Stadium, Pas Cessent Déparier À Leur Place »
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Date : 05/11 OCT 17 Page de l'article : p.52-54 Journaliste : ALICE BABIN Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 88037 La Vie – 5/11 octobre 2017 Page 1/3 Culture De plus en plus, le théâtre s'émancipe des codes traditionnels pour donner à voir sur les planches le quotidien, l'ordinaire. Comme si, de cet art au documentaire, il n'y avait qu'un pas. FAIRE JOUER LES «VRAIES GENS» Tous droits réservés à l'éditeur AUTOMNE 1512742500506 Date : 05/11 OCT 17 Page de l'article : p.52-54 Journaliste : ALICE BABIN Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 88037 Page 2/3 STAD/UM : 53 supporteurs du Racing Club de Lens sont Iss protagonistes de cette performance documentaire, riu collectif Zirlib, sur un texte de Mohamed Et Khatid Tantôt appelée « théâtre documen- taire », « performance documentaire » ou « théâtre du réel », cette façon d'investir le plateau ne date pas d'hier. En France, les premières œuvres fondées sur des témoignages, enquêtes, f a i t s d i v e r s , j o u r - naux intimes apparaissent à la fin des années 1960 avec, notamment, le travail d'Antoine Vitez. Pour la chercheuse Zoé Ververopoulou, cette manière de capter le monde tend à « réémerger e n période de crise sociopolitique ». Nous y sommes. De quels maux ce retour a u « vrai » est-il le nom ? Faire mon- théâtre ter sur les planches des femmes de De la fin septembre 2017 à la fin ménages, des migrants, des prisonniers, mai 2018, une soixantaine de supporteurs des personnes issues de quartiers défavo- du Racing Club de Lens se produisent un risés, qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi peu partout en France pour dialoguer avec les préférer aux comédiens ? Pour un public pour le moins inattendu : celui Mohamed El Khatib, « c'est un geste poli- du théâtre. Réalisé par l'auteur et metteur tique, démocratique. Il faut construire la en scène Mohamed El Khatib, ce projet parole avec ces gens, afinqu'ils se réappro- inédit est une des pièces phares de la ren- prient leur vie et que les discours publics trée. L'idée est simple : dansStadium, pas cessent déparier à leur place » . C o n v a i n c u , de comédien, sinon amateur, pas de texte, finalement c o m m e S h a k e s p e a r e , q u e « l e mais des personnes qui ont rarement monde entier est un théâtre », le metteur l'occasion de monter sur un plateau. Avec en scène explique vouloir « déplacer le cette m a t i è re 100 % v r a i e , dénuée dejeu et regard dupublic, afin qu'Une soit plus seu- d'artifice, une question se pose : sommes- lement dans une quête de divertissement ». nous toujours au théâtre V Évoquant de récentes mises en scènes classiques « d e p e t i t s bourgeois » , M o h a m e d « UN GESTE POLITIQUE » El Khatib dénonce : « Monter Molière Depuis quelque temps, le théâtre docu- aujourd'hui est d'une paresse intellectuelle mentaire tente d'occuper les scènes. confondante. On ne peut pas continuer à L'an dernier, par exemple, des habitantes cultiver un tel entre-soi alors que des gens des quartiers populaires de la banlieue crèvent de faim et que d'autres vivent parisienne s'embarquaient dans une folle dehors. Ces préoccupations doivent occuper aventure théâtrale qui allait les amener, les scènes. » partout en France et dans le monde, àjouer leur propre histoire. Dans F(l)ammes, TOUCHER TOUS LES PUBLICS lojeunes femmes non-professionnelles C'était l'un des objectifs de la création, avaient entièrement écrit leur texte, avec en 1947, des centres nationaux d'art dra- leur metteur en scène, Ahmed Madani, à matique et de la décentralisation théâ- partir de leur vécu. Elles disaient «je », trale. À l'époque, la promesse était belle : évoquaient père, mère et enfants, et tout on v o u l a i t , selon l a f o r m u l e de J e a n V i l a r , était « pour de vrai ». imposer le théâtre comme un service Même procédé dans Clean City, pièce public qui devait atteindre tous les foyers mise en scène par le Grec Anestis Azas, « comme l'eau, le gaz et l'électricité ». j dans laquelle cinq femmes de 30 à 60 ans Soixante-dix ans plus tard, les objectifs relatent leur parcours de migrantes, de « sont tom d'être acquis », souligne Élise leur p a y s d ' o r i g i n e à la