du fer – Notes de synthèse du SES, janvier/février 2004 Jean-Marc Moulinier – La structure du péage d’infrastructures ferroviaires : un handicap pour l‘avenir du transport ferroviaire et l’aménagement du territoire ? – Notes de synthèse du SES, mai/juin 2003 Jean-Marc Moulinier – L’évolution de la capacité utilisée dans les maillons critiques du réseau ferroviaire classique de 1980 à 2000 - – Notes de synthèse du SES, mai/juin 2003 Martine Poincelet & Christian Reynaud – Comment définir des priorités en transport : quels critères et quelles procédures ? – Paradigme 1994 Gilles Rabin – Villes et grande vitesse – Mardaga 2003 Didier Rouchaud & Alain Sauvant – Volume et partage modal du transport de voyageurs en France de 1845 à nos jours – Notes de synthèse du SE, juillet/août 2003 Philippe Roumeguère – Les réseaux ferroviaires européens – Revue générale des chemins de fer, février 1998 Alain Sauvant – Le transport ferroviaire de voyageurs en France : enfin un bien normal ? – Notes de synthèse du SES, mai 2004 Alain Sauvant – Les prix dans les transports aériens et ferroviaires de voyageurs – Notes de synthèse du SES, mai 2004 Vincent Vicaire – Concurrence fer-air et évolution récente du transport ferroviaire – Notes de synthèse du SES, janvier/février 2004

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 96 Annexe II - Choix et méthodes de financements : continuité et innovations

Mais c’est aussi un défi, car nous vivons une époque de mutations rapides dans Annexe II l’organisation mondiale des marchés financiers qui ouvrent un vaste ensemble d’opportunités pour le financement des infrastructures de transport. Le nombre Choix et méthodes de financements : croissant de projets complexes a suscité le développement d’une ingénierie continuité et innovaTIONS financière sophistiquée et d’un vaste marché international spécialisé dansle financement des infrastructures. Philippe de FONTAINE VIVE CURTAZ, vice-président de la Banque Européenne d’Investissement La Banque europénne d’Investissements (BEI) est, j’y reviendrai, au cœur de ce processus et a pour mission de répondre aux besoins des acteurs publics et Fêter les deux-cents ans d’une institution telle que le Conseil général des Ponts privés dans un souci d’optimisation du financement de grands projets, et tout et Chaussées en traitant de la question du financement des réseaux de transport particulièrement des réseaux trans-européens. La BEI intervient sans dogmatisme constitue à la fois un honneur et un défi. ni parti pris, ce qui lui permet de porter un regard aussi objectif que possible sur les avantages et inconvénients de chaque solution. Notre ingéniérie en Europe Un honneur, cela va sans dire au vu de la contribution historique que les nous a montré que le secteur des transports a un rôle précurseur dans la diffusion ingénieurs des Ponts et Chaussées ont apportée depuis deux siècles dans la mise de nouvelles méthodes de gestion et de financement des infrastructures. Ainsi, en œuvre des grands projets d’équipement public, notamment dans le secteur des les PPP représentant un tiers des interventions de la Banque dans ce secteur transports. Cette histoire plus que bicentenaire, au cours de laquelle la France a dans l’Union européenne, et un part croissante dans les pays associés (Pays de souvent fait figure de pionnière, a suscité intérêt et admiration bien au-delà de nos bassin méditerranéen, Pays ACP, Amérique latine et Asie) où la contribution du frontières. Ce qui la caractérise est une recherche constante de l’intérêt général secteur privé au développement des infrastructures s’est nettement renforcée sans a priori sur les solutions à adopter, ce qui a conduit certains auteurs à parler ces dernières années. de « pragmatisme français ». Il en est notamment résulté une expérience assez unique dans l’appréciation des mérites respectifs des modes de gestion public et Tout d’abord, quelles sont les caractéristiques privé et dans la manière de les valoriser au mieux. du secteur des transports ? Si les vertus du partenariat public-privé pour développer les infrastructures de Les transports sont, avec les autres industries de réseaux, l’un des secteurs qui base d’un pays sont aujourd’hui reconnues partout dans le monde, c’est sans ont suscité le plus de débats quant aux mérites respectifs du public et du privé aucun doute un peu grâce au modèle français des concessions qui a inspiré dans la production des services. Composantes essentielles du système d’échanges bon nombre de pays et d’institutions. Ainsi, la Banque mondiale a repris cette marchands, les réseaux de transport sont aussi au cœur des rapports sociaux et approche au cours des années 80 en préconisant un modèle de développement culturels et interagissent fortement avec les territoires (villes, régions, nations et des infrastructures publiques largement basé sur la participation du secteur privé aujourd’hui Union européenne). A cela s’ajoutent des impacts importants, souvent à la réalisation des infrastructures avec ce que l’on appelle les « PPI » (Private dommageables et parfois irréversibles sur les écosystèmes. Les transports sont Participation in Infrastructure). ainsi au cœur de la problématique du développement durable de nos sociétés, ce qui exclut de les laisser à la seule main invisible du marché. Plus récemment, au début des années 1990, le Royaume-Uni a développé la « Private Finance Initiative » PFI. L’idée centrale étant de bâtir des partenariats Toutefois, si historiquement un consensus s’est rapidement dégagé sur le fait public-privé pour la réalisation des infrastructures, y compris dans des secteurs que les pouvoirs publics devaient intervenir dans l’organisation des transports, le non marchands comme l’éducation par exemple. débat concernant la façon d’opérer a souvent été virulent.

97 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Il a été a peu près tranché dans le cas des services de transport interurbains où il pour des ponts, comme par exemple le pont Saint-Michel à Paris à la fin du 14ème est maintenant acquis que la concurrence est le meilleur mode d’organisation (ce siècle, dont le financement s’est appuyé sur l’obtention, en rente à perpétuité, des qui est parfaitement compatible avec l’existence de missions de service public). logements construits sur l’ouvrage. Il reste en revanche largement ouvert pour les infrastructures. Leurs caractéristiques [Des concessions de transport fluvial ont également été données et c’est aussi dans ce (très longue durée de vie, besoins de subventions importants pour couvrir les domaine que l’on trouve le premier grand contrat de concession de travaux publics avec coûts fixes et favoriser les reports modaux, rentabilité commerciale résiduelle le Canal d’Adam de Craponne en 1554, canal de desserte en eau partant de la Durance souvent très incertaine, actifs irrécupérables, situations de monopole naturel) et desservant Salon, Silvacane, Pélissanne, jusqu’à l’Etang de Berre. Adam de Craponne pourraient les prédisposer à rester dans le giron public si l’on pouvait garantir a investi beaucoup d’argent et une partie de son patrimoine pour ces travaux et obtenu que leur gestion serait aussi efficace qu’une gestion privée et régulée. un retour sur investissement indirect grâce au développement économique permis par le Or ce n’est pas le cas, ce qui explique pourquoi, lorsqu’on se tourne vers le passé canal (alimentation des moulins, irrigation, transport). ] ou l’étranger, on observe une grande diversité de méthodes de gestion et de financement des infrastructures de transport, allant du tout public au tout privé Les ponts et canaux continueront de bénéficier tout au long du 17ème et du 18ème en passant par toute une gamme d’architectures institutionnelles mêlant à des siècle du système de concession, souvent à péage, dont évidemment le célèbre degrés variables les acteurs privés et publics. canal du Midi.

