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de l’auteur phique de la maison Archivage photogra état des lieux épistolier : Gustave Roud Entretien avec d’Eric Ferrari Hommage poétique - la légendedupoètesolitaire Par-delà pour lajeunegénération. Associé avec cetauteur étaitalorsdéterminant tranche parfois. Entretenir unlien élans, quisuggère subtilementetqui Guerre mondiale,quioriente les en Suisseromande après laSeconde Roud : celled’unpoète incontournable voir unenouvelle figure deGustave D l’œuvre etdel’homme,sil’on nes’en risque ausside réduire larichessede évidemment sajustesse, maiselle à Carrouge. Cette imageabien figure légendaire dupoète isolé de lavielittéraire, par-delàlaseule de considérer davantage cetaspect Sans doute est-iltemps aujourd’hui reconnaissance. guère lorsqu’ilsparvenaient àla leur essor ;ceux-ci nel’oubliant toute vaudoise pourqu’ilsprennent poètes émergents dansunediscrétion Gustave Roud accompagnait les Mermoud, Gallandouencore Hutter), aux principauxéditeurs (Mermod, la plaine,poésie correspondance nousdonneà epuis plusieursannées,la bulletin annueldel’association des amisdeGustaveRoud reste ensuspensmystérieusement. commentée d’unarbre quichute etqui Roud. Ils’achève surla photographie pour lesconnaisseursdeGustave surprises pourlesamateurs comme numéro contientainsiplusieurs la maisondupoète. Cedeuxième de l’archivage photographique de et BertilGalland,maisaussiunaperçu correspondances avec par Claire Jaquier, lapublicationdes état deslieuxdel’épistolaire présenté et delaviesousdifférents angles :un largement, ce numéro traite de l’œuvre aura lieu enavril 2012(p.10).Plus colloque surlesdeuxauteurs qui aucun doute déterminantes pourle offre desinformations nouvelles, sans décontractée, cette causerieàGrignan Philippe Jaccottet (p.3-6).Richeet long entretien quenousaaccordé souvent souterrains, commedansle éclairages surleslienslittéraires, bulletin, noustrouvons denombreux tient qu’àelle.C’estpourquoi, dansce Détail d’unephotographie deGustave Roud, «Fernand aiguisesafaux aucrépuscule». A. R.

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Charles-Antoine Subilia actualités 2

Renouvellement éditorial

Directeur de la pour les Cahiers Gustave Roud publication Antonio Rodriguez Président de l’A.A.G.R.

Comité scientifique Sylviane Dupuis Université de Genève Cahiers Université de Lausanne Claire Jaquier Université de Neuchâtel

Daniel Maggetti Gustave Roud Université de Lausanne En 2011, avec le numéro 14, les Antonio Rodriguez Université de Lausanne

Peter Schnyder cahiers ont passé le cap des trente Université de Haute-Alsace Mathilde Vischer Correspondance Genève ans d’existence. Trois nouveautés Gustave Roud éditoriales viennent saluer Bertil Galland l’événement : 1957-1976

1. un renouvellement graphique qui Edition établie et annotée par Daniel Maggetti avec la collaboration de Nicolas Gex améliore la lisibilité et la visibilité, sans rompre l’identité de la série

www.gustave-roud.ch Directeur de la (couverture plus attractive, nouvelle publication Actualités Antonio Rodriguez numéro 14 Informations Président de l’A.A.G.R. police, notes de bas de pages au lieu Documents Photographies Comité scientifique 2011 Commandes Sylviane Dupuis Liens numéro 14 des notes en fin de lettres) ; Université de Genève Doris Jakubec Cahiers Université de Lausanne Cahiers Gustave Claire Jaquier 2. un comité scientifique constitué de Université de Neuchâtel Roud rente ans après le premier numéro des Daniel Maggetti , un renouvellement éditorial accompagne ce Gustave Roud Université de Lausanne spécialistes de littérature, notamment volume qui s’inscrit dans la continuité d’une exigence Antonio Rodriguez de rigueur et de qualité. Une nouvelle correspondance, Université de Lausanne parallèle à celle échangée avec Jacques Chessex (Infolio, Peter Schnyder romande, qui garantira la qualité 2011) est proposée par le Centre de recherches sur les lettres Université de Haute-Alsace romandes de l’université de Lausanne. Le contexte entre Mathilde Vischer ces correspondances est proche, complémentaire, et il est Correspondance Université de Genève éditoriale des volumes ; accompagné de nombreuses tensions tant d’un point de vue Ecriture Gustave Roud Testhétique queCarabas politique. Il montre la radicalité des échanges qui ont entouré la naissance de la revue ou encore la 3. un référencement international parution de . Plus largement, cette correspondance Bertil Galland permet de comprendre les liens étroits qui unissaient Gustave Roud au monde de l’éditon. Une fois de plus, et de manière pour les librairies (numéro ISBN) et discrète, l’auteur de Carrouge se révèle une figure centrale 1957-1976 Haut-Jorat dans sa saveur pour la poésie suisse romande. les bibliothèques (numéro ISSN). Edition établie et annotée par Daniel Maggetti originale pour l’automne avec la collaboration de Nicolas Gex

