LE REGROUPEMENT DES GROUPES POPULAIRES EN ALPHABÉTISATION DU QUÉBEC

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ La revue Le Monde alphabétique est publiée par le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) ; elle se veut le reflet de l'alphabétisation populaire et entend en faire la promotion. Elle s'adresse d'abord aux intervenantes et aux intervenants des groupes UN NUMÉRO 13... populaires en alphabétisation afin d'alimenter leur réflexion et leurs pratiques. Les articles RELIEFS publiés dans Le Monde alphabétique n'engagent que leurs auteurs et auteures. • S'ouvrir au monde... informatique • L'écho d'un silence • La prévention : notre petite histoire Responsable de la revue : Nicole Lachapelle • On découvre l'écrit, je t'aide pour la vie ! Rédactrice en chef : Christiane Tremblay Comité de lecture : Élise de Coster (coordonna- ÉCHOS ET RÉFLEXIONS trice en alphabétisation, Carrefour d'éducation • Peut-on « éduquer » l'intelligence ? populaire de Pointe Saint-Charles), Delvyna • Ces laissés-pour-compte de la société Lachance (coordonnatrice, Le pouvoir des mots), e Nicole Lachapelle (coordonnatrice, RGPAQ), québécoise du XX siècle Clode Lamarre (formatrice, La Jarnigoine), • La stratégie des maringouins Fabienne Prentout-Buché (animatrice, Lis-moi tout Limoilou), Christiane Tremblay. ENJEUX Ont collaboré à ce numéro : Bruno Bouchard, • Un C.A. souverain dans une association unie ? Anne Cartier, Serge Courchesnes, Élise de Coster, Nicole Délisle, Natalie Drolet, Rock Gadreau, Lise EN BREF Gervais, Ghislaine Guérard, François Huot, François Labbé, Nicole Lachapelle, Vital • L'impact des nouvelles technologies de Lalancette, Natalie Lavoiîe, José Leclair, Janine l'information sur les pratiques d'un groupe Legros, Brigitte Létourneau, Jean-Yves Lévesque, populaire d'alphabétisation Chantai Nourry, Jean-Robert Placide, Serge Quenneville, Denis Quirion, Monique Roberge, • Le recrutement en alphabétisation Sylvie Roy, Serge Sévigny, Lise St-Germain, Sylvie Tardif, Annie Tremblay, . PRÊTS-À-PORTER Ont collaboré au dossier : Raymonde Cochrane, • Qui a peur de la recherche ? Suzanne Daneau, Carole Doré, Jeanne Francke, Nicole Lachapelle, Gilles Landry, René Paradis, DOSSIER Christian Pelletier, Lise St-Germain, Lucie St-Germain, Solange Tougas et les groupes mem- On n'a pas tous les jours 20 ans ! bres du RGPAQ (présentations). • Une longue histoire ! Designer graphique : Pierre Lachance • Création collective Réviseure : Isabelle Chagnon • Jusqu'où iront les participantes Correctrice : Suzanne Éthier et les participants de nos groupes ? Correctrices d'épreuves : Nathalie Dionne, • Action ! Suzanne Éthier, Anne Pasquier, Christiane • De l'importance de notre propre formation Tremblay. • Journal d'un classeur populaire La publication de la revue est financée par le • Album de famille Secrétariat national à l'alphabétisation du gouvernement du Canada. Le tirage est de 500 • Qui êtes-vous les groupes membres ? exemplaires. Les textes sont soumis au Comité • En conclusion de lecture, auquel revient la décision de leur publication dans la revue. CÔTÉ JARDIN Prix: 10$ • La volonté qui soulève des montagnes Correspondance : Veuillez adresser toute corres- pondance au Regroupement des groupes popu- D'AILLEURS laires en alphabétisation du Québec, 2120, rue • Un passeport pour quitter la pauvreté Sherbrooke Est, bureau 302, Montréal (Québec) H2K 1C3 AU-DELÀ DE LA LETTRE N° de téléphone : (514) 523-7762 • Il était une fois un auteur N° de télécopieur : (514) 523-7741 • Écrire pour le plaisir Courriel : [email protected]

Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec PROFIL DE GROUPE et Bibliothèque du Canada • Le CEP de l'Estrie : le goût de continuer ISSN: 1183-515X • Lis-moi tout Limoilou ou avoir le vent en poupe Imprimé sur papier recyclé À VOIR... À LIRE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Un numéro

Nicole Lachapelle, coordonnatrice du RGPAQ

tration de ce que nous avançons depuis toujours, que les racines de l'analphabétisme sont plutôt sociales et politiques qu'individuelles ! Dans la chronique D'ailleurs, vous pourrez parcourir les Tant qu'à travailler à un numéro 13, valait routes du Togo, à la suite d'alphabétiseurs enga- mieux le faire en grand : en profiter pour mar- gés. À la chronique Au delà de la lettre, la parole quer les 20 ans du Regroupement ! Pour cela, il est donnée à des participantes et participants a fallu fouiller dans les vieilles boîtes, ressortir handicapés d'Alma ainsi qu'à un participant de les photos oubliées, faire des calculs savants pour La Tuque, qui a connu une expérience très par- être sûrs de parler des bons événements aux bons ticulière avec les mots. Dans la chronique Profil moments. Nous y avons mis beaucoup de notre de groupe, un « jeune » organisme de Québec et créativité, car il en faut pour rendre compte de un « vieux » de Sherbrooke se présentent. En- 20 ans de prises de position, de manifestations, fin, comme à l'habitude, bon nombre de docu- de dénonciations, de rencontres avec une dizaine ments susceptibles de vous intéresser sont briè- de ministres de l'Éducation ; pour parler d'une vement décrits dans la chronique A voir... à lire. trentaine d'assemblées générales, de centaines de Mais n'oubliez surtout pas le dossier, qui re- journées de formation, de tonnes de documents trace, parfois avec humour, parfois avec nostal- de réflexion et d'analyse ; pour rendre hommage gie, les faits marquants de ces 20 ans de luttes, à tous ceux et à toutes celles qui, pendant deux sans lesquelles l'alphabétisation populaire décennies, ont façonné le RGPAQ. n'aurait pas réussi à s'imposer. C'est grâce à quel- La revue, c'est aussi vos chroniques préférées. ques pionniers et pionnières que l'analphabé- Vous constaterez que la créativité est tout aussi tisme a fini par être pris au sérieux et que les présente sur le terrain. En effet, beaucoup de adultes ayant de la difficulté à lire et à écrire ont recherches ont été menées ces dernières années, pu espérer des solutions adaptées à leurs besoins. en particulier en prévention de l'analphabétisme En somme, nous avons voulu parcourir le che- (compétences parentales, éveil à l'écrit) ainsi min qui a fait de nous ce que nous sommes : un qu'en utilisation des nouvelles technologies de mouvement dynamique, présent dans toutes les l'information, et, signe des temps, les groupes régions du Québec, lié aux pratiques du mou- d'alphabétisation s'intéressent de plus en plus à vement communautaire, fort de ses 20 ans d'ex- l'emploi. D'autre part, après un dernier article périence, désireux de se renouveler et de pour- fort apprécié sur la communauté de recherche suivre son travail de représentation des groupes en alphabétisation, le Groupe en alphabétisation populaires d'alphabétisation, de défense collec- de Montmagny-Nord récidive en se question- tive des droits des personnes lésées par leur ni- nant cette fois sur l'« éducabilité » de l'intelli- veau d'alphabétisme et de développement des gence. Il est aussi question du Code civil : de- pratiques d'alphabétisation populaire. puis qu'il a été modifié, on note tout à coup que Nous espérons que la revue du RGPAQ oc- certaines règles régissent les organismes à but non cupera une place de choix parmi vos lectures lucratif, et ce, souvent au détriment de leurs prin- d'été. Bonnes vacances et bon retour dans le cipes. Vous trouverez également des récits de vie temps ! de participants et participantes mis en parallèle avec les grandes périodes de l'histoire du Qué- bec du XXe siècle. Voilà une éclatante démons-

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 1 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Le Carrefour d'éducation populaire, c'est 30 ans Nous avons entrepris, en étroite collaboration de quêtes, de rêves, de luttes et de victoires. Une avec Communautique1, une démarche de ré- longue histoire de solidarité, d'engagement et flexion collective sur les enjeux économiques et de persévérance. Né des aspirations d'une poi- sociaux de l'utilisation des nouvelles technolo- gnée de citoyens et de citoyennes, bien ancré gies, sur leurs avantages et leurs pièges, sur les dans la réalité, le Carrefour demeure un acteur peurs et les engouements qu'elles suscitent. Nous essentiel en éducation et en alphabétisation po- nous sommes interrogés sur la pertinence d'in- pulaires. Ses membres prennent part aux débats, troduire au Carrefour de tels outils, sur la né- se prononcent sur les questions de l'heure et s'in- cessité de les adapter à notre contexte, c'est-à- vestissent dans ses nombreux comités pour bien dire à une population peu scolarisée, et sur la se faire entendre. Les participants et les partici- place qu'ils devraient prendre dans une commu- pantes sont au cœur des pratiques. nauté comme la nôtre, où des problèmes comme la violence, la faim, le décrochage scolaire et Peur et passion : l'informatique l'analphabétisme demeurent encore, malheureu- dans un contexte d'éducation populaire sement, au centre des préoccupations d'une trop Au moment où l'on introduisait les premiers or- grande partie de la population. Quelles seraient dinateurs au Carrefour, personne ne pouvait pré- les limites de cette démarche et quels seraient voir l'ampleur des changements que cela provo- les facteurs déterminant ces limites ? querait. Nous sommes finalement arrivés à la conclu- Chez nous, l'introduction des nouvelles tech- sion que l'accès aux nouvelles technologies de nologies s'est faite de façon progressive. Au dé- l'information et de la communication était de- part, l'ordinateur ne devait être qu'un outil de venu incontournable pour la population que travail pour les intervenants et intervenantes. nous rejoignons, et indispensable pour réduire Ensuite, nous avons eu envie de suivre la route l'écart entre les classes sociales et poursuivre no- tracée par d'autres groupes d'alphabétisation tre lutte contre l'exclusion. En effet, nous croyons populaire et de faire de l'ordinateur un outil que l'accès limité au monde informatique, et par pédagogique auprès des personnes analphabè- conséquent à la société de l'information, devient tes. Enfin, portés par l'intérêt que suscitaient nos un obstacle supplémentaire et majeur au plein interventions, nous avons travaillé à devenir un exercice de la citoyenneté. Les personnes faible- point d'accès Internet pour la population de ment alphabétisées et peu scolarisées sont en- Pointe Saint-Charles. core une fois marginalisées et exclues. L'enthousiasme marqué et soutenu de nos par- ticipants et participantes, et l'intérêt croissant Des interventions variées de la population pour l'informatique ont ouvert à caractère novateur un nouveau champ d'activités, qui aujourd'hui Depuis 1995, tous les ateliers d'alphabétisation occupe une place prépondérante au Carrefour. du Carrefour comprennent un volet d'appren- Or, la route a été, il va sans dire, jalonnée de tissage technique de l'ordinateur (traitement de débats passionnés ainsi que de réflexions sur la texte) lié à l'apprentissage notionnel du français pertinence de nos interventions en regard de et du calcul. Nous avons aussi des ateliers d'ini- notre mission, sur les grands enjeux de l'infor- tiation à l'ordinateur, où les gens peuvent se fa- matique pour les populations marginalisées et miliariser avec cet outil et explorer les différents sur le sens de la conscientisation dans un tel con- logiciels. En 1997, nous avons entrepris une re- texte. Nous étions partagés entre la peur et la cherche qui a abouti à la publication de deux passion. tomes d'un bottin de logiciels éducatifs Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

intitulé L'ABC des logiciels, un répertoire pour Ouvrir le chemin en matière de pratiques né- mieux s'y retrouver ! L'objectif du projet était de cessitait aussi un investissement de temps pour sélectionner, parmi quelques centaines de logi- la préparation et l'évaluation des ateliers et la ciels, ceux qui étaient potentiellement utilisa- création de matériel. Le jeu en valait-il la chan- bles en alphabétisation et d'en évaluer la perti- delle ? Ces réalités sont parfois décourageantes. nence à partir de critères fidèles à la philosophie Tout en poursuivant notre questionnement, de l'alphabétisation populaire. Malgré l'enthou- nous nous sommes peu à peu rendu compte que siasme qu'elles éprouvaient à l'idée de travailler nos interrogations portaient non plus seulement avec des logiciels, les formatrices prévoyaient que sur la pertinence du contenu des logiciels, mais les participants et les participantes rencontre- également sur l'utilisation de ces derniers par des raient des obstacles liés à la fois à leur niveau participants et des participantes en alphabétisa- d'alphabétisme et à la façon dont certains logi- tion populaire, et qu'elles demeureraient sans ciels sont conçus. réponses tant et aussi longtemps que nous ne Au fur et à mesure que la recherche avançait, pourrions pas observer les personnes à l'œuvre. les questions devenaient de plus en plus précises Nous avions besoin de mieux connaître la situa- et intéressantes. Nous nous demandions, entre tion d'apprentissage, du point de vue des parti- autres, comment nous arriverions à travailler col- cipants et des participantes, avant d'entrepren- lectivement, en favorisant l'échange et la solida- dre une démarche en atelier. C'est ainsi que, de rité, avec un outil qui, au départ, favorise une fil en aiguille, nous avons présenté une demande approche individuelle, et comment nous pour- de financement au Bureau des technologies d'ap- rions poursuivre notre démarche de conscien- prentissage2. tisation. Nous comprenions de façon concrète non seulement comment ces nouveaux outils Un projet reçu avec enthousiasme venaient bouleverser nos pratiques, mais plus La recherche que nous avions amorcée visait à profondément comment ils modifiaient nos pra- rendre les logiciels éducatifs accessibles aux adul- tiques d'alphabétisation populaire. tes participant à une démarche d'alphabétisation Sur le plan pédagogique, nous rencontrions populaire. Elle allait se dérouler en deux phases aussi des obstacles importants : conçus avant tout distinctes : la première année, il s'agirait d'étu- pour les enfants et les jeunes, les logiciels sont dier les obstacles que rencontrent individuelle- souvent infantilisants. De plus, les exercices, sou- ment les participants et les participantes dans vent bâtis en fonction d'un programme scolaire l'utilisation des logiciels et la deuxième année, progressif, sont présentés de façon peu compa- de cerner, par l'expérimentation de scénarios pé- tible avec une approche d'alphabétisation po- dagogiques, comment l'utilisation des logiciels pulaire. Bref, il est pratiquement impossible en atelier peut s'inscrire dans une pratique d'utiliser un logiciel de façon intégrale du début d'alphabétisation populaire. jusqu'à la fin. Il fallait donc faire preuve de créa- La recherche participative nous est apparue tivité et inventer un contexte pédagogique favo- comme le type de recherche le plus adapté en re- rable à l'autonomie, si nous voulions profiter gard de nos objectifs et de l'approche pédagogique pleinement des avantages que les logiciels pré- privilégiée par le Carrefour3. En effet, la réussite sentent sur le plan des apprentissages. de ce type de recherche repose essentiellement sur Autre inconvénient avec lequel nous devions la participation de la population cible. composer : les logiciels sont coûteux et leur utilisa- Inutile de mentionner que nous avons choisi tion nécessite un équipement dispendieux. Enfin, les logiciels à utiliser à partir de notre répertoire. l'utilisation de nouveaux outils d'apprentissage for- Nous avons fixé des critères assez précis, direc- çait les formatrices à se pencher sur leurs pratiques, tement reliés aux objectifs de notre recherche. à se questionner et à préciser leurs choix. Nous voulions travailler avec des logiciels inté-

4 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ ressants du point de vue de l'alphabétisation populaire, attrayants sur le plan de la forme et du contenu, motivants, simples, facilement ac- Il fallait faire preuve cessibles et, si possible, peu coûteux. Certains de créativité et inventer un de ces logiciels contenaient aussi des éléments qui, selon nous, constituent d'éventuelles sour- contexte pédagogique favorable ces d'irritants ou d'obstacles. à l'autonomie, si nous voulions Le projet de recherche a été présenté dans tous les ateliers d'alphabétisation, et les participants profiter pleinement des et participantes se sont inscrits sur une base vo- avantages que les logiciels lontaire. La présentation a été soigneusement présentent sur le plan planifiée afin de bien faire comprendre la na- ture de la recherche et de stimuler l'intérêt des des apprentissages. participants et des participantes. Nous voulions qu'ils comprennent leur rôle et nos attentes quant à leur engagement. Pour présenter les lo- giciels, nous avons utilisé un projecteur électro- nique et organisé des activités d'exploration qui mettaient à profit les capacités des participants ticipants et les participantes se retrouvent soit et des participantes et leur permettaient de com- dans des situations sans issue, soit en situation prendre concrètement, par l'expérience, la na- d'échec. Elle ne devait intervenir que pour pro- ture des tâches qu'ils auraient à réaliser au cours poser des solutions permettant aux individus de de la recherche, leur rôle et leurs responsabilités. poursuivre leur tâche. L'activité a suscité beaucoup d'enthousiasme. Ces derniers se sont d'abord familiarisés avec Les participants et les participantes ont rapide- la nouvelle situation. Petit à petit, ils se sont ap- ment saisi les avantages qu'ils pouvaient tirer de prochés de leur outil d'apprentissage, ils l'ont cette expérience sur le plan de l'apprentissage. exploré, se sont maintes fois perdus et retrou- Notre recherche était lancée, et surtout, nous vés. Nous avons voulu, autant que possible, créer avions réussi collectivement à en donner le ton un espace permettant aux expérimentateurs et et la couleur. expérimentatrices de manifester librement et spontanément leurs réactions face à cette nou- Des résultats étonnants velle situation d'apprentissage, et ce, toujours Onze participants et participantes, représentant dans l'optique d'observer les difficultés rencon- les trois niveaux d'alphabétisation, ont collaboré trées. Les expérimentateurs ont pris de plus en à la première étape de la recherche. Ils ont expé- plus de place, ont acquis beaucoup d'assurance rimenté individuellement plusieurs logiciels sous et se sont exprimés très librement. Leur intérêt la supervision d'une recherchiste. Ils ont pu ex- s'est manifesté par leur assiduité, leur façon de plorer les logiciels dans un contexte totalement s'investir dans leur travail et, de façon plus ex- libre. En réduisant ses interventions au mini- plicite, par leurs commentaires. mum, la recherchiste a pu, de son côté, obser- L'expérimentation se déroulait devant nous ; ver, avec des outils conçus à cet effet, les réac- elle nous devançait, nous déstabilisait. Au moyen tions des participants et des participantes, et ainsi de nos outils de mesure, nous comptions déter- cerner les difficultés rencontrées par ces derniers miner la nature des difficultés rencontrées par dans l'utilisation de leur nouvel outil d'appren- les participants et les participantes et en avoir tissage. La recherchiste avait pour consigne de une meilleure compréhension, dans le but de n'intervenir que dans le but d'éviter que les par- produire ultérieurement des scénarios

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capables de surmonter ces obstacles. Or, nous Ils et elles ont apprécié la richesse du contenu constations que les participants et les participan- et ont trouvé la facture des logiciels attrayante. tes nous révélaient plutôt les facteurs de réus- La clarté des images a capté leur intérêt. Ils ont site, les éléments de facilitation. Ils prenaient les souligné la souplesse de l'expérimentation et devants pour tracer un autre chemin. Étonnés, grandement apprécié la liberté offerte par celle- nous nous sommes tout de même laissés guider. ci. Ils ont aimé avoir la possibilité de choisir eux- mêmes les exercices à réaliser et de se tromper De nouvelles façons de connaître sans être jugés puisqu'ils étaient seuls face à l'or- Au moment où nous écrivons cet article, nous dinateur. avons entrepris l'expérimentation en atelier d'un Ils ont été actifs et étonnamment autonomes. logiciel, ce qui correspond à la seconde phase de Le fonctionnement par essai et erreur semble les notre recherche. Nous en sommes toujours à avoir rapprochés de leur façon d'apprendre et analyser et à comprendre les résultats de la pre- les avoir incités à noter leurs progrès et à en par- mière étape. Bien que le travail d'analyse soit ler. Nous sommes toutefois très perplexes face à loin d'être terminé, nous voulons quand même l'efficacité de cette façon de faire. Nous devrons partager avec vous nos premières impressions et sans doute nous pencher plus longuement sur les commentaires les plus significatifs des par- la question. La nouveauté a incité les partici- ticipants et des participantes, dans l'espoir de pants et les participantes à s'observer et à se ques- vous intéresser à notre travail. tionner, ce qui présente une occasion privilégiée Dès le début de la recherche, nous avons choisi de s'arrêter sur des stratégies d'apprentissage de ne pas mesurer les apprentissages. En effet, comme l'observation, la comparaison ou le ré- puisque, à l'instar des participants et des parti- flexe consistant à faire des liens. cipantes, nous ignorions comment tirer profit Dans un contexte idéal, l'exploration indivi- des logiciels, nous pensions que les résultats duelle accompagnée d'un soutien, bien que très au chapitre de l'apprentissage ne seraient pas limité, ainsi que l'utilisation de logiciels éduca- concluants. Par contre, parce que ces outils tifs semblent extrêmement bénéfiques en ce qui favorisent l'émergence de facteurs indissociables a trait à l'apprentissage. Ces outils suscitent des à la situation d'apprentissage, nous pouvions sentiments positifs et permettent l'émergence presque affirmer que, dans certaines conditions, d'éléments difficilement quantifiables, à la limite les logiciels éducatifs permettent de nouveaux insaisissables, qui nous échappent si on tente de apprentissages ou donnent lieu à de nouvelles trop s'en approcher, mais qui sont toutefois es- façons d'acquérir des connaissances. sentiels à une saine situation d'apprentissage, Sur le plan de l'environnement informatique, comme l'ouverture au monde, la fierté ou l'émer- l'expérimentation a permis aux participants et veillement. Qu'est-ce qui favorise l'apprentis- aux participantes de mieux connaître les com- sage ? Par exemple, si on parle de terrain favora- posantes de l'ordinateur. Ils se sont familiarisés ble, quel serait le rôle du sentiment d'appren- avec la terminologie, ont acquis beaucoup dre ? Apprend-on mieux ou plus quand on a le d'aisance dans les manipulations simples et ont sentiment d'apprendre ? appris à exécuter des opérations plus complexes liées à l'utilisation des logiciels. Apprendre ou ne pas apprendre Ce qui saute aux yeux, c'est l'intérêt manifeste de nos participants et de nos participantes pour Apprend-on mieux l'informatique et particulièrement pour les outils à caractère plus ludique. On sait que les diffi- ou plus quand on cultés de lecture et d'écriture créent chez nos a te sentiment participants et nos participantes des sentiments déficitaires qui souvent font obstacle à l'appren- d'apprendre ? tissage. Le fait de ne pas maîtriser des compé-

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L'ouverture au monde tences si largement répandues dans notre société entretient chez eux un sentiment d'impuissance offre un terrain d'intervention à franchir les limites de leur marginalité. Or, on pédagogique idéal. La fascination, le sait, ces limites sont bien plus souvent impo- sées par le regard des autres et par ses propres l'émerveillement et la curiosité perceptions négatives que par une réelle absence stimulent le goût d'apprendre de potentiel. Le fait d'accéder au monde infor- matique en même temps ou presque que la plu- et la persévérance. part des citoyens et des citoyennes semble créer chez les participants et participantes un senti- ment de confiance et de fierté générateur d'atti- ques que nous expérimenterons avec notre tudes positives qui, en modifiant leur image d'ap- groupe de niveau intermédiaire pendant envi- prenant ou d'apprenante, pourrait les rendre plus ron 12 semaines afin de voir comment on peut disposés à apprendre. tirer profit des logiciels à l'intérieur d'une dé- Lorsqu'il est question de situation d'appren- marche d'alphabétisation populaire. Nous en ex- tissage, le plaisir est une donnée fondamentale. plorerons la forme et le contenu pédagogiques On sait que le plaisir est à la fois l'indicateur tout en tenant compte d'éléments comme l'ap- d'une saine situation d'apprentissage et un des proche collective, la place des participants et des moteurs les plus efficaces dans l'intégration et le participantes, le mode participatif, la créativité, transfert de nouveaux acquis. L'ouverture au la découverte, l'entraide et la coopération pour monde offre un terrain d'intervention pédago- finalement questionner le rôle de la formatrice, gique idéal. La fascination, l'émerveillement et du formateur. la curiosité stimulent le goût d'apprendre et la Bien que cette recherche suscite autant de persévérance. Le sentiment d'avoir réussi, après questions que de réponses et nous oriente déjà avoir fourni un effort soutenu, et d'avoir appris vers d'autres recherches, nous comptons vous quelque chose génère le goût de partager et présenter des résultats sous peu, lesquels vous d'aider les autres. L'apprentissage est un phéno- seront livrés de façon plus fouillée et plus struc- mène complexe, à l'intérieur duquel intervien- turée. En attendant, nous espérons avoir au nent différents facteurs d'ordre cognitif, affec- moins piqué votre curiosité. tif, psychologique et social. La perception que nous avons de notre propre façon d'apprendre, la connaissance de nos stratégies d'apprentissage, les souvenirs et les sentiments liés aux premiers 1. Cet organisme à but non lucratif vise l'appropriation, socialement apprentissages sont tout aussi déterminants dans et démocratiquement, des technologies de l'information et de la com- munication et œuvre pour les organismes communautaires et les po- notre façon d'apprendre ou de ne pas apprendre pulations risquant de demeurer en marge du monde des technologies que les facteurs cognitifs ou strictement péda- (http://www.communautique.qc.ca). gogiques. Tenter de comprendre ou de mesurer 2. Vous pouvez obtenir de l'information sur le contenu des recherches menées et sur les conditions de financement en consultant son site l'acquisition de connaissances, ou encore l'effi- (http://olt-bta.hrdc-drhc.gc.ca/francais/about/index.html). cacité d'un outil pédagogique sans tenir compte 3. Une recherche participative repose principalement sur la collabora- de ces facteurs, serait sûrement une erreur. tion active des personnes ciblées par la recherche, et ce, à toutes les étapes du processus, de la définition du problème aux résultats. On C'est ainsi que les participants et les partici- tient compte de leur perception de la situation étudiée et des solu- pantes nous ont amenés, par leurs attitudes et tions proposées. L'interaction entre ces personnes et l'équipe de recherche est un élément central (voir le Guide méthodologique de leurs commentaires, à nous éloigner des obsta- recherche pour le milieu de l'alphabétisation, Direction de la formation cles pour nous tourner vers le terrain des fac- générale des adultes, ministère de l'Éducation du Québec, 2000, teurs favorables à l'apprentissage. 76 pages). Dans la seconde partie de notre recherche, nous tenterons de mettre en place ces facteurs de réussite à l'intérieur de scénarios pédagogi-

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L'échD'UoN SILENCE Janine Legros, intervenante à Groupe Alpha Laval Natalie Drolet, intervenante à Entraide Pont-Viau — Laval-des-Rapides

On s'entend habituellement pour dire que les parents peu scolarisés parviennent mal à aider leur enfant dans son apprentissage scolaire. Qu'en est-il véritablement ? Le présent article livre le fruit d'une réflexion échelonnée sur trois années et basée sur le témoignage de 18 parents peu scolarisés en re- gard de la réussite scolaire de leur enfant. À l'origine de cette démarche, on trouve une simple question, qui préoccupait depuis long- temps le Groupe Alpha Laval : « Comment peut- on aider les parents peu scolarisés à soutenir leur enfant dès leur entrée au primaire ? » Nous avons d'abord expérimenté une appro- che préventive auprès des parents et des enfants* et consulté différents ouvrages pour transformer nos pratiques et ainsi optimiser les chances de réussite au primaire des enfants issus de notre milieu d'intervention. Toutefois, les interven- tions menées — en particulier celles auprès des parents — n'ayant pas donné les résultats escomptés, l'idée d'entreprendre une recherche- action s'est faite jour. Cette recherche, ayant pour titre L'écho d'un silence, propose le témoignage d'individus issus d'un même milieu et présentant sensiblement les mêmes caractéristiques sociales. Elle tend à démystifier les croyances selon lesquelles la ma- jorité des parents peu scolarisés en milieu défa- vorisé démissionnent de leur rôle de parent d'élève et présentent plus souvent qu'autrement des lacunes à combler en tant que premier édu- cateur de leur enfant. On clame régulièrement que ces parents brillent par leur absence lors des réunions traitant du suivi scolaire et on en Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ RELIEFS

déduit automatiquement qu'ils se retirent et • Comment être de véritables partenaires pour remettent l'entière responsabilité du processus les parents ? d'éducation entre les mains des acteurs et actri- • Comment les parents, la famille exercent-ils ces scolaires. La tenue d'un tel discours est un suivi scolaire à la maison ? certes compréhensible, mais bien souvent elle • Quelles relations sont entretenues actuelle- dissimule une tout autre réalité. C'est pourquoi ment entre les familles et l'école ? nous avons tenté de savoir ce que les parents peu • Quelles sont les perceptions, les attentes scolarisés font pour favoriser la réussite scolaire mutuelles ? de leur enfant et de mettre au jour les compor- • Comment améliorer les relations famille- tements qui semblent parfois méconnus des école-milieu communautaire ? intervenants et intervenantes œuvrant dans ce Nous souhaitions interroger autant d'hom- champ de pratique. mes que de femmes, sélectionnés à partir des critères suivants : avoir fait sa scolarité au Quelques mots sur la recherche Québec, être de langue maternelle française, ne pas avoir de diplôme d'études secondaires, L'approche préventive n'est pas l'apanage d'un résider dans l'un des trois quartiers ciblés de Laval seul organisme ni d'un seul champ d'interven- (Pont-Viau, Laval-des-Rapides et Chomedey), tion. Bien au contraire, elle fait appel à la mobi- avoir un enfant qui fréquente le primaire et lisation au sens le plus large des actrices et finalement, habiter avec son enfant. acteurs sociaux ainsi que des intervenantes et Le recrutement, étape cruciale du processus intervenants. Dès lors, il nous paraissait indis- de recherche, s'est échelonné sur trois mois, de pensable que cette recherche soit portée par décembre 1999 à février 2000. Les démarches diverses personnes œuvrant auprès des parents (nous avons mis à contribution d'autres orga- et des enfants et qui sont touchées de près ou nismes du milieu) ont permis de rejoindre de loin par la réussite scolaire au primaire. Par 18 parents, 15 mères et 3 pères âgés entre 22 conséquent, trois acteurs du milieu se sont et 42 ans, et leur enfant (en tout, 9 filles et investis dans la démarche : le Groupe Alpha 9 garçons ayant entre 7 et 10 ans). Laval (organisme d'alphabétisation), Entraide Au moyen d'entrevues individuelles semi- Pont-Viau — Laval-des-Rapides (Maison de la dirigées, nous avons pu obtenir une description Famille) et l'école primaire Saint-Gilles. Ce par- détaillée de l'expérience vécue par chaque pa- tenariat nous a permis d'interpeller une multi- rent. La durée moyenne des entretiens était de tude d'intervenants et d'intervenantes issus de 67 minutes. Les deux instruments de recherche divers champs de pratique. utilisés ont été le questionnaire et le schéma d'en- L'objectif de la recherche était de « décrire et trevue. Nous avons opté pour un questionnaire analyser certains comportements, perceptions de type fermé, rempli au début de chaque et attentes de parents peu scolarisés, vivant en entretien, afin d'obtenir des données socio- milieu populaire, en regard de l'accompagne- démographiques et ainsi acquérir une connais- ment scolaire de leur enfant à l'école primaire ». sance minimale du contexte de vie des parents. Elle s'est centrée sur la famille et la collabora- Le schéma d'entrevue, instrument des plus mal- tion entre l'école et la famille. À partir de ces léables, a, lui, servi de guide aux intervieweures. deux univers, quatre dimensions ont été étudiées : Il contenait des questions de type ouvert et les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, le spécifiait les quatre thèmes devant obliga- lien avec l'école et les rôles et responsabilités des toirement être abordés. Voici ce qui en est parents. L'accent a été mis sur le parent afin de ressorti. trouver réponse à certaines questions :

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Les pratiques familiales de l'écrit les ouvrages sont périmés, dénués d'intérêt ou encore inaccessibles. On fait référence ici aux Presque tous les parents interrogés s'adonnent dons et aux échanges de livres. De plus, la peu fréquemment à la lecture. Les écrits consul- totalité des parents ne fréquentent pas la biblio- tés sont liés à leur environnement immédiat, thèque municipale, mais la librairie de livres mais l'utilisation qu'ils en font demeure précaire. usagés. La bibliothèque scolaire ainsi que C'est une lecture fonctionnelle qui est exercée, Québec Loisirs sont des sources d'approvision- nécessitée par les diverses obligations sociales que nement pour quelques-uns d'entre eux. tout parent et tout citoyen ou citoyenne se Les interactions parents-enfants lors de la doivent de remplir. Les notions de plaisir et lecture sont plutôt faibles ou synonymes de mo- d'affectivité associées à la lecture sont quasi ab- ments pénibles ou inconfortables pour le parent. sentes de leurs discours, puisque bien souvent La majorité des parents interrogés indiquent ils maîtrisent peu le code de l'écrit. Toutefois, avoir une perception négative d'eux-mêmes en plusieurs d'entre eux se dotent de stratégies leur tant que lecteur ou lectrice et mentionnent des permettant de traiter avec l'extérieur lorsqu'ils difficultés parfois très grandes à comprendre ce font face à une lecture imposée. Ils mettent à qu'ils lisent. On peut alors comprendre pour- profit les ressources extérieures telles que les or- quoi lire à haute voix à leur enfant devient une ganismes communautaires ou leur propre réseau source d'anxiété et de dévalorisation. C'est un social lorsqu'ils ont besoin d'un soutien à leur élément important à considérer, d'autant plus démarche de lecture. Par ailleurs, les sources que dans les documents traitant de prévention, d'approvisionnement sont plutôt limitées et la lecture répétée de contes est vue comme un confinent le lecteur ou la lectrice à un rôle passif facteur de réussite scolaire au primaire. Toute- dans le choix de ses lectures, car bien souvent fois, certains parents exposent leurs difficultés à l'enfant et sollicitent son aide, ce qui crée une dynamique familiale d'entraide et valorise les savoirs de l'enfant. Quant aux pratiques d'écriture, elles sont plus rares que les pratiques de lecture, mais pas inexis- tantes. Certaines pratiques d'écriture témoignent d'une organisation de la pensée, du temps et de l'espace ; plusieurs parents dressent une liste d'épicerie, notent des rendez-vous, font les comptes ou préparent le budget. Ils organisent Certains leurs pratiques afin de répondre aux obligations sociales ou économiques. Quant aux écrits plus parents exposent personnels, ils sont pratiquement tous confinés leurs difficultés à l'enfant à la sphère privée ; rares sont les écrits qui circu- et sollicitent son aide, ce lent à l'extérieur de l'environnement familial. Les interactions parents-enfants lors de l'écri- qui crée une dynamique ture semblent rares sinon ardues pour de nom- familiale d'entraide breux parents, qui se sentent atteints dans leur crédibilité, surtout lorsqu'ils sont repris et cor- et valorise les rigés par leur propre enfant. Certains parents fa- savoirs de vorisent l'emploi des documents de référence l'enfant chez leur enfant, tel le dictionnaire, mais sans pouvoir l'accompagner dans sa démarche. On remarque aussi que la fréquence des interactions parents-enfants lors de la lecture ou de l'écriture

10 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ RELIEFS diminue proportionnellement à l'âge des enfants. Plusieurs parents Les parents interrogés disent se retirer dès que les enfants ont sept ou huit ans, dès qu'ils favorisent l'autonomie arrivent à lire. Ce retrait s'explique par la prise chez leur enfant, ce qui se de conscience du faible modèle de lecteur ou de scripteur qu'ils représentent pour l'enfant. Ils se traduit par une intervention à sentent vite dépassés et du même coup atteints distance. Le retrait du parent dans leur intégrité et leur rôle. Ces constats vont s'explique à la fois par sa crainte de pair avec la perception négative qu'ils ont d'eux-mêmes en tant que scripteur et avec d'induire l'enfant en erreur, leurs difficultés à lire. Certains adopteront des d'être de nouveau mis en stratégies de contournement telles que le télé- phone et la rencontre face à face afin d'éviter face de ses difficultés les situations anxiogènes, tandis que d'autres fe- ou de revivre sa propre ront appel à leur réseau social, aux organismes expérience scolaire, communautaires et à l'école afin de pallier leurs difficultés. On comprend alors l'importance qui fut pénible. de ce soutien dans l'augmentation des chances de réussite scolaire des enfants. Les échanges parents-enfants en ce qui a trait Le suivi scolaire à l'école sont limités, voire absents dans plusieurs familles. Pour la plupart des parents concernés, Les parents notent chez leur enfant des problè- il paraît difficile d'obtenir de leur enfant des mes importants : difficultés d'apprentissage, renseignements sur le fonctionnement en classe, désintérêt ou comportement agité. De plus, puis- l'acquisition des connaissances ou encore les qu'ils avouent pour la plupart leur incapacité à difficultés vécues. L'univers scolaire et l'univers comprendre les consignes concernant les devoirs familial sont alors perçus comme des domaines et les leçons, le suivi scolaire devient pour eux distincts ; l'absence d'échanges concernant une tâche laborieuse. Plusieurs parents favori- l'école devient une règle non dite et intrinsèque sent donc l'autonomie chez leur enfant, ce qui à la famille. On comprend alors que bien se traduit par une intervention à distance. Le souvent l'enfant vit seul son expérience scolaire, retrait du parent s'explique à la fois par la crainte ce qui est bien lourd à porter. d'induire l'enfant en erreur, d'être de nouveau Cependant, les parents ne démissionnent pas mis en face de ses difficultés ou de revivre sa pour autant ; pour surmonter les nombreuses propre expérience scolaire, qui fut pénible. difficultés rencontrées lors du suivi scolaire, ils D'autres s'investiront plus, interviendront de fa- font appel aux ressources issues de la commu- çon plus soutenue. Néanmoins, la tâche nauté, telles que l'aide aux devoirs, offertes par demeure ardue, et ce, pour les mêmes motifs les organismes communautaires du milieu. Les évoqués plus haut. La plupart offrent toutefois parents reçoivent également des services de sou- à leur enfant un environnement favorable à tien provenant d'intervenantes et d'intervenants la concentration et une routine fixe durant sociaux ou en alphabétisation ainsi que de leur la période des devoirs et leçons. C'est dans ce réseau social, et ils affirment avoir apprécié ces domaine que les parents peu scolarisés se services. Leurs propos révèlent qu'ils aspirent à sentent plus en mesure d'intervenir auprès de la réussite de leur enfant tout comme les parents leur enfant, et dans bien des cas, ils offrent des autres milieux. Cet espoir est alimenté et main- déjà plus que ce qu'ils ont reçu de leurs propres tenu par les différents services d'aide auxquels parents. ils ont recours, puisqu'ils sont conscients de leurs limites à soutenir leur enfant. Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

De nombreux Le lien avec l'école témoignages des Les relations avec l'école sont souvent limitées parents montrent ta aux rencontres formelles ou encore tissées de présence de ressentiment méfiance et d'agressivité. On constate beaucoup d'ignorance de part et d'autre. La majorité des et d'un sentiment d'injustice, parents semblent méconnaître les difficultés réel- et la peur d'être l'objet les de leur enfant. La plupart ont indiqué que leur enfant réussissait, alors qu'il avait redoublé de préjugés. une année ou fréquentait une classe spéciale. De plus, le redoublement est perçu favorablement par plusieurs parents, car leur enfant obtient de titude envers l'école et du même coup sa réus- meilleurs résultats aux évaluations. Ce constat site. On en déduit que lorsque tous les acteurs est étonnant lorsqu'on sait par diverses études et actrices s'investissent (parent, professeur, élève) que le redoublement au premier cycle du pri- et qu'il y a place à la négociation et à l'écoute maire est un indice avant-coureur du décrochage mutuelle, les chances de réussite scolaire de l'en- scolaire. Enfin, les services offerts par les spécia- fant sont d'autant plus grandes. listes œuvrant auprès des enfants sont pour la plupart méconnus des parents. [Rôles et responsabilités des parents ] On peut grandement s'interroger sur les rela- tions école-famille : méconnaissance des diffi- La plupart des parents rencontrés affichent sen- cultés réelles d'apprentissage, méconnaissance du siblement le même parcours scolaire que leur rôle respectif des spécialistes, méconnaissance du enfant, soit le retard, le redoublement et le pas- programme et des objectifs éducatifs ainsi que sage en classe spéciale, puis l'apprentissage d'un méconnaissance des familles de la part du per- métier non spécialisé ou le décrochage scolaire. sonnel scolaire. Cette situation n'est-elle pas due, La majorité des parents n'ont pas bénéficié du en partie, à la non-vulgarisation des écrits, à l'ab- soutien de leurs propres parents. Leurs témoi- sence de dialogue ouvert entre les acteurs et ac- gnages laissent imaginer bien souvent un passé trices scolaires et les parents ? En outre, la dis- éprouvant émotionnellement, et des situations tance entre le personnel enseignant et les parents de pauvreté ou de violence. Pourtant, cela n'em- peu scolarisés est réelle et elle influence la dyna- pêche pas la majorité des parents d'affirmer que mique des relations. Chacun est porteur de va- l'éducation est une valeur importante, à laquelle leurs, et celles-ci entrent parfois en conflit. De ils associent ascension sociale, statut socio-éco- nombreux témoignages des parents montrent la nomique plus élevé et reconnaissance sociale présence de ressentiment et d'un sentiment d'in- grâce à l'obtention d'un diplôme d'études se- justice, et la peur d'être l'objet de préjugés. Les condaires. Cependant, rares sont ceux et celles mécanismes de défense fréquemment employés qui prévoient que leur enfant poursuivra des étu- par les parents peu scolarisés sont fort révéla- des supérieures. Ce constat est compréhensible teurs. Par exemple, l'agressivité de leur discours puisqu'eux-mêmes n'ont pas obtenu de diplôme. dissimule un besoin de se protéger, car ils tien- Dans l'ensemble, les parents ont de la diffi- nent à préserver leur dignité et leur crédibilité, culté à exprimer comment ils perçoivent l'ave- tant face à l'enfant que face à l'univers scolaire. nir de leur enfant. Leurs propos reflètent plu- Les parents affirment que lorsqu'ils sont écou- sieurs appréhensions et la crainte du décrochage tés, accueillis chaleureusement et reconnus dans scolaire. Ces inquiétudes se justifient puisque le leur rôle, les relations sont appréciées et cons- parcours scolaire de leur enfant semble aussi tructives. périlleux que leur propre cheminement. On as- Par ailleurs, l'amour que l'enfant porte à son siste à une reproduction d'un cycle intergé- enseignant ou son enseignante influence son at- nérationnel qu'il devient urgent de briser. Les

12 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ RELIEFS parents peu scolarisés — ayant difficilement sa- gnificatifs et durables. À cet égard, il nous appa- tisfait la plupart de leurs besoins — souhaitent raît donc essentiel d'élaborer une approche où ardemment que leur enfant se distingue d'eux le parent deviendra partenaire et acteur dans la et parvienne à accomplir davantage. Leurs té- mise en place des ressources appropriées répon- moignages sont empreints de culpabilité et de dant à ses besoins réels. Cette prise de conscience tristesse, mais néanmoins d'espoir puisqu'ils font découle en partie de la démarche de recherche ce qu'ils peuvent avec leurs ressources. Ce sont entreprise en partenariat, qui a donné lieu à une des parents très préoccupés par leur rôle et qui meilleure connaissance de notre milieu d'inter- sont d'autant plus conscients de leurs lacunes vention. La concertation favorise l'échange d'ex- ainsi que de la fragilité du modèle qu'ils projet- pertise entre les partenaires concernés et alimente tent. Au lieu de démissionner, les parents adop- la réflexion sur les éventuelles actions à mener. tent des stratégies et font appel aux ressources La suite de ce projet en partenariat repose sur environnantes afin d'améliorer autant que pos- deux volets. Dans un premier temps, quatre ren- sible les chances de réussite scolaire de leur en- contres animées par une personne-ressource per- fant. mettront de dégager les principes directeurs qui orienteront le travail à faire auprès des enfants Nos nouveaux savoirs et des parents, et de définir des besoins de for- mation et de travail en partenariat. Également, Les résultats de cette recherche-action nous per- à partir de ces rencontres collectives, deux ou mettront d'établir des principes directeurs qui trois actions locales seront menées en concerta- guideront nos futures interventions auprès des tion par les trois partenaires du projet afin de parents et des enfants. Parmi les éléments à rete- valider les principes directeurs établis. Dans un nir, mentionnons la nécessité de travailler à par- deuxième temps, ces réunions synthèses aide- tir des acquis, des valeurs et des compétences ront à l'élaboration d'une brochure en vue de des parents. Dans cette même veine, les actions diffuser, à l'échelle locale et régionale, les résul- envers les enfants doivent également reposer sur tats de notre travail. Cette diffusion se fera auprès leurs forces afin de rehausser leur estime d'eux- de personnes œuvrant en alphabétisation, en mêmes et leur confiance en leur potentiel. C'est éducation et en intervention familiale, tant en une modalité d'intervention fondamentale, car milieu institutionnel que communautaire. comme nous l'avons observé, les milieux popu- Nous souhaitons vivement que la présenta- laires sont plus susceptibles d'être l'objet de ju- tion de nos résultats et de notre expérience sti- gements de valeur et de dénigrement dans leur mule la réflexion au sein des divers groupes afin culture même ; et dans de telles circonstances, qu'ils puissent s'en inspirer et cheminer à leur les parents sont maintenus en position d'infé- tour dans leur propre intervention. riorité et de vulnérabilité. Ne pas en tenir compte, c'est perpétuer cette inégalité sociale qui transcende les générations. En général, les servi- ces offerts aux parents par les acteurs et actrices * Voir l'article « Comment les parents peu scolarisés peuvent-ils aider du milieu se fondent sur des compétences et des l'enfant dans ses apprentissages ? » dans la revue Le Monde alphabéti- savoirs préétablis qui ne reflètent pas l'expérience que, n° 12, automne 2000, p. 27 à 30. et les obstacles rencontrés par les personnes vi- sées. À partir de nos actions antérieures et de nos observations, nous constatons que l'effica- cité de ces interventions dites « instrumen- tantes » demeure limitée et, par conséquent, que le transfert dans le quotidien des nouvelles con- naissances acquises par les personnes rejointes n'engendre pas l'apparition de changements si-

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 13 La préventioLe monde alphabétique, numéro 13,n printemps : 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ notre petite histoire Ateliers Vivre livresse en famille Guider son Notre outil maison, Vivre enfant, stimuler livresse en famille, comporte six ateliers de stimulation au le développement monde de la lecture et s'adresse de son potentiel, aux parents de milieux défavo- l'initier au plaisir risés ainsi qu'à des personnes qui montrent des faiblesses en de la lecture, lecture et qui ont des enfants ça s'apprend, d'âge préscolaire. Ainsi, un pe- comme nous tit groupe de parents se réunis- l'indiquent les sent pour discuter de plusieurs sujets : des nouvelles activités deux prochains d'apprentissage et de stimula- articles. tion à faire avec leur enfant pour favoriser son développe- ment, de conseils dans le choix d'un livre adapté à l'enfant, de la santé et de l'apprentissage epuis bientôt 17 ans, le bétisme pour l'an 2000 est scolaire, de la manière de racon- groupe d'alphabétisation popu- venue une priorité pour tous. ter une histoire, de la bibliothè- laire Alpha-Nicolet œuvre Après nous être rendu compte, que et de son fonctionne- auprès des adultes du Grand quelques années plus tard, qu'il ment. .. Pendant ce temps, un Nicolet. Une dizaine d'autres serait difficile d'y arriver, nous service de garde est offert gra- municipalités, situées en milieu avons décidé d'orienter nos ac- tuitement pour les jeunes en- rural, ont également accès aux tions différemment : pourquoi fants afin de les stimuler à la services de notre organisme. ne pas tenter d'agir de façon à lecture, d'une part, et, d'autre part, de favoriser l'accès aux Au fil des ans, malgré l'ab- prévenir l'analphabétisme plu- ateliers pour les parents qui sence de transport en commun tôt que seulement y réagir ? n'utilisent pas de service de et autres obstacles au recrute- C'est ainsi que l'idée de créer garderie ou qui sont limités ment des adultes analphabètes de nouveaux projets est appa- financièrement. du milieu, le nombre de parti- rue et que nos ateliers de sti- cipants et de participantes à nos mulation précoce et d'anima- Ces ateliers visent principa- ateliers n'a cessé d'augmenter : tion autour du livre ont été con- lement à sensibiliser les parents d'une dizaine au début, il est çus. Ayant pris conscience du à l'influence qu'ils ont dans passé à plus d'une soixantaine fait que les parents transmettent l'éducation et le développement à ce jour. Si les premières an- leurs valeurs face aux livres et de leurs tout-petits, à leur rôle nées d'Alpha-Nicolet ont été à l'écrit, nous avons donc dé- de premiers modèles et de prin- consacrées davantage au volet cidé de valoriser et d'encoura- cipaux éducateurs. Ils ont éga- alphabétisation (français et ma- ger ceux-ci dans les diverses lement pour objectif de les thématiques de base), un tour- activités d'éveil à la lecture et outiller dans la découverte de nant s'est effectué 10 ans plus à l'écriture auxquelles ils s'adon- moyens et d'activités quotidien- tard, et notre intervention naient avec leurs jeunes enfants, nes qui favorisent les appren- auprès des adultes s'est élargie. car ces activités ont un réel tissages de leurs enfants et les En 1990, lors de l'Année in- impact sur l'apprentissage et préparent à l'école. ternationale de l'alphabétisa- augmentent les chances de L'évaluation que nous avons tion, l'élimination de l'analpha- réussite scolaire. faite des ateliers Vivre livresse Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ RELIEFS Les activités d'éveil en famille au fil des sessions ré- temps, des activités telles que vèle une préoccupation et un l'écoute d'une histoire, la ma- à la lecture et à l'écriture intérêt déjà existants, chez nipulation de livres et la discus- ont un réel impact sur plusieurs parents présents, à sion sont proposées aux enfants stimuler leurs jeunes enfants et à leurs parents. Par la suite, l'apprentissage et au monde des livres. Aussi il peut y avoir recherche en bi- augmentent les chances plusieurs se sont-ils montrés bliothèque, puis réalisation de réussite scolaire. intéressés par la suggestion de d'un bricolage ou d'une activité fabriquer leur propre livre. Cela éducative se rapportant au fants. Ils aident à trouver les a donné lieu à trois ateliers thème abordé. thématiques mensuelles, les supplémentaires, très appréciés, Pour les enfants, les ateliers thèmes devant être accrocheurs sur la fabrication de livres sont une occasion de nourrir pour les parents et les enfants. maison. leur intérêt pour les différents De plus, on les incite à appor- Toutefois, il est difficile de types de livres, qu'ils peuvent ter des livres ou à trouver du rejoindre la clientèle visée, c'est- ainsi découvrir en dehors du matériel à la maison pour le bri- à-dire les parents peu scolarisés contexte scolaire, d'augmenter colage de l'atelier suivant. En et ayant des faiblesses en lec- par surcroît leur capacité de re- dehors ou à l'intérieur des heu- ture. Divers programmes de dé- cherche et de concentration en res d'atelier, certains parents veloppement des compétences plus d'acquérir le respect des peuvent faire de la recherche de parentales étant proposés régu- autres, des choses (livres, ma- livres sur un thème donné, par- lièrement sur notre territoire tériel. ..) et des lieux (bibliothè- ticiper à la lecture de contes, (notamment Y'a personne de que). La présence d'un parent aider leur enfant à bricoler, pré- parfait1 et Passe-partout2), ils (ou d'une autre personne im- parer le local et le ranger à la ont parfois de la difficulté à se portante) nous paraît nécessaire fin, etc. retrouver dans les choix offerts lors des ateliers afin qu'il ou elle Nous remarquons que la par les différentes ressources et acquière le goût de lire, appri- clientèle des ateliers est diversi- dans les objectifs des ateliers voise la bibliothèque, puisse fiée : les familles appartiennent proposés. expérimenter diverses activités à différentes classes socio- à réaliser autour d'un livre et économiques. On retrouve plus Ateliers d'animation en initier à son tour ses enfants au de mères que de pères. L'âge des lecture à la bibliothèque monde de l'écriture et de la lec- enfants varie, tout comme leurs municipale ture à la maison. En plus de ren- caractéristiques et leurs besoins. Au printemps 1998, nous forcer les liens parents-enfants Tout cela exige une bonne pré- avons mis sur pied des ateliers par une activité commune, la paration : plusieurs de ces en- d'animation en lecture s'adres- présence des parents nous per- fants ont parfois besoin d'une sant aux enfants de cinq à huit met de dépister les familles attention et d'un encadrement ans et à leurs parents. Une pu- ayant des besoins en lecture et accrus (hyperactivité, légère dé- blicité envoyée au début de cha- de leur offrir la possibilité d'ob- ficience intellectuelle, etc.). De que session dans deux écoles tenir de l'aide. plus, des parents qui s'intéres- primaires de la région, entre La participation des parents sent à la lecture et qui offrent autres, nous a permis de recru- se situe sur plusieurs plans. déjà un environnement stimu- ter près d'une dizaine d'enfants Nous les invitons à collaborer lant à leurs enfants et d'autres accompagnés de leurs parents. à la planification et à l'organi- moins à l'aise avec le monde de Les ateliers ont lieu le matin sation des ateliers. Par exemple, l'écrit se retrouvent dans le à la bibliothèque municipale, à ils peuvent choisir des activités même atelier, ce qui entraîne l'occasion des vendredis péda- de lecture et de bricolage qu'ils certaines difficultés d'adapta- gogiques. Ils comprennent veulent faire, en rapport avec les tion, tant pour l'animatrice que deux parties : dans un premier goûts et intérêts de leurs en- pour les parents.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE -15 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

L'Heure du Conte petits succès. Par exemple, elle devrons accroître nos efforts de À l'intérieur des activités de prête des livres comportant peu sensibilisation en plus d'établir Mère-Veille, projet regroupant de pages et de mots à un en- un solide partenariat avec divers plusieurs organismes locaux qui fant moins familiarisé avec la intervenantes et intervenants soutiennent et accompagnent lecture afin qu'il ou elle puisse sociaux et communautaires qui de jeunes mères peu scolarisées le parcourir en entier, elle sug- gravitent autour de ces familles. éprouvant des difficultés écono- gère des bricolages simples et En somme, nos actions en miques ou autres, Alpha-Nicolet rapides à réaliser, etc. Tout bien prévention familiale de l'anal- offre aux enfants de deux à considéré, nous constatons que phabétisme se sont constituées, quatre ans une Heure du Conte. ces ateliers répondent à un réel modifiées, bonifiées... à travers Pendant cette heure, nous besoin chez la plupart des en- chacune de nos expériences. El- proposons plusieurs activités : fants peu habitués à lire. les n'apportent pas toujours les lecture d'une histoire et interac- changements souhaités et, tion, manipulation de livres en En conclusion : d'une fois à l'autre, se soldent tissu, en vinyle, en carton, etc., une histoire à suivre par des réussites et des insuc- faisant appel à un ou à plusieurs Des difficultés se présentent à cès. Malgré tout, nous demeu- sens (livres sonores, livres ani- nous pour mener à bien nos rons convaincues de la néces- més, livres en trois dimensions, projets de prévention : premiè- sité d'agir préventivement livres-jeux, livres-cassettes et rement, celle du financement. auprès des familles pour con- autres), réalisation d'un dessin Nous ne recevons aucun mon- trer l'analphabétisme. Nous ou bricolage, jeux variés sur le tant supplémentaire du Pro- croyons que nos petits gestes thème de l'histoire. gramme de soutien à l'alphabé- peuvent apporter un « plus » Des objectifs d'ordre divers tisation populaire autonome aux parents et aux enfants, et sont poursuivis : initier les tout- (PSAPA) pour réaliser nos ate- que chacun et chacune peut y petits au maniement du livre et liers de prévention et, de plus, trouver des bénéfices à divers à l'écoute d'histoires, éveiller notre organisme n'est pas accré- degrés. Nous ne sommes jamais leur imaginaire et leur intérêt dité auprès de la Régie régio- assurées de la récolte, mais il pour les livres et la lecture, leur nale de la santé et des services faut continuer à semer les grai- apprendre à suivre des consi- sociaux (qui subventionne ce nes qui pourront germer, à tout gnes, à développer leur langage, genre d'activités par des pro- moment, et parfois fleurir... 3 leur motricité globale et leur grammes comme le PSOC et bien au-delà des attentes ! motricité fine (par le jeu et le le PACE4). Il nous est donc dif- bricolage), stimuler leur déve- ficile, autrement que par des loppement cognitif, social et dons ou par des projets souvent affectif. non récurrents et innovateurs 1. Ce programme éducatif est offert par des 5 Le grand défi, pour l'anima- comme les IFPCA , de poursui- organismes communautaires et le CLSC aux vre nos activités de prévention parents d'enfants de moins de cinq ans. On y trice, est de réussir à attirer et à discute de thèmes touchant l'enfance : santé, garder l'attention des enfants familiale de l'analphabétisme. sécurité, développement en général, compor- et à accroître leur faculté de Ensuite, nous nous heurtons tement, etc. à l'obstacle que constituent le 2. Ce programme est offert aux familles par concentration. Pour ce faire, les commissions scolaires. On veut aider les elle doit varier énormément son dépistage et le recrutement des parents à préparer l'enfant à la maternelle, à matériel et ses activités d'ani- parents et des enfants auxquels l'amener à améliorer son estime de soi, à faire sont vraiment destinés nos ate- émerger ses capacités et à repérer d'éventuel- mation afin de capter l'intérêt les limites sur les plans de la motricité, du lan- d'enfants de type visuel, audi- liers de prévention : nous n'ar- gage et du développement socio-affectif. tif, etc. Aussi, elle doit tenir rivons pas toujours à rejoindre 3. PSOC : Programme de soutien aux orga- en grand nombre la clientèle nismes communautaires. compte de leur grand besoin 4. PACE : Programme d'action communau- d'être entourés, encouragés et visée, qui présente des besoins taire pour les enfants. valorisés à l'occasion de leurs criants. Pour y arriver, nous 5. IFPCA : Initiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation.