Faisons juste un survol historique, sans prétention par rapport à l’intervention Cette technique sera ensuite renouvelée sous l’Empire puis étendue sous la du Professeur CARON et sans aller jusqu’à la période napoléonienne évoquée par Restauration et la monarchie de Juillet. L’administration des Ponts et Chaussées le Professeur GUILLERME, en évoquant des exemples symboliques de montages favorisa clairement la construction de ponts en concession après 1820. Faute juridico-financiers montés en France au cours des siècles, dont beaucoup, bien de fonds du Trésor, le financement d’un pont suspendu s’opérait à travers une que méconnus du grand public, montrent combien l’initiative privée a pu jouer un société détentrice des droits de péage, dotée d’un cahier des charges approuvé rôle moteur dans le développement des infrastructures de transport, à côté des par l’Administration, souvent après appel d’offres. Plus de 160 ponts suspendus méthodes plus classiques de financement et de gestion publics. furent ainsi construits et financés entre 1831 et 1847.

1. Importance de l’initiative privée C’est aussi au 17ème que COLBERT a inventé le bail décennal pour la construction jusqu’au début du 20èmesiècle69 et l’entretien des grandes routes pavées de France, proche des concessions autoroutières actuelles, système qui a fonctionné jusqu’en 1830. Il est peu connu que Gustave EIFFEL a été concessionnaire de sa tour qu’il a financée pour près des trois quarts. De nos jours, l’attribution de la concession Pour terminer ce survol historique, je ne peux pas passer sous silence les chemins du Viaduc de Millau au groupe Eiffage qui sera inauguré que le 14 décembre 2004, de fer, d’autant plus que ceux-ci se retrouvent au cœur de l’agenda européen dans ne surprend personne et illustre la continuité de la pratique française en matière le cadre du développement des réseaux trans-européens. de recours au secteur privé dans le développement des grands projets. A partir de 1830, la question du « service public » opposait déjà les détracteurs Comme l’a démontré Xavier Besançon, qui fait autorité en la matière, la France de la concession à ceux qui voulaient que l’Etat exécute et gère le nouveau réseau peut légitimement revendiquer une paternité dans ce domaine. et c’est la loi de 1842 qui a permis les deux possibilités avec la participation des Ainsi, dès le Moyen-Age, des concessions ont été attribuées à de riches particuliers départements et des communes auprès de l’Etat ou la concession totale à des compagnies privées. C’est ainsi que s’est organisé le partage des coûts à peu près 69 Partie inspirée de l’ouvrage de X. BESANCON (fonds jaune) et du papier de Réjane HUGOUNENQ et Bruno également répartis entre fonds publics et privés. VENTELOU « Les services publics français à l’heur de l’intégration européenne »

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 98 Annexe II - Choix et méthodes de financements : continuité et innovations

C’est la concession qui l’emportera dès 1852 sous l’impulsion de NAPOLEON Pour terminer, je citerai le cas célèbre du métro parisien, exemple de partage III ce qui engendrera les grandes sociétés de travaux publics et de construction. « physique » entre l’infrastructure à la charge de la ville et de la superstructure On peut dire que le succès des groupes espagnols sur la scène mondiale dans le et du matériel roulant à la charge du concessionnaire. Les travaux de la domaine des concessions de transport, où ils occupent sept des dix premières superstructure ont été réalisés par la puissance publique et livrés en 1900. Une places repose sur ce modèle. entreprise concessionnaire exploitait ensuite le métro à ses risques et périls moyennant le versement d’une redevance versée à la ville et proportionnelle NAPOLEON III a ensuite imposé le regroupement des quelques 60 compagnies au trafic. Les équipements et les installations, les stations et le matériel roulant de chemin de fer à se regrouper en 6 compagnies concessionnaires, étendu les étaient à la charge du concessionnaire. La RATP sera nationalisée en 1948, dans la contrats à 99 ans avec option de rachat après quinze ans et attribué des garanties vague de nationalisations qui a suivi la libération. d’intérêt qui firent des chemins de fer des placements de « père de famille ».. Cette dichotomie infrastructures-superstructure d’un côté et matériel roulant Ainsi, le montage financier classique consiste alors à verser une subvention ou mobile de l’autre est plus que jamais d’actualité dans les secteurs ferroviaire initiale de l’ordre d’un quart des besoins de financement, puis de garantir pendant et portuaire. cinquante ans un rendement minimal de 4% par an aux détenteurs de capital avec une clause de bonne fortune conduisant à reverser à l’Etat la moitié des Ce modèle de la concession, avec financement total ou partiel par le privé, excédants dès que le rendement dépassait 8%. bénéficiant ponctuellement de garanties publiques, va se diffuser dans le monde jusqu’à la 1ère guerre mondiale avec des succès variables et des échecs retentissants En 1882, sur les 12,2 milliards de francs dépensés depuis l’origine dans le capital comme le Canal de Panama. La période particulièrement troublée qui a suivi aura des premiers établissements, 26,4% avaient été fournis par l’État et 16% par le raison de l’initiative privée dans le développement des grandes infrastructures de capital privé, la majorité étant apportée par des placements obligataires garantis transport, imposant un rôle prédominant du secteur public. par l’Etat. Cette garantie a donc joué un rôle fondamental pour la confiance des investisseurs 2. Prédominance du secteur public et a permis la mobilisation des sommes nécessaires à l’extension du réseau. Au depuis la fin de la 2ème guerre mondiale total, elle a permis à l’État d’imposer ses exigences et de réaliser ses projets sans conséquence sur les finances publiques, car le rendement des compagnies ayant Le recours à des modes de financement et de gestion publics a en effet été la règle été relativement important quasi générale dans les démocraties depuis la fin de la seconde guerre mondiale, y compris aux Etats-Unis (à l’exception des chemins de fer intégrés verticalement C’est à partir de 1878 que Charles de FREYCINET, polytechnicien, ministre et développés et gérés par des compagnies privées opérant toutefois dans un des Travaux publics a développé un vaste programme de travaux public visant cadre très réglementé jusqu’à la fin des années 1970). à développer les chemins de fer en tant que service public. Les moyens ont été mobilisés sur le budget de l’Etat et les pouvoirs publics n’on cessé dès lors Le secteur privé intervient principalement pendant la phase de construction, d’accroître leur implication dans le développement des chemins de fer. plus épisodiquement pour l’entretien ou l’exploitation, très rarement dans le financement. Parmi les exceptions il y eut bien sûr la création en France de A partir de 1900, certaines compagnies n’ont pu résister aux pressions financières - sociétés privées d’autoroute au début des années 1970, une seule ayant survécu hausses des prix, hausses des salaires- et aux contraintes imposées l’État. Finalement, aux turbulences provoquées par les crises pétrolières. l’ensemble du chemin de fer a été nationalisé en 1936, ce qui montre à un siècle Cette situation de fait s’explique au moins autant sinon davantage par des raisons de distance la difficulté de traiter de ce secteur. économiques que par des considérations politiques ou idéologiques, même si ces