© Association des Amis de

Gustave Roud - Bertil Galland Roud • 14 Gustave Roud Cahiers Gustave 1084 Carrouge-VD Suisse © Bertil Galland pour la Haut-Jorat postface Achevé d’imprimer le Un comité scientifique pour 4 mai 2011 à l’imprimerie Cornaz S.A. à Yverdon-les- Bains, Suisse. les cahiers A l’automne 2011, retrou- ISSN 1012-1455 numéro 14 2011 vera chez Fata Morgana sa saveur originale, après la publication moins fidèle chez Payot en 1978. Ce texte est Afin de garantir la qualité éditoriale celui où le poète s’affirme le plus clai- de la publication, l’association a rement comme un Joratois, en parlant Soutiens nombreux pour le constitué un comité scientifique précisément de sa région, avec une projet de sentier composé des critiques suivants : composante particularisante procheEcrits Sylviane Dupuis (Université de de certaines affirmations franco- Genève), Doris Jakubec (Université de phones. Ecarté de l’édition des , Lausanne), Claire Jaquier (Université ce texte, dans cette nouvelle édition, De nombreux adhérents ont manifesté de Neuchâtel), Daniel Maggetti s’annonce essentiel pour comprendre le plaisir de voir naître prochainement (Université de Lausanne), Antonio les diverses facettes de Gustave Roud. un sentier Gustave Roud. Ce projet Rodriguez (Université de Lausanne), a également suscité l’enthousiasme Peter Schnyder (Université de Haute- de plusieurs organismes contactés Alsace), Mathilde Vischer (Université Vues sur Rimbaud à l’honneur pour un soutien. Ainsi, la commission de Genève). culturelle du Canton de a accordé une aide à ce projet, tout Vues comme la commune de Carrouge, Ecrit à Carrouge chez Fata surLe site Rimbaud du service de presse suisse qui s’occupera de son entretien à Morgana (www.culturactif.ch) a fait de terme. Il ne reste maintenant plus son livre du mois en qu’une dernière ligne droite avant de décembre 2010. Ce beau volume concrétiser le projet. deAujourd’hui Gustave Roud, illustré par Sarah Gustave Roud Aujourd’huia tenu les rubriques Kaliski, reprend un texte central Roud mis en musique « Ecrit à Carrouge » et « Calendrier » d’ daté de 1931, qui dans la revue . A paraître montre l’importance de Rimbaud pour cet automne, ces textes rassemblés le poète. Roud y défend Claudel dans Le compositeur suisse Jürg Frey et commentés par Daniel Maggetti sa polémiqueVues avec sur Rimbaud,les surréalistes. illustrent parfaitement le processus (né en 1953) est depuis longtemps d’écriture de l’auteur, en allant de la Gustave Roud, postface et animé par l’œuvre de Gustave Roud. notes d’Antonio Rodriguez, dessins de Sarah Il prépareJournal actuellement une mise note vers le recueil. Ils permettent Kaliski, Fata Morgana, 2010. aussi de saisir le rôle de secrétaire de en musique sur quelques phrases la revue tenu par Gustave Roud. tirées du . L’ A.A.G.R. suivra désormais de près son travail. 3 l’entretien

A Grignan, l’après-midi avec Philippe Jaccottet

Propos recueillis par 70 ans après leur première rencontre, Philippe Jaccottet Antonio Rodriguez évoque la relation intense qu’il a entretenue avec Gustave Roud. Il revient sur les premiers contacts, l’évolution de la relation ainsi que sur les choix La rencontre La première éditoriaux après le décès de son maître et ami. rencontre avec Gustave Roud a eu lieu enAntonio 1941 auRodriguez Prix Rambert : ; il y a 70 ans. Comment s’est-elle déroulée ? Philippe Jaccottet : Il y avait aussi les romantiques allemands... Sans trop craindre qui m’a été décerné en 2010. J’ai eu de répéter ce que j’ai déjà pu en l’impression que Roud me donnait la Elégies de écrire, je dirai simplement que cette clé des émotions que je commençais DuinoOui. Néanmoins, moi qui avais alors journée fut décisive. Je ne connaissais à ressentir vaguement. C’était déjà essayé de traduire les même pas alors le nom de Gustave véritablement extraordinaire. Ensuite, , j’ai eu l’impression que Roud Roud. J’avais en revanche une j’ai acheté certains livres de Roud, et ne les connaissait pas encore, tant grande admiration pour Ramuz. A je lui ai envoyé un exemplaire pour Hölderlin comptait plus pour lui dans 16 ans, il était pour moi une sorte une dédicace. Ainsi a commencé notre Neces connaissait-il années-là. pas les d’idole lointaine que je n’aurais Assezamitié. vite, vous lui écrivez qu’il est un ? jamais osé approcher, étant donné des seuls avec qui vous pouvez parler de Lettres à un la réputation qu’il avait d’être un Claudel. Quelle importance ce partage jeune poète « timide intimidant ». Quelqu’un avait-il pour vous ? Je ne sais pas, mais c’est possible ; m’avait prévenu que les Zofingiens Gustave Roud n’était pas un allaient décerner le prix Rambert à dévoreur de livres. Il avait des goûts Gustave Roud. Ce soir-là, je me suis Je lui ai dit cela ? Tiens. Beaucoup de relativement limités. Il était passé à déplacé simplement pour voir Ramuz. choses me touchaient chez Claudel. côté de plusieurs poètes qui lui étaient Mais l’image de la personne discrète contemporains sans aucun regret. Ce et frêle de Gustave Roud entrant n’était pas son affaire, et il était déjà dans la « Blanche maison » devant assez pris par la lecture des plaquettes les drapeaux et les grandes tenues « J’ai eu l’impression d’auteurs romands qui s’accumulaient des Zofingiens m’a fait impression. que Roud me donnait la sur sa table et auxquels il répondait Il y avait là une grande table avec avec beaucoup de courtoisie, sinon Roud, Ramuz et Georges Anex, qui clé des émotions que je toujours d’enthousiasme. Mais un présentait la soirée, ainsi que Mermod, commençais à ressentir souvenir très vif me reste de ces virevoltant de plaisir. Je revois tout Cantate à trois voix premières visites chez Roud : celui cela très distinctement, malgré la vaguement. » de ces étagères d’où il tirait pour moi distance. A un moment, Ramuz a repris Or, la était un des les admirables volumes de l’édition Anex, qui avait eu le malheur de dire livres préférés de Roud. Je partageais Hellingrath de Hölderlin avec des fac- que Gustave Roud était « primé », cet avis. Aujourd’hui, il y a sans doute similés de manuscrits. pour lui indiquer que le mot convenait moins d’admirateurs passionnés pour mieux aux concours agricoles et aux l’œuvre de Claudel, mais je lui suis Nouvelle Revue Française LesCette débuts rencontre littéraires autour de la traduction, vaches qu’aux poètes. J’ai été déçu par resté fidèle. A mon arrivée à Paris, les du passage fréquent en Suisse entre les le discours de Ramuz : visiblement, noms de la traditions allemandes et françaises, se l’œuvre de Roud n’était pas son idéal comme Gide, Valéry ou Martin du Gard déroule dans un contexte de guerre. poétique. En revanche, la réponse avaient un prestige considérable. Gide Aviez-vous des discussions sur les enjeux de Gustave Roud a été pour moi était presque l’objet d’une religion. Qui politiques de l’époque ? une chose profonde. La promenade le lit encore ? Il me semble que Claudel Journal nocturne jusqu’à l’aube qu’elle évoque reste malgré la déchristianisation. m’est restée inoubliable, au point Mais sans doute son génie dépasse-t-il Jamais. On voit bien dans le que c’est par sa conclusion que j’ai de loin sa fidélité au dogme. qu’il a des réactions très vives au ouvert ma réponse au prix Schiller l’entretien 4