16 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ RELIEFS On DECOUVRE l'écrit, je t'aide pour la vie ! Natalie Lavoie, professeure, Jean-Yves Lévesque, professeur, Université du Québec à Rimouski Serge Sévigny, assistant de recherche, Université Laval

Le programme On découvre l'écrit, je t'aide Présentation générale pour la vie ! a pour but d'aider les parents ayant D'abord quelques mots sur le programme. Il des difficultés à lire et à écrire à initier leurs s'adresse à des formatrices et à des formateurs enfants d'âge préscolaire au monde de l'écrit. Il en alphabétisation qui souhaitent travailler avec a fait l'objet d'une expérimentation en 1997- des parents dont les enfants sont d'âge présco- 19981, mais nous voulions continuer de recueillir laire. Il comprend 21 situations d'apprentissage2 des données, particulièrement pour mesurer son qui s'inspirent notamment des principes de base impact sur l'acquisition de connaissances et d'un de l'apprentissage andragogique, des fondements sentiment de compétence éducative par les de la psychologie cognitive et du principe d'ap- parents, ainsi que sur le niveau d'éveil à l'écrit propriation (« empowerment»)3. Une même dé- des enfants. marche en quatre phases est proposée pour cha- cune des situations. La phase un, celle de l'intention partagée, a principalement pour objet la compréhension, par les parents, de la connaissance ou de la com- pétence à acquérir, de sa signification, et l'ex- pression de ce qu'est, pour eux, l'intention de la rencontre. La phase deux, dite de l'expérience, consiste, pour la formatrice, à mettre en place un contexte facilitant l'apprentissage, et pour les parents, à vivre une expérience leur permettant d'acquérir une connaissance ou une compétence. La phase trois en est une d'apprentissages parta- gés et de transferts anticipés. Les parents, d'une part, prennent conscience des apprentissages que l'expérience leur a permis de réaliser et, d'autre part, imaginent des scènes d'avenir avec leurs enfants ou avec d'autres personnes au cours des- quelles ils auront à refaire ces apprentissages. La dernière phase concerne la vérification des ap- prentissages. Elle amène les parents à acquérir de l'emprise sur l'activité évaluative. Ils sont invi- tés à déterminer eux-mêmes les éléments d'ap- prentissage pouvant facilement être repris à la maison.

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l'endroit s'est rendue au CLSC lors de la clini- Lune a dit s'être rapprochée que de vaccination des enfants entrant à la ma- de son fils en lui lisant des ternelle et a donné de l'information. Au CLSC de Sainte-Marie-Louise, les intervenantes et les histoires au coucher. Une autre intervenants ont communiqué avec les parents a raconté qu'elle avait acheté qui les consultent pour leur présenter le pro- un livre à son enfant pour son gramme. Finalement, nous avons constitué un groupe anniversaire, geste qu'elle expérimental de 15 parents et un groupe témoin n'avait jamais posé de 15 parents également qui provenaient de 3 régions du Québec, soit Bas-Saint-Laurent — auparavant Gaspésie, Mauricie — Bois-Francs et Chaudière- Appalaches. Les sujets des deux groupes répon- daient à deux critères de base : ils étaient admis- sibles à des cours en alphabétisation et avaient un enfant qui fréquentait la maternelle cinq ans. Deux groupes d'enfants ont aussi été formés, Le recrutement des parents et des enfants comprenant chacun 15 enfants fréquentant la Dans le but de former un groupe expérimental maternelle cinq ans. Les enfants du groupe ex- (parents désireux de savoir comment éveiller leur périmental étaient ceux des parents inscrits au enfant à l'écrit) et un groupe témoin (parents ne programme et les enfants du groupe témoin participant pas au programme), 22 groupes étaient ceux des parents ne l'étant pas. populaires en alphabétisation, 18 commissions scolaires, 23 CLSC ainsi que quelques groupes Des résultats satisfaisants sociaux ont été contactés. Des prétests et des post-tests menés auprès des Le programme a été bien accueilli par les or- parents et des enfants des groupes expérimen- ganismes auxquels il a été présenté. On se disait taux et témoins ont permis de bien déterminer prêt à y participer, on le trouvait intéressant et l'impact du programme. Les résultats ont révélé pertinent, et on envisageait favorablement les qu'il a eu des effets positifs. Les parents y étant retombées d'une telle formation pour les parents inscrits ont plus élargi leurs connaissances que aux prises avec des problèmes en lecture et en les parents du groupe témoin. De plus, ils ont écriture. Toutefois, les personnes abordées ont appliqué à la maison les notions relatives aux indiqué qu'elles entrevoyaient certains problè- diverses composantes de l'émergence de l'écrit, mes de recrutement, puisqu'il leur était déjà dif- ce qui a eu pour conséquence d'augmenter le ficile de rejoindre suffisamment de gens pour niveau d'éveil de leurs enfants. leurs propres programmes. Après sept mois de rencontres hebdomadai- La majorité des organismes ont alors mis en res d'une durée moyenne de deux heures, on a place divers moyens de recrutement. Par exem- constaté de la part des parents diverses actions ple, à la Commission scolaire des Châteaux4, la susceptibles de favoriser l'émergence de l'écrit future formatrice a, entre autres, assisté aux ren- chez leur enfant. Des mères ont mentionné avoir contres offertes aux parents dont les enfants al- acquis la capacité de faire participer plus leur laient entrer à la maternelle en septembre 1999 enfant lors de la lecture d'une histoire. L'une a et leur a parlé du programme. Elle a de plus con- dit s'être rapprochée de son fils en lui lisant des tacté plusieurs parents qui bénéficiaient de ser- histoires au coucher. Une autre a raconté qu'elle vices de groupes communautaires. À Sable- avait acheté un livre à son enfant pour son anni- Chaud, une personne du groupe populaire de versaire, geste qu'elle n'avait jamais posé aupa-

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ravant. Une autre encore a affirmé que son en- En conclusion fant s'était mis à s'intéresser aux livres après avoir Participer à une formation en tant que parents constaté que sa mère « allait à l'école » pour faire semble en avoir amené plusieurs à entreprendre ensuite des activités avec lui. par la suite des cours d'alphabétisation. L'inté- Certains parents nous ont dit avoir pris l'ha- gration du programme On découvre l'écrit, je bitude d'écrire des notes sur des bouts de papier t'aide pour la vie ! dans les activités des groupes devant leur enfant, d'autres avoir donné des con- populaires en alphabétisation et des commissions seils à des parents voisins au sujet de l'éveil à la scolaires peut aussi être une stratégie gagnante lecture et à l'écriture. Selon plusieurs, la forma- pour le recrutement, non seulement d'une nou- tion reçue les a amenés à observer et à stimuler velle clientèle, soit les parents peu alphabétisés beaucoup plus le développement de leur enfant. qui souhaitent avoir une meilleure interaction Le programme leur a donné confiance en leurs avec leur enfant en ce qui concerne la lecture et capacités et leur a appris à ne pas avoir peur de l'écriture, mais aussi de la clientèle habituelle, la lecture bien qu'ils aient encore des difficultés. c'est-à-dire les adultes qui désirent suivre des En général, les parents ont grandement ap- cours en alphabétisation. précié les activités concrètes proposées, telles que Cette expérimentation a été rendue possible grâce au soutien finan- confectionner un minilivre d'histoires, fabriquer cier accordé par le ministère de l'Éducation du Québec, Direction de 5 un badge, visiter la bibliothèque du quartier , la formation générale des adultes (Initiatives fédérales-provinciales de même que les expériences de simulations où conjointes en matière d'alphabétisation) et le Secrétariat national à l'alphabétisation, Développement des ressources humaines Canada. l'un jouait le rôle du parent et l'autre celui de Les demandes de tirés à part ou d'information peuvent être adressées à l'enfant. Ils ont également trouvé que le climat Natalie Lavoie ou à Jean-Yves Lévesque, Université du Québec à Ri- des rencontres était agréable et qu'ils étaient res- mouski, 300, allée des Ursulines, Rimouski, Québec, Canada, G5L 3A1. pectés comme apprenants et apprenantes par tous et chacun.

Qu'en pensent 1. Voir « Compétences parentales et émergence de l'écrit », Le Monde les formatrices alphabétique, n° 11, automne 1999, p. 23-27. et les formateurs ? 2. Un cédérom et une vidéocassette font partie du matériel. Le cédérom propose des séquences vidéo qui peuvent être utiles pour la planifica- Il apparaît que donner cette formation en 21 ren- tion et la préparation des rencontres. La vidéocassette montre des pa- contres exige le déploiement d'une grande éner- rents et des enfants s'adonnant à des activités à la maison. On peut gie, mais que l'évolution visible des parents pro- s'en servir lors de rencontres avec les parents afin de leur présenter des modèles d'intervention avec leur enfant. cure une grande satisfaction. Aux dires d'une 3. R. COUTURE, N. LAVOIE, J.-Y. LÉVESQUE et L. ROY, On formatrice, ce programme a même été un découvre l'écrit, je t'aide pour la vie !, Rimouski, Éditions Appropria- ressourcement pour elle en tant que parent, car tion, 1998. 4. Tous les noms sont fictifs. elle a découvert divers gestes à poser à l'égard de 5. Au cours du projet, certains parents ont commencé à fréquenter la sa propre fille. bibliothèque avec leur enfant. Plusieurs aspects du programme, notamment ses fondements et la démarche d'apprentissage proposée, peuvent être réinvestis dans les cours d'alphabétisation, voire dans d'autres types de formations, car ils touchent à des lois qui régis- sent l'acte même d'apprendre.

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« Je crois bien qu'Untel plafonne. Il ne fait plus de progrès. Je ne sais plus quoi faire. J'ai l'impression qu'il n'y a plus rien qui entre. Il ne retient aucune notion. Il a atteint ses limites. Et moi aussi... » Peut-on Est-ce que ces réflexions vous rappellent quel- qu'un ? En tant que formateurs, formatrices, animateurs, animatrices, notre travail nous met quotidiennement en présence de personnes pré- « éduquer » sentant des difficultés d'apprentissage de toutes sortes et à différents degrés. Si, pour plusieurs de ces personnes, nous avons acquis les ressour- l'intelligence ? ces « pédagogiques » nécessaires, il y en a d'autres avec qui nous avons l'impression de perdre no- François Labbé, adjoint à la coordination tre temps — et le leur ! La question se pose : et à la formation, Groupe en alphabétisation comment répondre efficacement à ces difficul- de Montmagny-Nord tés dans le respect des personnes qui désirent apprendre ? La tentation Au cours des dernières décennies, un nouveau courant pédagogique s'est donné comme défi de est souvent forte de solutionner les problèmes d'apprentissage des baisser les bras devant des apprenantes et des apprenants. Il s'agit de difficultés d'apprentissage l'éducabilité cognitive, courant créé sur le terrain, dans la pratique, à partir de l'action insurmontables. Or, les d'intervenantes et d'intervenants en éducation méthodes d'éducation de nombreux pays, aux prises avec un nombre cognitive peuvent faire grandissant de personnes éprouvant des difficul- tés d'apprentissage à tous les ordres d'ensei- toute la différence. gnement. D'emblée, les porte-parole de l'édu- Encore faut-il cabilité cognitive affirment qu'il est toujours 1 choisir la possible d'améliorer l'efficience cognitive d'une personne, peu importe son « point de départ ». bonne. Animés de cette foi, ces hommes et ces femmes ont porté leurs actions dans des contextes aussi différents que le rattrapage scolaire des enfants des milieux défavorisés, le « redémarrage » du potentiel intellectuel des adultes qui retournent se former, la « mise à niveau » des apprenantes et des apprenants qui souhaitent poursuivre leurs études, le développement des personnes ayant une déficience intellectuelle, la formation du jugement critique des classes populaires et même le « rétablissement » cognitif et émotif de popu- lations éprouvées par la guerre et l'immigration. Un tel foisonnement a donné naissance à un ensemble hétéroclite de méthodes, de program- mes et d'approches qui ont toutefois le même objectif : éduquer l'intelligence des apprenantes Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ansÉCHO ! - RGPAQ S ET RÉFLEXIONS

et des apprenants. Vous connaissez certainement une ou plusieurs approches représentatives de L'intelligence est un ce courant, telles que l'Enseignement stratégi- que, l'Actualisation du potentiel intellectuel potentiel inné qui sera (API), le Programme d'enrichissement instru- pleinement développé mental (PEI), l'Apprentissage de l'abstraction, la Gestion mentale (GM), l'Entraînement men- ou, au contraire, étouffé tal (EM), la méthode CORT ou même la Philo- par des facteurs sociaux sophie pour les enfants (PPE). ou personnels. L'équipe de travail du Groupe en alphabéti- sation de Montmagny-Nord (GAMN) s'est intéressée à ce courant et a produit récemment une synthèse critique de ses fondements théori- tinuellement. Apprendre à apprendre, dévelop- ques, un survol des nombreuses approches et une per ou actualiser son potentiel intellectuel, amé- bibliographie commentée. Au cours de cette liorer son efficience cognitive : toutes ces expres- recherche, trois questions nous ont guidés. sions renvoient bel et bien à l'idée d'éduquer l'in- D'abord : est-ce vraiment possible d'« éduquer » telligence. l'intelligence ? Cela pose le problème des fon- Mais est-ce possible d'éduquer l'intelligence dements théoriques de l'éducabilité cognitive. de toute personne ? Oui, croient les porte-pa- Si oui, comment ? Nous abordons alors le pro- role de l'éducabilité cognitive. Ainsi, au Qué- blème des principes pédagogiques et du choix bec, certaines équipes de recherche ont même d'une ou de plusieurs méthodes pertinentes en adapté des méthodes d'éducation cognitive pour alphabétisation populaire. Enfin, l'éducabilité répondre aux besoins des apprenantes et des cognitive deviendra-t-elle — est-elle déjà — un apprenants adultes ayant une déficience intel- enjeu en alphabétisation ? Dans le présent arti- lectuelle légère et moyenne2. Le défi de toute cle, nous aimerions donner brièvement nos ré- méthode est d'amener l'apprenante, l'apprenant ponses à chacune de ces questions, en espérant à développer pleinement son potentiel d'appren- qu'elles susciteront quelques débats et réflexions tissage. Cela est possible car, si l'intelligence est sur l'éducation populaire aujourd'hui. innée, l'aptitude à apprendre, elle, ne l'est pas. Toute personne pourrait donc acquérir, avec la Naît-on intelligent ou le devient-on ? bonne méthode, les capacités qui interviennent Est-il possible d'éduquer l'intelligence ? Au cours dans tout apprentissage : mémoriser l'informa- de notre recherche, aucun auteur n'a répondu tion, contrôler son impulsivité, observer, imagi- par la négative. À cet égard, leur opinion ne dif- ner, concentrer son attention, juger, faire des fère pas du consensus qui s'est établi au cours hypothèses, etc. C'est ce qu'on appelle les capa- des dernières décennies autour de l'idée selon cités transversales. laquelle l'intelligence est un potentiel inné qui Les tenants et les tenantes de l'éducabilité sera pleinement développé ou, au contraire, cognitive considèrent que ces capacités transver- étouffé par des facteurs sociaux ou personnels sales sont indépendantes de tout domaine de (santé, constitution physique, etc.). L'une des connaissances et qu'elles permettent de résou- principales difficultés aujourd'hui, c'est que l'en- dre la plupart des problèmes. Et puisqu'elles sont vironnement social change vite, exigeant de toute transversales, elles peuvent être réinvesties dans personne une adaptation rapide et une certaine toutes les situations d'apprentissage et de réso- polyvalence. Or, une personne qui éprouve des lution de problèmes, à l'atelier, au travail, ou difficultés d'apprentissage risque d'accumuler encore dans la vie quotidienne. De ce fait, le très vite un retard qui contribuera à sa problème du transfert des apprentissages, qui marginalisation. D'où l'idée d'apprendre à ap- embête bien des éducateurs et des éducatrices, prendre, solution à la nécessité de s'adapter con- est en bonne partie résolu.

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Des critiques ont été formulées envers le mou- D'autres critiques ont été soulevées concer- vement d'éducabilité cognitive. Certaines visent nant les tests de mesure de l'efficience cognitive ses fondements théoriques, d'autres l'efficacité des apprenants et des apprenantes en amont et des méthodes, d'autres enfin l'évaluation des en aval de leur participation à un programme. résultats. Les critiques les plus importantes con- Certains programmes, comme le PEI, utilisent cernent cette notion, centrale, de capacités trans- des tests de mesure fort proches des exercices versales. Des recherches tendent à démontrer d'apprentissage proposés. Si bien que les appre- qu'elles sont peu nombreuses et se limitent peut- nants apprennent... à passer des tests de mesure être à la lecture, à l'écriture, au calcul mental et psychométrique ! Cela pose à nouveau le pro- à la mémorisation3. Les opérations mentales plus blème du transfert de l'apprentissage fait à l'in- complexes, telles qu'analyser, déduire ou térieur d'un programme d'éducation cognitive classer, seraient dépendantes des contenus dis- déconnecté de tout domaine de connaissance. ciplinaires au sein desquels elles s'enseignent et Devant ces critiques, les pédagogues ont refait s'apprennent. Par exemple, l'apprentissage d'une leurs devoirs. Les méthodes les plus récentes pren- méthode générale de classification n'aidera pas nent en considération les limites et les lacunes la personne qui devra classer des mots selon leur exposées et ont tenté d'y remédier. Mentionnons, nature si elle ne connaît rien de la nature des par exemple, l'Enseignement stratégique, l'API, mots. la GM et l'Apprentissage de l'abstraction. L'apprentissage de compétences générales Affirmer qu'il est possible d'éduquer l'intelli- éloignées des domaines de connaissance pose gence est une chose, y parvenir en est une autre. également un problème de transfert. Reprenons Aucune de ces méthodes ne fabrique des génies, l'exemple de la classification. La personne qui ni ne le prétend en fait, mais des auteurs ont maîtrise suffisamment de savoirs en mathéma- péché, dans le passé, par un optimisme sans tiques sera plus à même de répondre à un bornes qui a créé des attentes irréalistes. Ce fut problème qui lui demande de regrouper des le cas notamment pour Reuven Feuerstein et nombres qui se divisent par cinq qu'une autre Antoine de La Garanderie, respectivement créa- qui a appris à classer sur la base de l'analogie de teurs du PEI et de la GM, et de leurs partisans. surface (couleurs, formes, etc.), mais qui ne sait Toutes les évaluations des méthodes démontrent pas ce qu'est un nombre divisible par cinq. qu'une certaine modestie est de mise. L'importance accordée aux aspects cognitifs comparativement aux aspects affectifs (ou Comment choisir une approche pertinente ? conatifs) de l'apprentissage est aussi remise en Six questions à se poser. question depuis une dizaine d'années. Les Nous voulons bien nous outiller pour répondre praticiens et les praticiennes de l'éducation aux difficultés d'apprentissage et aux besoins des cognitive reconnaissent sans problème les effets apprenantes et des apprenants, mais quelle mé- positifs de l'efficience cognitive sur la motiva- thode choisir ? À notre avis, il y a au moins six tion, l'estime de soi ou l'anxiété, l'idée étant que questions à se poser d'abord et avant tout. Les plus une personne est habile à résoudre des pro- voici, avec quelques explications. blèmes (aspect cognitif)) plus elle est motivée et Dans la mission de mon groupe d'alphabéti- confiante. Mais il semble que l'inverse soit aussi sation populaire, quels sont les principaux ob- vrai. En effet, plus une personne est motivée et jectifs d'apprentissage en jeu ? Avant tout, nous confiante, mieux elle apprendra à résoudre des devons nous rappeler quels sont les principaux problèmes. Les auteurs des méthodes objectifs d'apprentissage en jeu dans la mis- d'éducabilité cognitive ont négligé l'apprentis- sion que nous portons. Nous pouvons affir- sage de ces attitudes personnelles. Par consé- mer sans risque que des compétences en lec- quent, peu de méthodes accordent une réelle ture, en écriture et en calcul ainsi que le déve- place à un meilleur équilibre affectif comme loppement d'une pensée critique et autonome moyen de développer l'efficience cognitive. comptent parmi ceux-ci.

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Apprendre à apprendre implique de maîtri- affectif aux domaines de connaissance ainsi ser d'abord les outils de base de la communica- que des moyens pour favoriser le transfert des ap- tion que sont la lecture, l'écriture, la parole et prentissages. Il faut faire preuve de vigilance à l'égard l'écoute. Nous pourrions même dire que la pen- des méthodes qui proposent des exercices papier- sée critique, créatrice et autonome se développe crayon trop généraux. Un lien constant doit être principalement et surtout par des actes de com- maintenu entre les exercices, les contenus notion- munication4. Par exemple, tout lecteur fait face nels à acquérir et leur sens — ou du moins leur à des mots, des idées, des sentiments et un code utilité — dans la vie des adultes. écrit (orthographe, grammaire, syntaxe, etc.) qui Dans quelles situations d'apprentissage s'appli- étendent sa culture et aiguisent ses capacités de que le programme ? Dans la pratique, plusieurs compréhension et de concentration, entre autres. formateurs et formatrices composent avec des Parler et écrire exigent quant à eux une organi- groupes d'adultes dont le nombre, l'âge, l'état sation de la pensée qui peut être simple ou très de santé, l'environnement familial et, bien sûr, complexe et peut solliciter autant l'intelligence, le niveau de scolarité varient grandement. Il faut l'affectivité que la créativité. Écouter demande alors se demander si l'approche d'éducation co- d'être attentif, de mettre parfois en veilleuse une gnitive qui nous est proposée peut s'y adapter. certaine impulsivité, notamment lors de débats La PPE et l'Apprentissage de l'abstraction sont émotifs. Le silence n'est pas toujours un signe des exemples d'approches qui s'appliquent dif- d'apathie ou de désintérêt ! ficilement dans de petits groupes de moins de Est-ce que cette approche répond à nos objectifs sept ou huit personnes. Par contre, ces mêmes d'apprentissage ? Brutalement : est-ce que cette approches, la PPE notamment, proposent une méthode d'éducation cognitive me permettra de démarche qui s'adapte bien à un contexte d'édu- répondre aux principaux objectifs d'apprentis- cation populaire où la prise de parole, le dialo- sage fixés dans notre groupe ? Nous croyons gue, le respect mutuel et le travail communau- qu'une approche d'éducation cognitive sera per- taire, par exemple, sont valorisés. tinente pour celui ou celle qui alphabétise dans Quel investissement exige cette approche ? Quel la mesure où elle accorde explicitement une large investissement en temps consacré à la formation place au développement de compétences dans par les formateurs et formatrices, en temps d'ap- les sphères de la lecture, de l'écriture, du dialo- plication de la méthode, en frais de toutes sortes gue, de l'écoute et de la pensée. (formation, matériel, etc.) va exiger l'approche L'approche en question tient-elle compte des en question ? Est-elle facilement accessible ? critiques à l'égard de l'éducabilité cognitive et de Devrai-je absolument suivre des sessions de for- ses limites ? Si une méthodologie annonce des mation à l'autre bout du Québec ? Ce sont des résultats durables rapidement, c'est certainement questions inévitables qui peuvent, éventuelle- trop beau pour être vrai. Une approche sérieuse ment, écarter des méthodes d'emblée, faute de tiendra compte des critiques et des limites sou- moyens financiers ou de temps. levées par les chercheurs et les chercheuses Quel soutien, quel suivi sont prévus en cours au cours des années précédentes. Nous recon- d'application de la méthode ? Souvent, le succès naissons souvent de telles méthodes par le de l'application d'une méthodologie dépend du renouvellement dont elles sont l'objet, signe soutien et du suivi fournis après la formation d'une ouverture, de la part de ses auteurs, à initiale. Il arrive fréquemment, faute d'un suivi l'évolution des connaissances sur le processus approprié, qu'une formation reste lettre morte. d'apprentissage5. Cette méthode s'appuiera aussi Demandons-nous donc si un suivi est prévu sous sur des principes pédagogiques éprouvés, tels que forme de bilans, de partages d'expériences réali- la dynamique de médiation6, la prise en compte sées ou d'ateliers d'approfondissement de la du processus de traitement de l'information et méthode. Ou encore si une ou plusieurs per- la métacognition. Elle proposera explicitement sonnes-ressources seront disponibles pour répon- l'appariement du développement cognitif et dre à nos questions en cours de route. Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

l'Éducation aux niveaux primaire et secondaire Ignorer l''éducabilité s'inscrivent nettement à l'intérieur de cette pé- cognitive revient à nier dagogie7. L'éducation cognitive ne s'adresse donc notre appartenance au plus seulement à ceux et celles ayant des diffi- cultés d'apprentissage ou un certain retard à rat- monde de l'éducation. Une telle traper, mais à l'ensemble des « clientèles scolai- attitude est proprement res ». Dans les faits, l'éducabilité cognitive est aujourd'hui un courant pédagogique dominant suicidaire, ou du moins revient à et incontournable en éducation. ignorer les besoins des adultes L'alphabétisation populaire est-elle en dehors en démarche d'alphabétisation. de ce courant ? Non. D'abord, plusieurs métho- des sont d'authentiques initiatives d'éducation populaire, la plus célèbre étant l'Entraînement mental de Georges Dumazédier. Au Québec, des Pour répondre à toutes ces questions, il faut travaux tendent à démontrer que nous nous souvent bien connaître les méthodes et les pro- intéressons à l'éducation cognitive depuis de grammes d'éducation cognitive. Il n'est pas pos- nombreuses années. Mentionnons seulement le sible ici, faute d'espace, de vous proposer un Programme de développement de la pensée survol d'approches que nous jugeons pertinen- logique élaboré par Hélène Poissant en collabo- tes et accessibles, telles que l'API, l'Apprentis- ration avec le groupe Atout-Lire de Québec sage de l'abstraction, la Gestion mentale, l'En- (Poissant, 1998), ou encore la recherche menée seignement stratégique, l'Entraînement mental, par des chercheurs de l'Unité de recherche en le Programme de développement de la pensée efficience cognitive (UREC) de l'Université du logique d'Hélène Poissant (1998) et la PPE. Québec en Abitibi-Témiscamingue et du cen- Plusieurs de ces méthodes sont complémentai- tre DÉBAT de Montréal, à laquelle ont parti- res et peuvent être aisément combinées. Nous cipé plusieurs groupes d'éducation populaire et jugeons même qu'il est souhaitable d'opérer un qui a conduit à la publication du document pareil « mariage ». Pour un survol de ces métho- Apprendre à apprendre — Atelier d'éducation des, l'équipe de travail du GAMN a mis récem- cognitive à l'usage des formateurs d'adultes pour la ment à la disposition des groupes une synthèse médiation des stratégies d'apprentissage. Ou en- qui décrit chacune de ces approches. Il suffît de core les Ateliers de pensée critique, un projet de nous en faire la demande ou d'attendre qu'elle formation dans quatre groupes d'alphabétisation soit offerte au Centre de documentation sur populaire de Chaudière-Appalaches supervisé l'éducation des adultes et la condition féminine par la Faculté de philosophie de l'Université (CDEACF). Laval ou, enfin, le guide Apprendre pour trans- mettre — À l'abordage de l'apprentissage, du L'éducabilité cognitive : groupe COMQUAT de Montréal. Nul doute un enjeu en alphabétisation ? que plusieurs groupes d'alphabétisation popu- Nous l'avons dit : l'éducabilité cognitive s'est laire participent à cet essor de bien des façons, constituée sur le terrain, en réponse au nombre notamment par la formation de leurs interve- de plus en plus important d'apprenantes et d'ap- nantes et de leurs intervenants. Cette diversité prenants éprouvant des difficultés d'apprentis- n'est pas étonnante, les groupes disposant de sage ou se trouvant en situation d'échec. D'abord l'autonomie nécessaire pour expérimenter de confiné dans les « classes spéciales », ce courant multiples voies. s'est récemment frayé un chemin vers les classes Nous croyons que le réseau public connaîtra régulières. Au Québec, le Guide de formation sur bientôt une refonte de son programme d'alpha- mesure en alphabétisation (GFMA) et les nou- bétisation — sous l'étiquette de formation de base veaux programmes imposés par le ministère de commune — qui s'inscrira pleinement dans le

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mouvement de l'éducation cognitive. C'est ce Aucune méthode ne que laisse présager l'insatisfaction de la Table des créera des génies ni ne peut responsables de l'éducation des adultes et de la garantir des résultats rapides formation professionnelle des commissions sco- laires du Québec (TREAQ-FP) à l'égard des et durables. En éducation pédagogies actuelles en alphabétisation8. Il est comme ailleurs, il n'existe alors tout à fait plausible que ce programme s'ins- pire de L'approche fonctionnelle en alphabétisa- pas de recette miracle. tion élaborée par le Comité régional de déve- loppement de l'alphabétisation de la Montérégie (1993). Si cette « prophétie » se réalise, quelles mouvement d'éducabilité cognitive, né sur le en seront les répercussions sur le réseau des grou- terrain, dans la pratique, de l'action de forma- pes populaires ? Nous n'avons pas de réponse, trices et de formateurs décidés à répondre aux mais quelques questions. difficultés d'apprentissage d'enfants, de jeunes L'expertise des groupes populaires d'alphabé- et d'adultes pour lesquels l'enseignement tradi- tisation sera-t-elle une fois de plus mise en doute tionnel n'avait pas de solution. Des méthodes, par les représentants et les représentantes du sys- des techniques et des programmes d'éducation tème public ? Les groupes populaires subiront- cognitive ont alors vu le jour bien avant un véri- ils des pressions pour adopter les objectifs d'un table cadre théorique pour les soutenir. programme de formation de base ? Seront-ils Une fois cette thèse acceptée se pose encore irrémédiablement marginalisés ? La mesure la question des moyens. Comment rendre l'in- de l'atteinte d'objectifs d'apprentissage ou de telligence de toute personne plus efficiente ? « résultats » deviendra-t-elle obligatoire ? Si oui, Méthodes, techniques et programmes abondent comment ? Par qui ? Pour qui ? Les groupes et tous se vantent d'être efficaces. Toutefois, des populaires risquent-ils d'être « dépassés » ? recherches tendent à démontrer que leurs effets Pour notre part, nous croyons que l'autono- sont modestes. D'autres études mettent en cause mie et la capacité d'adaptation des groupes certains des fondements théoriques de l'édu- populaires d'alphabétisation doivent être mises cabilité cognitive. Ces critiques ont amené des à profit afin d'expérimenter des approches qui pédagogues à approfondir leur réflexion sur ce répondent étroitement aux difficultés et aux concept. Il s'en dégage des pistes de solutions besoins d'apprentissage des apprenantes et des pour faire de l'éducation cognitive un objectif apprenants. D'ailleurs, les groupes ne peuvent réalisable. Bien sûr, nous ne devons pas viser des pas faire l'économie d'une mise à jour de leurs résultats spectaculaires. L'une des critiques les méthodes. Ignorer l'éducabilité cognitive revient plus fréquentes à l'égard de l'éducabilité cogni- à nier notre appartenance au monde de l'éduca- tive concerne justement les prétentions irréalis- tion. Une telle attitude est proprement suicidaire, tes de certains auteurs. Aucune méthode ne ou du moins revient à ignorer les besoins des créera des génies ni ne peut garantir des résul- adultes en démarche d'alphabétisation. tats rapides et durables. En éducation comme ailleurs, il n'existe pas de recette miracle, et Conclusion l'éducabilité cognitive n'en est certes pas une. Est-il possible d'éduquer l'intelligence ? Au cours Encore une fois, si ça semble trop beau pour de cette recherche, il n'est apparu aucun auteur être vrai, c'est certainement le cas ! pour répondre non à cette question. L'intelli- S'il y a une leçon à retenir de notre recherche gence s'éduquerait donc ? Il est peut-être plus en éducabilité cognitive, c'est bien qu'aucun juste de conclure qu'il est possible pour tout groupe de fonctionnaires à l'intérieur d'un sys- individu, peu importe son point de départ, de tème d'éducation n'a jamais créé une approche développer son potentiel intellectuel ou son originale et adaptée. Ce sont des individus et de efficience cognitive. C'est la thèse première du petites équipes dans une classe, puis

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deux, puis trois et ainsi de suite qui l'ont fait. C'est ainsi que la PPE, le PEI, l'API, l'Enseigne- ment stratégique, l'Apprentissage de l'abstrac- tion, la GM et l'EM sont nés, et tout porte à croire qu'il en sera toujours ainsi. Nous croyons donc fermement que les groupes d'alphabétisa- tion populaire sont en excellente position pour entreprendre un renouvellement des pratiques. Les méthodes d'éducation cognitive peuvent alors être les instruments privilégiés de ce renou- veau. Un travail d'appropriation et d'adaptation est sans aucun doute nécessaire, mais il en résul- tera certainement plusieurs projets éducatifs no- vateurs, efficaces et stimulants.

1. J'emprunte ici la définition d'Audy et autres : « L'efficience cogni- tive est la capacité de résoudre un problème avec un minimum de gaspillage de temps, d'énergie et de ressources et avec plaisir, élégance, aisance et assurance. » Pierre AUDY, François RUPH et Mario RICHARD, « La prévention des échecs et des abandons scolaires par l'actualisation du potentiel intellectuel (API) », Revue québécoise de psychologie, vol. 14, n° 1, 1993, p. 152. 2. Nous pensons aux Unités de recherche en efficience cognitive (UREC) de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) et de l'Uni- versité du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). 3. Cécile DELANNOY et Jean-Claude PASSEGAND, L'intelligence peut-elle s'éduquer ? Paris, Hachette, 1992, p. 99 ; Even LOARER, et autres, Peut-on éduquer l'intelligence ? L'évaluation d'une méthode d'édu- cation cognitive, Berne, Berlin, Francfort, New York, Paris, Vienne, Peter Lang/Éditions scientifiques européennes, 1995, p. 179-180. 4. Matthew LIPMAN, Apprendre à penser, penser pour apprendre, documents OCDE, Paris, 1993, p. 141 et passim. 5. Par exemple, la Gestion mentale et la PPE sont l'objet de recher- ches continues qui ont pour effet de les renouveler et de les améliorer constamment. 6. Inspirée de la dynamique parent-enfant, la pédagogie de la média- tion place le formateur ou la formatrice en position d'intermédiaire, de médiateur, entre le savoir et les apprenantes et apprenants ainsi qu'entre ceux-ci. Il s'efforce alors de réduire la distance qui le sépare Encore de nos jours, des apprenants et apprenantes, de rendre l'abstrait concret et de se poser explicitement comme modèle. l'analphabétisme est trop 7. Nous évoquons ici le nouveau programme scolaire qui doit être mis en place progressivement du niveau primaire au niveau secondaire entre souvent perçu comme une l'automne 2000 et l'automne 2007. 8. TABLE DES RESPONSABLES DE L'ÉDUCATION DES ADUL- affaire personnelle. Et si TES ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES COM- MISSIONS SCOLAIRES DU QUÉBEC (TREAQ-FP), Mémoire sur l'histoire collective le document de consultation du ministère de l'Éducation, intitulé «Vers une politique de formation continue », 15 octobre 1998, p. 44 et déterminait en grande passim. partie l'histoire individuelle ?

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Ces laissés-pour-compte de la société québécoise du XXe siècle

Ghislaine Guérard, professeure agrégée au Département de sciences humaines appliquées de l'Université Concordia • • • François Huot, chargé de cours au Département de service social de l'Université de Sherbrooke • • • Les animatrices du groupe d'alphabétisation populaire Un Mondalire ont contribué largement à la recherche qui a mené au présent article. Il s'agît de Gislaine Ratthé-Chartier, Monique Bournival, Manon Lalancette et Nicole Leblanc. • • •

Histoire et analphabétisme L'équipe de recherche a choisi une méthode Le présent article décrit une des dimensions ré- d'entrevues semi-dirigées qui a permis de dévoi- vélées lors de l'analyse d'entrevues réalisées avec ler l'histoire de vie de personnes âgées entre 22 les apprenants et les apprenantes d'un centre et 73 ans. Il nous semblait essentiel de leur per- d'alphabétisation : le lien entre leur histoire in- mettre de raconter l'ensemble des étapes de leur dividuelle, leur histoire collective et l'histoire du vie afin qu'ils puissent cerner ce qui était, à leur Québec du XXe siècle. Même si l'objectif prin- avis, à l'origine de leurs problèmes d'analphabé- cipal de la recherche1 était l'exploration des stra- tisme, ce qui les avait aidés ou ce qui leur avait tégies individuelles d'insertion sociale de tra- nui dans leurs efforts d'insertion sociale. Le ques- vailleurs et travailleuses analphabètes, une réa- tionnaire qui a servi de guide aux entrevues com- lité incontournable s'est faite jour : celle du ca- portait trois thèmes majeurs : ractère social et historique de l'analphabétisme. • L'histoire de leur vie, de l'enfance à L'analphabétisme peut prendre bien des formes aujourd'hui ; et trouver sa source en des endroits différents, • Les difficultés rencontrées et les mais il se situe toujours dans un contexte social. mécanismes d'adaptation ; Notre recherche, tant par sa méthodologie que • La démarche d'alphabétisation. par ses résultats, a transformé des réalités indivi- Une fois les entrevues terminées, une rencon- duelles en une réalité collective comprise et par- tre a été organisée afin de présenter les résultats tagée par les 23 participantes et participants in- de la recherche aux participants et aux partici- terviewés. pantes. En plus d'apporter quelques

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L'aide que les 20 s'industrialiser et s'urbaniser peu à peu. On assiste à l'explosion de la Révolution tranquille enfants pouvaient et à la prise de contrôle de la société par la apporter aux travaux génération des baby-boomers. On constate finalement les conséquences de l'éclatement de la ferme passait bien de l'État providence, des compressions bud- avant la fréquentation gétaires et des réductions de services. de l'école et devenait, C'est en recherchant et en mettant en évidence les éléments communs des histoires de vie des beaucoup plus que 23 participantes et participants que ces liens la présence ou apparaissent. La réalité sociale du Québec a beau- coup changé pendant les 50 ans qui séparent les non de difficultés plus vieux des plus jeunes. Ce qui n'a pas changé, d'apprentissage, c'est qu'il y a toujours, à chacune de ces épo- un facteur ques, des laissés-pour-compte : les pauvres, les handicapés et les « sans-parents3». déterminant Nous présentons ici une histoire du Québec en quatre temps : la vie à la campagne à la fin éléments supplémentaires à ceux déjà mention- des années 20-30, une enfance à Montréal à la nés lors des entrevues, ils et elles ont manifesté même époque, la génération de l'Expo 67 et la leur intérêt pour une recherche qui leur mon- génération « X ». trait qu'ils faisaient partie d'une communauté dont les membres avaient bien des choses en Une enfance à la campagne commun. Ils ont aussi discuté de certaines ques- Pour les participants les plus âgés, hommes et tions, par exemple s'il était plus difficile d'être femmes, l'école est un privilège auquel ils analphabète aujourd'hui qu'autrefois. n'auront pas eu accès ou du moins, pas très long- L'étude de récits biographiques ou autobio- temps. En effet, à leur époque, l'école n'était pas graphiques de personnes analphabètes permet obligatoire au Québec et ne le deviendra qu'en habituellement de découvrir la place qu'a occu- 1942. pée ce handicap social dans le déroulement de Plusieurs participants et participantes, âgés leurs vies. Cependant, l'accumulation et la jux- entre 54 et 73 ans, ont passé leur enfance à la taposition de ces récits nous permettent d'aller campagne. Ils vivaient en milieu rural et ont vu plus loin et de mettre en évidence les liens entre leur scolarisation limitée par les contraintes im- ceux-ci et l'histoire du Québec. Elles nous per- posées par l'organisation de la société rurale. mettent également de comprendre quels sont les L'aide que les enfants pouvaient apporter aux liens entre les cas individuels des personnes qui travaux de la ferme passait bien avant la fréquen- se retrouvent dans différents programmes d'al- tation de l'école et devenait, beaucoup plus que phabétisation et l'évolution de la société québé- la présence ou non de difficultés d'apprentissage, coise, les transformations importantes que celle- un facteur déterminant. Même si certaines ci a vécues, le changement des valeurs, l'histoire personnes affirment avoir présenté de telles des institutions sociales ainsi que l'évolution des difficultés, leur histoire demeure identique à pratiques d'aide et d'intervention en milieu sco- celles d'autres qui disent ne pas avoir eu de laire et en service social. En analysant les vies problèmes d'apprentissage. des personnes analphabètes qui fréquentent Un Maurice se souvient que sa mère ne savait pas 2 Mondalire , on voit le Québec rural des années lire et que même s'il n'avait pas de problèmes à l'école, il s'absentait souvent pour participer aux travaux de la ferme. Jacques parle de sa santé fragile, de sa timidité qui lui causait problème,

28 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ÉCHO! - RGPAQ S ET RÉFLEXIONS mais souligne également que l'école était à une Le dur labeur, dans un cadre domestique pour distance importante de la maison. Jean-Jacques, les fillettes et dans un cadre agricole pour les orphelin ayant vécu en institution jusqu'à l'âge garçons, demeure la valeur importante de cette de sept ans, croit avoir été vendu à une ferme à société. Les institutions et la religion ont joué cet âge. Il dit avoir fréquenté l'école pendant un un rôle déterminant dans la vie de beaucoup an, sans difficultés majeures, mais par la suite, de participants et de participantes à la recher- parle de son travail à la ferme, du lever au cou- che. L'institution a contrôlé leur vie et a dé- cher du soleil. Il se souvient de ses dures jour- cidé de leur avenir en fonction de ses valeurs nées de travail, alors qu'il n'avait que huit ans, (religion) et des besoins et priorités de la so- mais ne se rappelle de rien d'autre et dit n'avoir ciété (besoin de main-d'œuvre agricole). Les jamais eu d'affection, n'avoir que rarement joué similitudes entre ces quelques biographies et et avoir été privé de son enfance. Roger a vécu celles des orphelins de Duplessis4 demeurent en institution jusqu'à l'âge de 10 ans où, pour frappantes. lui, l'école demeurait synonyme de cours de ca- Ces enfants de la campagne vieillissent et peu téchisme. Il dit également avoir été emmené sur à peu participent au mouvement général de po- une ferme pour aller y travailler mais, contraire- pulation de la campagne vers la ville, au déve- ment à Jean-Jacques, il a été accueilli par une loppement urbain du Québec. Devant subvenir bonne famille qui le considérait comme un des à leurs besoins économiques et souvent à ceux siens. Hugues provient d'une famille nombreuse de la famille qu'ils fondent, c'est par le travail qu'il décrit comme analphabète et a peu fré- que leur vie prend son sens. On arrive en ville, quenté l'école. Rémi est demeuré en institution on travaille fort et longtemps au même endroit. jusqu'à l'âge de 18 ans. Il se souvient du travail Hugues travaille 30 ans au même endroit aux champs, d'avoir été gardé dans un sous-sol, comme éboueur. Maurice travaille principale- mais il n'a aucun souvenir de l'école. Adèle et ment dans le domaine de la construction. Il se Louise ont vécu à la campagne ; les familles et fait même offrir un poste de contremaître, mal- les milieux de vie étaient pauvres. Adèle a connu gré son analphabétisme, et reçoit l'appui de ses une enfance heureuse, a fréquenté l'école jus- pairs. Jean-Jacques travaille 37 ans au même qu'à 10 ans mais en a été retirée car sa mère avait endroit, dans une entreprise de récupération, et besoin d'elle à la maison. Louise ne fréquentait Jacques, 40 ans dans une raffinerie de métal. pas l'école l'hiver car celle-ci était trop loin. Elle Roger œuvre pendant 34 ans dans les cuisines en a été retirée à 11 ans à cause de la maladie de d'une institution du réseau public de services sa mère. « L'instruction n'était pas importante sociaux. Il prend sa retraite dans le cadre des pour les filles », affirme-t-elle. programmes de départ du secteur public et ouvre Ces histoires font ressortir la nature de l'or- ensuite un service de traiteur. Dès son arrivée à ganisation sociale du Québec de l'époque. Une Montréal à l'âge de 15 ans, Adèle est engagée majorité de la population vit encore en milieu comme aide domestique ; Louise se retrouve en rural, et le travail agricole, qui demeure peu manufacture. Rémi, sorti d'institution à 18 ans, mécanisé, est l'occupation principale. On a be- occupe des emplois intermittents, principale- soin de beaucoup de main-d'œuvre, et de jeu- ment dans le domaine de la restauration. Le tra- nes enfants contribuent à ces tâches dans leur vail occupe une place centrale dans la vie de ces milieu familial ou bien à la suite d'un placement personnes. Il est dur, souvent en usine, basé sur en milieu substitutif. Le travail se situe à proxi- la capacité physique, mais s'avère également mité des milieux de vie, de la maison, alors que valorisant car il leur permet d'occuper une l'école en est éloignée, et ce facteur contribue à position sociale adéquate. Dans le cadre de l'absentéisme ou à la non-fréquentation de son travail en institution, Roger établit une l'école. Le contrôle de la fréquentation scolaire, bonne relation avec la clientèle de jeunes héber- par des mécanismes législatifs ou bien par les gés au centre d'accueil. Il partage son expérience pratiques de chaque école, n'existe pas encore. de vie et donne des conseils.

