journal des Débats

Le jeudi 13 décembre 1979 Vol. 21 — No 80 Table des matières Déclaration ministérielle Appui au groupe Québecair 4407 M. 4407 M. Claude Ryan 4408 M. Armand Russell 4409 M. Lucien Lessard 4409 Dépôt de documents Rapport annuel de la Commission des libérations conditionnelles 4411 Rapport annuel de l'Université du Québec 4411 Rapport annuel du ministère des Communications 4411 Rapport annuel du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche 4411 Projets de loi au nom des députés Projet de loi no 189 — Loi sur la Fédération des Magasins Co-Op 4411 Première lecture 4411 Projet de loi no 192 — Loi concernant la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec 4411 Première lecture 4411 Question orales des députés Prix pétroliers 4411 Grève à Hydro-Québec 4414 Zonage agricole et aménagement du territoire 4417 Négociations avec les enseignants 4418 Jugement de la Cour suprême sur le chapitre III de la Loi sur la langue française ... 4419 Grève à Hydro-Québec (suite) 4421 Mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 17 — Loi sur la santé et la sécurité du travail 4422 Renvoi à la commission du travail et de la main-d'oeuvre 4422 Avis à la Chambre 4422 Questions inscrites au feuilleton 4423 Projets de loi au nom du gouvernement Projet de loi no 69 — Loi modifiant la Loi sur les parcs 4423 Deuxième lecture 4423 M. Lucien Lessard 4423 M. Raymond Mailloux 4424 M. Michel Le Moignan 4425 M. Lucien Lessard 4426 Commission plénière 4428 Troisième lecture 4428 Projet de loi no 72 — Loi sur le ministère de l'Energie et des Ressources Deuxième lecture 4428 M. Yves Bérubé 4428 M. John Ciaccia 4444 M. Yvon Brochu 4451 M. Yves Bérubé 4457 Renvoi à la commission des richesses naturelles 4459 Questions orales des députés (suite) Médiation à Hydro-Québec 4459 Motion de suspension de certaines règles de procédure M. 4460 M. Gérard D. Lévesque 4462 M. Yvon Brochu 4463 M. 4464 Table des matières (suite)

Projets de loi au nom du gouvernement Projet de loi no 82— Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec 4465 Première lecture 4465 Deuxième lecture 4465 M. 4465 M. Claude Ryan 4469 M. 4477 M. Louis O'Neill 4483 M. Rodrigue Tremblay 4485 M. Jean-François Bertrand 4487 Mme Solange Chaput-Rolland 4490 M. Gérald Godin 4491 M. Fernand Grenier 4493 M. Claude Forget 4495 M. Gilbert Paquette 4496 M. Reed Scowen 4499 M. Serge Fontaine 4501 M. Camille Laurin 4503 Commission plénière 4506 Troisième lecture 4536 M. Claude Ryan 4536 M. Camille Laurin 4537 Motion de premières lectures 4537 Motion de premières et de deuxièmes lectures 4537 Ajournement 4538 4407

(Dix heures quatorze minutes) Québécois avaient, il y a deux ans et malheu- reusement encore aujourd'hui, à se plaindre du Le Président: A l'ordre, mesdames et mes- peu de place que nous occupions dans cette sieurs! industrie. Un moment de recueillement. C'est pourquoi, dès janvier 1978, ai-je précisé Veuillez vous asseoir. qu'il ne pouvait être question pour le Québec de perdre le siège social de Nordair. L'intérêt du Affaires courantes. Québec réside donc dans le maintien à Montréal Déclarations ministérielles. de la principale place d'affaires de cette société. Il est, d'autre part, impératif que la vente de Nordair M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de favorise sensiblement une amélioration des servi- la Pêche. ces aériens au Québec. Enfin, le troisième principe que j'exprimais en Appui au groupe Québecair janvier 1978, au nom du gouvernement du Qué- bec, était que la vente de Nordair devait favoriser M. Lucien Lessard un accroissement de l'accès des Québécois aux emplois liés au transport aérien dans notre ciel. M. Lessard: M. le Président, je tiens d'abord à Toujours en janvier 1978, j'ai commandé une m'excuser auprès des partis de l'Opposition, puis- étude à une firme newyorkaise occupant un des que c'est ce matin que nous avons décidé de faire premiers rangs des sociétés de financement des une déclaration ministérielle. Il y a quelques cor- entreprises aériennes. Les conclusions de cette rections mineures sur la déclaration ministérielle, étude m'ont clairement indiqué le bien-fondé de la mais je pense que les représentants de l'Oppo- position du Québec, à savoir la faisabilité finan- sition ont été avertis en conséquence. cière d'un transporteur aérien québécois fort, M. le Président, je désire informer cette As- principal agent de liaison entre les régions du semblée d'une décision qu'a rendue hier le gou- Québec où de plus petits transporteurs assure- vernement du Québec au sujet de la propriété de raient les liaisons intrarégionales. Cette étude la compagnie de transport aérien Nordair dont le m'indiquait également que Québecair et Nordair siège social est à Montréal. J'exposerai aupara- fusionnées pouvaient assurer leur développement vant les principaux événements qui ont marqué en remplissant le rôle d'articulation maîtresse du l'évolution de ce dossier. C'est en mai 1977 que transport aérien au Québec sans la nécessité les actionnaires de Nordair ont entrepris la vente d'une intervention d'Air Canada. de cette compagnie aérienne et, en décembre de Malgré une série de revendications du Qué- la même année, l'offre d'achat d'Air Canada était bec, il a fallu près d'une année au gouvernement acceptée par Nordair, puisqu'elle était, en termes fédéral pour rendre une décision, décision confu- financiers, la plus élevée de toutes les offres se par ailleurs, et par laquelle on autorisait l'ac- jusqu'alors présentées. quisition de Nordair par Air Canada tout en lui Ces événements se produisaient au moment ordonnant de revendre cette compagnie à des même où je mettais en place au sein du ministère intérêts privés dans les douze mois, soit cet des Transports du Québec une structure qui automne. Présumant, comme il se doit, de la permettait de diversifier et d'étendre les responsa- bonne foi du gouvernement fédéral, nous avons bilités de ce ministère en matière de transport au intensifié en 1979 nos efforts sur deux fronts en Québec. Parmi les nouveaux secteurs d'intérêt, le vue de la réalisation de nos objectifs. D'abord au transport aérien venait d'être défini comme un Québec, en vue de favoriser le regroupement secteur prioritaire d'intervention au Québec. Donc, d'intérêts financiers québécois, ensuite, auprès du un mois après l'offre d'acquisition de Nordair par gouvernement fédéral, en vue de soutenir l'intérêt Air Canada, soit en janvier 1978, j'ai fait connaître manifeste et vital que nous portons à ce dossier. A la position du gouvernement du Québec au sujet partir du mois d'août 1979, conscient que le délai de cette transaction. de douze mois annoncé par le fédéral pour la Il s'agissait, d'abord et avant tout — et c'est rétrocession de Nordair tirait à sa fin, je me suis encore le cas aujourd'hui — de favoriser l'acqui- personnellement et activement impliqué tant au- sition de cette compagnie par des intérêts majori- près de mon homologue fédéral d'alors, M. tairement québécois. Pour nous du Québec, il Mazankowski, que des milieux financiers de chez s'est agi de profiter de cette occasion pour amor- nous. cer le redressement de notre secteur aérien. (10 h 20) En effet — et de nombreux membres de cette Depuis lors, la chronologie significative des Assemblée peuvent en témoigner éloquemment — événements s'établit comme suit: Dans un premier les carences du transport aérien au Québec ne temps, M. Alfred Hamel, acquiert le contrôle sont plus à exposer. Tous savent le nombre inac- majoritaire de Québecair: ensuite, la Société d'in- ceptable de délais qui peuvent être rencontrés lors vestissement Desjardins acquiert un cinquième d'un trajet qui nous amène d'un point du Québec des actions de Québecair; la Fédération des à un autre. En plus d'être inadéquatement des- caisses d'entraide économique du Québec offre servis par ce mode de transport de pointe, les publiquement à Québecair les 10% d'actions qu'el- 4408 le détient dans le groupe Lizotte ou dans le tantôt, M. le ministre. A la page 3 de sa décla- groupe Nordair. Ce dernier événement contribue ration, le ministre nous raconte les étapes qui ont largement à renforcer le rapprochement le plus conduit à l'acquisition temporaire de Nordair par solide jusqu'ici de groupes québécois impliqués Air Canada, à la fin de décembre 1977. Ensuite, le dans le dossier Nordair et solutionne l'impasse ministre nous dit que dès janvier 1978 il a com- rencontrée lors de mes tentatives de réunir les mandé une étude à une firme newyorkaise. Ensui- groupes Lizotte et Hamel. L'offre de Québecair te, on arrive au quatrième paragraphe et là, on comprend donc maintenant la Société d'investis- revient à l'acquisition de Nordair. C'est comme si, sement Desjardins, les groupes Hamel et Provost, à la suite de l'étude et de ses conclusions, le la Fédération des caisses d'entraide économique, gouvernement du Québec avait fait des démarches Great Lakes Airlines et les Credit Unions de auprès du gouvernement fédéral, mais, déjà, c'est l'Ontario, tout en conservant la majorité des une chose qui était acquise. Je ne sais pas si c'est actions aux groupes québécois. parce que la déclaration a été préparée dans des En conclusion, le gouvernement du Québec a conditions de hâte, mais je pense qu'il y a un petit décidé d'indiquer au gouvernement fédéral son problème d'articulation logique ou chronologique appui à l'offre d'acquisition de Nordair par le qui devrait être clarifié par le ministre. groupe Québecair parce que cette offre rencontre En passant, le ministre a fait allusion à cette nos objectifs dans le développement du transport étude qui avait été commandée à une firme aérien au Québec. Le gouvernement du Québec newyorkaise qui aurait conclu à la désirabilité indiquera par ailleurs au gouvernement fédéral d'une fusion de Nordair et de Québecair et aux son exigence qu'une décision concernant cette résultats économiques intéressants qu'on pourrait question soit prise dans les plus brefs délais, entrevoir à la suite d'une telle fusion. Je voudrais compte tenu que l'incertitude qui règne en ce signaler une fois de plus au gouvernement qu'il domaine a déjà causé suffisamment de tort à tend de plus en plus à s'approprier le monopole, la l'industrie du transport aérien au Québec. Merci, propriété jalouse de ces études et de ces exper- M. le Président. tises commandées à propos de différentes ques- tions. Je crois qu'il serait très indiqué que le Le Président: M. le chef de l'Opposition ministre nous soumette le contenu, même le texte officielle. de cette étude. Je remarque que du côté du gou- vernement qui favorisait énormément la transpa- M. Claude Ryan rence quand il était dans l'Opposition — et j'étais le plus souvent de son côté à l'époque quand il M. Ryan: M. le Président, inutile de dire que, faisait des demandes de cette nature — je pense du côté de l'Opposition officielle, nous sommes qu'il y a une tendance de plus en plus marquée à tout à fait sympathiques à l'idée fondamentale qui s'approprier des documents qui sont, de toute a été exprimée par le ministre dans sa communi- évidence, d'intérêt public, surtout au stade où cation, c'est-à-dire l'idée suivant laquelle d'abord nous en sommes dans l'examen de ce dossier. Je les besoins aigus du Québec en matière de service pense qu'il serait même du devoir du gouverne- de transport aérien soient comblés de manière ment de nous communiquer la teneur de cette plus satisfaisante dans l'avenir et, deuxièmement, étude. le principe voulant que des citoyens de cette Je me réjouis avec le ministre du rapproche- partie du Canada, le Québec, soient davantage ment qui s'est effectué entre des groupes d'inves- impliqués dans la prise de responsabilités et de tisseurs québécois que séparaient, jusqu'à mainte- décisions dans l'industrie du transport aérien. nant, des différences d'approche ou d'intérêt Nous avons tous constaté, nous qui voya- parfois difficiles à comprendre. Je félicite, en geons d'une partie à l'autre du territoire, très particulier, le président de la Fédération des fréquemment, qu'il y a bien des régions qui sont caisses d'entraide économique, M. Gagnon, du desservies de manière incomplète, d'autres qui ne geste qu'il a fait la semaine dernière, quand il a dit le sont pas du tout. Des améliorations considéra- que, dans l'intérêt général du Québec, il serait prêt bles sont souhaitables et même nécessaires de ce à se dégager de l'implication qu'il avait dans le côté. secteur si son geste était de nature à favoriser C'est à mon point de vue assez clair que, si l'acquisition de Nordair par un groupe québécois. une implication québécoise plus ferme et plus Je pense que c'est un geste qu'il vaut la peine de directe était acquise dans le secteur, les choses souligner. Il vaut également la peine de souligner seraient facilitées. Nous pourrions envisager des l'initiative de ceux qui se sont regroupés derrière améliorations dans des conditions beaucoup plus M. Alfred Hamel. Je suis très heureux de voir que intéressantes. Par conséquent, sur ces deux le mouvement Desjardins semble prêt à prendre points fondamentaux, je pense qu'il y a beaucoup certains risques dans ce secteur-ci. Je souligne de sympathie dans tous les secteurs de la Cham- l'implication du groupe Provost également. Les bre et même de l'opinion au Québec. groupes ontariens sont minoritaires. Je pense que Dans la déclaration qu'a faite le ministre ce c'est très bien également. matin, il y a des points qui méritent d'être sou- Une chose que je voudrais souligner à l'atten- lignés, tout simplement du point de vue logique. tion du ministre avant de terminer, c'est qu'il serait Je pense que ce n'est pas mauvais qu'on vous le très important, avant de se prononcer là-dessus souligne. Peut-être que vous pourrez clarifier cela d'une manière ferme — le gouvernement a eu 4409 toutes les données en main, c'est très bien; nous étude par une société américaine qui s'est avérée ne les avons pas eues — que nous sachions très positive, qu'il la dépose en Chambre pour exactement de quoi il s'agit quand on parle de qu'on puisse en prendre connaissance nous aussi Nordair. Nordair est une société dont les services parce qu'on est aussi désireux qu'il peut l'être de vont bien au-delà du Québec. Je crois comprendre s'assurer que cette société québécoise peut être que c'est une société qui dessert tout le Grand- rentable. Nord canadien et que c'est même de là que Evidemment, nous y sommes très favorables. découle sa rentabilité principale. Elle a également Je me demande bien pourquoi cette déclaration des lignes de transport au sud. Selon des informa- est faite à ce moment-ci. Est-ce qu'il y aura des tions fragmentaires que j'ai pu glaner ici ou là, ce possibilités qu'Air Canada laisse vendre Nordair à n'est pas de ce côté que réside la source de d'autres intérêts? Est-ce qu'Air Canada refuserait rentabilité la plus élevée. de vendre Nordair? Je pense que si c'était là la Pour ajouter une considération, M. le Prési- raison de sa déclaration, je pourrais faire une re- dent, je pense qu'il ne faudra pas, non plus, commandation: qu'il entreprenne immédiatement refuser d'examiner le problème dans une perspec- des négociations avec le fédéral qui a autorisé tive plus large, au besoin. Vous savez que nous cette vente. Je pense qu'il est obligé d'intervenir avons de gros problèmes de transport aérien du pour autoriser la vente par Air Canada à une autre côté des provinces atlantiques également. Je vois société. Si ce n'était seulement cette raison, je que, dans les propos du ministre, on parle d'as- pense qu'il faudrait plus qu'une déclaration minis- sociation entre des intérêts ontariens et québécois. térielle. S'il veut avoir l'appui de la Chambre, je Je crois que, si l'intérêt général demandait que ces pense que ce sera facile de l'avoir. Il pourra considérations fussent élargies de manières à déposer toute l'information qu'il possède et faire embrasser également la question qui doit nous une motion dans ce sens. Je pense qu'ensemble inviter à nous demander s'il n'y aurait pas une on pourrait débattre la question en connaissance amélioration considérable à chercher de ce côté-là de cause et faire en sorte de créer l'unanimité de aussi, ce serait très bien. toute l'Assemblée nationale pour s'adresser au Ces réserves étant faites, ces questions étant fédéral et dire: Nous favorisons que cela demeure posées, je voudrais dire avec insistance que je suis dans les mains d'une société majoritairement très heureux de seconder la perspective générale québécoise. Personne ne va s'opposer à cela et je dans laquelle on nous a parlé ce matin et de dire pense qu'il aurait l'occasion, depuis qu'il a amorcé une fois de plus au gouvernement, comme nous ces déclarations depuis presque deux ans, d'obte- aimons le faire souvent: Autant cela nous déplaît nir l'unanimité de la Chambre et un appui absolu. quand des questions de principe ou de vision M. le Président, je ne veux pas éterniser les générale nous obligent à nous opposer au gouver- commentaires là-dessus. Je pense bien qu'il s'agit nement — autant cela nous déplaît de le faire, là simplement d'une répétition de déclaration qui autant nous le faisons avec vigueur, cependant — est de bonne guerre politique, je présume, et pour autant nous sommes heureux quand des valeurs montrer à ce groupement qui s'est formé qu'on est communes, des principes fondamentaux ou des bien heureux de voir qu'il a réussi l'unification de intérêts très vitaux nous le commandent, de nous sorte qu'on a au moins une société majoritaire- associer à une démarche gouvernementale. ment québécoise qui opère actuellement au Qué- Par conséquent, si le ministre veut nous per- bec et qui pourra, dans un avenir rapproché, mettre de seconder la position du gouvernement amplifier sa capacité de pouvoir s'assurer une avec encore plus de force, je lui serais recon- meilleure rentabilité. Je suis convaincu que l'ac- naissant de nous transmettre dans les plus brefs quisition de Nordair pourra être un actif très délais les suppléments d'information dont nous positif pour cette société québécoise. Donc, je avons besoin pour adopter une attitude en toute veux simplement dire que le groupe que je repré- connaissance de cause comme c'est notre devoir sente est très conscient de la valeur de cet achat de le faire. et nous allons le supporter. Je renouvelle ma demande au ministre pour qu'il nous dépose cette Le Président: Merci. documentation qu'il possède ici. On pourra en M. le député de Missisquoi. prendre connaissance. Je l'inviterais, si cela pres- (10 h 30) se, dès la semaine prochaine, qu'il fasse une M. Armand Russell motion en ce sens et on sera heureux de la débattre, de l'appuyer pour qu'il puisse la trans- M. Russell: M. le Président, je voudrais mettre au gouvernement fédéral. d'abord remercier le ministre de nous avoir trans- Le Président: M. le ministre des Loisirs, de la mis à la dernière minute cette déclaration minis- Chasse et de la Pêche. térielle. J'ai dû en prendre connaissance en même temps qu'il en a fait la lecture en Chambre. Par M. Lucien Lessard contre, je suis heureux de cette déclaration, ce matin, qui renouvelle ce qu'il a déjà dit il y a M. Lessard: M. le Président, très brièvement, quelques mois ou quelques années dans son enthousiasme de créer ici une société aérienne je remercie d'abord tous les représentants de québécoise. J'aurais aimé, s'il a fait faire une l'Opposition de leur appui. Si je fais cette déclara- tion ce matin, c'est que justement j'envisage 4410 qu'une décision devrait être prise d'ici quelques conserver l'objectif que je m'étais fixé, à savoir heures, peut-être, ou quelques jours, par le gou- que les groupes québécois puissent conserver la vernement fédéral, et j'estime qu'il est extrême- majorité des actions à l'intérieur de cette entrepri- ment important que la position de l'Assemblée se. Je pense qu'il aurait été de très mauvaise nationale, la position du Québec soit connue, guerre de mettre à la disposition du public l'en- parce que même si je ne suis pas dans les secrets semble de ces études puisque ces études auraient du cabinet du gouvernement fédéral, il est pos- été accessibles, à ce moment, à des concurrents sible que cette décision ne représente pas ou qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts puisse ne pas représenter la position du Québec. Il que le gouvernement du Québec. est important de faire connaître la position du Dans ce sens, lorsque la transaction sera con- gouvernement du Québec et des membres de sacrée, lorsqu'une décision pourra être prise par l'Assemblée nationale afin que le cabinet fédéral le gouvernement fédéral, je n'y aurai aucune puisse tenir compte de cette position avant de objection et je verrai à ce que ces études puissent prendre une décision. être transmises au chef de l'Opposition ou aux Je voudrais répondre au chef de l'Opposition représentants de l'Opposition, mais si je ne l'ai pas officielle en ce qui concerne un peu la chronolo- fait, ce n'est pas dans une tentative de cacher les gie des événements. Il est certain que lorsque je négociations qui avaient lieu. J'ai toujours évité de suis arrivé au ministère des Transports, nous faire de la publicité avec cela, même si j'ai eu n'avions pas comme telles d'études techniques plusieurs rencontres avec les différents groupes concernant l'ensemble du secteur aérien au Qué- concernés, parce que je voyais que toute tentative bec. Comme dès le début, en fait, nous avons de publicité pouvait nuire aux négociations qui appris l'annonce de la vente de Nordair à Air étaient en marche à ce moment. Canada, nous avons dû réagir sur le plan des M. le Président, je pense qu'il pourrait être principes, et c'est dans ce sens qu'à la page 2 de utile de rendre par la suite ces études publiques, ma déclaration j'énonce la déclaration de principe je n'ai rien à cacher. Maintenant, l'objectif que j'ai que j'avais faite à ce moment vers le mois de toujours poursuivi a été le regroupement des janvier 1978. groupes francophones et nous espérons que cet Cependant, à la suite de cela et pour bien objectif sera réalisé dans les plus courts délais. confirmer ma déclaration de principe, pour voir si cette déclaration pouvait être appuyée par des M. Russell: M. le Président, si vous me le per- faits économiques, des études économiques, c'est mettez. à ce moment que j'ai commandé l'étude économi- que dont j'ai parlé et qui confirmait qu'il était Le Président: Dépôt de documents. possible pour les compagnies québécoises de se regrouper et d'être rentables, particulièrement en M. Russell: Me permettriez-vous de poser une ce qui concerne le groupe Nordair et le groupe simple question au ministre? Québecair. Il est envisagé dans cette étude la possibilité, Le Président: M. le député de Brome-Mis- par exemple, d'un regroupement de la compagnie sisquoi. qui dessert actuellement les territoires ou les provinces atlantiques. Nous n'avons jamais eu M. Russell: S'il s'agit d'une question d'urgen- d'objection à voir ce regroupement, mais pour le ce, notre groupe et, je le pense bien, l'Opposition moment cela a été plutôt les éléments québécois officielle serions d'accord pour faire une motion qui ont tenté de se regrouper, quitte cependant à d'urgence pour qu'on dépose les documents et on négocier avec des groupes de l'Ontario, ce que en discutera. Je préférerais qu'on fasse une mo- nous avons fait, d'ailleurs, ce qui fut concrétisé tion immédiatement, avant coup, plutôt que d'aller puisque Great Lakes et le Credit Union de l'On- avec une motion dé contestation, de protestation tario ont accepté de se regrouper avec des grou- après coup. pes québécois. En ce qui me concerne les études techniques M. Lessard: M. le Président, je pense bien que comme telles, vous conviendrez qu'il s'agissait c'est l'objectif qu'on poursuit qui est important. Je d'une négociation très délicate. Je l'ai dit ici en ne connais pas la décision du gouvernement fé- cette Chambre, quand on négocie une chose déral. Si elle allait à l'encontre des intérêts du gou- assez valable au point de vue du principe, mais en vernement du Québec, il faudrait renégocier avec même temps qui touche $33 millions ou $34 mil- les groupes concernés de telle façon qu'il m'est lions, il n'est pas facile de mettre ensemble deux difficile pour le moment d'annoncer que je vais groupes qui ont été en conflit depuis passable- rendre, demain matin, ces études publiques, parce ment de temps, puisqu'on m'indiquait que le que ces études, étant rendues publiques, seraient groupe Nordair et le groupe Québecair faisaient accessibles à des groupes qui n'ont pas néces- des tentatives depuis 20 ans pour se regrouper. sairement nos intérêts. Est-ce que je devrais four- Lorsque j'ai eu à les rencontrer face à face, j'ai nir à des groupes ontariens, par exemple, une senti qu'il ne serait pas facile d'en arriver à ce étude qui a été faite et payée par le gouvernement regroupement, de telle façon que les études que du Québec? j'ai obtenues, je les ai mises à la disposition des groupes concernés, mais toujours dans le sens de Le Président: Dépôt de documents. 4411

M. le leader parlementaire du gouvernement Projet de loi no 189 au nom de M. le ministre de la Justice. (10 h 40) Première lecture

DÉPÔT DE DOCUMENTS Le Président: M. le député de Vanier propose la première lecture du projet de loi no 189, Loi sur Rapport annuel de la Commission la Fédération des Magasins Co-op. Est-ce que des libérations conditionnelles cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Charron: Au nom de mon collègue de la Des Voix: Adopté. Justice, je dépose le rapport annuel 1978-1979 de la Commission québécoise des libérations condi- Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce tionnelles. projet de loi.

M. Charron: Article h) du feuilleton. Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le ministre de l'. Projet de loi no 192 Rapport annuel de l'Université Première lecture du Québec Le Président: M. le député de Vanier propose M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez- la première lecture du projet de loi no 192, Loi moi, à titre de ministre de l'Education, de déposer concernant la Confédération des caisses populai- le dixième rapport annuel de l'Université du Qué- res et d'économie Desjardins du Québec. Est-ce bec qui porte sur l'année 1978-1979. que cette motion de première lecture sera adop- tée? Le Président: Rapport déposé. Des Voix: Adopté. M. le leader parlementaire du gouvernement au nom du ministre des Communications. Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. Rapport annuel du ministère des Communications Le Président: Y a-t-il une motion? M. Charron: Je dépose le rapport annuel 1978- M. Charron: Non, il n'y a pas de motion de 1979 du ministère des Communications. déférence, M. le Président. Deuxième lecture à une prochaine séance. Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de Le Président: Deuxième lecture, prochaine la Pêche. séance ou séance subséquente.

Période des questions orales. Rapport annuel du ministère du M. le chef de l'Opposition. Tourisme, de la Chasse et de la Pêche QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS M. Lessard: J'ai le plaisir de déposer le rapport annuel du ministère du Tourisme, de la Prix pétroliers Chasse et de la Pêche 1978-1979. En même temps, il me fait plaisir de déposer le rapport M. Ryan: Nous serons appelés à discuter, annuel 1979 du comité organisateur de la fête demain, d'une motion gouvernementale au sujet nationale du Québec. de certaines répercussions du budget fédéral dévoilé l'autre soir à Ottawa. Afin de discuter de Le Président: Merci. Rapport déposé. cette motion de la manière la plus sérieuse pos- sible, nous aurions besoin de tous les renseigne- Dépôt de rapports de commissions élues. ments qui seront nécessaires pour définir notre Dépôt de rapports du greffier en loi sur les position. Je voudrais demander au premier minis- projets de loi privés. tre ce matin deux choses: Premièrement, on Présentation de projets de loi au nom du discute beaucoup des prix pétroliers au Canada gouvernement. depuis nombre de mois. Il y a même eu à Ottawa Présentation de projets de loi au nom des — je crois que c'est à la fin de décembre — une députés. conférence des premiers ministres sur l'énergie à M. le leader du gouvernement. laquelle le premier ministre n'a pu se rendre pour des raisons que nous avons comprises, mais à M. Charron: Le projet de loi qui apparaît à laquelle il avait délégué son ministre des Riches- l'article g) du feuilleton, M. le Président. ses naturelles. 4412

J'aimerais savoir si le gouvernement du Qué- Cette intervention constitue, je crois, le résu- bec a mis sur papier sa position en matière de prix mé le plus clair, le plus complet quant à nous de la pétroliers. Est-ce qu'il y a un texte sur lequel on position du gouvernement, surtout si on l'ac- pourrait s'appuyer? Vous avez beaucoup parlé de compagne — et là il n'y a pas d'objection à le cela. Est-ce qu'il y a un texte, un document transmettre à l'Opposition — du document d'appui énonçant la position officielle du gouvernement qui, je crois, servait d'arrière-plan à ce document. du Québec en matière de prix pétroliers, de Pour ce qui est de la taxe d'accise, sauf manière que nous n'engagions pas le débat au erreur, d'une façon concrète, cela a été également cours des prochains jours à partir de bouts de évoqué mais là, le ministre de l'Energie pourrait citations pris ici et là, que ce soient celles du peut-être compléter parce que c'est dans son ministre ou les miennes, ou celles de mes collè- secteur de responsabilités quotidiennes. Sauf er- gues qui ont parlé de ces choses. J'ai remarqué, reur, cela a été évoqué pour la première fois, de en particulier, qu'il y en a qui ont tendance à façon concrète, pendant cette même conférence extrapoler, à prendre des déclarations et à leur fédérale-provinciale. La seule réaction que j'ai faire dire exactement le contraire de ce qu'elles eue, moi, a pris la forme de la lettre, quand cela disent. Les gens sérieux ne s'occupent pas de s'est mis à se confirmer, que les rumeurs ont cela. commencé à étayer cela, qui non seulement a été Le premier volet de ma question au premier rendue publique mais déposée dans cette Cham- ministre: Est-ce qu'il y a, quelque part, un docu- bre la semaine dernière. ment officiel du gouvernement adressé soit aux Maintenant, d'autres communications, je crois autorités fédérales, soit aux autorités des autres que oui, mais j'aimerais mieux prendre avis... provinces, soit à l'opinion publique, énonçant la politique du gouvernement en matière de prix Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! pétroliers? Deuxièmement, j'ai cru comprendre que la première fois que le gouvernement avait été M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si la saisi du projet d'augmentation de la taxe d'accise réponse intéresse le chef de l'Opposition. J'aime- remonte à cette conférence des premiers ministres rais mieux prendre avis de la dernière partie de sa à laquelle nous étions représentés par le ministre question en ce qui concerne d'autres communica- des Richesses naturelles. Il s'en est vanté lui- tions parce que je craindrais d'oublier quelque même l'autre jour à la période où il y avait une chose. Je pourrais vérifier aujourd'hui et, au plus question avec débat. Il semblait être dans le sac; il tard demain matin, compléter cette partie de la disait ouvertement qu'une augmentation de cette réponse. taxe s'en venait. J'ai lu des comptes rendus et j'ai trouvé cela là-dedans. Le Président: M. le ministre de l'Energie et Je voudrais savoir quand le gouvernement a-t- des Ressources. il été saisi pour la première fois de ce projet de comment a-t-il réagi? Est-ce qu'il y a eu autre M. Bérubé: M. le Président, si on demande chose que la lettre qu'on a déposée en cette aux Québécois de combien de plus ils veulent Chambre il y a quelques jours, vers la fin de la payer leur essence, la répose est très facile. On ne semaine dernière? Troisième volet, le premier veut pas payer plus cher notre essence, M. le ministre a-t-il reçu d'autres communications du Président. S'ils veulent nous la donner, on va la gouvernement fédéral à ce sujet avant ou après le prendre. En ce sens, notre position a été très discours du budget, lundi soir dernier, et voudrait- simple depuis le début. C'est que, comme ache- il nous donner connaissance de ces communica- teur, on veut payer le moins cher possible. Par tions qu'il aurait reçues de l'autorité fédérale? conséquent, on n'est pas intéressé à ce que le citoyen québécois paie plus cher pour chauffer sa Le Président: M. le premier ministre. maison, paie plus cher pour conduire son automo- bile et par définition même, on est là pour M. Lévesque (Taillon): Sur la première partie défendre les intérêts des Québécois. C'est la de la question, M. le Président, en ce qui concerne première partie de la réponse. les prix pétroliers, enfin les augmentations de prix qui sont prévues, je dois dire — ce n'est pas un M. Ryan: De la propagande! mystère — que c'était dans l'air depuis un bon bout de temps. De façon indirecte, j'avais eu M. Bérubé: La deuxième partie de la réponse, l'occasion d'en parler avec certains à Ottawa. Mais M. le Président, est que c'est le vendeur actuel- la première fois où le gouvernement a cru bon de lement qui est en mesure de décider du prix préciser — et je pense qu'on doit se référer à ce auquel il est prêt à vendre son pétrole. C'est la texte, c'était un texte du gouvernement en même deuxième partie. Dans ces conditions, nous avons temps que du ministre de l'Energie et des Res- insisté essentiellement sur un aspect au moins. sources — où le gouvernement du Québec, offi- C'est que la hausse doit être graduelle. Ce n'est ciellement, a cru bon de prendre position sur cette pas possible pour un citoyen de supporter instan- question, c'était à la conférence fédérale-provin- tanément une augmentation subite du prix de ciale des premiers ministres à laquelle, comme le l'essence à laquelle son budget, ses revenus ne rappelait le chef de l'Opposition, je n'ai pu assister sont pas capables de s'ajuster, de la même façon mais où le gouvernement était représenté par le qu'un vendeur d'automobiles n'est pas capable, ministre des Ressources et de l'Energie. du jour au lendemain, de changer tout son stock 4413 d'automobiles pour tenir compte du prix de M. Ryan: Je répète ma question, parce que je l'essence. Il faut que ces ajustements soient n'ai pas compris la réponse. C'est très difficile graduels. Vous noterez que ce qui est annoncé par quand le ministre parle de distinguer la propagan- le gouvernement fédéral, c'est une hausse instan- de des faits et des informations objectives. Est-ce tanée au prix international parce que là, finale- qu'au cours de toutes ces conversations, de toute ment, tout le monde est d'accord pour dire qu'une ces démarches épuisantes que le ministre a faites, hausse du prix international, c'était d'à peu près il a laissé quelque part des traces écrites sur $0.30 le gallon. Le député d'Outremont l'a publié lesquelles on pourrait s'appuyer pour essayer de dans un article dans . Tout le monde est mieux comprendre sa pensée et sa politique, des d'accord là-dessus maintenant. Ce n'est plus $3 traces écrites officielles? Le ministre est allé ou $4. L'Opposition s'est mise d'accord. Donc, ce représenter le Québec à la conférence des pre- que cela veut dire, c'est que nous avons tout miers ministres. Est-ce qu'il y avait à ce moment-là simplement demandé au gouvernement fédéral un document énonçant la politique du Québec? une hausse graduelle. Quant à savoir ce que C'est bien beau de se faire dire, comme un élève rerésente le gradualisme, il y a des hypothèses. de première d'économique, que c'est le vendeur Maintenant, la deuxième partie de la question qui détermine le prix. On n'a pas besoin d'être élu porte sur le type de relations qui ont prévalu entre dans cette Chambre pour savoir cela. On le sait le gouvernement du Québec et le gouvernement depuis longtemps. Je demande au ministre: Est-ce fédéral. Je dois dire à cet égard qu'il y a eu des qu'il avait autre chose à dire que ces âneries échanges au niveau des fonctionnaires qui, à mon quand il est allé à la conférence fédérale-provin- point de vue, ont été satisfaisants, en ce sens qu'il ciale? y a eu un changement radical dans l'attitude des fonctionnaires à Ottawa, en ce sens qu'ils ont Le Président: M. le ministre de l'Energie et indiqué à leurs contre parties provinciales les des Ressources. éléments de ce que pourrait être une politique fédérale énergétique. Cependant, lorsque j'ai M. Bérubé: Je regrette, M. le Président, demandé à rencontrer le ministre de l'Energie, il d'avoir assisté une fois de plus à de la provocation m'a été pratiquement impossible de le rencontrer. de la part du chef d'un parti qui manifeste une Je n'ai pu le rencontrer, en fait, qu'une semaine arrogance méprisante pour tous les travaux de — un peu moins même — avant la conférence des l'Assemblée nationale, qui fausse toutes les ques- premiers ministres, justement en vue de préparer tions et qui est incapable de mener un débat cette conférence des premiers ministres. Ce qui correctement. s'est produit — d'ailleurs, le Québec n'est pas la seule province à s'être plaint de cette situation — M. Ryan: M. le Président... c'est que très peu de provinces ont eu l'occasion de pouvoir s'asseoir avec le gouvernement fédéral Une Voix: ... jamais de réponse. et d'en discuter. Il n'y a eu que l'Ontario et l'Alberta en pratique, ce qui veut dire que nous M. Ryan: ... je répète que j'ai posé une avons été mis de côté en ce qui a trait au question précise à laquelle j'aimerais avoir une processus politique de discussions préliminaires à réponse. Si le ministre n'a pas de réponse à la préparation du budget. Donc, première obser- donner, qu'il le dise: Je n'ai pas de texte à vation. produire. Nous le saurons, c'est tout. (10 h 50) Comme gouvernement, ce n'est vraiment que M. Lévesque (Taillon): M. le Président. lors de la rencontre que j'ai eue avec Hnatyshyn, rencontre qui était demandée depuis des mois, Le Président: M. le premier ministre. qu'il a été possible pour moi, effectivement, d'aborder cette question, ce qui fait que la vérita- M. Lévesque (Taillon): Je le répète, je com- ble première proposition officielle du gouverne- prends que le chef de l'Opposition soit de mauvai- ment du Québec a été à la conférence des se humeur après les contradictions absolument premiers ministres, 4 à ce moment-là, puisqu'il flagrantes qu'il y a eu hier soir sur une des lois les n'avait pas été possible d'en discuter précédem- plus importantes de la session, mais il reste... ment. Je dois dire qu'il y a eu des échanges entre les fonctionnaires, entre l'administration, ce qui Une Voix: M. le Président. nous a permis d'avoir des indications, mais cha- que fois qu'on a voulu discuter à fond de la ques- M. Lévesque (Taillon): ... une chose, c'est tion, on a été plutôt évasif. On a souligné que qu'on n'a pas le droit de perdre la mémoire en c'étaient des hypothèses, que peut-être que oui, trois minutes. J'ai dit au député d'Argenteuil que peut-être que non. Par conséquent, le gouverne- le texte approuvé par le gouvernement — c'est ment ne pouvait certainement pas s'opposer à pour cela que le ministre ne l'a pas répété; peut- quelque chose qui était purement hypothétique. être qu'il faut répéter quatre fois la même chose Ce n'est que graduellement qu'on a vu poindre de pour qu'on comprenne en face — le texte officiel, façon beaucoup plus claire la position fédérale. approuvé par le gouvernement, de l'intervention québécoise à la conférence sur l'énergie au mois Le Président: M. le chef de l'Opposition. de décembre serait fourni à l'Opposition. Elle 4414 pourra le lire, c'est un texte officiel de la position bles du Québec, ma question aurait deux volets. du gouvernement du Québec. Est-ce que le premier ministre pourrait faire le point sur la situation et sur la médiation qui se Le Président: M. le député d'Outremont. déroulait dans la journée d'hier? J'imagine qu'il demandera à son ministre des Ressources de M. Raynauld: Question additionnelle, M. le nous donner, encore une fois, la couleur du Président. Le problème de ce document, M. le temps, mais est-il exact qu'il y a aujourd'hui, au Président, c'est que la conférence a eu lieu le 12 moment où je vous parle, 180 pannes au Québec, novembre. C'est tout à fait exact qu'on n'a jamais affectant 6300 abonnés, dont 110 durent depuis vu la position du gouvernement. Est-ce qu'il serait au-delà de deux jours, douze pannes majeures qui possible... Est-ce que le premier ministre nous dit affectent 3800 abonnés, qui durent depuis huit à que cela va être disponible? Est-ce que cela va dix jours? Dans la région de la Beauce, où il y a être distribué en Chambre? Est-ce que cela va des éleveurs d'animaux, des propriétaires de por- nous être transmis? cheries, il y a cinq paroisses affectées où, si les pannes ne sont pas rétablies sans délai, on devra M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai dit procéder à l'abattage des animaux. Egalement, tout à l'heure que ce texte, qui n'a rien de dans la ville de Laval, tout le centre-ville est en mystérieux — il a été prononcé publiquement à la panne depuis au-delà de deux jours — cela fera conférence et il a même été débité à la télévision, trois jours à 23 heures ce soir — affectant une je pense, à haute et intelligible voix — sera centaine de magasins, une quinzaine d'usines, disponible pour l'Opposition, si possible, Sei- 3500 emplois des ateliers protégés. Est-ce exact gneur! pour essayer de voir si elle peut finir par et est-ce que le gouvernement entend prendre ses être pour, contre ou à moitié contre le budget responsabilités? fédéral et les plaies qu'il inflige à la vie quotidien- ne des Québécois le plus vite possible. Le Président: M. le premier ministre. Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si on M. Ryan: Juste un petit complément très bref, me le permet, je demanderai d'abord au ministre M. le Président. Est-ce que je pourrais obtenir du de l'Energie et des Ressources qui, au jour le jour premier ministre... et presque d'heure en heure a des gens qui suivent la situation, de préciser, peut-être en Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! rectifiant au besoin certaines des choses qui ont M. le chef de l'Opposition. été dites par le député de Laval et en confirmant celles qui sont exactes, la couleur du temps M. Ryan: ... l'assurance qu'au cours de la comme le député l'a dit. Après tout, comme il journée il nous fera tenir copie de tous les s'agit d'une médiation et que la médiation, comme documents pertinents qui pourront nous éclairer la conciliation, c'est la responsabilité directe du en vue de la préparation du débat de demain, y ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de compris copie du télégramme qu'il a reçu, d'après ses hauts fonctionnaires, je demanderais au minis- ce que les journaux nous disent ce matin, du tre du Travail et de la Main-d'Oeuvre de nous dire premier ministre Clark et dont nous n'avions pas l'état de la situation concernant la médiation et les entendu parler avant que les journaux ne nous le espoirs très sérieux que nous nourrissons aujour- dévoilent ce matin? d'hui même. Si le ministre de l'Energie voulait...

Le Président: M. le premier ministre. Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources. M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. C'est pour cela que tout à l'heure, dans la M. Bérubé: La réponse va être très simple en troisième partie de ma réponse, j'ai dit que pour l'occurrence. Je dirais que c'est essentiellement éviter de risquer d'oublier des choses pertinentes, vrai, ce que le député de Laval a indiqué; ce serait je me donnais, au plus tard, jusqu'à demain matin les chiffres que j'aurais donnés à cette Assemblée. pour également rendre disponibles des choses Vous remarquerez qu'il n'y a pas eu de clameurs additionnelles qui sont arrivées. Il y a le télégram- de notre part. Vous avez pu réciter votre texte au me en question. Il y a également peut-être autre complet sans qu'on vous interrompe. Je pense chose. Je ne voudrais pas oublier quelque chose que c'est un changement notable; c'est beaucoup pour me le faire reprocher après, c'est tout. plus agréable, d'ailleurs, pour l'oreille, d'une part. Donc, il y a un seul point de différence, M. le Pré- M. Lavoie: M. le Président... sident, et je pense que c'est quand même impor- tant de le souligner. Dans les pannes qui durent Le Président: Question principale, M. le dépu- depuis plus de deux jours, il y en a effectivement té de Laval. 110 qui affectent 1700 abonnés. Ce qu'il est impor- tant, cependant, de souligner, c'est qu'en fait, sur Grève à Hydro-Québec ces 110 pannes, il y en a 27 qui affectent 195 abonnés qui résident dans leur maison principale. M. Lavoie: ... relativement à la grève d'Hydro- Donc, la différence entre 110 et 27, ce sont des Québec qui affecte de très nombreux contribua- pannes qui affectent des résidences secondaires, 4415 des chalets, donc des choses moins essentielles. Le Président: M. le député de Beauce-Sud. Dans ce cas, le syndicat se traîne les pieds, peut- être avec assez de justification, et ne fait pas les M. Mathieu: M. le Président, effectivement, il y réparations rapidement. Essentiellement, on peut a cinq paroisses qui sont affectées: La Guadelou- parler non pas de 110 pannes qui affectent 1700 pe, Saint-Ephrem, Saint-Evariste, Saint-Victor et abonnés depuis 24 heures, tout le monde étant Courcelles, et il y a beaucoup plus que cinq dans le froid en train de grelotter, mais il faudrait éleveurs de porcs. Je pourrais lui en citer 25 à 30, plutôt dire 27 pannes qui affectent 195 abonnés où de mémoire, si ce n'est pas abuser du temps de la là, effectivement, les gens souffrent, à mon avis, Chambre. Je crois qu'il y a urgence à la situation. inutilement parce que c'est trop long. Voulez-vous que je vous en cite, M. le Président? Mais il faut quand même souligner, que, lors- M. Henri-Louis Lapointe, de Saint-Victor, MM. qu'on regarde les statistiques que je donne quoti- Noël et Jean-Marie Tardif, de Saint-Victor, M. René diennement, chaque fois qu'il m'est posé une Plante, de Saint-Ephrem, M. François Hamel, de question, que le nombre de pannes diminue. Saint-Ephrem. Je pourrais continuer la liste. Je ne Aujourd'hui, c'est 180, c'est moins qu'hier. En suis pas préparé. Disons, etc. d'autres termes, cela veut dire que le syndicat fait un effort réel pour essayer de réparer. Ce n'est pas Le Président: M. le député de Laval. toujours facile dans le froid, dans la situation que l'on connaît présentement, de réparer une panne M. Lavoie: M. le Président, étant donné que le instantanément. ministre de l'Agriculture n'a pas de question (11 heures) additionnelle... Même en temps normal, quand il n'y a pas de grève, il y a des pannes au Québec de plus de M. Lévesque (Taillon): M. le Président... deux jours, ce qui veut dire qu'il y a un certain nombre de ces pannes qui sont éminemment Le Président: M. le premier ministre. difficiles à réparer et qui auraient pris plus d'une journée, de toute façon. Je dois dire que le M. Lévesque (Taillon): ... le député de Laval syndicat semble manifester une volonté de répa- m'avait posé une question à deux volets, parfaite- rer. Je dois dire que chaque fois qu'on com- ment normaux, d'ailleurs. L'un sur la couleur du munique avec mon cabinet et qu'à la suite de cela temps, c'est-à-dire, hélas, sur les problèmes que nous communiquons avec le comité provisoire, on créent la grève et les pannes, et l'autre sur la me signale en général que le syndicat répare en médiation. J'avais offert une réponse du ministre dedans de quelques heures les pannes en ques- du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur la médita- tion. Ce n'est pas que je cherche à excuser, à ne tion. Je crois que ce serait préliminaire. pas insister sur le fait que pour 195 abonnés, être dans le noir et dans le froid depuis deux jours Le Président: M. le ministre du Travail et de la n'est pas pénible, ce n'est pas cela que je veux Main-d'Oeuvre. dire. Je ne voudrais pas non plus que l'on accuse le syndicat de ne pas faire un effort quand il en fait M. Johnson: M. le Président, je comprends un réellement. que cela peut sembler excédant pour les membres de l'Assemblée d'avoir l'impression que c'est tou- Le Président: M. le député de Laval. jours un peu la même ritournelle, quand on parle de ce qui se passe à une table de négociation. M. Lavoie: Question additionnelle. C'est malheureusement comme cela que cela se passe. On n'a pas encore trouvé de mécanisme M. Garon: M. le Président, c'est parce que le magique qui permette, simplement par la volonté député de Laval a dit qu'il y avait cinq éleveurs de ou un souhait vague ou un crochet descendant porcs... des nuages, de régler ces problèmes. Ceci dit, les deux médiateurs assistés du sous-ministre et du M. Lavoie: Cinq paroisses affectées. directeur des relations de travail du ministère, jusqu'aux petites heures ce matin, vers 5 ou 6 M. Garon: Vous avez dit cinq éleveurs de heures, s'affairaient à faire la proposition ou la porcs, que les porcs devraient aller à l'abattage. recommandation qui sera remise aux parties à 14 Est-ce que je peux demander au député de Laval heures cet après-midi. Donc, le syndicat ou les de fournir les noms des cinq éleveurs de porcs... syndicats et Hydro-Québec ont été convoqués pour 14 heures au bureau du ministère à Montréal. Une Voix: Quelle paroisse? On leur remettra alors les textes qu'on s'affaire à finaliser ce matin et à imprimer; il faut beaucoup M. Garon:... avec leur endroit de résidence et de copies parce que les parties sont très nom- on va s'en occuper immédiatement. breuses. On s'affaire en ce moment à finaliser, donc, ces recommandations. Je souhaite, évidem- M. Lavoie: M. le Président, je vais laisser la ment, M. le Président, que la sagesse, l'expérience parole au député de Beauce-Sud pour répondre à et particulièrement l'impartialité des hommes qui cette question du ministre. sont dans ce dossier pour mon ministère permet- 4416 tent d'en arriver à un règlement puisqu'ils s'inspi- M. Lavoie: J'aurais une dernière question. reront des principes généraux dont s'inspirent les médiateurs, c'est-à-dire, les mandats des parties, Le Président: Une dernière question, M. le la possibilité de faire avancer les contenus. Fina- député de Laval. lement, je souhaite qu'advenant un refus par certaines des instances d'un côté ou de l'autre, on M. Lavoie: Mon dernier appel pour que le ait l'assurance que les représentants iront devant gouvernement prenne ses responsabilités dans ce leurs membres d'un côté comme de l'autre, c'est- dossier, concernant, entre autres, les services à-dire devant le conseil d'administration dans le essentiels. Est-ce que le gouvernement est prêt à cas des négociateurs de l'Hydro, et devant l'en- modifier, aujourd'hui même, l'autorité en ce qui semble des travailleurs dans le cas des représen- concerne les services essentiels, que cela ne soit tants syndicaux. pas confié uniquement aux syndiqués? Deuxièmement, est-ce que le premier minis- Le Président: M. le député de Laval. tre, en prenant ses responsabilités, pourrait s'im- pliquer autant dans ce dossier d'Hydro-Québec M. Lavoie: Le premier ministre comprendra que lorsque le gouvernement s'est impliqué pour que cela est bien beau de vivre d'espoir et accepter des augmentations de tarifs d'électricité d'espérance de jour en jour. Est-ce que demain de 70% sur une période de quatre ans? matin, lorsque nous reviendrons à la période de questions, on se fera dire encore que nous avons Le Président: M. le premier ministre. des bons espoirs que la médiation qui continue... M. Lévesque (Taillon): M. le Président, depuis M. Johnson: M. le Président, si vous me quelque deux mois, deux mois et demi, je pense permettez, j'ai bien dit... qu'on s'implique autant qu'un gouvernement peut le faire jusqu'à la limite de ses forces dans les M. Lavoie: Oui, cet après-midi. conflits qui se déroulent. Je ferai remarquer au député de Laval que, tenant compte du fait que M. Johnson: Je comprends qu'il y avait peut- tout a refoulé jusqu'au Front commun, ce qui était être un peu de bruit en face, pour une raison que probablement inévitable, possiblement, sauf des je ne comprends pas, mais j'ai bien dit qu'elle se exceptions — s'il y a des exceptions, tant pis, on terminait cet après-midi cette médiation. A 14 reprendra cela tout de suite après le début de heures cet après-midi, MM. Crevier, Tremblay, l'année — tout l'essentiel de cette ronde — ces Blain et Désilets remettront aux parties leurs infernales négociations qui reviennent tous les recommandations qui devraient être en fait un trois ans — aura été réglé, pour la première fois, rapport global sur l'ensemble des points en litige espérons-le, avant Noël, c'est-à-dire en dedans de dans cette convention collective et qui devrait six mois alors que les minimums qu'on avait avant, faire l'objet, normalement, nous le souhaitons, en 1972, 1975 et 1976, c'était 18 à 24 mois. On fait d'une acceptation des deux parties. ce qu'on peut, on n'a pas trouvé de recette magique, mais il y a quand même une sacrée M. Lavoie: M. le Président. amélioration.

Le Président: M. le député de Laval. Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. Lavoie: Nous souhaiterions que, durant la M. Biron: Une courte question additionnelle, séance d'aujourd'hui, peut-être vers 18 heures, M. le Président, au ministre du Travail concernant avant la suspension des travaux, le ministre nous le conflit d'Hydro-Québec. Il y a quelques semai- donne le résultat de cette médiation, de la propo- nes, le ministre du Travail avait eu des plaintes très sition qui sera déposée à 14 heures cet après-midi. sévères à l'endroit de l'attitude des chefs syndi- Est-ce que le ministre pourrait s'engager à nous caux, non pas des travailleurs, en disant: II me faire une déclaration cet après-midi, à la suite du semble que le syndicat n'a pas de volonté réelle de dépôt de ce rapport, et cela, avant la suspension négocier dans ce conflit. Est-ce que, maintenant, des travaux à 18 heures? au cours des derniers jours, le ministre peut nous dire que l'attitude des négociateurs du syndicat Le Président: M. le ministre du Travail et de la est meilleure qu'elle ne l'était au début? Est-ce Main-d'Oeuvre. qu'il est satisfait de cette attitude? Y a-t-il une volonté de négocier de la part du syndicat mainte- M. Johnson: M. le Président, je n'ai aucune nant? objection à faire un état succinct évidemment du rapport de médiation qui sera une brique considé- Le Président: M. le ministre du Travail et de la rable, parce que cela porte sur beaucoup de Main-d'Oeuvre. choses, à la condition, cependant, M. le Président, d'une part que ce ne soit pas un précédent et M. Johnson: Ecoutez, dans le fond, quand on deuxièmement, que cela ne donne pas lieu à un est rendu au stade d'une médiation qui débouche débat. sur une recommandation des médiateurs, il n'y a, 4417 en pratique, plus de place pour la négociation, à M. Léonard: Ce qui a été déposé à l'Assem- moins que les parties, de part et d'autre, s'enten- blée nationale, c'est la déclaration ou une proposi- dent pour tout remettre en cause et parapher tous tion du 21 décembre dernier qui émanait du les textes de la convention collective. Mais à partir Conseil des ministres. J'ai dit, lorsque j'ai déposé du moment où j'ai nommé les médiateurs, la le document sur l'harmonisation, que c'était un semaine dernière, il était entendu que ce à quoi document d'explicitation de cette proposition qui nous assisterions à compter de lundi matin, c'était était en consultation parmi la population et que que la partie patronale et la partie syndicale, en chacun aurait à donner son opinion par rapport au pratique, seraient obligées de déballer l'essentiel document. Nous avons entendu différentes opi- de leur demandes et qu'à partir de cela mes nions, nous en attendons d'autres avant de procé- médiateurs faisaient et formulaient une recom- der plus avant dans cette harmonisation. mandation qui, évidemment, ne pourra pas donner à 100%, même pas sur l'ensemble des points, raison ou aux demandes syndicales ou aux exi- Le Président: M. le député de Bellechasse. gences patronales. Mais ils essaient de trancher du mieux qu'ils peuvent entre ces positions qu'on M. Goulet: En déposant le projet de loi no 125 espère être dans le cadre de la médiation toujours, en décembre dernier, le ministre avait donné un la position ultime du syndicat et de la partie certain nombre d'indications, comme il vient de le patronale. dire, aux municipalités quant au rôle qu'elles (11 h 10) joueraient à cet égard. Selon ce document, il Je pense que cet exercice qui a duré près de serait possible aux municipalités régionales de 48 heures avec les parties, plusieurs heures cha- s'impliquer directement dans la gestion de la loi que journée de lundi et mardi, ainsi que très tard de la protection du territoire agricole. Ceci a eu dans la soirée mardi, avec le syndicat, ce sera la pour effet de soulever un tollé de protestations en base de ce qui permettra à 14 heures cet après- provenance de certains groupes dont les agricul- midi à nos deux médiateurs de déposer une teurs réunis à Québec, en fin de semaine, lors du recommandation finale qui devrait faire l'objet congrès de l'UPA, protestations que le premier d'un règlement. ministre a tôt fait d'apaiser en déclarant ce qui suit: "A aucun moment la primauté de la loi 90 Le Président: M. le député de Bellechasse assurant la protection des terres agricoles québé- coises ne sera entachée par une quelconque Zonage agricole et aménagement du territoire formule d'harmonisation entre les lois touchant le zonage et l'aménagement du territoire." M. Goulet: Merci, M. le Président. Lors des A la suite de cela, le ministre de l'Agriculture, débats de première, deuxième et troisième lecture, en réponse à une de mes questions en commis- et même en commission parlementaire, du projet sion parlementaire la semaine dernière, disait à de loi qui est maintenant devenu la loi no 125, peu près ceci au sujet de la formule d'harmonisa- nous avons manifesté notre regret de l'absence de tion: "La formule d'harmonisation a été déposée toute modalité sur l'harmonisation des deux politi- par le ministre d'Etat à l'Aménagement comme un ques gouvernementales. A la fin des travaux, le document personnel. C'est un document personnel ministre a déposé une proposition détaillée et fort du ministre. Il ne l'a pas présenté comme un docu- attendue sur l'harmonisation du zonage agricole ment officiel, il l'a présenté comme un document per- et l'aménagement du territoire. Cette proposition sonnel". Je lui disais, et je cite encore très briève- se trouve à l'intérieur de ce document signé par le ment, M. le Président, puisque c'est notre première ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire. question: "D'après ce qu'il nous a dit — parlant du Ma question s'adresse à ce ministre. Je vou- ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire — tout drais savoir s'il partage les propos du premier le monde était d'accord", ce à quoi le ministre de ministre et du ministre de l'Agriculture quand ils l'Agriculture a répondu: "Voyons donc!" Voulant affirment que ce document n'a à peu près pas de dire: Nous n'étions pas nécessairement d'accord. valeur exécutoire et qu'il n'engage en rien le J'aimerais savoir du ministre d'Etat à l'Aména- gouvernement parce que ce n'est pas un docu- gement du territoire comment il peut concilier les ment officiel. En effet, l'un soutient que ce docu- propos que je viens de citer, ceux du premier ment est un document personnel déposé par le ministre et du ministre de l'Agriculture, avec ses ministre et qu'il n'a rien d'officiel et l'autre parle propos dans ce document où il dit: "Je déposais à d'une quelconque formule d'harmonisation. l'Assemblée nationale, en même temps que le Je voudrais savoir du ministre d'Etat à l'Amé- projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme, nagement du territoire s'il est d'accord avec ces une déclaration adoptée par le Conseil des minis- propos. Comment concilier les propos de son tres pour fins de consultation. J'ai donc résolu de chef, le premier ministre, et ceux de son collègue préparer une proposition plus détaillée de cette à l'Agriculture avec les propos qu'il a lui-même déclaration d'harmonisation et d'en faire la dif- tenus concernant ce document? fusion. Ce document reprend cette proposition de manière plus précise en la faisant précéder d'un Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aména- bref résumé." C'est signé du ministre d'Etat à gement du territoire. l'Aménagement du territoire, Jacques Léonard. 4418

J'aimerais savoir comment le ministre peut M. Goulet: Suite à la réponse nationale du mi- concilier les propos qu'il a lui-même signés dans nistre, je ne suis pas d'accord avec le ministre ce document et ceux de ses deux collègues. lorsqu'il dit que c'est seulement une proposition et lorsqu'il dit: "C'est une déclaration adoptée par le Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aména- Conseil des ministres que je veux expliciter davan- tage", et c'est lui-même qui a signé ces propos. gement du territoire. M. le Président, je voudrais savoir très briève- ment qui a raison dans cette équipe; parmi ces M. Giasson: C'est de la bouillie pour les trois personnages que j'ai nommés, qui dit vrai? chats! lequel des trois doit-on écouter? lequel est priori- taire et pourquoi varier les réponses et les propos selon les auditoires devant lesquels on se trouve, Une Voix: C'est bien vrai. selon que ce sont des gens des municipalités ou encore des gens du monde agricole? Pourquoi M. Léonard: Est-ce que le poulailler a fini? deux ministres soutiennent-ils une thèse contraire aux propos qu'a signés le ministre parrain du pro- Des Voix: Oh! jet de loi sur l'aménagement du territoire? Pour- quoi des propos différents selon l'auditoire devant lequel on se trouve? Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aména- gement du territoire. Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aména- gement. M. Bérubé: Ecoutez donc les réponses!

M. Léonard: M. le Président, je vais simple- Une Voix: Envoyez-leur une poche de grain! ment rappeler une chose: il s'agit là d'une propo- sition qui est soumise à la consultation, qui est M. Léonard: Cela demeure toujours une pro- discutable. Je pense qu'on donne des explica- position sur la table et le document qui a été dé- tions; on a toujours donné les mêmes, en tout cas. posé est une explicitation de cette proposition M. le député peut dire ce qu'il veut, il reste que qui est toujours en consultation, M. le Président. c'est une proposition qui est soumise à la consul- Je vais simplement rappeler quand même des tation. Il n'y a rien de contradictoire dans tout ce choses: la loi 125 a été sanctionnée le 21 novem- qui a été dit là-dedans. bre dernier seulement. Il n'y a aucune municipalité régionale de comté qui fonctionne à ce jour; M. Grenier: M. le Président... aucune n'a de lettres patentes. Donc, ce n'est pas une urgence. Par ailleurs, j'ai toujours dit, et je l'ai Le Président: M. le député de Mégantic- dit même au cours du débat sur la loi 90, que la Compton. protection des terres agricoles était une urgence nationale pour les Québécois et qu'il était impor- Négociations avec les enseignants tant qu'on les protège par la loi 90. Tout le monde est d'accord là-dessus, il n'y a aucun doute, et moi M. Grenier:... ma question s'adresse au minis- aussi, je suis d'accord. Ne vous faites pas de tre de l'Education. J'aimerais attirer l'attention du fausse joie là-dessus, l'Opposition; je suis d'ac- ministre sur ce que nous avons ce matin dans les cord là-dessus. journaux, à savoir que le gouvernement aurait La proposition qui est sur la table vise à don- voulu qu'à partir du 21 décembre les Québécois ner des responsabilités aux municipalités régiona- parlent de la question qui sera déposée, mais il les de comté, sous la protection de la Commission semble qu'on parlera d'un autre sujet qui est fort de protection du territoire agricole en ce qui con- important, soit la grève qui se prépare à la CEQ. cerne la protection du territoire agricole. On ne Dans un court résumé, ce matin, on dit: Les négo- peut pas penser qu'un jour ou l'autre on va arrêter ciations sont suspendues aux tables d'enseignants de protéger le territoire agricole; c'est une néces- des CEGEP, la partie patronale ayant fait sa- sité. Je pense qu'au fur et à mesure que les muni- voir qu'elle n'a plus rien à offrir, ni rien à dire. cipalités régionales de comté s'implanteront on De leur côté, les enseignants s'apprêtent à deman- verra à ce moment-là, on pourra expliciter davan- der à leurs membres des mandats d'action qui tage cette proposition d'harmonisation, mais il est pourraient être de déclencher la grève vers la fin sûr qu'elle ne peut pas s'appliquer dès maintenant de janvier. puisque aucune municipalité régionale de comté, n'a de lettres patentes. On voit ici une pleine page de publicité qui est faite et qui dit: Un non massif du 29 novembre est resté sans écho; donnons-nous les moyens de la M. Goulet: Question additionnelle, M. le Prési- lutte. Nous avons voté contre les offres, votons dent. maintenant pour la grève. J'aimerais savoir du ministre de l'Education si Le Président: M. le député de Bellechasse. ce qui nous est rapporté se rapproche de la vérité 4419 et, si oui, quelle est son action en vue de prévenir la CEQ de pouvoir partager l'étude de cette loi avec cette grève éventuelle qui nous attend pour la mi- nous. janvier. Le Président: M. le ministre de l'Education. Le Président: M. le ministre de l'Education. M. Morin (Sauvé): M. le Président, le projet de M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne sais si loi no 71 n'est pas — pour employer l'expression la question du député de Mégantic-Compton porte du député — un "melting pot". C'est un ensemble sur les collèges ou les niveaux de l'école primaire et de dispositions qui organisent dans chaque école secondaire. Commençons, s'il le veut bien, par les un conseil d'orientation facultatif qui définit plus collèges. Effectivement, nous nous étions mis précisément qu'auparavant les compétences et les d'accord avec les représentants de la Fédération responsabilités des commissions scolaires, qui nationale des enseignants du Québec aux tables de définit également les objets de consultation obli- négociation. Par la suite, il y a eu consultation des gatoire auprès des comités de parents ou d'école différents syndicats membres de la FNEQ et le vote a de la part des commissions scolaires. Il y a donc là donné, en faveur de nos offres, et des ententes un ensemble cohérent de dispositions qui décou- auxquelles nous en étions venus aux tables, une lent du livre vert et de la consultation qui a fait majorité de trois collèges. suite à la publication de ce document. (11 h 20) M. le Président, la CEQ a été invitée par lettre, Le résultat, si ma mémoire est bonne, a été 21 au mois d'avril, à participer au comité au sein du- à 18. Toutefois, en additionnant le nombre de quel se sont retrouvés tous les agents de l'éduca- votes dans l'ensemble des collèges, on s'est rendu tion qui ont participé à la rédaction du projet de compte que sur environ 4000 votants, il y avait une loi. La CEQ a refusé quatre mois plus tard — il a majorité de 148 membres des syndicats qui se pro- fallu quatre mois pour que nous obtenions sa nonçaient contre les offres. Les règles syndicales réponse par écrit — a refusé absolument de déterminées par ce groupement de syndicats qui participer au comité. Elle nous disait dans sa lettre forment la FNEQ prévoient que la majorité doit que la CEQ n'acceptait pas la notion de projet être acquise dans les institutions et chez les ensei- éducatif de l'école, ni non plus le conseil d'orien- gnants, de sorte qu'à l'heure actuelle, on se trouve tation où l'on retrouverait des enseignants, des dans une impasse. Une majorité de collèges parents et les administrateurs de l'école. L'attitude accepte mais une légère majorité d'enseignants de la CEQ porte sur le fond du projet. Malheureu- refuse. Dans les circonstances, M. le Président, sement, comme ils ont refusé de participer à la nous estimons, du côté gouvernemental, avoir mis rédaction, je ne puis être injuste envers tous les sur la table tout ce que nos mandats nous permet- organismes qui, eux, ont accepté, pendant des taient d'y déposer. Toutefois, j'ai indiqué à la mois, de participer, semaine après semaine, à FNEQ que nous étions prêts à rencontrer ses l'élaboration de ces articles. Je ne puis me mon- négociateurs pour voir s'il est possible — ils nous trer injuste et donner la préférence à un organis- l'avaient demandé d'ailleurs — de concrétiser me qui a été invité à participer et qui a refusé car- dans les textes certaines des offres qui avaient été rément notre invitation. faites et acceptées. Les "écritures" — comme on le dit en termes de négociations — ne sont pas Le Président: M. le chef de l'Opposition. tout à fait complétées et nous avons déclaré que nous étions prêts à rencontrer la FNEQ pour ce Jugement de la Cour suprême sur le chapitre III faire. de la Loi sur la langue française Le Président: Merci. M. Ryan: M. le Président, ainsi que vous le savez, une cause très importante était à l'étude à la M. Grenier: M. le Président... Cour suprême du Canada. Cette cause portait sur la validité constitutionnelle du chapitre III de la loi 101 Le Président: Une dernière question, M. le sur la langue française, faisant de la langue député de Mégantic-Compton. française la seule langue officielle des tribunaux et de l'Assemblée nationale du Québec. M. Grenier:... je sais que nous étudions présen- Cette loi avait été contestée en même temps tement en commission parlementaire le projet de loi qu'une contestation était instituée contre une 71. J'ai eu l'occasion de rapporter au ministre les célèbre loi manitobaine, remontant à la fin du difficultés qui étaient causées à la CEQ relativement siècle dernier, supprimant les droits et privilèges aux articles 48 qui portent les numéros 480 et 484. Ils de la langue française dans les institutions publi- font — semble-t-il — partie des négociations et il ques du Manitoba. Or, la Cour suprême a rendu semble que M. Gaulin, qui nous a contactés, trouve son jugement ce matin, à l'unanimité des neuf que cette loi, d'abord, est un "melting pot". Le juges qui ont composé le banc d'audition, en ministre a admis que parmi les groupes qui ont été l'occurrence, elle a décidé que le chapitre contesté impliqués dans l'étude de cette loi, seule la CEQ n'a de la loi 101 était inconstitutionnel, de même, pas participé à la préparation de la loi que nous d'ailleurs, que la loi du Manitoba, qui avait été avons devant nous. J'aimerais savoir si le ministre contestée par un M. George Forest de Saint- serait prêt à retirer cet article 48 afin de permettre à Boniface. Devant cette décision de la Cour suprê- 4420 me — au passage, je souligne que le juge en chef semaine, d'après les conseillers juridiques — non de la Cour supérieure du Québec s'était prononcé pas ceux qui ont conseillé le ministre d'Etat au dans le même sens. Son jugement avait été ratifié Développement culturel — je parle d'autres juris- à l'unanimité par un banc de sept juges de la Cour tes sur lesquels on peut réellement se fonder. Est- d'appel du Québec, et maintenant, c'est la voix de ce qu'on peut être sûr, le gouvernement est-il sûr, neuf juges de la Cour suprême qui vient s'ajouter le premier ministre est-il sûr que l'on peut prendre à ce dossier — je voudrais demander au premier des mesures présentement qui évitent, justement, ministre d'abord, s'il entend au cours de la cette situation qui pourrait être absolument anar- présente journée donner à la Chambre une oc- chique? casion d'en discuter et deuxièmement, quelles mesures a prévues ou entend prendre au cours Le Président: M. le premier ministre. des jours ou des semaines à venir — je n'en sais (11 h 30) rien — son gouvernement, pour donner suite au M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très jugement rendu par le plus haut tribunal du pays. brièvement, je ferais remarquer au député de Bonaventure que les juristes et les autres conseil- Le Président: M. le premier ministre. lers qui ont accompagné la démarche du ministre d'Etat au Développement culturel se fondaient sur M. Lévesque (Taillon): Très brièvement, M. le l'évolution de la réalité. Je pense que, comme Président, nous venons d'apprendre — comme il avocat, le député de Bonaventure sait très bien était prévu, d'ailleurs, qu'on l'apprendrait aujour- que la loi et en particulier les vieilles lois consti- d'hui — par télex, la teneur du jugement de la Cour tutionnelles souvent désuètes sont bien en retard suprême. Le leader parlementaire du gouvernement sur la réalité. On aura l'occasion d'en parler dans pourra, dans les heures qui viennent — parce qu'il les heures ou les jours qui viennent, sûrement faut tout de même avoir le temps de faire exam iner ce avant la fin de semaine. Je remercie d'avance jugement par les juristes — sûrement, aussi tôt l'Opposition officielle de cette coopération et de que possible, pourra donner à l'Opposition toute cette collaboration que nous offre, à l'avance, son la procédure qui sera probablement nécessaire au leader parlementaire. point de vue législatif et dans les plus brefs délais, pour donner suite à ce jugement qui, comme l'a M. Levesque (Bonaventure): Avec les réser- souligné le chef de l'Opposition, prétend redresser ves qui s'imposent nécessairement. une situation après 80 ans au Manitoba, alors que les forces assimilatrices ont eu tout le temps de M. Lévesque (Taillon): Je n'avais pas entendu faire l'érosion de la population francophone dans de réserves quand le député de Bonaventure en l'ouest, mais après deux ans, d'une façon extrême- parlait. ment pressée, veut nous imposer et nous impose le même genre de redressement dans un contexte M. Levesque (Bonaventure): Selon les cir- où je ne vois nulle menace, nulle part, pour la constances du moment. minorité anglophone du Québec.

Le Président: Fin de la période des questions. Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Levesque (Bonaventure): ...permet. Le M. Lévesque (Taillon): De toute façon, la premier ministre vient de confirmer à cette Cham- réponse en ce qui concerne l'état de préparation bre qu'il va prendre des mesures qui nous seront vis-à-vis de ce jugement appréhendé — pour annoncées par le leader parlementaire du gouver- employer un adjectif qu'on a déjà entendu — nous nement, relativement aux correctifs nécessaires. paraît assez complet sauf qu'il faut tout de même Est-ce que le premier ministre peut informer cette — je pense que c'est le moindre bon sens— lire le Chambre s'il avait — parce que, comme il s'atten- jugement, qu'il soit lu par le jurisconsulte et son dait à un jugement aujourd'hui — pris ou si son équipe avant qu'on puisse arriver devant l'Assem- gouvernement avait pris des mesures nécessaires blée nationale avec quelque chose qui attache pour préparer des projets de législation et un tous les fils, s'il y a des fils à attacher. certain cheminement ou certaines options? Peut-il nous faire part de ses préparatifs quant au projet Le Président: Motions non annoncées. de loi qu'il a envisagé, au cas où la décision serait celle que l'on vient d'apprendre? Autrement dit, M. Godin: M. le Président, question addition- est-ce que le premier ministre est satisfait, de par nelle. ses conseillers juridiques et particulièrement du jurisconsulte du gouvernement, est-il bien satisfait Le Président: M. le député de Mercier, je que l'on peut, dans les heures qui viennent, éviter regrette, mais la période de questions est expirée. un trou juridique important, parce qu'il s'agit de Est-ce qu'il y a consentement? quoi? De 150, 200 ou 250 lois déjà passées par cette Assemblée nationale. Est-ce qu'il est sûr que Des Voix: Oui. nous pouvons, avec toute la collaboration de part et d'autre, être assurés à ce moment-ci que l'on Le Président: II y a consentement, M. le peut, d'ici quelques heures ou d'ici la fin de député de Mercier. 4421

Des Voix: Non. Non. rappeler, parce que vous savez tellement bien interpréter le règlement, que vous connaissez Le Président: II n'y a pas consentement. d'ailleurs très bien — alors qu'il y a un complé- ment d'information apporté par un ministre, de Grève à Hydro-Québec (suite) permettre normalement une question additionnel- le, surtout lorsque la réponse s'adresse, dans ce M. Garon: M. le Président, j'aimerais donner cas-ci, au député de Beauce-Sud. Lorsqu'il a un complément de réponse, puisque j'ai fait soulevé la question de privilège, il a invoqué tout appeler les cinq cultivateurs mentionnés tout à simplement ce droit. Je ne demande pas le l'heure, pour vous dire ceci. L'électricité est réta- consentement de la Chambre, parce que ce n'est blie à Saint-Ephrem. On m'a dit que cela fait déjà pas nécessaire. Je pense que la jurisprudence est un bout de temps, une demi-heure. J'aimerais tellement bien établie dans ce cas-ci que je pense dire aussi que les trois cultivateurs en question, M. qu'on devrait permettre au député de Beauce-Sud René Plante, de Saint-Ephrem, qui élève 2000 de poser une petite, une très petite question porcs, M. François Hamel, entre 1500 et 1600, et additionnelle. M. Marcel Bolduc 2000, ont tous trois des dynamos pour prendre la place de l'électricité quand il M. Charron: Sur la question de règlement. manque de courant. Je peux vous dire que, d'une façon habituelle, les cultivateurs qui ont des Le Président: M. le leader parlementaire du élevages de 2000 porcs, cela veut dire qu'ils ont gouvernement. un inventaire au-dessus de $100 000, prennent cette précaution. Dans le cas des deux autres, ils M. Charron: M. le Président, je pense que n'ont pas encore été rejoints par téléphone. vous venez de prendre une décision que doit accepter le député de Beauce-Sud et, même si le M. Mathieu: M. le Président, vous me permet- député de Bonaventure se transforme en dynamo tez un complément de question. pour dépanner son collègue de Beauce-Sud, je crois que votre décision doit prévaloir. Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends, mais je pense qu'aujourd'hui, cela Le Président: Je voudrais tout simplement serait inéquitable, M. le député de Beauce-Sud. signaler qu'il est vrai que normalement — c'est Vous pourrez revenir demain, je vous reconnaîtrai arrivé même très souvent — je permets une ques- demain. tion additionnelle quand un complément de ré- Aux motions non annoncées. ponse est apporté. Cela est tout à fait exact. De même, il est arrivé très souvent que je puisse per- M. Mathieu: Question de privilège, M. le mettre à un député d'ajouter une question addi- Président. tionnelle, comme cela a été le cas pour le député de Mercier tout à l'heure. Malheureusement, la Le Président: M. le député de Beauce-Sud. période des questions s'est terminée à 11 h 28 et nous serons bientôt à 11 h 38. Je pense que de- M. Mathieu: Je me sens vraiment lésé dans main je vous reconnaîtrai M. le député de Beauce- mes droits puisque le ministre est intervenu en Sud. réplique à ce que j'avais dit. Il me semble que... M. le député de Johnson. Le Président: M. le député de Beauce-Sud, M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais êtes-vous en train de nous dire que vous êtes lésé pas que le député de Beauce-Sud soit lésé en dans vos droits quand vous posez une question et étant accusé d'avoir faussé la vérité parce qu'il y a qu'on lui apporte une réponse? trois quarts d'heure que la question a été posée et il y a seulement une demi-heure que l'électricité M. Mathieu: C'est que le... est rendue. Le député de Beauce-Sud avait raison. Il n'a pas trompé la Chambre. M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement. Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Question de règlement, M. le Motions non annoncées. Président. A l'ordre, s'il vous plaît! Nous en sommes à Le Président: M. le leader parlementaire de l'enregistrement des noms sur les votes en sus- l'Opposition. pens et il y a justement un vote en suspens. Cela va faire du bien à tout le monde. Qu'on appelle les M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le députés. Président. Il a été de jurisprudence constante ici dans cette Chambre — je n'ai pas à vous le Suspension à 11 h 37 4422