deux solitudes, et peut-être la naissance de la poésie lors de l’adolescence... moment de l’entrée en guerre de monter à l’étage, dans la pièce où il l’Italie. Il suffit de quelques lignes travaillait. Cette maison de campagne comme celles-là pour imaginer que Bien sûr. C’est un phénomène fréquent. était un très beau lieu. Roud, par cette situation ne lui était absolument Dans mon cas, c’est tout à fait clair. temps froid, vous faisait asseoir Ecritspas indifférente. Il y a aussi la lettre à Etiemble a eu beau combattre le mythe sur la banquette du grand poêle de Mermod pendant la guerre dans les Rimbaud, son pouvoir aujourd’hui pierre ollaire. Il y avait souvent une , qui est importanteRequiem sur ce plan- encore tient à cette découverte tarte confectionnée par Madeleine ; là. Je ne sais plus très bien comment centrale de l’adolescence. Le sentiment toujours une sorte de calme. L’homme il avait réagi à mon , sinon, de solitude était vif chez moi. La d’angoisse, voire de désespoir, ne peut-être, avec plus d’enthousiasme solitude de Gustave Roud a eu d’autres transparaissait pas. Son humour était qu’il n’en ressentait vraiment. Dans raisons, mais il était là-dessus d’une discret. Dans le film de Soutter, le la nouvelle génération, il n’y a que incroyable discrétion. Il y avait en lui petit sourire qui lui échappe lors de la qui l’ait vraiment beaucoup de noblesse. Au fond, cette fausse note échappée au pianiste est enthousiasmé. Les poèmes que j’ai noblesse impressionnait nombre de Faisiez-voustellement de des lui promenades! ensemble ? gens qui l’ont connu, même s’ils ne le considéraient pas comme un des plus grands poètes du siècle. A la fin de sa Je n’ai pas souvenir d’avoir fait « Il aimait accueillir les vie, je me disais qu’après sa mort son beaucoup de balades avec lui. Je ne œuvre pourrait être même plus proche sais pas pourquoi. Je me vois beaucoup poètes, contrairement à des lecteurs que celle de Ramuz, plus souvent à l’intérieur. Malgré ce Ramuz qui n’a pas joué chez qui il y a une sorte d’archaïsme. texte sur une promenade nocturne et ce rôle-là ou encore à Chez Roud, il y a la puissance d’une un cerisier en fleurs très beau, mais expérience spirituelle, mais nullement Dansdont j’aivos oubliédébuts les littéraires, circonstances. vous avez Matthey qui donnait Cetdésincarnée homme solitaire et douloureuse. est pourtant eu une tentation d’écriture théâtrale. plutôt l’envie de le fuir... » un centre dans le milieu poétique Comment Gustave Roud a-t-il réagi à romand. L’isolement à Carrouge offre cette démarche ? commencé à publier à partir de mon un contraste étonnant avec celui qui séjour à Paris n’allaient pas forcément reçoit les jeunes poètes et qui participe dans le sens de ses préférences ; de à l’attribution des prix. Gustave Roud n’a pas réagi. Je suis même qu’il n’a jamais pu entrer dans d’ailleurs bien content que ces deux la poétique d’Ungaretti. Ce n’est pas manuscrits, avec leur influencePerceval un reproche ; il était ainsi. Mais cela Il aimait accueillir les poètes, claudélienne, aient complètement explique sans doute une distance qui contrairement à Ramuz qui n’a pas disparu. Dans le texte intitulé , ne s’exprimait pas face à mes poèmes, joué ce rôle-là ou encore à Matthey qui qui a été lu à la Guilde du livre, il était alors que nous avions tant d’échanges donnait plutôt l’envie de le fuir, quand question d’un jeune homme trop sur l’essentiel. bien même on l’admirait. Gustave chaste, comme Perceval, plongé dans Roud représentait l’accueil et le don un contexte de guerre. Je ne suis pas Pendant la guerre, à Lausanne, nous Ilnaturel rassemblait de l’amitié. des gens tout à fait sûr que Roud ait assisté à cette soirée, étions passionnément francophiles. différents : vous, Chappaz, Borgeaud, d’ailleurs. Ma vie avait comme deux pôles : le Chessex... pôle nord, lunaire, qui était celui de L’inversionDans la correspondance, des liens nous voyons au Gustave Roud, et le pôle sud, solaire, fur et à mesure l’ascendant s’inverser : celui de Lélo Fiaux, bon peintre et C’est pour cela qu’on a aussi pu parler il vous oriente d’abord dans le milieu personnage intensément radieux. Dans du « mythe Roud », qui aurait suscité littéraire, puis c’est vous qui le guidez et ce milieu-là, l’amour de la France se une ferveur disproportionnée. Il avait le conseillez. manifestait de manière passionnée, ce côté humain tout à fait attachant. La mais enRencontre, dehors de toute réflexion présence même de sa sœur participait politique véritable. Ensuite, avec la à l’atmosphère. Madeleine était une C’est beaucoup dire ! Mais il est vrai revue il y a eu quelque femme admirable. Chaque fois que je qu’il y a eu un moment où quelqu’un chose de nouveau en Suisse romande, revois son visage en photographie, je du Centre de L’Illustrérecherche sur les lettres et la naissance d’une littérature plus suis touché. Elle était tellement fine romandes avait rassemblé ses articles politique. Mais je n’étais pas dans ce et courageuse. Elle aussi avait une publiés dans , et j’ai été assez registre-là. Ce qui ne signifie pas le certaine noblesse, comme peuvent en sévère pour lui conseiller de ne pas moins du monde une insensibilité aux avoir les paysans. Elle était présente et faire paraître ce choix. Envers Roud, Dansproblèmes votre rencontrede l’engagement. avec Gustave Commentdiscrète. Roud recevait-il les jeunes j’ai été très franc, et il m’a écouté. A Roud émerge l’impression d’une poètes dans sa demeure de Carrouge ? partir de ce moment-là, il y a eu un possibilité de faire coïncider non changement. Une fois malade, il m’a seulement deux sensibilités, mais aussi demandé de veiller sur son œuvre. Il C’était généralement dans le « salon » savait que je n’étais pas à ses pieds du bas. Il était plus rare qu’il vous fasse pour lui dire que toute son œuvre 5 l’entretien Photo : Marcel Imsand : Marcel Photo