99 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES derniers ont évidemment joué un rôle dans l’accent plus ou moins fort mis ici Le retour de l’initiative privée au cœur du développement des infrastructures et là sur tel ou tel mode de gestion (la comparaison France/Etats-Unis dans le de transport date des années 1980. Les vingt dernières années ont en effet été secteur ferroviaire est sur ce sujet très éclairant). Il est de même nous le verrons marquées par deux avancées majeures : pour le développement des partenariats public privés qui, au-delà des querelles • L’adaptation et la modernisation du cadre traditionnel de la concession partisanes, apparaît comme une évolution répondant de manière opportune à des « à la française », refondu dans un ensemble plus vaste et plus flexible de changements de fond dans l’organisation de nos sociétés. relations contractuelles ou institutionnelles entre les secteurs public et privé, plus connu sous le nom de Partenariat Public Privé (PPP), concept introduit Les raisons invoquées après guerre pour justifier l’omniprésence du secteur public par les pays anglo-saxons dans les années 1990 (Royaume-Uni notamment) dans les réseaux de transport étaient pour l’essentiel au nombre de quatre : et désormais adopté et mis en pratique par la plupart des pays de l’Union • le développement de l’état providence donnant aux structures publiques européenne : PFI au Royaume Uni, Livre vert de la Commission sur les PPP et une légitimité forte dans les secteurs jugés vitaux ; en France, de l’Ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat. • en Europe, les besoins colossaux de reconstruction après guerre et les • Le développement au niveau mondial des techniques de financement de capacités limitées de financement du secteur privé ; projet, visant à « confiner » le financement de projets générant des cash- • le recours à la subvention d’investissement comme forme de financement flows bien identifiables, suffisamment prévisibles et bien délimités dansle privilégiée dans un contexte d’abondance relative des fonds publics mais temps, dans des structures ad-hoc permettant de répartir les risques projets aussi comme conséquence directe de politiques fiscales et tarifaires70 ; entre plusieurs partenaires tout en autorisant des engagements hors-bilan. • la maîtrise insuffisante des structures de partenariats public-privé, sauf dans quelques pays comme la France ayant une large expérience dans ce Les raisons de cette évolution sont d’une part la reconnaissance de la valeur ajoutée domaine71. que peut apporter le secteur privé dans l’accomplissement de missions de service public, moyennant la mise en place d’un cadre régulateur approprié, sujet sur lequel Au total des structures de gestion et de financement public classiques, ces des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années et d’autre part le dernières combinant subventions directes à l’investissement et prêts de longue resserrement tendanciel des contraintes de financement public. durée adossés généralement sur des emprunts obligataires garantis par l’Etat (les autres formes de soutien public revenant indirectement à une combinaison Les « PPP » variable entre subvention ab initio et prêts à long terme). En bref une ingénierie Même si la notion de partenariat entre secteurs public et privé pour la réalisation financière plutôt fruste mais bien adaptée au régime de croissance des« 30 de grands équipements publics est connue de longue date, et notamment, nous glorieuses ». l’avons vu, en France, l’acronyme « PPP » n’a été popularisé que récemment sous l’impulsion des pays anglo-saxons et tout particulièrement du Royaume-Uni. Nos Pour terminer, je parlerai des développements récents et des perspectives d’avenir amis britanniques se sont engagés depuis plus de dix ans sur une voie bien connue et en particulier de la résurgence des partenariats entre secteurs public et privé en France mais qui, à l’époque était totalement nouvelle pour eux, celle d’une dans le développement des infrastructures de transport. association étroite du secteur privé dans le financement et la fourniture de biens et services publics, voire dans certains cas dans celle de la privatisation d’activités relavant traditionnellement du secteur public. 70 Gratuité pour les routes à l’exception de quelques ouvrages d’art et des autoroutes interurbaines dans les pays du sud de l’Europe, mais dans le même temps croissance régulière de la fiscalité sur les carburants (sauf aux USA), qui générait une ressource abondante mais non affectée alimentant les budgets nationaux ; tarification Le recours accru à l’initiative privée, dont le principe n’a pas été remis en cause inférieure au coût moyen pour les chemins de fer – compensant en partie la sous-tarification du transport routier de marchandises. par les gouvernements successifs, concerne aujourd’hui de nombreux secteurs, 71 Avec toutefois une mauvaise appréciation du partages de risques entre public et privé (cf. faillite des sociétés le secteur des transports ayant toujours été en pointe dans ce processus. On d’autoroutes en France et aussi plus récemment Eurotunnel)

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 100 Annexe II - Choix et méthodes de financements : continuité et innovations connaît évidemment les échecs qui ont émaillé cette transformation radicale. On Les techniques de financement de projets connaît un peu moins les nombreux succès qui vont de la privatisation des ports Parallèlement au développement des PPP, et plus généralement de la participation à la mise en œuvre de projets de routes et de transport urbain sous forme de accrue du secteur privé dans les infrastructures de base dans de nombreux PPP avec des schémas de rémunération et de partage de risque particulièrement pays, on a assisté à l’expansion et au renouvellement permanent des techniques innovants. de financement des projets pour lesquelles un marché international s’est créé et développé rapidement. Une étude récente estimait à 90 le nombre de PPP Le principe du PPP version britannique est de proposer aux autorités publiques financés au sein de l’UE-25 en 2003 pour un montant estimé de l’ordre de 17 une alternative au système traditionnel de production des biens et services publics, Mds d’euros72. visant à tirer profit de la capacité du secteur privé à apporter des solutions mieux adaptées aux besoins exprimés. Cela recouvre la concession telle que nous la Ces techniques permettent de circonscrire les négociations entre acteurs autour connaissons mais le plus souvent il s’agit de contrats intégrés visant à assurer d’un projet bien défini dont la réalisation sera confiée à une société adhoc, la fourniture sur une durée longue d’un service lié à une infrastructure ou un d’évaluer les risques de manière aussi objective que possible et de les répartir bâtiment avec une rémunération étalée dans le temps et liée à la performance de au mieux des compétences et des capacités de portage de chacun. L’expérience l’exploitant. L’approche britannique consiste à comparer de manière systématique montre que les marchés financiers ont tendance à plébisciter ce type de montage et en termes financiers les avantages et inconvénients des PPP par rapport aux en raison de la transparence qui les caractérise et de la meilleure gouvernance options publiques. qui peut en résulter.