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Leur travail est jugé satisfaisant, on leur offre ractère difficile et quelquefois violent. Il se sou- même des promotions et on valorise leur con- vient d'une école où l'on était plus fort sur le tribution. Le travail joue une fonction identitaire catéchisme que sur les leçons. Il a toujours trouvé en ce sens qu'il permet la formation et l'entre- du travail : dans le domaine de la construction, tien d'une identité sociale : je travaille à tel en- dans les grands chantiers montréalais des années droit depuis 20 ans. Ce soutien identitaire est 60-70, en usine ou comme concierge. .Albert fort et utile mais lorsqu'il disparaît, des problè- passe son enfance dans une situation de grande mes surviennent. Une grève de deux ans se dé- pauvreté au sein d'une famille caractérisée par clenche chez l'employeur de Jean-Jacques. Peu des problèmes d'alcoolisme et des déménage- de temps après, il se trouve aux prises avec une ments fréquents. Souvent, il doit recommencer dépression et doit recevoir des soins psychiatri- dans une nouvelle école. Il commence à travailler ques. Louise perd son emploi et souffre elle aussi pour un boulanger à l'âge de 10 ans puis trouve de dépression. Dans toutes ces histoires, le tra- un emploi dans l'agroalimentaire, qu'il occupera vail donne un sens à la vie. pendant 49 ans. Encore ici, on doit parler d'un travail qui Une enfance en ville donne un sens à la vie, qui est souvent très dur A part leur enfance en milieu urbain, Julien, Rita, physiquement, mais qui permet d'occuper une Albert et William ont des histoires de vie simi- place dans la société. Les jeunes d'aujourd'hui, laires à celles du groupe précédent, et qui se dé- comme nous le verrons plus loin, n'auront pas roulent à la même époque. Ces participantes et cette chance. participants sont âgés de 59 à 69 ans. Même s'ils ne commencent pas à travailler aussi jeunes La génération de l'Expo 67 que les personnes du groupe précédent, Rita Un nombre important des participants et des et Julien arrivent sur le marché du travail à 14 participantes à la recherche sont âgés de 30 à 50 ans et William, à 15 ans. Albert, quant à lui, ans. Sociologiquement, dans le contexte québé- commence à travailler à l'âge de 10 ans. cois, ils sont identifiés à la génération des baby- Julien vit son enfance dans la pauvreté même boomers. Leur enfance, ainsi que le début de leur si son père travaille dans le domaine de la cons- vie d'adulte, se sont déroulés dans une période truction. Il fréquente l'école en première année, de transformation rapide de la société : la natio- mais on l'oriente rapidement vers les travaux nalisation de l'électricité, la laïcisation du sys- manuels. Il se rappelle avoir passé des années à tème d'enseignement, la mise en place d'un ré- construire des cabanes à moineaux. Il croit avoir seau moderne de santé et de services sociaux. souffert de dyslexie non diagnostiquée, mais af- L'objectif de ces transformations sociales était firme également qu'il lui était difficile de fonc- un peu d'éviter les situations vécues par la géné- tionner dans des grands groupes de 25 ou 30 ration précédente, de moderniser le Québec. Ce élèves. Il trouve des emplois réguliers qu'il oc- que l'on constate plutôt, c'est une transforma- cupe pendant de longues périodes, dans la cons- tion des histoires de vie des analphabètes, une truction maritime, puis en usine. Il affirme technocratisation progressive de leur problème. n'avoir jamais caché ses difficultés à lire ou à Viateur vient d'une famille rurale de 15 écrire au travail et avoir reçu un soutien impor- enfants. Souffrant d'un trouble de la vision, il tant de la part de ses collègues. Après avoir trouvé a de la difficulté à convaincre ses parents de l'exis- un emploi dans le domaine de la couture, Rita tence du problème. Cela sera corrigé, grâce à devient une couturière hors pair et se voit offrir l'intervention d'un professeur, mais trop tard : une promotion. William vit dans la pauvreté, le retard scolaire accumulé est très important. est adopté par une tante et doit être hospitalisé Depuis maintenant 20 ans, Viateur travaille au pendant de longues périodes à cause d'un acci- même endroit. Conrad présente des problèmes dent. Il dit avoir eu des difficultés d'apprentis- d'apprentissage et de comportement à l'école. Il sage mais affirme également qu'il avait un ca- affirme qu'il faisait rire de lui en milieu scolaire.

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Il veut maintenant donner toutes les chances à ses enfants et leur paie même l'école privée. Pro- Cinquante ans venant d'une famille où l'alcoolisme perturbe la après les orphelins vie quotidienne, Jérémy souffre de problèmes d'apprentissage et fait son primaire dans une série de Duplessis, on se de classes spéciales. À 13 ans, il est expulsé de retrouve face à face l'école à cause de problèmes de comportement. avec les enfants de Il occupe le même emploi depuis 33 ans. Mi- reille se souvient d'une école où ses problèmes la DPJ. de comportement la plaçaient dans une situa- tion difficile. Elle se promenait d'une classe spé- ciale à l'autre : « Les moins bons des stupides... progressivement des changements. Les enfants les déchets de la société. » Lors d'une rencontre fréquentent l'école ; les obstacles auxquels a dû d'anciennes élèves, une religieuse montre publi- faire face la génération antérieure (éloignement, quement le bulletin où Mireille avait obtenu travail agricole) disparaissent progressivement. zéro. Déterminée et débrouillarde, Mireille tra- La Révolution tranquille se fixe comme objectif vaillera surtout en usine où elle obtiendra un la scolarisation de tous et de toutes. Mais cela poste de contremaître. Lise voit sa scolarisation ne va pas sans difficultés. À travers les histoires interrompue par la maladie. Après une interven- de vie, on assiste à la professionnalisation des tion en orthophonie, elle recommence l'école à problèmes sociaux. On voit également le voca- 10 ans, mais les problèmes de santé persistent. bulaire se transformer et les classes spéciales ap- Elle n'a jamais travaillé et vit avec le même paraître, de même que les notions de problèmes conjoint depuis qu'elle a 16 ans. Liliane n'aime de comportement et de troubles d'apprentissage. Les pas l'école et redouble les niveaux à répétition. analphabètes ne sont plus les mêmes. Aupara- Natacha présente des difficultés à l'école dès la vant, ils n'entraient pas dans le système d'édu- maternelle. Elle est envoyée dans ce qu'elle cation, maintenant, ils y entrent, y cheminent nomme des écoles spéciales, fréquentées par des et en ressortent avec un sentiment d'échec en- enfants encore plus démunis. Au secondaire, à core plus grand. la polyvalente, elle dit avoir été placée avec les « attardés mentais ». Victime des pressions et des La génération « X » attaques du groupe, elle consomme de la Trois participants à la recherche sont âgés de 22 drogue. Une maternité lui donne par la suite le à 26 ans. Leur vie se caractérise par d'impor- courage de continuer. Lucie provient d'une tants problèmes d'adaptation familiale et sociale, famille où ses frères et sœurs auraient eu des pro- par de nombreuses prises en charge institution- blèmes d'apprentissage. Elle aussi sera envoyée nelles et par une grande difficulté à se faire une en classe spéciale. Elle commencera à travailler place à soi dans la société québécoise. Cinquante à 22 ans. ans après les orphelins de Duplessis, on se re- 5 Dans l'histoire du Québec, il s'agit d'une pé- trouve face à face avec les enfants de la DPJ . riode de transition et de transformation. Pour Steve est un enfant maltraité par sa mère. Il les plus âgés de cette génération, les histoires de est placé en famille d'accueil de l'âge de 5 ans vie ressemblent un peu à celles de la génération jusqu'à 11 ans. Il dit n'avoir jamais réussi à l'école précédente. Le travail y occupe une place im- car il se faisait battre. Le nouveau conjoint de sa portante et remplit ici encore une fonction mère l'adopte, mais à cause d'un problème identitaire. Pour les femmes, l'analphabétisme chronique d'agressivité, Steve est arrêté pour risque dans certains cas de les confiner à des rô- une histoire d'agression et placé en détention. les conjugaux, comme celles de la génération Présentement âgé de 26 ans, il vit en apparte- précédente. Cependant, la création d'un réseau ment supervisé et n'a pas d'expérience de public d'éducation et de services sociaux amène travail. Pierre dit provenir d'un milieu

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L'analphabétisme De l'individuel au collectif Quelles tendances se dégagent de cette analyse n'est plus un phénomène des histoires de vie des participants et des parti- cipantes à la recherche ? Principalement, il s'agit généralisé, mais est associé du lien entre l'organisation sociale et les cas aux personnes et à leur d'analphabétisme. Chaque époque produit ses analphabètes, et ceux-ci présentent des caracté- condition personnelle ristiques différentes. La modification des prati- ou familiale. ques en milieu scolaire en donne un bon exem- ple. L'enfant non scolarisé d'avant la guerre de- vient un enfant marginalisé dans le système d'éducation. L'absence de débouchés profession- nels pour les jeunes d'aujourd'hui, si l'on com- pare leur situation avec celle de leurs aînés, est criminalisé. À l'âge de 10 ans, il est adopté après un autre exemple de ces différences. une période d'attente de 6 ans. Rapidement, il Au départ, l'objectif de la recherche était de est classé en cheminement particulier et change découvrir les liens qui existent entre l'insertion régulièrement d'école. Adolescent, il a un com- sociale (particulièrement en ce qu'elle est reliée portement agressif qui le conduit en centre d'ac- à l'emploi), l'estime de soi et l'ensemble des élé- cueil. Il assimile le langage institutionnel et se ments qui jouent un rôle dans l'intégration de décrit comme MSA (mésadapté socioaffectif). personnes analphabètes en démarche d'appren- Il occupe des emplois occasionnels l'été, mais tissage. À la lumière de l'histoire de vie des par- vit encore en milieu protégé. René vit plusieurs ticipants et des participantes d'Un Mondalire, déménagements et placements. Les services so- nous avons pu explorer ces questions. Et il est ciaux interviennent de manière soutenue dans vite devenu évident que l'analphabétisme revêt sa vie. Il connaît plusieurs placements dans des plusieurs visages au fil du temps. Les plus vieux familles, des foyers et des centres d'hébergement. étaient analphabètes parce que le besoin de main- Sur le plan scolaire, il redouble sa deuxième an- d'œuvre enfantine était plus important sociale- née et se retrouve rapidement en cheminement ment que l'éducation des enfants. Et cela était particulier. Il occupe de petits emplois irrégu- encore plus vrai pour les filles. Même si ces per- liers dans des bars. sonnes ont souffert à divers degrés de leur anal- La tendance notée plus haut se poursuit. Le phabétisme, celui-ci n'a pas fait obstacle à leur système scolaire et social s'institutionnalise de intégration sociale, pas plus qu'il ne les a empê- plus en plus, et un peu comme dans le cas des chés de travailler, de se marier et d'élever une orphelins de Duplessis, on retrouve de jeunes famille. La plupart d'entre eux ont travaillé plus adultes qui sont des produits de cette institu- de 30 ans pour la même compagnie et ont eu tionnalisation. Au point même que l'un de ceux- un mariage qui a duré tout aussi longtemps. ci utilise le vocabulaire institutionnel pour se Même si l'analphabétisme n'était pas quelque décrire. Cependant, les stigmates de cette insti- chose dont on pouvait se vanter, il était tout de tutionnalisation persistent à l'âge adulte, et la même assez répandu pour ne pas constituer un transformation et la complexification du mar- grand drame personnel, et la blessure psycholo- ché du travail empêchent les personnes qui en gique liée au phénomène pouvait être minime. sont marquées de se servir du travail (comme Les participants et les participantes de ce groupe leurs aînés) pour donner sens à leur vie. Les tra- conviennent cependant qu'ils ont eu des emplois vaux durs, manuels, peu spécialisés ont disparu, extrêmement durs physiquement. C'était le prix et le moindre emploi dans l'industrie des servi- à payer pour cette lacune dans leurs compéten- ces nécessite un diplôme d'études secondaires. ces. Les orphelins de Duplessis, eux, ont été gran- La marginalisation est désormais complète. dement marqués psychologiquement par leur

32 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ansÉCHO ! - RGPAQ S ET RÉFLEXIONS expérience en général et leur analphabétisme. Cette recherche, par son approche et ses mé- Pour l'un d'entre eux, Jean-Jacques, la blessure thodes, a permis aux participants et aux partici- psychologique est grande et ne sera jamais vrai- pantes de s'approprier leur propre histoire et de ment guérie. Il aura travaillé toute sa vie, fondé réaliser qu'ils ne sont pas « seuls ». Que ce qu'ils une famille, il se sera bien intégré socialement, ont toujours vécu comme une tare personnelle s'ins- mais il n'aura jamais été vraiment heureux. Un crit dans une réalité collective. Pour beaucoup, ce autre des orphelins qui, lui, a passé la plus grande constat a amené une certaine « libération ». La re- partie de sa vie en institution, n'a jamais vrai- cherche universitaire a pour but avoué d'accroître ment pu travailler ou fonder une famille. Son le savoir des « savants » et de leurs étudiants et étu- intégration sociale reste minimale. diantes. Or, voici une recherche qui, par un effet Au cours des générations qui suivent, l'anal- pervers, a atteint un but tout autre : celui d'accroî- phabétisme devient une histoire de rejet de la tre le savoir et le bien-être de ceux et celles qui en part de la famille ou de l'école et d'intervention étaient les sujets. des systèmes scolaires ou sociaux. Familles d'ac- Ceci nous indique qu'une recherche avec des cueil, classes spéciales, centres d'accueil, problè- personnes vulnérables pourrait n'avoir pour seul mes d'apprentissage, problèmes de comporte- objectif que de réconcilier ces personnes avec ments, piètre estime de soi, etc. L'analphabétisme leur propre passé, de les amener à comprendre n'est plus un phénomène généralisé, mais est les liens qui existent entre leur situation et la associé aux personnes et à leur condition per- situation sociale et collective d'une époque. Elle sonnelle ou familiale. Pour les plus jeunes parti- pourrait aussi amener cette collectivité à con- cipants et participantes à la recherche, il est évi- vaincre jeunes et moins jeunes de la nécessité de dent que le travail ne pourra jouer le rôle qu'il a dénoncer ce criant problème social qu'est l'anal- eu dans la vie de leurs aînés, non seulement à phabétisme. cause du changement dans le marché de l'em- ploi, mais parce que ces personnes ont beaucoup plus de problèmes d'adaptation liés à leur expé- rience de vie. 1. Subventionnée par les Initiatives fédérales-provinciales conjointes Il est intéressant de noter que le cadre intime en matière d'alphabétisation (IFPCA). offert par des centres d'alphabétisation populaire 2. Un Mondalire est un groupe communautaire d'alphabétisation si- tué à Pointe-aux-Trembles, un quartier ouvrier de Montréal. La for- comme Un Mondalire est probablement le meilleur mation y est donnée dans de très petits groupes, dans un environne- milieu d'apprentissage pour ces personnes qui ne ment qui ressemble plutôt à une maison privée qu'à une école. Le se sont pas senties intégrées, protégées et chéries, à nombre de participants et de participantes peut varier d'une année à l'autre ; en 1998-1999, année de la recherche, il s'élevait à une tren- la maison comme à l'école. Ce que les participants taine. et les participantes révèlent sur les gains apprécia- 3. Par « sans-parents », nous entendons les personnes qui sont orphe- bles liés à leur démarche d'apprentissage et à leur lines ou qui proviennent de foyers dans lesquels elles n'ont pas reçu les soins et la protection offerte par un ou des parents responsables. intégration dans la communauté du centre nous 4. Dans le rapport du protecteur du citoyen, on définit les orphelins permet de croire que ce cadre peut au moins leur de Duplessis de la façon suivante : « Toute personne qui, avant l'âge permettre d'améliorer leur confiance en eux. Pour de 12 ans, a été abandonnée par ses parents biologiques pour des rai- sons sociales, politiques et religieuses, et pour des motifs de décès d'un les plus jeunes, c'est en augmentant leur estime de ou des deux parents, a été placée dans les crèches, orphelinats, institu- soi qu'ils parviendront à se dénicher un emploi ou tions psychiatriques et autres logeant des orphelines et des orphelins, à s'en créer un. Ainsi, une des jeunes femmes ayant à compter des années 1930 à 1965. » (Daniel JACOBY, Les enfants de Duplessis à l'heure de la solidarité. Rapport du protecteur du citoyen, participé à la recherche a quitté l'aide sociale pour 1997). fonder sa propre entreprise. D'autres ont obtenu Des orphelines et des orphelins se sont retrouvés en institution psy- des promotions. Certaines et certains se disent chiatrique parce que celles-ci étaient subventionnées par le gouverne- ment fédéral alors que les orphelinats devaient compter sur la charité beaucoup plus heureux. Le centre d'alphabétisa- des congrégations religieuses. Plusieurs enfants parfaitement normaux tion ne peut faire de miracles, mais il peut donner ont donc été classés « fous », « déficients mentaux » ou les deux. Et un coup de pouce indispensable pour évoluer, et beaucoup ont été envoyés sur des fermes sur la base des mêmes argu- ments économiques. ce, pas seulement en alphabétisation. 5. Direction de la protection de la jeunesse.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 33 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ La stratégimaringouine des s Lise St-Germain, présidente Sylvie Tardif, coordonnatrice Centre d'organisation mauricien de services et d'éducation populaire (COMSEP) Pourquoi s'occuper de développement économique ? Les groupes populaires d'alphabétisation ont-ils un rôle à jouer en ce sens ?

Depuis 1986, l'organisme COMSEP lutte contre la pauvreté. Pour ce faire, il privilégie une approche globale, c'est-à-dire que son interven- tion vise à améliorer les conditions de vie socia- les, culturelles, politiques et économiques des personnes appauvries. Il rejoint annuellement près de 4 000 personnes, dont 400 participent à titre de membres à diverses activités et profitent des services offerts. L'équipe de travail compte 17 personnes permanentes et 125 bénévoles œuvrant dans les différents volets d'intervention. Plusieurs comités et activités ont été mis en place pour répondre aux besoins des personnes rejoin- tes et réaliser concrètement la mission de COMSEP : le comité envol alpha, les cuisines collectives, le comptoir vestimentaire, le comité APPUI (soutien aux familles monoparentales), le collectif de femmes, le collectif d'hommes et de pères, le théâtre populaire, la formation pro- fessionnelle ainsi que le développement écono- mique par la mise en place de micro-entreprises d'économie sociale. Le présent article explique pourquoi et dans quel contexte un organisme en alphabétisation et en éducation populaires comme COMSEP s'est intéressé, avec les années, au développement économique, comment il a graduellement in- vesti l'univers économique à partir des besoins et réalités des personnes rejointes et quels obsta-

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cles il a surmontés pour relever le défi. Il fait vières et d'autres organismes pour que les per- également ressortir l'importance du développe- sonnes à faible revenu aient accès à des specta- ment économique communautaire dans un pro- cles, à des musées, à la bibliothèque et à des re- jet de société axé sur la démocratie, l'égalité et la présentations théâtrales. justice, le rôle du mouvement communautaire Par l'alphabétisation, nous tentons de mettre et la contribution des groupes populaires en al- en action les personnes et de favoriser l'exercice phabétisation dans l'adoption d'une approche d'une citoyenneté participative. À chacune des alternative en développement économique. élections fédérales, provinciales ou municipales, des ateliers d'alphabétisation-conscientisation Des victoires qui motivent l'action sont organisés afin que les personnes soient in- Alphabétiser, on l'a dit, c'est travailler à amélio- formées et comprennent les enjeux politiques et rer les conditions de vie sociales, politiques, cul- économiques. À ces occasions, nous invitons les turelles et économiques des personnes. Cette candidats et les candidates de chaque parti à un perspective globale a toujours été présente dans débat et nous permettons aux personnes de leur l'approche de notre organisme, et nous avons poser les questions qui les préoccupent. conçu au cours des années des pratiques qui agis- Notre organisme a mené, il y a quelques an- sent sur chacune de ces dimensions. À ce titre, nées, une petite lutte au niveau municipal pour notre organisme participe aux grandes luttes du que les personnes à faible revenu aient accès, à mouvement communautaire (projet de loi con- très faible coût, à la plus grande piscine publi- tre la pauvreté, marche des femmes, chômage, que familiale de Trois-Rivières. Après plusieurs aide sociale, salaire minimum, etc.), mais aussi démarches et quelques sorties médiatiques, nous essaie concrètement de remporter des victoires avons eu gain de cause. à plus petite échelle pour donner espoir aux per- Ces petites victoires permettent aux gens de sonnes, leur permettre de croire en elles et en croire aux luttes qui sont plus difficiles à gagner, leur potentiel. Par exemple, notre organisme a c'est-à-dire les luttes à une plus grande échelle déposé avec ses membres un mémoire sur l'ac- qui interpellent les structures politiques et éco- cès à la culture1. Cela a donné lieu à des enten- nomiques et qui feront, à long terme, sortir les tes avec la Corporation culturelle de Trois-Ri- personnes de leur situation de pauvreté.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 35 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

La question de L'emploi, intentions, nous nous sommes donc lancés dans cette aventure sans trop en évaluer au départ les à COMSEP, est devenue obstacles. Cependant, nous nous sommes rapi- importante à partir du moment dement heurtés à un obstacle majeur, celui de l'accès à l'emploi des personnes peu scolarisées. où les membres y ont accordé En effet, l'accès à l'emploi pour les personnes de l'importance et y ont vu peu scolarisées est un défi de taille. Un adulte une solution à leur exclusion, analphabète venant de terminer un processus d'alphabétisation possède l'équivalent d'une pre- une voie de sortie à mière secondaire. Rares sont les personnes qui leur pauvreté. suivent un processus afin d'obtenir les équiva- lences du secondaire, alors que les exigences du marché du travail actuel sont de plus en plus axées sur des critères de scolarité. Par exemple, De l'intervention sociale pour balayer les rues aujourd'hui, on doit pos- à l'économie sociale séder une cinquième secondaire. Certains diront : pourquoi se mêler de l'écono- Pourtant, après avoir traversé tout un proces- mique et de l'emploi alors que la mission des sus d'alphabétisation, ces personnes se sentent groupes populaires en alphabétisation relève plus prêtes et mieux outillées pour affronter la so- des dimensions sociales et éducatives ? Notre ciété, et leur désir le plus grand est très souvent réponse à ce questionnement et à ce débat nous de se sortir de leur pauvreté par l'obtention d'un est venue des préoccupations et des besoins de emploi. Mais il ne suffit pas de vouloir un em- nos membres. La question de l'emploi, à ploi pour en avoir un. Ceux et celles qui ont COMSEP, est devenue importante à partir du tenté de relever le défi ont dû faire face à une moment où les membres y ont accordé de l'im- réalité qui les frappe de plein fouet, celle du mur portance et y ont vu une solution à leur exclu- de l'emploi. sion, une voie de sortie à leur pauvreté. Dans la En effet, selon une étude réalisée par Denis perspective d'une approche globale de l'inter- Ross en 19962, 68 %, soit plus des deux tiers vention, il nous apparaissait tout à fait néces- des personnes peu scolarisées ayant moins d'une saire de lier les problèmes sociaux aux condi- cinquième secondaire sont sans travail, et 77 % tions économiques et de tenter de trouver des des personnes n'ayant pas atteint une deuxième réponses cohérentes. Et c'est là qu'a commencé secondaire ne travaillent pas. un grand défi pour notre organisme, celui de Afin de permettre à ces personnes d'avoir ac- l'emploi. Même si le bien-être des individus ne cès à un emploi et en tenant compte des réalités passe pas seulement par l'emploi, il n'en demeure actuelles et des exigences du marché, COMSEP pas moins que dans notre société nord-améri- a décidé de relever le défi du développement caine, le travail joue actuellement un rôle im- économique. Pour ce faire, nous avons mis en portant et déterminant, particulièrement en ter- place un programme de formation préparatoire mes de reconnaissance sociale, d'identité et de à l'emploi adapté aux personnes peu scolarisées lien social. Les personnes analphabètes ont aussi dans des métiers peu spécialisés en demande sur intégré ces valeurs dominantes et aspirent à la le marché. Notre organisme offre donc des pro- reconnaissance sociale que pourrait leur appor- grammes de formation professionnelle dans des ter un travail. Même s'il ne constitue pas la seule métiers aussi variés que la cuisine d'établisse- source d'épanouissement, nous croyons tout de ment, le transport routier, la couture industrielle, même que le travail est un moyen d'améliorer l'aide domestique, l'opération de machine à bois les conditions économiques des personnes et de et la manutention. Le programme présente la lutter contre leur exclusion. Remplis de bonnes possibilité de faire des stages en milieu de tra-

36 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE ÉCHOS ET RÉFLEXIONS Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ vail. De plus, un accompagnement soutenu est un café-restaurant et un casse-croûte estival, offert durant toute la formation, au moment des Bouff'elles est maintenant devenu le troisième stages, pendant la période de recherche d'em- traiteur en importance à Trois-Rivières. ploi ainsi qu'en emploi. Cette démarche adap- Bouff'elles a créé depuis son ouverture quatre tée nous permet d'avoir un taux de placement emplois à temps plein et six à temps partiel. et de rétention à l'emploi de 83 %. COMSEP a également mis sur pied une ébé- nisterie ainsi qu'une micro-entreprise d'ensachage L'entrepreneuriat collectif de café. De plus, afin de répondre à un plus grand comme projet de société nombre de besoins, nous avons créé en 1996 Malgré tous nos efforts et notre taux de réussite ECOF (Economie communautaire de élevé, ce programme, même s'il s'adresse à des Francheville), un nouvel organisme dont la mis- gens peu scolarisés, était encore trop difficile sion première est de favoriser l'accès à l'emploi des pour certaines personnes, en particulier celles qui personnes peu scolarisées par la mise en place de ont une plus faible scolarité (première secondaire micro-entreprises et de services liés à l'emploi. et moins) et qui ont été plus longtemps éloi- Dans une perspective d'éducation populaire, gnées du marché du travail. En effet, dans le développement économique communautaire certains cas, le retour en emploi dans le marché véhiculé par COMSEP a des visées sociales et du travail actuel est un choc et une réalité alternatives et s'inscrit dans un projet de société complexe. Malgré le désir d'occuper un emploi global qui vise la démocratisation de l'écono- et de « travailler comme tout le monde », une mie. À ce titre, les entreprises créées misent sur fois les deux pieds dedans, c'est un tout autre les principes et les valeurs d'un projet de société défi ! Leur condition de pauvreté a laissé chez plus juste sur les plans économique et social. Ces ces personnes un héritage qui se traduit par principes, similaires à ceux de l'économie sociale, l'insécurité, la peur de l'échec et une capacité reposent sur la gestion collective des entrepri- de production parfois diminuée en raison ses, la finalité sociale, la redistribution des sur- d'une santé précaire, tous des facteurs pouvant plus d'argent, la création d'emplois durables et malheureusement nuire à leur intégration à l'obtention de salaires décents. Les entreprises l'emploi. d'économie sociale posent le défi de faire de l'éco- Pour faire face à ces obstacles, COMSEP a nomie une économie au service des personnes décidé d'innover encore et de créer des micro- et en solidarité avec les personnes exclues. Il s'agit entreprises de nature collective ayant comme fi- donc d'intégrer, aux dimensions économiques du nalité sociale l'intégration des personnes peu travail, des dimensions sociales. Bien évidemment, scolarisées exclues du marché du travail. La pre- cet objectif ne se réalise pas sans défis. mière entreprise à voir le jour a été un service de traiteur, les Buffets Bouff'elles. Ce projet a été lancé par un groupe de femmes issues des cuisi- nes collectives qui désiraient relever le défi de Dans notre société l'emploi. L'idée d'un service de traiteur leur per- mettait de miser sur les compétences et les capa- nord-américaine, le travail cités qu'elles avaient acquises dans leur rôle de joue actuellement un rôle mère et de les transférer dans une situation de travail rémunéré. Le fait d'être accompagnées important et déterminant, dans leur démarche par COMSEP les a sécuri- particulièrement en termes sées. Le service de traiteur, situé dans les locaux de reconnaissance de l'organisme, leur a permis de bénéficier, pen- dant la période de démarrage, du soutien finan- sociale, d'identité cier et technique de COMSEP. En plus de gérer et de lien social.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 37 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Le milieu social ne peut à lui seul se préoccuper du sort nomique ensemble. En effet, l'emploi ne règle des plus démunis de la société, car pas tout. La pauvreté, c'est aussi des problèmes de logement et d'accès aux loisirs, aux ressour- l'exclusion, c'est la responsabilité ces, à la culture, aux services de santé. Cela veut de tout le monde, de la société aussi dire régler les problèmes de faim, de vio- lence, d'isolement, etc. Lutter contre la pauvreté et de ses actrices et acteurs implique un combat sur deux fronts, l'écono- institutionnels, économiques, mique et le social. politiques, syndicaux ou Le rôle du mouvement communautaire issus du mouvement et des groupes populaires dans le chrétien engagé. développement économique Plusieurs obstacles se présentent quand on dé- cide de concilier monde économique et monde social. Premièrement, à cause de leur méconnais- Le premier défi provient du choc des cultures sance de l'économie sociale, les acteurs et actri- entre le monde de l'économique et le monde du ces économiques et politiques considèrent trop social, comprenant les milieux communautaire, souvent les acteurs de l'économie sociale comme syndical, chrétien et institutionnel. En effet, la des joueurs de ligues mineures. Plusieurs préju- pratique nous a démontré que notre vision des gés sont véhiculés à l'égard des pratiques d'éco- problèmes sociaux est très différente. Les actri- nomie sociale et de développement économique ces et les acteurs sociaux ainsi que ceux de l'éco- du communautaire, souvent qualifié de milieu nomique doivent donc adopter une vision « broche à balle » ! Un autre obstacle est lié aux commune des problèmes avec lesquels sont aux limites des personnes avec qui on travaille. En prises les personnes exclues et trouver des moyens effet, la condition sociale de ces personnes les pour les régler. Le deuxième défi consiste à ap- désavantage sur plusieurs plans et réduit leur prendre collectivement à travailler autrement, à potentiel à long terme. De plus, les entreprises partir d'une approche concertée, globale et in- d'économie sociale doivent compétitionner dans tégrée et non en vase clos, à mettre un frein à le marché en tenant compte des principes et des nos luttes de pouvoir et à reconnaître récipro- valeurs qu'elles défendent, ce qui les empêche quement nos expertises. Cela veut dire, de part parfois d'être concurrentielles. Œuvrer en éco- et d'autre, faire des compromis en gardant tou- nomie sociale dans le marché actuel, c'est un jours en tête les valeurs de fond et l'objectif fi- combat entre David et Goliath. nal. Troisièmement, il faut travailler ensemble à Le dernier obstacle est le rapport au temps. des projets concrets et non seulement sur des En éducation populaire, en alphabétisation po- idées. Cela signifie tenter des expériences nou- pulaire, en économie sociale, nous avons besoin velles et sortir des sentiers battus. À ce titre, nous de temps pour réaliser nos projets et pour aider croyons que les actrices et les acteurs du social les gens à sortir de la pauvreté. Or, l'État et nous sont des spécialistes en la matière. Le quatrième n'avons pas le même rapport au temps. Par exem- défi est d'inclure dans la démarche les premières ple, pour nous, une démarche de deux ans est personnes concernées, c'est-à-dire celles aux pri- une démarche à « court terme », alors que pour ses avec les problèmes. Du côté du social, cela l'Etat, c'en est une à très long terme. À notre va de soi, mais c'est beaucoup moins évident du avis, le temps est lié au processus dans lequel côté des acteurs économiques. Le dernier défi s'inscrivent les personnes. Le processus est aussi consiste à reconnaître la nécessité de lutter glo- important que les résultats, car c'est par lui très balement contre l'exclusion et non uniquement souvent qu'il est possible de créer des espaces de contre le chômage. Il s'agit sûrement de la con- citoyenneté pour les personnes exclues. Il est tribution que peuvent apporter le social et l'éco- donc nécessaire, dans cette perspective, de tra- ÉCHOS ET RÉFLEXIONS Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ vailler avec les gens concernés, avec eux et non à lité de revendiquer, ni de s'adresser aux élus, à la leur place, de croire en leur potentiel et de four- société ou aux acteurs et actrices économiques. nir des moyens, des ressources et des conditions Dans le contexte d'un discours néolibéral do- qui feront émerger ce potentiel. minant, il nous apparaît encore plus nécessaire Les espaces de citoyenneté s'inscrivent dans de se mêler, au nom de la démocratie, de l'éga- le champ du social, mais aussi dans celui de l'éco- lité des chances et de la justice sociale, des affai- nomique. Grâce aux expériences entre- res économiques de notre société. Si nous ne preneuriales, les personnes acquièrent des capa- jouons pas ce rôle, qui le fera ? cités de gestion, des connaissances qui leur per- mettent de prendre part aux décisions et de jouer La stratégie des maringouins un rôle plus actif. Dans les entreprises, on gère En conclusion, nous aimerions vous présenter collectivement l'organisation du travail, les fi- la stratégie élaborée par notre organisme avec nances, les ressources humaines, mais aussi les les années. Que ce soit dans nos luttes sociales, petits et gros problèmes du quotidien. Ainsi, on politiques ou économiques, nous avons très sou- tisse par le travail le lien social qui se trouve à la vent à relever des défis et à surmonter des obsta- base de tout exercice de la citoyenneté. Mais pour cles. L'histoire des luttes populaires nous a dé- que cela se fasse, il faut que le monde du social montré que chaque fois que nous nous lançons s'aventure dans le monde de l'économique. dans le champ de la défense des droits des per- Quelle est la responsabilité des groupes po- sonnes exclues, appauvries, stigmatisées, nous pulaires en alphabétisation en regard de cette nous attaquons à la grande armée. Quand nous question ? A notre avis, le milieu social ne peut affrontons des défis de taille, nous nous sentons à lui seul se préoccuper du sort des plus dému- souvent minuscules et isolés, et les obstacles nous nis de la société, car l'exclusion, c'est la respon- semblent insurmontables. Pour garder courage, sabilité de tout le monde, de la société et de ses nous avons mis en branle, à COMSEP, la straté- actrices et acteurs institutionnels, économiques, gie des maringouins. Ainsi, au besoin, les mem- politiques, syndicaux ou issus du mouvement bres de COMSEP se transforment en tout pe- chrétien engagé. Cependant, les groupes popu- tits maringouins. Un seul maringouin peut pa- laires en alphabétisation et le mouvement com- raître bien insignifiant, mais imaginez un ins- munautaire ont acquis par leur pratique une tant une nuée de maringouins fonçant vers un expertise importante en matière de démocratie, objectif commun ? Cela peut amener des trans- de citoyenneté et d'éducation populaire. Cette formations radicales ! Un premier ministre, expertise doit être mise au profit de nouvelles même avec tout son pouvoir, ne pourrait pas pratiques sociales en développement économi- résister à des milliers de maringouins dans une que. Pourquoi laisserions-nous une dimension petite tente de camping ! aussi importante que le développement écono- En nous regroupant, en nous fixant des ob- mique dans les mains des seuls acteurs et actri- jectifs communs, nous pouvons relever des dé- ces économiques ? Il nous semble que la dimen- fis majeurs comme changer les mentalités, amé- sion économique de nos luttes politiques et so- liorer les conditions de vie et transformer ainsi ciales est trop importante pour que nous la lais- la société. À vous de définir votre propre straté- sions uniquement sous la responsabilité des per- gie pour accomplir vos missions. sonnes qui ont du pouvoir dans la société. Il est nécessaire de mettre à profit le rôle politique de 1. Voir l'article « L'accès à la culture » dans Le Monde alphabétique, n° 12, p. 7. nos organisations afin d'élargir nos luttes et d'y 2. Denis ROSS, Les personnes peu scolarisées et l'emploi, Montréal, faire valoir nos préoccupations, celles des per- Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, sonnes exclues, ainsi que notre projet de société. 1996, 66 pages. Les groupes communautaires sont aussi des grou- pes de pression dont le rôle est de faire entendre la voix des populations qui n'ont pas la possibi- Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Avons-nous relégué nos valeurs communautaires au second plan dans l'application du nouveau Brigitte Létourneau, responsable de la formation au Code civil ? RGPAQ, en collaboration avec Lise Gervais, formatrice au Centre de formation populaire

Au cours des dernières années, certains ou cer- taines d'entre nous avons peut-être été témoins de conseils d'administration prêts à faire la loi dans nos organisations sous prétexte qu'ils étaient désormais devenus légalement responsables de leurs actes et que les administrateurs et admi- nistratrices pourraient être individuellement poursuivis devant les tribunaux. D'autres grou- pes ont brandi, en période de crise, le bâillon de la loi afin d'éviter à l'assemblée générale de faire des débats qui auraient pu les désavantager, alors que ces débats étaient essentiels au développe- ment de l'organisme. Au-delà du Code civil et du respect de la loi, nous est-il possible de réflé- chir aux choix éthiques que nous pouvons ou devons faire en regard de la loi ? Est-il possible de respecter la loi tout en respectant nos valeurs communautaires ? S'il y a un objectif pour lequel le mouvement communautaire se bat ardemment, et ce, depuis les débuts de son existence, c'est bien celui de changer le monde. Objectif irréaliste ? Lutte in- sensée ? Qu'on le veuille ou non — et au nom de convictions profondément ancrées — la lutte contre les injustices et la redéfinition des rap- ports actuels de pouvoir demeurent le pain quo- tidien des militantes et des militants engagés dans les groupes communautaires. Conséquemment, la place et la parole des personnes économique- ment défavorisées prennent tout leur sens autant dans la société que dans nos groupes, puisque ces derniers représentent un lieu formidable d'exercice de la citoyenneté et d'apprentissage du pouvoir collectif. Cette façon de faire se situe donc au cœur des changements espérés.

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En vertu de la loi, les membres d'un organisme possèdent les droits suivants :

• Droit à un traitement égalitaire ; • Droit au respect des lettres patentes et des règlements généraux; • Droit d'assister aux assemblées des membres, d'y prendre la parole et d'y voter ; • Droit d'être élu au conseil d'administration ; • Droit de recevoir les états financiers et les rapports des administrateurs et administratrices ; • Droit de consulter les livres et les registres concernant la structure de la corporation (lettres patentes, règlements généraux, liste des membres et des administrateurs et administratrices).

Mais voilà, la souveraineté de nos membres, « Par conséquent, les seuls véritables pouvoirs souvent acquise et maintenue au prix de dures des membres consistent à : luttes externes et internes (luttes pour la recon- • élire les administrateurs et, le cas échéant, les naissance de nos pratiques par le gouvernement, destituer si ce pouvoir leur est conféré dans luttes pour l'autodétermination et même luttes les lettres patentes ; internes de pouvoir), a-t-elle été balayée par l'en- • nommer le vérificateur des comptes, s'il y a trée en vigueur du nouveau Code civil en 1995 ? lieu ; • ratifier les changements aux règlements gé- Le Code civil remet-il en néraux ; approuver les changements aux let- question nos façons de faire ? tres patentes [...]1. » Précisons d'abord le rôle des membres d'un L'application stricte du Code civil, on le cons- organisme en ces termes : tate, risque de remettre en question le rôle de « [...] Les membres ne peuvent exercer aucun l'assemblée générale. Si le conseil d'administra- contrôle direct sur l'administration de la corpo- tion ne se sent pas lié aux décisions (ou sugges- ration et ils ne participent aucunement aux dé- tions) de ses membres, il risque de nier les va- cisions de gestion courante. Ils ne peuvent gé- leurs sur lesquelles repose le mouvement com- néralement pas : munautaire. De plus, pour exister, nous avons • empêcher les administrateurs d'agir ; besoin de l'intérêt et de la mobilisation de nos • ni leur donner des instructions ; membres. Cultiver un sentiment d'appartenance • ni faire annuler leurs actes. chez nos membres nous permet de mieux at- « Ainsi, les résolutions adoptées par l'assem- teindre nos objectifs communs. Administrer blée générale doivent être reçues comme des sug- l'organisation dans le respect de sa base va de gestions ; c'est la volonté, le vœu des membres pair avec le « meilleur intérêt » de la corpora- qui s'expriment. Le conseil d'administration tion. Rappelons qu'une assemblée de mem- pourra cependant en disposer comme il l'entend, bres insatisfaite peut mener à une destitution en considérant les tenants et les aboutissants de du conseil d'administration, à une désaffec- celles-ci dans le meilleur intérêt de la corpora- tion des membres et à une perte de crédibilité tion. de l'organisme.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 41 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Que recherchons-nous dans l'association ? En premier lieu, une association est Quatrièmement, les associa- un espace de liberté. Les personnestions permettent une participa- Autre fait important : nos choix passés face s'associent librement. L'idée d'es- tion à la vie démocratique. Dans à la souveraineté des membres tirent leur ori- pace implique que les associés dé- notre système parlementaire, gine des façons de faire du mouvement syndi- terminent eux-mêmes l'association, l'exercice de la démocratie peut cal, dans lequel nous nous reconnaissions à ses activités, ses orientations. Si se limiter, et se limite trop sou- l'époque (années 70). À l'heure actuelle, les une contrainte extérieure intervient vent, à un vote tous les quatre lois qui touchent les organismes sans but d'une quelconque façon, nous ne ans. Le travail des associations lucratif (le Code civil et la loi sur les compa- pouvons plus parler d'association permet à la population de s'expri- gnies, particulièrement la troisième partie) comme espace de liberté. mer entre les élections. Les voix encadrent une multitude d'organisations avec Deuxièmement, une association conjuguées d'un groupe de ci- lesquelles nous n'avons pas beaucoup en com- mun (organismes de bénévolat, de loisirs, est un outil pour la mise en évidence toyens et de citoyennes sont plus organismes de services, etc.). Les lois tentent de situations problématiques qui, à facilement « entendables » que terme, donneront lieu à de nouveaux celle d'un individu isolé. Les as- de donner des bases communes de fonction- droits. Un exemple éloquent de ce sociations, à ce titre, permettent nement à des organismes sans tenir compte type de pratique sont les groupes de le maintien d'une certaine vitalité des particularités du mouvement communau- femmes qui travaillent contre la vio- dans notre démocratie. taire telles que notre mission, nos valeurs, notre philosophie. lence. Il y a à peine 20 ans (dans les Et cinquièmement, les asso- années 70), la violence conjugale ciations sont des lieux et des es- D'un autre côté, peu importent les choix était tolérée. Aujourd'hui, c'est dif- paces privilégiés pour l'appren- éthiques que font les conseils d'administration, férent. Sans ces groupes, où en se- tissage de la citoyenneté. Être il est vrai que, advenant l'éventualité d'une raient les droits des femmes ? Ces citoyen et citoyenne, ce n'est poursuite judiciaire contre l'organisme, le C.A. associations ont donc permis l'éclo- pas inné, ça s'apprend ! Mais est légalement responsable et ne peut se déres- sion de nouveaux droits. pour apprendre, on doit pouvoir ponsabiliser en prétextant qu'une décision a Troisièmement, les associations expérimenter, prendre graduel- été prise en assemblée générale. Il faut que les permettent l'exercice des droits lement des responsabilités, décideurs fassent preuve de bon sens et que existants. Les citoyens et les ci- composer avec un groupe, faire l'organisme communautaire établisse des rô- toyennes ont des droits, les chartes valoir ses opinions, écouter et les clairs pour chaque structure (C.A. et A.G.). les protègent et de multiples légis- comprendre un point de vue dif- Il est normal qu'un C.A. fasse un travail de lations permettent de freiner les férent. .. Bien peu de lieux exis- « déblayage » afin que l'assemblée des mem- abus. Mais comment faire appliquer tent pour cet apprentissage ci- bres soit fonctionnelle. Par exemple, il serait ces différents droits ? En tant qu'in- vique, et faute d'améliorer nos bien inefficace d'apporter des changements dividus, nous sommes souvent dé- capacités d'exercer notre rôle aux règlements généraux en assemblée géné- munis quand vient le temps de faire de citoyen, citoyenne, c'est la rale (en grand groupe) et espérer assurer une respecter nos droits. Les associa- qualité de la vie démocratique certaine cohérence d'un règlement à l'autre. tions permettent de trouver l'infor- qui se détériore. Le rôle de l'assemblée est plutôt d'indiquer aux mation et le soutien nécessaires au administratrices et administrateurs s'ils font ou moment de se battre contre des bu- Tiré d'une allocution prononcée par Lise non fausse route et leur suggérer une direc- Gervais, du Centre de formation populaire, tion à prendre. reaucraties trop lourdes et compli- lors du colloque ASEMO en 1993. quées. Les associations, dans ces si- Les groupes communautaires se sont dotés tuations, permettent et favorisent de structures généralement assez bien définies l'application des droits existants. afin d'assurer la continuité et la cohérence des décisions dans l'organisation. L'A.G. définit les grandes orientations, le C.A. s'assure de la réalisation des orientations pendant l'année et les membres de l'équipe voient à l'exécution

42 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE ENJEUX Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Lorsqu'on en vient à chercher une réponse juridique à nos du travail. Cependant, cette définition des rôles différends, c'est souvent pour des structures n'est pas toujours très claire dans la pratique quotidienne, d'où l'importance d'une empêcher te débat d'avoir lieu formation et d'un questionnement continuels et pour éviter par le fait même afin que les militants et les militantes des grou- de mettre en évidence pes comprennent bien le rôle qu'ils peuvent jouer, et que celui-ci soit toujours adéquat pour certaines difficultés. la bonne marche de l'organisme.

Est-il possible d'éviter les C.A. trop « contrôlants » ? La loi est incontournable, mais elle ne devrait jamais empêcher le débat. Lorsqu'on en vient à chercher une réponse juridique Afin d'aider les conseils d'administration à exercer leur rôle à nos différends, c'est souvent judicieusement, Centraide, le principal bailleur de fonds pour empêcher le débat d'avoir d'un grand nombre d'organismes, a élaboré 15 règles d'or : lieu et pour éviter par le fait même de mettre en évidence cer- 1- Participer régulièrement aux réunions. taines difficultés. Même si on 2- S'assurer que l'organisme conserve tous les procès- empêche les débats au moyen verbaux du C.A. ainsi que les décisions officielles. 3- Exercer un contrôle général des activités et des ressour- d'arguments juridiques, les dif- ces de l'organisme. ficultés non résolues finissent 4- Avant de prendre une décision, se renseigner sur son par ressurgir et parfois encore implication et sa pertinence. plus douloureusement que si on 5- Quand quelque chose ne va pas, s'en inquiéter tout de y avait fait face dès le début. suite et réagir en conséquence. L'aspect financier motive 6- Insister pour que des rapports financiers et d'activités aussi certains conseils d'adminis- soient présentés régulièrement aux réunions du C.A. 7- S'assurer que l'organisme retienne les services d'un tration à « prendre le contrôle ». comptable agréé pour la vérification des états financiers. Au moment de l'entrée en vi- 8- Demander à l'organisme de consulter un avocat dans les gueur du nouveau Code civil, situations où une gestion prudente est de rigueur. plusieurs bailleurs de fonds ont 9- Demander des comptes rendus écrits des réunions des expliqué aux administrateurs et comités du C.A. lorsqu'il y a des décisions à prendre. aux administratrices qu'ils pour- 10- Adopter des budgets équilibrés et éviter de contracter raient faire face à d'éventuelles des dettes. poursuites judiciaires individuel- 11- Bien connaître les autres membres du C.A. et le person- les s'ils ne prenaient pas la situa- nel de l'organisme. 12- Adopter et respecter des méthodes de travail accepta- tion en main. Ceci a parfois eu bles pour tous les membres du C.A. pour effet de décourager certai- 13- Éviter les règlements et la paperasse qui ne sont pas nes personnes de militer au sein réellement utiles. d'un C.A. ou encore d'en ame- 14- Éviter les conflits d'intérêts. ner d'autres à tout contrôler. 15- Acquérir une bonne connaissance de l'organisme et de Plusieurs se sont questionnés sur son secteur d'intervention afin d'assumer les responsa- la nécessité de prendre bilités relatives à sa gestion.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 43 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

des assurances. Bien que celles-ci ne soient pas contre-indiquées, elles sont bien souvent coû- teuses pour les groupes. Il faut bien définir leur nécessité, car personne n'est couvert en cas de fraude ou de mauvaise foi.

A-t-on raison de s'en faire ? Même si le nouveau Code civil ne donne pas lieu à de nouvelles règles de conduite, la place qu'a prise son interprétation dans nos organisa- Depuis plus de dix ans, l'équipe de tions est importante, peut-être trop. Le problème CLÉ1 a entrepris d'intégrer les NTIC ne réside-t-il pas dans le fait que certains orga- (nouvelles technologies de l'informa- nismes appliquent ces règles à la lettre, dans un tion et de la communication)2 à ses souci bien compréhensible de respecter la loi, activités, et ce, dans le respect maxi- mais sans trop se questionner sur les conséquen- mal de sa mission, de ses objectifs ces que cela pourrait avoir sur le respect de leur et des principes de l'alphabétisation mission et des valeurs communautaires ? populaire. À l'automne 1999, l'équipe Il ne faut pas croire que « l'entrée en vigueur s'investissait dans un projet de du nouveau Code civil du Québec a amplifié les recherche financé par le Bureau des technologies d'apprentissage devoirs et la responsabilité. Le code n'a, en réa- 3 lité, fait que «codifier», formuler les principes (BTA) pour répondre aux questions suivantes : qui existaient déjà, sans les modifier substantiel- lement. Or, ces principes n'ont jusqu'à présent • Quelles sont les conditions préa- mené à pratiquement aucune condamnation lables favorables à l'utilisation des NTIC dans un organisme d'al- d'administrateurs de corporations sans but lu- phabétisation populaire ? cratif, du moment que ceux-ci agissent de bonne • Quels sont les changements ap- foi, avec probité et bon sens. Le bénévolat n'a portés par les NTIC dans les pra- jamais été et il n'est pas devenu un piège. [...] tiques du groupe ? En définitive, les seules matières dont on doit • Quelles sont les pistes de ré- vraiment et constamment se préoccuper (et pour flexion suscitées par l'utilisation lesquelles on peut se protéger par de l'assurance) des NTIC dans les groupes popu- sont le paiement des salaires des employés, les laires et communautaires ? retenues à la source fiscales et les contributions Cette recherche comporte deux d'employeur de la corporation2. » phases. En premier lieu, nous voulons cerner l'impact des NTIC sur tous les plans (technique, organisationnel, ad- 1. Cité dans Pouvoirs, rôles et responsabilités dans un organisme sans but ministratif, associatif, pédagogique, lucratif, Programme de soutien aux organismes sans but lucratif, etc.) dans un organisme comme CLÉ. Service des sports, des loisirs et du développement social, Ville de Montréal, 1996, p. 22. Ensuite, nous souhaitons pousser 2. Paul MARTEL, Administrateurs de corporations sans but lucratif: plus loin la réflexion, en collaboration le guide de vos droits, devoirs et responsabilités, Montréal, Éditions avec un réseau de partenaires des Wilson et Lafleur, 1996, p. 94. milieux communautaire et de l'alpha- bétisation populaire.