Reprise à 11 h 45 aimeraient être entendus en commission parle- mentaire. Est-ce que le ministre a l'intention de Mise aux voix de la deuxième lecture donner suite à ces demandes? du projet de loi no 17 Le Président: M. le leader parlementaire du Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! gouvernement. Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion présentée par le ministre Renvoi à la commission du travail d'Etat au Développement social, proposant que le et de la main-d'oeuvre projet de loi no 17, réimprimé, Loi sur la santé et la sécurité du travail, soit maintenant lu pour la M. Charron: M. le Président, si vous me le deuxième fois. permettez, je voudrais d'abord proposer de défé- Que ceux et celles qui sont pour cette motion rer le projet de loi no 17 à la commission du travail veuillent bien se lever, s'il vous plaît! et de la main-d'oeuvre, et je fournirai ma réponse au député par la suite. Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), (11 h 50) Charron, Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Mo- Le Président: Est-ce que cette motion sera rin (Sauvé), Parizeau, Marois, Landry, Léonard, adoptée? Couture, Vaugeois, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Gendron, Joron, de Des Voix: Adopté. Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Pa- Le Président: Adopté. quette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Guay, Laplante, Avis à la Chambre Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuil- le, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette, Perron, M. Charron: C'est donc au moment où se Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mer- réunira cette commission, comme la Chambre cier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Borde- vient d'en décider, et où elle abordera l'article 274 leau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Té- du projet de loi, que le député pourra, à ce miscouata), Lacoste, Bellemare. moment-là, s'il choisit de le faire, se faire l'inter- prète de ceux qu'il vient de nommer ou alors de Le Président: Que ceux et celles qui sont poser des questions au ministre quant à l'applica- contre cette motion veuillent bien se lever, s'il tion de l'article 274. vous plaît! M. Fontaine: Vous ne voulez pas qu'on les Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque entende! (Bonaventure), Caron, Vaillancourt (Orford), For- get, Lavoie, Mailloux, Blank, O'Gallagher, Picotte, Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le Ciaccia, Raynauld, Lamontagne, Giasson, Rivest, leader parlementaire du gouvernement. Mme Chaput-Rolland, MM. Lalande, Mathieu, Du- bois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, M. Charron: Je voudrais d'abord rappeler le Springate, Biron, Brochu, Grenier, Goulet, Fontai- menu de la journée qui peut peut-être être modi- ne, Russell, Cordeau, Le Moignan. fié. Comme l'a dit le premier ministre tout à l'heure, dès que le Conseil des ministres, cet Le Président: Que ceux et celles qui désirent après-midi, après avoir pris connaissance en détail s'abstenir, veuillent bien se lever, s'il vous plaît! du jugement de la Cour suprême, aura pris une décision, je remplirai l'engagement qu'a pris au Le Secrétaire adjoint: M. Tremblay. nom du gouvernement le premier ministre et je communiquerai les détails de cette décision aux Le Secrétaire: Pour: 63 — Contre: 33 — Abs- partis d'Opposition. Pour le moment, M. le Prési- tions: 1 dent, comme dirait la Cour suprême: The show must go on!" On va continuer avec le calendrier Le Président: La motion est adoptée. régulier des travaux de cette Assemblée. J'indique donc pour aujourd'hui et dans l'or- M. Fontaine: M. le Président. dre la deuxième lecture du projet de loi no 69, deuxième lecture du projet de loi no 72, du projet Le Président: M. le député de Nicolet-Yamas- de loi no 78, du projet de loi no 48 et du projet de ka. loi no 52. Dans l'ordre, les projets de loi appelés aujourd'hui seront les projets de loi nos 69, 72, 78, M. Fontaine: Merci, M. le Président. En vertu 48 et 52. de l'article 34, j'aimerais demander au leader du Je voudrais proposer, M. le Président, que la gouvernement s'il a, comme moi, reçu ce matin un commission du travail et de la main-d'oeuvre, qui télégramme du Barreau du Québec et un autre du vient d'être saisie du projet de loi no 17, à la salle Conseil interprofessionnel qui demandent le re- 81-A, et celle des affaires municipales, au salon trait de l'article 274 du projet de loi no 17 et qui rouge, sur le projet de loi no 57, puissent aux 4423 heures prévues par le règlement de décembre, Loi modifiant la Loi sur les parcs. La parole poursuivre leur travail et l'ordre qu'elles ont reçu appartient à M. le ministre des Loisirs, de laChasse et de la Chambre. de la Pêche. M. le ministre. Le Président: Est-ce que cette motion sera Quelques secondes, M. le ministre, pour per- adoptée? mettre aux députés de partir vers les commissions parlementaires. Des Voix: Adopté. M. le ministre, vous avez maintenant la parole. Le Président: Adopté. M. Lucien Lessard M. Grenier: M. le Président... M. Lessard: Merci, M. le Président. Bien sim- plement et bien brièvement, le projet de loi no 69, Le Président: M. le député de Mégantic- Loi modifiant la Loi sur les parcs, 1977, a pour Compton. objet de prolonger de deux ans le délai prévu pour procéder à la classification des parcs de la Gaspé- M. Grenier: ... est-ce que le leader parlemen- sie, du mont Orford, des Laurentides et du mont taire pourrait informer cette Chambre à quel Tremblant. Il s'agit d'un projet de loi technique qui moment il entend appeler le projet de loi no 71 ? n'apporte donc aucune modification significative à Cette semaine ou la semaine prochaine? Quand y la loi adoptée en 1977 par l'Assemblée nationale. a-t-il un trou? La Loi sur les parcs de 1977 avait, vous vous en rappelez, pour objet de constituer pour la premiè- M. Charron: Je n'en sais rien pour le moment. re un véritable réseau de parcs nationaux au Qué- M. le Président, je regrette. bec. Pourquoi un véritable réseau de parcs natio- Le Président: M. le leader parlementaire du naux au Québec? Pourquoi un véritable réseau de gouvernement. parcs nationaux? Eh bien, M. le Président, à cause M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article de la désuétude et de l'absence de rigueur de l'an- 15 du feuilleton, s'il vous plaît. cienne Loi des parcs provinciaux qui permettait sur les quatre territoires dont il est question à peu Le Président: J'appelle maintenant la deuxiè- près toute espèce d'activités bien souvent incom- me lecture du... patibles avec la notion internationalement recon- M. le leader parlementaire du gouvernement. nue d'un parc. La situation, lorsque nous l'avons prise en main, était qu'aucun des quatre territoires Questions inscrites au feuilleton identifiés alors comme parcs du Québec ne ren- contrait les caractères internationaux de parc. M. Charron: Excusez-moi, je pense que j'au- La Loi sur les parcs de 1977 venait donc cor- rais eu le consentement au dépôt de certaines riger cette situation déplorable en lançant un pro- questions que j'ai oubliées au feuilleton; elles sont cessus qui visait à déterminer des limites d'espa- sur mon pupitre cela va prendre trois secondes. La ces verts de récréation dont on précisait avec question no 5 de M. Vaillancourt, la réponse pro- toute la rigueur possible la ou les vocations, selon venant de certains ministères. Je fais motion pour le cas. L'originalité du processus de classification que cette réponse soit considérée comme un de nos parcs nationaux réside dans le choix que dépôt de document, M. le Président. nous avons fait d'inscrire formellement la partici- pation des citoyens du Québec au choix de l'af- Le Président: Est-ce que cette motion sera fectation de tel ou tel territoire à telle ou telle adoptée? vocation. La participation à la consultation popu- laire a été tellement riche et dense que le gou- M. Charron: Et je dépose le document. vernement du Québec a besoin de temps pour faire honneur à l'ensemble du matériel recueilli. Le Président: Adopté. Naturellement, M. le Président, il faut aussi préciser que, lorsque nous avions annoncé cette M. Charron: La question no 6 de M. Gosselin, participation populaire, nous n'avions pas l'inten- la réponse venant de M. Morin (Sauvé) et M. tion de faire en sorte que ceci soit une partici- Lazure. Je réponds en leur nom, M. le Président. pation de frime, mais une véritable participation. Motion no 32 de M. Springate; je dépose le Nous avions l'intention aussi de prendre en consi- document au nom de M. Morin (Sauvé). dération les mémoires qui ont été présentés par Veuillez appeler l'article 15 du feuilleton, M. le les différents groupes impliqués. Il y va donc de Président. l'intérêt des gens qui ont exprimé des avis et de l'intétêt du Québec dans son ensemble. Les géné- Projet de loi no 69 rations futures auront à porter la justesse de nos décisions en matière de parcs. En plus d'être de Deuxième lecture nature tout à fait novatrice, l'obligation que s'est imposée le gouvernement de consulter la popula- Le Président: Alors, j'appelle donc mainte- tion avant de créer des parcs a généré un mouve- nant la deuxième lecture du projet de loi no 69, ment d'intérêt fort positif et fort éclairant sur la 4424 politique gouvernementale en matière de parcs et qui viennent corriger la Loi sur les parcs du 29 no- sur le réseau de parcs dont désire se doter le vembre 1977. Si ces modifications n'avaient pas Québec. lieu, M. le Président, ou n'étaient pas acceptées Il est important que les décisions qui seront par l'Assemblée nationale, j'aurais été dans l'obli- prises tiennent compte de tous les éléments des gation de classer ces parcs comme parcs de ré- avis reçus à l'occasion des audiences publiques création ou comme parcs de conservation, avant qui ont été tenues. C'est la raison pour laquelle le le 29 novembre 1977, date qui est déjà dépassée, projet de loi modifiant la Loi sur les parcs reporte et en même temps, il m'aurait été impossible de au 30 novembre 1981 la classification des parcs prendre en considération l'ensemble des mémoi- créés en vertu de la Loi des parcs provinciaux, soit res qui m'ont été présentés en ce qui me concerne le parc des Laurentides, le parc du mont Trem- particulièrement, lorsque j'ai fait les audiences sur blant, de la Gaspésie et du mont Orford. Quant au le parc du mont Tremblant, et en ce qui concerne deuxième alinéa de l'article premier et de l'article mon prédécesseur lorsqu'il a fait les audiences sur 2 du projet de loi 69 que je soumets à l'attention les trois autres parcs, dont le parc du mont Orford, de notre Assemblée, ils sont, eux aussi, d'ordre qui lui, est déjà classé. Donc, il n'y a pas de pro- purement technique. Ces deux éléments du projet blème de ce côté-là, mais il reste les parcs de la de loi visent, en effet, à assurer un lien légal de Gaspésie et des Laurentides. passage de l'ancienne Loi sur les parcs provin- M. le Président, je vous remercie de votre col- ciaux à la Loi sur les parcs de 1977, ce qui expli- laboration et j'espère que ce projet de loi sera que l'effet rétroactif au 29 novembre 1977 lorsque adopté à l'Assemblée nationale, afin de pouvoir cette Assemblée approuva le principe et la forme corriger certains problèmes techniques qui ont pu du projet que nous soumettions alors. En effet, M. se soulever, à la suite de la Loi sur les parcs adop- le Président, il n'était pas prévu que la consulta- tée le 29 novembre 1977. Merci, M. le ministre. tion populaire puisse être faite en ce qui concerne les quatre parcs provinciaux que j'ai mentionnés Le Président: Merci. précédemment. M. le député de Charlevoix. De ce fait, je présume donc de l'unanimité de l'Assemblée nationale autour du principe de l'ac- M. Raymond Mailloux cessibilité à la nature qui représente pour l'en- semble de la population une composante essen- M. Mailloux: La loi que vient de présenter le tielle de la qualité de la vie, au même titre que la ministre, M. le Président, vise deux objectifs: pre- santé et l'éducation. La reconnaissance de ce mièrement, en modifiant l'article 13, le gouverne- principe implique l'élimination des obstacles phy- ment prolonge de deux ans le délai lui permettant siques et sociaux compromettant l'accès universel de classifier un parc provincial à titre de parc de à la nature. Elle suppose que soient aménagés des conservation ou de parc de récréation. Il s'agit des espaces et équipements appropriés et en nombre parcs provinciaux des Laurentides, du mont Trem- suffisant pour favoriser un contact simple et spon- blant, de la Gaspésie et du mont Orford. M. le Pré- tané de l'homme avec la nature. Elle suppose sident, l'amendement à l'article 14 autorise le gou- aussi, M. le Président, particulièrement, que les vernement à modifier les limites de ces quatre limites de ces différents parcs ne puissent être parcs. On doit noter également que ces modifica- modifiées constamment selon les désirs soit du tions auront un effet depuis le 29 novembre 1977. ministère des Ressources et de l'Energie, soit Sur le fond du projet, je dis au ministre que d'autres ministères qui pourraient être intéressés à nous n'avons aucune objection. Cependant, on me prendre une partie du territoire de ces parcs. permettra de faire les remarques suivantes et de (12 heures) rappeler au gouvernement la clairvoyance d'un de La mise en valeur de ces espaces récréatifs mes collègues, le député de Portneuf, qui, lors de fournit le calme et la détente recherchés par une l'étude en commission parlementaire, en novem- population de plus en plus concentrée, dans un bre 1977, avait averti le titulaire du ministère du nombre restreint des grandes agglomérations. Ces temps, le député de Saint-Maurice, aujourd'hui mi- territoires vastes et libres procurent à chaque ci- nistre de l'Industrie et du Commerce, que la date toyen le dépaysement saisonnier qu'il recherche à limite du 29 novembre 1979 qu'il se fixait par le l'occasion de ses périodes de vacances. Ils offrent projet de loi 19 qui est aujourd'hui amendé, était des moyens simples de satisfaire des besoins d'ex- forcément beaucoup trop rapprochée pour lui per- pansion et d'animation souvent brimés par les mettre de répondre aux exigences de la loi, soit conditions de la vie urbaine. Surtout, M. le Prési- les avis, les audiences et les prises de décision dent, je pense qu'il va falloir avoir une politique de dont vient de nous parler le ministre et qu'on a eus développement des parcs, particulièrement dans depuis ce temps. Dans ce temps-là, le ministre, le le secteur de la région de Montréal où près de 50% député de Saint-Maurice, n'avait pas daigné tenir de la population se retrouve et où nous avons mal- compte de cet avertissement. C'est pourquoi au- heureusement — si on excepte les parcs Oka et du jourd'hui le gouvernement nous demande un délai mont-Tremblant — peu de territoires de plein air additionnel de deux ans. qui puissent être véritablement accessibles à l'en- M. le Président, faudrait-il rappeler également semble de cette population. au gouvernement ce qu'on pourrait peut-être ap- M. le Président, comme je l'indiquais, il s'agit peler une orgie de dépenses faites par le titulaire essentiellement de deux modifications techniques du temps, lors du lancement du projet de classifi- 4425 cation du parc de la Gaspésie, alors qu'on avait Témiscouata où elle pouvait avoir la possibilité nolisé trois avions, deux hélicoptères, deux auto- d'un approvisionnement et on sait que la forêt de bus réservés, un dîner pour deux au gîte du mont Charlevoix, dans le parc des Laurentides, au sémi- Albert, vin inclus et valide pour trois semaines, qui naire de Québec ou dans les boisés privés est de- n'était rien d'autre que l'annonce de la diminution venu également une forêt qui est davantage épui- de la superficie actuelle de ce parc. sée. La compagnie n'a plus les garanties d'appro- M. le Président, avant de terminer, je voudrais visionnement qui pourraient permettre que les dire au ministre qu'il est vrai qu'il a besoin de dé- 1000 employés, qui ont toujours vécu depuis une lais supplémentaires. Malgré les consultations qui cinquantaine d'années dans cette industrie, con- se sont poursuivies depuis, quand on songe à l'en- servent leur emploi si, ce qui est enlevé à des cou- semble des intervenants de toute nature qui ont eu pes leur permettant de continuer à fonctionner, si accès à ces parcs dans le passé, quand on songe ces coupes étaient davantage restreintes. également que, davantage aujourd'hui avec les (12 h 10) heures qui sont disponibles, le public a le droit de Je voudrais dire au ministre du Loisir que réclamer avec raison que certains espaces verts à l'Opposition officielle accepte le délai qu'il nous proximité des centres les plus populeux lui soient demande afin qu'on réévalue encore avec plus réservés pour des fins récréatives, et que le gou- d'attention l'ensemble des facteurs à considérer, vernement a également le droit de lui conserver la si ce délai supplémentaire permet que moins d'er- faune qu'on rencontre dans ces parcs et de proté- reurs ne se commettent dans les définitions qui ger les espèces. seront données à ces quatre parcs. Je pense qu'il Je voudrais dire un mot du parc des Lauren- est préférable de repousser encore la promul- tides. Je sais que vous, comme président de cette gation de telles modifications pour permettre au Assemblée, il vous tient plus à coeur parce que, gouvernement d'entendre une fois de plus l'en- comme moi, vivant à proximité de ces lieux, nous semble des intervenants qui veulent se manifester. le connaissons davantage. C'est un parc dont on Quand on regarde ce qu'en disent ceux qui sont dit qu'il est celui qui a fourni, dans tout le Québec, journalistes en la matière et qui ont écouté les des variétés de truites mouchetées qui sont l'ex- intervenants dans ce débat depuis une couple cellence dans l'ensemble de ce qu'on peut pêcher d'années, on constate que pour deux et même sur l'ensemble du territoire québécois. Actuelle- trois de ces parcs l'unanimité est loin d'être faite. ment, les intentions gouvernementales qui ont été L'ensemble des intervenants ne se sont pas enco- annoncées étaient de soustraire une partie de re entendus avec le gouvernement pour clarifier cette entité qui avait été vouée à des fins indus- valablement la situation. M. le Président, je ne trielles, soit certaines coupes de bois pour la com- voudrais pas prolonger davantage. Nous appuyons pagnie Donohue, et en réserver une partie pour la la mesure que sollicite le ministre. Je pense qu'elle réalisation d'une tentative qu'a faite le gouverne- permettra que des erreurs soient évitées. ment précédent de réimplanter — si je puis m'ex- primer ainsi — le caribou qui en était disparu de- Le Vice-Président: M. le député de Gaspé. puis une centaine d'années. A cette fin, le gouver- nement voudrait distraire l'ensemble des grands M. Michel Le Moignan jardins où l'on rencontre la nourriture qu'a besoin M. Le Moignan: M. le Président, en regardant cette espèce, soit le lichen qu'on retrouve dans les le projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les grands jardins. Forcément, je pense que le gouver- parcs, je n'ai pas à assurer le ministre que je suis nement a le droit de continuer cette expérience. entièrement d'accord avec lui, mais je voudrais Ce que je voulais dire au ministre, c'est qu'au faire quelques brèves remarques parce que j'ai eu même moment où on demande des délais supplé- l'occasion d'assister à l'étude du projet de loi no mentaires, je constate également que, s'il y a des 19 qui fut déposé au cours de l'automne 1977. A raisons pour que certaines parties de ces parcs ce moment, on avait prévu un délai de deux ans, soient protégées pour des fins de loisirs, chasse, donc, jusqu'au 29 novembre 1979. Je comprends conservation, récréation, il y a quand même aussi très bien les arguments fournis par le ministre tout des raisons économiques qui font que des coupes à l'heure, le temps de réflexion nécessaire que le de bois qui ont servi dans le passé à satisfaire des gouvernement doit s'imposer. Quand nous avons industries qui font vivre des collectivités du mi- voté cette loi no 19, elle concernait les quatre lieu... Dans mon esprit, c'est l'industrie Donohue grands parcs reconnus dans la province de Qué- Brothers qui a déjà perdu, dans les années qui bec. On sait que le premier de ces parcs, c'est viennent de s'écouler, les réserves forestières de celui de la Gaspésie qui fut reconnu par une loi Sainte-Marguerite dans le comté de Dubuc aujour- spéciale en 1937, il y a donc au-delà de 40 ans. Ce d'hui, afin que les gens du milieu puissent organi- parc avait un but de conservation, mais on sait ser le moulin de bois de sciage de Samoco dont qu'au cours des années les gouvernements suc- on a déjà beaucoup entendu parler. Je pense que cessifs ont dévié un peu de la loi qui fut adoptée à c'était normal que les gens du milieu aient voulu ce moment parce qu'à quatre ou cinq reprises conserver leurs boisés. Dans ce temps-là, c'était le certains arrêtés en conseil ont permis l'exploita- titulaire actuel du ministère des Loisirs qui était tion forestière et l'exploitation minière, à tel point député de cette circonscription. On a également qu'en 1977, quand le projet de loi fut adopté, le enlevé à cette compagnie les réserves venant des ministre a annoncé une série de consultations, comtés de la rive sud, les comtés de Kamouraska, d'audiences publiques à travers la province. 4426

C'est le 15 août 1978 que le ministre du temps, au ministre, et je ne serais pas surpris, dans le dans une somptueuse conférence à Sainte-Anne- cas du parc de la Gaspésie, qu'il y ait peut-être des-Monts, rendait publiques les grandes lignes une accélération parce que les audiences publi- de sa politique concernant l'évolution des parcs ques eurent lieu un an avant celles qui concernent provinciaux. Les 20 et 21 octobre 1978, à l'occa- les autres parcs. Le ministre nous dit que ce sera sion de deux journées d'étude à Sainte-Anne-des- au cours de l'été 1980. Je n'ai aucune objection, Monts, de nombreux intervenants avaient à l'occa- bien au contraire. Le ministre dit qu'en même sion présenté des mémoires. Le gouvernement temps, il y a cette société d'exploration québécoi- avait réduit, rétréci un peu les limites du parc, qui se, la SOQUEM, qui est en train de mener à terme étaient de 1290 kilomètres carrés, à 686 kilomè- un rapport qu'elle a peut-être soumis maintenant tres, soit 265 milles carrés environ. ou je ne sais pas encore si ce rapport va être On a parlé de la vocation du parc de la déposé très bientôt. Gaspésie, celle du mont Orford, du mont Trem- "Si les limites du parc, déclarait le ministre M. blant ou des Laurentides. Il y a selon la vocation Lessard, devaient en être sensiblement modifiées, des parcs un aspect tout à fait particulier. Le parc le ministre Lessard a toutefois indiqué que de de la Gaspésie était d'abord un parc de conserva- nouvelles audiences publiques pourraient être tion et on a eu l'excellente initiative d'y ajouter un tenues". Maintenant, je ne sais pas, à ce moment, aspect récréatif et un aspect culturel. On sait si les explorations minières s'étant révélées peut- qu'au moment où le ministre du Tourisme, de la être positives, parce que cela concerne différents Chasse et de la Pêche de l'époque, au mois minéraux, peut-être une richesse, une mine d'or d'août, annonçait sa future politique des parcs, le ou d'argent pour la Gaspésie, alors je crois que jour même le ministre des Terres et Forêts et des cela sera peut-être aussi à considérer. Puisqu'on Richesses naturelles annonçait également une nous dit ici qu'on croit confirmer la présence en prospection minière intensive à l'intérieur même quantité exploitable, soit de cuivre, soit de plomb, du parc de la Gaspésie. de molybdène, de magnésium, de nickel, de Regardons un article publié dans le Soleil, en chromite, d'uranium et d'olivine. Si on trouve une date du 17 août, et dont le titre se lit comme suit: dizaine de mines tout à fait valables, des mines qui "Que Duhaime et Bérubé protègent les Chic- se prêtent à l'exploitation minière, je comprends Chocs". On dit, à ce moment: "A quel jeu jouent très bien que le nouveau ministre est en face d'un les ministres des Richesses naturelles, Yves Béru- dilemme, d'une situation qu'il devra trancher dans bé, et du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, les mois à venir. ? Nourrissent-ils la même volonté J'aimerais que le ministre nous entretienne de politique de créer bientôt un véritable parc de ce propos tout à l'heure. D'ailleurs, les limites du conservation dans les Chic-Chocs, en Gaspésie ou parc de la Gaspésie sont déjà tellement réduites, s'apprêtent-ils à livrer à l'exploitation minière et mais d'un autre côté, si on trouve des mines qui forestière l'ensemble de 600 milles carrés environ, vont employer des centaines ou des milliers de qu'on désignait depuis 1937, comme étant le parc travaillants, à ce moment, on peut se demander s'il de la Gaspésie?" Et on dit un peu plus loin dans le va falloir déplacer un peu à droite ou à gauche les même article de Raymond Gagné: "De son côté et 250 caribous qui, heureusement, ont fini par au même moment, alors que le ministre du Touris- subsister, à traverser les épreuves même des me, de la Chasse et de la Pêche donnait une siècles, puisque c'est une espèce rare qu'on conférence à Sainte-Anne-des-Monts, M. Yves Bé- retrouve exclusivement autour des monts de la rubé annonçait un programme de prospection Table en Gaspésie même. minière intensive, à l'intérieur même des limites du Je demande simplement au ministre, tout en parc tel que proposé". étant d'accord sur le projet de loi, de nous On sait que, quelques mois plus tard, un concilier cette exploration forestière, l'exploitation conflit s'est engagé entre le ministre des Terres minière et la vocation du parc de la Gaspésie. Je et Forêts et le ministre du Tourisme, de la Chasse ne veux pas aborder, ce matin, certaines deman- et de la Pêche, parce que la société REXFOR, sans des qui ont déjà été faites pour certaines réserves autorisation préalable du ministère des Terres et par certains citoyens de Mont-Louis et de Mont- Forêts, avait déjà commencé à effectuer des Saint-Pierre qui aimeraient avoir en dehors des opérations forestières à l'intérieur du parc de la limites du parc une certaine réserve où ils pour- Gaspésie même, à la suite des déclarations et des raient aussi s'organiser des facilités récréatives, mémoires qui furent présentés à Sainte-Anne-des- culturelles, de délassement, tout en aidant aussi à Monts. la conservation dans cet endroit du parc. Je vous Maintenant, en 1979, on nous annonce aujour- remercie, M. le Président. d'hui, et le ministre demande un délai de deux (12 h 20) ans. Je voudrais que le ministre, tout à l'heure, Le Vice-Président: Merci. dans sa réplique, concilie une déclaration qu'il M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la faisait dernièrement, d'après une nouvelle éma- Pêche. nant du bureau du Soleil à Matane. Il semblait faire une exception pour le parc de la Gaspésie M. Lucien Lessard puisqu'on donne comme titre: "Les limites seront connues au cours de l'été prochain". Je vais M. Lessard: M. le Président, quelques mots en simplement rappeler quelques traits de cet article réponse aux questions qui ont été posées par les 4427 représentants de l'Opposition. Disons d'abord que res et Forêts et, d'autre part, le ministre actuel des si j'ai demandé un délai de deux ans, ceci ne veut Loisirs, de la Chasse et de la Pêche de telle façon pas dire pour autant que j'attendrai deux ans qu'on puisse maintenir l'exploitation de cinq ou six avant de décider de la classification d'un parc ou petites compagnies quitte à prévoir, cependant, de l'autre. Dans le cas, par exemple, du parc du que d'ici une dizaine d'années nous puissions ali- mont Tremblant, je faisais des audiences les 23 et menter ces petites scieries locales à même d'au- 24 novembre derniers et je recevais, à ce moment- tres réserves forestières où il pourrait se faire là, les mémoires de 53 groupes qui avaient travail- actuellement de la sylviculture, d'ici une période de lé, qui avaient préparé des mémoires et qui nous de dix ans, pour être capable définitivement d'en les ont soumis. Vous comprendrez que dans les arriver à déterminer exclusivement un parc com- circonstances, puisque l'ex-loi m'obligeait à clas- me parc de récréation ou de conservation. sifier le parc comme parc de récréation ou parc de Il va falloir, un jour ou l'autre, se dire que la conservation le 29 novembre, il m'était impossible richesse d'un certain nombre de territoires québé- de tenir compte véritablement des mémoires qui cois doit être conservée pour les générations m'avaient été présentés si je me soumettais à la loi futures. Il va falloir qu'on se dise, comme dans antérieure, à savoir l'obligation de classifier le 29 certains Etats américains, comme en ce qui con- novembre. Je n'avais donc qu'une période de cinq cerne, par exemple, les parcs nationaux, qu'une jours pour classifier le parc et tenir compte de fois que ces parcs seront classifiés comme parcs l'ensemble des mémoires qui m'avaient été pré- de récréation ou parcs de conservation, ils puis- sentés. sent conserver leurs limites de façon définitive à C'est donc une des raisons qui font que je moins, comme le disait tout à l'heure le député de demande un délai de deux ans. Ceci ne veut pas Gaspé, qu'il puisse être indiqué qu'une mine dire pour autant que je prendrai nécessairement pourrait être exploitée et, dans les circonstances, deux ans pour classer chacun des quatre parcs nous devrons revenir en consultation auprès de la dont on parle actuellement. Dans le cas du parc de population si ces limites devaient être modifiées. la Gaspésie, par exemple, les audiences ont eu Cependant, ce sera en cas de situations lieu depuis déjà un certain temps; nous avons déjà extrêmes, parce qu'il va falloir, comme Québécois commencé à analyser les mémoires qui nous ont — et nous sommes déjà en retard à ce sujet — été présentés et je devrais recevoir, d'ici quelques qu'on se dise, et surtout avec l'immense territoire semaines, d'ici le printemps, l'analyse de ces que nous avons, que nous devons assurer aux mémoires et un certain nombre de recommanda- générations futures comme aux générations exis- tions. Donc, il est possible que — je l'ai bien indi- tantes un certain nombre de territoires de plein air qué — au cours de l'été prochain je puisse qui soient accessibles en vue, justement, de prendre une décision en ce qui concerne le parc répondre à ces besoins de plus en plus évidents et de la Gaspésie. Je n'ai pas voulu fixer de date qui sont de plus en plus importants et exigés, précise parce qu'on sait qu'il peut y avoir des pé- c'est-à-dire l'accessibilité au plein air, pouvoir pins avant une telle classification. Cependant, délaisser le béton de temps en temps pour aller j'espère que nous pourrons prendre une décision dans ces territoires de plein air qui sont caractéris- finale d'ici l'été prochain. tiques du milieu québécois. Il faut aussi souligner que, dans le cas de la classification des parcs, il y a une conciliation Donc, on aura toujours cette conciliation; nécessaire entre, d'une part, les besoins ou les d'une part, le facteur économique et, d'autre part, facteurs économiques et, d'autre part, les facteurs le facteur social. Mais il va falloir que, tôt ou tard, sociaux. Lorsque j'ai assisté, par exemple, aux on fasse un choix sur un certain nombre de audiences du mont Tremblant les 23 et 24 novem- territoires québécois et que ce choix soit presque bre, j'avais un groupe de Montréalais qui font des définitif. C'est dans ce sens qu'est arrivée la Loi études dans différentes universités et qui, eux, exi- des parcs, comme l'expliquait le député de Gaspé, geaient le maintien du parc existant du mont et comme l'expliquait le député de Charlevoix. Les Tremblant. Puisque ce parc était classifié comme parcs que nous avions auparavant, qu'on appelait parc de récréation, il aurait fallu définitivement parcs provinciaux, n'étaient pas véritablement des abolir, selon les exigences qui m'étaient faites, parcs dans le sens des caractères internationaux toute exploitation forestière ou toute exploitation reconnaissant les parcs. La reconnaissance des minière à l'intérieur du parc. Ceci se trouvait à parcs devient une reconnaissance officielle et toucher six petites entreprises qui étaient des scie- définitive alors que, dans le passé, par arrêté en ries locales et qui engageaient environ 300 per- conseil, on pouvait permettre la coupe de bois. sonnes du milieu. Par exemple, on n'a qu'à se promener sur la route de Chicoutimi pour constater que le long du grand C'est certain que la disparition de 300 emplois lac Jacques-Cartier, par exemple, a été littérale- à Montréal fait beaucoup moins mal que la dispa- ment, je dirais, plumé par des compagnies fores- rition de 15 ou 20 emplois dans de petites muni- tières sans même tenir compte de la loi des trois cipalités de 1500 ou 2000 habitants. Je pense que chaînes. ces petites scieries locales avaient d'abord besoin de continuer d'exister et, en même temps, les gens On ne peut pas accepter, comme gouverne- qui y travaillaient avaient le droit de continuer ment, qu'on puisse à un moment donné, littérale- aussi de gagner leur pain, de travailler, de gagner ment exploiter, dans des secteurs qui sont recon- leur vie. C'est dans ce sens qu'il s'est établi une nus comme parcs, la forêt sans tenir compte des conciliation entre, d'une part, le ministère des Ter- conséquences négatives que peut créer l'érosion 4428 le long d'un parc, en coupant, en faisant des ler la commission plénière, nous n'avons pas de coupes à blanc le long des berges de lacs ou le questions, semble-t-il, à poser. J'en ai discuté avec long des rivières. C'est dans ce sens que nous mon collègue de Gaspé. Alors, nous pourrions voulons en arriver à une politique des parcs qui accepter immédiatement. corresponde aux aspects, aux critères internatio- naux, d'abord en ce qui concerne les quatre parcs M. Charron: Volontiers. J'accepte cette offre, provinciaux existants et, d'autre part — aussi, M. le Président. parce que nous sommes en retard — il va falloir développer, comme je l'indiquais tout à l'heure, Une Voix: Les écritures. d'autres parcs québécois particulièrement autour de la région de Montréal, comme je l'indiquais, M. Charron: Ce sont plutôt les écritures, puisque cette population a actuellement très peu comme on dit dans le jargon. accès à des territoires de plein air. Il faut se promener un petit peu, par exemple, faire un peu Le Vice-Président: La motion d'envoi du pro- de camping les fins de semaine, pour constater jet de loi no 69 à la commission plénière sera-t-elle qu'au parc des Voltigeurs, le vendredi soir, il est adoptée? impossible de rentrer; au parc d'Oka, c'est exacte- ment la même chose, de telle façon que les M. Mailloux: Adopté. Montréalais sont obligés de se diriger, par exem- ple, au lac Champlain, au sud des Etats-Unis, pour Commission plénière avoir des territoires accessibles. (12 h 30) Le Vice-Président: Le rapport de ladite com- Donc, la conservation de territoires de parcs, mission sera-t-il adopté? d'abord comme parcs de récréation ou comme parcs de conservation, ne peut pas être considé- M. Mailloux: Adopté. rée comme un élément négatif, mais comme un élément positif pour l'ensemble des citoyens. C'est Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour aussi un élément économique dans le sens que, si la troisième lecture? nous voulons véritablement conserver nos Québé- cois — pensons, par exemple, à des quartiers de M. Mailloux: Consentement. Montréal comme Saint-Henri, Maisonneuve, etc. — à l'intérieur du Québec, il va falloir leur Troisième lecture donner des territoires de plein air qui soient ac- cessibles et en même temps, si nous voulons attirer Le Vice-Président: Consentement. Le projet du tourisme de l'extérieur, il va falloir que ces de loi sera-t-il adopté? territoires soient bien organisés et qu'ils soient aussi accessibles. M. Mailloux: Oui. Adopté. Voilà, M. le Président. Je dois vous souligner que j'ai pas l'intention d'attendre les deux années Le Vice-Président: Adopté. avant de faire la classification des parcs. Je le ferai M. le leader du gouvernement. dans le cas du parc de la Gaspésie probablement avant l'extension du délai qui m'a été fournie M. Charron: Oui, oui. Sur cette lancée, M. le aujourd'hui. Quant au parc du mont Tremblant et Président, puis-je proposer la même chose pour le des autres, nous prendrons en considération tous projet de loi no 72 qui apparaît à l'article 18 du les mémoires et, une fois que nous aurons décidé feuilleton, s'il vous plaît? des limites, nous espérons que l'ensemble des citoyens québécois, y compris les compagnies Projet de loi no 72 forestières, y compris les ministères du gouverne- ment, respecteront ces limites pour les généra- Deuxième lecture tions actuelles et pour les générations futures. Merci. Le Vice-Président: J'appelle donc la deuxiè- me lecture du projet de loi no 72, Loi sur le Le Vice-Président: La motion de deuxième ministère de l'Energie et des Ressources. lecture du projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi M. le ministre. sur les parcs, sera-t-elle adoptée? M. Yves Bérubé Des Voix: Adopté. M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je vois le M. Mailloux: M. le Président... sourire, non pas arrogant, mais au moins nar- quois, très amical, du député qui me fait face, le Le Vice-Président: M. le député de Charle- député de Marguerite-Bourgeoys. Si je dois pré- voix. tendre qu'il s'agit là d'un projet très important, ce n'est pas simplement parce que je suis ministre de M. Mailloux: ... je serais prêt à faire une l'Energie et des Ressources, mais parce que suggestion au leader parlementaire. S'il veut appe- l'énergie et les ressources sont la base de toute 4429 l'économie québécoise, et c'est ce que je vais tage aura monté. Il aura atteint 40% et pour l'an essayer d'expliquer aux Québécois et aux mem- 2000, à peu près la moitié. Cela veut dire que la bres de cette Assemblée en quelques minutes moitié de notre énergie viendra des rivières. Les pour tenter de placer la création du ministère de Québécois ne se rendent pas compte à quel point l'Energie et des Ressources dans son contexte. ils sont chanceux, parce qu'une fois que vous avez Soulignons d'abord que les richesses naturel- construit un barrage et que vous le mettez en les sont peut-être l'atout le plus important que marche, vous avez réalisé la dépense au moment détient le Québec pour assurer son développe- de la construction. Les frais d'exploitation sont ment. Quand on regarde l'énergie, les mines, la négligeables dans le coût final de l'électricité. Or, forêt, cela représente entre 13% et 15% de toute la une fois que vous l'avez payé, il est payé, votre richesse collective des Québécois, à peu près 3% barrage. Votre électricité n'a donc plus aucun coût pour les mines, entre 3% et 5%, cela dépend de la pour vous, ce qui veut dire, en pratique, que le vitesse avec laquelle on introduit le complexe de coût d'un kilowatt d'électricité qu'on produit au la Baie James dans les calculs, entre 3% et 5% Québec, à tous les dix ans, il nous coûte la moitié pour l'électricité, 6% pour le bois. Donc, on est moins cher. C'est capital, parce que cela veut dire entre 13% et 15% du produit national brut. Mais ce que toute cette énergie hydroélectrique va dimi- n'est pas tout. Chaque travailleur qui vend un nuer de prix, alors que toutes les sources éner- produit minier ou forestier à l'étranger, il faut faire gétiques du monde vont monter. Vous imaginez vivre ce travailleur. Cela veut dire qu'il y a un rapidement l'avantage économique que le Québec commerçant qui lui vend sa nourriture. Il y a quel- est en train de se dégager pour l'avenir. qu'un qui va favoriser sa récréation. Il va aller au Donc, quand on additionne les mines, l'éner- théâtre. Il va aller au cinéma. Il va pratiquer des gie, les forêts, on constate que le Québec est sports. Il va acheter des produits. Si on regarde extraordinairement riche et puissant. Je m'arrête, tous ceux qui vont vivre autour de ce travail, c'est M. le Président, pour m'interroger sur les facteurs facilement deux et même trois travailleurs — met- qui font qu'un pays est riche ou qu'un pays est tons deux travailleurs — pour chaque travailleur pauvre. Le principal atout d'un pays, c'est d'abord qui travaille dans l'industrie des ressources. Cela sa population. Vous avez des pays dénués de veut dire qu'entre 25%, et peut-être 33%, de toute toute richesse naturelle, qui n'ont aucun avanta- la richesse des Québécois viennent de ces riches- ge comparatif, qui sont placés... prenons la Suisse ses naturelles,... C'est donc capital. en plein milieu de montagnes avec des moyens de Ce qui se passe dans notre secteur des riches- communication difficiles, avec des géants tout ses naturelles a un impact considérable. De cha- autour et la Suisse est néanmoins un des pays les que dollar que vous prenez, il y a au moins $0,25 plus riches. Ce qui fait la force d'un pays, c'est que vous avez dans ce dollar parce que vous avez d'abord sa population. Là-dessus, le Québec a des richesses naturelles, sinon votre dollar vau- énormément de chances, parce que notre popula- drait $0,75. Alors, immédiatement, on se rend tion est très jeune et dynamique. Quand je regarde compte de l'importance de l'énergie, des mines, notre population, je m'aperçois que 27% se situent des forêts, de nos terres, pour assurer la richesse, entre 15 et 24 ans. Une population jeune, c'est une pour maintenir notre niveau de vie actuel. Il y a population nouvelle, une population qui n'a pas également non pas seulement le fait que c'est d'idées préconçues, une population capable de important pour nous, mais c'est important à faire face aux changements, d'initier les change- l'échelle mondiale. Dans le domaine minier, le ments, de pousser sur le changement, finalement, Québec est le neuvième producteur au monde. d'amener une amélioration à nos conditions de Donc, nous sommes parmi les grands producteurs vie, alors qu'une population vieillie a apporté sa du monde, avec un leadership absolument évident contribution. Evidemment, elle cherche à bénéfi- dans le cas de l'amiante, mais également un très cier de l'effort qu'elle a fourni dans les années gros producteur de fer, de cuivre, de zinc, de passées. Ce n'est pas elle qui amène la société à niobium. On me dit même qu'il y a du granite qui modifier, changer, prendre de l'expansion. C'est quitte le Québec pour l'Italie pour être poli et qui normal, c'est la jeunesse qui nous pousse dans le est racheté au Canada et aux Etats-Unis sous dos. forme de panneaux de décoration pour les édifi- (12 h 40) ces. C'est un très gros producteur minéral. Mais ce n'est pas tout. Non seulement notre Non seulement cela, mais si on regarde les population est jeune, 27% ont entre 15 et 24 ans pâtes et papiers, on sait bien que c'est une in- mais, comparez-la avec celle des Etats-Unis où il y dustrie extrêmement importante pour le Québec. a 16% des jeunes dans cette gamme d'âge; en L'industrie du sciage est également une industrie France, c'est 20%. En d'autres termes, le Québec a capitale au Québec. Le tiers du papier journal en une population plus jeune qu'à peu près tous les Amérique du Nord est produit ici, au Québec. Cela pays industrialisés. C'est cela que nous allons veut dire qu'il y a un journal sur trois en Amérique récolter bientôt. Ces jeunes vont développer notre du Nord qui est publié sur du papier québécois. économie. Ces jeunes vont développer notre so- On pourrait parler aussi de l'hydroélectricité qui ciété. C'est également une population jeune et est une richesse absolument extraordinaire pour éduquée. Je ne sais pas si les Québécois réalisent le Québec. Présentement, nous répondons, à peu qu'au Canada, ce sont les Québécois qui dépen- près à 27% ou 28% de nos besoins en énergie, à sent le plus pour l'éducation de leurs enfants, partir de l'hydroélectricité. D'ici 1990, ce pourcen- $737 par habitant, pour éduquer nos enfants, alors 4430 que la moyenne canadienne est de $611, de Nous avons tout ce qu'il faut. Nous avons trois l'Ontario $635. C'est au Québec qu'on dépense le des dix plus grandes firmes d'ingénieurs-conseils plus pour éduquer nos enfants. au monde. Nous avons la population la plus édu- Par conséquent, non seulement le Québec quée, nous avons la population la plus jeune, la dépense plus que l'ensemble des autres provinces plus dynamique. C'est capital, c'est cela la force du canadiennes, mais en plus, ce qui est capital, c'est Québec. Elle est là. Elle est en nous. Elle n'est pas de constater que le Canada est le pays qui dans les étrangers. Elle n'est pas dans le Canada- dépense le plus au monde pour éduquer ses anglais. Elle est en nous. On a une force extraor- enfants, 7,7% du produit national brut, de plus que dinaire. Il ne faut pas que nous, comme membres tous les autres pays du monde. Ceci veut dire que de l'Assemblée nationale, essayions d'écraser ce si le Canada dépense plus que tous les autres pays désir des Québécois de se prendre en main. Il faut du monde et que le Québec dépense plus que faire l'inverse. Il faut les encourager. Il faut leur toutes les autres provinces canadiennes, c'est montrer le chemin. C'est cela notre but, notre rôle. qu'au Québec on dépense le plus pour l'éducation Finalement, c'est son dynamisme aussi. de nos enfants au monde. Cela est capital. Nous Je sais que les Québécois ont vécu 200 ans avons une population jeune, une population édu- sur leurs terres, dans leurs villages, que les "jobs" quée. Nous avons des atouts extraordinaires. payantes, ce n'était pas pour eux autres. Le der- Comme deuxième avantage, on peut parler de nier recensement, par exemple, en 1970, a montré la localisation. Est-ce que le Québec est bien que les Canadiens français étaient ceux qui situé? M. le Président, si les Français de France se étaient les moins bien payés au Québec. On le sait. sont établis sur les rives du Saint-Laurent, c'est On s'est habitué à jouer le rôle de porteur d'eau. parce que c'est un endroit extraordinaire, parce Les "jobs" payantes, les postes de direction, le que le fleuve nous ouvrait l'Amérique, parce que contrôle de nos compagnies, le contrôle de nos c'était l'ouverture sur les Grands Lacs, c'était banques, le contrôle de nos institutions politiques, l'ouverture sur tout le commerce de la traite des on était habitué à les laisser entre les mains fourrures, c'était, et ce l'est encore aujourd'hui, d'étrangers, et c'est difficile pour nous de modifier par la vallée du Richelieu, l'ouverture sur New notre attitude tranquillement, petit à petit et à un York. C'est probablement le pays, avec la Hollan- moment donné dire: Non, il n'y a pas de raison de, qui a la plus extraordinaire ouverture sur un pour laquelle les autres ne mènent pas leurs continent intérieur, parce que les navires passent affaires, pourquoi est-ce que moi je ne mènerais par le Québec, le réseau routier naturel, même pas les miennes? Je dirais que l'existence du Parti aérien, passe par le Québec. Donc, à nouveau, des québécois aujourd'hui, c'est le symptôme de l'évo- atouts précieux. lution de la pensée québécoise. C'est que de plus Depuis quelques jours, nous voyons dans la en plus de Québécois pensent qu'ils sont capa- presse que l'épargne des Québécois atteint $100 bles, que c'est faisable, qu'ils ne sont pas plus milliards, que la moitié de cette épargne est main- niaiseux que les autres. Il y en a de plus en plus. tenant contrôlée par des Québécois. D'ailleurs, Parfois, quand je regarde le Parti libéral, je me dis: dans un de ces articles, on soulignait qu'en II y en a encore des vieux dans une société et je général, les hommes d'affaires... La raison pour les regarde et je me dis: Des gens qui sont encore laquelle nous contrôlons aujourd'hui notre épar- un peu sclérosés, qui sont restés poignés par les gne n'était même pas soulignée. C'est parce qu'il y complexes antérieurs dont ils n'arrivent pas à se a eu un gouvernement libéral en 1960 qui a décidé défaire. Ils ne comprennent pas que la force du de dire que nous serions maîtres chez nous, que Québec, c'est dans le dynamisme. Eux autres, tout nous devrions nous donner les instruments de ce qu'ils voudraient faire, c'est mettre le couvert et développement économique et la Caisse de dépôt l'écraser. est l'instrument le plus extraordinaire qui a permis Le dernier élément, ce sont les richesses natu- aux Québécois de reprendre le contrôle sur $7 à $8 relles. C'est ce que j'ai souligné tantôt, notre milliards de leur économie. C'est parce que des richesse. On a tout ce qu'il faut. Qu'est-ce qu'on a Québécois ont décidé de cesser d'être de simples essayé de faire comme gouvernement? C'est très travailleurs pour les autres et de reprendre le simple... M. le Président, il me reste combien de contrôle de leur économie et de leur épargne dans temps à peu près? les années soixante qu'on a aujourd'hui le Québec que l'on connaît et non pour d'autres raisons. Le Vice-Président: Vous avez droit à une Les hommes d'affaires n'aiment pas insister heure, M. le ministre. sur l'impact qu'ont eu les politiques gouvernemen- tales à l'époque, mais le Parti québécois aujour- M. Bérubé: Je ne parlerai pas une heure. d'hui est resté dans cette tradition qui consiste à Qu'est-ce que nous avons cherché à faire dire: Ce ne sont pas les autres qui vont faire notre comme gouvernement? D'abord, je dois dire que, développement; il ne faut pas attendre les multi- lorsque nous sommes arrivés, il fallait reconnaître nationales étrangères comme ITT ou d'autres. Il que notre industrie était mal en point. Vous savez faut que ce soit nous-mêmes. Nous avons l'argent. que 70% de l'industrie de la transformation du Quand une multinationale vient s'installer chez cuivre est située au Québec, l'industrie canadien- nous, elle emprunte dans nos banques, notre ne est au Québec. Donc, nous avons une industrie argent. de transformation très poussée, mais nous 4431 n'avons même pas 6% des réserves canadiennes, bres un peu plus vite, mais ce que Bérubé a fait ce qui veut dire qu'on n'a pas la quantité de avec les députés du Parti québécois, le caucus des minerai pour supporter notre activité industrielle. députés de l'Est, c'est qu'on s'est assis et on a On peut donc perdre cette industrie très rapide- essayé de comprendre pourquoi cela ne marchait ment. pas. Quand on a compris pourquoi cela ne mar- Donc, première situation, pas assez d'explo- chait pas, on a demandé: Pourquoi ne faites-vous ration au Québec, pas assez de réserves minières pas cela comme cela? Ils ont dit: II faudrait une au Québec pour notre industrie. Première obser- volonté politique, on va l'avoir la volonté politique. vation. Deuxième observation. Est-ce que je de- Aujourd'hui, vous irez voir les usines en Gaspésie. vrais parler, M. le Président, du dossier de la Vous allez voir, on a doublé l'approvisionnement Wayagamack, de la fermeture de l'usine de la de toutes nos scieries. Cela est le résultat d'une Consolidated Bathurst lorsque nous sommes arri- politique de gens qui sont peut-être technocrates, vés au pouvoir? Est-ce que je devrais parler de mais qui comprennent en maudit comment cela se East Angus, menace de fermeture? Est-ce que je passe. C'est cela qu'il faut dans un gouvernement. devrais parler de l'opinion générajisée qui préva- Alors, quand on essaie de comprendre notre lait à l'époque que l'industrie du Québec ait une attitude face aux richesses naturelles, je peux l'ex- industrie vieillotte, non modernisée, avec des coûts pliquer assez simplement. On s'est posé deux de bois les plus élevés? questions: Qui contrôle nos compagnies? Qui bé- M. le Président, on lisait la semaine dernière néficie de ces compagnies? Si on a la réponse à que l'industrie forestière, grâce aux programmes ces questions, on est capable de décider quoi fai- gouvernementaux, va investir $2 500 000 000 au re. Quand une industrie est contrôlée par des Qué- Québec, cinq fois plus par année qu'elle ne le fai- bécois, à ce moment, on dit: On n'a pas besoin sait dans le passé. L'Association de l'industrie fo- d'essayer de rentrer l'Etat là-dedans, cela marche restière canadienne nous dit: C'est au Québec en bien, on n'a pas besoin de chercher à rentrer l'Etat ce moment qu'il y a le plus d'expansion, le plus de plus avant dans l'industrie du sciage, sauf quand il dynamisme. Ce sont les conséquences des poli- y a des dossiers où l'industrie privée ne veut pas tiques. les prendre. On joue un peu le rôle de frappeurs Dans le domaine de l'énergie, quand est-ce de relève dans le cas du sciage, où il y a une entre- qu'on avait entendu parler d'une politique de prise privée en faillite, qui a de la misère, on ne l'énergie? Quand est-ce qu'un gouvernement nous trouve pas d'entreprise privée pour prendre la re- avait dit: Dans le secteur énergétique, voilà où lève, à ce moment, on y va. Et si on manque notre nous nous en allons, voilà l'équilibre que nous coup, on la repasse à l'entreprise privée, comme allons essayer de faire entre le pétrole, le gaz, cela s'est fait dans le cas de Samoco, on joue le l'électricité, voilà la stratégie de développement jeu de l'entreprise privée, mais sans essayer d'en- que nous allons faire, que nous allons instaurer au lever les autres de là. Cela, c'est quand on a des Québec. C'est à M. Joron qu'on doit cette appro- Québécois qui sont en place, qui sont bons, et ils che, cette réflexion en profondeur sur l'importan- montrent en général qu'ils sont bons. On n'a pas ce des économies d'énergie, sur l'importance de raison. d'avoir une politique énergétique pour le Québec. A ce moment, que fait-on? Il faut les encoura- Je peux vous garantir que d'ici quelques mois, ger. On peut peut-être les inciter à faire des cho- nous aurons des nouvelles absolument extraordi- ses inédites, donc leur donner des subventions. naires à annoncer aux Québécois dans le secteur On peut peut-être leur donner des réductions énergétique. C'est la conséquence d'une politique. d'impôt pour les inciter à faire certaines choses. En fait, les Québécois ont élu un gouverne- On peut peut-être mettre sur pied des programmes ment — certains vont dire trop intellectuel — de qui vont réduire leurs coûts; par exemple, le coût technocrates. Oui, mais c'est compliqué ces pro- du bois pour l'industrie forestière. Si le coût du blèmes; quand vous élisez une bande d'insigni- bois baisse, nos compagnies vont faire plus de fiants, vous vous étonnez après qu'il n'y ait pas de profits. Si nos compagnies font plus de profits, réponse. C'est sûr que certains de ces dossiers elles vont réinvestir au Québec parce que c'est sont techniques. C'est sûr que certains de ces rentable. Il faut donc s'attaquer là où est le problè- dossiers sont difficiles, mais lorsqu'on arrive à les me, aux coûts. C'est pour cela qu'on a enlevé les comprendre, lorsqu'on arrive à les maîtriser, on taxes sur les carburants pour les véhicules dans peut changer des choses. les mines et dans les forêts; c'était pour réduire (12 h 50) les coûts. C'est pour cela que le gouvernement Quand je suis arrivé en Gaspésie, j'avais, à Clark augmente les taxes sur le carburant; c'est Cap-Chat, une scierie qui était en faillite, fermée, pour augmenter les coûts. C'est la différence de j'avais Anse-Pleureuse, j'avais Grande-Vallée où raisonnement entre deux gouvernements. c'était fermé, il y avait des usines à Pointe-à-la- Dans ces conditions, cela finit par avoir un im- Croix, dans le comté de Bonaventure, il y avait une pact et l'industrie se développe. C'est ce qu'on a usine de fermée à New Richmond, il y avait une observé au Québec. Vous lirer la Presse d'hier, en scierie qui a fermé, cela fermait partout. Allez voir page B-2. Pas la première page, M. le Président, la aujourd'hui en Gaspésie, vous allez voir que tou- page B-2. C'est le deuxième feuillet de la Presse, tes les usines ont deux fois plus de bois. Vous pas à la première page, ça serait trop visible, mais allez dire: Bérubé n'a pas fait pousser les arbres à la deuxième page. En onze mois, 104 000 em- plus vite. Non, Bérubé n'a pas fait pousser les ar- plois créés au Québec. Les libéraux, eux, promet- 4432

taient 100 000 emplois; nous autres, on les livre! quand on a des pères qui se laissent assimiler On ne s'est pas fait péter les bretelles; on s'est comme cela, ils ont raison d'avoir honte de parler assis, on a regardé comment fonctionnait l'écono- français. mie et on a essayé de faire ce qu'on pouvait. Ce n'est pas étonnant qu'après avoir été écra- 104 000 emplois en onze mois! En 1976, il y en a sés un à un, ils n'ont plus bien grande fierté d'être eu 14 000. Je n'ai pas vu cela dans la première francophones. Mais nous autres, au Québec, on page des journaux. Je n'ai pas vu les journalistes ne se laissera pas écraser. dire: Performance économique extraordinaire du Alors, quand on a une société comme Noran- gouvernement. Je n'ai pas vu cela. Quand on fait da, qu'est-ce qu'on fait avec? On dit: Vous avez la comparaison avec les autres provinces, on montré que vous étiez prêts à travailler avec des s'aperçoit que c'est un désastre dans les autres Québécois pour développer notre industrie, on provinces. Il n'y a aucune expansion industrielle applique les mêmes mesures. Mais quand on en comme celle qu'on a connue au Québec. frappe une comme l'amiante, qui n'a pas d'autre Le ministre responsable du Développement objectif que de nous siphonner, nous enlever no- économique devait citer des chiffres où la moitié tre minerai et de le sortir le plus vite possible du de l'investissement au Québec s'est faite dans le Québec pour pouvoir le transformer ailleurs, on secteur manufacturier, alors que cela ne dépassait dit: Wo! les moteurs, cela ne se fera plus. Vous jamais 30% au Québec. Il n'y a pas que cela; 90% allez cesser de nous exploiter. Les libéraux sont des emplois sont créés par la petite et la moyenne contre cela parce que les libéraux aiment quand entreprise au Québec. Des petits Québécois com- on se fait exploiter. me nous ont décidé de se prendre en main et de Vous n'avez qu'à regarder qui finance Pro- cesser d'attendre après ces maudites multinatio- Canada, vous allez le voir. On a la liste de ceux qui nales. Quand va-t-on se dire que ce ne sont pas les financent Pro-Canada, M. le Président, je dois cer- étrangers qui vont nous développer, c'est nous au- tainement l'avoir sous les yeux; ce sont toutes des tres? Ce ne sont pas les Canadiens anglais qui multinationales. Normalement, je devrais l'avoir, vont nous développer, c'est nous autres. L'Alberta c'est dommage. Ce sont toutes des multinationa- va développer son Alberta en fonction de ses inté- les anglophones de l'extérieur du Québec. Ce sont rêts. Qui pense que l'Alberta va avoir comme ob- elles qui financent, ce sont elles qui sont bien au jectif de nous faire des cadeaux? On n'a pas com- Québec: J'y suis, j'y reste! Parce qu'elles sont bien me objectif de leur faire des cadeaux et eux, non à nous exploiter. Il faut se le dire, une fois dans plus. Comme ils sont plus gros que nous, ils vont notre vie. toujours nous syphonner à leur intérêt. C'est ce Ceux qui défendent ces multinationales sont qu'il faut se dire, comme Québécois, pas autre de l'autre bord, du côté libéral. Ils ne sont peut- chose et, après, prendre les décisions qui s'im- être pas du côté... On est en train de me donner la posent. liste, M. le Président, des noms: Aluminum Com- Alors, on s'est posé la question: Qui contrôle pany of Canada, $75 000; Northern Telecom, et qui en bénéficie? Dans le cas d'une industrie $75 000; Royal , Canadian Imperial comme celle du cuivre de Noranda, c'est vrai Bank of Commerce, Canadian Pacific, Canadian qu'on ne la contrôle pas. Par contre, ils ne se sont National, the Molson Company, Imperial Oil, Bell pas contentés d'exploiter le minerai et de s'en Canada, Bank of , Gulf Canada, Trans- aller; ils ont fait des concentrateurs, ils ont fait des Canada Pipelines, Steinberg, Bank of Nova "smelters ", ils ont fait des usines d'affinage, la Scotia... Je pourrais vous en donner, ce sont eux Canadian Electrolytic Zinc, la Canadian Copper qui sont bien et qui veulent le rester à nous Refiners. Vous admettrez avec moi qu'ils ne se exploiter. C'est toujours ce qu'on a connu dans le sont pas forcés pour trouver des noms français, passé. mais, enfin, au moins, on avait les "jobs". M. le Président, quand on voit les richesses du Là, avec la loi 101, je ne le sais pas parce que Québec, quand on voit le dynamisme extraordi- la Cour suprême n'aime pas qu'on vive en français naire des Québécois et leur fierté, on se regarde et au Québec, il paraît que c'est inconstitutionnel. on se dit: On n'a pas le droit de les laisser tomber. Parce que, évidemment, au Manitoba, quand on a Il faut regarder un peu l'administration gouverne- changé la loi en 1890, il y a 80 ans, il y avait des mentale et essayer de la rendre encore plus effi- francophones là, on était quasiment la moitié; cace. On s'est bien rendu compte, qu'on parle aujourd'hui, il n'y en a plus parce que, évidem- d'énergie, qu'on parle de mines, qu'on parle de ment, on s'est organisé pour les écraser un à un. forêts, c'est la même affaire. C'est comment bâtir Quand il y avait un francophone, bang! on l'écra- une industrie, une économie à partir d'un avan- sait; il y en avait un autre là, bang! on l'écrasait. tage que nous donne notre pays, notre ressource. C'était ce qu'on faisait. Mais évidemment quand il C'est une mentalité. C'est une façon de penser. Si n'y en a plus, la Cour suprême dit: C'est inconsti- on a un tout petit ministère des Richesses natu- tutionnel, vous n'auriez pas dû faire cela. Là, tous relles comme les libéraux l'ont gardé, il n'est pas les petits Lévesque et les petits Tremblay, mainte- assez gros pour avoir une direction de développe- nant ils parlent comme cela parce qu'ils ne savent ment économique. On n'est pas pour embaucher plus. D'ailleurs, les enfants ne parlent plus fran- trop de fonctionnaires. Cela coûte cher en taxes. çais, le tiers de chaque génération de francopho- nes maintenant, les enfants ne veulent plus parler Le Vice-Président: M. le ministre, excusez- français, ils ont honte de parler français. Ils ont moi. Il est 13 heures. raison d'avoir honte de parler français parce que M. le leader adjoint du gouvernement. 4433

M. Bertrand: M. le Président, le discours du ce matin, un jugement unanime de dernière ins- ministre est tellement nourrissant qu'on peut peut- tance de la Cour suprême... être passer par-dessus notre dîner aujourd'hui avec le consentement unanime de la Chambre? M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président. Le Vice-Président: Sauf qu'on ne peut pas passer par-dessus le règlement, M. le leader Le Président: M. le député de Joliette-Mont- adjoint du gouvernement. En conséquence, les calm. travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi. M. Chevrette: A moins qu'il n'y ait une question de privilège dans la question du député Suspension de la séance à 12 h 59 de Bonaventure, on en est à la deuxième lecture d'un projet de loi bien spécifique. Il y a eu une demande de renseignements ce matin et le leader parlementaire du gouvernement a dit qu'au cours Reprise de la séance à 15 h 6 de la journée il donnerait des renseignements. Donc, il n'y a pas question de le laisser aller dans Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. son paraph rasage, parce qu'on sait où il veut en Veuillez vous asseoir. venir. M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle. Le Président: M. le député de Joliette-Mont- calm, le leader parlementaire de l'Opposition a M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, invoqué le règlement. Je pense que je vais l'enten- tout d'abord, je remarque l'absence massive, pour dre. dire le moins... M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, M. Bertrand: Question de règlement, s'il vous je sollicite l'attention des membres de cette As- plaît, M. le Président. semblée, qui devraient être particulièrement inté- ressés à la situation que nous vivons présente- M. Levesque (Bonaventure): Qu'on me per- ment et qui devraient avoir une attitude respec- mette au moins de dire de quelle absence il s'agit. tueuse, en tenant compte particulièrement, M. le Président, de la collaboration... M. Bertrand: M. le Président... M. Bertrand: M. le Président, question de M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, règlement. est-ce que je peux terminer ma phrase? M. Levesque (Bonaventure): ... qu'on aura à Le Président: M. le leader! demander à l'Opposition. M. Bertrand: Oui, question de règlement, Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le question de privilège. leader parlementaire de l'Opposition officielle, je sollicite votre collaboration pour vous en tenir à la M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que j'ai question de règlement que vous avez invoquée. dit quelque chose, M. le Président, qui... M. le leader adjoint du gouvernement. M. Bertrand: Oui, je voudrais rétablir les faits. M. Bertrand: M. le Président, simplement pour rassurer le leader parlementaire de l'Opposition, je M. Levesque (Bonaventure): J'ai dit: Je note peux lui dire immédiatement qu'il aurait fait grand l'absence massive. plaisir au leader parlementaire du gouvernement d'être présent ici à 15 heures s'il avait été en me- Le Président: M. le leader adjoint du gouver- sure, à ce moment-là, de livrer à l'Opposition les nement, je vous céderai la parole immédiatement fruits du travail du Conseil des ministres qui est en après. réunion depuis 14 heures cet après-midi. S'il n'est M. le leader parlementaire de l'Opposition pas ici à ce moment-ci, c'est certainement parce officielle. qu'il est retenu au Conseil des ministres pour dis- cussions plus élaborées autour des décisions que M. Levesque (Bonaventure): Je remarque, M. le gouvernement doit prendre. le Président, l'absence massive de renseigne- (15 h 10) ments, renseignements qui devaient nous être Je voudrais simplement rassurer le chef de fournis par le gouvernement et qui nous ont été l'Opposition que dès que le leader parlementaire définitivement promis ce matin en cette Chambre. sera en mesure de donner les informations à la Si j'invoque le règlement à ce moment-ci — j'attire Chambre relativement aux actions que le gouverne- l'attention de la présidence, d'une part, de cette ment entend poser, il reviendra ici à l'Assemblée Assemblée, d'autre part, et du gouvernement, en nationale et je pense que, du consentement unani- particulier — c'est que nous savons, M. le Prési- me, il pourra livrer la marchandise devant nos col- dent, qu'un jugement très important a été rendu lègues de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il ne 4434

s'agit pas de faire un plat avec des événements que M. Levesque (Bonaventure): Je vous remer- tout le monde comprend très bien dans les cir- cie, M. le Président. Je tiens à préciser que, si constances. l'Opposition est de trop en cette Assemblée, nous agirons en conséquence. M. le Président, je vous M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, rappelais et je rappelais aux membres sérieux de je continue d'invoquer le règlement. Est-ce qu'il y cette Assemblée que non seulement cette loi a été a une obstruction systématique ou me donnez- déclarée inconstitutionnelle dans plusieurs de ses vous la parole, M. le Président? parties importantes, mais que, du même coup, ce jugement rendait invalide toute la législation et Le Président: Vous avez la parole, M. le leader possiblement, sans doute, la réglementation qui parlementaire de l'Opposition. lui est subordonnée et cela depuis cette date, le 27 août 1977. Cela crée une situation extrêmement M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le grave pour nous aujourd'hui, en particulier, au Président. Le ministre de l'Energie et des Res- moment où je vous parle, une situation à laquelle sources a eu l'occasion de se montrer exactement il faut remédier. ce qu'il est et à l'altitude où il vole... Je comprends, comme on l'a indiqué, que le cabinet des ministres se penche actuellement sur Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le cette situation et nous attendons les réactions du leader parlementaire de l'Opposition, je vous en Conseil des ministres, réactions qui nous ont été supplie, tenez-vous en au... C'est justement ce que promises au cours de la journée. Mais au cours de je déplore. Je souhaiterais que vous commenciez, l'heure du déjeûner, M. le Président, et c'est là le M. le leader parlementaire de l'Opposition. but précis du fait que j'invoque le règlement, à la lecture de ce jugement et à l'appréciation de ses M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, conséquences normales, des doutes se sont éle- j'invoque le règlement et je veux simplement rap- vés sur la valeur, la légitimité et même la légalité, peler à la Présidence que nous avons été témoins surtout la légalité des travaux qui sont présente- aujourd'hui en cette Chambre d'un jugement una- ment poursuivis par cette Assemblée et par ses nime de dernière instance de la Cour suprême qui commissions. confirme les jugements également unanimes de la Si on pouvait, M. le Président, jusqu'à ce Cour d'appel du Québec et du juge en chef de la matin, à 11 heures, ignorer que l'on procédait illé- Cour supérieure du Québec et qui déclare incons- galement, ce n'est plus le cas actuellement. Les titutionnelles... projets de loi qui nous ont été soumis et qui sont présentement étudiés autant à l'Assemblée qu'en M. Ryan: Ecoute, tu vas le savoir. commission doivent normalement comporter les mêmes vices que ceux que l'on reproche à la lé- M. Levesque (Bonaventure): ... certaines par- gislation que nous avons adoptée en cette Cham- ties de la loi 101 sur la Charte de la langue fran- bre depuis le 27 août 1977. çaise et qui touche en particulier les activités de Le but de mon intervention, à ce moment-ci, l'Assemblée nationale du Québec et cela, depuis le M. le Président — on semble comprendre mainte- 27 août 1977 et déclare, du même coup, invalide nant qu'il y a un certain fondement à cette ques- toute la législation... tion de règlement — est de vous demander, d'une part, une directive; deuxièmement, de vous de- M. Marchand: M. le Président, question de rè- mander, de demander à cette Assemblée s'il n'y glement. aurait pas lieu de suspendre nos travaux ou enco- re, ce qui serait préférable, d'avoir une motion du M. Bertrand: M. le Président, question de rè- gouvernement pour que vous quittiez votre fau- glement. teuil, non pas parce que vous ne seriez pas l'homme le mieux désigné pour présider nos tra- M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on vaux, mais simplement pour que nous puissions peut me laisser terminer ma phrase? nous former en commission plénière et avoir l'oc- casion de recevoir des avis juridiques, et les meil- M. Bertrand: Question de règlement. leurs possible, évidemment. Si on veut réellement, en plus, recevoir la collaboration, à mon sens Le Président: M. le leader adjoint du gouver- essentielle de l'Opposition officielle, des autres nement, je vous reconnaîtrai pour votre question oppositions et de tous les membres de cette de règlement tout de suite après M. le leader par- Assemblée, je pense que cette collaboration serait lementaire de l'Opposition. Je voudrais vous si- mieux assurée si on pouvait éclairer les membres gnaler que le leader parlementaire de l'Opposition de cette Chambre sur les conséquences du juge- s'est levé sur une question de règlement et qu'on ment rendu, autant sur les travaux qui se pour- n'invoque pas une autre question de règlement suivent aujourd'hui que sur la législation et la pour interrompre une première question de règle- réglementation qui lui est subordonnée, qui ont ment. Je vais d'abord entendre le leader parlemen- été adoptées par cette Assemblée depuis le 27 août taire de l'Opposition et, après quoi, M. le leader 1977. parlementaire adjoint du gouvernement, je vous C'est dans un esprit non pas seulement de céderai la parole. collaboration, mais avec un sens profond des res- 4435 ponsabilités, que nous vous demandons, d'une Une Voix: C'est incroyable! part, une directive quant à cette légalité de nos travaux. Je comprends peut-être que je vous M. Charron: ... puisque le seul texte valide, demande un avis juridique, à ce moment-ci, mais selon nous actuellement, est le texte français. Je je vous demande également une directive dans le pense bien interpréter la question que pose le sens qu'il faut que nous sachions que ce que nous député de Bonaventure. C'est la question. Ils faisons aujourd'hui n'est pas en pure perte et n'est demandent au président: Est-ce qu'on ne devrait pas en quelque sorte une attitude irrespectueuse à pas interrompre nos travaux parce que le seul l'égard de tous les tribunaux et du Québec et du texte sur lequel nous travaillons actuellement qui Canada. soit officiel est le texte français. Ils ne disent pas... Ce que je vous demande, c'est bien simple. Est-ce que nous procédons à l'Assemblée, aujour- M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, d'hui, et en commission, d'une façon légaie, d'une question de privilège. Je suis bien prêt à écouter, façon légitime, ou est-ce que nous ne devrions pas de la façon la plus objective possible, le leader nous poser la question collectivement à l'intérieur parlementaire... d'une commission plénière, ou selon toute autre mesure que la présidence pourrait nous suggérer Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A ou encore qu'un autre membre de cette Assem- l'ordre! Je demande votre collaboration, s'il vous blée pourrait lui-même ou elle-même suggérer. Je plaît! vous remercie, M. le Président. M. le leader parlementaire du gouvernement. Le Président: M. le leader parlementaire du M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas ter- gouvernement. miné, je m'excuse. J'avais juste commencé à le dire. M. le Président, je disais que j'étais bien prêt M. Charron: Sur la même question de règle- à écouter le leader parlementaire du gouverne- ment, M. le Président, je m'excuse. Le député de ment et à solliciter même sa collaboration pour Bonaventure le premier sait bien, d'ailleurs, que qu'on en arrive à une situation qui serait à nous sommes depuis 14 heures en réunion du l'avantage et dans le meilleur intérêt des citoyens Conseil des ministres. Je l'avais prévenu qu'il y du Québec. Mais je n'ai jamais prononcé les mots aurait une réunion cet après-midi. Nous sommes qu'on me prête présentement et je veux justement en train de prendre connaissance, à la lettre du en faire une question de privilège. jugement, comme je lui avais demandé de nous donner le temps de le faire. Le député de Bona- Je n'ai voulu que m'attacher à une décision venture et les phénix qui l'entourent ont eu besoin des cours, des tribunaux, et je n'ai pas voulu de quelques minutes à peine, eux, pour com- discuter du fond de la question; j'ai voulu simple- prendre toute la portée du jugement que la Cour ment rappeler qu'il y avait une décision de derniè- suprême a mis des mois à rédiger. Ils arrivent re instance de la Cour suprême qui confirmait les donc au début de la reprise de la séance cet décisions prises par tous les tribunaux, le juge en après-midi, leur interprétation, aussi catégorique chef de la Cour supérieure du Québec et, à que celle de leurs collègues d'Ottawa — je ne l'unanimité, tous les juges de la Cour d'appel du pense pas avoir mal compris — suscitant en leur Québec. Devant ces décisions des tribunaux, je âme le doute qu'ils vous transmettent, à savoir si vous pose la question tout simplement, M. le cette Assemblée, littéralement, a encore le droit de Président, c'est ce que j'ai dit: Est-ce que nous se réunir en français actuellement. poursuivons des travaux qui sont en conformité avec les décisions rendues par les tribunaux? M. Bérubé: C'est incroyable. Le Président: M. le leader parlementaire du M. Charron: Je ne pense pas exagérer. La gouvenement. question que le député... M. Charron: M. le Président, si le règlement Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! me le permettait, je vous poserais une question qui vous tirerait d'embarras, parce que j'ai l'im- M. Charron: La question que le député de pression que c'est vous qu'on met plus dans Bonaventure pose vise à savoir si, le fait que cette l'embarras que le député de Bonaventure, cet Assemblée, depuis ce matin et encore cet après- après-midi. midi, sur le projet de loi au nom du ministre de Le député sait très bien, malgré l'innocence l'Energie et des Ressources, travaille sur un texte qu'il affiche actuellement, qu'en vertu de la même en français ne rend pas de toute façon caduc son décision qui l'amène à poser la question de règle- travail et s'il ne serait pas plutôt opportun que le ment, effectivement, d'ici quelques heures — le texte anglais de la même loi qui existe, qui a été premier ministre l'a dit ce matin — ce soir ou déposé, soit rendu officiel pour nous soumettre au demain, le gouvernement devra soumettre une loi jugement de la Cour suprême et, là, nos amis se à l'Assemblée qui nous amène à nous soumettre, trouveraient à l'aise de travailler. Actuellement, ils bon gré, mal gré — on le verra au cours du dé- vous transmettent des doutes de conscience; ils bat — de gaité de coeur ou pas, à une décision de ont l'impression que c'est non valide, le travail la Cour suprême du pays. D'accord. qu'on fait... Autrement dit, le député l'a évoqué lui-même, (15 h 20) peut se trouver en péril toute législation adoptée 4436 depuis 1977. Le député, s'il a lu le jugement M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, comme nous sommes en train de le faire au Con- j'aurais trois ou quatre remarques brèves avant de seil des ministres aussi, découvrira que non seule- répondre à la question posée par le leader parle- ment peut se trouver en péril toute législation mentaire du gouvernement. depuis 1977 mais depuis un bon nombre d'années Premièrement, notre formation politique est préalables à 1977. La page 11 du jugement, pour intéressée à poursuivre comme toujours les tra- donner une référence précise, évoque la régle- vaux de l'Assemblée nationale. Cela a été constant mentation à partir des pouvoirs délégués. Par chez nous et nous avons toujours manifesté, parti- exemple, le conseil municipal de Saint-Ephrem- culièrement durant cette fin de session, le plus de-Beauce qui n'aurait pas adopté, dans les deux grand esprit de collaboration que l'on puisse langues, un règlement municipal, cedit règlement demander. Le leader parlementaire du gouverne- serait caduc, pas depuis 1977, depuis 1867. ment peut en témoigner. S'il n'est pas d'accord, N'ayant pas tout l'esprit juridique et la science qu'il se lève. infuse de l'Opposition, je préfère retourner travail- Deuxièmement, M. le Président — il s'est assis ler avec mes collègues et examiner la portée réelle vite — dans le cas présent, ce n'est pas parce que de ce jugement, M. le Président, avant de le faire. nous avons voulu interrompre le cours normal des Ce que je proposerais actuellement, plutôt que de choses; nous ne voulons pas et nous n'avons pas vous mettre dans l'embarras d'interpréter une dé- voulu retarder les travaux de cette Assemblée. Ce cision de la Cur suprême — c'est un peu le sens n'est pas là notre but. de la question de directive que fait le député de Nous n'avons pas voulu non plus — c'est troi- Bonaventure, M. le Président, à votre égard... Il n'a sièmement — toucher le fond de la question pas dit qu'il croyait qu'en son âme et conscience comme l'a fait le député de Saint-Jacques, le la Chambre devrait suspendre ses travaux, comme leader parlementaire du gouvernement. Autre- il ne vous a pas dit qu'il pensait que la Chambre ment, nous aurions parlé du geste absolument ne devrait pas suspendre ses travaux. Il vous irresponsable et déraisonnable posé par le gouver- demande d'interpréter le jugement de la Cour nement, lorsque, malgré les meilleurs avis, il a suprême actuellement. Ne tombez pas dans ce décidé de plonger en 1977, comme il l'a fait, et piège, M. le Président. Ne tombez pas dans ce qu'il plonge, présentement, l'Assemblée nationale piège. dans la situation où nous nous trouvons. Les Je vais plutôt proposer quelque chose au responsables sont là, M. le Président, mais je n'en député de Bonaventure. Comme la loi qui suivra parlerai pas aujourd'hui. inévitablement la réunion actuelle du Conseil des M. le Président, la seule chose qui m'amène ministres aura pour effet d'englober un certain sinon à vous présenter cette demande de directi- nombre de lois, au moins jusqu'à 1977, peut-être ve; du moins à invoquer le règlement, c'est qu'à même plus loin, comme je viens de le laisser l'étude de ce jugement qui nous arrive... Je entendre, est-ce qu'on ne pourrait pas convenir comprends que le Conseil des ministres ait besoin que sera incluse également la loi en discussion d'un peu plus de temps. D'accord, vous avez une actuellement? En ce sens, sachant que cette loi responsabilité gouvernementale. Il faut boucher sera comprise parmi toutes les autres, l'Assemblée tous les trous, prévoir tout ce qu'il y a moyen de pourrait normalement continuer son travail actuel- prévoir. Tout ce que j'ai fait, c'est de vous offrir lement. Sachant que peut-être — disons que je notre collaboration. J'ai même suggéré une com- donne bonne voix au député de Bonaventure — le mission plénière où, nous aussi, nous pourrions travail actuel se fait dans un cadre qui, depuis recevoir des avis juridiques, soit de ceux qui 10 h 30 ce matin, est irrégulier et non reconnu, conseillent la présidence ou de ceux qui conseil- mais tous, hommes et femmes alentour de cette lent le gouvernement. Assemblée, sachant que d'ici quelques heures Ici, il ne s'agit pas de décider, M. le Président, cette situation sera régularisée, est-ce qu'on ne si le gouvernement siège une minute, une heure peut pas procéder, comme nous l'avons fait tout ou deux heures. Il s'agit d'une question qui touche bonnement ce matin, même après le jugement, sur directement l'Assemblée nationale. C'est la raison la loi au nom du ministre des Loisirs, de la Chasse et pour laquelle je pose la question beaucoup plus à de la Pêche et poursuivre le travail sur la loi la présidence que je la pose au leader du gouver- présentée par le ministre de l'Energie et des nement. Le leader du gouvernement a une respon- Ressources? sabilité; c'est de venir nous faire rapport à un Comme contre-partie de la proposition que je moment donné, dans une ou deux heures, des fais à l'Opposition, continuons notre travail, res- intentions du gouvernement en ce qui a trait à la pectant en cela l'engagement que j'ai pris ce procédure qu'il entend suivre et la soumettre à matin. Dès qu'on me permettra de retourner en cette Chambre pour régler ou remédier à la réunion avec mes collègues et dès qu'une déci- situation. sion finale sera prise, et cela ne devrait pas tarder, Quant à la présidence, lorsque je me tourne j'en ferai part à la Chambre et elle sera saisie vers vous, M. le Président, c'est que cette Assem- prochainement de toute la réponse que le Conseil blée est présentement saisie d'un jugement des des ministres est prêt à lui donner. tribunaux et des plus hauts tribunaux du pays qui nous disent que ce que nous avons fait jusqu'à Le Président: M. le leader parlementaire de maintenant, jusqu'à ce matin, était entaché d'illé- l'Opposition. galité et rendait un peu caducs et sans effet les 4437 travaux que nous avons faits et rendaient dans naissance juridique au sens strict du terme. C'est l'illégalité... M. le Président, j'ai droit de le dire; le pourquoi il n'appartient pas, dans de pareilles cir- tribunal l'a dit. Je répète simplement ce que les constances, à la présidence de prendre la décision tribunaux disent: que c'est inconstitutionnel. d'interrompre les travaux de l'Assemblée natio- (15 h 30) nale. M. Ryan: Des fanatiques, des fanatiques... Sans connaître, encore une fois, le jugement, il m'étonnerait que la Cour suprême ait interdit M. Levesque (Bonaventure): Je comprends aux membres de l'Assemblée nationale de pronon- qu'il y ait des gens qui ne comprennent abso- cer des interventions ou des discours sur des pro- lument rien, M. le Président, du droit pur. Ce n'est jets de loi en discussion. Il appartiendra à l'Assem- pas une question de fond. Je n'ai pas voulu blée nationale d'apporter, s'il y a lieu, une loi cor- commencer à interpréter quoi que ce soit des rectrice. La présidence n'a pas à intervenir là- faits. Mais je demande à la présidence, cependant dedans et il est certain que je ne permettrai jamais — je le demande d'une façon plus formelle et de suspendre les travaux de l'Assemblée nationale beaucoup plus sereine, malgré les interruptions sur la base d'un jugement dont la présidence n'a que je reçois de l'autre côté continuellement — pas pris connaissance et qui ne lui a jamais été si- premièrement, si nous pouvons continuer nos gnifié. M. le ministre... travaux, à l'Assemblée et en commission, et cela, M. le député de Laval. d'une façon valable, légitime et légale. Je pose la question à la présidence. Je lui demande une M. Lavoie: Je pense que vous avez parfaite- directive. ment raison. Même si vous aviez une connaissan- Le leader parlementaire du gouvernement dit ce juridique du jugement, je pense que vous que nous pouvons couvrir tout cela, comme nous n'avez pas — et vous avez parfaitement raison — à le ferions ou comme nous avons l'intention de le interpréter un jugement et à donner une opinion faire pour la législation antécédente. Je dis que juridique. nous ne sommes pas dans la même situation qu'hier et avant-hier. Aujourd'hui, alors que nous siégeons, nous savons collectivement la décision M. Bérubé: Question de privilège, M. le Pré- rendue par le tribunal de dernière instance. Nor- sident. malement, j'invoque le règlement et je pose cette question en toute sérénité et en assurant non seu- Le Président: M. le ministre, je vous reconnaî- lement la présidence, mais également tous les trai immédiatement après le député de Laval. membres de cette Chambre et même le gouverne- ment qui semble pris de panique de la plus grande M. Lavoie: En l'occurence, M. le Président, je collaboration de l'Opposition officielle, tenant crois que vous devez attendre, comme vous l'avez compte du sens des responsabilités qui doit nous indiqué vous-même, en tant que serviteur de l'As- guider collectivement à ce moment-ci, de l'intérêt semblée, une directive de l'Assemblée à cet effet. public qui doit nous guider et non pas cette parti- C'est la raison pour laquelle le leader parlemen- sanerie aveugle qui semble motiver les agisse- taire de l'Opposition suggérait la formation possi- ments du gouvernement. ble de la commission plénière pour que l'Assem- blée elle-même décide de la procédure, du dérou- Le Président: Très bien. M. le leader parle- lement des travaux de l'Assemblée. Ce n'est pas mentaire de l'Opposition officielle, c'est une ques- une chose, à mon avis, qui doit se décider au Con- tion intéressante et, comme vous l'avez qualifiée seil des ministres. Le Conseil des ministres doit vous-même, une question de droit pur. Alors, je prendre une décision gouvernementale, une déci- vais me permettre de vous donner une réponse de sion de cabinet. Quels moyens législatifs prendre droit pur. La présidence n'a aucune connaissance pour replacer la situation? C'est une décision mi- juridique de la décision qui a été rendue ce matin nistérielle. Mais pour le déroulement des travaux par la Cour suprême. Non seulement la présidence de cette Assemblée, autant pour les projets de loi n'a jamais été avisée officiellement de ce juge- que nous étudions actuellement, qui sont soit en ment, mais elle n'a pas pu, jusqu'à maintenant, en commission ou à l'Assemblée ici, c'est à l'Assem- prendre connaissance. Je suis en train de faire des blée à décider. Ce n'est pas au président. C'est à démarches pour essayer de me procurer ce juge- nous de donner des instructions au président. ment dont on dit qu'il contient 127 pages. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il pourrait y avoir une consultation avec les leaders avec le M. Levesque (Bonaventure): Quinze pages. président, parce que c'est une situation qui est quand même grave. C'est à l'Assemblée elle-mê- Le Président: Quinze pages. Vous voyez com- me, soit par une commission plénière, de donner ment je n'ai aucune connaissance de la décision. une décision, de donner même des directives au Le jugement n'a jamais été signifié à la présidence président pour le déroulement de nos travaux. et il m'apparaîtrait extrêmement imprudent d'inter- M. le Président, je fais cette proposition que rompre les travaux de l'Assemblée nationale sur la vous convoquiez les leaders pour organiser la for- base d'un jugement qui n'a jamais été signifié à la mation d'une commission de l'Assemblée natio- présidence et dont elle n'a non seulement aucune nale pour savoir où on va dans l'ordonnance de connaissance de fait, mais encore aucune con- nos travaux. 4438

M. Charron: Votre décision est rendue. sident, d'agir comme si de rien n'était. Si le cabi- net est réuni présentement, c'est parce qu'il est Le Président: M. le ministre de l'Energie et saisi de la gravité de la situation. Nous ici, à l'As- des Ressources. semblée nationale, nous ne pouvons pas ignorer cette situation, et cette situation, qu'on le veuille M. Bérubé: M. le Président, j'avais donc entre- ou non, touche directement la légalité, la légitimité pris de débattre... de nos travaux depuis 1977. Il est normal que nous posions des questions, non pas de la façon qu'on M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le nous interpelle de l'autre côté, présentement, mais Président. J'invoque le règlement. sachant que nous avons un devoir important à ac- complir et cela dans l'intérêt des citoyens. Le Président: M. le leader parlementaire de (15 h 40) l'Opposition. Est-ce que nous allons, à ce moment-ci, nous réunir comme n'importe quelle Assemblée, com- M. Bérubé: C'est un véritable bâillon, M. le me le cabinet le fait de son côté, l'Exécutif le fait? Président. Je ne crois pas que vous lui ayez donné Est-ce que le législateur ne devrait pas à ce la parole. Par conséquent, je demanderais au moment-ci être saisi de cette situation et se poser leader, tant et aussi longtemps que vous ne lui la même question que se pose l'Exécutif? Est-ce aurez pas donné la parole, de bien vouloir se ras- que nous allons continuer de travailler parce que seoir et d'attendre. M. le Président, étant donné nous sommes rendus à tel "debater" ou tel que nous sommes en train de débattre le projet de article? loi no 72, créant le ministère de l'Energie et des Ressources... Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, j'ai déjà rendu la décision tout à Le Président: Sur votre question de règle- l'heure en ce qui concerne ce point. Maintenant, ment, M. le leader de l'Opposition. avant d'ajouter à ce que j'ai dit, je voudrais d'abord, et je pense que vous allez trouver cela M. Levesque (Bonaventure): M. le Président... normal, essayer de prendre connaissance de ce jugement. Je ne sais même pas... Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Levesque (Bonaventure): J'ai le jugement. M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on dirait que nos amis d'en face pensent qu'il ne Le Président: Je comprends. Alors, vous me s'agit là que d'une Assemblée contradictoire parti- ferez le plaisir de me prêter ce jugement. Dans les sane, alors que ce que nous voulons simplement... circonstances, c'est la responsabilité première du leader parlementaire du gouvernement, dans le Une Voix: Le conseil national du PQ. cadre de notre règlement sessionnel, de tracer le programme de la journée; c'est sa responsabilité M. Levesque (Bonaventure): Oui, le conseil de demander que les travaux de l'Assemblée national du PQ, à peu près cela, M. le Président. nationale se poursuivent. Je prends bonne note toutefois de la suggestion qui m'est faite de Le Président: M. le leader parlementaire de convoquer une conférence des leaders, je suis sûr l'Opposition, s'il vous plaît. que cela sera relativement facile à réaliser; nous pourrons avoir une conférence des leaders et cela M. Levesque (Bonaventure): Avec tout le res- me fera plaisir de présider une telle conférence. pect que je vous dois, M. le Président, je puis vous En attendant, je suis le voeu exprimé par celui qui assurer que nous voulons que ceci se déroule est le maître de la procédure et qui a le droit et le dans le plus grand respect de nos règlements, pouvoir, conformément à notre règlement, de mais surtout qu'on ait ce respect mutuel qu'évo- tracer le programme de nos travaux pour la quait le chef de l'Opposition hier. Qu'on essaie de journée, puisque nous sommes dans le cadre de regarder les questions assez... Si le cabinet est notre règlement sessionnel. Il en assume la res- présentement réuni, cela doit être parce que c'est ponsabilité. Alors je cède la parole à M. le ministre une question importante. Il ne s'agit pas de se rap- de l'Energie et des Ressources. peler ou non du fond de la question en anglais ou en français, il s'agit pour nous simplement de sa- M. Levesque (Bonaventure): Puis-je ajouter voir si la présidence retient la suggestion du dé- un mot, s'il vous plaît? puté de Laval qui demande simplement que l'As- semblée vous donne la directive que vous vous Le Président: M. le leader parlementaire de dites incapable de rendre ou de donner parce que l'Opposition. vous n'êtes pas saisi du jugement en question. Cependant, comme disait quelqu'un: Nul n'est M. Levesque (Bonaventure): Cette sugges- censé ignorer la loi. Est-ce qu'on peut ainsi igno- tion, peut-être que cela ne répond pas entièrement rer un jugement de dernière instance du plus haut à nos préoccupations, qui sont très sérieuses. tribunal du pays? Je pense bien que nous serions Mais puis-je suggérer, et cela dans un but très absolument inconscients quant à nous, M. le Pré- constructif, au moins pour reconnaître le principe 4439

de la chose, que nous suspendions cinq minutes gouvernement ouvrira sur cette question, et là — cela ne retardera pas les travaux — et que nous discuter, si on veut, de la question de fond. Je ayons une réunion des leaders avec le président? pense qu'il faut être réaliste sur le temps et les Je pense que ce serait suffisant, ces cinq minutes, délais, mais, en ce qui me concerne, je suis prêt à pour au moins établir certaines positions et peut- tenir cete réunion des leaders. Ce qu'on vise, c'est être essayer de trouver un modus Vivendi. que l'Assemblée nationale puisse continuer ses travaux. Elle a siégé avant que le jugement de la Le Président: Je voudrais connaître le senti- Cour soit rendu, et pourtant c'était devant les ments des deux autres leaders là-dessus. tribunaux. Maintenant que c'est une question d'heures, je pense qu'on pourrait arriver à un M. Charron: Moi, M. le Président... consensus pour continuer nos travaux et par la suite corriger cette situation. Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement. Le Président: Bon. Puisqu'il semble y avoir un consentement des trois leaders... M. Charron: Je ne dirais pas non à cette M. le leader parlementaire du gouvernement. proposition si je savais une chose préalablement, sinon je me conformerais à votre directive et je M. Charron: Est-ce que je peux vous proposer dirais que la Chambre devrait poursuivre ses qu'on ait cette réunion dans quelques minutes, travaux normalement. mais qu'entre-temps le député de Matane puisse Le député de Bonaventure peut-il nous dire, continuer son intervention? plutôt que de vous donner le fardeau de cette décision, avant qu'on se réunisse, et le dire devant M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas une tout le monde ici, si dans son interprétation à lui question de retarder les travaux, c'est simplement nous devrions cesser de siéger? Avec la garantie une question de principe. que j'ai donnée tout à l'heure que ce projet de loi en discussion, comme toutes les autres, sera dans Le Président: Alors, comme il semble y avoir quelques heures régularisé, avec toute la collabo- consentement, nous allons suspendre les travaux ration qu'il a manifestée et qu'il a mentionnée, pour cinq minutes. pouvons-nous continuer notre travail? Je voudrais savoir avant ce qu'il va vous dire là-bas. Suspension à 15 h 46 M. Levesque (Bonaventure): Nous n'avons rien à cacher, M. le Président, à ce sujet; nous avons l'intention de rechercher quelque chose qui Reprise à 15 h 55 nous permettrait de continuer le plus tôt possible. Le Président: A l'ordre! Le Président: M. le leader parlementaire de La conférence de cinq minutes des leaders a l'Union Nationale. eu lieu et s'est déroulée dans un climat plus serein que celui qui prévalait ici avant la conférence. M. Brochu: M. le Président, je n'ai aucune J'espère que la sérénité de la conférence des objection, en ce qui nous concerne, à ce que nous leaders se répercutera à l'Assemblée. tenions cette réunion des leaders actuellement, le Je vous cède la parole, M. le leader parle- plus tôt possible, si cela peut aider la bonne mentaire du gouvernement. marche de nos travaux. M. le Président, est-ce qu'on me permettrait, M. Charron: Cette question qu'a soulevée de ce côté-ci, l'Opposition officielle, d'exprimer l'Opposition, dont le bien-fondé, s'il est discutable, notre opinion également? est quand même respectable, nous amène à poser la question ici même, au sein de l'Assemblée, sur M. Levesque (Bonaventure): Sûrement. un sujet qui devrait faire l'unanimité de tous et de toutes, c'est-à-dire le respect de la décision d'un M. Brochu: Merci, M. le Président, Je n'ai pas tribunal. d'objection à tenir cette réunion si cela peut J'affirme tout de suite que si nous sommes en assurer la bonne marche des travaux, quoique je réunion actuellement — j'espère y retourner dans suis un peu surpris, à ce moment-ci, qu'on fasse quelques instants — c'est précisément parce que un plat au moment où la Cour suprême vient à notre volonté première est de respecter la décision peine de rendre le jugement. Je pense qu'il y a d'un tribunal. Je laisse, encore une fois, aux certains actes législatifs du gouvernement qui débats à venir le soin de qualifier de quelle viennent d'être jugés non constitutionnels; le manière nous entendons le faire, mais si c'est gouvernement de son côté vient de nous annon- l'intention qu'on veut me voir affirmer, je le dis cer, je pense que c'est là le contenu de la réunion sans ambages, nous allons la respecter. des ministres actuellement, son intention de corri- Je fais donc part de l'intention formelle du ger par un autre acte législatif qui vient à peine gouvernement de présenter, d'ici quelques heures, d'être reconnu comme non constitutionnel. Je une loi — si j'étais de l'autre bord, je pourrais pense qu'il faut être réaliste dans les faits et probablement vous le dire mieux, mais je suis ici accepter, à ce moment, la discussion que le depuis quelques minutes déjà — qui régularisera, 4440 je l'espère, aux yeux de tous la situation telle que avec toutes ces conditions, nous serons heureux la décision du tribunal suprême vient de nous d'accorder notre collaboration et de poursuivre les obliger à le faire actuellement. J'invite donc, avec travaux et cela, dans le meilleur esprit et dans le cette assurance, nos collègues qui étaient au tra- meilleur intérêt des citoyens du Québec. vail aux commissions parlementaires et ceux qui s'apprêtaient à intervenir sur un projet de loi en M. Brochu: M. le Président... discussion à l'Assemblée à poursuivre ce travail de discussion. Les articles des projets de loi en dis- Le Président: M. le leader parlementaire de cussion à la commission des affaires municipales et l'Union Nationale. à la commission du travail et de la main-d'oeuvre peuvent être adoptés par la commission. M. Brochu: ... étant donné qu'on nous donne Quand nous aurons régularisé la situation, l'assurance qu'en fait il y aura une loi pour régu- c'est-à-dire bien simplement quand la troisième lariser la situation, je pense qu'il ne demeure lecture et la sanction de la loi dont je viens de faire aucune espèce d'objection possible à ce que nous mention auront été faites, à chacune des tables de puissions continuer nos travaux. D'ailleurs, dès travail on pourra, par une motion, rendre officiels que le jugement de la cour a été rendu — et cela les articles qui auront été, en collaboration, discu- avait même été signifié avant — le gouvernement tés, acceptés et pesés à leur mérite, y compris les avait souligné son intention de corriger, le cas amendements qu'auront voulu y inscrire les dépu- échéant, la situation, si le jugement de la Cour tés. L'objectif de mon intervention est simple. suprême devait être défavorable. C'est ce qui me C'est que s'il y a une partie de bien-fondé dans faisait dire, tout à l'heure, qu'à toutes fins utiles l'intervention de l'Opposition, indéniablement, nous n'avions pas besoin de tenir ce débat dans le cadre actuel, cela ne doit pas paralyser les puisque l'intention était manifeste de la part du travaux de l'Assemblée nationale pour quiconque gouvernement, dès que le jugement de la cour a veut y mettre de la bonne volonté et de la colla- été rendu, de corriger ce qui était maintenant boration. Je viens d'inscrire le moyen par lequel devenu des actes jugés non constitutionnels. cela pourrait se faire. Nous poumons continuer à Donc, il s'agit simplement, à ce moment-ci, travailler tout en nous assurant que ce travail sera d'une question de bonne volonté de part et d'autre régularisé par la suite. pour pouvoir continuer nos travaux quand on sait C'est la proposition que j'ai faite et qui devrait très bien que, dans les prochaines heures, l'As- nous permettre de reprendre les travaux aux deux semblée nationale aura à se prononcer, dans un commissions et à l'Assemblée, immédiatement, M. nouveau cadre législatif, pour corriger cette situa- le Président. tion reconnue non constitutionnelle par le plus haut tribunal du pays. Le Président: M. le leader de l'Opposition offi- cielle. Le Président: Alors, M. le ministre de l'Ener- gie et des Ressources, vous pouvez maintenant M. Levesque (Bonaventure): Je veux remer- reprendre votre intervention. cier le leader parlementaire du gouvernement, premièrement, pour le ton serein avec lequel il M. Bérubé: Mr Speaker, we do not really know vient de s'exprimer au nom du gouvernement. Je now if we have the right to speak our own veux le remercier d'avoir reconnu le sérieux des language. I do not know, probably this language préoccupations que nous avons fait connaître à will be more adaptable to the Opposition, cette Assemblée relativement aux travaux de cette presumably. Chambre et aux travaux en commission. Nous Ceci pour dire, M. le Président, que ce matin sommes également solidaires du gouvernement j'avais commencé ma présentation du projet de loi dans le respect des décisions des tribunaux. en abordant tout le problème des richesses natu- (16 heures) relles. Suite — vous me permettrez de le souli- Finalement — et je pense que c'est cela qui gner — à ce long débat un peu procédurier que fera que nous allons manifester notre meilleure nous venons de tenir, débat qui est un peu humi- collaboration, comme nous l'avions d'ailleurs indi- liant, vous le reconnaîtrez, parce que... qué — devant la déclaration solennelle faite par le leader parlementaire du gouvernement qu'il avait M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, l'intention — j'imagine aujourd'hui; il dit dans j'invoque le règlement. Nous avons, il me semble, quelques heures — dans les prochaines heures, non seulement manifesté une grande collabora- de faire connaître à cette Chambre les mesures tion, mais nous avons fait preuve — et je pense qui seront immédiatement prises afin de remédier que je l'ai dit de la part du gouvernement, au d'une façon adéquate à la situation dans laquelle moins du leader du gouvernement — d'une certai- nous nous trouvons présentement, au nom de ne maturité dans toute cette affaire. Nous venons notre formation politique et avec tout ce qu'il de reprendre à peine, il y a quelques instants, un faudra, évidemment, de collaboration de part et débat en deuxième lecture et nous avons droit à d'autre pour que les travaux que nous allons pour- ce cabotinage. Il n'y a pas de pertinence du débat, suivre, autant en cette Chambre qu'en commis- on parle de n'importe quoi et on veut remettre en sion, ne soient pas complètement futiles ou ne question des choses qui viennent à peine d'être comportent pas d'irrespect vis-à-vis des tribunaux, réglées. 4441