Philippe Jaccottet et Gustave Roud, signature chez Payot, 1968. Requiem

était admirable, et cela lui a donné à terminer le , même si on y heureux de ce qui se passe Ilconfiance. semblait aussi dévoré par le doute. sent l’effort ici ou là. C’était un devoir actuellement. Parfois, j’ai douté de End’amitié, même maistemps, je vousne pouvais avez pris faire le rôleplus. la possibilité que cette œuvre entrât d’aider à le faire connaître, voire à dans la collection « Poésie-Gallimard », Oui, à l’excès. Je luttais contre cette sauver cette œuvre de l’oubli après sachant ce qui pourrait l’éloigner des pente, tout en sachant que c’était sa mort. Vous aviez aussi le souci de lecteurs français. L’œuvre restera inutile. Il avaitRequiem perdu le ressort qui lui toujours un peu secrète, mais ce avait fait écrire ses plus beaux textes. que sa forme a parfois d’inactuel, En dehors du qui est central, le rayonnement spirituel qui s’en le reste me semblait moins important. dégage peut le faire oublier. La si belle Le froid de l’âge l’envahissait, et harmonie de sa prose peut susciter des les hivers lui paraissaient de plus « Je suis content de ne réserves chez le lecteur actuel, mais en plus longs. A partir des années je crois qu’il y a une qualité spirituelle où il ne pouvait plus beaucoup pas avoir suivi Roud sur D’aprèsqui transparaît vous, une dans esthétique cette esthétique. de style marcher, on voit des photographies tous ses chemins. J’avais soutenu et continu serait-elle moins impressionnantes où il a l’air d’un d’actualité après la guerre ? homme perdu. Son visage trahissait une nature extrêmement Aviez-vousune tristesse l’envie sans de fond. lui rendre de la différente... » vitalité, de le sortir d’une mort qui faire passer sa démarche par-delà les D’où sa réticence à l’égard d’Ungaretti s’approchait lentement ? frontières suisses. que j’avais traduit. Pour lui, c’était Requiem beaucoup trop à l’opposé de son Journal besoin du « continu ». D’ailleurs, je Oui, car et certaines notes du Mon travail de « publiciste » de trouve que c’est le défaut de certaines où il parle de la lumière me Gustave Roud, pour ainsi dire, a de ses traductions de Hölderlin : il semblaient très nouvelles. Il fallait le commencé assez tôt ; dès 1955 où atténue une âpreté qui, aujourd’hui, pousser à poursuivre, à aller dans ce j’ai écrit un texte pour Mermod. au contraire, est quelquefois trop sens-là, d’ailleurs très beau. Il a réussi C’est pourquoi je suis profondément soulignée. Je le trouve surtout l’entretien 6

Elégies troisième volume des à réaliser, tout comme le projet d’un quatrième Aujourd’hui admirable dans les , là où et d’un cinquième volumes,Ecrits sur la Mais il reste des choses à redécouvrir, il y a une grande musicalité. Et je traduction et les textes consacrés à comme certains textes d’ , suis heureux d’avoir pu insérer ses l’art. Les choix étaient à faire. Parmi auxquels je n’avais pas prêté attention traductions dans le volume de la ceux-ci, vous détachez . Outre Commentimmédiatement. a eu lieu la discussion Pléiade, même si cela n’a pas plu à ce que vous avez déjà expliqué dans la avec les éditeurs : François Daulte tout le monde, notamment à certains préface, en quoi Haut-Jorat vous semble pour la Bibliothèque des Arts, Jean Vousheideggériens évoquiez auparavantfanatiques. le pôle déséquilibrer les ? Hutter pour Payot et Bertil Galland ? lunaire ou nordique face au pôle solaire. Haut-Jorat Comment concilier la cohérence de Ce qui est marquant avec Ungaretti, Ecrits votre positionnement avec des intérêts avec votre voyage à Rome lorsque vous Avant de répondre à cela, je dirai éditoriaux différents ? étiez jeune, est ce besoin de partir loin simplement que je suis relativement d’un enfermement. satisfait de ce que j’ai pu faire, mais que je n’aurais jamais pu le réaliser Evidemment, j’ai regretté que Mermod sans l’appui du Centre de recherches ne fût plus là pour garantir la suite Oui, je suis content de ne pas avoir sur les lettres romandes, sans Doris des publications. C’était une figure suivi Roud sur tous ses chemins. d’une qualité rare. Plus les années J’avais une nature extrêmement passent, mieux je mesure cela, différente. J’ai eu le goût de avec gratitude. Ensuite, il était voyager dès 1946. Pour Roud, naturel que François Daulte qui l’horizon du midi existait très avait repris une grande partie lointainement. Ses moyens du fonds Mermod fût chargé de étaient limités, mais il avait aussi poursuivre les publications. Jean la crainte de trop s’éloigner de Hutter était peut-être un peu son centre. Crisinel le redoutait moins proche de Gustave Roud. Dansplus encore. la poésie romande d’après- Quant à Bertil Galland,Journal arrivé le guerre, la dimension spirituelle dernier, il n’a pas été le moins prend une grande importance, au chaleureux. Pour le , nous point où elle semble participer avons eu quelques différends. de soi à une démarche poétique. Son point de vue était peut-être Il s’agit bien évidemment plus « actuel », mais mes réserves d’une spiritualité en partie plus fidèles à l’esprit de Roud. déchristianisée qui semble réunir Aujourd’hui, ces réserves n’ont les poètes et les critiques autour plus de sens, mais elles en avaient d’une quête commune. immédiatement après son décès. N’oublions pas enfin Bruno Roy de Fata Morgana qui a très tôt publié Forcément, il y avait encore une Gustave Roud et qui poursuit son présence de la religion ; pour Dèstravail 1976, actuellement. vous avez eu aussi le moi,Journal glacée par les églises. J’ai souci que la photographie ne été très surpris de lire dans prenne le dessus sur l’œuvre le de Roud qu’il lui littéraire. Pour quelles raisons ? arrivait de prier. C’était de ces Est-ce toujours d’actualité pour Passionschoses dont il ne parlait jamais. vous ? Néanmoins, je me rappelle ces © Lettre inédite de Gustave Roud à Philippe Jaccottet, le 28 janvier de Bach, chaque année, à 1968 C.R.L.R. la cathédrale, capables de réveiller une Oui, mais aussi parce que j’ai une spiritualité intense, même chez des réticence devant la photographie en non-pratiquants. Et voyez la Bible, si Jakubec et ensuite José-Flore Tappy. général. En ce qui concerne Roud, il y présente chez Ramuz, les pasteurs de Elles ont eu un rôle absolument avait dans son activité de photographe Chessex. Il y avait un terreau commun, essentiel. Tout cela a représenté un un aspect très privé qui me gêne avec cette proximité de la culture important travail. Quant au choix, j’ai un peu. Cela dit, je pense surtout allemande qui nous distingue de la gardé encore aujourd’hui le sentimentHaut- qu’il reste d’abord un grand poète, France. On lisait Hölderlin ou , Joratqu’il y a un noyau, qui est le meilleur et qu’il ne faut pas mettre ces deux plus naturellement que les poètes de de Roud, et qu’un texte comme formes d’expression, chez lui, sur le France. est d’un niveau un peu inférieur, même plan. Reste que nombre de mais d’une qualité suffisante pour ses photographies sont de précieux être republié. Il y a toujours des documents sur ses « Campagnes L’éditeurVous avez joué et sesle rôle choix d’éditeur après Ecrits la mort de Gustave Roud. Il y avait le marges où l’on peut discuter. Les trois perdues ». volumes des sont ce qu’il a fait de plus beau et de plus important. 7 en bibliothèque Etat des lieux de la correspondance

