Goukouni Weddeye Témoignage Pour L’Histoire Du Tchad
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Goukouni Weddeye Témoignage pour l’histoire du Tchad Entretiens avec Laurent Correau « Je m’appelle Goukouni Weddeye, fils de Weddeye Kihidémi, Derdé du Tibesti… » Goukouni Weddeye, Modra Tibesti, en 1975. Photo : Marie-Laure de Decker. www.marielaurededecker.com Avertissement Ce document n’est pas « un livre sur l’histoire du Tchad ». C’est une simple archive. Ce témoignage est inédit, mais il ne rend compte que du point de vue d’un seul acteur. Il appartient au lecteur de confronter ce récit à d’autres sources. Le recueil de ce témoignage par l’auteur ne signifie pas qu’il confirme ou cautionne la version des faits défendue ici. L’auteur : Laurent Correau est journaliste au Pôle Afrique de Radio France Internationale. Il peut être joint à l’adresse : [email protected] page 2 Radio France Internationale Goukouni Weddeye : Témoignage pour l’histoire du Tchad page 3 Sommaire Préambule Avertissement, page 3 Préambule, page 5 Goukouni Weddeye. Prononcer ce nom suffit à évoquer un paysage de montagnes dans lequel avancent des rebelles en file indienne… ou encore la silhouette d’une Françoise Claustre captive. Goukouni Weddeye, tel qu’il se raconte, page 6 D’autres reverront le chef de guerre d’une époque où le Tchad était morcelé, voire un allié des Libyens qui sollicita leur intervention pendant la guerre de 80. Cette imagerie ne fait que rassembler 1944-1971 : Une jeunesse en pays toubou, page 16 des morceaux de vieux clichés déchirés. Il fallait revenir à l’original pour pouvoir l’entendre… et l’enregistrer. Sur les débuts de la rébellion dans le Tibesti. L’affaire Claustre. Ses désaccords avec 1971-1974 : De l’opposition à Sidick à la création du CCFAN avec Habré, page 41 Hissène Habré. La véritable nature de ses liens avec la Libye. 1974-1977 : L’affaire Claustre et la rupture avec Habré, page 57 Ce recueil d’entretiens ne prétend pas épuiser la complexité du personnage. Il donne simplement à 1977-1979 : La conquête du Nord, Habré à N’Djamena, page 72 entendre sa version d’une histoire encore mal documentée. Il n’est qu’un avant-goût des Mémoires que l’ancien chef d’Etat est en train d’écrire et qui (c’est ce qu’il promet) reviendront dans le détail sur 1979-1980 : Batailles pour N’Djamena, page 85 les événements évoqués ici. Souvent, lors des enregistrements que nous avons effectués, Goukouni Weddeye arrêtait net son récit et, dans un rire, terminait sa phrase sur un : « Vous découvrirez tous les 1980-1982 : De la présence libyenne à la chute du GUNT, page 107 détails dans mon livre… » 1982-1990 : Le Tchad dans la main d’Hissène Habré, page 116 Goukouni Weddeye a accepté de constituer des archives sonores avec RFI. Il a bien voulu que leur retranscription soit diffusée sur internet. Il permet ainsi aux Tchadiens et à ceux qui s’intéressent 1990-… : Les années Déby, page 134 à l’histoire du Tchad d’accéder à un document inédit : c’est la première fois que l’ex-chef rebelle s’exprime ainsi, sur la longueur… et qu’il raconte certains événements. Conclusion, page 139 Les entretiens qui sont retranscrits ici n’ont pas obéi aux règles classiques de l’interview journalistique : Bibliographie, page 141 Les questions (199 au départ) ont été transmises à l’entourage de Goukouni Weddeye dès le 4 août 2007. L’ancien président tchadien a donc pu préparer ses réponses pour l’enregistrement qui a eu lieu à Alger, les 7, 8 et 9 juin 2008… Dans la dynamique de l’entretien, de nouvelles questions ont surgi, pour lesquelles il a en revanche dû improviser. Par la suite, Goukouni Weddeye a pu à deux reprises relire le script de ses réponses. Il n’a apporté au texte que des corrections marginales sur l’orthographe de noms, la rectification d’une date incorrecte ou la précision de localisations. Les enregistrements ont été versés aux archives sonores de Radio France Internationale. Leur retranscription ne s’est pas faite mot à mot, elle a demandé un minimum d’adaptation pour passer du récit oral à un texte écrit. Laurent Correau page 4 Radio France Internationale Goukouni Weddeye : Témoignage pour l’histoire du Tchad page 5 Le comportement des officiers tchadiens va également pousser le Derdé, le père de Goukouni, à Goukouni Weddeye, l’exil. Le sous-préfet Maurice Allafi le convoque à Bardaï en prétextant qu’il s’oppose à la culture tel qu’il se raconte des champs. Le Derdé craint une arrestation et de nouvelles humiliations. Il quitte son pays pour la Libye du roi Idriss1. Il est suivi par des dizaines de nomades qui s’exilent avec lui. « Le Derdé était Synthèse des entretiens venu dans l’idée de demander une aide militaire au roi pour retourner