Grèce où elles sont Vigier, artiste associée au centre drama- devenues f e m m e s d e ménage. A c c l a m é e n tique de Caen. Peu de foyers poussent France, le spectacle avait f a i t salle comble, réellement la porte des théâtres. D'après en 2016, au théâtre des Abbesses Hocine Chabira, directeur du festival (ParisXVIII0), p u i s , e n m a i d e r n i e r , à M e t z , Passages, « afin d e toucher tous les publics, dans l'une des plus importantes manifes- il faut leur parler d'eux, qu'ils puissent tations du Grand Est : le festival Passages. s'identifier ». « Nous vivons actuellement Tous droits réservés à l'éditeur AUTOMNE 1512742500506 Date : 05/11 OCT 17 Page de l'article : p.52-54 Journaliste : ALICE BABIN Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 88037 Page 3/3 CULTURE théâtre DANS FtUAMMES 10 j e u n e femmes des quartiers sensibles o c c u p e n t l a s c è n e ZVIZDAL, a la lisière du t h e a t r e el du film donne la parole a un couple age qui habite pres de T c h e r n o b y l e n z o n e i n t e r d i t e une remise en cause du theâtre, qui s'est « manque de pensée un moyen facile AVOIR trop détache des "vraies gens" », dit U en d'aller dans l'accessible' en n'allant pas Zvizdal (Tchernobyl, si loin, grimaçant, jurant qu'il déteste cette chercher le reel enfoui maîs la réalité si proche) • en tournee en France expression « Le monde intellectuel a pris visible, superficielle » Convaincue qu'il a partir du 14 octobre en otage notre societe. Aujourd hui, je faut creuser le « vrai » pour permettre au http //berlinberlin be/fr/project/zvizdal pense que nous avons besoin de concret. theâtre d'élargir l'horizon Blandine Stadium : en tournée à partir Loeuvre et I esthetique sont, en quelque Savetier encourage l'investigation, qui du 12 octobre sorte, la cerise sur le gateau Ce qui « nous permet de nous remettre en lien et www colline fr/fr/spectacle/stadium compte, c'est le message » de lutter contre la tendance actuelle a l'im- FfOommes. en tournée à partir matériel » du 12 octobre CONTRE LA TENDANCE À L'IMMATÉRIEL A entendre tous ces f a ç o n n e u r s de reel, http //madanicompagnie fr/calendrier Besoin de concret ? Pourtant, dans il semblerait que nous ayons besoin de notre societe de I information et de la corps, de liens, de rencontres Dans cette communication qui reconquête, Cathy Bhsson journaliste » . Sept a n s plus t a r d , le spectacle twitte comme elle res- offre un bel exemple. Zvizdal est presente dans plusieurs pire, nous en sommes « Zvizdal raconte Anciennejournahste spé- theâtres comme une performance docu- quotidiennement une histoire que je cialisée dans la culture, mentaire, a la lisière du theâtre et du film gavés. De quoi donc ne lis plus dans les elle a fait en 2009, lors Plus qu être en demande de « concret», laisser perplexes bon d un reportage, une ren- comme le suggère Hocme Chabira, ne nombre de represen journaux, mais qui contre q u i v a b o u l e v e r s e r sommes nous pas plutôt excèdes par des tants d un theâtre plus est pourtant ce qui la maniere dont elle envi- récits trop en décalage avec nos réalités ? « classique » m'avait poussée à sage son metier A Zvi- Une conséquence, peut-être de la dépoli- Par exemple, pour être journaliste. » zdal un p e t i t v i l l a g e s i t u e tisation ambiante Ou d'un journalisme Blandine Savetier, pres de Tchernobyl qui ne remplirait plus sa fonction pre- metteuse en scene asso CATHY BLISSON, RÉALISATRICE (Ukraine), en z o n e i n t e r - miere dire, montrer le quotidien ? ciee au theâtre national dite, la journaliste ren Un malaise qui fait echo au retour a de Strasbourg (TNS), « il ne faut pas force- contre Petro et Nadia un couple qui, apres l'essentiel prône, en 1973, par l'écrivain ment mettre un ouvrier sur scene pour la catastrophe et malgre les ordres d'éva- Georges Perec « Peut-être s'agit-il de fon- parler de l a condition ouvriere II faut aller cuation, a fait le choix de demeurer la, der enfin notre propre anthropologie • celle au-delà de la simple constatation » Lors dans ce lieu ou ils sont nes. qui parlera de nous. Interroger ce qui qu elle monte Neige (a partir du roman semble tellement aller de soi que nous en d Orban P a m u k ) au TNS, ce n e s t pas p o u r LIN RETOUR À L'ESSENTIEL avons oublie l'origine.