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VALJEAN LA PIECE éligible aux Molières 2019

Spectacle disponible en français et en anglais.

Un seul en scène, une adaptation pure et intimiste des Misérables, - 1862 Au crépuscule de sa vie, Jean Valjean prend la plume pour livrer ses terribles secrets. Cosette, l’amour de sa vie, est partie...

Jean Valjean vit seul depuis le départ de Cosette qui vient d’épouser Marius, baron de Pontmercy. Le vieil homme, pour qui la vie vient de perdre tout son sens, sent son issue prochaine. Reclus, il décide d’écrire une lettre à son gendre pour lui révéler son identité, raconter sa terrible histoire, livrer sa vérité. Une occasion de revivre les temps forts de sa vie : sa jeunesse, dix-neuf années de bagne, l’étonnante rédemption, la réussite sociale... et la traque à nouveau. D’une haine farouche de l’espèce humaine à la découverte de l’amour, Valjean incarne une élévation de la conscience. Anti-héros devenu icone héroïque, il demeure avant tout un être humain et donc profondément vulnérable. Pour la première fois sous la forme d’un monologue, cette adaptation des Misérables nous donne une nouvelle approche, simple, essentielle et intimiste du chef-d’œuvre de Victor Hugo. Auteur/ Interprète : Christophe Delessart Mise en scène : Elsa saladin Durée : 1h10/ Dès 10 ans

Tout Public Co-production : Etoile et Compagnie – 41&41 Compagnie – Contact : Elsa Saladin : 06 81 37 12 39 [email protected]

Dates de représentations de Valjean au Théâtre Essaion Paris jusqu’au au samedi 12 janvier 2019 Les jeudis et samedis en français et les vendredis en anglais - de et avec Christophe Delessart - mise en scène Elsa Saladin

Pour plus d’informations : www.valjean.eu www.etoileetcie.fr https://www.billetreduc.com/214018/evt.htm

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Introduction au dossier pédagogique

Dès sa parution en 1862, le succès des Misérables est immédiat. Il existe aujourd’hui une dizaine d’adaptations théâtrales (dont la comédie musicale à succès de Robert Hossein). Plus de cinquante adaptations à l’image ont été tournées, en France et à l’étranger (films, téléfilms, dessins animés), des preuves de la modernité de ce roman toujours actuel ! Notre adaptation est une approche différente, simple, essentielle et intimiste du chef- d'oeuvre de V.Hugo : un monologue fidèle à l’auteur. Valjean, qui vit seul depuis le départ de Cosette, entreprend de révéler à son gendre sa terrible identité. Le geste artistique, la signature de ce seul en scène, en tant qu’adaptation et passage au plateau, est le dispositif de la lettre. Ici Valjean écrit à Marius. Et dans cette lettre il se livre, il revit les étapes qui l’ont constitué. Nous souhaitons proposer ce spectacle qui rencontre le succès depuis deux ans à Paris et Avignon aux élèves et enseignants de Français de collèges et de lycée (classes de 4ème, 2onde et terminales). Ce dossier est donc destiné aux professeurs qui souhaitent faire découvrir les Misérables à leurs élèves. Nous pensons en effet que notre adaptation théâtrale, centrée sur Jean Valjean, personnage clef du roman, dont nous partageons intimement l’évolution et les combats, en tant que spectateurs, est une opportunité d’amener de nouveaux lecteurs au désir de connaître le roman dans son intégralité. Ce dossier n’est pas exhaustif, c’est un document ressources pour les professeurs de Français afin qu’ils puissent préparer leurs élèves à la représentation théâtrale. Ils y trouveront des pistes d’exploitation pédagogique en lien avec les programmes et la culture littéraire.

Les multiples thèmes abordés dans les Misérables

La misère sociale est l’un des thé̀mes clé́s du roman. À l’origine, Hugo avait songé à intituler son roman Les Misères. Tous les acteurs centraux du roman, Jean Valjean, Fantine, Gavroche, Cosette... en sont victimes à un degré ou à un autre. Même Marius, pourtant issu d’une famille aisée, se retrouve contraint de vivre dans un taudis. Le thème de l’injustice est un autre thème clé du roman. La destinée de Jean Valjean, qu’Hugo retrace longuement dans la première partie de son roman, est celle de nombre d’individus qui se sont retrouvés au bagne. À l’origine de leur descente aux enfers sont un larcin, puis une peine sévère, puis la récidive... La dialectique de l’ordre et du désordre enfin est un autre thème clé des Misérables ; il est incarné par tout ce qui oppose Valjean et Javert, et la haine que voue celui- ci à celui-là.. On retrouve ces thèmes dans de nombreuses autres œuvres de Hugo. La misère sociale sert encore de toile de fond à Notre-Dame de Paris ou à L’homme qui rit. L’injustice est au cœur de Claude Gueux et du Dernier jour d’un condamné. La dialectique de l’ordre et du désordre se retrouve dans toutes les œuvres citées ci- dessus. Dossier pédagogique de Valjean 4

Les thèmes possibles à développer en cours : L’aspect social • la misère sociale • les filles mères souvent vouées à la prostitution (condition incarnée par Fantine)1 • la condition des enfants (incarnée par Cosette et Gavroche) au XIXème siècle • le prolétariat • l’ignorance et l’illetrisme • la réussite sociale et la bourgeoisie (incarnées par Monsieur Madeleine) • la noblesse (incarnée par la famille de Marius) • la guerre (bataille de Waterloo)

L’aspect religieux, moral et psychologique : • le clergé (incarné par Monseigneur Myriel) • la conscience / le bien et le mal / l’ombre et la lumière • la fatalité (incarnée par Fantine) • la chute et la rédemption chrétienne (incarnée par Jean Valjean) • la notion de résilience2 (incarnée par Jean Valjean) • la tolérance et le pardon (processus auxquels Marius va aboutir à la fin du roman) • la notion d’identité (La fonction des multiples identités de Valjean pour échapper à la police), Cosette ( un surnom) Fantine (dont le prénom ne sera dévoilé à sa fille qu’à la mort de Valjean) • la justice divine • la sainteté laïque (incarnée par Valjean) • l’ordre et le désordre • la mort

La justice et les lois humaines • L’injustice du système judiciaire (une des causes de l’injustice sociale ex : le procès de Champmatthieu) • La justice humaine et la police (incarnées par Javert) • le bagne, la prison et leur cruauté (disproportion des sanctions ex : le vol du pain = à 5 ans de bagne) • l’ordre et le désordre • Les combats politiques d’Hugo contre l’injustice sociale et la peine de mort

Le Paris d’Hugo et des Misérables3 avec quelques exemples • La place de la Bastille où un éléphant qui a été installé de 1812 et 1840 env.4Un fait divers (la découverte qu’un jeune garçon y avait élu domicile) donne à Hugo l’idée d’en faire la maison de Gavroche.

1 Voir l’annexe F4-extrait des Misérables où Hugo prend la défense des femmes réduites à la prostitution : Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fantine ? 2 Voir l’annexe I1- Article paru dans le journal les Echos en 2017 : Utiliser la résilience en s'inspirant de Jean Valjean 3 voir le site : http://www.terresdecrivains.com/Le-Paris-des-Miserables Dossier pédagogique de Valjean 5

• Le 7 rue de l’homme armé, où logent Valjean et Cosette au moment de l’insurrection est devenu aujourd’hui la partie de la rue des Archives s’étendant entre la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie et la rue des Blancs-Manteaux - voir la plaque au n°40. • Le 6 rue des Filles-du-Calvaire, adresse du grand père de Marius, puis de Marius et Cosette une fois mariés. • l’église Saint-Paul-Saint-Louis, rue Saint-Antoine, où a lieu leur mariage • Et enfin le 6 place des Vosges. Deux demeures de Victor Hugo sont devenues des musées. Celle de Paris et celle de Guernesey. Le site de la propose des visites virtuelles en ligne, une façon originale de découvrir le Paris de Victor Hugo.5

A- Avant le spectacle 1-Le XIXème siècle et ses changements : Un siècle de césures, de régressions et d’émergences.

La double césure qui a transformé la société « traditionnelle » en société « moderne » (révolution française et révolution industrielle) a marqué le XIXème siècle. Il est devenu synonyme de la percée des processus économiques, sociaux et politiques à long terme considérés comme précurseurs du monde moderne. Ce siècle a également vu l’apparition de la société capitaliste. La transformation sociale majeure provoquée par la révolution industrielle est bien sûr l'apparition de nouvelles classes, le prolétariat et la bourgeoisie industrielle.

1.1-Le contexte historique : dates clés Pendant la période des Misérables : de 1815 à 1832 • Fin de l’Empire Napoléonien (Napoléon Bonaparte) en avril 1814 et son exil sur l’île d’Elbe • Louis XVIII (frère de Louis XVI) : première Restauration – monarchie constitutionnelle - (du 5 avril 1814 au 20 mars 1815) • Les cent jours de Napoléon, la défaite de Waterloo le 18 juin 1815, et l’abdication de Napoléon quatre jours plus tard. Exil sur l’île de Sainte Hélène. • Louis XVIII et la 2onde Restauration (de juin 1815 à sa mort en1824) • Charles X (frère de Louis XVIII) et chef des ultras royalistes lui succède. • Les Trois Glorieuses : Révolution des 27,28 et 29 juillet 1830 où Charles X est renversé, exil en Angleterre. • Louis-Philippe, son cousin monte sur le trône, il est reconnu « roi des Français » : monarchie de juillet (du 9 août 1830 à sa mort : le 24 février 1848) • Echec de l’insurrection républicaine de juin 1832

Avant la période des Misérables, peuvent être également étudiés • La Révolution de 1789 • La première République • L’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte en 1804

4 . Cet éléphant de bois et de plâtre de vingt-quatre mètres de haut trônant au milieu de la place. dont Napoléon voulait faire l’emblème de la force et de la douceur du peuple français. 5 www.maisonsvictorhugo.paris.fr Dossier pédagogique de Valjean 6

Après les Misérables, peuvent être également étudiés : • La Révolution de 1848 • L’Election de Louis Napoléon Bonaparte (neveu de l’Empereur Napoléon 1er) le 10 décembre 1848 , l’instauration de la 2onde République • Le coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte qui devient Napoléon III le 2 décembre 1851… • les courant politiques de l’époque : socialistes, communistes, anarchistes, bonapartistes, royalistes, ultras conservateurs

Rappel : Jean Valjean rentre au bagne en 1795 pour avoir volé un pain. Rappel : Victor Hugo est né le 26 février 1802.

1.2-L’évolution des idées politiques Qu’est-ce que la politique pour vous ?

Le mot politique vient d'un adjectif grec « politikos », qui veut dire « relatif à la polis», la politique renvoie donc à tout ce qui est relatif à la cité. La cité est plusieurs choses. C'est d'abord la ville qui dans la société grecque était une république indépendante. Mais ça désigne aussi la communauté des citoyens. Donc ce mot polis peut être traduit de multiples façons. On peut aussi traduire le mot de polis par la notion de république ou encore d'Etat avec l'idée, que l'Etat est l'ensemble des citoyens. Par extension la politique, se conçoit donc comme la science des affaires de l'Etat.

Que se passe t’il au XIXème siècle ?

Au XVIIIème siècle, appelé le Siècle des Lumières, il y a aussi un fait social important : l'ascension de la bourgeoisie. De plus en plus, les bourgeois, les marchands, les hommes de loi, ont progressé suite aux grandes découvertes. La bourgeoisie qui s'est enrichie grâce au commerce, va réclamer des libertés, dont des libertés politiques, jusqu'à la révolution française. Elle en a assez de l'absolutisme de droit divin. La bourgeoisie est une classe peu homogène, comprenant des fonctionnaires (appelés officiers, les offices étant une tâche, une fonction), des financiers (des spéculateurs), des commerçants, des armateurs, des fabriquants, des intellectuels (homme de loi, ou personne ayant fait des études),… Mais cette classe a cependant une doctrine commune, et l'on voit apparaître une philosophie bourgeoise. C'est l'apparition d'une doctrine universaliste, où l'on parle de l'homme jusqu'à son apogée, "la déclaration des droits de l'homme et des citoyens". Mais au XIXème siècle en France la démocratie libérale se cherche, le problème de la place du religieux dans la cité se pose, de grands esprits s'interrogent sur le nouveau monde qui s'ouvre, tandis que d'autres cherchent les lois du devenir historique et la clef du paradis terrestre. C'est le siècle de Tocqueville, de Saint- Simon, de Lamennais... Libéralisme, conservatisme, socialisme, nationalisme s'affrontent et la République finit par s'affirmer. À travers les conflits franco-français, se construisent les fondements de notre culture contemporaine. Dossier pédagogique de Valjean 7

Cinq figures emblématiques parmi d’autres

Le libéralisme est principalement guidé par les idées d’Adam Smith (1723-1790), un philosophe des Lumières écossais considéré comme l’un des fondateurs de l’économie politique. Selon lui, le libéralisme est un moyen de mieux réussir son travail en se concentrant uniquement sur son intérêt, et non sur celui des autres. Ainsi, la société y trouvera également sa réussite économique et cette façon de faire permettra un travail effectué en toute liberté, sans contraintes extérieures. Cette philosophie privilégie aussi la liberté de penser, renforcée par les effets de la Révolution française.