M. Charron: A l'ordre! M. Bérubé: II y a un poulet qui se fait aller de l'autre côté. M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Pré- sident, si on veut réellement avoir la collaboration Le Président: S'il vous plaît! de l'Opposition officielle, il va falloir qu'on revien- M. le ministre. ne aux travaux. C'est ce qu'on voulait avoir, des travaux dans cette Chambre. On disait que c'était M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je souli- important de retourner aux travaux de cette Cham- gnais l'importance que le gouvernement a mise bre, de ne rien retarder. Eh bien, qu'on agisse en dans les richesses naturelles pour le développe- conséquence. ment de notre économie. J'ai expliqué un certain nombre de politiques qui ont obtenu un succès Le Président: A l'ordre! M. le ministre de certainement inespéré puisque je pouvais citer les l'Energie et des Ressources, puis-je vous deman- derniers chiffres de création d'emploi, les derniers der de revenir immédiatement au projet de loi no chiffres concernant l'investissement dans le sec- 72 qui vous concerne? teur des pâtes et papiers. Je pouvais souligner que notre industrie minière a maintenant le cham- Une Voix: Cela fait mal aux oreilles, le fran- pionnat au niveau de l'exploration. C'est le plus çais. haut niveau de forage de toutes les provinces canadiennes. En d'autres termes, M. le Président, M. Bérubé: Oui, M. le Président, c'est bel et je pouvais souligner le succès d'un certain nom- bien de ce projet de loi que je parle. J'allais sim- bre de politiques. plement souligner que vous avez, derrière vous, Cependant, il fallait compléter ces politiques. un tableau — j'inviterais les caméras à le regar- Lorsqu'on examine soigneusement les mines, l'é- der — qui montre ce premier débat à l'Assemblée nergie, les forêts, les terres, on découvre un nationale en 1792 pour qu'on ait le droit d'utiliser ensemble d'objectifs communs à ces secteurs notre langue chez nous au Québec, M. le Pré- qu'il faut tenter d'harmoniser pour faire en sorte sident. que le gouvernement puisse éventuellement avoir Pour cette raison, M. le Président, j'utiliserai la une politique des ressources, une politique qui langue que m'ont enseignée mes parents, la nous permette de savoir comment nous allons langue que leur avait enseignée leurs parents, la utiliser nos richesses naturelles dans une direction langue que mes ancêtres se sont transmise de donnée. M. le Président, c'est bien évident qu'au génération en génération et dont je suis fier. niveau des mines le ministère n'est pas assez gros M. le Président, je suis même, en un sens, un pour justifier un service d'informatique, pour justi- peu inquiet parce que nous discutons d'un projet fier une gestion du personnel trop considérable, de loi, le projet de loi 72, où nous avons déjà une pour justifier également un service aux sociétés traduction anglaise. Il est bien évident qu'il est très d'Etat. Une des conséquences, qui a d'ailleurs été difficile, sinon impossible, de traduire exactement soulignée, dès notre arrivée au pouvoir, par tous ses sentiments dans les deux langues. Par consé- les présidents des sociétés d'Etat lors d'une quent, nous avons dans ce projet de loi un texte rencontre, c'est qu'il n'y a pratiquement pas français et un texte anglais. Malheureusement, M. moyen pour le gouvernement d'émettre des direc- le Président, s'il y avait un iota, s'il y avait une tives à nos sociétés d'Etat parce que les agences petite différence d'interprétation dans les deux gouvernementales susceptibles d'émettre ces di- textes et que ceci devait être contesté, et si la rectives sont tellement morcellées qu'il n'y en a version française n'est pas la version officielle, il aucune qui a véritablement le personnel, les faudra trancher laquelle des deux versions sera compétences pour réfléchir aux orientations, aux officielle. Qui tranchera? La Cour suprême, M. le mandats de nos sociétés d'Etat. Président, la Cour suprême qui se basera sur le Il faut donc tenter de regrouper ces orga- "common law", c'est-à-dire l'interprétation anglai- nismes à vocation économique et faire en sorte se de nos lois. que l'on puisse disposer d'un peu plus de person- nel. Comment peut-on y arriver? Il va de soi que Le Président: S'il vous plaît! nous avons cherché à maintenir à l'intérieur de ce ministère quatre vocations, c'est-à-dire distinguer M. Bérubé: Vous vous rendez compte, M. le soigneusement entre les terres, les mines, l'éner- Président, qu'il est difficile de défendre un projet gie, les forêts. Il doit donc y avoir un sous-ministre de loi, alors qu'on ne sait jamais comment il sera associé à chacune de ces directions, de ces interprété. Néanmoins, M. le Président, je m'atta- secteurs, de manière à ce que l'industrie qui querai au dernier point de mon exposé qui porte s'adresse au ministère des Ressources sache sur les raisons de la mise sur pied de ce ministère qu'elle s'adresse à un fonctionnaire qui se voit de l'Energie et des Ressources. D'abord, il faut se déléguer son autorité directement du sous-minis- dire — et c'est ce que j'ai souligné dans la première tre et qui sait que l'autorité finale qui prendra la partie de mon intervention, que le gouvernement décision sera une autorité qui partage ses intérêts. s'est préoccupé d'utiliser les richesses naturelles (16 h 10) du Québec de manière... En effet, M. le Président, on a assité à certains regroupements de ministères, par exemple en Une Voix: ... Ontario, où on a mis ensemble des secteurs, des 4442 directions aussi disparates que les parcs, les C'est-à-dire que le gouvernement s'est organisé mines et les forêts. Particulièrement dans le cas pour améliorer les services aux citoyens, mais des parcs, il faut constater qu'un ministre chargé sans augmenter le nombre de fonctionnaires, du loisir, de la chasse et de la pêche, est un donc en procédant à de tels regroupements, à de ministre qui se préoccupe de récréation, de quali- telles rationalisations. C'est cela une pensée éco- té de vie, de milieu. Par conséquent, il a des nomique claire, qui comprend ce que sont les éco- objectifs différents de ceux du ministre des Forêts, nomies. qui lui veut utiliser les forêts de manière à assurer Le ministre des Finances du gouvernement le développement économique. Il va de soi qu'il y fédéral nous parle d'essayer de mettre un terme à a des arbitrages. Ce n'est pas facile. Si on veut ces déficits budgétaires astronomiques que les faire un parc, il va falloir sortir les exploitations libéraux lui ont causés. D'ailleurs, M. le Président, forestières. C'est un peu anormal que le même les libéraux nous avait légué exactement la même ministre prenne les deux décisions en même chose, parce que les libéraux sont connus pour temps, parce que, s'il est orienté vers les parcs, il y laisser à tous les gouvernements qui leur succè- a des chances qu'il sacrifie l'économie. Si, au dent des finances dans un état catastrophique. contraire, il est orienté vers l'économie, il y a des Dois-je souligner, M. le Président, que tous ces chances qu'il sacrifie le loisir, la récréation et la programmes que nous avons offerts aux Québé- qualité du milieu. cois, nous les avons offerts sans augmenter la C'est au Conseil des ministres de faire ces fontion publique? Mais, si le gouvernement fédé- arbitrages. D'ailleurs, le gouvernement actuel a ral veut réduire les dépenses, il pourrait compri- inauguré cette nouvelle façon de gérer en créant mer la fonction publique. Ce n'est pas ce qu'il ces postes de ministres d'Etat au Développement choisit. Il choisit l'augmentation des taxes. C'est économique, à l'Aménagement du territoire, dont une façon d'équilibrer un budget. On augmente le rôle est justement l'arbitrage de telles orienta- les taxes. Evidemment, le petit contribuable qui tions ou de tels objectifs qui peuvent être en est "poigné" pour payer cela, c'est un peu plus contradiction, de manière qu'on puisse prendre difficile. Mais ce n'est pas tellement un problème. une décision essentiellement politique. Il est donc D'ailleurs, c'est comme cela que cela fonc- important que, dans un ministère des Ressources, tionnait avec l'ancien gouvernement libéral. On on ne confonde pas le loisir avec l'activité écono- augmentait les taxes; on équilibrait les budgets. mique. C'est ce que nous avons fait. Nous n'avons Ce n'est pas de cette façon que nous l'avons fait. regroupé ensemble que des activités économiques Nous l'avons fait en réduisant les impôts, en qui auront comme objectif d'assurer le mieux-être réduisant le nombre de fonctionnaires, en s'orga- des Québécois en leur permettant de travailler nisant pour donner de meilleurs services, en dé- dans une industrie qui bâtit sa richesse, son fendant des projets de loi comme ceux que nous développement sur un avantage comparatif que avons vus à l'Assemblée nationale, sur la santé- sont nos ressources. sécurité, que nous faisons, à l'intérieur, avec nos Donc, il est dangereux de mêler; c'est exacte- banques de postes. ment ce qu nous n'avons pas fait. Nous avons pris Donc, nous réduisons les postes. Qu'est-ce les moyens pour que nous n'ayons que des que cela permet de faire en réduisant le nombre vocations économiques. Il y aura donc un sous- de fonctionnaires? D'offrir des services que je ne ministre aux mines associé, un sous-ministre aux pouvais pas donner avant. Par exemple, nous forêts, un sous-ministre à l'énergie et lorsque pourrons avoir un service de l'informatique beau- l'industrie, les coopératives forestières discuteront coup plus important, beaucoup plus complet. Par avec un fonctionnaire, avec le sous-ministre aux exemple, nous pourrons avoir maintenant pour les forêts, elles sauront qu'elles parlent à l'autorité Québécois, pour le ministère des Richesses natu- suprême à l'intérieur du ministère, l'autorité admi- relles qui, auparavant, n'avait pas de service en nistrative, il va sans dire. région, des services en région. Pourquoi? Parce Il y a des avantages au regroupement. Par que le ministère des Terres et Forêts avait neuf exemple, nous avions deux directeurs généraux à bureaux régionaux, 44 unités de gestion, des l'administration. Nous n'en aurons plus qu'un. bureaux locaux. Nous avions deux directeurs du budget. Nous n'en Par conséquent, il est possible, à l'intérieur aurons plus qu'un. Nous avions cinq cadres à la d'un seul ministère, sans multiplier l'administra- gestion financière. Nous n'en aurons que trois. tion, d'offrir les services de l'énergie, des mines, Deux directeurs à la gestion du personnel; nous des forêts directement aux citoyens. Une des n'en aurons plus qu'un. En d'autres termes, le re- difficultés que nous avons rencontrées dans notre groupement de ces unités administratives va nous programme d'isolation de maisons — ne nous le permettre de réduire le nombre de fonctionnaires cachons pas, le gouvernement fédéral l'a connue chargés de certaines tâches communes et faire en aussi — c'est que le citoyen qui voulait des sorte qu'on puisse alléger l'administration publi- renseignements sur la façon de remplir les formu- que. C'est d'autant plus nécessaire, M. le Prési- les ne savait pas où s'adresser. Il n'y a pas de dent, que tous ces nouveaux programmes que bureaux des Richesses naturelles ou de l'Energie nous avons introduits depuis un an et demi ou à Sainte-Anne-des-Monts. Il n'y en a pas non plus deux ans se sont autofinancés, si on peut dire, à à Matane mais il y a des bureaux du ministère des partir d'une banque de postes de fonctionnaires Terres et Forêts. En regroupant nos services, il est que nous avons dégagée grâce à des économies. possible, pour un agent de bureau, de venir faire un 4443 stage à Québec, d'apprendre comment fonctionne nombre de postes, mais en augmentant l'ampleur le programme d'isolation de maisons et de retour- de ces services. Nous avons un service de voirie ner ensuite en région pour aider les citoyens à minière, un service de voirie forestière. Il est donc remplir les formulaires en question. Cela est le tout à fait possible, un jour — ce n'est pas mon genre d'économie de moyens qu'on peut réaliser intention — peut-être d'harmoniser le fonctionne- par le regroupement du ministère. ment de ces deux services de manière qu'on ait un Cela veut dire, M. le Président, que l'accès à la plus gros service, mieux équipé, avec un meilleur clientèle sera beaucoup amélioré; cela veut dire choix d'ingénieurs, regroupant les deux, mais que nous aurons des bureaux implantés sur tout le avec certaines spécialisations possibles. C'est le territoire sans avoir augmenté le nombre d'effectif, genre d'amélioration que le regroupement des sans avoir augmenté le personnel. Egalement, les ministères veut rendre possible. postes de fonctionnaires que nous dégageons par (16 h 20) cette opération, nous pouvons nous en servir M. le Président, il faut le souligner, ce regrou- ailleurs. Par exemple, le ministre de l'Energie et pement de la Direction générale de l'énergie, de la des Ressources, maintenant, devient titulaire de Direction générale des mines, de la Direction gé- sept sociétés d'Etat et de deux régies, REXFOR, nérale des forêts et de la Direction générale des Hydro-Québec, SOQUIP, SOQUEM, SNA, SDBJ, terres va nous permettre de réaliser un ensemble Société de cartographie. Il est pratiquement im- de politiques qui n'étaient pas possibles au gou- possible de suivre ces sociétés sans avoir, au vernement du Québec antérieurement. Certains di- niveau du ministère, une équipe dont le rôle est ront: N'est-il pas trop lourd pour un homme de de- d'essayer de définir ce que les Québécois veulent voir supporter le poids d'autant de directions? Je de leur société, quels sont les objectifs, les orien- dois dire que, depuis maintenant trois ans, étant à tations de cette société. L'Opposition aura remar- la tête de ce ministère, ayant les deux ministères qué qu'au cours des dernières années, nous avons essentiellement, j'ai pu apprécier la quantité de amendé plusieurs lois des sociétés d'Etat pour travail qui était nécessaire. Je dois dire que la tâ- donner le pouvoir à l'Assemblée nationale, au che du ministre est d'autant plus réduite que nous gouvernement, d'émettre des directives quant aux avons une haute fonction publique compétente, objectifs, quant aux orientations. suffisamment nombreuse pour faire toutes les tâ- Mais, pour préparer ces orientations, il faut ches qu'on attend d'elle. des gens qui pensent, il faut des gens qui puissent Je dois souligner aussi que nous n'avons plus s'occuper de ces sociétés d'Etat, qui puissent la Direction générale des eaux qui a été regroupée s'occuper des mandats que pourraient réaliser nos avec le ministère de l'Environnement pour créer sociétés d'Etat. Dans nos ministères, nous n'avons un véritable ministère de l'Environnement. Nous pas ce personnel. Mon intention est donc de avions antérieurement deux gestionnaires de constituer une équipe des sociétés d'Etat dont le l'eau: la Direction générale des eaux et les Servi- rôle sera spécifiquement de définir ces mandats, ces de protection de l'environnement. Vous aviez d'essayer de voir ce que la collectivité attend d'un un Québécois qui choisissait de se construire un organisme comme une société d'Etat, ce que l'on quai sur le bord de l'eau; il demandait la permis- attend d'Hydro-Québec, ce que l'on attend de sion à la Direction générale des eaux, on lui don- SOQUIP, de SOQUEM, de la SNA. Donc, cela nait la permission. Mais, le lendemain, un inspec- permettra un suivi gouvernemental beaucoup plus teur de l'Environnement survenait et on lui disait: serré de l'activité de nos sociétés d'Etat, non pas Non, on vous l'interdit pour des raisons d'environ- pour s'immiscer dans le fonctionnement quotidien nement. Il disait au gouvernement: Faites-vous des sociétés d'Etat, mais pour jouer le rôle qu'un une idée. C'était le problème d'avoir deux gestion- gouvernement doit jouer, soit celui de définir les naires. On a réglé le problème. Les deux gestion- orientations. Où est-ce qu'on va? Pourquoi va-t-on naires, cela va être le même ministre. Il va falloir là? Qu'est-ce qu'on veut faire? C'est à l'Etat à qu'il y ait un sous-ministre, à un moment donné, définir cela. C'est aux citoyens du Québec à qui fasse les arbitrages. Le citoyen, quand il aura décider qu'est-ce qu'ils veulent faire avec SIDBEC. l'autorisation, il aura l'autorisation. Il n'aura pas Une fois que l'on a décidé ce que l'on veut besoin de se demander si, le lendemain, il n'y a faire avec une société d'Etat, il appartient au pas un autre ministère qui va le contredire. conseil d'administration, nommé par la loi, que le Ayant abandonné cette Direction générale des gouvernement a choisi, de réaliser évidemment le eaux il y a déjà quelques mois, nou avons égale- mandat et de faire rapport au gouvernement. ment démantelé, si on veut, la Direction générale Lorsqu'il fait rapport, il faut qu'il y ait quelqu'un au du Nouveau-Québec créée par M. Lévesque. Cette gouvernement qui le lise. Il ne s'agit pas d'envoyer Direction générale du Nouveau-Québec visait à un rapport au gouvernement, qu'on le mette sur remplir un vide que malheureusement, je dois dire, une tablette et qu'on le laisse dormir sous la M. Duplessis avait laissé. En effet, lorsque les ter- poussière. Il faut que le gouvernement s'inquiète, res du Nord ont été concédées, en 1912, au Qué- se préoccupe du fonctionnement de ses sociétés bec, les gouvernements québécois successifs d'Etat. trouvaient un peu pesant d'avoir à s'occuper des Avec le regroupement, avec les économies au Indiens, du développement et on préférait laisser niveau de l'administration, il est possible d'amélio- ce rôle à Ottawa. C'est en 1962, si je ne m'abuse, rer ce contrôle de l'homme politique sur les orien- que M. Lévesque, alors ministre des Richesses na- tations de nos sociétés d'Etat. D'autres économies turelles, devait créer la Direction générale du Nou- sont possibles, sans nécessairement réduire le veau-Québec pour forcer le gouvernement du 4444

Québec à assumer ses responsabilités. Cette oeu- pos qu'il nous a donnés ce matin. Nous avons été vre de pionnier a porté fruit. Graduellement, l'en- témoins, ce matin, d'un spectacle peu édifiant par semble des ministères s'est préoccupé du déve- le ministre, au sujet du projet de loi. C'était assez loppement du Nord et, d'ailleurs, c'est au député édifiant, par exemple, quant à l'attitude du minis- de Mont-Royal que l'on doit la négociation de l'en- tre. tente de la Baie James en vertu de laquelle chaque Le ministre a parlé d'une série de sujets: de la ministère devait assumer ses responsabilités. loi 101, des années 1960, il a parlé de nos insti- Personnellement, j'estimais que la Direction tutions politiques, il a parlé des Anglais. Je ne ferai générale du Nouveau-Québec devenait essentielle- pas la litanie de tous les sujets qui n'étaient pas ment un "colonial office". Evidemment, le député pertinents au débat de ce matin. Ce qui est le plus de Mont-Royal va dire: Qu'est-ce qu'il y a de mal à regrettable, c'est que le ministre a parlé de la avoir un "colonial office"? Enfin, nous, Québé- façon la plus dérogatoire des investisseurs du cois, n'aimons pas tellement les "colonial offices" Québec, qui sont au Québec, dans des termes que et, par conséquent, on a gardé des mauvais souve- je n'oserais même pas répéter dans cette Cham- nirs. Vous savez, ces "colonial offices" sont ces bre. Il a traité d'exploiteuses des sociétés québé- ministères horizontaux qui s'occupent des coopé- coises qui ont été fondées par des Québécois. ratives, des hôpitaux, des écoles et qui, eux, sa- Ceci pour vous dire que je ne m'abaisserai pas à vent ce qui est bon pour les autochtones, ce qui ce genre de débat. Je vais parler de la substance est bon pour les Cris, ce qui est bon pour les Inuit. du projet de loi, je vais me limiter à critiquer ce qui Or, il m'apparaît qu'il faut effectivement que cha- est dans le projet de loi, ce qui n'y est pas, mais que ministère assume ses responsabilités. Les qui aurait dû être dans le projet de loi. Je voudrais Inuit sont des citoyens québécois qui doivent pou- seulement dire que si la performance du ministre, voir s'adresser au ministère de l'Education ou au ce matin, est un avant-goût des débats référen- ministère des Affaires sociales. En d'autres ter- daires, je sympathise avec la population du Qué- mes, Mme la Présidente, la tâche du ministre des bec. Richesses naturelles s'était considérablement allé- Le ministre a mentionné l'importance des gée du fait qu'il n'avait plus la Direction générale richesses naturelles. Parce qu'il y a une impor- des eaux et du fait qu'il n'avait plus la Direction tance vitale aux richesses naturelles, aux ressour- générale du Nouveau-Québec. Par conséquent, ce ces énergétiques, j'aurais pensé que le projet de regroupement permet de créer un ministère assez loi aurait reflété l'importance que le ministre atta- costaud, assez important pour se doter de tous les che aux richesses du Québec; j'aurais pensé instruments administratifs nécessaires à une bon- qu'on aurait eu un projet de loi qui aurait été ne gestion et je pense que cela ne peut qu'aider le concis, qui aurait été précis, qui aurait défini le développement de nos richesses naturelles. mandat du ministre, les fonctions du ministre, pour M. le Président, je dois dire que cet objectif de répondre aux besoins des Québécois. Cela aurait regrouper ces ministères est ancien. M. Lévesque été vraiment une occasion pour le ministre de avait proposé cela à l'époque où il était à l'inté- remplir les engagements de son gouvernement, rieur du gouvernement libéral; il avait proposé le les engagements de son prédécesseur au minis- regroupement des Terres et Forêts et des Riches- tère, les engagements qu'il avait pris quant à la ses naturelles. Les conflits de personnalité entre formation d'un quasi superministère, les fonctions ministres avaient rendu difficile cette rationalisa- qu'il lui donnait dans le livre blanc. On en parlait tion, même si elle était désirable. page après page toutes les fonctions de ce minis- Les gouvernements qui ont succédé au gou- tère. Malheureusement, j'ai essayé de trouver, vernement libéral, qu'ils soient de l'Union Natio- dans le projet de loi, les intentions du livre blanc nale ou du Parti libéral, ont préféré à nouveau ne quant à la formation du ministère et elles ne sont pas s'immiscer dans cette question et, finalement, pas incluses. c'est l'élection du Parti québécois, avec la nomina- (16 h 30) tion d'un seul et même ministre à la tête de ces On a plutôt un projet de loi qui tend, dans la deux ministères, qui a rendu beaucoup plus facile tradition actuelle du gouvernement, à élargir les cette rationalisation administrative. C'est donc la pouvoir discrétionnaires du nouveau ministre en conséquence d'une longue réflexion, d'une orien- rendant plus vague le libellé des obligations et des tation mûrement réfléchie qui nous amène, M. le pouvoirs. J'en donnerai quelques exemples. Avant Président, avec fierté, à présenter ce projet de loi d'aller plus loin sur le projet de loi lui-même, je qui crée le ministère de l'Energie et des Ressour- voudrais répondre à quelques propos que le ces. ministre a évoqués quant aux politiques du mi- nistère. La Vice-Présidente: M. le député de Mont- Par exemple, il a mentionné que dans le Royal. domaine des pâtes et papiers, grâce à la politique du gouvernement, il y aurait des investissements M. John Ciaccia en excès de 12 milliards. Ce que le ministre a oublié de mentionner, c'est que, de ces sommes qui M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Je vois seront données, transférées ou investies par les que dans les dernières minutes de son interven- compagnies de pâtes et papiers, 60% des sommes tion, le ministre a finalement parlé du projet de loi. que le ministre a mentionnées proviendront du Je ne peux pas laisser sans commentaire les pro- gouvernement fédéral... 4445

M. Bérubé: De nos taxes! article et je reviendrai pour faire certaines sug- gestions sur ce qui aurait dû être inclus et qui a M. Ciaccia: 60%, on oublie de le dire, ça! été omis. Premièrement, je veux croire que peut-être le M. Bérubé: De nos taxes! ministre n'a pas vraiment réalisé ce que l'alinéa 10 de cet article 12 dit. Je vais le citer. Cet article M. Ciaccia: Et 40% seulement — ce n'est donne des pouvoirs au ministre — pour démontrer même pas 50-50 — proviennent du gouvernement un peu le genre de projet de loi qu'on nous pro- du Québec. Je crois que, si on veut vraiment dire pose — pour "la définition, le maintien et le res- la vérité, on ne doit pas omettre des faits saillants pect de l'intégrité territoriale du Québec". Pouvez- aussi importants; qu'on donne au moins tous les vous croire, Mme la Présidente, que c'est le faits à la population. Si le ministre croit que ce ministre qui va avoir ce pouvoir, que c'est lui qui sont des sommes qui sont payées par certaines va définir l'intégrité territoriale? Je crois bien que taxes, la population en jugera. Au moins, le le ministre ne s'y est pas référé dans son discours. ministre devrait avoir l'honnêteté de ne pas dire On ne devrait donc pas avoir trop de difficulté à seulement une demi-vérité en essayant de prendre apporter certains amendements à cet article parce tout le crédit, toute la gloire pour son ministère et que, premièrement, ce n'est pas le rôle d'un minis- son programme dans un cas semblable. tre ou d'un individu dans un gouvernement de L'autre aspect mentionné par le ministre est le donner une définition d'un territoire; ça revient au domaine minier. Il nous a démontré l'importance gouvernement entier. On peut se questionner sur des richesses naturelles au Québec. Je ne veux ce que veulent dire "le maintien et le respect" de pas sous-estimer cette richesse ou son importance cette intégrité territoriale. C'est une fonction d'un pour les Québécois, mais le ministre essaie tou- gouvernement et non pas d'un ministre. jours de traiter le Québec comme une entité Venons-en à certains articles encore plus complètement à part du Canada, comme quoi importants. Non seulement ce projet de loi donne- nous, Québécois, n'avons pas à partager les t-il des pouvoirs au ministre, mais il abroge richesses canadiennes. Par exemple, il mentionne certaines autres stipulations dans d'autres projets la production minérale au Québec. En termes de de loi. Premièrement, c'est une technique législa- pourcentage, de valeur de dollars, si on prend la tive qui n'est pas tout à fait acceptable. Si on veut production totale minérale au Canada, on en a, amender la loi d'Hydro-Québec, qu'on présente d'après les chiffres de 1978, pour $19 milliards. donc à la Chambre un projet de loi pour amender C'est la valeur globale canadienne. La valeur au la loi d'Hydro-Québec; qu'on n'essaie pas de le Québec est de $1 800 000 000, ce qui représente faire par le truchement d'un projet de loi qui va 9,3% de la valeur totale canadienne. créer un autre ministère parce qu'à ce moment-là La raison pour laquelle je porte ces chiffres à on ne peut pas, adéquatement, aller sur le fond du votre attention, c'est pour essayer de situer dans projet de loi d'Hydro-Québec, en voir exactement le contexte le débat de ce projet de loi. Si on veut, toutes les implications. pour donner encore plus de précisions sur ces Dans l'alinéa 12, on nous dit que, les pouvoirs chiffres, enlever des $19 milliards de la production du ministre comprennent "l'accélération de l'ex- minérale du Canada la production des combusti- pansion d'Hydro-Québec en lui assurant notam- bles, on constate que le Québec produit approxi- ment l'exploitation des forces hydrauliques dispo- mativement 21% de la production minérale, ex- nibles". Ceci remplace et modifie l'article qui se cluant la production des combustibles. Tout ceci lisait comme suit: D'accélérer l'expansion d'Hy- pour dire que nous devons avoir des lois au dro-Québec et lui assurer l'exploitation de toutes Québec pour promouvoir, aider et encourager forces hydrauliques non concédées — ceci est l'investissement dans ce domaine, mais il ne faut important — partout où il est économiquement pas exagérer et voir aussi les richesses que nous possible de les aménager. Nous avions dans la loi partageons, à titre de Québécois et de Canadiens, une obligation pour le ministre de se préoccuper avec le Canada. des projets qui étaient économiquement possi- Venons au projet de loi. Dans le livre blanc, bles. Aujourd'hui, le ministre nous enlève cela; il le gouvernement s'était engagé à avoir un mi- vient nous dire qu'il veut avoir, lui, le droit d'accé- nistère de l'Energie qui devait s'occuper de la lérer l'expansion d'Hydro-Québec, sans restriction, conservation, qui devait transiger avec tous les sans s'occuper si c'est économiquement valable autres ministères du gouvernement. On en faisait ou non. Il n'y aura pas de restriction, il n'y aura une grande liste on parlait du Code du bâtiment pas de contrôle sur le ministre. qui devait être refait, on pariait des relations entre On peut se demander pourquoi le ministre le ministère de l'Energie, le ministère des Travaux voudrait se donner ce genre de pouvoirs. Je vais publics et le ministère des Transports pour dé- parler d'un projet très spécifique. C'est peut-être montrer l'importance qu'on voulait accorder à ce le projet auquel le ministre songe et où il a besoin ministère. du pouvoir qu'il veut ici, un pouvoir abusif, Nous voyons que ces intentions n'ont pas été pouvoir qui peut seulement coûter plus cher aux traduites dans le projet de loi. L'article clé du contribuables, puisqu'il ne doit pas s'occuper si projet de loi qui donne les pouvoirs au ministre, c'est économiquement rentable ou non. C'est le c'est l'article 12. Je vais, pour commencer, faire projet des rapides de Lachine, le Projet Archipel. Il certaines critiques de ce qui est contenu dans cet y a eu des études par Hydro-Québec durant les 4446 années 1970, 1971, qui ont démontré que ce projet Mme la Présidente, je cite les articles 21 et 22 n'était pas rentable, qu'il y avait des problèmes du projet de loi qui amendent la Loi sur l'Hydro- techniques, des difficultés. Québec. L'article 21 est discutable sur le principe (16 h 40) même de la modification demandée. En effet, cet On nous annonce maintenant que le gouver- article demande la modification d'un article de la nement procède à une autre étape dans ce projet. Loi sur l'Hydro-Québec. Il est étonnant de voir une Est-ce que cela veut dire que le ministre va avoir le modification à la Loi sur l'Hydro-Québec dans le droit de donner des instructions à Hydro d'accé- cadre de la création du ministère de l'Energie et lérer, de produire, de construire des projets alors des Ressources. Si on avait voulu changer un arti- même qu'Hydro sait qu'ils ne sont pas économi- cle de la Loi sur l'Hydro-Québec, on aurait dû le quement rentables? Je crois, Mme la Présidente, présenter comme un amendement au projet de loi que c'est totalement abusif. Quand on parle de ou à la Loi sur l'Hydro. l'économie du Québec, quand on dit qu'on veut Mme la Présidente, il faudrait peut-être faire développer nos ressources, qu'on le fasse au un peu le bilan du ministère de l'Energie. Que moins d'après les règles de l'économie pour les nous a donné ce ministère dans les trois dernières rendre rentables. J'espère que, dans sa réplique, années? Il nous avait annoncé des programmes de le ministre va nous expliquer pourquoi il a amendé conservation. la loi pour enlever les mots "où il est économi- Mme la Présidente, je ne vois aucunement quement possible de les aménager". Cela ne s'ap- dans le projet de loi une seule référence à la pliquerait peut-être pas seulement là. Cela peut conservation, à un mandat que le ministre pourrait s'appliquer à une série de projets de loi. avoir pour implanter des programmes de conser- Si on laisse le projet tel qu'il est écrit main- vation dans d'autres ministères, pour faire des tenant, qui va payer pour? Cela va être le contri- recommandations au gouvernement. On n'en buable. Il n'y aura pas de restrictions imposées au mentionne même pas. Pourtant, dans le livre blanc ministre pour protéger le contribuable du Quéec. sur l'énergie, on en parlait. On attachait de On pourrait se demander ici ce que veut dire l'importance au programme de conservation. On accélérer. Le ministre ne voudrait-il pas plutôt dire disait qu'on effectuerait 23% des épargnes dans qu'il veut orienter, qu'il veut faire certains pro- ce domaine. Alors, il me semble que si vraiment le grammes, certaines planifications à son ministè- ministre était sincère et voulait vraiment implanter re? Sans des restrictions économiques, je crois ces programmes, il aurait dû, au moins, se confier qu'on desservirait la population si on acceptait cet ce mandat-là. On ne voit aucun mandat d'inclus alinéa, tel qu'il a été écrit par le ministre où on dans le projet de loi. parle d'accélérer. Quel autre fait pouvons-nous porter à l'atten- On pourrait mettre en doute d'autres aspects tion du ministre et de la population au cours des de ce projet de loi quand on dit que le ministre a trois dernières années? On pourrait parler des comme pouvoir "le maintien des approvisionne- pannes d'électricité. On pourrait en parler. Tous ments en énergie." Cet alinéa nous mentionne les jours, le ministre nous fait un récit de toutes qu'il est du devoir du ministre d'assurer "le main- les pannes d'électricité qui existent au Québec. Il tien des approvisionnements en énergie". Ici en- ne nous dit pas ce qu'il va faire. Il appelle les gens: core, on a le même problème qui se pose. Dans les abonnés. Ce ne sont pas des personnes, des quelles circonstances et jusqu'à quel point le mi- êtres humains, des pères de famille avec des nistre peut-il intervenir à ce niveau pour maintenir enfants. Ce sont des abonnés. Il en fait la liste tous les approvisionnements en énergie, quand on sait les jours. Quelles sont ses responsabilités? Est-ce que les approvisionnements en énergie pour 70% qu'il a assumé certaines responsabilités envers et plus viennent d'en dehors du Québec? On pour- cela? Quand on le questionne sur ces services voit à 26% environ de nos besoins énergétiques essentiels, on fait répondre le ministre du Travail. par des sources hydroélectriques, des sources Mais le mandat du ministre du Travail, c'est autochtones. On pourrait peut-être demander au d'administrer le Code du travail avec la médiation, ministre d'expliquer ce que cet article veut dire. avec toutes les différentes étapes. Mais pour les On nous dit aussi... C'est un aspect un peu redon- personnes, Mme la Présidente, au milieu de l'hi- dant du projet de loi, parce qu'il y a certains ver, au temps que nous connaissons, qui souffrent aspects du projet de loi qui sont déjà inclus dans de ces pannes d'électricité, qu'est-ce que le minis- d'autres lois. On aurait eu l'occasion vraiment tre fait? On dirait qu'il est heureux. Il est vite à se d'arriver avec une orientation, avec des pouvoirs lever à la Chambre pour nous compter le nombre qui auraient démontré le mandat que le ministre de personnes qui sont affectées, le nombre veut se donner plutôt que d'amender certaines d'abonnés; il en fait état quotidiennement. lois, d'inclure des termes qui sont déjà inclus dans un autre projet de loi. Je vais vous donner un Une Voix: II traite les propriétaires d'abonnés. exemple: "la surveillance de la qualité des pro- duits énergétiques et de la sécurité de leur distri- M. Ciaccia: Mme la Présidente, je crois que ce bution." Ce pouvoir existe déjà dans le chapitre 31 n'est pas de cette façon qu'on va prendre nos des Statuts refondus du Québec. Quelle est la responsabilités. On parle aussi du prix du pétrole. différence? Quel pouvoir additionnel le ministre se Je voudrais signaler à l'attention de cette Chambre donne-t-il? Ou il veut abroger l'autre projet de loi — je note que l'ex-ministre de l'Energie est ou bien il veut se donner d'autres pouvoirs addi- présent, peut-être qu'il va se souvenir des propos tionnels qui ne sont pas mentionnés ici. qui étaient inclus dans son livre blanc sur l'éner- 4447 gie — qu'on parlait du prix de l'énergie, à la page des balances de paiements internationaux, alors 74. On disait: "La protection du consommateur cela crée des paiements de taxes et cela force les d'énergie implique qu'en premier lieu le consom- pays à charger ces prix pour un produit qu'ils n'ont mateur obtienne son approvisionnement en éner- pas. C'est sur cela qu'on essayait d'attirer l'atten- gie à un prix équitable". C'étaient de belles tion du ministre. Ici, au Canada, nous avons ces paroles. C'était vraiment une chose sur laquelle approvisionnements. Non seulement 60% des ap- toute la population pouvait être d'accord. Plus provisionnements pétroliers au Québec viennent tard, on disait: "Pour empêcher d'éventuels abus, de l'Alberta mais l'objectif du gouvernement fédé- le gouvernement dispose déjà d'un pouvoir d'in- ral est l'autosuffisance pour 1990. tervention qui semble suffisant. Un amendement Je comprends bien que le ministre est pris apporté à la Loi sur le commerce des produits avec son option politique. Il prône l'indépendance. pétroliers permet, en effet, au gouvernement, sur Alors, c'est difficile pour lui de dire: Je veux être la recommandation du ministre délégué à l'Ener- indépendant, je veux la séparation du Québec gie, de contrôler la répercussion au niveau du mais je veux me fier sur les sources pétrolières consommateur d'une augmentation du prix du canadiennes. Il y aurait là, clairement, une contra- pétrole brut et, enfin, de fixer le prix des produits diction totale. Alors, il ne peut pas le dire. Il est pétroliers sur tout ou une partie du territoire forcé de dire qu'il va traiter l'Alberta comme les québécois". autres pays étrangers, qu'il va traiter le Canada comme il traiterait le Moyen-Orient. De cette Une Voix: C'était trop bon; ils l'ont changé. façon, il ne peut pas insister auprès du gouver- nement fédéral pour les bénéfices qui, vraiment, M. Ciaccia: C'étaient les propos du livre blanc devraient être les nôtres. Heureusement, même si sur l'énergie. On est entièrement d'accord sur ce le gouvernement du Québec n'a pas fait de paragraphe, mais on voudrait voir comment cela représentations, d'autres en ont fait. Je crois que se traduit dans les actions du ministre ou dans le les prix que nous payons maintenant, même avec projet de loi. Mme la Présidente, depuis quelques l'augmentation de la taxe d'accise, même avec mois, en réponse aux questions en Chambre, l'augmentation de l'année 1980 de $4 le baril... avant que le gouvernement fédéral nous donne les Seulement pour donner un exemple: A la fin de augmentations, ces prochaines années, du prix du 1980, le prix que nous allons payer le pétrole ici pétrole, la position du ministre de l'Energie était: II sera encore moins que le prix, par exemple, qu'on faut payer le prix mondial. Quelles représentations paie dans l'Etat de New York. Cela, après la taxe faisait-il auprès du gouvernement fédéral? Il nous d'accise et l'augmentation stipulée dans le budget disait que c'était le prix mondial et qu'il fallait fédéral. transiger avec l'Alberta, avec d'autres sur les Ceci pour dire que le projet de loi ne reflète matières énergétiques, comme si c'était une ma- pas la réalité du Québec, ne reflète pas les obli- tière commerciale ordinaire. gations que le ministre de l'Energie a envers le (16 h 50) Québec, ne reflète pas la coopération que le Où étaient les propos du livre blanc à ce ministre de l'Energie devrait avoir avec les autres moment-là? Pourquoi ne représentaient-ils pas les provinces, avec le gouvernement fédéral. On ne consommateurs du Québec? Heureusement que le voit rien dans le projet de loi qui donne ce mandat gouvernement fédéral n'a pas monté au prix au ministre, sur lequel mandat on pourrait juger le mondial. Cela n'est pas grâce aux représentations ministre à la fin de l'année quand il fait son du gouvernement du Québec. Quand on attire son rapport. Non, le projet de loi 72 est totalement attention sur cela, le ministre veut nous le faire silencieux sur des aspects très importants. oublier. Il essaie de détourner le sujet. Quand on Je ferais certaines suggestions, par exemple, attire l'attention du ministre sur le fait que le prix sur ce que devrait contenir le projet de loi sur le du pétrole, dans des pays indépendants qui n'ont mandat du ministre, sur les fonctions du ministre. pas de pétrole, est trois ou quatre fois le prix Je ne parle pas ici de la section des terres et qu'on paie au Québec, le ministre tourne cela en forêts, de la section des richesses naturelles parce dérision. Il fait de l'humour avec cela. que cela existe déjà. On prend trois ministères et Je voudrais citer, Mme la Présidente, le docu- on les regroupe. On regroupe ces trois ministères ment budgétaire du gouvernement fédéral. On pour en faire un. pourrait citer une série d'autres documents mais L'aspect nouveau du projet de loi c'est l'as- je cite seulement ceci: Au Royaume Uni, les prix pect qui concerne le ministère de l'Energie. Par de détail sont de deux fois et demie ceux du exemple, quand je vois que le ministre... Je cite le Canada. Dans des pays tels l'Allemagne de ministre dans ses propos de ce matin: Si on a un l'Ouest, la France et l'Italie, les prix sont de trois à tout petit ministère des Richesses naturelles, com- quatre fois plus élevés qu'ici. Cela est exact. Ce me les libéraux l'ont gardé... Mme la Présidente, je n'est pas $0.30 de plus le gallon ou de $0.25 de voudrais rappeler au ministre des Richesses natu- plus; c'est trois à quatre fois plus; c'est $3 à $4 le relles que le premier ministre actuel était le gallon équivalent. C'est clair. La population doit le ministre des Richesses naturelles dans le gouver- savoir. C'est parce que ces pays qui sont indé- nement libéral. Je crois que ce genre de propos pendants n'ont pas de pétrole sur leur territoire. n'ajoute rien à la discussion et à l'essai d'expli- Forcément, ils doivent l'acheter sur le marché cation du projet de loi et de ce qu'il devrait international et il faut qu'ils paient pour cela. Il y a inclure. Je vais faire certaines suggestions au 4448 ministre concernant ce qu'un projet de loi devrait ment, le développement des ressources énergéti- inclure pour vraiment s'assurer que le ministre ques du Québec. pourrait remplir son mandat pour le bénéfice de (17 heures) tous les citoyens. Un projet de loi, ici, c'est comme Ce serait un rôle sur lequel on pourrait juger dire au ministre: Voici ce que vous allez faire. le ministre, ce serait un rôle qui décrirait en réalité Voici ce qui est votre rôle. Quand le ministre, par ce que le ministre devrait faire dans ce domaine. exemple, nous fait toute une explication, comme il De plus, il devrait faire des recommandations en l'a fait cet après-midi, sur le mécanisme et dit: II y ce qui a trait aux priorités et au développement de avait quatre vocations, terres et forêts, mines, la recherche. Je vois qu'il y a déjà une disposition énergie et richesses naturelles, il nous explique la dans le projet de loi qui traite de la recherche; j'y mécanique des sous-ministres et le regroupement. reviendrai tantôt. C'est seulement la mécanique, Mme la Prési- Sur tous les aspects de l'énergie qui sont im- dente, cela n'explique pas les orientations. Cela ne portants, comprenant la conservation, le nouveau nous donne pas une idée de la direction où le ministre de l'Énergie est-il moins préoccupé que ministère va aller. Cela donne l'administration du l'ancien ministre de l'Energie. L'ex-ministre de ministère comme dans tous les autres ministères. l'Energie en avait des préoccupations; il l'a écrit Chaque ministère a un sous-ministre et des sous- dans son livre blanc. Cela aurait dû être un enga- ministres adjoints. Cela ne nous aide pas à com- gement du gouvernement, parce que la question prendre la direction vers laquelle le ministère doit de conservation, cela devient de plus en plus im- s'en aller dans ses politiques, la vocation du minis- portant. On a un projet de loi qui est vraiment tre ou ses fonctions. Ce qu'un projet de loi, par quelque chose d'incroyable. On crée un ministère exemple, devrait dire, c'est que le ministre doit de l'Energie et un des aspects les plus importants revoir la question énergétique en rapport avec les de toute la question énergétique, la conservation, objectifs de court et de long termes se rapportant n'est même pas mentionné dans le document. aux besoins énergétiques du Québec. Ce serait Si vous lisez ce document-ci, la question de la une fonction du ministre. On pourrait vraiment conservation de l'énergie, ce n'est pas la respon- dire: Voici ce que le ministre devrait répondre, sabilité du ministre de l'Energie. A qui appartient devrait faire pour le bénéfice des contribuables du cette responsabilité? Est-ce qu'on le retrouve dans Québec. Revoir toute la question énergétique à un autre document? Evidemment non. Ce n'était court terme et à long terme parce qu'il y a des pas une de ses priorités. Je crois que la priorité du problèmes peut-être, à court terme, des problè- ministre, c'est de vraiment charrier contre le fédé- mes, par exemple, ici, durant l'hiver. Il y a les ralisme. Cela est sa priorité, mais vraiment s'occu- questions d'approvisionnement, Mme la Présiden- per des intérêts du Québécois, ce n'est pas priori- te. Comment le ministre va-t-il remplir cette obliga- taire. tion de nous dire qu'il y a des approvisionnements suffisants et de se fier à lui quand il dit: C'est le Une Voix: Ce n'est pas un ministre, c'est un gouvernement qui va s'en occuper? Est-ce que minus. cela répond aux besoins des Québécois? Cela M. Ciaccia: On devrait référer à la conserva- devrait être un des rôles, une des fonctions du tion, on devrait référer à l'utilisation et au dévelop- ministre. pement des nouvelles sources d'énergie. Dans le Deuxièmement, le ministre devrait avoir un livre blanc, on faisait grand état des nouvelles rôle de conseiller et assister le gouvernement dans sources d'énergie. Cela peut devenir de plus en ses transactions avec d'autres gouvernements con- plus important, parce qu'il va falloir trouver des cernant les questions énergétiques, parce que si alternatives au pétrole, il va falloir trouver d'autres on avait l'autosuffisance, on pourrait dire, qu'on sources, parce qu'on nous avertit dans tous les ne s'en occupe pas, que c'est moins important, pays producteurs que cela se peut qu'il y ait de nos transactions avec d'autres gouvernements. moins en moins de production, que les pays eux- Mais c'est absolument vital qu'on ait, première- mêmes vont utiliser ces produits et qu'éventuelle- ment des relations, des transactions avec d'autres ment ils vont être épuisés. Alors, cela devrait être gouvernements, qu'on le reconnaisse et que ce une des préoccupations principales du ministre de soit une coordination, une collaboration avec le trouver des nouvelles sources d'énergie et cela de- gouvernement fédéral et les autres gouvernements vrait faire partie, il me semble, du projet de loi. provinciaux des provinces productrices. Ici, on Les sujets que je viens de mentionner auraient verrait l'orientation, le rôle du ministre dans le dû être au début du projet de loi; cela aurait dû domaine énergétique. être les clauses les plus importantes. Ce n'est pas Troisièmement, le ministre devrait faire des important pour le Québécois de lire que le minis- recommandations pour la bonne coordination de tre va accélérer le développement à Hydro-Qué- toutes les questions énergétiques du gouverne- bec, que cela soit économiquement rentable ou ment, tout en visant à s'assurer de l'application non. Cela laisse des inquiétudes dans la popula- logique de la politique. Plus spécifiquement, ici, tion. Mais la question d'utiliser et de développer on peut donner une liste des points importants du de nouvelles sources d'énergie, la question de rôle du ministre dans certains secteurs spécifi- conservation, c'est important. Cela aurait démon- ques. Premièrement, la suffisance des approvi- tré vraiment que le ministre s'occupe des vraies sionnements. Deuxièmement, les prix. Troisième- priorités. On les oublie complètement. 4449

Les suggestions que j'ai faites quant aux diffé- ministre l'enlève, dans son projet de loi. Est-ce rentes inclusions dans le projet de loi, je ne m'en que cela veut dire qu'il ne veut plus aider les peti- cache pas, je les ai trouvées dans la loi créant un tes entreprises, qu'il ne veut plus fournir ce genre ministère de l'Energie dans la province de l'Onta- d'aide? On pourrait dire que c'est inclus dans rio. Je me suis dit: Je vais faire une comparaison. l'établissement de laboratoires de recherche, mais On nous présente un projet de loi et je me suis dit: ça ne l'est pas. Il faut préciser, il faut spécifier ce Voyons ce que les autres juridictions, ce que les qu'on veut faire et ne pas tout laisser à la discré- autres provinces font. L'Ontario, cela doit être tion du ministre. Que ce soit ce ministre-ci ou un comparable, parce que l'Ontario, non plus, n'a pas autre, lui laisser la discrétion, cela veut dire qu'il y de sources de pétrole. L'Ontario se fie sur la pro- aura des oublis, que certains droits seront enlevés duction hydroélectrique, sur le gaz naturel, de la à des contribuables. J'ai donné cet exemple pour même façon que nous allons nous y fier de plus en démontrer une autre faille, une autre défectuosité plus. dans ce projet de loi. Or, j'ai vu que ce ministère de l'Energie avait On a parlé des politiques du gouvernement été créé durant la crise énergétique en 1973 et on dans le domaine énergétique. Je n'en ai pas vu. Le voit ses priorités. Cela aurait été une des choses ministre n'a pas parlé de la question des prix. Mais les plus faciles, comme je l'ai fait, d'aller voir ce maintenant que le gouvernement fédéral a donné qu'une autre province faisait et si les mandats des indications sur les prix, tout à coup, le minis- confiés au ministre répondaient aux besoins de la tre dit: C'est moi qui ai défendu les Québécois! population. Le ministre aurait pu faire la même Après le fait, il les défend. Je ne sais si la popula- chose et s'assurer que les mandats qu'il confiait à tion va vraiment le croire. Le projet de la Baie son ministère de l'Energie incluaient les priorités James, on en a déjà parlé; c'est une réalisation de des citoyens. l'ancien gouvernement. On n'en a pas trop parlé C'est malheureux qu'il ne l'ait pas fait. Je puis aujourd'hui, le ministre n'y a pas trop référé. Il a vous assurer que nous allons lui suggérer certains dit que la Direction générale du Nouveau-Québec amendements, en commission parlementaire, pour sera maintenant remplacée par d'autres organis- bonifier ce projet de loi parce qu'il est totalement mes. C'est remplacé, mais à la suite de la création inadéquat. Il amende d'autres lois, il omet ce qu'il de certains organismes dans le Grand-Nord, de devrait avoir, il est redondant sur certains aspects. gouvernements régionaux, des corporations muni- Un autre aspect où on constate l'inexactitude cipales, et cela a encore été fait sous l'administra- est le domaine de la recherche. Un article dit que tion du gouvernement précédent, du gouverne- le ministre sera responsable de l'établissement de ment libéral. Au fur et à mesure que tous les orga- laboratoires de recherche minéralogique, métal- nismes sont mis en place, des projets de loi ont lurgique, hydraulique, forestière et énergétique. été adoptés durant les deux dernières années pour Ceci remplace, dans la Loi sur le ministère des ri- donner effet à l'entente de la Baie James, mais na- chesses naturelles, un article qui parlait de la turellement, il n'y avait plus de nécessité pour la question des recherches et qui faisait un genre Direction générale du Nouveau-Québec qui — di- d'obligation au ministère de s'assurer qu'il y aurait sons-le, donnons le crédit — avait été instituée de la recherche dans le domaine privé, de s'assu- pour des raisons très spécifiques et qui a accompli rer qu'il y aurait une stimulation à la recherche. On son mandat pour établir une présence dans le voyait le mandat que le ministère aurait et on Grand-Nord et essayer d'établir certains services voyait l'obligation du ministère de s'assurer non aux résidents de ces endroits. seulement que le gouvernement pouvait entre- (17 h 10) prendre certains projets de recherche, certaines Mais l'approche que nous avons prise — l'an- études lui-même, mais ce qui est encore plus im- cien gouvernement — c'était que tous les minis- portant, stimuler la recherche dans le secteur tères devaient être impliqués dans le Grand-Nord privé. et c'est pour ces raisons qu'on a institué certains Je me demande pourquoi tous ces aspects, organismes pour remplacer la Direction générale qui étaient déjà dans le projet de loi, ont été enle- du Nouveau-Québec. vés. On essaie de faire des réformes, on essaie Il y a un autre aspect dans le projet de loi qui d'améliorer la loi en n'incluant pas ce qu'il y a de devrait être inclus et qui a été omis. On dit que le bon. Je peux vous donner quelques exemples qui ministre est responsable pour les sociétés d'Etat, étaient contenus dans le projet de loi et qui sont pour Hydro-Québec. On ne voit rien dans le projet maintenant abrogés. On disait: Aider les entrepri- de loi, par exemple, à l'obligation de donner ses minières et métallurgiques à perfectionner les certaines informations pour la tarification. On procédés, etc. Il y avait une obligation, pour le avait fait des suggestions quant à la tarification, gouvernement de fournir de l'aide à l'entreprise que celle-ci ne devrait pas être exclusivement privée, mais je sais que le ministre n'est pas trop déterminée par le Conseil des ministres. On fait favorable à l'entreprise privée, spécialement si ce cette tarification, ces augmentations sans donner sont des multinationales; je ne répéterai pas tous l'information au public. On avait suggéré une régie les propos du ministre ce matin. pour avoir des auditions publiques; on admet que Une autre obligation était de fournir à la petite le pouvoir final, décisionnel, appartient au gouver- industrie les services de laboratoire que ses res- nement, au Conseil des ministres. sources financières ne lui permettent pas d'établir. Mais, dans le projet de loi, le ministre aurait C'est une obligation qui existe actuellement et le dû s'assurer — et c'était l'endroit idéal; je ne parle 4450

pas de la régie, je ne parle pas de la question de Mme la Présidente, ce sont les commentaires tarification; c'est un autre sujet qui devrait faire que j'ai à faire sur ce projet de loi. Je trouve que le partie d'un autre projet de loi — que les infor- ministre a vraiment manqué une occasion idéale mations nécessaires soient fournies, soit au minis- de nous donner un projet de loi sur la création tre, soit au public, par les sociétés d'Etat, que ce d'un ministère de l'Energie qui aurait vraiment soit Hydro-Québec pour la question de tarification, répondu aux fonctions que le ministre doit avoir que ce soit les autres sociétés d'Etat qu'il a men- et a, qui aurait répondu aux besoins de la popula- tionnées dans d'autres domaines. C'aurait été tion. Malheureusement, on nous donne un projet l'occasion idéale pour démontrer que, vraiment, il de loi qui, à mon avis, est un recul. D'après la comprenait le problème, que le public devrait direction dans laquelle l'ancien ministre de l'Ener- avoir toutes les informations, non seulement le gie s'en allait et les propos du livre blanc sur la public mais le ministre lui-même, avant de faire politique énergétique, où on parlait de la création une recommandation, avant que le Conseil des d'un ministère de l'Energie, on avait vraiment l'im- ministres soit saisi de la demande de tarification. pression que c'était un des superministères. Une certaine obligation de la part d'Hydro-Québec Il n'y a aucune raison pour que ce ne le soit de fournir des informations. On aurait pu inclure pas à cause de l'importance de l'énergie pour dans le projet de loi le genre d'informations qu'on notre économie, l'importance des approvisionne- voulait. ments, l'importance des prix, l'importance de la conservation, l'importance pour le ministère d'être Une Voix: C'est dans la Loi sur Hydro-Québec. capable de dire au ministre des Travaux publics: II faut que les lumières s'éteignent à 17 heures. Il M. Ciaccia: Ce n'est pas suffisant, je le sais. aurait dû avoir l'obligation et le pouvoir de le faire, Le ministre des Institutions financières me dit que de dire au ministère de l'Education: Vous allez c'est dans la Loi sur Hydro-Québec. Mais, juste- fermer les lumières dans les écoles à telle heure ment, ce n'est pas suffisant. On aurait pu préciser. pour faire vraiment de la conservation d'énergie. Même avec la Loi sur Hydro-Québec, pour les Cela aurait été l'occasion idéale et on aurait dernières tarifications que le gouvernement a appuyé ces mesures, ces pouvoirs que le ministère acceptées, trois années de suite, sans auditions de l'Énergie devrait avoir. publiques, ainsi de suite, on n'avait pas les Non seulement n'a-t-il pas ces pouvoirs, mais informations. Et si les députés n'avaient pas ces il ne mentionne même pas la question de la con- informations, que pensez-vous du public? Je com- servation. C'est une lacune. Je me demande com- prends, Hydro-Québec a dit: On a besoin de l'aug- ment le ministre a pu omettre même de mention- mentation parce qu'on va faire tant de déboursés, ner le mot "conservation" dans son projet de loi. tant d'emprunts; on va appliquer un taux 1,25, des On parlait des différentes vocations, non pas d'un formules financières. Mais cela n'aide pas le con- ministère de l'Energie et des Ressources, pas des tribuable, cela n'aide pas à comprendre les diffé- terres et forêts ou des richesses naturelles, mais rentes classes de tarification et tous les détails, de la vocation d'un ministère de l'Energie. Je cite toutes les informations. Je pense que c'est impor- un extrait du livre blanc: "Le ministère de l'Ener- tant que les députés aient au moins cela pour gie aura un rôle de conseil auprès du gouverne- qu'ils l'expliquent à leurs électeurs. Cela aurait été ment pour ce qui concerne les sociétés d'Etat l'occasion parfaite de l'inclure. intervenant dans le secteur de l'énergie. Enfin, le Le ministre des Institutions financières réfère ministère de l'Energie, en collaboration avec les à la Loi sur Hydro-Québec; vous l'amendez déjà la autres ministères, conseillera le gouvernement Loi sur Hydro-Québec; vous enlevez la redevance pour toutes les interventions, etc." On ne le voit de $20 millions suite au budget du ministre des pas dans le projet de loi. On ne lui accorde pas ce Finances. Vous avez fait cet amendement; je ne rôle. Je dirais même que les articles dans le projet suis pas d'accord qu'on amende la Loi sur Hydro- de loi touchant strictement le ministère de l'Ener- Québec dans une loi qui crée un ministère. Mais, gie sont très restreints. Ils sont réduits. Il n'y en a une fois que vous avez fait cela, vous auriez pu pas beaucoup. Il y en a quelque-uns. C'est totale- ajouter un autre amendement, un amendement qui ment inadéquat pour nos besoins et cela ne cor- aurait été vraiment important pour nous, pour respond pas du tout à la réalité. nous donner ce genre d'information, et certains Je ne saisis pas l'occasion, comme l'a fait le délais aussi; au mois d'août, ou septembre, quand ministre ce matin, pour commencer à parler du on demandait l'augmentation de tarification, on ne fédéralisme, quoique je pourrais bien le faire pour nous donnait les mémoires — si on était chan- justifier certaines mesures qui devraient être inclu- ceux — qu'une semaine avant, des fois que trois ses. ou quatre jours avant. En somme, Mme la Présidente, on est déçu. Je On aurait pu imposer certains contrôles, cer- suis déçu de voir le projet de loi rédigé de cette tains délais minimaux pour nous permettre d'avoir façon. Je peux assurer le ministre que nous allons ces renseignements, pour nous permettre de po- faire l'effort d'apporter des amendements pour ser les questions nécessaires et pour nous permet- nous assurer qu'on puisse définir clairement le tre d'informer le public. Je crois que cela n'aurait mandat et les responsabilités du ministre. Merci. pas été contre les intérêts du gouvernement. Cela aurait aidé le gouvernement parce que je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous accuser de ne pas La Vice-Présidente: M. le député de Rich- nous donner d'information. mond. 4451