44 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ EN BREF L'impact des nouvelles technologies de l'information sur les pratiques d'un groupe populaire d'alphabétisation

Serge Quenneville, consultant

Des conditions préalables de conscience des conditions préa- les-ci sont de plus en plus présentes Lors de la phase 1, nous avons tenté lables aidait à l'intégration des NTIC dans tous les champs d'activité. Ce de déterminer les conditions préala- dans le groupe. À CLÉ, deux facteurs sont surtout les conditions dans les- bles à l'utilisation des NTIC, afin de ont facilité et accéléré le processus quelles on utilise les NTIC, ainsi que connaître certains des facteurs de d'intégration des NTIC : d'une part, la qualité du parc informatique qui dé- succès ainsi que les raisons et les mo- la préparation de l'équipe aux enjeux terminent les usages associés à ces tivations qui justifient la décision sociaux liés aux NTIC5, et d'autre part, techniques. À CLÉ, comme le parc in- d'intégrer les NTIC dans un groupe la présence au conseil d'administra- formatique est insuffisant (quantité populaire. Dans le contexte social ac- tion de bénévoles6 qui ont non seu- et qualité) et désuet, il ne permet pas tuel, le discours dominant des sec- lement appuyé les projets mais aussi l'utilisation de logiciels « avancés », teurs privé et gouvernemental sur les participé à leur élaboration et à leur l'installation d'un intranet, l'accès à NTIC vante leurs effets sur la produc- gestion, le tout dans un contexte où Internet pour les apprenants et les ap- tivité et le rendement au travail en le financement public valorisait ce prenantes, la compatibilité entre en- plus d'affirmer qu'elles contribuent à genre de projet. vironnement PC et Macintosh, etc. augmenter la consommation, à amé- Ces conditions obligent l'équipe à liorer la rapidité et la vitesse d'exé- Pratiques et usages faire toutes sortes de concessions et cution, à diviser les tâches, à couper Nous avons constaté que les usages à s'adapter de diverses façons : tra- des emplois et à accroître les profits. des NTIC porteurs d'enjeux sociaux vail à domicile, organisation d'ate- Qu'est-ce qui caractériserait l'inté- et politiques sont principalement liés liers à l'extérieur et recherche de gration des NTIC dans le milieu com- à la communication et à la vie asso- financement. munautaire ? ciative, alors que les usages relatifs Dans un groupe comme CLÉ, les La culture des groupes populaires, à l'administration et à l'information pratiques rattachées aux NTIC sont représentés ici par CLÉ (mission à but renforcent les tâches traditionnelles globalement liées à la mission, et non lucratif, structure démocratique, et sont plutôt de l'ordre de l'adapta- c'est d'abord et avant tout au service recherche de nouvelles règles pour tion à un travail prescrit : il est plus des participants et des participantes vivre ensemble et désir de constituer facile d'intégrer les NTIC à un travail et pour promouvoir l'éducation popu- un savoir populaire), rend spécifiques de comptabilité qu'à un processus laire que CLÉ s'approprie les usages les conditions préalables à l'intégra- d'apprentissage avec les apprenants des NTIC. On diversifie les manières tion des NTIC dans le milieu commu- et les apprenantes en atelier. de faire, les pratiques habituelles. Les nautaire. Ces conditions préalables C'est le poste occupé au sein du principales modifications survenues « structurelles » offrent un environne- groupe qui déterminerait les usages concernent la pédagogie et les mé- ment propice à l'appropriation du que l'on fait des NTIC, mais c'est l'or- thodes d'apprentissage, ainsi que la changement, du « nouveau », dans le- ganisation collective que l'on se formation de l'équipe et des partici- quel s'inscrivent les NTIC. donne qui assure le degré d'appro- pants et participantes relativement à Il existe aussi des conditions préa- priation des NTIC dans le groupe. l'utilisation des NTIC. Peu de nouvel- lables qui répondent à des considé- Bien qu'il y ait encore à CLÉ des tâ- les pratiques ont été instaurées, mais rations « contextuelles4 ». Les parti- ches pour lesquelles les NTIC ne sont parmi celles-ci, mentionnons la créa- cipants et les participantes à la phase pas ou peu utilisées (réunions, ani- tion d'une page sur la toile élec- 1 ont clairement exprimé que la prise mation, recrutement, promotion), cel- tronique (Web) ayant pour

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 45 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

objectif d'augmenter la visibilité du sonnels, les orientations, la mission, difficiles à comprendre pour les néo- groupe. Dans certaines situations, les les tâches, etc. Il s'agit là de facteurs phytes. CLÉ offre à ces personnes la NTIC, plutôt que de créer de nouvel- qui sont souvent occultés ou niés possibilité d'ouvrir un ordinateur, de les pratiques, ont suscité une diver- dans un processus d'intégration, mais toucher une souris, d'écrire des sification des façons de faire ; par qui sont néanmoins présents et dé- textes, de communiquer par courriel, exemple, la prise quotidienne des terminants. etc. Les effets observés sont indé- messages électroniques par rapport Les NTIC ont aussi tendance à ren- niables sur l'estime de soi. Cet ap- au dépouillement du courrier, une re- forcer une certaine division du travail. prentissage, véritable formation de cherche sur la toile contre une recher- L'équipe de CLÉ résiste à ce clivage base au cœur de la citoyenneté, crée che en centre de documentation, des tâches et s'assure d'une appro- un sentiment d'appartenance face l'éditique au lieu d'une impression à priation collective par différents aux changements sociaux, un mieux- l'extérieur, le réseautage électroni- moyens : partage de l'information et être et une plus grande autonomie. que pour une réunion, etc. Les usa- des mandats, formation commune sur ges interactifs (Internet, sites Web, ordinateur, entraide technique, circu- Conclusion courriel, forums de discussion) des lation des dossiers. Les NTIC sont un Cette première phase a suscité beau- NTIC créent un espace public nou- moyen, pour l'équipe, de s'approprier coup d'intérêt au sein de CLÉ, tant veau autour duquel s'articule une sé- collectivement de nouveaux savoirs chez les bénévoles, les participants rie d'enjeux à portée sociale qui pour- et, par le fait même, d'élaborer col- et participantes que chez les mem- raient faire l'objet d'autres recher- lectivement un discours, des idées, bres de l'équipe de travail, et a dé- ches. des positions, des revendications. clenché un processus ouvert d'appro- L'appropriation collective exige du priation centré sur les NTIC. Ce pro- L'impact des nouvelles temps en réunion et des discussions, cessus a aussi mis en évidence une technologies de la formation de base et continue, autre série de questions sur l'impact À CLÉ, les NTIC sont perçues comme des choix à faire, une orientation à des NTIC dans le groupe. C'est à la une technologie incontournable à in- prendre. Globalement, l'appropriation phase 2 que nous tenterons d'y ré- tégrer, qui a un impact sur tous les collective exige un engagement per- pondre. plans de l'organisation : la vie asso- sonnel des membres de l'équipe, une ciative, les participants et les parti- « mise à niveau » individuelle en ce cipantes, les bénévoles, les tra- qui a trait à l'apprentissage, aux con- naissances et aux projets ainsi qu'une vailleuses, les finances, etc. Ces 1. CLÉ (Centre de lecture et d'écriture), sis dans le changements, à court, moyen et long adhésion récurrente aux objectifs Plateau Mont-Royal, à Montréal, œuvre en alphabétisa- d'intégration des NTIC. Mais les NTIC tion populaire depuis 1982. L'équipe est composée d'une terme, s'effectueront dans une coordonnatrice et de deux formatrices. Pour avoir un aperçu perspective d'intégration, de conso- ont également un impact sur l'orga- des études antérieures, nous vous renvoyons au site Web nisation du travail, la surcharge de de CLÉ : http://www.communautique.qc.ca/cle/ lidation et de développement pour 2. Les participantes à l'étude ont défini les NTIC en fonc- l'organisme. travail, le financement de l'équipe- tion de l'utilisation des micro-ordinateurs, bien qu'elles ment et de la formation, la gestion reconnaissent leur présence dans le quotidien sous divers L'introduction des NTIC dans une aspects (guichets automatiques, téléphones cellulaires, quotidienne et, à long terme, sur les télévision et vidéo, multimédia). équipe de travail est un révélateur, un 3. En consultant son site, on obtient de l'information sur catalyseur des forces et des faibles- ateliers, la préparation, la pédagogie, le contenu des recherches, les conditions de financement, les processus et les niveaux d'appren- etc. (http://olt-bta.hrdc-drhc.gc.ca/francais/about/ ses en présence. Chaque travailleuse index.html). de CLÉ a un rapport particulier aux tissage. 4. D'autres conditions ont été déterminées : un budget adéquat, de l'équipement de qualité, des services conseils NTIC : résistance à la technologie ou Enfin, la clientèle que CLÉ rejoint à l'achat, un soutien technique à l'installation et à l'usage, confiance en celle-ci, présence ou un encadrement « humain », l'appropriation d'un minimum est une population souvent isolée et de vocabulaire et des connaissances techniques, une lo- absence d'un ordinateur à domicile, marginalisée. Pour les participants et gistique adéquate (espace, bureau, lignes téléphoniques, sécurité). Les dispositions individuelles et celles de l'équipe connaissances préalables des NTIC, les participantes, les NTIC représen- font aussi partie de ces conditions préalables, par exem- motivations personnelles, discours tent une difficulté supplémentaire à ple le partage des tâches, les processus démocratiques concernant les décisions à prendre, les réseaux d'entraide positif ou négatif, etc. Les NTIC ont l'alphabétisation parce qu'elles sont à créer ou existants, les motivations personnelles et aussi eu comme impact de révéler au sein à la fois inaccessibles et omniprésen- la patience, la persévérance ainsi qu'une certaine capa- cité de lire et une certaine habilité motrice, de l'intérêt, de l'équipe les positions individuel- tes : leurs enfants les utilisent, les de la logique et de la créativité. La solidarité est aussi un les à leur sujet, et par extension ont préalable qui facilite l'intégration des NTIC. services publics les mettent de plus 5. Notamment les enjeux des NTIC sur les pratiques de la suscité des discussions extrêmement en plus de l'avant, les employeurs en citoyenneté et l'exclusion. 6. Soulignons la présence de représentants et représen- riches sur la place de chacun et cha- font une exigence, les médias les tantes d'organismes tels que Communautique, CFP, cune dans le groupe, les talents per- bombardent d'adresses électroniques CDEACF.

46 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

EN BREF

Le recrutement en alphabétisation

Jean-Robert Placide, formateur au Centre N A Rive

Au Québec, malgré un pourcentage sentiment qu'ont certains analphabè- recruter des apprenants et apprenan- fort élevé de 21 % d'analphabètes et tes d'être capables de fonctionner tes par différentes activités ou forma- de 31 % d'allophones ayant des ca- malgré leur faible degré d'alpha- tions, de promouvoir l'alphabétisation pacités de lecture et d'écriture très bétisme, par les préjugés entretenus populaire dans la communauté, limitées, on constate une décrois- par une couche importante de la po- d'atténuer les préjugés négatifs à sance du nombre de participants et pulation concernant l'alphabétisa- l'égard de l'alphabétisation, de vul- participantes en alphabétisation, tion, par l'absence des décrocheurs gariser les récents concepts élaborés aussi bien dans le réseau des com- du secondaire dans les ateliers d'al- en alphabétisme, de sensibiliser les missions scolaires que dans celui des phabétisation, par le vieillissement personnes concernées aux bienfaits groupes populaires. Cette situation de la clientèle et par l'absence des de l'alphabétisme et de faire connaî- interpelle plusieurs responsables de jeunes immigrantes et immigrants tre nos services. notre domaine. faiblement scolarisés ou alphabétisés Nous attendons beaucoup de Au Centre N A Rive1, plusieurs rai- en créole qui devraient pourtant fré- cette initiative, qui nous permettra sons peuvent expliquer la baisse du quenter un centre d'alphabétisation. également de juger de l'intérêt des nombre de participants et de partici- Pour remédier à la situation, trois personnes analphabètes pour des pantes. Cette décroissance est in- organismes de la communauté activités de formation générale. Nous fluencée notamment par les nouvel- haïtienne, le Centre N A Rive, La voulons aussi profiter de cette expé- les orientations d'Emploi-Québec, qui Maison d'Haïti et le Centre haïtien rience pour réévaluer les change- accorde une priorité absolue à d'animation et d'intervention socia- ments d'attitudes et notre approche l'employabilité, par l'ignorance, de la les, membres du RGPAQ, ont décidé en recrutement. part des agents d'Emploi-Québec, des de faire une campagne de recrute- Ces nouvelles avenues, nous de- ressources existantes, par la concur- ment. Bénéficiant d'un appui finan- vons l'espérer, sauront nous mainte- rence déloyale des commissions sco- cier dans le cadre des projets Initia- nir plus solides aux côtés de ceux et laires, qui s'accaparent des domaines tives fédérales-provinciales conjoin- celles qui luttent pour prendre leur laissés autrefois aux organismes po- tes en matière d'alphabétisation, ils destinée en main. À suivre. pulaires, par la mise en œuvre de espèrent par cette action concertée classes d'alphabétisation dans le cir- augmenter d'environ 200 le nombre cuit des mouvements religieux pro- de participants et participantes dans les groupes. Les stratégies et moyens 1. Le Centre sert la communauté haïtienne. En plus de faire testants haïtiens et soutenues par de l'alphabétisation, il offre des cours de langue créole et des commissions scolaires, par le d'intervention devront permettre de de culture haïtienne.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 47 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Qui a peur de la recherche ? Sylvie Roy, consultante en alphabétisation et responsable du Répertoire canadien de la recherche sur l'alphabétisation des adultes en français (RECRAF)

Un tout nouveau Je vous imagine déjà tourner la page, indiffé- rent, indifférente au sujet, ou encore convaincu répertoire sur que le présent article ne s'adresse pas à vous... la recherche en C'est vrai, je vous le concède, la recherche est alphabétisation un terme qui fait peur. Pourtant, ce n'est pas ce que vous diraient aujourd'hui les équipes d'Un est maintenant Mondalire, du Groupe Alpha Laval, de La Boîte accessible sur à lettres ou d'Atout-Lire, quatre groupes popu- Internet. laires parmi d'autres qui se sont lancés dans la recherche. Et qui, je pense, ne regrettent pas du tout leur décision ! Alors, laissez-moi, dans ces quelques pages, vous convaincre que ces équi- pes n'ont pas travaillé pour rien et que vous pour- riez tirer plusieurs éléments positifs de leurs ex- périences. Ou même, pourquoi pas, vous lancer aussi dans la grande aventure de la recherche.

Un outil rapide et efficace Des exemples de l'utilité de la recherche pour nos pratiques ? En voici quelques-uns. Parce qu'ils ont mené une recherche pour évaluer les effets de la mesure Alphabétisation — implica- tion sociale auprès des participants et partici- pantes, des intervenants et intervenantes de plu- sieurs groupes populaires ont réussi à convain- cre les fonctionnaires du ministère de la Solida- rité sociale d'étendre le programme à d'autres organismes1. Les recherches de Clé-Montréal2 sur l'application des nouvelles technologies dans un groupe d'alphabétisation populaire ont per- mis de raffiner et de diversifier les pratiques qui intègrent cette nouvelle composante. Plus lar-

48 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ansPRÊTS-À-PORTE ! - RGPAQ R La base de données RECRAF contient notices, qui illustrent la richesse et la diversité des renseignements sur toutes du champ de l'alphabétisation des adultes. Tou- les recherches publiées en tes les recherches citées dans cet article y sont français depuis 1994, de même d'ailleurs inscrites. Accessible sur Internet depuis septembre que sur les projets en cours 2000, le RECRAF a été créé par le Centre de de réalisation qui portent documentation sur l'éducation des adultes et la 9 sur l'alphabétisation ou le condition féminine (CDEACF) . On souhaite mettre à jour cette banque de données de façon degré d'alphabétisme régulière (deux fois par année si les budgets le des adultes. permettent), de sorte à toujours présenter des nouveautés, soulignant ainsi le dynamisme en ce domaine. Il est très facile d'utiliser le RECRAF. On peut consulter la liste des auteurs ou la liste des ter- gement, les résultats et les études issues de l'En- mes ou sujets dont parlent les recherches (les quête internationale sur l'alphabétisation des termes retenus proviennent du Thésaurus cana- adultes (EIAA)3 ont sensibilisé la population dien d'alphabétisation10). On peut aussi chercher ainsi que les décideurs à l'importance de l'alpha- selon l'année (de 1994 à 2000), selon la pro- bétisation, ce qui a pu contribuer à l'augmenta- vince ou même inscrire un terme de son choix tion des budgets du Secrétariat national à l'al- dans la rubrique la plus large, soit « INDEX ». phabétisation (SNA) et de l'enveloppe PSAPA4. Chaque recherche fait l'objet d'une notice au Enfin, soulignons que les études sur les jeunes graphisme aéré et d'un format facile à impri- inscrits en alphabétisation5 ont accru l'intérêt mer, qui comprend des renseignements biblio- des groupes (et du gouvernement) pour la préven- graphiques, un court résumé et un autre plus tion de l'analphabétisme, et que les résultats du détaillé, d'une longueur d'une page environ. La bilan des Initiatives fédérales-provinciales con- très grande majorité des recherches décrites dans 6 jointes en matière d'alphabétisation (IFPCA) le Répertoire sont d'ailleurs disponibles pour con- ont permis notamment d'affermir le soutien aux sultation et emprunt au CDEACF. groupes qui faisaient de la recherche7. Les exemples de ce type sont trop nombreux Améliorer notre pratique pour les nommer tous. Mais il y a maintenant Pourquoi consulter le Répertoire ? Vous rédigez un bon moyen d'apprécier les résultats des re- votre projet IFPCA, qui porte sur le recrutement. cherches et de les utiliser dans la pratique : con- Pour vous aider à établir votre problématique, sulter le Répertoire canadien de la recherche sur vous voulez consulter diverses recherches qui ont l'alphabétisation des adultes en français porté sur cette question. Vous faites donc une (RECRAF). recherche dans le RECRAF en indiquant cer- La base de données RECRAF contient des tains mots clés ayant un rapport avec votre su- renseignements sur toutes les recherches publiées jet : par exemple, les mots recrutement, partici- en français depuis 1994, de même que sur les pation, barrières (à la participation), abandon... projets en cours de réalisation qui portent sur La lecture des recherches trouvées vous donnera l'alphabétisation ou le degré d'alphabétisme des des pistes pour votre projet, en vous montrant adultes. On y trouve de tout : des recherches- ce qui a été étudié ailleurs, ce qui fonctionne, ce actions réalisées par des groupes ou des com- qui ne marche pas... Vous souhaitez élaborer missions scolaires, des recherches gouvernemen- un projet d'expérimentation des nouvelles tech- tales ou de groupes privés, des recherches uni- nologies ? Il pourrait être bon de savoir quel or- versitaires8. Au total, plus d'une centaine de ganisme a déjà travaillé en ce sens, de

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 49 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

manière à vous en inspirer et à ne pas réinventer Voilà ! Vous êtes restés avec moi jusqu'à la la roue. Vous souhaitez explorer plus à fond une fin de cet article. Tant mieux ! Il vous reste question qui préoccupe votre groupe en faisant certainement quelques minutes de votre une recherche ? Vous pouvez consulter le précieux temps pour consulter le RECRAF RECRAF, notamment la rubrique des projets (http://www.alpha.cdeacf.ca/recraf/index.html). en cours, pour voir quels sont les sujets étudiés Et si vous avez des commentaires ou des sugges- en ce moment ; cela vous permettra de trouver tions, n'hésitez pas à m'écrire, je me ferai un des équipes avec qui discuter de problématiques plaisir d'en tenir compte. Bonne lecture ! semblables, ou même de préciser tous les aspects d'un sujet en évitant la redondance par rapport 1. Carole VANIER et Lise SAINT-GERMAIN, Rapport d'évaluation à d'autres projets déjà financés. du projet Alphabétisation — Implication sociale, Centre d'organisation mauricien de services et d'éducation populaire (COMSEP), Centre Le RECRAF demeure un moyen facile et ra- d'éducation populaire de Pointe-du-Lac, CLÉ-Montréal, Ebyôn et pide d'accès au contenu de recherches. Il n'est Ludolettre, 1997. pas nécessaire de lire tous les documents du 2. Diane LAMBERT, Création et expérimentation d'une grille d'évalua- tion de sites Internet réutilisable en alphabétisation : rapport d'expéri- CDEACF, mais plutôt de lire attentivement les mentation, Montréal, Centre de lecture et d'écriture, 1998. résumés qui vous sont offerts et de bien sélec- 3. Voir notamment STATISTIQUE CANADA, Lire l'avenir : un por- tionner ce qui vous intéresse. trait de l'alphabétisme au Canada, Ottawa, Statistique Canada, Déve- loppement des ressources humaines Canada, Secrétariat national à l'al- Grâce à la recherche et à la lecture, nous pou- phabétisation, 1996, ainsi que toutes les monographies publiées par le vons prendre du recul dans notre pratique effré- SNA et la DRHC. 4. Le Programme de soutien à l'alphabétisation populaire autonome née, faire le point, trouver de nouvelles idées, est financé par le ministère de l'Éducation. nous remettre en question. Et dans un milieu 5. Mentionnons notamment tous les travaux de la Boîte à lettres et les préoccupé par l'amélioration des pratiques de études du ministère de l'Éducation : Diane CHAREST, Les jeunes de 16-25 ans en alphabétisation : profil de fréquentation actuel et chemine- lecture et d'écriture ainsi que des conditions qui ment scolaire antérieur, Québec, MEQ, Direction de la recherche, 1992, les rendent possibles, il est intéressant de réha- 60 p. ; Sylvie ROY, Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscrits biliter le sens et l'utilité de la lecture dans nos à des activités d'alphabétisation, Québec, Direction de la formation générale des adultes, 1995, 122 p. vies d'intervenantes et d'intervenants, d'anima- 6. Diane CHAREST, Faire le point sur nos actions. Bilan des projets des trices et d'animateurs. Comme le démontrent Initiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation, les résultats de l'EIAA, ce n'est que par une pra- Québec, ministère de l'Éducation, Direction de la recherche, 1999. 7. Voir Isabelle COULOMBE et Sylvie ROY, Guide méthodologique tique répétée et diversifiée que l'on améliore ses de recherche pour le milieu de l'alphabétisation, ministère de l'Educa- compétences en lecture. Et si c'est vrai pour les tion, gouvernement du Québec, 2000, 75 p. participantes et participants, c'est sans doute 8. Nous avons retenu tout projet ou document de recherche qui fait état d'une démarche rigoureuse et systématique de collecte de don- aussi vrai pour les animatrices et animateurs. nées, dans le but d'en tirer un nouveau sens et de répondre à des hy- pothèses ou à des questions préalablement posées. Nous n'avons donc pas retenu les recensions des écrits, ni les inventaires, les descriptions d'expérience, les articles d'opinion ou les témoignages. 9. Notons que le RECRAF a un pendant anglophone hébergé sur le site de la Banque de données en alphabétisation des adultes (BDAA), soit le « Canadian Directory of Literacy Research in English » CDEACF (http://www.nald.ca/crd/start.htm). Cependant, si certaines recherches 110, rue Sainte-Thérèse, font partie des deux bases, la grande majorité du matériel répertorié est unique à chaque répertoire. Il est donc important de consulter bureau 101 régulièrement les deux répertoires si on veut être au courant de tout ce Montréal (Québec) qui se fait en matière de recherche en alphabétisation au Canada. H2Y1E6 10. Le Thésaurus contient un vocabulaire contrôlé bilingue qui facilite la recherche documentaire en alphabétisation. La deuxième Téléphone .(514) 876-1180 édition, disponible au CDEACF et sur Internet, comprend 1 950 Télécopieur : (514) 876-1325 descripteurs français et 1 890 descripteurs anglais (http://thesaurusalpha.org/thesaurus/homefrench.htm). Courriel : [email protected]

50 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ DOSSIER On n'a pas tous les jours

Nicole Lachapelle Coordonnatrice du RGPAQ depuis 1990

Pas facile de faire un dossier sur le RGPAQ ! Par quel bout commencer ? On s'arrête sur un aspect et on se retrouve au milieu d'une tonne de documents, à la recherche de la date, du détail, de la fois où... Étonnant ? Non. Le RGPAQ est un mouvement foisonnant, difficile à dépein- dre, une mosaïque aux multiples facettes. Un mouvement dynamique, à l'image de ses membres, un mouvement qui a du cœur, comme ceux et celles qui viennent y chercher un coup de main dans leur démarche d'apprentissage, qui s'y engagent, qui y travaillent. Le RGPAQ est un carrefour de points de vue et de façons de faire qui donnent lieu à différents regards. Nous avons voulu le dossier fidèle à cette réalité. C'est pourquoi il n'est pas d'une écri- ture unique. Plusieurs personnes qui font et qui ont fait le RGPAQ ont répondu à notre invitation et nous livrent leurs perceptions sur un ou des aspects de leur regroupement. Un vieux de la vieille nous parle de sa tumultueuse relation de couple, une autre du difficile et exigeant exercice de la démo- cratie. Les principes fondamentaux de notre approche y sont abordés, ainsi que des chapitres de notre histoire, pour mieux mesurer notre évolution. Vous y verrez même de vieilles photos de famille ! Bien sûr, tout n'a pas été couvert. Excu- sez à l'avance les trous, les oublis, les omis- sions : 20 ans, c'est long quand même ! Heu- reusement, le RGPAQ, tout au long de sa vie, a beaucoup écrit et souvent publié. Il est donc possible de s'en remettre à de fidèles témoins... Vous avez en main le portrait du RGPAQ, tel que nous l'avons vu au moment où ce dossier a été conçu. Notre regroupement continuera de changer, d'avancer, mais vous pourrez peut-être, l'espace d'un court mo- ment, en saisir l'essence... Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Une longue histoire ! Gilles Landry, formateur à Lettres en main, avec la collaboration de Jeanne Francke, formatrice au même endroit

Lettres en main1 et le Regroupe- Le RGPAQ ment, c'est un peu comme une relation de couple. Nous y avons vu par un de ses beaucoup investi : huit années au COCOA2 et plusieurs années groupes membres. dans de multiples comités. Nous y avons vécu toutes sortes d'émo- Autopsie d'une tions : passion, amour, exaspéra- tion, haine. Il y a même eu des relation entre adultes jours où nous avons pensé sé- rieusement au divorce. Mais, consentants. en définitive, nous sommes tou- jours restés fidèles. Ce spécial 20e anniversaire, c'est un peu l'occasion pour nous de lever le voile sur cette longue relation... en conservant tout de même une certaine pudeur.

La rencontre La première « véritable rencontre » entre Lettres en main et le Re- groupement s'est faite le 22 avril 1983. Afin de bien en saisir le con- texte, il faut rappeler qu'à cette époque, le ministère de l'Educa- tion avait décrété un moratoire sur le financement de tout nou- veau groupe populaire en alpha- bétisation. Pendant ce temps, le Regroupement organisait à répé- tition des journées de concerta- tion sur la création d'outils di- dactiques (trois jours en février, une journée en mars et deux en avril). Malgré nos demandes ré- pétées d'accorder du temps au problème du financement, rien Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ DOSSIER

Nous n'avons jamais vraiment été tentés de divorcer. Aujourd'hui même si nous formons un vieux couple, nous sommes toujours fidèles.

ne bougeait. Aussi avons-nous Une longue relation • Il faut que le Regroupement décidé de créer l'événement. Même si cette déclaration a eu travaille à la reconnaissance Nous sommes venus à l'assem- l'effet d'un pavé dans la mare à (et toute reconnaissance passe blée d'avril en bloc (neuf person- l'époque, elle a tout de même d'abord et avant tout par nes) et nous avons fait une dé- marqué le début d'une longue le financement) de l'alphabé- claration publique qui remettait relation qui dure encore entre tisation populaire et des grou- en question le rôle et les choix Lettres en main et le Regroupe- pes qui la façonnent quoti- du Regroupement. Elle se termi- ment. D'ailleurs, le jour même, diennement. nait d'ailleurs par un certain les groupes présents ont mis sur • Il faut que l'autonomie des nombre de questions qui nous pied le Comité financement, groupes soit toujours au semblaient fondamentales : premier comité à caractère poli- premier plan de toutes les 1. À quoi le Regroupement de- tique du Regroupement. actions et réflexions du Re- vrait-il servir ? Doit-il deve- Évidemment, par la suite, groupement. nir un pourvoyeur de servi- comme dans toute relation qui • Il faut qu'au Regroupement ces ou doit-il servir d'agent se respecte, les discours se sont nous puissions, en tant qu'in- mobilisateur qui favorise des affinés et les moyens d'action dividus et en tant que grou- actions concertées des grou- sont devenus plus subtils. Par pes, garder et promouvoir pes lorsque des situations contre, les principes de base qui notre intégrité et notre vision d'urgence se présentent ? nous ont persuadés de poursui- idéologique. 2. De quoi traiterons-nous en vre cette union sont toujours Si ces principes peuvent sem- assemblée générale si nous restés les mêmes : bler évidents, ils n'ont pas tou- n'avons jamais eu de discus- • Il faut accorder une priorité jours été faciles à défendre, sions collectives sur des sujets à la dimension politique du même de notre part. Les exigen- aussi brûlants que celui du fi- Regroupement, qui doit être ces du travail quotidien, le nancement ? un outil de revendication manque de temps et d'énergie, pour l'ensemble des groupes. les problèmes d'argent,

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 53 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Le Regroupement a permis à Lettres en main d'accroître son impact politique et social et de devenir un véritable acteur gulièrement fait surface au Re- de changement. groupement. Pour toutes sortes de raisons (fatigue, désabu- sement, besoin de reconnais- Ce qui nous a moins sance, plaisir de côtoyer le pou- plu dans cette relation voir), on s'engage facilement Même les unions les plus par- dans des stratégies à long terme faites ne sont pas à l'abri des où l'on se donne l'impression de irritants. S'ils ne sont pas tou- négocier, souvent dans des co- jours de nature à briser la rela- mités consultatifs sans réel pou- tion, ces irritants peuvent tout voir. Nous en venons à nous in- de même laisser un goût amer. terroger sur le rôle du Regrou- Dans un premier temps, nous pement qui, selon nous, doit avons toujours trouvé que les d'abord et avant tout en être un voilà autant de facteurs qui ont conditions liées à l'adhésion des de revendication. souvent contribué à nous éloi- membres étaient trop lâches. Dans un même ordre d'idées, gner de l'essentiel. Dans ces Sous prétexte de représenter le nous déplorons la difficulté du moments-là, comme dans toute plus de groupes possible et Regroupement à établir un rap- relation qui se respecte, nous peut-être d'avoir une certaine port de forces avec le gouverne- sommes devenus négligents et légitimité, le Regroupement a eu ment (sans lequel les négocia- nous avons oublié de travailler quelquefois tendance à accepter tions du point précédent n'ont notre couple. dans ses rangs des groupes dont aucun sens). Le Regroupement De son côté, le Regroupe- les assises idéologiques n'étaient met souvent de l'avant de peti- ment peut être volage ; il a beau- pas toujours stables (et c'est un tes actions en mettant de côté coup de partenaires à combler. euphémisme). Par exemple, lors toutes les propositions d'actions Il lui arrive d'avoir des fréquen- du dernier congrès d'orienta- plus subversives qui pourraient tations qui ne partagent pas tou- tion, après deux jours de débats, avoir un impact majeur (retenue jours nos principes ou qui leur une personne d'un « groupe po- des déductions à la source par donnent des contenus différents. pulaire d'alphabétisation » l'ensemble des groupes, grève Aussi, de temps à autre, nous membre du Regroupement s'est générale de l'alphabétisation sommes-nous éloignés, question crue justifiée de dire qu'au fond populaire). de retrouver notre calme inté- les groupes populaires et les Par ailleurs, le respect de rieur. commissions scolaires faisaient l'autonomie et de l'intégrité des Toutefois, malgré toutes les exactement le même travail. groupes a souvent été menacé au tentations d'envoyer l'autre se Dans ces conditions, on com- Regroupement. Il ne se passe pas faire voir ou d'aller voir ailleurs, prend que la mobilisation des une année sans qu'on voie ap- nous n'avons jamais vraiment été membres ne soit pas toujours paraître des stratégies qui por- tentés de divorcer. Aujourd'hui, acquise. tent atteinte à ce principe. La même si nous formons un vieux De la même façon, nous dernière en date visait à définir couple, nous sommes toujours avons toujours dénoncé le côté l'alphabétisation populaire en fidèles. « étapiste négociateur » qui a ré- fonction des grilles du ministère

54 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ DOSSIER

au lieu des nôtres. Heureuse- groupement a permis à Lettres la première fois depuis des an- ment, elle a été battue en assem- en main d'accroître son impact nées, semble s'être donné des blée générale. On doit sans cesse politique et social et de devenir bases solides. Il faut particuliè- être vigilant, particulièrement un véritable acteur de change- rement souligner son apport au quand il y a du financement en ment. Comité défense des droits. En vue. Il devient alors facile De plus, nous avons grande- effet, à Lettres en main, nous d'oublier ses principes. Il suffît ment apprécié le fait de partici- avons toujours cru que ce n'est de se rappeler que, à la fin des per à un mouvement qui s'est pas uniquement par l'enseigne- années 80, l'assemblée générale acquis une reconnaissance et une ment de la lecture et de l'écri- a sérieusement jonglé avec l'idée crédibilité grandissantes, sur la ture qu'on défend les droits des de faire financer l'ensemble des scène tant nationale qu'interna- personnes analphabètes. Les activités de formation des grou- tionale. En effet, le Regroupe- gens ont le droit d'être de vrais pes à même l'enveloppe des heu- ment est invité à envoyer des citoyens même s'ils ne maîtrisent res-cours réservée aux commis- représentants et représentantes pas le code écrit. Ils doivent avoir sions scolaires, même si les con- partout où l'on parle d'alphabé- accès aux mêmes services, aux traintes de ce programme (temps tisation, que ce soit en France, mêmes droits, donc à la même de formation limité, quotas dans en Belgique, en Yougoslavie, en démocratie. les ateliers, taux horaire, etc.) Thaïlande ou à Anjou. Que de étaient en contradiction avec les chemin parcouru depuis l'épo- En conclusion principes de l'alphabétisation que où il occupait un petit bu- Comme toute relation, celle de populaire (autonomie sur les reau dans le fond du local du Lettres en main et du Regrou- plans politique et financier). Il a Tour de lire, le groupe d'alpha- pement a connu des hauts et des fallu des débats houleux pour bétisation populaire du quartier bas. Toutefois, quand nous éva- que ce projet soit rejeté. Hochelaga-Maisonneuve ! luons le chemin parcouru, nous Nous avons également appré- nous rendons compte que, en ce Ce qui nous a plu cié le fait que le Regroupement qui nous concerne, cette union dans cette relation ait réussi avec le temps, particu- a été bénéfique et que si c'était à Si nous avons continué à fré- lièrement depuis la fin de l'An- refaire, nous laisserions de nou- quenter le Regroupement pen- née internationale de l'alphabé- veau parler nos pulsions. dant toutes ces années, c'est tisation, à concilier les dossiers avant tout parce que nous y pédagogie et politique. En effet, trouvions notre compte. pendant des années, ces deux Tout d'abord, cette relation volets essentiels étaient constam- nous a permis d'être au premier ment opposés. Le fait d'avoir plan de ce qui se passe en alpha- subordonné le premier au second bétisation populaire au Québec. a même procuré une cohérence accrue au Regroupement, qui Ainsi, de concert avec d'autres 1. Lettres en main est un groupe populaire groupes, nous avons pu faire peut ainsi donner plus de subs- d'alphabétisation qui intervient dans le quar- avancer des dossiers auxquels tance à ses revendications. Plu- tier Rosemont à Montréal depuis 1982. sieurs documents, dont l'excel- 2. Comité de coordination du Regroupement nous tenions particulièrement. (et « A » pour alphabétisation), composé de neuf Par exemple, les deux congrès lent Passeport pour l'alpha pop et représentants et représentantes des groupes d'orientation, la levée des diffé- la revue Le Monde alphabétique, membres ainsi que de la coordonnatrice du rents moratoires, l'augmentation sont là pour le prouver. RGPAQ. Élus par l'assemblée générale annuelle pour un mandat de deux ans, les membres ne du financement, le programme Finalement, nous applaudis- défendent pas les intérêts de leur groupe, mais distinct et la révision des condi- sons le Comité des participan- ceux de l'ensemble des groupes membres. tions d'adhésion. En fait, le Re- tes et des participants qui, pour

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Vers la fin des années 70, des intérêts des gens. L'alphabétisa- adultes de divers groupes com- tion populaire fait son appari- Création munautaires entreprennent une tion : on explore de nouvelles démarche d'alphabétisation dans façons d'apprendre, de partager leur quartier, leur village. Même le savoir, d'acquérir et de mettre si les commissions scolaires font à profit des connaissances par collective déjà de l'alphabétisation, les l'élément fondamental qu'est le milieux veulent se prendre en groupe communautaire. Solange Tougas, coordonnatrice à Déclic main et se donner des moyens En 1981, quelques groupes véritablement respectueux des de la région de Montréal, de besoins, des compétences et des Lanaudière et de l'Estrie1 déci-

Déclaration de principes du Regroupement

LES ORIENTATIONS DU RGPAQ B. Nous pensons qu'un regroupement Le Regroupement des groupes populai- de groupes de même nature permet res en alphabétisation du Québec voit de mieux définir des stratégies à la promotion, à la défense et au communes et représente une force développement de l'alphabétisation collective nécessaire pour atteindre populaire, des groupes populaires nos objectifs. Engagement, d'alphabétisation ainsi qu'à la défense C. Nous devons nous assurer du res- des droits des personnes analphabètes. pect de notre spécificité et de notre partage du Ces orientations découlent des autonomie politique, pédagogique définitions d'alphabétisation populaire et administrative. pouvoir et et de groupe populaire d'alphabétisa- D. Nous devons revendiquer notre re- tion que nous avons adoptées collecti- connaissance effective par le biais vement et se fondent sur : d'un financement adéquat et statu- démocratie. taire. 1- Des bases idéologiques E. Nous devons revendiquer le déve- Le Regroupement A. Nous croyons que les groupes po- loppement des groupes existants, la pulaires d'alphabétisation, de par mise sur pied de nouveaux groupes s'est construit leur spécificité, tiennent mieux ainsi que l'obtention de meilleures compte des besoins et attentes des conditions de travail pour les anima- personnes analphabètes et y appor- teurs et animatrices des groupes. sur les valeurs tent des réponses qui se veulent F. Nous devons sensibiliser la popula- plus adaptées. tion au problème de l'analphabé- propres à B. L'analphabétisme est souvent pré- tisme et faire connaître et reconnaî- senté comme un problème indivi- tre le niveau de langage, les valeurs, l'alphabétisation duel alors qu'il s'agit d'un problème la culture et les référents des mi- social. lieux populaires. C. Nous croyons que le droit à l'alpha- G. Nous devons faire reconnaître les populaire. Mieux, bétisation et l'accessibilité réelle droits des personnes analphabètes, aux programmes d'alphabétisation dont le droit de choisir leurs lieux il en est le ne sont pas vraiment reconnus. de formation.

reflet. 2- Des bases politiques L'ALPHABÉTISATION POPULAIRE A. Nous sommes conscients que, pour L'alphabétisation populaire est pour se développer, l'alphabétisation po- nous une approche polyvalente en pulaire et les groupes populaires éducation populaire autonome dont la d'alphabétisation ont besoin d'une spécificité se trouve dans : reconnaissance politique et sociale.

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dent de mettre leurs efforts en outil pour faire connaître leur tion partout au Québec et commun car ils ont un immense approche et pour revendiquer surtout mettre la pédagogie au besoin de partager leurs ré- une place dans le monde de cœur des discussions. Il aidera flexions et leurs questionne- l'éducation : cet outil se nom- les groupes à promouvoir ments, d'analyser leur expé- mera le Regroupement des grou- l'alphabétisation populaire, à rience et de mieux cerner leurs pes populaires en alphabétisa- faire reconnaître leur spécificité, particularités en tant que groupe tion du Québec. et à obtenir du ministère de d'éducation populaire. Ils veu- Le RGPAQ devra faciliter la l' des ressources lent un lieu pour discuter de communication entre les grou- financières adéquates. leurs pratiques. Ils veulent un pes, faire circuler de l'informa- des groupes populaires en alphabétisation du Québec

1- Sa dimension pédagogique 2- Sa dimension politique B. L'alphabétisation populaire implique A. L'alphabétisation populaire favorise A. L'alphabétisation populaire vise l'établissement, dans nos milieux, la maîtrise des outils essentiels l'ensemble de la population et vise des alliances les plus importantes que sont la lecture, l'écriture et le principalement les milieux qui ne pour répondre aux besoins des per- calcul. Elle vise l'acquisition de contrôlent pas ou peu leurs condi- sonnes analphabètes afin que ces connaissances générales : fonction- tions de vie. besoins soient intégrés dans un dis- nelles, politiques, sociales et B. L'alphabétisation populaire tend à cours plus large sur les personnes personnelles. faire connaître et reconnaître le défavorisées socialement. Elle fait de l'apprentissage de la niveau de langage, la culture et les lecture et de l'écriture un outil valeurs des milieux populaires. UN GROUPE POPULAIRE d'expression sociale, de prise de C. L'alphabétisation populaire favori- D'ALPHABÉTISATION parole, de pouvoir sur son milieu et se une prise de conscience et une Un groupe populaire d'alphabétisation son environnement, un moyen connaissance critique du vécu des est un groupe dont les membres, de par d'acquérir la confiance en soi et de participants et participantes des leur orientation, se donnent pour objec- s'approprier le langage écrit. groupes ainsi que des différentes tif de faire de l'alphabétisation popu- B. L'alphabétisation populaire est une réalités de la société. Elle favorise laire. approche collective à l'intérieur de chez les participants et participan- 1- Un groupe populaire d'alphabétisa- laquelle l'individu est intégré à une tes, animateurs et animatrices le tion est autonome sur les plans démarche de groupe, ce qui permet développement d'une conscience politique, pédagogique et adminis- d'acquérir un sentiment d'apparte- sociale et politique en renforçant tratif. nance, de réaliser des projets et des capacités d'analyse critique, de 2- Un groupe populaire d'alphabétisa- d'avancer des revendications. choix d'actions et d'évaluation. tion est accessible et implanté dans C. L'alphabétisation populaire se ca- 0. L'alphabétisation populaire suscite le milieu. ractérise par la place qu'occupent une prise en charge collective du 3- Un groupe populaire d'alphabétisa- les participants et participantes à milieu afin d'améliorer les condi- tion a une structure démocratique l'intérieur des groupes. Elle se dé- tions de vie de la population et vise qui favorise la participation des veloppe par ceux et celles qui sont donc, à court, moyen et long terme, animateurs et animatrices ainsi que impliqués dans le groupe, soit les la gestion par les participants et des participants et participantes. animateurs et animatrices ainsi que participantes de leur espace social, 4- Un groupe populaire d'alphabétisa- les participants et participantes. culturel, politique et économique. tion mène une réflexion globale sur D. L'alphabétisation populaire est en le lien entre l'analphabétisme et les lien avec le milieu de vie. Les horai- 3- Son implication sociale conditions socio-économiques des res, les activités et la vie du groupe A. L'alphabétisation populaire se personnes analphabètes. sont pensés et conçus en fonction préoccupe de la sensibilisation 5- Un groupe populaire d'alphabétisa- des besoins des participants et par- constante du milieu ainsi que de la tion élabore des revendications liées ticipantes. promotion des droits des personnes à la reconnaissance des groupes analphabètes. populaires et aux droits des person- nes analphabètes.

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La création d'un mouvement Vivre la démocratie mes clairs, par une démarche Le jeune regroupement a beau- Le Regroupement a donc été facilitant son appropriation, afin coup de pain sur la planche. Non façonné par ses membres et son qu'elle soit utilisée à bon escient seulement doit-il répondre aux équipe qui, quotidiennement, a par les adultes en formation, les multiples besoins, mais il doit vu à son évolution. Il n'a cessé équipes de travail et les conseils aussi assurer sa propre existence. de s'appuyer sur des principes d'administration. Et pour que la participation des démocratiques, ceux-là mêmes Il faut ensuite prendre le groupes devienne l'une de ses qu'on applique dans les groupes. temps de bien comprendre l'in- plus grandes richesses, des mé- La démocratie a pris diverses formation, de l'analyser sous canismes et des ressources formes et a guidé l'ensemble de divers angles afin d'aller plus doivent être mis en place sans ses interventions. loin, tant dans nos réflexions que tarder. La démocratie, c'est d'abord dans nos actions. L'une de nos Créer des liens entre les grou- bien informer, bien s'informer. premières responsabilités à titre pes est une priorité : on veut L'information, c'est le pouvoir, de membres du Regroupement mieux se connaître les uns les diront certaines personnes, et a d'ailleurs été de bien cerner autres, et partager son expertise. elles ont raison. Pour se forger l'information afin de prendre Ces discussions sont essentielles une opinion, bien analyser une des décisions respectueuses de à la construction du Regroupe- situation, prendre une décision l'ensemble des groupes. ment, car ce n'est qu'à partir de éclairée, il est essentiel d'avoir La démocratie, c'est égale- questionnements et d'analyses toutes les données. Rendre l'in- ment avoir des lieux, se donner communes qu'il pourra reposer formation accessible ne veut pas des lieux où discuter de ses idées et sur du solide, sur des éléments dire enlever les éléments trop en débattre, car ce n'est que par rassembleurs. complexes ou présenter une ce processus que les idées évo- L'« identité » du Regroupe- partie seulement de la matière. luent. Les groupes ont investi ces ment se construit aussi par le L'accessibilité, valeur importante lieux et s'y sont engagés afin que partage de certaines valeurs de de notre approche en alphabéti- se concrétise la force de la col- l'alphabétisation populaire sation populaire, consiste à lectivité. Cela est inévitablement comme l'importance du groupe, présenter l'information en ter- passé par l'exercice du pouvoir, la nécessité d'avoir des « lieux qui donne lieu à des prises de démocratiques » et l'engagement position et à l'affirmation de dans le milieu. Petit à petit, le principes incontournables. Tous RGPAQ détermine un mode de Le Regroupement les groupes ont eu le pouvoir de fonctionnement en accord avec a été façonné par faire évoluer le RGPAQ, en l'approche privilégiée par ses ses membres participant à des comités de tra- groupes membres. vail, au conseil d'administration, Beaucoup d'efforts seront né- et son équipe qui, à des rencontres thématiques. cessaires pour que se tissent des quotidiennement Tout au long des années, la liens solides entre les groupes, démocratie s'est exercée dans un car leurs réalités diffèrent énor- a vu à son évolution. grand nombre d'événements. mément. Par exemple, la vie en Il n'a cessé de Par exemple, dès 1982, des milieu rural et celle en milieu s'appuyer sur des assemblées de concertation ont urbain n'ont souvent pas grand- lieu sur les thèmes suivants : chose en commun. On doit principes Qu'est-ce qu'une personne anal- composer avec les différences et démocratiques, phabète ? Quels sont ses besoins miser avant tout sur ce qui ras- ceux-là mêmes et ses attentes ? Comment faire semble. Au fil des années, les le lien entre le contenu des ap- groupes prendront leur place, et qu'on applique prentissages et la réalité vécue toute cette diversité se reflétera dans les groupes. par ces personnes ? Quelles sont dans l'ensemble des actions. les méthodes utilisées dans les

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ateliers ? Ces rencontres ont En 1999, à l'approche de Ces 20 années remplies permis d'en savoir plus sur le ses 20 ans, maturité oblige, le quotidien des groupes et de Regroupement amorce une dé- de créativité et de travail parler des difficultés liées à marche avec tous les groupes acharné nous ont permis de l'application des principes d'al- pour réviser, de fond en comble, nous mettre de l'avant et de nous phabétisation et d'éducation son fonctionnement et évaluer populaire. les divers lieux démocratiques inscrire clairement dans l'univers Lors des assemblées générales, qu'il s'est donnés. Cet exercice québécois de l'éducation. les groupes décident des moyens très exigeant, tant sur le plan de à prendre pour que le mouve- la préparation que de la réalisa- Les prochaines années peu- ment soit reconnu à sa juste va- tion, permet aux groupes de vent altérer notre force. De plus leur. Plusieurs débats y prennent réaffirmer les valeurs propres au en plus, les groupes d'alphabé- place : rappelons-nous les mouvement d'alphabétisation tisation sont appelés à travailler discussions sur les ententes populaire et de mieux définir la à diverses tables de concertation. heures-cours entre groupes et place des diverses instances du Les instances régionales pren- commissions scolaires et, plus Regroupement, en ce qui a trait nent du pouvoir et deviennent récemment, les nombreux à leurs rôles et à leurs responsa- des lieux où il importe d'inves- échanges concernant la défini- bilités. tir temps et énergie. Nous tion d'un groupe populaire en Aujourd'hui, en 2001, avec devrons, en tant que regroupe- alphabétisation. De bons exem- ses 75 groupes membres, le ment provincial, composer avec ples qui prouvent que la démo- Regroupement sait qu'il doit ces nouvelles réalités et amélio- cratie n'est pas synonyme de rester près de sa base s'il veut rer sans cesse nos façons de faire facilité, car c'est par des débats ar- continuer à bien remplir son afin que la place des groupes dus où s'affrontent des positions rôle, à la fois sur le plan politi- demeure toujours importante. divergentes que l'on arrive à une que et sur le plan pédagogique. Les groupes, eux, devront ré- position plus rassembleuse. Il doit conserver ses acquis et se viser leur fonctionnement en vue En 1986, un premier congrès donner de nouveaux moyens de poursuivre collectivement le d'orientation a lieu. Après plu- pour que l'expertise des groupes travail, pour que le mouvement sieurs années de pratiques et continue à guider ses réflexions continue de leur ressembler et d'application de diverses appro- et ses actions. suscite toujours leur intérêt à ches, nous décidons de partager se rassembler. nos expériences afin d'en déga- Une œuvre importante Le Regroupement n'est pas ger des principes communs. À que l'on doit conserver une œuvre achevée mais une la suite d'intenses discussions, La démocratie au Regroupe- création collective en mouve- un consensus s'établit sur des ment demeure très importante, ment, qui s'inscrit dans l'histoire valeurs importantes liées à l'édu- même après 20 ans d'existence. et le devenir du monde de cation populaire, et nous nous Nous n'avons qu'à évoquer le l'éducation. donnons collectivement une dé- haut taux de participation des claration de principes, base com- groupes membres et les multi- mune sur laquelle s'appuieront ples moyens mis en place pour dorénavant les interventions des faciliter leur engagement (comi- 1. Voir la liste des groupes fondateurs du 2 groupes. Notre souci de démo- tés et COCOA notamment). Regroupement des groupes populaires en cratie se reflète dans l'énoncé Ces 20 années remplies de alphabétisation du Québec à la page 83. 2. Comité de coordination du Regroupement même de certains principes, où créativité et de travail acharné (et « A » pour alphabétisation), composé de neuf l'on affirme que l'apprentissage nous ont permis de nous mettre représentants et représentantes des groupes de la lecture et de l'écriture est de l'avant et de nous inscrire clai- membres ainsi que de la coordonnatrice du RGPAQ. Élus par l'assemblée générale annuelle un outil d'expression sociale, de rement dans l'univers québécois pour un mandat de deux ans, les membres ne prise de parole, de pouvoir sur de l'éducation. Il faut donc défendent pas les intérêts de leur groupe, mais son milieu et sur son environ- veiller à tout conserver. ceux de l'ensemble des groupes membres. nement.

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Introduction Jusqu'où iront les « Eh oui ! ce n'est pas parce qu'on ne sait pas lire et écrire qu'on n'est pas intelligent et qu'on ne participantes et les sait pas penser. » J'ai entendu cette phrase plusieurs fois depuis que je suis responsable du Co- participants de mité des participantes et des par- ticipants du RGPAQ. Et je suis nos groupes ? en mesure de dire que c'est vrai. Quand on donne la parole à des Lucie St-Germain, responsable du dossier gens à qui on n'a jamais permis Défense des droits et du Comité des de s'exprimer, à qui on n'a jamais participantes et des participants au RGPAQ fait confiance, on se rend compte, si on les écoute, qu'ils pensent et qu'ils ont des avis Peu à peu, ils et elles se aussi valables que les nôtres. sont emparés de la Pourquoi n'auraient-ils pas d'opinions sur leurs conditions parole et donné de vie, sur leur condition de per- le droit d'agir. sonnes ayant des difficultés à lire et à écrire, sur la défense de leurs « Ce n'est pas parce droits ? qu'on a de la misère à lire Le RGPAQ accorde de plus et à écrire qu'on n'est pas intelligent en plus de place aux participan- et qu'on ne sait pas penser. » tes et aux participants dans sa structure, et cela ne se fait pas Louise Whitmore, Comité des participantes sans créer quelques remous. Cer- et des participants du RGPAQ taines et certains sont d'accord et trouvent qu'il était temps que cela se fasse ; pour d'autres, cela devrait plutôt se produire dans les groupes, car nous sommes un regroupement de groupes et non un regroupement de personnes. Dans le présent article, je veux démontrer qu'il y a eu une évo- lution constante de la place oc- cupée par les participantes et les participants dans l'histoire du RGPAQ, et que lorsqu'on leur en donne la possibilité, ces fem- mes et ces hommes savent très bien s'exprimer, ce qui ne peut être que bénéfique au mouve- ment.