L'écrivain Alexis de Tocqueville (1805 1859), descendant d'une famille de l'aristocratie normande, est l'un des principaux penseurs modernes, dans la continuité de Montesquieu. Mieux et plus tôt que quiconque, il entrevoit la naissance des démocraties modernes et les dangers qui les menacent.

Saint-Simon (1760-1825) met en place une théorie des classes sociales dans laquelle il oppose une majorité de travailleurs exploitée et une minorité d’exploiteurs que sont les oisifs, les propriétaires-rentiers et plus généralement tous ceux qui n’entreprennent pas. Pour lui le politique devient un aspect du système économique. La conception de Saint-Simon annonce les thèmes fondamentaux de la doctrine socialiste développée aux XIXème et XXème siècles.

Félicité Robert Lamennais (1782-1854) est ordonné prêtre en 1815, il s’affirme très vite comme l’un des défenseurs les plus actifs de la contre-révolution. Puis il prône un catholicisme libéral fondé sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Dès 1832, Lamennais, qui a volontairement supprimé sa particule nobiliaire (de La Mennais), rompt avec Rome. Son évolution personnelle fait de lui un précurseur du catholicisme libéral, du catholicisme social, ainsi que de la démocratie chrétienne.

Karl Marx (1818-1883) est allemand, il décrit les rouages du capitalisme et fonde son analyse des événements historiques sur les rapports sociaux. Il est connu pour son activité révolutionnaire au sein du mouvement ouvrier. Il participe notamment à l'Association internationale des travailleurs. L'ensemble des courants de pensée inspirés des travaux de Marx est désigné sous le nom de marxisme. Il a une grande influence sur le développement des sciences sociales, et ses travaux vont influencer de façon considérable le XXème siècle, au cours duquel de nombreux mouvements révolutionnaires se réclament de sa pensée. Dossier pédagogique de Valjean 8

1.3-La révolution industrielle

Qu’appelle t’on la révolution industrielle ?

C’est l’ensemble des phénomènes qui ont accompagné, à partir du XVIIIème siècle, la transformation du monde moderne grâce au développement du capitalisme, des techniques de production et des moyens de communication. Cette période est caractérisée par le caractère progressif de l'industrialisation, par l'enracinement du phénomène dans des structures agraires et par l'existence d'une phase précédant l'industrialisation proprement dite, la « proto-industrialisation ».

La première révolution industrielle désigne la période historique qui s'étend de la fin du XVIIIème siècle à tout le XIXème siècle. Elle est caractérisée par un changement considérable dans les techniques et les méthodes de production des biens matériels. Elle est liée à l'utilisation de la machine à vapeur comme moteur pour actionner des machines (en particulier dans l'industrie textile et la métallurgie). La production d'objets va devenir considérable. Les usines vont remplacer les ateliers artisanaux et les manufactures. Le besoin en capitaux pour créer les entreprises est permis par le développement du capitalisme. . Les ouvriers de l'industrie vont considérablement augmenter en nombre, et le travail des femmes et des enfants prend de l'importance. Leurs conditions de vie sont extrêmement misérables. Pour se procurer les matières premières et les sources d'énergie indispensables à l’alimentation des usines, les Européens se lancent alors dans la colonisation du monde pour en exploiter les richesses agricoles et minières. La révolution industrielle va aussi bouleverser les moyens de transports. La machine à vapeur va être placée sur des roues et donner ainsi les premières locomotives du chemin de fer. La machine à vapeur va actionner des roues à aubes puis des hélices et donner naissance à la marine a vapeur qui va progressivement remplacer la marine à voiles. On va faire rouler sur les routes des automobiles à vapeur et même de faire voler des avions à vapeur. La première révolution industrielle ne touchera pas tous les pays au même moment. Sont avantagés les pays qui disposent de charbon en grande quantité. Le premier pays concerné est le Royaume-Uni au XVIIIème siècle. Puis à partir de 1830 suivront la France, la Belgique, la Suisse et la Suède, puis plus tard l'Allemagne et les États- Unis. Tous ces changements entrainent des bouleversements dans la structure économique des pays concernés.

1.4-Les conditions sociales et la naissance du prolétariat en France

Le XIXème siècle est celui de l’émergence de bourgeoisie et de la classe ouvrière. Cependant la noblesse existe toujours.

L'aristocratie se distingue de moins en moins de la haute bourgeoisie, car la révolution industrielle et la Révolution française ont eu pour effet d'une part d'enrichir et de renforcer les entrepreneurs et chefs d'industrie, d'autre part de réduire ou d'éliminer les privilèges de la noblesse. Dossier pédagogique de Valjean 9

La vraie noblesse, celle des anciennes familles, va se concentrer dans les métiers des armes, la haute fonction publique, l'administration coloniale et la diplomatie.

La direction des grandes firmes relève de la haute bourgeoisie composée des grands capitalistes de la finance et de l'industrie. La haute bourgeoisie apparaît alors comme « une classe supérieure et une classe dirigeante » qui détient le pouvoir économique, politique et culturel et prend ainsi la suite de la noblesse dans l'Ancien Régime. A Paris, par exemple, vers le milieu du siècle, la bourgeoisie représente environ 15 % de la population, et se compose d'une minorité d'oisifs rentiers et d'une majorité d'actifs, car, selon la formule de Jean Jaurès6, « la bourgeoisie est une classe qui travaille », et elle travaille dans les diverses activités économiques : l'industrie, le commerce, la banque, le service de l'État ou les professions libérales.

Les écarts sont considérables : à l'intérieur de la bourgeoisie l'éventail des fortunes va de 1 à 280 ; avec le peuple, il s'étend de 1 à 10000.

La rupture de 1789 a ouvert les possibilités de promotion sociale pour la classe moyenne et ensuite l'industrialisation a permis son enrichissement progressif, sa montée en puissance dans la seconde moitié du siècle. Elle recouvre à peu près les différentes catégories de bourgeoisie, mais elle va gagner en importance en attirant à elle nombre d'enfants de paysans et d'ouvriers, jusqu'à représenter les 4/5 de la société au siècle suivant. La middle class ou le Mittelstand est donc formée, dans les échelons inférieurs, des artisans et petits commerçants. Les professions libérales voient leur importance s'accroître et le nombre des employés, ou clerks, gagne un peu partout dans la population active, avec la montée du secteur tertiaire dans des économies de plus en plus complexes, où la gestion des coûts de transaction devient un problème majeur.

Ce qu'on a appelé la montée des cols blancs, face aux cols bleus ouvriers, correspond à cette évolution : Les employés passent de 800 000 à 1 800 000 en France entre les années 1870.

Le peuple En 1866 à Paris les ouvriers représentent 57 % de la population. Adeline Daumard7 historienne française, estime que, dans la capitale, les trois-quarts des gens étaient « dans la pauvreté et la misère ». Ils vivaient au jour le jour, sans avoir la certitude de l'argent du lendemain. La population loge dans des conditions épouvantables : « Un effroyable entassement populaire dans les quartiers du centre et de l'est... où la densité et la saleté de l'habitat avaient converti la ville en un amas de pierrailles sans air et sans lumière ».

6 Jean Jaurès est un homme politique français né à Castres le 3 septembre 1859 et mort assassiné à Paris le 31 juillet 1914. Orateur et parlementaire socialiste, il s'est notamment illustré par son pacifisme et son opposition au déclenchement de la Première Guerre mondiale. 7 Adeline Daumard (1924-2003) est une historienne française contemporanéiste, spécialiste d'histoire sociale du XIXème siècle et particulièrement de la bourgeoisie. Dossier pédagogique de Valjean 10

Le capitalisme se traduit par une insécurité croissante pour le travailleur du fait de l'absence de toute protection sociale jusqu'à la fin du XIXème siècle. La seule charité remplace la redistribution organisée.

Vers 1840, les ouvriers travaillent en moyenne 12 à 14 heures par jour, et même 15 heures dans les industries textiles, pour des salaires de subsistance. Dans les industries domestiques, la durée du travail tourne autour de 16h par jour. Elle n'est nulle part limitée, sauf pour les enfants pour qui les premières réglementations datent de la première moitié du siècle. Il est courant d'en voir à partir de l'âge de quatre à cinq ans, ils composent plus de 20% de la main d'œuvre de l'industrie textile en Alsace. Plus dociles, moins payés, plus agiles et plus aptes à certains travaux que les adultes, ils constituent une force de travail exploitée sans merci. Ces conditions de vie misérables de la classe ouvrière au XIXème siècle entrainent le dénuement, la faim, le rachitisme des enfants, l'alcoolisme, la violence, l'insécurité, l'analphabétisme, la promiscuité, la prostitution.

L'insalubrité des logements dans les ghettos des quartiers populaires, les eaux souillées, la sous-nutrition favorisent les maladies de toute sorte (typhus, choléra). Même le centre des grandes villes est atteint, il est décrit comme « un cloaque, surpeuplé, insalubre, voire mal famé ». L'ouvrier dans la première moitié du XIXème siècle ne cherche même pas à vivre, mais à survivre, « vivre, pour lui, c'est de ne pas mourir ».

Le chômage est général au XIXème siècle dans les pays européens, un chômage structurel incompressible d'environ 20 % de la population active, aggravé dans les périodes de dépression comme celle de 1873-1896. La notion d'assurance ou d'indemnité de chômage, encore moins de revenu minimum, est inconcevable.

La classe ouvrière est aussi appelée le prolétariat. C’est à partir de 1850, après avoir tenté plusieurs grèves et manifestations, que la condition de travail des ouvriers s’améliorera par la création des syndicats qui auront surtout diminué les heures de travail et augmenté les salaires. Dossier pédagogique de Valjean 11

2. Les principaux courants artistiques au XIXème siècle

Le XIXème siècle culturel et artistique vit lui aussi de grands bouleversements avec la naissance du romantisme, du réalisme, du naturalisme, du symbolisme et pour finir de l’impressionisme.

Parmi les grands artistes de ce siècle en littérature, citons parmi d’autres les poètes Lamartine, Vigny, Musset, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé … dans le domaine du roman Stendhal, Balzac, Dumas, Hugo, Flaubert, Zola, Maupassant, Verne … et au théâtre le drame romantique avec ses partisans, Musset, Hugo, Edmond Rostand…

2.1 Le romantisme : mouvement de la mélancolie humaine (1820-1850)

Le romantisme se caractérise par la mise en valeur du rêve et de l’imagination, un intérêt pour la nature, les paysages et la représentation de l’humain. C’est l’expression des états d’âme, des sentiments, de la sensibilité et de la mélancolie. Pour autant, romantisme n’est pas synonyme d’idéalisation.

Le mouvement romantique est marqué par plusieurs ouvrages incontournables dans la littérature française : Mémoires d’Outre-Tombe de Châteaubriand, Les Méditations de Lamartine, La préface de de Victor Hugo8

Du point de vue artistique, le romantisme se caractérise par la prédominance de la sensibilité et de l’imagination sur la raison : La passion et l’intuition guident la démarche artistique. La vérité prime sur l’aspect collectif. La sensibilité tourmentée s’exprime de manière lyrique. Le trait est rejeté au profit du pictural.

En peinture, l’exaltation du moi est un trait essentiel du romantisme. Le courant se distingue par une homogénéité de l’oeuvre contrairement au néoclassicisme. La couleur devient expression à part entière tandis que l’image de l’homme se fait solitaire et tragique. 9 • Artistes peintres : Delacroix , Géricault, Tumer, Goya, Burnes Jones… • Musiciens : Berlioz, Gounod, Chopin, Liszt, Bizet...

2.2 Le réalisme et sa critique de la bourgeoisie

Le XIXème siècle est marqué par le mouvement réaliste. Il s’attache à décrire, dans le détail, les faits et gestes des personnages issus du peuple et de la bourgeoisie.

8 Voir l’annexe I2. 9 Voir les annexes H1 et H2 sur le tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple. Dossier pédagogique de Valjean 12

Le réalisme, né autour dès années 1840, et ayant été fortement développé après cette date (1845-1850), est un mouvement autant littéraire, que pictural visant à se rapprocher le plus possible de la réalité. Ce mouvement, d’une part jugé comme une nouvelle tendance de l’époque, était surtout intimement lié à la grande évolution des mentalités du XIXème siècle. La révolution industrielle, l’importance prise par le prolétariat, ainsi que les mouvements ouvriers, commençaient à intéresser les artistes réalistes, et souvent, à en devenir leurs sources d’inspiration (exemple : Zola qui s’intéressait particulièrement aux mineurs dans « Germinal »). En effet, le réalisme s’inspire de situations, de choses et de personnes, qui n’étaient, jusqu’à ce mouvement, non considérées comme esthétiques ou artistiques. Les auteurs réalistes et leurs œuvres majeures :

La Comédie Humaine de Balzac est une œuvre qui cherche à dénoncer les comportements sociaux, à travers les différents rôles que peuvent prendre les personnages, notamment Vautrin qui se révèle très fourbe.