L’option PPP n’est retenue que si elle apporte une réelle valeur ajoutée, et ce L’autoroute A28 ou la LGV Perpignan-Figueras, exemples récents de l’application indépendamment du traitement comptable des investissements associés (57% des des ces techniques en France, démontrent l’efficacité de ce type de financement contrats PPP sont comptabilisés dans les comptes du Trésor britannique). Cette structuré pour lever des fonds à long terme avec un coût minimisé. Mais ils valeur ajoutée est obtenue en optimisant le partage des risques entre partenaires nous interpellent aussi sur le bien fondé d’un transfert systématique des risques public et privé au cours d’un processus d’appel d’offres utilisant généralement la commerciaux vers les acteurs privés. procédure négociée. L’expérience britannique fondée sur le développement de modes de rémunération Au delà des gains ponctuels que l’on peut générer sur tel ou tel projet, qui doivent liés à la performance technique et non plus au volume de trafic et les analyses être évalués avec toute la rigueur requise sans a priori sur le résultat final, une récentes des agences de notation (étude de Standard & Poors sur les autoroutes telle approche crée une dynamique dont les effets doivent s’apprécier sur le long à péage) donne également sur ce sujet matière à réflexion. terme mais qui est déjà perceptible dans nombre de secteurs. L’expérience britannique s’est progressivement diffusée dans plusieurs pays La France est bien placée pour relever le défi de ce marché en pleine expansion, européens, sinon dans sa forme originale, du moins dans sa philosophie. Cette à condition de développer chez elle un véritable programme d’opérations diffusion ne peut se faire sans une politique de formation au sein des administrations montées en PPP venant compléter l’activité plus traditionnelle des concessions concernées, visant à construire une expertise en matière de négociation et de ou délégations de service public. Les exemples de l’Espagne et du Royaume- gestion de contrats complexes. Afin de consolider cette expertise et d’assurer Uni montrent combien l’existence d’un marché domestique est importante pour une cohérence entre les administrations, la plupart des autorités publiques optent asseoir le rayonnement international des industries de BTP et de conseil juridique pour la création d’un centre d’expertise (PPP « taskforce ») appelé à jouer un et financier. rôle de coordination et de partage d’expérience.

72 21.65 Bn$ selon Dealogic (2003) Global Project Finance Review

101 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Le rôle de la BEI en est une parfaite illustration. Cette palette a plusieurs composantes : Avant de conclure, j’aimerais dire quelques mots sur le rôle de la BEI qui, depuis • un renforcement du produit traditionnel de la Banque, à savoir des prêts son origine, été au cœur du développement des grands projets d’infrastructure à très long terme (jusqu’à trente-cinq ans) aux meilleures conditions du d’intérêt européen en intervenant massivement pour leur financement, et marché ; notamment dans le secteur des transports. • le développement d’instruments de garantie, en collaboration avec la Commission ; La Banque européenne est la Banque du développement de l’Union et c’est à ce • l’utilisation accrue de la facilité de financement structuré qui permet titre qu’elle intervient en priorité dans le domaine des transports trans-européens à la Banque de prendre davantage de risques dans sa participation au qui contribuent à l’Initiative européenne de croissance. C’est le rapport «Van financement des projets ; MIERT», que vous aurez la chance d’entendre dans un instant, qui a sélectionné • le recours éventuel aux techniques de « titrisation » permettant de les projets prioritaires à réaliser d’ici 202073. mobiliser davantage les marchés des capitaux qui sont demandeurs de produits « labellisés ». Ceci permettrait notamment de développer un Elle a suivi les évolutions décrites auparavant et notamment comme je l’ai déjà véritable marché secondaire du financement des grandes infrastructures signalé, le développement des PPP sans préjugé sur les mérites respectifs des de transport libérant des ressources précieuses pour le marché primaire différentes options offertes aux autorités publiques. Le secteur des transports (fonds propres et quasi fonds propres des sponsors traditionnels de ce constitue aujourd’hui l’essentiel de l’activité PPP de la BEI, avec des projets phares type de projet et prêts bancaires). comme l’aéroport d’Athènes, le métro de Londres, les autoroutes françaises et portugaises, la ligne à grande vitesse Bruxelles-Amsterdam et de nombreux A cela s’ajoute un rôle de conseil et d’expertise auprès des autorités publiques, projets de transport urbain en Espagne. Ce secteur est essentiel et on peut se des institutions internationales, à commencer par la Commission, et des autres féliciter que ce soit c’est le commissaire et vice-président de la Commission, acteurs contribuant au développement des nouvelles méthodes de financement Jacques BARROT qui en aie la charge. des grands projets de transport. Pour plus de détail, je vous invite à consulter le dernier rapport de la BEI sur les Notre expérience montre que bien plus que la question de classification comptable PPP, qui est sorti la semaine dernière, et que vous trouverez à l’entrée de la salle. et de l’impact éventuellement bénéfique sur les finances publiques, la recherche Je me limiterai à vous donner quelques chiffres. L’année dernière, la Banque a d’efficacité globale tout au long du cycle de vie des projets est, sur le long terme, accordé 2,7 milliards d’euros de prêts pour des PPP, ce qui porte son encours la raison d’être des PPP. global à 14,7 Mds d’euros. Cet encours se répartit essentiellement entre des grands postes des transports C’est dans cette optique que la BEI, en étroite coopération avec la Commission, comme les routes et les autoroutes qui représente près de 40% et les tunnels et les Etats membres et le secteur privé, conçoit sa contribution au financement des les ponts qui représentent 21%. Les transports urbains représentent pour leur PPP pour la réalisation et l’exploitation des grandes infrastructures de transport part 17%, les aéroports 7% et les trains 6%. à vocation trans-européenne. En dehors des transports, le secteur qui s’est beaucoup développé ces dernières années, notamment en France pour les hôpitaux, est le secteur des infrastructures La décision prise l’an dernier, dans le cadre de l’initiative de croissance, de créer sociales, c’est à dire de la santé et de l’éducation qui représente 5% des concours une facilité d’investissement pour les réseaux trans-européens, ayant pour objectif de la Banque. L’eau et l’assainissement et l’électricité sont également des secteurs d’élargir la palette de produits financiers offerts par la Banque aux promoteurs qui bénéficient de prêts de la BEI dans le cadre de PPP et qui représentent chacun des projets RTE, et plus particulièrement ceux mis en œuvre sous forme de PPP, environ 2% des prêts. Une dernière remarque, les infrastructures se caractérisent par un besoin de 73 Pour mémoire cette liste de 18 projets n’avait pas retenu la LGV Paris-Luxembourg-Strabourg