M. Yvon Brochu permettent de rendre service davantage à nos concitoyens en moins de temps et d'abattre plus M. Brochu: Merci, Mme la Présidente. J'aime- de besogne, parce que, justement, on améliore les rais également à mon tour apporter quelques méthodes. Je pense que c'est la même chose au commentaires sur la deuxième lecture de ce projet niveau des ministères et des responsabilités qu'on de loi no 72 qui est devant l'Assemblée nationale confie à un ministre en titre. C'est l'expérience et qui vise à créer, en fait, et à organiser le que le ministre, en somme, nous a livrée en quel- ministère de l'Energie et des Ressources, à fusion- ques mots tout à l'heure, lorsqu'il a indiqué que ner ces domaines sous le chapeau et la respon- maintenant il se sentait également lui-même da- sabilité d'un seul ministère et sous la juridiction vantage en mesure d'exercer une responsabilité d'un seul ministre, soit l'actuel ministre qu'on plus grande à cause de la compétence des gens reconnaît comme étant celui qui est responsable qui pouvaient l'entourer et de l'expertise que lui et de l'énergie et des ressources. son entourage ont maintenant dans ce domaine. (17 h 20) D'ailleurs, que l'on partage ou non, M. le Pré- Mme la Présidente ce projet de loi survient à sident, les idées du ministre ou ses approches un moment passablement important, à un moment politiques je pense qu'il faut reconnaître — cer- qu'on pourrait dire stratégique surtout sur le plan tains journaux l'ont souligné et lui ont rendu hom- de l'énergie, avec les situations difficiles que l'on mage — l'acharnement de ce ministre, son esprit connaît actuellement au pays et sur le continent de travail et le sérieux qu'il met dans ses dossiers. américain, plus particulièrement en ce qui concer- Comme je vous le dis, qu'on soit d'accord ou non ne les approvisionnements, les stocks actuels et avec le contenu de son approche ou du travail les conditions de travail en ce qui concerne, par qu'il fait en Chambre, des propositions qu'il fait à exemple, la distribution actuellement au niveau l'Assemblée nationale, c'est un ministre qui travail- des compagnies qui sont en grève, comme Pétro- le avec beaucoup de sérieux et qui démontre une fina, Shell, Texaco, etc. Je pense qu'on n'a pas capacité de travail peu ordinaire. besoin de faire un portrait tellement détaillé de la situation pour que tous comprennent qu'à ce mo- Une Voix: Qui cela? ment-ci, Mme la Présidente, la situation sur le plan énergétique est passablement sérieuse. L'adop- M. Brochu: M. le Président, j'aimerais conti- tion de ce projet de loi, qui vise à regrouper sous nuer mes remarques sur ce projet de loi. Evidem- un même chapeau, sous une même responsabilité ment, la création d'un ministère, comme le propo- l'ensemble des secteurs impliqués, revêt donc une se le projet de loi 72 qui est devant nous, peut importance beaucoup plus grande à ce moment-ci donner lieu à une discussion fort large. On peut qu'à un autre moment dans le passé, disons, tout remettre en question, rediscuter et réanalyser surtout par le fait que cette situation, dans le con- tout ce que touche directement ou indirectement texte énergétique, est survenue d'une façon pas- le ou les ministères concernés, à partir des bud- sablement soudaine et imprévisible, il y a de cela gets jusqu'à la politique d'ensemble, en passant pas des décennies et pas trop d'années non plus. par toutes les questions d'ordre technique qui Donc, on ajoute essentiellement aux respon- peuvent se poser dans un domaine ou dans un sabilités du ministre des Terres et Forêts les res- autre des activités qui sont couvertes par le minis- ponsabilités liées à l'énergie. Le ministre lui-même tère. Ce n'est pas mon intention à ce stade-ci, au — je commencerai mon intervention là-dessus, niveau de la deuxième lecture, d'entreprendre un Mme la Présidente — a démontré son esprit de large débat sur l'ensemble théorique des actions travail et sa capacité de s'atteler à des dossiers, de du ministère ou de faire une analyse en profon- posséder ses dossiers et d'être capable de les deur du cheminement du ministère depuis son défendre avec hardiesse et connaissance. Je pen- existence et ainsi de suite. J'aimerais de façon se qu'il est capable d'ajouter, même si cela peut plus particulière — c'était là le sens de mes être pesant au point de vue du travail, cette sur- premiers propos, M. le Président — m'attarder charge aux responsabilités déjà pesantes qu'il quelque peu sur la situation pétrolière. C'est donc avait. Mais, comme il l'a indiqué lui-même, lors- la nouvelle responsabilité qu'on confie au ministre que avec le temps un ministre responsable en arrive Bérubé et ce n'est pas la moindre dans le contexte a s'entourer d'une équipe de plus en plus compé- que nous vivons actuellement. tente et à laquelle il peut déléguer certaines res- C'est peut-être plus dans ce sentier que j'ai ponsabilités, je pense qu'à ce moment-là il peut l'intention d'orienter mon intervention pour étaler faire face à des responsabilités de plus en plus certaines situations, pour poser également certai- larges avec efficacité. nes questions auxquelles le ministre aura l'occa- La même chose — je pense que c'est l'expé- sion de répondre dans son discours de réplique rience de tous les parlementaires dans cette ou au cours de l'étude, article par article, du projet Chambre — s'applique à tous les parlementaires de loi. Ce sont des préoccupations que j'ai actuel- qui, au début d'un mandat sont peut-être aux pri- lement, au nom de ma formation politique, et des ses avec certaines difficultés et trouvent le travail questions que les citoyens du Québec également d'un député débordant, parce que leur méthode peuvent se poser dans le contexte de la crise de travail n'est peut-être pas ajustée. On sait que pétrolière que l'on vit dans le moment. Le ministre c'est toujours passablement exigeant, mais, avec aura peut-être la gentillesse de répondre à ces le temps, on arrive à développer des méthodes qui questions, lors de sa réplique en deuxième lectu- 4452 re. Je pense que cela pourrait être de nature à M. Bérubé: II va pouvoir l'introduire en même avancer nos travaux. temps dans son intervention. M. le député de J'aurais aimé poser ces questions lors de la Richmond vient de mentionner qu'on s'en remet- question avec débat, vendredi dernier. Je profite tait au plan fédéral concernant le rationnement et donc de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui que le plan québécois ne pourrait pas être en pour les ramener puisque, vendredi dernier, j'étais oeuvre d'ici un an, un an et demi. Je ne sais pas si retenu, comme vous le savez, M. le Président, à le député de Richmond sait qu'en vertu de la loi une réunion de leaders parlementaires, ce qui m'a C-42, le gouvernement fédéral s'est approprié, sur empêché de participer à cette question avec débat le plan constitutionnel, le pouvoir de légiférer qui avait été demandée par le député de Mont- dans ce domaine et qu'il ne serait pas possible Royal. pour nous de légiférer sans qu'il y ait une volonté Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais parler fédérale de nous le permettre. Cela explique de la question du rationnement d'essence qui peut, pourquoi il y a une différence entre les deux, éventuellement, être imposé par le gouvernement pourquoi le Québec ne peut pas être prêt au fédéral, advenant des baisses dans les approvi- moment où Ottawa est prêt. sionnements. Le Québec — cela a été souligné par le ministre à l'Assemblée nationale — s'en remet, M. Brochu: Merci. Je suis content que le pour le moment, aux mécanismes fédéraux devant ministre souligne cet aspect à ce moment-ci. Cela jouer, le cas échéant, dans une situation comme me permettra d'enchaîner directement sur ses celle--là. On dit que selon le nouveau programme propos. C'est une question qui est quand même fédéral, si par hasard, les exportations d'huile importante puisque je l'associe directement à la brute baissent de 11%, à 7%, on mettra en branle question de l'approvisionnement par le Québec en ce fameux programme de restrictions fédérales matière pétrolière. On sait qu'actuellement les actuel auprès des grandes sociétés pétrolières. On approvisionnements sont régis par le gouverne- dit également — c'est le Globe & Mail qui rappor- ment fédéral. C'est d'ailleurs le ministre Hnatyshyn tait cela à Toronto récemment, je crois — que si la lui-même qui a pris en main — je l'ai indiqué baisse des exportations atteint plus de 20%, le récemment dans une question — les négociations rationnement entrera en vigueur immédiatement. Il avec le Mexique pour un approvisionnement supé- n'y aura pas d'autres discussions là-dessus, ce rieur en pétrole pour le Canada. sera applicable de façon automatique. Cependant, j'avais indiqué au ministre à ce Le Québec, comme je l'ai indiqué, de son moment-là, dans des questions que j'ai posées ici côté, sur cette question, advenant une pénurie des à l'Assemblée nationale, qu'on sait qu'il existe une produits pétroliers cet hiver ou, le cas échéant, un société d'Etat — le ministre y a fait allusion tout à hiver subséquent — je pense qu'on doit vivre de l'heure — qui s'appelle SOQUIP dont le président, plus en plus à court terme dans ce secteur — s'en M. Cloutier, s'est rendu dernièrement au Mexique remet au gouvernement fédéral. Le ministre, dans pour explorer le terrain pétrolier justement. M. une réponse qu'il a donnée à une de mes ques- Cloutier est revenu en disant que la société tions la semaine dernière, a indiqué que le plan PEMEX, qui est la société des pétroles mexicains, provincial ou le plan du Québec, en matière de était prête à négocier des approvisionnements en réaction à une pénurie, prendrait environ un an et pétrole avec le gouvernement du Québec à condi- demi à être appliqué de façon raisonnable pour tion d'avoir, évidemment — c'est là le sens de la donner les résultats escomptés. C'est donc dire remarque du ministre également — et c'est là le qu'au moment où on se parle, au moment où le sens de l'indication du ministre — un mandat pour gouvernement fédéral a clairement indiqué son le faire du gouvernement fédéral. intention de démanteler la société Pétro-Canada, (17 h 30) au moment où le gouvernement fédéral a en main Je pense que c'est exactement la situation. Ce les outils pour passer à l'action advenant une sont les propos, ou à peu près, que le ministre pénurie, le gouvernement du Québec, de son côté, m'avait transmis dans sa réponse aux questions. a quand même un plan d'action qui serait très lent Le président de SOQUIP avait indiqué, à ce à mettre en marche. On s'en remet donc unique- moment, qu'il serait intéressant pour le Québec ment au plan d'action fédéral. S'il devait arriver d'explorer cette avenue et de se préparer, le cas une situation soudaine — c'est cela surtout qui est échéant, au cas de pénurie. Ce que j'avais souli- à craindre dans ce secteur, on sait que cela est gné au ministre, c'est qu'on ne devait peut-être déjà arrivé, qu'il y a eu des menaces que cela pas attendre pour faire ces démarches, qu'on soit puisse arriver maintenant et ce n'est pas impossi- devant un fait accompli, qu'on soit devant une ble que cela se produise — on serait peut-être coupure d'approvisionnement ou devant un pro- dans... blème international politique grave qui pourrait nous mettre devant une situation où le Québec M. Bérubé: M. le Président, je peux apporter n'aurait à peu près pas de marge de manoeuvre, une précision au député de Richmond. peut-être pas le Canada non plus. On sait combien actuellement, sur le plan international, il y a des Le Vice-Président: Avec son consentement. fluctuations dans les situations et, en un clin- d'oeil, ce qu'on croyait assuré peut devenir fort M. Brochu: Oui. inquiétant. On a vu l'embargo en 1973. La crise 4453 iranienne a mis les Etats-Unis presque à genoux, le devant la situation que, si le Québec avait à se secrétaire d'Etat est obligé de faire des courbettes débattre dans une situation d'urgence, il devrait en pays européens actuellement pour demander à compter un an ou un an et demi d'action ou de tout le monde de bien vouloir l'aider auprès de mise en branle de procédés quelconques pour l'Iran et ainsi de suite. faire face à une situation. Je pense que c'est la C'est donc dire, M. le Président, que la responsabilité de ce gouvernement essentielle- moindre situation, dans des pays qui n'ont pour- ment de se donner tous les outils par sagesse, si tant pas d'importance majeure, peut remettre en vous voulez, au point de départ, pour être capable cause toute notre situation et toute la sécurité de de faire face aux situations qui pourraient avoir à nos pays et en particulier du Québec en matière se produire. Je demande au ministre, dans sa d'approvisionnement de produits pétroliers. J'a- réplique, de faire le point sur cette question et de vais insisté, à ce moment, et j'enchaîne encore sur nous dire clairement si c'est son intention de la question du ministre, pour demander au minis- demander un mandat pour sa société. Je pense tre responsable du Québec, qui est devant moi que le président a indiqué clairement qu'en ce qui actuellement, s'il avait demandé le mandat, pour le concerne il serait prêt à agir dans les plus brefs sa société d'Etat SOQUIP, de pouvoir négocier les délais, si le mandat lui était fourni évidemment. approvisionnements de pétrole mexicains elle- Maintenant, sur cette même question énergé- même. Le ministre ne m'avait pas répondu à ce tique, lors de l'étude des crédits du ministère en moment. Il m'avait répondu d'une façon générale, avril 1977, j'avais posé un certain nombre de il m'avait dit que le mandat n'avait pas été questions sur la situation dans l'approvisionne- demandé, mais ne m'avait pas dit qu'il avait ment et le stockage en matière pétrolière. Le l'intention de le demander. On avait indiqué sim- ministre responsable m'avait donné certaines ré- plement que la loi québécoise prendrait beaucoup ponses dont j'aimerais livrer le contenu rapide- de temps à être appliquée, qu'il s'agissait de ment à l'actuel ministre pour bien se resituer dans mettre plusieurs mécanismes en branle, au niveau le cadre des préoccupations qui sont les miennes de SOQUIP également. au moment où je fais ce discours de deuxième Tout ceci pour dire finalement, c'est ce que lecture. j'ai compris de ses propos, qu'il n'était pas de l'in- Je cite le journal des Débats. C'est le ministre tention du gouvernement du Québec de demander Joron qui parle à ce moment: "Je voudrais briève- ledit mandat du gouvernement fédéral pour per- ment répondre à quelques points qu'a soulevés le mettre à SOQUIP d'avoir au moins en main l'outil député de Richmond. En ce qui concerne l'entre- nécessaire, le cas échéant, pour être capable posage, le député de Richmond semblait en faire d'agir indépendamment de toutes les questions un cas très urgent et très important, relié à la techniques qui pouvaient se poser entre eux. possibilité d'interruption des approvisionnements J'aimerais que le ministre, là-dessus, dans sa provenant du Moyen-Orient, si jamais la situation réplique, puisse faire le point et nous dire exacte- politique là-bas se développait d'une façon fâ- ment quelles sont les intentions du gouvernement cheuse et nous en privait. Il faut d'abord rappeler du Québec sur cette question. Je sais que le qu'il n'y a peut-être pas une capacité de stockage mandat n'a pas été demandé pour SOQUIP au dit stratégique considérable au Québec, mais que niveau fédéral, mais est-ce que ce ne serait pas l'inventaire normal dans le cours des affaires de sage de le demander immédiatement, même si distribution de produits pétroliers représente en vous n'en avez pas besoin dans les prochaines moyenne environ 45 jours de consommation, un semaines, mais au moins d'avoir ce mandat pour mois et demi. Cela peut aller jusqu'à deux mois être capable, le cas échéant, une crise intervenant, dans certains cas. d'intervenir dans les plus brefs délais? "Donc, on ne serait pas dans l'optique d'une Cette réaction n'est pas nouvelle, M. le Prési- interruption, pris les culottes baissées, si vous me dent, ce besoin de réagir a été reconnu dans le passez l'expression, du jour au lendemain; il y a passé par l'ancien ministre responsable de l'éner- presque deux mois de jeu." gie, qui est avec nous aujourd'hui. Il avait fait C'est ce qu'on avait comme réponse, à ce mo- certaines déclarations dans ce sens, et j'ai ici une ment, en 1977, lors de l'étude des crédits. Mainte- coupure de presse de la Presse du jeudi 22 novembre nant, on a eu des développements de situations. 1979, où on dit ceci: Le ministre québécois de Je rappelle que dans le cadre de cette discussion, l'Energie, M. , avait fortement dénoncé en j'avais indiqué au ministre que, de plus en plus, on février l'ingérence du fédéral dans la distribution s'orientait vers une situation incertaine du côté des produits raffinés et annoncé du même coup la des approvisionnements pétroliers et que le moin- présentation, au cours des semaines qui suivaient, dre changement de politique — c'était surtout d'un projet de loi québécois sur la répartition ad- relié au Moyen-Orient — pouvait nous amener venant une situation d'urgence. dans des conditions beaucoup plus difficiles au Donc, je pense qu'à ce moment le ministre qui niveau de l'approvisionnement et qu'il y aurait était responsable de ce dossier reconnaissait au peut-être lieu, à cause de cela, qu'au Québec on Québec la responsabilité de prévoir en cette puisse avoir la préoccupation d'analyser tout au matière et de se doter de tous les outils possibles moins la possibilité de stocker davantage de pro- pour être capables de faire face aux situations. On duits raffinés pour faire face à ces périodes. sait que, depuis ce temps, ladite loi a été, je pense, A ce moment, il y avait 45 jours. Le ministre mise sur les tablettes, de sorte qu'actuellement, me disait qu'il y avait 45 jours de réserve possible, comme le ministre l'a indiqué à juste titre, on est et si une crise intervenait — c'est encore le cas 4454 aujourd'hui — si une crise soudaine — c'est de continue en disant... Parce qu'au Québec, l'appro- plus en plus le cas dans ces situations — arrivait visionnement en énergie dépend à 70% du pétrole. au début de l'hiver, au mois d'octobre ou au mois On sait qu'en ce qui concerne les approvision- de novembre, avec 45 jours, on se retrouve au nements de pétrole, cela ne vient pas uniquement milieu ou à la fin de janvier dans une situation très de l'Iran. Je pense que ce qui vient de l'Iran est très dangereuse, pour ne pas dire critique au plus d'environ 5%; cela ne vient pas uniquement non haut point. Donc, cette marge de manoeuvre de 45 plus du Moyen-Orient. Il en vient du Vénézuéla, il jours n'est réellement pas suffisante dans le en viendra du Mexique également. Cependant le contexte politique mondial actuel. On a su, par la problème demeure le même, parce qu'on sait suite — c'était la préoccupation que j'avais expri- qu'au niveau de la politique internationale, il se mée au ministre en 1977 — récemment — par les fait des alliances, il se défait des alliances de plus propos qui ont été tenus par le premier ministre en plus rapidement, de sorte que ce qu'on peut Clark — qu'en moyenne, au niveau du Canada, voir comme une sécurité au niveau de certaines actuellement, tant au niveau de l'huile à chauffage alliances actuellement, demain ou dans une se- qu'au niveau du pétrole, de l'essence comme telle, maine, peut s'effondrer de façon qu'on se retrouve on avait pour deux jours de réserve seulement, ce dans une autre situation. qui serait donc une réduction considérable de (17 h 40) cette marge de manoeuvre qu'on nous disait avoir J'avais cité, à ce moment-là, un volume inté- en 1977. Je comprends que c'est une moyenne au ressant qui s'appelle "Oil Power Play in the Middle niveau du pays. Ces chiffres ont pu être modifiés East', où on établissait la stratégie suivante. S'il quelque peu par la suite. Le ministre — il faut que arrivait, par exemple, qu'on veuille se servir de je sois clair, précis et juste là-dedans — à une l'arme du pétrole comme d'un moyen politique par autre de mes questions, avait indiqué qu'au Qué- rapport aux guerres qui existent ou par rapport à bec la situation pouvait être un peu différente. la situation d'Israël, par exemple, ou par rapport Mais je pense que notre marge de manoeuvre, en au monde islamique, cela pourrait avoir certaines ce qui concerne le stockage et les réserves, est influences. Ce sont des réalités; ce n'est pas de la beaucoup moins grande au moment où on se science-fiction. Ce sont des choses qu'on vit ac- parle que les 45 jours. On nous donnait 45 jours tuellement, au moment où on se parle. Cela indi- de réserve en 1977. Or, le premier ministre du que que, dans peu de temps — l'expérience qu'on Canada nous dit que c'est une moyenne de deux a vécue, dans les derniers mois nous l'indique jours au Canada pour l'huile à chauffage et pour clairement— une situation qu'on croit très sécuri- l'essence. Il y a peut-être des chiffres qui sont plus taire peut devenir tout à fait dangereuse. Je ne dis réalistes entre les deux ou plus exacts, au moment pas cela pour faire peur à qui que ce soit, mais je où on se parle, mais il y a quand même une pense qu'il faut être réaliste dans la situation. Il y a situation importante et dangereuse à laquelle il des choses sur lesquelles on peut intervenir et il y faut faire place actuellement dans la question du en a sur lesquelles on ne peut à peu près rien stockage. faire. Ce que je souligne et demande au ministre là- Ce qu'on peut faire dans le domaine qui nous dedans — je n'ai pas vu, du moins j'ai regardé reste maintenant, c'est peut-être de prévoir au ni- rapidement les différentes dispositions du projet veau des stockages. Je comprends qu'en 1977, de loi, cette préoccupation soulignée de façon lorsque le ministre responsable m'a fait cette ré- majeure au niveau du projet de loi — c'est s'il y ponse, dans le contexte de l'époque, il y avait aurait lieu pour le Québec d'envisager cette possi- beaucoup moins de risques et de dangers qu'ac- bilité. Je comprends que cela peut impliquer des tuellement. Mais, au moment où on se parle, les investissements et ainsi de suite, mais gouverner événements nous ont largement prouvé qu'il y au- c'est prévoir. Dans ce sens, n'y aurait-il pas lieu rait peut-être lieu que le gouvernement du Québec d'analyser une possibilité plus grande de stockage ait une préoccupation majeure dans ce domaine et de produits pétroliers au Québec pour assurer se donne la peine de faire l'analyse du besoin justement une marge de manoeuvre beaucoup d'avoir un stockage stratégique plus grand que plus grande que celle qu'on a actuellement? celui qu'on a pour être capable de faire face à des Maintenant, je continue la citation que le dangers éventuels. ministre me faisait en réponse aux préoccupations Il y a un autre aspect de cette question que que je lui indiquais à ce moment. Il disait ceci: j'aimerais brièvement toucher, qui a une certaine "Alors, la marge de manoeuvre est quand même importance; cela concerne les pénuries de pétrole. assez grande — en parlant des 45 jours en ques- En cela, je pense être le porte-parole de plusieurs tion — c'est sous cette lumière qu'il faut évaluer le Québécois qui disent souvent: Est-ce réel, la crise coût additionnel de créer un stockage stratégique. de l'énergie? On en a discuté lors de l'étude du li- Je ne suis pas sûr vraiment que ce serait le vre blanc sur la politique énergétique. Je pense meilleur investissement qu'on peut faire, parce que cette question se pose toujours, tant et si bien que le danger d'interruption — on pense évidem- que plusieurs, à un moment donné, abandonnent ment à l'hiver — n'est finalement pas aussi grand en cours de route pour dire: II n'y en a pas, finale- que cela, parce qu'il y a des possibilités de repli de ment, de crise de l'énergie; c'est peut-être plutôt toutes sortes de côtés. Ceci dit, vous avez quand un moyen pour les grandes entreprises d'augmen- même raison à plus long terme de nous inviter à ter leur prix parce que du pétrole, il n'en manque diversifier nos sources d'approvisionnement". Et il pas. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on demande aux 4455 gens de payer plus cher. Donc, il n'en manque responsable à ce moment-là. On continue en pas; on nous demande simplement de payer plus disant: "Deux simples questions se posent en cher et si on peut payer plus cher, on en a! effet: Pourquoi le système d'appel public d'offres Il y a quand même un danger là-dedans et n'a-t-il pas fonctionné dans le cas de la ville? Est-il c'est un peu là-dessus que mon intervention veut vrai que nous devons prévoir une situation peu porter à ce moment-ci. Je conviens qu'il y a des ré- prometteuse qui pourrait s'aggraver avec les mois serves de pétrole peut-être beaucoup plus grandes d'hiver? Si les appels d'offres ne permettent plus que ce qu'on a bien voulu nous laisser croire jus- aux institutions publiques de s'assurer qu'elles qu'à tout dernièrement. On sait que les sables bi- vont obtenir l'huile à chauffage au meilleur coût tumineux de l'Athabaska sont des réserves fantas- possible, il faut dès lors s'attendre à une élimi- tiques et phénoménales. On sait qu'au Venezuela nation de la concurrence auprès de la clientèle on vient de découvrir des sources beaucoup plus des particuliers. Voilà qui va demander non seule- importantes en matière de mazout lourd que ce ment un contrôle public de ce bien essentiel qu'on estimait avoir au point de départ. Il y a donc tombé sous une coupe pratiquement monopolisti- des développements de ce côté. Par contre, il faut que mais l'entrée en jeu du gouvernement lui- aussi être conscient que ce pétrole n'est pas ren- même comme source d'approvisionnement." du ici. Dans la perspective de ce que je vous indi- que, le plus risqué, c'est toujours le cas d'une cri- Je continue la citation: "II ne faut pas en effet se soudaine, parce que, même s'il y a beaucoup que les règles qui régissent les approvisionne- de pétrole dans les sables bitumineux de l'Atha- ments publics et privés soient mises de côté baska, il est dans les sables bitumineux de l'Atha- simplement sur la foi des évaluations de certaines baska. De même, les réserves supplémentaires compagnies et que les fournisseurs empochent la qu'on vient de découvrir au Venezuela existent, différence des prix incontrôlés. Il était facile, au mais elles sont toujours dans le sol du Venezuela, cours de la dernière pénurie d'essence chez nos elles ne sont pas dans les foyers québécois ni voisins du sud — en parlant des Etats-Unis — de dans les "tanks" d'huile à chauffage, ni dans les faire reporter la colère des consommateurs sur les stations d'essence. C'est la situation comme telle. pays exportateurs de pétrole, voire les pays ara- bes. En fait, le relevé des profits pétroliers, tel que Devant cela, le citoyen se pose des questions; il le New York Times a pu l'établir récemment, se demande si c'est réel ou si ça ne l'est pas. Il y a montre que si l'or noir a enrichi ses producteurs, des choses qui font qu'on peut se poser des ques- les compagnies américaines ont su rapidement et tions. Il y a peut-être un peu des deux. Il y a peut- largement faire grimper leurs profits." être des entreprises qui ont profité des situations pour augmenter leurs prix et pour essayer de tirer On dit, en terminant, que le moment est venu des profits beaucoup plus élevés de cela, laissant pour les autorités publiques de vérifier pourquoi croire justement aux citoyens qu'ils avaient plus les appels d'offres de Montréal n'ont pas fonc- ou moins lieu de s'inquiéter pour autant qu'ils tionné, ainsi de suite. étaient capables de payer. C'est pour cela que je Je pense que c'est là une indication aussi que dis qu'il y a des nuances à apporter. C'est peut- c'est peut-être la responsabilité du gouvernement être plus ou moins vrai; il y a peut-être des entre- de faire l'analyse de ce qui se passe de ce côté prises qui ont exagéré dans ce sens. pour éviter, si c'est le cas, que certaines grandes J'aimerais me référer à un article du Devoir du entreprises, peut-être sur le dos d'une crise qui est mercredi 29 août où on dit cela, à propos des en partie réelle par rapport aux produits pétroliers, approvisionnements en pétrole de la ville de en profitent pour monter indûment les prix, jouant Montréal, où il n'y avait pas eu d'autre soumis- ainsi constamment et encore une fois sur le dos sionnaire. Je pense que la compagnie Shell a de l'ensemble des citoyens qui n'ont d'autre choix, indiqué à ce moment-là, d'après son président, s'ils veulent se chauffer et conduire leur voiture, qu'elle éprouvait des difficultés à satisfaire les que de payer le prix qu'on leur demande. Je pense demandes qui lui étaient faites. On dit que la que cela devient une responsabilité de la collec- situation est peu prometteuse et qu'elle pourrait tivité et de nos gouvernements de vérifier les même s'aggraver au cours des mois d'hiver, règles de jeu dans ce sens et de voir exactement d'après les gens de Shell. Les choses seraient ce qui se passe afin d'apporter des correctifs s'il y rendues au poin où la compagnie refuse de nom- a lieu. breuses demandes de mazout léger. Si la ville de Maintenant, pour toucher un autre point avant Montréal ne peut obtenir un meilleur prix, conclut de terminer, on vit actuellement, au Québec, dans M. Paterson, c'est que le pétrole brut ne sera peut- le cas des produits pétroliers, une situation qui être pas disponible comme on le voudrait et qu'il devient un petit peu plus difficile de jour en jour faudra même se préparer à absorber des coûts en ce qui concerne les raffineries. J'ai eu l'occa- imprévus. sion de poser plusieurs questions au ministre Je continue: "Bref, le système des appels responsable de l'Energie et des Ressources, sur d'offres ne tient plus et même les clients ordi- cette question, depuis le déput de cette affaire. On naires devront faire face à des hausses de prix sait que, depuis quelques semaines, il y a eu d'huile à chauffage s'ils ne veulent pas geler cet menace de grève, il y a eu mandat de grève qui a hiver." Voilà qui détonne par rapport à la tran- été donné par les employés de différentes raffine- quille assurance qu'affichait il y a quelque temps ries, par Texaco, Petrofina et Shell, je pense, trois le ministre de l'Energie — en parlant du ministre des grandes raffineries en tout cas, et le dossier a 4456 suivi son cours; le ministre m'avait référé au nuer pendant plusieurs semaines, on puisse at- ministre du Travail et on disait: On va laisser aller teindre ce niveau de 40% de réserves normales les mécanismes normaux; on espère que tout va souhaitables qui nous aurait donné la marge de rentrer dans l'ordre et qu'on n'aura pas à faire manoeuvre que le ministre indiquait comme satis- face à des situations difficiles de ce côté. faisante à ce moment-là. Donc, on fait face à une Maintenant, on apprend — et je pense que le nouvelle situation dangereuse dans ce domaine. ministre est au courant; c'est le journal d'hier, la J'aimerais demander au ministre qu'il nous four- Presse du mercredi 12 décembre — que dans les nisse les garanties le plus tôt possible qu'on raffineries, la situation s'est envenimée et le Syn- mettra tout en oeuvre pour s'assurer que ce dicat des travailleurs unis du pétrole déclenchera problème local n'augmente pas le fardeau des une grève générale de ses 1300 membres montréa- citoyens du Québec et ne vienne pas aggraver la lais le 22 décembre prochain si les négociations en- situation dans le domaine pétrolier qu'on a à vivre treprises avec les raffineries Shell, Petrof ina et Texa- sur le plan national. co en vue de la signature d'une convention collec- C'étaient là, M. le Président, des remarques tive n'ont pas permis d'en arriver à une entente d'ordre général et quelques questions précises d'ici là. Cette déclaration — comme on l'indique que j'avais l'intention de poser au ministre, en plus loin — a quand même fait baisser d'un cran profitant de la deuxième lecture de ce projet de loi l'optimisme manifesté jusqu'ici en ce qui a trait 72 qui lui confie maintenant toutes ces responsabi- aux approvisionnements de mazout pour les pro- lités. En terminant, j'aimerais souhaiter qu'on aille chains mois. On insiste de façon particulière pour le plus rapidement possible — évidemment, je dire que, si la situation devait continuer à s'enve- pense que cela doit être notre souci le plus cons- nimer dans le même sens, on pourrait mettre en tant — vers des investissements au niveau de la péril les approvisionnements en mazout, surtout recherche, au niveau de sources nouvelles d'ap- des Montréalais. provisionnement, qu'on ait cette préoccupation Devant cela, j'insiste auprès du ministre pour davantage marquée, le plus rapidement possible, qu'il prenne les dispositions nécessaires pour étant donné tout le contexte de la situation que je prévenir — surtout dans le contexte qu'on vit, à viens de décrire. cause de l'ensemble de la situation que je viens de Qu'on se donne la main également et qu'on décrire — les retombées extrêmement graves que sensibilise davantage nos Québécois au besoin, pourrait avoir une telle grève générale dans ce de conserver l'énergie pour que cette attitude que secteur d'approvisionnement. Le ministre avait je mentionnais tout à l'heure où on peut être tenté pris la peine de répondre à mes questions, et de de croire qu'on a de l'énergie en masse ne per- façon fort précise, lorsque je lui ai soumis cette dure pas et joue contre l'ensemble des Québécois situation qu'il y avait risque de grève générale dans eux-mêmes, en faisant la politique de l'autruche, si les raffineries de Montréal. Le ministre m'avait vous voulez, disant: II n'y a pas de problème; on indiqué à ce moment-là, et je cite ses propos ici: peut continuer à consommer de l'énergie de façon Essentiellement, M. le Président, il y a deux points inconsidérée et il n'y aura jamais de facture à tout à fait distincts. D'une part, les relations de payer pour cela. Même si on est hydroquébécois, travail. Mon collègue pourra y répondre. comme on s'est plu à le dire dans les annonces, Soulignons en passant que nos réserves de même si dans les années passées, dans la publi- pétrole brut en septembre étaient effectivement cité, on — parce que c'était le contexte de ce mo- d'à peu près 20% inférieures aux normes normales ment — a dit aux Québécois: Vous pouvez y aller satisfaisantes. Cependant, le rythme de raffinage au niveau de l'électricité, c'est une richesse illi- au Québec est à ce point élevé qu'on prévoit, si le mitée, c'est une richesse renouvelable... C'est vrai rythme continue à se matérialiser — et c'est ce que c'est une richesse renouvelable. Cependant, que nous observons présentement — et c'était réel c'est faux de prétendre que c'est une richesse illi- au moment où le ministre le disait — des surplus mitée. C'est une richesse limitée, même si elle est raffinés vers les mois de janvier et février qui renouvelable. Actuellement l'hydroélectricité, dans seront d'environ 40% par rapport aux réserves notre bilan énergétique, vaut à peu près quoi? habituelles, ce qui donnerait normalement et am- 27% ou 28%, comme l'a indiqué le ministre. On plement de pétrole pour faire face à la moindre n'est donc pas complètement indépendant sur le situation, par exemple, une situation comme celle plan de l'énergie parce qu'on a l'hydroélectricité. qu'on a pu connaître l'année dernière lorsque, à C'est une ressource qui est sûrement formidable un moment donné, lié à un ensemble de phénomè- pour nous. C'est un atout majeur pour le Québec. nes, la crise en Iran, le froid de l'hiver et ainsi de Cependant, cela ne doit pas nous laisser penser suite, on s'est retrouvé dans une situation analo- ou nous laisser croire faussement qu'on peut gas- gue. piller impunément cette énergie. On sait qu'à cer- (17 h 50) tains moments on peut en vendre aux Etats-Unis; Le ministre m'indiquait donc à ce moment-là cela permet d'avoir certains revenus, mais on doit que vers les mois de janvier ou février, au rythme avoir cette préoccupation de conserver cette éner- de raffinage où on allait la semaine dernière, on gie au maximum. pouvait se retrouver avec une situation améliorée Je rappelle au ministre, avant de terminer, la d'à peu près 40%, mais, depuis ce temps, la question du stockage sur laquelle j'insiste de situation a changé. Donc, on ne peut pas escomp- façon particulière pour que le gouvernement fasse ter qu'en janvier ou en février, si cela doit conti- une analyse le plus tôt possible de la nécessité 4457 d'avoir un stockage ou des réserves beaucoup siers, en lui souhaitant bonne chance dans l'ac- plus grandes que celles qu'on a actuellement pour complissement de ses responsabilités. Merci, M. le faire face à des situations soudaines. Le ministre a Président. indiqué qu'il est maintenant responsable de plu- sieurs sociétés d'Etat. Il a indiqué également qu'il Le Vice-Président: M. le leader adjoint du y avait beaucoup d'améliorations au niveau de la gouvernement. gestion de ces sociétés d'Etat et qu'avec l'amélio- ration de son personnel, il y avait beaucoup plus M. Bertrand: M. le Président, je voudrais sim- d'expertise, il arrivait à contrôler davantage plement obtenir le consentement de mes collè- — c'était sa préoccupation — le fonctionnement et gues de l'Opposition officielle et de l'Union Natio- les performances des sociétés d'Etat qui sont sur nale. Le ministre n'en aura pas tellement plus que sa juridiction. pour cinq à dix minutes, mais, il sera forcément J'aimerais simplement lui rappeler, à ce chapi- amené à dépasser 18 heures. Je voudrais obtenir tre, que l'Assemblée nationale, à la demande du le consentement pour que cela puisse se faire chef de l'Union Nationale, a accepté unanimement sans qu'on arrête à 18 heures et, deuxièmement, une motion visant à permettre, dans ce sens, à annoncer immédiatement, tel que l'ont demandé l'Assemblée nationale, non pas au Conseil des les gens de l'Opposition officielle cet après-midi, ministres, mais à un ministre — ce qui ne lui que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre enlève pas sa responsabilité — à permettre à va donner certaines informations relatives au l'Assemblée nationale, dis-je, d'avoir un droit de rapport déposé par les médiateurs concernant le regard direct sur les performances, le comporte- dossier d'Hydro-Québec. Cela se fera immédiate- ment des sociétés d'Etat, étant donné que ces ment après, M. le Président, et, par la suite, nous sociétés d'Etat vivent avec les deniers des citoyens pourrons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir. et que les élus de l'Assemblée nationale, étant directement mandatés par ces citoyens du Québec Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consente- qui paient la facture, on puisse moderniser l'As- ment? semblée nationale et lui fournir les équipements, les outils nécessaires. Des Voix: Oui. En l'occurrence, ce serait une commission permanente pour les membres de l'Assemblée na- Le Vice-Président: Consentement. tionale visant à surveiller et à améliorer le com- M. le ministre. portement de nos sociétés d'Etat. Ce phénomène n'est pas nouveau; il existe en Colombie-Britanni- M. Yves Bérubé que. Il est connu, je pense, sous l'appellation "Crown corporation act" qui forme justement M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci aussi cette commission où il n'y a pas de ministres qui aux membres de cette Assemblée. Ceci nous per- siègent, où ce sont seulement des députés de l'en- mettra peut-être de régler ce projet de loi avant de semble de la Chambre. On leur donne ainsi un rôle nous engager sans doute dans un certain nombre beaucoup plus valorisant puisque, à ce moment- de lois correctrices pour tenter de régler des pro- là ils ont un mot à dire dans la surveillance des blèmes reliés à la loi 101, et à la constitutionnalité deniers publics qui sont utilisés au niveau des de nos lois. sociétés d'Etat. Je voudrais simplement répondre immédiate- En terminant, M. le Président, j'aimerais ment à certaines demandes de l'Opposition con- souhaiter bonne chance au ministre dans ses nou- cernant ce projet de loi. D'abord, le député de velles responsabilités. Comme je l'ai dit au point Mont-Royal, critique pour le Parti libéral, s'est de départ, lorsque le ministre n'était pas ici, on demandé comment il se faisait que, dans le projet peut résumer en disant que le ministre est capable de loi, on n'avait pas défini le mandat du ministre d'en prendre. Je pense qu'il a prouvé, dans le de façon plus précise et si on n'avait pas permis à passé, avec le sérieux, l'acharnement et l'esprit de cette Assemblée de contrôler le bon comporte- travail qu'il a manifesté dans ses dossiers, qu'il est ment du ministre ou du ministère à partir d'un capable de prendre ses responsabilités et de les mandat qui serait défini dans la loi. mener à bonne fin. Je pense que c'est notre Ceci, M. le Président, pour la raison bien sim- devoir, de ce côté-ci, de lui souhaiter bonne ple que les objectifs du ministère sont évidemment chance dans ses lourdes responsabilités. Surtout le développement en général de l'économie fores- dans le contexte énergétique dans lequel on se tière, de l'économie minière, de l'énergie au Qué- trouve actuellement, sa responsabilité va devenir bec, de l'aménagement de nos terres. Mais sur- de plus en plus grande, de plus en plus importante tout, cet objectif se précise chaque année lors de et il aura besoin de toute la sagesse et de toute la la défense du budget. C'est lors de la défense du prévision nécessaires pour être capable de faire budget que nous avons l'occasion, dans cette As- face aux situations. Nous allons donc, voter en semblée, de discuter plus précisément des inten- faveur de ce projet de loi, en deuxième lecture tions du ministère pour l'année. C'est toujours en pour, en fait, officialiser ce qui existe dans les faits cette fin d'année de budget qu'on peut également actuellement, donnant ainsi la responsabilité, sous juger de la performance du ministère et décider si un même toit, des ressources et de l'énergie au elle a été satisfaisante ou non. C'est pour cette rai- ministre actuellement responsable de ces dos- son, M. le Président, que dans une loi comme 4458 celle-là on n'a pas cherché à définir des mandats. inadmissible — enfin vous n'avez pas dit inadmis- C'est une loi qui, simplement, regroupe des unités sible, mais vous avez quand même exprimé une in- administratives. C'est au moment de la défense du quiétude à voir que le gouvernement du Québec budget que nous pourrons le faire. n'a pas la loi, n'utilise pas SOQUIP pour s'assurer Cependant, la question du député de Mont- que les Québécois ont de l'huile à chauffage. J'ai Royal concernant le mandat que l'on aurait dû dé- déjà répondu à cette Assemblée que, si les Québé- finir dans la loi est intéressante parce qu'elle nous cois voulaient que je m'en occupe, je le ferais. permet de rejoindre une préoccupation du député Mais il faudrait que les Québécois me disent: Je le de Richmond, préoccupation que, moi, je trouve veux. La seule façon pour les Québécois de dire: extrêmement saine. Ce qui m'a frappé dans l'inter- Je veux que mon gouvernement s'en occupe, c'est vention du député de Richmond, finalement, c'est par le biais d'un référendum qui mandate claire- qu'il a rapidement quitté la simple bureaucratie de ment un gouvernement pour qu'il puisse s'en oc- la loi, savoir comment elle était structurée, pour cuper. s'attaquer finalement aux vrais problèmes qui Or, le gouvernement fédéral a choisi, par le préoccupent les Québécois cet hiver. Est-ce qu'ils biais d'une loi C-42, il y a un peu plus de deux ans, vont avoir du pétrole pour se chauffer au cours de de s'approprier le pouvoir, c'est-à-dire que tout ce l'hiver? Est-ce que notre approvisionnement est qui s'appelle l'allocation de pétrole à différents sécuritaire à long terme? Quel prix on va payer? usagers a été récupéré par le gouvernement fé- Donc, une quantité de questions auxquelles le dé- déral. Il suffit au gouvernement fédéral de dire: Le puté aimerait avoir des réponses parce que ses pétrole est d'intérêt national, pour que, automati- concitoyens attendent de lui des réponses. quement, l'Assemblée nationale du Québec n'ait (18 heures) plus rien à dire vis-à-vis du pétrole. C'est cela que C'est en même temps un peu en porte-à-faux le gouvernement fédéral a fait. Il a tout simple- parce que nous avons essentiellement deux nou- ment dit: Vous, du Québec — vous des provin- velles en même temps. Ce matin, nous avions la ces — vous n'aurez plus à dire quoi que ce soit à nouvelle que la constitutionnalité de notre loi 101 cette Assemblée nationale pour garantir à vos ci- était contestée. Cet après-midi, nous avons une toyens qu'ils puissent se chauffer l'hiver. C'est autre nouvelle, à savoir que la Cour d'appel du cela que le Parlement fédéral a dit. Québec émet une injonction contre le gouverne- Dans ces conditions, il ne faut pas attendre du ment l'empêchant d'exproprier la société Asbestos ministre de l'Energie du Québec qu'il s'engage Corporation. Cela vient tout juste de sortir. Voilà dans des mesures qui, là, sont évidemment anti- deux décisions de la Cour, décisions extrêmement constitutionnelles. Quand j'ai dit: Nous ne pou- importantes qu'il faut comprendre. Les motifs in- vons pas imposer des taxes pour forcer la trans- voqués, soit pour condamner la loi 101, soit pour formation de l'amiante au Québec, c'est parce que empêcher le gouvernement d'exproprier, sont tou- je savais que c'était inconstitutionnel. Il y avait six jours reliés à la constitutionnalité des lois. C'est jugements de la Cour suprême. Donc, je n'avais est-ce que le gouvernement du Québec a le pou- pas à écouter les suggestions du député de Lotbi- voir de faire en sorte que quand il y a une loi pré- nière ou les suggestions du député de Mont-Royal, parée dans cette Assemblée nationale, la version je le savais que c'était inconstitutionnel. Cepen- officielle soit la version française, que s'il y a dé- dant, évidemment, l'expropriation d'une entreprise saccord entre le français et l'anglais, ce soit la ver- ne nous a jamais paru inconstitutionnelle. sion française qui prédomine, que les membres de Cela veut donc dire qu'en fait tous les pou- cette Assemblée nationale puissent, lorsqu'ils vo- voirs de cette Assemblée seront continuellement tent une loi, savoir dans quelle langue ils l'ont vo- remis en cause par une constitution qui n'a pas tée, que lorsqu'ils lisent le texte de loi, ils sachent fait des deux peuples canadiens deux peuples que c'est la loi française qui est la vraie loi, et que égaux, qui n'a pas fait du peuple français du ce qui est écrit en français c'est vraiment cela qui Québec, du peuple québécois, qui n'a pas fait du a force de loi et non pas la traduction anglaise. Il peuple canadien deux peuples égaux qui auraient faut donc trouver quelque chose pour s'accrocher. les mêmes pouvoirs législatifs, les mêmes pou- De la même façon, lorsqu'on s'attaque à la loi voirs d'imposer des taxes, les mêmes pouvoirs de permettant l'expropriation de la société Asbestos, préparer des lois et qui seraient en mesure, des citoyens se demandent: Pourquoi la Cour chacun, de défendre leurs concitoyens. Pour cette d'appel nous interdit-elle d'exproprier? C'est à raison, nous sommes obligés de nous tourner vers nouveau pour la même raison; la Cour d'appel dit: une majorité qui n'est pas la nôtre pour lui On ne sait pas si c'est constitutionnel ou si ce demander de se préoccuper à notre place de notre n'est pas constitutionnel. En attendant de le sa- bien-être et de notre développement. voir, ne le faites donc pas et attendez donc. En Donc, dans la question que soulève le député d'autres termes, on se heurte toujours à des limi- de Richmond, il y a fondamentalement ce que tes qui sont appliquées à notre pouvoir, à nous, de j'appellerais une méprise, c'est-à-dire qu'on de- représentants des Québécois qui font que nous ne mande au gouvernement de prendre en charge pouvons pas prendre les décisions que les Québé- des responsabilités alors que s'il prend en charge cois attendent de nous. ces responsabilités, à ce moment-là, on l'accusera Le député de Richmond me dit: Voyez-vous, d'être anticonstitutionnel. Par exemple, nous M. le ministre, les Québécois se préoccupent s'ils avons pris, dans le cas de l'amiante, le soin de vont pouvoir se chauffer cet hiver et ils trouvent prendre le contrôle d'une entreprise et d'assurer le 4459

développement de la transformation. Or, la Cour Québécois l'aient clairement dit et il faudra qu'il y d'appel nous dit: Attention, cela pourrait être ait une entente entre les deux peuples fondateurs inconstitutionnel. A nouveau. C'est toujours le du Canada, le peuple anglophone et le peuple même problème. francophone, pour qu'on ait des pouvoirs égaux, Le citoyen qui est assis dans son salon, lui, M. le Président. dit: Donnez-moi de l'huile à chauffage. Organisez- vous pour transformer l'amiante. Réduisez le taux Le Vice-Président: Est-ce que la motion de de chômage. Ce qui l'intéresse, ce sont les deuxième lecture du projet de loi no 72 sera résultats. Quand on lui explique que pour avoir ce adoptée? résultat il faut que j'en aie le pouvoir, là, il trouve ça trop compliqué. Il dit: Ce sont des problèmes Des Voix: Adopté. constitutionnels, je ne comprends pas ça, la souveraineté-association, je ne comprends pas ça. Le Vice-Président: Adopté. Arrangez-vous donc et ne me mêlez pas à ça! Tout M. le leader du gouvernement. ce que je veux, c'est la réponse. Mais on ne peut pas lui donner la réponse si on n'a pas le pouvoir Renvoi à la commission des de le faire. J'espère que les deux décisions, une de richesses naturelles la Cour suprême et l'autre de la Cour d'appel, vont être assez "illustratives". M. Charron: M. le Président, je veux proposer Le député de Richmond dit: Est-ce qu'on ne de déférer ce projet de loi à la commission des pourrait pas demander à Ottawa le mandat pour richesses naturelles. acheter du pétrole? Je n'ai pas besoin de le demander à Ottawa. Non, SOQUIP peut aller n'im- Le Vice-Président: Est-ce que cette motion porte quand acheter du pétrole. En cas de pénu- sera adoptée? rie, SOQUIP n'aura plus le pouvoir de le faire. Présentement, la compagnie Esso peut acheter du Une Voix: Adopté. pétrole, la compagnie Shell peut acheter du pétro- le, c'est le pétrole qu'on consomme. Ce qui Le Vice-Président: Adopté. préoccupe le député de Richmond, ce n'est pas M. le ministre du Travail et de la Main- d'envoyer SOQUIP acheter du pétrole, c'est, adve- d'Oeuvre, à la suite d'un engagement pris ce nant une pénurie, de savoir si cette Assemblée matin. nationale pourra prendre les moyens, si ce gouver- nement pourra prendre les moyens pour que les QUESTIONS ORALES DES Québécois ne soient pas pénalisés. C'est ce qu'il DÉPUTÉS (suite) veut savoir. La réponse, je dois la lui dire: Non, je ne peux pas. Je ne peux pas parce qu'un gouver- Médiation à Hydro-Québec nement fédéral a décidé qu'il m'enlevait cela et que c'était lui qui le prenait. C'est continuellement M. Johnson: M. le Président, à la suite d'une le problème et c'est ce qui fait que les Québécois demande de l'Opposition, je voudrais simplement n'arrivent pas à comprendre. Ils ont l'impression faire état de la médiation à Hydro-Québec: à 14 h 30 qu'on a les pouvoirs. Puisqu'on a les pouvoirs, ils cet après-midi, les médiateurs ont rencontré les disent: Réglez cela. Quand on leur répond qu'on représentants patronaux et syndicaux et ont remis n'a pas les pouvoirs, à ce moment-là, ils sont tout un rapport de médiation qui contient ceci dans ses mêlés. grandes lignes, en matière de santé et sécurité: Presque toutes les questions qu'a soulevées le 500 jours/personne pour les fins de dégagement député de Richmond, finalement, sont reliées à la pour les problèmes de santé et de sécurité qui sécurité des approvisionnements, au commerce sont accordés aux syndicats, la protection du extérieur, aux ententes internationales, à du travailleur en cas de refus de travailler pour des stockage stratégique. Toutes ces stratégies doi- raisons de santé et de sécurité, le statu quo dans vent être des stratégies d'un Etat souverain, d'un la convention en matière d'ancienneté et en matiè- Etat qui a les pouvoirs d'adopter ces stratégies. re de rémunération des techniciens, une réduction Parce qu'il y a deux niveaux de gouvernement, il y des heures de 40 à 38 heures et trois quarts en a un gouvernement qui a ce pouvoir et il y a un décembre 1981. Les congés parentaux qui sont autre gouvernement qui, lui, n'a pas ce pouvoir. Il identiques à ceux qui ont été accordés dans le cas ne faut pas chercher à faire des choses dont on du front commun, c'est-à-dire 20 semaines avec n'a pas le pouvoir; il faut demander aux Québé- solde, soit 20 semaines payées pour la femme cois: Voulez-vous que je le fasse? Si les Québé- enceinte, la retraite à 60 ans, sans pénalité option- cois me disent: C'est vous, M. Bérubé, qui devez nelle et, du côté salarial, ce qui était le coeur du vous occuper de notre approvisionnement de débat, 8.5% d'augmentation en 1979, avec rétroac- pétrole... tivité complète et un forfaitaire pour compenser l'inflation en 1979, de l'ordre de $400, 8%, 8% et Le Vice-Président: M. le ministre, en con- 8% pour les années 1980, 1981 et 1982, avec cluant, s'il vous plaît! intégration au salaire de l'indexation en fonction du coût de la vie, et finalement, l'enrichissement M. Bérubé: ... alors, M. le Président, je dirai: en dernière année de convention à 1%. Oui, je m'en occuperai. Mais il faudra que les (18 h 10) 4460

Je pense que ce sont là des dispositions qui Le Vice-Président: Sur ce, les travaux de l'As- font de ce rapport un rapport juste, équitable, qui semblée sont suspendus jusqu'à 20 heures. devraient normalement être la base d'un règle- ment à Hydro-Québec et je souhaite que les tra- Suspension de la séance à 18 h 12 vailleurs d'Hydro-Québec retournent immédiate- ment à leur poste pour enfin cesser de priver cette partie de nos citoyens qui souffrent de l'absence de services dans certains coins. Même si cela n'a pas été généralisé, cela demeure extrêmement Reprise de la séance à 20 h 26 pénible pour les citoyens qui doivent subir cela. Je suis assuré qu'au scrutin secret ils pourront cal- Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! mement, j'en suis convaincu, adopter un rapport Veuillez vous asseoir. qui, à mon avis, est d'une grande justice. Merci, M. M. le leader parlementaire du gouvernement. le Président. Motion de suspension Le Vice-Président: M. le député de Gatineau. de certaines règles de procédure M. Gratton: M. le Président, pourrais-je de- mander au ministre de nous informer du moment M. Claude Charron où les employés d'Hydro-Québec seront appelés à voter sur ce rapport? M. Charron: M. le Président, je me vois dans l'obligation de bouleverser le calendrier de travail M. Johnson: A la réunion qui a eu lieu cet que je vous avais annoncé ce matin. Effective- après-midi, qui s'est terminée il y a quelques ment, nous devrons abandonner l'étude des pro- minutes, les représentants d'Hydro-Québec nous jets de loi en cours pour quelques heures afin de ont annoncé qu'ils s'en allaient au conseil d'admi- faire face à une urgence. Je me prévaudrai donc nistration ce soir ou demain matin pour prendre de l'article 84 du règlement et m'appliquerai, leur décision finale. Du côté syndical, on nous a pendant quelques minutes, puisque le règlement laissé entendre qu'il y aurait sans doute une réac- m'en fait obligation, à vous expliquer pourquoi je tion, ce soit tard, ou demain, de la part du syndicat crois qu'il serait opportun que cette assemblée proprement dit. consente à abandonner pendant quelques heures Maintenant, quoi que décide le syndicat, d'ac- quelques règles de pratique qui prévalent habi- cepter, de refuser ou de rester neutre devant ce tuellement pour l'étude de projets de loi, afin que rapport de médiation, je pense qu'il appartiendra celui que nous allons déposer dans quelques ultimement aux travailleurs d'en décider par scru- instants soit étudié complètement, mais dans un tin secret et je pense que la meilleure façon de le délai plus court qu'à l'accoutumée. faire, c'est de le faire dans un contexte où tout le C'est à la fois pour une raison difficile à monde est retourné au travail. admettre, mais facile à expliquer que je vais évoquer l'urgence ce soir. Selon une nouvelle qui Le Vice-Président: Très brièvement, M. le nous a été transmise dans la matinée, un texte de député de Richmond. jugement qui nous est arrivé quelques heures après, à peu près à l'heure du lunch ce midi, il M. Brochu: Une très brève question. Le minis- semble qu'une vieille loi, dont, je pense, la seule tre a-t-il eu l'assurance que les offres contenues version officielle est en anglais et qui date de 114 dans ce rapport vont être éventuellement soumi- ans, aurait été violée par cette Assemblée. ses aux syndiqués en question? Des Voix: Oh! M. Johnson: Je n'ai pas eu et mes médiateurs (20 h 30) n'ont pas eu cette assurance formelle. Cependant, M. Charron: La décision du tribunal qui a il est de coutume, il est normal, et, à ma connais- prononcé ce jugement n'est pas une décision sance, il n'est pas arrivé, depuis que je suis au anodine, car, M. le Président, je pense que chacun ministère que, quand les médiateurs demandent d'entre nous, dans la vie, a sans doute manqué à qu'un rapport soit soumis, on ne respecte pas cet- des lois à certaines occasions. Qu'elles soient te demande. En général, effectivement, c'est sou- jeunes ou vieilles, il me semble que cela n'a mis au scrutin secret. aucune importance, surtout quand le manquement vient d'une Assemblée nationale elle-même. L'As- Le Vice-Président: Merci beaucoup. semblée nationale des Québécois a manqué à M. le leader du gouvernement. cette loi, M. le Président, à une loi qui s'est faite à des milles et des milles d'ici, il y a un siècle de M. Charron: Avant de suspendre les travaux, distance dans le temps, mais qui, aux yeux du M. le Président, je voudrais confirmer devant la jugement qui nous concerne — j'en arrive à Chambre que notre menu annoncé ce matin est l'urgence immédiatement — a ce terrible effet modifié. Lorsque la Chambre reprendra ses tra- d'annuler ou de risquer d'annuler — je ne veux vaux à 20 heures, elle sera saisie d'un projet de loi pas m'enfoncer dans des interprétations juridi- à caractère urgent. ques — le travail législatif de cette Assemblée 4461 depuis le 26 août 1977, les heures et les heures, scolaire en vertu des lois de l'instruction publique d'efforts que de part et d'autre de la Chambre qui venait d'ici édictait des règlements en français, nous avons mises à faire de bonnes lois; de rendre elle violait la constitution. Ceci veut dire, je caduques des dispositions qu'en toute bonne foi, l'ajoute comme argument d'urgence, que ce n'est en toute honnêteté et en toute sincérité, à l'égard pas que cette Assemblée qui est prise en faute, de ceux qui nous ont élus, nous avons votées, c'est le peuple québécois en entier où qu'il soit, appliquées et dans le cadre desquelles, désormais, quelque fonction publique qu'il ait occupée, si ces l'ensemble des Québécois, cerains de bon gré, fonctions publiques émanaient de pouvoirs qui certains de mauvais gré, acceptent de vivre, puis- avaient été délégués à partir d'ici. Ce n'est pas à qu'il s'agit de lois qui viennent de leur Assemblée cause de la loi 101, M. le Président, qu'ils étaient nationale. en faute. C'est depuis 1867. Je suis convaincu qu'au moment où nous les Je me permets cette seule explication. Si ceux avons faites, M. le Président, tous, de chaque côté, qui étaient à notre place il y a 113 ans, qui ont voté de la Chambre, étaient de bonne foi, ce qui fait dans cette Assemblée par une faible majorité j'en que s'il y a un sentiment qui est loin de moi ce conviens, mais qui ont voté dans cette Assemblée soir, c'est de me sentir fautif, encore moins que le Québec allait être membre de la Confédéra- criminel. tion, adhérer à la Confédération, se soumettre à la loi anglaise de 1866, je suis convaincu que s'ils Le Président: Je m'excuse, M. le leader par- avaient eu à l'idée qu'en incluant dans notre lementaire du gouvernement. Je voudrais signaler constitution l'article 133, ils se trouvaient à obliger aux gens qui se trouvent dans les galeries qu'il est tout corps public détenant un pouvoir délégué de rigoureusement et strictement interdit de manifes- cette Assemblée d'adopter, pour que le caractère ter, comme vous venez de le faire. Toute marque officiel de sa décision soit reconnu, le bilinguisme d'improbation ou d'approbation est interdite. dans son adoption et dans sa proclamation, je suis M. le leader parlementaire. convaincu que s'ils avaient été au courant de cette décision qu'en 1867 ils se trouvaient à appliquer M. Charron: Je veux continuer sur l'urgence ce que nous dit la Cour suprême, sur l'ensemble d'agir à ce moment-ci, parce que, non seulement du Québec à ce moment, le vote que cette plusieurs lois et plusieurs des deniers publics qui Assemblée législative a pris aurait pu être gran- sont consentis en vertu de ces lois l'ont été, au dement différent et le Québec n'aurait jamais été dire de la Cour suprême, d'une manière illégale, dans la Confédération canadienne. continueraient à l'être maintenant si nous devions continuer à procéder dans cette manière, mais, qui Le Président: Je m'excuse de devoir vous plus est, M. le Président, si cet argument de la interrompre, M. le leader parlementaire, mais je production de toute notre Assemblée ne suffisait dois le faire pour prévenir une dernière fois ceux pas à convaincre de l'urgence d'agir, j'ajoute ceci: qui manifestent dans les galeries, qu'il est stricte- On lira aux pages 11 et 12 du jugement de la Cour ment interdit de le faire. suprême, qui sera distribué dans quelques ins- tants à l'ensemble des députés, une affirmation M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse qui, à mes yeux, constitue l'interprétation maxima- auprès du leader du gouvernement, mais, vu qu'il le et la plus outrancière qu'on pouvait donner à y a interruption, puis-je lui demander de nous faire l'article de la vieille loi de 1867 que nous avons parvenir copie de la motion qu'il a l'intention de violée. présenter à cette Chambre? Nous pourrions con- En effet, tous ceux qui, dans l'ensemble du courir assez rapidement avec la motion d'urgence Québec à partir de pouvoirs qui leur avaient été et, pendant qu'il continue de parler pour prouver délégués par cette Assemblée et qui auraient le l'urgence, nous poumons jeter un coup d'oeil sur tort, comme nous, de le faire dans notre langue, le libellé de la motion. Le règlement prévoit étaient criminels, étaient fautifs, violaient la loi, également qu'au moment du dépôt de la motion commettaient une faute à l'égard de la loi, cela, les députés devraient recevoir une copie du projet non seulement à partir de 1977, mais depuis de loi. Si le leader du gouvernement n'a pas toujours, car, d'après l'entendement que nous d'objection, il pourrait également permettre la devons donner au jugement, quand jusqu'en 1977 distribution du projet de loi, tout en continuant cette Assemblée appliquait rigoureusement l'arti- son discours — ceci, peut-être, permettrait, à cle133, c'est-à-dire que toutes nos lois, que tous l'Opposition officielle du moins, d'accepter s'il y a nos règlements qui émanaient d'ici devaient être lieu cette motion d'urgence. S'il y a vraiment adoptés et transmis en langue française et anglai- urgence, et j'en conviens, nous pourrions apporter se, il semble que la même obligation pesait alors une collaboration efficace dans ce sens. sur l'ensemble des pouvoirs délégués. Ceci veut dire que quand, à Saint-Pamphile, Le Président: M. le leader parlementaire du en 1951, un conseil municipal, en vertu de pou- gouvernement. voirs que cette Assemblée lui avait donnés, édic- tait des règlements en français uniquement pour M. Charron: M. le Président, comme le règle- les citoyens de Saint-Pamphile, ils violaient la loi. ment me le dit, j'en arriverai à la motion propre- Ceci veut dire, M. le Président, que quand à ment dite, et cela ne devrait tarder. Je veux sim- Sainte-Anne-des-Monts, en 1910, la commission plement ajouter un troisième argument pour con- 4462 vaincre mes collègues. Et, comme le règlement ment, toutes les séances de cette Assemblée m'y invite, non seulement je remettrai la motion à soient ouvertes au public; que, nonobstant les dis- ce moment, mais le projet de loi lui-même. C'est la positions de l'article 121 du règlement, il ne puisse motion classique, comme on dit. y avoir d'amendement en deuxième lecture; que, (20 h 40) de plus, la commission plénière fasse rapport au J'ajoute comme troisième argument que nous plus tard trois heures après le début de ses tra- sommes membres de la Confédération canadien- vaux; que, quinze minutes avant l'expiration de ce ne. J'ai pu penser qu'en toute connaissance de délai, le président de la commission mette immé- cause l'attitude aurait pu être différente, mais elle diatement aux voix, sans débat, les articles du pro- n'a pas été différente. Etant membres de la jet de loi et les amendements dont la commission Confédération canadienne, nous sommes soumis n'a pas disposé; que le débat portant sur la troisiè- au plus haut tribunal de ce pays. Il n'a pas me lecture qui suivra immédiatement soit limité à toujours été celui qui est là actuellement et qui une intervention d'une heure par parti reconnu; nous fait cette injure suprême, mais il est d'obliga- que l'application des règles ci-dessus énumérées tion, en vertu même des pouvoirs de cette Assem- soit suspendue et que l'Assemblée puisse siéger blée, de se soumettre. Le Québec l'a toujours fait, sans interruption de ce moment jusqu'à l'adoption et ce gouvernement n'y manquera pas. Le Québec du projet de loi no 82. a toujours pensé toutefois que, de ce côté de la Je propose à l'Assemblée, M. le Président, de justice, il y avait des choses à faire et des choses concourir à cette motion d'urgence. qui laissaient à désirer. Ce gouvernement aussi le pense. Le Président: Est-ce que la motion sera adop- D'où, à un autre moment, en une autre cir- tée? constance, nous envisagerons de rétablir pour nous une justice qui mette fin à ces années de Des Voix: Adopté. désillusions et de frustrations. Le peuple seul le décidera. Ce soir, nous devons, à regret, mais en M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vue de protéger le travail d'hommes et de femmes est-ce que le leader parlementaire du gouverne- de cette Assemblée, d'hommes et de femmes qui ment veut nous dire combien de temps pour la ont accepté de travailler pour l'ensemble de leurs commission plénière? concitoyens dans des corps publics qui existent à M. Charron: Trois heures. partir de lois votées dans cette Assemblée, et, pourquoi ne pas le dire, en vue de l'orde social lui- Le Président: M. le leader parlementaire de même, être les premiers à manifester que nous l'Opposition. voulons respecter une décision du tribunal. Avec ces trois arguments que je résume à M. Gérard D. Levesque notre travail et à l'importance qui, toute provin- ciale qu'on veuille qu'elle demeure, est quand M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Pré- même au coeur de ceux qui ont cherché à sy faire sident, j'ai écouté avec grande attention les pro- élire, au moins, j'estime que cette Assemblée doit, pos tenus par le leader parlementaire du gouver- de toute urgence, protéger le travail et les décisions nement à l'appui de sa motion d'urgence. Nous prises dans les différents corps délégués du n'avions aucun doute quant à la nécessité de pro- Québec depuis 1867, pour ne pas anéantir toutes céder d'urgence; d'ailleurs, nous avons, dès cet ces années de construction à travers des lois et après-midi, indiqué à cette Chambre notre préoc- dans un respect rigoureux des règlements que les cupation quant à la validité et à la légitimité de citoyens du Québec se sont donnés, et, finale- nos travaux à la suite d'une étude même sommaire ment, parce qu'il nous faut être les premiers à de la décision rendue par la Cour suprême du Ca- donner l'exemple du respect sans tarder d'une nada, décision qui confirmait des décisions anté- décision de tribunal, je propose qu'en vue de rieures rendues par la Cour d'appel du Québec et l'adoption du projet de loi no 82, Loi concernant par la Cour supérieure du Québec. un jugement rendu par la Cour suprême du M. le Président, nous étions tellement d'ac- Canada le 13 décembre 1979, portant sur la langue cord qu'il s'agissait d'une situation urgente que, et la législation de la justice au Québec, conformé- quant à nous, nous ne voyions même pas l'utilité ment à l'article 84, paragraphe 2, que j'invoquais ou là-propos de procéder par cette motion d'ur- tout à l'heure, je propose que nous suspendions gence. Je comprends que c'est une procédure de les articles suivants de notre règlements: l'article précaution de la part du leader du gouvernement. 30... J'en fais parvenir immédiatement une copie Je ne lui en fais pas reproche, mais, quant à nous, au chef de l'Opposition officielle et au chef de il s'agit là d'une étape qui n'a pas réellement son l'Union Nationale. Excusez-moi, je vous ai donné utilité. la mienne. D'accord, ça va. Il y a des carreaux blancs que je vais vous inviter à remplir. Nous aurions préféré, M. le Président, que cet- te urgence soit soulignée davantage par une ponc- Je propose que nous suspendions l'article 30, tualité à commencer nos travaux à 20 heures ce modifié par l'article 2 du règlement sessionnel, 31, soir que par le délai apparemment inexplicable, modifié par l'article 3 du règlement sessionnel, 77, mais que l'on comprend très bien, délai qui nous a 87, 88, 115, 116, 134, 157. Que, nonobstant les dis- amenés à entreprendre ces travaux près d'une positions de l'article 47, paragraphe 1 du règle- demi-heure en retard. 4463

M. le Président, si on veut des explications, on projet de loi lui-même. C'est une suggestion que je pourra en demander au premier ministre dans fais; si elle n'est pas reçue, M. le Président, nous quelques instants, s'il nous fait l'honneur de lais- verrons ensuite quelle mesure ou stratégie nous ser sa conférence de presse qu'il a commencée à devrions adopter. 20 heures, au moment même où cette Assemblée était convoquée. M. Charron: M. le Président, si le député de M. le Président, je voudrais éviter de tomber Richmond me permet, peut-être que cela influen- dans la situation que s'est permis d'explorer le cera... Je suis tout à fait disposé, dès que cette leader parlementaire du gouvernement en parlant Chambre aura adopté la motion que je viens de lui du fond de la question, plutôt qu'en soulignant présenter, à proposer une suspension des travaux l'urgence de procéder à l'étude du projet de loi. pour deux heures, afin que l'Opposition ait le En effet, le leader parlementaire du gouvernement temps de prendre connaissance du projet de loi, à a pris la majorité de son temps pour interpréter moins que moins de deux heures fassent l'affaire, une partie du jugement et je mets personnelle- bien sûr. ment en doute l'exactitude de cette interprétation. Je pense qu'il est dangereux, à ce moment-ci Des Voix: ... une heure. de nos travaux, alors que l'on doit s'en tenir à la raison de l'urgence, de s'attaquer à certains pas- M. Levesque (Bonaventure): Si c'était immé- sages du jugement et surtout de les interpréter diatement, on pourrait se retrouver à 22 heures. comme a osé le faire le leader parlementaire du gouvernement, particulièrement en ce qui concer- M. Charron: Ah bon! d'accord. ne les décisions qui ont pu être prises par des mu- nicipalités ou des commissions scolaires. Une Voix: Moins d'une heure. (20 h 50) Nous aurons l'occasion d'en discuter au cours M. Levesque (Bonaventure): Excepté si on en du débat de fond et nous espérons que nous se- parle jusqu'à 22 heures. rons amplement éclairés afin que nous puissions faire en sorte que le projet de loi soit étudié, non Le Président: M. le leader parlementaire de pas dans une atmosphère de partisanerie politi- l'Union Nationale. que, mais plutôt avec le souci de disposer d'une loi qui a pour but de rendre valide la législation M. Yvon Brochu qui a été adoptée par cette Chambre depuis le 26 août 1977 et qu'une décision du gouvernement ac- M. Brochu: Merci, M. le Président. Je pense tuel a rendue problématique, pour dire le moins, à que la nécessité du contenu d'une telle motion est cause d'un entêtement du ministre d'Etat au Déve- évidente et sa discussion à l'Assemblée nationale loppement culturel, alors que nous avions prévenu ne doit pas tarder. Je souscris entièrement à la ce dernier des dangers que constituait sa prise de proposition. C'était, d'ailleurs, mon intention de position. rappeler certains propos au leader du gouverne- M. le Président, voici ce que nous voulons ment dans ce sens-là, afin qu'on puisse procéder suggérer, cependant, au leader parlementaire du davantage à une discussion sur le fond plutôt qu'à gouvernement, s'il désire notre collaboration, et un débat de procédure qui n'en finit pas et, fina- nous voulons l'assurer de cela dans l'intérêt pu- lement, on ne discute pas réellement de la ques- blic: Nous sommes prêts à suspendre la discus- tion qui intéresse l'Assemblée nationale. Même, sion de cette motion si on peut profiter du temps nous aurions préféré, en ce qui concerne l'Union prévu par le règlement, c'est-à-dire les deux Nationale, qu'on procède par un consentement heures pour le débat, pour prendre connaissance unanime. En ce qui nous concerne, les propos que du projet de loi. Nous pourrions nous retirer j'ai tenus cet après-midi devant l'Assemblée natio- durant une période raisonnable de suspension nale indiquaient clairement notre intention de ne plutôt que de passer ces deux heures à faire un pas nous attarder aux détails de la procédure, débat de procédure. mais d'aller plutôt directement sur la question de En effet, M. le Président, à l'étape présente de fond. cette motion d'urgence, on pourrait s'attendre Indépendamment de nos options politiques, je que, comme cela s'est déjà fait maintes et maintes pense qu'il nous faut comprendre que, devant le fois dans cette Assemblée, l'on utilise pleinement vide juridique dans lequel on est placé actuelle- ces deux heures pour s'entendre ou non sur l'ur- ment, on n'a pas le choix et qu'il nous faut gence de passer à l'étape suivante. Or, il nous procéder rapidement pour apporter les correctifs apparaît, M. le Président, qu'il est urgent que nous nécessaires et rétablir la situation. C'est dans ce devions nous attaquer à ce projet de loi. Bien sens qu'on aurait été prêt à collaborer même au conscients de nos responsabilités, conscients de niveau d'un consentement unanime. l'importance qu'il y a pour toutes les forces vives Lors des discussions sur la loi 101 — ce n'est de cette Assemblée de se pencher sur ce projet de pas mon intention d'intervenir sur le fond — le loi, nous suggérons la suspension de ces travaux gouvernement avait été mis au fait des dangers et à l'Assemblée nationale pour reprendre, le mieux des risques évidents qu'il encourait à vouloir à éclairé possible, l'étude en deuxième lecture du tout prix adopter cette pièce de législation telle 4464 qu'il a voulu qu'elle soit adoptée. On se retrouve mentaire du gouvernement vous le fera achemi- donc aujourd'hui, par suite de cette décision de ne ner, M. le député de Deux-Montagnes. vouloir tenir compte d'aucun de ces avis, devant M. le député de Gouin. les résultats qu'on connaît. On se retrouve devant cette décision qui a été rendue par la Cour M. Tremblay: M. le Président, il s'agit vérita- suprême et nous devons maintenant, en tant blement de la suspension du livre des procédures. qu'Assemblée nationale responsable, poser les Je suis bien prêt à accorder mon appui à la motion gestes législatifs de correction nécessaires dans et à la suggestion du leader du parti de l'Opposi- les circonstances. tion officielle de ne pas prendre les deux heures Quel que soit, M. le Président, l'âge ou prévues au règlement à l'article 84. Par contre, l'espace qui puisse nous séparer de la loi sur avant de le faire, je voudrais souligner, évidem- laquelle, dans le fond, la Cour suprême s'est ment, qu'il n'y aura que trois heures de discussion appuyée pour faire son jugement, cela reste, à ce après que la commission plénière aura produit son que je sache, une loi en vigueur, qu'on l'aime ou rapport et qu'il n'y aura qu'une heure de discus- qu'on ne l'aime pas, jusqu'à ce qu'elle soit chan- sion au cours du débat sur la troisième lecture du gée. Je pense qu'en tant que gouvernement res- projet de loi 82. Il est écrit au manuscrit qu'il y ponsable, si on veut donner l'exemple, d'abord, aura une heure pour les partis reconnus. J'aime- aux citoyens du Québec, on doit avoir le courage rais avoir l'assurance du leader parlementaire du et la responsabilité de respecter ce qui existe gouvernement que j'aurai cinq ou six minutes comme législation, quitte à le changer si cela ne pour pouvoir parler en troisième lecture. fait pas notre affaire. Seulement un autre commentaire avant de Donc, M. le Président, qu'il soit urgent de donner mon assentiment. C'est simplement une rétablir un état de fait qui depuis le départ suscite mise en garde, je pense, face à la dramatisation beaucoup de doutes dans les milieux juridiques et qu'on serait porté à faire de ce jugement. J'ai politiques, comme je l'ai indiqué, cela ne nous entendu les mots "injure", "criminalité", "viol", surprend pas du tout, car la voie d'une telle etc. Je pense que c'est plutôt un amendement éventualité était déjà dressée irrémédiablement technique qu'il faut apporter. Je pense que le depuis le jugement historique du juge Deschênes bien-être des Québécois n'est pas en cause ce de la Cour supérieure de Québec en janvier 1978. soir. Le fait que les lois en langue anglaise soient Le débat de ce soir risque donc d'être assez fort, rendues légales par un amendement technique ne je pense. J'espère une chose, c'est qu'on en reste fera pas geler les gens dans leur maison parce quand même, des deux côtés de la Chambre, au qu'ils n'ont pas de pétrole, pas d'électricité ou pas niveau le plus objectif possible pour corriger cette autre chose. A mon avis, c'est une question tech- situation; qu'on ne laisse pas enflammer nos nique et nous devrions la traiter de cette façon. débats par l'émotivité, mais par un esprit de bonne Merci. volonté, en ayant cette préoccupation de servir en premier lieu les gens qui nous ont élus, les M. Levesque (Bonaventure): M. le Président. citoyens de la province de Québec. Merci, M. le Président. Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition. Le Président: M. le député de Gouin. (21 heures) M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, M. Rodrigue Tremblay je suis d'accord avec mes collègues et je les re- mercie d'avoir concouru dans le sens de la sug- M. Tremblay: M. le Président, j'ai en main gestion que j'avais faite. Puis-je cependant, main- copie de la motion d'urgence du leader parlemen- tenant qu'il dépasse 21 heures, parler plutôt de taire du gouvernement. Il s'agit véritablement de la 22 h 30, s'il n'y a pas d'objection. suspension du livre des règlements et des procé- dures normales... Le Président: Est-ce que la motion dont je souhaite bien que vous allez me dispenser de la M. de Bellefeuille: M. le Président, question lecture, présentée par le leader parlementaire du de privilège. gouvernement, sera adoptée? Le Président: M. le député de Deux-Monta- Des Voix: Adopté. gnes. Le Président: Adopté. Si je comprends bien, il M. de Bellefeuille: Serait-il possible à un y a consentement pour suspendre les travaux de la modeste député ministériel d'avoir lui aussi, le Chambre jusqu'à 22 h 30. La Chambre suspend texte de cette motion? ses travaux.

Le Président: Je suppose que le leader parle- Suspension à 21 h 1 4465

Reprise de la séance à 22 h 49 En plus de maintenir le Québec dans son assujettissement antérieur, il nous confirme à un Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez statut de locataires et de chambreurs dans notre vous asseoir. propre maison, nous interdisant d'en altérer nota- blement les dispositions sans son consentement Projet de loi no 82 explicite. Comme pour les Gens de l'air qui n'ont pas encore obtenu dans les faits la permission de Première lecture parler leur langue dans le ciel québécois, il est désormais interdit, pour tout le temps que le J'appelle maintenant la motion de première Québec demeurera dans le régime fédéral, à la lecture de la Loi concernant un jugement rendu majorité francophone du Québec de se donner par la Cour suprême du Canada le 13 décembre des lois et institutions qui lui ressemblent et qui 1979 sur la langue de la législation et de la justice correspondent à ses besoins et aspirations. au Québec. Désabusée, triste, humiliée, encore une fois, Est-ce que cette motion de première lecture après tant d'autres, plus que jamais découragée sera adoptée? devant la rigidité et l'absolutisme du pouvoir central, moins portée que jamais au faux espoir Des Voix: Adopté. d'un renouvellement impossible d'une vieille cons- titution oppressive, l'immense majorité des Québé- Le Président: Adopté. cois aura bien raison de considérer comme un jour sombre, un jour de deuil, un moment tragique Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce de son histoire collective ce jeudi 13 décembre projet de loi. 1979 où elle aura dû accepter cette humiliation suprême, courber la tête sous un diktat qui lui M. Charron: Je vous demande d'appeler main- rappelle sa situation de conquise et boire jusqu'à tenant la deuxième lecture. la lie cette potion amère au goût de cendre. On se serait du moins attendu que tous les Deuxième lecture partis partagent la tristesse et l'amertume des Québécois, sinon leur révolte; une peine qu'on Le Président: J'appelle maintenant la motion partage en famille est, en effet, moins lourde à de deuxième lecture du projet de loi concernant supporter. Mais il semble que, par masochisme ou un jugement rendu par la Cour suprême du opportunisme politique, l'Opposition se cache la Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la tête dans le sable comme l'autruche et se réjouis- législation et de la justice au Québec. se même, à preuve les rires que je viens d'en- (21 h 50) tendre, par une sorte de dénégation ou de com- Je vous cède la parole, M. le ministre d'Etat au pensation magique, des malheurs qui frappent Développement culturel. notre communauté québécoise. S'il ne fallait pas mettre cette aberration ou cet aveuglement au M. Camille Laurin compte d'une sorte de dérèglement psychoaffec- tif, il y aurait certes lieu pour nous d'en avoir M. Laurin: M. le Président, le jeudi 13 décem- honte et de tout tenter pour cacher ou minimiser bre 1979 restera marqué d'une pierre noire dans cette infirmité. Il est à espérer, en tout cas, que la l'histoire du Québec. Le jugement de la Cour réflexion et l'auto-analyse ramèneront l'Opposition suprême qui interdit aujourd'hui au Québec de à une vue plus juste des choses et tueront dans faire du français la langue de la législation et de la l'oeuf cette exubérance tout à fait inappropriée et justice n'est certes pas inattendu. Il aurait été ce débordement insolite. étonnant que la Cour suprême donne au BNA Act Autrement, le peuple québécois serait obligé une interprétation qui reconnaisse les droits et la de conclure que l'Opposition accepte, qu'elle réalité d'un Québec essentiellement français de- appelle même de tous ses voeux notre démission puis sa naissance et qui l'est demeuré. Mais le collective et notre amenuisement, qu'elle se ré- jugement étonne par sa sévérité, sa dureté et son jouit de voir mis sur le même pied au Québec absolutisme, conférant ainsi toute sa vérité à l'anglais et le français comme langues officielles, l'action lapidaire de Cicéron, summum jus, summa qu'elle se satisfait du régime fédéral actuel qui injuria, et qu'on pourrait traduire en français par signifie pour nous oppression et humiliation. une formule tout aussi lapidaire, stricte légalité Le présent gouvernement, pour sa part, ne égale suprême injustice. regrette aucunement et en rien les gestes qu'il a Ce jugement va en effet plus loin dans ce sens posés. Dans les circonstances adverses qu'il doit que toutes les appréhensions ou craintes que vivre aujourd'hui, il n'en éprouve même que plus d'aucuns avaient exprimées. Par ce jugement, le de fierté. S'appuyant sur l'histoire, la culture et régime fédéral resserre davantage encore son l'identité du peuple québécois installé ici depuis étreinte sur le Québec. Le régime fédéral est près de quatre siècles, la loi 101 faisait du français confirmé dans son statut d'héritier des conqué- la seule langue officielle du Québec. Par le rants de 1763, de maître absolu de nos institutions jugement qu'elle vient de rendre, la Cour suprême dans ce qu'elles ont d'essentiel. renverse et rejette cette loi fondamentale, expres- 4466 sion démocratique de la volonté du peuple québé- catalogues, brochures, dépliants, contrats, et le cois incarnée par son instance politique légitime reste. et suprême, l'Assemblée nationale du Québec. (23 heures) Déjà, en 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord Jamais, M. le Président, les minorités franco- britannique avait imposé l'anglais à la province de phones des autres provinces n'ont été traitées Québec et uniquement à la province de Québec, avec autant de respect, de justice et de générosité, comme l'une des langues officielles de la Législa- même au Nouveau-Brunswick où les francopho- ture et des tribunaux. Les autres provinces, l'Onta- nes forment pourtant près de 40% de la popula- rio, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, tion et où le français est devenu, en théorie, l'une pouvaient donc se déclarer unilingues anglaises, des deux langues officielles. Même si les minorités ce qu'elles n'ont pas manqué de faire d'ailleurs, francophones de toutes les provinces souhaitent même si le Nouveau-Brunswick comptait alors une pour elles-mêmes le sort enviable que le gouver- importante minorité française. nement du Québec accorde à sa minorité anglo- Lorsque le Manitoba s'est joint à la Confédé- phone, le pouvoir fédéral exigeait encore davanta- ration en 1870, sa population francophone égalait ge pour celle-ci. à peu près en nombre sa population anglophone. Ce que le pouvoir canadien majoritairement Le Manitoba Act lui imposa en conséquence un anglophone réclame, au fond, pour ceux des siens statut linguistique identique à celui du Québec. qui doivent malheureusement continuer à vivre Mais 20 ans à peine après, la population anglo- dans un Québec français, c'est le retour au statu phone devenue majoritaire abolissait successive- quo ante, le maintien intégral des privilèges anté- ment les écoles françaises et l'usage du français rieurs, sans égard aux droits et besoins d'une au Parlement et devant les tribunaux. Les protes- majorité francophone trop longtemps bafouée, tations des francophones n'eurent à l'époque humiliée et injustement traitée par une minorité aucun effet, ni à Winnipeg, ni à Ottawa, ni devant qui abusait de son pouvoir économique et politi- les cours canadiennes, ni au Conseil privé de que. Par le jugement de la Cour suprême, le Londres. Le gouvernement canadien n'opposa lui pouvoir fédéral obtient ce qu'il recherchait. Il non plus aucun geste officiel et abandonna la réimpose au Québec le joug, le carcan centenaire minorité franco-manitobaine à son triste sort. dont le Québec s'était débarrassé en affirmant par Sous le poids de l'injustice et des persécu- voie législative sa propre identité linguistique et tions, celle-ci succomba graduellement à l'assimi- culturelle. Le pouvoir fédéral réaffirme ainsi, de sa lation, au point qu'il n'y a plus aujourd'hui que 4% seule et souveraine autorité, que le Québec de- de parlant français au Manitoba. Ce n'est pas le meure une colonie de l'intérieur, qu'il n'a pu jugement d'aujourd'hui de la Cour suprême qui y échapper à la subordination politique de l'Etat changera quoi que ce soit, d'autant plus que les central, qu'il ne peut reconnaître et inscrire dans quelques milliers de francophones qui restent les lois sa réalité fondamentale. Pour le pouvoir vivent dans un milieu totalement et exclusivement fédéral, il ne peut y avoir de Québec français au anglais. même titre qu'il y a une Ontario anglaise. La Cour Dans le cas du Québec, le gouvernement suprême aurait pu certes accorder au Québec le fédéral a été infiniment plus rapide. Dès l'adop- droit d'amender, en matière de langue, sa propre tion de la loi 101, il s'est rangé dans le camp de constitution interne, comme le Québec, d'ailleurs, ceux qui la dénonçaient. Il a fourni généreuse- l'a déjà fait dans le cas de l'abolition du Conseil ment son assistance financière, juridique et mora- législatif et des comtés protégés. le aux individus et groupes qui ont contesté l'un Il ne manque pas, en effet, de juristes émi- ou l'autre des articles de la loi devant les tribu- nents pour prétendre que la langue ressortit aux naux. Il a certes fourni la même assistance aux mêmes catégories essentielles que la propriété et Franco-Manitobains qui contestaient la législation les droits civils. Comme ces matières relèvent de inique de 1890, mais avec 80 ans de retard. Ce la juridiction des provinces en vertu de l'article 92 qu'il visait à obtenir, au fond, en volant au secours du BNA Act, le Québec pouvait donc amender d'une francophonie manitobaine réduite à presque l'article 133 qui traite du statut des langues au rien, c'est la condamnation d'une législation qué- Canada et au Québec pour la partie de cet article bécoise qui ne faisait pas l'affaire de ses amis qui relève de la constitution interne du Québec. anglophones au Québec, habitués depuis long- Mais la Cour suprême, conformément à une pente temps à une situation de domination et à un statut maintenant acquise, a préféré perpétuer le rapport privilégié devenu pour eux un droit sacré et de force qui prévalait en 1867, consacrer l'injus- inviolable. Cela même si la loi 101 conservait à tice et la domination dont le Québec fut alors cette minorité anglophone son système scolaire l'objet, refuser, aujourd'hui comme hier, de recon- complet, de la maternelle à l'université, ses institu- naître que le Québec forme un peuple distinct, tions culturelles et sociales, son droit de s'expri- nier son évolution du dernier siècle et sa quête mer dans sa langue à l'Assemblée nationale et légitime de fierté et de liberté. devant les tribunaux, son droit de prendre con- C'est ainsi que le BNA Act peut constamment naissance dans sa langue des lois et règlements mettre en échec la volonté démocratique du de la Législature, son droit de s'adresser dans sa peuple québécois. Et c'est ainsi que le Québec se langue à l'administration gouvernementale, sans retrouve, malgré lui, à l'encontre du bon sens, parler des multiples avantages qui lui sont consen- avec deux langues officielles, car c'est bien de tis au niveau de l'étiquetage, des inscriptions, des cela qu'il s'agit. 4467

Quand un projet de loi doit être déposé et ter facilement dans la majorité des situations. Le adopté en anglais et en français, quand une loi ne bilinguisme législatif nuit à la clarté et contribue peut prendre effet qu'une fois sanctionnée à la pour sa part à mettre davantage le citoyen ordinai- fois en français et en anglais par le lieutenant- re à la merci des juristes. gouverneur, c'est que l'anglais constitue, à ce Sur le plan des principes, il serait étrange, niveau suprême et fondamental du pouvoir législa- d'autre part, que nous affirmions le droit des tif, une langue officielle au même titre que le personnes à des textes français seuls officiels français. Quand la version anglaise d'un jugement dans divers domaines, comme conventions collec- rendu au Québec par un tribunal québécois est tives, contrats, avis publics etc, si ces textes tout aussi officielle que la version française du peuvent continuellement être jugés et interprétés même jugement, il faut en conclure que ces deux par rapport à un texte plus fondamental qui serait, langues jouissent d'un statut égal sur le plan du lui, officiellement bilingue. Il est important, à mon pouvoir judiciaire tout aussi important et fonda- avis, que le peuple comprenne que les lois lui teur que le pouvoir législatif. appartiennent tout autant que les textes qui en Il n'y a donc plus que le pouvoir exécutif, découlent. troisième pilier de notre régime politique, que ne (23 h 10) touche pas directement et substantiellement le Ce que la loi 101 cherchait, en somme, à jugement de la Cour suprême. Il n'en demeure pas corriger ou à éviter, c'est précisément l'aberration moins que le jugement redonne à l'anglais au où doit logiquement nous précipiter l'interpréta- Québec son statut privilégié de 1867 avec les tion que la Cour suprême vient de donner à humiliations, les glissements, les dangers dont la l'article 133, dans un Québec aussi français que volonté démocratique du peuple québécois n'aura l'Ontario est anglais, l'administration devra dépo- réussi à nous débarrasser que pour deux brèves ser, adopter, imprimer, publier toutes ces lois et années. tous ces règlements en anglais en en français. Il C'est pour toutes ces raisons, d'ailleurs, que pourra donc se trouver, comme mon collègue de le législateur n'avait pas erré en 1977. La loi 101 Saint-Jacques le faisait remarquer tout à l'heure, ne faisait pas, en effet, que reconnaître l'identité qu'une municipalité, qu'une commission scolaire, linguistique et culturelle d'un pays majoritaire- qu'une institution de santé, bien qu'exclusivement ment et essentiellement français, ne faisait pas francophone, doive se plier à cette obligation que consacrer l'évolution d'un Québec devenu statutaire, en payer le prix et en porter le poids, plus fier, adulte et fort, désormais capable de se alors que leurs homologues de l'Ontario pourront prendre en main et d'orienter son destin, mais continuer à n'utiliser que l'anglais. Dans les sta- cette loi 101 entendait également apporter des tuts, comme possiblement dans les faits, c'est la solutions pratiques et définitives à des problèmes bilinguisation intégrale, absolue et méthodique du devenus urgents dans toutes les sphères de notre Québec. C'est là un statut particulier dont on vie collective. aurait particulièrement pu se passer, car cette Dans le domaine de la législation et de la bilinguisation s'attaque à la fibre même du Qué- justice, en particulier, le caractère officiel concur- bec, l'effiloche et risque de la disloquer, ce qui rent des textes français et anglais pose des prépare d'autant mieux une autre phase qui a nom problèmes sérieux. Outre le fait que cette situation aliénation et assimilation. complique l'interprétation des textes de loi, elle La possibilité que toute procédure écrite ou oblige à utiliser l'anglais tous ceux qui ont à verbale devant les tribunaux puisse se faire en travailler avec des textes de loi et, en particulier, anglais et que tout jugement puisse se faire en ceux qui doivent les rédiger, les interpréter, les anglais comporte également des conséquences critiquer, les utiliser pour justifier ou critiquer importantes. On accentue ainsi la pression pour d'autres textes qui en découlent, pour rédiger et bilinguiser le travail des secrétaires juridiques, les interpréter les règlements et le reste. Pour com- personnels de contentieux du ministère de la mencer par la Fonction publique, notons qu'une Justice et ainsi de suite. C'est la raison pour bonne partie du ministère de la Justice se doit et laquelle la loi 101 avait édicté que les pièces de se devra d'être bilingue ainsi que le personnel du procédure émanant des tribunaux et organismes contentieux des divers ministères. Un peu partout, judiciaires ou quasi judiciaires soient rédigés en les secrétaires juridiques se devront également français. Non seulement évite-t-on ainsi les dan- d'être bilingues. Ce qui est plus grave, c'est que le gers déjà mentionnés, mais cette pratique consti- peuple qui lit son texte de loi en français et pense tue de plus un des meilleurs moyens qui soient de le comprendre n'est jamais certain qu'une quel- forcer les entreprises à se franciser, à engager des conque subtilité du texte anglais ne viendra pas directeurs du personnel, conseillers juridiques, compliquer l'interprétation de la loi qu'il croit personnel de bureau, et le reste, qui maîtrisent le avoir comprise. français, ainsi qu'à traiter en français avec leurs Ceci touch'e le citoyen ordinaire en tant qu'in- employés et leurs clientèles. dividu, mais aussi le syndicaliste dont le Code du Il y avait donc des raisons pratiques très travail n'est plus l'instrument clair dont il croit importantes pour le législateur de faire du français disposer, le coopérateur, le militant d'un parti la langue de la législation et de la justice. Mais politique, d'un groupe de citoyens, etc. l'argument fondamental pour lequel il fallait le Idéalement une loi devrait être suffisamment faire demeure une question de cohérence interne. claire pour que le citoyen moyen puisse l'interpré- Une loi sur la langue officielle qui prétend faire du 4468 français la seule langue officielle, mais qui ne qu'il en soit, le gouvernement du Québec, comme change rien au fait que le texte anglais de toutes gouvernement responsable, n'a d'autre choix que les lois à venir continuera d'être officiel est un de s'ajuster techniquement, administrativement et non-sens juridique. juridiquement à la situation créée par ce juge- L'article 2 de la loi 22 illustre très bien ce non- ment. Obligés de nous soumettre pour un temps sens. Cet article disait que les deux textes conti- encore à la loi du plus fort, nous prendrons nueront à s'interpréter l'un par l'autre, le texte immédiatement les mesures qui nous semblent français n'ayant priorité qu'en dernière extrémité, appropriées. une fois épuisées toutes les ressources d'interpré- Dans les heures qui viennent, l'Assemblée tation, selon les règles ordinaires. Le ridicule de nationale sera appelée à adopter, en français et en cet article nous a incités, à l'époque, à le retirer et anglais, une loi unique qui donnera force de loi au à le remplacer. Or, le jugement de la Cour texte français et à la version anglaise des lois et suprême nous oblige aujourd'hui à faire machine règlements qui n'auraient été adoptés ou approu- arrière et à retomber dans cette même ornière vés qu'en français. Cette loi unique prévoira une ridicule. Drôle de façon, en effet, d'affirmer le exception à l'article 37 de la Charte des droits et caractère officiel unique du français que de mettre libertés de la personne afin qu'une personne à nouveau sur le même pied l'anglais et le français puisse être condamnée pour une des infractions à pour l'interprétation des textes. une des lois visées, même si cette infraction a été La cohérence interne dé la loi suppose aussi commise avant la réadoption de cette loi. Cette loi que ce qui est prescrit par le niveau législatif, dans palliative ne touchera pas les articles 7 à 13 de la les divers domaines et secteurs de l'activité humai- Charte de la langue française qui traitent de la ne, ne soit pas contredit de façon flagrante par les langue de la législation et de la justice, laissant modes d'aide et d'agir du niveau législatif lui- ainsi jouer en fait l'article 133 du BNA Act. Cette même. Comment, par exemple, l'Assemblée natio- dernière décision, qui respecte le jugement de la nale peut-elle décemment adopter des articles qui Cour suprême, se veut en même temps une indi- prescrivent la francisation des entreprises, du cation au peuple québécois que le gouvernement monde du commerce et des affaires, des relations du Québec ne désespère pas de pouvoir offrir de travail, et le reste, si elle maintient du même bientôt une vraie partie à ses concitoyens. Cette souffle que les textes français et anglais des lois dernière décision est également une invitation qu'elle vote sont tous deux aussi officiels l'un que pressante à tous les Québécois de se donner, une l'autre? Autant reconnaître tout de suite que le bonne fois pour toutes, les pouvoirs essentiels à la Québec est condamné, et lui seul, sous le régime maîtrise de leur propre avenir. fédéral actuel, à mettre sa langue et son identité Il nous faut tous ensemble répondre sereine- au vestiaire, pour arborer le masque du bilinguis- ment à ce jugement qui constitue pourtant une me généralisé qu'on lui impose. insulte à la patience, au courage et à la fierté des Le jugement de la Cour suprême ramène ainsi Québécois. En attendant que les Québécois se le Québec à un statut de marginalité et d'inégalité prononcent sur leur avenir, le gouvernement res- qui a toujours été le sien dans la confédération. pectera les présentes règles du jeu, règles cepen- Deux poids, deux mesures. Dans toutes les autres dant dont il faudra sortir malgré ceux qui disent: provinces canadiennes, sauf une, l'unilinguisme J'y suis, j'y reste! Prendre conscience de cet état anglais constitue dans les faits un droit. Au de soumission coloniale auquel on nous oblige, Québec, l'unilinguisme français des structures c'est commencer à saisir la nécessité du projet de politiques et juridiques qui, jusqu'à hier, était un souveraineté-association proposé à tous les Qué- fait ne portant préjudice à personne, n'est plus un bécois par le gouvernement. Seule, en effet, la droit pour le peuple qui l'avait décrété. Ce qui maîtrise exclusive et totale de son pouvoir légis- prouve en tout cas que le Canada est bien latif assurera pour toujours au Québec le maintien constitué de deux peuples et de deux nations, et l'épanouissement de son identité linguistique et mais l'un de ces peuples domine, alors que l'autre culturelle. est asservi. La minorité anglophone du Québec, (23 h 10) aujourd'hui comme en 1867, peut obtenir du Le jugement de la Cour suprême nous montre pouvoir central qu'il impose d'autorité l'anglais qu'il n'y a pas de solution juridique à la situation comme langue officielle au Québec parce qu'elle actuelle. La solution ne peut venir que de la appartient au groupe des conquérants. Après plus volonté du peuple québécois lui-même, à laquelle de cent ans, cette logique de la conquête poursuit aucun jugement de cour ne saurait faire obstacle. son cours. Cette solution est politique et elle ne peut être que la mise en oeuvre d'une nouvelle entente, d'égal à La minorité anglophone du Québec, la mieux égal, entre le peuple québécois et le reste du protégée et la moins en danger de toutes les mino- Canada. Cette entente permettra à chaque peuple rités "coast to coast", doit avoir des privilèges, d'être maître chez lui, de s'y développer selon son tandis que les descendants des découvreurs et génie propre et d'assurer à ses minorités, comme des bâtisseurs francophones des provinces au- le fait déjà le Québec, les conditions nécessaires à jourd'hui unilingues anglophones n'ont qu'à se leur mieux-être collectif. Il ne peut y avoir d'avenir laisser assimiler. Bien que très largement minori- pour nos deux pays associés que dans ce climat taire au Québec, l'anglais doit être mis sur le de justice et de liberté. Merci. même pied que le français parce qu'il demeure, aujourd'hui comme hier, la langue du maître. Quoi Le Président: M. le chef de l'Opposition. 4469

M. Claude Ryan l'établissement d'une priorité du français, entre parenthèses, mais il n'est pas libre de les diminuer M. Ryan: M. le Président, je n'ai pas l'intention unilatéralement. C'est la deuxième conclusion de verser dans le mélodrame à propos des événe- factuelle qui se dégage de l'arrêt rendu par la ments d'aujourd'hui. Je voudrais, comme à l'or- Cour suprême aujourd'hui. dinaire, m'en tenir à des propos aussi rigoureu- Troisièmement, le jugement rétablit le droit de sement anylitiques que possible. Je commencerai, toute personne physique ou morale à employer le par conséquent, par résumer les principales dispo- français ou l'anglais devant les tribunaux et à sitions de l'arrêt de la Cour suprême qui a été l'Assemblée nationale. rendu aujourd'hui et, ensuite, j'en dégagerai la Quatrième conclusion qui se dégage du juge- signification suivant les indications d'une analyse ment: les magistrats établissent une définition des objective et aussi complète que possible de la lois et actes de l'Assemblée nationale du Québec réalité. qui embrasse non seulement le texte des lois, mais D'abord, qu'est-ce que dit le jugement de la également ce qu'on appelle la législation délé- Cour suprême au sujet duquel on nous a tenu des guée, c'est-à-dire les règlements pouvant découler propos aussi larmoyants depuis quelques heures? de l'adoption d'une loi, mais ici on a proposé Il nous dit que le chapitre III de la Charte de la tantôt des interprétations de cette partie du juge- langue française, adoptée en août 1977, est in- ment de la Cour suprême qui vont bien au-delà de compatible avec l'article 133 de l'Acte de l'Amé- ce que nous lisons nous-mêmes dans le jugement. rique du Nord britannique qui constitue le princi- Jusqu'à plus ample informé et après des consulta- pal document constitutionnel sur lequel se fonde tions sérieuses, nous soutenons que l'interpréta- le fonctionnement de nos institutions politiques. tion très large qui a été proposée tantôt par le Le jugement nous dit que les articles 7 à 13 de la ministre d'Etat au Développement est abusive et Charte de la langue française entraînent une dimi- ne correspond pas du tout à ce qu'on peut trouver nution des droits de la minorité anglophone du dans le texte. Québec par rapport à ceux que définit l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cinquième constatation: on donne une défini- tion élargie des tribunaux de manière à compren- Deuxième point, le jugement de la Cour dre également les organismes quasi judiciaires ou suprême établit que le Québec n'a pas le droit de parajudiciaires. A moins de refuser toute évolution modifier l'article 133 de la constitution de manière de la réalité, M. le Président, je pense que c'est unilatérale. Certains juristes qui avaient conseillé très difficile de concevoir qu'une obligation cons- le gouvernement, de bonne foi sans doute, avaient titutionnelle comme celle-là s'appliquerait aux estimé qu'en vertu de l'article 92, sous-article 1, tribunaux qui existaient à l'époque et interprétée qui donne au Québec le droit d'amender sa propre d'une manière très littérale, et ne devrait compor- constitution, le Québec pouvait amender unilaté- ter aucune application à des organismes qui ont ralement l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du une fonction quasi judiciaire. Ceci est une autre Nord britannique considéré, par certains juristes constatation qui se dégage du jugement. Il restera respectables, comme une partie de la constitution à établir une définition précise de ce qui est du Québec, dans ses dispositions qui visent la entendu par organismes quasi judiciaires, mais Législature et les tribunaux québécois. c'est un fait. Cette question, nous l'avions clairement indi- qué dans le temps lors du débat sur le projet de loi Finalement, des personnes, des citoyens du no 101, je l'avais indiqué moi-même de la tribune Québec avaient interjeté appel de cette législation d'où je fonctionnais à l'époque, était une question devant les tribunaux. Ils ont été confirmés dans qui devait être tranchée tôt ou tard par les tri- leur prétention par les tribunaux de trois niveaux bunaux. Cela a été fait; la Cour suprême établit différents. J'en reparlerai tantôt. Ceci est la signifi- que l'article 133 est une disposition fondamentale cation véritable du jugement qui a été rendu de la constitution canadienne qui est une partie aujourd'hui. Tout le reste qu'on a entendu jusqu'à indivisible de la constitution du Canada et du maintenant du côté gouvernemental, c'est de la Québec et que, par conséquent, les droits qu'il littérature nationaliste à laquelle on a été beau- confère au français et à l'anglais, le statut officiel coup habitué de la part de ce gouvernement qu'il confère à ces deux langues devant le Par- depuis quelques années. lement fédéral, l'Assemblée nationale du Québec, Maintenant, je vais essayer de dégager la les tribunaux du Canada, les tribunaux du Québec, signification comme nous la percevons de notre doivent être respectés. côté, en toute sincérité et en toute indépendance L'arrêt Jones, auquel se réfèrent les magis- d'esprit aussi. trats de la Cour suprême dans leur jugement Premier point. J'ai entendu tantôt des expres- rendu aujourd'hui, établit que si le Parlement sions très dures et pas seulement tantôt, depuis le fédéral peut élargir les droits définis à l'article 133 début de la journée, à l'endroit de ceux qui sont en ce qui le concerne, il n'a pas le droit de les les auteurs de ce jugement. On a parlé d'une diminuer et on peut facilement inférer que la insulte au courage, à l'intelligence des Québécois. même règle s'applique au Québec. On a parlé de la suprême injure. On a parlé de Le Québec est entièrement libre, si sa Législa- cette aberration. Il a été question de dérèglement ture le veut, d'élargir les droits définis à l'article psychoaffectif, je crois. Je serais heureux d'être 113, ce qui laisse une marge considérable pour considéré parmi ceux qui souffrent de cela. Cela 4470 ne me ferait absolument rien, M. le Président, mais la disent et que, par conséquent, on ne peut surtout quand je regarde d'où cela vient. Je tiens à pas attendre davantage d'un tribunal honnête que souligner que la décision rendue aujourd'hui est ce que la loi elle-même dit ou implique. Ces l'aboutissement d'un long processus judiciaire au genres d'associations qu'on a entendues tout au cours duquel pas moins de 17 magistrats ont été long du discours qui vient d'être prononcé, je impliqués dans la décision qui a connue son tiens à m'en dissocier complètement. Ce n'est pas aboutissement suprême aujourd'hui. Or, de ces du tout la conception que je me fais du pouvoir magistrats, neuf étaient francophones et originai- judiciaire dans notre société. res de la province de Québec, donc, citoyens du Deuxième point. La constitution du Canada, Québec au même titre que ceux qui dénoncent la M. le Président, n'est pas parfaite. Elle comporte décision rendue aujourd'hui. des imperfections nombreuses, mais elle existe. Je reconnais le droit d'un citoyen et d'un Elle a procuré et procure encore aux citoyens de gouvernement de diverger d'opinion avec un tribu- ce pays des avantages politiques et économiques nal. Je l'ai fait moi-même pendant toute ma considérables. Elle divise, certes, la souveraineté carrière. Cela a toujours été un de mes plaisirs entre deux ordres de pouvoir, mais elle fournit, préférés, mais j'ai toujours respecté les auteurs pourvu qu'on veuille la considérer objectivement des décisions judiciaires et je ne leur ai jamais et impartialement, un champ d'intervention très appliqué le genre d'épithètes et de jugements étendu à l'autorité de cette province. Depuis que qu'on a entendus tantôt. Je signale, M. le Prési- le présent gouvernement est au pouvoir, il a dent, que ce n'est pas une manière de traiter le adopté pas moins de 250 lois différentes. Combien pouvoir judiciaire dans une société où il constitue ont été invalidées par les tribunaux et combien l'une des assises du caractère démocratique des l'ont été pour des raisons futiles? Je pense que institutions. On voudra peut-être dire également l'ordre de compétence que définit la constitution, en ce qui touche la Cour suprême — on l'a comporte un champ d'intervention très large pour entendu dire souvent de l'autre côté — que c'est cette Assemblée nationale et pour le gouverne- un tribunal qui ressemble à la tour de Pise en ce ment qui en dépend. sens qu'il penche toujours du même côté, c'est-à- dire d'un côté défavorable au Québec et aux L'indépendance du Québec existe déjà dans provinces et favorable aux prétentions du gouver- une large mesure. Faire croire que nous ne nement fédéral. pouvons plus rien faire sans ramper devant le (23 h 30) pouvoir fédéral, je pense que c'est se livrer à des considérations psychodramatiques qui n'ont rien à Je recevais ces jours derniers, par un pur voir avec un examen loyal de la situation. La concours de circonstances, le résultat d'une étude constitution actuelle est imparfaite, mais il est tout qui a été faite par un juriste respectable que j'ai à fait possible de la modifier ou même d'en entendu citer de l'autre côté de la Chambre à chercher l'abrogation en ce qui touche le Québec quelques reprises, Me Gérald Beaudoin, doyen de par des voies démocratiques. La preuve en est que la faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa. M. bien des événements se sont produits encore ces Beaudoin a fait un examen d'une cinquantaine dernières années qui témoignent de la haute d'arrêts constitutionnels rendus par la Cour su- mesure de liberté dont nous jouissons dans ce prême depuis qu'en 1949, des appels au Conseil pays. L'élection, en novembre 1976, d'un gouver- privé ont été abolis par une loi du parlement nement formé par un parti d'orientation carrément fédéral. Or, sur ces arrêts qu'a recensés M. souverainiste est le plus bel exemple qu'on puisse Beaudoin dont tout le monde connaît la patience trouver du genre de liberté politique qui existe et la minutie comme chercheur, 24 comportaient dans ce pays. Nommez les pays au monde où par des décisions favorables aux provinces et 23 le processus strictement démocratique, on aurait comportaient des décisions favorables au pouvoir pu non seulement assister à l'élection d'un gou- central. vernement d'inspiration souverainiste, dont l'o- Parler dans ces conditions d'un pouvoir qui rientation même met en question l'unité et l'inté- penche toujours du même côté, je pense que c'est grité d'un pays. Nommez-moi un autre pays où on abusif. Je voudrais relever dans les propos du aurait pu voir ce gouvernement fonctionner pen- ministre d'Etat au développement culturel une dant trois ans. aberration dont je tiens à me dissocier totalement de propos sans doute délibéré. Il associe carré- Je reconnais que le gouvernement a respecté ment la Cour suprême au pouvoir fédéral. "C'est le la constitution du pays. Là, il y avait un cas où elle jeu de l'équivoque. Par le jugement de la Cour n'avait pas été respectée et il a respecté le suprême, le pouvoir fédéral obtient ce qu'il recher- processus judiciaire. Je dirai tantôt que j'ai appré- chait." On laisse entendre, à mesure que le texte cié la célérité avec laquelle le gouvernement a agi se déroule, qu'il y aurait une association étroite et le gouvernement va se rendre compte que nous entre les deux. Je pense que c'est déformer ne lui ferons pas de difficulté dans l'adoption du complètement la nature et la portée de nos projet de loi qui est présenté ce soir parce que je institutions que de parler ainsi. C'est mon premier considère que, dans l'ensemble, même si je ne point. Je pense qu'il faut d'abord rétablir l'intégri- souscris pas aux propos du ministre d'Etat au té, l'indépendance d'esprit, l'honnêteté de ceux développement culturel, le projet vise loyalement qui ont eu à se prononcer. et honnêtement à donner suite à l'arrêt de la Cour J'admets que les tribunaux ne font pas la loi, suprême. 4471