Le Rouge et le Noir de Stendhal, qui a pour sous-titre Chroniques de 1830, illustre bien l’ambition et l’arrivisme du héros, qui a soif d’ascension sociale. Avec un profil de séducteur, Julien Sorel est prêt à tout pour réussir, même si à la fin du roman, il fait un chemin psychologique pour aller vers l’amour.

Dans L’Education sentimentale, Flaubert impose sa vision partisane et se montre particulièrement critique envers le peuple. Il peut même mettre une charge contre la société, avec son roman Madame Bovary (sous-titré Mœurs de Province).

Une vie de Maupassant est un ouvrage qui relate la vie de Jeanne, écrasée par la société. L’auteur cherche bien à décrire de manière fidèle le parcours de l’héroïne avec une narration objective, ce que l’on pourrait qualifier d’anti-héros.

• Artistes peintres : Courbet, Daumier, Fantin-Latour… • Musiciens Offenbach…

2.3 Le naturalisme : mouvement littéraire et laboratoire sociétal

Chef de file du naturalisme, Emile Zola est l’auteur phare du XIXème siècle, qui s’oppose radicalement au mouvement romantique. En effet, Zola refuse le fait que Victor Hugo puisse incarner le XIXème siècle. Le naturalisme va plus loin que le réalisme. Le genre narratif a un aspect scientifique plus poussé.

Zola définit son roman comme un laboratoire, à travers lequel il observe et étudie les comportements humains, dans le but de les dénoncer. Il fait des analyses très fournies en fonction des différents milieux sociaux. La notion d’hérédité est présente chez Zola en faisant intervenir des personnages d’une même famille, sur plusieurs générations.

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Caractéristiques du Roman Expérimental : • «nous faisons… de la psychologie scientifique » (Zola) • « le déterminisme domine tout, c’est l’investigation scientifique… qui remplace les romans de pure imagination» (Zola) • « il y a un déterminisme absolu dans les conditions d’existence des phénomènes naturels… [la méthode expérimentale consiste] à déterminer les conditions nécessaires à la manifestation de ce phénomène » (Zola) • « pénétrer le pourquoi des choses, pour devenir supérieur » (Zola) Les œuvres essentielles du naturalisme : La série des 20 romans des Rougon-Macquart est une œuvre fondatrice du naturalisme. Au travers de l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire, comme le sous-titre l’auteur, des romans comme Germinal, Nana, l’Assommoir, La Bête Humaine, Thérèse Raquin ont marqué leur époque et sont passés dans la postérité.

• Artistes peintres : Bastien-Lepage, Rosa Bonheur, Adler… • Musiciens : Bruneau, Charpentier, Massenet et ses opéras parisiens...

2.4 Le symbolisme : ou la conception spirituelle

Né dans la suite du naturalisme, en opposition à ce courant littéraire et dans le prolongement de l’œuvre de Baudelaire, le symbolisme est incarné par Verlaine, Rimbaud et Mallarmé. On place le début du symbolisme à la publication en 1886 par Jean Moreas dans les colonnes du Figaro du Manifeste du symbolisme. Ce mouvement apparaît en réaction au naturalisme. L’influence de Mallarmé est très importante dans ce nouveau courant littéraire. Le symbolisme associe deux réalités : souvent une image concrète et une abstraction. L’idée est de dépasser la description réaliste et de mettre en avant une conception spirituelle. Le symbolisme s’est surtout développé en premier en poésie. Les poètes privilégient alors les vers libres. Ils ont recours notamment aux analogies, aux symboles et aux images.

Les Fleurs du Mal de Baudelaire montre à quel point le poète était précurseur et a impulsé l’émergence de ce nouveau courant littéraire qui souhaitait notamment remettre la poésie au premier plan.

• Artistes peintres : Gustave Moreau, Edward Burnes-Jones, Klimt… • Musiciens : Debussy, Maeterlinck avec son opéra Pelléas et Mélisande...

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2.5 L’impressionnisme en peinture (1870-1900)

Dans les dernières années du Second Empire l’impressionnisme gagne progressivement du terrain avec Rodin en sculpture, Manet, Monet et Renoir en peinture pour ne citer que les plus grands. La fin du siècle voit l’émergence d’autres mouvements picturaux comme le pointillisme ou les Nabis, de peintres comme Cézanne, Gauguin ou Van Gogh, tandis que Gabriel Fauré, Camille Saint-Saëns et Claude Debussy dominent la composition musicale française.

Les impressionnistes cherchent à restituer la perception fugace de la lumière par l’œil humain. « Il faut savoir saisir le moment du paysage à l’instant juste, car ce moment là ne reviendra jamais… » Claude Monet-1892 Parmi les procédés utilisés, on peut citer les petites touches de couleurs ou la réserve (procédé consistant à ne pas peindre de petites parties de la toile. Les thèmes de prédilection des impressionnistes sont les paysages quels qu’ils soient. L’évolution technologique explique pour une part la naissance de l’impressionnisme. L’invention de la photographie (Nicéphore Nieps) et du cinéma (les frères Lumière en 1895) rend inutile la tentative de reproduire fidèlement la réalité. Le nom de ce courant artistique vient du titre d’un tableau : impression, soleil levant de Claude Monet – 1872.

• Artistes peintres : Claude Monet, Edouard Manet, Degas, Sisley, Pissarro…

Conclusion

La littérature du dix-neuvième siècle, demeure un âge d’or de la poésie et du roman, avec de nombreux chefs-d’œuvre qui laissent percevoir, au-delà des courants littéraires, de fortes personnalités artistiques. Hugo, auteur prolixe a profondément marqué son siècle tant à travers ses poèmes, ses romans que ses pièces de théâtre.

Si vous deviez écrire une nouvelle ou un roman, quel style littéraire choisiriez-vous et pourquoi ? Répondez en utilisant les caractéristiques de ce style. A quel courant Victor Hugo appartient-il ? Apportez des éléments à votre réponse. Dossier pédagogique de Valjean 15

3. Victor Hugo (Besançon 1802-Paris 1885)

Monstre sacré de la littérature française, exceptionnel par son implication dans les combats de son temps autant que par la fécondité de son imagination, Hugo domine le XIXème siècle. Placé par sa naissance au cœur des tiraillements d'un siècle mouvementé (un père républicain puis bonapartiste, une mère royaliste et vendéenne), évoluant du royalisme ultra au socialisme républicain, à la fois brocardé et encensé de son vivant, connaissant l’exil et les deuils, il veut tout dire, en somme, pour tous, et de toutes les façons possibles. Drame, recueil poétique, roman, préface, assemblée politique, affiche placardée, tout est tribune pour Hugo. Tous les genres et tous les registres montrent l'Homme, titan infime en proie à des forces manichéennes contradictoires. Sa prose comme sa poésie éclatent de son génie des contrastes ; l'inspiration hugolienne est partout lyrique et épique : les visions dantesques côtoient la tendresse pour tout ce qui est faible. Le jeu prodigieux des sons, des cadences et des antithèses brosse en une fresque biblique le cheminement douloureux de l'humanité vers le progrès. Tel son personnage , Victor Hugo est à lui seul « une force qui va ! ». Son œuvre reste l'une des plus puissantes et des plus populaires de la littérature française.

3.1 Sa vie et son œuvre

Famille Fils de Léopold Hugo, général et comte d'Empire, et de Sophie Trébuchet. Victor Marie est le frère cadet d'Abel et d'Eugène. Ses parents s'entendent mal.

Enfance et adolescence Première éducation, faite de voyages (Naples, Madrid) et de lectures à satiété. Études brillantes à Paris, au lycée Louis le Grand ; prix d’encouragement de l’Académie française. Il compose ses premiers vers et une tragédie (Irtamène, 1816). Il veut suivre la voie littéraire ; il est catholique et monarchiste.

Du jeune homme sage au fervent romantique (1820-1830) Ses recueils de poésie de jeunesse sont récompensés par le roi. Il fait paraître ses premiers romans (Bug-Jargal (1820), Han d'Islande, 1823), ébauches malhabiles des romans de la maturité. Il se marie (1822) et devient père de famille. Il penche du côté du romantisme, dont il écrit le manifeste littéraire, la préface de son drame Cromwell 10(1827). La première de sa pièce Hernani (1830) est l'occasion d'un affrontement entre classiques et modernes qui fera date dans l'histoire du romantisme français.

L'écrivain installé Une période de riche production littéraire (recueils poétiques [, 1840], pièces de théâtre [, 1838], roman à succès [Notre-Dame de Paris, 1832]) marque brutalement le pas avec la mort accidentelle de sa fille

10 Voir l’annexe I2 sur la préface de Cromwell. Dossier pédagogique de Valjean 16

Léopoldine (1843). Hugo, rallié au « roi des Français » Louis-Philippe, devient académicien et pair de France.

L'opposant irréductible (1849-1870) Il se fait orateur à l'Assemblée nationale, sous la IIème République qui a succédé à la monarchie constitutionnelle, puis opposant intransigeant, depuis sa retraite dans les îles anglo-normandes (Jersey, puis Guernesey) au second Empire du fourbe « prince président » devenu Napoléon III. Champion de la dignité de l'être humain, de ses droits civils et politiques (Hugo prône notamment l'abolition de la peine de mort, le suffrage universel et la liberté de la presse), son cri, puissant, se fait littéraire : les Châtiments (1853), (1856), la Légende des siècles (1859, 1877, 1883), les Misérables (1862), les Travailleurs de la mer (1866), l’Homme qui rit (1869).

Les derniers feux Rentré en France après le dénouement de la guerre franco-prussienne (1870-1871), la fin tragique de la Commune et le rétablissement de la république, Hugo devient une icône du nouveau régime démocratique. Même si son activité créatrice se réduit, sa vigueur littéraire n'est pas entamée : il publie l'Année terrible (1872), le roman d'une guerre fratricide encore fraîche, Quatrevingt-treize (1874) et l'Art d'être grand- père, 1877.

Mort 22 mai 1885 à Paris. Funérailles nationales et inhumation au Panthéon (1er juin).

3.2 Un être humain engagé ?

Comme un grand nombre d'écrivains de son temps, Victor Hugo s'intéresse à la vie politique et y participe. Pour lui, le poète est un "veilleur"; influencer les gouvernants et l'opinion fait partie de sa mission. Son intense activité d'écriture, loin de le couper de la réalité quotidienne, s'en nourrit bien souvent.

On a pu lui reprocher son soutien au pouvoir en place : légitimiste sous la Restauration, il est pensionné par Louis XVIII, puis par Charles X qui le décore de la Légion d'honneur et l'invite à son sacre (1825) ; le poète écrit une ode en son honneur. Il est orléaniste sous Louis-Philippe, qui le nomme pair de France (1845). Sous la IIe République, il devient républicain... Il n'en demeure pas moins fidèle, dans ses écrits, à ses idéaux de justice et de liberté, intervenant parfois publiquement à la Chambre des pairs ou ailleurs.

En juin 1848, s'il n'est pas du côté des insurgés, il intervient contre la répression. Mais c'est seulement à partir de 1849 que Victor Hugo commence à croire en la république comme seule forme de gouvernement permettant l'avancée des idées progressistes. Élu en mai 1849 à l'Assemblée législative, après avoir soutenu la candidature de Louis Bonaparte à l'élection présidentielle (décembre 1848), il siège avec les conservateurs, mais vote avec la gauche contre les lois réactionnaires réclamées par une majorité de droite de plus en plus extrême. Dossier pédagogique de Valjean 17

Il multiplie ses interventions tous azimuts jusqu'au coup d'État du 2 décembre 1851. Entrant alors dans la clandestinité il tente, avec un groupe de députés, d'organiser la résistance. En vain.

Le 11 décembre, sa fuite à Bruxelles marque le début d'un long exil, d'abord contraint (le décret de proscription tombe en janvier 1852) puis volontaire, après l'amnistie de 1859. Le poète devient le symbole de la lutte de la République contre l'Empire, prenant position en toute occasion, par voie de presse et dans ses œuvres en faveur d'une meilleure justice sociale, pour la paix et la liberté des peuples opprimés, contre la peine de mort...

De retour en France au lendemain de la chute de l'Empire, il poursuit ses combats. Député de Paris à l'Assemblée nationale de Bordeaux, il en démissionne après les mesures adoptées contre le peuple de Paris. Il dénonce les atrocités de la répression versaillaise (L'Année terrible) contre la Commune. Au Sénat, où il siège à partir de 1876, il ne cesse de réclamer l'amnistie pleine et entière des communards. Il ne l'obtiendra qu'en 1880.

D’après sa vie résumée ci dessus, diriez-vous Victor Hugo est un homme engagé ? Développez vos propos.

3.3 Un homme de liberté

Il ne supporte aucune censure, aucune répression. Lorsque sa pièce Marion Delorme est censurée (1829), il refuse l'augmentation de pension que lui propose Charles X en dédommagement. Après l'interdiction du Roi s'amuse (1832), il s'élève vigoureusement contre les abus de la censure devant le tribunal de commerce où l'a mené son procès contre le Théâtre-Français, et refuse désormais de toucher sa pension.