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Écrire pour la première fois À la suite de la Grande Ren- participants en créant des lieux Dès ses débuts, en 1981, le contre et lors du congrès du de partage du pouvoir, en ren- RGPAQ insère dans son Bulle- RGPAQ de mars 1986, les par- dant le fonctionnement et l'in- tin d'information un supplément ticipantes et les participants exi- formation plus accessibles ». d'une douzaine de pages intitulé geront que le Regroupement À la suite du congrès, on de- Ecrire pour la première fois. Plus tienne compte de leurs difficul- mande aux groupes membres de tard, on mettra sur pied un tés et de leur niveau d'appren- nommer des porte-parole pour comité journal dans lequel s'in- tissage dans la production des représenter les participantes et vestiront quelques personnes textes qu'il fait parvenir aux les participants de leur groupe. participantes. Les articles sont groupes membres et qu'il utilise Un total de 25 groupes membres écrits par et pour les participan- un langage accessible. sur 40 feront la démarche. tes et les participants des grou- En 1993, le RGPAQ organise pes membres. En 1985, le L'Année internationale des rencontres régionales afin de RGPAQ, n'ayant plus d'argent de l'alphabétisation sensibiliser les participantes et les pour financer le journal, cesse de En 1990, à l'occasion de l'An- participants à la lutte politique le produire. Les membres du née internationale de l'alphabé- pour l'obtention d'un meilleur comité sont très déçus et deman- tisation, autre moment fort de financement des groupes d'al- dent aux participantes et aux leur engagement, les participan- phabétisation populaire. À participants des groupes de tes et les participants deviennent Montréal, une centaine de per- s'exprimer sur la place qu'elles des personnes-ressources dans le sonnes sont présentes. On pro- et qu'ils devraient prendre au cadre de l'organisation du forum fite de ces rencontres pour pré- sein du RGPAQ. Une société sans barrière, où l'on senter les porte-parole et leur discutera des droits des person- demander de donner les raisons Une grande rencontre nes analphabètes. de leur engagement. Avec fierté, Toujours en 1985, le RGPAQ or- D'autre part, ils et elles sont elles et ils avouent souhaiter ganise un colloque de 2 jours (la plus de 500 à rédiger des textes à jouer un rôle actif dans la lutte Grande Rencontre) qui réunit 400 l'occasion de l'événement Le politique. personnes (participantes et anima- Voyage du livre. Dans chaque ré- À l'assemblée générale de trices). Plusieurs participantes et gion, des activités sont organisées 1994, il est décidé « d'enrichir participants collaborent au proces- (pièces de théâtre, soirées dansan- et d'appuyer les actions du Co- sus d'organisation, qui dure plus tes, accueil à l'hôtel de ville, etc.) mité de stratégie en voyant à d'un an. Malgré un succès sans pour marquer l'arrivée d'un grand faciliter l'implication des parti- précédent, on ne voudra plus ré- livre où chacun, chacune peut cipantes et des participants ». péter un événement de cette en- écrire quelques mots. C'est ce qui est fait en 1994 vergure, tout le monde étant à et en 1995. Dans son bilan an- bout de souffle. Des porte-parole nuel, le RGPAQ souligne que le La Grande Rencontre était un En 1992, lors d'un congrès d'orien- travail avec les porte-parole a été trop gros morceau pour les capa- tation où l'on s'interroge sur les très satisfaisant et a donné de très cités du RGPAQ : on a vraiment critères d'admission des membres, bons résultats. Même si, lors de voulu amener les participantes et il est décidé que, pour devenir et certaines rencontres avec des les participants à prendre part à rester membres, « les groupes de- « officiels », les participantes et tout le processus d'organisation. vront développer et maintenir des les participants ont eu de la dif- Beaucoup de personnes se sont structures de gestion participative et ficulté à prendre leur place, ils épuisées dans cette aventure, avec démocratique (adaptées aux réalités ont su se réajuster. pour conséquence que les respon- et aux besoins des participantes et Les porte-parole sont égale- sables n'avaient plus l'énergie né- des participants) en créant des lieux ment présents à l'assemblée cessaire pour continuer leur tra- de partage du pouvoir ». Il est égale- générale de février 1995. Mon- vail auprès des participantes et des ment décidé « que le RGPAQ soit sieur Garon, ministre de l'Edu- participants dans la structure conséquent avec son discours sur cation d'alors, est venu annon- même du RGPAQ. la place des participantes et des cer une augmentation

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de l'enveloppe budgétaire. Dans Le Comité des participantes provinciales conjointes en ma- toute cette lutte menée pour un et des participants tière d'alphabétisation), qui sera meilleur financement, les porte- du RGPAQ accepté. L'un des objectifs est parole ont été présents et se sont Finalement, en 1997, le Comité de définir les orientations de ce exprimés devant le ministre. des participantes et des partici- que pourrait être la défense des C'est en grande partie à eux pants du RGPAQ voit le jour. droits au RGPAQ. Les membres qu'on doit les gains obtenus. Par un processus des plus démo- du Comité des participantes et Elles et ils ont su sensibiliser cratiques, on organise des élec- des participants, en collabora- monsieur Garon à la cause des tions. Seize participantes et par- tion avec les membres du Co- personnes analphabètes et à l'im- ticipants se présentent, dix sont mité défense des droits, organi- portance des groupes d'alphabé- élus. Les membres du Comité sent alors une tournée dans quel- tisation populaire. sont présents à l'assemblée gé- ques groupes afin de connaître nérale de 1997, en plus des 25 les obstacles et les problèmes La Fête de solidarité représentantes et représentants Pour souligner le succès des re- des groupes. vendications, on prévoit tenir une Pour la première fois au grande fête de solidarité en mai, RGPAQ, des participantes et des AGIR POUR à Québec. Le RGPAQ met sur participants font partie de la struc- COMPRENDRE pied un comité d'organisation ture officielle. Le Comité devient de la Fête de solidarité en mai, un comité permanent au même Propos recueillis par auquel se joignent plusieurs titre que les autres, même si son Lucie St-Germain porte-parole. La fête, qui budget de fonctionnement est regroupe plus de 300 partici- minime. C'est un début. René Paradis fréquente le groupe Atout- pantes et participants, soulève Lire de Québec. Analphabète il y a sept beaucoup d'enthousiasme. Le rôle du Comité ans, il suit maintenant des ateliers de La première année, les membres niveau avancé. Un comité ad hoc participent à trois rencontres de Il est membre du Comité des parti- Les participantes et les partici- deux jours pour se connaître et cipants et des participantes du RGPAQ depuis trois ans. Il partage avec nous pants prennent de plus en plus de connaître le RGPAQ à partir des ses réflexions sur le sens du travail qu'il différents dossiers. De plus, ils place au sein du Regroupement. accomplit au Regroupement. Et après la Fête de solidarité, cela apprennent à devenir des porte- se manifeste de façons différentes. parole à l'échelle provinciale. Pourquoi avez-vous décidé de faire À l'assemblée générale de 1995, Dans l'ensemble, ils sont satis- partie du Comité des participants il est décidé de mettre en œuvre faits de leur participation, mais et participantes du RGPAQ ? des moyens pour favoriser leur aimeraient avoir plus de respon- Je voulais aller dans les groupes voir participation aux activités du sabilités et, surtout, participer à ce qui s'y passait. Je me suis dit : « Je Regroupement. Un comité ad hoc des actions concrètes. Ils deman- vais me présenter ; si je rentre, je vais de participantes et de participants dent donc plus de rencontres et être content. » J'ai été élu. Après on est est donc formé pour élaborer une un projet qu'ils pourront mener monté à Montréal pour faire une pre- proposition à soumettre à la pro- jusqu'au bout, malgré un très mière réunion. Sur le coup, c'est gênant chaine assemblée. En juin 1996, petit budget. On arrête alors la parce qu'on sait pas comment ça mar- le comité suggère de créer un co- publication du bulletin des par- che tout ça. mité permanent de participantes ticipantes et participants, Mon Pourquoi ça vous intéressait tant ? et de participants. La proposition journal, pour pouvoir engager Je voulais aider d'autres participants. une personne une journée par est refusée par l'assemblée, qui Essayer de donner des nouvelles de ce accepte toutefois que le comité semaine pour le Comité. qui se passe. Comment ça marche ad hoc poursuive son travail et Lors de la deuxième année d'autres groupes. Et rendre compte de se penche sur une proposition de d'existence du Comité, le ça. structure de fonctionnement au RGPAQ présente un projet RGPAQ. IFPCA (Initiatives fédérales-

62 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ DOSSIER que rencontrent les personnes RGPAQ : ils décident d'insé- Avec le temps, les membres ayant des difficultés à lire et rer quelques feuilles Info du Comité finissent par trouver à écrire. Les membres du Comité participantes et participants que 10 personnes, c'est trop, que veulent représenter toutes les dans le bulletin mensuel du cela coûte cher et que ça empê- personnes participantes des RGPAQ, Le Scoop. Grâce à cette che de se réunir plus souvent. Ils groupes membres. Ils et elles information, les participantes suggèrent donc au COCOA1 sont déçus que Mon journal et les participants des groupes que le Comité comprenne seu- n'existe plus, car c'était un bon pourront suivre le travail du lement six membres à l'avenir, moyen d'informer les groupes Comité. Certains tiendront comme les autres comités. Ils de leur travail, mais ils ne même des discussions sur les demandent également que qua- se laissent pas décourager et droits des personnes analpha- tre anciennes et anciens membres trouvent une solution qui bètes et nous enverront l'essen- reviennent pour assurer la conti- ne coûte pas trop cher au tiel des propos. nuité.

Vous en êtes à votre troisième à peu près quatre-cinq fois dans un an, Dans l'idéal, quelle place le Re- année au Comité, puisque vous on n'avait pas le temps de se virer de groupement devrait-il donner aux avez été élu une deuxième fois... bord. On aime ça maintenant parce participants et participantes ? Jus- Qu'avez-vous tiré de cette expé- qu'on se voit plus souvent, on est ca- qu'où ceux-ci devraient-ils aller ? rience ? pable d'aller voir d'autres groupes, de En tant que participant je me sens bien. J'ai appris beaucoup. On commence à discuter et d'essayer de trouver des Je ne peux pas demander mieux. On connaître tous les groupes de partici- solutions. arrive ici, on est bien reçu. On fait no- pants. On aime aller parler avec les tre travail, tout le monde a droit de dire autres, savoir comment ça marche leurs À Atout-Lire, vous faites partie sa parole. Demander mieux que ça, je affaires. On donne des résultats à du C.A., du Comité maison et du pense que c'est impossible. d'autres groupes. club social. Pensez-vous que les Mais j'aimerais ça que les participants Avant, je ne savais pas trop ce que groupes devraient permettre à du Comité disent : « On prend un dossier je faisais là, maintenant je suis à mon leurs participants et participantes et on peut le rendre au bout. » Par exem- aise et je peux parler pour d'autres par- de s'investir autant ? ple, d'autres participants dans des grou- ticipants. Je peux aller plus loin J'aimerais que tous les participants pes, s'ils ont besoin de quelque chose, qu'avant. aient la chance de parler dans des co- d'être défendus, ils pourraient passer di- Je suis aussi plus capable de fon- mités, qu'ils aillent en voir d'autres pour rectement par nous autres, nous le de- cer qu'avant. Quand je vois un groupe, parler avec eux. C'est intéressant car mander. Nous, les membres du Comité, je vais jaser avec les autres, discuter tu apprends, tu sers à quelque chose. on pourrait s'assembler... des affaires qu'on pourrait arrêter. Ça trouble un chemin. Dernièrement, je Selon vous, comment les partici- // faudrait que le Comité des partici- suis aussi allé dans les écoles, voir des pants et les participantes sont-ils pants et des participantes soit plus jeunes et conter mon histoire. C'est perçus dans les assemblées géné- autonome ? comme si j'avais toujours fait ça. rales ? Il y a eu une évolution Oui. On pourrait monter notre dossier et depuis que vous y allez. Qu'est-ce le donner ensuite au COCOA pour qu'il Qu'est-ce que vous pensez du que les gens, les formatrices, les l'étudié et dise si c'est bon ou pas bon. Comité ? De la manière dont il formateurs pensent de vous ? On serait capable de monter un dossier fonctionne ? Je pense qu'ils me mettent égal avec puis de l'envoyer au COCOA pour qu'il l'ar- Il fonctionne beaucoup mieux qu'il y a les autres. Si on a de quoi à dire, on est range. deux ans. À ce moment-là, on était 10 capable de le dire. On est là pareil Dans les premiers temps, on ne com- participants et plusieurs trouvaient que comme si on était des maîtresses. On prenait pas ce qu'on faisait ici. On se sen- c'était beaucoup. Là on est six. On peut est libre de dire ce qu'on veut, de dé- tait inutile. C'est pas facile de regarder dire notre petit point plus vite et pen- fendre notre point. Ça, c'est vraiment les autres travailler. Maintenant, on a ser mieux, avoir plus de réunions. Avant intéressant ! quelque chose à faire. On vient ici pour on n'en avait pas beaucoup, on se voyait travailler. Parce qu'on agit, on comprend ce qu'on fait là.

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Conclusion pour le financement, en 1995 des participants au COCOA. À Dans cet article, nous pouvons avec monsieur Garon afin d'ob- l'assemblée générale de juin suivre facilement l'évolution de tenir de plus grosses subven- 2000, les groupes présents ont la place occupée par les partici- tions, ou encore dans le but de voté contre cette proposition. pantes et les participants au réfléchir sur la défense des droits Cependant, pour la première RGPAQ. Nous sommes passés au RGPAQ, non seulement ces fois, une participante a été élue d'un supplément au bulletin personnes étaient là, mais elles à un comité autre que celui des d'information en 1981 à un co- étaient aussi indispensables. participantes et des participants mité permanent des participan- Présentement, avons-nous la (Comité défense des droits). Est- tes et des participants en 2001. structure idéale ? Doit-elle en- ce le début d'une plus grande Vingt ans d'histoire, et chaque core évoluer ? Depuis quelques présence des participantes et des fois que l'on a eu besoin d'elles années, certains groupes souhai- participants dans l'ensemble des et d'eux, ils étaient là. Que ce tent qu'il y ait un représentant structures du RGPAQ ? Jus- soit en vue de mener une lutte du Comité des participantes et qu'où voudrons-nous aller ?

DES FEMMES ANALPHABETES S'INSCRIVENT DANS UNE PAGE DE L'HISTOIRE DES FEMMES Propos recueillis par Lise St-Germain du Centre d'organisation mauricien de services et d'éducation populaire (COMSEP)

« Lire l'écrit, écrire le social, ciers. Pour ce faire, nous mettons en Raymonde, qu'est-ce qui vous s'inscrire dans le monde. » commun petites économies, dollars et a motivée à participer à cette Franklin Midy sous noirs, nous vendons du café, beau- Marche ? coup de café. De plus, plusieurs person- Je me suis impliquée parce que je me À l'occasion de la Marche mondiale des nes sensibles à la cause de la Marche sens concernée. Je suis à l'aide sociale femmes en l'an 2000, COMSEP décide et aussi par solidarité font un don afin et les coupures, j'en ai eu plus souvent de relever le défi d'accorder une place que les femmes à faible revenu puis- qu'à mon tour. Il faut que ça cesse. Et prépondérante aux femmes vivant dans sent participer à l'événement sans trop la violence, je l'ai vécue et mon enfant un contexte de pauvreté et de violence. dégarnir leur garde-manger. aussi. Je l'ai vécue deux fois, une pre- Cela veut dire, pour l'organisme, don- Un comité organisateur est mis sur mière fois avec mon premier mari et ner l'occasion et les moyens aux fem- pied pour l'ensemble de la démarche, ensuite avec le deuxième. À la marche mes qui le désirent d'aller jusqu'au bout qui nous mènera du régional au natio- Du pain et des roses, j'ai pas eu la du processus, c'est-à-dire se rendre à nal et à l'international. Ces femmes tra- chance de participer, j'étais malade. New York pour y déposer collective- vaillent ensemble, réfléchissent ensem- Mais comme mes jambes vont mieux, ment les revendications mondiales de ble, discutent de leur réalité, parlent de je me sentais capable de suivre. J'ai la Marche devant l'Organisation des leur vécu et de leur conviction que leur voulu le faire jusqu'au bout et je suis Nations Unies. lutte collective aura du poids et finale- très fière d'avoir réussi. Ce projet est rapidement approuvé ment, elles marchent et revendiquent par plusieurs femmes et alimenté par ensemble, à Trois-Rivières, à Montréal Croyez-vous vraiment que la une démarche d'éducation populaire et à New York. Marche peut changer des choses ? qui débute le 8 mars 2000 pour se con- L'une de ces femmes a bien voulu J'espère. Je ne peux pas dire « oui » ou clure le 17 octobre 2000 à New York nous faire part de son expérience et des « non ». Encore ce matin, j'ai reçu une avec la participation de 49 femmes, motivations qui l'ont poussée à pren- lettre m'annonçant qu'on peut mainte- dont le tiers ont un faible revenu et plu- dre une place importante dans la dé- nant être saisi sur notre chèque en cas sieurs sont inscrites à notre programme marche. Voici des extraits d'une entre- de dettes. Bouchard, le premier minis- d'alphabétisation. vue réalisée avec Raymonde Cochrane, tre, n'a pas accepté la loi-cadre contre Afin de réaliser ce rêve, surtout pour membre de COMSEP et inscrite à des la pauvreté. Il veut mettre une straté- les femmes en situation de pauvreté, il ateliers d'alphabétisation depuis qua- gie en remplacement d'une loi. C'est un faut bien sûr trouver les moyens finan- tre ans. peu inquiétant ce qu'il fera du projet.

64 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE DOSSIER Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

L'effort que le RGPAQ fait pour plus ? Utilisons-nous les moyens 20 ans, de faire de plus en plus améliorer la place des participan- mis en œuvre par le Comité de place aux participantes et aux tes et des participants au sein de pour favoriser l'investissement participants, et je suis convain- sa structure provinciale est-il des participantes et des partici- cue que cela n'est pas terminé. soutenu par la base ? pantes des groupes (élire les L'une des forces du Regrou- membres du Comité, envoyer les pement est de questionner ses résultats des discussions menées pratiques. Ainsi, nous pourrions en atelier sur les thèmes suggé- nous demander si nous utilisons rés par L'Info, photocopier les 1. Comité de coordination du Regroupement (et « A » pour alphabétisation), composé de neuf tous les moyens nécessaires pour renseignements qui sont desti- représentants et représentantes des groupes assurer une plus grande place nés aux participants et partici- membres ainsi que de la coordonnatrice du aux participantes et aux partici- pantes et les faire circuler, etc.) ? RGPAQ. Élus par l'assemblée générale annuelle pour un mandat de deux ans, les membres ne pants à l'intérieur même de nos Beaucoup de questions, n'est- défendent pas les intérêts de leur groupe, mais groupes. Pourrions-nous faire ce pas ? Le RGPAQ n'a cessé, en ceux de l'ensemble des groupes membres.

On peut quand même gagner des femmes se montrent le visage. Ce fut obligée à changer. Je l'ai fait par moi- choses. Les coupures pour te logement, vraiment une chance de vivre ça, d'al- même en étant avec les autres. J'ai au moins ça n'aura pas lieu. Je serai ler à New York avec toute l'équipe de compris par l'écoute, par le respect et prête à faire des luttes car il ne faut COMSEP. On a vécu beaucoup d'ami- les moyens qu'on se donne pour s'en pas lâcher, pour celles derrière nous. tié. Le voyage de New York, c'est quel- sortir. Maintenant mon projet de vie, ce Même si on gagne juste des petites que chose que je n'oublierai jamais. Je serait de travailler pour retrouver ma choses, les luttes, ça fait qu'on ne re- n'aurai plus jamais cette chance. dignité mais surtout ne jamais oublier cule pas. C'est comme le projet de loi contre d'où je viens. Si je travaille un jour, je la pauvreté. Au début, je me demandais ne veux jamais oublier les autres en Qu'est-ce que vous retenez ce que ça donnerait. Je pensais qu'on arrière. de l'expérience de la Marche nous avait parlé de ça une fois et qu'on des femmes ? n'en reparlerait plus. Et ça a continué. L'histoire de Raymonde, c'est aussi Avoir l'impression de faire quelque J'ai fini par témoigner de ce que je vis celle de Pauline, de Denise, de Lise et chose, de défendre mes droits mais et ensuite on m'a demandé de faire un de centaines d'autres qui ont eu l'oc- aussi ceux des autres. De tenir des pan- témoignage à Québec et je suis deve- casion de prendre leur place grâce à des cartes avec les revendications. Beau- nue la porte-parole. Ça m'a changée événements comme la Marche mon- coup de choses m'ont impressionnée. complètement tout ça. J'ai pris connais- diale des femmes, de dire non à la pau- Des images me reviennent souvent : la sance de beaucoup de choses. On est vreté, de dire non à la violence. C'est minute de silence, les femmes de par- chanceux d'être regroupés, d'avoir peut-être aussi l'histoire de milliers tout dans le monde, leurs vêtements, COMSEP. Il y a des personnes qui sont d'autres qui auront été inspirées par ces les revendications que les femmes ont seules avec leur pauvreté. Pas nous. On femmes et qui diront à leur tour « non » transportées au bout de leurs bras dans peut participer, être dans des comités, à la pauvreté et à la violence. Des fem- la foule. Ça m'a émue cette chaîne de prendre des décisions, ça aide à pren- mes qui, espérons-le, prendront aussi pétitions. Je pense aussi à la femme dre sa place. un jour une place dans la société, celle musulmane qui a eu le courage de se Au début, quand je suis arrivée à qui leur revient. dévoiler. Je me demande ce qui lui est COMSEP, je ne voulais participer à rien. arrivé, si elle est retournée chez elle. Je ne faisais pas confiance à cause de C'est difficile à croire que les hommes toutes mes mauvaises expériences. de ces pays n'acceptent pas que les Mais j'ai changé et personne ne m'a

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 65 ActionLe monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a! pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ En relisant nos bilans, nos bulle- des groupes populaires et de leur Carole Doré, consultante en alphabétisation tins internes et au moyen d'entre- pratique d'intervention. » (Louise vues téléphoniques avec des ac- Miller, dans Alphabétisation L'auteure remercie Françoise Bouchard, teurs et des actrices de différentes populaire, printemps 83, n° 12, Suzanne Daneau, Louise Miller, Sylvie Tardif époques, nous avons remonté le p. 26.) et Lisette Trudel pour leurs connaissances et leur précieuse mémoire... cours de notre jeune histoire pour Mais à peine un mois après le y retrouver les actions-chocs qui dépôt du mémoire, on apprend ont marqué nos luttes, tant pour que les subventions consenties Un simple regard en arrière faire connaître la problématique pour l'année 1981-1982 ne se- suffit pour comprendre que de l'analphabétisme et faire recon- ront augmentées que de 3 910 $ naître nos pratiques que pour pour l'ensemble des groupes in- notre Regroupement obtenir un financement adéquat. cluant neuf nouveaux groupes. se distingue par ses Ceci aura pour effet de diminuer Le big-bang considérablement les subven- coups d'éclat et par sa Le Regroupement est né officiel- tions des groupes déjà financés détermination. lement en février 1981. Sa pre- et de mettre très sérieusement en mière action d'éclat a été la ré- péril la survie de l'ensemble des daction et le dépôt d'un mé- groupes. Il y a urgence. La ri- moire intitulé L'alphabétisation poste s'organise. Échange de let- au Québec — situations — recom- tres avec , le mi- mandations en juillet 1981 à la nistre de l'Éducation de l'épo- Commission d'étude sur la for- que, ainsi qu'avec son sous-mi- mation des adultes (CEFA), nistre, et rencontre avec ces der- mieux connue sous le nom de niers. Le Regroupement de- Commission Jean, du nom de sa mande : 1) la révision des mon- présidente, madame Michelle tants alloués pour consolider les Jean. La CEFA avait pour man- groupes existants et l'octroi d'un dat de faire le point sur l'éduca- budget supplémentaire qui per- tion des adultes et d'adresser des mettrait aux nouveaux organis- recommandations au gouverne- mes de s'implanter et de se dé- ment. Le mémoire du Regrou- velopper efficacement ; 2) l'allo- pement abordait la problémati- cation de budgets spéciaux afin que de l'analphabétisme, les in- de favoriser la recherche et le terventions des organismes vo- perfectionnement de nos prati- lontaires d'éducation populaire ques d'alphabétisation (il existe (OVEP) en alphabétisation ainsi bien un programme de recher- qu'un certain nombre de recom- che, mais il est réservé aux seu- mandations pour une future les commissions scolaires). politique en matière d'éducation Parallèlement à ces pourpar- des adultes. lers, on organise une vaste cam- Cette action a permis de faire pagne médiatique (articles dans rapidement connaître le Regrou- les journaux, interviews à la té- pement. « Le mémoire présen- lévision, etc.). La problématique té à la CEFA quelques mois de l'analphabétisme fait son ap- après la naissance du Regroupe- parition dans les médias et la ment a joué un rôle déterminant question du financement des dans la reconnaissance du rôle groupes y est soulignée. DOSSIER Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Qu'avons-nous gagné ?

Engagés depuis près d'une décennie au • Le ministère de l'Éducation du Qué- cœur des actions en reconnaissance et bec ainsi que différents intervenants financement, Suzanne Daneau, coor- et intervenantes se sont souvent Le Regroupement participe donnatrice de La Boîte à lettres de inspirés des pratiques d'alphabéti- également aux actions de la Longueuil, et Christian Pelletier, respon- sation des groupes dans certains sable du dossier Reconnaissance et Coalition nationale contre les domaines : les jeunes, les nouvel- financement au RGPAQ, ont défini ce les technologies, l'insertion sociale, coupures en éducation des adul- qui leur semble être les gains les plus la prévention, l'emploi, etc. tes. Cette coalition regroupe une marquants de ces 20 ans d'espoir et de vingtaine d'organisations très luttes dans ce dossier. Nous avons, au cours de ces 20 ans variées qui œuvrent dans le d'existence, forcé le gouvernement et secteur de l'éducation des adul- La reconnaissance le milieu de l'éducation à nous consi- tes : syndicats, Institut canadien II est certain que nous n'avons pas en- dérer comme un interlocuteur incon- d'éducation des adultes (ICEA), core de reconnaissance formelle1, tournable lorsqu'il est question d'anal- groupes populaires, institutions, comme nous le revendiquons depuis de phabétisme et d'alphabétisation. C'est services à la collectivité. Diver- nombreuses années déjà. Cependant, grâce à la mobilisation et à la solida- ses actions sont organisées : con- dans les faits, nous avons fait des gains rité des groupes dans les différentes férences de presse, lancement importants à ce chapitre, tant sur le plan actions menées que cette reconnais- d'un « dossier noir », publication politique que sur celui des pratiques. sance s'est bâtie, ainsi que grâce à la d'un journal et campagne d'en- L'expertise que nous avons acquise au crédibilité acquise avec le temps et à voi de milliers de cartes postales cours des ans, dans les groupes et au la pertinence de nos interventions pu- RGPAQ, nous semble de plus en plus bliques sur les solutions à apporter pour adressées au ministre Camille reconnue. Nous n'avons qu'à citer quel- lutter contre l'analphabétisme. Notre Laurin. ques événements auxquels nous avons percée, depuis quelques années, en Nous sommes en période de participé pour nous en convaincre : matière de « contacts » politiques avec restrictions budgétaires (lire certains ministres sympathiques à la époque où on disait couper dans • Le RGPAQ siégeait aux assises des cause communautaire n'est pas étran- le gras... ). Le gouvernement, par États généraux sur l'éducation en gère non plus à cette reconnaissance. la voix de son ministre des 1996, aux côtés des syndicats, des En un mot, nous avons fait des Finances, monsieur Parizeau, commissions scolaires et d'autres gains relativement importants en ce qui et de son ministre de l'Educa- intervenants et intervenantes. concerne la reconnaissance de nos tion, a pourtant annoncé publi- • Le RGPAQ représentait le mouve- pratiques et de notre expertise, et ment d'alphabétisation populaire au notre pouvoir politique. Par contre, la quement que ni la quantité ni la Québec à la Ve Conférence sur l'édu- reconnaissance légale de notre réseau qualité des activités ne seraient cation des adultes à Hambourg en n'est pas encore obtenue. Mais affectées par les restrictions bud- 1997. serons-nous prêts à accepter les con- gétaires. La réalité est tout autre, • Des formateurs et des formatrices, traintes qui y seront associées ? Le même si le gouvernement dit ac- des participants et des participan- ministère nous le répète depuis corder une priorité à l'alphabé- tes issus des groupes membres du longtemps : un certain « contrôle » tisation. « Le secteur de l'éduca- RGPAQ se sont retrouvés à Namur viendra avec la reconnaissance. En tion aux adultes a été l'un des en 1997 pour discuter de leurs pra- connaissons-nous toutes les implica- plus touchés par les restrictions tiques en alphabétisation. tions ? Qu'adviendra-t-il de notre budgétaires décrétées par le mi- • Le RGPAQ était invité au Sommet du autonomie ? nistre , ce qui a livre et de la lecture organisé en même soulevé des inquiétudes 1998 pour stimuler la lecture, au Le financement au Conseil supérieur de l'éduca- même titre que des maisons d'édi- Des gains financiers ont été obtenus tion et à la Commission Jean. » tion et d'autres acteurs dans le do- depuis la création du RGPAQ, et parti- maine. culièrement depuis 1995. (Mario Fontaine, La Presse, 21 • Le RGPAQ a toujours entretenu des En 1980-1981, à la création du octobre 1981.) relations soutenues avec le cabinet Regroupement, le budget disponible Le gouvernement annonce en des différents ministres de l'Éduca- pour les 19 groupes d'alphabétisation novembre 1981 des fonds sup- tion. de l'époque subventionnés par plémentaires de 150 000 $. Ce n'est pas le Pérou, mais

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 67 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ le PSAPA (Programme de soutien à l'éducation en 1996 et, par la suite, la l'alphabétisation populaire autonome) vaste réforme de l'éducation entreprise c'est tout de même plus du dou- 2 par le gouvernement ont été des était de 276 000 $ , pour une subven- ble des subventions versées en tion moyenne par groupe de 14 526 $3. éléments contextuels importants pour 1980-1981. Victoire! Pour les En 1994-1995, le budget était de notre lutte, et nous avons su en profi- 2 602 269 $4, pour une moyenne par ter. Finalement, nous considérons que cinq premiers mois d'existence groupe de plus ou moins 24 500 $ tout le travail de sensibilisation sur du Regroupement... un départ par année. En 1995-1996, l'enveloppe l'analphabétisme et sur l'alphabétisa- sur les chapeaux de roues ! budgétaire du PSAPA pour 130 groupes tion accompli auprès de la population représentait 5 302 269 $5, pour une a été un facteur non négligeable, puis- À la guerre moyenne de 39 000 $ par groupe. Fina- que maintenant on reconnaît l'urgence comme à la guerre lement, en 2000-2001, les 128 groupes de la situation. Tout au long de la première dé- 6 se partagent un total de 8 102 300 $ , L'augmentation des subventions est cennie, le Regroupement, avec pour stabiliser la moyenne à près de certes le gain le plus évident, mais il ses alliés du mouvement d'édu- 61 000 $ par groupe. ne faudrait pas oublier que des amélio- cation populaire, a réalisé un Si nous regardons d'un peu plus près rations ont également été apportées au important travail de représenta- cours des dernières années dans ces augmentations de budget, nous tion et de pression pour faire re- constatons que, durant les 15 premiè- l'application du PSAPA. En effet, cette connaître l'importance de l'al- res années d'existence du Regroupe- subvention récurrente est enfin répar- ment, l'enveloppe budgétaire disponi- tie sur trois ans — pour une action à phabétisation populaire par les ble pour les subventions aux groupes a plus long terme —, et nous avons main- dirigeants et les dirigeantes et augmenté très lentement. En effet, de tenant le droit de financer les activités obtenir ainsi un meilleur finan- 1980 à 1995, l'augmentation de la sub- de vie associative aussi bien que les cement. Diverses actions ont été vention moyenne allouée aux groupes ateliers et de consacrer jusqu'à 40 % menées : manifestations ; occu- a été d'environ 10 000 $, soit de 71 % de l'argent au fonctionnement du pation des bureaux du MEQ en 15 ans. Par contre, entre 1995 et groupe. Aussi, depuis 1995, la subven- avec des participants et partici- 2001, cette augmentation a été d'envi- tion est remise en deux versements pantes et d'autres groupes d'édu- ron 36 500 $ par groupe, soit de 154 % par année plutôt que trois, etc. cation populaire ; dépôt d'un en six ans. Il est bon de constater que le travail nouveau mémoire à la suite de Les gains financiers ont été plus acharné et la mobilisation à partir de l'énoncé de politique en éduca- importants ces dernières années, et nos revendications financières ont tion des adultes (laquelle est très nous expliquons ce fait par l'interaction donné des résultats intéressants, mais décevante et ne tient pas compte de plusieurs facteurs. D'abord, au dé- nous sommes loin d'un financement des recommandations de la but des années 90, le Regroupement a adéquat pour les groupes. De plus, il décidé de « prendre les moyens » afin ne faut pas oublier que les gains ont Commission Jean, qui accordait d'intensifier la lutte pour un meilleur été obtenus dans un contexte de désen- une place fondamentale à l'al- financement. Nous avons élaboré une gagement de l'État, ce qui nous com- phabétisation et à la formation plate-forme de revendications et établi mande d'être très vigilants si l'on veut de base) ; mobilisation pour la des objectifs de lutte très clairs7. En- que ces gains servent les intérêts de la levée des moratoires imposés par suite, nos demandes ont eu un écho population avec laquelle nous tra- le MEQ sur la création de nou- auprès de certains députés et ministres vaillons (et non ceux du gouvernement) veaux groupes en 1982-1983 et qui croyaient, plus que d'autres, à la et nous garantissent l'autonomie dans en 1985-1986. pertinence du travail qu'accomplissent notre mission et nos pratiques. les groupes auprès de la population. De Bien que des gains importants plus, la tenue des États généraux sur aient été réalisés au fil des ans, et que des actions de toutes sor- 1. Nous entendons, par reconnaissance formelle, l'inscription dans un texte de loi approprié de tes aient été menées, le finance- la reconnaissance de l'alphabétisation populaire autonome. ment des groupes a toujours été, 2. Jean-François AUBIN, « Retour vers le passé ! », Le Monde alphabétique, n° 7, p. 12 à 16. et demeure,« le nerf de la 3. Le ministère de l'Éducation se réserve une partie du budget disponible pour administrer le programme de subvention. Nous avons donc soustrait ce montant pour établir la subvention guerre ». De 1981 à 1988-1989, moyenne des groupes. les groupes d'alphabétisation et 4. Direction de la formation générale des adultes, Service de l'éducation populaire, Note in- d'éducation populaires sont fi- terne, juillet 2000. nancés à partir de la même en- 5. Ibid. 6. Ibid. veloppe budgétaire. En 1988- 7. Cadre de référence sur le financement des groupes membres du RGPAQ, Montréal, janvier 1994. 1989, le Regroupement obtient

68 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Tout au long de sa première la création d'un programme dis- envoient au ministre de l'Édu- décennie, le Regroupement, tinct de financement, le PSAPA cation, monsieur Jacques avec ses alliés du mouvement (Programme de soutien à l'al- Chagnon, un grand nombre de phabétisation populaire auto- boîtes de céréales Alpha-Bits d'éducation populaire, a réalisé nome). C'est certes un pas en (une par jour, par groupe, pen- un important travail de avant, mais sans un sou de plus ! dant cinq jours) accompagnées représentation et de pression On l'a dit... le nerf de la guerre ! d'un message rappelant nos de- pour faire reconnaître Braves et vaillants, les grou- mandes quant à la nécessité pes ont continué le combat, dé- d'une politique gouvernemen- l'importance de terminés à obtenir ce qu'ils vou- tale en alphabétisation et l'ur- l'alphabétisation laient. Voici en vrac certaines des gence d'un financement équita- populaire. actions spectaculaires menées ble. Quelques mois plus tard et entre 1994 et 1999, qui, si elles à la suite de rencontres avec le à grand tirage le même jour que n'ont pas toujours apporté de ministre, ce dernier se dit prêt à le désormais traditionnel débat solutions, ont forcé les dirigeants discuter d'un plan de lutte con- télévisé. et dirigeantes à nous écouter. tre l'analphabétisme et évoque la Ces actions amènent le Parti possibilité de doubler les budgets québécois à s'engager à son tour. Campagne d'Alpha-Bits des groupes populaires d'alpha- Dans une lettre datée du 6 sep- Printemps 1994 bétisation ! Sauf que... peu de tembre (les élections sont pré- But : Faire connaître nos deman- temps après, des élections sont vues pour le 12 septembre), il dit des et amener le gouvernement déclenchées et le Parti libéral vouloir « concevoir, de concert libéral à bouger dans le dossier perd le pouvoir. avec les intervenants, une véri- de l'alphabétisation. table politique de reconnais- C'est dans le cadre de la pre- Que faites-vous pour sance et de financement des mière année de notre plan d'ac- les analphabètes ? organismes volontaires d'éduca- tion pour la reconnaissance et le Été 1994 tion et d'alphabétisation populai- financement et à cause de la But : Faire connaître le problème res autonomes. Le financement priorité donnée à la lutte politi- de l'analphabétisme pendant la des organismes sera augmenté, de que que les groupes du RGPAQ campagne électorale. même qu'il sera planifié et octroyé Que faites-vous pour les anal- sur une base triennale » (lettre de phabètes ? Tel est le message vé- Hubert Thibeault, chef de cabi- hiculé par une montgolfière net de Jacques Parizeau, adressée louée par le RGPAQ pendant la au RGPAQ). campagne électorale. Cette mont- golfière « accueille » monsieur Déjeuner aux Alpha-Bits Parizeau, chef du Parti québé- Février 1995 cois, en tournée électorale à But : Presser le nouveau minis- Yamachiche. Cet accueil pour le tre de l'Éducation, , moins visible force Jacques de faire connaître ses intentions Parizeau, le futur Premier minis- en matière d'alphabétisation. tre, à s'informer sur la question En novembre 1994, lors et à prendre position sur l'alpha- d'une première rencontre avec bétisation populaire. une délégation du RGPAQ, Cette question est aussi po- composée de formatrices et de sée publiquement aux chefs des formateurs, de membres du per- deux principaux partis (Daniel sonnel et de porte-parole des Johnson du Parti libéral et Jac- participants et participantes, le ques Parizeau du Parti québé- nouveau ministre de l'Éducation cois) par une publicité d'une s'engage à nous revoir rapidement page insérée dans un quotidien pour nous faire part de

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 69 Le LmondeA DEFENS alphabétique,E numéro DE S13, DROITprintemps 2001S A- OnU n'a RGPA pas tous lesQ jours 20 ans ! - RGPAQ

1981 fiscalité favorisant une répartition plus Le RGPAQ travaille au dossier Alpha- Dans le mémoire présenté à la Commis- juste de la richesse, une politique de plein bétisation — implication sociale, piloté sion Jean, nous faisons une déclaration emploi, le maintien et l'amélioration des par le groupe populaire COMSEP (Centre en faveur du droit à l'éducation, à l'em- programmes sociaux, des services gou- d'organisation mauricien de services et ploi et à des conditions de vie décentes vernementaux s'adressant aux personnes d'éducation populaire). pour les personnes analphabètes. analphabètes et l'assurance que la parti- cipation aux mesures de rattrapage sco- 1998-1999 1986 laire ne sera pas basée sur la coercition, Le RGPAQ produit des outils afin de pro- Au congrès d'orientation, les groupes éta- mais bien sur une participation volontaire, mouvoir l'emploi pour les personnes peu blissent la priorité suivante : « 11 faudra sans catégories d'âge, ni discrimination, scolarisées. Il travaille également au dos- promouvoir la défense et le développe- même si les places sont limitées. sier Alphabétisation — implication so- ment de l'alphabétisation populaire ainsi ciale. Il participe aux rencontres de la Coa- que les droits des personnes analphabè- 1993-1994 lition des organismes en développement tes. » En ce qui concerne le rattrapage scolaire, de la main-d'œuvre (C0DM0) ainsi que une rencontre a lieu avec des fonction- de la Coalition pour une loi sur l'élimina- 1990 (Année internationale de naires, nous sensibilisons les députés et tion de la pauvreté. l'alphabétisation)-1991 nous menons des actions médiatiques. Le À l'assemblée générale de 1999, nous Le Forum pour une société sans barrières gouvernement accepte finalement de ré- réaffirmons notre accord concernant le marque un point tournant dans la défense duire les heures de formation à 15 (au lieu troisième volet de la mission du RGPAQ des droits des personnes analphabètes. de 20). et nous en reformulons les grandes Membre du comité organisateur et à l'ori- À l'assemblée générale d'octobre 1994, lignes : « Le Regroupement des groupes gine du projet, le RGPAQ est à l'avant- il est résolu de former un comité ad hoc populaires en alphabétisation du Québec plan dans ce dossier (mesures de soutien chargé de trouver une solution de rechange voit à la défense des droits collectifs des au rattrapage scolaire, droit de s'alpha- au programme de rattrapage scolaire. personnes qui sont lésées par leur niveau bétiser en touchant des prestations d'alphabétisme. » d'assurance-chômage, etc.). 1994-1995 Le Comité de stratégie politique devient 1999-2000 1991-1992 responsable des dossiers suivants : rat- Le dossier Alphabétisation—implication Au congrès de 1992, nous adoptons la trapage scolaire, réforme de l'assurance- sociale devient la responsabilité du Co- proposition suivante : « Les luttes pour chômage (réforme Axworthy) et réforme mité défense des droits, qui établit éga- l'amélioration des conditions de vie des électorale. lement un plan de réflexion sur la défense personnes analphabètes doivent être À l'assemblée générale de 1995, nous des droits au RGPAQ. Une personne tra- menées par l'ensemble des groupes mem- formons un comité ad hoc afin de pour- vaille maintenant quatre jours par se- bres et par le Regroupement. Ce dernier suivre le travail amorcé par le CEP (Cen- maine en défense des droits. Le RGPAQ a le mandat de prendre position sur tre d'éducation populaire) de l'Estrie participe de nouveau aux rencontres de les réalités sociales des personnes socio- (Arbralettre) et de favoriser l'accès à l'em- la C0DM0 et de la Coalition pour une loi économiquement défavorisées, de coor- ploi des personnes peu scolarisées. sur l'élimination de la pauvreté. Enfin, le donner des actions touchant des enjeux Comité des participantes et des partici- sociaux, de former et d'informer les 1995-1996 pants effectue une tournée dans les grou- groupes membres des enjeux liés à la Le RGPAQ présente un projet sur l'accès pes membres concernant les droits des conjoncture. » à l'emploi des personnes peu scolarisées personnes analphabètes. À l'issue des et participe à un colloque sur l'emploi. Il rencontres, il amorce une réflexion sur le 1992-1993 se joint à la Coalition nationale sur l'aide sujet en collaboration avec le Comité dé- Le RGPAQ participe à la lutte contre la loi sociale. Finalement, il effectue une recher- fense des droits. 37, qui force les prestataires de l'aide che sur l'emploi et les personnes peu sco- sociale à travailler pour obtenir leur chè- larisées. 2000-2001 que en entier, et se prononce sur les me- II faudra mener à terme la réflexion sur la sures de rattrapage scolaire qui y sont 1997-1998 défense des droits au RGPAQ, continuer reliées. Nous établissons une définition large de le travail en ce qui concerne la mesure À l'assemblée générale, on vote un la défense des droits : « Défendre le droit Alphabétisation — implication sociale, plan d'action pour obtenir du gouverne- à la satisfaction des besoins fondamen- amorcer une réflexion sur notre partici- ment une politique globale en alphabéti- taux de la personne peu scolarisée, à la pation à des mesures gouvernementales sation qui repose sur le droit de choisir le préservation de sa santé, de sa dignité, et continuer notre planification stratégi- lieu de formation (réseau institutionnel ou de sa liberté, de son développement et que. réseau populaire), des politiques et une de son épanouissement. »

70 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE DOSSIER Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ ses intentions en ce qui a trait à Opération factures la une de La Presse, on en parle l'alphabétisation. Décembre..., Novembre 1995 à la radio, plusieurs groupes janvier..., toujours pas de nou- But : Forcer le ministère de l'Edu- sont approchés par les médias velles du ministre. Après avoir cation du Québec à accélérer le pour faire connaître leur opi- pris la peine de lui rappeler no- processus d'émission des chèques nion. tre existence (et son engagement de la première tranche de la Après avoir fait une autre de novembre) par l'envoi de di- subvention PSAPA, laquelle est série d'appels au ministère ainsi zaines de bas de Noël et d'autant en retard de plus d'un mois. qu'au bureau du Premier minis- de SOS dans une bouteille — Le 20 novembre 1995, les grou- tre et établi certains contacts dans lesquels nous avons inséré pes font face à un retard injustifié avec des représentants et repré- des lettres réitérant nos deman- de plus d'un mois dans le verse- sentantes de l'opposition offi- des concernant la nécessité d'une ment de la première partie de la cielle, nous obtenons nos politique gouvernementale en subvention PSAPA. Cela entraîne chèques le 12 décembre. Joyeux alphabétisation et d'un finance- des problèmes financiers graves Noël ! ment équitable pour les groupes (les prêts et les marges de crédit membres du RGPAQ — il nous sont difficiles à obtenir), et certains Bonne fête... Pauline... vient en tête un vieux proverbe groupes seront bientôt forcés de Bonne fête... Pauline... (probablement tiré de la sagesse cesser temporairement leurs acti- Booonnne fête Boonn...fêè... suisse...) : Si la montagne ne vités en raison d'un manque de li- ou la fois où la manif vient pas à toi, va à la monta- quidités. n'a pas eu lieu gne. .. Pourquoi pas ? Après plusieurs tentatives Printemps 1996 Nous décidons d'aller déjeu- (restées sans réponses) de com- But : Obtenir une rencontre ner dans le hall du ministère muniquer directement avec le avec la nouvelle ministre de et d'inviter monsieur Garon à ministre Garon pour lui faire l'Education, . venir rendre publics ses engage- connaître les problèmes que ce Dans le contexte des nouvel- ments. Le 7 février, devant plu- délai tout aussi incompréhensi- les sommes consenties l'année sieurs centaines de personnes ble qu'inadmissible entraîne précédente pour l'alphabétisa- mobilisées par les groupes popu- chez les groupes, nous passons à tion populaire, de la régionali- laires d'alphabétisation pour ce l'action. Chaque groupe enverra sation possible du programme et repas aux Alpha-Bits, le minis- une facture par jour au minis- du départ de Jean Garon du tre s'engage à venir à l'assemblée tre, laquelle inclura des frais de poste de ministre de l'Education, générale du RGPAQ, le 25 retard, plus les frais d'utilisation le RGPAQ demande à rencon- me février. Il nous fera alors part, d'une marge de crédit ou l'inté- trer M Marois pour connaître devant les membres et une délé- rêt se rapportant à un prêt, sa vision du développement de gation de participants et parti- selon le cas. Évidemment, le l'alphabétisation populaire auto- cipantes, de ses intentions : bureau du ministre est inondé nome et obtenir des réponses à doubler le budget de l'alphabé- de factures. L'événement fait ses demandes. tisation populaire, c'est-à-dire passer de 2,6 à 5,3 millions $ et affecter la plus grande partie de ces sommes à la création de nouveaux groupes. En ce qui concerne la politique gouverne- mentale en matière d'alphabéti- sation, le ministre attendra la tenue des États généraux sur l'éducation. Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

pes et revoir le cadre de finance- ment. La suite du travail consis- tera à amener le ministère à ré- diger un texte où il reconnaîtra notre importance et à obtenir une augmentation de l'enve- loppe budgétaire pour 1999- 2000. En novembre 1998, le gouvernement déclenche des élections : la politique de forma- tion continue est alors mise en veilleuse. Les enjeux étant ma- jeurs, il faut marquer des points durant cette campagne électo- rale. On met en branle une série Le 22 février, le RGPAQ fait efforts ni les pressions pour ar- d'actions tous azimuts. On veut parvenir à l'attaché politique rêter la tenue de la manifesta- sensibiliser les candidats et les chargé du dossier de l'alphabé- tion. Voyant que nous tenions à candidates, les députés, les fonc- tisation populaire une carte notre action (tout était prêt : tionnaires, la ministre et la po- d'anniversaire où l'on peut lire 300 personnes étaient attendues, pulation. Le 8 novembre a lieu le message suivant : « Madame, les ballons, les fleurs, les cadeaux, une conférence de presse ayant depuis votre arrivée au ministère etc.), le bureau de comté offre de l'Éducation, nous n'avons pas de conclure une entente : une Depuis la création du eu l'occasion de vous rencontrer rencontre aura lieu avec la mi- Regroupement 10 ministres et de vous souhaiter la bienve- nistre le 29 avril (tiens donc, de l'Éducation se sont nue. Ce n'est pas faute d'avoir dans un mois, alors qu'il sem- succédé... essayé. Nous profitons de votre blait impossible de rencontrer la anniversaire pour vous inviter à ministre avant l'automne !). • Camille Laurin une fête le 29 mars 1996 à 13 h Notre objectif est atteint. Le (de novembre 1980 à mars 1984) à votre bureau de comté. Plu- Comité de stratégie décide d'ar- • Yves Bérubé sieurs personnes analphabètes rêter la machine et la manifesta- (de mars 1984 à décembre 1984) vous y attendront. » L'attaché tion n'aura pas lieu. • François Gendron politique se dit offusqué du mes- (de décembre 1984 à décembre 1985) • Claude Ryan sage car « c'est un affront que de Opération vouloir faire sa fête à une per- (de décembre 1985 à octobre 1990) Déclaration • Michel Page sonne ». Ce n'est pourtant pas en alphabétisation le sens que nous voulions don- (d'octobre 1990 à octobre 1992) Automne 1998 • Lucienne Robillard ner à ce geste. Le 27 mars (deux But : Obtenir des engagements (par intérim en octobre 1992) jours avant la date prévue de la clairs de la part de la ministre de • Lucienne Robillard manifestation), le RGPAQ fait l'Education sortante pendant la (de novembre 1992 à janvier 1994) paraître une publicité dans Le campagne électorale. • Jacques Chagnon Devoir où il est dit que « la lutte Les enjeux sont importants (de janvier 1994 à septembre 1994) contre l'analphabétisme figure pour les groupes d'alphabétisa- • Jean Garon parmi les consensus sociaux au (de septembre 1994 à janvier 1996) 1 tion lors de la campagne électo- Québec » et que « le MEQ doit rale de 1998. En effet, le MEQ • Pauline Marois, (de janvier 1996 à décembre 1998) investir dans les deux réseaux qui s'apprête à adopter une politique combattent l'analphabétisme ». • François Legault de formation continue selon la- (depuis décembre 1998) Panique au bureau de comté de quelle il veut faire de l'alphabé- madame Marois. Les attachés tisation une priorité, reconnaî- Source : site Internet du ministère politiques ne ménagent ni les tre le rôle éducatif de nos grou- (http://www.meq.gouv.qc.ca/mineduc.htm)

72 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ DOSSIER pour thème l'exercice du droit le projet Alphabétisation — im- balle ? » et d'une courte explica- de vote des personnes peu alpha- plication sociale, mis sur pied tion de la situation. Cette action bétisées. La couverture médiati- par un groupe de la région a aidé à provoquer un débat sur la que est très bonne. On rédige Mauricie — Bois-Francs, sera question à l'Assemblée nationale. aussi une Déclaration pour l'al- reconnu comme mesure et pour- Que ce soit par les actions- phabétisation. Chaque groupe ra être implanté partout au chocs qui viennent d'être rela- est invité à rencontrer les person- Québec à partir de janvier 1999. tées, par les nombreuses mani- nes candidates de son comté, des Plusieurs groupes de différentes ré- festations à Québec, à Montréal personnalités publiques et la gions se montrent intéressés par ou ailleurs ou par notre présence population en général pour faire ce projet. Cependant, certains dans les médias chacun dans sa un blitz de sensibilisation. En centres locaux d'emploi tardent à région, bref par une foule d'évé- quelques semaines seulement, signer le protocole d'entente, car nements de toutes sortes, nous 10 000 personnes signent notre ils considèrent que ce n'est pas de constatons la volonté d'engage- Déclaration, dont 21 candida- leur ressort. Les moyens d'Emploi- ment des groupes membres, des tes et candidats élus. On fait Québec sont concentrés plutôt participantes et des participants, paraître la Déclaration avec les sur la « clientèle-cible » de l'épo- de même que la grande créati- signatures des personnalités dans que, soit les gens qui peuvent vité et le dynamisme dont fait . Le RGPAQ organise, intégrer le marché du travail preuve notre mouvement. conjointement avec l'Institut à court terme. Une confusion canadien en éducation des adul- de plus en plus grande s'ins- tes et le Mouvement d'éducation talle. Ni le ministre de la Soli- populaire et d'action communau- darité sociale, André Boisclair, ni la ministre de l'Emploi, Diane taire du Québec, un débat avec la 1. Selon un sondage Léger et Léger effectué ministre Marois, Henri-François Lemieux, ne veulent de la me- pour le Regroupement en 1995, 87,7 % des Gautrin, critique libéral en ma- sure Alphabétisation — impli- Québécois et Québécoises (soit 9 personnes sur 10) estiment que le gouvernement doit tière d'éducation, et Manon cation sociale dans leur minis- tère respectif. La mesure tombe investir plus dans des programmes d'aide aux Bazeau, candidate de l'Action personnes analphabètes et 82,3 % qu'il est démocratique du Québec. Pauline alors dans le vide administratif urgent qu'il adopte un plan d'action global laissé par la division de l'ancien pour prévenir et combattre l'analphabétisme Marois s'engage alors à augmen- au Québec. ter le budget du PSEPA (Pro- ministère de l'Emploi et de la So- lidarité, et ce sont les personnes 2. Cette mesure a été élaborée à la suite de la gramme de soutien à l'éduca- réforme du programme Rattrapage scolaire du analphabètes qui paient le prix tion populaire autonome) et du ministère de la Sécurité du revenu. Les grou- de cet imbroglio. Le déploie- pes populaires étaient en désaccord avec une PSAPA de 6 000 000 $, dont ment de la mesure est compro- approche pédagogique orientée vers une fin 4 000 000 $ iront à l'alphabétisa- purement fonctionnelle et d'adaptation à mis, et plusieurs personnes n'y tion, en plus de reconnaître l'exis- l'emploi. Ils ont donc proposé une mesure auront pas accès. permettant aux personnes analphabètes non tence de celle-ci dans la politique seulement d'améliorer leurs compétences de de formation continue à l'autom- Pendant cette joute de ping- base, mais aussi de prendre leur place dans la ne 1999. pong avec les personnes anal- société et de jouer pleinement leur rôle de ci- toyen et citoyenne, bref de participer à la fois phabètes, le RGPAQ lance un à des activités d'alphabétisation et à des acti- À qui appartient la balle ? mot d'ordre pour que chaque vités complémentaires favorisant leur intégra- Novembre 1999 groupe membre envoie au Pre- tion communautaire, et ce, à raison de 20 heu- mier ministre Bouchard, aux res par semaine (10 à 14 heures d'alphabéti- But : Dénoncer le fait que le sation et 6 à 10 heures d'engagement social). gouvernement Bouchard n'a ministres Diane Lemieux et An- Les prestataires de la Sécurité du revenu qui pas respecté ses engagements dré Boisclair, aux deux critiques s'engagent dans ce projet sont considérés concernant la mesure Alphabé- de l'opposition concernés par ce comme participant à une mesure de dévelop- 2 pement d'employabilité et ont droit au tisation — implication sociale . dossier et aux chefs des partis de supplément mensuel prévu pour les adultes Lors de la campagne électo- l'opposition, Mario Dumont et admis au programme Soutien financier rale de l'automne 1998, Louise Jean Charest, une balle de ping- (d'après le Rapport d'évaluation du projet pong accompagnée du message Alphabétisation — implication sociale rédigé Harel, alors ministre de l'Emploi par Carole Vanier, avec la collaboration de et de la Solidarité, annonce que suivant : « À qui appartient la Lise St-Germain, en mai 1997).