Mais, ceci étant dit, je dis que nous avons Je pense que ceux qui disent que, d'un côté, dans ce pays, en vertu de la constitution actuelle, ils se soumettent à la loi des tribunaux et qui, de des libertés considérables. On nous annonce la l'autre côté, tiennent des propos qui font tout pour tenue du référendum. Je ne sais pas s'il aura lieu déprécier les tribunaux dans l'estime de leurs avec toute cette cascade d'événements qui sont concitoyens, font preuve d'un illogisme, d'une en train de se produire. Il y en a qui seront peut- incohérence — pour employer une expression être obligés de rajuster leur échéancier. Mais, je chère au ministre — qu'ils feraient bien de corri- vous dis pour qu'un gouvernement puisse prépa- ger avant de prétendre imposer leur propre cohé- rer démocratiquement un référendum dont l'effet rence à tout le monde, cohérence très artificielle pourrait être dévastateur pour l'unité du pays, d'ailleurs. comme nous le connaissons actuellement, il n'y a Troisième point. Où ai-je mis mes autres pas beaucoup de pays au monde qui permettraient feuilles? Non, je n'en ai pas besoin elles sont déjà que cela se fasse, sans que cet appareil répressif dites, d'ailleurs. Je peux continuer, j'ai un souci de dont on a parlé tantôt, et oppressif, soit déjà cohérence. intervenu depuis longtemps. C'est bien beau de se Troisième point, la responsabilité du gouver- gargariser de mots, mais il y a une limite. nement dans les événements qui se produisent Je pense que je n'ai pas besoin de faire aujourd'hui est très importante. Ou le gouverne- d'autres commentaires là-dessus, c'est l'évidence ment a agi de manière incompétente, et alors il même. Les choses les plus difficiles à démontrer faut l'en blâmer sérieusement. Il avait été prévenu sont souvent les évidences, ce sont les plus à l'époque. Je me souviens que beaucoup d'obser- difficiles à percevoir par certains esprits. N'impor- vateurs et de juristes ont prévenu le gouvernement te quel professeur de logique vous dirait cela. du caractère très téméraire de cette partie de la Si rien n'a progressé depuis 1976 au plan Charte de la langue française qu'il a imposée avec constitutionnel, il est difficile d'en blâmer quand sa majorité parlementaire à la majorité des ci- même les autres gouvernements, et même le toyens du Québec. Le gouvernement n'en a pas gouvernement fédéral. Le gouvernement actuel tenu compte. Ou il a agi de manière incompétente, nous a dit lui-même qu'il était assis sur son choix, ou il a agi en sachant ce qu'il faisait, et alors il a qui nous a été résumé à la fin du discours du cherché délibérément à provoquer un affronte- ministre tantôt. Nous attendons son fameux réfé- ment politique dont il paie aujourd'hui les frais, rendum depuis plus de trois ans. Il nous avait dit parce qu'il s'était imaginé, selon toute apparence, qu'il tiendrait le référendum au bout d'une année, que la situation politique évoluerait d'une façon ensuite au bout de deux ans. Là trois ans sont très différente de ce que nous avons connu, au écoulés. Cela fera au-delà de trois ans et demi que cours des deux dernières années. ce gouvernement sera au pouvoir lorsqu'il tiendra Le premier ministre, dont je déplore l'absence son référendum. A-t-il subi des contraintes quel- de cette Chambre en ce moment, a reconnu conques? A-t-il été victime de persécution ou en conférence de presse que le gouvernement d'obstruction ou d'oppression devant les tribu- avait des doutes très sérieux sur la validité de la loi naux ou à quelque niveau que ce soit? Est-ce pour 101, au moment où il en imposait l'adoption dans cela qu'il n'a pas tenu son référendum? Parce cette Chambre. Mais il a dit qu'il fallait prendre qu'il avait peur de sa propre option, il ne savait des risques, vu la gravité de la situation. Ces pas comment la présenter au public de cette risques, dont on nous a parlé tellement souvent, province. Venir nous parler d'oppression et de n'ont jamais été établis ou démontrés de façon répression dans ces conditions, c'est d'un ridicule claire et rationnelle. consommé. (23 h 40) Tant que la constitution n'a pas été modifiée Les chiffres indiquent que le pourcentage de ou abrogée démocratiquement, elle doit être ob- la population francophone au Québec en 1976 servée et respectée, surtout par ceux qui ont la était à peu près exactement le même qu'en 1867 charge de la faire observer par les autres. On a eu au moment où la Confédération prit naissance des exemples, ces derniers temps dans cette au Canada, c'est-à-dire à peu près 80% de la Chambre, de situations où le gouvernement était population et que le pourcentage de la minorité tenu par les faits d'appeler des citoyens au respect anglophone ou d'autres langues était, par consé- de la loi. Il l'a fait, nous l'avons d'ailleurs secondé quent, à peu près de la même importance. L'ob- dans cet effort. Elle s'applique également au servation la plus élémentaire, la connaissance gouvernement, de toute évidence, cette obligation. historique la plus simple établissent hors de tout Je tiens à souligner à cet égard que les tribunaux doute que le Québec, depuis un siècle, s'est sont les gardiens de la constitution dans une développé d'une manière formidable, s'est doté de société démocratique. Ils ne sont pas — et je le réseaux d'institutions dans tous les domaines qui souligne à l'intention du ministre d'Etat au déve- assurent aujourd'hui plus que jamais la pérennité loppement culturel — le bras séculier du pouvoir de son caractère français, la solidité de son fédéral, comme il aime l'appeler. Ils sont une caractère français également. Moi-même, j'ai eu institution dont l'indépendance est reconnue et l'honneur, pendant plusieurs années, de diriger un dont il serait très facile de démontrer, à l'aide de journal de langue française qui était parmi les nombreux exemples, qu'ils ont fait la preuve au meilleurs du continent, de l'avis de tous les Canada, et au Québec en particulier, ces dernières observateurs impartiaux. Nous n'avons pas fait ce années, de leur indépendance vis-à-vis du pouvoir journal à coups de drapeaux, nous ne l'avons pas politique. fait à coups de refrains patriotiques; nous l'avons 4472

fait à coups de travail, à coups de précision, à dedans et l'a refaite au complet avec l'esprit coups de rigueur. Nous ne passions pas notre jacobin qui le caractérise souvent. La loi 101 temps à regarder dans le jardin du voisin. Nous en commence déjà à subir des entailles importantes. avons fait un journal qui a été beaucoup amélioré Vous savez qu'il y a d'autres dispositions de la loi an cours des années où je l'ai dirigé; d'autres le 101 qui sont présentement contestées devant les continuent aujourd'hui et ils n'ont pas besoin de la tribunaux, et qu'il y en a d'autres qui ne sont pas loi 101, ils n'ont pas besoin de toutes ces mesures appliquées à Montréal, pendant qu'on vient nous vexatoires, que le gouvernement actuel a multi- dire, dans des rapports soi-disant savants, que pliées pour développer leur propre affaire. C'est personne n'est mécontent, que tout le monde est une affaire de travail, c'est une affaire d'esprit de maintenant satisfait. concurrence, de compétition, d'initiative. C'est On a le front de venir nous dire qu'aucune ce qu'on a trop souvent oublié. On pouvait très entreprise n'a même quitté le Québec à cause de bien établir la priorité du français dans cette cette loi. Ceux qui tiennent ce langage sont province sans qu'il soit nécessaire de provoquer coupés d'avec la réalité concrète, M. le Président. ce conflit articifiel et coûteux avec l'article 133 de De toute manière, l'expérience enseigne à l'abon- la constitution du Canada. dance que les lois statutaires sont caduques et Quatrième observation: la décision de la Cour périssables. Une loi constitutionnelle est, par défi- suprême n'enlève rien au français dans cette nition, beaucoup plus stable, beaucoup plus dura- province. Elle n'entraîne aucunement le Québec ble. sur la voie du bilinguisme généralisé dont a parlé L'enchâssement de certains droits linguisti- le ministre d'Etat au Développement culturel. Elle ques fondamentaux est un objectif que poursuit le embrasse deux secteurs très nettement délimités: Parti libéral du Québec mais auquel a refusé de la langue de l'Assemblée nationale, des lois et des souscrire le gouvernement actuel depuis qu'il est règlements et, deuxièmement, la langue des tribu- au pouvoir. Le gouvernement actuel a préféré naux et des procédures judiciaires. Même dans mettre de l'avant une formule d'accords de réci- ces secteurs, elle crée certaines obligations, elle procité entre gouvernements. Ce genre d'accord, rappelle certaines obligations avec lesquelles M. le Président, est encore plus caduc et périssa- nous avons vécu depuis 1867, qui ne nous ont ble que les lois statutaires parce qu'il ne dépend aucunement empêchés de nous doter d'un systè- même plus, dans bien des cas, de la volonté d'un me parlementaire légal très différent de ceux des Parlement mais de celle d'un gouvernement. On autres provinces, très caractéristique de notre sait que les volontés des gouvernements sont culture. Je ne pense pas que, si, aujourd'hui, nous encore plus mobiles et changeantes que celles siégeons en français dans cette Assemblée natio- des législatures, lesquelles le sont encore beau- nale, la loi 101 ait eu quoi que ce soit à faire avec coup plus que celles d'une constitution, un docu- cela. Cela existait bien longtemps avant la loi 101 ment fondamental. et cela existera bien longtemps après que nous Sixième observation: Parce que nous respec- serons débarrassés du gouvernement actuel. tons la loi, pas seulement quand on est obligé de La décision de la Cour suprême n'interdit s'y soumettre, après avoir essayé d'en comprendre aucunement au Québec de promouvoir une rai- l'esprit, nous avons demandé, dès 1977, lors du sonnable priorité du français dans cette province. débat qui a précédé l'adoption de la loi 101, que le Je réaffirme, au nom de mon parti, que le Québec gouvernement évite d'imposer un texte qui mena- peut et doit être français, mais qu'il peut et doit çait de donner naissance à un conflit constitu- être français dans le plein respect des droits tionnel et politique grave autour des articles 92 et constitutionnels de sa minorité anglophone et des 133 de la Constitution. Notre disposition est la droits de ses autres minorités. C'est ça, le véritable même aujourd'hui qu'en 1977. Jusqu'à modifica- réalisme en matière linguistique. tion ou abrogation de l'Acte de l'Amérique du Cinquième point: la décision de la Cour Nord britannique, nous voulons que l'article 133, suprême et les conséquences qui en découlent comme d'ailleurs tous les autres articles de la démontrent combien il est important d'enchâsser Constitution canadienne, soient loyalement et ri- dans un texte constitutionnel certains droits lin- goureusement observés. guistiques auxquels une société tient par-dessus D'ailleurs, contrairement aux prétentions tout. Les lois statutaires sont capricieuses et qu'on a fait valoir de l'autre côté de la Chambre, périssables. La loi 23, adoptée par le Manitoba en nous considérons que cet article n'a rien de 1890, paraissait éternelle; elle vient d'être annulée tyrannique; nous considérons qu'il reconnaît les par un arrêt du plus haut tribunal du pays. droits fondamentaux des citoyens dans deux do- maines très intimement reliés aux libertés inalié- Des Voix: Ah! Ah! Ah! nables des citoyens. Si certains estiment que c'est pour eux une injure que de se faire rappeler ces M. Ryan: Riez si vous voulez, je vais vous obligations définies par l'article 133, libre à eux; donner d'autres exemples. La loi 63, adoptée par mais je tiens à souligner avec toute la force dont cette Législature vers 1969, est disparue quelque j'en suis capable que nous ne partageons aucune- temps après. La loi 22, adoptée sous le gouverne- ment cette opinion. S'il fallait souscrire à cette ment d'un parti auquel je suis honoré d'être opinion, ce serait dire que tous les Québécois qui associé, est disparue. Le gouvernement nouveau, se sont succédé à la direction de familles, à la du jour, a décidé qu'il n'y avait rien de bon là- direction d'institutions, à la direction des affaires 4473 gouvernementales, jusqu'à l'avènement du pré- retard lamentable et les pertes irréparables qui sent gouvernement, étaient des aveugles, des sont survenues au Manitoba à cause de l'extrême imbéciles, des gens qui n'avaient pas le sens de la lenteur qu'on a mise à contester devant les réalité. Pendant plus d'un siècle, on a fait fonc- tribunaux la loi adoptée par la Législature du tionner le Québec avec cette disposition; il a fallu Manitoba en 1890. que ce gouvernement-ci arrive au pouvoir pour Mais, aujourd'hui, en ce jour où le plus haut essayer de nous faire croire que c'est une dispo- tribunal du pays a reconnu le caractère inique et sition qui était en train d'étouffer notre existence injuste de la loi manitobaine de 1890, je tiens à collective. Quelle prétention coupée de la réalité! féliciter chaleureusement M. Jacques Forest, ci- D'autre part, M. le Président, je considère que toyen de Saint-Boniface, et les francophones du l'article 133, dans sa forme actuelle, est discri- Manitoba du courage qu'ils ont manifesté et de la minatoire à l'endroit du Québec parce que le grande victoire qu'ils ont remportée aujourd'hui Québec est la seule province pour laquelle il crée auprès du plus haut tribunal du pays. Je les félicite des obligations spéciales en matière de langues de leur persévérance. devant être employées dans sa Législature et J'ai eu l'occasion, dans mon travail passé, de devant ces tribunaux. Lors des travaux de la visiter très souvent nos communautés franco- révision constitutionnelle, notre parti travaillera à phones d'un bout à l'autre du Canada. Je sais les ce que cet article, ou une disposition semblable, luttes qu'elles ont faites. Je veux les assurer ce s'applique aussi à tous les autres gouvernements soir de notre entière solidarité avec elles dans les provinciaux et, à tout le moins, pour commencer, luttes qu'elles continueront de mener pour la aux gouvernements des provinces qui étaient reconaissance de leurs droits linguistiques fonda- visées dans la Charte de Victoria et aux gouver- mentaux. Je souligne que, dans le cas du Mani- nements des provinces qui étaient visées dans la toba, le texte constitutionnel, c'est-à-dire la loi version retouchée de la Charte de Victoria que le constitutive de 1870, a fini par prévaloir sur le gouvernement fédéral a soumise à l'approbation texte statutaire de 1890, ce qui prouve, encore une des provinces en 1975 et 1976. fois, la validité de l'opinion que j'émettais tantôt, à Dans la Charte de Victoria — je sais qu'il y en savoir la supériorité d'un texte constitutionnel sur a beaucoup qui ne la connaissent pas — il était un texte statutaire. prévu que dans au moins quatre autres provinces Je souligne, M. le Président, toujours à propos des dispositions semblables à celles de l'article de l'affaire manitobaine, que M. Jacques Forest 133 devraient désormais s'appliquer d'une maniè- est venu travailler avec ceux qui, au Québec, en re prescrite par la Constitution. Vous savez que la appelaient auprès des tribunaux de la loi 101, et je Charte de Victoria n'a pas connu de lendemain souligne que le gouvernement conservateur du parce qu'elle a été refusée par le Québec. Ce ne Manitoba, qui voulait maintenir le statu quo créé sont pas les autres provinces, ce ne sont pas les par la loi de 1890 s'est associé au gouvernement quatres autres provinces mentionnées dans la du Québec dans la défense de la loi 101 et c'est Charte de Victoria qui ont refusé cette disposition peut-être pour cette raison que, quand nous avons particulière de la Charte de Victoria. C'est parce parlé de Jacques Forest tantôt et de la victoire que le Québec l'a refusée, pour des raisons qui formidable qu'il a remportée aujourd'hui, il n'y a étaient valables d'ailleurs. personne qui a applaudi de l'autre côté de la (23 h 50) Chambre, M. le Président. Quand on veut nous faire croire, quand on Je comprends leurs alliés. C'est un spectacle sourit narquoisement, de l'autre côté, et qu'on qui m'a attristé. J'emploie une expression un peu veut nous dire: Asseyez-vous, il n'y a rien à faire, je plus émotive en ce moment, mais j'ai été attristé dis qu'on ment, je dis qu'on déforme la réalité. Il y de cette indifférence qui a été manifestée de a des faits historiques qui sont là pour vérification l'autre côté envers ce qui s'est passé du côté du facile pourvu qu'on veuille aborder le dossier Manitoba aujourd'hui. d'une manière sérieuse et objective. J'espère, M. le Président, que le gouverne- En tout cas, je signale la position de notre ment du Manitoba voudra se plier avant autant de parti sur cette question. Je tiens à ce que le public loyauté que le gouvernement du Québec à l'arrêt sache clairement que si nous sommes prêts à qui a été rendu par la Cour suprême. C'est cela, accepter d'une manière générale les dispositions une société démocratique. C'est une société qui, que définit l'article 133 de la constitution, nous en fin de compte, malgré tous les désaccords et tenons également à ce que semblables disposi- toutes les virulences verbales dont on peut s'offrir tions s'imposent dans les autres provinces et le luxe, est capable lorsqu'une décision a été surtout dans celles qui ont une minorité française rendue de se lever et de dire: Nous allons respec- au moins atteignant un certain seuil et par là, je ter la décision rendue par l'autorité légitime jus- vise... qu'à ce que nous ayons obtenu par des voies J'en viens, M. le Président, au cas du Mani- démocratiques les changements que nous espé- toba. Un deuxième arrêt a été rendu aujourd'hui rons. Je souhaite, par conséquent, que le gouver- par la Cour suprême, qui est d'une grande signi- nement du Manitoba soit aussi prompt que celui fication politique, surtout pour l'avenir. Je déplore du Québec à donner suite à la décision rendue comme tout le monde — et là-dessus, je me rallie aujourd'hui par la Cour suprême. facilement à l'esprit général des propos qu'a tenus Je signale, M. le Président, que d'autres le ministre d'Etat au Développement culturel — le parties de la loi 101 sont présentement contestées 4474 devant les tribunaux et encore davantage dans décider des droits des minorités? C'est la doctrine certains secteurs très importants de l'opinion la plus barbare que j'ai entendue depuis que je québécoise. Je souligne que le gouvernement suis dans la vie publique. aurait intérêt à réexaminer ces parties de la loi 101 Des conceptions profondes, des divergences au lieu d'aboutir à d'autres désaveux cruels de perception de la réalité très profondes séparent comme celui qui est survenu aujourd'hui. l'autre côté de la Chambre de celui-ci. C'est peut- L'expérience enseigne, M. le Président, l'effi- être bon pour la vitalité du processus démocra- cacité douteuse, les effets déchirants et divisifs tique. A l'occasion d'une expérience comme celle des lois linguistiques à caractère trop universel et que nous faisons aujourd'hui, c'est peut-être op- contraignant. Les lois linguistiques, pour être portun de rappeler sur quels points des divergen- efficaces et démocratiques, doivent procéder sur ces profondes nous séparent malheureusement de une base de consensus, c'est-à-dire reposer sur le nos amis de l'autre côté de la Chambre. Je consentement de tous les secteurs importants de voudrais leur dire à ce sujet que si nous pouvons la population auxquels elles sont destinées. Parmi chercher certains rapprochements et ramener le ces secteurs de la population qui doivent être débat politique autour d'autres enjeux économi- partie intégrante du consensus dont je parle, il y a, ques, sociaux, etc., cela fera beaucoup de bien à évidemment, les groupes minoritaires. C'est bien l'unité et à la vitalité de cette société. C'est surtout facile de définir une démocratie par le respect et à son pouvoir assimilateur, c'est-à-dire à sa capa- l'exécution de la volonté de la majorité, mais la cité d'intégrer heureusement dans son sein des qualité d'une démocratie se mesure au sort qu'elle éléments nouveaux dont elle a tellement besoin. fait à ses minorités. L'autre est beaucoup trop Nous sommes séparés par des perceptions facile, il s'agit de compter les têtes, de mettre un différentes de la réalité québécoise. Nos amis de fusil ou n'importe quoi dans les mains de chacun. l'autre côté de la Chambre continuent de parler du Si vous êtes 25, c'est facile d'avoir raison de 5 ou Québec comme d'une société qui serait, à toutes 10. C'est tellement évident qu'encore une fois, fins utiles, entièrement française. Nous percevons cela se passe de démonstration. Mais, encore une le Québec comme une société beaucoup plus fois, la véritable qualité d'une démocratie se diversifiée que nos amis d'en face ne veulent mesure à la qualité du sort qu'elle fait à ses l'admettre, surtout dans la région de Montréal. Je minorités. Si l'on veut mesurer la qualité du sort n'y puis rien, M. le Président. C'est une réalité que fait aux minorités, on n'a qu'à écouter les minori- vous pouvez constater comme moi. Nous avons, tés. N'écoutons pas la majorité dans ce temps. dans l'agglomération de Montréal, une population Avez-vous déjà vu une majorité être un juge d'environ 2 500 000. impartial du traitement qu'elle accorde à ses (Minuit) minorités? Laissons parler les minorités si nous Là-dessus, vous avez 800 000 personnes qui voulons savoir dans quelles conditions elles sont n'ont pas le français comme langue principale et placées exactement par les actes et les décisions vous en avez les deux tiers qui ont le français de la majorité. comme langue principale. Ce n'est pas de votre Nous avons eu récemment une indication très faute, ce n'est pas de la mienne. Quand on nous claire. J'ai entendu le premier ministre dire dans dit: On va faire de Montréal une ville exactement à cette Chambre qu'il n'en tirait aucune leçon. Dans l'image de Toronto, on est complètement en le comté de D'Arcy McGee, une trentaine de mille dehors de la réalité. C'est facile de se gargariser électeurs se sont présentés aux urnes le 26 de slogans comme cela. Faisons donc un peu plus novembre dernier; 791 ont voté pour le gouver- d'analyse, examinons le contenu de la réalité, nement. C'est le pire désaveu qu'un gouvernement essayons donc d'adapter les mesures gouverne- ait jamais subi. Nous, de notre côté, nous avons mentales aux réalités sociales, humaines et cultu- présenté notre programme en matière linguis- relles. Cessons de vivre dans des synthèses cou- tique, le même dans D'Arcy McGee, le même dans pées du réel, dans des synthèses inventées dans Notre-Dame-de-Grâce, le même dans Argenteuil, le des chapelles doctrinaires et dogmatiques. Cela même dans Maisonneuve, le même dans Jean- est un premier point qui nous sépare profondé- Talon, le même dans Beauce-Sud et mes collè- ment de nos amis d'en face et je le regrette, mais gues qui ont été élus ces dernières semaines le je les assure que nous n'abandonnerons pas notre savent très bien. Nos concitoyens ont très bien perception de la réalité. Je le professe moi-même compris ce message. Ils ne veulent pas de ces depuis des années, c'est une des raisons pour mesures linguistiques tâtillonnes, étouffantes. Ils lesquelles on m'a invité à militer dans le parti que veulent un régime dont je vous dirai les grandes j'ai l'honneur de diriger aujourd'hui. Je peux vous lignes dans quelques minutes, M. le Président. assurer que nous allons continuer de dire à la Je répète que les lois linguistiques, pour être population du Québec que nous l'acceptons com- durables et efficaces, pour être des facteurs de me l'histoire nous l'a donnée comme elle est, et concorde parmi les citoyens, de collaboration, non pas comme nous voudrions qu'elle fût selon d'intégration véritable doivent être des lois à nos schèmes préconçus. caractère beaucoup plus consensuel que certai- Perception très différente du rôle de l'Etat, en nes lois qu'on nous a imposées dans un climat de particulier, des rapports entre majorité et minorité, précipitation et d'imposition des volontés majori- entre droits individuels, libertés personnelles et taires depuis quelques années. Depuis quand la droits collectifs. Je n'ai pas le temps de m'étendre volonté majoritaire est-elle le critère ultime pour sur cette question ce soir, j'en ai parlé abondam- 4475 ment depuis un an et demi, je vais continuer d'en M. Lavoie: II reste quinze minutes. parler évidemment, parce que c'est la pierre d'assise d'une société démocratique. J'ai constaté M. Ryan: Je voudrais indiquer brièvement, à maintes reprises, surtout entre le ministre d'Etat avant de conclure, les perspectives d'avenir lin- au développement culturel et ce côté-ci de la guistique au Canada et au Québec, selon la vision Chambre l'existence de fossés profonds. Je le que nous en avons, selon la direction dans regrette d'autant plus que le ministre d'Etat est un laquelle nous travaillons d'ores et déjà et dans ami personnel depuis au-delà d'une trentaine laquelle nous entendons continuer à travailler au d'années et que sur le plan strictement personnel, cours des années à venir. je n'ai jamais eu aucun sujet de différend avec lui; D'abord, inutile de vous dire que nous enten- c'est un homme courtois dont je reconnais l'ama- dons continuer de travailler afin que le Québec bilité, mais dès qu'il revêt sa redingote de ministre, décide de continuer à se développer à l'intérieur il m'inquiète. Perception très différente de toute d'un régime fédéral canadien renouvelé. C'est une cette question des rapports entre droits collectifs proposition de base qui nous distingue du parti et libertés individuelles. gouvernemental et inutile de vous dire que nous Troisièmement, perception très différente du entendons continuer à la promouvoir avec toute la rôle de l'Etat dans le domaine de la langue et de la fermeté nécessaire. Nous ferons connaître au culture, conception beaucoup plus dirigiste de ce cours des prochaines semaines... Il arrive un côté-là de la Chambre, conception beaucoup plus accident de parcours aujourd'hui, le renversement respectueuse de la libre détermination des indivi- du gouvernement fédéral, à Ottawa, nous exami- dus et des groupes de notre côté de la Chambre. nerons si c'est une bonne chose de publier nos Quatrièmement, perception très différente du propositions pendant une campagne électorale. degré de développement historique de notre po- pulation et des perspectives d'avenir qui s'ouvrent Une Voix: ... Bof! devant elle. De l'autre côté de la Chambre, j'ai observé très souvent, surtout dans les documents M. Ryan: Nous verrons. Ils nous le demande- officiels, comme ce fameux article intitulé — com- ront. J'espère que le gouvernement n'adoptera ment s'appelle-t-il l'article dans l'Almanach du pas de loi sur ces questions. Nous prendrons nos peuple — l'heure du choix, "Le Québec à l'heure décisions et nos concitoyens nous jugeront. Le du choix", vision extrêmement pessimiste et noire. document est prêt et par un concours de circons- Le document d'Egal à égal qui a précédé le tances qui témoigne de l'unité dont nous jouis- dernier congrès du Parti québécois, un présumé sons au sein de notre parti, il n'y a eu aucun de notre histoire qui a été écrit avec du vinaigre de coulage jusqu'à maintenant. toute évidence, peu conforme à une expérience Ceci étant dit, dans notre plan d'action pour que nous avons quand même vécue nous-mêmes. l'avenir, nous entendons travailler à l'insertion Nous en sommes de cette histoire, nous en dans la future constitution canadienne de certains sommes sortis nous-mêmes. Nous l'avons faite droits fondamentaux, incluant évidemment cer- depuis — dans mon cas — au moins 35 ans. Je tains droits linguistiques. Il n'est pas question n'ai pas passé mon temps à broyer du noir quand d'inclure dans une constitution toute la gamme je dirigeais un journal, quand je dirigeais des des droits linguistiques. Vous verrez pourquoi mouvements et des organismes de toutes sortes. tantôt. Il y a certains droits fondamentaux comme, Nous en avons été et nous en sommes de cette par exemple, le droit d'un enfant de langue société. maternelle française ou de langue maternelle Je vous dis encore une fois que je n'accepte anglaise à l'instruction dans sa langue maternelle pas cette version pessimiste de notre passé et partout à travers le Canada. C'est un droit que cette vision pessimiste de notre avenir. On vou- nous voudrions voir enchâsser dans une constitu- drait nous faire croire que pour le Québec, de tion et non pas être soumis au diktat du ministre demeurer dans un régime fédéral, ce sera le d'Etat au Développement culturel ou aux déci- tombeau de sa culture, un facteur d'ensevelisse- sions capricieuses et changeantes de l'Assemblée ment. Je n'en crois rien, je ne souscris aucune- nationale, même du Québec. C'était un premier ment à cette vision pessimiste de notre histoire. Je point. respecte la vision qu'on nous présente de l'autre D'autres droits fondamentaux seront aussi côté et je voudrais, quand on s'inscrit en désac- inscrits dans la future constitution du pays, si cela cord avec nous, qu'on cesse de nous abreuver de dépend de nous. Il faut faire un choix de ce côté, il cette litanie de qualificatifs péjoratifs qui n'ont faut accepter à un moment donné ou refuser, rien à voir avec un véritable dialogue démocrati- selon la philosophie dont on s'inspire, que dans que. J'inscris mon désaccord en toute simplicité, une société démocratique, les tribunaux soient en toute franchise. Je pense que cela est bon que l'organisme suprême d'interprétation des lois. ce le soit. Je dis que si nous ne nous entendons Nous sommes prêts à accepter ce pari même si point sur l'interprétation à donner à un arrêt d'autres gouvernements le refusent totalement comme celui de la Cour suprême aujourd'hui, pour des raisons qui nous paraissent plus futiles, c'est parce que ces différences profondes nous et fort discutables à tout le moins, qu'on ne semble séparent dans la perception de la réalité, dans le penser. l'interprétation de l'histoire, dans la vision des Deuxièmement, nous continuerons de militer perspectives d'avenir. Je voudrais... pour que l'égalité des deux langues soit reconnue 4476 dans les services et les institutions du gouverne- nes; en italien devant des auditoires italiens et si je ment fédéral de ce pays. Nous avons déjà le ne le fais pas en grec, c'est parce que je n'ai pas principe très bien inscrit dans les lois du pays, eu le temps d'apprendre le grec jusqu'à mainte- grâce à la loi des langues officielles adoptée en nant. La tâche de l'homme public n'est pas 1969, je tiens à le dire devant cette Chambre, est d'arriver avec sa redingote de ministre et de dire; un modèle d'équilibre, de clarté et de générosité Je m'en viens vous parler dans la langue officielle. bien compris. Un modèle d'audace également. On C'est de parler la langue des citoyens, M. le n'a pas eu peur, parce qu'on reconnaissait les Président; c'est cela la responsabilité d'un homme deux langues officiellement au plan fédéral, qu'il politique. en résulte un genre de mélange, de confusion Nous travaillerons à restaurer le libre accès intellectuelle dont on a entendu parler tantôt. Le des enfants de langue maternelle anglaise à monde actuel ne pourrait pas fonctionner si la l'école anglaise, sans égard à l'école fréquentée moitié des postulats que j'ai entendu énoncer était par leurs parents ou au lieu de leur naissance. Ce fondée. Nous évoluons vers un ordre de choses où sont des facteurs secondaires. Les enfants de les multiples seront de plus en plus nombreux et langue maternelle anglaise auront accès à l'école tous ceux qui atteignent un certain stade de anglaise. Notre régime est le suivant: L'école responsabilité, pas tellement élevé, auront à fonc- française commune pour tous, avec exception tionner dans plus d'une langue. Cessons de nous pour les enfants de la communauté anglophone. faire des peurs de Bonhomme Sept Heures avec On n'est pas pour commencer à faire de nouvelles ces questions, acceptons donc une fois pour distinctions: Toi, tu es né à Oxbury, toi tu es né à toutes le véritable défi de l'Amérique du Nord et Grandville, toi tu vas aller à l'école... Voyons donc! de la réalité contemporaine. Pas d'affaires comme cela! Nous continuerons de militer pour que l'égali- Deuxièmement, droit de s'adresser à l'admi- té des deux langues soit reconnue au niveau du nistration publique dans sa langue pour l'anglo- gouvernement fédéral et de toutes ses institutions. phone. Oui, M. le Président! Et droit d'être servi Inutile de vous dire que nous insisterons pour que dans sa langue par l'administration publique. Dans cet objectif soit inscrit à l'état de norme fonda- notre loi actuelle, je crois que nous reconnaissons mentale dans la future constitution du Canada. le droit de s'adresser à l'administration publique Troisièmement, nous insisterons sur la liberté, en anglais. Il n'y a aucune obligation correspon- pour chaque province, d'établir sa politique lin- dante pour l'administration publique, tout est guistique dans les domaines de sa compétence, laissé vague, tout est laissé à la discrétion du étant saufs, évidemment, les droits fondamentaux ministre et de ses collaborateurs. Il faudrait préci- qu'aura définis la constitution. Sur la base de ce ser ces choses-là. Le droit à des services sociaux plancher nécessaire pour tous — nécessaire pour et sanitaires dans leur langue; le droit à l'affichage tous, je le proclame avec beaucoup de ferme- commercial public dans leur langue. Nous main- té — nous reconnaîtrons la liberté des provinces tiendrons l'affichage français obligatoire. C'est de définir elles-mêmes, dans leur domaine, leur important! Il y en a qui n'avaient pas compris, politique linguistique. c'était déjà dans la loi 22. Nous n'entendons (0 h 10) aucunement abroger l'obligation défaire l'affichage En ce qui touche le Québec, notre politique public en français, mais quand on est rendu à consistera à promouvoir d'abord la priorité du interdire l'usage d'une autre langue dans l'affi- français dans tous les secteurs de l'activité collec- chage public, une fois que les droits de la majorité tive mais, en même temps, la reconnaissance ont été respectés, là je dis que le souci d'esthétis- raisonnable et explicite des droits de la minorité me dépasse les bornes du raisonnable. Laissez anglophone et des autres groupes minoritaires donc l'intelligence des gens se charger du reste, dans toute la mesure où ils ne viendront pas M. le Président. En tout cas, nous autres, nous y contredire l'objectif énoncé juste avant celui-ci, verrons humblement. c'est-à-dire la priorité raisonnable de la langue En conclusion, nous voterons pour le projet française. Inutile de vous dire que nous aurons à de loi no 82 qui corrige, en bonne partie, la apporter des améliorations au texte législatif que situation qui est venue réprouver l'arrêt de la Cour nous avons actuellement. suprême rendu aujourd'hui. Ce projet nous inspire L'autre jour, le premier ministre me demandait des doutes quant à la méthode dont il s'inspire. de préciser le type de changements que nous Nous avions recueilli, au cours de la journée, des voudrions apporter à la loi 101. Je l'ai fait depuis opinions juridiques. On nous disait que d'autres deux ans, continuellement, sur toutes les tribunes méthodes s'imposaient peut-être pour une appli- à travers le Québec. On m'a demandé parfois, cation rigoureusement étanche, à l'abri de toute quand je m'adressais à des auditoires anglopho- nouvelle contestation éventuelle de la décision de nes: Dites-vous ces choses quand vous allez dans la Cour suprême. Nous espérons que le gouver- Beauce-Sud? Les dites-vous quand vous allez nement a fait son travail comme il faut cette fois-ci dans Rimouski, dans Hauterive, dans à peu près et qu'il n'a pas consulté un cercle limité de juristes tous les comtés représentés de l'autre côté de la mais a cherché à élargir l'éventail afin d'éviter que Chambre depuis quelques mois? M. le Président, nous nous retrouvions dans la même situation. je tiens exactement le même langage partout; je le Je serai très heureux, d'ailleurs, si on veut tiens en anglais devant des auditoires anglopho- nous fournir non seulement des précisions au nes; en français devant des auditoires francopho- sujet des juristes qu'on a consultés, mais surtout 4477 les textes d'opinions qu'on a reçues, cela nous suprême avec ouverture et humilité. Et humilité. Je rassurerait de notre côté. Malgré ces doutes, je n'ai pas peur de le dire. Je sais qu'on fera des tiens à énoncer, en laissant la responsabilité des gorges chaudes avec cela. Cela ne me fait rien. On conséquences aux auteurs du projet de loi, je ira retrouver nos amis sur les tribunes publiques. crois devoir répéter ce que j'ai dit tantôt: Ce projet De ce côté-là, on n'a aucune inquiétude et j'espère de loi nous paraît avoir été inspiré par un esprit de que cet esprit nous animera dans les travaux que bonne foi, par un souci loyal du gouvernement de nous serons appelés à faire éventuellement autour se conformer à une décision qu'il n'accepte pas de la question linguistique. intellectuellement, et c'est son droit. Je pense que Je veux vous assurer — et je termine là- le geste que fait aujourd'hui le gouvernement, dessus — que je n'ai pas d'autres pensées en ces s'inscrit dans la ligne de celui qu'il invitait les matières que des pensées de paix et de respect. citoyens à faire récemment et, encore une fois, nous serons très heureux de l'appuyer de nouveau Le Président: M. le chef de l'Union Nationale, dans cette voie. vous avez maintenant la parole. M. le Président, ce geste que nous posons ce soir est un premier pas vers le rétablissement, M. Rodrigue Biron dans notre société, d'une situation d'équité lin- guistique; l'objectif premier en matière linguisti- M. Biron: M. le Président, je voudrais, en que, est, à mon sens, l'équité avant celui de quelques mots, aborder le problème qu'on nous l'affirmation catégorique et aveugle de telle ou présente aujourd'hui de façon modérée, de façon telle collectivité. raisonnable, avec le gros bon sens des gens de Je pense que l'objectif premier d'un gouver- chez nous. J'ai cherché un peu ce que j'avais dit à nement, en ces matières comme dans les autres, l'occasion de l'étude de la loi 101. Je veux au c'est l'équité. Quand un gouvernement a été vrai- début regarder ma première citation que j'ai dite à ment équitable, même s'il n'a pas répondu à l'époque. J'avais dit sur la question de la langue: toutes les normes des sociétés patriotiques, il a "Plus jamais la question de la langue ne devra peut-être fait un travail plus durable, plus efficace chez nous, au Québec, diviser et opposer les et plus véritablement démocratique. citoyens les uns les autres." Je souhaitais au La population du Québec a toujours été fière début de mon discours de deuxième lecture qu'on de sa langue et de sa culture et de ses institutions puisse en venir à un consensus entre des Qué- et de ses façons caractéristiques de percevoir la bécois de bonne volonté pour régler des problè- vie, de s'exprimer. Elle le demeure et j'ose espérer mes et les régler d'une façon définitive afin que qu'elle le demeurera encore longtemps par-delà nous n'ayons plus à revenir sur cette question de les volontés changeantes des gouvernements et la langue et à en faire encore une fois une bataille des textes capricieux et mobiles des lois qu'ils pour diviser des Québécois de chez nous. font adopter par le Parlement. Cette population a Je disais aussi, M. le Président: "Plus jamais, toujours été aussi respectueuse, profondément que ce soit au niveau de la législation et' de la respectueuse, de sa minorité linguistique et au- justice, de l'administration publique ou parapubli- jourd'hui, de ses minorités linguistiques. Elle eut que, du marché du travail, du commerce et des longtemps parmi ses titres de gloire celui d'être la affaires ou au niveau de l'enseignement, plus province du Canada où sa minorité linguistique jamais le Québec ne devra offrir un visage autre était le plus généreusement traitée. qu'essentiellement français. Encore aujourd'hui, il arrive que sur plusieurs (0 h 20) points et ce n'est pas nécessairement la faute du Je disais aussi que plus jamais, pour autant, gouvernement actuel — c'est peut-être parce qu'il dans la mission d'assurer le salut du fait français n'a pas pu tout effacer d'un trait ce qui s'était fait en cette terre d'Amérique, le législateur n'attaque- de bon auparavant — il arrive que sur plusieurs ra les droits acquis historiquement par les mem- points, nous sommes en avance sur les autres bres de la communauté anglophone vivant au provinces et j'en suis très fier, mais sur d'autres Québec qui, à l'instar de tous ceux qui vivent au points, nous avons reculé ces dernières années. Il Québec et du Québec, sont des Québécois à part faut être absolument aveugle pour ne pas enten- entière et cela, il ne faut pas craindre de l'affirmer dre la plainte qui monte de plusieurs milieux à ce bien haut. sujet. Il est intéressant de voir un peu ce que les Je vous dis, M. le Président, que nous n'au- gens ont dit à cette époque. Je dois vous dire que rons de justice, de stabilité, d'harmonie et de la question de la langue, c'est un domaine qui ne concorde dans cette société tant que nous ne peut laisser aucun d'entre nous indifférent. Voilà voudrons pas refaire nos conceptions dans ces un secteur de notre vie nationale qui traite des matières très délicates sur une base beaucoup valeurs fondamentales de l'homme d'ici. Cette plus axée vers la recherche humble, loyale, large, question, M. le Président, dépasse l'individu en d'un consensus aussi diversifié que possible et tant que tel. Cette question rejoint une conscience aussi enraciné que possible dans les divers sec- nationale qui s'affirme de plus en plus chez nous. teurs qui forment cette population extrêmement Si c'est un fait normal que cette question soit riche, aimable, intéressante de la province de traitée, elle doit l'être en toute lucidité, avec un Québec. Je peux vous assurer, M. le Président, souci de réalisme et d'équité, dans un climat de que nous accueillons ce jugement de la Cour sérénité. 4478

La question de la langue avait été oubliée un devant les tribunaux du Canada, ainsi qu'à l'As- petit peu au cours des deux dernières années, semblée nationale et devant les tribunaux du parce qu'on avait réussi à s'occuper d'autre cho- Québec. Les constitutionnalistes-conseils du gou- se, à trouver une façon de vivre avec une loi que vernement du Québec ont opté pour le premier des gens n'aimaient pas, bien sûr, que des gens camp, alors que, dans son jugement, la Cour su- avaient le droit de contester et qui, aujourd'hui, prême vient de donner gain de cause aux tenants revient devant nous. J'espère, M. le Président, que constitutionnalistes de l'autre camp. nous pourrons trouver une réponse définitive à ce Lors de la publication de notre livre bleu sur la problème, régler, au cours des quelques semaines langue, contre-proposition de l'Union Nationale à qui vont suivre, certains autres problèmes qui la loi 101, au chapitre de la langue, de la législa- pourraient survenir et faire en sorte, ensuite, que tion et de la justice, l'Union Nationale insistait sur nos Québécois puissent vivre ensemble, au Qué- la nécessité de concilier trois principes. bec, sans se chicaner, sans se diviser, sans se Le premier, d'ordre linguistique, afin d'assurer batailler avec les questions de la langue. la prééminence de la langue française et respecter L'émotion qui étreint chaque Québécois lors- l'état de fait historique de l'usage de la langue qu'il traite de la politique de la langue ne doit pas anglaise à l'Assemblée nationale du Québec et prendre le dessus sur la volonté de légiférer avec devant les tribunaux et autres organismes judiciai- responsabilité et bon sens. M. le Président, cette res et quasi judiciaires. Deuxième principe, d'or- volonté normale et légitime d'affirmation de la dre constitutionnel, celui-là même qui confronte langue française doit se faire, à mon avis, dans le les tenants des deux camps et fait l'objet de la respect et la reconnaissance de la communauté contestation ou du jugement que nous avons anglophone du Québec. Je redis aujourd'hui ce maintenant de la Cour suprême. Le troisième, que je disais il y a deux ou trois ans: Cette d'ordre juridique, puisque tant au niveau de la communauté anglophone, qui est ici depuis deux langue de la législation qu'au niveau de la langue siècles, a ses institutions propres, ses traditions et de la justice les jugements et les textes de loi sa culture. Notre souci de reconnaître la commu- intimement reliés l'un à l'autre, toute option lin- nauté anglophone au Québec n'a jamais été et guistique doit tenir compte du fait que les droits n'en est pas un de générosité, mais c'est un souci des parties aux prises avec un litige peuvent être de justice et d'équité. affectés. Je me souviens, lorsque nous avions discuté D'autre part, tout au long du débat sur la cette question de la langue, lorsque nous avons question linguistique l'Union Nationale a montré déposé, en commission parlementaire, ce que un souci de la communauté anglophone du Qué- nous appelions notre contreprojet de loi à la loi bec quant au recours, dans leur langue, à des 101, notre livre bleu, il y avait beaucoup d'amen- outils aussi universels que la législation et la dements que nous avions suggérés au ministre. Je justice. De fait, nous vivons dans un système de me souviens d'avoir discuté avec le ministre d'Etat droit mixte qui tient ses origines à la fois du droit au Développement culturel, qui me disait à l'épo- français et de la "common law". La compréhen- que que, dans le fond, il avait un choix à faire vis- sion des textes de loi, de la doctrine et de la à-vis de la langue de la législation et de la justice, jurisprudence au Québec exigera toujours des justement celle qui est touchée par le jugement de avocats, qu'ils représentent une personne physi- ce matin de la Cour suprême. Il disait: II y a une que ou morale, une connaissance du français et décision juridique que nous devons prendre ou de l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune une décision politique. Je me souviens de ses des parties ne soit pénalisée par le fait que l'une mots. Je l'entends encore aujourd'hui nous dire plaide en langue anglaise pendant que l'autre que le Parti québécois, comme gouvernement du plaide en langue française et vice versa. Québec, avait décidé de prendre une décision L'Union Nationale adoptait également la thèse politique et de prendre le risque que cette partie défendue par le Barreau du Québec à l'époque de la loi soit contestée devant les tribunaux. dans son mémoire à la commission parlementaire Ce qui devait arriver est arrivé. Au-delà des sur le projet de loi no 101 relativement aux cas de querelles idéologiques et des batailles de mots, on divergence toujours possibles entre le texte fran- devait finalement assister à une confrontation judi- çais et le texte anglais d'un jugement. Aujourd'hui, ciaire d'interprétation de la constitution. Les cons- par le jugement de la Cour suprême, nous avons titutionnalistes se retrouvent dans deux camps une réponse. J'ai écouté le ministre responsable. bien démarqués quant à l'interprétation à donner Bien sûr, c'était peut-être politiquement rentable des pouvoirs exclusifs des Législatures provincia- de faire un charriage contre le gouvernement les contenus à l'article 92 de l'Acte de l'Amérique fédéral ou contre le pouvoir fédéral, mais il y a lieu du Nord britannique, particulièrement au premier de diviser — pour les Québécois en tout honnêteté alinéa qui reconnaît le pouvoir exclusif aux pro- et surtout avec modération lorsqu'on discute de vinces de modifier leur constitution avec la seule cette question de la langue — la Cour suprême du réserve des dispositions relatives à la charge de pouvoir législatif fédéral. lieutenant-gouverneur. Lorsque j'ai entendu le ministre nous dire que Pour les uns, cet article est total et dominant. par le jugement de la Cour suprême — je le cite — Pour les autres, l'article 92,1 ne prime pas sur "le pouvoir fédéral obtient ce qu'il recherchait, il l'article 133, lequel traite de l'usage du français et réimpose au Québec le joug, le carcan centenaire de l'anglais dans les Chambres du Parlement et dont le Québec s'était débarrassé en affirmant par 4479 voie législative sa propre identité linguistique et débat véritablement entre Québécois de bonne culturelle", je pense que c'est drôlement charrier volonté, sans discrimination ni récrimination, com- dans la mauvaise direction. Ce jugement de la me disait le premier ministre. Je pense que ce Cour suprême ne fait qu'entériner un jugement de serait peut-être le temps de profiter de ce débat la Cour d'appel et de la Cour supérieure du pour élever le ton et élaborer tranquillement, entre Québec, de juges québécois, du Québec, qui ont nous, un projet purement québécois, au-dessus tout simplement jugé sur les textes de loi. Ce ne des lignes de parti. Qu'on arrête de charrier contre sont pas ces gens qui ont voulu mettre un carcan le gouvernement fédéral ou contre d'autres hom- sur les Québécois, ils n'ont fait qu'interpréter un mes politiques et qu'ensemble on se mette à la texte de loi. Tant et aussi longtemps que nous table pour établir entre Québécois de bonne vivrons dans un pays démocratique gouverné de la volonté le minimum vital essentiel que nous dési- façon qu'il est gouverné, les juges n'auront qu'à rons pour le Québec, pour les Québécois, pour les interpréter les textes de loi. Québécoises. Je crois que c'est malhonnête de la part du Je pense qu'il y a lieu, il y a moyen d'en arriver ministre de dire que c'est le pouvoir fédéral qui à un tel consensus sur le minimum vital essentiel nous impose un autre carcan, un autre joug. Si que nous voulons pour notre société québécoise. nous ne sommes pas contents de certaines lois, il Nous pouvons affirmer qu'il existe une société y a des façons de les changer. Il y a des gens qui québécoise et que si elle naquit un jour et grandit sont en face de moi et qui, avant le 15 novembre au fil des ans, elle se trouve aujourd'hui en 1976, n'étaient pas contents de certaines lois au situation de se redéfinir, en situation de faire le Québec. Ils se sont présentés, ils ont été élus pour point pour mieux repartir et pour poursuivre sa changer des lois au Québec. Si on n'est pas trajectoire. Quant à nous, l'Union Nationale, cette content d'autres lois fédérales, il faut se présenter, trajectoire, elle la poursuivra régénérée en elle- être élu — on en aura l'occasion au cours des même, à l'intérieur d'un Canada redéfini, et pour deux prochains mois, je pense bien — et on vivre la suite de son histoire. Cette redéfinition, pourra changer certaines lois qu'on n'aime pas. comment se fera-t-elle? Ce projet collectif que je S'il y a une constitution que nous n'aimons pas, il voudrais, pour le Québec, pour les Québécois et y a aussi une possibilité de négocier avec d'autres les Québécoises, dans quel climat sera-t-il défini? provinces et le gouvernement fédéral pour chan- Il nous faut y réfléchir en tenant bien sûr compte ger lentement bien sûr, lentement mais sûrement, d'hier, mais aussi et surtout, quand l'on se réfère des choses que nous n'aimons pas. aux études des démographes, dans la pleine (0 h 30) connaissance d'aujourd'hui pour projeter le de- Aujourd'hui, je voudrais demander aux minis- main le plus souhaitable. Ce projet collectif se fera tériels, de méditer un peu sur une phrase extraite dans un climat serein si nous, premièrement, les du manifeste publié dans Option Québec de M. hommes politiques responsables, nous sommes René Lévesque, premier ministre actuel, qui disait: véritablement des hommes politiques responsa- "II n'en tiendra plus qu'à nous d'établir, sans bles et des femmes politiques responsables en récrimination ni discrimination, cette priorité même temps. Si nous voulons nous élever au- qu'en ce moment nous cherchons, avec fièvre dessus de la petite partisanerie et essayer, en mais à tâtons, pour notre langue et notre culture." commun, de trouver ce consensus sur le minimum Le premier ministre a dit "sans récrimination ni vital essentiel que nous voulons comme Québé- discrimination". Je crois que lorsqu'on a adopté la cois et comme Québécoises. loi 101, on est allé au-delà de ce que le premier Cette société à redéfinir, nous ne la voulons ministre avait demandé de faire. J'aurais aimé que pas fermée et méfiante, toute à la dévotion d'une les ministériels s'en tiennent à ce que leur chef ethnie vouée à un culte passionné. Nous la leur a demandé. On n'aurait pas, aujourd'hui, les voulons ouverte, hospitalière et progressiste, où il problèmes que nous avons avec le jugement de la fera bon vivre, où, sans exclusion, tous les Québé- Cour suprême et on pourrait, ce soir, passer à cois sentiront que c'est là qu'il leur faut vivre et d'autres lois. qu'ensemble, fièrement, ils y vivront. Pour y arri- Bien au-delà de la définition d'une politique ver, il nous faut sortir de nos fibres tout sentiment linguistique, ce que nous faisons depuis quelques violent susceptible de diviser. années, au Québec, c'est bien la définition politi- Pour arriver à redéfinir cette société, il nous que d'une société québécoise. C'est ce dont il est faut apaiser nos haines, atténuer nos rancoeurs et question maintenant. Ne devrait-il pas plutôt y être calmer nos appréhensions. Il nous faut envisager question d'une redéfinition de cette société dans le Québec dans la totalité de sa réalité et pro- le sens d'un projet collectif des Québécois? longer la portée du concept du nationalisme à J'aimerais — parce qu'on discute de ce pro- tous les Québécois, à tous ceux et celles qui vivent blème de la langue, qui est relié bien sûr à l'avenir et qui contribuent à son maintien, à son évolution collectif des Québécois, à ce qui nous arrivera si et à son développement, peu importe la langue nous devenons indépendants, si nous avons une qu'ils parlent au Québec. Il faut, au-delà des ori- nouvelle constitution canadienne, si nous conti- gines ethniques, culturelles et linguistiques, qu'on nuons dans le statu quo, si ce sera la souveraine- en vienne à établir un consensus sur l'apparte- té-association — à la toute veille de cette grande nance véritable à la société québécoise. C'est ainsi discussion que nous aurons, que nous puissions que nous pourrons formuler notre projet collectif nous élever un peu dans la discussion et avoir un qui est d'établir ici une authentique société québé- 4480 coise qui, en fonction du respect mutuel et de la titre lui incombe la mission de faire rayonner le fait ferme détermination qui nous animera tous, saura français partout au Canada et même en Améri- atteindre les objectifs qu'ensemble tous les ci- que." toyens du Québec lui auront fixés. Cette société (0 h 40) devra faire la synthèse de tous les apports ethni- Je disais: "L'Union Nationale, consciente de la ques, culturels et linguistiques du Québec tels situation socio-culturelle actuelle du Québec, sou- qu'ils se trouvent en ce troisième quart du vingtiè- cieuse de témoigner de son parti pris pour la me siècle et au seuil du vingt-et-unième siècle. prééminence du français au Québec, comprend le M. le Président, si je parle de ce projet besoin de dispositions législatives particulières collectif en parlant de la question de la langue, qui peuvent permettre parfois l'utilisation exclu- c'est que je crois que c'est très relié ensemble. Ce sive de la langue française ou, et de façon sont des sentiments qui existent à l'intérieur du généralisée, sa prééminence sur la langue anglai- coeur et de l'âme de chaque Québécois et de se ou toute autre au Québec. L'Union Nationale ne chaque Québécoise. Nous, du Québec, situés au comprend ni n'accepte que l'on hésite, que l'on confluent des grandes cultures européennes dans refuse même de reconnaître formellement cela. la réalité contemporaine d'une situation géogra- Aujourd'hui, je pense que c'est plus de mise que phique nord-américaine, notre société devra cons- jamais que l'on refuse même de reconnaître tituer le point de rencontre, à la fois des idées et formellement les droits de la minorité anglophone des systèmes tant sociaux, politiques que culturels pourtant consacrés par 200 ans d'histoire. Les en une formule originale et authentiquement qué- anglophones, comme l'a clamé courageusement bécoise. Cette société québécoise, dans le respect le député ministériel de Mercier, forment une de ce qui est, sera riche d'un souffle nouveau et, communauté articulée et, à ce titre, ils ont des selon une formule qui aura provoqué l'adhésion droits que l'on doit identifier tout aussi explici- générale, elle saura dorénavant rendre possible et tement, du moins dans certains champs d'action, accessible ce qu'hier encore pouvait nous sembler que l'on a cru nécessaire de le faire et c'était relever de l'utopie conférer la dignité d'être à nécessaire dans le cas des Inuit et des Amérin- quiconque qui, de par sa volonté d'être un citoyen diens. Toute vouée à la prééminence du français à part entière de cette province, peu importent sa qu'elle l'est, l'Union Nationale ne comprend pas, langue et sa culture, aura droit d'être appelé n'accepte pas ce que l'universitaire montréalais Québécois. C'est dans cet esprit que l'Union Charles Taylor appelle la conception nativiste de Nationale a abordé les grands projets qui lui ont la minorité anglophone partagée par le Parti été soumis et c'est dans cet esprit que l'Union québécois. Nationale continue de traiter les projets qui lui Si je dis cela aujourd'hui, c'est aussi pour sont soumis. Je puis vous assurer, M. le Président, inviter nos collègues d'en face à changer un peu que nous voulons continuer à maintenir notre d'approche au cours des prochains mois et faire ouverture d'esprit au cours des prochaines semai- participer pleinement à la vie de leur parti, à la vie nes, des prochains mois et des prochaines an- de notre parti aussi, à la vie de la communauté nées. Nous voulons faire en sorte qu'avec modé- québécoise ces anglophones qu'on a peut-être ration, calme et raison nous abordions ces projets mis un peu trop de côté depuis que ce gouver- d'avenir collectif pour les citoyens du Québec. nement est en place à Québec. A tel point que ces M. le Président, les questions de langue sont gens ne se reconnaissent peut-être pas comme tellement reliées à nos projets d'avenir collectif des Québécois à part entière. Il faudrait faire en que je voudrais vous citer ce que je disais à sorte que nous leur fassions comprendre, nous les l'époque lors de l'étude de la loi 101 parce que je Québécois francophones, que, pour nous, les crois que c'est encore de mise aujourd'hui. Je Québécois anglophones sont des Québécois à disais: "Encore aujourd'hui, la loi 101 mérite des part entière. C'est peut-être l'histoire qui veut que amendements et, même plus, une approche qui nous rediscutions aujourd'hui de la Charte de la soit plus saine — disons-le carrément — moins langue française et que nous puissions faire appel mesquine, à l'endroit de nos concitoyens québé- à plus d'ouverture, plus de générosité, plus de cois à part entière que sont les anglophones, les réalisme et de bon sens de la part du Parti membres de la communauté anglophone, dont le québécois afin d'inviter nos compatriotes québé- premier ministre, à l'époque, se targuait de recon- cois anglophones à participer à la vie de leurs naître l'existence, et avec lesquels, songeons-y partis politiques eux aussi. bien, nous aurons à vivre l'après-charte. " Bien sûr, le chef de l'Opposition officielle Je disais cela, il y a trois ans. Je pourrais notait, dans son discours, les récents résultats redire la même aujourd'hui ou je pourrais redire la d'élections, et en particulier D'Arcy McGee, le même chose aussi lorsque nous aurons le débat dernier comté. C'est quand même surprenant, sur la question référendaire. Je disais en parti- mais il faut constater que les anglophones en bloc culier: "Ici, je veux être bien clair et bien compris. se refusent à participer à la vie démocratique d'un L'Union Nationale ressent le besoin de préserver parti politique. C'est peut-être beau de dire qu'ils le fait français chez nous, d'en favoriser l'épa- ne veulent rien comprendre, mais je me demande nouissement et, donc, de privilégier le français si, lorsque toute une communauté, une collectivité dans cette terre d'Amérique, besoin d'autant plus ne veut rien comprendre, d'après ce que nous dit ressenti que le Québec constitue le foyer principal le Parti québécois, il n'y a pas quelque chose à des Canadiens d'expression française et qu'à ce réajuster dans la philosophie politique ou cette 4481 approche que le Parti québécois a présentement la langue anglaise à l'Assemblée nationale, devant ou sa vue qu'il a sur le Québec et sur les citoyens les tribunaux et les autres organisations judiciai- du Québec. res et quasi judiciaires. Bien sûr, les partis politiques ont à faire des Deuxièmement, de principes d'ordre constitu- approches différentes. Des partis qui ont peut-être tionnel, il existe deux thèses, l'une permettant au reconnu leurs erreurs, j'espère en tout cas, qui en Québec de modifier à sa guise l'article 133 de cours de route peuvent les corriger, mais il reste l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en vertu quand même qu'un parti politique qui est le de sa constitution interne — voir l'article 92 de gouvernement d'une province ne peut se permet- l'Acte de l'Amérique du Nord britannique — et tre de mettre de côté 20% de la population en leur l'autre interdisant au Québec de modifier unila- disant: On ne veut pas vous comprendre. Il y a téralement cet article. Le troisième principe d'or- peut-être une approche, il y a peut-être un signe dre juridique, tant au niveau de la langue de la dans cette décision de la Cour suprême qui fera législation qu'au niveau de la langue de la justice, réfléchir d'une façon sérieuse ce présent gouver- puisque les jugements et les textes de loi sont nement du Québec pour qu'il puisse faire en sorte intimement liés les uns aux autres, toute option que nos compatriotes québécois anglophones linguistique doit tenir compte du fait que les droits puissent davantage participer à la vie du Québec. des parties aux prises avec un litige peuvent être affectés. Charles Taylor, il y a deux ans, disait ceci: "Beaucoup de nationalistes soutiennent depuis L'Union Nationale, en plus de vouloir ici longtemps que l'existence même d'une commu- comme partout ailleurs, consacrer, il va de soi, le nauté florissante d'anglophones représente un statut officiel de la langue française, reconnaît, par dangereux foyer d'assimilation au sein du Québec. souci d'équité, les besoins et le droit des membres C'est une vue des choses qui me semble très de la communauté anglophone du Québec de néfaste et cela à deux niveaux: d'abord, elle trahit recourir dans leur langue à des outils aussi uni- un terrible manque de confiance en la vitalité de la versels que la législation et la justice. L'Union société et de la culture québécoise et, ensuite, Nationale reconnaît le français et l'anglais comme cette peur engendre fatalement une politique langues de la législation pour toutes les étapes de fermée, chauvine où la survivance de l'un passe l'adoption d'un projet de loi. Je disais cela il y a par la suppression de l'autre." Taylor continuait: deux ans et demi. Aujourd'hui, la Cour suprême "Le gouvernement doit absolument réfléchir à nous dit que nous avions raison. Ce n'est pas que cette question s'il veut amener de façon spécifique cela nous fait seulement plaisir d'avoir raison, les anglophones du Québec et d'ailleurs à parta- mais je pense que c'était à l'époque la voix de la ger une vision commune d'un Québec renouvelé modération, la voix du calme, la voix de la raison. où le français aura la place qui lui revient de fait et Encore aujourd'hui je pense qu'on devrait trouver, de droit. non pas en insultant les autres, mais en commun un modus Vivendi pour faire participer, faire Je pense que cela s'écrivait il y a un peu plus partager à nos compatriotes anglophones ce que de deux ans, deux ans et demi. Cela mériterait nous faisons au gouvernement du Québec. qu'on s'y arrête quelques instants. Je ferai tenir Si nous reconnaissons deux versions officiel- copie de la citation à mon excellent collègue, le les des textes de loi adoptés par l'Assemblée na- ministre d'Etat au Développement économique; il tionale, il faut prévoir ce qui arrivera en cas de pourra en profiter pour y réfléchir davantage. divergence sur l'interprétation à donner à un ou Que le gouvernement du Québec s'emploie plusieurs articles d'un texte de loi donné. Là- donc à développer un climat où l'on se parle dessus, j'ai l'impression que ce projet de loi qui franchement entre Québécois de différentes lan- nous est présenté, encore une fois, pourra être gues. Dès lors, son action, au lieu de nourrir présenté devant la Cour suprême pour interpré- l'inquiétude des minorités ethniques en général ou tation dans un de ses articles. Il me fait penser à des anglophones en particulier, sera mieux per- peu près mot pour mot à un texte de loi qui a été çue. Pourquoi donc prendre le risque "immature" adopté par Duplessis en 1937. Il disait qu'en cas d'un règlement de compte historique ou le risque de divergence entre les textes français et anglais inutile d'une brimade gratuite dont le prix serait le texte français prévalait. Cela n'a pas été jugé d'exclure de toute réforme sérieuse au Québec un anticonstitutionnel, parce que le gouvernement de cinquième de sa population qui aurait le sentiment l'époque l'avait retiré deux ou trois ans après, de ne pas être de la partie? mais, quand même, on était en passe d'aller M. le Président, je vous cite encore ce que jusqu'à la Cour suprême pour avoir une décision nous disions à l'époque sur la loi no 101, parce sur cet article. Il y aurait peut-être lieu d'y remé- que ce chapitre de la langue de la Législature et dier en changeant un peu cet article du projet de de la justice est remis en cause. Nous faisions des loi qui fera en sorte que, en cas de divergence, le suggestions qui sont à peu près dans la ligne de texte français pourra, en dernier lieu, servir, préva- pensée de ce que la Cour suprême aujourd'hui loir. Mais, quand même, il faut auparavant que nous dit de faire ou reconnaît ultra vires. A toutes les autres règles ordinaires d'interprétation l'époque, je disais: II faut, au chapitre de la langue puissent être acceptées ou puissent permettre de de la législation et de la justice, tenter de concilier résoudre convenablement le problème. Nous ferons trois principes: le premier, d'ordre linguistique. Il des suggestions lorsque nous arriverons à cet faut assurer la prééminence de la langue française article de ce projet de loi. et respecter l'état de fait historique de l'usage de (0 h 50) 4482

M. le Président, cette prise de position que cause des budgets ou d'autre chose, mais d'une nous avons toujours eue concernant la langue façon ou d'une autre il faudra s'orienter au concilie notre souci de ne pas porter préjudice gouvernement du Québec, au ministère de l'Edu- aux droits des parties aux prises avec un litige qui cation pour faire en sorte de donner cette forma- met en cause l'interprétation d'un ou de plusieurs tion nécessaire aux jeunes de chez nous. articles d'un texte de loi et notre engagement en Il y a aussi un autre point qu'on avait demandé faveur de la prééminence du français. à l'époque, qui devra être révisé un jour ou l'autre Vu que nous vivons dans un système de droit si nous voulons cette ouverture d'esprit dont je mixte qui tient ses origines à la fois du droit parlais tout à l'heure vis-à-vis de la communauté français et de la "Common law", la compréhen- anglophone. C'est justement de permettre à nos sion des textes de loi, de la doctrine et de la compatriotes canadiens anglophones qui nous jurisprudence au Québec exigera toujours des viennent de Toronto, d'Ottawa, de Vancouver ou avocats, qu'ils représentent une personne physi- d'ailleurs de venir au Québec et de pouvoir faire que ou morale, une connaissance du français et éduquer leurs enfants en anglais, puisque c'est de l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune déjà la langue normale qu'ils parlent à la maison. des parties ne soit pénalisée par le fait que l'une Je ne vois pas pourquoi nous continuerions à plaide en langue anglaise pendant que l'autre les forcer, ces gens-là en particulier... Je ne veux plaide en langue française, et vice versa. pas dire que les Grecs, les Polonais ou les autres M. le Président, l'Union Nationale précise que qui viennent au Québec devraient aller à l'école dans les champs d'action où la communauté anglaise. Nous sommes tous d'accord que ce ne anglophone qu'on se targue de vouloir reconnaî- sont pas des anglophones élevés dans une famille tre existe, c'est bien au niveau des municipalités, anglophone, ils doivent aller à l'école française. des commissions scolaires, des services commu- Mais les anglophones de l'Ontario ou d'ailleurs à nautaires qu'il faut la reconnaître. L'Union Natio- travers le Canada, je pense que ce serait normal nale a toujours opté pour une position plus qu'on leur permette d'envoyer leurs enfants à réaliste qui tienne compte du besoin normal et l'école anglaise. On pourrait solutionner tous les légitime de donner à nos institutions publiques un problèmes de langue qui nous sont présentés visage essentiellement français, sans pour autant maintenant. nier à la communauté anglophone la possibilité de M. le Président, je voudrais avant de terminer vivre comme telle là où elle est en majorité au citer une conclusion du jugement du juge Deschê- niveau local ou régional. nes de la Cour supérieure. Ce n'est certainement Il y a quelque chose qui nous viendra plus tard pas un anglophone, le juge Deschênes. Lorsqu'il a vis-à-vis de la langue d'enseignement. Il y a deux rendu son jugement sur la loi no 101 le 27 janvier ans et demi, lorsque nous avons adopté la langue 1978, il disait ceci: "II ne faut pas oublier que de l'enseignement — on se souvient qu'il y a eu l'article 133 a été le fruit d'une décision politique beaucoup de discussions — nous avions demandé conjointe. Si l'une des parties veut le modifier, au ministre de l'Education de l'époque de prendre c'est par le truchement d'une autre décision de les mesures nécessaires pour s'assurer que la même nature qu'elle doit y parvenir — donc une fréquence et la qualité des cours de français décision politique. Au moyen de sa contestation, dispensés aux élèves qui reçoivent l'enseignement le Procureur général du Québec cherche à obtenir en langue anglaise soient de nature à donner à une véritable modification constitutionnelle par le ceux-ci une connaissance suffisante de la langue biais de l'interprétation judiciaire, mais la cour ne française pour permettre à tous les anglophones saurait se rendre à cette invitation. Rien ne de devenir, après dix ans ou douze ans d'étude, justifierait la cour de forcer les textes afin d'en suffisamment bilingues pour ne pas avoir de extraire une signification que leurs rédacteurs difficulté nulle part. n'ont jamais voulu leur donner, mais la cour est Nous voulions aussi, d'autre part, que le tenue d'écarter une loi qui abroge unilatéralement ministre de l'Education prenne les mesures néces- une garantie constitutionnelle réciproque que per- saires pour que tous nos francophones puissent sonne n'avait mise en doute durant un siècle." apprendre l'anglais, parce que c'est une forma- Le juge Deschênes donne sa conclusion en tion, à mon point de vue, aussi essentielle que disant ceci: "S'il est vrai que les circonstances ont d'apprendre la géographie, l'histoire ou même les changé, que les esprits ont évolué et que d'aucuns mathématiques. En Amérique du Nord, qu'on le n'acceptent plus d'être régis par des textes qui ont veuille ou non, aussitôt que nous sortons du présidé à la naissance de ce pays, il leur appar- Québec, nous devons parler anglais, nous devons tient de faire passer leurs convictions dans la communiquer en anglais et tous, à peu près sans réalité politique canadienne, mais, en attendant ce exception, nous voyageons à l'extérieur du Qué- jour-là, c'est la constitution actuelle que le tribunal bec, tous sans exception, nous avons besoin de doit lire, interpréter et appliquer." C'est un Qué- connaissances techniques, de connaissances cul- bécois comme nous qui disait cela, le juge Des- turelles ou autres. Je pense que c'est une partie de chênes. Il a tout simplement vu ce qu'il y avait la formation de nos jeunes Québécois francopho- dans la loi et interprété la loi. nes de pouvoir apprendre au moins à s'exprimer Tout cela plaide en faveur d'une nouvelle convenablement en anglais. Nous demandions ça constitution canadienne, constitution qui pourrait à l'époque. Nous avons constaté que depuis ce répondre à nos besoins. C'est peut-être le temps, temps il ne s'est pas fait grand-chose, peut-être à après 113 ans d'histoire, de dépoussiérer un peu 4483 cette constitution. Et c'est avec ouverture d'esprit différentes formations politiques. Suite à un juge- que le gouvernement du Québec devrait se pré- ment récent du président de l'Assemblée nationa- senter, avec les autres premiers ministres des le, qui a été confirmé par Mme la vice-présidente, provinces canadiennes et le premier ministre fédé- après ce premier tour fait en deuxième lecture, je ral, et faire en sorte de changer cette constitution me dois à ce stade-ci, pour respecter ce jugement canadienne et de l'adapter aux besoins des ci- et l'esprit du règlement, de reconnaître le député toyens qui habitent le Canada en 1980 ou qui de Chauveau. Par la suite, il est bien entendu que, habitent le Québec en 1980. respectant ce même jugement, je m'en irai du côté M. le Président, avant de conclure, je ne peux de l'Opposition. pas ne pas dire un mot au sujet de ce qui s'est passé au Manitoba. C'est choquant pour des M. Tremblay: M. le Président, question de francophones. Moi aussi, comme les gens du Parti règlement. L'article 92 dit: "Pour parler, un député québécois, je réalise qu'il y a 80 ans il y avait 50% doit se lever et demander la parole au président en ou à peu près de francophones au Manitoba et le désignant par son titre." Je croyais avoir le que, grâce à une loi qui a été passée à l'époque, premier demandé la parole, d'une part. D'autre aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il ne reste que 4% de part, il n'y a pas eu un tour encore. Je pense que francophones. Et, même si le jugement de la Cour le ministre d'Etat au Développement culturel a fait suprême donne raison aux francophones de l'épo- un discours assez long. Je pense que le côté de que, je ne crois pas que jamais plus le français ne l'Opposition officielle a fait son intervention, de revienne au Manitoba. même que le côté de l'Union Nationale. Il n'y a pas Pour des francophones, bien sûr, c'est difficile d'autres députés indépendants ce soir ici. Je crois à accepter, mais c'est un fait de l'histoire et il faut qu'il serait dans l'ordre... bien l'accepter maintenant. On n'a pas d'autre (1 heure) choix. Il faut faire en sorte, par exemple, de Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè- changer des choses qui sont arrivées et qui re): M. le député de Gouin, il y a également un n'étaient pas correctes dans le passé. Il faut les article de notre règlement qui dit qu'un député ne changer pour l'avenir. Il faut regarder l'avenir et peut contester une décision de la présidence. Je faire en sorte que cette constitution que nous sais que tous les députés savent que, depuis trois voulons pour notre pays puisse répondre davanta- ans, une coutume parlementaire qui existe, en ge à nos besoins et à nos préoccupations. deuxième lecture du moins, c'est qu'une fois que M. le Président, durant ce débat, comme le proposeur du projet de loi a parlé, que le chef durant d'autres débats, linguistiques qui ont ac- de l'Opposition officielle ou son représentant a caparé notre temps de même que nos énergies, parlé, que le chef de l'Union Nationale ou son l'Union Nationale se fait un devoir d'adopter une représentant a parlé, consiste à ce qu'un député attitude constructive et ce, dans l'intérêt de tous ministériel parle et, par la suite, je reconnaîtrai un les Québécois. Il est certain que cette façon d'agir député de l'Opposition. ne cadre pas avec l'idée qu'on s'est toujours faite dans le passé au Québec des partis d'Opposition. M. Tremblay: M. le Président, loin de moi Mais est-ce là une raison pour refuser de voir clair, l'idée de vouloir contester votre décision. Je m'y pour refuser d'évoluer à ce moment de notre rends fort volontiers, mais, comme j'avais deman- histoire où les événements exigent de nous une dé la parole le premier, est-ce que je pourrais nouvelle approche, beaucoup plus réaliste, à mon compter sur votre collaboration pour qu'après le avis, et qui fait la juste part des choses? député de Chauveau, vous me donniez la parole? Et en terminant, je veux vous redire ce que je vous citais au début: Plus jamais, M. le Président, Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. la question de la langue ne devra chez nous, au le député de Chauveau. Québec, diviser nos gens et opposer les citoyens les uns aux autres. M. Louis O'Neill M. Tremblay: M. le Président, je ne sais pas si M. O'Neill: M. le Président, il y a un sentiment le premier ministre voulait... de tristesse que beaucoup parmi nous partagent ce soir, qui est d'ailleurs partagé par beaucoup de Le Vice-Président: M. le député de Chauveau. ceux qui sont venus nous rejoindre. Ils auraient d'ailleurs souhaité venir nous rejoindre encore en M. Tremblay: M. le Président, je pensais avoir plus grand nombre. Comme me le disaient un demandé la parole. certain nombre de gens ce soir, si le temps nous le permettait, c'est massivement que les Québécois M. O'Neill: Je l'ai bien demandée, M. le viendraient ici devant le Parlement exprimer leur Président. indignation. Mais la tristesse, M. le Président, de Le Vice-Président: M. le député de Gouin, à cette journée qui a été décrite par notre collègue, l'ordre, s'il vous plaît! le ministre d'Etat au Développement culturel, ce M. le député de Gouin, il est de coutume, en n'est pas simplement celle qui vient de ce juge- cette Chambre, lorsqu'un projet de loi est déposé, ment qui a été rendu et de ce qu'il révèle, c'est que nous fassions un premier tour des chefs des aussi la tristesse de certains comportements. 4484