Lors de l'insurrection de juin 1848, qu'il n'approuve pas, il s'élève contre la répression brutale de Cavaignac et s'oppose, le 2 septembre, à la prolongation de l'état de siège. La répression versaillaise contre les communards lui paraîtra tout aussi intolérable, bien qu'il ait condamné les excès de la Commune de Paris : L'Année terrible naît des atrocités de la Semaine sanglante.

Hugo approuve les mouvements des nationalités : il intervient le 19 octobre 1849 à l'Assemblée pour protester contre l'envoi de troupes pour rétablir Pie IX dans ses États, alors que, selon lui, la France républicaine se devait de soutenir la République romaine.

Il encourage, en 1863, le combat des Mexicains contre les troupes françaises. Plus tard, au Sénat, il s'engagera en faveur de l'indépendance serbe.

Se battant pour l'émancipation, Hugo prend conscience du statut inférieur de la femme. En exil, il se montre sensible au sort des femmes proscrites et rend hommage à leur combat ; il réclame pour elles des droits civiques égaux à ceux des hommes.

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C'est au nom de la paix entre les citoyens qu'il réclamera régulièrement après 1871 l'amnistie pour les communards.

3.4 Contre la peine de mort

Le premier de tous les combats de Victor Hugo – le plus long, le plus constant, le plus fervent - est sans doute celui qu’il mène contre la peine de mort. Dès l’enfance, il est fortement impressionné par la vision d’un condamné conduit à l’échafaud, sur une place de Burgos, puis, à l’adolescence, par les préparatifs du bourreau dressant la guillotine en place de Grève. Hanté par ce "meurtre judiciaire", il va tenter toute sa vie d’infléchir l’opinion en décrivant l’horreur de l’exécution, sa barbarie, en démontrant l’injustice (les vrais coupables sont la misère et l’ignorance) et l’inefficacité du châtiment. Utilisant tour à tour sa notoriété d’écrivain et son statut d’homme politique, il met son éloquence au service de cette cause, à travers romans, poèmes, témoignages devant les tribunaux, plaidoiries, discours et votes à la Chambre des pairs, à l’Assemblée puis au Sénat, articles dans la presse européenne et lettres d’intervention en faveur de condamnés.

Le Dernier Jour d’un condamné

En écrivant, à vingt-sept ans, Le Dernier Jour d’un condamné comme un journal, à la première personne, Hugo interpelle le lecteur en exposant les sentiments d’un homme à partir du verdict : "Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée" jusqu’à sa conduite à l’échafaud : "Ah ! les misérables ! il me semble qu’on monte l’escalier… Quatre heures." Dans la préface à la réédition de 1832, l’écrivain avoue que l’écriture du roman l’a libéré d’une culpabilité, "il [l’auteur] n’a plus senti à son front cette goutte de sang qui rejaillit de la Grève sur la tête de tous les membres de la communauté sociale". Mais, ajoute-t-il, "se laver les mains est bien, empêcher le sang de couler serait mieux". Cette préface constitue à elle seule un réquisitoire contre la peine de mort. Hugo n’hésite pas à décrire quelques exécutions particulièrement atroces, "il faut donner mal aux nerfs aux femmes des procureurs du roi. Une femme, c’est quelquefois une conscience". Il réfute les arguments habituellement avancés en faveur de la peine capitale, en particulier celui de l’exemplarité. Il réclame en outre "un remaniement complet de la pénalité sous toutes ses formes, du haut en bas, depuis le verrou jusqu’au couperet".

3.5 Ses autres combats

Une Europe unie.

Dans un discours prononcé aux proscrits de Jersey, le 24 février 1855, Victor Hugo rêve d'une Europe idéale : "le continent serait un seul peuple, les nationalités vivraient de leur vie propre dans la vie commune", et il imagine "une monnaie continentale, à double base métallique et fiduciaire, ayant pour point d'appui le capital Europe tout entier et pour moteur l'activité libre de deux cents millions d'hommes, cette monnaie, une, remplacerait et résorberait toutes les absurdes variétés monétaires d'aujourd'hui, effigies de princes, figures des misères".

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Son combat contre la misère

Vous trouverez en annexe son discours du 8 juillet 1849 à l’Assemblée nationale législative11 qui commence par ces mots : « Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère. »

3.6 La préface des Misérables

Après avoir prévu une très longue préface philosophique finalement laissée inachevée, Victor Hugo choisit pour son plus gros roman la plus courte des préfaces : une seule phrase. Il n’y perd rien en efficacité. « Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » Hauteville-House, 1er janvier 1862.

Victor Hugo vient de terminer son roman et se trouve en exil à en Angleterre quand il écrit cette préface.

Que vous révèle t’elle sur l’engagement et les intensions de son auteur ? Tentez de définir sa fonction en relevant des verbes, adjectifs et adverbes qui vous permettent de justifier votre sentiment.

3.7 Les origines du roman

Préoccupé par l'adéquation entre la justice sociale et la dignité humaine, Victor Hugo a écrit en 1829 Le Dernier Jour d'un condamné, long monologue et réquisitoire contre la peine de mort. Il poursuit en 1834 avec Claude Gueux. En 1845, il visite le bagne de Toulon, la même année, alors qu'il vient d'être fait pair de France par le roi Louis-Philippe Ier, le peintre François-Auguste-Biard fait constater le flagrant délit d’adultère de sa femme Léonie avec le poète. Léonie est emprisonnée pendant deux mois dans la prison Saint-Lazare puis envoyée au couvent des Augustines. C'est cet événement qui, selon Sainte-Beuve, conduit Victor Hugo à se retirer chez lui et à entreprendre une grande fresque épique qu'il intitule d'abord Les Misères, dans laquelle le personnage principal se nomme initialement « Jean Tréjean ». De cette même année 1845, daterait également l'unique trace écrite conservée de ce qui peut ressembler à l'architecture synthétique d'un projet : Histoire d'un saint Histoire d'un homme Histoire d'une femme

11 Voir l’annexe I3- Le discours sur la misère de Victor Hugo à l’assemblée nationale du 9 juillet 1849. Dossier pédagogique de Valjean 20

Histoire d'une poupée. Il interrompt sa tâche en février 1848, mais écrit à la même époque son Discours sur la misère (1849).

Les quinze années qui séparent le projet de la publication sont marquées par l’évolution personnelle du romancier. Il a vieilli, il a souffert de l’exil, mais il est resté persuadé de la haute fonction du poète, qui consiste à dénoncer les injustices et les abus par ses œuvres.

Durant son exil, après la rédaction des Contemplations (1856) et de La Légende des siècles (1859), il se remet à l'écriture des Misérables, à Guernesey en 1860. Sur son manuscrit, il écrit : « 14 février. Ici, le pair de France s'est interrompu, et le proscrit a continué : 30 décembre 1860. Guernesey 12. » L'ouvrage est terminé et publié à partir de fin mars 1862.

Dans les autres sources du roman Les Misérables il convient de noter principalement : Ses prises de notes sur tout ce qu'il voit et entend autour de lui : • le 22 février 1846, il raconte avoir vu un malheureux emmené par deux gendarmes après avoir été accusé du vol d’un pain. « Cet homme, dit-il, n’était plus pour moi un homme, c’était le spectre de la misère. » • En décembre de la même année, il assiste à une altercation entre une vieille femme et un gamin des rues. • Un soir de janvier 1841 il prend la défense d’une « fille » au risque d’entacher sa réputation parce qu’elle est injustement accusée et traînée au poste de police avec la menace de passer six mois en prison. • Ses nombreuses recherches personnelles et études sur la condition de vie des plus démunis (ex : Tableau de l’état physique et moral des ouvriers, Statistique des égouts en 1836…) ; • Les Mémoires de Vidocq, parues en 1828, qui inspirèrent également à Balzac le personnage de Vautrin, Vidocq l'ancien forçat devenu chef de sûreté de la préfecture de Police peut se retrouver à la fois dans les personnages de Jean Valjean et de l’inspecteur Javert.

Après ce bref tour d’horizon du XIXème siècle, la découverte du chef de file des Romantiques et de ses combats, après avoir posé un regard attentif aux origines de son roman phare, rentrons à présent dans l’analyse de l’œuvre. Dossier pédagogique de Valjean 21

4 Les Misérables, une œuvre multidimentionnelle

En 1860, Hugo s’est donc remis aux Misérables, qu’il a ébauchés de 1845 au début de 1848, et dont l'intrigue couvre l’adolescence du siècle (de 1815 à 1832) et de l’auteur (jusqu'à la rencontre avec , en 1833).

Est-ce un récit romantique ? Un roman épique ? Un roman d’aventures ? Un roman historique ? Un roman dramatique ? Un roman mélodramatique ? Une fresque ? Un roman réaliste ? Un roman social ? Une saga populaire ? Un roman politique ? Un roman de la conscience ? Un hymne à l’amour ? Un roman didactique ? Développez votre réflexion à partir d’exemples concrets.

Quelques réponses :

Hugo est décrit par ses compères écrivains comme un « romancier inclassable ». Chacun des neuf romans qu’il a laissé comme patrimoine littéraire et culturel porte bien un style différent, qu’ils soient des romans d’analyse ou des romans de faits. Dans Les Misérables, Hugo nous montre plusieurs facettes de sa personnalité d’écrivain. Il accorde déjà lui-même une importance majeure à cet ouvrage qu’il considère (comme il le confie si bien à son éditeur Lacroix) comme « le plus important de son œuvre ». Le récit des Misérables – roman mythique autant que réaliste, populaire et savant, national et humanitaire – mêle tous les genres et leurs langues, argot, poème, chanson, prière, plaidoirie, réquisitoire, essai.

Hugo y réalise une synthèse entre plusieurs formes romanesques : – le roman mélodramatique des bas-fonds, lancé par Eugène Sue, – la fresque balzacienne d’un milieu, d’une ville et d’une aventure singulière, – la saga populaire d’un héros mythique, – le roman didactique renouvelé du XVIIIème siècle qui fait alterner intrigue et digressions.

Les Misérables appartient au réalisme et représente à la fois un hymne à l’amour, un roman épique, historique, politiquement et socialement engagé, dans lequel l’auteur dénonce les inégalités sociales de la France au XIXème siècle. Le succès populaire fut et reste universel.

4.1 Une œuvre réaliste et romantique

Ce roman a vu le jour alors que le mouvement littéraire réaliste était en plein essor. En tant que roman réaliste, Les Misérables met en évidence un univers relatif des plus humbles : le monde de paysans. Ici, Hugo dépeint Paris dans sa pauvreté, tout comme au début du XIXème siècle. La description réaliste des conditions de vie des paysans, de même que la description enrichie de chaque personnage principal de ce chef-d’œuvre (Valjean, Cosette, Fantine, etc.) sont deux critères majeurs grâce auxquels ce roman connut un succès énorme.

Le roman possède également les caractéristiques typiques d’une œuvre romantique. Dossier pédagogique de Valjean 22

Premièrement, il y’a les références historiques. Hugo décrit dans son roman la bataille de Waterloo, l’un des conflits les plus importants dans l’histoire de la France, avant la Révolution. Les mentions qui sont faites au sujet de Napoléon et de cette bataille montrent que la France était à une époque de transition. De plus, la Révolution française joua un rôle crucial dans l’édification de cette œuvre.

Ensuite, il y a la passion dans la description des personnages, paysages et scènes. Les œuvres romantiques s’appesantissent sur les détails qui rendent l’intrigue encore plus réelle et vraisemblable. Voici, à titre d’exemple, une description que l’auteur fait de Jean Valjean, à son entrée dans Digne : « C’était un homme de moyenne taille, trapu et robuste, dans la force de l’âge…Une casquette à visière de cuir rabattue cachait en partie son visage brûlé par le soleil et le hâle et ruisselant de sueur. Sa chemise de grosse toile jaune, rattachée au col par une petite ancre d’argent, laissait voir sa poitrine velue ; il avait une cravate tordue en corde, un pantalon de coutil bleu, usé et râpé, blanc à un genou, troué à l’autre, une vieille blouse grise en haillons, rapiécée à l’un des coudes d’un morceau de drap vert cousu avec de la ficelle... La sueur, la chaleur, le voyage à pied, la poussière, ajoutaient je ne sais quoi de sordide à cet ensemble délabré. Les cheveux…semblaient n’avoir pas été coupés depuis quelque temps. » Hugo réitère ici son statut d’écrivain engagé, en prenant position.

4.2 Un roman engagé : social, populaire et politique L’injustice sociale dans la France du XIXème siècle Ce thème est sans doute le plus important dans le roman Les Misérables. En tant qu’écrivain, Victor Hugo se veut être le porte-parole de la classe sociale paysanne et ouvrière réprimée, d’où la réalisation de cette œuvre comme étant un plaidoyer social. Hugo pense que les injustices sociales dont sont victimes les moins fortunés sont un résultat de la rigidité du système politique de leur société.

