Solve Et Coagula
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
SOLVE ET COAGULA Les chants de la terre Alpha 537 MENU tracklist textes en français texts in english testi in italiano lyrics fr / it / eng 2 Marco Beasley & Guido Morini 3 MENU Solve et Coagula Un opéra de Guido Morini sur un livret de Marco Beasley 1 Sinfonia 7’47 2 La Porta 0’47 3 La Pudicizia 5’53 4 Il Disinganno 3’17 5 L’Occhio del Male 3’22 6 Site vuje…? 2’59 7 Aria di don Raimondo 2’58 8 Sol 2’50 9 Luna 4’50 10 Tarantella Tapanella 3’15 11 Compianto del Cristo Velato 8’17 12 La Formula 1’22 13 Le Macchine Anatomiche 2’24 14 I Lazzari 3’41 15 L’Angelo 4’00 16 Il Testamento di Raimondo di Sangro 3’48 17 Giovedì 2’39 18 Venerdì 3’25 MARCO BEASLEY, ténor Accordone GUIDO MORINI, direction & clavecin avec: Elisa Citterio, violon Rossella Croce, violon Gianni Maraldi, alto Marco Frezzato, violoncelle Vanni Moretto, contrebasse Franco Pavan, théorbe Enregistrement réalisé du 4 au 7 mars 2014 à l’église Santa Maria Incoronata de Martinengo, Italie Direction artistique : Guido Morini Prise de son, montage & mastering : Alban Sautour Prise de son des « Lettres » Giovedì & Venerdì : Federico « Bandiani » Lagomarsino Direction artistique Alpha Productions & photographies livret : Julien Dubois Chargée de production et d’édition : Pauline Pujol Graphisme : Gaëlle Löchner Traductions en français : Lieselotte Volckaert English translations : Avril Bardoni Photographie de couverture : Paul Almasy / akg-images Paris, Sorbonne, Faculté des Sciences 5 6 Marco Frezzato & Elisa Citterio Rossella Croce & Gianni Maraldi 7 Il est rare qu’un musicien qui s’adonne habituellement à l’interprétation historique de la musique ancienne propose une musique nouvelle conçue pour son propre répertoire de concert, et encore plus dans un monde marqué par une nette séparation entre les figures de l’interprète et celle du compositeur. Avec Accordone j’éprouve ces deux plans complémentaires depuis environ quinze ans, rapprochant de l’exécution de la musique ancienne l’écriture d’œuvres, oratorios, cantates, musique instrumentale. Je souhaite ainsi réunir en une seule personne la figure du créateur et celle de l’interprète, comme tel était le cas avant le xxe siècle et que cela continue à être le cas dans d’autres genres musicaux. On peut considérer cette particularité comme une avancée philologique supplémentaire, ou bien comme le fruit le plus imprévisible du grand mouvement artistique et scientifique qui a redécouvert la musique ancienne en étudiant documents et partitions, et aussi en reconstituant des instruments oubliés par notre époque : ainsi renaît le besoin de s’exprimer par la composition. Avec la brillante conférence tenue au Collège de France en décembre 2012, intitulée « L’atonalisme. Et après ? », le pianiste et compositeur Jérôme Ducros a relancé le débat sur la musique contemporaine en comparant deux positions différentes : d’une part celle des mélomanes, perdus face aux langages musicaux cultivés à partir du xxe siècle ; d’autre part la position des « maîtres d’œuvre », pour qui l’abandon du système tonal représente un grand progrès qui sera compris et apprécié par la postérité, si ce n’est pas le présent. Ces deux points de vue reflètent bien la difficulté que la musique savante contemporaine a rencontrée, de nos jours peut-être plus qu’à toute autre époque, à être entendue comme un langage intelligible et reconnaissable. Ce n’est donc pas un hasard si au cours du siècle dernier l’intérêt pour le répertoire du passé a été plus grand que celui porté aux modes d’expression contemporains. Les grandes institutions musicales programment 8 rarement la musique contemporaine qui, à force de la difficulté d’écoute et de l’absence d’un langage intelligible, se révèle souvent incompréhensible (pour ne pas dire fastidieuse) pour la plupart des auditeurs modernes. A l’inverse, la musique commerciale est présente de manière quasi obsessionnelle dans tous les aspects de la vie quotidienne, mais elle ne peut satisfaire tous les goûts, puisqu’elle s’inspire de la logique industrielle de la consommation rapide. Il se crée donc un espace ouvert à de nouvelles propositions aptes à renouer le rapport avec le public d’aujourd’hui, en lui proposant à nouveau de la musique agréable et de qualité. Ces propositions peuvent, doivent peut-être, s’accrocher à des langages clairs et intelligibles pour ceux qui fréquentent les salles de concert. Dans mon cas les langages compris entre la Renaissance et le baroque constituent la matrice, le point de départ de ma créativité. Solve et Coagula est une œuvre à la fois contemporaine et profondément enracinée dans la tradition musicale des xviie et xviiie siècles. Par rapport au répertoire ancien, les innovations résident dans la revisitation des langages musicaux utilisés en les ouvrant à différentes influences ; dans l’articulation des styles historiques variés à l’intérieur de la composition selon les nécessités expressives ; dans l’usage de techniques et de matériaux anciens tout en conservant la sensibilité du xxie siècle. Cette démarche est loin de la création d’un « faux », d’une œuvre imitée contrefaisant le style de l’original. La Symphonie qui ouvre l’œuvre musicale est le paradigme dans lequel modernité et tradition se fondent : il s’agit d’une fugue sur un thème dodécaphonique, dans laquelle reviennent de nombreux procédés contrapuntiques déjà utilisés par les compositeurs flamands. Le sujet est traité par mouvements contraires, rétrogrades, par augmentation, mais chaque entrée 9 module à la quinte supérieure, changeant ainsi constamment le cadre harmonique et empêchant l’affirmation d’une tonalité principale. Par ce procédé j’ai voulu suggérer le sens d’une sortie du monde ordinaire, une espèce de parcours initiatique vers une autre réalité. Semblable à l’expérience du visiteur qui franchit le seuil de la Chapelle Sansevero à Naples, l’auditeur s’immerge dans un univers sonore dans lequel le passé et le présent se fondent et il est invité à s’abandonner aux suggestions et aux parfums de la Naples de Raimondo di Sangro, Prince de Sansevero. Guido Morini © Velo Massimo Incisione con ritratto di Raimondo di Sangro (Ferdinando Vacca, 1747-50 ca.) 10 Solve et Coagula est le titre de notre travail dédié à Raimondo di Sangro, Prince de Sansevero, né à Torremaggiore en 1710 et mort à Naples en 1771. Un des plus grands penseurs du dix-huitième siècle, Antonio Genovesi, le décrit ainsi : « Il est de courte stature, doté d’une grande tête, beau et jeune d’aspect (…) Philosophe d’esprit, très doux et très aimable de manières, studieux et réservé, avec le défaut d’avoir trop de fantaisie (…) » Don Raimondo eut un rôle de premier plan au sein de l’intelligentsia napolitaine du xviiie siècle et ce défaut d’avoir trop de fantaisie fit de lui un sujet de bavardages pour ses contemporains, mais le rend extrêmement intéressant à nos yeux. Expert en architecture et en arts martiaux, il parlait sanskrit, hébreu et grec ancien, il était amateur de musique, inventeur de nouveaux procédés typographiques, Académicien de la Crusca1 avec le nom « Esercitato » - Exercé -, premier Grand Maître de la Maçonnerie Napolitaine, mais surtout scientifique et expert de l’art alchimique. De ses expérimentations mystérieuses, pour lesquelles il était accusé de sorcellerie par le peuple, il reste des traces soit peu nombreuses mais d’une grande importance. La plupart sont rassemblés dans la Chapelle Sansevero, située dans le palais de la famille, un monument extraordinaire témoignant de l’art de la sculpture du xviiie siècle et qui est un authentique parcours symbolique et spirituel. De l’observation de certains des chefs-d’œuvre que la Chapelle contient encore de nos jours, de la méditation que les symboles présents dans celle-ci nous imposent, naît ce projet dédié à Raimondo di Sangro. 1 Accademia della Crusca: prestigieuse et ancienne institution linguistique, née à Florence au xvie siècle pour protéger la langue italienne. 11 Solve et Coagula n’est pas la représentation superficielle de l’histoire d’un homme doué detrop de fantaisie qui se brûle au feu d’alambics et de formules. Ce n’est pas cela. C’est une méditation – attentive et légère – sur un homme qui croyait en la Science comme en un moyen pour s’élever à un niveau spirituel plus haut, un homme qui recherchait à partir de sa propre culture et de ses propres instruments un plan de pensée supérieure et qui a trouvé dans la Naples du XVIIIème siècle, riche de nouveaux ferments artistiques, un terrain fertile pour les propres racines. Marco Beasley Gênes, le 26 février 2009 12 Vanni Moretto 13 Rossella Croce & Elisa Citterio 14 SOLVE ET COAGULA Salvatore Argenziano Et bienvenue à vous, Prince. Dans une aube froide de janvier, à Torremaggiore en terre des Pouilles, fief des Grands d’Espagne, pendant qu’à Naples flotte encore l’écho somptueux de deux siècles de hallebarde espagnole que gouvernent maintenant les gonfanons d’Autriche et que depuis longtemps les étincelles du grand feu des Lumières rayonnent de la plume de Giambattista Vico, là, en terre des Pouilles, naît ‘Le Prince’. Voici Naples, son berceau, et ici il se nourrit de culture dans la maison de son grand-père, Grand d’Espagne, mécène d’artistes, de philosophes et de scientifiques, précurseurs d’une nouvelle sève culturelle, d’une pensée révolutionnaire novatrice. Après la culture formelle acquise auprès des Jésuites commence la vaste spéculation empiriste et son esprit s’élargit dans les sciences nouvel esprit de la Renaissance immergé dans l’étude de machines hydrauliques, d’inventions guerrières et de nouvelle pharmacopée dans une vision ésotérique de la science 15 - lieu de perdition de toute hérésie - il dénoncera la culture religieuse figée dans l’abondance, un éclectisme intellectuel, qui aboutit enfin à l’alchimie, d’une personnalité charismatique enveloppée dans l’aura de mystère qui maintenant l’entoure.