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 73 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ De l'importance Depuis toujours, les groupes de notre propre populaires d'alphabétisation s'interrogent sur leurs pratiques. formation C'est en cherchant à satisfaire les besoins de formation et Nicole Lachapelle, coordonnatrice du RGPAQ de perfectionnement de ses membres que le Regroupement s'est peu à peu constitué une expertise.

Dans un contexte où l'« éduca- Quatre grandes périodes premier, puis d'un second pro- tion tout au long de la vie » est II y a d'abord, de 1981 à 1989, gramme de perfectionnement. devenue primordiale, les milieux ce qu'on peut appeler la « nais- Au total, huit thèmes de forma- communautaires doivent s'inter- sance du mouvement ». La pé- tion seront élaborés. Ces for- roger sur leur contribution en riode est celle des premières an- mations donnent lieu à des matière de formation et de per- nées d'expérimentation des documents regroupés dans la fectionnement des intervenantes groupes, des débuts du RGPAQ, série Un visa pour l'alpha pop5. et intervenants du milieu. Pour de l'organisation des assemblées C'est aussi l'époque de la nais- plusieurs, les regroupements de concertation et de la publi- sance de la revue Le Monde d'organismes communautaires cation de la revue Alphabétisa- alphabétique. Le RGPAQ a ainsi ont acquis en ce domaine une tion populaire, de son supplé- la chance de se constituer un vaste expertise, mais encore trop ment Ecrire pour la première fois patrimoine qui, en plus de « pro- peu reconnue1. Le RGPAQ fait et, plus tard, du bulletin interne longer la vie » des formations, partie de ces organismes qui con- Des nouvelles du 5040. C'est permet d'exporter son expertise sidèrent la formation maison aussi à ce moment qu'a lieu le et de la faire connaître. Il ne faut comme un outil de développe- premier congrès d'orientation, pas oublier que cette période est ment des pratiques du milieu. dont les discussions mènent à traversée par l'Année internatio- En effet, depuis sa création en l'adoption de la Déclaration de nale de l'alphabétisation, 1981, le RGPAQ n'a pas cessé principes, document de base moment d'activités intenses d'intervenir en ce sens. La spé- auquel le mouvement se réfère pour le RGPAQ et ses membres, cificité des pratiques d'alphabé- toujours2. qui nous a placés pendant un tisation populaire exige de l'in- La deuxième période, de certain temps sous le feu des novation sur le terrain et mène 1989 à 1995, est celle de «la projecteurs. à de constantes remises en ques- pédagogie en avant-plan ». Nous La troisième période, de 1995 tion. Ce sont ces nécessités et le nous attardons à définir nos pra- à 1997, est celle où « la vie asso- constat que la formation est aussi tiques, à les diffuser et à mettre ciative » prend beaucoup d'im- un moyen de rassembler les de l'avant notre spécificité pour portance. C'est l'époque « post- membres et de raffermir le faire reconnaître notre travail. Garon4 », où l'on assiste à la créa- sentiment d'appartenance qui C'est à cette époque que le tion d'un grand nombre de motivent le RGPAQ à offrir de RGPAQ réalise sa première groupes et à une augmentation la formation. Nous retraçons étude des besoins de formation importante du nombre de mem- ici les grandes lignes de son che- auprès de ses membres, étude bres du RGPAQ. Ceci nous minement. qui conduit à l'élaboration d'un conduit à la nécessité d'assurer la

74 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ DOSSIER

Une constante demeure : le besoin de soutien des groupes dans leur travail d'alphabétisation populaire.

transmission de nos valeurs et la attribuable aux importants Où en sommes-nous cohésion du mouvement. Pour ce changements sociaux qui mar- maintenant ? faire, le RGPAQ conçoit, pour les quent le Québec (régionalisa- Depuis 1998-1999, on pourrait nouveaux et nouvelles qui arri- tion, économie sociale, lutte au déterminer une cinquième pé- vent dans les groupes, une for- déficit, etc.), met en évidence riode, où le RGPAQ fait face à mation portant sur le RGPAQ la nécessité d'encourager l'ana- une multitude de besoins à com- en tant que mouvement d'alpha- lyse critique et politique : des bler en raison de l'accroissement bétisation populaire, sur les ser- formations sur la compréhen- rapide de ses membres et de l'ar- vices offerts et sur tout le con- sion des enjeux sociaux, poli- rivée de nouveaux intervenants texte entourant l'alphabétisation tiques et économiques sont et intervenantes en alphabétisa- populaire : les bailleurs de fonds, offertes et des dossiers thémati- tion populaire : de niveaux dif- les partenaires, etc. Un nouveau ques sont réalisés. En même férents, des plus expérimentés bulletin de liaison voit le jour : temps, les groupes demandent aux petits nouveaux, ils ont des Le Scoop. On ajoute une rencon- de l'aide dans leur travail quoti- besoins qui varient, et les de- tre préparatoire à l'assemblée dien : une session de formation mandes sont nombreuses. De générale pour que les nouveaux sur les demandes et les rapports plus, les contacts avec les mem- et les nouvelles puissent s'y re- PSAPA (Programme de soutien bres étant plus espacés et les pra- trouver. Une « formation itiné- à l'alphabétisation populaire tiques encore plus diversifiées, rante » sur la pédagogie est of- autonome) et une autre sur les on en vient parfois à se deman- ferte avec la participation d'une demandes IFPCA (Initiatives der quelle place occupe encore formatrice-terrain et d'un for- fédérales-provinciales conjoin- la conscientisation dans les ate- mateur-terrain, ainsi que de la tes en matière d'alphabétisa- liers et où en sont les pratiques responsable de la formation. tion) sont offertes, en plus d'un en alphabétisation populaire. Cette formation sera donnée soutien pour la formulation Nos pratiques sont-elles encore dans plusieurs régions du des demandes. liées à nos principes ? Québec, d'où son qualificatif Au-delà des caractéristiques Plusieurs questions revien- d'itinérante. spécifiques de ces quatre pério- nent sans cesse : La quatrième période, de des, une constante demeure : • Quelles sont les compétences 1997 à 1999, est marquée par le besoin de soutien des groupes et les connaissances essentiel- des préoccupations pour dans leur travail d'alphabéti- les en alphabétisation popu- « l'analyse critique et l'outil- sation populaire. Ce type de be- laire, et lesquelles d'entre lage des groupes ». La diversi- soin a toujours été présent, même elles devraient être prises en fication des interventions en s'il a parfois été relégué au second charge par le RGPAQ? alphabétisation populaire, plan. • Existe-t-il une hiérarchie ou une urgence à considérer dans Un patrimoine à conserver les besoins ? • Quels sont les besoins réels de En 1983, l'Équipe d'aide au développement de la Direction générale de l'éducation formation des groupes mem- des adultes (DGEA) transmettait son fonds documentaire au Regroupement. Quel- bres par rapport aux besoins ques années plus tard, en 1989, pas moins de 800 documents (monographies, vi- cernés par le RGPAQ pour ses déos, périodiques) portant sur l'alphabétisation en français au Canada étaient con- membres ? fiés au Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition fémi- nine (CDEACF) pour en faciliter la conservation et la consultation. Le RGPAQ et ses groupes membres n'ont pas cessé depuis d'enrichir cette collection. Les notices bibliographiques figurent dans le catalogue informatisé Alpha, accessible sur le site du CDEACF (http://www.cdeacf.ca/sinformer/coLcatalpha.html). LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 75 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Pourquoi écrire ? Dès les débuts, on s'est mis à écrire au RGPAQ ! À écrire un mémoire pour la Commission d'étude sur la formation des adultes, à publier un bulletin de liaison, Alphabétisation populaire, pour alimenter les discussions des mem- bres lors d'un premier puis d'un deuxième congrès d'orientation... et ça s'est poursuivi. Au fil des ans, le RGPAQ a produit des documents d'analyse, des • Devons-nous intervenir sur documents pédagogiques, des bulletins d'information internes, des comptes les quatre dimensions suivan- rendus d'expériences, des rapports de recherche et la revue Le Monde alpha- tes : vie associative, pédago- bétique. gie, outillage et analyse poli- Ces publications répondent à différents besoins. La revue nous permet de tique ? réfléchir sur notre philosophie et nos pratiques d'alphabétisation populaire, • Qui sont les personnes visées tout en constituant une source d'information sur les projets réalisés par les par les activités de formation groupes. Elle sert aussi à faire la promotion de l'approche particulière qu'est du RGPAQ : les animatrices, l'alphabétisation populaire. Au début des années 90, la collection Un visa les animateurs, les coordon- pour l'alpha pop s'inscrivait dans le cadre d'un programme de formation des- natrices, les coordonnateurs, tiné aux formateurs et aux formatrices. On traitait alors de questions telles les participantes, les partici- que le processus d'apprentissage et l'évaluation des apprentissages des in- pants, les membres des con- dividus, l'animation des ateliers, les approches et méthodes d'alphabétisa- seils d'administration ? tion, la vie associative, etc. Les documents produits ont permis à ceux et • Quelles sont les expertises celles qui se sont joints plus tard au mouvement d'avoir accès au contenu de acquises au sein des groupes ces formations. et du RGPAQ? D'autres publications sont liées à des préoccupations ponctuelles : la pré- • Quel est le rôle des publica- vention de l'analphabétisme, l'emploi ou nos différentes prises de positions tions et de la recherche dans publiques comme celle manifestée dans le Plan national d'action en alphabé- ce contexte ? tisation. Enfin, des dossiers d'information sont réalisés sur une foule de thè- Pour essayer de mieux struc- mes, comme l'économie sociale. turer notre cadre d'intervention, Pourquoi écrit-on autant au RGPAQ ? Pour laisser des traces ? Pour rejoin- nous avons travaillé à élaborer dre plus de gens ? Pour faire connaître notre action, nos façons de faire ? un programme de formation Pour mieux réfléchir ? Tant de raisons qui nous rappellent qu'il faut continuer pouvant répondre à l'ensemble de le faire. des besoins (ceci dit, en s'accor- dant un certain nombre d'an- nées !). seulement de connaître les grou- tre à nos membres celles qui Le programme a été présenté pes, mais aussi de rejoindre plus seront offertes une fois terminé aux membres à l'assemblée gé- de personnes, en particulier les le choix des personnes en me- nérale de juin 2000 et a été bien membres des conseils d'adminis- sure de les donner. Nous souhai- reçu. L'arrivée en poste d'une tration. tons aussi répertorier les diffé- nouvelle responsable à la forma- Lors d'une rencontre élargie rentes expertises des groupes afin tion a fait en sorte que le travail du Comité développement des de les mettre à contribution dans amorcé cette année donne lieu à pratiques5, la question de la né- le cadre de nouvelles formations. de nouvelles pistes. Nous en cessité des échanges entre les Nous savons que certains grou- sommes maintenant à essayer intervenants et les intervenantes pes ont particulièrement tra- différentes modalités d'offre de a ressurgi, et l'idée de tenir un vaillé la question du recrutement, formations afin de remplir plu- camp de formation (genre uni- par exemple, que d'autres ont fait sieurs objectifs. Ainsi, la forma- versité d'été) a suscité beaucoup des recherches sur le fonctionne- tion sur le RGPAQ a été don- d'enthousiasme. L'inventaire des ment de l'intelligence, sur les pro- née à « domicile », dans quelques formations déjà offertes par le cessus d'apprentissage, ou sur le groupes, pour permettre à la res- RGPAQ a été fait, et nous se- processus d'appropriation de ponsable de la formation non rons en mesure de faire connaî- l'écrit, etc.

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Et la reconnaissance 1. Voir à ce sujet l'enquête Les pratiques et les nouveaux groupes deviendront membres du de notre expertise, besoins de formation en action communautaire Regroupement, qui en comptait auparavant du Comité sectoriel de main-d'œuvre de 45. c'est pour quand ? l'économie sociale et de l'action communau- 5. Le RGPAQ exerce ses activités avec l'ap- À l'heure où la formation conti- taire, Montréal, 2000, 108 pages. pui de comités de travail. Le Comité déve- nue préoccupe les gouverne- 2. Voir le texte à la page 56. loppement des pratiques travaille à la conso- 3. Voir la liste des titres de la série ci-dessous. lidation et au développement des pratiques ; ments, où les entreprises consa- 4. En 1994, l'arrivée de Jean Garon au minis- en ce sens, il mène des réflexions sur les be- crent un pourcentage de leur tère de l'Éducation conduit à l'augmentation soins de formation, sur les pratiques d'alpha- masse salariale à la formation et de l'enveloppe du PSAPA (Programme de sou- bétisation populaire et sur le soutien à y ap- tien à l'alphabétisation populaire autonome). porter. Il voit à la mise en œuvre des objectifs au perfectionnement de leurs Elle sera doublée, mais une bonne partie des du plan stratégique concernant ces questions. salariés, qu'en est-il des milieux nouvelles sommes devront servir à la création Le Comité voit également à la préparation et communautaires ? Les ressources de nouveaux groupes d'alphabétisation, prin- à la réalisation d'actions pour l'avancement qu'ils se sont données pour ré- cipalement dans des régions où il y en a peu du dossier. Il assure la circulation de l'in- ou pas du tout. Ainsi, 39 nouveaux groupes formation auprès des membres en ce qui pondre à leurs besoins de per- seront créés, et le RGPAQ offrira son soutien concerne les pratiques d'alphabétisation fectionnement sont méconnues dans leur mise en place. Près de 30 de ces populaire. et encore bien moins reconnues. Dès la fondation du RGPAQ, les Les publications réalisées par le RGPAQ, membres se sont questionnés sur en plus des rapports et comptes rendus de toutes sortes leurs pratiques, ce qui ne les a pas empêchés de les améliorer, La revue Le Monde alphabétique bien au contraire ! La formation donnée par le milieu et dans le N° 1 La métacognition (épuisé) milieu, encadrée par des gens du N° 2 Rendre la lecture « plus facile » terrain, reste la formule que nous N° 3 Où en est l'alphabétisation conscientisante au Québec ? privilégions. L'examen de notre N° 4 Les femmes et l'alphabétisation itinéraire dans ce domaine nous N° 5 Alphabétisation populaire et emploi... confirme que nous sommes sur' N° 6 Dossier sur les mathématiques la bonne voie. Reste qu'il faut N° 7 Le point sur l'alphabétisation populaire en 1995 N° 8 Quinze ans de vie associative continuer de se questionner, de N° 9 Pourquoi y a-t-il encore des personnes analphabètes en 1997 ? réfléchir, d'essayer de nouvelles N° 10 Citoyenneté choses, d'évaluer, de remettre en N° 11 Les personnes analphabètes imaginent l'an 2000 question. Pour ce faire, il faut N° 12 Les personnes immigrantes et l'alphabétisation populaire accepter de vivre dans l'insécu- rité et mettre l'efficacité de côté La série Un visa pour l'alpha pop pour y aller à tâtons. Souhaitons que nous trou- N° 1 Animation et alphabétisation (François Soucisse) vions le courage nécessaire pour N° 2 Les personnes analphabètes et l'apprentissage (Michèle Dupuis) continuer de le faire et pour af- N° 3 Approches et méthodes (Françoise Lefebvre) firmer haut et fort qu'il faut sou- N° 4 Comment créer (Michelle Saunier) N° 5 Le langage intégré (Guy Boudreau) tenir la formation issue des mi- N° 6 L'évaluation des apprentissages en alpha populaire (Franklin Midy) lieux communautaires, même si N° 7 La sauce... à calculer (vidéo produit en collaboration avec le Service tout n'y est pas fait en totale con- aux collectivités de l'UQAM) formité avec les formes et les N° 8 Agir ensemble démocratiquement (Réjean Mathieu) normes de l'éducation formelle. N° 9 Mathématiques au quotidien (Francine Loignon et autres)

• Le livre de l'Année internationale de l'alphabétisation • Alphabétisation populaire, emploi, et après (Françoise Lefebvre) • Passeport pour l'alphabétisation populaire • Le matériel didactique en alphabétisation (Serge Wagner) • Catalogue des productions du RGPAQ et de ses groupes membres • Les personnes peu scolarisées et l'emploi (Denis Ross) • Prévenir l'analphabétisme... répertoire d'activités

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 77 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Novembre 1982 Ça y est, c'est mon tour, on m'a choisi ! J'ai été adopté... Eh, doucement, pas besoin de me secouer comme un prunier ! Quel drôle d'endroit ! Ah, de grandes fenêtres, une drôle de table, avec des... lumières ? Ça sent la cire chaude, heureuse- ment que je suis à l'épreuve du feu, moi. Elle met de la cire sur le papier, mais ça va tout coller ! Elle a l'air bien fière de son coup, cette Sylvie ! Les journées sont souvent longues, y a pas beaucoup de monde ici. Juste Nicole et Sylvie. Des fois, y a de la visite, alors là ça parle, ça parle et puis après on ouvre les tiroirs, ferme les ti- roirs. Moi, ça me fait prendre un peu d'air.

Janvier 1983 Tiens, d'autre visite : Bernard et Daniel. Eux, ils sont tout proches, ils arrivent pas de bottes, pas de manteau, rien. Ça parle de livres, de documentation, de centre po- pulaire. Bon, Nicole a encore le nez dans l'tiroir ! Tiens, elle s'amuse avec une sorte de machine à écrire, une machine avec un fil, ça fait du bruit ! Elle l'appelle son Ibéaime. DOSSIER Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

nouvelle affaire qui va faire bien du papier ! Evidemment, on ne me l'a pas présenté ! Son nom ressemble à Jean Haut-Bain...

Septembre 1990 Ça y est, on vient de me tasser. Mais qu'est-ce qui se passe ? On dirait qu'on joue aux quilles en haut ! Tout un branle-bas : on s'étend à ce que je vois ! Il y a des nouvelles au troisième ! Moi qui ai peur des hauteurs, j'espère Novembre 1984 je suis ouvert... Elles n'arrêtent qu'on ne va pas me jucher là- Ouf, je respire ! Quand on me pas de prendre des papiers dans haut ! Tiens, on dirait que Louise laisse un tiroir ouvert, ça m'aère les tiroirs pour les mettre dans se prépare à partir... un peu... Ils ne s'en rendent pas des caisses. Ça, c'est bien Louise compte mais leurs papiers, c'est avec ses caisses ! Mais où est-ce Le 15 décembre 1990 plein de poussière ! Mais, qu'elles s'en vont ? Jouvence, L'AI, c'est fini ! Ben non, c'est mais... on est en train de vider qu'est-ce que c'est ça ? Elles vont juste pour rire, on commence la le tiroir ! On dirait, on dirait faire une cure ? Non, c'est plu- décennie de l'alpha... ! Y a une qu'on déménage... moi qui ai des tôt un congrès ! Oui, c'est ça, un p'tite rousse qui a pris la place problèmes d'adaptation... oh là congrès d'orientation. À les voir de Louise. là! aller, on dirait bien que c'est leur premier ! Juin 1992 Mars 1985 Un deuxième congrès d'orienta- Comment ça qu'on joue dans Le 8 septembre 1989 tion : j'ai entendu dire qu'ils mes tiroirs un samedi ! Ils sont Personne dans le bureau. Tout étaient sur la piste des dinosau- plusieurs, ça fait du bruit... On le monde est encore à Québec ! res... Vérités et mensonges au dirait qu'ils préparent une ren- Ah, comme j'aimerais voir du programme... contre, une Grande Rencontre pays, moi aussi, mais ça me fait à part ça. Il y a des gens que je du bien d'être seul parce que ces Le 5 novembre 1992 n'ai jamais vus ici... ça a l'air derniers temps, il y a une vraie Encore des papiers ! Cette fois, compliqué leur travail. Ils ont tornade dans le bureau ! Il com- ça parle beaucoup des... mem- l'air en retard... ils s'énervent, mence à y avoir pas mal de bres de la révision ou de la révi- ils cherchent de l'argent. monde ici. Faudrait pousser un sion des membres ? Ils m'em- Ils parlent toujours du mois peu les murs. Tout le monde brouillent tellement, des fois... de mai à Québec... Qu'est-ce parle de l'AI. Ça a l'air bien im- qu'il a de spécial ce mois portant une AI... Surtout que, de mai ? À Montréal, cette fois-ci, ils sont en avance... le printemps est beau ; Y a une histoire de grand livre... pourquoi aller à je l'ai jamais vu parce qu'il ne Québec ? rentre même pas dans mes tiroirs tellement il est grand ! Mars 1986 C'est drôle, y en a une qui se Mars 1990 laisse pousser le ventre ! Drôle Ciel, un homme fouille dans d'idée, déjà qu'il n'y a pas beau- mes tiroirs ! Il dit qu'il travaille coup de place pour passer quand pour La Fondation... encore une Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

complet, tant qu'à y être... que Juin 1996 j'y voie quelque chose ! Je suis Y a un anniversaire dans l'air : pas mal perdu ! Ouille, mais 15 ans, ça vous a un parfum comme il fait clair ici ! Y a des d'adolescence... On dirait qu'ils fenêtres partout ! Aie, non, ne organisent une parade de fermez pas le tiroir, il fait si noir ! mode... y a des t-shirts partout ! Lâchez-moi avec les accidents de Y en a même une qui veut en travail ! faire l'exportation au Togo... Le 4 octobre 1998 Juin 1997 En v'là une qui s'énerve pas fa- Juin 1993 Y a de l'électricité dans l'air ! Ça cilement (ça va leur faire du Tiens, on fait dans la construc- n'arrête pas de parler d'un plan bien !). Elle arrive d'Afrique avec tion... ça parle de plate-forme, de la Trinité... non ! de la Trien- son assurance tranquille. de cadre... nale, des objectifs triennaux ! Non mais, qu'est-ce qu'ils on Le 29 octobre 1993 encore inventé ! Il paraît qu'il y a 40 membres... je me demande comment ça Octobre 1997 s'agence pour former un ensem- II me semble que, tout à coup, il ble ? La fameuse révision leur y a beaucoup plus de papier, plus cause des problèmes, en tout de sonneries. Coudonc, on se- cas... rait-tu en train d'enfler ? Aie, je ne vois plus le beau grand Juin 1995 Martin... On dirait qu'ils sont allés à la plage, mais à contrecœur parce Décembre 1997 qu'ils n'ont même pas eu le Ça faisait longtemps que j'avais temps de se mettre le gros orteil pas vu de ventre pousser ; celui- Le 12 avril 1999 à l'eau. Les dossiers sont pleins là est bien petit quand même ! J'sais pas si c'est l'effet du prin- de sable... Ah ! non, c'est moi Et puis Lilianne qui se remet au temps, mais y a deux p'tites jeu- maintenant qui va se gratter tricot ! nesses qui sont arrivées en même toute la nuit ! temps. Une dans le genre Le 22 juin 1998 Nathalie pis une p'tite Rachel. Le 23 novembre 1995 Enfin, quelqu'un pense à passer Pauvre Christian ! Il a la bouche un plumeau sur mon dos ! Mais, Le 27 avril 1999 toute croche à force de parler mais, oh ! non, tout se remet à On dirait que ça va mal. Mais vite... bouger. J'ai le vertige. Attention cessez d'ouvrir mes tiroirs sans aux escaliers, les gars... me lais- arrêt ! Quelle fébrilité ! On di- Le 10 février 1996 sez pas tomber ! rait qu'ils ne savent pas ce qu'ils Ououououlàlà, ce qu'ils ont l'air cherchent. Ah ! mais il manque énervés... J'entends parler sans Le 27 juin 1998 quelqu'un, ce sont ses papiers cesse d'un gars rond, qui devrait Tiens, on pense à moi, c'est pas qu'on cherche... ça peut être venir les rencontrer. En tout cas, trop tôt ! Ouvre-moi donc au long : elle n'est pas très en ordre je trouve que s'il est si impor- et depuis le temps qu'elle en tant que ça, faudrait qu'ils pen- empile là-dedans, ils sont peut- sent à faire du être mieux d'attendre qu'elle ménage ici-dedans. revienne...

80 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE DOSSIER Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Le 12 mars 2000 Les adresses du Il me semble que l'espace s'est RGPAQ au fil du temps agrandi... il y a des figures que je n'ai pas vues depuis long- • 1475, rue Bourbonnière temps... On dirait bien que (de 1981 à 1982) • 3575, boul. Saint-Laurent, Marie-Hélène est partie pour e bon... 8 étage (de 1982 à 1984) • 5040, boul. Saint-Laurent (de 1984 à 1998) Le 16 mai 2000 • 2120, rue Sherbrooke Est, Le 5 novembre 1999 Ici, en tout cas, c'est pas la pous- bureau 302 (depuis 1998) Ouf, on vient de se rappeler que sière qui traîne longtemps... je sers à quelque chose ! Tiens, N'empêche que j'ai trouvé du ça fait longtemps que je l'avais chili sur ma troisième poignée... ment qui aiment la vie dure ! Y pas entendue celle-là. Pourtant, Y en a qui devraient mettre leur a que des boîtes, du papier et de je lui ai pas vu le ventre pous- grain de sel ailleurs ! la poussière là-dedans. Aie, ser... En tout cas, là, je vais pou- pourquoi le ranger dans un sa- voir recommencer à jeter un Le 21 août 2000 chet ? coup d'œil autour. Encore une nouvelle face ! Et puis une qui est revenue à sa Le 12 janvier 2000 taille, mais pas à la même Tiens, une nouvelle face... elle a place !... Bientôt, on va manquer l'air à son affaire ; y a plus rien d'espace, pis, moi je ne veux plus qui traîne ! C'est elle, la nouvelle bouger d'ici ! La tremblotte du voix du téléphone ; elle a l'air dernier déménagement a bien ben gentille ! On dirait que le failli en finir avec mes coulisses gros ventre de Rachel est parti... et mes tiroirs ! Ah ! mais voilà un mais celui de Marie-Hélène se compatriote... on partage l'es- remet à pousser. Ah, elle aussi va pace avec le comptable ! C'est sûrement partir puis revenir... Y pas croyable la quantité de a une espèce de plante qui se papiers qu'il brasse, André ! meurt sur mon dos... Comment Heureusement qu'il a son pro- ça se fait que personne y pense ? pre classeur !

Le 14 février 2000 Octobre 2000 Tiens, un nouvel accent dans le Je pense qu'on vient de décou- bureau. C'est un accent aigu vrir ma cachette ! C'est en fai- qu'elle a cette Cricri parce qu'elle sant le grand ménage qu'ils ont Ainsi donc, je lègue à la na- n'a pas l'air de badiner avec les trouvé mon journal : paraît tion alphabétique ces modestes fautes... Mes papiers sont tout qu'ils ont besoin d'un nouvel réflexions en espérant que barbouillés de rouge ! Non mais, espace, calme, à l'abri du bruit d'autres prendront le crayon attends un peu que je lui dise ma et des distractions... C'est vrai pour poursuivre ce feuilleton façon de penser... qu'avec le nouveau bureau de populaire et, ainsi, faire décou- Brigitte, y aurait pas eu de place vrir l'une des faces cachées du pour trois là-dedans ! Mais de là RGPAQ. à choisir ce racoin... Y en a vrai- Un quatre tiroirs qui préfère garder 1 ' anonymat...

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 81 LeAlbu monde alphabétique,m numéro d 13,e printemps famill 2001 - On n'a pase tous les jours 20 ans ! -Le RGPAQs alliés de toujours L'Association des organismes volontai- res d'éducation populaire (maintenant le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec ou MEPACQ) et l'Institut canadien d'éducation des adultes ou ICEA.

La première équipe permanente

En octobre 1982, Nicole Lachapelle, l'actuelle coordonnatrice du Regroupe- ment, et Sylvie Roche sont embau- chées. La première accomplira les tâ- ches relatives aux finances et au secré- tariat et la seconde sera en charge du soutien aux groupes et des communi- cations. Un an plus tard, à l'automne 1983, Louise Miller se joint à l'équipe. Elle aura pour mandat d'éditer le bulle- tin de liaison des groupes, Alpha-pop (publié 4 fois par année, il peut avoir jusqu'à 60 pages et comporter quelques annexes ! ), et de s'occuper des dossiers financement et politique. DOSSIER Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Les groupes fondateurs

• Le Centre N A Rive • L'Arbralettre (maintenant le Cep de l'Estrie) • Le Centre portugais de référence et de promotion sociale (maintenant le Centre d'action socio-communautaire de Montréal) • Le Centre éducatif des Haïtiens de Montréal • La Maison d'Haïti • Atelier Alpha (maintenant le Regroupement des assistés sociaux du Joliette métropolitain) • La Coopérative des services multiples de Lanaudière • Le Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles • Le Tour de lire • Le Collectif d'alphabétisation des détenus • Le Centre d'alphabétisation de Jonquière • Un Mondalire

Le premier COCOA (Comité de coordination en alphabétisation)

• Adeline Chancy, de La Maison d'Haïti • Danielle Cloutier, du Tour de lire • Yvan Comeau, de la Coopérative des services multiples de Lanaudière • Micheline Laperrière, du Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles • Louise Miller, du Collectif d'alphabétisation des détenus

Les militantes et les militants de la première heure

René Boucher, de L'Arbralettre (maintenant le Cep de l'Estrie) ; Michel Leduc, d'Un Mondalire ; René Soler, du Centre N A Rive ; Lisette Trudel, d'Un Mondalire ; Serge Wagner, du Collectif d'alphabétisation des détenus. Le monde alphabétique, numéro 13, printempsQU 2001 - OnI n'a ÊTES-VOUpas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ S LES

ABITIBI-TEMISCAMINGUE CENTRE D'ACTION BÉNÉVOLE ALPHA DES ETCHEMINS DE LA MRC DE BÉCANCOUR Année de création : 1996 ALPHA-TÉMIS Année de création : 1985 Tout en côtes, en courbes et en forêts, au cœur des Année de création : 1987 (pour le volet alphabétisation) Appalaches, notre territoire d'intervention est im- Nous sommes un groupe d'alphabétisation popu- Deux formatrices visitent une dizaine de municipa- mense. Depuis les débuts, notre organisme est en laire autonome œuvrant dans une région vaste mais lités et donnent des cours à des petits groupes et constante évolution et nos activités sont de plus à faible densité démographique. Nous sensibilisons parfois en individuel à raison de trois heures par en plus diversifiées : alphabétisation, enseignement les Témiscamiens et Témiscamiennes aux problè- semaine. Les apprenants et apprenantes sont invi- de compétences parentales, ateliers de raisonne- mes de l'analphabétisme et nous organisons des tés à venir au point de service pour découvrir ment logique... Nos participants et participantes, ateliers d'alphabétisation dans différents villages Internet, et chaque vendredi, des ateliers d'alpha- l'essence même de l'organisme, ont su tisser des du Témiscamingue. Nous rejoignons des adultes bétisation et d'intégration sociale sont offerts aux liens entre eux et acquérir un sentiment d'apparte- de tous les âges, de milieux différents et de niveaux personnes ayant une déficience intellectuelle. nance au groupe. Nous participons activement à débutant, intermédiaire et avancé. Nos ateliers sont la vie communautaire de la région : projet d'aide à gratuits. l'éveil à la lecture et à l'écriture, participation à dif- LUDOLETTRE férentes tables de concertation... Pour tout dire, Année de création : 1986 nous sommes une bien belle « gang ». CENTRE DE CROISSANCE Au fil des ans, Ludolettre est devenu une porte d'en- D'ABITIBI-OUEST trée pour la communauté rurale, un milieu de vie Année de création : 1984 en mesure de répondre aux besoins des gens peu ALPHA ENTRAIDE DES Cet organisme communautaire autonome vient en scolarisés. Des projets avant-gardistes tels que la CHUTES-DE-LA-CHAUDIÈRE aide à tous ceux et celles qui sont analphabètes formation à distance et l'utilisation des nouvelles Année de création : 1995 complets ou fonctionnels. Son principal but est de technologies de l'information et des communica- Cet organisme à but non lucratif a pour mission promouvoir l'alphabétisation sur son territoire, mais tions en alphabétisation reflètent bien le dyna- d'offrir gratuitement des services d'alphabétisation il travaille aussi à la réinsertion sociale de ces per- misme et l'engagement des gens qui fréquentent (français et mathématiques de base) à des adultes sonnes. le centre. De plus, l'intervention en milieu familial de 16 ans et plus, et ce, sur tout le territoire de la est au cœur de ses préoccupations. MRC des Chutes-de-la-Chaudière. De plus, il offre BAS-SAINT-LAURENT des cours d'informatique. CHAUDIÈRE-APPALACHES CENTRE ALPHA DES BASQUES Année de création : 1984 ABC DES HAUTS PLATEAUX CENTRE D'ALPHABÉTISATION Le Centre offre différentes activités en alphabéti- MONTMAGNY-L'ISLET INC. POPULAIRE DE BEAUCE sation conscientisante dans les 10 municipalités Année de création : 1995 Année de création : 1995 de son territoire. Il aide la personne peu scolarisée Nous servons 15 municipalités réparties dans deux II nous a fallu beaucoup de patience pour mettre à acquérir les outils nécessaires à son développe- MRC (municipalités régionales de comté). Étant en sur pied notre centre et le faire connaître. Nous ment et à son intégration sociale. Le Centre est milieu rural, les formatrices se déplacent pour don- avons bien essayé d'offrir beaucoup avec peu, mais membre actif du RGPAQ depuis 15 ans. ner des ateliers à une clientèle très diversifiée : nous avons fait moins que prévu. Nous avons réel- jeunes familles (acquisition des compétences pa- lement commencé à grandir lorsque nos ressour- CENTRE-DU-QUÉBEC rentales), adolescents et adolescentes (chemine- ces financières ont été augmentées, ce qui nous a ment particulier), personnes ayant des problèmes permis d'engager une personne en permanence. ALPHA-NICOLET de santé mentale ou des déficiences physiques ou Notre essor s'est poursuivi depuis. Année de création : 1984 intellectuelles, personnes inscrites à la mesure Al- Pour nous, la valorisation des participants et des phabétisation — implication sociale et personnes participantes est de première importance. Leur plus âgées (centre de jour). CLÉS EN MAIN grande confiance en eux a permis à l'organisme de Année de création : 1996 produire, à partir de leurs textes, plusieurs recueils Notre groupe couvre la région de l'Islet-Nord (neuf et outils pédagogiques dont chacune, chacun est ABC LOTBINIÈRE paroisses). Nous donnons des ateliers d'alphabéti- très fier. La prévention de l'analphabétisme nous Année de création : 1995 sation au local central ou dans des locaux offerts tient aussi à cœur : diverses activités touchant à la Nous offrons des ateliers en lecture et en écriture par des organismes des municipalités environnan- fois les parents et leurs jeunes enfants ont été mi- à une trentaine de personnes. Depuis un an, nous tes (un centre de jour et une entreprise). Des ate- ses sur pied. Il est parfois difficile de mesurer le offrons aussi des ateliers de base en informatique. liers d'initiation à Internet et à l'informatique sont chemin parcouru, mais des témoignages comme : Notre clientèle est composée de travailleurs et de aussi proposés à nos participants et participantes. « Moi, j'ai appris à me respecter plus, à m'aimer travailleuses, de personnes à la retraite et de pres- plus, à me sentir mieux avec moi-même » nous font tataires de l'aide sociale. Nos ateliers se modifient croire en notre mission et nous poussent à conti- selon les besoins de chacun et de chacune et com- nuer. prennent un petit nombre de personnes.

84 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE DOSSIER GROUPELe monde alphabétique, numéro 13,S printemps MEMBRE 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ansS ! - RGPAQ ?

GROUPE EN ALPHABÉTISATION ESTRIE AU BORD DES MOTS MONTMAGNY-NORD Année de création : 1995 Année de création : 1995 CEP DE L'ESTRIE Situé au bord de notre beau fleuve Saint-Laurent, Le groupe offre des ateliers de lecture, d'écriture Année de création : 1979 le groupe entreprend sa cinquième année d'interven- et de calcul ainsi que des ateliers de raisonnement Deux groupes de travailleurs et de travailleuses, tion auprès des personnes qui éprouvent des difficul- logique et thématiques (géographie, impôt, etc.). un groupe de personnes immigrantes et trois grou- tés en lecture, en écriture et en calcul. En plus d'ap- Les interventions pédagogiques sont respectueu- pes de gens sans emploi suivent présentement des prendre, celles-ci découvrent... l'informatique, la navi- ses des besoins et des caractéristiques des adul- ateliers d'alphabétisation à raison de 6 à 30 heu- gation sur Internet, leurs aptitudes, leurs compéten- tes. Elles visent aussi à contribuer à l'acquisition res par semaine. Les adultes qui souhaitent parti- ces, de nouveaux amis, et beaucoup plus ! d'une autonomie d'action et de pensée nécessai- ciper à un programme d'insertion sociale ou res à la pratique éclairée de la citoyenneté. À cela d'employabilité ont accès à une aide financière de s'ajoutent des recherches, des publications et des la part d'Emploi-Québec1. DÉCLIC actions dans la région de Chaudière-Appalaches Année de création : 1982 et à Montmagny pour améliorer les pratiques d'al- GASPÉSIE — ÎLES-DE-LA-MADELEINE Lorsqu'ils assistent à des ateliers à Berthierville, à phabétisation populaire et en promouvoir les ser- Saint-Gabriel et à Saint-Barthélémy, un « déclic » vices, défendre les droits des adultes peu ou pas COLLECTIF PLEIN DE BON SENS se fait pour les participants et les participantes ! scolarisés et provoquer des débats et des réflexions. Année de création : 1995 Déclic, c'est aussi les comités Journal et Alpha- Avoir une bonne maîtrise du français et des ma- cuisine ainsi que plusieurs autres projets : en pré- thématiques de base, c'est non seulement essen- vention, nous offrons, en collaboration avec les LA CLÉ DE L'ALPHA tiel pour bien fonctionner dans un monde de haut organismes communautaires et les institutions, des Année de création : 1995 savoir, mais ça l'est aussi pour exercer ses droits activités pour les parents ayant des enfants au Notre groupe se compose de femmes et d'hommes et devoirs de citoyen et citoyenne. Voilà ce que le primaire ; en sensibilisation, nous organisons, de qui ont envie de sortir de l'anonymat et d'aller de Collectif offre à toutes les personnes de la Baie- concert avec des groupes d'alphabétisation de l'avant. Ensemble, nous suivons divers ateliers (lec- des-Chaleurs qui veulent profiter de ses services la région, différentes activités, dont le concours ture, écriture, calcul) et nous mettons en pratique gratuitement. L'éducation et l'alphabétisation po- Une histoire à terminer. De plus, nous menons des les acquis, par exemple aller au guichet automati- pulaire, ça change le monde ! actions pour diminuer l'exclusion des adultes peu que et échanger des recettes de cuisine. scolarisés en ce qui concerne le travail et leur pro- posons une formation. CÔTE-NORD DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE UNÎLE INC. LIRA INC. Année de création : 1996 REGROUPEMENT DES Année de création : 1984 II s'agit du seul groupe populaire en alphabétisa- ASSISTÉS SOCIAUX DU JULIETTE Depuis trois ans, le groupe a mis en place une for- tion aux îles-de-la-Madeleine. Nous sommes situés MÉTROPOLITAIN (RASJM) mation sur mesure destinée aux Innus et donnée à Havre-Aubert, soit à l'extrémité ouest des îles. Année de création : 1973 dans deux points de service, ce qui a consolidé son Nous offrons plusieurs ateliers à une clientèle va- L'histoire s'y écrit tous les jours, avec une pensée implantation dans le milieu. Il offre également de riée et nous travaillons à partir des besoins expri- pour le premier noyau de personnes assistées so- la formation de base aux non-autochtones ainsi que més par la population. ciales qui, dans une volonté d'améliorer leur qua- des cours d'immersion française. lité de vie, se sont donné des objectifs d'éducation et d'entraide. L'histoire continue de s'écrire dans LE POUVOIR DES MOTS des ateliers d'alphabétisation et en défense des POPCO INC. Année de création : 1998 droits, grâce à des femmes et des hommes en dé- Année de création : 1980 Encore en phase de structuration, nous comptons marche d'alphabétisation, engagés sur tous les Au début, les activités du groupe se déroulaient peu de participants et de participantes. Mais nous plans dans l'organisme, et à des bénévoles qui oc- dans une salle ouverte partagée par d'autres orga- continuons de grandir, et tout porte à croire que cupent une place pleine et entière. nismes communautaires. Popco donnait un peu de nous serons là pour longtemps. formation, mais son action se situait surtout en LAURENTIDES développement de la créativité afin d'aider les gens LANAUDIÈRE à acquérir de la confiance et à accroître leur poten- LA GRIFFE D'ALPHA tiel. À la fin des années 80, il accueillait son pre- ABC DES MANOIRS Année de création : 1996 mier groupe d'apprenants et d'apprenantes. Année de création : 1983 Le participant et la participante sont au cœur de la Aujourd'hui, le groupe offre en plus une formation Situé à Terrebonne, notre groupe est le seul orga- pédagogie. Nous nous adaptons aux besoins de la de base en milieu de travail, un service d'aide à nisme de la MRC des Moulins. Notre dynamique clientèle et composons avec les nouvelles techno- l'emploi (en collaboration avec le centre local équipe travaille avec un grand nombre de partici- logies, ce qui veut dire que nous offrons des cours d'emploi) ainsi qu'un service d'accès communau- pantes et de participants, dont l'un siège au C.A. d'initiation à Internet et d'informatique. De plus, taire (carrefour Internet), ce qui s'inscrit dans sa Les ateliers sont très variés, et deux projets de théâ- nous proposons un cours dont l'objectif est d'aug- mission d'alphabétisation et d'éducation popu- tre ont fait émerger des talents insoupçonnés et menter le temps de formation de certaines person- laires. Au fait, savez-vous ce que signifie Popco ont été source de grande valorisation. Nos béné- nes afin qu'elles acquièrent plus d'autonomie et Pop signifie « population » et co, « collabore », voles occupent une place importante au C.A. ainsi d'estime de soi. Comme le recrutement est parfois donnant ainsi « La population collabore ». que dans les ateliers et les activités. Nous som- difficile auprès de la clientèle analphabète, nous mes fières de faire partie du RGPAQ et lui souhai- offrons de l'aide à la population peu scolarisée de tons bon anniversaire. la région pour remplir des formulaires. De cette façon, nous faisons la promotion de nos services tout en favorisant le recrutement d'adultes et en démystifiant l'analphabétisme

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 85 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

LA MAISON DES MOTS AU JARDIN DE LA EBYÔN DES BASSES-LAURENTIDES FAMILLE DE FABREVILLE Année de création : 1989 Année de création : 1995 Année de création : 1995 (pour le volet alphabétisation) La Maison des mots se distingue surtout par le dy- Nous offrons des ateliers d'alphabétisation popu- L'organisme doit son nom à son fondateur, un prê- namisme de son équipe. C'est un organisme tou- laire aux adultes de 18 à 77 ans. Chacun et cha- tre très engagé dans la communauté, l'abbé Denis jours en mouvement, où tous et toutes apprennent cune y travaille à son rythme à l'intérieur de petits Gervais. Ebyôn (psaume 145) signifie «les accablés à se dépasser. La créativité, la mise en commun groupes où sont abordés des thèmes comme la qui se relèvent » et désigne donc les personnes qui des forces et l'humour sont toujours de mise chez santé, l'alimentation, le budget, les jeux, la cuisine ont vécu ou vivent de grandes difficultés (pauvreté, nous, ce qui nous permet de passer à travers bien collective... toxicomanie, violence, problèmes de santé men- des tempêtes. Les participants et les participantes tale et physique, etc.) et qui lentement se repren- emboîtent le pas à l'équipe et font l'expérience de nent en main, s'en sortent. Chaque année, de 35 à l'entraide, de l'ouverture et de la bonne humeur. GROUPE ALPHA LAVAL 40 personnes participent aux ateliers d'alphabéti- Année de création : 1995 sation, de mathématiques et d'engagement social Améliorer la qualité de vie des personnes peu à (logement, démocratie municipale, budget, solida- LA MAISON POPULAIRE l'aise avec l'écrit des quartiers Centre-Sud de La- rité internationale, etc.) ainsi qu'à diverses mani- Année de création : 1989 val, telle est notre mission. Nous intervenons sous festations contre la pauvreté. Nous offrons des services d'alphabétisation fami- cinq volets : ateliers d'apprentissage, sensibilisa- liale, de soutien à la réussite scolaire, de défense tion, communauté, employabilité et prévention. des droits des parents ayant des enfants à l'école, LA CITE DES MOTS de défense des droits individuels et collectifs et MAURICIE Année de création : 1996 d'aide pour remplir des formulaires. Un nouveau Ce centre d'alphabétisation et d'éducation popu- service vient de s'ajouter : la défense des droits CENTRE D'ACTIVITÉS laires autonomes du Centre-de-la-Mauricie sert une des personnes assistées sociales. Nous exploitons POPULAIRES ET quinzaine de municipalités. Il offre des ateliers de une librairie de livres usagés, La Maison du livre, ÉDUCATIVES (CAPE) français obligatoires qui donnent accès aux autres où, en plus de l'achat et de la vente, nous com- Année de création : 1996 ateliers : calcul, informatique, Internet et éducation mandons des livres spéciaux. Le CAPE est de la dernière cuvée des organismes populaire. Ses animateurs et animatrices se dépla- subventionnés par le Programme de soutien à cent occasionnellement pour donner de la forma- l'alphabétisation populaire autonome. Situé en tion sur mesure dans des groupes communautai- LE COIN ALPHA Haute-Mauricie, il reçoit une clientèle aussi bien res. Année de création : 1996 allochtone qu'autochtone. Présent dans son milieu, Une belle histoire qui dure depuis cinq ans. Ce il collabore avec les organisations communautai- groupe d'alphabétisation populaire, c'est d'abord... res latuquoises pour le mieux-être de la popula- LA CLÉ EN ÉDUCATION des apprenants et des apprenantes de tous âges, tion. Le CAPE s'inscrit dans la philosophie de l'édu- POPULAIRE DE LA MRC DE MASKINONGÉ milieux et nationalités qui ont le courage et la vo- cation populaire et travaille dans le respect des dif- Année de création : 1992 lonté d'apprendre. C'est aussi un lieu d'apprentis- férences. Vous pouvez fréquenter la Clé pour plusieurs rai- sage de la lecture, de l'écriture, du calcul, peu im- sons. D'abord pour assister à des ateliers d'alpha- porte le niveau de difficulté, des ateliers en petits conscientisation et, occasionnellement, à des con- groupes qui respectent la personne dans ce qu'elle CENTRE D'ÉDUCATION férences. Ensuite, pour suivre des ateliers d'alpha- vit, des projets personnalisés : club de lecture, vi- POPULAIRE POINTE DU-LAC ordinateur, de plus en plus populaires, où il est pos- sites d'expositions, fréquentation des bibliothè- Année de création : 1991 sible à la fois de s'initier à l'ordinateur et d'appren- ques, discussions et actions concernant des sujets Notre centre a 10 ans. Dix ans de pratique en édu- dre le français par ce moyen novateur. Le volet Im- importants (la consommation, etc.). Enfin, c'est une cation populaire, d'activités et de programmes di- plication sociale, non moins important, permet aux équipe de travailleuses et de bénévoles à l'écoute vers : alphabétisation, ateliers-soleil (pour prépa- gens de participer à des comités (C.A., tri et distri- des gens et une étroite collaboration avec les or- rer les enfants de deux à cinq ans à leur entrée à la bution de nourriture dans un autre organisme, etc.). ganismes des milieux communautaire et social. maternelle), aide aux devoirs et leçons, cafés-ren- Enfin, nous offrons des ateliers de prévention aux contres hommes, cafés-rencontres femmes, cuisi- jeunes du primaire, dont l'aide aux devoirs et aux LAVAL nes collectives, ateliers de sensibilisation sur des leçons, et, nouvellement, des collations santé thèmes d'actualité, éveil à la lecture, pour ne nom- 2 fois par semaine à 170 élèves (projet « l'École » AU FIL DES MOTS mer que ceux-là. En plus de travailler avec les per- lation porte fruits). DE SAINT-FRANÇOIS sonnes analphabètes et les familles, nous faisons Année de création : 1995 de la représentation auprès des instances commu- MONTÉRÉGIE Cet organisme d'alphabétisation populaire offre des nautaires régionales et nationales pour promouvoir ateliers de lecture, d'écriture et de calcul dans l'est l'éducation populaire. AIDE PÉDAGOGIQUE AUX ADULTES ET de la municipalité (à Saint-François, Saint-Vincent- AUX JEUNES (APAJ) de-Paul, Vimont et Auteuil). Une partie de ses ser- Année de création : 1996 vices s'adressent aux personnes ayant des COMSEP Notre organisme d'alphabétisation populaire vise incapacités intellectuelles ou physiques. Il propose Année de création : 1986 à aider les jeunes et les adultes à mieux lire et également des ateliers de francisation. Cet organisme communautaire a pour principale écrire. Nos ateliers, donnés par des formateurs, for- mission de regrouper les gens peu scolarisés du matrices et bénévoles expérimentés, respectent le Grand Trois-Rivières et de les accompagner dans rythme d'apprentissage des participants et des leurs démarches pour améliorer leurs conditions de participantes et favorisent un contact social enri- vie. Pour y arriver, COMSEP travaille à partir de chissant. Diverses activités thématiques sont aussi quatre axes : social, économique, politique et cul- offertes, telles que la création de cartes de vœux turel. Pour actualiser ses objectifs, l'organisme a et l'utilisation de l'informatique. créé plusieurs activités en alphabétisation popu- laire, en éducation populaire et en intégration à l'emploi.