Si Jean Valjean, déjà pauvre dans son état se fait encore accuser d’avoir volé un morceau de pain dans le but de nourrir sa famille, quel message d’égoïsme et de manque de considération la société française renvoie-t-elle ? Bien pire encore, la sentence de Valjean semble être beaucoup trop rigide pour son « crime ». Sa peine est de cinq ans de prison ferme et cette peine se voit prolongée d’environ quatorze années après que celui-ci ait essayé de s’échapper de prison. On remarque ainsi la dureté de ce système judiciaire (qui est beaucoup plus mis en exergue dans le roman Le Dernier Jour d’un Condamné, dans lequel Hugo critique lourdement la peine de mort). Pendant que certains bourgeois échappent à la justice (comme le président Grandmorin dans La Bête Humaine de Zola), les prolétaires quant à eux paient double pour leurs délits.

En plus de cela, Hugo critique le système social qui tolère l’abus des droits des enfants (Cosette), l’humiliation de la femme par la faim (Fantine)). Ainsi, le roman incite le lecteur à réfléchir sur le problème du mal et l’exploitation de l’Homme par l’Homme. Dans une société où chacun vit aux dépens de l’autre où les plus forts oppressent les plus faibles (comme les Thénardier oppressent la petite Cosette), on a besoin d’un système de justice équitable pour restaurer l’égalité des classes. Hugo fait donc un appel public à l’humanité et la compassion.

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C’est l’expression du « mal du siècle », qui représente tous les maux qui sont l’objet du mécontentement de l’auteur. Par les personnages de Valjean, Cosette et Fantine, Hugo dénonce la misère du monde paysan.

Ayant vécu deux des trois révolutions qui prirent place en France entre le XVIIIème et le XIXème siècle, Hugo utilise son œuvre Les Misérables pour faire passer son opinion politique sur ces évènements qui chamboulèrent le cours de la vie en France. Hugo fait apparaitre le terme « révolution » dans les six premières pages de son ouvrage, où il décrit les conséquences négatives de ce cataclysme politique dans la vie de l’évêque Myriel. Celui-ci fut persécuté, traqué et chassé et ayant été dépossédé de tous ses biens, il dut se réfugier en Italie. Dans un second temps, Hugo montre que la Révolution française est aussi un progrès, soulignant ainsi l’aspect positif de ce bouleversement national. En effet, dans le tome II des Misérables Hugo déclare que la Révolution française est une nécessité sans laquelle la France n’aurait pas pu connaitre la prospérité. Certains personnages dans l’œuvre représentent des partisans de la révolution française. C’est le cas d’Enjolras et de Combeferre, membres de la société révolutionnaire « Les Amis de l’A B C ».

4.3 Un roman historique Dans un roman historique, l’Histoire sert de toile de fond à l’intrigue, les principaux personnages sont des figures historiques ou l’action a partie liée avec l’Histoire, à une époque plus ou moins reculée dans le temps. Le XIXème siècle est l’âge d’or du roman historique grâce à des auteurs comme Walter Scott, Victor Hugo ou Alexandre Dumas. (ex. Les Trois mousquetaires de Dumas.) Dans le roman historique, comme dans le roman d’aventures, le dépaysement est à la fois social, spacial et temporel. Le lecteur a le sentiment d’évoluer au contact des personnages ayant un rôle historique à jouer, d’être le témoin de machinations ou de négociations secrètes dont dépendent l’issue d’une bataille, la destinée d’une famille royale ou le sort de tout un pays. Les Misérables est un roman historique parce qu’il a pour toile de fond plusieurs événements clés de l’histoire de la France au XIXème siècle, et notamment les émeutes de juin 1832, parce qu’il se réfère à des tournants, notamment l’exil de l’Empereur puis les Cent-Jours, et enfin parce qu’il brosse une fresque de la vie des petites gens durant la période qui s’étend de la fin du Premier Empire à 1833.

4.4 Un roman épique emprunt de luttes héroïques L’aspect dramatique du récit d’Hugo tient à l’accumulation des coups de théâtre ou péripéties qui interrompent l’action : le don des chandeliers par l’évèque Myriel ou les interventions presque miraculeuses de Valjean pour sauver Fauchelevent en sont des exemples. D’autre part, l’action du roman est souvent condensée, Epoque Napoléonienne au travers de la bataille de Waterloo, les sept années de Montreuil sur mer sont brièvement résumées, tandis que l’arrestation de Champmatthieu, la dénonciation de Madeleine et la mort de Fantine sont concentrés sur trois journées longuement racontées (partie V du roman). Enfin la parole est souvent dramatique dans ce roman : Hugo a le goût des formules, des phrases brèves et des titres frappants : les dialogues possèdent également une forte dimension théâtrale et pathétique. Cette dramatisation confère une dimension épique au roman. Dossier pédagogique de Valjean 24

En tant que roman épique, Les Misérables fait ressortir au moins deux évènements clefs dans l’histoire de la France : la bataille de Waterloo et l’émeute de Paris de Juin 1832. Parmi les autres moments épiques figurent également, la mort de Gavroche, l’exécution des insurgés sur les barricades, la traversée des égouts par Valjean portant Marius sur son dos12, ou encore la mort de Jean Valjean.13 Le caractère épique de ce roman relève également de la description détaillée que l’auteur fait des différents affrontements, parmi lesquels les combats de l’âme14. Jean Valjean est tiraillé entre le bien et le mal, de même que Javert ne peut choisir entre le respect des lois sociales et le respect des lois morales. C’est donc également un roman de la conscience. Sur le plan lexical, l’auteur emploie de nombreux adverbes et adjectifs qualificatifs à valeur emphatique. Sur le plan sémantique, il recourt à des périodes pour accentuer l’opposition entre deux éléments.15 Le roman est construit sur une alternance de longues séquences narratives, des tableaux saisissants dont l’efficacité procède des contrastes, amplifications et autres procédés employés pour toucher le lecteur, et des chapitres délibératifs dans lesquels Hugo interpelle la société entière pour la mettre face à ses responsabilités.

4.5 Un hymne à l’amour Dans Les Misérables, Hugo fait également un hymne à l’amour. Premièrement, c’est l’amour de l’auteur pour son pays, pour ses compatriotes. Cet amour est la raison principale pour laquelle cette œuvre a vu le jour. Ainsi donc, Hugo démontre son amour pour sa société en accusant les injustices qui s’y sont enracinées pendant la révolution. Hugo montre son désir de changement et de progrès social, et espère pouvoir atteindre l’idéal d’une égalité entre les classes sociales. Ensuite, il y a l’amour chrétien : c’est l’amour de l’évêque Myriel pour Jean Valjean. Par cette expression d’amour, l’évêque Myriel se présente comme le bon berger. Il voit en Jean la peine de son cœur et son désir d’une vie meilleure, une vie de justice. Pris de compassion pour lui, il l’aide à sauver son âme en lui donnant une seconde chance. La décision de l’évêque Myriel de mettre sa confiance en Jean Valjean s’avèrera être une bonne décision car l’ancien forçat mettra cette opportunité à l’œuvre et à la suite de son travail honnête, il se fera nommer Maire de Montreuil-sur- Mer. Son succès contredit ainsi l’une des maximes de Javert, d’après qui un criminel demeurera à jamais un bon-à-rien. Puis, c’est l’amour parental. Cet amour est représenté par l’amour maternel de Fantine pour Cosette ainsi que l’amour paternel que Jean lui porte également. Malgré les difficultés de la vie, Fantine sacrifie tout ce qu’elle a (y compris son propre corps) pour pouvoir prendre soin de sa fille. De même, Jean Valjean (qui n’est d’ailleurs pas le père biologique de Cosette) promet d’en prendre soin comme sa propre fille. En fin de compte, c’est l’amour partagé de Marius et de Cosette.

12 Partie V du texte de l’adaptation théâtrale Valjean, l’Intestin de Paris. 13 Partie VII du texte de l’adaptation théâtrale Valjean, Agonie. 14 Exemple avec la Partie III du texte de l’adaptation théâtrale Valjean, Tempête sous un crâne. 15 La période est une phrase longue et complexe. Dossier pédagogique de Valjean 25

Conclusion

En somme, Les Misérables de Victor Hugo est un roman monumental, sans doute l’un de ses meilleurs ouvrages, dans lequel l’auteur accuse les inégalités sociales en France lors de la révolution. Le tout, en exposant au beau jour la misère de la condition ouvrière, représentée ici par Les Misérables. Hugo se fait porte-parole de ceux qui n’ont pas de voix et grâce au réalisme et à l’authenticité de cette œuvre, cette voix sera écoutée partout dans le monde ; rendant ainsi cet ouvrage l’un des plus grandes œuvres de la littérature française. Entrons à présent dans l’écriture du poète et étudions ensemble quelques-unes des caractéristiques de ce roman.

4.6 Les caractéristiques de la narration, du vocabulaire et du champ lexical

La place et le rôle du narrateur dans le récit : Extrait des Misérables : « Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie. Nous avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre et blême. Elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six. Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d’ombre profonde étaient presque éteints à force d’avoir pleuré. Les coins de sa bouche avaient cette courbe de l’angoisse habituelle, qu’on observe chez les condamnés et chez les malades désespérés. Ses mains étaient, comme sa mère l’avait deviné, « perdues d’engelures ». Le feu qui l’éclairait en ce moment faisait saillir les angles de ses os et rendait sa maigreur affreusement visible. Comme elle grelotait toujours, elle avait pris l’habitude de serrer ses deux genoux l’un contre l’autre. » (Deuxième partie, Livre troisième, chapitre VIII)

Qui parle dans cet extrait des Misérables ? En d’autres termes : qui narre l’histoire ? A votre avis le narrateur est-il intérieur ou extérieur à l’histoire ? Est-ce l’auteur ?Justifiez votre réponse.

Réponse : Les Misérables est un roman écrit à la troisième personne. Le narrateur se présente dans la narration comme le narrateur et même le scripteur de l'histoire. Il est souvent présent à travers les pronoms Nous et On et s'adresse à un lecteur fictif dont il fait un personnage (toujours extérieur à l'histoire), exemple : "Le lecteur a sans doute deviné que M. Madeleine n'est autre que Jean Valjean". (Première partie, Livre septième - L'affaire Champmathieu Chapitre III)

Le narrateur est extérieur à l'histoire, il est ici un narrateur omniscient. Claudie Bernard 16 parle même de « l'équivoque narrative » dans le roman historique, car la voix narrative est partagée, selon les passages entre un auteur- historien et un scripteur, solidaire de la fiction. Il y aurait donc lieu à une certaine ambiguïté. Comparez ce passage avec un extrait de la Bataille de Waterloo (I, partie 2) et donnez votre avis à ce sujet.

16 Claudie Bernard, Le passé recomposé, le roman historique Français. Dossier pédagogique de Valjean 26

Des trouvailles de style, des inventions de mots et des comparaisons métaphoriques très signifiantes :

Qu’est-ce qu’une métaphore ? Trouvez dans les différents titres des chapitres des métaphores

Quelques réponses : I, Livre 2. La chute I, Livre 5. La descente I, Livre 7. 3 Tempête sous un crâne

Expliquez ces trois métaphores, à votre avis que disent-t-elles au lecteur ?

Le Thénardier était un homme petit, maigre, blême, anguleux, osseux, chétif, qui avait l'air malade et qui se portait à merveille; sa fourberie commençait là. Il souriait habituellement par précaution, et était poli à peu près avec tout le monde, même avec le mendiant auquel il refusait un liard. Il avait le regard d'une fouine et la mine d'un homme de lettres. Il ressemblait beaucoup aux portraits de l'abbé Delille. Sa coquetterie consistait à boire avec les roulier. Personne n'avait jamais pu le griser. Il fumait dans une grosse pipe. Il portait une blouse et sous sa blouse un vieil habit noir. Il avait des prétentions à la littérature et au matérialisme. Il y avait des noms qu'il prononçait souvent, pour appuyer les choses quelconques qu'il disait, Voltaire, Raynal, Parny, et chose bizarre, saint Augustin. Il affirmait avoir “ un système ”. Du reste fort escroc. Un filousophe. Cette nuance existe. (partie II, Livre 3. 2)

Expliquez pourquoi Hugo invente le mot "filousophe" pour parler de son personnage Que vous évoque cet « adjectif » ?

Un langage sensoriel

La psychologie, et donc l’écriture de Hugo dans ce roman est essentiellement sensorielle fait remarquer R. Ricatte.17 « Les sentiments s’y expriment par de perpétuelles allusions à la substance épaisse et confuse des sensations… Hugo ne désigne presque jamais une passion sans nous faire éprouver dans une sorte d’espace moral la direction de l’ampleur de ces forces ».

Exemple : « On eu pu dire qu’il haïssait devant lui ». I, Livre 2. 7 Le mouvement surgit du choc du complément de lieu contre le verbe de sentiment. On ressent la puissante pression dans le vide d’une haine toujours bandée, et d’autant plus vive qu’elle est indéfinie » Jean Valjean a besoin d’un « ravitaillement » de tendresse. II, Livre 4. 3 Il y a du tâtonnement dan l’action de mourir. Livre V, Livre 9. 5

Cherchez d’autres exemples.