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 102 Annexe II - Choix et méthodes de financements : continuité et innovations financement à long terme. C’est pourquoi la BEI est un bailleur de fonds très présent sur ce marché. Près du quart des prêts ont une maturité de plus de 25 ans et 80% sont sur plus de vingt ans. Enfin, avant de conclure, je vous dirai que la France est très loin derrière le Royaume-Uni, qui bénéficie de près du quart des financements PPP et de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce qui à eux trois représentent la moitié. Il y a donc là un véritable défi, à la réalisation duquel l’Etat a tenté d’apporter sa contribution avec l’Ordonnance du 17 juin dernier sur les Partenariats.

Pour conclure, je dirai que les cérémonies du bicentenaire du CGPC sont l’occasion de prendre un peu de recul par rapport à l’actualité immédiate, ce qui nous permet de constater qu’en matière de financement des infrastructures de transport, les problèmes d’aujourd’hui ne sont pas sensiblement différents de ceux d’hier. Il apparaît clairement qu’il nous faut d’une part un cadre clair et transparent, permettant un partage équilibré des risques, responsabilités et rétributions des uns et des autres, il nous faut aussi retrouver la passion d’entreprendre et la modernité d’un grand corps exemplaire pour soutenir et développer l’expérience française.

103 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES Annexe III - Présentations powerpoint

Annexe III

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Alain WILS Eric de CROMIERES Guillaume PEPY

Xavier FELS Jean-Pierre MUSTIER

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 104 Annexe IV - Présentation des intervenants

Secrétaire général de l’Association pour l’Histoire des chemins de fer en France Annexe IV (AHICF). Président de l’Institut pour l’histoire de l’électricité, créé au sein de la Fondation Présentation des intervenants EDF en 1999, après la dissolution de l’Association pour l’histoire de l’électricité.

André Guillerme, est professeur au Conservatoire National des Arts Il a soutenu, en 1969, une thèse de doctorat d’État intitulée Histoire d’un grand et Métiers, chaire d’Histoire des Techniques, depuis 1996, directeur du Centre réseau : la Compagnie du chemin de fer du Nord des origines à la nationalisation d’Histoire des Techniques et de l’Environnement (commun au CNAM et à (1846-1937), publiée en 1973, aux éditions Mouton. l’EHESS). Il a ensuite travaillé et dirigé de nombreuses recherches dans les domaines Ingénieur des Travaux Publics d’Etat en 1970, docteur en histoire médiévale en de l’histoire économique et industrielle et de l’histoire des techniques. Il s’est 1974, docteur ès lettres en 1981, il a été enseignant chercheur à l’École Nationale particulièrement intéressé à l’histoire de l’innovation et à l’histoire des grands des Travaux Publics d’État (1976-1984), directeur de recherche au CNRS (1985- réseaux techniques en Europe aux XIXème et XXème siècles. 1988), professeur de techniques urbaines à l’Institut Français d’Urbanisme (IFU) Publications (1989-1995). Il est membre du Comité d’histoire de l’Equipement depuis sa Il a publié fondation. en 1985, Chez Fayard : La France des patriotes (1852-1918), tome 5 de l’Histoire Publications de France, dirigée par Jean Favier. Il a publié : Chez Perrin : Le résistible déclin des sociétés industrielles. Les temps de l’eau – la cité, l’eau et les techniques (fin IIIe-début XIVe siècle), Paris, en 1997, Chez Albin Michel : Les deux révolutions industrielles du XXème siècle, 1983 ; édité en livre de poche Corps à corps sur la route – les routes, les chemins et l’organisation des sciences (XVIIIe- en1998 (collection Agora) Chez Fayard :Histoire des chemins de fer en France, XXe siècle), Paris, 1986 ; tome 1, 1740-1883. Deux autres tomes sont en préparation. Bâtir la ville : révolutions industrielles dans les matériaux (1760-1840), Paris, 1995 ; Dangereux, insalubres, incommodes : paysages de banlieues 1800-1920 (en collaboration), Paris, 2004. Claude Abraham, Ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées . Il a occupé les fonctions suivantes : 1957 -1962 Chargé de mission à la direction des Routes et de la Circulation François Caron, est professeur émérite à l’université de Paris IV depuis Routière septembre 1998. Il a été professeur d’histoire contemporaine á l’université de 1960 -1975 Professeur de Micro-économie Paris IV de 1976 à 1998, et professeur d’histoire contemporaine à l’université de - au Centre d’Etude des Programmes Economiques de 1968 á 1976. - à l’ Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Membre du Comité directeur de l’Association Internationale d’Histoire - à l’ Ecole Nationale du Génie Rural Economique de septembre 1994 à août 1998. - à l’ Ecole Nationale de l’Aviation Civile Fondateur du Centre de recherche en histoire de l’innovation (Université de 1962 -1966 Ingénieur des Ponts et Chaussées en service à Versailles paris IV) et de plusieurs associations historiques groupant des historiens et des 1968 -1974 Directeur-adjoint des Transports Aériens industriels, (entre autres, l’Association pour l’histoire de l’électricité en France 1974 -1975 Directeur de cabinet de Marcel CAVAILLE, secrétaire d’Etat aux et l’Institut d’histoire de l’aluminium, l’Association pour l’histoire des caisses Transports d’épargne). 1975 -1976 Directeur des Transports Aériens