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COMQUAT INC. L'ARDOISE DU BAS-RICHELIEU MONTREAL METROPOLITAIN Année de création : 1984 Année de création : 1996 Organisme communautaire en alphabétisation, le En 1995-1996, nous avions 4 inscriptions pour ATELIER DES LETTRES groupe a comme objectif premier de favoriser l'auto- nos ateliers de formation ; en 1996-1997, 16 ; en Année de création : 1985 nomie des personnes et leur participation sociale. 2000-2001, près de 60 ! Nous avons publié un ca- Nous intervenons dans le quartier Centre-Sud. Au Comquat a mis sur pied plusieurs services pour fa- hier d'exercices en lecture et en écriture pour fil des années, nous avons participé à l'effort col- ciliter l'apprentissage des éléments de la commu- débutants et débutantes et réalisé le film Les lectif pour diminuer le taux d'analphabétisme. Dans nication : ateliers d'écriture, de lecture et de cal- Barrières. Nous sommes à mettre sur pied une en- un même élan, nous poursuivons des objectifs tels cul, alphabétisation pour la famille, atelier de fran- treprise d'économie sociale avec les participants que la défense des droits des personnes analpha- cisation et d'anglais et ateliers de prévention du et les participantes. Mais ce dont nous sommes le bètes et la sensibilisation des intervenants et in- décrochage scolaire. À Comquat, les participants plus fiers, c'est d'avoir réussi à donner du pouvoir tervenantes, des élus et de la population. Nous et participantes prennent part aux activités d'ap- à des personnes qui n'en avaient plus. avons fait une percée du côté des écoles primaires prentissage à la vie communautaire et réalisent pour rejoindre les parents de jeunes enfants. Nous ainsi leurs objectifs. travaillons également à devenir une ressource de L'ÉCOLE DE LA VIE premier plan en alphabétisation pour les organis- Année de création : 1996 mes communautaires de la communauté gaie. Le LA BOÎTE À LETTRES Bientôt cinq chandelles à souffler, en compagnie quartier Centre-Sud est pauvre, mais riche de sa Année de création : 1983 de parents et d'enfants, dans une maison remplie diversité, et à l'Atelier des lettres, nous sommes Nous travaillons avec des jeunes adultes de 16 à de rires et de rimes. À l'École de la vie, il y a des riches de toutes ces différences. 25 ans de la Rive-Sud de Montréal dans une pers- idées à entendre, des mots doux à dire et des let- pective d'éducation populaire et de lutte à la pau- tres à lire. Le cœur à l'ouvrage, le cœur sur la main, vreté. Nous offrons un milieu de vie leur permet- l'École de la vie est tournée vers demain. CARREFOUR D'EDUCATION tant de renouer avec leur apprentissage, de s'ini- POPULAIRE DE POINTE tier à la vie associative et démocratique et de se SAINT-CHARLES prendre en charge, entre autres par un suivi L'ÉCRIT TÔT DE SAINT-HUBERT Année de création : 1968 psychosocial individuel. La Boîte à lettres, c'est Année de création : 1991 Ce centre est administré par les gens du quartier aussi un lieu de recherche visant l'amélioration des Être non seulement un lieu d'apprentissage de la Pointe Saint-Charles en fonction de leurs besoins pratiques d'alphabétisation ainsi que la production lecture et de l'écriture, mais aussi un lieu où l'ex- et de leurs intérêts. Par l'information, l'animation, de matériel pédagogique innovateur et adapté à la ploration et l'exercice de la citoyenneté sont au l'action engagée, le Carrefour aide participants et réalité des jeunes. cœur des pratiques. Une participante nous a déjà participantes à défendre leurs droits, à améliorer dit : « Aujourd'hui, grâce à L'Écrit Tôt de Saint-Hu- leurs conditions de vie et à exprimer leur vision du bert, je sais au moins une chose, que je suis capa- monde. En accordant une place de choix à la fête LA CLÉ DES MOTS ble d'apprendre et de comprendre ce qui m'en- et aux rencontres, il les amène à rompre leur isole- Année de création : 1984 toure. » Voilà pourquoi nous formons UNE BELLE ment, à mieux accepter l'Autre dans ses différen- Le grain creva, noyant tout... du bureau à la cui- GRANDE FAMILLE. ces et à vivre concrètement la solidarité. Depuis sine... (1x)... (2x)... (3x)... De son deuxième perché, toujours, le Carrefour travaille à l'instauration d'une nous accédons à la CLÉ DES MOTS, rebaptisée LA société démocratique, plus juste et plus humaine, CLÉ DANS L'EAU, par un escalier « colimaçonné ». LE SAC À MOTS où tout le monde, sans exception, pourrait vivre Depuis le printemps 2001, LA CLÉ DANS L'EAU a Année de création : 1996 décemment. repris ses lettres de noblesse ; LA CLÉ DES MOTS, Le groupe est reconnu à Cowansville pour son ac- elle, a déménagé ! Toiture en bon état et premier tion populaire et pour la mise sur pied d'un centre plancher, elle peut enfin recevoir les personnes du livre usagé. Il se distingue par son engagement CENTRE ALPHA-SOURD ayant un handicap physique ou les personnes âgées social auprès des personnes peu scolarisées et Année de création : 1995 qui, jadis, ne pouvaient pas gravir son escalier. défavorisées de la ville et de la région. Notre centre a grandi rapidement grâce à la parti- cipation de la communauté sourde. Nous avons une clientèle variée, surtout composée de personnes LA PORTE OUVERTE LES GRANDS DÉBROUILLARDS sans travail ou employées au salaire minimum. Il y Année de création : 1984 Année de création : 1996 a autant de femmes que d'hommes dans nos ate- La Porte ouverte a fait du chemin depuis ses dé- Nous offrons des ateliers d'alphabétisation et de liers, sauf au conseil d'administration, formé uni- buts. À l'origine, l'intervention de l'organisme se perfectionnement en français. Les participants et quement de femmes de la communauté sourde. limitait à la sensibilisation du public et au recrute- les participantes peuvent également s'initier au trai- Tout se fait en langue des signes québécoise (LSQ). ment de personnes analphabètes. Aujourd'hui, La tement de textes. Notre organisme est en évolu- Les personnes sourdes sont très enthousiastes, et Porte ouverte offre des ateliers d'alphabétisation tion constante : nous lançons chaque année de leur désir d'apprendre est grand. Elles comprennent populaire (niveaux débutant, intermédiaire et fonc- nouveaux projets avec la participation de nos mem- bien que savoir lire et écrire est la clé de la com- tionnel) et des cours de français langue seconde bres. Présentement, nous travaillons à mettre sur munication aux personnes immigrantes de la région du Haut- pied un laboratoire-café Internet. Des services Richelieu. L'organisme exploite aussi un centre de d'aide à la lecture et à l'écriture sont maintenant livres usagés dont l'objectif est de rendre la lec- offerts à la communauté. L'engagement de nos ture accessible au plus grand nombre de person- membres, bénévoles, travailleuses et travailleurs nes possible dans le but de prévenir l'analphabé- contribue à l'essor de notre organisme. Grâce à eux tisme. La Porte ouverte est membre du RGPAQ de- et à elles, nous pourrons atteindre nos objectifs et puis 1989. répondre adéquatement aux besoins en alphabéti- sation de la région de Valleyfield.

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CENTRE D'ACTION CENTRE INTERNATIONAL LA MAISON D'HAÏTI INC. SOCIO-COMMUNAUTAIRE DE MONTRÉAL D'ÉCHANGES CULTURELS (CIEC) Année de création : 1972 Année de création : 1972 Année de création : 1991 Le groupe a comme principal objectif de faciliter Le Centre a été créé pour aider à contrer les pro- Notre organisme fait de la francisation et de l'al- l'adaptation des personnes d'origine haïtienne à la blèmes de mésadaptation sociale, d'exploitation et phabétisation populaire. Il intervient en éducation société d'accueil. Les clientèles visées sont les fem- d'exclusion vécus par un nombre important de mem- des adultes ainsi qu'en formation continue et faci- mes, les jeunes, les familles et les jeunes mères bres de la communauté portugaise. Dès ses débuts, lite l'échange culturel entre les groupes ethniques analphabètes. En plus d'offrir des services d'alpha- il a eu pour objectif la conscientisation, la prise en pour favoriser leur intégration dans le milieu d'ac- bétisation, le groupe s'occupe d'immigration, d'em- charge et la promotion sociale des plus démunis cueil. Nous aidons les personnes qui veulent amé- ploi et de réinsertion des jeunes mères. Il propose des communautés ethnoculturelles. En 1979, des liorer leurs conditions de vie et se rattraper sur le également de la formation sur les compétences pa- cours d'alphabétisation sont offerts. Ils deviennent plan éducatif. Pour ce faire, nous utilisons plusieurs rentales et de l'aide aux devoirs. Enfin, il fait du vite la pierre angulaire du programme de forma- approches d'intervention : communicative, travail de rue et de la prévention en matière de tion, qui doit aussi favoriser une intégration har- andragogique, individuelle, conscientisante, fonc- décrochage scolaire. monieuse des individus pour qu'ils deviennent des tionnelle, syllabique et participative. Dans tous les citoyens à part entière dans la société québécoise. cas, nous privilégions une approche qui facilite l'ap- Le CASCM est devenu au fil des ans un organisme prentissage et le développement de l'apprenant ou LES ATELIERS MOT-À-MOT multiservices et multiclientèles où se trouve inté- de l'apprenante, suivant sa réalité et son vécu. DU SAC. ANJOU INC. grée l'alphabétisation. Bon anniversaire au RGPAQ ! Année de création : 1986 Afin de pouvoir offrir des services individualisés à CENTRE N A RIVE chaque apprenant et apprenante, l'équipe voit à ce CENTRE DE LECTURE ET D'ECRITURE Année de création : 1973 que les attentes de l'adulte analphabète soient res- Année de création : 1983 Issu d'une initiative du Bureau de la communauté pectées en adoptant une attitude d'accueil et Le groupe veut augmenter le niveau d'alphabétisa- chrétienne des Haïtiens de Montréal en 1973 et d'ouverture face aux difficultés et aux malaises. De tion, informer les personnes analphabètes ou peu devenu autonome en 1986, le Centre N A Rive est plus, elle fait en sorte que la démarche d'appren- scolarisées sur leurs droits et responsabilités, leur un organisme à but non lucratif. À partir de 1993, tissage revête un caractère anonyme. La participa- faire connaître les ressources du quartier ou le Centre a greffé autour de l'alphabétisation, son tion aux ateliers doit être volontaire et motivée par d'ailleurs, briser leur isolement et augmenter la pivot central d'intervention, des programmes de for- le besoin d'apprendre. Cinq types d'ateliers sont solidarité entre elles, en favorisant la circulation mation socioprofessionnelle qui ont donné lieu à offerts : calcul de base, écriture et lecture à la ta- de l'information, la prise de parole et la prise de deux ateliers de travail : Pâtés boucan et Boucan ble, écriture et lecture à l'ordinateur, apprentissage décisions, encourager leur autonomie tout en leur d'assiettes, permettant aux apprenantes et appre- du français pour les immigrants et immigrantes et apportant du soutien ainsi que sensibiliser les in- nants formés en cuisine d'acquérir de l'expérience alpha-Internet. tervenants et intervenantes d'organismes commu- en échange d'un travail professionnel et rémuné- nautaires, les services gouvernementaux et la po- rateur. Enfin, pour favoriser l'arrimage interculturel, pulation en général à l'analphabétisme et aux droits il offre des cours de langue créole et de culture LETTRES EN MAIN des personnes analphabètes ou peu scolarisées. haïtienne. Année de création : 1982 Pour atteindre ces objectifs, CLÉ utilise divers Ce groupe populaire d'alphabétisation intervient moyens : activités de sensibilisation et de recrute- dans le quartier Rosemont. Son objectif principal ment, d'accueil et de référence, ateliers d'alpha- COMITE D'EDUCATION AUX ADULTES est de combattre l'analphabétisme. Pour ce faire, bétisation en petits groupes et création de maté- DE LA PETITE-BOURGOGNE ET il offre, entre autres, des ateliers de lecture et d'écri- riel didactique adapté aux besoins des personnes. DE SAINT-HENRI (CEDA) ture et s'engage dans la défense des droits des Année de création : 1971 personnes analphabètes. De plus, il se consacre à Le CEDA fête cette année son 30e anniversaire. Né la conception et à la diffusion de matériel didacti- CENTRE DE LIAISON POUR L'ÉDUCATION ET peu de temps après son voisin de Pointe Saint-Char- que. LES RESSOURCES CULTURELLES (CLERC) les, cet organisme intervient dans les quartiers du Année de création : 1990 sud-ouest de Montréal. Depuis sa création, plu- Le CLERC propose des ateliers d'alphabétisation et sieurs secteurs d'activité ont été mis sur pied afin TOUR DE LIRE des services de soutien aux adultes pour faciliter de répondre aux nouveaux besoins des quartiers. Année de création : 1980 leur accès aux ateliers ou leur retour aux études. Ses Cela en fait aujourd'hui un grand centre L'un des membres fondateurs du RGPAQ, le Tour services s'adressent aux personnes immigrantes, ré- multisectoriel et multiculturel. de lire œuvre dans Hochelaga-Maisonneuve, un fugiées et québécoises. Il a élaboré des approches quartier défavorisé de l'est de la ville. Depuis ses éducatives adaptées à leurs besoins. Il offre aussi de débuts, il travaille activement à diminuer l'analpha- l'aide aux devoirs aux jeunes du primaire. LA JARNIGOINE bétisme et la sous-scolarisation dans le quartier. Il Année de création : 1985 s'emploie aussi à contrer l'exclusion dont sont vic- Le centre offre des ateliers d'alphabétisation et times les personnes analphabètes et peu scolari- CENTRE HAÏTIEN D'ANIMATION d'alpha-francisation à temps partiel et de jour à une sées. Le Tour de lire est présentement en pleine ET D'INTERVENTIONS SOCIALES (CHAIS) clientèle majoritairement issue des communautés mutation. En effet, en plus d'assurer les services Année de création : 1983 culturelles, en particulier de la communauté latino- de base en alphabétisation, il acquiert une exper- Cet organisme communautaire travaille, entre autres, américaine. La Jarnigoine mène aussi un projet tise en informatique, en implication sociale ainsi en alphabétisation populaire. Situé dans Parc- d'aide aux devoirs dans une école primaire du quar- qu'en employabilité et diversifie ses approches afin Extension, un des quartiers multiethniques et défavo- tier. de mieux lutter contre la marginalisation sociale risés de Montréal, il rejoint une population immigrante des personnes peu scolarisées. vivant sous le seuil de la pauvreté. Au fil du temps, le CHAIS a conçu des ateliers de lecture, d'écriture et de calcul de base. Il a à son actif plusieurs productions et est en train de créer un didacticiel à partir de ses cahiers pour apprenants et apprenantes. Il mettra bientôt sur pied un réseau de distribution pour faire connaître ses productions.

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UN MONDALIRE ATOUT-LIRE LIS-MOI TOUT LIMOILOU Année de création : 1980 Année de création : 1981 Année de création : 1996 Un Mondalire, l'un des membres fondateurs du Voici ce que pensent les apprenants et les appre- Ce groupe populaire en alphabétisation sert un RGPAQ, œuvre depuis 20 ans à Pointe-aux-Trem- nantes de leur organisme : Atout-Lire, c'est 20 ans quartier populaire de la ville de Québec. Il s'est ra- bles (quartier industriel de l'extrême est de la ville). d'existence, c'est apprendre à lire, à écrire et à cal- pidement imposé comme une ressource de premier Fonctionnant par petits groupes de une à six per- culer, c'est de l'aide, de l'ambiance, c'est plus plan pour favoriser l'autonomie des personnes ayant sonnes, il reçoit des gens de tous âges à des ate- d'écoute qu'ailleurs, c'est une famille, c'est le res- des problèmes d'analphabétisme. En plus de ses liers de lecture, d'écriture, de calcul, d'initiation à pect, c'est apprendre les uns avec les autres, c'est activités visant l'acquisition des compétences de l'ordinateur et à Internet ainsi qu'à des ateliers de beaucoup d'amour, ça va à ton rythme, c'est du plai- base en lecture, en écriture et en calcul, Lis-moi francisation. Sa clientèle se compose majoritai- sir, c'est de l'aide pour se débrouiller, c'est ac- tout Limoilou s'allie avec les groupes communau- rement d'ouvrières et d'ouvriers actifs ou retraités. cueillant, c'est un lieu pour apprendre à se connaî- taires du quartier pour aider les personnes qui font Accueil chaleureux, grande disponibilité (plus de tre, c'est de la chaleur, c'est de l'attention, c'est appel à ses services dans leur démarche d'autono- 20 ateliers par semaine), flexibilité dans les horai- des animatrices fines, exceptionnelles, c'est tout, mie et d'intégration sociale2. res pour nos travailleurs et travailleuses, stabilité c'est polyvalent, c'est du calcul, c'est de l'ordina- de l'équipe d'animation, telles sont les principales teur, c'est du théâtre, c'est le party de Noël, c'est SAGUENAY — LAC-SAINT-JEAN caractéristiques du centre. de la bouffe, c'est des sorties, c'est des devoirs, c'est le C.A., c'est le club social, c'est le comité CENTRE ALPHA DE LA BAIE OUTAOUAIS Maison, c'est Atout-Faire, c'est des participants et ET DU BAS-SAGUENAY des participantes qui travaillent fort, c'est René, Année de création : 1984 ATELIER D'ÉDUCATION POPULAIRE Sylvie, Lyne, Paul, Denise... Notre centre dynamique et à l'écoute de ses parti- Année de création : 1996 cipants et participantes offre un programme d'ap- Nous sommes situés au nord de la région de la prentissages variés et possède une équipe polyva- Petite-Nation, entre Montebello et Mont-Tremblant. FORMATION ALPHABÉTISATION lente qui permet de sortir du cadre habituel de for- En cinq ans, nous avons grandi avec les participants CHARLEVOIX (FAC) mation. Nos membres se rendent à des expositions, et participantes de nos deux points de service, Année de création : 1996 au musée, à la bibliothèque et s'intéressent aux Saint-Emile et Chénéville. En plus des ateliers d'al- Redécouvrir le plaisir d'apprendre. Apprendre à son sciences. phabétisation, nous offrons un « club de devoirs » rythme, selon ses intérêts. Vivre en groupe, se pour prévenir les échecs et les abandons scolaires sentir partie prenante des décisions collectives. des enfants du primaire, des ateliers d'initiation à Apprendre l'abc d'être soi, pleinement soi, dans ce GROUPE CENTRE-LAC D'ALMA Internet et des ateliers de cuisine. Nous avons été beau pays de montagnes. Voilà ce que propose la Année de création : 1981 reconnus en juillet dernier « organisme de bienfai- FAC. Nous visons l'épanouissement des adultes vivant sance ». avec un handicap physique ou intellectuel et leur intégration au monde du loisir, de l'éducation, des QUÉBEC LA MARÉE DES MOTS technologies et du travail. Nous couvrons le terri- Année de création : 1996 toire de la MRC Lac-Saint-Jean-Est. En plus d'of- ALPHABEILLE VANIER Voici le récit d'une merveilleuse aventure. La Ma- frir des ateliers en alphabétisation, nous aidons les Année de création : 1988 rée des mots a pris son envol dans le quartier Gif- membres à se prendre en mains, à devenir autono- Depuis 13 ans, les membres manifestent beaucoup fard, à Beauport, avec un groupe de neuf person- mes, à défendre leurs intérêts et à briser leur isole- de courage et de ténacité pour maintenir l'orga- nes. Rapidement, se sont ajoutés des ateliers de ment. Dans notre action, nous souhaitons faire du nisme en vie. Ils et elles ont créé un milieu où la vie français, de calcul et de couture. En 1999, le groupe Centre un lieu d'échange et d'appartenance. associative et démocratique favorise l'entraide et a modifié ses orientations et défini de nouveaux crée une solidarité entre toutes et tous. Nous pou- principes concernant ses activités. Cela a donné vons entrevoir l'avenir sous les meilleurs horizons lieu aux ateliers francisation et initiation à l'infor- REGROUPEMENT DES CENTRES possible. matique et à la mise sur pied d'une mini-bibliothè- D'ALPHABÉTISATION MOT À MOT que. La Marée des mots s'est développée grâce à Année de création : 1984 la collaboration de bénévoles et de participants et Le Regroupement sert quatre municipalités : Bégin, ALPHA STONEHAM participantes qui l'alimentent de beaux projets et Shipshaw, Saint-Ambroise et Saint-Charles. Cha- Année de création : 1985 d'idéaux qui, peu à peu, deviennent réalité. que point de service est autonome et organise ses Nous offrons des ateliers de formation de base en ateliers de formation en fonction des besoins de la français, mathématiques et informatique. Nous pri- clientèle inscrite. Depuis 17 ans, il travaille en col- vilégions toutefois la voie de l'alphabétisation fa- L'ARDOISE DE laboration avec ses partenaires de chaque munici- miliale, notre objectif étant d'alphabétiser plus spé- SAINT-MARC-DES-CARRIÈRES palité. Compte tenu de l'expansion technologique, cifiquement les parents. Nous espérons ainsi con- Année de création : 1996 il est passé à l'ère informatique et a créé de nou- trer le décrochage scolaire et redonner le goût de On y vient pour le plaisir d'apprendre. Parmi les veaux outils pédagogiques, sans toutefois abandon- la lecture et de l'écriture aux familles sous-scolari- activités offertes, on retrouve des cours de fran- ner son approche traditionnelle. çais, de mathématiques et d'initiation aux nouvel- les technologies ainsi que des ateliers de théâtre. Chaque apprenant et apprenante découvre ses for- Vous trouverez les coordonnées des groupes ATELIER D'ALPHABÉTISATION ces et développe son potentiel créateur, car les arts à la page 110. DES SOURDS DE QUÉBEC plastiques, la musique, la couture, la cuisine, le jar- Année de création : 1996 dinage et les sorties éducatives sont à l'honneur. Nous offrons plusieurs cours aux adultes sourds, De plus, grâce à ses cours d'alpha itinérants, l'Ar- 1. Pour en savoir plus sur le Cep, consultez la dont l'alphabétisation par ordinateur. Les gens qui doise rayonne partout sur le territoire du comté de page 103. œuvent chez nous ont à cœur la réussite des parti- Portneuf. 2. Pour en savoir plus sur Lis-moi tout Limoilou, cipants et participantes. consultez la page 105.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 89 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Ils n'étaient qu'une poignée de temps seul intervenant provin- nement pour trouver des solu- groupes et de personnes à se re- cial préoccupé par l'analphabé- tions originales aux problèmes. trousser les manches il y a 20 ans. tisme, il a largement contribué Depuis 20 ans, une multitude de À ce moment-là, non seulement à la reconnaissance politique et personnes se sont engagées pour ne reconnaissait-on pas qu'il y sociale de ce problème. faire avancer les choses, et cela avait, ici au Québec, un pro- Aujourd'hui, les besoins à continuera parce qu'il y a de la blème d'analphabétisme mais, l'origine de la création du volonté dans notre mouvement aussi, les quelques institutions RGPAQ sont toujours présents. et des idées : lorsque divers offrant malgré tout des cours aux Nous rejoignons encore trop peu points de vue, manières de faire personnes analphabètes utili- de personnes analphabètes, as- et réalités sont tournés vers un saient le même matériel que ce- pect sur lequel nous devrons même objectif, on décuple les lui conçu pour les enfants ! Il continuer d'insister. Mais com- forces et on peut prétendre à réa- était donc impératif de changer ment rejoindre plus de gens tout liser les plus grands rêves ! les choses. en maintenant les principes qui Le RGPAQ continuera Après avoir élaboré une ap- guident notre action depuis le d'étendre son réseau et de le faire proche originale — basée sur début ? Faudra-t-il, pour encou- connaître. Il ne cessera pas de celle du Brésilien Paolo Freire — rager leur participation, revenir remettre en question les prati- visant à faire de l'apprentissage à des idées toutes simples, mises ques, pour en assurer le renou- de la lecture et de l'écriture un de l'avant il y a 20 ans : congé- vellement mais aussi pour con- moyen d'agir dans sa commu- éducation (permettant aux tra- trer la dégradation des condi- nauté par le développement du vailleurs et travailleuses de se tions de vie et l'accroissement de sens critique et de la capacité de concentrer uniquement sur leur la pauvreté, cadeaux de la mon- jugement, les groupes se sont formation) ou allocation cou- dialisation des marchés. unis pour faire connaître l'anal- vrant les frais de participation On entendra encore le phabétisme, pour faire reconnaî- aux activités éducatives ? RGPAQ parler au nom des ac- tre leur approche, leur façon de Quel est l'avenir de l'alpha- teurs et actrices du terrain et de travailler et leurs besoins. Ils se bétisation populaire, du ceux et celles qui, la plupart du sont aussi regroupés pour discu- RGPAQ et des groupes populai- temps, sont exclus des débats de ter entre eux et pour apprendre res d'alphabétisation ? Quel est société, alors qu'ils sont tout les uns des autres. l'avenir des personnes analpha- autant concernés. Le RGPAQ Vingt ans plus tard, le Re- bètes et de celles qui, courageu- continuera de promouvoir l'al- groupement des groupes popu- sement, sont en démarche d'ap- phabétisation populaire et de laires en alphabétisation du prentissage un peu partout au s'assurer que les personnes peu Québec représente 75 groupes Québec ? Aucune boule de cris- ou pas à l'aise avec l'écrit puis- aux pratiques novatrices, répar- tal ne saurait nous le dire. De sent agir comme citoyennes et tis dans toutes les régions du même, aucune politique d'édu- citoyens responsables et faire Québec, et constitue une force cation des adultes ou de forma- valoir leurs droits, pour mieux collective occupant une place tion continue. Heureusement, il participer à la vie sociale, politi- importante dans le monde de y a ces militants et militantes qui que, économique et culturelle. l'éducation des adultes. Long- n'attendent pas après le gouver-

I ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Le groupe populaire en alphabétisation L'Ardoise du Bas-Richelieu est à l'aube de son cinquième anniversaire. Petit à petit, il s'est fait une place dans le milieu en créant des mécanis- mes d'intervention adaptés aux besoins des per- sonnes analphabètes ou peu alphabétisées. Au début, il s'est concentré surtout sur l'al- phabétisation populaire, l'intégration des con- Monique Roberge, directrice naissances au quotidien, la vie démocratique de l'Ardoise du Bas-Richelieu dans le groupe et la participation des apprenants et des apprenantes aux différents paliers de pou- Comment à la fois voir. Mais bien vite, le quotidien l'a interpellé en tant que groupe populaire. Il a eu à se pen- cher sur les conséquences de la pauvreté, car les acquérir des compétences, personnes qui composent ses ateliers vivent majoritairement de l'aide sociale. Tous et toutes mieux connaître le monde savent ce qu'est la pauvreté insidieuse, celle qui en vient à tuer l'espoir. du travail et offrir un Les participants et participantes se sont donc interrogés en atelier sur « comment » sortir de service indispensable cette pauvreté. L'un des moyens choisis a été de mettre sur pied un volet « travail » qui misait sur les compétences des individus. L'emploi étant à la communauté ? un secteur d'exclusion pour nos membres, il fal- lait trouver une réponse qui tienne compte des En se créant un véritables besoins.

emploi. Se créer un emploi La mise sur pied d'une micro-entreprise a été une première solution envisagée. L'objectif était de permettre à des personnes peu alphabétisées d'avoir accès au marché de l'emploi, en tenant compte de leurs compétences et en les intégrant activement dans le processus de création d'une entreprise. Cette démarche s'est réalisée progressivement. Les participants et les participantes ont pris part au processus du début à la fin. Nous en avons d'abord parlé tous ensemble. Ensuite, avec Anthony, l'animateur du projet, nous avons dé- fini le type d'entreprise qui serait le plus appro- prié pour nous. En premier lieu, nous

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 91 Le monde alphabétique, numéroDans 13, printemps un 2001contexte - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ d'apprentissage continuel, nous avons intégré alphabétisation et travail de Vers un premier contrat reliure. Ayant droit de se tromper, les Une partie du matériel était déjà disponible : des ordinateurs étaient sur place ainsi que des logi- participants et les participantes ont ciels de mise en pages et de création graphique appris beaucoup plus rapidement et une photocopieuse pour les différents essais. Nous n'avons acheté qu'une machine à relier les documents ainsi qu'une lamineuse. devions définir le créneau visé : la reliure de do- En janvier 2000, un plan d'affaires était sur cuments nous a plu. Nous avons ensuite précisé la table, qui restait toutefois à élaborer. Un agent les étapes de réalisation du projet. Cela a été très du Centre local de développement et un techni- long, mais nous avons de la patience à revendre. cien en économie sociale de la Corporation de La micro-entreprise prenait vie. Dans un con- développement communautaire du Bas-Riche- texte d'apprentissage continuel, nous avons in- lieu (sorte de regroupement d'organismes locaux tégré alphabétisation et travail de reliure. Ayant d'action communautaire) nous ont accompagnés droit de se tromper, les participants et les parti- dans ce travail. L'aspect technique étant ardu, cipantes ont appris beaucoup plus rapidement. les participants et les participantes n'y ont pas Par des activités et des tâches diverses, ils et elles trouvé leur place. Le projet devenait trop lourd ont aussi appris à se connaître et à choisir eux- pour eux. Nous avons arrêté la démarche et dé- mêmes ce qui leur convient. cidé de la continuer à notre manière et surtout à Notre micro-entreprise n'offrirait pas de ser- notre rythme. Nous avons choisi de faire paral- vice de luxe, souvent proposé en d'autres lieux, lèlement le plan d'affaires et certaines démar- mais un service peu coûteux visant avant tout ches d'apprentissage technique afin d'obtenir des les groupes communautaires et les associations résultats concrets plus rapidement. (familiales, sportives, religieuses, etc.). Nous avons invité des personnes ayant déjà À long terme, nous voulions bien connaî- démarré des entreprises pour connaître leur ex- tre les techniques de la reliure, de façon à pou- périence, leur philosophie. Les participants et voir réparer des livres abîmés. Cela nous per- les participantes adorent recevoir des gens qui mettrait d'offrir un service inexistant locale- prennent le temps de leur raconter leur histoire. ment. Le cégep de Sorel-Tracy, les polyvalen- Ils sont très intéressés et posent énormément de tes, les autres écoles et les bibliothèques mu- questions. nicipales dont les livres doivent être réparés En mai, tout le monde était prêt, tous et toutes régulièrement pourraient alors nous les con- s'étaient tellement exercés... Après avoir « boudiné » fier (à un coût moindre, car il s'agit d'un ser- tout ce qui pouvait l'être, nous avons attendu les vice local). contrats. Enfin un client : la Corporation de déve- Ce projet serait une solution de rechange pour loppement communautaire du Bas-Richelieu les personnes peu alphabétisées dans leur démar- voulait faire relier 100 exemplaires du Bottin des che d'emploi, car il les aiderait à augmenter leurs ressources communautaires du Bas-Richelieu en compétences et leur permettrait d'expérimenter 3 semaines. Le groupe a travaillé intensément, et diverses facettes du travail, d'acquérir une plus en huit jours, il a réussi à remplir la commande. Le grande autonomie et de créer un service local, premier exemplaire a été conservé et signé par toute ce qui signifie des prix avantageux pour les l'équipe sur la page couverture. Ce livre est uni- clients. que, c'est notre premier ! De plus, ce travail s'effectuerait sur une base En septembre, Madeleine a été élue pour re- volontaire et chacun pourrait, après essai, choi- présenter le groupe au lancement officiel du sir la tâche qui lui convient et ainsi trouver sa Bottin des ressources. Elle était tellement fière de voie. Les bénéfices, d'abord réinvestis dans le cette réalisation, mais aussi très intimidée projet, pourraient, s'ils sont importants, se tra- lorsqu'elle est entrée dans la salle de conférences. duire en salaires pour les employés. Elle a réussi malgré tout à raconter comment ...CÔTÉ JARDIN Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

s'était déroulé ce premier contrat, puis a invité ce ne soit pas dans la mission de L'Ardoise les personnes présentes à acheter plusieurs exem- de lancer des entreprises, il y a des besoins et plaires du Bottin. Elle a compris que plus la Cor- surtout une volonté de la part des participants poration en vendrait, plus il y aurait des chan- et des participantes d'aller plus loin, toujours ces que le groupe puisse en confectionner plus loin. d'autres.

Et la suite Puis, l'heure du questionnement sur OSER la manière de solliciter des contrats Au printemps 2000, les participants et les est arrivée. Les participants et parti- participantes décidaient d'inscrire l'entre- cipantes ont écrit une lettre indi- prise GPM (groupe populaire multiservice) au quant pourquoi ils avaient créé cette concours provincial « Entrepreneurs à tout entreprise et surtout qui ils étaient. âge ». Nous avons déposé notre plan d'affai- Ils voulaient travailler, ils voulaient res et nous avons espéré ensemble. Puis est s'en sortir, et avec un coup de main, venue l'invitation à la soirée d'attribution ils pourraient réussir ! En une jour- des prix locaux. Deux participantes ont été née, le groupe a appris à se servir élues pour représenter le groupe, et je les ai d'un télécopieur. Ils et elles ont en- accompagnées. Nous avons été reçues en voyé des télécopies dans un orga- grande pompe, avec photo et fleurs comme nisme qui a accepté de les recevoir. tous les participants et participantes au Cela a marché, ils ont pu ensuite concours. Mais pour nous, c'était spécial. diffuser plus largement leur publicité. La fierté des participantes était visible dans leurs yeux qui brillaient tellement. En octobre 2000, l'occasion Ils et elles n'ont pas gagné, mais ont osé d'acheter une entreprise d'économie présenter leur projet. Pour ma part, ils ont sociale s'est présentée à nous. Les gagné le prix de l'audace. Des personnes participants et les participantes ont exclues dans à peu près tous les domaines, décidé de foncer, appuyés par le con- avec pour tout comptant 500$ (amassés avec seil d'administration. Après plu- peine) et très peu de moyens, ont eu l'audace sieurs problèmes techniques, nous y de se présenter avec des gens d'affaires sommes arrivés, soutenus par le Cen- de la région, se sont assises dans la même tre local de développement, la Cor- salle que le député, ont côtoyé des gens poration de développement com- jamais rencontrés auparavant. Oh, oui ! Ils munautaire, la Société d'aide au dé- et elles ont gagné mon estime et mon admi- 1 veloppement des collectivités , la ration. Table de l'entrepreneuriat collectif, M.R. l'Atelier du chômeur et le CLSC. Nous ne pouvons dire encore ce qu'il advien- dra de tout cela, mais nous avons des idées et 1. La SADC du Bas-Richelieu a pour mission d'allier toutes les forces des idées. Cela permet de créer, d'innover, car il vives de la collectivité pour favoriser la prise en charge locale du déve- loppement dans toutes ses dimensions et pour combattre la « dévitali- est difficile de se défaire de ses espoirs et de ses sation » de la communauté. rêves. Le projet d'entreprise a été long à mettre en place, nous y avons beaucoup réfléchi. Nous avons pris notre temps, pour mettre toutes les chances de notre côté. Ces personnes ont gravi des montagnes et arriveront un jour au sommet. L'espoir, la motivation doivent se poursuivre. Bien que Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ UN PASSEPORT POUR QUITTER LA PAUVRETE José Leclair, coopérante CUSO, responsable du jumelage de la Fédération togolaise des clubs UNESCO

Pauvre, mais non sans ressources Le Togo est un petit pays situé en Afrique de l'Ouest. Cette bande de terre longue de 1 000 km abrite en son sein 4 000 000 d'habitants. Le Togo fait partie des pays les moins avancés de la planète et connaît une grande pauvreté. L'endettement du pays (818 mil- liards $ US en 1998) a contraint l'État à baisser les salaires, à privatiser ses entreprises publiques, à pro- céder à des licenciements massifs dans sa fonction publique et à ouvrir ses barrières douanières au mar- ché international, ce qui, en raison de la concurrence, compromet dans bien des cas l'expansion du marché local. Près de 72 % de la population du Togo vit quo- tidiennement avec moins de 2 $ en poche. Sur 100 en- fants qui naissent chaque jour, 27 connaîtront une insuffisance pondérale, 12 souffriront de malnutri- tion et 17 décéderont avant l'âge de 15 ans. Le Togo est un pays de jeunesse ! La moitié de la population est âgée de moins de 15 ans, et à peine 3 % des gens ont plus de 65 ans. Les femmes consti- tuent plus de 50 % de la population. Celles en âge de procréer ont en moyenne 6,2 enfants chacune. Elles se marient pour la plupart avant l'âge de 20 ans et, dans 50 % des cas, elles vivront dans un mariage po- lygame. Le Togo est un pays très accueillant qui regroupe une quarantaine d'ethnies, ayant chacune leur dia- Dans certaines régions du Togo, lecte, leurs coutumes et leurs croyances. Ses habitants 75 % des femmes sont analphabè- et habitantes ont une longue tradition d'hospitalité. Ils sont pleins de gentillesse et vous accueillent avec tes. Savoir lire, écrire et compter leur simplicité et chaleur. assure de meilleures conditions de Le Togo est ma terre d'accueil. J'y ai vécu comme vie et surtout leur permet de contri- coopérante volontaire pendant deux années : de sep- 1 buer au développement de la société. tembre 1998 à août 2000. C'est l'agence CUSO Québec qui m'a recrutée. Je travaillais à Lomé, la ca- Ne dit-on pas, en Afrique, qu'édu- pitale, pour la Fédération togolaise des associations quer une femme, c'est éduquer la et clubs UNESCO (FTACU), organisme de déve- loppement œuvrant auprès des jeunes pour promou- nation entière ? voir leur éducation et leur scolarisation. La FTACU regroupe 105 associations et clubs répartis sur le ter-

94 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE D'AILLEURS Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ ritoire national. Le plus souvent créés dans des éco- des difficultés d'accueil ; il est fréquent qu'une classe les secondaires, lycées et universités, les clubs con- de primaire compte 100 élèves. Cette situation en- sacrent leurs efforts à promouvoir la paix et la jus- traîne des problèmes d'enseignement et d'évaluation tice sociale par le théâtre, la danse, le chant, les ainsi que des taux de redoublement élevés qui décou- arts. C'est dans ces clubs que les jeunes se consti- ragent les élèves en difficulté, malheureusement sou- tuent des tribunes pour discuter, notamment de vent des filles, à poursuivre leurs études. leur avenir, de l'égalité des droits et des sexes, du sida, de l'environnement et de toutes les questions Un projet ambitieux qui les préoccupent. La FTACU et le Syndicat ont mis sur pied un projet financé par l'ACDI2 et supervisé au Qué- Combattre l'analphabétisme des femmes bec par le Centre international de solidarité La FTACU est jumelée avec le Syndicat de l'ensei- ouvrière. Ce projet visait à alphabétiser, sur une gnement de Champlain, au Québec, depuis 1992. période de 2 1/2 ans, un minimum de 3 150 Après avoir organisé des camps-chantiers de reboi- jeunes filles et femmes regroupées autour d'activi- sement pour des jeunes du Québec et du Togo, tés telles que la fabrication de savons, le tissage, construit une école et mis sur pied une bibliothè- l'élevage, la couture, la coiffure et le maraîchage. que de 20 000 livres, les partenaires ont décidé de En plus d'apprendre à lire, à écrire et à compter, s'attaquer à ce fléau qu'est l'analphabétisme des fem- ces femmes allaient pouvoir se préparer à mieux mes et des filles, qui peut atteindre un taux de 75 % intervenir dans les activités de gestion et de déve- dans certaines régions, comparativement 46% loppement de leur société, car elles avaient déjà chez les hommes. l'habitude de mettre leurs efforts en commun pour L'analphabétisme des filles est la résultante d'une améliorer leurs conditions de vie et celles de leur économie fragilisée et d'une culture qui a du mal à famille. En effet, qu'elles soient agricultrices, se renouveler. Au sein de la famille africaine en gé- vendeuses au marché, couturières ou coiffeuses, les néral et togolaise en particulier, la fille occupe le femmes d'un même village ou d'un même quar- plus bas niveau de la hiérarchie. Elle est au service tier ont toujours le réflexe de mettre une partie du père, qui détient l'autorité absolue, de ses frères de leur revenu dans une caisse commune appelée et de sa mère, par qui elle est éduquée et à qui elle la « tontine ». Ces fonds de solidarité sont le plus doit ressembler. Dès son plus jeune âge, on lui ap- souvent destinés à acheter des médicaments pour prend à préparer les repas, à puiser l'eau, à balayer la famille, à payer le médecin, à augmenter le la cour, à faire la lessive et à servir ses aînés. De ce capital de la production et, s'il en reste, à couvrir fait, la fille est rapidement accablée par le fardeau le coût des fêtes traditionnelles ! des tâches domestiques. Elle peut difficilement La FTACU s'est engagée à mettre en chantier dégager temps et énergie pour se concentrer sur 156 classes d'alphabétisation dans les 5 régions du pays, ses travaux d'écolière. D'où l'échec scolaire précoce soit une cinquantaine de classes à chacun des 3 cycles de la fille au Togo. De plus, elle n'a pas autant de de développement. Pour ce faire, elle comptait valeur que le garçon pour la famille. Comme elle s'appuyer sur l'expertise de ses clubs et de ses conseils se mariera le plus souvent avant l'âge de 20 ans et régionaux, qui auraient la responsabilité de coordon- quittera sa famille au profit de celle de son mari, il ner les classes dans chaque région. n'est pas avantageux pour le père de la faire édu- Pour obtenir une bonne gestion de ce vaste projet, quer, car, de toute façon, c'est quelqu'un d'autre les partenaires ont voulu embaucher un coordonna- qui en profitera. teur national. C'est avec lui et avec le secrétaire admi- D'autre part, le système d'éducation est fragilisé nistratif que nous allions former l'équipe-projet char- par le niveau d'endettement du Togo. L'État n'a gée de la bonne marche des activités. De plus, afin de pas les moyens d'investir dans ce domaine. Au déterminer les orientations du programme d'alphabé- moment de mon départ, en août 2000, les profes- tisation, la FTACU a mis sur pied un comité d'appui seurs togolais avaient six mois d'arrérages sur leur et de suivi nommé CASA (maison), formé d'experts salaire. Enfin, en raison de l'accroissement de la en éducation, pour la plupart des professeurs engagés population, les écoles sont bondées et connaissent dans le mouvement de l'UNESCO. Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

En alliance avec la Direction nationale de En décembre 1999, une campagne de recrutement l'alphabétisation3 et en fonction des besoins, la est lancée dans les régions. Les présidents des conseils FTACU a choisi un programme d'alphabétisation régionaux de la FTACU mettent en œuvre leur créa- fonctionnelle donné en cinq langues : le français tivité pour la réussite de cette opération. Des annon- (la langue des affaires de la capitale), l'éwé (la lan- ces sont diffusées dans les journaux et à la radio, au gue la plus parlée dans le sud du pays), le kabyiè terme de soirées d'information sur la place publique, (la langue la plus courante au nord), le tem et le lors de rencontres avec les patronnes des salons de coif- benn et comportant quatre modules : fure et des ateliers de couture, de débats avec les syndi- • La lecture et l'écriture ; cats, etc. En tout, 1 521 femmes et filles se montrent • Les quatre opérations de base intéressées à s'engager dans un processus d'alphabé- en mathématiques ; tisation. • L'hygiène et la santé ; Il faut ensuite, depuis Lomé, doter toutes les • L'éducation civique. classes du pays de livrets d'alphabétisation, de ca- Les cours seraient offerts à raison de deux séan- hiers, de règles et d'accessoires divers comme des ces par semaine d'une durée de trois heures cha- tableaux et des lampes à pétrole là où il n'y a pas cune. Au terme de six mois de formation, les audi- d'électricité. Les conseils régionaux trouvent sou- trices du premier cycle subiraient un examen de vent les salles dans les écoles primaires ou secon- la Direction nationale de l'alphabétisation et rece- daires ou dans les centres communautaires. Les vraient un diplôme d'une valeur inestimable pour auditrices auront à débourser la moitié du coût des les femmes de ce pays. manuels d'apprentissage, en plus d'apporter ardoise Comme la Direction de l'alphabétisation et les et craies en classe. Toutes se donnent la main pour organismes du Togo qui œuvrent en alphabétisa- faire plus avec peu de moyens. tion n'avaient jamais donné de cours d'hygiène et Au mois de mars 2000, 52 classes sont prêtes à d'éducation civique, l'équipe-projet a conçu deux accueillir les auditrices. Dans toutes les régions, les manuels didactiques à l'intention des auditrices. préfets sont invités, et le folklore est mis à contri- Les alphabétiseurs (53 % de femmes) ont été bution pour donner un air de cérémonie au coup choisis par les conseils et les groupements pour leur d'envoi du projet ! intégrité, leurs connaissances et leur savoir-faire. La formation qu'ils et elles ont reçue a été donnée Lire et écrire au quotidien en plusieurs langues et a duré 18 jours. Elle a porté Après les cinq premiers mois de formation, sur la pédagogie des adultes, la méthode d'ensei- j'ai visité les classes du premier cycle (24 classes d'al- gnement de la lecture, de l'écriture et du calcul et phabétisation en français, 14 en éwé, 9 en kabyiè, 2 la méthode d'enseignement des notions d'éduca- en tem et 3 en ben). La plupart des auditrices étaient tion civique et d'hygiène. sur la bonne voie pour réussir l'examen final, épreuve Venus de partout, ces hommes et ces femmes se préparée et soumise par la DAEA et consistant en des sont lancés ensemble dans cette aventure du sa- exercices de lecture, d'écriture et de calcul. voir. Au terme de la formation, ils et elles ont reçu Toutefois, les femmes alphabétisées en français, le titre officiel d'alphabétiseurs diplômés de la souvent issues des groupements de la capitale puis- Direction nationale de l'alphabétisation du Togo. que la ville a adopté la langue de son colonisateur Ils et elles se sont engagés à donner deux séances pour les affaires, avaient pour la plupart des diffi- de trois heures par semaine sans toucher de salaire, cultés avec l'écriture. De ce fait, certaines avaient seulement un montant symbolique d'environ 25 $ besoin de poursuivre le programme au deuxième par mois, en plus d'un 25 $ supplémentaire à la cycle. Et beaucoup de femmes alphabétisées dans fin du programme. C'est ainsi que, avec à peine leur langue maternelle ont manifesté le désir de 80 000 $ CA, la FTACU réussira à alphabétiser continuer le programme en français, pour mettre environ 3 150 jeunes filles et femmes au Togo. Cela toutes les chances de leur côté. représente un coût de formation de 25 $ par audi- Des 1 521 auditrices inscrites, 1 115 fréquen- trice ! taient toujours assidûment les cours lors de ma vi-

96 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE D'AILLEURS Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ site, ce qui représente un taux de participation de Je salue le travail acharné de la FTACU, des 73 %. Mais elles étaient souvent en retard à cause membres du Bureau National ainsi que des per- du marché, du travail au champ ou à l'atelier de manentes et permanents de l'équipe-projet, qui ont couture. Elles s'absentaient parfois pour soigner à cœur d'enrayer ce fléau qu'est l'analphabétisme leurs enfants malades, pour assister à des funérailles dans leur pays. J'aimerais aussi rendre hommage ou parce que les maris leur interdisaient d'aller en aux membres des conseils régionaux, qui travaillent classe. Certaines ne voyaient pas bien : elles auraient sans relâche sur le terrain. C'est grâce à leurs ef- eu besoin de verres correcteurs, mais ne pouvaient forts que les classes fonctionnent si bien. J'ai ren- pas se les payer. D'autres auraient voulu que les contré des présidents de conseil devant quitter leur cours se donnent dans la brousse, mais les famille chaque nuit pour suivre les classes et s'assu- alphabétiseurs n'ont pas de moyens de transport. rer que tout se déroulait bien. Certains devaient Plus les femmes sont âgées, plus elles sont moti- parcourir des kilomètres en moto sur des routes vées. Elles ont davantage souffert de leur analpha- dangereuses, sans un dédommagement qui vaille bétisme. Et souvent, leur but est d'apprendre à lire la peine. Pourquoi acceptent-ils de donner autant ? l'Evangile ! En raison peut-être de l'espoir que ce projet suscite Le défi réside néanmoins dans l'application, au chez ces gens, professeurs pour la plupart mal payés, quotidien, des notions de lecture et d'écriture que mal outillés mais qui, animés d'une vraie cons- ces femmes ont patiemment apprises. Il s'est avéré cience, se disent qu'ils ont encore à agir pour leur que, en raison du manque de stimuli, elles ont ten- pays. Ils le font pour leurs enfants, leurs petits-en- dance à oublier rapidement ce qu'elles ont acquis fants. si difficilement. La post-alphabétisation sera cer- Toutes ces actions ainsi que cette solidarité, cet tainement le prochain projet de la FTACU. engagement inconditionnel qui persistent dans un environnement dénudé et d'extrême pauvreté Une leçon d'humanité m'ont touchée profondément et ont changé ma À titre de coopérante, j'ai fait pleinement partie de façon de voir la vie. l'équipe-projet. Ensemble, mes collègues et moi Un peuple à alphabétiser, certes, mais qui aurait avons élaboré des outils et des stratégies pour faire aussi bien des choses à nous apprendre si nous ac- avancer les activités. En Afrique, nous sommes ceptions de l'écouter ! constamment aux prises avec les distances à par- 1. CUSO est un organisme canadien de coopération internationale courir, la rareté du matériel qui pourrait faciliter le qui existe depuis 1961. Il travaille avec des organismes locaux de dé- travail. Même les communications sont ardues, car veloppement qui luttent pour la liberté, l'égalité et la réduction de la le téléphone n'est pas répandu dans toutes les ré- pauvreté. Par l'échange de compétences humaines et professionnelles, CUSO intervient avec ses partenaires des pays en développement dans gions et demeure un produit de luxe... Imaginez les domaines suivants : l'amélioration des conditions de vie, l'envi- alors Internet et ses avantages ! ronnement et les droits, en particulier ceux des jeunes et des femmes. Malgré cet environnement modeste, j'ai été édi- 2. L'Agence canadienne de développement international investit envi- ron 0,24 % du PNB des Canadiens et Canadiennes dans l'aide publi- fiée en voyant la volonté de ces femmes et de ces que au développement. En Afrique subsaharienne, l'ACDI a aidé en filles qui cherchent à améliorer leurs conditions et 1998-1999 plus de 20 pays, dont 10 qui se sont partagé la moitié des fonds. Malheureusement, le Togo, en raison de sa situation politique, celles de leur famille. Certaines femmes ont telle- dit-on, ne fait pas partie des 20 pays les plus aidés par le Canada. ment de plaisir à se retrouver deux fois par semaine 3. La Direction de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes qu'elles ont manifesté le désir de se regrouper en (DAEA) du Togo relève du ministère des Affaires sociales. Sa présence coopératives ! sur le territoire a été très active et a contribué à faire baisser le taux d'analphabètes de 89 % qu'il était en 1970 à 56,5 % en 1990. Toute- Et que dire des alphabétiseurs... mal payés ? Ils fois, la situation politique du pays, marquée par les grèves de 1993 et et elles doivent arriver au cours avant l'heure pour la dévaluation du franc CFA en 1994, a ralenti son action au profit des organismes non gouvernementaux, qui ont continué la lutte con- aider celles qui se sont absentées à se rattraper. Dans tre ce fléau. Aujourd'hui, la DAEA ne reçoit aucune subvention exté- la semaine, on les sollicite pour des exercices, des rieure. Pour mettre son programme d'alphabétisation en œuvre, elle travaux, des conseils. Pourtant, ils et elles sont d'une doit travailler de concert avec la dizaine d'organismes qui œuvrent dans ce domaine sur le territoire. assiduité impressionnante. Toujours prêts à aller plus loin avec chacune.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 97 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ II était une fois

L'histoire vraie un auteur d'une rencontre médias de la région, etc. Pour Denis, qui n'avait avec des mots. pas l'habitude de parler devant un public, ce fut tout un défi, qu'il a relevé avec brio. C'est une aventure de près de deux ans qui Denis Quirion, participant au Centre d'activités s'est achevée avec la parution des Aventures populaires et éducatives (CAPE) de La Tuque de Feuille-de-chou. Ce livre aura sans doute un effet extraordinaire sur les gens qui n'osent pas Denis Quirion est un latuquois en fin de aller en alphabétisation. Cet événement dira à parcours au CAPE, c'est donc dire que, après tous et à toutes que, malgré des difficultés en quatre ans, il est maintenant alphabétisé. Grâce lecture et en écriture, on peut accomplir de gran- à nos ateliers, il a acquis le goût de l'écriture et des choses. On pourra ainsi contrer certains de la lecture, et surtout de la confiance en lui. préjugés à l'égard des personnes analphabètes. Peu avant les vacances de Noël 1998, nous Afin de nous remercier de l'avoir soutenu, avons demandé à nos participants et à nos Denis a tenu à verser les profits de la vente du participantes de nous écrire un petit conte. De livre au CAPE. Nous ne l'en remercierons prime abord, Denis n'avait aucune envie de faire jamais assez. Les futurs participants et partici- cet exercice. Mais nous voulions à tout prix que pantes du Centre sauront qu'un jour un petit tous et toutes fassent cet effort. Nous les avons lutin malicieux est venu par ici et qu'il a laissé donc encouragés à faire de leur mieux et à dans son sillage la motivation et la fierté du passer par-dessus la crainte du ridicule. C'est travail accompli. ainsi que Feuille-de-chou, le petit lutin, est Francine Beaupré, coordonnatrice entré dans la vie de Denis, un peu à son insu. Il lui a fallu beaucoup d'imagination, mais aussi beaucoup de ténacité pour mener à bien MOT DE L'AUTEUR son projet de conte pour enfants. Peu à peu, Beaucoup de personnes se posent des questions. les personnages se sont mis à s'imposer d'eux- « Pourquoi as-tu écrit Les aventures de Feuille-de- mêmes, et il les a apprivoisés. C'est là qu'est en- chou ? » Quand j'ai commencé en alphabétisation, trée en scène une amie, Diane Rondeau St-Jarre. je ne savais pas écrire. Ce n'était pas rose. Il y avait Elle a lu les histoires de Denis et lui a offert des une barrière devant moi. Un jour, mes professeurs illustrations en guise d'encouragement. Ainsi, m'ont demandé d'écrire un conte de Noël et j'ai après avoir côtoyé les amis de Feuille-de-chou, commencé à écrire ma première histoire. Soudain, voilà soudain que nous les voyions prendre forme la magie des mots m'entoura. Quel plaisir d'écrire sous nos yeux éblouis. mon histoire. J'espère que vous allez avoir du plai- L'équipe du CAPE ne pouvait se résoudre à sir à lire ce livre. ce que ce travail de titan ne dépasse pas l'étape Mais ça n'a pas été toujours facile d'écrire ce de la photocopie1. Le tourbillon de la célébrité livre, certains jours je voulais tout lâcher... Je me est alors entré en action : animation de L'Heure disais que je n'y arriverais jamais. Mais les mots me du Conte à la bibliothèque municipale de La parlaient. « Denis... nous sommes là, tu n'as Tuque, animation pour les enfants de la qu'à nous placer au bon endroit et nous formerons prématernelle du Jardin enchanté du Centre de l'histoire. » Et les mots m'ont aidé à créer l'histoire la petite enfance Le Fou rire, entrevue avec les de Feuille-de-chou. Alors, j'encourage les person- nes qui ne savent pas lire et écrire de s'inscrire en

98 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE alphabétisation car les mots vous attendent avec amour et tendresse. Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

« Respire le parfum de cette fleur jaune, elle — Un trou ? dit Lutantine. va te remettre de tes émotions, dit la déesse des — Oui, regarde ! fleurs. — Fais attention, Feuille-de-chou, je ne veux — Ah, c'est toi, la déesse des fleurs ? dit le pas que tu tombes dedans ! Tu te souviens de la lutin. chute ? dit Lutantine. — Oui, c'est moi. Je m'appelle Lutantine. Je — Oh ! oui ! Je me souviens très bien ! suis contente de te voir. Je vais te faire connaître — Où êtes-vous ? dit le lièvre. la forêt. Je vais t'apprendre tous les dangers, et — Nous sommes là, derrière le buisson. Nous surtout à ne plus tomber dans les chutes. Ha, voulions te faire peur, disent Lutantine et le lu- ha, ha ! tin. — Oui, dit Feuille-de-chou. Je vais faire at- — Viens voir, le lièvre, nous avons découvert tention. un trou, dit Feuille-de-chou. Je vais descendre — D'où viens-tu, Feuille-de-chou ? voir ce qu'il y a au fond, dit le lutin. — Moi ? Je suis venu au monde dans une — Fais attention, Feuille-de-chou, dit le liè- pomme de chou, c'est pourquoi on m'appelle vre. Si tu es mal pris, je ne pourrai pas te venir Feuille-de-chou. Je suis venu au monde très, très en aide. Moi et le corbeau, nous sommes trop tard en automne, il y avait de la neige. C'est gros. pourquoi je n'ai jamais vu l'été. Le fermier avait — Ne t'inquiète pas. Je vais faire attention, jeté la pomme de chou dans le bois pour nour- je serai prudent, dit le lutin. » rir le lièvre. Mais le lièvre ne l'a pas mangée. Feuille-de-chou descend dans le trou. Heureusement qu'il ne l'a pas mangée ! Je ne « Tu vois quelque chose ? dit Lutantine. serais pas là aujourd'hui. — Non, il fait trop noir, dit le lutin. — J'étais sur le point de manger la pomme — Attends, je vais appeler mes amies les lu- de chou quand j'ai vu bouger quelque chose et cioles, elles vont t'éclairer, dit Lutantine. j'ai vu sortir un petit lutin. J'étais content de le — Merci ! Ça va m'aider beaucoup, répond voir car je n'avais pas d'ami, explique le lièvre. » le lutin. » C'est alors que Feuille-de-chou dit : « Tous Lutantine appelle ses amies les lucioles pour les trois, partons dans la forêt et allons nous éclairer Feuille-de-chou, elles se font un plaisir amuser. » de l'aider. « On va se cacher derrière ce buisson et faire « Maintenant, est-ce que tu vois quelque peur au lièvre, dit Lutantine à Feuille-de-chou. chose ? demande le lièvre. — Oh ! oui, dit le lutin. On va rire ! » — Oui, je vois mieux, répond le lutin. » Lutantine et le lutin se cachent derrière le buisson et soudain Feuille-de-chou voit un trou. Qu'arrivera-t-il à notre sympathique « Oh ! regarde, Lutantine, un trou ! héros ? Pour le savoir, lisez Les aventures de Feuille-de-chou !