17 R. Ricatte : Ed du Club Français du Livre, tome XI Dossier pédagogique de Valjean 27

Le langage psychologique et théâtral dans le roman :

Victor Hugo qui a écrit de nombreuses pièces de théâtre sait mieux que personne utiliser le langage dramatique pour faire vivre ses personnages.

Voici un court extrait de la rencontre entre Valjean et Cosette (II, Livre 3. 7) « … — Tu n’as donc pas de mère ? — Je ne sais pas, répondit l’enfant. Avant que l’homme eût eu le temps de reprendre la parole, elle ajouta : — Je ne crois pas. Les autres en ont. Moi, je n’en ai pas. Et après un silence, elle reprit : — Je crois que je n’en ai jamais eu… »

D’après-vous en quoi cet extrait est-il théâtral ?

Réponse : Cosette ne découvre son état d’orpheline que par de successives avancées du dialogue. Les propos élémentaires de Cosette procèdent par d’incessantes corrections, signe d’une pensée qui se forme dans le temps qu’elle s’exprime. Ce qui chemine en elle apparaît par des saillies de paroles. « On a un cas extrême où la psychologie se confond absolument avec l’invention d’un style parlé » nous dit R. Ricatte.

L’argot et l’utilisation du langage populaire dans Les Misérables

Qu’est-ce que l’argot d’après vous ? Donnez des exemples.

Pour Victor Hugo, qui y consacre tout un chapitre (IV, Livre 7. L'Argot) ; l’argot est « le langage des ténébreux »

D'après Pascal Melka, dans Victor Hugo, un combat pour les opprimés. Étude de son évolution politique, dans Les Misérables, Victor Hugo a fait revenir le langage populaire dans la littérature. Il emploie l'argot et va jusqu'à consacrer un chapitre à philosopher sur le mot de Cambronne, « le plus beau mot peut-être qu’un Français ait jamais dit ». Tout ceci fait scandale dans l'opinion classique. Voici comment Victor Hugo se justifie : « Lorsqu’il s'agit de sonder une plaie, un gouffre ou une société, depuis quand est-ce un tort de descendre trop avant, d’aller au fond ? Nous avions toujours pensé que c’était quelquefois un acte de courage, et tout au moins une action simple et utile, digne de l’attention sympathique que mérite le devoir accepté et accompli. Ne pas tout explorer, ne pas tout étudier, s’arrêter en chemin, pourquoi ? »18

Expliquez la raison pour laquelle Victor Hugo donne tant d’importance à ce langage populaire.

Notez que l’emploi de l’argot est une des raisons pour lesquelles certains de ses contemporains ont fortement critiqué Hugo.

18 Voir l’annexe F9 avec l’extrait des Misérables sur l’argot. Dossier pédagogique de Valjean 28

La symbolique des noms propres et des surnoms :

Jean Valjean Monseigneur Bienvenu (surnom de Mr Myriel, Evèque de Digne) Cosette Marius Pontmercy Rue du geindre Rue des filles du Calvaire (adresse du grand père de Marius Ponmercy) Rue de l’homme armé (adresse de Valjean et Cosette en 1832)

Que racontent-t-ils d’après vous ? On t’ils un sens ?

Quelques réponses : Jean Valjean = celui qui vaut autant que Jean Marius Pontmercy = qui est un pont vers le pardon Cosette = la petite chose

Que retenez-vous de ces quelques pistes de travail sur le style de Victor Hugo dans Les Misérables ? D’après vous pour quel type de public l’auteur a t’il écrit ce roman ? Justifiez votre réponse. Comment définiriez-vous son écriture ? Au XIXème siècle était-elle convenue ? Originale ? Provocante ? Novatrice ? Poussiéreuse ? Osée ? Classique ? Et pour vous aujourd’hui ?

A travers quelques extraits illustrant cette quatrième partie nous avons déjà rencontré plusieurs personnages du roman. Faisons à présent, plus ample connaissance avec eux.

5-Quelques figures emblématiques du roman

Comme nous l’avons déjà écrit, dans les Misérables Hugo veut dénoncer la damnation sociale par la misère. Jean Valjean échappe à cette fatalité parce qu'il a rencontré un homme bon qui a reconnu en lui son humanité. Pour Hugo, le pardon peut redresser l'homme et, par sa contagion, changer la société. Les personnages se distribuent donc selon leur capacité à changer ou à persévérer dans leurs vices. Partagez-vous le point de vue de Victor Hugo et pourquoi ? Tentez d’analyser les personnages cités ci dessous : Ont-ils la capacité d’évoluer, de changer ?

5.1 Jean Valjean

Derrière l’image du voleur se cache un forçat au grand cœur. Homme traqué, il a été condamné au bagne en 1795, pour le vol d'un pain dont le seul but était de nourrir sa famille. Un jugement qui symbolise l'oppression qu'impose une société injuste à une population misérable.

A cause de ses tentatives d’échappatoire, sa peine se prolonge à quatorze, puis à dix-neuf ans de prison. Lorsqu’il sort finalement, l’image de malfaiteur que lui a collée Dossier pédagogique de Valjean 29 la société semble le poursuivre et malgré le fait qu’il ait passé de nombreuses années de sa vie à purger sa peine dans les bagnes, Valjean n’obtiendra jamais la liberté. Comme tous les anciens bagnards, il possède un passeport jaune, rappel de son éternel statut de prisonnier. Il est remplit de haine et de dégout envers la société. Seul le père Myriel, un homme de accueille Valjean et à lui donne une seconde chance. Cette rencontre pleine d’espoir est l’axe angulaire autour duquel la vie de Valjean tournera pour prendre une autre direction.

Est-il un héros, un anti héros ? Développez votre réflexion.

Jean Valjean représente le misérable qui tente d’échapper à sa condition pour se construire un avenir meilleur. Il se transforme au travers de ses rencontres, tout en battant avec ses démons intérieurs. Homme responsable et digne de confiance, Valjean est aussi un homme intègre Après que l’évêque Myriel l’ait recueilli, il lui promet de ne plus voler, et il tiendra parole. La confiance de l’évêque Myriel et sa promesse sont sacrées à ses yeux. À l'annonce de la mort de l'évêque, Jean Valjean devenu notable sous le nom de Monsieur Madeleine prendra le deuil. Sa qualité morale ressort particulièrement dans une des scènes cruciales du premier tome de la partie Fantine. Valjean, devenu magistrat et personnalité politique respectée (sous le nom de Mr. Madeleine), renonce à ce poste lorsque la police fait injustement arrêter un homme innocent qu’ils croyaient être Jean Valjean. Au lieu d’être complice de cette injustice, Valjean décide de se dénoncer et de renoncer à la nouvelle vie pour laquelle il a si durement travaillé en se rendant à la police. Jean Valjean est fondamentalement honnête. En tant qu’ancien prisonnier et ancien paysan, Valjean a vécu dans la souffrance et il veut lutter contre les injustices sociales dont il a souffert. Son caractère intègre et sa loyauté font de lui un homme exemplaire.19

5.2 L’Abbé Myriel :

Évêque catholique du diocèse de Digne, il héberge Jean Valjean à la fin de l'année 1815, peu après que ce dernier soit sorti du bagne de Toulon. Lorsque Valjean le dépouille de son argenterie puis est repris par les forces de l'ordre, il déclare qu'il s'agissait d'un don et, ce faisant, sauvegarde la liberté nouvellement retrouvée de l'ancien forçat. Ce geste enclenche la rédemption de celui-ci, qui se poursuit dans le reste de l'œuvre. Un passage fort du livre est sa rencontre avec le « Conventionnel G. », ancien membre du Tribunal révolutionnaire à l'agonie, qu'il va visiter dans le cadre de son devoir de prêtre et dans l'intention de le ramener à des sentiments plus conformes à l'esprit de la Restauration. C'est pourtant lui qui en reviendra transformé après avoir entendu la confession du Républicain, à l'issue de laquelle il lui demande même sa bénédiction, inversant ainsi les rôles et attestant de son fort ébranlement intérieur. La mise en situation de monseigneur Myriel occupe les cent premières pages des Misérables, avant même que ne soient mentionnés Jean Valjean ou Fantine. Mgr Bienvenu est en partie inspiré de Mgr de Miollis, qui fut évêque de Digne de 1805 à 1838.

19 Pour aller plus loin, voir dans l’annexe F2, la première description qui est faite de Valjean dans le roman. Dossier pédagogique de Valjean 30

Monseigneur Myriel est un homme bon. Est-il, de votre point de vue, un homme de foi ? Développez votre réflexion.

Pour aller plus loin

« Les Misérables s’ouvrent sur le livre « Un juste », portrait de M. Myriel, alias Monseigneur Bienvenu, évêque idéal qui inquiétera George Sand et désespérera Michelet. À une dame qui l’interrogeait sur l’identité de ce personnage qui lui ressemblait tant, Victor Hugo répondit le 9 juin 1862 : « L’évêque Myriel est un personnage imaginaire, et les journaux catholiques ont eu raison de le trouver invraisemblable. / On pourrait même ajouter : impossible, si Charles Borromée, François de Sales, Belzunce et Las Casas n’avaient pas existé. » Il s’agit ici de la fin du douzième chapitre, « Solitude de Monseigneur Bienvenu », qui s’adresse manifestement aux sociétés d’arrivistes obsédés par l’argent, comme l’était celle du Second Empire. » 20

5.3 Javert

Javert est inspecteur de police à Montreuil, d’après lui, les criminels ont vendu leurs âmes au mal et n’ont aucune chance de rédemption.

Pas de rémission pour un ancien forçat, donc pas de grâce pour Valjean, un ennemi qu’il déteste, un prisonnier recherché dans tout le pays, un criminel à haut risque, qui aime défier la justice. Javert est le seul homme à pouvoir reconnaitre que le maire de Montreuil, Monsieur Madeleine, est en fait l’ancien bagnard. De prime abord, Javert remarque la ressemblance physique étonnante entre Mr. Madeleine et Jean Valjean. Ensuite, il se rend compte que Monsieur Madeleine traine sa jambe droite quand il marche, sans doute à cause du fait que c’est à cette jambe qu’étaient attachées ses chaines pendant son séjour au pénitencier. Les soupçons de Javert se confirment lorsqu’il observe Mr Madeleine soulever une charrette, action qui nécessite une force exceptionnelle : « Monsieur Madeleine, je n’ai jamais connu qu’un seul homme capable de faire ce que vous demandez là… C’était un forçat… Du bagne de Toulon. » Javert est obsédé par Jean Valjean. Son obsession pour ce bagnard est-elle fondée uniquement sur son amour de la Justice ? Lorsqu’il réalise que Jean Valjean est devenu un homme bon, un homme qui lui accorde son pardon et lui sauve la vie, il ne peut le supporter et décide de se donner la mort.

Javert est-il un homme juste d’après vous ? Développez votre réflexion.

Javert est un homme travailleur qui suit les règles et les lois à la lettre pour faire régner la justice, il ne croit pas à la rédemption et il incarne l'intransigeance. Il confond la loi humaine et le droit divin.

20 Pour aller plus loin, voir l’annexe F1- Portrait de l’évèque Myriel (extrait du site Gallica.fr) Dossier pédagogique de Valjean 31

5.4 Fantine

Fantine est la mère de Cosette. C’est la deuxième misérable à être introduite par Victor Hugo. Son destin rencontre celui de Jean Valjean dans le premier tome du cycle littéraire qui porte son nom : Fantine. Alors qu’elle est encore jeune, elle se rend à Paris à la recherche d’une vie meilleure. Là, elle rencontre un jeune étudiant bourgeois et fêtard. Aussi naïve qu’ignorante quant à l’espièglerie masculine, Fantine tombe éperdument amoureuse de son partenaire, qui ne la considère que comme une simple aventure sans futur. Abandonnée à elle-même, Fantine se retrouve à éduquer sa fille toute seule. Elle amasse déboire après déboire à chaque tentative de recherche d’un emploi, ce qui n’est d’ailleurs pas une tâche facile car à son époque les emplois étaient refusés aux mères célibataires. Bien qu’elle réussisse à trouver un emploi dans la fabrique de verroterie de Mr Madeleine (alias Jean Valjean), elle se fait renvoyer à la suite de rumeurs d’après lesquelles elle serait une mère célibataire. C’est alors qu’elle touche le fond. Incapable de se nourrir elle-même, elle est aussi incapable de subvenir aux besoins de sa fille Cosette. Rongée par la misère, et forcée à vendre ses dents et ses cheveux, elle finit par se livrer à la prostitution : « Quand elle était dans la rue, elle devinait qu’on se retournait derrière elle et qu’on la montrait du doigt ; tout le monde la regardait et personne ne la saluait ; le mépris âcre et froid des passant lui pénétrait dans la chair et dans l’âme comme une bise. »

La vie de Fantine est une succession d’échecs et de déceptions, mais sa rencontre avec Jean Valjean est l’un des évènements les plus heureux de sa vie. Bien que leurs ascensions sociales et économiques soient diamétralement opposées (Valjean devient de plus en plus riche en tant que Maire de Montreuil-sur-Mer et Fantine sombre de plus en plus dans la misère), Jean Valjean arrive dans la vie de Fantine comme un « Bon Samaritain ». Il l’embauche dans sa fabrique de verroterie, puis plus tard, lorsque Fantine est sur le point de se faire arrêter et incarcérer (par Javert) pour un incident dont elle n’est pas responsable, Monsieur Madeleine, prend sa défense en s’opposant à son incarcération. Lorsqu’elle tombe gravement malade, il la fait hospitaliser dans son institution et s’assure qu’elle reçoive les meilleurs soins possibles. Il lui promet de lui ramener sa fille Cosette, mais il ne peut tenir sa promesse car l’état de Fantine se détériore trop rapidement.