Claire Jaquier Ces derniers mois, Claire Jaquier a réalisé un important « état des lieux» sur la correspondance de Gustave Roud pour la revue internationale L’Epistolaire aux éditions Honoré Champion. Gustave Roud est le premier poète francophone à y être présenté.

A la mort du poète, en 1976, Philippe Jaccottet découvre dans l’une des chambres de la lettres à des amis – maison de Carrouge la vaste Philippe Jaccottet, correspondance que Gustave Bertil Galland, Jacques Roud avait reçue tout au long Chessex notamment – de sa vie, et qu’il avait entassée datant de l’été et de sans la classer. Ce sont plus de l’automne 1976. La 10.000 lettres que Roud avait correspondance a conservées ; on peut estimer qu’il été pour Roud un rite en a écrit lui-même à peu près familial et amical, une le même nombre. Celui qu’on a pratique sociale et trop souvent qualifié de poète professionnelle, un rare fut un épistolier prolifique et exercice d’écriture de généreux de sa plume. première importance. La lettre a fécondé son La correspondance de Roud œuvre de multiples constitue, avec les manuscrits manières. de ses œuvres et traductions, le Fonds Gustave Roud, déposé Le fonds de la au Centre de recherches sur les correspondance lettres romandes de l’université roudienne a une de Lausanne. Outre les lettres valeur documentaire reçues, elle comprend les lettres considérable : les originales de Gustave Roud à lettres reçues livrent un petit nombre d’amis et de des témoignages et personnalités : notamment les informations d’intérêt poètes Edmond-Henri Crisinel, biographique, Philippe Jaccottet, Georges historique et Nicole ; les peintres Steven- sociologique sur Paul Robert, Jean-Jacques Gut ; © Roud, sa famille, les l’historien de la littérature C.R.L.R. milieux culturelse et la Henri Perrochon ; l’éditeur Lettre de Gustave Roud à sa mère vie éditoriale romands au XX siècle. Jean Hutter. D’autres lettres de Roud Il a également une valeur littéraire se trouvent dans des fonds publics une sorte de lettre-poème qu’il avait dans la mesure où il comprend des suisses, à Genève, La Chaux-de-Fonds, adressée, tout jeune enfant, à ses lettres de confrères et d’artistes avec ou Berne. Une part importante de sa parents. Dans ses dernières années, lesquels Roud entretient des échanges correspondance est encore disséminée c’est sous forme épistolaire qu’il qui portent sur les travaux poétiques dans des fonds privés ou dans les imagine les derniers textes auxquels en cours, les projets et préoccupations archives de maisons d’édition et de il voudrait encore se consacrer : les éditoriaux, les lectures, les expositions revues. « Lettres du bois des Tailles », du visitées, les questions esthétiques et nom d’un lieu-dit entre Thierrens morales liées à la création. Pendant toute sa vie, Roud a écrit et Neyruz où il se reposait lors de des lettres et aimé ce mode de ses promenades ; un recueil de Journal On peut distinguer deux ordres dans communication à distance. Dans lettres fictives à sa mère morte, à la pratique épistolaire de Roud : son de 1917, il copie, tel un son ami René Balsiger, à des fleurs. l’ordre familial et amical d’une part, premier témoignage de sa vocation, Les derniers écrits de Roud sont des l’ordre professionnel d’autre part. en bibliothèque 8