Ce soir, je dois vous dire une chose qui m'a moitié chez nous des avantages dont jouissent les rendu triste, c'est de voir se répéter ce comporte- anglophones au Québec, nous nous croirions au ment, par exemple, de l'Opposition officielle, sem- paradis. Jamais ils n'ont eu la moitié, le tiers, le blant d'ailleurs se réjouir d'une défaite du Québec. dixième de cela et il y a des gens qui viennent Cette image de gens d'ailleurs, cette image qu'ils nous parler ici du respect du droit des minorités nous donnent depuis que nous sommes ici, de au Québec. Je sais qu'on a souvent utilisé cette gens qui ont beaucoup de difficulté et parfois une formule selon laquelle on disait que les jugements sorte d'impossibilité de se comporter en Québé- de la Cour suprême rappelaient la tour de Pise qui cois, de gens d'ailleurs à qui, à cause de cela, il ne penchait toujours du même côté. Je pense qu'il faut pas confier l'avenir de ce pays, parce qu'il serait beaucoup plus exact de dire que ce n'est faut confier l'avenir de ce pays à des gens qui se pas la Cour suprême qui penche du même côté, sentent bien d'abord d'ici. Je crois que, quand des c'est le régime. gens se réjouissent de voir le Québec humilié, ils A ce point de vue, ce que je retiens de ce ne sont sûrement pas dignes de conduire ce pays. jugement de la Cour suprême, c'est un message M. le Président, il ne s'agit pas ici de tout rele- très clair, un message que certains ne veulent ver ce qui a été dit, n'est-ce pas? Je voudrais sim- peut-être pas comprendre, un message qui met fin plement relever, entre autres, un sophisme qui a aux illusions. Qu'est-ce que la Cour suprême vient été répété une fois ce soir et aussi parler, je dirais, nous dire? Elle vient nous dire: Ce régime fédéral d'une indécence qui a été répétée une fois de que nous interprétons, nous, de notre mieux, il est plus. Le sophisme, c'est celui, entre autres, qui pire que ce que vous pensiez. C'est cela qu'elle consiste à vouloir opposer dans ce débat, une fois nous dit, quand on voit toutes les conséquences de plus, des droits individuels et des droits collec- éventuelles de ce jugement de la Cour suprême, tifs, comme si la promotion de droits collectifs qui dit: La constitution va jusqu'au point où vous n'était pas, dans certaines circonstances histori- serez obligés de modifier un grand nombre de ques, la meilleure manière de protéger des droits pratiques administratives. C'est vraiment la fin des individuels. Vous connaissez, M. le Président, illusions. Ce que nous dit la Cour suprême, c'est cette axiome qui dit qu'en situation d'inégalité, que ce régime instaure ou affirme dans un texte c'est la loi qui libère et la liberté qui opprime. notre condition d'infériorité, notre condition de Quand les gens sont inégaux, en situation d'inéga- peuple dominé. C'est cela, finalement, que nous lité, quand des gens sont en situation de groupes dit la Cour suprême. Elle nous dit: Lisant la consti- dominés, c'est la loi qui les libère. C'est un sophis- tution, je vois ici un régime d'inégalité, et elle nous me que de toujours ici opposer les droits indivi- fait tout simplement l'exégèse de ce texte. Elle duels et les droits collectifs alors que, justement, nous dit que nous sommes, au fond, juridique- cette défense de droits collectifs d'un peuple qui ment colonisés. Remarquez qu'il y a des gens qui essaie de se libérer, qui lutte depuis des généra- sont, eux, psychologiquement colonisés. C'est un tions pour accéder à un statut d'égalité, cette dé- autre problème. On le connaît bien ce problème. fense, cette promotion par des droits collectifs, Cet exemple de gens colonisés psychologi- c'est quelque chose qui est absolument dans la li- quement, nous l'avons devant nous depuis trois gne de droits individuels concrets et réels, ce n'est ans, mais ce que nous dit la Cour suprême, c'est pas simplement de droits formellement affirmés. que nous sommes aussi juridiquement colonisés. Ce sophisme, nous l'avons encore entendu ce Encore une fois, ce sont des vérités brutales, des soir. vérités désagréable que beaucoup n'aimaient pas J'ai aussi entendu une indécence. Cette indé- voir. Je pense que beaucoup, à partir d'aujour- cence, ce propos indécent, il est venu du chef de d'hui, beaucoup de ceux même qui croient à la l'Union Nationale venant donner le conseil de bien souveraineté du Québec vont y croire encore respecter les droits des minorités ici au Québec. beaucoup plus, parce qu'ils vont s'apercevoir qu'il Dans l'histoire de ce pays, mais où donc les droits n'y a aucune illusion à avoir quant à ce vieux texte des minorités ont-ils été respectés? Au Manitoba, de loi qui a été fait par des gens qui se sont servis en Ontario, règlement 17, en Colombie-Britanni- les premiers, étant les maîtres, les conquérants. Ils que ou bien au Québec? C'est toujours au Qué- ont fait, évidemment, des textes qui correspon- bec. Personne n'a de leçon à nous donner là-des- daient à leur façon de penser. Ils avaient un sus, mais c'est de voir que quelqu'un d'ici vient pouvoir à sauvegarder, ils avaient un groupe humilier les Québécois en essayant de nous faire minoritaire à garder à l'intérieur de certaines croire qu'ici les droits de minorités ne sont pas barrières et ils ont fait une constitution en consé- respectés. Comparons la situation; comparons les quence. conditions de vie des minorités ici au Québec avec M. le Président, la perte d'une bataille ne fait celles des minorités ailleurs et vous trouvez tout pas la perte de la guerre. Comme disait notre de suite la réponse. C'est une évidence et c'est collègue, le ministre d'Etat au Développement une injure que l'on fait aux Québécois quand on culturel, les jugements de cour ne règlent pas vient de cette façon leur donner ce conseil alors tout. Il y a aussi les jugements populaires. Il y en que le problème s'est toujours posé ailleurs qu'au aura un bientôt, un jugement populaire. J'ai l'im- Québec. pression qu'aujourd'hui, c'est le débat référen- Vous vous rappelez, au moment de la promul- daire qui est bien amorcé. Il y a une réponse qui gation de la loi 101, que les francophones en viendra bientôt. Ce sera la réponse du peuple dehors du Québec déclaraient: Si nous avions la québécois. C'est le peuple québécois qui va se 4485 mêler au débat. Ce n'est pas simplement un débat peut dormir en paix cette nuit, même s'il faudra entre représentants ici, à l'Assemblée nationale, bien un jour se donner une constitution équilibrée dont nous serons les témoins, ce sera un débat du dans une véritable Confédération au Canada. Le peuple québécois. Le peuple québécois n'a pas le fait de rendre légales les versions anglaises de nos temps de s'organiser dans une grande manifesta- lois avec l'adoption ce soir du projet de loi no 82 tion populaire pour venir nous dire jusqu'à quel ne diminuera pas notre bien-être, à moins que point il rejette ce régime fédéral qui, encore une nous soyons déjà tellement fanatisés par la langue fois, apparaît aujourd'hui sous un jour encore plus anglaise ou américaine nous cause une répulsion odieux qu'avant. Cependant, il y aura une grande viscérale et nous perturbe, selon les mots mêmes rencontre, il y aura une grande manifestation du ministre d'Etat au Développement culturel, jus- populaire au printemps où le peuple québécois, qu'au dérèglement psycho-affectif. par un oui, viendra vraiment dire ce qu'il veut, Je ne crois pas cependant que c'est le cas viendra finalement exprimer son désir de se libérer pour la très grande majorité de nos concitoyens et de ce carcan. C'est là qu'on voit encore plus de nos concitoyennes québécois et québécoises aujourd'hui qu'avant, à la suite de ce jugement de francophones qui tiennent à leur langue, bien sûr, la Cour suprême et ce que révèle ce jugement sur mais qui sont aussi nord-américains, en plus le régime fédéral, on voit encore mieux ce que le d'être francophones et certainement pas, bien sûr, oui voudra dire. Ce sera le oui de la dignité, le oui pour nos concitoyens québécois anglophones qui de la liberté; le non sera tout simplement le non de sont, jusqu'à nouvel ordre, des citoyens à part en- la résignation et le non de la démission. tière, même si nos concitoyens francophones des C'est une étape que nous vivons aujourd'hui, autres provinces, eux, ne le sont pas encore, du c'est une page triste d'histoire. Nous en sommes moins tant qu'il n'y aura pas une nouvelle consti- conscients. Nous la vivons et nous l'acceptons, tution. mais nous ne nous y résignons pas. Nous sommes Par conséquent, je n'ai aucune objection à profondément convaincus que le peuple québé- appuyer le projet de loi no 82, afin de régulariser cois ne l'accepte pas non plus. Le peuple québé- la situation légale de nos textes de loi. Mais puis- cois, à partir d'aujourd'hui, connait beaucoup que le ministre d'Etat au Développement culturel mieux encore le sens exact de cette réponse qu'il et le leader du gouvernement ont élargi le débat donnera au printemps, parce qu'on vient, en sur la question de l'Acte de l'Amérique du Nord somme, de lui révéler que ce régime carcan, dans britannique, je suis bien heureux de les suivre sur lequel nous sommes emprisonnés, est encore bien ce terrain. pire et bien plus menaçant que beaucoup d'entre En effet, l'incident constitutionnel d'aujour- nous, que beaucoup de Québécois le croyaient. A d'hui illustre on ne peut mieux le problème fonda- ce point de vue, on peut dire que maintenant, à la mental du Québec et du Canada. Nous n'avons suite de cet événement malheureux, la campagne pas de constitution. Nous sommes un des rares du référendum a bien démarré. pays au monde à ne pas avoir de constitution. (1 h 10) Nous avons une vieille loi qui date de la reine Vic- Nous savons plus que jamais maintenant que toria et qui appartient à un Parlement étranger, le le oui du printemps qui s'en vient, ce oui collectif Parlement de Londres, et cette loi nous régit et du peuple québécois, ce sera un oui de la dignité, établit nos droits ou notre absence de droits. un oui de la liberté et un oui de la fierté. C'est la constitution qui libère et qui protège Merci, M. le Président! les faibles, pour paraphraser ce que disait le dé- puté de Chauveau il y a quelques minutes. Dans Le Vice-Président: M. le député de Gouin. cette loi britannique cependant, conçue avant tout en 1867 et dont j'ai déjà reproduit dans un livre dé- M. Rodrigue Tremblay posé la semaine dernière les principaux articles, loi d'ailleurs conçue principalement pour contenir M. Tremblay: M. le Président, avec le projet de l'expansion des Etats-Unis, les francophones sont loi no 82, on nous demande de rendre légale et très peu protégés, eu égard à leurs droits sacrés officielle la version anglaise des lois et des règle- de survivance et d'épanouissement en Amérique ments adoptés par cette Assemblée nationale de- du Nord et au Canada. puis deux ans, en conformité avec l'article 133 de Nous ne formons que 2 1/2% de la population l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et de de l'Amérique du Nord, nous, les francophones, et maintenir bilingue la justice au Québec. 27% de la population canadienne, avec nos six A mon avis, il n'y a pas là matière à fouetter un millions d'habitants. Cinq millions de francopho- chat, même si le jugement de la Cour suprême dé- nes au Québec et un million au Nouveau-Bruns- montre on ne peut plus clairement que le Canada wick, en Nouvelle-Ecosse, avec les Acadiens qui n'a pas de véritable constitution et même si je forment 240 000 citoyens, et en Ontario et au Ma- peux comprendre que certains croient les obliga- nitoba et dans quelques autres provinces. tions contenues dans l'article 133 de l'Acte de Or, dans cette loi britannique, il n'y a vraiment l'Amérique du Nord britannique difficiles à accep- que trois articles qui nous accordent une certaine ter à cause du déséquilibre de cet article et protection. L'article 133 dont nous discutons la va- souhaiteraient surdramatiser un événement juridi- leur aujourd'hui, l'article 93 et l'article 92. L'article que et constitutionnel. 133 dit finalement que les cours de justice sont En fait, la population du Québec, à mon avis, ouvertes aux deux langues et que les parlementai- 4486 res à Québec et à Ottawa peuvent avoir accès à les 600 000 Ontariens francophones. Au contraire, des textes en langues française et anglaise et peu- quand je compare notre situation de seulement vent s'exprimer dans la langue de leur choix. deux communautés linguistiques et deux des prin- Donc, les 200 parlementaires du Québec, à cipales langues internationales parlées à travers le Québec et à Ottawa, peuvent parler les deux lan- monde sur une demi-continent, avec celle des au- gues, tandis que les tribunaux fédéraux et québé- tres pays, je ne peux que conclure, primo, que cois sont ouverts aux citoyens canadiens des deux notre problème est bien mineur, même si sérieux, communautés linguistiques. et, secundo, que nous n'avons pas beaucoup L'article 93 garantit le droit à des écoles con- d'imagination et de leadership pour le résoudre. fessionnelles, mais sans référence à des écoles En Suisse, par exemple, ils sont quatre com- dans la langue des citoyens. De sorte qu'en Onta- munautés linguistiques différentes dans un pays rio, à Windsor, à Pénétang et dans d'autres villes grand comme un mouchoir de poche et ils vivent aujourd'hui, il faut revendiquer et même quêter en harmonie depuis sept siècles, tout en étant des écoles françaises parce que ce n'est pas un Suisses allemands, Suisses français, Suisses ita- droit d'en avoir, c'est un privilège d'en avoir. liens et Suisses romanches, mais ils ont une cons- Evidemment, l'article 92, qui est le prolonge- titution. Nous n'en avons pas. ment de l'article 71, établit les prérogatives du (1 h 20) gouvernement du Québec, lequel constitue la seu- Je cite l'article 116, par exemple, de la consti- le autonomie politique véritable et globale pour les tution suisse, qui dit ceci: L'allemand, le français, Québécois francophones dans les domaines qui y l'italien et le romanche, sont les langues nationa- sont énumérés. les de la Suisse; sont déclarées langues officielles M. le Président, la loi 92 nous permet de nous de la confédération l'allemand, le français et demander si ce qui nous sert aujourd'hui de cons- l'italien. C'est ce que j'appelle un système. Non titution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, pas la lutte des langues, mais un système qui dans son article 133, car c'est sur cet article que permet de vivre et de laisser vivre. C'est un porte le jugement de la Cour suprême, devrait être système, à mon avis, civilisé, un système moderne. répudié comme la loi 101 le faisait, ou si, plutôt, La solution au Québec et au Canada, ce n'est nous ne devrions pas conclure de cet incident pas tantôt de proscrire l'anglais, tantôt de proscri- constitutionnel qu'une véritable constitution civili- re le français; c'est plutôt d'accorder à tous les sée, pour un pays bi-national et étendu sur un citoyens, quelle que soit la province où ils vivent demi-continent, devrait contenir dans son sein une en nombre suffisant, c'est-à-dire lorsqu'ils repré- protection fondamentale pour tous les citoyens de sentent une minorité de 5% et plus, leur accorder l'une ou l'autre des deux communautés linguisti- des droits politiques quant à leur existence et leur ques du Canada, d'être servis par l'Etat et les tri- épanouissement dans leur langue. Ce serait une bunaux dans leur propre langue, quelle que soit la approche logique et civilisée au lieu d'instaurer la province où ils habitent. dictature de la majorité qui écrase de son poids la Le drame de l'article 133, c'est qu'il ne s'appli- minorité. Au Canada, les francophones en Ontario, que qu'au Québec et qu'à Ottawa et à ce titre, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et au c'est un article déséquilibré, car il ne s'applique Manitoba devraient être protégés dans ce sens par pas aux francophones des autres provinces, tandis la nouvelle constitution. Il est trop facile d'abdi- qu'il couvre les anglophones du Québec. quer et croire qu'on aura contribué à la solution Là est le déséquilibre, là est l'anomalie et le en se retirant sous notre tente provinciale. Par député de Chauveau a parfaitement raison de dire contre, au Québec, les Québécois anglophones que le vrai problème de l'article 133 est à l'extérieur ont aussi droit d'être des citoyens à part entière et du Québec et non pas à l'intérieur du Québec. Les non pas une minorité dans un ghetto unilingue. 240 000 Acadiens qui n'ont pas de gouvernement M. le Président, je crois que c'est là le sens propre au plan régional depuis 1755 et les 600 000 commun et le bon sens, c'est ce que la vaste Ontariens francophones n'ont pas de droits quant majorité des Québécois et des Québécoises en à leur existence et à leur épanouissement en tant toute logique appuie et soutient. Ce n'est pas en que francophones. Ils ont des privilèges qu'ils doi- dramatisant un problème constitutionnel, de natu- vent souvent arracher de chaude lutte, mais ils re technique, et en fouettant le fanatisme ou n'ont pas de droits en tant que francophones. Là l'intolérance, parce que l'article 133 de cette loi est le problème, là est la difficulté et non pas le fait anglaise est mis en force par la Cour suprême, que d'avoir deux textes ici dans notre Assemblée na- nous ferons de notre coin de terre une terre de tionale, écrits en français et en anglais. C'est un prospérité où nous serons fiers d'être nous-mê- faux problème parce qu'il n'y a pas injustice; l'in- mes et où il fera bon vivre. justice est à l'extérieur du Québec. A l'aube de la campagne référendaire, M. le Ce n'est donc pas là un système civilisé et Président, les tentations seront grandes d'accen- équilibré que nous avons au plan constitutionnel tuer les divisions entre les bons et les méchants, au Canada. C'est même l'absence de système et les autres et nous, les francophones et les an- c'est ce qu'il faut corriger. glophones, les Québécois francophones et les On n'a pas de constitution véritable au Cana- Canadiens, etc., etc. Les hommes politiques qui da et il est grand temps que l'on s'en donne une allègrement feraient sortir le génie de la bouteille au plus tôt. Ceci ne signifie nullement, à mon avis, parce qu'à court terme ils en tireraient des béné- qu'il faille mettre un X sur les 240 000 Acadiens et fices politiques ou référendaires ne pourront pas 4487 facilement le remettre dans la bouteille. Par consé- même façon que le gouvernement libéral de 1970 quent, M. le Président, avant de sonner les clai- à 1976, et celui de l'Union Nationale, de 1966 à rons et les trompettes pour l'appel à la guerre et 1970 l'avaient fait, a décidé de présenter devant avant de conscrire tous nos ayatollahs, adoptons cette Chambre un projet de loi consacrant de donc ce projet de loi 82 pour corriger le problème façon définitive le caractère officiel de la langue technique qui est devant nous et attelons-nous française au Québec. dès maintenant et dans les prochains mois à la Bien sûr, M. le Président, nous nous rappe- tâche de nous doter d'une véritable constitution, lons tous le débat qui avait entouré l'adoption du une constitution qui protège les faibles et les chapitre III de la Charte de la langue française, et minorités et qui ne donne pas le droit à la majorité particulièrement les articles référant à la langue à d'opprimer les faibles et les minorités. l'Assemblée nationale et à la langue devant les Là, M. le Président, est la maturité et la tribunaux. A ce moment, c'est avec beaucoup de responsabilité. Le reste, nous pouvons nous en sens de la logique et beaucoup de courage que, passer. Pour ma part, je ne souscris pas au comme gouvernement, nous avons proposé de fanatisme linguistique et je n'ai pas l'intention de faire en sorte que la langue de la Législature et commencer ce soir. Merci. des tribunaux soit la langue française. M. le Président, tout le monde se rappellera, à M. Godin: M. le Président, au nom de l'al- ce moment, que même si la loi, la Charte de la ternance... langue française reconnaissait le français comme seule langue officielle devant l'Assemblée natio- Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît. nale et devant les tribunaux, il était évident — c'est Vous ne rendez pas la situation facile à la pré- un droit que nous avons maintenu — que les sidence. A l'ordre, s'il vous plaît. Mme la députée débats pouvaient se dérouler aussi dans la langue de Prévost m'avait fait signe, avant que le député anglaise, que les documents pouvaient être obte- de Gouin n'ait terminé, qu'elle désirait intervenir. nus dans la langue anglaise — ils l'ont été — et Laissez-moi terminer s'il vous plaît! que, devant les tribunaux, les citoyens pouvaient Le député de Vanier a été le premier qui a dit: se faire entendre dans leur langue et être entourés M. le Président. M. le député de Mercier, vous de tout le personnel nécessaire dans leur langue. êtes intervenu après votre collègue de Vanier. Or, Cela, M. le Président, n'a jamais été empêché sans vouloir faire de discrimination et tout en par l'adoption de la loi 101 et jamais la commu- voulant être conforme et logique avec la décision nauté anglophone du Québec n'a pu prétendre que j'ai rendue tout à l'heure, je vais reconnaître le que l'adoption de la Charte de la langue française député de Vanier et, par la suite, Mme la députée la brimait d'utiliser sa langue, d'avoir des services de Prévost, vous serez celle qui serez reconnue. dans sa langue, de parler sa langue, que ce soit M. le député de Vanier. devant l'Assemblée nationale ou devant les tribu- naux du Québec. Cela, M. le Président, il faut le M. Jean-François Bertrand dire, parce qu'il y a quelque chose d'important qu'on doit constater dans la décision de la Cour M. Bertrand: Merci, M. le Président. Le débat suprême, d'aujourd'hui. Ce que la Cour suprême que nous avons, ce soir, porte sur un article d'une reconnaît pour le citoyen Forest de la province du constitution écrite il y a plus de 112 ans, sur un Manitoba, c'est un droit qui est déjà reconnu à article dont, je pense, la lecture s'impose pour des l'intérieur même de la loi 101 au Québec. gens qui, encore à ce moment-ci, peuvent avoir Je cite, un résumé qui en a été fait par la encore la patience de nous écouter. Presse Canadienne, aujourd'hui, et qui interprète M. le Président, l'article 133 se lit comme suit: la décision rendue par la Cour suprême: "Ainsi, le "Dans les Chambres du Parlement du Canada et plus haut tribunal du pays, soit la Cour suprême, a les Chambres de la Législature de Québec, l'usage trouvé que M. Georges Forest, qui est à l'origine de la langue française ou de la langue anglaise de cette cause, était en droit d'avoir des copies dans les débats sera facultatif, mais dans la des textes législatifs en français et en anglais et rédaction des registres, procès-verbaux, journaux que le français peut être utilisé devant les tribu- respectifs de ces Chambres, l'usage de ces deux naux." langues sera obligatoire. En outre, dans toute (1 h 30) plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribu- Cela, M. le Président, que la Cour suprême du naux du Canada, établies sous l'autorité du pré- Canada vient de reconnaître, aujourd'hui, pour cet sent acte ou émanant de ces tribunaux et devant individu de la province du Manitoba et pour tous les tribunaux de Québec, ou émanant de ces les autres qui utilisent la langue française est un derniers, il pourra être aussi fait usage de l'une ou droit qui était déjà reconnu, même avec la loi 101, l'autre de ces langues. Les lois du Parlement du ici au Québec, pour ce qui était d'obtenir des tex- Canada et de la Législature de Québec devront tes législatifs en anglais et pour ce qui était de se être imprimées et publiées dans ces deux langues." faire servir en anglais dans les tribunaux du Qué- C'est sur la bse de cet article 133 de l'Acte de bec. Donc, la Cour suprême n'a rien donné de l'Amérique du Nord britannique, M. le Président, plus aux francophones de la province du Manitoba que tout le débat d'aujourd'hui se déroule que ce qui était déjà reconnu aux citoyens anglo- Le gouvernement du Québec, prenant en cela phones du Québec, même avec la loi 101. Cela, je ses responsabilités comme gouvernement, de la pense qu'il était important qu'on le dise. 4488

Le communiqué de la Presse canadienne, l'avaient amenée à le faire, la très grande inégalité ajoute ceci: "Le plus haut tribunal du pays a re- qui existe en ce moment entre le traitement qui est connu que M. Forest était en droit d'avoir des co- accordé aux minorités francophones hors Québec pies des textes législatifs en français et en anglais et le traitement qui est accordé à la minorité an- et que le français peut être utilisé devant les tribu- glophone au Québec. naux. Toutefois, le jugement est tout à fait silen- Mme la Présidente, je pense que, finalement, cieux en ce qui a trait à la langue officielle du Ma- la décision de la Cour suprême est peut-être un nitoba." Donc, il est bien évident qu'à ce point de mal dans un sens, mais c'est un bien dans un au- vue, la Cour suprême, dans le jugement qu'elle tre. Cela vient de transposer sur le plan politique à rend, va beaucoup moins loins, avec beaucoup l'échelle canadienne, mais surtout ici à l'intérieur moins d'insistance et en entrant beaucoup moins du Québec, pour toute la population du Québec, dans les détails dans le cas du Manitoba que dans un problème d'inégalité et d'injustice. C'est de le cas du Québec. Encore une fois, même la Cour cela que nous allons maintenant traiter, c'est cela suprême, en tentant de faire valoir des droits qui va faire l'objet des discussions des Québécois égaux qui pourraient s'appliquer de la même pendant les prochains jours, les prochaines semai- façon dans les provinces du Manitoba et du Qué- nes, pendant les vacances de Noël et du Nouvel bec, consacre une fois de plus le grand principe An. C'est de cela que les gens vont parler. Ils vont qui est à la base même du système fédéral actuel, en parler parce que, maintenant, à travers cette c'est qu'il y a deux poids, deux mesures. Et la décision de la Cour suprême, c'est tout le débat Cour suprême vient aujourd'hui de le reconnaître des inégalités et des injustices qui se trouve posé, en rendant un jugement qui est différent dans son ici au Québec, par rapport à ce qui est fait à nos contenu et dans ses principes pour ce qui est du minorités francophones à l'extérieur du Québec. Manitoba et pour ce qui est du Québec. Mme la Présidente, il y a des choses qui Mme la Présidente, déjà, au moment de la dis- doivent être dites et qui sont importantes; que par cussion de la loi 101, à l'Assemblée nationale, exemple, le Québec, avec cette décision de la nous n'étions évidemment pas dupes. Nous sa- Cour suprême, est la seule province dans tout le vions bien que, même si en adoptant le chapitre III Canada où il est fait obligation par la constitution de la Charte de la langue française nous faisions canadienne, constitution, qui en 1867, par l'article ce que nous considérions être tout à fait normal 133, voulait protéger surtout la minorité anglo- dans le contexte québécois, il était évident que phone du Québec... Elle ne se préoccupait pas des c'était jusqu'à un certain point ouvrir la porte à minorités francophones des autres provinces, tel- des contestations devant les tribunaux. Ces con- lement, que même à ce moment-là, la préoccupa- testations n'ont pas tardé à venir. Rapidement, les tion qui était celle du colonisateur, était de se dire: cours du Québec ont rendu leurs décisions. Rapi- II y a un coin de ce pays où les nôtres sont dans dement, les gens sont allés en appel devant la une situation de minorité et c'est pour eux qu'il Cour suprême et rapidement la Cour suprême a faut, à l'intérieur de la constitution canadienne, tranché dans le sens que nous savons. donner un droit quelconque, les protéger, face à Déjà, Marc Laurendeau écrivait, le 29 novem- l'Assemblée nationale et aux tribunaux, mais pas bre 1978, au moment où la Cour d'appel du Qué- pour les minorités francophones du reste du bec avait rendu sa décision, qu'à ce moment-là Canada, pas pour une province comme le Manito- peut-être bien avions-nous fait la preuve par l'ab- ba, M. le Président, où il y avait une majorité de surde, en adoptant la loi 101, que la constitution francophones qui vivaient dans cette province. actuelle oblige les Québécois francophones à faire Non, cela, il n'en était pas question. Je pense que une place à l'anglais dans leurs institutions judi- les minorités francophones hors Québec nous ciaires et parlementaires, tandis que les autres l'ont mis sous les yeux au cours des dernières provinces ne sont pas astreintes à l'obligation ré- années. ciproque. Parce que le résultat final de tout ce dé- J'entendais le chef de l'Opposition tantôt qui bat qui est bien plus un débat politique qu'un dé- disait: On juge la qualité d'une société au traite- bat juridique, c'est que, s'il n'y avait pas eu con- ment qu'elle fait à ses minorités. Bien, je sais qu'à testation de la loi 101 devant la plus haute instan- ce moment, nous avons certainement neuf provin- ce judiciaire du Canada, à savoir la Cour suprême, ces anglophones qui sont antidémocratiques, qui s'il n'y avait pas eu débat juridique, on n'aurait pas le sont depuis des dizaines d'années, si elles parlé du problème politique sous-jacent de la mê- doivent être jugées à partir du traitement qu'elles me façon qu'on en parle aujourd'hui. donnent aux minorités francophones, parce que si La loi 101 a été acceptée par l'Assemblée na- on doit juger de la qualité de la société canadien- tionale, elle a été acceptée par l'opinion publique ne anglaise dans les autres provinces à partir du québécoise. C'est une des mesures les plus popu- traitement accordé aux minorités francophones, je laires du gouvernement du Québec. Les gens dis que ce sont des sociétés foncièrement antidé- avaient appris à vivre avec cette mesure et les mocratiques. Mais si on doit juger la société gens en étaient satisfaits. Même la minorité anglo- québécoise à la qualité du traitement accordé à la phone, après avoir laissé tomber la poussière minorité anglophone même avec la loi 101, qui, qu'avait fait monter l'adoption de cette loi dans sa toute française soit-elle, reconnaît des droits et communauté, avait appris à vivre avec cette loi et consacre une situation de fait de cette minorité avait surtout pris en considération, comme les mi- anglophone, je dis que, si on doit juger la qualité norités francophones des autres provinces de notre société et de la démocratie vécue dans 4489

notre société québécoise, nous sommes, nous, du appelé communément la Commission Pépin-Ro- Québec, une société foncièrement démocratique, barts. foncièrement respectueuse des droits de la mino- (1 h 40) rité et que nous allons continuer de l'être même si, Quand j'ouvre le rapport du comité de cette dans les autres provinces, ce sont des sociétés commission qui s'appelait "Se retrouver, observa- nettement antidémocratiques, pour reprendre tions et recommandations," je lis que cette com- l'exemple utilisé par le chef de l'Opposition. mission avait comme coprésident, MM. Jean-Luc Il faut qu'on sache, M. le Président, qu'il n'y a Pépin et John Robarts et comme membres, M. aucun statut du français devant les tribunaux et Beaudoin, M. Cashin, M. Kovitz — si je lis bien les Assemblées législatives en Colombie-Britan- leurs écritures — M. Marks, M. Watts et il y avait la nique, aucun statut du français reconnu devant les députée de Prévost d'aujourd'hui Mme Solange Assemblées législatives et les tribunaux en Onta- Chaput-Rolland. rio, à Terre-Neuve, dans l'Ile-du-Prince-Edouard, la M. le Président, je ne vais pas sortir un extrait Nouvelle-Ecosse et le Manitoba, malgré la déci- de son contexte, je vais le lire en entier. Aux pages sion que vient de rendre la Cour suprême aujour- 55 et 56 de ce document et je lis, M. le Président; d'hui. Tantôt, j'était très amusé d'écouter le bulle- ce n'est pas de moi. Cela a davantage été écrit par tin de nouvelles à la télévision, où il y avait des Mme la députée de Prévost et par ses collègues. questions qui étaient posées au représentant du Je pense que si elle a signé le document, c'est Manitoba et on lui demandait: Est-ce que vous qu'elle s'y associe. Je lis, M. le Président. "Quant allez appliquer la décision de la Cour suprême? Il au Québec, il s'était engagé dans la voie du répondait en ces termes: Ecoutez, il faudra être bilinguisme bien au-delà des obligations que lui pratique et raisonnable. Il faudra, en d'autres imposait l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du mots, bien considérer — là, je ne le cite pas, mais Nord britannique. Récemment, quelques articles j'interprète — que, dans le fond, cette décision qui de la loi 101 ont été frappés d'inconstitutionnalité est rendue aujourd'hui, qui fait référence à une aux motifs qu'ils violaient cet article 133. Là, époque où les francophones étaient égaux en encore il y a appel de cette décision". C'était au nombre dans la province du Manitoba, cette moment où tout cela était en discussion devant les décision qui est prise aujourd'hui, mais qui réfère tribunaux du Québec. "Nous sommes donc au à un contexte d'une autre époque, est une déci- niveau provincial en présence d'une situation sion qui, aujourd'hui, vaut pour 4% de la popula- confuse qui ne peut engendrer que frustrations et tion du Manitoba et cela, c'est significatif, M. le antagonisme. Il existe — et c'est la commission Président. qui parle — à notre avis deux façons d'assurer, au Il faut être conscient d'une chose, c'est que niveau provincial, la protection des droits linguisti- les décisions rendues par la Cour suprême d'au- ques des minorités. La première serait d'étendre la jourd'hui sont des décisions qui ne réfèrent pas à portée de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes la situation réelle de 1979, qui ne réfèrent pas à un les autres provinces." M. le Président, c'est exac- taux d'assimilation qui a été extrêmement grand tement la suggestion que le chef de l'Opposition au cours des dernières années: plus de 35%, entre officielle a faite tout à l'heure. "Etendre la portée 1961 et 1971, dans le reste du Canada. Cela ne fait de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les pas référence à la situation réelle des minorités autres provinces." Je continue. Mme la députée de francophones hors Québec. Cette décision de la Prévost n'applaudit pas et je la comprends. "La Cour suprême s'applique à une époque, où, bien seconde serait d'écarter les garanties constitution- sûr, si elle avait été rendue à une telle époque, elle nelles et d'inviter les provinces à assurer, par aurait été utile pour la survivance de la minorité législation, la protection de leur minorité en tenant francophone, que dis-je, de l'égalité francophone compte de leur situation respective et avec l'espoir au sein du Manitoba, mais pas aujourd'hui, au que se développe entre les provinces un consen- moment où le dommage est fait, au moment où la sus ou un dénominateur commun qui serait éven- situation a comme quelque chose d'irréparable tuellement inscrit dans la constitution du pays. pour ce qui est d'un traitement normal qui pourrait Après mûre réflexion, nous en sommes venus à la être accordé à la minorité francophone au Mani- conclusion que cette deuxième façon s'avérera la toba. plus sage à long terme et la plus susceptible de M. le Président, puisqu'il s'agit toujours de réussir". Vous savez, ils sont très drôles les gens de l'article 133, je voudrais à ce moment de nos l'Opposition officielle. Le chef de l'Opposition, débats, prendre un extrait d'un document. Je me avec un beau grand sourire qu'on lui voit trop peu rappelle avoir fait des discours au Québec où j'ai souvent, est en train d'applaudir pratiquement le abondamment utilisé ce document pour essayer contraire de ce qu'il a dit. Parce que lui, il devra non seulement de bien comprendre la situation tenter de réconcilier ce qu'il a dit tout à l'heure vécue dans tout le Canada, mais essayer de voir lorsque c'était la première hypothèse qu'il retenait s'il n'y avait pas, sur le plan de l'imagination à savoir d'étendre la portée de l'article 133 à créatrice des Canadiens, quelque chose de nou- quelques-unes ou à toutes les autres provinces, veau qui pouvait être apporté pour solutionner ces alors que ce que disait la Commission sur l'unité graves problèmes qui nous confrontent, deux canadienne, c'était qu'il fallait écarter cette appro- peuples, deux sociétés et deux nations différentes. che et plutôt inviter les provinces à assurer par Ce document, M. le Président, est le document de législation, la protection de leur minorité. C'est la Commission de l'unité canadienne, qu'on a bien différent comme approche. Il faudra que le 4490 chef de l'Opposition nous explique comment il est quant à l'analyse que nous faisons de la réalité capable de concilier la position qu'il a prise tantôt canadienne. Cela, je pense que c'est le droit de et les applaudissements qu'il est en train de faire à chacun de l'apprécier à sa façon, mais je dis ceci, l'approche qui a été prise par la députée de comme le disait le ministre d'Etat au Dévelop- Prévost. pement culturel, et c'est là-dessus que je termine, Je continue le texte, M. le Président. Plus on c'est qu'au-delà des considérations juridiques, il y avance, plus cela devient clair. "Cette solution a une dimension politique et c'est là-dessus que suscitera, nous le prévoyons, des protestations. Au va se porter la communauté québécoise au cours départ, en effet, elle privera la minorité anglopho- des prochains mois. "La volonté d'une politique ne du Québec et la minorité du Manitoba de du Québec", c'est le ministre d'Etat qui le disait, l'expression constitutionnelle de certains droits. "La volonté politique du Québec ne passera pas N'oublions pas, cependant, dans le cas du Mani- par des avis de cour, aussi suprême soit-elle, mais toba, que ces garanties constitutionnelles ont été par la volonté majoritaire des Québécois, qui ignorées depuis plus de 75 ans. En ce qui a trait à s'exprimera lors du référendum." la minorité anglophone du Québec, notre but n'est certes pas de suggérer que soit commise quelque Le Président: Mme la députée... A l'ordre, s'il injustice" et je suis bien d'accord. "Nous voulons vous plaît! plutôt témoigner du mouvement irréversible qui Mme la député de Prévost. veut rendre le Québec de plus en plus français. "Nous croyons que nul obstacle constitutionnel Mme Solange Chaput-Rolland qui ne s'appliquerait pas aux autres provinces ne devrait pouvoir entraver la marche du Québec vers Mme Chaput-Rolland: M. le Président, cer- sa francisation et qu'en conséquence, les disposi- tains diront: Cent ans d'injustice pour les uns et tions de l'article 133 devraient être abrogées dans d'autres: Un jour de justice difficile pour les la mesure où elles entreraient en conflit avec les autres. Et, ce soir, dans cette Chambre, le gouver- aspirations québécoises." Commission de l'unité nement, dont l'axe principal repose sur le redres- canadienne. sement des injustices commises contre des fran- J'ajoute une autre citation, M. le Président: cophones hors du Québec et dans le Québec, ne "Nous avons cependant confiance, plus, nous semble pas vouloir oser un seul élan de fraternité sommes convaincus que le retrait des obligations vers ceux-là du Manitoba qui sont enfin debout, constitutionnelles imposées par l'article 133 n'em- enfin "vindiqués" des sévices commis par... pêchera pas les Québécois francophones, non plus que le gouvernement du Québec, de conti- Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! nuer en toute liberté et par le biais de lois provinciales, à traiter sa communauté anglophone Mme Chaput-Rolland: ... des sévices commis avec générosité" et c'est ce que nous faisons. contre notre langue, notre culture et notre fierté Et je termine par ce dernier paragraphe, M. le collective par une loi de la plus haute cour de Président, suivi d'une courte citation de deux justice qui, enfin, ce soir, leur rend justice. lignes et demie, du ministre d'Etat au Dévelop- M. le Président, nous sommes maintenant pement culturel: "Nous nous attendons à ce que cinq millions dotés d'un gouvernement dûment les droits de la minorité anglophone continuent à élu en français par des Français, dans une provin- être respectés dans les domaines de l'éducation et ce française. Devons-nous jeter les hauts cris des services sociaux. Ces droits, il importe de le parce que, ce soir, nous savons que les cours de souligner, ne sont pas garantis par la constitution justice du Québec, et même dans cette Chambre, canadienne et, pourtant, ils sont déjà reconnus nos textes de loi doivent être adoptés dans les dans la loi 101 et la Charte de la langue française, deux langues du pays? qui émanent d'un gouvernement péquiste. Le gouvernement, dont on a dit qu'il est formé "Ainsi avons-nous la preuve au Québec que d'hommes et de femmes parmi les plus intelligents les droits de la minorité anglophone peuvent être et les plus bilingues de notre famille québécoise, a protégés, sans pour autant qu'il y ait contrainte lui-même, je crois, tracé l'ornière qui, ce soir, nous constitutionnelle, et que les gouvernements de force à discuter passionnément de notre langue si cette province sont tout à fait capables de conci- souvent massacrée par nous tous sous le drôle de lier l'intérêt de la majorité et les préoccupations de prétexte de la protéger. la minorité". '1 h 50) M. le Président, je conclus, 30 secondes, pour Ce soir, ce débat est, à mon avis, bien peu dire que je suis profondément d'accord avec réaliste dans la décision de la Cour suprême qui l'esprit qui présidait aux travaux de la Commission nous reporte à la réalité d'avant la loi 101. Mais de l'unité canadienne, à ce chapitre. Mais je sais, que nous enlève-t-elle vraiment dans les faits? M. M. le Président, que derrière le débat juridique que le Président, sans doute une satisfaction de pou- nous avons eu aujourd'hui, il y a une dimension voir refuser d'accepter que, tant et ausi longtemps politique éminemment plus importante et je suis que nous sommes de la Fédération, nous sommes, d'accord avec une chose qu'a dite le chef de M. le Président, assujettis à des règles édictées il y l'Opposition: Un fossé énorme nous sépare dans a longtemps, qui ont, certes, comporté leur part l'appréciation de la réalité canadienne, un fossé d'injustices, d'absurde même, et M. le leader énorme, des divergences profondes nous séparent parlementaire a justement, je le reconnais, rappelé 4491 que le texte français de la constitution n'a pas de que jamais à la garder intacte cette langue et, valeur légale, et nous avons été nombreux, des soucieuse aussi de garder tout notre respect et le deux côtés de cette Chambre, à nous élever contre respect de cette Chambre tout entière pour nos cet accroc à la plus élémentaire justice linguis- cours de justice et pour ceux qui, en français tique dans notre pays. comme en anglais, y auront recours librement et Mais faut-il nous déchirer ce soir et demain, démocratiquement. tout simplement parce que nous sommes légale- Je vous remercie. ment forcés de respecter l'article 133 et forcés surtout d'accepter de revenir avant certaines pres- M. Godin: M. le Président... criptions de la loi 101, prescriptions que sûrement Le Président: M. le député de Mercier. ce gouvernement devait prévoir être susceptible d'être contestées comme elles viennent de l'être? M. Gérald Godin Que ce jugement soit difficile dans notre contexte actuel, j'en suis, M. le Président, que ce M. Godin: Merci, M. le Président. jugement puisse nous heurter, j'en suis égale- M. le Président, je voudrais nommer, pour ment, mais qu'il nous surprenne, qu'il nous plonge commencer mon intervention, quelques person- dans un marasme linguistique dont nous sortirons nes, Martin Jérôme, député de Carillon, Manitoba; encore plus divisés que nous le sommes, alors, je A.F. Martin, député de Maurice, Manitoba; Hoover n'en suis pas, car je ne crois pas que la loi 101 soit Marion, député de Saint-Boniface, Manitoba; Wil- tout entière mise en accusation. Et la commission liam Lagimodière, député de La Vérendrye, Mani- dont j'ai fait partie en a reconnu la validité et le toba; George-Etienne Fortin, secrétaire de la con- bien-fondé mais, il me semble qu'elle n'avait pas, vention canadienne-française du Manitoba et Mgr comme trop souvent ce gouvernement me permet Alexandre Taché, évêque du Manitoba. Ce sont de le croire, une sorte d'infaillibilité. Elle s'est des morts — j'entends les larmes de crocodile de refusé d'en faire une critique exhaustive, M. le l'autre côté — pour une victoire qui vient 89 ans Président, article par article, car cela n'était pas là après le fait. Ce qui distingue les Français dans ce notre mandat. pays, par rapport à la justice, c'est qu'ils ob- M. le Président, j'aurais moi aussi souhaité tiennent justice quand ils sont morts, tandis que comme citoyenne du Québec, ce soir, ne pas me les Anglais obtiennent justice deux ans après que retrouver dans une telle situation. Mais quand je notre loi soit adoptée. Justice pour les vivants s'ils pense à ceux-là, M. le Président, qui ont, à des sont anglais, justice pour les morts s'ils sont fran- lieues d'ici, réussi seuls à garder vivant ce fait çais. Nous pleurons sur les morts. Mme la députée français au Canada, alors, il me semble que j'ai le de Prévost se lève et dit qu'il va y avoir des fêtes droit de regarder au-delà de cette Chambre pour ce soir au Manitoba; je dis, oui, mais peut-être penser à certains de mes amis et de nos frères qui, dans les cimetières. Le jugement de la Cour ce soir, célébreront une victoire alors que, de ce suprême permettra aux morts d'avoir des écoles côté de la Chambre, un gouvernement qui veut, françaises, permettra aux morts d'obtenir des do- par une loi également honnête, sauver le fait cuments en français, permettra aux morts de français dans nos frontières, ne dit pas un mot de parler français au Parlement. réconfort à ceux qui, avec de si frêles moyens et Je voudrais vous lire ce qui s'est passé au sans notre aide, et je les connais fort bien, ont Manitoba. Pendant six ans, les gens que j'ai résisté seuls pour garder vivante cette langue. La nommés se sont battus comme de vrais Canadiens réalité de 1890 ne peut pas et ne pourra jamais se français, pour leurs.droits, ils se sont battus, en répéter en 1980, car notre population, son poids, deux instances judiciaires locales, deux fois au son gouvernement présent et de demain, son Conseil privé de Londres, deux fois à la Cour histoire, sa démographie et sa politique ne le suprême du Canada. Ils ont obtenu du gouver- permettront plus jamais. Je peux, moi aussi, nement fédéral, quelques mois avant une élection, comprendre une part de déception dans la réac- une loi réparatrice. Malheureusement, la fameuse tion du gouvernement mais non une déformation élection a tout empêché, ils n'ont jamais rien eu, presque systématique du jugement tellement pré- ils ont dû se rabattre sur les arrangements Laurier- visible de la Cour suprême. Greenway qui ne donnaient rien du tout à person- Je ne crois pas que, demain matin, nous ne, avec le résultat que dès 1896, plutôt que de se allons renier la primauté du français dans nos soumettre à l'oppression, écrit Lionel Groulx, 51 écoles, nos hôpitaux, nos usines, nos universités, écoles avaient fermé leurs portes, six ans après nos maisons et nos villes. Elle oblige, il me semble l'abolition du français au Manitoba. Toute une que nos tribunaux rendent justice dans les deux génération de 1000 à 2000 enfants grandissaient langues pour ceux qui parlent deux langues dans dans l'ignorance du français dans ces écoles. cette province. Par conséquent, je dis qu'il y a deux justices Nous sommes assez forts, assez riches, assez en ce pays. Je voudrais citer le vieux principe, nombreux, assez français aussi pour traiter au- "don't blame the judge for the law", n'imputez pas jourd'hui dans la dignité, devant la loi, devant nos au juge les faiblesses ou les imperfections d'une tribunaux, les Québécois de langue anglaise au loi. C'est bien sûr, mais nous pouvons quand Québec et dans le reste du pays. Je ne me sens même comparer des situations politiques de cette pas ce soir dégradée dans ma langue et dans ma époque avec celles qui se passent maintenant. fierté de citoyenne du Québec, mais décidée plus (2 heures) 4492

II y a une loi qui s'appelle The Manitoba Act, de sommes chez nous. Le vrai visage du BNA Act est 1870, un acte voté par le gouvernement impérial de apparu aujourd'hui, c'est un visage qui n'est pas Londres et qui est la constitution officielle du beau à voir. C'est un visage qui interdit au gouver- Manitoba, qui a autant de valeur que le fameux nement démocratiquement élu du Québec d'adop- article 133 cité abondamment par nos amis d'en ter des lois pour ce qui concerne un aspect vital face. Cette loi no 3 votée en 1870, par laquelle le de sa personnalité, c'est-à-dire le français dans les Manitoba devenait une province canadienne, disait cours de justice. que les Français avaient droit à leurs écoles. Vingt Ceux qui se demandent pourquoi nous vou- ans après, un gouvernement abolit totalement ce lons changer ce système, cette loi fondamentale, droit. Les Français se battent pendant... vont peut-être comprendre, ce soir, la raison pour M. le Président, est-ce que vous pourriez laquelle nous voulons la changer. Ceux qui se de- demander au caucus libéral de se réunir dans la mandent pourquoi on veut une nouvelle entente le salle prévue à cette fin? Nous sommes dans un comprendront peut-être ce soir. Ceux qui se de- Parlement ici. mandent pourquoi les Québécois veulent être Donc, M. le Président, cette loi qui est aussi maîtres chez eux le comprendront peut-être ce valide, aussi importante, aussi valable que l'article soir. 133 du BNA Act a été violée par la province du Combien de moyens y a-t-il donc? Il y en a Manitoba. Les Français se sont battus et se sont deux. cassé le nez, ils se sont brisé le coeur et ils sont Le premier moyen, les conférences fédérales- disparus. Il ne reste plus que 4% de bilingues au provinciales, a-t-il été testé, oui ou non? La répon- Manitoba. se est oui. Regardons le déroulement des confé- Et aujoud'hui on dit: Victoire! La justice existe rences fédérales-provinciales qui est le seul en ce pays. Je dis que oui, la justice existe. Pour les moyen de changer cette loi fondamentale avec la- morts. Ils ont subi, les Français du Manitoba, sur quelle on nous assène aujourd'hui une décision lesquels on entend pleurer aujourd'hui les croco- qui viole et brime notre pouvoir d'adopter ici des diles libéraux, ils ont subi le potinage, le "ber- lois. Regardons les conférences fédérales-provin- landage", le "poutinage", le "grenouillage". Mais ciales. Nous les voyons comme un carrousel, un jamais de résultats concrets sauf, 89 ans après, "merry-go-round", puisque le Parlement redevient comme le disait le journaliste Philippe de Saint- bilingue, un "merry-go-round" où les chevaux de Robert: "Les Anglais ont l'art de reconnaître leur plâtre tournent et tournent au son d'une musique propre violence quand ils en ont empoché les d'orgue "à steam", comme on disait, et les che- effets." vaux de couleur montent et descendent. M. le Pré- Il n'y a plus de Français là-bas. Le rêve sident, ils montent et descendent depuis un siècle, fédéraliste est mort au Manitoba et les Français se les chevaux, et tout ce qui change ce sont les ca- sont rendu compte que la seule partie de ce pays, où valiers qui sont assis sur ces bêtes de plastique. ils étaient chez eux, c'était au Québec. Et les Nous avons eu le cavalier Honoré Mercier qui, dès migrations vers le Manitoba ont cessé parce que les 1887, a proposé des changements à la Confédéra- gens se sont dit: II n'y a qu'au Québec que nos droits tion. Il recommandait, par exemple, que les séna- sont respectés, chez nous. Ailleurs, ils sont violés teurs soient nommés par les provinces. partout. Les Maritimes, l'Ontario, le Manitoba, le Québec, c'est où? C'est chez nous. Une Voix: La belle trouvaille! Le chef de l'Opposition a dit plus tôt qu'il faut juger de la qualité d'une démocratie à la mesure du M. Godin: Presque un siècle plus tard, au mo- respect qu'elle fait à ses minorités. Utilisons cette ment d'agir, M. Trudeau, à son tour sur le cheval, aune pour mesurer le sort fait par la démocratie propose encore que les sénateurs soient nommés canadienne aux minorités et on comprendra peut- par les provinces. Il n'y a pas eu de changement. être pourquoi nous voulons changer ce système, Depuis un siècle, le cheval tourne toujours, M. le nous, du Parti québécois. Et combien de moyens Président, et il n'y a pas de changement. existe-t-il de changer le système de lois impériales, Nous avons vu passer les cavaliers John coloniales, qui nous gouvernent encore? Y a-t-il Robarts, Lester B. Pearson, d'autres qui sont cent moyens? Y a-t-il vingt moyens? Dix? Il y en a morts, d'autres qui sont disparus, d'autres qui ont deux, M. le Président. été battus, d'autres qui reviendront peut-être et Il y a les conférences fédérales-provinciales ou des nouveaux. Le plus jeune, en l'occurence, c'est il y a la volonté du peuple clairement exprimée dans le chef de l'Opposition, le plus jeune à monter sur un référendum sur le modèle de Terre-Neuve, en ces chevaux de plâtre. Des journalistes, dans une 1949. Il y en a deux moyens de changer une cons- conférence de presse du 1er novembre 1979, lui titution. Il y a deux moyens pour que les Québécois ont demandé: Qu'est-ce qui vous fait croire, se donnent le régime de loi qu'ils veulent se donner. M. Ryan, M. le chef de l'Opposition, que vous, Il faut rappeler que si nous ne blâmons pas le juge, il vous réussirez dans les "circonférences" fédéra- faut se pencher sur la loi. Et ladite loi, c'est le BNA les-provinciales à obtenir des résultats? Réponse Act, British North America Act, par lequel le Québec du chef de l'Opposition: "They know very well a obtenu, en 1867, certains pouvoirs, certaines — en parlant du Canada anglais — that the obligations. present leader of the Liberal Party of Québec is Il s'agit donc de la loi fondamentale de ce not the easiest man to deal with. They know." Je pays où l'on voudra nous faire croire que nous pense que vous le savez aussi, M. le Président! Il 4493 ajoute: "He — en parlant de lui — has convictions. ce qui nous convient, c'est de se donner notre He has principles. He has the support of his propre constitution par la décision populaire dé- people in his party." Quand viendra le temps, dit-il, mocratiquement exprimée dans un référendum. de faire des changements, il y aura des conversa- C'est le seul moyen. Il ne faut pas leurrer le mon- tions sérieuses. de, il ne faut pas patiner, il ne faut pas tuer le M. le Président, est-ce que cela signifie que temps. Il ne faut pas gagner du temps pour le sys- tous ceux qui sont montés sur les chevaux avant tème fédéral. Il faut dire aux Québécois: Vous vou- lui n'avaient pas de principes, n'avaient pas de lez que cela change, cette loi, qui nous écrase au- convictions, n'étaient pas "the easiest men in the jourd'hui. Dites oui au référendum, parce que le world to deal with"? Est-ce que M. Duplessis était seul mot qui veut dire oui, c'est oui. Merci beau- un homme avec lequel il était facile de négocier? Il coup. n'avait pas de convictions, M. Duplessis, pas de principes? Est-ce que M. Lesage manquait de prin- Le Président: M. le député de Mégantic- cipes et de convictions? Est-ce que M. Lesage Compton. n'était pas un homme avec lequel il était difficile de négocier? Est-ce que M. Daniel Johnson man- M. Fernand Grenier quait de convictions et de principes? Est-ce que M. Bertrand, est-ce que M. Bourassa, est-ce que M. Grenier: Merci, M. le Président. Au cours M. Lévesque manquent de convictions et de prin- de l'été 1977, alors que nous adoptions la loi 101, cipes et que le premier qui en aurait ici serait le la Charte de la langue française, nous nous étions chef du Parti libéral? penchés, nous, de l'Union Natinale, et nous avions (2 h 10) produit un document, à ce moment-là, qui a été M. le Président, pour changer la loi fondamen- fort important pour le parti, et je pense qu'il aurait tale avec laquelle on nous matraque comme davantage dû rendre service au gouvernement nation ce soir, il faut... Oui, Mme la députée. Oui, actuel puisqu'à ce moment-là, nous avions prévu oui, oui. Vous, cela ne vous fait pas mal, vous avez un peu ce qui se produit aujourd'hui. Daniel la tête dure! Je dis que le seul moyen de changer Latouche, du journal Montréal-Matin disait, à ce cette loi de base avec laquelle nous sommes moment-là — j'en passe un bout, celui des louan- poignés, collés, c'est par un changement fonda- ges — "quant au contenu, il constitue également mental qui ne viendra pas du "merry-go-round" et un fleuron pour l'Union Nationale qui a su complé- qui ne viendra pas du fait qu'un chef de parti ter et rectifier le tir gouvernemental, là où le projet prétend tout d'un coup qu'il a plus de principes et de loi no 101 en avait le plus besoin. Au plan des de convictions que les autres. Le seul moyen, c'est détails pratiques, les amendements soumis par que le Parlement se tourne vers le peuple et lui l'UN sont toujours très pertinents". demande un mandat de changer cette loi, et c'est M. le Président, je vous rappellerai tout à tout. Si le peuple est d'accord pour changer cette l'heure certains amendements que nous avions loi, elle sera changée. C'est le seul moyen. Par proposés et qui sont encore aujourd'hui des conséquent, nous devons passer... On parle des carences dans ce projet de loi, des difficultés qui partielles, mon Dieu, Seigneur, on s'énerve sur des sont contestées dans différentes régions du Qué- épiphénomènes... des accidents de l'histoire. bec, et je pense bien qu'on revivra ici certains M. le Président, excusez-moi si je vous déran- événements qui sont encore assez frais dans ma ge, mais je terminerai en disant que pour changer mémoire ce soir. Je tâcherai d'en rappeler certains cette loi fondamentale contre laquelle malheureu- au gouvernement qui auraient peut-être dû faire sement j'ai peu entendu la critique ce soir de ce l'objet d'amendements acceptés par ce gouverne- côté, il n'y a qu'un moyen, c'est de sortir de la ment. logique politicienne et d'entrer dans la logique du Le gouvernement d'Ottawa a décidé ce matin droit du peuple de décider lui-même quelles d'appliquer l'article 133 et de rendre inconstitu- institutions il veut se donner. Nous appelons cela tionnelle cette Charte de la langue française dans le droit du peuple à se déterminer lui-même, et il quelques-uns de ses chapitres. Ce jugement nous ne peut le faire que par un référendum, et non pas semble sévère, semble sévère à certains. Pourtant, en se fiant à d'autres. on s'y attendait. Il était attendu depuis l'adoption Par conséquent, je terminerai là-dessus... de cette loi. Il avait été contesté devant certains tribunaux — on l'a mentionné tout à l'heu- Le Président: M. le député de Mercier. re — que ce n'est pas dans des moments comme ce soir où on doit servir à l'assistance ici les M. Godin: Je terminerai en m'adressant au- discours les plus enflammés. Je pense qu'il faut delà de cette Assemblée, à toutes les Québécoises être calme, fournir des expressions aux gens qui et à tous les Québécois qui nous écoutent peut- permettront de faire avancer le débat et se prépa- être encore aujourd'hui ou demain ou plus tard, rer pour un débat qui sera encore plus important, pour leur dire que le seul moyen de changer la loi je pense, dans quelques semaines, dans quelques dont se sert le régime colonial, dont le dernier ava- mois, et où il faudra être davantage plus calme tar était à Ottawa, le seul moyen de changer ce ré- encore, soit au moment du référendum. Il est gime colonial, impérial, imposé à nous par la ma- possible qu'au lendemain du référendum nous jorité canadienne-anglaise de 1867, le seul moyen revivions ensemble un jugement comme aujour- par lequel nous pouvons décider de nous-mêmes d'hui, un jugement que certaines personnes au- 4494 ront de la difficulté à accepter et on l'acceptera La loi 101, je l'ai vécue intensément ici il y a d'autant mieux qu'on s'y sera préparé, et ce n'est deux ans et j'avais vécu la loi qui a avorté la loi 85 pas dans le tumulte comme on l'a vu, dans des alors que nous étions le gouvernement, qui prépa- discours enflammés et pleins de passion qu'on rait le chemin à la loi 63, qu'on a dû rejeter un réussira à accepter un référendum de la popula- matin vers 5 heures en caucus parce qu'on ne tion. Je pense qu'il faudra y aller dans le calme. l'endurait pas, on ne l'acceptait pas et cela a J'ai un passé, je pense, qui m'a aidé à donné naissance à la loi 63 quelques semaines accepter pas mal de situations. J'ai été, à peu près plus tard. Certains de ceux qui sont ici, qui sont toute ma vie, mêlé à des minorités. Je suis comme revenus dans la Chambre, se rappellent de ma l'ensemble des autres. Je ne suis pas un être position face à la loi 63, des difficultés que j'ai extraordinaire. J'ai vécu dans le Québec, dans une eues de vivre dans mon parti à ce moment-là. J'ai province minoritaire par rapport aux autres dans assisté, du haut des galeries ici, à l'adoption de la notre fait français. Là-dessus, je ressemble aux loi 22 et j'ai vu son cheminement et j'ai largement autres. J'ai été élevé, j'ai grandi dans un tout petit participé en y faisant de nombreux amendements village où les Canadiens français étaient en mino- à la loi 101 qui a été votée ici l'an dernier. rité par rapport aux Ecossais dans les Cantons de Vous dire, M. le Président, que la décision de l'Est. Je me suis habitué très jeune à vivre dans un la Cour suprême qui nous arrive aujourd'hui ne milieu minoritaire. Je suis allé un peu plus tard me fait pas mal, ce serait mentir. Il y a des choses étudier à Ottawa, alors que nous étions dans une qui me font mal, j'ai des tripes comme tous les ville où nous étions minoritaires et, par mon poste Québécois qui sont ici, les parlant français qui que je détenais à l'Université d'Ottawa, j'ai dû sont ici. Cela me fait quelque chose moi aussi, ça avoir des rencontres avec une personne qui n'était me touche moi aussi, mais je tâche d'être plus pas toujours facile, qui s'appelait Charlotte Whit- raisonnable que ça et je me dis que à ce moment- ton, qui ne comprenait pas tellement l'utilité des là, on devait l'attendre cette sentence qui nous deux langues dans la ville d'Ottawa, et, ensuite, arrive aujourd'hui. On l'avait préparée au cours de j'ai terminé — comme on se doit de le faire en l'été 1977. Il ne faut pas être surpris que cela nous obtenant un diplôme — en Louisiane, où j'ai arrive aujourd'hui. On a joué un jeu, on a tenté de connu la communauté acadienne pendant quel- jouer le jeu politique, mais il faut quand même être ques années et vu lutter ces gens. Je suis revenu raisonnable quand on est des législateurs. Que le vivre dans les Cantons de l'Est, où on vit avec une peuple, que des gens ordinaires jouent ce jeu-là, minorité qui a à lutter constamment, et, un peu ça va, mais que des législateurs se mêlent de jouer plus tard, j'ai épousé une personne qui vit dans le jeu qu'on a fait sur la loi 101, c'est difficile à une communauté minoritaire dans les Cantons de accepter et aujourd'hui je n'en suis certainement l'Est, une Ecossaise. Aujourd'hui, je souffre, dans pas scandalisé, c'est une réponse qu'on attendait. ma famille, de l'adoption de la loi 101 avec mes Encore une fois, il n'y a rien qui m'énerve et il deux enfants. n'y a rien qui m'inquiète. Je suis en mesure de vous parler de la loi 101. Dans la loi 101 on avait dénoncé des faibles- Je suis en mesure de comprendre ce qui nous ses. Il y a des choses difficiles à accepter pour la arrive aujourd'hui. Je suis, de par ma famille, un population dans la loi 101. On le saura. Par nationaliste, et si vous en doutez, vous le deman- exemple, la clause qui oblige d'annoncer en derez au député de Vanier. Il en sait quelque français partout, ça fait mal dans des milieux, ça chose, lors de l'adoption de la loi 63. Le député de fait mal dans plusieurs milieux. Ce n'est pas sûr Vanier s'en souvient, je pense. que ce soit bon pour notre collectivité, ce n'est pas sûr que ce soit bon pour notre économie. Il M. Brochu: Très bien! faudra qu'on se penche sur ce problème. La (2 h 20) clause Canada a fait mal à pas mal de gens quand M. Grenier: M. le Président, le premier minis- on l'a votée ici et elle mériterait d'être touchée et tre, M. Johnson, me déléguait aux assises qui se de fond. La clause que nous avons proposée à ce tenaient au Manitoba. J'ai eu l'occasion de discu- moment-là, et c'est celle-là qui me fait souffrir ter avec l'ancien délégué du Canada à Paris M. dans ma famille, c'est la clause du secondaire, Pelletier qui était là, à ce moment-là, délégué avec alors qu'on a proposé la clause du primaire pour Mgr Boudou. J'ai passé près d'une semaine à les petits villages qui ne peuvent pas avoir d'éco- discuter avec les communautés francophones et les primaires. Elle a été refusée et pas besoin de quand j'entendais, tout à l'heure, la députée de se demander pourquoi les anglophones qui vivent Prévost, qui a eu l'occasion de circuler à travers dans les Cantons de l'Est, en particulier, que je notre Canada, je n'ai pas eu le plaisir de discuter connais mieux, ou dans la Gatineau, qui sont avec chacune des minorités dans les différentes privés d'écoles primaires, sont vraiment insatis- provinces, mais d'une façon particulière avec celle faits de la loi 101 et ils veulent des changemets et du Manitoba et encore là, dans des moments si le ministre se promène, le ministre, le parrain de comme ceux-là, j'ai cette habitude d'y aller modé- la loi veut savoir ce qui se passe dans ces com- rément parce que j'ai appris, depuis ma naissance, munautés, il n'a qu'à s'y rendre, qu'à aller les voir que ce n'est pas en faisant des discours enflam- et on lui donnera les raisons véritables pour més et en mettant les nerfs des gens à fleur de lesquelles on n'accepte pas ces certaines clauses. peau qu'on règle des problèmes. Je pense que Il y a eu des améliorations dans la loi 22, dans cela aide énormément des hommes à se préparer la loi 101 sur la loi 22 et le test qui a été aboli dans des milieux comme ceux-là. pour revenir à la langue maternelle, est, à mon 4495 sens, une amélioration. I! a également empêché gouvernement l'a appris, d'autres gouvernements aussi, c'est une amélioration qu'il faut lui donner, l'ont appris aussi, que la nature ne fait pas de que la minorité anglophone s'alimente à même la bonds, il faut y aller lentement. On joue mal avec communauté francophone. Il a empêché ça. Dans les traditions des Québécois. On a l'esprit latin, il le temps on a appuyé cet amendement. Je pense faut s'en rendre compte à voir les discours qui se qu'il a été appuyé par l'Opposition officielle parce font ici en cette Chambre. On ne changera certai- qu'on nous promettait, à ce moment-là, que pour nement pas l'esprit, c'est peut-être heureux que ce compenser cet amendement où on empêchait soit ainsi. Je pense que le jour où on voudra — et on disait que c'était la langue maternelle qui apporter une loi qui pourrait transformer ou bien déciderait — on nous a promis qu'il y aurait une notre langue ou bien nos coutumes, il faudra y amélioration sensible dans l'enseignement de la aller modérément et avec l'assentiment de l'en- langue seconde. Depuis ce temps-là, encore cette semble de la population. Je vous remercie. semaine on s'est fait répéter par le ministre de l'Education que non seulement on ne l'a pas Le Président: M. le député de Saint-Laurent. amélioré mais on l'a diminué au niveau du secon- daire et à peu près pas transformé au niveau M. Claude Forget du primaire, à part que quelques projets pilotes pour les quatrièmes années. Ce sont là des M. Forget: Ce soir, M. le Président, le gouverne- difficultés que l'on éprouve avec la loi 101 et il me ment agit sagement. Il pose un geste nécessaire à semble que le gouvernement ne devrait pas être cause de ce jugement de la Cour suprême. Il pose surpris que des gens soient insatisfaits et voir que un geste inévitable et prévisible. Cependant, tout dans certains milieux la popularité du gouverne- en agissant sagement, il parle, surtout lorsqu'il ment peut fléchir. Ce sont des raisons comme parle par la bouche du ministre d'Etat au Dévelop- celles-là qui le font. pement culturel, le langage de la rébellion, le On me dit: C'est accepté, tout le monde est langage de la contestation. Certes, ce gouverne- très satisfait et il n'y a pas beaucoup de gens qui ment, étant donné ce qu'il représente, a le droit le peuvent contester les gestes posés par le gouver- plus strict d'exprimer sa déception, d'exprimer nement. Je pense que c'est analyser trop rapide- son désaccord, d'exprimer sa volonté de changer ment l'état de la situation au Québec. Je pense le régime politique qui a produit ce résultat, mais qu'il faut reculer de quelques années pour se l'expression qu'il a donnée à sa dissidence dépas- rendre compte que, si la contestation a diminué à se de loin ce qu'il est permis et normal d'envisager des niveaux comme ceux-là, ce n'est pas néces- dans un régime politique tant que celui-ci dure. sairement parce que les gens sont plus satisfaits, Cette rébellion qu'il exprime par la voie de son mais il y a maintenant un lieu de contestation qui ministre et par le parrain du projet de loi, s'appuie n'était pas celui qu'on a connu avant 1976. C'était sur un certain nombre d'éléments qui sont exploi- la rue à ce moment-là, alors que maintenant la tés à plaisir. En premier lieu, le gouvernement contestation se fait au Parlement. Les forces sont exagère grandement la portée de ce projet de loi. mieux réparties maintenant dans le Parlement. Il y Il nous a amenés à croire que ce projet de loi a une véritable opposition. Dans le temps, il n'y rendait illégaux ou invalides tous les règlements avait probablement pas suffisamment de députés des commissions scolaires et des corporations en Chambre pour satisfaire les gens qui pouvaient municipales. être insatisfaits. On sentait que l'opposition se (2 h 30) faisait dans la rue. Mais retournons maintenant Mais cette affirmation qu'il claironne dans le cela de l'autre côté. J'ai la forte impression que si discours du ministre n'est pas suivie, dans le texte l'Opposition de ce côté-ci ne faisait pas son travail de la loi, d'aucune espèce de conséquence. Il y a comme elle le fait, la contestation dans la rue là une contradiction qui démontre clairement serait pas mal plus forte que celle qu'on a connue l'excès de langage du ministre. Certes, cette loi entre les années 1970 et 1976. respecte la constitution actuelle du pays, mais Mme la Présidente, je voudrais vous dire une toutes les références à cette constitution sont chose, et je termine là. J'ai la certitude que dans le faites dans le mépris et le ressentiment. Bien sûr, il développement d'une nouvelle constitution qui accepte le verdict des tribunaux, mais il vocifère devra nous arriver, on devra y mettre le poids pour en même temps contre leurs diktats — un mot que non seulement le Québec et le Manitoba, mais sans aucun doute chargé de significations très qu'également l'Ontario et le Nouveau-Brunswick lourdes — il déplore leur dureté comme s'ils appliquent la règle de l'article 133 de l'Acte de avaient fait autrement que de dire le droit qui l'Amérique du Nord britannique. Je pense qu'à existe. Il s'étonne qu'ils ne modifient pas la loi partir de là il y a pas mal de choses qui peuvent plutôt que de l'interpréter, alors que c'est bien là être ajustées autour de cet article qui pourraient leur rôle. Il les accuse de partialité et il condamne rendre service à nos communautés francophones l'intention qu'il leur prête sans aucune justification et anglophones dans nos provinces. Nos minorités d'insulter les Québécois. pourraient trouver là satisfaction. Je pense, M. le M. le Président, tout le discours du gouver- Président, qu'une loi, peu importe la la loi que nous nement nous pousse à croire que la révolte est voterons ici en Chambre, qui voudra briser des son vrai langage, et que sa sagesse actuelle, la traditions, des coutumes en voulant y aller brus- sagesse de son acte actuel n'est pour lui qu'une quement n'arrivera jamais à être acceptée. Le occasion de regret. Il y a, d'une part, cette action 4496 normale, raisonnable, ordinaire d'un gouverne- auquel on se prête juste pour voir, pas plus, ment, et il y a, d'autre part, cette parole d'un d'ailleurs, que la législation n'est un jeu auquel on ministre, cette parole rebelle et contestataire. se livre juste pour voir ce que cela va donner. Pourquoi ce divorce entre l'action et la parole du Est-ce que demain nous entendrons cette gouvernement? Ce que le gouvernement fait ce amertume grondante de la part des membres du soir donne à toute son action et à sa présence gouvernement, si jamais — il faut même penser même sur les banquettes d'en face l'allure de l'impossible — le nombre des "non" l'emporte sur l'action propre à une opposition, plutôt que de le nombre des "oui"? Autant le savoir tout de l'action propre à un gouvernement. suite, M. le Président. Nous avons ici un exercice Ces gens parlent comme une opposition, et ils intéressant de l'attitude de ce gouvernement. ne se consolent pas d'avoir à assumer le fardeau Saura-t-il ajuster à ce moment-là sa parole avec de gouverner normalement. Ce dilemme, M. le son action? C'est là la conséquence de ce que Président, je pense que le Seigneur l'entendra et nous vivons ce soir. C'est une conséquence pour les en délivrera en temps et lieu, mais cette l'ensemble du Québec et qui dépasse, de loin, contradiction a des conséquences qui dureront l'enjeu du chapitre III de la loi 101. Ce divorce au-delà de ce soir. Cette contradiction a d'abord entre la parole et l'action dont on a été témoin ce des conséquences pour eux, et pour le ministre en soir, par une loi raisonnable et des paroles qui ne particulier. Le langage de révolte qu'il tient, selon le sont pas, est-ce que nous le vivrons à nouveau, son habitude — parce que c'est un langage est-ce que nous le subirons et le ferons subir à familier qu'il utilise chaque fois que nous l'enten- nouveau à nos concitoyens? M. le Président, le dons, même si ces fois se font de plus en plus Parti québécois a déjà réalisé la souveraineté- rares — devrait être suivi d'une vraie révolte. Si le association. Il nous en a donné le spectacle ce ministre d'Etat ressent de l'humiliation ce soir, soir. La souveraineté du langage outrancier et une c'est qu'après avoir employé le langage de la association fragile avec le bon sens. révolte, après avoir employé le langage de la guerre, il ne part pas en guerre. Mais cela, c'est Le Président: M. le député de Rosemont. son problème. Il y a aussi des conséquences pour ceux qui M. Gilbert Paquette écoutent le gouvernement, qui observent son action et qui essaient de comprendre le divorce M. Paquette: M. le Président, nous sommes, à qui existe entre les deux. Nous devenons per- 2 heures 40 du matin, en train, encore une fois, de plexes sur les intentions véritables d'un gouver- discuter de langue et de constitution. Certains de nement qui se livre à cette opération aussi contu- nos amis d'en face ont soulevé cette question tout sionnante pour le spectateur. Lorsqu'il a l'air à l'heure et nous ont dit: Si on pouvait donc d'être sage, ce gouvernement, et que, d'un autre arrêter de parler de langues et de constitution côté, il est si visiblement déçu de l'être, est-ce que pour parler des vrais problèmes du Québec, pour j'impute des intentions à ce gouvernement? parler d'économie. Je vous assure, M. le Président, Ce chapitre III de la loi 101, qui vient d'être que nous avons tous près hâte d'être rendus à ce condamné par la Cour suprême du pays, après jour béni où, comme tous les peuples normaux de que la Cour supérieure du Québec et la Cour la terre, nous pourrons nous occuper de notre d'appel eussent fait la même chose, si on le propre développement au lieu de faire des batail- considère isolément, ce n'était pas une vraie loi les de survivance pour une chose tout à fait par un vrai gouvernement. C'était le prolongement normale: parler notre langue chez nous. législatif d'un discours contestataire et c'était une (2 h 40) provocation. On a légiféré pour voir ce que cela Ce qui arrive ce soir est extrêmement humi- donnerait. On l'a fait les yeux ouverts et très liant, je pense, pour tous les Québécois. Ce n'est consciemment. Pendant plus d'une semaine, lors pas une humiliation pour le gouvernement. Le des débats sur la loi 101, l'Opposition officielle a gouvernement a adopté une loi qui est légitime, je attiré ad nauseam l'attention du gouvernement sur pense, aux yeux de la grande majorité des Québé- les problèmes constitutionnels qui étaient soule- cois, et, sur certains avis juridiques, il a adopté un vés par l'approche suivie par le gouvernement. Le chapitre qu'on juge maintenant inconstitutionnel, gouvernement, les yeux ouverts, a décidé de faire par rapport à cette vieille loi de 112 ans qu'on ap- ce défi à la constitution pour voir ce que cela pelle la constitution canadienne et qui est encore donnerait et surtout pour voir ce que l'on pourrait à Londres. en dire quand on saurait ce que cela donnerait. On C'est une discussion humiliante, parce que ce a vu ce soir ce que l'on peut en dire. La peuple québécois, par ses représentants à l'As- démonstration est faite. semblée nationale, avait décidé que la seule lan- M. le Président, nous ne demandons même gue officielle du Québec serait le français. Cette pas au gouvernement d'avoir l'élégance du bon loi nous réintroduit le bilinguisme dans ce qu'il y a perdant dans ce débat. Nous lui demandons le peut-être de plus vital pour un peuple, ses institu- respect des règles du jeu. Ce soir, les règles du jeu tions politiques et ses institutions judiciaires. sont celles de l'interprétation judiciaire d'un texte. Cette loi aura plusieurs conséquences concrè- Demain, ce sera le verdict du peuple exprimé par tes pour les citoyens. Je ne vais qu'en citer une. un référendum. La démocratie dont on se réclame Désormais, devant les tribunaux, la Cour suprême pour faire ce référendum, elle n'est pas un jeu interprétant — enfin, il faut supposer — correcte- 4497 ment... Je ne pense pas qu'il soit de l'intention de réunir cette nuit, alors qu'il y a énormément de qui que ce soit ici de blâmer la Cour suprême, lois qui attendent devant le Parlement et dont les c'est la constitution qui est à blâmer. La Cour su- Québécois ont besoin. Je pense, entre autres, à prême nous dit que les articles 11 et 12 de la char- cette Loi sur la santé et la sécurité au travail, cette te du français forceraient les personnes morales à réforme de la fiscalité municipale qu'on attend de- n'employer que le français. Au scandale! les per- puis 30 ans. On est obligés d'être encore ici à faire sonnes morales, les entreprises, les compagnies des batailles pour survivre, mais quand on fait des seraient obligées d'employer le français par la batailles pour survivre, on prend du retard à vivre. charte du français. Cette charte ferait du français Pendant que nous, on fait ça, les autres dévelop- la seule langue officielle des pièces de procédures pent, partout dans le monde, leur société, à leur de nature judiciaire ou quasi judiciaire. La Cour goût. suprême nous dit: Ces articles 11 et 12 de la char- M. le Président, cette loi, en plus, est profon- te du français sont inconstitutionnels, sont contra- dément injuste, et là, on va tomber d'accord avec dictoires à l'article 133. le chef de l'Opposition officielle, qui nous a dit Ceci signifie que, dorénavant, devant un tribu- tantôt que l'acte de 1867, à l'article 133, est très nal quelconque, Jean Martin, citoyen du Québec, certainement discriminatoire, parce qu'il ne s'ap- qui a un différend avec Household Finance Corpo- plique qu'au Québec. Effectivement, il est discri- ration va se présenter devant les tribunaux et que minatoire, mais là où il est difficile de suivre le cela va pouvoir se passer en anglais. Remarquez chef de l'Opposition officielle, c'est lorsqu'il atta- que ce jugement de la Cour suprême rétablit, au- que cet énoncé que faisait le ministre d'Etat au trement dit, entre autres, les droits de Household Développement culturel, où il disait ceci: "Par le Finance Corporation ou ITT ou n'importe quelle jugement de la Cour suprême, le pouvoir fédéral espèce de compagnie, même pas canadienne, mê- obtient ce qu'il recherchait, il réimpose au Qué- me pas anglo-québécoise. Cela n'a rien à voir avec bec, le joug, le carcan centenaire dont le Québec les droits de la minorité, cela n'a rien à voir avec s'était débarrassé en affirmant, par voie législative ce désir bien légitime qu'ont la majorité des Qué- sa propre identité linguistique et culturelle." On a bécois de posséder une langue seconde, il n'y a voulu interpréter, du côté du chef de l'Opposition personne qui va contester cela. On permet à des officielle, en jouant, ce que j'appelle jouer sur les compagnies qui n'ont rien à voir avec ni le Qué- mots et en passant totalement à côté de la ques- bec, ni le reste du Canada, ni la minorité anglo- tion, comme si cette phrase voulait dire qu'il y phone d'utiliser une autre langue que la nôtre de- avait des liens quelconques entre le gouvernement vant nos tribunaux. fédéral et la Cour suprême; mais pas du tout, ce n'est pas ce que ça veut dire, ce que ça veut dire, C'est ce que Félix Leclerc appelle des gros c'est que la Cour suprême n'a fait que son devoir, droits d'étrangers dans nos papiers de famille. elle a interprété la constitution, et c'est la constitu- C'est exactement de cela dont il s'agit. Ces gros tion qui fonde le pouvoir fédéral. C'est cette cons- droits, on les introduit par une vieille constitution titution qui a imposé au Québec, et aux franco- de 112 ans qui, sur ce plan en tout cas, comme sur phones hors Québec aussi, un joug plus que cen- les autres, mais il serait trop long de le démontrer, tenaire. a fait plus que son temps. Mais, il y a plus grave que cela, en réintroduisant, dans tous ces secteurs C'est cet article discriminatoire dans la consti- vitaux pour notre vie collective et le Parlement et tution canadienne, cet article 133, qui a encouragé les tribunaux du Québec, le bilinguisme, ce juge- toutes les entreprises assimilatrices dans les au- ment aura un impact sur ce que les Québécois, tres provinces: 1864, fermeture, sur ordre gouver- par leur prise de conscience, avaient réussi à faire. nemental, des écoles françaises des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse. 1871, abrogation des droits sco- Je pense que ce qu'il y a de plus important laires coutumiers des Acadiens catholiques du dans nos lois linguistiques, d'abord la loi 63 et en- Nouveau-Brunswick et prohibition de l'enseigne- suite la loi 22 et la loi 101, ce n'est pas tellement ment du français dans cette province. 1877, ban- les articles de ces lois, mais le changement d'atti- nissement du français et de la religion catholique tude et de mentalité au Québec. Les entreprises en à l'Ile-du-Prince-Edouard. Toutes les provinces y particulier commençaient à travailler en français, passent, ce serait peut-être un peu long, je vais en nos diplômés des écoles commerciales commen- sauter quelques-unes. 1892, retrait de l'appui fi- çaient à se placer plus facilement dans les entre- nancier de l'Etat aux écoles séparées francopho- prises, les immigrants et les groupes minoritaires, nes des Territoires du Nord-Ouest, qui regrou- au Québec, commençaient plus volontiers paient, à ce moment, l'Alberta et la Saskatchewan qu'avant à inscrire leurs enfants à l'école fran- — quand on sait qu'au Québec, la minorité anglo- çaise. phone a des écoles payées à mêmes les fonds pu- Ce jugement vient changer ce climat de nor- blics, de la maternelle à l'université. C'est très bien malité, de normalité dans ce sens que le Québec et c'est même reconnu dans la loi 101. 1915, impo- était en train d'apprendre la langue de la majorité sition de l'anglais comme seule langue de l'ensei- sans brimer aucunement les droits de quelque mi- gnement en Ontario. 1916, interdiction de l'ensei- norité que ce soit. gnement du français à tous les niveaux, au Mani- C'est pour ça que c'est humiliant, M. le Prési- toba justement. dent, d'être obligés de refaire ce travail et de se (2 h 50) 4498

Je peux vous dire que l'an dernier, j'y étais au Ensuite, on nous a parlé de la langue indi- Manitoba. On a parlé de Saint-Boniface tantôt. viduelle. Le député de Mégantic-Compton a dit: Saint-Boniface n'est plus une ville francophone du C'est bien effrayant la langue seconde. On n'em- Manitoba, c'est un quartier de Winnipeg mainte- barquera pas là-dedans, mais on est à peu près le nant. Les francophones n'ont même plus de seul peuple au monde qui apprend une langue conseil municipal. Ils n'ont même plus d'outil seconde à partir de la quatrième année et avant, politique pour les représenter. J'y étais et le c'était la cinquième année. Partout en Europe, ils président, qui est peut-être maintenant un des commencent au secondaire pour votre informa- dirigeants de la société franco-manitobaine, m'ex- tion. pliquait que quand il était petit, dans la classe, ils On nous a parlé de démocratie. On nous a dit: étaient obligés, quand l'inspecteur arrivait, de Le Canada, c'est une société démocratique. C'est serrer les manuels français parce qu'ils n'avaient le chef de l'Opposition qui disait cela: Nommez- pas le droit d'apprendre le français à l'école. 1930, moi un seul régime où un parti pourrait défendre prohibition de l'enseignement du français même la sécession, l'indépendance, la souveraineté, en dehors des heures de classe en Saskatchewan. comme vous le faites. Je lui conseille de lire Cela a été comme cela, M. le Président, dans l'ouvrage de , Accession du toutes les provinces et, aujourd'hui, on se deman- Québec à la souveraineté, et il verra que la de pourquoi on n'applaudit pas aux efforts qu'ont majorité des Etats membres des Nations-Unies ont faits les Franco-Manitobains qui ont été, finale- acquis leur souveraineté depuis 1945. A peu près ment, couronnés de succès 89 ans après. On ne de 80% à 85% de ces pays l'ont fait pacifiquement peut pas applaudir à une démarche qui passe à et je pourrais lui donner des exemples très con- côté de la véritable question. On ne peut pas crets. applaudir à une démarche qui arrive beaucoup Il y en a un bien simple qui me vient tout de trop tard pour réparer toutes ces injustices. suite à l'esprit. C'est la Norvège en 1905. Ils ont eu Pour ceux qui penseraient que c'est fini, il un bout de temps un gouvernement souverainiste. suffit de rappeler les huées quand O Canada était Il s'est fait battre. Il est revenu et là, à un moment chanté en français, les gens de l'air qui ne peuvent donné, il a décidé de déposer le souverain de pas piloter en français même au Québec, même Suède qui servait de... à véhiculer la mainmise dans l'espace aérien du Québec, ces écoles en du pays voisin et finalement, il a tenu un réfé- langue française qu'on nous refuse un peu partout rendum. Tout cela s'est passé dans... C'était un et quand on les a, les francophones sont tellement régime tout aussi démocratique. habitués à l'anglais que ce sont très souvent des Je vais lui poser une autre question. Nommez- anglophones qui les occupent pour apprendre le moi une démocratie au monde, autre que le français. Au niveau de la fonction publique fédéra- Canada, "démocratie" entre guillemets, où 60% le, le dernier rapport du Commissaire aux langues du groupe minoritaire est complètement assimilé officielles, Max Yalden, disait: C'est la langue des par la langue de l'autre? Nommez-m'en une. Il y a catacombes. Ceux qui pensent que cela a véri- le Canada. Il y a peut-être d'autres pays qu'il ne tablement changé, ce sont eux qui sont dans les serait peut-être pas bon de nommer. Le chef de nuages. Ce sont eux qui font de l'idéologie. Ce l'Opposition, finalement, lui qui est très réaliste, sont eux qui manquent de réalisme, qui ne sont qui ne fait pas de dogmatisme, à part qu'il veut pas collés sur les réalités. On vient bénir ce genre absolument que le nouveau régime politique soit de dynamisme qui s'est installé. fédéral — il faudrait que tout le monde s'y insère, M. le Président, il faut le dire clairement et que cela marche ou non, que cela colle ou non — nettement, ce n'est pas la loi 101 qui est injuste, il ne fait pas de dogmatisme. Il n'est pas coupé du c'est la constitution canadienne. C'est cette cons- réel. Il va prendre l'article 133. Il va l'étendre à titution qui a créé ces injustices au Canada. On a toutes les provinces. Tout le monde va avoir accès entendu, de la part de l'Opposition, ce que j'appel- à l'enseignement dans sa langue maternelle, fran- lerais une attitude d'inconscience, de cachette cophone et anglophone, et il va mettre cela dans derrière des écrans juridiques, un ensemble d'éta- la constitution canadienne de façon à ce que plus lage de bonne conscience et de "tournage" au- jamais le Québec ne puisse devenir français. tour du pot. On a essayé de minimiser les effets de Evidemment, je ne sais pas comment la députée la loi. J'ai entendu le député de Gouin et le député de Prévost va s'adapter à cela, elle qui n'a pas fait de Lotbinière nous parler de cela tantôt et un peu de rapport minoritaire quand, dans la commission plus, ils faisaient comme d'autres que j'ai enten- Pépin-Robarts on dit: II faudrait abolir l'article 133 dus privément qui disaient: Ceux qui sont le plus et laisser les provinces régler cette question. mal pris là-dedans, c'est bien effrayant, c'est le M. le Président, je trouve, dans cette proposi- Manitoba parce que le Québec n'aura pas besoin tion du chef de l'Opposition d'étranges ressem- de payer pour traduire des lois. Pauvre gouver- blances — et je pense que la députée de Prévost nement du Manitoba qui va être obligé de traduire va être obligée de me dire qu'elle est d'accord là- toutes ses lois et tous ses règlements, c'est donc dessus — à ce qu'il nous en a dit ce soir, en tout triste! Qu'est-ce que cela a à voir avec ce dont on cas, d'étranges ressemblances avec "Le temps parle? Cela va coûter quelques sous. Cela ne d'agir" que le gouvernement Trudeau a déposé changera strictement rien au Manitoba. Cela va peu avant sa défaite aux élections fédérales... changer quelque chose au Québec et dans l'en- Justement, M. Trudeau nous disait qu'on allait semble canadien cette loi. régler les problèmes linguistiques. Il avait la même 4499 vision que le chef de l'Opposition, qu'il y a des bre. Il faut que j'admette que j'ai passé des groupes linguistiques, qu'il faut leur parler dans moments pendant lesquels j'ai été un peu mal à leur langue. Il y a deux groupes qui sont plus l'aise. Tout de même, j'ai essayé, durant les importants que les autres; il y a des anglophones débats, de sortir quelque chose de positif pour et les francophones. Cela vaut la peine de mettre peut-être apprendre quelques leçons pour moi- leurs droits dans la constitution, de donner l'accès même et pour les personnes de mon comté. à l'école en français ou en anglais du moment que Qu'est-ce qui est arrivé aujourd'hui? Quant à moi, c'est la langue maternelle et donc, de soustraire un droit de notre société anglophone qui existe cela à ces méchantes provinces qui pourraient se depuis 100 ans et qui est enchâssé dans la mettre dans la tête de défendre les droits à leur constitution et un droit qui est loin d'être le plus façon, compte tenu des réalités de leur société important de nos droits, une chose qui n'est pas propre. du tout importante, quant à moi, a été enlevé il y a A ce moment-là, on veut traiter, somme toute, deux ans par un gouvernement qui savait parfaite- le Québec comme une province comme les autres. ment, si je comprends bien, que c'était dans la Le Québec va être une province comme les autres. constitution et que ce qu'il faisait était anticonsti- On essaie encore là — on n'est pas dogmati- tutionnel. Aujourd'hui ce droit des anglophones que — de trouver un schème universel. Le Québec est retourné. n'est pas une province comme les autres, mais on Je n'ai pas l'impression que, quant aux fran- va la traiter comme les autres. M. le Président, je cophones, c'était un événementl d'une grande regrette de voir cela et j'ai hâte que le député importance. C'est mon impression. Mais j'ai écou- d'Argenteuil et chef de l'Opposition officielle nous té le député de Bourget et je veux citer ce qu'il a mette son document sur la table. dit quand il a décrit cet événement que moi je On va en parler, de son document. Y a-t-il viens de décrire. Je me demande si les Québécois quelque chose de plus irréaliste que cette propo- francophones, l'ensemble, la collectivité, ont vrai- sition, alors que tout le processus, toute la consti- ment réagi de la façon qui est décrite dans ce tution a fait son oeuvre? Quand on arrive à la fin et paragraphe par le député de Bourget. Je cite: que tous les francophones, à toutes fins utiles, "Désabusée, triste, humiliée encore une fois, sont disparus dans les autres provinces, on va après tant d'autres, plus que jamais découragée enlever la possibilité au Québec de se développer devant la rigidité et l'absolution du pouvoir cen- en français. Y a-t-il quelque chose de plus irréa- tral, moins portée que jamais aux faux espoirs liste que cela, de plus inconscient? d'un impossible renouvellement d'une vieille cons- M. le Président, il y a une chose qui devrait titution oppressive, l'immense majorité des Qué- attrister les Québécois et je termine là-dessus. bécois aura bien raison de considérer comme un Chaque fois que le gouvernement fédéral a envahi jour sombre, un jour de deuil, un moment tragique un champ provincial en violant la constitution, il a de son histoire collective, ce jeudi 13 décembre eu un appui universel à la Chambre des commu- 1979, où ils auront dû accepter cette humiliation nes. On n'a pas assisté à ces divisions qu'on voit suprême, courber la tête sous un diktat qui leur maintenant et ici, ce qu'on voit, on voit des gens rappelle leur situation de conquis, boire jusqu'à la se réjouir dans le genre: Je vous l'avais bien dit lie cette potion amère au goût de cendre." que c'était inconstitutionnel. Je vous l'avais bien M. le Président, la question que je me pose dit qu'il fallait mettre beaucoup plus d'anglais — et je me la pose d'une façon très sérieuse — dans cette loi-là. est-ce que c'est vrai que, ce soir, la majorité des (3 heures) francophones au Québec a réagi vraiment de cette M. le Président, ce spectacle de division entre façon à l'événement qui est arrivé ce matin. J'ai Québécois est triste. Pendant qu'on peut avoir, écouté les descriptions qui ont été données dans j'en suis sûr, dans certains coins, au Canada ce discours et également dans le communiqué de anglais, ici, on n'est pas capable de s'entendre sur presse du premier ministre qui s'appelle "Injure une chose tout à fait normale, le droit du Québec suprême". Je veux citer quelques descriptions des de se donner des lois linguistiques qu'il désire anglophones du Québec et des francophones du conformément à sa société. Cette question devrait Québec que j'ai sorties de ces deux documents. normalement dépasser les partis. On va nous dire: Les anglophones du Québec d'aujourd'hui sont le Vous venez de faire un discours partisan. Je peuple qui domine, le groupe des conquérants, les regrette, M. le Président, mais ce parti est formé maîtres, ils ont un statut privilégié, une minorité de gens qui viennent de différents horizons politi- avec des privilèges exorbitants, une minorité do- ques. Il n'est pas là pour se perpétuer dans le minante et dangeureusement assimilatrice. paysage; il est là pour donner au Québec français, Ce sont les anglophones d'aujourd'hui. Ce sont aux Québécois, un pays. Je vous remercie. toutes des citations des deux documents: une de M. Laurin et l'autre du premier ministre. Les franco- phones du Québec, aujourd'hui, sont les victimes Le Vice-Président: M. le député de Notre- des injustices, de la persécution, de l'assimilation, Dame-de-Grâce. de l'humiliation, de l'aliénation, d'une soumission coloniale, locataires dans leur propre pays, une M. Reed Scowen colonie à l'intérieur, désabusés, tristes, humiliés encore une fois. M. Scowen: Ce n'est pas facile, ce soir, M. le C'est une description de la situation actuelle au Président, d'être un anglophone dans cette Cham- Québec d'après le premier ministre et le ministre 4500

