Lusotopie Recherches politiques internationales sur les espaces issus de l’histoire et de la colonisation portugaises

XII(1-2) | 2005 Genre et rapports sociaux Gênero e relações sociais Gendered social relationships

Marissa Moorman et Catherine Sheldon (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/lusotopie/1150 ISSN : 1768-3084

Éditeur : Association des rechercheurs de la revue Lusotopie, Brill, Karthala

Édition imprimée Date de publication : 30 novembre 2005 ISSN : 1257-0273

Référence électronique Marissa Moorman et Catherine Sheldon (dir.), Lusotopie, XII(1-2) | 2005, « Genre et rapports sociaux » [En ligne], mis en ligne le 11 septembre 2015, consulté le 12 mars 2020. URL : http:// journals.openedition.org/lusotopie/1150

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Tous droits réservés 1

Lusotopie est une revue comparatiste internationale, dont le but est le développement de la recherche politique sur les espaces contemporains issus de l’histoire et de la colonisation portugaises. Elle entend poser tous les problèmes généraux de l’analyse politique (nationalisme, ethnicité, néolibéralisme, réforme de l’État, fédéralisme, relations de genre, guerres civiles, médias, société civile, élections, etc.) : son originalité est de les “traiter” au sein de cet espace postcolonial et composite, présent sur quatre continents et dans de nombreuses diasporas. Paraissant depuis 1994, Lusotopie a publié des travaux d’auteurs de plus de trente nationalités, souvent originaires de pays du Sud et institué un espace de dialogue égalitaire grâce à son usage systématique de trois langues internationales (français, portugais et anglais). Lusotopie é uma revista comparatista internacional cujo objectivo é o desenvolvimento da investigação política sobre os espaços contemporâneos provenientes da história e da colonização portuguesas. Propõe-se abordar os problemas gerais da análise política (nacionalismo, etnicidade, neoliberalismo, reforma do Estado, federalismo, relações de género, guerras civis, media, eleições, etc.) : a originalidade da revista é a de tratar aqueles problemas no seio do espaço pós-colonial e plural, presente em quatro continentes e em numerosas diásporas. Sa indo desde 1994 Lusotopie publicou trabalhos de autores de mais de trinta nacionalidades, muitos dos quais naturais de países do Sul, e instituiu um espaço de diálogo egalitário graça s ao uso sistemático de três línguas internacionais (francês, inglês e português). Lusotopie is an international comparatist journal devoted to political analysis of contemporary spaces stemming from Portuguese history and colonization. It deals with general issues in political analysis (nationalism, ethnicity, neo-liberalism, State reform, federalism, gender, civil war, media, civil society, election, etc.): it provides an original approach within this heterogeneous postcolonial space on the four continents and in numerous Diasporas. Founded in 1994, Lusotopie has published a wide range of contributions from researchers of over 30 different nationalities, often from Southern countries. It has brought up an egalitarian dialogue space thanks to use of three international languages (French, Portuguese and English).

NOTE DE LA RÉDACTION

Ont participé à l’élaboration de ce volume : Michel Cahen, Julie Cavignac, Jean-Pierre Chavagne, Christine Chivallon, Marion Gret, Michel Laban, Brigitte Lachartre, Fernando Luís Machado, Patrick Manget, Campos Matos, Eric Morier-Genoud, José Pedro Paiva, Joana Pereira Leite, Kadia Tall, Elizabeth Vignati, Jacqueline Vivès, Fabienne Wateau, Alix Wick, Patrick Zimmermann

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SOMMAIRE

Lusotopie chez Brill Nouvelle étape pour une revue de douze ans d’âge Michel Cahen

Lusotopie na editora Brill. Nova etapa para uma revista com doze anos de idade Michel Cahen

Lusotopie joins Brill A new step forward for the journal after twelve years Michel Cahen

Mélanges

Le « natif », le touriste et la protection de l'environnement La rhétorique de la différence dans une localité du nord-Ceará* Agnès Clerc-Renaud

The Portuguese Identity of the Afro-Sri Lankans University of London, King’s College London. Department of Portuguese & Brazilian Studies Shihan de Jayasuriya

La recherche : Genre et rapports sociaux dans les espaces lusophones

Gender in the Lusophone World History, Identity and Nation Marissa Moorman et Kathleen Sheldon