105 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

1976 -1982 Directeur Général de l’Aviation Civile Publications 1982 -1992 Président de la Compagnie Générale Maritime - co-auteur avec D. BARJOT, A. BELTRAN, I. LESCENT, Industrialisation et société 1992 -1997 Conseiller du Comité Exécutif de la Caisse des Dépôts et en Europe occidentale 1880-1970, Paris, CNED - SEDES, 1997, 451 p. Consignations - Un siècle d’histoire industrielle en Italie 1880-1970, Paris, SEDES, 1998, 191 p. 1993 -2003 Président de la SMTPC -Société Marseillaise du Tunnel Prado Ouvrages publiés sous sa direction Carénage - avec A. CARRERAS (Institut Universitaire Européen et Université de Barcelone) 2002- Président de la Société de l’Autoroute Rouen- Alençon (ALIS) et A. GIUNTUNI (Faculté d’Economia e Commercio, Université de ) : Publication European networks, 19th-20th centuries. New approaches to the formation of a Micro-économie : Décisions optimales dans l’entreprise et la Nation transnational transport and communication system, , 1994, 189 p. DUNOD 1970 (Editions en anglais et en italien) - Les réseaux européens transnationaux XIXe-XXe siècles quels enjeux? (avec la collaboration d’A. CARRERAS et A. GITINI),ouvrage publié avec le concours du CNRS, Nantes, Ouest Editions, 1995, 432p. Michèle Merger, agrégée d’histoire, docteurs ès-lettres (1979) est chargée - Les transports terrestres en France (XIXe-XXe siècles) , n° spécial de la revue Histoire de recherche au Centre national de la recherche scientifique (Institut d’histoire Economie et Société, 1990/1, 168 p. moderne et contemporaine, dirigé par le Pr. Christophe CHARLE). - Les transports terrestres en Europe continentale (XIXe-XX e siècles), n° spécial de Historienne économiste, après sa thèse dirigée par F. CARON et consacrée aux la revue Histoire Economie Société, 1992/1, 184 p. voies navigables entre 1870 et 1914, elle s’est tournée vers les chemins de fer et a - avec D. BARJOT, Les entreprises et leurs réseaux: hommes, capitaux, techniques et publié de nombreux articles, tant en français qu’en italien, sur l’histoire et l’économie pouvoirs. Mélanges en l’honneur de François Caron, Paris, P.U.P.S., 1998, 842 p. des chemins de fer en Italie, domaine dont elle s’est fait une spécialité, ainsi que - Towards a European Intermodal Transport network : Lessons from History A Critical des comparaisons franco-italiennes en histoire économique. Bibliography, Paris, AHICF, 2004, 220 p. Sa perspective s’est parallèlement étendue à l’ensemble des transports et plus Articles les plus récents : particulièrement à l’histoire de l’intermodalité et de l’intégration des réseaux. Après - “ Les ateliers de réparation ferroviaires en Italie au XIXe siècle ”, in CHEVANDIER avoir assumé en 1993 la responsabilité scientifique d’un colloque international (Ch.) ; MIOCHE (Ph.) (sous la dir. de), «Ateliers et dépôts du matériel ferroviaire, intitulé Les Réseaux européens transnationaux XIXe-XXe siècles : quels enjeux ?, publié deux siècles d’histoire», Actes du 10e colloque de l’AHICF, Arles, avril 2002, Revue en 1995 (Nantes, Ouest-Editions) elle est la présidente de l’Action COST 340 d’histoire des chemins de fer, n. 28-29, 2003, p. 111 -128. (Action de coopération scientifique et technique) : «Vers un réseau de transports - “ La grande vitesse ferroviaire, reflet des pesanteurs et des atermoiements européen intermodal : les leçons de l’histoire» , Action qui réunit depuis février politiques et institutionnels de l’Italie ” in M. GRAZIANO (sous la dir. de), L’Italie 2000 des chercheurs originaires de 18 pays européens. Membre depuis 1991 du des années 1990 Paris, L’Harmattan, 2004, p. 139- 162. comité scientifique de l’association pour l’histoire des chemins de fer en France, - “ Inner Ports and Railway Networks in France or the History of a Divorce Michèle Merger a été secrétaire général de l’Association française des historiens (1830 – 1914) ” in H.L. DIENEL (eds),Unconnected Transport networks European économistes de 1995-2001 et, depuis juin 2002, elle est présidente de l’Association Intermodal traffic Junctions 1800 -2000, Campus Verlag, Frankfurt/ New York, 2004, internationale d’histoire des chemins de fer. p. 87 – 99. Elle est membre du comité de rédaction de la revue française Histoire, économie, sociétés et est pour la France le correspondant de plusieurs revues étrangères (Journal of Transport History ; Trasportes, Servicios y Telecomunicaciones, Penelope) .

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 106 Annexe IV - Présentation des intervenants

Alain Wils, est directeur Général de CMA CGM. Jean-Cyril Spinetta, est président directeur général d’Air France. [CMA CGM est issue de la fusion entre la Compagnie Maritime d’Affrètement Diplômé d’études supérieures de droit public et de l’Institut d’études politiques de (CMA) créée par Jacques R. Saade en septembre 1978 et la Compagnie Générale Paris, ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration, il a occupé les fonctions Maritime (CGM) acquise par CMA en novembre 1996.] suivantes : A partir de 1972, il est successivement chef du bureau des investissements et de Après une formation HEC (1965), sciences économiques et expertise comptable, la planification au ministère de l’Education nationale et détaché comme auditeur Alain Wils a occupé les fonctions suivantes : au Conseil d’Etat ( 1976). - Il travaille pendant quatre ans au Zaïre (ex Congo Belge) sur un programme de En 1978, il est nommé au secrétariat général du gouvernement. En 1981, il est réhabilitation des ports, voies ferrées et voies navigables. chef du service d’information et de diffusion du premier ministre. En 1983, il est - Il entre en 1970 dans le Groupe DELMAS VIELJEUX, armateur de lignes directeur des collèges au ministère de l’Education nationale. régulières et commissionnaire de transport, spécialisé sur l’Afrique : il exerce En 1984, Jean-Cyril SPINETTA est directeur du cabinet de Michel DELEBARRE, successivement différentes responsabilités, puis il est nommé directeur général ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, puis ministre du Groupe en 1981. des Affaires sociales et de l’Emploi et enfin ministre de l’Equipement, du Logement, - Il quitte ce poste en février 1992, une fois réalisée la fusion SCAC – DELAMS, des transports et de la Mer. première étape de la restructuration engagée par Vincent Bollore, nouvel Président d’Air Inter de 1990 à 1993, il est nommé de 1994 à 1995 auprès du actionnaire majoritaire de ce groupe de transport diversifié. président de la Républiques, conseiller pour les affaires industrielles. En 1996, Jean- - Il entre en mai 1992 chez SCETA (groupe SNCF) – renommé ultérieurement Cyril SPINETTA rejoint le cabinet du commissaire européen chargé des sciences, GEODIS – pour prendre la responsabilité de l’ensemble des activités de la recherche et de l’éducation. internationales (commission de transport, transport routier, agence maritime, Inspecteur général de l’administration de l’Education nationale, il est, en 1997, manutention portuaire, …) et des filiales étrangères. chargé de mission auprès du ministre de l’Education nationale et du ministre de - En novembre 1996, il est appelé par Jacques R. Saade pour assurer la direction l’Emploi et de la Solidarité. générale de la CGM, qui vient d’être privatisée. Il a été nommé président directeur général d’Air France le 22 septembre 1997. - Depuis la fusion réalisée en septembre 1999 entre CMA et CGM, il assure la Il a été président de l’AEA pour l’année 2001. Il a été élu président du Conseil des direction générale du Groupe CMA CGM, conjointement avec Farid T. Salem. Gouverneurs de l’IATA pour l’année 2004/2005.