A sa mère, à sa sœur, à ses tantes, à membres de la famille sont séparés, à des cousins et cousines, à des amis exprimer les sentiments d’affection, ou amies qui ne font pas partie des à dire la préoccupation à l’égard milieux littéraires, à des amis paysans d’autrui. Pudiques, souvent enjouées dont le prénom apparaît parfois et complices, elles ne touchent pas à dans l’œuvre – par exemple Olivier l’intime mais expriment l’attachement et Fernand Cherpillod, René Balsiger, de manière sensible, comme le révèle Marcel Perrette, Jakob Bieri –, Roud cette lettre de la mère : « Tu sais, écrit des lettres familières, destinées à le temps nous dure sans toi, mon entretenir les liens affectifs. Les lettres cher gros, les semaines traînent, on d’ordre professionnel comprennent les compte compte, et on croit toujours relations d’affaires avec les éditeurs, s’être trompé, pas encore un mois ! » imprimeurs, journalistes, ainsi que les Non datée, cette lettre doit avoir été échanges avec des écrivains, peintres, adressée à Roud dans les années traducteurs, critiques, qui ont à la 1928-1929, alors qu’il faisait un séjour fois un caractère professionnel et un dans un sanatorium de Leysin, pour caractère privé, se manifestant dans soigner une affection pulmonaire. Elle les registres variés de l’amitié. Cette fait partie de la douzaine de lettres division de la correspondance reflète de la mère que le poète a conservées une division de nature sociale : d’un pieusement dans une petite enveloppe côté, fidèle à ses origines paysannes, jaune marquée « maman », et qu’il relisait souvent. Appel pour la sauvegarde des De manière générale, Roud préfère De manière générale, la lettre à la rencontre, déplorant à lettres maintes reprises dans son journal Roud préfère la lettre à ses angoisses face à celle-ci. S’il lui la rencontre, déplorant à arrive d’écrire pour mieux tenir ses Afin que la correspondance maintes reprises amis à distance, il entretient le plus souvent sa correspondance pour faire encore éparse de Gustave Roud dans son journal ses vivre une communauté de cœur et soit rassemblée, nous lançons ici angoisses face à celle-ci. d’esprit susceptible de compenser un appel à toutes les personnes la solitude de son existence. Avec qui sont en possession de ses amis écrivains ou artistes, c’est lettres du poète : dans le but de également une solidarité et une protéger ce patrimoine, nous Roud se sent proche des gens de la communauté de destin qu’il cherche les prions de prendre contact campagne, du monde rural, sensible à faire consister dans l’échange avec le C.R.L.R. ou l’A.A.G.R., afin au climat familier et chaleureux de épistolaire. Il écrit pour entretenir de déposer les lettres de Roud son entourage familial ; de l’autre, des relations d’échange et de don qu’elles détiennent dans le Fonds par ses études, ses contacts avec des qui ne se limitent pas à l’objet lettre. Gustave Roud, où elles seront représentants de l’élite culturelle Livres, manuscrits, photographies, Contactsconservées et mises en valeur. romande et de la bourgeoisie cultivée, disques, fleurs, graines et plants, vins, il est lié au monde urbain, qui lui corbeilles de fruits – et même parfois permet de se faire éditer et lui offre la un chat – accompagnent ou suivent les Centre de recherches sur les reconnaissance dont il a besoin. lettres. Roud a le sens du don et le goût lettres romandes, Université de de la circulation des objets, offerts et Lausanne, Unithèque, Roud a baigné dans un milieu familial reçus en gages d’amitié. Cultivant le 1015 Lausanne, qui cultivait l’écrit épistolaire : plus souvent dans ses lettres un ton de tél. 021.692.30.31 quelques lettres des grands-parents bienveillance et une grande attention ([email protected]). paysans de Roud, de son père, de sa à autrui, il se montre sensible aussi mère, toutes d’une graphie soignée à la qualité du papier, de l’encre, de Association des Amis des et d’une orthographe parfaite, l’adresse manuscrite sur l’enveloppe, Gustave Roud, l’attestent ; deux albums de cartes de et plus généralement à la poésie de 1084 Carrouge vœux reçues par Gustave et sa sœur l’acheminement postal. ([email protected]). Madeleine enfants, entre 1905 et 1910, illustrent également ce rôle de l’écrit Tout dépôt ou don de lettres dans la culture des liens familiaux. Les NdR. La bibliographie des échanges au CRLR peut être réglé par lettres – qu’on conserve comme des épistolaires publiés peut être une convention, qui définit les dons et auxquelles on se fait un devoir consultée sur le site de l’AAGR : www. conditions au cas par cas. de répondre – servent à prendre et gustave-roud.ch donner des nouvelles lorsque les 9 publications Correspondances avec Jacques Chessex et Bertil Galland

Laure-Adrienne Rochat Cette année, deux nouvelles correspondances de Gustave Roud sont publiées : l’une avec l’écrivain Jacques Chessex, qui a toujours tenu le poète de Carrouge pour un maître (chez Infolio) ; l’autre avec l’éditeur et journaliste Bertil Galland (Cahiers Gustave Roud n° 14). Le Centre de recherches sur les lettres romandes en a assuré l’édition scientifique. Le 4 juillet 1956, Jacques Chessex, alors jeune auteur, écrit sa première lettre à Gustave Roud : « Permettez- moi de vous demander conseil : a suscité de nombreuses réactions douloureuse. » Voici un court aperçu voilà longtempsCahiers que Vaudoisnous projetions, en Suisse romande, notamment de ce que nous trouvons dans ces quelques amis et moi, de refonder la rupture entre Marcel Regamey deux correspondances, soit un vaste la revue des . Seriez- et Bertil Galland, crée un trouble état des lieux des rapports directs vous assez aimable pour m’accorder profond chez Gustave Roud. Il écrit et indirects entre Gustave Roud, une entrevue à Carrouge un de ces à Bertil Galland : « J’ai eu grande Jacques Chessex et Bertil Galland. Ces prochains jours? Ce serait tellement joieCarabas à revoir Maurice [Chappaz]. échanges témoignent de situations plus facile pour nous de faire le point Nous avons, vous le devinez, parlé amicales et conflictuelles, en nous après des conseils ou des suggestions de longuement. Pour moi plongeant au cœur des débats d’ordre de votre part... ». L’année suivante, qui n’ai pas encore remercié Chessex idéologique qui agitaient alors le Bertil Galland prend la plume et de son présent ni de sa dédicace, ce champ littéraire romand. s’adresse à Gustave Roud pour texte m’a plongé dans des perplexités évoquer la Fête des Lettres vaudoises, infinies et j’attends d’être au clair Annotées avec précision par le qui le met à l’honneur, et surtout les avec moi-même à son sujet pour en Centre de recherches sur les lettres suites de l’affaire Bonnard. Les deux parler à l’auteur.couvrir Il me semble que romandes, ces publications sont aussi correspondances manifestent une Jacques y donne de la voix pour enrichies de documents rares ou importante concordance, dans le essayer de une autre voix inédits, parmi lesquels une postface de contexte de tension qui accompagne venue de plus profond : il s’étourdit Bertil Galland. une affirmation des lettres vaudoises pour ne pas l’entendre, ce perpétuel – autourEcriture. de Marcel Regamey paroxysme en donne une preuve notamment – et voit la naissance de la revue Souscription à tarif préférentiel pour les membres de l’A.A.G.R. Gustave Roud, placé haut dans l’estime de ses correspondants, est mis dans la position d’adouber les projets réalisés par le jeune auteur et son éditeur. Les membres de l’Association des A.A.G.R. Il assume ce rôle non sans nuances, Amis de Gustave Roud bénéficient Mme Sylviane Paquier car il se garde de certains principes 1084 Carrouge - VD d’un tarif préférentiel de fr. 26.- au Carabasd’affirmation, régionale. Suisse lieu de fr. 32.- pour une souscription ou par le biais du site internet : de la correspondance Roud-Chessex [email protected] livre de la discorde avant le 31 juillet. L’envoi à domicile est assuré par les éditions Infolio. « Après la parution de Carabas, c’est Par ailleurs, nous rappelons que l’acquisition des Cahiers Gustave une sorte de pudeur (non, ne riez Il suffit d’envoyer un message de Roud par les membres offre une pas de ce mot dans ma bouche) qui commande à l’A.A.G.R. avec les remise de 25%, soit fr. 29.- au m’a empêché de vous refaire signe. Je mentions suivantes : nom, adresse lieu de fr. 39.- en librairie (frais me disais que vous n’aviez pas aimé de livraison, nombre d’exemplaires d’envoi en sus). Vous pouvez les ce livre, que nous serions gênés de commandés à fr. 26.- (frais d’envoi commander aux mêmes adresses. nous revoir en pensant l’un et l’autre en sus). à ce qui l’avait fait naître et à ce qu’il disait...» (Jacques Chessex à Gustave Roud, le 13 mai 1972) L’ouvrage, qui recherche 10