Est-elle victime d’elle-même ? de la société ? Développez votre réflexion.

Que Fantine soit née de parents inconnus, qu’elle n’ait ni nom de famille, ni nom de baptême, qu’elle ait été abandonnée à son sort, avant de se mettre au service de fermiers et de rencontrer un étudiant qui la séduit, à qui elle se donne et qui l’abandonne avec un enfant, voilà autant d’éléments qui indiquent qu’elle n’a pas été favorisée par la destinée, de sa naissance à ses premières amours. A travers le personnage de Fantine, la « fille-mère », Hugo fait ressortir l’infortune des jeunes filles paysannes qui cherchaient à gagner leur vie, en se rendant à Paris. Fantine représente également la femme trahie, et la mère courage, prostituée par misère.

Dossier pédagogique de Valjean 32

5.5 Cosette

De son vrai nom Euphrasie, Cosette est la fille de Fantine et de Tholomyes (étudiant bourgeois auquel Fantine s’était naïvement attachée, et qui par la suite l’abandonne). Enfantée dans la misère, elle y grandit et voit sa mère vivre dans la souffrance au quotidien alors qu’elle s’efforce de lui donner un avenir meilleur. Lorsque Fantine décide de retourner sur Montreuil-sur-Mer à la recherche d’un emploi, elle doit confier la garde de Cosette à des aubergistes, les Thénardier. Mais les Thénardier s’avèrent être des individus ignobles et détestables. Recueillie par les Thénardier, Cosette en devient très vite l’esclave : «Cosette était en haillons, elle avait ses pieds nus dans des sabots, et elle tricotait à la lueur du feu des bas de laine destinés aux petites Thénardier.» Ses nouveaux tuteurs abusent d’elle, tant en lui confiant des tâches plus difficiles que ce qu’elle puisse supporter, mais aussi en la maltraitant physiquement : «Cosette était rouée de coups, cela venait de la femme ; elle allait pieds nus l'hiver, cela venait du mari. ». La pauvre petite fille devient alors très rapidement la nouvelle risée de la maisonnée. Tout comme Jean Valjean fut le rédempteur de sa mère Fantine, il se fait également rédempteur de Cosette. Conscient des supplices dont la fillette a été victime et soucieux de tenir la promesse qu’il avait faite à Fantine de protéger Cosette, Valjean décide de racheter aux Thénardier leur « esclave » à un prix très élevé. C’est ainsi que Cosette devient la protégée de Jean Valjean dont elle ne découvre la véritable identité que vers la fin du récit.

Que représente Cosette dans l’imagerie populaire ? Cela vous semble t’il adapté à l’évolution de son personnage ? Développez votre réflexion.

Si le nom de Cosette est communément utilisé dans la culture populaire pour décrire une enfant maltraitée et exploitée pour des tâches ménagères, parce que Cosette fut victime de ces abus domestiques.

Cosette, une enfant malingre et apeurée, voire désespérée va devenir une belle jeune fille, apaisée et aimante, la chrysalide s'est transformée en un splendide papillon.

5.6 Marius Pontmercy

Marius est le fils de Georges Pontmercy (militaire bonapartiste). A la mort de sa mère, le grand-père de Marius bataille contre Georges pour avoir la garde complète et entière de son petit-fils. Il sort vainqueur de ce combat et Georges, déchiré, n’a pour seule option de voir son fils que de l’espionner pendant les services eucharistiques à l’Eglise de Saint-Sulpice. Marius grandit dans le quartier du Marais, au côté de son grand-père qu’il idolâtre. A la mort de son père, Marius reçoit une simple lettre de celui-ci, qui l’incite à faire de la recherche pour découvrir qui son père était réellement. Alors qu’il avait entrepris de faire des études de Droit, Marius Pontmercy saisit cette opportunité pour approfondir ses connaissances de la République et, se séparant de son grand-père, il s’installe dans le Quartier latin où il décide de fréquenter le groupe révolutionnaire « Les Amis de l’ABC ». Plus tard dans l’histoire, Marius reprendra le titre de son père, le « Baron de Pontmercy ». Dossier pédagogique de Valjean 33

Marius va tomber éperdument amoureux de Cosette dès le premier jour où il pose les yeux sur elle, et lui déclarera son amour dans une lettre : «Il suffit d'un sourire entrevu là-bas sous un chapeau de crêpe blanc à bavolet lilas, pour que l'âme entre dans le palais des rêves » Celle-ci, était assise sur un banc public aux côtés de Jean Valjean. Les deux échangent, par un regard, un dialogue amoureux dont Valjean est le témoin. Envoûté par elle, Marius décide de la suivre jusqu’à son domicile. A cause des déménagements incessants de Valjean, Marius ne pourra revoir Cosette que plusieurs années plus tard, et il l’épousera.

D’après-vous est-il un révolutionnaire ? Développez votre réflexion.

Certains personnages dans l’œuvre représentent des partisans de la révolution française. C’est le cas d’Enjolras et de Combeferre, membres de la société révolutionnaire « Les Amis de l’A B C ». Marius commence à nourrir lui aussi des pensées révolutionnaires lorsqu’il apprend la vérité sur l’identité réelle de son père. Ces pensées remplaceront son esprit royaliste et lorsque Marius rejoint la société des « Les Amis de l’A B C », sa transition de royaliste à révolutionnaire reflète aussi le changement d’opinion de Victor Hugo au sujet de la révolution française.

5.7 Les Thénardier

C’est un couple d’aubergistes de Montfermeil, dont l’entrée dans l’histoire est marquée par la décision de Fantine : leur donner la garde de sa fille unique, Cosette. La famille Thénardier est composée du père et de la mère, leurs deux filles Eponine et Azelma, de Gavroche et de deux autres garçons beaucoup plus jeunes. La mère Thénardier se débarrasse de ces deux derniers garçons car elle a trop de bouches à nourrir et « préfère » ses filles. Le père Thénardier est un soldat retraité, médaillé suite à la bataille de Waterloo dans laquelle il sauva un colonel gravement blessé : le colonel Pontmercy, père de Marius Pontmercy. Après avoir accepté de s’occuper de Cosette pour sept francs par mois, les Thénardier augmentent progressivement le prix de leurs services en inventant des dépenses fictionnelles pour Cosette (comme des soins médicaux, par exemple), ils la maltraitent et font d’elle, leur esclave.

Que représente pour vous le couple des Thénardier ? Développez votre réflexion.

Les parents Thénardier jouent un rôle critique dans l’histoire. Dès le début, ils sont présentés comme des personnages fourbes, escrocs et malhonnêtes, ils dépouillent complètement Fantine du peu de sous qu’elle gagnait dans l’usine de verroterie de Mr. Madeleine. Ils représentent l’esclavagisme et utilisent leurs talents d’arnaqueurs pour s’octroyer des richesses. Ils se tournent donc clairement vers le mal pour survivre. Conclusion autour des personnages À la fin du roman, les principaux personnages connaissent des fortunes diverses. Jean Valjean remet son âme à Dieu, ayant accompli sa promesse ; Javert se suicide, ne pouvant supporter l’idée d’avoir failli à son devoir ; Cosette et Marius se marient. De manière quasi manichéenne, les « bons » sont récompensés tandis que les « méchants » sont punis. Si le roman comporte une morale, c’est autour de cela qu’elle doit s’articuler. Dossier pédagogique de Valjean 34

B-APRES LE SPECTACLE

1 L’adaptation du roman au théâtre

Définissez par écrit ce qu’est le théâtre et partagez ensuite vos définitions à l’oral, afin de les enrichir mutuellement.

Donnez quelques exemples d’adaptations d’œuvres littéraires au cinéma ou à la télévision, puis définissez par écrit ce qu’est, pour vous, une adaptation et partagez ensuite vos définitions à l’oral, afin de les enrichir mutuellement.

1.1 Qu’est-ce que le théâtre?

Le mot théâtre vient du grec theatron qui signifie « le lieu d’où l’on voit ». Le théâtre est d'abord un spectacle et un genre oral, une performance éphémère, la prestation d'un comédien devant des spectateurs qui regardent, un travail corporel, un exercice vocal et gestuel, le plus souvent dans un lieu particulier et dans un décor particulier. Il n'est pas nécessairement lié à un texte préalablement écrit ni publié.

1.2 Qu’est-ce qu’une adaptation ?

1. Action d'adapter ou de s'adapter ; modification qui en résulte. Adaptation d'un équipement aux besoins des usagers. 2. Appropriation d'un organisme aux conditions internes et externes de l'existence, permettant à cet organisme de durer et de se reproduire.

Après avoir lu cette définition, donnez votre point de vue, à l’oral ou à l’écrit sur ces deux questions : L’adaptation a t’elle un rapport avec la traduction d’une œuvre ? Pour vous l’adaptation est-elle une trahison de l’œuvre originale ? Donnez des arguments. En quoi l’adaptation est-elle un exercice de style ? Recherchez une autre adaptation du roman pour chaque catégorie ci dessous : - au théâtre - au cinéma

Si vous deviez adapter ce roman, quel support artistique choisiriez-vous ? (théâtre, cinéma, télévision, peinture, sculpture, autre ?) Pourquoi ?

1.3 Les adaptations actuelles des Misérables Les adaptations sont trop nombreuses pour les énumérer. Les premières adaptations au cinéma datent du début du XXème siècle, et la dernière a été réalisée par Tom Hooper aux USA en 2012. Dossier pédagogique de Valjean 35

Pour les téléfilms et séries télévisées : A noter la sortie en novembre 2018 de "Victor Hugo, Ennemi d'Etat", mini-série en quatre épisodes réalisés par Jean- Marc Moutou sur France 2. Avec Yannick Choirat dans le rôle d’Hugo. Parmi les comédies musicales, citons le succès de la mise en scène de Robert Hossein en 1981, au Palais des Sports de Paris, qui a entrainé la réalisation d’un film par le metteur en scène, mais aussi la traduction en anglais de la comédie Musicale qui se joue sans discontinuer depuis 1991 à Londres et à Broadway: les Miz. Le livret (texte) de la version française a été écrit par Alain Boublil. La composition musicale de Claude-Michel Schönberg créé pour le Palais des Sports de Paris en 1981 reste inchangée pour la version anglophone. Concernant les pièces de théâtre, citons ici les trois adaptations actuelles qui se sont jouées à l’été 2018 au festival d’Avignon Off : la version musicale pour jeune public mise en scène par William Mesguich, la mise en scène de Manon Montel, et le seul en scène Valjean.

2 Valjean

2.1 Des Misères à Valjean en passant par les Misérables

Analyse des titres :

Que vous évoque les Misères, titre original choisi par Victor Hugo en 1848 ? Que vous évoque les Misérables, finalement choisi par Victor Hugo en 1862 ? Que vous évoque le titre Valjean, adaptation théâtrale (seul en scène) du roman de Victor Hugo ? En quoi leurs différences vous apportent-elles des éléments de compréhension sur l’auteur et les œuvres ? Donnez votre définition personnelle de la misère. Pensez-vous que la misère aujourd’hui soit différente de celle du XIXème siècle ? Argumentez votre propos.

« Dès 1828, le jeune Victor Hugo envisage d’écrire un roman intitulé Les Misères, il se met à l’écriture des Misères le 17 novembre 1845 pour un premier long jet jusqu’au 14 février 1848, date à laquelle il s’interrompt, surpris par la Révolution de 1848 et la naissance de la Seconde République. Une déclaration du 29 mai 1848 résume toute sa pensée :"haine vigoureuse de l’anarchie, tendre et profond amour du peuple."

D’abord élu à droite à l’Assemblée, Victor Hugo ne tarde pas à se rapprocher de la gauche républicaine, et à réprouver la dérive autoritaire du régime de Napoléon III qu’il a d’abord soutenu. Opposant farouche au coup d’État du 2 décembre 1851, il tente en vain d’organiser avec d’autres députés une insurrection populaire. Mais recherché par la police, il doit quitter Paris pour Bruxelles. Le décret du 9 janvier 1852 signe officiellement son expulsion hors de France.

