Une Singulière Histoire D'archives Socialistes Du Parti Communiste
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Une singulière histoire d’archives socialistes du Parti communiste français Le fonds Paul Lafargue 300 J 1-12, 3 MI 32/1-3 1830-1965 Inventaire réalisé par Pierre Boichu, archiviste aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, et Jean-Numa Ducange, maître de conférence en histoire contemporaine à l’université de Rouen, sous la direction de Guillaume Nahon, directeur des Archives départementales de la Seine-Saint-Denis. Cet inventaire a reçu le visa du Service interministériel des Archives de France le 12 février 2013. Bobigny Conseil général de la Seine-Saint-Denis 2013 1 Remerciements : − Aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, qui ont initié puis se sont engagées dans le projet, et plus particulièrement à Pascal Carreau, Maxime Courban, Guy Mesplou et Éric Semblat ; − À Frédérick Genevée, responsable des archives à la direction nationale du PCF, qui a autorisé la reproduction de documents ; − Au musée de l’histoire vivante de Montreuil – et en particulier à Véronique Fau-Vincenti et Éric Lafon – qui nous ont permis d’accéder à certaines archives documentant l’histoire du fonds Paul Lafargue ; − À Sébastien Studer, Gilles Candar et Jacques Girault, pour les informations transmises, les conseils et les relectures ; − À l’Institut de recherche inter-disciplinaire homme et société (IRIHS) de l’université de Rouen, la fondation Gabriel Péri et la fondation Jean Jaurès pour leur soutien financier. 2 Propos liminaires Genèse d’un projet de la mort de l’auteur du Droit à la paresse approchant, décision fut prise de rédiger conjointement, à des fins de Le dépôt des archives du Parti communiste français publication, un inventaire du fonds Paul Lafargue renfor- aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, cé d’une introduction scientifique, où seraient reproduits en 2005, a permis d’établir un état des lieux des res- des documents issus du fonds. sources archivistiques formant le patrimoine historique de l’organisation politique. L’identification des différents Montrer des documents, les analyser, les commenter, corpus constituant cette masse documentaire consi- les contextualiser, populariser leur existence et en faciliter dérable a été en effet rendue possible par la centralisa- l’accès : convergeaient ici les exigences de l’histoire et de la tion en un lieu unique d’archives jusqu’alors dispersées valorisation des archives qui avaient déjà inspiré l’ouvrage géographiquement. de Roger Martelli Prendre sa carte(1), dont la publication fut soutenue par le département de la Seine-Saint-Denis Si au sein de cet ensemble archivistique la présence et la Fondation Gabriel Péri. C’est donc naturellement de fonds personnels, de dirigeants communistes par que ces derniers, auxquels s’associèrent la Fondation exemple, ne suscitait pas d’interrogations, celle d’autres Jean Jaurès et l’Institut de Recherche Inter-disciplinaire éveillait la curiosité. Ainsi, les Archives départementales Homme et Sociétés (IRIHS), décidaient de soutenir le prenaient en charge des archives de personnalités du projet porté autour du fonds Paul Lafargue. mouvement ouvrier dont l’action politique s’inscrivait dans des époques antérieures à la création du Parti com- muniste : des papiers Zéphirin Camélinat, Louise Michel Paul Lafargue, quelques éléments biographiques ou Paul Lafargue côtoyaient les fonds Waldeck Rochet ou Les travaux historiques évoquant la figure de Paul Georges Marchais. Lafargue ne manquent pas, ni ceux, plus strictement Pour Camélinat, comme pour certains de ses cadets biographiques, qui détaillent son parcours personnel et tels Marcel Cachin ou Daniel Renoult, l’adhésion au Parti politique. Nous renvoyons donc le lecteur soucieux de communiste fut la continuité d’un engagement antérieur se documenter plus précisément sur l’histoire de cette dans le mouvement socialiste. Qu’un vétéran respecté du personnalité du mouvement socialiste vers les ouvrages parti né de la scission majoritaire au congrès de Tours, cités dans l’appareil bibliographique. Pour autant, revenir figure reconnue et fêtée de la Commune de Paris, lais- de manière synthétique sur les grandes étapes de la vie sât à son organisation politique des archives, cela pouvait de Paul Lafargue(2) demeure un exercice nécessaire à la aisément se concevoir. Pour Paul Lafargue en revanche, contextualisation des archives qu’il a produites ou réunies l’explication se trouvait ailleurs, avant tout parce que le au cours d’une existence marquée par l’exil. socialiste français était considéré comme un des marxistes Issu d’une famille française installée à Cuba depuis les plus influents avant 1914 mais aussi parce qu’il était le XVIIIe siècle, Paul Lafargue, né à Santiagio-de-Cuba lié à la famille Marx par son mariage avec la fille de ce le 15 janvier 1842, rejoignit la France avec ses parents à dernier, Laura. Il faut également souligner la volonté du l’âge de neuf ans. Évoluant dans un milieu aisé, il obtint PCF, suspecté d’être à