Laurin. Est-ce que c'est vraiment la façon par mienne est bonne. Bien sûr, je peux me tromper. laquelle la majorité des francophones québécois Si la mienne est bonne, il y a beaucoup de voient la situation aujourd'hui? Je ne sais pas, mais possibilités du côté de la collaboratin afin que les je veux vous dire franchement, M. le Président, que anglophones du Québec puissent vivre ici en plein ce n'est pas ma façon de voir la situation. J'ai une respect, et, je le répète, avec passion, dans vision un peu différente du Québec aujourd'hui. plusieurs cas, pour la vie francophone. Si votre Premièrement, le Québec est français. Personnelle- vision de la situation actuelle est bonne et si vous ment, parce que c'est français et parce que c'est pouvez le prouver avec les résultats d'un référen- l'Assemblée nationale du Québec, je parle français. dum et par une élection générale, c'est clair Je ne parle pas parfaitement le français, mais c'est qu'il ne reste pas de place pour moi ou pour ies beaucoup mieux qu'il y a un an. Je suis persuadé anglophones ici, au Québec. Je le répète claire- que, d'ici un an, je vais parler un peu comme le Dr ment: Après tout ce que j'ai entendu ce soir, il ne Goldbloorn, si je continue à faire des efforts. restera pas de place pour les anglophones au Il y a ici, au Québec, une société anglophone, Québec. minoritaire bien sûr, qui existe depuis 200 ans, qui Je suis persuadé que ces deux événements n'est pas très riche, le revenu par personne est bien n'arriveront pas. Je l'espère certainement et j'ai en dessous de $10 000 par année. Ces gens ont été l'intention de faire tout ce que je pourrai pour comme mes parents et mes grands-parents, les qu'ils ne se réalisent pas. D'après ce que je premiers à habiter la terre où ils sont aujourd'hui et, connais des autres francophones du Québec, je de plus en plus, ils sont prêts à jouer — d'après suis persuadé que j'ai raison. C'est une loi qui moi — un rôle entier dans la société québécoise. Ils touche un peu la langue anglaise et parce qu'il y a sont dans une situation en pleine évolution. Vous beaucoup d'anglophones dans mon comté, j'ai n'avez qu'à aller à Montréal, dans les villes et l'intention de terminer ce bref discours en anglais. villages du Québec où il existe des groupes anglophones, pour voir comment ils évoluent au The decision of the Supreme Court today, to moment actuel. Si vous avez eu l'occasion, hier soir, declare unconstitutional, chapter III of bill 101, and de regarder le programme à Radio-Canada, réseau the corresponding sections of the Manitoba Act anglais, sur les anglophones du Québec, vous l'avez which went against bill 133 or its equivalent in that constaté vous-même. Je suis persuadé que ces province, is an important moment for both the anglophones sont tous prêts à respecter la langue English and the French in Québec. I hope that the française et il y en a beaucoup qui sont prêts à la English-speaking people of Québec will not see it vivre avec une passion positive. J'en suis persuadé. as a victory because it is an opportunity and an invitation for the English-speaking people of this La vision des francophones et des anglophones province to take a fuller and more complete role in que j'ai décrite tantôt n'est pas du tout celle que je the government of Québec, a government which vois quand je parle avec des francophones que je many of them have for a long time considered as connais, mes collègues de notre formation à l'As- their second government. In a true federal system, semblée nationale, mes amis, mon amour, les per- both are equal and if the federal system of Canada sonnes qui habitent dans mon comté et que je is going to work and if Québec is going to work as rencontre au cours de voyages à travers le Québec. a place where English and French people can Ce sont les francophones qui, pour moi, sont work together and live together, the English contents de vivre avec les anglophones et qui n'ont people of are certainly going to have as aucunement la vision du Québec des anglophones much respect for and involved in the government et des francophones que je viens de décrire. of Québec as they have in the government of Je pense que ce débat a permis, pour la Canada. première fois — quant à moi c'est un avantage de ce débat — aux Québécois de voir le vrai visage du The second message that I just like to leave is Parti québécois. Je comprends et je pense que tout that what happen in Manitoba is very important le monde comprend maintenant pourquoi il n'y a too, and the English-speaking people of Québec pas d'Anglais de l'autre côté et pourquoi il n'y a and the rest of this country are going to have to presque aucun électeur de langue anglaise, de pay some attention to that, because if any consti- n'importe quel groupe ethnique, qui peut supporter tutional reform in the coming months and in the cette formation politique. Je pense que c'est clair coming years is going to be successful, every aussi que c'est inutile et impossible pour vous province in Canada is going to have to come to autres d'espérer créer une association avec un the grips with the future of the French-speaking groupe que vous détestez si manifestement dans people in their province. toutes vos paroles. Désabusés que vous êtes de la The third message is that tonight in the speech possibilité de faire une association avec les Anglais; of the minister of Cultural Développement and in ce ne sont pas des fous, ils n'accepteront jamais de the press release of the Prime minister we have faire une association avec les personnes qui leur ont seen the real face of the Parti Québécois, if manifesté ce soir de la haine, de l'amertume. C'est anybody up to now was wondering what is was impossible. like. I strongly hope that every English-speaking (3 h 10) person in Québec will take the time to read those J'ai essayé ce soir de réfléchir un peu sur ce two documents and if they are wondering what to qui ce passe. Quant à moi, je crois que la vision do with their spare time in the next six months, que vous avez du Québec est fausse, alors que la they have their answer right there. Thank you. 4501

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet- et ce, en racontant aux citoyens qui nous écou- Yamaska. tent, qui sont peut-être de moins en moins nom- breux à l'heure actuelle, une série de faussetés M. Serge Fontaine comme celles que je vais vous énumérer. (3 h 20) M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Une Voix: II en restait quelques-uns, mais... Mme la Présidente, vous qui, avant d'être ici à l'Assemblée nationale, étiez professeur dans nos M. Fontaine: Le ministre disait: Le pouvoir fé- écoles québécoises, et comme d'autres, qui sont déral obtient ce qu'il désirait. Comme si c'était le également ici, nos collègues, vous vous rappelez gouvernement fédéral qui avait rendu la décision sans doute que, dans notre tendre enfance, il y que nous avons ce soir. Le jugement que nous avait souvent, dans nos municipalités du Québec, avons, c'est le jugement du plus haut tribunal du dans nos petites campagnes, des pièces théâtrales Canada, après avoir passé par toutes les étapes qui étaient montées par les citoyens de la munici- normales de notre système judiciaire, dont deux palité. On appelait cela des "pièces actées". Je ne sont purement québécoises, des étapes québécoi- sais pas si vous vous en rappelez, mais nous assis- ses pure laine. tons, ce soir, à une pièce actée du Parti québé- Le jugement de la Cour suprême survient et, à cois. Depuis deux ans, le Parti québécois a monté ce que je sache, à moins que le ministre n'ait des sa pièce actée et, ce soir, il est en train de nous en preuves du contraire, le gouvernement fédéral livrer le dernier acte. Il semble nous montrer, ce n'intervient pas dans les décisions de la Cour su- soir, un mélodrame, et tout cela fait partie de leur prême. Le ministre disait également un peu plus stratégie référendaire. Le scénario péquiste, Mme loin: Le jugement redonne à l'anglais son statut la Présidente, est pensé, réfléchi, prévu, voulu et privilégié. Y a-t-il quelque chose de plus faux que désiré. Chaque orateur qui prend la parole tente ce que le ministre a dit dans son discours? Le ju- de prendre un air malheureux, déconfit, décon- gement redonne à l'anglais son statut privilégié. Il certé mais, dans le fond de son oeil, on voit qu'il y ne lui redonne pas son statut privilégié, il remet a un éclair de joie, parce qu'il pense que le juge- tout simplement les choses dans l'état où elles ment qui a été rendu par la Cour suprême, aujour- doivent l'être en vertu de l'article 133 de l'Acte de d'hui, va aider la cause du Parti québécois afin l'Amérique du Nord britannique. d'obtenir un résultat favorable à son référendum. Le ministre disait aussi: Le jugement oblige Dans le fond, Mme la Présidente, ceux qui entou- les Québécois à utiliser les textes anglais. Comme rent les orateurs ont, eux, à côté, la mine réjouie, si les Québécois, demain matin, vont être obligés sont presque joyeux et ils ont presque le sourire de lire les lois québécoises en anglais. Les Québé- en coin. Sauf le ministre d'Etat au Développement cois de langue française ne seront pas obligés de culturel qui, lui, acte sa pièce en feignant hypocri- faire cela. Les textes vont être écrits comme c'est tement le désarroi en tentant d'alerter la popula- le cas actuellement, mais adoptés dans les deux tion en lui racontant un paquet de sornettes à par- langues. Le Canadien français va pouvoir les lire tir d'un texte rédigé il y a deux semaines, avant dans sa langue, comme l'anglophone va égale- même que le jugement soit sorti. ment pouvoir les lire dans sa langue. Il n'y a rien de changé. Le seul fait qui est changé c'est que La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à l'ordre! les lois vont être adoptées dans les deux langues, alors que depuis l'adoption de la loi 101, elles M. Fontaine: Mme la Présidente, le ministre n'étaient adoptées que dans leur version fran- d'Etat au Développement culturel et tout le gou- çaise. vernement du Québec savait, dès le dépôt de la loi Même le leader du gouvernement est allé jus- 101, ce qui arriverait aujourd'hui. Le ministre l'a qu'à dire que tous les règlements municipaux même confirmé ce soir, peut-être sans le vouloir, adoptés depuis la loi 101 sont devenus illégaux, dans son discours, alors qu'il disait, à un moment sont devenus inconstitutionnels, sont devenus non donné: "II aurait été surprenant que la Cour suprê- valides. Si ce n'est pas là essayer de faire peur à la me en décide autrement." Il a dit cela dans son population et essayer de les induire en erreur, je discours, ce soir. Alors le ministre savait d'ores et me demande qu'est-ce que c'est. Le jugement est déjà, lorsque la loi 101 a été adoptée, qu'il y avait bien clair là-dessus, cela ne touche certainement de fortes possibilités que la Cour suprême rende pas les règlements municipaux. Le leader du gou- un jugement tel que nous avons devant nous au- vernement a sûrement été en mesure de prendre jourd'hui. des avis juridiques là-dessus. Le ministre savait, et des avis juridiques qu'il a L'article 133, deuxième paragraphe, dit: Les toujours refusé de rendre publics le lui avaient actes du Parlement du Canada et de la Législature confirmé. Il savait que certaines parties de sa loi du Québec devront être imprimés et publiés dans 101 ne respectaient pas l'Acte de l'Amérique du ces deux langues. Les actes de la Législature du Nord britannique. Son but, se servir de cette cause Québec, ce ne sont pas les règlements munici- en vue d'obtenir un appui lors du référendum. paux. On dit, un peu plus loin, également à la page Donc, le ministre d'Etat au Développement 11 du jugement: Pour ce qui est de la question de culturel s'amène ce soir en tentant de soulever un savoir si les règlements établis sous le régime des certain mécontentement dans la population, je di- lois de la Législature du Québec sont des actes au rais même, en tentant d'épouvanter la population sens de l'article 133, il est évident que ce serait 4502 tronquer l'obligation imposée par ce texte que de adopté conformément à nos lois et les tribunaux ne pas tenir compte de l'essor de la législation dé- ne sont pas intervenus dans ce domaine. léguée. Il s'agit d'un cas où le plus englobe le La langue des organismes parapublics, il n'y a moins. rien de changé là-dedans, la loi 101 est toujours Mme la Présidente, si vous savez lire comme valide. La langue du travail. Le ministre, dans son moi, et comme les péquistes également le savent, discours, a dit: les travailleurs ne pourront plus les règlements établis sous le régime des lois de la utiliser leur langue ou quelque chose comme ça. Il Législature du Québec, ce ne sont pas les règle- n'y a rien de changé là-dedans, la langue du ments municipaux. Alors, cessons donc de faire travail, dans la loi 101. Il n'y a rien de changé. peur à la population du Québec. Quelle est la vraie nature du jugement de la M. Grenier: Ecoutez donc quelqu'un qui con- Cour suprême? Il y a trois points importants, à naît ça, ça va vous faire du bien. mon avis, dans la décision de la Cour suprême. Le premier, c'est que les lois et les règlements du Ca- M. Fontaine: La langue du commerce et des nada, du Québec et du Manitoba doivent être im- affaires. Les articles de la loi 101 qui concernent la primés, publiés et adoptés en français et en an- langue du commerce et des affaires ne sont pas glais. C'est le premier point. déclarés inconstitutionnels. La langue de l'ensei- Imprimer et publier les projets de loi du gnement. Il n'y a rien de changé. L'Office de la Québec... Ils étaient déjà imprimés et publiés dans langue française qui est créé n'est pas aboli. On les deux langues. Il n'y a rien de changé là- crée autre chose... La Commission de toponymie, dedans. Tout ce qu'il y a de changé, c'est qu'ils Mme la Présidente, il n'y a rien de changé là. La doivent être adoptés, c'est-à-dire qu'ils doivent francisation de l'administration, la Cour suprême recevoir la sanction du lieutenant-gouverneur en n'a pas touché à ça. La francisation des entre- conseil dans les deux langues. C'est ça que la prises non plus. La Commission de surveillance et Cour suprême nous dit aujourd'hui. Il n'y a rien de les enquêtes, elle n'a pas touché à ça. bien étonnant là-dedans. Deuxièmement, que le Québec ne peut, unila- M. Grenier: Elle n'a pas changé grand-chose. téralement, modifier l'article 133 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord. Cela tombe éga- M. Fontaine: Le Conseil de la langue françai- lement sous le sens que le Québec ne peut, se, Mme la Présidente, c'est encore constitution- unilatéralement, modifier la constitution du Cana- nel aujourd'hui. da, c'est bien sûr. Qu'est-ce qu'il y a de changé? Il y a deux Troisième point, le jugement permet que le points de changés, Mme la Présidente: la langue français et l'anglais puissent être utilisés devant devant les tribunaux judiciaires qui peut être les tribunaux judiciaires et quasi judiciaires. C'é- utilisée de façon inconditionnelle, soit le français tait dans notre livre bleu lorsqu'on a étudié le ou l'anglais, et la langue d'adoption de nos lois projet de loi 101. On avait d'ailleurs averti le qui peut être le français ou l'anglais. On fait tout gouvernement de la possibilité de l'inconstitution- un plat, des gorges chaudes pour quelques petites nalité de ces articles. La Cour suprême confirme modifications que la Cour suprême nous oblige à aujourd'hui ce que nous avions dit alors au gou- adopter aujourd'hui. On se sert de ça pour alerter vernement. la population, on se sert de ça pour essayer de Il n'y a pas grand-chose de nouveau non plus gagner quelques votes au référendum. C'est pas là-dedans. Ce n'est pas un changement draconien mal mesquin de la part du gouvernement. qui ferait en sorte que, demain matin, les Québé- Mme la Présidente, à entendre le Parti québé- cois ne seraient plus capables d'utiliser leur langue cois, on dirait que le Québec est devenu franco- française au Québec. Ce n'est pas ça du tout, Mme phone lorsqu'il a pris le pouvoir en 1976 et avec la Présidente. l'adoption de la loi 101. Avant ça, on parlait tous Le ministre a semblé faire croire à la popu- anglais. Quand ils sont arrivés, on s'est tous mis à lation, dans son discours, ce soir, que toute la loi parler français. Et on dirait qu'avec le jugement de 101 était devenue inconstitutionnelle Mme la Pré- la Cour suprême on va se remettre à parler anglais sidente, il faudrait quand même essayer de revoir demain matin. les grands chapitres de la loi 101, voir ce qu'il y a (3 h 30) de changé. Mme la Présidente, ce qu'on a à faire au Le titre premier de la loi, Le statut de la langue Québec, si on a des modifications à demander aux française, il n'y a rien de changé là-dedans. autres provinces et au fédéral, c'est d'essayer de Chapitre premier, La langue officielle du Québec, trouver des accommodements au niveau constitu- article premier: "Le français est la langue officielle tionnel. D'ailleurs, le ministre Laurin lui-même l'a du Québec." La Cour suprême n'a pas déclaré ça déclaré le 26 janvier 1978, Mme la Présidente. inconstitutionnel, Mme la Présidente. C'est ce qu'il a dit. A ce moment-là, il a parlé avec Chapitre II, Les droits linguistiques fonda- sa tête, il n'a pas parlé suivant une tactique mentaux, il n'y a rien de changé là-dessus non référendaire. plus. Au chapitre III, La langue de la législation et Il disait, Mme la Présidente: Si la Cour suprê- de la justice, il y a eu une modification dont je me déclare inconstitutionnelles certaines parties viens de vous faire part. La langue de l'admi- de la loi no 101, c'est une nouvelle preuve que nistration, ce n'est pas inconstitutionnel. Tout est c'est la constitution qui est mal faite. Bien oui, la 4503

constitution est mal faite. Mais il faut la changer, suprême. On dit, par exemple, qu'il ne s'agit de la constitution. Il faut la changer. Tout le monde rien de moins que de rétablir un article qui existait est d'accord là-dessus qu'il faut la changer. Il faut déjà. On dit aussi qu'avant que n'intervienne la loi prendre les moyens pour la changer, des moyens 101, le Québec vivait déjà en français. Or, précisé- légaux, des moyens de discussion. Ce n'est pas en ment, M. le Président, je pense que tel n'est pas le faisant des discours et en disant que la Cour cas. Avant que ce gouvernement ne se décide à suprême pactise avec le gouvernement, que les intervenir vigoureusement dans le champ linguis- juges de la Cour suprême ont un penchant du côté tique, nous savons que la majorité des nouveaux anglophone, ce n'est pas comme cela qu'on va immigrants allaient s'intégrer à la minorité anglo- réussir à changer la constitution. phone. Nous savons que le plus grand nombre des Si on veut être sérieux, Mme la Présidente, travailleurs, au Québec, ne pouvaient pas travailler qu'on présente donc aux Québécois un projet de en français, ne pouvaient pas communiquer en changement constitutionnel et les Québécois vont français avec leurs supérieurs. Nous savons qu'un se prononcer sur ce projet. A ce moment-là, on très grand nombre de francophones, durant de pourra avoir des modifications à la constitution longues années, n'avaient pas la faculté de se faire canadienne qui vont permettre à tous les Québé- servir en français dans un très grand nombre cois, à tous les Canadiens, de s'épanouir en d'établissements commerciaux. Nous savons harmonie. qu'un très grand nombre également de francopho- nes ne pouvaient pas recevoir en français l'infor- Mme la Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous mation à laquelle ils avaient droit, etc., etc. Si des plaît! progrès manifestes, notables, se sont manifestés M. le ministre d'Etat au Développement cultu- au cours des dernières années, c'est précisément rel. en raison de la volonté politique vigoureuse et manifeste de ce gouvernement, mais si cette M. Camille Laurin volonté politique se trouve maintenant controu- vée, niée, deux ans à peine après l'adoption de M. Laurin: Mme la Présidente, à 3 h 35, ma cette loi par le gouvernement central, il est réplique sera brève parce que les interventions malheureusement facile de prédire ou d'envisager vigoureuses de mes collègues ont déjà complète- que, les mêmes causes produisant les mêmes ment démoli les représentations éminemment fra- effets, nous nous retrouverons bientôt devant une giles des deux Oppositions conjuguées. dégradation, une détérioration nouvelle de notre Je voudrais tout de suite dire... situation et d'un retour aux anciennes injustices. On veut minimiser, M. le Président, l'effet de M. Chevrette: La paix, la paix, la paix, Mme la ce jugement de la Cour suprême, mais pourtant, députée de L'Acadie! elle introduit un non-sens dans la politique linguis- tique qui est voulue par l'immense majorité des Mme la Vice-Présidente: M. le député, s'il Québécois. Si, d'une part, on continue de préten- vous plaît! dre, comme dans la loi 22 et comme dans la loi 101, que le français est la langue officielle du Une Voix: Notre-Dame-de-la-Paix. Québec et que, tout de suite après, on réintroduit deux langues officielles au niveau de nos institu- M. Laurin: Je voudrais tout de suite dire au tions législatives, suprêmes, au niveau du pouvoir député de Nicolet qu'il ne s'agit pas d'un coup judiciaire, je pense qu'on introduit un non-sens en monté à l'avance par le gouvernement de conni- ce sens qu'on se trouve à nier implicitement ou vence avec la Cour suprême. Peut-être a-t-il eu explicitement, par ces autres articles, l'affirmation l'impression que mon discours de deuxième lecture contenue, le principe premier contenu dans l'arti- était composé depuis deux ans, mais je dois lui cle premier de cette loi, sans parler, M. le Prési- dire que le jugement de la Cour suprême ne nous dent, de tous les effets pratiques qu'a eus et a pas plus étonnés que de voir tomber une pomme qu'aura encore la réinstauration du bilinguisme au sur le sol, selon la loi de Newton. niveau de la rédaction, au niveau de l'interpréta- Cela était évidemment très attendu. Je peux tion des lois, d'une part, et au niveau de la aussi lui dire que mon pouvoir de rédaction rapide pratique judiciaire, de l'autre. est aussi parfait que celui de l'ancien directeur du J'ai dit dans mon discours de deuxième Devoir, et que dans certaines circonstances ce qui lecture à quel point des milliers et des milliers de se conçoit s'énonce clairement et vite, lorsqu'il secrétaires travaillant dans le domaine des lois ou s'agit de thèses que nous avons, bien sûr, méditées de l'interprétation des lois ou des jugements durant de longues années. portés sur des lois ont été obligés dans un passé Non, mon propos serait plutôt de m'adresser à très récent non seulement de travailler en anglais quelques-unes des objections qui nous ont été autant qu'en français, mais aussi de parler la faites. langue anglaise aussi souvent, sinon plus souvent que le français. Il n'est pas besoin d'être grand Une Voix: A l'ordre! A l'ordre! clerc pour prédire qu'à la suite de ce jugement que l'on vient de donner, on risque de voir M. Laurin: On semble minimiser de l'autre reparaître très bientôt cette situation qui ne com- côté de la Chambre l'effet du jugement de la Cour mençait qu'à se corriger. Le chef de l'Opposition a 4504 d'ailleurs reconnu lui-même cette injustice, puis- privilégié au Québec en maintenant son système qu'il dit qu'en 1867, déjà, le Québec avait été scolaire, de la maternelle à l'université, à même les l'objet d'une discrimination, puisqu'il était la seule fonds publics. Nous détestons tellement la mino- province à qui on imposait une pareille situation. rité anglophone qu'elle peut garder ici toutes ses (3 h 40) institutions sociales et culturelles, qu'elle peut Mais il passe de Charybde en Scylla, évi- continuer à se développer selon son génie propre, demment, quand il prétend, dans ses futurs efforts avec tous les instruments, les outils qu'elle possè- vers un fédéralisme renouvelé, imposer à des de à sa disposition au Québec même, dans les provinces unilingues anglaises qui n'en veulent autres provinces et dans notre puissant voisin du pas et qui n'en voudront pas, l'extension à toutes Sud. Nous la détestons tellement que nous l'in- les provinces d'un article que déjà le Québec ne vitons à entretenir justement avec nous de nou- saurait accepter, parce qu'il constitue la négation velles relations qui ne seront plus celles que je de son identité, parce qu'il constitue la négation rappelais tout à l'heure où, à l'aide d'un pouvoir de ses aspirations fondamentales. économique qui en fait une sorte de pivot de notre Le député de Saint-Laurent a dit qu'il y avait vie collective, où, à l'aide d'un pouvoir politique un divorce entre notre discours qu'il trouve révolu- fédéral qui ne cessait d'empiéter dans les juridic- tionnaire ou contestataire et notre action qu'il tions du Québec, elle pouvait continuer à en trouve sage et raisonnable. Il dit que nous nous profiter. comportons comme si nous étions encore dans Mais, nous l'invitons à entretenir avec nous de l'Opposition. Je donne absolument raison au dé- nouvelles relations, cette fois, d'égal à égal, où nous puté de Saint-Laurent. Il a parfaitement raison sur pourrons enfin se respecter comme deux individus le plan constitutionnel, sur le plan du régime. Il est devenus adultes et qui sont capables de compren- évident que même si nous sommes au gouverne- dre, au nom de la raison, leurs véritables besoins. Si ment, qui est un gouvernement provincial, nous c'est là de la haine, M. le Président, je pense que le sommes encore en contestation de ce régime qui député de Notre-Dame-de-Grâce ne sait pas com- nous a été imposé et qui ne nous convient pas prendre encore, malgré ses efforts, les aspirations, — même si les efforts du chef de l'Opposition les besoins, les souffrances aussi d'un peuple qui, arrivent à le renouveler — car il essaie de faire depuis des siècles, essaie de se libérer de l'étreinte cohabiter, d'une façon beaucoup trop étroite deux d'une conquête qui, quoiqu'il en est, l'a sérieuse- peuples, deux nations qui ont chacune leurs aspi- ment marqué. Je voudrais revenir ici au chef de rations et leurs besoins distincts. l'Opposition qui nous a dit qu'avec l'article 133 le Nous sommes, en effet, en contestation contre Québec n'a quand même pas été entravé dans son ce régime. C'est lui véritablement, et non pas la développement. Cela est faux, M. le Président, car Cour suprême, qui en a donné une interprétation. cet article 133 aussi bien que le régime fédéral ont C'est lui véritablement qui est à l'origine de ces sérieusement entravé le développement du Québec. injustices, de ces discriminations dont nous avons Bien sûr, il a réussi, malgré tout, à se déve- souffert depuis tant d'années, et qui en sera encore lopper, en raison de la force de ses convictions, en la cause au cours des prochaines années, non raison du souci qu'il avait de conserver son identité, seulement en raison de ce jugement de la Cour en raison de ses richesses naturelles, en raison de suprême, mais encore plus, si le chef de l'Oppo- son esprit de travail, en raison de sa fidélité à lui- sition en arrivait à le renouveler, puisque désor- même mais, s'il n'y avait pas eu ces entraves mais, une fois que toutes les minorités francopho- juridiques, politiques, économiques qui lui sont nes auront été assimilées, ou presque, dans les venues, d'une part, du régime fédéral et, d'autre autres provinces, il enchâssera dans une consti- part, de son exclusion économique quasi complète tution l'interdiction désormais éternelle faite au au début de la vie industrielle, ce développement Québec d'évoluer dans le sens de ses besoins, de aurait été beaucoup plus rapide. Ce développement ses aspiratons, de son identité. Le député de aurait été beaucoup plus complet et nous n'aurions Saint-Laurent a donc parfaitement raison de pré- pas encore actuellement à essayer de rattraper, tendre que, sur ce point, même si nous sommes avec autant de vigueur, le terrain que nous avons au gouvernement, nous continuons, plus que autrefois perdu. jamais, à contester ce régime, cette constitution. Non, M. le Président, l'article 133 aussi bien que Ce que nous voulons, c'est non pas une modi- le régime fédéral lui-même ont constitué une sé- fication de cette constitution, mais son remplace- rieuse entrave au développement du Québec, au ment par un nouveau régime qui permettra à nos point que le carcan fédéral, dans lequel nous deux peuples, à nos deux nations, d'être chacun sommes encore obligés de vivre, ne fait qu'ajouter à maîtres chez eux, de se développer selon leur cette entrave, à ces impedimenta, à ces obstacles génie propre et de maintenir entre eux des liens qui se dressent encore devant un peuple de plus en d'amitié, de collaboration que nous avons quand plus fort, de plus en plus adulte, de plus en plus même cités au cours des années. conscient de ses capacités et de plus en plus Oui, je sais que l'Opposition s'esclaffe. J'ai en capable d'assumer son destin. C'est d'ailleurs la effet entendu le discours du député de Notre- raison pour laquelle nous ne nous contenterons pas Dame-de-Grâce qui nous accusait d'entretenir des d'une modification à la constitution, mais que nous sentiments de haine à l'égard de la minorité demanderons l'accès à une pleine liberté qui nous anglophone. Nous détestons tellement la minorité permettra justement d'actualiser tout notre poten- anglophone que nous lui avons accordé un statut tiel, de mettre à profit toutes les analyses que nous 4505

avons faites de notre situation et d'utiliser tous les a fallu attendre ce gouvernement pour que le mi- talents ainsi que toutes les ressources que nous nistère de l'Immigration se dote d'un conseil con- avons pour nous développer dans le sens de nos sultatif des ethnies. Il a fallu attendre ce gouverne- besoins, de nos aspirations et aussi de nos possi- ment pour que des représentants des diverses mi- bilités. norités soient présents au Conseil de la langue Oui, M. le Président, le régime actuel, y compris française. l'article 133, a constitué une entrave à notre déve- Il a fallu également attendre ce gouvernement loppement. pour qu'une enquête véritable, la première qui soit Je veux bien croire, avec le chef de l'Opposition, faite, s'accomplisse au niveau du ministère de la qu'une société doit être jugée selon le respect Fonction publique et pour que nous soyons bien- qu'elle accorde à ses minorités. A ce titre, d'ailleurs, tôt, très bientôt, en mesure d'annoncer des mesu- il faudrait porter un jugement éminemment négatif res correctrices que le député de Notre-Dame-de- sur les autres provinces du Canada qui, comme le Grâce et le député de Mont-Royal demandent eux- député de Rosemont vient de le rappeler, ont fait mêmes, qu'ils n'ont jamais pu obtenir de leur gou- subir toutes, l'une après l'autre, depuis 1864, un sort vernement antérieurement, mais que nous, nous inique aux minorités francophones "from coast to pourrons faire. coast", alors que le Québec, lui, a toujours été Au lieu de parler, de semer la haine et la pro- respectueux, généreux à l'endroit de ces minorités, pagande dans les minorités ethniques de Mont- malgré les sarcasmes que vient d'énoncer le député réal, nous agissons sobrement et nous agirons vi- de Notre-Dame-de-Grâce. D'ailleurs, le chef de l'Op- goureusement pour que toutes les minorités au position lui-même a reconnu le traitement respec- Québec sentent qu'elles sont des communautés tueux, généreux que le Québec avait toujours porté québécoises à part entière et qu'elles peuvent pro- à ses minorités, qu'il continue à porter à ses fiter des équipements collectifs que le peuple qué- minorités, selon le jugement même d'une des com- bécois est prêt à mettre à leur disposition pour missaires de la commission Pépin-Robarts, dont un qu'elles se développent selon leur génie propre dés passages a été cité ce soir par le premier elles aussi, mais en participant véritablement aux ministre. efforts du Québec vers son progrès. (3 h 50) Je pense que s'il faut juger une société Je pense que nous n'avons pas de leçon à re- d'après le traitement qu'elle donne à ses minori- cevoir à cet égard du député de Notre-Dame-de- tés, le Québec, le gouvernement du Québec d'au- Grâce, ni d'aucun autre député de cette Chambre, jourd'hui, recevra une très haute cote. surtout quand nous comparons le sort justement Le chef de l'Opposition nous dit qu'il y a des que nous avons fait et continuons de faire à notre différences profondes de perception entre le gou- minorité anglophone avec celui qu'ont connu nos vernement et le Parti libéral. Il a raison, il a raison, minorités francophones d'ailleurs. mais il y a beaucoup plus que cela. Il y a aussi des M. le Président, ce traitement généreux et res- différences d'attitudes et il y a des différences de pectueux ne fait pas que s'étendre à la minorité structures. Différences d'attitudes, parce qu'alors anglophone, mais il porte également sur toutes les que nous acceptons nous, ici, de ce côté, le juge- autres minorités. Je sais que nos amis d'en face se ment de la Cour suprême avec tristesse, parce promènent actuellement à Montréal pour dire que qu'il rétablit des privilèges exorbitants, l'Opposi- si jamais la souveraineté du Québec était procla- tion de son côté, l'accepte avec joie, l'accepte mée, on risquerait de voir s'instaurer au Québec avec exubérance même. un climat de dictature, de fascisme, de racisme, semblable à ce qui existe dans certaines tribus Une Voix: C'est faux. africaines. Je le sais, mais, cependant je dois à la vérité de dire que jamais, dans l'histoire du Qué- Une Voix: C'est vrai. bec, un gouvernement ne s'est montré aussi atten- M. Laurin: Non, ceci ressort de plusieurs des tif aux besoins des minorités ethniques du Qué- discours que nous avons entendus ce soir de l'au- bec. Jamais le gouvernement antérieur, jamais les tre côté de la Chambre. gouvernements libéraux antérieurs ne se sont con- crètement vraiment penchés sur les besoins de Une Voix: Cela commence à vous faire mal. nos minorités. Il a fallu attendre ce gouvernement tellement M. Laurin: Quand, durant des années, des per- décrié par nos amis d'en face pour que nous insti- sonnes se sont habituées à marcher de champ, de tutions des bureaux de Communication-Québec guingois, en rasant les murs pour se fondre avec où des minorités ethniques étaient enfin représen- eux, elles finissent par adopter dans leur compor- tées, pour que Radio-Québec commence enfin tement cette même démarche. Lorsque des gens toute une série d'émissions à l'adresse des mino- sont habitués depuis plusieurs années à recevoir rités, pour qu'elles se connaissent mieux entre des coups de pied là où l'on sait, ils finissent par elles, qu'elles s'intègrent l'une à l'autre ainsi qu'à adopter une attitude courbée dans leur démarche la communauté québécoise. habituelle. C'est cela la différence profonde entre Il a fallu attendre ce gouvernement pour ins- ce côté-ci et l'autre côté. taurer un programme d'enseignement dans les langues d'origine pour les étudiants italiens, pour Le Président: M. le ministre, comme il ne les étudiants grecs, pour les étudiants portugais. Il semble pas y avoir consentement, je dois vous 4506 demander de mettre un terme à votre intervention mande une directive dans ce sens — nos conseil- puisque le temps est écoulé. lers techniques pourraient également assister au déroulement de nos travaux et y participer? Cela M. Laurin: Nous avons pris l'habitude de mar- ne se fait pas habituellement, mais, avec un cher droit parce que depuis plusieurs années nous consentement, je pense qu'on pourrait y arriver. nous sommes redressé la colonne vertébrale et que nous regardons maintenant vers l'avenir, un La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député avenir que toute l'histoire de notre peuple dessine de Richmond, ce serait une dérogation aux règles devant nous et que nous nous presserons d'assu- habituelles de la commission plénière. Les person- mer dès que le peuple du Québec nous en aura nes qu'il est convenu d'appeler les étrangers en donné le mandat, je l'espère, bientôt. cette Assemblée ne sont pas, habituellement, assis du côté des oppositions. A moins que je n'aie le Le Président: Je demande maintenant si la consentement unanime de la commission pléniè- motion de deuxième lecture présentée par M. le re, je me verrai dans l'obligation de refuser cette ministre d'Etat au Développement culturel, relati- demande, M. le député. vement au projet de loi no 82, c'est-à-dire la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprê- M. Charron: On n'aura pas de misère à avoir me du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue le consentement de l'Opposition, si je remarque de la législation et de la justice au Québec, sera bien. maintenant adoptée? Des Voix: Consentement! M. Brochu: Adopté. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le leader Le Président: Adopté. parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, conformément à M. Charron: Sans en faire un précédent, à l'ordre de la Chambre, adopté en début de séance cause du caractère très particulier et très impor- ce soir, je propose que vous quittiez maintenant le tant de cette loi, pour qu'elle atteigne son objectif, fauteuil et que, pour une période maximum de il faut que toutes les lumières y soient, bien sûr. trois heures, nous procédions en commission plé- nière à l'étude article par article du projet de loi. La Présidente (Mme Cuerrier): II y a consen- tement à cette dérogation, sans créer de précé- Le Président: Est-ce que cette motion serait dent. Les étrangers, pour cette commission, pour- adoptée? ront s'asseoir du côté des oppositions aussi. Article 1 du projet de loi no 82. M. Brochu: Adopté. M. Bédard: A l'article 1, Mme la Présidente... Le Président: Adopté. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre Suspension de la séance à 3 h 58 de la Justice. M. Bédard: L'article 1, tel que rédigé, a pour effet de remplacer la Charte...

M. Lalonde: Mme la Présidente, si le ministre Reprise de la séance à 4 h 2 est pour attaquer le texte même de l'article tout de suite, j'aimerais poser une question de portée plus Commission plénière générale, si c'est possible, comme cela se fait, d'ailleurs, en commission parlementaire. J'aime- La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! rais simplement que le ministre nous explique très M. le député de Sainte-Marie! M. le député de brièvement le choix de cette forme de législation Saint-Laurent! A l'ordre, s'il vous plaît! — on sait qu'il n'y a pas beaucoup de précé- Cette Assemblée s'est constituée en commis- dents — et comment il s'est assuré, sans reprodui- sion plénière pour étudier le projet de loi no 82, re les lois entièrement, que cette façon de procé- Loi concernant un jugement rendu par la Cour der atteindra le but visé, à savoir de corriger la suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la situation sans ouvrir la porte à des contestations, langue de la législation et de la justice au Québec. ce que personne ne souhaite. M. le député de Richmond. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre M. Brochu: Mme la Présidente, juste avant de la Justice. d'entreprendre les travaux article par article, étant donné qu'il s'agit d'une démarche spéciale, est-ce M. Bédard: D'une façon générale, la techni- que, pour accélérer la marche de nos travaux que de référence à laquelle nous avons eu recours — je sais que ce n'est pas habituel, mais on est une technique qui se retrouve ailleurs. Le pourrait demander un consentement, je vous de- législateur québécois peut légiférer en se référant 4507

à des textes identifiables. Nous avons préféré y M. Ryan: Mme la Présidente, juste une ques- aller par référence générale, sans qu'il y ait en tion si vous me le permettez. annexe un ensemble de lois, l'énumération de toutes lois ou de tous les règlements, parce que La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de nous évitons, par ce moyen, le danger d'oublier l'Opposition officielle. des lois. Ce danger est moins existant, mais, au niveau des règlements, il est bien clair que s'il M. Ryan: Est-ce qu'on peut vous demander si, avait fallu procéder avec une annexe qui identifie en plus de l'avis des juristes à temps complet du tous les règlements, les dangers auraient été assez gouvernement, vous avez sollicité des opinions grands d'oublier certains règlements et de ce fait, professionnelles à l'extérieur du milieu gouverne- d'avoir une loi qui puisse comporter des trous ou mental? des carences de ce côté. Pour ce qui est de la technique de référence, M. Bédard: Pas nommément, peut-être des en termes de législation, c'est une pratique qui a personnes ayant été consultées au cours de la déjà été adoptée par d'autres Législatures. Cette journée, mais il est évident que tous les juristes du pratique a pour effet de référer à des textes ministère de la Justice se sont grandement référés législatifs adoptés par un autre Parlement. On à tous les auteurs existants et qui peuvent être de peut peut-être donner quelques exemples. Dans nature à amener l'éclairage que nous proposons. un arrêt du Procureur général de l'Ontario versus Scott, une loi ontarienne renvoyait à une loi M. Ryan: M. le ministre, si vous aviez consulté anglaise en matière de pension alimentaire. Mais des bons experts à l'extérieur, comme ils sont on peut aussi se référer à des textes qui ne sont presque tous libéraux, ça aurait facilité notre pas de nature législative, comme cela va être le besogne. cas dans la présente loi, pour une juridiction, les textes des autres juridictions n'ont, en fait, pas M. Johnson: Je pourrais vous en nommer une plus de valeur qu'un autre texte imprimé. Un couple qui ne le sont pas! exemple de ce genre de référence se trouve à l'article 10, paragraphe 2, de la Loi sur les aliments M. Bédard: Je pourrais vous nommer plu- et drogues qui renvoie nommément à différentes sieurs experts qui ne sont pas libéraux. Enfin, je pharmacopées pour déterminer à quel produit la n'ai jamais fait l'échantillonnage des convictions disposition législative s'applique. On n'a même politiques de ceux qui m'entourent comme con- pas à identifier les textes nommément. Il suffit que seillers. les dispositions puissent être retracées pour l'usa- La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que ger, sans qu'il y ait risque de confusion. Bien plus, cette commission est maintenant d'avis que nous on peut également renvoyer à un texte, tel qu'il se passions à l'article 1 de ce projet de loi? lira dans l'avenir. C'est le cas de l'article 554, paragraphe 1, du Code criminel, qui renvoie aux M. Lalonde: Nous sommes prêts, oui. lois alors en vigueur dans une province. De même, on a accepté dans l'arrêt Caughlin qu'une loi M. Bédard: D'accord. fédérale renvoie indirectement aux droits de cha- que province — je prends l'expression — "en La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 ? vigueur de temps à autre". Cela peut aller aussi Adopté? loin que cela. Je pense que pour ce qui est de la technique de référence générale, c'est une techni- M. Lalonde: Non, j'aimerais que le ministre que avec laquelle nous n'innovons pas, c'est une explique un peu l'article 1. technique qui a été reconnue. La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord, M. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député le député de Marguerite-Bourgeoys. de Marguerite-Bourgeoys. M. Bédard: L'article 1 a pour effet de rempla- M. Lalonde: La conclusion du ministre est cer la Charte de la langue française et les lois donc — on aimerait l'entendre — que le juriscon- adoptées depuis sa sanction par le texte français et sulte du gouvernement, appuyé par les experts de la version anglaise de ces mêmes lois, en donnant son ministère, conclut que cette façon de procé- un caractère officiel à la version anglaise. Le texte der nous donne l'assurance la plus complète du auquel on se réfère est celui publié dans la succès ou du résultat qui est recherché. Gazette officielle ou, dans le cas des lois qui ne (4 h 10) sont pas encore publiées, le texte des projets de M. Bédard: C'est notre conviction, Mme la loi tels qu'ils ont été adoptés et déposés comme Présidente. documents sessionnels sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale. Dans ce dernier cas, ces M. Lalonde: Merci. textes seront aussi publiés dans la Gazette offi- cielle; ceux qui ne l'ont pas été. Chacune de ces La Présidente (Mme Cuerrier): D'autres inter- lois ainsi réadoptée prend effet à la même date et ventions? aux mêmes dates que la loi qu'elle remplace. Par 4508 exemple, les dispositions d'une telle loi peuvent M. Bédard: Mme la Présidente, est-ce que avoir pris effet à des dates différentes, au moyen vous auriez une suggestion? de diverses proclamations; c'est pour ça qu'il faut le prévoir. La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous nous Le dernier alinéa de l'article 1 indique simple- suggériez de faire un rapport intérimaire de la ment que l'on n'est pas obligé de recommencer commission plénière et que ce rapport soit adop- les technicités et les procédures qui ont déjà été té, nous ferions les écritures simplement. suivies dans le cas d'une loi qui a été remplacée. Par exemple, une loi qui a été publiée dans le M. Bédard: D'accord. Recueil annuel des lois de 1977 — je donne un exemple — n'aura pas à être republiée dans le La Vice-Présidente: D'accord. Le rapport inté- Recueil annuel des lois de 1979. rimaire est-il adopté?

M. Lalonde: Mme la Présidente, est-ce que le M. Bédard: Adopté. ministre peut nous expliquer les termes suivants: — on parle de chacune des lois — "tels qu'ils ont La Vice-Présidente: La motion de retour en été publiés — on parle des textes naturellement — commission plénière est adoptée... Les documents à la Gazette officielle du Québec ou tels qu'ils ont avant cette motion. Voulez-vous faire la motion de été déposés sur le bureau du secrétaire de l'As- dépôt de documents? semblée nationale, le 13 décembre 1979." Est-ce que ce sont ceux que l'on vient de déposer? M. Bédard: Je fais la motion de dépôt de do- cuments. M. Bédard: C'est exactement ça. La Vice-Présidente: Cette motion pour le dé- M. Lalonde: Nous sommes rendus au 14 dé- pôt de documents est-elle... cembre. M. Lalonde: Mme la Présidente, cela m'amène M. Johnson: II y a un amendement à l'article. à la question que je devais poser. On voit toute une pile de documents. Il y a une motion de dépôt M. Bédard: II va y avoir un amendement à de documents et on a l'idée que ce sont des textes l'article qui se lirait comme suit... de loi: Y en a-t-il une liste quelque part? On n'est pas appelé à en vérifier naturellement l'exactitude, La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre mais c'est une des interrogations que j'avais. de la Justice, je vous interromps. Est-ce que nous Comment allons-nous nous assurer que les textes pourrions suggérer — comme le dépôt ne peut qui ont été déposés devant nous, qui sont actuel- pas se faire en commission plénière — de procé- lement déposés, pour lesquels il y a une motion de der de la façon officielle pour faire le dépôt des dépôt, sont bien ceux qui n'ont pas été publiés documents? dans la Gazette officielle, si je comprends bien.

M. Johnson: Si vous permettez, madame? M. Blank: On n'a jamais publié les lois en an- glais dans la Gazette officielle. Depuis la loi 101, il La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre n'y avait aucune publication de la version anglaise du Travail. dans la Gazette officielle. Seulement en français. M. Johnson: Le texte dit "tels que déposés", M. Bédard: Elles ont été publiées en anglais non pas en commission plénière, etc, mais tels dans la Gazette officielle. que déposés très physiquement à un endroit. Alors, je pense qu'il ne s'agit pas ici d'un dépôt au M. Blank: Oui? Je n'ai jamais vu cela. sens du règlement, il s'agit d'un dépôt au sens physique, c'est sur la table qui est ici, par opposi- tion à celle qui est à l'extérieur. Sans ça, je pense M. Bédard: Toutes les lois. Il peut y avoir un qu'on n'aurait pas besoin d'avoir... retard à un moment donné, mais toutes les lois...

M. Bédard: Pour qu'on puisse constater effec- M. Blank: On m'envoie seulement la version tivement que ce débat a eu lieu. Maintenant, pour française de la Gazette officielle. La copie de la répondre à l'interrogation du député de Margue- Gazette officielle... rite-Bourgeoys... M. Bédard: Elles ne sont pas toujours pu- La Présidente (Mme Cuerrier): Vous parlez bliées en même temps, mais, effectivement elles d'un dépôt officiel qui portera un numéro au ni- ont toujours été publiées en anglais. veau des documents comme tels, les documents officiels de l'Assemblée nationale. Est-ce que je M. Johnson: Dans deux volumes différents de pourrais vous suggérer de faire ce dépôt et peut- la Gazette officielle. être faire les écritures pour faire un rapport intéri- maire de la commission plénière? M. Blank: ... en français. 4509

M. Johnson: C'est seulement celui des arrêtés M. Bédard: Les deux mis ensemble forment en conseil. une nouvelle loi qui est celle que nous évoquons par l'article 1, ce qui était auparavant la version M. Blank: J'ai les deux versions qui viennent officielle française et la version anglaise. Le texte au bureau. officiel français et la version anglaise deviennent une nouvelle loi qui a pour effet de donner un ca- La Vice-Présidente: M. le ministre de la Jus- ractère officiel à la version anglaise, caractère offi- tice dépose les documents 420 et 431. Les docu- ciel qui n'existait pas auparavant. ments sont déposés. M. Fontaine: Pourquoi parle-t-on en français M. Lalonde: J'avais posé une question. Je ne de "texte français" et, en anglais, de "version an- veux pas interrompre le député de Nicolet-Ya- glaise"? Si ce sont deux textes officiels, pourquoi maska... ne dit-on pas "le texte français et le texte an- glais"? La Vice-Présidente: M. le député de Margue- rite-Bourgeoys. M. Johnson: Je peux peut-être reprendre dans des mots différents. Ce qu'on fait, c'est qu'en ver- M. Lalonde: Je voulais demander au ministre tu du pouvoir souverain du Parlement qui peut fai- une liste des documents qu'il déposait. re à peu près n'importe quoi, y compris décréter que c'est rouge par terre même si c'est bleu, on M. Bédard: La liste serait la suivante. Il y a la prend le texte français des lois adoptées, on prend Loi électorale, la loi 9; la loi 10, Loi sur la repré- la version anglaise, on fait dans l'abstrait, à travers sentation électorale; la loi 64, Loi de subsides no cet article, une fusion de ces textes et on dit: Voici 3, la loi 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs; la les nouvelles lois. On authentifie, par le fait même, loi 76, Loi modifiant la Loi sur les allocations fami- le texte anglais puisqu'on dit: Voici les nouvelles liales concernant les enfants handicapés; la loi lois, par cette simple phrase. On a donc les nou- 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, plus la veaux textes. refonte anglaise de 1977. M. Lalonde: De là l'utilité du mot "version"... M. Lalonde: C'est cela qui fait le volumineux... M. Johnson: Voilà! M. Bédard: Dépôt. M. Lalonde: ... pour indiquer que c'est bien la M. Lalonde: C'est cela. Le texte anglais des traduction du texte français. lois de 1977. M. Johnson: C'est cela, exactement. M. Bédard: C'est cela. M. Lalonde: D'accord. M. Lalonde: Des lois de la refonte de 1977. M. Bédard: La version devient texte officiel. M. Bédard: De la refonte. La Vice-Présidente: M. le ministre... M. Lalonde: Comment se fait-il qu'on parle de texte français et de version anglaise à la troisième M. Lalonde: Alors, je comprends pourquoi. ligne de votre premier paragraphe? Est-ce que ce M. Bédard: Pour répondre au député de Mar- ne sont pas des textes tous les deux? guerite-Bourgeoys qui s'interrogeait sur l'à-propos de garder la date du 13, parce qu'on parle de dé- M. Bédard: Non. En vertu de la charte, pôt le 13 décembre et que nous sommes le 14, c'étaient des textes et des versions. effectivement, nous voudrions faire un amende- ment. Je ne sais pas si c'est le temps de le faire. M. Lalonde: La charte n'est plus là. (4 h 20) La Vice-Présidente: Quand nous retourne- M. Bédard: Formellement, ce sont des ver- rons en commission plénière. sions anglaises. Maintenant, avec l'article 1, nous donnons un caractère officiel à la version anglai- M. Bédard: Quand nous retournerons... D'ac- se. cord.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet- La Vice-Présidente: Alors, les documents... Yamaska. M. Lalonde: On n'est pas encore retourné... M. Fontaine: Mme la Présidente, la question du député de Marguerite-Bourgeoys est si ces La Vice-Présidente: Non, non. Les documents deux textes, français et anglais, sont deux textes sont déposés... qui ont la même valeur, qui sont d'égal à égal, pour employer une expression favorite du gouver- M. Lalonde: Naturellement, avant de voter nement. — on va voter pour — on veut quand même cons- 4510 tater qu'on ne nous demande pas de faire la vérifi- La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre cation de ces textes ni de l'exactitude de la liste, ni de la Justice, je pense qu'il y avait une question à même... On constate simplement qu'il y a eu un propos des documents de la part du député de dépôt. Notre-Dame-de-Grâce.

La Vice-Présidente: C'est cela. Alors, il y a M. Scowen: Non... maintenant dépôt des documents. Vous pourrez revenir quand nous serons en commission pléniè- La Présidente (Mme Cuerrier): C'est à propos re, M. le député. de... Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Lalonde: Alors, la motion est adoptée, M. Bédard: Suite à l'interrogation du... Mme la Présidente. M. Scowen: Excusez-moi, j'ai en effet une pe- La Vice-Présidente: Les documents sont dé- tite question sur les documents, les lois qui ont été posés. Retour en commission plénière, selon ce abrogées ou qui sont devenues caduques. Est-ce que nous avions décidé. que c'est certain que toutes les lois, mêmes celles qui ne sont pas en vigueur, sont dans la liste? M. Bédard: La motion est adoptée? M. Bédard: ... il n'y a pas les lois abrogées ou M. Lalonde: Oui, elle est adoptée. devenues caduques. La Vice-Présidente: Ce n'est pas une mo- M. Scowen: Je veux simplement vérifier qu'il tion... n'existe pas de lois qui pourraient être affectées par cette décision, qui ne sont pas dans la liste, M. Lalonde: On est même revenu. qui ne sont pas là.

La Vice-Présidente: ... c'est un dépôt de do- M. Bédard: Qu'elles ne sont pas dans le dépôt cuments. qu'on... M. Bédard: Le dépôt est adopté. M. Scowen: Dans la liste.

La Vice-Présidente: Oui, c'est cela, M. le mi- M. Bédard: Non. nistre. M. Scowen: Les lois qui sont devenues cadu- Une Voix: II faut retourner en commission. ques ou abrogées, quelque chose... La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait une M. Bédard: Exactement. intervention, je pense, à propos des documents. Nous sommes de retour en commission plénière. M. Lalonde: La loi 62, par exemple, est-elle M. le député de Nicolet-Yamaska. ressuscitée? M. Fontaine: Je voulais demander au ministre M. Johnson: Non, non. de la Justice si les lois qu'il a énumérées tout à l'heure — je pense qu'il y en a six — sont les lois M. Lalonde: Est-ce que le ministre du Travail... qui ne sont pas sanctionnées mais qui ont été adoptées en troisième lecture? M. Bédard: La négociation non plus.

M. Bédard: Non, non, elles sont toutes sanc- M. Lalonde: Mais, vous la faites ressusciter. tionnées. M. Johnson: Non. Elle est caduque du fait de M. Fontaine: Elles sont sanctionnées. ses propres dispositions. La loi 62 devenait caduque 17 jours, si je me M. Bédard: C'est cela. souviens bien, après son dépôt.

Une Voix: Elles n'ont pas été publiées dans la M. Lalonde: Oui, mais le jugement l'a fait Gazette officielle? disparaître. Si vous voulez quand même avoir une assise juridique pour continuer les poursuites que M. Bédard: Non, pas encore. vous avez en cour il faut la faire revivre.

M. Lalonde: C'est pour cela qu'elles sont dé- M. Johnson: C'est inclus dans toutes celles posées. qui sont appelées à être publiées. On va voir plus tard dans le texte de loi qu'il y a toutes sortes de M. Bédard: Elles ont toutes été sanctionnées mécanismes qui permettent de régler cela. très récemment; elles n'ont pas été publiées dans la Gazette officielle. Maintenant, Mme la Présiden- M. Lalonde: J'ai posé la question. Je ne sais te, je voudrais faire un amendement à cet article... pas s'il y a d'autres lois de cette nature. En tout 4511 cas, je vois les sous-ministres qui se parlent. nom du ministre. On pourra admirer le langage du J'aurais une question, Mme la Présidente. ministre. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député M. Johnson: Mme la Présidente, me permet- de Marguerite-Bourgeoys. tez-vous de soulever une question de règlement? Je pense que M. Jacoby, à qui on pose la question, M. Lalonde: On voit que l'article 1 commence n'est pas considéré ici nécessairement comme de la façon suivante: "La Charte de la langue conseiller du ministre. On lui pose la question, en française et chacune des lois, etc., sont rempla- l'occurrence, en tant que président de la Commis- cées". Or, le chapitre III de la Charte de la langue sion de refonte des lois. Je pense qu'il n'est pas française a été déclaré inconstitutionnel; donc, il question d'introduire ici à l'Assemblée la présence devrait normalement, logiquement être enlevé de du président de la Commission de refonte des lois. la charte. Si je m'en rapporte au discours de Ceci dit, le ministre peut peut-être répondre ou je deuxième lecture du ministre d'Etat, à la page 16, pourrai répondre ou n'importe quel autre des on voit cette phrase: "Cette loi palliative ne fonctionnaires pourrait répondre. touchera pas les articles 7 à 13 de la Charte de la langue française qui traitent de la langue de la M. Lalonde: Je suggérais Me Jacoby parce législation et de la justice, laissant ainsi jouer, en que je sais qu'il connaît probablement la réponse, fait, l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord mais, si le ministre la connaît, qu'il nous la donne. britannique." Je me demande ce que cela veut dire au juste. Est-ce intentionnellement qu'on M. Bédard: Je vous ai donné la réponse tout à nous demande ce soir de voter encore en faveur l'heure. de ce chapitre? M. Lalonde: Ce n'était pas concluant. M. Bédard: Non. M. Bédard: Ils sont inopérants. Le jugement M. Lalonde: Je proposerais un amendement. de la Cour suprême rend ces articles inopérants. Je ne le fais pas formellement, mais je le suggère. Ensuite, il appartient à la Commission de refonte C'est qu'on dise: "La Charte de la langue françai- des lois de prendre la décision soit de les repro- se, sauf le chapitre III de la charte. duire avec un astérisque qui indique que ces textes sont inopérants ou, encore, de ne pas les M. Bédard: Non. Nous n'avons pas fait men- reproduire. C'est exactement la situation. tion spécifiquement dans le projet de loi de ce qui arrive à ces articles pour la bonne et simple raison M. Fontaine: Mme la Présidente. qu'à la suite du jugement de la Cour suprême ils sont devenus inopérants. Il appartient, après cela, La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député à la Commission de refonte des lois, lorsqu'elle de Nicolet-Yamaska. procède à la refonte, de décider si elle les (4 h 30) reproduit avec un astérisque indiquant aux ci- M. Fontaine: Peut-être pourrais-je aider le toyens que ces articles sont inopérants ou, enco- ministre, en tenant compte des considérants qui re, la Commission de refonte des lois peut décider sont avant l'article 1. de ne pas les reproduire. Mais cette décision Considérant que le chapitre III de cette loi appartient à la Commission de refonte des lois. édicte que le français est la langue de la législa- tion et de la justice au Québec; M. Lalonde: Je vois le président de la Com- "Considérant que la Cour suprême du Canada mission de refonte des lois ou, enfin, un éminent dans un jugement rendu le 13 décembre 1979 membre assis derrière vous. Pourrait-il nous indi- dans la cause... a déclaré ce chapitre insconstitu- quer, dans le métier très spécialisé que peu tionnel. comprennent — enfin, moi, je trouve que c'est Si on s'en reporte à l'article 40 de la Loi assez difficile — s'il va reproduire le chapitre III, d'interprétation, qui dit que le préambule d'une loi même si on ne fait pas l'amendement que je en fait partie et sert à en expliquer l'objet et la suggère? portée, on pourrait, à ce moment-là, dire que, effectivement, le problème est réglé en fin de Une Voix: En pratique, dans les cas identiques compte. à ceux-là... M. Johnson: Cela dit que les articles sont là La Présidente (Mme Cuerrier): Je dois, selon mais qu'ils sont inopérants à cause du jugement de les règles de cette Assemblée, vous demander de la Cour suprême dans la cause de Blaikie versus le ne pas intervenir ou, s'il y avait consentement, que Procureur général du Québec. vous interveniez en lieu et place du ministre, comme si c'était lui qui intervenait. M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres questions là-dessus? Des Voix: Consentement. M. Lalonde: Le ministre nous assure que les M. Lalonde: Consentement. Cela va être au textes français et la version anglaise tels qu'ils ont 4512

été publiés dans la Gazette officielle du Québec et M. Lalonde: Une loi, c'est cela. Ce qui était ceux qui ont été déposés comprennent toutes les très évident à la fin du premier alinéa de l'article 1. lois adoptées par cette Assemblée depuis l'adop- tion ou l'entrée en vigueur de la loi 101. M. Bédard: II me semble.

M. Bédard: Naturellement, la charte. La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, l'amen- dement dont nous faisions état, l'amendement M. Lalonde: Y compris celles qui seraient pour changer le chiffre 13 pour le chiffre 14, est-il devenues caduques comme la loi 62, par exemple. adopté? M. Bédard: Une seconde. Elles ont toutes été M. Lalonde: Adopté. publiées dans la Gazette officielle. La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice, vous aviez fait état d'un amendement M. Fontaine: Mme la Présidente. que vous aviez l'intention de proposer. M. Johnson: L'article 1 est-il adopté? M. Bédard: Je voudrais faire un amendement pour remplacer dans la sixième ligne de l'article 1 La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député le chiffre 13 par 14, simplement pour concordan- de Nicolet-Yamaska. ce. Au moment où on l'a rédigé, on était au 13, maintenant nous sommes au 14. M. Fontaine: Je voudrais savoir du ministre ou de ses conseillers s'ils ont pris connaissance de M. Rivest: Vous ne l'aviez pas prévu. certaines remarques ou théories d'un constitution- naliste de l'Université McGill, M. Scott, et d'un La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amende- autre, M. Litvack, qui disent qu'une clause omni- ment est-il adopté? bus comme l'article 1 n'est pas suffisante pour couvrir toute la question. M. Lalonde: Adopté. M. Bédard: C'est leur droit d'avoir cette opinion. L'un, entre autres, annonce déjà des La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. le contestations; mais le Parlement est souverain et député de Notre-Dame-de-Grâce. la technique de référence que nous employons est une technique qui a déjà été employée validement M. Bédard: On fera un autre amendement, si par d'autres Législatures. nécessaire. La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 est- M. Scowen: Je veux simplement revenir à il adopté? M. le député de Marguerite-Bourgeoys. cette question de distinction entre le mot "texte" et le mot "version". Si je saute à l'article 2, je vois M. Lalonde: Quant au premier alinéa, cela va, que les deux mêmes expressions sont utilisées en ce qui me concerne. Relativement au deuxiè- dans un contexte un peu différent. Je me demande me, j'aurais seulement une question. A la deuxiè- si l'explication que vous avez donnée en ce qui me ligne, on dit: "A compter de la date où la loi ou concerne l'article 1 sera la même ici; sinon, est-ce la disposition qu'elle remplace..." Etant donné que vous êtes encore satisfait que dans l'article 1 l'heure tardive et le peu de temps qu'on a eu pour votre explication est justifiée? étudier ce projet de loi, je demanderais au ministre de nous aider un peu à comprendre cela. M. Johnson: C'est la même chose, on ap- plique le même... M. Johnson: C'est parce qu'en fait, dans différentes lois, il y a des dispositions qui peuvent M. Bédard: C'est le même raisonnement que être, par exemple, proclamées. Il y a des textes de tout à l'heure. loi qui disent: La loi entre en vigueur le jour de sa sanction. Il y a des textes de loi qui disent: Les La Présidente (Mme Cuerrier): Puisque les... articles, la présente loi ou ses dispositions pren- nent effet le jour de la proclamation par le lieute- M. Bédard: Vous savez, la situation qui existe nant-gouverneur en conseil. Ce qu'on veut couvrir, à l'heure actuelle, c'est que le texte français est le c'est cela effectivement. texte officiel, et il y avait une version anglaise. Suite au jugement de la Cour suprême, cet article M. Lalonde: Ou la disposition qu'elle rempla- a pour effet d'exprimer que le texte français et le ce. On parle d'une disposition qui remplacerait texte anglais sont officiels. une loi.

M. Lalonde: Deviennent un texte, au fond. M. Bédard: Non, une telle loi...

M. Bédard: Deviennent un texte, une loi. M. Johnson: Une telle loi... 4513

M. Bédard: Une telle loi ou chacune de ces M. Ryan: ... comblé de toute manière? Je vais dispositions... vous dire le sens de ma question, M. le ministre. Je veux savoir une chose. On a entendu plutôt, dans M. Johnson:... a effet à compter de la date où la discussion, des arguments voulant que cela la loi ou la disposition dont il est question, qu'elle impose des changements radicaux. Ce n'est qu'un remplace est réputée avoir pris effet. changement de statut pour la version anglaise qui intervient ici. M. Bédard: C'est cela. M. Bédard: Pour ce qui est des changements M. Lalonde: Cela va. radicaux auxquels on a fait allusion, cela se situe sur d'autres plans, lorsqu'on parle des municipali- La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 est- tés et des commissions scolaires. Pour répondre à il adopté? votre question, ce sont vraiment des retards, parce que, tant pour les lois que pour les règlements, M. Lalonde: Adopté. selon la politique du gouvernement, on devait les publier en français et en anglais. La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté? L'ar- ticle 2. Adopté? M. Ryan: Tous les règlements qui émanaient du lieutenant-gouverneur en conseil. M. Bédard: L'article 2, Mme la Présidente, a pour effet de permettre au gouvernement de M. Bédard: C'est cela. réadopter, au moyen de règlement, tous les règle- ments qui ont été publiés en français et en anglais M. Ryan: C'est un changement de statut d'une dans la Gazette officielle. Tous ces règlements version anglaise qui, de toute manière, existait ou ainsi réadoptés ont effet à compter de la date eut existé. prévue pour les règlements qui sont ainsi rempla- cés. Même chose que pour les lois. Ces règle- M. Bédard: Sous cet angle, cela va. ments, même s'ils sont tous réadoptés par le (4 h 40) gouvernement, demeurent les règlements du gou- M. Ryan: Très bien, c'est ce que je voulais vernement, ou, selon le cas, les règlements des savoir. personnes ou organismes qui étaient habilités à les adopter originairement. M. Bédard: Les véritables changements radi- caux, qui sont occasionnés par le jugement de la La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député Cour suprême, nous allons les retrouver aux arti- de Notre-Dame-de-Grâce. cles suivants. M. Scowen: II a été suggéré, ce soir, dans un M. Ryan: Bien. ou deux de vos discours, que ce n'était non seulement les règlements du gouvernement, mais M. Bédard: Ce qui complique la situation pour les règlements de toutes les municipalités. Est-ce vrai. que vous avez une opinion précise sur la portée? M. Lalonde: En ce qui concerne l'article 2, on parle de la situation des règlements qui ont déjà M. Bédard: Oui, nous avons une opinion été publiés dans les deux langues. assez précise sur ce point. Maintenant, je crois que le départ pourrait peut-être venir plus loin, soit M. Bédard: C'est cela. à l'article 3. M. Lalonde: Je suis prêt à adopter l'article 2 La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de dans ses trois alinéas. l'Opposition officielle. M. Johnson: Je m'excuse, ce ne sont pas ceux M. Ryan: Je voudrais demander au ministre si qui ont déjà été adoptés dans les deux langues. les règlements auxquels il fait allusion à l'article 2 ont presque tous déjà été publiés dans une M. Lalonde: J'ai parlé de ceux qui ont été version anglaise. Aussi, il y a un gros travail de traduction à faire d'ici à ce que ceci soit complété. publiés dans les deux langues. M. Johnson: Non, c'est... Oui, effectivement. M. Bédard: II y en a environ pour 1500 pages de retard; à peu près 200 règlements. M. Bédard: Oui, oui.

M. Ryan: Mais est-ce que c'était la politique M. Lalonde: Ceux qui ont été publiés dans les du gouvernement de publier une version anglaise? deux langues. Est-ce que c'était seulement un retard qui aurait dû être... M. Bédard: Ceux qui ont été publiés. M. Bédard: C'est vraiment un retard parce que M. Johnson: II y a une différence entre les la politique... deux. 4514

M. Lalonde: Alors que le cas différent paraît à M. Johnson: En pratique, c'est ce que ça dit. l'article 3. M. Lalonde: Justement, le but de l'exercice M. Bédard: Tandis qu'à l'article 3 on parle de est de le faire dans les deux langues et vous règlements qui n'ont pas été publiés. oubliez... M. Lalonde: C'est cela, qui ne l'ont pas été M. Johnson: C'est cela, mais les juristes du dans les deux langues. ministère de la Justice, du comité de législation et d'un peu partout ont travaillé très fort depuis la M. Bédard: Et ceux qui n'ont pas été publiés publication de ce jugement ce matin, même s'ils du tout, aussi. avaient déjà des hypothèses, ce matin, ce n'était plus une hypothèse, c'était une réalité. M. Lalonde: De la façon dont c'est libellé, cela peut aussi couvrir le cas où cela aurait été publié M. Bédard: Cela allait plus loin qu'on pensait. seulement dans une langue. M. Johnson: Justement, la décision de la Cour M. Bédard: Oui, c'est cela. C'est exact. suprême est allée un peu plus loin que ce qui était prévu, c'est-à-dire qu'en pratique cela pourrait M. Lalonde: Je suis prêt à adopter l'article 2, avoir comme effet — je pense que personne ne le Mme la Présidente. met en doute, indépendamment de la question des municipalités et des commissions scolaires — à La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 2 est toutes fins utiles, de dire: Sont entachés d'une adopté. Article 3. nullité relative, c'est-à-dire susceptibles d'être contestés, tous les règlements de l'Etat québécois M. Johnson: Mme la Présidente, si vous me le antérieurs même à l'adoption de la loi 101. Les permettez... dispositions de l'article 3 tel que je viens de le lire ont comme effet essentiellement de permettre au La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre gouvernement ou à un organisme, par exemple à du Travail et de la Main-d'Oeuvre. la Commission du salaire minimum, qui adopte des règlements, etc., d'adopter, de la même façon M. Johnson: ... je vais immédiatement, pour qu'on va le faire au niveau du gouvernement, pour situer le débat et se partager le travail, déposer un ceux qu'on a vus tout à l'heure dans l'article 2, un papillon pour l'article 3 afin que son premier règlement qui, rétroactivement, va valider tous ces paragraphe se lise maintenant comme suit. On règlements antérieurs, à condition, cependant, peut peut-être distribuer l'amendement immédia- qu'il ne change pas le contenu de ces règlements. tement. De même, de permettre à ceux qui, demain ou dans les jours qui viennent, seraient appelés à M. Lalonde: Vous pourriez l'expliquer pen- adopter des règlements dans une seule des lan- dant ce temps. gues, à faire en sorte qu'ils défassent cette nullité relative dont ils ont entaché le règlement du fait M. Johnson: C'est ça. L'article 3, au premier qu'il a été adopté seulement dans une langue. paragraphe, se lirait comme suit: "Dans le cas d'un règlement adopté et, le cas échéant, approu- M. Lalonde: En fait, ce que je disais, c'est que vé avant ou après la sanction de la présente loi et vous n'exprimez pas l'obligation de les adopter dont le texte n'est pas publié en français et en dans les deux langues, mais je comprends que si anglais, le gouvernement, les personnes ou l'or- vous ne le faites pas, c'est parce que cela va sans ganisme habilités à adopter un tel règlement dire. peuvent adopter un règlement pour remplacer ce premier règlement et lui donner effet depuis la M. Johnson: C'est parce que là, c'est l'arti- date qui était prévue pour le règlement qu'il cle 133... remplace si ce nouveau règlement reproduit sans modification le règlement qu'il remplace. C'est M. Lalonde: C'est l'article 133 qui s'applique. d'une clarté... M. Johnson: ... qui, d'après un banc de plu- sieurs juges, s'applique, oui. M. Lalonde: C'est limpide! M. Lalonde: Un banc de 17 juges. M. Bédard: Quelqu'un qui ne comprend pas ça, là... M. Johnson: Non, pas 17. Cela comprenait la Cour supérieure et... M. Johnson: En d'autres termes, pour faire une longue histoire courte... La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska. M. Lalonde: En fait, la seule chose que vous ne dites pas là-dedans, c'est que ce doit être publié M. Fontaine: Si vous me le permettez, j'aime- dans les deux langues. rais qu'on revienne sur la question des règlements 4515 municipaux. Je pense que ce serait peut-être M. Lalonde: Et il n'y aurait pas d'avocat. important que le ministre nous donne son point de vue là-dessus. Il nous dit avoir demandé des avis M. Johnson: Et il n'y aurait pas d'avocat, M. juridiques à ce sujet dont il pourrait peut-être nous Lalonde. faire part. M. Bédard: Et il n'y aurait pas de jugement M. Bédard: Disons qu'il y a unanimité au comme cela. niveau des légistes du ministère de la Justice, soit que le jugement de la Cour suprême couvre les La Vice-Présidente: M. le député de Margue- règlements municipaux et les règlements des rite-Bourgeoys. commissions scolaires. Je pense que le jugement, si vous vous référez aux pages 11 et 5 concernant M. Bédard: Nous ne sommes pas au discours l'adoption, cela ne peut pas être plus clair. Le de deuxième lecture, mais il est évident que l'effet jugement, entre autres à la page 11, au dernier du jugement vu sous cet angle — je ne pense pas paragraphe, stipule ceci, et je cite: "Pour ce qui qu'il soit question d'en faire l'énumération est de la question de savoir si les règlements ici — va au-delà de ce que nous attendions, même établis sous le régime de lois de la Législature du le pire, et va occasionner nécessairement des diffi- Québec sont des actes au sens de l'article 133, il cultés énormes et des dépenses énormes aussi est évident que ce serait tronquer l'obligation pour les municipalités, les commissions scolaires imposée par ce texte que de ne pas tenir compte et le gouvernement. de l'essor de la législation déléguée. Il s'agit d'un cas où le plus englobe le moins." M. Johnson: Mme la Présidente, si vous Alors, il n'y a aucune indication dans le permettez, pour ajouter à cela, je rappelle simple- jugement selon laquelle on pourrait interpréter ment à l'Opposition qu'à la page 5 du jugement et restrictivement le sens qui est très clair de cette à la page 11... Je pense que c'est un peu là-dessus disposition. que nos juristes se sont basés, sur ce raisonne- ment qui, en tout les cas, jusqu'à preuve assez M. Lalonde: II est permis d'avoir des doutes claire du contraire, devrait nous amener à conclu- sur la conclusion du ministre. Sans naturellement re, comme vient de le dire le ministre de la faire injure aux légistes ou aux juristes qui l'ont Justice... A la page 5 du jugement, on dit bien que conseillé, seulement une question: L'appellation les articles 8 et 9 de la Charte de la langue normale, le sens normal de législation déléguée, française reproduits plus haut ne sont guère est-ce que cela comprend les règlements et les conciliables avec l'article 133 qui ne prévoit pas résolutions des municipalités? Je ne vous deman- seulement mais exige qu'un statut officiel soit de pas de répondre mais je n'en suis pas sûr. reconnu à l'anglais et au français dans l'impres- sion et la publication des lois de la Législature du M. Bédard: Sans aucun doute. Oui, c'est notre Québec. On a soutenu devant la cour — continue opinion. Cela comprend les règlements. le jugement de la Cour suprême — que cette exigence ne vise pas l'adoption des lois dans les M. Scowen: D'après vous, M. le ministre... deux langues mais seulement leur impression et leur publication. Cependant, si on donne à chaque La Vice-Présidente: M. le député de Notre- mot de l'article 133 toute sa portée, il devient Dame-de-Grâce. évident que cette exigence est implicite — nous dit la Cour suprême. Ce qui doit être imprimé et M. Scowen: ... l'expression "règlements éta- publié dans les deux langues, ce sont les lois et un blis sous le régime de lois de la Législature" texte ne devient loi que s'il est adopté. englobe... (4 h 50) Les textes législatifs ne peuvent être connus M. Bédard: Cela englobe les règlements mu- du public que s'ils sont imprimés et publiés lors de nicipaux et les règlements des commissions sco- leur adoption qui transforme les projets de loi en laires. lois. De plus, il serait singulier que l'article 133 prescrive que dans la rédaction des archives, M. Scowen: Quant à vous, il n'y a aucun doute procès-verbaux et journaux des Chambres de la là-dessus? Législature du Québec — il y en avait alors deux — l'usage de l'anglais et du français sera obligatoire M. Bédard: Aucun doute là-dessus. et que cette exigence ne s'applique pas, égale- ment, à l'adoption des lois." M. Johnson: Dans la mesure où, en droit, il n'y Or, si on va à la page 11, puisque le député de a jamais aucun doute. Marguerite-Bourgeoys a soulevé la question, on dit: "Par ailleurs, pour ce qui est de la question de M. Bédard: C'est-à-dire qu'il y a une convic- savoir si les règlements établis sous le régime des tion. Lois de la Législature du Québec sont des actes au sens de l'article 113, il est évident..." En M. Johnson: S'il n'y avait jamais vraiment de pratique, cela veut dire quoi? Si on part de la doute, il n'y aurait pas de tribunaux. notion qu'une municipalité est un corps constitué 4516

à partir d'un acte de la Législature du Québec ou qu'au niveau où nous en sommes, une inter- par sa charte — ce qui est le cas, par exemple, de prétation, dans le sens du ministre, dit que ces la ville de Montréal et de quelques autres villes, la règlements englobent les règlements municipaux ville de Québec, si je ne m'abuse, et la ville de et des commissions scolaires ce qui, nous som- Laval... Non? mes d'accord, causerait un préjudice considéra- ble. Par ailleurs, on peut également soutenir, dans Une Voix: Montréal et Québec. une autre interprétation qui pourrait être valable, que ces règlements ne comprennent pas les règle- M. Johnson: Montréal et Québec. Les autres ments municipaux et de commissions scolaires. sont constituées en vertu d'une autre Loi de la Etant donné que nous sommes dans un Législature, qui sont la Loi des cités et villes ou le domaine où l'interprétation a libre cours, est-ce Code municipal. Ces corps publics québécois que le ministre aurait l'intention de demander un adoptent des règlements. Est-ce que ces règle- avis à la Cour suprême en ce sens avant de ments ne sont pas ceux qui sont visés par la page soumettre le cas à toutes les municipalités, créer 11 du jugement de la Cour suprême? Si on fait de la panique et des déboursés? l'addition de ce qui est à la page 5 et à la page 11, je pense que la prudence élémentaire doit amener M. Bédard: Mon cher ami légiste d'en face le législateur à considérer que la Cour suprême devrait se rappeler qu'il y a seulement le gou- affirme, en fait, que les municipalités, comme les vernement fédéral qui peut demander un avis à la commissions scolaires, comme toutes les commis- Cour suprême. sions ou régies gouvernementales, doivent doré- navant non seulement publier ou rendre leurs M. Lalonde: On peut au moins demander un décisions publiques en français et en anglais, mais avis juridique de personnes indépendantes qui ne adopter leurs résolutions en français et en anglais. sont pas sous le coup de la surprise et de la Je pense qu'il est d'une prudence élémentaire d'y déception et qui n'ont pas intérêt à faire empirer pourvoir et de partir de ce principe d'interpréta- les choses. tion, si odieux puisse-t-il paraître a priori. M. Johnson: Le jugement... M. Lalonde: Remarquez, Mme la Présidente, que je ne mets pas en doute la bonne foi du M. Bédard: J'imagine que lorsque vous parlez gouvernement de vouloir boucher tous les coins. de gens qui sont sous le coup de la surprise et de Si l'article 3 répond à ce doute, ce qui est presque la déception, vous vous incluez également j'espère une conviction de la part des ministres qui sont et vous incluez tous les Québécois qui, sûrement, devant nous, j'en suis, mais si on en est au niveau ne sont pas heureux, à moins d'être Québécois de la discussion théorique, juridique, je ne suis ps d'une certaine façon que je ne m'explique pas... d'accord avec le ministre. M. Lalonde: Si vous voulez... M. Bédard: Le libellé du jugement établit assez clairement une prépondérance dans le sens M. Bédard: Qu'ils ne sont sûrement pas que les règlements municipaux, les règlements heureux ce soir de voir certains de leurs droits... des commissions scolaires pourraient être tou- chés. La prudence élémentaire, en tant que légis- M. Lalonde: Si vous voulez faire la discussion lateurs, c'est de faire en sorte d'avoir la dispo- sur l'interprétation de Québécois, on peut la faire. sition la plus large possible, qui puisse corriger toutes les situations possibles. M. Bédard: ... restreints par ce jugement. Je ne veux pas... M. Fontaine: Ce que le ministre nous dit, c'est M. Lalonde: On va vous la faire. que trop fort ne casse pas. La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Bédard: Non, ce n'est pas trop fort ne casse pas, cela va dans le sens de l'esprit du M. Bédard: Mme la Présidente, je n'ai pas libellé du jugement de la Cour suprême où on dit voulu faire un débat politique... que le plus englobe le moins. Donc, nous nous inspirons de la même philosophie que le jugement M. Lalonde: C'est ce que vous faites depuis de la Cour suprême, en termes de législation. quinze minutes, vous charriez dans votre interpré- tation. M. Fontaine: Lorsque le... M. Bédard: Mais si vous voulez embarquer là- Une Voix: Je l'ai, le jugement. dessus, on va en... Au contraire, il n'y a pas de charriage. S'il y a La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député quelqu'un qui a charrié, j'ai l'impression que c'est de Beauce-Sud. plutôt de l'autre côté.

M. Mathieu: Etant donné que nous sommes M. Lalonde: N'oubliez pas que vous êtes dans le domaine de l'interprétation, il me semble ministre de la Justice. 4517

M. Bédard: Vous charriez dans les assuran- Je recommanderais au gouvernement, avant ces, quand ce n'est pas le moment approprié. d'émettre des directives à l'intention de toutes les municipalités et corporations scolaires, de faire La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, montre de plus de prudence qu'il n'en a manifesté j'ai deux demandes d'intervention maintenant, quand cette loi a été adoptée. celle de l'Opposition... M. Rivest: Mme la Présidente. M. Bédard: Quelqu'un qui est heureux de ce jugement, je ne critique pas, quelqu'un qui est La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député heureux des effets de ce jugement, comme Qué- de Jean-Talon. bécois, j'ai du mal à comprendre. M. Rivest: Si je comprends bien le jugement, La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de tel qu'il est écrit, il porte sur la partie III de la l'Opposition officielle et M. le député de Jean- Charte de la langue française. Or, la partie III, c'est Talon. la langue de l'administration et de la justice. Or, M. le chef de l'Opposition officielle. les corporations municipales... M. Ryan: Mme la Présidente, nous avons pris Une Voix: De la législation. soin, nous, de solliciter des avis juridiques aujour- d'hui sur la portée exacte de ces passages du M. Rivest: De la législation et de la justice, jugement qui ont été cités par le ministre du chapitre III, excusez-moi. Travail tantôt. Les avis que nous avons obtenus Les corporations municipales et scolaires, sont en sens contraire de ceux qui nous sont dans la Charte de la langue française sont au donnés par le ministre ce soir. chapitre IV, n'est-ce pas, qui s'intitule "La langue de l'administration", définie à l'article 14. En M. Bédard: Je puis dire au chef de l'Opposi- annexe, on pose l'article 14, "Le gouvernement... tion que nous aussi nous avons pris soin de etc. et les organismes municipaux et scolaires." Je prendre toutes les consultations nécessaires, de crois que le dispositif du jugement de la Cour faire tous les échanges nécessaires au niveau de suprême porte sur le chapitre III et le ministre tous les légistes de tous les contentieux possibles, nous dit que l'interprétation — je conçois que le au niveau des contentieux du ministère de la ministre ait cette prudence certainement d'évo- Justice et je vous ai explicité tout à l'heure que quer cette possibilité, mais de l'affirmer comme l'unanimité était dans le sens de ce que j'ai certitude... — le jugement de la Cour suprême exprimé tout à l'heure, concernant les effets de ce porte sur le chapitre III, et cela aurait des consé- jugement de la Cour suprême en ce qui a trait aux quences directes sur la langue de l'administration municipalités et aux commissions scolaires. définie au chapitre IV comme étant les actes des organismes municipaux et scolaires? M. Ryan: Je m'excuse, Mme la Présidente, il ne m'a pas laissé terminer mon intervention. M. Johnson: La loi 101 dit... M. Bédard: Je m'excuse, je croyais que vous La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre. aviez terminé. M. Bédard: La loi 101... M. Lalonde: II aime bien cela interrompre. M. Rivest: Juste avant que vous répondiez, je ne l'ai pas vérifié, j'aimerais aussi qu'on regarde le M. Ryan: Franchement, j'ai le droit de termi- jugement du juge Deschênes, quel sens on peut ner mon intervention. dégager de la notion de règlements ainsi que du jugement de la Cour d'appel. M. Bédard: Oui, oui, je croyais que vous aviez terminé. Allez-y. M. Bédard: Le jugement du juge Deschênes est encore plus explicite. Je n'ai pas voulu tout à M. Lalonde: Non, non, vous l'avez interrompu. l'heure le mentionner, mais justement le jugement explicite ceci: La Cour est d'opinion que l'obliga- M. Ryan: Vous m'avez interrompu. tion prévue à l'article 133 doit s'entendre de la législation déléguée, aussi bien que de la législa- M. Bédard: Cela doit vous arriver aussi. tion parlementaire, et que de ce fait, les articles 9 et 10 de la charte contredisent encore l'article M. Ryan: Les avis que nous avons obtenus 133... nous indiquaient que la portée de ce jugement vise évidemment les lois qui n'ont pas été présen- M. Rivest: Le chapitre III, mais le chapitre IV. tées et adoptées dans les deux langues. Deuxiè- (5 heures) mement, les règlements relevant directement du M. Bédard: ... c'est encore plus explicite que lieutenant-gouverneur en conseil et découlant de le jugement de la Cour suprême. ces lois. Je tiens à le dire, pour que cela entre au dossier, pour que ce soit clair qu'il y avait une M. Rivest: Ce que je veux dire au ministre, autre interprétation qui existait de ce jugement. c'est de bien regarder également et d'examiner 4518 cette question. Je ne dis pas que j'ai absolument Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): raison. J'évoque cette possibilité. On parle tou- Vous reviendrez après, M. le député de Jean-Talon. jours des articles 9 et 10 qui sont au chapitre III. C'est le jugement de la Cour suprême et on l'a là- M. Rivest: ... quand on parle de l'annexe, au dessus. Or, les municipalités, c'est le chapitre 4, titre, c'est marqué: Article 14, au-dessus de l'an- l'article 14 et aux annexes, c'est marqué spécifi- nexe. Relisez votre loi. Vous allez voir; c'est mar- quement: "Les organismes municipaux et scolai- qué: Article 14. L'annexe réfère à l'article 14 qui res, communautés urbaines, municipalités, orga- est au chapitre IV. La prudence dont le ministre a nismes scolaires, etc." Or, il n'est question nulle parlé, j'en conviens. Mais ce que le chef de l'Op- part du chapitre IV dans le jugement de la Cour position a indiqué tantôt, c'est que les dramatisa- suprême. Comment la Cour suprême pourrait-elle tions artificielles qui ont été faites, au titre des mu- s'être prononcée sur les actes des municipalités nicipalités... Ce n'est pas de la prudence, c'est de qui sont posés en termes de règlements et de ré- la politique. solutions? Il faudrait y regarder deux fois. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A M. Bédard: On va regarder... l'ordre s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Johnson: Encore une fois, M. le Président, Une Voix: ... son seul argument, c'est... je pense que le ministre de la Justice a été bien explicite tout à l'heure, quand il a dit que c'est une M. Bédard: Ceux qui demandent au gouverne- question de prépondérance d'opinions. Dans les ment d'exercer une certaine prudence font preuve, cas des juristes du gouvernement, c'est une ques- avec des propos comme ceux du député de Jean- tion d'unanimité. C'est une question de prépondé- Talon d'une imprudence carrément inacceptable, rance et aussi de prudence que doit avoir le minis- parce que... tre de la Justice du Québec... Une Voix: Voyons donc! Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. Rivest: Question de règlement, M. le Pré- sident. M. Rivest: Si le ministre me permet... Le mi- nistre dit: Prudence... Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre s'il vous plaît! M. Johnson: M. le Président, si vous permet- tez, j'étais en train de répondre. Je n'ai pas inter- M. Bédard: ... vous êtes de ceux, qui, dans un rompu le député de Jean-Talon. Je n'ai pas d'ob- premier temps, dites qu'il peut y avoir des opi- jection à répondre, par la suite, à une autre ques- nions partagées en termes d'appréciation juridi- tion. Or, d'une part, il y a une question de prépon- que de certaines dispositions du jugement et du dérance. Deuxièmement, il y a une question, à par- même trait, vous accusez le gouvernement de vou- tir du moment où une interprétation — ne serait-ce loir dramatiser certaines conséquences, parce que que par prépondérance — est à savoir que c'est vous partez d'une conviction qui n'est soutenue susceptible de toucher les municipalités, il y a une par absolument rien. Vous partez d'une conviction question de prudence élémentaire, de responsabi- à savoir que cela ne touche pas les municipalités lité de ce gouvernement et de ce Parlement de fai- et les commission scolaires. Je vous ai explicité re en sorte qu'on protège les municipalités et les tout à l'heure — je ne veux pas en faire un débat commissions scolaires. Cela vient du fait, entre au- politique et j'essaie de me restreindre à la portée tres, que s'il est exact que c'est le chapitre III qui a juridique du jugement, selon les conseillers du mi- été touché par la Cour suprême, c'est à ce chapi- nistère de la Justice — la prépondérance unanime tre III, l'article 10, qu'on y parle de l'administration à savoir que cela touche les municipalités et les et de certaines obligations qu'elle a et qu'à l'an- commissions scolaires, et de plus, la prudence nexe de la loi, on décrit parmi l'administration, les élémentaire de légiférer dans le sens que nous municipalités, les communautés urbaines... proposons.