Réfugié dès 1852, à Bruxelles, puis à Jersey, et enfin à Guernesey, lorsque paraissent simultanément à Paris et à Bruxelles, d’avril à juin 1862, les dix tomes des Misérables, l’écrivain est dans sa onzième année d’exil. Il a refusé l’amnistie de 1859 accordée par Napoléon III aux condamnés du coup d’État, et a refusé de rentrer en Dossier pédagogique de Valjean 36

France : "Quand la liberté rentrera, je rentrerai." C’est alors, en 1860, dans le calme de l’exil, qu’il peut retrouver et reprendre son grand roman, abandonné depuis douze ans.

Le 24 avril 1860, il note dans son carnet : "J’ai tiré aujourd’hui Les Misérables de la malle aux manuscrits." La première étape consiste en une relecture intégrale du texte des Misères. La phase de réécriture des Misérables s’enchaîne ensuite sans interruption, du 12 mai 1860 au 30 juin 1861 : "Ce matin 30 juin à huit heures et demie, avec un beau soleil dans mes fenêtres, j’ai fini Les Misérables. […] C’est dans la plaine de Waterloo et dans le mois de Waterloo que j’ai livré ma bataille. J’espère ne l’avoir point perdue." 21

Analyse de l’affiche :

Que révèle t’elle à travers le choix de l’illustration, de la mise en page, des couleurs… ?

2.2 L’originalité de la pièce de théâtre Valjean

En quoi la pièce de théâtre Valjean est-elle différente des adaptations évoquées plus haut ?

C’est un seul en scène : Le personnage de Valjean est à la fois conteur, puisqu’il nous narre des évènements passés : Contrairement au narrateur des Misérables, (porte-parole de Victor Hugo), qui intervient régulièrement dans le récit pour formuler un commentaire ou un jugement sur un personnage ou une situation, ici le narrateur (Valjean) n’est donc plus le narrateur omniscient du roman, mais un personnage, qui s’adresse à un autre personnage, Marius. Nous changeons de point de vue. Valjean est également acteur de ce qu’il vit ; Et enfin, il entre parfois dans la peau des autres personnages, pour donner vie aux dialogues, il est donc comédien.

2.3 Trois leviers employés pour l’adaptation de Valjean

Trouvez les trois leviers employés pour cette adaptation.

La forme épistolaire Le geste artistique, la signature de ce seul en scène, en tant qu’adaptation et passage au plateau, est le dispositif de la lettre. Ici Valjean écrit à Marius. Et dans cette lettre il se livre, il se dévoile et revit les étapes qui l’ont constitué. La forme épistolaire est donc à la fois le prétexte du spectacle, sa porte d’entrée et elle permet sa mise en espace. Elle définit ainsi le moment et le lieu de l’action.

L’incarnation des autres personnages par Valjean Le travestissement joue un triple rôle dans ce spectacle.

21 https://www.gouvernement.fr/partage/9094-publication-des-miserables-de-victor-hugo

Dossier pédagogique de Valjean 37

- Rappel du danger, introduction de la farce, moments de respiration pour les spectateurs - Pour l’équipe artistique du spectacle, c’est une façon de rendre concrets les changements d’identité du personnage, qui passe la durée du roman à se cacher, pour échapper à Javert.

Le travestissement permet également d’introduire des respirations légères, à travers l’emploi de la farce et du grotesque, à une histoire très dramatique. Puisqu’un seul personnage sur scène raconte sa vie et ses rencontres, il est demandé un effort constant d’imagination au spectateur. Le travestissement permet donc également d’apporter des moments de pause pour la concentration.

Les coups de théâtre Comme nous l’avons vu plus haut, Victor Hugo était un fin connaisseur du théâtre, et il maniait avec une grande habileté les coups de théâtre. Les coups de théâtre sont un des outils essentiels de la dramaturgie (art de la composition théâtrale). Ils sont souvent liés à l’agon (terme grec qui désigne la lutte). Sans lutte il n’y a pas dramaturgie, donc pas de théâtre. Cette lutte peut-être la lutte intérieure d’un personnage avec lui-même, ou avoir lieu entre plusieurs protagonistes. Les luttes sont les pivots dramaturgiques, l’ossature de l’histoire. Quand ses luttes nous surprennent, ou surprennent les personnages, il y a un coup de théâtre.

Citez trois coups de théâtre que l’on retrouve dans la pièce Valjean, et analysez-les.

La scène des chandeliers où Valjean est pardonné de son vol et couvert par Monseigneur Myriel. La scène avec Petit Gervais où malgré sa promesse à Myriel, Valjean vole à nouveau, sans vraiment s’en apercevoir. Tempête sous un crâne, où Valjean décide finalement de se dévoiler et de perdre sa situation confortable. Le suicide de Javert. …

3 Etude comparative de trois passages du roman et de la pièce :

Comparez les trois extraits suivants avec les scènes du spectacle. Qu’en retirez- vous ? Annexe F3 : le vol des chandeliers Annexe F5 : Tempête sous un crâne Annexe F11 : Les dernières lignes du roman Dossier pédagogique de Valjean 38

4- L’équipe au service d’un spectacle

Le travail du comédien

A partir des éléments travaillés dans les parties 2.2 (l’originalité de la pièce Valjean) et 2.3 (les trois leviers employés pour l’adaptation) tentez de définir le travail qu’a pu faire le comédien sur ce spectacle.

Réponses : Un travail sur la narration. En effet conter (ou raconter) une histoire ne demande pas les mêmes qualités que le fait de jouer un personnage. C’est pour cela que certains comédiens sont conteurs, mais pas tous, et que certains conteurs ne sont pas comédiens. Un travail de visualisation (d’imagination) de tous les lieux et tous les personnages qu’il décrit. Si le comédien ne les voit pas, ne les imagine pas, ne les invente pas, ne leur donne pas vie, le spectateur ne peut pas avoir accès à ces images, puisque le spectateur voit au travers du regard du personnage.

Un travail sur le personnage de Valjean, et sur son évolution intérieure et physique au cours de la pièce. Un travail sur les autres personnages qu’il incarne.

Mais aussi : un travail de mémoire, un travail de diction, un travail de précision des gestes, des déplacements et des regards…

Le travail de la metteur en scène et de la créatrice lumières

Qu’avez-vous noté à propos de la mise en scène ?

Si la réponse est RIEN, c’est parfait ! Sur cette pièce, le principal travail a été de faire en sorte que la mise en scène se voit le moins possible ! Donc de dépouiller l’espace au maximum, de ne laisser que l’essentiel au jeu de l’acteur et à la compréhension du spectateur. Le but de cette mise en scène était de mettre en exergue l’histoire et le personnage de Valjean. L’autre partie de la mise en scène concerne la direction d’acteur.

Au fait pourquoi faut-il diriger un acteur à votre avis ?

L’acteur étant sur scène il ne peut pas se voir, il a donc besoin d’un regard extérieur qui puisse lui confirmer que ce qu’il fait correspond au résultat souhaité, ou qui puisse l’aider à atteindre ce résultat. Ce rôle est très important aussi pour le travail dans l’espace scénique, appelé également espace de jeu. Cet espace n’existerait pas sans les décors ni les lumières.

Qu’avez-vous noté à propos des lumières? Citez deux passages qui vous ont particulièrement marqués dans le spectacle.

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La lumière est fondamentale dans ce spectacle puisqu’elle permet au comédien et aux spectateurs de changer d’univers en un clin d’œil. Elle est un soutien à l’imaginaire et créé certaines sensations visuelles aux spectateurs

Exemples : Une lumière verte apparaît dès que Javert est présent. La quasi absence de lumière dans la scène des égouts. Le « pleins feux » à la sortie des égouts qui éblouit le personnage mais aussi les spectateurs La lumière blanche venue du plafond dans la scène finale.

Un seul en scène mais un travail d’équipe L’équipe qui soutient Valjean depuis sa création est une équipe nombreuse et soudée. Certaines d’entre elles ont leur portrait dans l’adaptation écrite de la pièce. La bande son du spectacle est fondamentale pour soutenir l’ambiance dans les égouts par exemple. Les costumes, la créatrice de l’affiche, la graphiste (qui crée l’identité visuelle du spectacle), la bande vidéo de la présentation du spectacle, les diffuseurs qui font tourner le spectacle de villes en ville, l’attachée de presse qui fait venir les journalistes… Toutes ses personnes forment avec la troupe de comédiens, le metteur en scène et le créateur lumière (ou le scénographe) l’équipe d’un spectacle, accueilli en général dans un théâtre. Mais d’autres lieux comme les structures scolaires, des festivals en plein air… peuvent faire appel à une pièce. Un spectacle, même un seul en scène, ne peut pas se faire seul, et sur Valjean c’est une très belle aventure humaine et artistique.

En guise de conclusion La pièce répond-elle à l’architecture synthétique posée par Victor Hugo en 1845 ? Histoire d'un saint - Histoire d'un homme - Histoire d'une femme - Histoire d'une poupée. La pièce est-elle fidèle au roman ? Quelles que soient vos réponses nous espérons que vous avez apprécié la pièce, qu’elle vous donnera envie de mieux découvrir l’œuvre de Victor Hugo, et en particulier de lire le merveilleux roman les Misérables. Et si notre adaptation vous a donné envie d’aller au théâtre alors notre pari sera gagné ! Dossier pédagogique de Valjean 40

Annexes

A- Manuscrit original Des Misérables A1 Les Misérables, extrait du manuscrit avec les deux étapes d'écriture, archives BnF A2 Notes manuscrites fragments, archives BnF Ces fragments vous donnent-ils des informations sur la personnalité de l’auteur ?

B-Préface Des Misérables B1 Préface manuscrite de Victor Hugo, archives BnF B2 A propos de la préface de Victor Hugo, archives du gouvernement

C- Dessins représentant des personnages et des scènes Misérables C1 Dessin de la scène des chandeliers, avec un extrait de texte, archives BnF C2 Dessin de Fantine, et extrait de texte, archives BnF Comment imaginez-vous Fantine physiquement? Décrivez-la. D3 Dessin de la scène de Tempête sous un crâne, avec extrait de texte, archives BnF C4 Dessin de la scène du seau d'eau, et extrait, archives BnF C5 Dessin de Cosette et son balai, archives BnF C6 Gravure de Cosette par Victor Hugo, et extrait, archives BnF C7 Dessin de Gavroche par Victor Hugo, archives BnF C8 Dessin de la mort de Valjean, archives BnF Comparez ce dessin avec la dernière scène du spectacle.

D- Les dessins sur les Misérables D1 première édition illustrée, archives BnF D2 couverture du roman feuilleton, archives BnF D3 roman feuilleton et alphabétisation, archives BnF D4 Une affiche italienne en 1862, archives BnF

E- Lexique relatif aux sept parties du spectacle

F- Les extraits Des Misérables

Livre I F1 Extrait des Misérables : Portrait de l’évêque Myriel (I,1,12) F2 Extrait des Misérables : Premier portrait de Valjean (I,2,1) F3 Extrait des Misérables : Le vol des chandeliers (I, 2, 12) Comparez ce passage avec la partie du spectacle correspondante. F4 Extrait des Misérables : Qu’est ce que c’est que cette histoire de Fantine ? (I,5,11) Montrez dans cet extrait comment Victor Hugo prend la défense des femmes réduites à la prostitution. F5 Extrait des Misérables : Une tempête sous un crâne (I,7, 3) Comparez ce passage avec la partie du spectacle correspondante. Dossier pédagogique de Valjean 41

Livre II F6 Extrait des Misérables : La bataille de Waterloo, Le dernier carré et « le mot » de Cambronne (II,1,14) Qui était Cambronne ? Quel est le mot de Cambronne ? Qu’apprenez-vous grâce à cet extrait du roman ? F7 Extrait des Misérables : Portrait de Cosette (II,3,8)

Livre III F8 Extrait des Misérables : Portrait de Gavroche (III,1,12)

Livre IV F9 Extrait Des Misérables : sur l’argot (IV,7) F10 Extrait des Misérables sur la question sociale : Les deux devoirs : veiller et espérer (IV, 7, 4)

Livre V F11 Extrait des Misérables : Les dernières lignes du roman : L’herbe cache et la pluie efface (V,9,6) Comparez ce passage à la partie du spectacle correspondante.

G- Les jugements et critiques G1-Les jugements et critiques des Misérables G2-Les jugements et critiques sur Victor Hugo G3-Caricature de Victor Hugo, archives BnF

H- Etudes comparatives H1- Tableau d’Eugène Delacroix la Liberté guidant le peuple Etudiez le tableau, quel rapport voyez-vous avec Les Misérables ? H2 Analyse Delacroix-Hugo, Pistes Pédagogiques pour L’Art en révolutions © 2010 CRDP académie de Montpellier, Mary Sanchiz H3- Extrait de Claude Gueux de Victor Hugo, p1 et p2 (paru en 1834) Relevez les similitudes entre le personnage de Claude Gueux et celui de Jean Valjean. H4- Le Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo (1829), premières pages Comparez ces lignes avec le spectacle Valjean. Etudiez leurs points communs.

I- Autres annexes I1-Article d’Alban Jarry paru dans le journal les Echos le 17 juillet 2017 : Utiliser la résilience en s'inspirant de Jean Valjean I2-Préface de Cromwell I3- Détruire la misère, discours de Victor Hugo à l’assemblée le 9 juillet 1849