combattre l’administration en place. » Il n’aura pourtant pas les moyens qu’il espérait. Au milieu de ces années 60, d’autres mécontents du régime de François Tombalbaye2 cherchent également à s’organiser. Des militants de l’UNT, l’Union Nationale Tchadienne ont eux aussi dû quitter le pays : Ibrahim Abatcha, Aboubakar Djallabo, Mahamat Ali Taher... Ils passent par le Ghana et l’Algérie3. L’alliance avec le FLT (Front national de la Libération du Tchad)4 d’Hassan Ahmat Moussa leur permet de créer le FROLINAT (Front de Libération Nationale du Tchad) au Soudan en juin 66. Leur action porte dans un premier temps sur le Centre-Est du Tchad, mais ces activistes envisagent également d’ouvrir un Front Nord. Ils envoient donc Mahamat Ali Taher en Libye pour consulter le Derdé. « Après avoir obtenu l’accord du Derdé, Mahamat Ali Taher a pris contact avec les personnalités touboues se trouvant à Benghazi », raconte Goukouni Weddeye. Un jeune, Ali Sougoudou, aide également pour la prise de contact avec les étudiants d’El-Beïda. Mahamat Ali Taher recrute, puis va au Tibesti ouvrir ce nouveau front au début de 1968. Carte de membre du FROLINAT Goukouni Weddeye, lui, est fonctionnaire à la préfecture de Faya-Largeau. Il voit passer le courrier de Goukouni Weddeye. confidentiel qui transite entre les sous-préfectures et Fort-Lamy. Il recommande à son père, dans une lettre, de ne pas tenter l’aventure armée seul et de se rapprocher du FROLINAT. Il voit son petit 1944-1971 : Une jeunesse en pays toubou frère, Suleymane, interrompre ses études pour rejoindre le front. Il envisage lui-même un départ Goukouni Weddeye est né vers 1944 à Zouar, dans le Tibesti. C’est l’un des fils du Derdé Kihidémi, avec son frère Annour de la garde nomade. Et finit par rejoindre les combattants à Moursou, dans la le chef traditionnel des Toubous… un chef dépossédé de son autorité par la colonisation. Le Derdé, « passe de Moursou », un passage de montagne où l’on peut se cacher dans de nombreuses grottes. qui était jusqu’ici le détenteur unique du pouvoir politique et judiciaire est cantonné à un rôle Il y trouve des combattants assez peu politisés, qui ne reconnaissent pas vraiment l’autorité de d’arbitre et reçoit le statut de juge coutumier. Il reste toutefois un homme important dans le Tibesti : Mahamat Ali Taher. Il intègre le FROLINAT le 25 avril 1968. «Son déplacement, se souvient Goukouni, était l’occasion de fêtes pour les populations des localités visitées. Elles accueillaient le Derdé à l’entrée du village et l’escortaient jusqu’à son lieu de résidence déjà aménagé. 1 Le roi Idriss est renversé le 1er septembre 1969 par un groupe de militaires qui met en place un Conseil de Commandement Révolutionnaire. Une semaine après le coup, on découvre le nom du nouvel homme fort : Le Derdé, durant son séjour, réglait alors les jugements en suspens ». Goukouni Weddeye passe une Muhammar Kadhafi. Il est présenté comme le président de ce CCR. Le oir Idriss avait semble-t-il déjà fourni un bonne partie de son enfance dans les zones de pâturages, il veille avec ses amis sur les troupeaux soutien au mouvement de révolte des Toubous du Tibesti, mais c’est avec l’arrivée au pouvoir de Kadhafi que l’aide au FROLINAT va réellement s’organiser. Cf Robert Buijtenhuijs, Le FROLINAT et les révoltes populaire du Tchad, de chameaux. « Nous luttions ou faisions des courses, raconte-t-il, nous modelions des chameaux avec de 1965-1976, Mouton, 1978 p 337 l’argile ou avec des plaques de pierre ». 2 François Tombalbaye, (1918-1975) premier président de l’indépendance du Tchad. Né dans la préfecture du Moyen Chari dans le Sud du pays, d’ethnie Sara, Tombalbaye a appliqué une politique « d’africanisation » qui a Après la décolonisation, le pouvoir central installe dans le Tibesti de jeunes officiers tchadiens, alimenté le mécontentement des populations du Nord du Tchad. Il est renversé et meurt en 1975 lors du coup d’Etat qui porte le général Félix Malloum au pouvoir. Maurice Allafi et Samuel Rodai dont le comportement va alimenter le ressentiment de la population. 3 L’UNT (Union Nationale Tchadienne) est un parti politique tchadien créé en 1958, au moment du référendum Ils ordonnent aux nomades de cultiver. Et répriment la population du Tibesti : « Pour punir les sur l’intégration dans la Communauté française. C’est l’un des deux mouvements qui sera à l’origine du FROLINAT le 22 juin 1966. L’UNT a été créée par un groupe de militants tchadiens du MSA, le Mouvement Socialiste Africain fauteurs, raconte Goukouni Weddeye, ils ont commencé à faire payer l’amende très cher aux pauvres qui ont fait campagne pour le « non » lors du référendum, contre le consensus politique ambiant au Tchad.