Eric de Cromières, est directeur de la Supply Chain groupe de Michelin Guillaume Pépy, est directeur général exécutif de la SNCF Après une formation HEC, Eric de Cromières, entré chez MICHELIN depuis 1979, Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (1979), ancien élève de l’Ecole a notamment occupé les postes suivants : Nationale d’Administration (1981-1984), il a occupé les fonctions suivantes : Directeur commercial Etats-Unis (1988 – 1991) Juin 1984 Conseil d’Etat : auditeur puis maître des Requêtes, secrétaire général Directeur des marchés d’exportation (1991 –1997) adjoint du Conseil d’Etat - Amérique Latine Juin 1988 Ministère du Budget : conseiller au Cabinet de Michel CHARASSE - Afrique – Moyen-Orient Oct. 1988 SNCF : directeur du cabinet du Président de la SNCF, Jacques - Asie du Sud Est FOURNIER Directeur général Afrique – Moyen-Orient (1997 – 2000) Nov.1990 Ministère de la Fonction Publique : directeur du cabinet du Ministre, Directeur général Amérique du Sud (2001 – 2002) Michel DURAFOUR Depuis 2003, directeur Supply Chain Michelin et Membre du Collège des directeurs Mai 1991 Ministère du Travail : directeur du cabinet du Ministre, Martine du Groupe. AUBRY

107 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES

Fév. 1993 SNCF : directeur de la Stratégie Philippe de Fontaine Vive Curtaz, est vice-président et membre du Nov. 1995 SOFRES : directeur général adjoint, chargé du développement Comité de direction de la Banque européenne d’investissement. Juill. 1997 SNCF : directeur Grandes Lignes Licencié d’économie, Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Service Fév. 1998 SNCF : directeur général délégué Clientèles Public) (1977-80 ), ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration (1984-86), Mai 2003 SNCF : directeur général Exécutif il a occupé les fonctions suivantes : 1986 -1990 Ministère de l’Economie des Finances et du Budget - Direction du Xavier Fels, est directeur des relations extérieures, membre de l’Etat major Trésor : de PSA Peugeot-Citroën. 1986 - 1989 adjoint au chef du bureau des affaires bancaires Diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (1967), licencié en Droit 1989 - 1990 adjoint au chef du bureau des biens d’équipement (1969), ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration (1971), il a occupé les 1990 -1992 Administrateur suppléant pour la France auprès de la Banque mondiale fonctions suivantes : à Washington 1971 Secrétaire des Affaires Etrangères 1992 -1994 Ministère de l’Economie et des Finances et de l’Industrie - Direction 1971-1973 Service de Coopération Culturelle et Technique du ministère des du Trésor, chef du bureau des “ Assurances de dommages ” Affaires Etrangères 1994 -1995 Conseiller pour les Affaires Internationales du Ministre de l’Economie 1973-1976 Bureau de l’Energie du ministère des Affaires Etrangères et des Finances 1976 Cour des Comptes 1995 -2003 Ministère de l’Economie des Finances et du Budget - Direction du 1976-1979 Conseiller Technique au cabinet du ministère des Affaires Etrangères, Trésor : M. GUIRINGAUD 1995 - 1996 chef du bureau des “ transports et urbanisme ” 1979-1980 Conseiller pour les Affaires internationales auprès du directeur général secrétaire général du Conseil de direction du FDES de la Marine Marchande au ministère des Transports 1996 – 2000 sous-directeur “ dette, développement et marchés 1980-1983 Conseiller pour les affaires Economiques à l’Ambassade aux Etats- émergents ” Unis vice-président du Club de Paris 1983-1986 Conseiller diplomatique à la direction générale des Télécommunication 2000 – 2002 sous-directeur en charge des participations de l’Etat (France Telecom) 2002 – 2003 chef du service du financement de l’Etat et de 1985-1986 Président du comité sur les Normes européennes de l’économie Télécommunications (NET) de la Conférence européenne des Postes 2003 - Vice-président et membre du comité de direction, BEI et Télécommunications 1990-1990 Directeur du secrétariat Eureka à Bruxelles 1991-1993 Conseiller diplomatique au cabinet d’Hubert CURIEN, ministre de Jean-Pierre Mustier, est directeur général adjoint, en charge des activités la Recherche et de la Technologie puis ministre de la Recherche et de Banque de Financement et d’Investissement de la Société Générale (SG CIB). de l’Espace Diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines, 1993 Ministre Plénipotentiaire Jean-Pierre MUSTIER a occupé les fonctions suivantes : 1993-1996 Ambassadeur, Représentant Permanent de la France au conseil de Il entre à la Société Générale en 1987 comme trader sur les options sur actions. l’Organisation de l’Aviation Civile internationale à Montréal Il est nommé en 1989 responsable de l’activité Options aux Etats-Unis et en 1991 Janvier1996- Directeur des Relations Extérieures de PSA Peugeot Citroën au Japon. Secrétaire général de l’Institut pour la Ville en Mouvement En 1993, il prend la responsabilité mondiale de l’ensemble des activités dérivés actions avant d’être nommé co-directeur de la division Actions de SG CIB en

Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris 108 Annexe IV - Présentation des intervenants