la solde de l’étranger, d’inscrire ses son baccalauréat en 1861 puis poursuivit des études mé- racines dans l’histoire nationale en revendiquant sa filia- dicales à la faculté de Paris, lieu de ses premiers engage- tion et, à ce titre, soucieux de se procurer du matériau historique. Identifier le sens politique justifiant la présence de 1 Martelli Roger, Prendre sa carte 1920-2009 : données nouvelles sur les effectifs du PCF, Fondation Gabriel Péri / Département de la Seine-Saint-Denis, ces archives ne dispensait pas d’essayer de retracer, avec 2010. (Disponible aux AD 93) autant de précision que possible, leur chemin depuis 2 Notice établie sur la base de l’introduction au choix de textes de Paul leur création jusqu’aux tablettes du bâtiment de Bobigny Lafargue Textes choisis (Jacques Girault, Paris, Éditions sociales, 1970) ; de la dédiées à leur conservation. notice biographique rédigée par Jean Maitron, Justinien Raymond et Jean Dautry pour le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français Le projet d’écriture de cette histoire naquit de la (CD-Rom publié par les Éditions de l’Atelier, Paris, 1997 et version en ligne (http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/) pour la notice mise à jour) ; de la rencontre fortuite entre un historien du socialisme sur- notice consacrée à Paul Lafargue sur le site de l’Assemblée nationale (http:// pris d’apprendre l’existence d’archives originales de Paul www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=4245) ; de la Lafargue et d’un archiviste soucieux de réunir les infor- biographie de Jacques Macé Paul et Laura Lafargue. Du droit à la paresse au droit de choisir sa mort, Paris, L’Harmattan, 2001 ; de l’introduction au choix mations nécessaires à la compréhension de leur parcours de textes de Paul Lafargue, Paresse et Révolution. Écrits 1880-1911 (Gilles et de leur intérêt historique. Le centième anniversaire Candar et Jean-Numa Ducange, Paris, Tallandier, 2009). 3 UNE SINGULIÈRE HISTOIRE D’ARCHIVES SOCIALISTES DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ments politiques. En opposition au Second Empire mais Pyrénées au début du mois de juin 1871, puis à passer se situant sur le terrain de la contestation de l’ordre social, en Espagne où Paul reprit son action politique. Opposé l’étudiant milita au sein de la jeune Association interna- à l’anarchiste Bakounine influent au sein du mouvement tionale des travailleurs (AIT), alors fortement marquée révolutionnaire espagnol, Lafargue, malgré ses tentatives par les idées de Proudhon. Il collabora également à La et son dévouement, ne réussit pas à y implanter dura- Rive gauche, journal fondé à la fin de 1864 par de jeunes blement les idées marxistes. Si une nouvelle section de intellectuels révolutionnaires, parmi lesquels celui qui l’AIT fut formée, elle ne put renverser la tendance face devait devenir son beau-frère, Charles Longuet. aux anarchistes. Lafargue assista en septembre 1872 au 5e congrès de l’AIT tenu à La Haye, où culmina l’affron- En octobre 1865, Lafargue participa à Liège au tement entre anarchistes et partisans du conseil général congrès international de la jeunesse étudiante, occasion tenu par Marx et Engels. Ces derniers l’emportèrent au qui lui permit de rencontrer Auguste Blanqui à Bruxelles. congrès et firent voter le déplacement du siège de l’AIT Ses activités subversives lui valurent à son retour, aux de Londres à New-York. Lafargue et sa femme finirent côtés de six autres étudiants, l’exclusion à vie de l’Uni- par quitter l’Espagne pour Londres. Frappé douloureu- versité de Paris et pour deux ans de toutes les universités sement par la perte de ses trois enfants, Paul ne consentit de l’Empire. Parti pour l’Angleterre achever ses études plus à exercer la médecine et ouvrit un atelier de photo- médicales en février 1866, Lafargue fréquenta à Londres lithographie et de gravure. Il fit des affaires peu brillantes les milieux révolutionnaires internationaux et devint et dut être régulièrement aidé par Engels. un intime de la famille Marx. Il y rencontra Laura, la fille de Marx, qu’il épousa le 2 avril 1868. Converti aux Laura et Paul Lafargue, revenus en France au points fondamentaux de la doctrine de Marx, Lafargue printemps 1882, s’installèrent à Paris – puis, à partir de prit rapidement des fonctions au sein de l’AIT. Il intégra 1887, dans un pavillon du Perreux. Paul entra comme son conseil général et, aidé par sa maîtrise de l’espagnol, rédacteur dans une compagnie d’assurances. S’étant fut nommé secrétaire pour l’Espagne, charge qu’il occupa rapproché politiquement de Jules Guesde en participant jusqu’en 1870. Marx comptait également sur lui pour notamment à son journal L’Égalité, il s’engagea à ses côtés servir d’intermédiaire auprès des socialistes français et dans la création du Parti ouvrier (PO) – qui devint le combattre l’influence des idées proudhoniennes, mutua- Parti ouvrier français (POF) en 1893 –, organisation listes, coopératives et méfiantes envers toute centralisa- propre aux marxistes français qui vit le jour au congrès tion administrative.