M. Rivest: Recouverts de quel article? M. Rivest: M. le Président. Le Président (M. Vaillancourt, Orford): A l'or- dre s'il vous plaît! Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jean-Talon. M. Rivest: M. le Président, juste un point...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rivest: Tout ce que mes propos, pour cor- M. le député de Nicolet-Yamaska. riger l'interprétation...

M. Rivest: ... juste une remarque... M. Bédard: II ne faudrait pas que vous fassiez le contraire. M. Bédard: Les articles 9 et 10, M. le député de... Une Voix: C'est lui qui avait la parole. 4519

M. Rivest: J'ai soulevé une question de règle- partir d'une étude prima facie qu'il en arrive à ment. Question de règlement. Tout ce que mes exprimer certains commentaires, entre autres, le propos ont voulu indiquer... commentaire ou l'accusation de vouloir drama- tiser — c'est certain — le résultat du jugement de Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A la Cour suprême. Je pense qu'il devrait user d'une l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs! certaine prudence, après avoir fait une étude M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît! Avant, prima facie, comme il l'a mentionné tout à l'heure, j'aimerais dire ceci: Nous sommes en commission avant... plénière et je remarque que les députés ont pris l'habitude de s'interrompre. Là, je fais appel à tous M. Rivest: Répondez-y! les côtés de la Chambre. M. Bédard: ... de dramatiser, d'accuser qui Une Voix: "It is altogether a free for all". que ce soit...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rivest: Répondez donc à l'argument que je C'est plus difficile qu'à l'Assemblée nationale de vous ai donné! tenir le contrôle ou l'ordre en commission pléniè- re, et en conséquence, je vous demanderais de de- M. Bédard: ... de dramatiser. Je pense que mander le droit de parole, avant de l'exercer, puis- nous assistons peut-être à une opération systéma- que... Exactement, M. le député de Nicolet-Yamas- tique pour minimiser les effets du jugement de la ka, j'allais dire que j'essaie de vous donner la pa- Cour suprême. Prenez garde à ce genre d'opé- role depuis au moins cinq minutes. Alors, M. le dé- ration. Beaucoup plus politique que juridique, puté de Jean-Talon, sur une question de règle- votre opération! ment. M. Rivest: Et vice versa. M. Rivest: Ma question de règlement est très simple. A la suite de l'appréciation que le ministre Une Voix: Votre spectacle s'écroule. de la Justice a fait de mes propos, je veux simplement dire que l'arguement que j'ai voulu M. Rivest: Répondez à l'argument. apporter, c'est simplement qu'il m'apparaissait à première vue, sans avoir fait une analyse absolu- M. Johnson: M. le Président... ment fouillée de la question, en tout cas, prima facie, il m'apparaît que les municipalités et les Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A commissions scolaires ressortent du chapitre IV l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! de la Chartre de la langue française dont la Cour Dans l'ordre, et dans les deux sens du terme, le suprême ne s'est nullement préoccupée et que ministre du Travail, le député de Nicolet-Yamaska, l'annexe dont il a été question est coiffée dans la le député de Maisonneuve et le député de Notre- codification que j'ai vue de la mention de l'article Dame-de-Grâce, dans l'ordre! 14. Le jugement de la Cour suprême réfère spéci- fiquement aux articles 9 et 10. Donc — est que les M. Fontaine: M. le Président, il y a cinq certitudes des conseillers légistes du ministre que minutes que j'essaie d'avoir la parole... je respecte hautement ne répondent pas complè- tement aux inquiétudes sérieuses — et je pense Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): qu'il y a une inquiétude absolument sérieuse que Oui, mais... j'ai soulignée en la marquant bien... C'est le texte même de la Charte de la langue française qui dit M. Fontaine: ... si ce n'est pas dix et là, vous que les municipalités et les commissions scolaires donnez la parole de nouveau au ministre du ressortent du chapitre IV et non du chapitre 3 qui Travail. a fait l'objet du jugement de la Cour suprême. Tout ce que je veux dire, simplement pour étayer Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): l'argumentation du chef de l'Opposition, c'est que Bon! Mais si le député de Jean-Talon n'avait pas les arguments qui ont été fournis au cours du soulevé une question de règlement qui n'en était débat en deuxième lecture ou les quasi-certitudes pas une, vous auriez parlé. M. le ministre du qui ont été données dans les discours étaient Travail et par la suite le député de Nicolet- nettement abusives sur les implications qu'avait ce Yamaska. jugement sur les commissions scolaires et les municipalités. M. Fontaine: Ce n'est pas ma faute! Quelle sorte de justice est-ce?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. M. Johnson: M. le Président, deux remarques le ministre. brèves. La première, c'est sur l'annexe. La loi telle que sanctionnée n'indique aucune référence à M. Bédard: M. le Président, sur ce point, je ne quelque article que ce soit au niveau de l'annexe. vois pas comment le député de Jean-Talon qui Je pense que le député de Jean-Talon, avant sourit au moment où je parle peut dire que c'est à d'affirmer ce qu'il a affirmé tout à l'heure, aurait 4520

dû vérifier la loi telle que sanctionnée. Il a peut- organismes, depuis 1867, auraient opéré dans être vu une codification administrative et, de l'illégalité parce qu'ils n'ont pas adopté les règle- bonne foi, il dit: On référait à l'article 14, mais la ments en anglais en même temps qu'ils le faisaient en français. loi telle que sanctionnée à son annexe, à l'admi- Je pense que l'Opposition va admettre d'a- nistration définit les municipalités, les commu- bord que cela n'a pas de sens. nautés urbaines comme en faisant partie ainsi que Est-ce que l'article est adopté, M. le Prési- les organismes scolaires. Deuxièmement, je pen- dent? se, M. le Président- Une Voix: Cela va faire! M. Fontaine: M. le Président, on est parti d'une certitude presque immuable de la part du ministre de la Justice et du ministre du Travail et Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A là, on arrive à une probabilité, on dit: si c'était ça. l'ordre, s'il vous plaît! J'ai entendu le ministre des Affaires municipales dire: Et si ça touchait les municipalités. D'accord. M. Johnson: M. le Président, si vous le C'est possible. On agit avec prudence, d'accord. permettez, est-ce qu'il serait possible de terminer Mais de là à en faire une certitude, à dire, comme et de demander au député de Jean-Talon de se ce l'était au début et dans les discours de deuxiè- calmer? me lecture, il y a une marge. Nous aussi, on a demandé des renseignements d'ordre juridique à Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A des professionnels en la matière, et ces gens nous l'ordre, s'il vous plaît! ont donné une opinion différente de celle que vous nous avez donnée. M. Johnson: Est-ce que je peux seulement Ils ont interprété l'article 133, deuxième para- terminer, M. le Président? M. le Président... graphe. M. Rivest: Question de règlement, M. le M. Grenier: Ce n'étaient pas des pee-wee. Président. J'ai le droit. M. Fontaine: Ils ont dit: Les actes du Parle- Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A ment du Canada et de la Législature de Québec, l'ordre, s'il vous plaît! ce ne sont pas les municipalités, ça. Ils ont dit aussi à la page 11, les règlements établis sous le M. Rivest: M. le Président, je cite les statuts régime des lois de la Législature du Québec, ce ne refondus du Québec. Est-ce que les lois sont sont pas les municipalités. sanctionnées dans les statuts refondus du Qué- bec? M. Bédard: Allez plus loin, il a été... Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. M. Fontaine: D'accord? le ministre du Travail. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A M. Johnson: M. le Président, je vous dis et je l'ordre, s'il vous plaît! répète que la loi telle que sanctionnée par Son Honneur le lieutenant-gouverneur du Québec le 26 M. Fontaine: Ces experts nous ont donné une août 1977 prévoyait à l'annexe, sans mention opinion qui peut être aussi valable que celle de d'article, que l'administration inclut les commu- vos experts à vous autres. nautés urbaines, les municipalités et les organis- mes scolaires. C'est là la prudence dont parle le M. Johnson: ... certitude en droit pour un ministre de la Justice, je pense, en pensant au fait avocat. que tout à coup ce serait vrai, tout à coup l'Opposition se tromperait, comme cela arrive. M. Fontaine: De là à en faire une certitude, je (5 h 10) pense qu'il y a une marge. D'ailleurs le ministre du Deuxièmement, je voudrais simplement men- Travail vient justement d'admettre que d'une certi- tionner que même dans l'hypothèse où il n'y aurait tude que c'était, au départ, c'est devenu une pas cette prépondérance, même dans l'hypothèse possibilité. où les municipalités ne seraient pas touchées, en vertu de la loi, même dans l'hypothèse où les M. Johnson: Non, je n'ai jamais utilisé le mot organismes scolaires ne le seraient pas non plus, possibilité. tous les actes réglementaires — cela, je ne pense pas que l'Opposition le nie — du gouvernement ou M. Fontaine: D'accord, si c'est une possibili- de ses organismes, tels la Commission des acci- té... dents du travail, la Régie des rentes, la Commis- sion du crédit agricole, l'ensemble, la pléthore M. Johnson: M. le Président, c'est faux. d'organismes qu'on a, on pourrait, à partir du jugement de la Cour suprême, affirmer que sans la M. Fontaine:... on essaie de la couvrir, on est présence de la législation que nous allons adop- d'accord là-dessus, on est prêt à l'adopter, mais ter — on l'espère cette nuit ou ce matin — ces pas en disant que c'est une certitude. 4521

M. Bédard: Là, vous êtes... non, je voudrais porter un jugement ici. La Cour suprême en a que ce soit... donné un. Je ne suis pas juge... M. Fontaine: M. le Président, est-ce qu'il y a M. Fontaine: M. le Président, est-ce que vous possibilité d'avoir la parole dans cette Chambre, m'avez donné la parole? sans toujours se faire interrompre par les deux ministres qui sont de l'autre côté? Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je n'ai donné la parole à Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A personne, mais tout le monde la prend. l'ordre, s'il vous plaît! On dirait que plus l'heure avance, plus l'ordre est difficile à obtenir d'ail- M. Bédard: Vous aviez terminé tout à l'heure. leurs. Je pense que c'est normal. M. le député de Nicolet-Yamaska. M. Fontaine: Je vous ai entendu dire M. le député de Nicolet-Yamaska. M. Fontaine: M. le Président, que les ministres nous disent que c'est une prudence élémentaire Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): qu'il faut prendre, nous sommes d'accord là- Tout le monde la prend, par exemple. A l'ordre, s'il dessus, mais ne pas en faire une affirmation vous plaît! catégorique, je pense qu'il y a là également une prudence. M. Bédard: M. le Président, je n'avais pas terminé. M. Bédard: Le député de Nicolet-Yamaska peut être d'accord avec lui-même, mais je crois Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A qu'il a sûrement mal interprété nos propos quand l'ordre! il semble vouloir dire que nous sommes d'accord avec ses propos. Loin de là, parce que le député M. Bédard: Je ne sais pas à qui était la parole, de Nicolet-Yamaska, quand il cite le jugement, il mais je sais que cela fait deux ou trois minutes ne va pas jusqu'au bout des citations. A la page que je parlais, avant que le député de Nicolet- 11, c'est le texte par lequel j'ai commencé, dès les Yamaska pense que c'était à lui la parole. premières explications, pour exprimer la certitude qu'il y a, au niveau des officiers légistes du M. Fontaine: Vous aviez fini et le président m'a ministère de la Justice et des Affaires municipales donné la parole. Vous avez continué quand même. à savoir que ça s'applique aux municipalités et aux commissions scolaires. C'est le texte du Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A jugement qui dit — il faut le lire au long — pour l'ordre, s'il vous plaît! ce qui est de la question de savoir si les règle- ments établis sous le régime de Loi de la Légis- M. Bédard: Je vous trouve agressif. Cela n'a lature du Québec sont des actes, au sens de pas de bon sens. Pourquoi êtes-vous si agressif l'article 133, il aurait fallu que le député de Nicolet- que cela? On parle de textes juridiques. Il n'y a Yamaska continue de lire. pas de quoi être agressif. Le jugement dit: II est évident que ce serait tronquer l'obligation — on n'y va pas de main M. Fontaine: Parce que vous êtes en train de morte — imposée par ce texte que de ne pas tenir tromper la population. C'est pour cela qu'on est compte de l'essor de la législation déléguée. Or, la agressif. législation déléguée... M. Bédard: Le résultat, par exemple, l'effet... M. Fontaine: La législation déléguée de la Mais vous, vous êtes dans une opération pour Législature. essayer de minimiser les effets de ce jugement de la Cour suprême. Je ne suis pas d'accord avec Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A vous, c'est tout. l'ordre, s'il vous plaît! M. Fontaine: Vous autres, vous essayez de M. Bédard: ... c'est très clairement défini en faire peur au monde. Vous êtes une gang de termes juridiques, cela comprend les règlements bonhommes sept heures. municipaux et les règlements des commissions scolaires. M. Bédard: Vous avez une argumentation politique et je développe une argumentation juridi- M. Fontaine: II faudrait peut-être, M. le Prési- que. Ce sont deux choses différentes. dent... Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Je pense que l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nicolet- cela ne peut-plus continuer de la façon dont s'est Yamaska. A l'ordre, s'il vous plaît! parti. Je fais appel à votre collaboration. Je vous incite à relire l'article 26 de notre règlement. Ce M. Bédard: M. le Président, je ne veux pas n'est pas facile pour les députés et ce n'est pas 4522 facile non plus pour la présidence, à cette heure, est couverte par l'obligation de le faire de façon de présider ce genre de débat. Depuis le début, de bilingue, d'où le fait que l'interprétation qu'à tous les côtés de la Chambre, on s'interrompt de l'unanimité les juristes de ce gouvernement et les façon régulière. Je ne sais pas qui avait la parole juristes des comités de législation du ministère au moment où le brouhaha a commencé. Quoi des Affaires municipales et du ministère de la qu'il en soit, M. le député de Nicolet-Yamaska, je Justice donnent, c'est qu'effectivement cela affec- vous la cède, la parole. te les municipalités. A partir de cela, si c'est l'opinion contraire des M. Fontaine: M. le Président, il aurait peut- gens d'en face, pour des raisons que je n'espére- être fallu que les deux ministres fassent un petit rais même pas soupçonner, je pense qu'ils ont le caucus avant de venir à la commission parlemen- droit et ils la feront valoir dans un autre contexte. taire. Au début, ils ont commencé avec une C'est cela la prudence du gouvernement. certitude, après cela, il y en a un qui a dit au cas (5 h 20) où et là, ils reviennent encore avec une certitude. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Maisonneuve. Enfin! M. Johnson: Question de règlement. M. Lalande: Oui, enfin! C'est une question de M. Fontaine: Qu'ils aillent donc se consulter précision dans le fond. Je voudrais savoir quand et après cela on aura une opinion qui sera valable. est-ce qu'on va couvrir le fait des avis publics, des ordonnances en exécution de jugements et tout Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A ce qui a été publié seulement en français et qui l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre du Travail, sur aurait dû l'être en anglais également? Comment une question de règlement. va-t-on remédier à cela? Je suis allé un peu en avant et je ne vois pas comment on va le faire, M. Bédard: Dites donc ce que vous avez à dire comment on va couvrir cela, ces ventes par et cessez d'interpréter ce qu'on a à dire. C'est clair shérifs, toutes ces histoires-là qui ont paru dans que nous ne sommes pas d'accord. C'est tout. les journaux, dans les significations spéciales ou quoi que ce soit qui étaient seulement en français M. Johnson: M. le Président, question de alors qu'elles auraient dû être en français et en règlement. anglais. Comment va-t-on couvrir cela?

M. Fontaine: C'est cela que j'ai dit, vous M. Bédard: Tout simplement on n'a pas à les n'êtes pas d'accord. couvrir, ce ne sont pas des règlements, ce sont des décisions. Je pense que, normalement, vous Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A devriez être au courant de... l'ordre, s'il vous plaît! M. Bédard: C'est clair qu'on n'est pas d'ac- M. Lalande: Je ne sais pas exactement si c'est cord avec votre interprétation, mais n'essayez pas tout à fait cela. Il pourrait y avoir des genres de de valoriser votre interprétation en voyant des jugements interlocutoires qui ont eu lieu là-de- désaccords dans les propos que je peux avoir et dans. C'est justement cela le problème, c'est que ceux de mon collègue du Travail. Ce sont essen- je suis au courant. tiellement les mêmes que j'ai tenus. M. Bédard: C'est très élémentaire, n'est-ce M. Fontaine: Vous êtes sorti cinq minutes. pas? Ce ne sont pas des règlements, ce sont des décisions, ce à quoi vous référez. Vous en avez perdu un bout. Une Voix: Qui a la parole? Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, sur une question de règlement. M. Lalande: Oui, mais quand on est en exécu- tion de jugement... M. Johnson: M. le Président, sur une question de règlement, puisqu'il n'y a pas de question de Une Voix: Ce sont des décisions. privilège en commission plénière. Je souligne simplement que l'affirmation que vient de faire le M. Bédard: Là, on parle des jugements et on député de Nicolet-Yamaska — je vais lui demander parle des règlements. de nuancer ses propos ou de les retirer — est absolument fausse. Je n'ai jamais affirmé que Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A c'était une vague probabilité qu'une municipalité l'ordre, s'il vous plaît! soit affectée, au contraire. L'arrêt Hodge versus the Queen, conseil privé, le plus haut tribunal qui M. Lalande: C'est seulement une précision, je affectait le droit canadien jusqu'en 1949, a décidé voudrais savoir comment on va pouvoir couvrir et a défini qu'un règlement municipal, c'était de la cela. législation déléguée. Et dans le jugement de la Cour suprême, on dit que la législation déléguée M. Johnson: On n'a pas à le couvrir. 4523

M. Bédard: On n'a pas à le couvrir. On parle M. Scowen: J'ai simplement l'intention d'es- de règlements et de lois. Vous parlez de décisions. sayer d'apporter une définition, un peu différente à ce mot "prudence". Quand la loi a été adoptée, il M. Lalande: Oui, on ne l'a pas couvert à y a deux ans, je suis certain que le gouvernement l'article 1 au niveau des jugements et on ne le n'a pas agi avec prudence, parce que je suis couvre pas au niveau des règlements. Où est-ce certain qu'il a reçu des avertissements sérieux qu'on va le couvrir? Je ne le sais pas. Ce n'est quant à la constitutionnalité de cette loi. Ce soir, peut-être pas aussi clair que cela. C'est peut-être vous agissez avec ce que vous définissez comme un jugement interlocutoire, je veux dire en exécu- une grande prudence, mais, parce que, comme tion, en tout cas. vous autres, je suis certain que vous autres et nous autres voulons limiter autant que possible les M. Bédard: On n'est pas obligé de le couvrir, conséquences et la portée de cette décision, puis- ce n'est pas affecté par le jugement. je suggérer que ce soit une bonne idée de com- mencer par la base pour ce soir et pour l'avenir Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. immédiat au moins avec le principe que tout ce le député de... qui est visé par la loi est le minimum, en d'autres mots les règlements qui découlent directement du Une Voix: ... lieutenant-gouverneur en conseil, du cabinet point, et de ne pas s'imaginer ou prétendre que la Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cour suprême voulait aller même en arrière, avant Non, vous ne pouvez pas à ce stade-ci. Là, c'est le 1977, parce que ce n'est pas du tout clair que ce député de Notre-Dame-de-Grâce. soit le cas — il y a des interprétations différen- tes — si vous voulez... Une Voix: Je veux simplement clarifier... M. Bédard: Mais est-ce que c'est clair que ce Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. n'est pas le cas? le député de Mont-Royal, sur une question de M. Scowen: ... vraiment minimiser, comme règlement. nous autres, la portée et les complications de cette affaire-là en présumant que la décision est M. Ciaccia: M. le Président, c'est une question limitée aux cas qui datent d'après 1977. de règlement. M. Johnson: ... consultants libéraux vous ont Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): dit cela. Oui. M. Bédard: Nous sommes prêts à vouloir M. Ciaccia: Une des raisons pour lesquells minimiser les effets, mais pas au point de devenir nous sommes ici ce soir, que nous avons le irréaliste, ce vers quoi, des fois, on peut être tenté jugement, c'est parce que le gouvernement a de s'orienter. Nous avons à légiférer dans l'intérêt refusé... des Québécois en tenant compte... Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Scowen: Trouvez-vous qu'une telle déci- Dites-moi en quoi c'est une question de règle- sion ce soir sera plus réaliste que la décision que ment. vous avez prise il y a deux ans? M. Ciaccia: L'article 40 du chapitre VI. Enten- Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè- dez ma question de règlement, après cela, vous re): M. le ministre de la Justice. pourrez décider si cela en est une ou non. Une des raisons pour lesquelles nous sommes ici et que le M. Bédard: M. le Président, je veux simple- jugement a été rendu par la Cour suprême, c'est ment répéter: On peut bien essayer de le minimi- parce que nous avions demandé au gouvernement ser, mais je pense qu'il faut demeurer réaliste. On de déposer l'avis juridique... a beau vouloir minimiser l'effet du jugement de la Cour suprême, mais il reste une chose, c'est que Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): le jugement de la Cour suprême est là et il a des Excusez-moi, je vous arrête. Ce n'est pas une effets qui semblent très clairs, selon l'opinion una- question de règlement. M. le député de Notre- nime des légistes du ministère de la Justice, des Dame-de-Grâce. légistes du comité de législation, également des légistes des Affaires municipales. Nous légiférons M. Ciaccia: M. le Président, on avait demandé simplement dans le sens des représentations de le dépôt de l'avis juridique. ces légistes et dans l'intérêt des Québécois qui est que la législation corrige l'ensemble des effets du Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. jugement de la Cour suprême. le député de Mont-Royal, ce n'est pas une ques- tion de règlement. M. le député de Notre-Dame-de- M. Scowen: Est-ce que vous n'exagérez pas à Grâce. ce moment? Vous en êtes certain? 4524

M. Bédard: Ce n'est pas mon habitude d'exa- tendre qu'on essayait de maximiser l'interprétation gérer. Quand je vous dis que c'est l'interprétation, du jugement de la Cour suprême que je me suis je vous ai dit, dès le commencement de l'étude de senti le besoin d'indiquer à l'Opposition d'être cet article, à quoi je référais, à savoir le libellé mê- prudente dans certaines tentatives peut-être de me du jugement de la Cour suprême qui, à notre vouloir minimiser la portée du jugement de la opinion, va beaucoup plus loin que tout ce qui Cour suprême qui est quand même là. C'est un avait été pensé, même dans une hypothèse pessi- débat juridique, je le redis encore une fois, sous miste. l'angle juridique et non pas l'angle partisan.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier: Une question très courte. Est-ce M. le député de Verchères. Non? M. le député de que vous avez l'intention de rendre cela clair? Mégantic-Compton et, après, le député de Mont- Royal. M. Bédard: Quand on a parlé de prudence, on n'a pas dit, de ce côté, qu'on faisait preuve d'ex- M. Grenier: Merci. Je ne remercierai jamais cès de prudence. On a dit, au contraire, que l'élé- assez longtemps la Providence de ne pas avoir fait mentaire prudence était de légiférer dans le sens un avocat. Je voudrais vous dire... que nous légiférons; l'élémentaire prudence, par un excès de prudence. Je voudrais que mes pro- Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): pos soient bien interprétés. M. le député, vous insultez la présidence. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier: Je croyais que vous étiez notaire. M. le député de Mont-Royal. Vous êtes avocat, je m'excuse. M. Ciaccia: M. le Président, quand nous M. Lalonde: Nous autres aussi, on la re- avions discuté en commission parlementaire de mercie. ces articles, les membres de l'Opposition officielle ont porté à l'attention du gouvernement à ce mo- M. Grenier: M. le Président, j'aurais aimé ment le fait que ces articles allaient contre l'article que... 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le gouvernement, à ce moment, disait: Non, nous Une Voix: On est bien content! avons des opinions juridiques disant que c'est lé- gal. Moi-même, j'avais demandé... M. le Président, M. Grenier: ... le gouvernement ait eu cette s'il vous plaît... prudence quand on a adopté la loi 101 qu'on a ce (5 h 30) soir. Vraiment, elle est minutieuse, celle-là, beau- Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il coup plus que l'autre. Le gouvernement est proba- vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! blement sérieux et sincère quand il nous dit que cela inclut les municipalités et les commissions M. Bédard: ... pas le débat de la loi 101. scolaires. Si cela devait être le cas, j'imagine qu'on va prévenir les autorités municipales et sco- M. Ciaccia: M. le Président... laires de faire cela. Il me semble que, si le gouver- nement veut être aussi "précautionneux" qu'il Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'est ce soir, il va investiguer un petit peu plus que l'ordre, s'il vous plaît! cela avant pour savoir s'il a raison d'inquiéter les commissions scolaires et les conseils municipaux. M. Ciaccia: Ecoutez, je n'ai pas abusé de mon Avant de répondre, j'aimerais savoir du ministre droit de parole ce soir. s'il a l'intention d'avoir des certitudes avant juillet et août, et de ne pas laisser traîner cela dans le dé- Une Voix: ... article par article, ça, voyons cor jusqu'après le référendum. Il ne faudrait pas donc! que cela prenne l'air du coup des faux certificats en 1962, non plus. M. Bédard: M. le Président... indépendant...

M. Bédard: M. le Président, nous ne sommes M. Ciaccia: J'avais demandé... pas à l'étude du projet de loi en deuxième lecture. En tant que ministre de la Justice... Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. Grenier: Je l'aurais cru tout à l'heure, à vous entendre! M. Ciaccia: M. le Président, j'avais demandé moi-même la présence du ministre de la Justice, M. Bédard: Je vous ai laissé parler. Il faut parce qu'on discutait quelque chose de législatif quand même que je réponde. J'ai essayé de répon- et ce n'est pas avec le ministre... Je crois que le dre, au tout début, d'une façon purement techni- ministre d'Etat au Développement culturel va s'en que, à partir de l'évaluation et de l'étude du juge- souvenir. J'ai dit: Ce n'est pas le ministre d'Etat au ment de la Cour suprême. Ce n'est qu'après que Développement culturel qui va pouvoir discuter de certains membres de l'Opposition eurent laissé en- la légalité de ces articles. J'avais demandé, j'avais 4525 insisté pour que le ministre de la Justice soit pré- Une Voix: Ah! sent. On avait refusé. M. Bédard: ... des légistes du ministère de la Une Voix: II n'y avait pas de... Justice, du comité de législation et du contentieux des Affaires municipales. Maintenant, M. le Prési- M. Ciaccia: Le ministre d'Etat au Développe- dent, nous avons eu le jugement de la Cour suprê- ment culturel nous avait dit, à ce moment-là: Nous me dans les délais que vous savez. Il est évident avons des opinions juridiques. Alors, on a de- que les légistes n'ont pas commencé à s'écrire des mandé... avis. Ils se sont réunis. Ils ont discuté ensemble aux fins de conseiller le ministre de la Justice le Une Voix: ... plus équitablement possible sur la portée du juge- ment. Voyons donc! M. Ciaccia:... pouvez-vous, s'il vous plaît, dé- poser les avis juridiques à l'effet que le chapitre III Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): est légal? Parce que le ministre de l'Education M. le député de Mont-Royal. — j'avais porté ça à l'attention de la commission parlementaire — à la suite de certaines questions, M. Ciaccia: Est-ce que je peux continuer, avait dit que si la Cour suprême devait déclarer M. le Président? Merci. illégal ce chapitre du projet de loi, cela aurait fait l'affaire du gouvernement, parce que le gouverne- Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ment l'aurait utilisé ou l'utiliserait pour des fins politiques. Alors, où était la prudence du gouver- Vous pouvez. nement à ce moment-là? Vous aviez refusé de dé- poser les avis juridiques. M. Ciaccia: M. le Président, c'est trop... Je vous demande, ce soir, M. le Président, je demande au ministre de la Justice, ce soir... Il Des Voix: ... nous dit qu'il a des avis juridiques à l'effet que le M. Ciaccia: M. le Président, c'est... En anglais, jugement de la Cour suprême s'applique non seu- il y a une expression, vous m'excuserez: "Once lement à la législation de l'Assemblée nationale et bitten, twice shy". C'est le même raisonnement aux règlements découlant du lieutenant-gouver- que nous avons eu lors de la discussion du chapi- neur en conseil, mais s'applique, en plus, aux mu- tre III. C'était des opinions juridiques. On refusait nicipalités et aux commissions scolaires. Est-ce toujours de nous donner les informations et les que je pourrais demander au ministre de la Justice opinions juridiques qu'on demandait. C'est bien de déposer l'avis juridique qu'il a — qu'il dit qu'il facile ce soir, pour le ministre de la Justice de a — à l'effet... Un instant! laissez-moi terminer... dire: Ce sont des avis verbals que nous avons. Si ce sont des avis verbals seulement, alors, je sug- M. Bédard: Question de règlement! Question gère... de règlement! Des Voix: Verbaux. M. Ciaccia: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît, M. le Président! M. Ciaccia: Verbaux, excusez-moi. Je vais améliorer mon français, moi aussi. Peut-être que Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A j'éviterai ce genre d'erreur, mais... l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Des Voix: ... M. Bédard: Non, mais question de règlement! M. Ciaccia: Est-ce qu'il pourrait déposer... M. Ciaccia: C'est trop facile, vous savez. Il faut juger ça dans le contexte. Je peux aller cher- Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y cher le journal des Débats où le ministre de l'Edu- a une question de règlement, M. le député de cation a dit: Nous allons utiliser le jugement pour Mont-Royal. des fins politiques, premièrement. C'est trop faci- le, ce soir, de dire: Nous avons un avis verbal- M. Bédard: Juste une question de règlement... Une Voix: ... Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia: Si c'est seulement un avis verbal, Sur une question de règlement. dans le contexte des déclarations qui ont été fai- M. Bédard: ... parce que peut-être que le dé- tes, dans le contexte des demandes que nous puté a mal interprété mes propos. Je n'ai jamais avons faites, dans le contexte de l'argumentation du député de Jean-Talon que le jugement s'appli- parlé d'avis juridiques écrits. que seulement au chapitre III, je vous soumets, M. Des Voix: Ah! le Président, et je soumets au ministre de la Jus- tice que vous avez le devoir, en termes de pru- M. Bédard: Je vous ai dit: Les avis juridiques dence, de donner non seulement justice, mais — c'est encore plus que des avis écrits — ... aussi l'apparence que justice soit faite. 4526

M. Bédard: Soyez réaliste un peu. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. Ciaccia: Ecoutez! Ne m'interrompez pas, il est tard, il est 5 h 35 du matin. M. Bédard: ... vous nous dites: On les a déjà. Et vous semblez vraiment avoir une attitude de M. Bédard: Oui, mais ne vous énervez pas, gens qui veulent minimiser ce jugement. Ne me soyez réaliste seulement. demandez pas...

M. Ciaccia: II y a une obligation pour le Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A ministre de démontrer que vraiment il ne veut pas l'odre, s'il vous plaît! utiliser ça pour des fins politiques, qu'il veut être prudent. La prudence, dans ce cas-ci, ce n'est pas M. Bédard: ... de faire de la politique dans d'aller au-delà de ce que le jugement dit, ce n'est mes explications. pas de créer une atmosphère, un climat suite aux propos et aux déclarations du premier ministre et M. Ciaccia: On veut le minimiser pour des fins à la déclaration du ministre des Affaires culturel- politiques; on veut le maximaliser pour des fins les. juridiques. Voici ce que la prudence exige. Le gouverne- ment peut-il déposer un avis juridique à l'effet que Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A le jugement de la Cour suprême ne s'applique pas l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre s'il vous plaît! seulement à la législation de l'Assemblée nationa- le et aux règlements du lieutenant-gouverneur en M. Bédard: Le jugement a des effets juridi- conseil? S'il ne peut pas déposer cet avis juridi- ques énormes et ce jugement va plus loin que que, le jugement de la Cour suprême s'applique toutes les hypothèses pessimistes que nous avions seulement au chapitre III. Le ministre ne peut pas faites au ministère de la Justice. Bon! Au niveau nous dire ce soir que ça va s'appliquer aux des citoyens québécois, au niveau des municipa- municipalités et aux commissions scolaires. S'il lités, des commissions scolaires, ce jugement va fait ça, alors là, les déclarations antérieures des avoir des effets très négatifs. Je vous l'ai dit, à différents ministre on peut en tirer les conclusions partir d'une argumentation juridique qui est le qui s'imposent au sujet des buts politiques et des libellé du jugement lui-même, qui dit ceci: "Pour utilisations politiques d'une décision éventuelle de ce qui est de savoir... Relisez-le parce que vous la Cour suprême. lisez sans vouloir comprendre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. M. Lalonde: Cela fait quatre fois qu'on le lit. le ministre de la Justice. M. Bédard: ... Pour ce qui est de la question M. Bédard: Je pense que c'est le député qui de savoir... essaie vraiment de créer un climat parce que à ce que je me rappelle, dès le début... M. Lalonde: Réellement, c'est de l'abus, quand même. On a trois heures seulement. Une Voix: ... n'est pas fini. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A M. Ciaccia: J'essaie d'être prudent. La pru- l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre s'il vous plaît! dence... M. Bédard: M. le Président, je pense que j'ai la M. Bédard: Non, mais vous avez parlé, voulez- parole. vous laisser parler les autres? Est-ce que vous laissez parler les autres? M. Lalonde: Je comprends que le ministre Le député en est la meilleure illustration à sourit. Il a un petit air triomphateur dans son l'effet qu'il essaie de créer un climat. En ce qui "show". nous regarde, si nous en étions restés là, il y a longtemps que l'article serait fini en termes d'étu- Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A de. Dès mes premiers propos, je me suis référé l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! uniquement à des arguments juridiques et un des premiers arguments c'est le libellé même du ju- M. Lalonde: On a seulement trois heures, gement de la Cour suprême, entre autres à la page n'abusez pas. 11. Je ne sais pas si c'est nécessaire que je le recite au député, mais il est très clair, il dit ceci:... M. Bédard: M. le Président.

M. Ciaccia: Nous l'avons lu. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît, vous allez me donner le goût M. Bédard: Oui, mais vous ne voulez pas de changer de profession, si ça continue. comprendre. Quand on vous donne des argu- ments juridiques... M. Ciaccia: Une directive, M. le Président. 4527

Une Voix: Vous aussi? M. Johnson: M. le Président. M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais demander Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. si la commission peut suspendre ses travaux le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à jusqu'à ce que le ministre produise un avis juri- l'ordre s'il vous plaît! dique à l'effet que le jugement s'applique aux municipalités et commissions scolaires. M. Johnson: M. le Président, si vous permet- tez une seconde, je vais vous montrer les avis Une Voix: Non, il n'y a pas de dépôt en juridiques. Ils sont assis ici les avis juridiques. Ils commission. sont là. (5 h 40) Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une Voix: Déposez-les. Nous avons l'ordre de l'Assemblée nationale... Nous avons adopté une motion de suspension des M. Bédard: On ne peut pas les produire, par règles. Nous sommes liés par un cadre très précis. exemple. Je pense que, si ma mémoire est fidèle, c'est dans les quinze minutes avant l'expiration des trois M. Johnson: M. le Président... heures que la présidence doit appeler les votes, et ainsi de suite. Nous sommes dans un cadre précis. Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. En temps normal, cela pourrait peut-être se faire, le ministre du Travail, je tiens à dire au député de mais pas dans le cadre actuel. Marguerite-Bourgeoys qu'il n'y a pas de dépôt en commission plénière. M. le ministre du Travail. M. Ciaccia: M. le Président, si les avis juridi- ques sont tellement clairs, cela ne lui prendra pas M. Lalonde: Sauvé par le règlement! de temps à les produire. Il peut les écrire. On va attendre quelques minutes. M. Johnson: M. le Président, si les membres de la commission me le permettent, je vous M. Bédard: Vous jouez aux irréalistes. M. le promets que mon intervention ne durera pas plus Président, en plus de vouloir créer un climat, le de trois minutes. D'abord, je pense qu'on nous a député... fait beaucoup de procès d'intention ce soir et ce n'est probablement pas anormal qu'à 5 h 45 du Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A matin les gens se fassent des procès d'intention l'ordre, s'il vous plaît! sur une affaire comme celle-là. Deuxièmement, quand le jugement de la Cour suprême a été M. Bédard: Oui, il peut faire des clins d'oeil et rendu, hier, avant midi, jeudi, le ministre de la sourire. Le député en plus de cela est irréaliste. Justice, d'autres membres du comité de législa- tion, incluant celui qui vous parle, et le Conseil M. Ciaccia: Je n'ai pas fait de clin d'oeil. M. le des ministres se sont réunis. On a passé des Président, une question de règlement. heures là-dedans avec les meilleurs experts du gouvernement du Québec, sur le plan juridique; Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A c'est de ceux-là dont je parlais qui sont assis l'ordre, s'il vous plaît! derrière nous, et d'autres qui ne sont pas ici. On a travaillé très fort et on a travaillé très dur M. Ciaccia: Cela fait 24 heures que je suis parce que dans le jugement de la Cour suprême, il debout. Les yeux me ferment, M. le Président. Ce y avait une chose absolument inattendue. Cette ne sont pas des clins d'oeil. Je suis fatigué. chose inattendue — oublions pour le moment la question des municipalités et des commissions Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A scolaires — c'est que la Cour suprême du Canada l'ordre, s'il vous plaît! a déclaré — et je sais que les gens d'en face ne le contestent pas — que tous les règlements adoptés M. Bédard: Pas plus que les autres. Allez par le gouvernement du Québec ou approuvés par dormir. Peut-être que votre raisonnement va être le gouvernement du Québec, émanant des lois meilleur. Le député, je le dis, non seulement crée antérieures à la Charte de la langue française, un climat mais il est irréaliste. J'ai bien mentionné c'est-à-dire depuis 1867, s'ils n'ont pas été adop- que le jugement de la Cour suprême est arrivé tés par le Conseil des ministres, que ce soit sous dans les délais qu'il sait et qu'à ce moment-là... Taschereau, sous Godbout, sous Honoré Mercier avant cela, sous Duplessis, sous Lesage, même Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A sous Robert Bourassa, que tous ces règlements, l'ordre! M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît, que ce soit ceux de la Commission du salaire à l'ordre. minimum, de la Commission des accidents du travail ou les autres, seraient invalides et contes- M. Fontaine: M. le Président, est-ce que le tables sur le plan juridique du seul fait qu'ils ont ministre de la Justice a le droit d'imputer des été adoptés au Québec depuis 1867 en français. Je motifs aux autres membres de l'Assemblée natio- pense que les gens en face de nous ne contestent nale? pas que c'est ce que dit clairement le jugement. 4528

Cependant, ce dont les gens en face de nous M. Lalonde: Cela fait quinze minutes que semblent douter, c'est que cela s'applique aux j'essaie d'avoir la parole, Mme la Présidente. municipalités et aux organismes scolaires, les commissions scolaires en pratique. L'interpréta- La Présidente (Mme Cuerrier): J'espère qu'on tion que nous en faisons, c'est celle, encore une va vous laisser parler, M. le député de Marguerite- fois, d'une journée considérable de travail dans ce Bourgeoys. secteur, encore une fois avec les meilleures res- sources. M. Lalonde: On n'a pas fait d'objection à Ce que je sais, c'est que le chef de l'Opposi- l'article 3, en fait, on a déclaré notre intention de tion nous a dit, tout à l'heure, qu'il y avait un l'adopter il y a une demi-heure, Mme la Présidente, paquet de consultants et de conseillers juridiques mais les deux ministres devant nous, le ministre libéraux — il l'a dit lui-même, ils sont chez nous, du Travail et le ministre de la Justice, ont fait une ils sont de notre parti, les gens de l'extérieur qu'on démonstration de la situation qui m'apparaît pes- a consultés. Je lui demanderais peut-être de nous simiste. produire son avis, ou au moins de nous donner ses arguments, clairement, pour nous dire que les M. Johnson: Ah! là c'est pessimiste, ce n'est commissions scolaires ne sont pas touchées et les pas tronqué et dramatique, c'est juste pessimiste! municipalités ne sont pas touchées. On aimerait entendre l'argumentation de l'Opposition, M. le M. Lalonde: C'est une démonstration organi- Président. On vous écoute! sée de dramatisation volontaire, simplement pour faire partie justement du spectacle. On en a M. Bédard: Vous nous accusez de dramati- entendu, Mme la Présidente, en deuxième lectu- ser... re — je ne sais pas si le ministre de la Justice y était — ce soir, un spectacle de dramatisation où, M. Lalonde: Voulez-vous, s'il vous plaît, lais- réellement, ce jugement venait nous enlever lit- ser la parole, quand vous posez une question? téralement notre langue au Québec. Je n'étais pas tellement surpris des acteurs de ce drame, mais M. Bédard: On vous la laisse la parole, mais lorsque j'ai vu le ministre de la Justice, je m'at- au moins prouvez-nous ce que vous avancez. tendais à autre chose. Mais je me suis souvenu qu'il préfère être indépendantiste qu'être ministre M. Lalonde: Soyez donc au moins poli, est-ce de la Justice probablement. que vous vous souvenez que vous êtes ministre de la Justice? M. Johnson: C'est un bel argument juridique, ça! M. Bédard: Prouvez au moins ce que vous avanvez par des arguments juridiques. M. Bédard: Je ne soulèverai même pas de question de règlement, Mme la Présidente, ça ne M. Lalonde: Vous ne vous en souvenez pas? vaut pas la peine! Vous avez l'air d'un comédien. M. Lalonde: Le spectacle, le comportement La Présidente (Mme Cuerrier): Un moment, du ministre de la Justice, depuis une demi-heure, s'il vous plaît! est indigne à mon sens. M. Johnson: Est-ce qu'on peut entendre l'ar- M. Bédard: Ce sont des gros arguments gumentation de l'Opposition, Mme la Présidente? juridiques, ça!

M. Ryan: Mme la Présidente, il y en a qui ont M. Johnson: Vos consultants libéraux ne sont demandé la parole avant moi, ce n'est pas à lui de pas bien forts, si c'est ça qu'ils vous ont dit; ce décider que c'est moi qui vais parler maintenant, n'est pas fort, vous devriez les changer! c'est à vous. Il y en a qui ont demandé la parole, si vous voulez leur donner; je vais y répondre en M. Lalonde: II devrait plutôt faire attention temps et lieu. avant d'exprimer des opinions aussi peu...

M. Charbonneau: Vous n'en avez pas d'avis M. Johnson: C'est ça, vos avis juridiques? juridique. Dites-le donc! M. Lalonde:... appuyées sur des textes, parce La Présidente (Mme Cuerrier): J'allais de- qu'il vient d'avouer qu'il n'a aucun texte, aucune mander... M. le député de Verchères, s'il vous opinion écrite; il me semble qu'il devrait faire plaît! preuve de prudence avant.

M. Lalonde: Qui a la parole? Je l'ai demandée M. Bédard: Question de règlement. Mme la tantôt. Présidente, c'est complètement faux ce que dit le député de Marguerite-Bourgeoys, quand il dit La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député que l'opinion que nous avons exprimée ne s'ap- de Marguerite-Bourgeoys. puyait sur aucun texte. Au contraire... 4529

M. Lalonde: Opinion écrite, j'ai dit. ments. Vous êtes là et vous engueulez le pouvoir, vous l'accusez de dramatiser et vous n'avez aucun M. Bédard: Au contraire... argument.

M. Lalonde: Non, j'ai dit que vous n'aviez pas M. Lalonde: J'ai le droit de parole. d'opinion écrite. La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît. M. Bédard: Sur aucun texte et il s'applique sur... M. Lalonde: Vous souvenez-vous que vous êtes ministre de la Justice. M. Lalonde: Non, j'ai dit que vous n'aviez pas d'opinion écrite. M. Bédard: C'est un argument juridique.

M. Bédard: Non, mais est-ce qu'il y a seule- La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de ment le député de Marguerite-Bourgeoys qui a le l'Opposition officielle m'a demandé la parole. droit d'accuser, Mme la Présidente? M. Ryan: Merci, Mme la Présidente. J'appré- M. Lalonde: Non, votre question de règlement cierais que le ministre de la Justice cesse de est caduque, vous avez mal compris, j'ai dit qu'elle décider qui va parler, qu'il vous laisse le droit de ne s'appuie pas sur une opinion écrite. décider cela, vous semblez plus capable de le faire que lui. Mme la Présidente, on m'a posé une M. Bédard: Ce que je remarque... question. Je voudrais y répondre. Tantôt, ce n'est pas parce que je ne voulais pas répondre. C'est M. Lalonde: On vient d'apprendre ça, Mme la simplement parce que je voulais respecter le tour Présidente, il n'y a pas d'opinion écrite. des autres qui demandent de parler depuis tantôt. C'est la seule raison. Je veux dire une chose au La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il ministre. Je pense que nous avons intérêt de part vous plaît! et d'autre, indépendamment des opinions qui ont pu être reçues, à ce que ce jugement n'ait pas M. Lalonde: J'avais le droit de parole. l'application extensive qui est redoutée par le gou- vernement. Il peut arriver que le gouvernement ait M. Bédard: Mme la Présidente, ce que je raison. Que les opinions juridiques auxquelles il se remarque c'est que... fie soient les meilleures. En réponse à la question que le ministre m'a posée, je vais lui dire ceci: S'il La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre veut prendre l'engagement de ne pas se lancer de la Justice. dans une application précipitée et littérale de cela — il n'est pas obligé d'envoyer une directive M. Bédard: ... à l'invitation qu'on a faite à demain matin à toutes les commissions scolaires l'Opposition de nous donner ses arguments juridi- et municipalités — on va lui faire parvenir les opi- ques qui seraient de nature à lui faire croire que nions que nous avons eues. ça ne s'applique pas aux municipalités et aux Il va comprendre. Lui a des juristes à son commissions scolaires, je remarque qu'elle n'a service payés à temps complet. Nous autres, ce aucune opinion juridique, aucun argument juridi- sont des consultations que nous avons faites que, alors que nous avons basé notre argumenta- auprès de personnes bénévoles. Je vais m'arran- tion sur le jugement même de la Cour suprême. ger pour obtenir ces opinions de manière plus élaborée. Je serai très heureux de les faire tenir au M. Lalonde: Question de règlement. Le minis- ministre au cours des prochains jours. tre vient de soulever une question de règlement qui n'en était pas une, vous l'aurez remarqué. Je M. Bédard: Mme la Présidente... ne me laisserai pas prendre à ce jeu de diversion simplement; c'est le ministre lui-même qui a La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amen- ouvert le débat en disant qu'il avait des opinions, dement... ça a commencé par une prépondérance unanime, c'est devenu une certitude et, ensuite, quand on a M. Bédard: Nous adoptons une loi. Il est demandé des opinions écrites, on n'en avait pas. évident que nous prendrons les dispositions qui (5 h 50) sont nécessaires à la suite de l'adoption de la loi C'est le ministre lui-même qui a ouvert le telle qu'elle sera libellée et adoptée. débat là-dessus. Nous, on a consulté, pour avoir une idée où on s'en allait, mais c'est le gouver- M. Johnson: Mme la Présidente, l'article 3 est- nement qui offre sa loi, qui propose la loi actuel- il adopté? lement. C'est à lui, au ministre, d'étayer un petit La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député peu le drame, l'espèce de spectacle qu'il nous de Nicolet-Yamaska. donne depuis une demi-heure. M. Fontaine: Je voudrais demander au minis- M. Bédard: Non, mais donnez-nous vos argu- tre de la Justice ou au ministre du Travail s'il 4530 accepterait aussitôt qu'il décidera d'émettre des M. Bédard: Non, mais là... directives aux municipalités ou aux commissions scolaires, de les déposer ces directives à l'Assem- M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Enlever tout blée nationale pour qu'on puisse en prendre doute que peut-être vous allez l'utiliser pour des connaissance. fins politiques. S'il y a un doute que cela s'appli- que ou que cela ne s'applique pas, pourquoi ne M. Bédard: C'est le ministre des Affaires l'interprétez-vous pas de façon que cela ne s'appli- municipales. que pas aux municipalités et que cela ne s'appli- que pas aux commissions scolaires, sous réserve La Présidente (Mme Cuerrier): M. le minis- d'obtenir des avis juridiques. Pour le moment, il y tre... a un doute. On veut être consistant, je parle pour nous, avec notre propre... M. Fontaine: Ce n'est pas pour prendre un avis. Je veux savoir s'il va le faire oui ou non. M. Bédard: C'est ce que vous dites.

M. Bédard: J'ai le droit de prendre avis. M. Ciaccia: Oui, mais je donne une hypothèse pour essayer de trouver une solution, pour être M. Tardif: Vous nous conseillez de prendre consistant, cohérent avec vos propres intentions avis. C'est ce que je vais faire. et la propre manière dont vous aviez interprété la loi 101 en disant: Très bien, nous allons l'interpré- M. Fontaine: Mme la Présidente, je demande ter de telle façon que cela va causer le moins de au ministre s'il va les déposer à l'Assemblée problèmes possible aux municipalités et aux com- nationale ou s'il ne les déposera pas? S'il ne veut missions scolaires, et on va dire que cela s'appli- pas les déposer, qu'il dise non. S'il veut les que strictement au chapitre III sous réserve d'une déposer, qu'il dise oui. opinion juridique qui pourrait être obtenue et, à ce moment-là, nous prendrons les mesures qui s'im- M. Tardif: Mme la Présidente... posent.

M. Fontaine: Je ne sais pas ce qu'ils veulent M. Bédard: Mme la Présidente... avoir le Parti québécois. Un oui ou un non, qu'ils le disent. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice. M. Tardif: Si jamais on me conseillait d'en- voyer... M. Bédard: C'est évident qu'en tant que gouver- nement, on essaie de légiférer dans le sens de créer La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre le moins d'ennuis possible aux citoyens, de légiférer des Affaires municipales. dans le sens de l'intérêt des citoyens. D'autre part, il faut quand même être réaliste. Nous avons devant M. Tardif: ... quelque directive que ce soit aux nous un jugement, — je vous le dis très simple- municipalités, évidemment, j'en envoie 1600 co- ment, c'est l'opinion des juristes tant du ministère pies aux 1600 municipalités. J'en enverrai 110 de la Justice que du comité de législation que des copies aux députés de la Chambre. juristes des Affaires municipales — nous avons devant nous un jugement dont le libellé est tel que La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député nous devons légiférer dans le sens que nous vous de Mont-Royal. proposons de le faire, dans le sens du projet de loi que nous étudions. Il est évident que si notre M. Ciaccia: Mme la Présidente, admettons conviction était que nous devons légiférer en pour un moment qu'il y a un doute, nous, nous ne moins par rapport à ce que nous proposons dans croyons pas qu'il y ait de doute dans l'interpré- le projet de loi, nous le ferions. D'un autre côté, on tation du jugement de la Cour suprême. Suppo- n'a pas le droit, à partir du désir — c'est hu- sons qu'on admet qu'il y a un certain doute à la main — de vouloir minimiser la portée, d'accepter page 11, Mme la Présidente, je fais une hypothèse de devenir irréaliste et d'oublier les mots mêmes, dans l'intérêt d'essayer de trouver une solution. le libellé même du jugement qui dit — je vais le répéter, mais très rapidement: "Pour ce qui est de Supposons qu'on dit: Oui, il y a un doute, est-ce la question de savoir si les règlements établis sous que cela ne serait pas dans l'intérêt des muni- le régime de lois de la Législature du Québec sont cipalités, dans l'intérêt de l'intention du gouver- des actes au sens de l'article 133 — c'est la Cour nement, telle qu'exprimée par le ministre des suprême qui le dit — il est évident que ce serait Affaires culturelles, d'appliquer la loi de façon à tronquer l'obligation imposée par ce texte que de causer le moins de problèmes possibles, et à ne pas tenir compte de l'essor de la législation enlever tout doute... déléguée. Il s'agit d'un cas où le plus — elle en ajoute encore — englobe le moins, pour être sûr M. Bédard: Je suis parfaitement d'accord avec de ne rien oublier." A cela, nous avons évoqué vous. tout à l'heure un jugement, à savoir le jugement Hodge versus la Reine, qui a spécifié, qui a M. Ciaccia: ... que peut-être vous... 4531 tranché dans le sens que des règlements munici- par l'administration publique, à toutes fins utiles, paux étaient une législation déléguée. C'est l'argu- parce qu'elle parle de la législation déléguée mentation juridique que j'ai employée dès le — on parle a priori et on va juste s'occuper de départ de la discussion sur cet article. Je crois que l'administration publique; je ne parle pas de l'argumentation que j'ai apportée n'a rien de poli- l'autre théorie qui voudrait que cela affecte éga- tique. Je pense bien qu'elle se situe seulement sur lement la Loi des compagnies, je parle juste des le plan juridique. L'Opposition nous dit qu'elle a administrations publiques; j'inclus les corps muni- fait des consultations. Le chef de l'Opposition cipaux et scolaires — non seulement doit publier, nous a dit qu'il avait fait des consultations — je non seulement doit être rendu public en anglais et n'ai pas raison d'en douter, loin de là — qui en français, mais doit avoir été adopté en anglais étaient dans ce sens. En tout cas, les représen- et en français. C'est la premier affirmation qui est tations qu'on lui a faites seraient dans le sens que contenue à la page 5. cela n'affectait pas ou ne touphait pas les munici- A la page 11 du jugement, on dit: II est bien palités ou les commissions scolaires. Je ne suis évident qu'au sens de l'article 133 du BNA Act, il pas là pour mettre en doute ce que dit le chef de faut également considérer que toute la législation l'Opposition. Je dis simplement ce sur quoi je me déléguée — le plus inclut le moindre — est base, sauf que j'aimerais bien que l'Opposition considérée comme sujette à cette même règle que — si cela nous aide, tant mieux — nous donne des les lois, c'est-à-dire que ce doit être non seule- arguments juridiques qui soient de nature à nous ment publié et rendu public en anglais et en convaincre qu'on légifère en trop. français, mais que cela doit avoir été adopté en (6 heures) français et en anglais. L'interprétation que nous Je vous le dit très honnêtement, je crois que donnons et que tous les légistes donnent à cela, l'Opposition n'a amené aucune argumentation c'est qu'un règlement municipal, c'est de la lé- juridique qui serait de nature à nous faire légiférer gislation déléguée. Maintenant, je pense que le autrement que ce qui est contenu dans le projet raisonnement est en trois points, comme on de loi. C'est pour cela que nous légiférons dans ce l'apprend en première année à la Faculté de droit. sens, non pas en étant heureux d'être obligés de Le député de Marguerite-Bourgeoys a connu cela, légiférer comme ça, mais parce qu'on essaie il a même enseigné si je ne me trompe pas. d'être le plus logique possible du point de vue J'aimerais maintenant entendre la démonstra- juridique par rapport au libellé du jugement de la tion contraire de la part de l'Opposition, à savoir Cour suprême. que les municipalités ne sont pas couvertes; qu'on en fasse la démonstration contraire en commis- M. Lalonde: Merci. sion sur un plan juridique. Qu'on arrête de parler d'histoires abracadabrantes et de mêler les sépa- La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai deux de- ratistes à cela. On est ici, en commission, pour mandes d'intervention. M. le ministre du Travail régler un problème juridique. J'aimerais entendre, me fait signe depuis tantôt qu'il veut ajouter en trois points, la démonstration du député de quelque chose. Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que j'avais demandé la La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député parole avant? de Marguerite-Bourgeoys, vous aviez demandé la parole. La Présidente (Mme Cuerrier): Non. M. le ministre du Travail me faisait signe... M. Lalonde: Si le gouvernement croit qu'on doive faire preuve de prudence à cause de ces M. Lalonde: Allez-y. hypothèses qu'il décrit comme des certitudes, cela fait à peu près cinq fois que je vous dis qu'on est La Présidente (Mme Cuerrier): ... qu'il voulait prêt à adopter l'article 3. ajouter quelque chose. M. Bédard: Bon, adoptons-le. M. Lalonde: Si cela peut aider à accélérer les travaux. M. Lalonde: Cela fait une heure que je l'ai dit.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous don- M. Bédard: Voyons! nerai la parole immédiatement après, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. Johnson: Mais on n'a pas votre réponse!

M. Johnson: Je ne voudrais pas répéter ce La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il que mon collègue vient de dire, mais simplement vous plaît! compléter de la façon suivante pour essayer de résumer cela en essayant de ne pas utiliser la M. Lalonde: Je l'ai répété il y a à peu près dix terminologie juridique. La Cour suprême nous dit minutes. essentiellement une chose. Elle nous dit que ce qui, dans le passé — à partir de l'analyse de la loi La Présidente (Mme Cuerrier): L'amende- 101 — au Québec n'a pas été adopté en anglais ment à l'article 3 est-il... 4532

M. Lalonde: Sauf que je dois dire au ministre La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le dé- que cette prudence dont il fait preuve actuelle- puté de Mont-Royal... ment, on aurait souhaité qu'il en fasse preuve lors de l'adoption de la loi 101. M. Lalonde: Mme la Présidente, je pensais que le député de Chicoutimi était ministre de la M. Johnson: Adopté, Mme la Présidente. Justice.

M. Lalonde: Je suis sûr que c'est la même La Présidente (Mme Cuerrier):... qui a la pa- prudence dont il fera preuve dans ce cas-ci que role actuellement. celle dont il fait preuve dans les poursuites qu'on lui a demandées, que la Commission de surveil- M. Ciaccia: Mme la Présidente, merci. lance de la langue française lui a demandées dans quelques dossiers depuis plusieurs mois, poursui- La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député tes qui n'ont pas été prises encore. On ne fait pas de Mont-Royal. de vagues avant le référendum, Mme la Prési- dente! Je suis sûr qu'il va faire preuve de pruden- M. Lalonde: J'ai une question de règlement, ce aussi dans ce cas-ci exactement comme dans Mme la Présidente, j'ai dit que j'étais prêt... les autres. M. Bédard: Cela ne m'empêche pas d'avoir les La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député yeux ouverts quand même je serais ministre de la de Mont-Royal. Justice.

M. Bédard: Je serai sûrement beaucoup plus La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il prudent dans mes gestes que le député de Mar- vous plaît! M. le ministre de la Justice, s'il vous guerite-Bourgeoys l'est dans ses paroles. plaît!

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député M. Lalonde: Mme la Présidente... de Mont-Royal. La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une ques- M. Ciaccia: Mme la Présidente, si vous me le tion de règlement, M. le député de Marguerite- permettez et si le ministre me le permet, je vais Bourgeoys. lire... je vais référer... M. Lalonde: J'ai peut-être frappé un point sen- M. Bédard: Mme la Présidente, avant de pas- sible quand j'ai parlé des... ser, l'Opposition a dit qu'elle était prête, le député de Marguerite-Bourgeoys a adopté l'article 3. Est- La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une ques- ce qu'on est prêt ou si on n'est pas prêt? tion de règlement, m'avez-vous dit, M. le député...

M. Lalonde: On est prêt mais il y a beaucoup M. Lalonde: Je ne sais pas pourquoi le minis- de membres ici, il y a beaucoup de membres qui tre perd le contrôle de ses gestes... ont droit de parole. M. Bédard: Au contraire. M. Bédard: Vous voyez un peu, je ne dirai pas l'hypocrisie, Mme la Présidente, mais... M. Lalonde:... en me traitant d'hypocrite alors que tout ce que j'ai dit, c'est que j'étais prêt et je M. Lalonde: Un instant! Question de règle- suis prêt maintenant à l'adopter. Mais le ministre... ment.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le minis- M. Bédard: Nous sommes prêts aussi. tre... A l'ordre, s'il vous plaît! M. Lalonde: ... ici, dans l'Opposition offi- M. Lalonde: Mme la Présidente, question de cielle... règlement. La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal... M. Lalonde: ... ce n'est pas comme dans le Parti québécois, chaque membre a le droit de M. Bédard: Non, non, j'ai dit: Je ne dirai pas parler... l'hypocrisie... La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît! M. Lalonde: suivant les règlements.

M. Bédard: ... ce n'est pas cela que j'ai dit? M. Bédard: Non, non, mais alors... 4533

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député — seulement indirectement — a new interpret, a de Mont-Royal. regulation or a law of a municipality has been a regulation issued directly under the act of that M. Bédard: ... arrêtez de... municipality. When the judgment of the Supreme Court speaks of regulations issued under the La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! authority of the acts of the Legislature, it means directly under the authority of the acts of the M. Bédard: ... tout ce que je vous demande, Legislature and directly would mean regulations of arrêtez de laissez croire que l'Opposition est prête the Lieutenant Governor in Council. Otherwise, it à adopter cela tout de suite... would say directly or indirectly, or it would say under the authority of a municipality." La Présidente (Mme Cuerrier): M. le... If the judgment of the Supreme Court of Ca- nada had wanted to, had wished or had encom- M. Bédard: ... parce que vous êtes contredit pass municipalities, it would have stipulated not tout de suite par vos collègues qui veulent parler. only under the authority of acts of the Legislature Je n'ai pas d'objection. of Québec but it would have stipulated under authority of acts of a municipality and of a school La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai déjà don- commission. It specifically did not refer to munici- né la parole au député de Mont-Royal. palities, it did not refer to school commissions. It restricted its application — cela restreint son ap- M. Ryan: II n'y a pas moyen de les contrôler. plication — to the authority of acts of the Legis- lature. M. Bédard: Vous n'êtes pas capable de les contrôler? La Présidente (Mme Cuerrier): L'amende- ment... M. Ciaccia: Mme la Présidente... M. Ciaccia: At no time you cannot impute an M. Bédard: Le chef de l'Opposition n'est pas intention. One of the rules of interpretation, even if capable de les contrôler. you take the rules of interpretation of the Civil Code, if the Supreme Court had intented that this La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député judgment would work to apply to a municipality or de Mont-Royal. to a school commission, the Supreme Court would have specifically included in its judgment a M. Ryan: Problème de leadership. reference to a municipality or a school com- mission. M. Ciaccia: Mme la Présidente... I think that the judges of the Supreme Court — and it is the only way to interpret it — are suffi- M. Bédard: Pourtant, il me semblait que... ciently specific in the intention in which they expressed themselves and it is not up to the La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre minister of Justice or to anyone else to impute an de la Justice! intention to a judgment. (6 h 10) M. Ciaccia: Le ministre a demandé un argu- La Présidente (Mme Cuerrier): L'amende- ment juridique. ment à l'article 3 est-il adopté? La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député M. Ciaccia: Bien oui, Mme la Présidente, mais de Mont-Royal. je voudrais avoir la réponse du ministre de la Jus- tice, lui demandant une opinion juridique. Le M. Ciaccia: Je vais tenter de lui en fournir un, moins que je pourrais m'attendre c'est... mais je vais me référer au jugement en anglais, si vous me permettez, parce que c'est un peu plus M. Lalonde: Le ministre du Travail et de la facile pour moi de... Main-d'Oeuvre en a demandé une.

Une Voix: Malgré vous autres. M. Bédard: J'ai pris note de l'argumentation du député. Je lui ai donné l'argumentation sur la- Une Voix: Vous n'avez pas d'argument juri- quelle je m'appuyais, pas seulement moi comme dique. ministre de la Justice, mais tous les légistes, tant du ministère des Affaires municipales, du minis- M. Ciaccia: Oui, j'en ai un, un argument juridi- tère de la Justice et du comité de législation, pour que. Le jugement dit: "Dealing now with the ques- donner l'interprétation, la véritable interprétation, tion whether regulations issued under the que nous croyons être la véritable interprétation, authority of the acts of the Legislature of Québec, sinon, nous ne légiférerions pas dans le sens que a regulation issued under a municipality is not a nous légiférons. regulation issued under the authority of the On ne légifère quand même pas pour le plai- Legislature. It is a regulation issued under the sir, on légifère, parce qu'il y a eu un jugement de authority of the municipality. Only very indirectly la Cour suprême qui a les effets que nous croyons, 4534 qui nous oblige à légiférer comme nous légifé- Ce sont des amendements de forme encore une rons. fois. Le 13 décembre, à la troisième ligne du pre- Je reconnais que le député a droit à ses opi- mier alinéa est remplacé par 14 décembre 1979. nions, je les respecte, mais l'argumentation qu'il nous a présentée — je le dis humblement — n'est La Présidente (Mme Cuerrier): Amendement pas de nature à ébranler l'opinion que j'ai émise adopté. tout à l'heure, à partir du jugement lui-même. Des Voix: Adopté. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska. La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

M. Fontaine: Etant donné que le gouverne- M. Johnson: Deuxièmement, à la ligne suivan- ment fédéral peut demander une opinion à la Cour te, le numéro 442 est remplacé par le numéro 432. suprême — oui, le gouvernement existe toujours, ne soyez pas inquiets, cela ne sera pas long qu'il La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté? va revivre à part cela- est-ce que le ministre de la Justice ou le gouvernement serait d'accord pour Une Voix: ... communiquer avec le ministre de la Justice fédéral afin de lui demander qu'il fasse une intervention M. Johnson: Parce que c'est une erreur de auprès de la Cour suprême pour donner l'interpré- copie. tation de cette partie du jugement. M. Lalonde: Je voulais vérifier. Mme la Prési- M. Bédard: Je répondrai dans le sens d'une dente, je voulais justement vérifier... interrogation. Je me demande jusqu'à quel point on peut demander à la Cour suprême d'interpréter M. Johnson: Je n'ai pas d'opinion juridique au son propre jugement. soutien de mon amendement, c'est une erreur de copie. M. Fontaine: C'est possible. Une Voix: Ils sont fatigants. La Présidente (Mme Cuerrier): L'amende- ment à l'article 3 est-il adopté? M. Lalonde: Je voulais vérifier si c'était dans les chiffres qui sont mentionnés dans l'autre para- M. Bédard: Vous dites que c'est possible, je graphe. Or, c'est le chiffre suivant et de là ma me pose l'interrogation. question à savoir où est le dépôt. Est-ce qu'il a été fait en même temps que le premier dépôt auquel La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre on a assisté solennellement tantôt? de la Justice. M. Charron: Je crois pouvoir fournir l'informa- M. Bédard: Normalement, on est censé être tion, parce que j'ai voulu respecter, je crois que capable de lire... cela a été fait, sous toutes réserves, au bureau du greffier, pendant que l'Assemblée était saisie du La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre projet de loi ce soir. Je ne mettrais pas mon siège de la Justice, est-ce que vous êtes prêt à adopter en jeu là-dessus. l'article 3? M. Lalonde: Vous n'êtes pas au vôtre de toute M. Bédard: Sûrement. Le chef de l'Opposition façon! est d'accord. M. Charron: Surtout que je ne suis pas au La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3, mien! adopté? Adopté. M. Lalonde: C'est parce que l'article parle M. Bédard: Enfin. d'un dépôt sur le bureau du secrétaire, comme celui... La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3 tel qu'amendé, adopté. M. Charron: Là, je mets mon siège en jeu!

M. Johnson: Tel qu'amendé? La Présidente (Mme Cuerrier): Vous courez des risques, M. le leader! La Présidente (Mme Cuerrier): Oui. Adopté. M. Charron: On dit que tout a été déposé en Une Voix: Article 4. bonne et due forme. C'est l'information que j'ai. Donc, ce qu'on m'avait dit entre les branches est La Présidente (Mme Cuerrier): Article 4. confirmé et tout a été fait.

M. Johnson: A l'article 4, deux amendements. M. Lalonde: Sur le bureau du secrétaire. 4535

M. Charron: C'est cela. M. Bédard: Essentiellement, je pense bien que ce n'est pas l'idée des membres de l'Opposition de La Présidente (Mme Cuerrier): L'amende- faire en sorte de retourner à une situation qui ment est-il adopté? serait même un recul par rapport à la loi 22. C'est pour cela qu'on a inséré cette disposition et je M. Lalonde: L'amendement est adopté sûre- pense que cela va de soi. ment, Mme la Présidente. M. Lalonde: Je n'ai pas eu le temps de La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 4, tel continuer mon explication quand le ministre m'a qu'amendé, est-il adopté? interrompu. Si vous le permettez, je vais la termi- ner. M. Lalonde: J'aimerais que nous ayons quel- ques explications. De quels documents s'agit-il? M. Bédard: D'accord. La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre M. Lalonde: Donc, on conserve l'article 40 tel de la Justice. quel et on propose ceci comme article 40.1 : "En cas de divergence entre les textes français et M. Bédard: Le texte anglais des Lois refon- anglais, le texte français prévaut." Le ministre dues de 1977 a été dactylographié directement à vient de référer à la loi 22, sauf qu'à la loi 22 on partir de l'ordinateur du service de jurimétrie chez avait eu une certaine prudence et on avait dit ceci l'Editeur officiel. C'est aride comme explication. à l'article 2: "En cas de divergence que les règles Ce texte brut a été déposé en divers volumes ordinaires d'interprétation ne permettent pas de comme document sessionnel 4432. Par cet article, résoudre convenablement, le texte français des on donne force de loi à ce texte à compter du 1er lois du Québec prévaut sur le texte anglais." La septembre 1979, date à laquelle on a proclamé en raison était bien naturelle, à savoir que la délibéra- vigueur le texte français des Lois refondues. tion se fait très majoritairement en français et, Comme ce texte ne sera pas disponible pour le donc, que le texte français a plus de chances de public en général, on conserve toutefois en vi- refléter l'intention du législateur, au cas de doute. gueur le texte anglais des lois remplacées par les Lois refondues jusqu'à ce que l'Editeur officiel ait M. Bédard: C'est exact. publié une édition reliée et une édition sur feuilles mobiles de ce texte. Lorsque ces éditions seront M. Lalonde: Maintenant, pourquoi pas cette disponibles, une proclamation abrogera le texte précaution de référence aux règles ordinaires? anglais des lois remplacées, comme on l'a déjà fait pour le texte français. M. Johnson: Parce que, en pratique, les règles ordinaires prévoient qu'on ne peut pas faire affaire M. Lalonde: Adopté. avec un texte législatif sans, à un moment donné, être capable de l'interpréter. Les principes mêmes La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 4 d'interprétation nous disent qu'on peut toujours adopté tel qu'amendé. interpréter un texte de loi, c'est-à-dire qu'on présume que le législateur en général est cohérent M. Bédard: C'est l'explication limpide d'un et non seulement en général, mais qu'il est texte compliqué. toujours cohérent, ce qu'on ne peut pas néces- sairement présumer de tout le monde ou de toutes M. Lalonde: C'est ainsi que je l'avais compris les institutions, mais on présume cela. à la lecture. La seule chose, c'est que je n'avais (6 h 20) pas eu connaissance de l'arrêté en conseil Or, en disant dans la loi 22, comme c'était le 2046-79, mais j'ai présumé que c'était celui qui cas, qu'à partir du moment où les règles d'inter- avait abrogé les lois et fait entrer en vigueur le 1er prétation normales ne nous permettent pas de septembre 1979 la nouvelle refonte. trouver une solution, là, le texte français va prédominer. Mais en pratique, "le texte français va prédominer" devient totalement inopérant comme M. Bédard: C'est exact. notion, parce que la première notion réfère à cette notion générale du droit d'interprétation qui dit La Présidente (Mme Cuerrier): Article 5 adop- qu'il faut toujours trouver une interprétation à un té? texte de loi. Or, ce qu'on vient dire, ici, clairement, c'est M. Lalonde: Mme la Présidente, j'aurais une que s'il y a une contradiction entre le texte question à l'article 5. L'article 40 reste tel quel français et le texte anglais, c'est le texte français dans la Loi d'interprétation. Cet article 40 avait été qui prévaut au niveau de l'interprétation, ce qui a justement amendé par la loi 101, je pense, dans l'avantage d'être plus clair, ce qui a l'avantage son deuxième alinéa qui se lit comme suit: "Les d'être le gros bon sens au Québec et qui est lois doivent s'interpréter, en cas de doute, de probablement ce que va, sans doute, adopter le manière à ne pas restreindre le statut du français." Manitoba. Enfin, je ne sais pas si ces gens vont le On n'a jamais trop compris ce que cela voulait faire, mais cela ne m'étonnerait pas que le Mani- dire. toba l'adopte, mais en sens inverse. 4536

M. Lalonde: Le texte français ou le texte pour qu'un tel recours ne soit pas possible, anglais. puisque, effectivement, ces condamnations ont été faites en vertu de lois légales, à partir du M. Johnson: Sûrement pas le texte français. moment où on adopte le présent projet de loi.

M. Bédard: C'est-à-dire, comme les débats M. Lalonde: Alors, l'article 6 est adopté. sont en français, on légifère en français. La Présidente (Mme Cuerrier): Article 6 adop- M. Lalonde: Je remercie le ministre de ses té. Article 7, adopté. explications. M. Lalonde: Adopté. M. Bédard: C'est sûrement dans cette langue qu'on a le plus de chance d'être conforme à M. Bédard: Le projet de loi est adopté. l'intention du législateur. J'imagine que le Manito- ba, s'il a à légiférer, dans le cas de divergences, M. Johnson: Le projet de loi est adopté, tel prévoira que ce sera naturellement le texte anglais qu'amendé? qui prévaudra. La Présidente (Mme Cuerrier): Le projet de M. Lalonde: On va leur laisser régler leurs loi est adopté, tel qu'amendé. M. le Président, j'ai propres problèmes. l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi no 82 et qu'elle l'a M. Bédard: Oui, on a assez des nôtres. adopté avec les amendements. La Présidente (M. Cuerrier): L'article 5 sera-t- Le Président: Comme il me serait difficile il adopté? d'appeler à ce moment-ci les affaires courantes et de parler d'affaires courantes, je vais demander si M. Lalonde: Je remercie le ministre du Travail le rapport est adopté avec ses amendements. de ses explications, je pense bien qu'on n'a pas besoin de se soumettre à une délibération plus M. Lalonde: Adopté. avancée, je les accepte telles quelles. Nous pou- vons adopter l'article 5, Mme la Présidente. Le Président: Adopté? Et je vais maintenant demander si la motion de troisième lecture sera adoptée. La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 5 est M. le chef de l'Opposition officielle. adopté. Troisième lecture M. Johnson: L'article 6, Mme la Présidente? M. Claude Ryan La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. Ryan: Je n'ai pas l'intention d'intervenir, M. Lalonde: ... pour être franc avec vous. Je veux seulement faire deux remarques très brèves pour que ce soit bien M. Bédard: L'article 6 vise un problème prati- clair qu'on s'est compris là-dessus et que ce que que. En effet, puisque la présente loi vise à nous avons voulu dire a été bien entendu de remplacer des lois ou des règlements existants, en l'autre côté. vertu desquels des poursuites pénales ont pu être D'abord, nous approuvons, par ce projet de loi prises et des condamnations prononcées, il con- — je ne sais pas combien — peut-être 250 versions vient, à cause de la Charte des droits et libertés de anglaises que nous n'avons pas eu le temps de la personne, de consolider ces situations malgré lire, évidemment. Il y a une grande imprudence là- l'effet rétroactif possible des lois et des règlements dedans. Nous sommes forcés par les circonstan- qui ont pour effet d'effectuer un remplacement. ces, mais je tiens à enregistrer un certain malaise Autrement dit, il y a eu... que je vais éprouver avant de voter pour en troisième lecture. Je tiens à le dire bien claire- M. Lalonde: Avouez que c'est un caractère ment. J'espère que ces lois pourront faire l'objet, rétroactif très artificiel. Au fond, l'intention du dans leur version anglaise, de vérifications de la législateur, c'était qu'il y ait une loi. par des experts du gouvernement, de manière que si des amendements tout à fait majeurs s'impo- M. Bédard: C'est qu'en fonction des lois qui saient, pour éviter des difficultés devant les tribu- ont été passées ou des règlements, il y a eu, naux, ils nous soient présentés et qu'on puisse les naturellement, des condamnations qui ont pu être adopter dans le même esprit de collaboration que faites à l'endroit de certaines personnes, des nous avons manifesté aujourd'hui. peines ont pu être subies par certaines personnes; Ma deuxième remarque est aussi brève, M. le pour éviter que ces mêmes personnes puissent Président. Je voudrais que le gouvernement tienne revenir avec des réclamations contre le gouverne- compte des opinions que nous lui avons données ment, sous prétexte que les lois étaient illégales, il au stade de l'étude article par article et qu'au faut naturellement prévoir insérer cette disposition moins, au cours des jours qui suivront l'adoption 4537 de cette loi, il fasse montre d'une certaine retenue, M. Charron: Oui. Je l'ai nommé. de manière que si nous avons des opinions à lui communiquer, elles puissent peut-être avoir la M. Levesque (Bonaventure): Je comprends. moindre chance de l'aider dans son travail. (6 h 30) Motion de premières et deuxièmes lectures Le Président: M. le ministre d'Etat au Déve- loppement culturel. M. Charron: II y en a même qui ont déjà deux lectures de faites. Ma deuxième motion, c'est que M. Camille Laurin le texte français et le texte anglais de chacun des projets de loi que je vais maintenant énumérer M. Laurin: M. le Président, le chef de l'Oppo- soient lus une première et une deuxième fois, sition est d'un naturel très méfiant — je viens de autrement dit, pour les remettre à l'étape où ils découvrir cela ce soir — mais je pense que le étaient: Les projets de loi 17, 28, 41, 43, 51, 54, 55, gouvernement peut le rassurer que toutes les pré- 57, 60, 61, 71, 72 — c'était celui de cet après- cautions seront prises pour que les dangers midi — 74 et 77. éventuels qu'il nous signale seront évités. Quant aux avis qu'il pourrait nous faire parvenir, à l'appui M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le des positions qu'il a failli poser sous forme de Président. Il ne faudrait pas que le leader parle- motion autour de l'article 3, évidemment, nous mentaire du gouvernement pense qu'on va chan- serons toujours heureux de les accueillir. ger notre vote en deuxième lecture sur certains de ces projets de loi. On nous demande de voter en Le Président: Merci. Je demande maintenant faveur de l'adoption de ces projets de loi alors que si cette motion de troisième lecture sera adoptée. je suis sûr que, dans certains cas, nous avons enregistré un vote négatif. Des Voix: Adopté. M. Charron: D'accord. Le Président: Adopté. M. Levesque (Bonaventure): II faudrait tenir Motion de premières lectures compte de cela, M. le secrétaire général, M. le Président. M. Charron: M. le Président, puisque nous devrons revenir à la normale un jour, et conformé- Le Président: Adopté suivant les mêmes votes ment à l'engagement que j'ai pris au milieu de pour chacune des lois qui ont été enregistrés. l'après-midi, ici, à l'Assemblée, afin d'obtenir que chacun consente à poursuivre les travaux "comme M. Charron: Cela aurait peut-être été une si de rien n'était", tout en sachant l'importance de bonne occasion de corriger un vote, mais je ce que nous avions à discuter ce soir, je voudrais n'insisterai pas davantage. Nos amis sont contre la présenter très brièvement trois motions rapides. santé et la sécurité, sont contre les garderies, sont contre la fiscalité municipale. Que le texte français et le texte anglais de chacun des projets de loi suivants soit lu la M. Levesque (Bonaventure): Question de pri- première fois: Les projets de loi numéros 3, 47, 52, vilège, M. le Président. 59, 65, 66, 68, 70, 73, 75, 78, et là, on passe aux projets de loi privés qui sont au feuilleton, numé- M. Charron: OK. Troisième motion... ros 189, 190, 191, 192, 193, 195, 198, 199, 200, 204, 209, 213, 216, 217, 218, 219, 230, 233, 236, 238, 241, M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, 244, 267, 279, et 280. je pense que le leader parlementaire du gouver- nement fait preuve d'une certaine imprudence, Le Président: Est-ce que cette motion sera surtout à ce moment-ci de la nuit. Je le prierais de se adoptée? restreindre et de laisser à la population le soin d'in- terpréter d'une façon plus objective les prises de Des Voix: Adopté. position sérieuses et responsables de l'Opposition M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le officielle. Président. Il y a des questions qui se posent. Si je comprends bien, il s'agit simplement des motions M. Charron: Une dernière motion, M. le Prési- de première lecture. dent, qui nous permettra de poursuivre les travaux que j'annoncerai à l'instant, pour la journée. Que M. Charron: Quf sont au feuilleton. les ordres de cette Assemblée, relativement à chacun des projets de loi dont elle ou l'une de ses M. Levesque (Bonaventure): Qui sont au feuil- commissions est présentement saisie, soient con- leton. firmés et leur exécution, le cas échéant, poursui- vie. Autrement dit, c'est la motion pour replacer M. Charron: Mais qui ont été faites en français toutes les lois là où elles étaient en commission, seulement. ici ou ailleurs.

M. Levesque (Bonaventure): Cela inclut même M. Levesque (Bonaventure): Pensez-vous, M. le projet de loi no 3. le Président, que nos droits sont bien protégés? A 4538 ce moment-ci de la journée, je me fie beaucoup à possible, vu que le leader parlementaire du gou- la présidence. vernement veut s'en tenir à ce qu'il nous avait an- noncé, puis-je lui rappeler qu'il avait parlé de qua- Le Président: Adopté. torze heures et non de quinze heures? Alors, s'il veut s'en tenir à ce qu'il nous avait proposé, puis- M. Charron: M. le Président, dans un instant je je lui suggérer que nous nous retrouvions ici à vais vous proposer de nous envoyer tous chacun quatorze heures au lieu de quinze heures? chez nous, mais avec un rendez vous, toutefois, que nous reprenions nos travaux à 15 heures, cet M. Charron: Cela ne vous tente pas de dormir après-midi. La période des questions sera suivie une heure de plus, franchement? Non? par la discussion des projets de loi suivants: le projet de loi au nom de mon collègue, le ministre Le Président: M. le leader parlementaire de du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, sur la Régie l'Union Nationale. sur la sécurité dans les sports, je ne me souviens plus du numéro, 78, je crois. En deuxième lieu, le M. Brochu: Une dernière question double, projet de loi au nom du ministre de la Justice, Loi pour l'organisation de nos travaux. Est-ce que le de la police, et, en troisième lieu, le projet de loi leader peut nous dire si c'est son intention d'appe- au nom du ministre de la Justice, aussi, sur les ler les commissions parlementaires à siéger sa- constituts et les tenures. J'apprendrai probable- medi? Deuxièmement, est-ce que lundi, il a l'inten- ment demain, M. le Président, ce que ça veut dire. tion de convoquer ou les commissions parlemen- Pendant ce temps, demain, aussi, après la taires ou l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il peut période des questions, deux commissions se réu- nous l'indiquer maintenant? niront jusqu'à minuit, celle déjà mandatée sur le projet de loi no 17 et celle déjà mandatée sur le M. Charron: M. le Président, je confirmerai de- projet de loi no 57. Je propose l'ajournement... main seulement le menu de lundi sauf que, je pen- se, je peux déjà assurer tout le monde, si c'est une M. Levesque (Bonaventure): M. le Président... façon d'assurer le monde, que la Chambre va se réunir lundi. J'aurais bien voulu réaliser le tour de Le Président: M. le leader parlementaire de force de finir une session sans même revendiquer l'Opposition. un seul lundi mais je crois que la dernière semai- ne, cela fait partie, c'est le moins qu'on puisse M. Levesque (Bonaventure): Puis-je faire une dire, du normal des choses. Quant à des convoca- requête double à l'honorable leader parlementaire tions de commissions parlementaires pour lundi du gouvernement? Y aurait-il moyen, première- matin, j'essaierai de faire mon possible pour l'évi- ment, d'intervertir l'ordre des projets de loi et ter, dans un grand esprit de collaboration. commencer par les projets de loi au nom du ministre de la Justice? Cela accommoderait, je M. Brochu: A quatorze heures ou quinze pense bien, le ministre de la Justice, qui pourrait heures? se libérer plus rapidement. Quant à nous, nous M. Charron: Quinze heures. avons un collègue qui doit quitter demain après- midi, et ce serait peut-être plus court, à ce Le Président: Est-ce que la motion d'ajour- moment-là. J'offre notre meilleure collaboration nement... au ministre de la Justice. Ce serait plus court de cette façon pour le ministre de la Justice. M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avant de ce faire, je voudrais faire remarquer à M. Charron: M. le Président, j'ai déjà pris un l'honorable leader parlementaire du gouverne- engagement à cet égard, je m'en tiens au pro- ment qu'il n'a pas jugé à propos de tenir compte gramme tel qu'il était aujourd'hui, avant que n'arri- de la deuxième suggestion que je lui faisais. Ceci, ve cette urgence. Je les appelle dans le même simplement, pour bien inscrire cette partie de la ordre où j'ai toujours avisé l'Opposition que c'était collaboration du gouvernement. l'ordre dans lequel ils viendraient. D'autre part, j'ai été le premier ce soir, à don- M. Charron: Quatorze heures trente, M. le Pré- ner congé au ministre du Loisir de la Chasse et de sident. la Pêche en lui disant qu'il serait le premier au bâ- ton et le ministre de la Justice à qui je voudrais M. Levesque (Bonaventure): Très bien. bien accorder le temps à la fois de se reposer et de vaquer à son ministère, je lui ai donné congé Le Président: Est-ce que la motion sera adop- jusqu'à la fin de l'après-midi, demain, ou au début tée? de la soirée. Donc, je m'en tiens à ce menu, M. le Des Voix: Adopté. Président, tel que je l'avais annoncé à l'Oppo- sition. Le Président: Adopté. Maintenant, je dois vous rappeler qu'il y a sanction du projet de loi M. Brochu: M. le Président. numéro 82 immédiatement chez le lieutenant-gou- verneur. M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Pré- sident, comme deuxième volet, est-ce qu'il est Fin de la séance à 6 h 38