Un colloque Roud-Jaccottet à l’université de Lausanne Les 26 et 27 avril 2012 aura lieu à l’université de Lausanne un colloque international, co-organisé par l’A.A.G.R., qui réunira de nombreux spécialistes des œuvres de Gustave Roud et de Philippe et suisse, l’échange des honneurs, valeurs esthétiques et valeurs Jaccottet. Ce sera l’occasion d’interroger en profondeur les symboliques, Roud-Jaccottet face à convergences et les divergences d’une filiation littéraire. d’autres groupes). 3. LesEcrits questions éditoriales (Philippe Jaccottet éditeur de Roud : les , le Journal, le rapport à la II.photographie). Enjeux esthétiques La première rencontre de PourPhilippe un Jaccottet devient le maître d’œuvre MoissonneurJaccottet avec Gustave Roud date de des principales éditions que nous 1941, lorsque l’auteur de possédons aujourd’hui, en faisant des 1. Figurations du poète reçoit le prix Rambert. choix, parfois radicaux, et en tenant (le personnage du poète, sa fonction, Le jeune homme âgé de seize ans compte des souhaits des éditeurs. le rapport à la spiritualité, le rapport est aussitôt subjugué par la teneur Ce colloque se propose d’interroger au réel, l’inactuel, l’acte d’écrire). de la réponse de Gustave Roud en profondeur et sur plusieurs 2. Les genres pratiqués qui évoque la fonction spirituelle plans les liens étroits et complexes (proses poétiques, l’annotation au du poète, les délices de la marche entre ces deux poètes, entre ces quotidien, la lettre, le vers, écrits sur nocturne ou encore la quête de l’infini deux œuvres. Non seulement des les arts plastiques). dans le fini. Dès 1942, un lien étroit questions biographiques, historiques 3. Stylistique, énonciation et se tisse, et le poète de Carrouge et sociologiques seront clarifiées, mais imaginaire accompagne le jeune Jaccottet dans sa aussi des questions esthétiques dans (énonciation, rythme, personnages, découverte de la poésie, en devenant les proses, les brouillons, les notes continu/discontinu, images, motifs, progressivement son premier maître. critiques ou encore les traductions. paysage, saisons). La relation évolue, et elle prend un 4. Traductions et passages tournant à la fin des années cinquante, Si, ces dernières années, l’œuvre de (le rapport à Hölderlin, Rilke, la Jaccottet a été largement traitée sous divergence sur Ungaretti, le rapport à différents aspects par la critique, les l’Allemagne ou à l’Italie). convergences et les divergences avec Non seulement des la démarche de Gustave Roud sont questions biographiques, souvent restées dans l’ombre. Ce historiques et colloque international, qui rassemble de nombreux spécialistes, se propose sociologiques seront de détailler ce qui lie et sépare Les deux colloques clarifiées, mais aussi des concrètement les deux parcours, dans précédents les faits et dans l’écriture. questions esthétiques dans Axes du colloque les proses, les brouillons, les notes critiques ou I. Enjeux biographiques, historiques et sociologiques Le premier colloque universitaire encore les traductions. a eu lieu en 1986 à l’université de Lausanne sousCahiers la direction Gustave de 1. Les questions biographiques et RoudDoris Jakubec. Les actes ont été au moment où Jaccottet s’émancipe, historiques publiés dans les en obtenant une reconnaissance (les circonstances de la rencontre, n° 5. importante, alors que la force de les références communes, la création de PaysagesGustave Roud avec figuresest de transformation des liens, la Le deuxième colloque a eu absentesplus en plus menacée par le doute. correspondance, les rapports aux lieu en 2002 à l’université de jeunes poètes, Jaccottet et l’œuvre L’auteur de Haute-Alsace à Mulhouse.Les Il a posthume, Jaccottet aujourd’hui). soutientRequiem alors son aîné dans Cheminsété organisé de Gustave par Peter Roud Schnyder, sa démarche d’écriture, notamment 2. Les questions sociologiques qui a édité les actes dans pour que aboutisse. Désigné (Roud organisateur du champ (P.U. de par Gustave Roud pour gérer ses littéraire en Suisse romande, Jaccottet Strasbourg). publications posthumes, Philippe et les champs littéraires français 11 photographie Dans l’intimité de la maison de Gustave Roud

Avant la vente et la transformation de la maison du poète, l’association a mandaté le photographe Philippe Pache pour qu’il réalise un archivage sensible du lieu où vécut Gustave Roud pendant de longues années. Petit aperçu en noir/blanc d’un vaste ensemble en couleur.