1. Les aventures de Feuille-de-chou est disponible au CAPE. Pour connaître les coordonnées du Centre, consultez la page 111.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 99 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Traduire des sentiments. Exprimer Le Groupe Centre-Lac d'Alma sert une popula- ses désirs. Dire merci. Parler de ce tion d'adultes vivant avec un handicap physi- que et (ou) intellectuel. Il offre des services mul- qu'on aime. L'écrire. tiples dont des ateliers en alphabétisation depuis plus de 20 ans. En 1997, il proposait à ses mem- bres d'affronter les techniques modernes et de Depuis deux ans, Nicole participe à nos ate- liers d'apprentissage du français par ordina- perfectionner leurs compétences en lecture, en teur pour consolider ses notions d'informati- écriture, en composition et en calcul dans des que et de français, de même que pour com- ateliers d'apprentissage par ordinateur. Ces ate- bler son désir d'apprendre à faire de la recher- liers ont non seulement favorisé la vie associa- che et atteindre ainsi une meilleure autono- tive, mais permis également des rencontres mie. Elle est scolarisée et de niveau avancé. enrichissantes. Son léger handicap physique l'a menée à Cen- Un article dans la revue Le Monde alphabéti- tre-Lac trois heures par semaine, car elle y trouve l'ambiance et l'accompagnement né- que, quel beau prétexte pour mener un projet cessaires pour acquérir de la confiance en d'écriture avec nos participants et participantes elle. de niveaux intermédiaire et avancé, ayant un Elle est membre du Comité des participants handicap physique pour la plupart. Le proces- et participantes du RGPAQ et travaille à la sus de création s'est échelonné sur un mois, à Chaîne de travail adapté d'Alma1. raison de trois à six heures par semaine. Le tra- vail, effectué au moyen d'un logiciel de traite- ment de textes, comportait les étapes suivantes : L'analphabétisme, « pus » un obstacle...

1. Ecrire un brouillon avec les idées Bonjour ! premières ; Je témoigne en tant que fille qui était complètement 2. Structurer les phrases ; dans l'inconnu face à ma première visite au Groupe 3. Enrichir le vocabulaire (qualificatifs, mots Centre-Lac. Cette première visite a été le pas vers une d'action, ponctuation) ; autre tranche de ma vie. Je me suis toujours dit que je 4. Apporter des corrections grammaticales et ne pourrais jamais apprendre l'informatique. Mais grâce orthographiques ; à la patience de mes professeurs, j'ai appris l'informati- 5. Insérer des images. que. En plus, je me suis embarquée dans un des plus beaux défis de ma vie, une riche expérience : le comité des participantes et participants. Ce bateau, pour moi, C'est avec grand plaisir que nous vous pré- je souhaite qu'il vogue le plus longtemps possible. sentons les textes de quelques participantes et L'analphabétisme est un gros problème. Mais avec des participants inscrits aux ateliers d'ordinateur. Ils groupes dynamiques comme Centre-Lac, des personnes ont répondu avec enthousiasme à l'invitation comme moi ont heureusement la chance de s'épanouir d'enrichir les pages de la revue. dans la société. Tous ces regroupements génèrent une énergie positive Françoise Bouchard pour le futur, pour qu'en 2000-2001 toutes les person- et Denise Fradette, formatrices nes aient la même chance de posséder un outil qui est précieux : l'instruction à la portée de tous.

Nicole Délisle

100 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE AU-DELÀ DE LA LETTRE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Anne participe aux ateliers de français et de mathématiques de niveau intermédiaire au rythme de trois heures par semaine. Elle a net- tement amélioré son orthographe au cours de son apprentissage par ordinateur. Mais son rythme demeure lent à cause d'un handicap intellectuel léger. Elle a une sœur jumelle qui se nomme Annie. Abandonnée à la naissance par sa mère, elle Chère intervenante a vécu à l'orphelinat et par la suite dans des familles d'accueil. L'année dernière, son in- Je suis contente parce que tu m'as proposé de faire des tervenante l'a aidée à faire des démarches recherches pour retrouver ma mère. Je te remercie beau- pour retrouver sa mère. Voici sa lettre pour la coup pour la grande joie que j'ai vécue à la première ren- remercier. contre avec ma mère, le 5 juin 2000. Ma mère était fière de nous voir, Annie et moi. Parfois ma mère m'écrit et je lui réponds. Elle me téléphone de temps en temps ; elle va nous envoyer un petit jonc. Je suis toujours contente d'avoir de ses nouvelles. Encore une fois mille fois « merci » pour ce beau cadeau. Tu es très gentille.

Vital a commencé des cours d'alphabétisation Anne Cartier, qui t'adore. XXXXX de niveau intermédiaire en 1981 à raison de trois heures par semaine. D'abord inscrit au Groupe Centre-Lac, il est passé par la com- Rodrigue accroche et décroche au rythme du mission scolaire pour finalement revenir chez vent du lac... Santé fragile, esprit d'initiative nous il y a quatre ans. Il a besoin d'un accom- hors du commun, sourire moqueur, on pagnement individuel la plupart du temps. retrouve son nom dans nos listes d'il y a huit Il travaille comme réceptionniste au bureau ans. Il est de niveau intermédiaire et ne de notre organisme. fréquente le groupe que trois heures par Vital est un franc collaborateur, fiable, persé- semaine. vérant et toujours de bonne humeur.

Au Lac-Saint-Jean L'hiver tout en joie ! Je m'appelle Rodrigue et j'ai 40 ans. Je suis une personne C'est beau l'hiver ! Les parterres sont du Lac-Saint-Jean dans la ville d'Alma. J'ai quatre frères, recouverts d'un blanc étincelant, féerique. une sœur et un chien qui se nomme Bingo. L'hiver nous amène la fête de Noël. J'aime beaucoup les femmes du Lac-Saint-Jean parce Noël, c'est une fête où on se rassemble en famille. qu'elles sont belles et chaleureuses. J'aime beaucoup le Les lumières avivent notre joie. monde qui vient avec moi aux ateliers de français sur Pour moi cette fête, ça représente ordinateur. la joie, la joie dans le monde tout autour de la terre. Notre région a beaucoup d'attraits touristiques comme Cette période s'annonce comme un le Zoo de Saint-Félicien, les chutes de Val-Jalbert, le rayon de soleil dans le quotidien. Moulin des pionniers, la Traversée du lac et les Grands Jardins de Normandin. Vital Lalancette Bienvenue à tous dans notre région.

Rodrigue Tremblay

1. La plupart des travailleurs et travailleuses sont handicapés intellec- tuellement et (ou) physiquement. On y exécute différents types de travaux, notamment de menuiserie, de conciergerie et d'ensachage d'objets.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 101 Le mondeBrun alphabétique,o est u nnuméro homm 13,e printempsautonom 2001e dan - Ons n'ala pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ soixantaine dont l'apprentissage en français est de niveau avancé. Il s'est inscrit aux ate- Grandir avec l'alpha liers d'alphabétisation il y a quatre ans pour accompagner son épouse, participante de- Aimé de toute ma famille, mais un peu gâté, j'ai grandi puis quelques années. avec mes frères et ma sœur. Souvent, j'allais jouer avec Il fréquente nos ateliers d'apprentissage du mes voisins dans la petite rivière tout près de chez nous. français par ordinateur six heures par se- Me voici rendu à l'âge scolaire, moment tant attendu de maine depuis deux ans. Sa participation à ces pouvoir aller à l'école et de faire comme les autres. Nous ateliers lui a donné le goût de se procurer un marchions un mille pour aller le matin et le même che- ordinateur en vue d'améliorer son vocabu- min pour revenir le soir. On dînait à l'école et c'était laire, ses recherches et de combler son désir avec grand plaisir. Mes premières années furent très agréa- d'enrichir sa culture au moyen d'Internet. bles et pleines de succès. Grâce à son ordinateur, il poursuit son auto- À la fin de ma sixième année, nous marchions au caté- apprentissage, quotidiennement et fidèle- chisme. Pour cela nous allions à l'église du village et nous ment, et comme il le dit si bien, ce n'est pas étions un mois sans classe. Ha ! Quel soulagement ! son handicap physique qui l'empêche de trou- Après toutes ces belles années passées à l'école du rang, il ver la vie belle. m'a fallu aller à l'école du village. Nous avions un pro- Présentement, il écrit son autobiographie en fesseur pour tous les élèves de niveaux différents. Les cours utilisant notre guide Je me raconte. ..lien par- beaucoup plus approfondis, il me devint impossible de tage avec vous un extrait. suivre les autres élèves parce qu'ils étaient trop avancés. À l'école des rangs, nous avions des institutrices dont l'enseignement était très différent. Je me suis vite rendu compte que ma sixième année ne valait qu'une quatrième année. Après deux années de dur effort pour apprendre, Annie n'a rien d'une personne amor- il m'a fallu quitter l'école. Ce fut une grande déception phe ! Elle peut même vous aider à trou- pour moi car mon rêve était de travailler dans un bureau ver les accords en français ! Des diffi- ou un restaurant. Mes rêves sont devenus vite impossi- cultés personnelles ont limité son ap- bles à réaliser car je n'avais pas assez d'instruction. C'est prentissage en milieux scolaires régu- la raison pour laquelle je suis devenu fermier avec mon liers. De niveau intermédiaire, elle par- père. Les années passent, le temps fuit. ticipe aux ateliers depuis 1990, à raison Comme mon épouse prend des cours Alpha depuis quel- de trois heures par semaine. L'ordina- ques années et trouve ce programme formidable, il me teur la fascine et la motive à aller de vint l'idée de faire les démarches pour qu'un jour je puisse l'avant vers l'autonomie. continuer d'apprendre le français pour approfondir mes Son vocabulaire est bon, et elle exprime études sur ordinateur. Depuis, je trouve que mon fran- clairement ses besoins. Elle fréquente çais va beaucoup mieux. Aussi je peux aider les autres nos ateliers pour améliorer son français personnes pour lire leur courrier, écrire des lettres, des écrit et s'inscrire dans un milieu favo- recettes et même analyser leur budget. rable aux interactions sociales. Il faut dire que j'ai des formatrices formidables. Elles enseignent avec amour et patience ; ce n'est pas toujours Mon travail facile d'apprendre à du monde comme moi. C'est pour- quoi j'encourage tous ceux et celles qui en ont besoin de J'ai commencé un stage de travail en concierge- ne pas se gêner pour prendre des cours d'alpha. De nos rie le 7 novembre 2000 à l'église Saint-Jude à jours, sans instruction, tout devient très désagréable au Alma. Une journée par semaine, c'est un départ ! niveau du travail et même dans le quotidien de la vie de J'aime beaucoup travailler à cet endroit car je tous les jours. suis juste à côté de chez nous. Je commence à Voilà les raisons de mon retour aux merveilleux cours huit heures du matin, je vais dîner et je finis à Alpha que j'apprécie beaucoup. J'aimerais encourager deux heures de l'après-midi. Je travaille aussi qua- tous ceux et celles qui en ont besoin de ne pas retarder à tre jours dans des serres. s'inscrire à ce splendide programme. Ces milieux de travail me donnent l'occasion de rencontres avec des intervenants et de sorties au Bruno Bouchard restaurant. Je suis contente de travailler et de bien remplir ainsi mes journées.

Annie Tremblay

102 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

de l'Estrie : le goût de continuer Serge Courchesnes, directeur du Cep de l'Estrie

Trouver sa voie Deux décennies Des pourparlers en vue d'une entente régionale de luttes, de solidarité et de service entre les groupes d'alphabétisation populaire et le Centre d'éducation des adultes de passion. Là pour durer. de la Commission scolaire de Sherbrooke mè- nent à un premier accord écrit en 1987. À la fin des années 80, le Cep offre des ateliers d'alpha- bétisation à plus de 150 participants et partici- pantes. Les personnes immigrantes constituent 20 % du nombre des inscriptions. En 1992, des compressions sont appliquées La belle époque et réduisent de façon majeure l'accès à la forma- En 1979, à Sherbrooke, deux jeunes passionnés tion en alphabétisation pour les personnes fai- font les manchettes du quotidien régional La blement alphabétisées. Près de 75 adultes du Cep Tribune. Ils viennent d'obtenir une subvention n'auront plus droit à une aide financière à moins du Centre d'emploi du Canada pour répondre d'aller s'inscrire à la commission scolaire. Nous aux besoins d'alphabétisation de la population. n'avons pas d'autre choix que d'établir des critè- L'idée est originale et les médias en parlent de res pour déterminer qui doit partir ou rester. La façon régulière. C'est la première fois, au Qué- situation ira en se dégradant jusqu'en 1994, alors bec, que l'État subventionne un projet dont le que le ministère de la Sécurité du revenu (MSR) mandat est spécifiquement l'alphabétisation. Ce détournera systématiquement tous les adultes sont les beaux jours de l'histoire du recrutement. souhaitant s'inscrire à notre centre vers la com- Cinquante adultes s'inscrivent rapidement. Tout mission scolaire. le monde met la main à la pâte. Le local est Notre réflexion nous amène à conclure que meublé par les participants et les participantes, nous n'avons pas beaucoup de pouvoir et que qui apportent armoires, tables, chaises, etc. nous sommes à la merci de nos partenaires ré- L'enthousiasme est à son paroxysme et les atten- gionaux. Nos participants et participantes s'in- tes sont grandes. Deux ans plus tard, les fonda- vestissent dans notre lutte politique, n'hésitant teurs du Cep de l'Estrie (Centre d'éducation pas à brandir des pancartes et à marcher dans populaire de l'Estrie), alias Shécrilire (en 1979) Sherbrooke. Cependant, ils sont encore et tou- et l'Arbralettre (de 1980 à 1994), sentent le jours victimes de compressions. La fièvre du besoin de se regrouper en créant une associa- début des années 80 refait surface et nous rap- tion vouée à la cause de l'alphabétisation ; ils proche de notre mission éducative. Nous nous se joignent à une dizaine d'autres groupes po- questionnons sur le type de partenariat que nous pulaires pour fonder le Regroupement des grou- avons établi. Nous privilégierons désormais des pes populaires en alphabétisation du Québec. ententes locales.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE -103 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Nous n'avons jamais cessé de remettre en question nos pratiques.

Nous enrichissons notre contexte actuel de l'insertion en emploi, une aide expérience à travers nos instrumentale est plus efficace qu'une formation contradictions, nos de longue durée portant sur la connaissance de soi ou sur l'acquisition d'aptitudes sociales, car écueils et nos bons ces compétences s'acquièrent plus rapidement coups. en emploi. L'an dernier, 70 % des participantes et participants inscrits au programme ont ob- En 1994, nous entrons en contact avec les tenu un emploi, et nous savons qu'ils n'auraient fonctionnaires des bureaux locaux du MSR. Ces pas été admis dans les autres organismes rencontres visent à créer un climat de confiance, d'employabilité faute de posséder les préalables à travailler sur des ententes viables et à mettre nécessaires à leur inscription. Voilà pourquoi en place des mesures concrètes pour soutenir la nous persévérons à leur offrir un tel service. démarche des personnes peu alphabétisées. Un Depuis un an, nous avons également mis programme nommé Alphabétisation — impli- beaucoup d'énergie dans un projet de préven- cation sociale voit alors le jour. À ce moment-là, tion de l'analphabétisme portant sur l'éveil à la nous bénéficions du travail politique effectué par lecture et à l'écriture. Une première étape con- les groupes de la Mauricie. Après un an d'expé- sistait à recruter des partenaires. Vingt-trois or- rimentation, nous concluons avec les partici- ganismes provenant de différentes municipali- pants et participantes qu'il manque un volet à tés en Estrie se sont joints à nous pour travailler notre programme puisque certains d'entre eux à la mise en place d'activités d'éveil à la lecture souhaitent réintégrer le marché du travail. Nous et à l'écriture pour les enfants de moins de cinq proposons alors au MSR le programme Forma- ans provenant de milieux défavorisés. Le défi est tion de base et employabilité : un parcours sim- de taille. Nous avons une autre année devant ple vers l'emploi. Cinq ans plus tard, nous con- nous pour mener à bien ce projet. Il est un peu sidérons avoir répondu aux attentes de nos par- tôt pour faire un bilan. Peut-être en entendrez- ticipants et participantes et créé des liens cons- vous parler dans un prochain numéro de la re- tructifs avec les fonctionnaires des Centres lo- vue Le Monde alphabétique ? caux d'emploi de Sherbrooke. Cent fois sur le métier Des projets adaptés à la réalité Au Cep, nous misons depuis toujours sur la En matière de recherche d'emploi, le rôle de qualité des rapports tissés entre les participants notre conseillère est fondamental et contribue et participantes, les animateurs et animatrices, largement à faire du cheminement un « parcours les bénévoles, les membres du conseil d'admi- simple vers l'emploi ». Elle n'hésite pas à utiliser nistration et les partenaires des différents mi- ses compétences en communication, là où le lieux. Le rayonnement et la vitalité du centre en participant ou la participante éprouve des diffi- dépendent. Nous n'avons jamais cessé de remet- cultés pouvant le disqualifier pour un emploi tre en question nos pratiques. Nous enrichissons qu'il est pourtant capable d'assumer. Elle pourra notre expérience à travers nos contradictions, nos établir le premier contact avec un employeur afin écueils et nos bons coups. Tout cela nous donne d'obtenir de l'information, une entrevue ou le goût de continuer. Espérons que nous avons même un emploi pour un participant. Ainsi, les su, par ce portrait, vous donner une image intervenants et intervenantes du Cep mettent fidèle du Cep de l'Estrie. leurs compétences et leurs connaissances au ser- vice de celui ou celle qui démontre une réelle volonté de travailler. Nous croyons que, dans le PROFIL DE GROUPE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

Lis-moi tout Limoilou ou avoir Lis-moi tout Limoilou est un groupe d'alphabétisation le vent en populaire d'un quartier ouvrier de Québec. Lis-moi tout Limoilou ne veut pas seulement apprendre à ses parti- cipantes et participants à lire et à écrire, il veut aussi les amener à s'ouvrir et à prendre part à la vie de leur poupe milieu. Lis-moi tout Limoilou est né de l'idée d'une forma- Rock Gadreau, membre du conseil trice chevronnée. La coordonnatrice, Nicole Landry, d'administration du groupe qui avait déjà 17 ans d'expérience en alphabétisation, Lis-moi tout Limoilou avait perçu le besoin d'une ressource pour apprendre aux adultes de Limoilou à lire et à écrire. Grâce à une augmentation de budget attribuée au Programme de soutien à l'alphabétisation populaire autonome (PSAPA), l'organisme a pu être incorporé en janvier Fort de ses cinq ans 1996. En mai de la même année, il recevait ses premiè- d'existence, le groupe res participantes et ses premiers participants à un ate- met le cap sur des défis lier de français et de calcul. toujours plus grands. Conjuguer les efforts Montrer à lire et à écrire ne peut se faire qu'en relation avec la réalité concrète des adultes. D'où la nécessité d'établir des complicités avec les autres ressources aux- quelles ils et elles ont recours. Dès les premiers mois, Lis-moi tout Limoilou est parti à la conquête de son milieu. Nous avons rencontré à peu près tous les orga- nismes du quartier pour leur faire connaître le nouveau groupe populaire en alphabétisation et évaluer les pos- sibilités de collaboration. Cinq ans plus tard,

LE MONDE ALPHABÉTIQUE -105 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ Nous voulons faire vivre à nos adultes le plus Musée de la civilisation, de l'Observatoire de la d'expériences possible. capitale, du Parlement, du Centre d'interpréta- Chaque activité est l'occasion tion de Place Royale, participation à l'émission de vérifier les acquis et de Code d'accès à TQS... chacune de ces activités est l'occasion de vérifier les acquis et de concré- concrétiser les apprentissages tiser les apprentissages réalisés dans les ateliers réalisés dans les ateliers de français et de calcul. de français et de calcul. Comme l'action de Lis-moi tout Limoilou s'inspire d'une vision globale de la situation et des besoins des personnes analphabètes, son in- près de 80 % des organismes communautaires tervention trouve son prolongement dans la mise de Limoilou sont partenaires avec nous, d'une sur pied d'entreprises qui offrent des débouchés façon ou d'une autre. De plus, Lis-moi tout professionnels pour les personnes qui bénéficient Limoilou entretient des liens très étroits avec de ses services. C'est ainsi que l'organisme a par- des organismes tels que le Carrefour Jeunesse rainé une étude de faisabilité en vue de la créa- Emploi, le Centre local d'emploi de Limoilou, tion d'une entreprise d'économie sociale visant le Centre Louis-Joliet de la Commission scolaire le recyclage des matériaux de construction. Le de la Capitale nationale ainsi que le CLSC. président et la coordonnatrice jouent un rôle Les organismes de Limoilou apportent leur actif dans le conseil d'administration de la nou- contribution au recrutement des adultes. velle entreprise, qui vole maintenant de ses pro- L'automne dernier, Lis-moi tout Limoilou a pres ailes. De la même façon, Lis-moi tout trouvé une façon originale d'engager ses parte- Limoilou est partenaire dans le lancement d'une naires dans cette difficile tâche qui est celle de entreprise de mise en marché de cartes géogra- rejoindre des adultes qui, forcément, ne sont pas phiques à l'intention de la clientèle touristique branchés sur les réseaux habituels de communi- de Québec. cation. Nous avons organisé des cafés-rencon- tres auxquels nos partenaires ont été conviés. En Et ce n'est qu'un début leur faisant mieux connaître la situation des adul- Après cinq ans, toutes les pièces du casse-tête tes analphabètes, nous leur permettons de mieux semblent vouloir se mettre en place, et Lis-moi repérer, dans leur clientèle, les personnes sus- tout Limoilou a le vent en poupe. Ce résultat ceptibles d'avoir besoin de nos services. Et ça est évidemment le fruit d'un travail d'équipe. fonctionne bien, puisque avant même que l'opé- Sans l'ouverture d'esprit de nos participantes et ration ne soit complètement terminée, plusieurs participants, sans l'engagement des deux forma- personnes nous avaient déjà été adressées. trices, de nos bénévoles et des membres du con- seil d'administration, Lis-moi tout Limoilou ne Appliquer les notions apprises serait pas ce qu'il est. Ces liens avec le milieu ont également permis à C'est donc avec beaucoup d'optimisme que Lis-moi tout Limoilou d'élaborer une pédago- ce jeune organisme peut envisager son avenir. gie ancrée dans le concret. Par exemple, en pre- Comme nous souhaitons toujours faire vivre aux nant en charge l'entretien d'un panneau d'affi- adultes de nouvelles expériences, nous allons chage publicitaire appartenant à la Ville, les par- continuer de chercher des façons de les aider à ticipantes et les participants constatent qu'il est retrouver un sens à leur vie et à devenir plus nécessaire de savoir lire pour faire le tri entre les autonomes. affiches de spectacles passés et à venir. En parti- cipant à un rallye dans le Vieux-Limoilou, ils apprennent à distinguer les chiffres pairs des chiffres impairs. Jardinage écologique, visites du

106 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ À VOIR... À LIRE

L'ALPHABÉTISATION ET LES LE P'TIT CODE DE LA ROUTE MALADIES MENTALES : DEUX 107 pages, 8 1/2 po x 11 po RÉALITÉS À CONJUGUER Année de publication : 2000 104 pages, 8 1/2 po x 11 po Par La Cité des mots Année de publication : 2000 Par Ebyôn et Le Traversier Adaptation du Guide de la route publié par le gouvernement du Qué- Étude sur l'alphabétisation en tant bec. On y trouve des textes et des qu'outil de réinsertion sociale pour activités, ainsi qu'un lexique. les personnes souffrant d'une mala- die mentale. En plus d'établir un lien Prix : 9 $ (feuilles volantes) ; 12 $ entre l'analphabétisme et les problè- (document broché) mes de santé mentale, on aborde les Disponible à l'endroit suivant : principales maladies, les traitements, La Cité des mots e LA FAMILLE SOURDOUX les médicaments et leurs effets. 805, III Rue, Shawinigan-Sud 49 pages, 8 1/2 po x 11 po (Québec) G9P 2T5 Année de publication : 2000 Prix: 5$ Tél. : (819) 537-1055 Par Daniel Deschesnes, Disponible à l'endroit suivant : Téléc. : (819) 537-9525 Centre Alpha-Sourd Ebyôn Courriel : [email protected] 49, rue Saint-Irénée Les aventures du jeune garçon Cap-de-la-Madeleine (Québec) de la famille Sourdoux mettent en G8T7C3 LA BELLE HISTOIRE relief des problèmes et des solutions. Tél. : (819) 373-7653 DE LA LANGUE Ce livre d'images en LSQ (langue des Téléc. : (819) 691-2866 FRANÇAISE signes québécoise) s'adresse aux en- Courriel : ebyon @infoteck. qc.ca AU QUÉBEC fants de 6 à 10 ans. Il encourage pa- 64 pages, 8 1/2 po x 11 po rents et enfants à lire ensemble. (relié par une spirale) LES AVENTURES Année de publication : 2000 Prix : 10 $, plus frais d'envoi DE FEUILLE-DE-CHOU Par Ariane Daneault et 40 pages, 5 1/2 po x 81/2 po Clode Lamarre, La Jarnigoine L'ALPHABÉTISATION Année de publication : 2000 CHEZ LES SOURDS Par Denis Quirion, avec la participa- Pochette de presse et tion de Diane Rondeau St-Jarre vidéo de 17 min. (illustrations) Année de production : 2000 Réalisé par : Centre Alpha-Sourd Ce conte pour enfants a été écrit par un participant du Centre d'acti- Matériel de sensibilisation et d'in- vités populaires et éducatives (CAPE) formation sur les centres d'alphabé- de La Tuque. Il est assorti d'une ta- tisation pour personnes sourdes. blette à colorier reproduisant les per- Assorti du livre La famille Sourdoux. sonnages du livre. Suivez l'espiègle petit lutin dans ses aventures. Prix : 50 $, plus frais d'envoi (ensemble offert dans une mallette) Prix : 10 $, plus frais d'envoi Disponibles a l'endroit suivant : Disponible à l'endroit suivant : Centre Alpha-Sourd Centre d'activités populaires et 65, rue De Castelnau Ouest, éducatives (CAPE) Ce recueil de textes porte sur l'his- bureau 300 290, rue Saint-Joseph, C.P. 186 toire de la langue française au Qué- Montréal (Québec) La Tuque (Québec) G9X3P2 bec. Il s'adresse aux gens inscrits en H2R2W3 Tél. : (819) 523-7533 alpha-francisation qui ont de la dif- Tél. : (514) 278-5334 Téléc. : (819) 523-5692 ficulté à comprendre comment le Téléc. : (514) 279-5373 Courriel : lecape_l @sympatico.ca français est devenu la langue officielle du Québec et à ceux et celles en dé-

LE MONDE ALPHABÉTIQUE -107 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ À VOIR... À LIRE

marche d'alphabétisation, de niveaux GUIDE D'ÉVEIL À L'ÉCRIT L'ÉCHO D'UN SILENCE, intermédiaire et avancé, qui ont peu DU CEP DE L'ESTRIE RECHERCHE-ACTION SUR LES de connaissances sur notre histoire. 16 pages, 81/2 po x 11 po PARENTS PEU SCOLARISÉS Année de publication : 2000 154 pages, 81/2 po x 11 po Prix : 20 $, plus frais Par Sophie Desharnais Année de publication : 2001 d'envoi de 2,50 $ Par Entraide Pont- Viau — Laval-des- Disponible à l'endroit suivant : Un recueil d'activités d'éveil à l'écrit Rapides et Groupe Alpha Laval La Jarnigoine pour les enfants de moins de cinq ans. 7445, rue Saint-Denis Montréal (Québec) Prix : gratuit H2R2E5 Disponible à l'endroit suivant : Tél. : (514) 273-6683 Cep de l'Estrie Téléc. : (514) 273-6668 32, rue Wellington Nord, Courriel : [email protected] bureau 450 Sherbrooke (Québec) J1H 5B7 Tél. : (819) 562-1466 Téléc. : (819) 562-1444 EXERCICES DE COMPRÉHENSION Courriel : [email protected] DE TEXTES ET DE VOCABULAIRE Adresse URL : 125 pages, 81/2 po x 11 po www.multimania.com/cepestrie Année de publication : 2000 Par Alpha-Nicolet Un rapport de recherche-action sur certains comportements, perceptions En plus d'enrichir le vocabulaire LES BARRIÈRES et attentes de parents peu scolarisés des adultes en processus d'alphabéti- Vidéo mono, 1 heure 30 min. et vivant en milieu populaire en ce sation, ce cahier d'apprentissage fa- Année de production : 1999 qui concerne l'accompagnement sco- cilitera leur compréhension de tex- Réalisé par : Anthony Bender laire de leurs enfants à l'école pri- tes. Il comprend un corrigé et est as- maire. Quatre dimensions sont abor- sorti d'un recueil des textes. Des témoignages de participants et dées : les pratiques familiales de de participantes de L'Ardoise, groupe l'écrit, le suivi scolaire, le lien établi Prix : 30 $ l'ensemble, populaire en alphabétisation du Bas- avec l'école ainsi que les rôles et res- plus frais d'envoi Richelieu. Une illustration sincère et ponsabilités des parents. Disponible a l'endroit suivant : humaine des barrières qu'ils et elles Alpha-Nicolet rencontrent constamment dans leur Prix : 12 $ pour les organismes et 690, rue de Monseigneur-Panet vie de tous les jours. les individus, plus frais d'envoi ; Nicolet (Québec) 15 $ pour les institutions, J3T1W1 Prix : 25 $, plus frais d'envoi plus frais d'envoi Tél. : (819) 293-5745 Disponible à l'endroit suivant : Disponible a l'endroit suivant : Téléc. : (819) 293-8339 L'Ardoise du Bas-Richelieu Groupe Alpha Laval 108, rue Charlotte 90, boul. Lévesque Est Sorel (Québec) J3P 1G8 Laval (Québec) H7G 1B9 Tél. : ( 450 ) 780-1016 Tél. : (450) 669-3232 Téléc. : (450) 780-1182 Téléc. : (450) 669-3708 Courriel : [email protected] Courriel : [email protected]

108 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

L'HOMME QUI Un jeu de cartes sur l'écologie com- VENAIT D'AILLEURS LA VENGEANCE prenant 120 questions et réponses et 28 pages, 51/2 po x 81/2 po DE L'ORIGNAL (roman) des fiches proposant des trucs mai- Année de publication : 2000 120 pages, 5 1/2 po x 81/2 po son. Par Myriam Gauthier Année de publication : 2000 Par Doric Germain (adaptation en Prix : 19,99 $ Quelques heures sur la Terre, voilà écriture simple de Louise Lalonde) Disponibles à l'endroit suivant : tout ce dont dispose l'homme qui Centre FORA venait d'ailleurs pour sauver les ha- La nature est sauvage, mais elle est 432, av. Westmount, unité H bitants de sa planète. Réussira-t-il ? juste. Trois chasseurs l'apprendront Sudbury (Ontario) Roman de science-fiction. à leurs dépens. Après avoir illégale- P3A 5Z8 ment abattu un orignal, ils décou- Tél. : (888) 814-4422 Prix : 2,99 $ vrent de l'or et s'épuisent à l'extraire Téléc. : (705) 524-8535 du lit d'une rivière. Mais la nature Courriel : MIMI, UNE ENFANT réserve ses richesses à ceux qui res- lromain @centrefora.on.ca EXCEPTIONNELLE pectent son code d'honneur. La ré- 63 pages, 51/2 po x 81/2 po colte du trésor se transformera en une Année de publication : 2000 lutte dramatique pour la survie. Par Hélène Quesnel Sicotte POUR UNE TRANSITION Prix: 6$ ALPHA-SECONDAIRE RÉUSSIE. Ce roman raconte l'histoire d'une Guide à l'intention des formateurs enfant atteinte d'un handicap men- LA VENGEANCE DE L'ORIGNAL pour l'encadrement des partici- tal et le cheminement que vit sa (cahier d'activités) pants désirant poursuivre leurs famille pour la connaître et la com- 81 pages, 81/2 po x 11 po (relié études au secondaire prendre. par une spirale) 42 pages, 81/2 po x 11 po Année de publication : 2000 Par Johanne Bérubé, Popco inc. Prix: 5,99$ Par Marguerite Lapalme-Blais Ce document s'adresse aux forma- L'ANGE REBECCA Ce cahier comprend des activités de teurs et formatrices en alphabétisa- 66 pages, 51/2 po x 81/2 po lecture et d'écriture correspondant tion qui veulent aider leurs appre- Par Estelle de la Chevrotière aux cinq niveaux du programme d'al- nants et apprenantes à poursuivre phabétisation et de formation de base leurs études secondaires. Il propose La vie d'une fille au cœur d'or qui de l'Ontario. Avec indicateurs de des pistes d'action pour une transi- n'a pas peur de foncer pour réaliser réussite et corrigé. tion réussie. ses rêves. Née dans un petit village, Rebecca aime la vie. Bien que la fa- Prix : 3 $ pour le cahier ; 7 $ pour Prix : 15 $, incluant les frais d'envoi mille soit importante à ses yeux, elle le roman et le cahier Disponible à l'endroit suivant : doit apprendre à vivre loin de ses pro- Popco inc. ches, à travailler fort et à ne pas crain- ÉCOLUDO 3, rue des Peupliers dre de réaliser son grand projet de vie. 60 cartes et 18 fiches, Port-Cartier (Québec) G5B2B6 Découvrez la vie de ce petit ange. 4 1/4 po x 51/4 po Tél. : (418) 766-8047 Par Suzanne Benoit, Louise Lalonde Téléc. : (418) 766-6367 Prix : 5,99 $ et le Centre ALEC du Nipissing Courriel :popco@globetrotter. net

LE MONDE ALPHABÉTIQUE -109 Liste des groupes membres Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ (Avril 2001)

CHAUDIÈRE-APPALACHES POPCOINC. 3, rue des Peupliers ABC DES HAUTS PLATEAUX Port-Cartier G5B 2B6 MONTMAGNY-L'ISLET INC. Tél. : (418) 766-8047 213-B, rue de la Salle Téléc: (418) 766-6367 RGPAQ Saint-Fabien-de-Panet GOR 2J0 Courriel : [email protected] 2120, rue Sherbrooke Est, bureau 302 Tél. : (418) 249-2814 Téléc. : (418) 249-2628 Montréal (Québec) H2K1C3 Courriel : [email protected] Téléphone: (514) 523-7762 Télécopieur: (514) 523-7741 ABC LOTBINIÈRE CENTRE D'ÉDUCATION 157, rue Principale POPULAIRE DE L'ESTRIE Courriel : [email protected] Saint-Flavien GOS 2M0 32, rue Wellington Nord, bureau 450 Tél. : (418) 728-2226 Sherbrooke J1H 5B7 Téléc: (418) 728-4020 Tél. : (819) 562-1466 Courriel : [email protected] Téléc. : (819) 562-1444 Courriel : [email protected] ALPHA ENTRAIDE DES Adresse URL : www.multimania.com/ CHUTES-DE-LA-CHAUDIÈRE cepestrie ABITIBI-TEMISCAMINGUE 3493, avenue des Églises Charny G6X1W5 ALPHA-TÉMIS Tél. : (418) 832-1141 GASPESIE — ILES-DE-LA-MADELEINE 11, rue Saint-Isidore Ouest, C.P. 239 Téléc. : (418) 832-1141 Laverlochère J0Z2P0 Courriel : [email protected] COLLECTIF PLEIN DE BON SENS Tél. : (819) 765-2549 149, boul. Perron, C.P. 477 Téléc. : (819) 765-5111 CENTRE D'ALPHABÉTISATION New Richmond G0C2B0 Courriel : [email protected] POPULAIRE DE BEAUCE Tél. : (418) 392-4818 12 910, 2e Avenue Téléc. : (418) 392-6008 CENTRE DE CROISSANCE Saint-Georges G5Y 1Y3 Courriel : [email protected] D'ABITIBI-OUEST Tél. : (418) 226-4111 e 254, 3 Rue Est Téléc: (418) 227-1649 DÉVELOPPEMENT La Sarre J9Z3J3 Courriel : [email protected] COMMUNAUTAIRE UNÎLE INC. Tél. : (819) 333-3881 Bassin, C.P. 190 Téléc. : (819) 333-9786 CLÉS EN MAIN îles-de-la-Madeleine G8B 1J0 268-C, rue Lionel-Groulx, C.P. 464 Tél. : (418) 937-5459 Saint-Jean-Port-Joli GOR 3G0 Téléc: (418) 937-2145 BAS-SAINT-LAURENT Tél. : (418) 598-9780 Courriel : [email protected] Téléc: (418) 598-9780 CENTRE ALPHA DES BASQUES Courriel : [email protected] LE POUVOIR DES MOTS 15, rue Notre-Dame Est 143, rue de la Reine Trois-Pistoles GOL 4K0 GROUPE ALPHA DES ETCHEMINS Gaspé G4X 1T5 Tél.: (418) 851-4088 201, rue Claude-Bilodeau, bureau 105 Tél. : (418) 368-7500 Téléc. : (418) 851-3567 Lac Etchemin GOR 1SO Téléc: (418) 368-7505 Courriel : [email protected] Tél. : (418) 625-2550 Courriel : [email protected] Téléc: (418) 625-2550 Courriel : [email protected] CENTRE-DU-QUÉBEC LANAUDIERE GROUPE EN ALPHABÉTISATION ALPHA-NICOLET MONTMAGNY-NORD ABC DES MANOIRS 690, rue De Monseigneur-Panet 104-A, rue Sainte-Marie 568, rue Léon-Martel Nicolet J3T1W1 Montmagny G5V2S2 Terrebonne J6W2J8 Tél. .(819) 293-5745 Tél. : (418) 241-5024 Tél. : (450) 471-6928 Téléc: (819) 293-8339 Téléc: (418) 241-5024 Téléc: (450) 471-9328 Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] AU BORD DES MOTS CENTRE D'ACTION BÉNÉVOLE LA CLÉ DE L'ALPHA 998, rue Notre-Dame DE LA MRC DE BÉCANCOUR 159, rue Notre-Dame Nord Lavaltrie J0K1H0 124, rue Saint-Antoine Thetford Mines G6G 2S1 Tél. : (450) 586-0820 Sainte-Sophie-de-Lévrard G0X3C0 Tél.: (418)338-8193 Téléc. : (450) 586-1231 Tél. : (819) 288-5533 Téléc. : (418) 338-8193 Courriel : [email protected] Téléc: (819) 288-5662 Courriel : [email protected] DÉCLIC CÔTE-NORD 350, rue Frontenac, C.P. 377 LUDOLETTRE Berthierville J0K1A0 430, rue Lamothe, C.P. 488 LIRA INC. Tél. : (450) 836-1079 Saint-Léonard-d'Aston JOC 1M0 391, avenue Brochu Téléc: (450) 836-1079 Tél. : (819) 399-3023 Sept-îles G4R 4S7 Courriel : [email protected] Téléc. : (819) 399-3023 Tél. : (418) 968-9843 Courriel : [email protected] Téléc: (418) 968-0990 Courriel : [email protected]

110 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

REGROUPEMENT MAURICIE LA BOÎTE À LETTRES DES ASSISTÉS SOCIAUX 212, rue Gentilly Ouest DU JULIETTE MÉTROPOLITAIN CENTRE D'ACTIVITÉS Longueuil J4H 1Z6 (RASJM) POPULAIRES ET ÉDUCATIVES Tél. : (450) 646-9273 144, rue Saint-Joseph (CAPE) Téléc. : (450) 646-9281 Juliette J6E 5C4 703, boul. Ducharme, C.P. 186 Courriel : [email protected] Tél. : (450) 752-1999 LaTuqueG9X3P2 Téléc. : (450) 752-2603 Tél. : (819) 523-7533 LA CLÉ DES MOTS Téléc: (819) 523-5692 503, rue Saint-Georges Courriel : [email protected] Laprairie J5R2N2 LAURENTIDES Tél. : (450) 659-7941 CENTRE D'ÉDUCATION Téléc. : (450) 659-0737 LA GRIFFE D'ALPHA POPULAIRE POINTE-DU-LAC Courriel : [email protected] 610, rue de la Madone 201, rue Grande-Allée Mont-Laurier J9L1S9 Pointe-du-Lac GOX 1Z0 LA PORTE OUVERTE Tél. : (819) 440-2044 Tél. : (819) 377-3309 81, rue Frontenac Téléc. : (819) 623-3081 Téléc. : (819) 377-3052 Saint-Jean-sur-Richelieu J3B 2Y4 Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] Tél. : (450) 346-3283 Téléc. : (450) 346-3283 LA MAISON DES MOTS COMSEP Courriel : [email protected] DES BASSES-LAURENTIDES 749, rue Saint-Maurice 23-A, rue Turgeon Trois-Rivières G9A3P5 L'ARDOISE DU Sainte-Thérèse J7E3H2 Tél. : (819) 378-6963 BAS-RICHELIEU Tél. : (450) 434-9593 Téléc. : (819) 378-0628 108, rue Charlotte Téléc. : (450) 434-5181 Courriel : [email protected] Sorel J3P 1G8 Courriel : [email protected] Tél. : (450) 780-1016 EBYÔN Téléc. : (450) 780-1182 LA MAISON POPULAIRE 89, rue Saint-lrénée Courriel : [email protected] 335, rue Principale Cap-de-la-Madeleine G8T 7C3 Lachute J8H 2Z7 Tél. : (819) 373-7653 L'ÉCOLE DE LA VIE Tél. : (450) 562-1996 Téléc: (819) 691-2866 2363, chemin Chambly Téléc. : (450) 562-2458 Courriel : [email protected] Longueuil J4L4H3 Courriel : [email protected] Tél. : (450) 448-0965 LA CITÉ DES MOTS Téléc. : (450) 448-8220 LE COIN ALPHA 805,111e Rue Courriel : [email protected] 16, rue De Martigny Ouest Shawinigan-Sud G9P 2T5 Saint-Jérôme J7Y2E9 Tél. : (819) 537-1055 L'ÉCRIT TÔT DE SAINT-HUBERT Tél. : (450) 436-2099 Téléc. : (819) 537-9525 1890, boul. Marie Téléc. : (450) 438-7749 Courriel : [email protected] Saint-Hubert J4T3R6 Courriel : [email protected] Tél. : (450) 672-6565 LA CLÉ EN ÉDUCATION Téléc. : (450) 672-2915 POPULAIRE DE LA MRC Courriel : [email protected] DE MASKINONGÉ 110, 2e Avenue, 2e étage LE SAC À MOTS AU FIL DES MOTS Louiseville J5V 1X1 94, rue Sud DE SAINT-FRANÇOIS Tél. : (819) 228-8071 Cowansville J2K2X2 8560, rue de l'Église Téléc. : (819) 228-4358 Tél. : (450) 266-3766 Laval H7A1K9 Courriel : Téléc. : (450) 266-3766 Tél. : (450) 665-9612 é[email protected] Courriel : [email protected] Téléc. : (450) 665-4361 Courriel : [email protected] LES GRANDS DÉBROUILLARDS Site Web : w2.lavalnet.qc.ca/aufil MONTEREGIE 52, rue Nicholson Valleyfield J6T4M8 AU JARDIN AIDE PÉDAGOGIQUE Tél. : (450) 377-7606 DE LA FAMILLE AUX ADULTES ET AUX Téléc. : (450) 377-0215 DEFABREVILLE JEUNES (APAJ) Courriel : 3867, boul. Sainte-Rose 330, avenue Saint-Simon [email protected] Laval H7P1C8 Saint-Hyacinthe J2S5B9 Tél. : (450) 622-9456 Tél.: (450) 261-0384 Téléc. : (450) 622-0312 Téléc. : (450) 261-0835 MONTREAL MÉTROPOLITAIN Courriel : [email protected] GROUPE CARREFOUR D'ÉDUCATION ALPHA LAVAL COMQUAT INC. POPULAIRE DE POINTE SAINT-CHARLES 90, boul. Lévesque Est 300, boul. Perrot, bureau 100 2356, rue Centre Laval H7G1B9 Île Perrot J7V3G1 Montréal H3K1J7 Tél. : (450) 669-3232 Tél. : (514) 453-3632 Tél. : (514) 596-4444 Téléc. : (450) 669-3708 Téléc. : (514) 453-3632 Téléc. : (514) 596-4443 Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] Adresse URL: www.communautique.qc.ca/carrefour

LE MONDE ALPHABÉTIQUE -111 Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

CENTRE ALPHA-SOURD LA MAISON D'HAÏTI INC. ATOUT-LIRE 65, rue De Castelnau Ouest, bureau 300 8833, boul. Saint-Michel, 2e étage 266, rue Saint-Vallier Ouest Montréal H2R 2W3 Montréal H1Z3G3 Québec G1K1K2 Tél. : (514) 278-5334 Tél. : (514) 326-3022 Tél. : (418) 524-9353 Téléc. : (514) 279-5373 Téléc: (514) 326-3024 Téléc: (418) 521-4000 Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] L'ATELIER DES LETTRES CENTRE D'ACTION 1710, rue Beaudry CENTRE SOCIO-COMMUNAUTAIRE Montréal H2L3E7 D'ALPHABÉTISATION DE MONTRÉAL Tél. : (514) 524-0507 L'ARDOISE 32, boul. Saint-Joseph Ouest Téléc: (514) 524-0222 145, boul. de la Montagne Montréal H2T2P3 Courriel :[email protected] Saint-Casimir GOA 3L0 Tél. : (514) 842-8045 Tél. : (418) 339-2770 Téléc: (514) 842-2356 LES ATELIERS M0T-À-M0T Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] DU SAC. ANJOU INC. 6497, rue Azilda FORMATION CENTRE DE LECTURE ET D'ÉCRITURE Anjou H1K2Z8 ALPHABÉTISATION 4273, rue Drolet, 4e étage Tél. : (514) 354-4299 CHARLEVOIX (FAC) Montréal H2W2L7 Téléc. : (514) 354-2023 32, boul. Leclerc, C.P. 548 Tél. : (514) 849-5473 Baie-Saint-Paul GOA 1B0 Téléc: (514) 350-8887 LETTRES EN MAIN Tél. : (418) 435-5752 Courriel : [email protected] 5483,12e Avenue Téléc: (418) 435-5778 Adresse URL: Montréal H1X2Z8 Courriel : [email protected] www.communautique.qc.ca/cle Tél. : (514) 729-3056 Téléc. : (514) 729-3010 LA MARÉE CENTRE DE LIAISON POUR L'ÉDUCATION Courriel : [email protected] DES MOTS ET LES RESSOURCES CULTURELLES 3365, chemin Royal, 2e étage (CLERC) TOUR DE LIRE Beauport G1E1W1 12 618, rue Sainte-Catherine Est 4026, rue Ontario Est Tél. : (418) 667-1985 Montréal H1B1W9 Montréal H1W1T2 Téléc: (418) 667-4954 Tél. : (514) 640-8521 Tél. : (514) 252-4718 Courriel : [email protected] Téléc: (514) 640-8521 Téléc. : (514) 252-0600 Courriel : [email protected] LIS-MOI TOUT CENTRE HAÏTIEN D'ANIMATION ET LIMOILOU D'INTERVENTIONS SOCIALES (CHAIS) UN MONDALIRE 798,12e Rue 7745, av. Champagneur, bureau 203 11 763, rue Notre-Dame Est Québec G1J2M8 Montréal H3N 2K2 Montréal H1B 2X9 Tél. : (418) 647-0159 Tél. : (514) 271-7563 Tél. : (514) 640-9228 Téléc: (418) 647-0350 Téléc: (514) 271-3629 Téléc. : (514) 640-9443 Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] Courriel : [email protected]

CENTRE INTERNATIONAL D'ÉCHANGES SAGUENAY—LAC-SAINT-JEAN CULTURELS (CIEC) OUTAOUAIS 3375, rue Barclay, bureau 2 CENTRE ALPHA Montréal H3S1K3 ATELIER D'ÉDUCATION POPULAIRE DE LA BAIE Tél.: (514) 735-5031 299, route des Cantons 802, boul. Grande-Baie Nord Téléc: (514) 735-8396 Saint-Émile-de-Suffolk JOV 1Y0 La Baie G7B 3K7 Courriel : [email protected] Tél. : (819) 426-3193 Tél. : (418) 697-0046 Téléc. : (819) 426-3193 Téléc: (418) 544-2459 CENTRE N'A RIVE Courriel : [email protected] Courriel : [email protected] 6971, rue Saint-Denis Montréal H2S 2S5 GROUPE Tél.-.(514)278-2157 QUÉBEC CENTRE-LAC D'ALMA Téléc. : (514) 278-4374 285, boul. Eymard Nord Courriel : [email protected] ALPHABEILLEVANIER Alma G8B 5J2 235, rue Beaucage Tél. .(418) 668-3357 COMITÉ D'ÉDUCATION DES ADULTES Vanier G1M1H2 Téléc. : (418) 668-0534 DE LA PETITE-BOURGOGNE ET DE Tél. : (418) 527-8267 Courriel : [email protected] SAINT-HENRI (CEDA) Courriel : [email protected] 2515, rue Delisle REGROUPEMENT Montréal H3J 1K8 ALPHA STONEHAM DES CENTRES Tél. : (514) 596-4422 660, Ve Avenue, C.P. 296 D'ALPHABÉTISATION Téléc: (514) 596-4981 Stoneham G0A4P0 MOT À MOT Courriel : [email protected] Tél. : (418) 848-3427 156, rue Gaudreault, C.P. 218 Téléc. : (418) 848-7427 Saint-Ambroise G7P 2J9 LA JARNIGOINE Courriel : [email protected] Tél. : (418) 695-5385 ou 672-6272 7445, rue Saint-Denis Téléc: (418) 672-4720 Montréal H2R 2E5 ATELIER D'ALPHA-SOURDS DE QUÉBEC Courriel : [email protected] Tél. : (514) 273-6683 4635,1re Avenue, bureau 227 Téléc: (514) 273-6668 Charlesbourg G1H2T1 Courriel : [email protected] Téléc. : (418) 623-7732 Courriel : [email protected]

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