1996. La même année, il rejoint Hong Kong en tant que Directeur de SG Securities D’avril 2000 à mars 2003, il a assumé la présidence de l’université de Nyenrode, Asia. aux Pays- Bas. En 1999, il est nommé directeur adjoint Actions avant de se voir confier la En 2003, il a présidé le Groupe de l’Union européenne de niveau supérieur sur les direction de la division Taux, Change, Matières Premières & Dérivés. réseaux de transport transeuropéens. En 2001, Jean-Pierre MUSTIER est devenu directeur de la nouvelle division Il enseigne toujours la politique européenne de la concurrence. Il est l’auteur de Debt Finance, une entité qu’il a mise en place afin de regrouper les activités de plusieurs ouvrages et articles sur l’intégration européenne. financements et de marché de capitaux. Karel Van MIERT est Administrateur de : Agfa-Gevaert NV , Mortsel; Anglo Ameri- En janvier 2003, il est nommé Directeur Général Adjoint, en charge des activités can plc , Londres ; De Persgroep , Asse ; Royal Philips Electronics NV , Amsterdam; de Banque de Financement et d’Investissement. Solvay S.A , Bruxelles ; Wolters Kluwer NV , Amsterdam ; Münchener Rück , Munich; RWE AG , Essen ; Vivendi Universal, Paris. Karel Van Miert, est ancien vice-président de la Commission européenne et ancien président de l’Université de Nyenrode. Hugues de Jouvenel, est directeur général du Groupe Futuribles, directeur- Il a obtenu un diplôme en relations diplomatiques à l’université de Gand, avant rédacteur en chef de la revue Futuribles, expert international en prospective. de suivre un troisième cycle au centre d’études européennes de Nancy. Karel Van MIERT a débuté sa carrière au service de la recherche et de la science. Entre 1968 Il a occupé les fonctions suivantes : et 1970, il a travaillé pour le National 1968 -1972 Secrétaire général de la Société d’Etude et de Documentation Scientific Research Fund (Fonds national pour la recherche scientifique). Il partageait Economiques, Industrielles et Sociales, S.E.D.E.I.S. son temps entre un poste d’assistant en droit international et de chargé de cours 1972 Attaché de presse au ministère de la Défense (France). sur les institutions européennes à la Vrije Universiteit de Bruxelles. 1973 Chercheur associé à l’Institut des Nations-Unies pour la Formation Il a travaillé pour le compte de plusieurs commissaires européens, en 1968 pour et la Recherche (UNITAR, New-York), responsable d’un projet des Sicco Mansholt et en 1973 en tant que membre du cabinet privé de Henri SIMO- Nations-Unies sur les études prospectives. NET, alors vice-président de la Commission européenne . 1974 Secrétaire général de l’Association pour le Développement des La carrière politique de Karel Van MIERT a débuté au sein du parti socialiste Sciences Sociales Appliquées, A.D.S.S.A. belge (PSB) où il a rempli les fonctions de secrétaire international en 1976. Un an depuis 1974 Directeur général du Groupe Futuribles, un centre international plus tard, il est devenu chef du cabinet privé de Willy CLAES, alors ministre des d’études pluri-disciplinaires et prospectives. Affaires économiques. Il a présidé le parti socialiste de 1978 à 1988, et a assumé Directeur de la société de presse Futuribles. Directeur-rédacteur en la Vice-Présidence de la Confédération des partis sociaux-démocrates européens chef de la revue mensuelle Futuribles, revue d’analyse et de prospective en 1978. De 1986 à 1992, Karel Van MIERT était vice-président du parti socialiste sur les grands problèmes de société. international. Consultant en prospective et stratégie auprès de nombreuses Il a été membre du Parlement européen de 1979 à 1985, avant de siéger à la Cham- organisations publiques et privées. bre des Représentants de Belgique. En 1989, M.Van Miert a été nommé membre Activités d’enseignement de la Commission européenne, en charge de la politique relative au transport, au Diverses fonctions d’enseignement, notamment à l’Ecole des Hautes Etudes Com- crédit et à l’investissement, ainsi qu’à la consommation. merciales (HEC), à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) et à l’Université Paris Pendant six années, il a ainsi assumé ses fonctions sous la présidence de Jacques VI (Jussieu), Professeur associé à l’Université de la Mer Noire. DELORS. En 1992, il est également devenu responsable de l’environnement (par intérim). En sa qualité de Vice-Président de la Commission européenne, Karel Van Liens avec d’autres institutions MIERT a été chargé de la politique de la concurrence entre 1993 et fin 1999. Président de l’Association « Analyse et Prévision », membre du Board of Directors

109 Bicentenaire du CGPC n 18 novembre 2004 - Conseil Economique et Social - Paris TRANSPORT ET RESEAUX : CONTINUITES ET RUPTURES de la World Future Society, Washington, membre du Comité éditorial de la revue (Paris, Dunod, 1995) ; Les sciences de la prévision (Paris, Points Sciences, 1996) ; The Futures (U.K.), de la revue « Foresight » (U.K.) et de « Technological Forecasting knowledge Base of Futures Studies (Richard A. Slaughter, ed.). Victoria. DDM Media and Social Change » (USA), membre du Comité des Hautes Institutions Scientifiques Group. 1996 ; Vers une prospective des retraites en France à l’horizon 2030 (Paris, TRP et Culturelles (au sein de l’Académie Européenne des Sciences, des Arts et des n°9/Futuribles International, 1998) ; Emploi et Territoires en Ile-de-France : Prospective Lettres), membre du Comité des experts de l’Observatoire des Retraites, membre (sous la direction de Vincent Gollain et Alain Sallez). La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, de la World Academy of Art and Science, membre d’honneur de la Russian Futures 1999 ; Décision, Prospective, Auto-organisation Studies Academy, membre du « Conseil du Futur » créé au sein de l’Unesco, membre (sous la direction de Jacques Thépot et al.). Paris, éd. Dunod, 2000 ; Un essai de du « Conseil de prospective et dynamique des territoires » de la Datar. prospective sur les retraites en France à l’horizon 2040 (Paris, TRP n°14/Futuribles International, 2001) ; Labour Market and Social Protection Reforms in International Pers- Publications pective (sous la direction de Hedva Sarfati et Giuliano Bonoli). Aldershot (Hampshire • Auteur de très nombreux articles dans la presse d’information générale et des – England), 2002 ; L’agriculture à la recherche de ses futurs (sous la direction de revues spécialisées. Philippe Lacombe). La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, 2002 ; INRA 2020. Alimentation, • Co-auteur de plusieurs ouvrages, notamment The United Nations and the Future agriculture, environnement : une prospective pour la recherche (Institut National de la (UNITAR, 1976), Sciences, Technology and the Future (WSFS, 1979), Le point critique Recherche Agronomique, 2003). (IEDES, 1980), La fin des Habitudes (Laffont, 1985), Protection sociale : trois scénarios • Auteur de Les enjeux du vieillissement démographique en Europe à l’horizon 2025 contrastés (Futuribles, 1986), Studies for the 21st Century (Institute for the 21st (Futuribles, 1989) ; Europe’s ageing population : trends and challenges to 2025 (Butte- Century Studies, 1991), La Prospective des Déséquilibres Mondiaux (CPE/GRET, 1993), rworths, 1989) ; La France à l’horizon 2010 (Futuribles, 1996) ; L’Europe en mutation. Catalunya a l’horitzo 2010, édition catalane (Barcelona, ICEM, 1994) ; Cataluna en Une fresque des grandes tendances d’évolution économiques, sociales et culturelles el Horizonte 2010, édition espagnole (Madrid, Politica Exterior, 1994) ; Catalogne à (Bruxelles, Commission Européenne, 1996) ; Invitation à la prospective / an Invitation l’horizon 2010, édition française (Paris : Economica, 1994 ; Le travail au XXIème siècle to Foresight (Futuribles, coll. Perspectives, 2004).

Contact Conseil général des Ponts et Chaussées : [email protected]

Site internet http://rp.equipement.gouv.fr/bicentenaire-cgpc/home.htm

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