© Philippe Pache, AAGR

15 hommage poétique

Si de très loin

Eric Ferrari

Le mot « voie » désigne l’itinéraire d’ascensionvoie négative pour morts et de renaissances. Faucheurs. Moissonneurs. atteindre un sommet. Lire Gustave Roud, c’est se Bûcherons. Des hommes habillés de bleu, signe trouver en présence d’une sorte de , d’appartenance à ces lieux frontaliers. ascendante vers les profondeurs, et qui se double Sans oublier Rose, nervalienne servante de feu, d’une trajectoire de dépossession impérative, « il figure de la promise vouée au seuil d’un éternel fallait cette privation première, cette rupture », dimanche, dans une auberge de campagne. « il fallait perdre la parole pour découvrir le vrai langage de toutes choses ». Le ciel étoilé est la grande nuit de l’homme qui cherche réponse, et « le poteau indicateur n’est A titre d’exemple, prenons un chemin apparemment plus qu’une hampe muette », on entend alors l’écho détourné, une photo : « autoportrait, vers 1950 ». Au d’un voyage d’hiver en toute saison, « un chemin premier plan, l’ombre d’un homme, à mi-corps, le d’où nul n’est jamais revenu » écrit Wilhelm Müller photographe sans nul doute. Au-delà, l’œil traverse dans le poème mis en musique par Schubert. Mais une zone grise, l’herbe d’une prairie, et cette réserve Gustave Roud nous fait revenir, « trouver enfin la permet d’atteindre le centre de l’image où deux région perdue », avec ses phrases à la respiration hommes à cheval se dirigent au galop, vers la droite. grégorienne, mélismes de la joie et de la douleur. Au dessus d’eux, la courbe d’une colline. Mais le plus Les mots galopent, allégés, nourriciers. Cendre. Lait. important, et ce n’est pas un hasard, Gustave Roud Ecume. sait construire son image, fût-elle au premier abord classique – n’oublions pas les textes sur Poussin – Face au « miroir fidèle et mort où m’apparaître », le véritable centre est l’espace vide entre les deux non pas apparaître, mais bien m’apparaître, nous cavaliers, une béance qui va guider notre regard voici au cœur de son brûlant travail d’écrivain, cette vers des arbres nus. Quatre, iciun joli chiffre reposant, friction perpétuelle entre s’éloigner du monde et équilibré, peut-être l’écho d’un autre jardin. s’y maintenir. Et quelle force de consentir à cet Tout ici, « mais qu’est-ce qu’ ? », se construit écartèlement « parmi ceux qui jouent à vivre ». comme une partition, mouvements, aires vides Nécessitée de prêter sa voix, savoir reconnaître dans telles des ponctuations, et le point d’orgue, le rouge-gorge l’allié du chant retrouvé, entendre paradoxal, l’immobilité d’une seule ombre. Est-ce là l’appel des morts avec le bouvreuil. Ecrire devient une manifestationveut active dire de cet « esprit-diamant », un art funéraire où rendre vivante la mémoire qui réfléchit mais qui sait aussi trancher.the rose « is Qu’est-ce the décantée, et aborder, en topographe à la respiration roseque ceis themonde rose ? », on pourrait répondre libre, une nouvelle région de l’être. « la rose est sans pourquoi » ou « ». Mais Gustave Roud sait trop bien, Négatif est aussi le terme qui désigne, en en lecteur et traducteur de Novalis, que «toute photographie, l’image latente, inversée. Pensons cendre est pollen», et qu’il faut se faire violence, à la phrase de Kafka : « il nous incombe de faire le une violence active qui est celle des timides, des négatif ; le positif nous est donné ». éloignés, s’y plier « gorge broyée », « ma vie à Etre à la marge, l’écriture y consent afin de réaliser mimer », « à m’enterrer à demi », « à me vautrer », l’épiphanie majuscule du jardin. Le sorbier, c’est « à traîner », afin que le langage se creuse et laisse l’arbre des oiseaux. Après combien de routes, venir l’autre fraternel. reprises jour après jour, comme un exercice d’abandon etEt d’aveuglement,in Arcadia ego « jusqu’à n’être plus Qui viendra oser son vrai visage ? Tous ces prénoms, qu’une cible nue » pleinement réconciliée. Une fois. Aimé, Olivier, René, possèdent la promesse terrestre Un instant. . d’un paradis reconstruit. Tous ayant métiers de adieu 16

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Poète, romancier, chroniqueur, François Debluë est membre de notre association. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié (Seghers, 2006), (Empreintes, 2008), la plaine, la poésie (Conférence, 2010). Comptant parmi les auteurs importantsConversation de Suisse avec romande, Rembrandt il a issn 2234-9812 ; version électronique : issn 2234-9820 reçu le Prix SchillerLe Frontpour l’ensemble aux vitres de son œuvre. De la Mort prochaine

Bulletin annuel de l’Association des Amis de Gustave Roud : « Il est minuit passé, et la lampe trop haut suspendue n’éclaire A.A.G.R. qu’imparfaitement le livre ouvert devant moi. J’en tourne les pages comme 1084 Carrouge-VD on feuillette les saisons et les passions d’une vie. www.gustave-roud.ch [email protected] de la publication : Une image, ici et maintenant. Celle d’un arbre basculé. Son tronc immense, décharné, hérissé de branches brisées, traverse la page, la déchire de toute Ont participéAntonio Rodriguez à ce numéro : sa longue et noire diagonale. castration Président de l’A.A.G.R.

À sa base, l’entaille est violente. Forestière et antique . Claire Jaquier, François Debluë, MisePhilippe en pages Pache, : Le coup de grâce a été donné. Laure-Adrienne Rochat Rubrique « Hommage » : Un homme s’éloigne, sa tâche accomplie, le dos tourné à cette mort qu’il Antonio Rodriguez contribue à accomplir. Relecture : L’arbre bascule, mais il n’est pas encore tombé. Quelle force le retient Mary-Laure Zoss de s’abattre sur le petit bois enneigé et transi ? Bascule-t-il vraiment, ou Laure-Adrienne Rochat s’élance-t-il sur fond de ciel gris ? Bulletin imprimé par La catastrophe ne tardera pas, mais un regard aura suffi à son provisoire l’Imprimerie Cornaz S.A. à Yverdon (Suisse), sursis. » 2e trimestre 2011.