Mémoires, migrations, rencontres coloniales

Race and Gender Orlanda Amarilis’ Cais do Sodré té Salamansa Claudia Pazos-Alonso

Les Noirs et les « blancs » de l’ethnographie coloniale Discours sur le genre en Guinée portugaise (1915-1935) Philip Havik

Menina e moça em África Maria Archer e a literatura colonial portuguesa Leonor Pires Martins

Être femme de rois karanga à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle Florence Pabiou-Duchamp

«Hierarchical alterity is a mere illusion» Some Reflections on the Creative Power of Women's Expressive Traditions in the Portuguese-Speaking Hindu Diaspora Susana Trovão-Bastos

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Through the Eyes of Brazil’s African Daughters: Vision and Memory in the Artwork of Rosana Paulino and in the Short Fiction of Marilene Felinto Marguerite Itamar Harrison

Le genre à la maison, au travail et dans la maison

Mulher é aquela que « comeu o boi » O efuko e a construção do género no grupo étnico Handa Rosa Maria Amélia João Melo

Grossesse à l’adolescence Une population dans la marge sociale à Recife (Brésil) Véronique Durand

Mutirões, empates e greves Divisão sexual do trabalho guerreiro entre famílias de quebradeiras de coco babaçu, no Brasil Maristela de Paula Andrade

Hommes d’affaires et gestionnaires familiales Complémentarités et asymétries de genre dans une élite de Lisbonne Antónia Pedroso de Lima

Género e poder nas famílias da periferia de Maputo Ana Bénard da Costa

«Our Ancestors Came from Many Bloods» Gendered Narrations of a Hybrid Nation Isabel P. B. Fêo Rodrigues

Masculinities, Violence and Power in Timor Leste Henri Myrttinen

Masculinités pour tous ? Genre, pouvoir et gouvernementalité au Cap-Vert Le foyer dans la spirale de l’ouverture et du changement à Praia Guy Massart

Les chroniques

Chronique des archives 2005

Il faut sauver les archives de Goa ! Ernestine Carreira

Les comptes rendus

André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil) Paris, Karthala, 2003, 304 p. Richard Marin

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Sophie Dulucq & Colette Zytnicki (eds), Décoloniser l’Histoire ? De « l’histoire coloniale » aux histoires nationales en Amérique latine et en Afrique (XIXe-XXe siècles) Saint-Denis (France), Société française d’Histoire d’Outre-Mer, 2003, 176p. Alexis Wick

Francisco Proença Garcia, Análise global de uma guerra. Moçambique 1964-1974 Lisbonne, Prefácio, 2003, 408 p. (« Estudos e Documentos/História militar ») Michel Cahen

Álvaro Nóbrega, A luta pelo poder na Guiné-Bissau Lisbonne, Universidade técnica de Lisboa, Instituto superior de ciências sociais e políticas, 2003, 334 p. Michel Cahen

Luís Quintais, As guerras coloniais portuguesas e a invenção da História Imprensa Ciências Sociais, novembre 2000, 163 p. Judith Manya

Notes de lecture

Rosemary Elizabeth Galli, People's Spaces and States Spaces. Land and Governance in Mozambique Oxford, Lexington Books, 2003, 328 p. Marion Gret

Global Witness, Les affaires sous la guerre : armes, pétrole et argent sale en Angola Marseille, Agone, 2003 (« Les "dossiers noirs" d’Agir ici & Survie », 18), 230 p. Jean-Pierre Chavagne

Rui Pedro Paula de Matos, As ONG(D) e a crise do Estado soberano Lisbonne, Universidade Lusíada, 2001, 668 p. Michel Cahen

Jaime Pinho, Isabel Duarte, Alberto Lopes et al., Mano preto, Mano branco : Direitos humanos em Angola e Moçambique (1950-1974) Setúbal, Estuário Publicações, 2004, 110 p. Jean-Pierre Chavagne

José Machado Pais, Consciência histórica e identidade. Os Jovens Portugueses num contexto europeu Oeiras (Port.), Celta Editora/SEJ, 1999, 400 p., (« Colecção Estudos Sobre Juventude », 3). Michel Cahen

Rui de Azevedo Teixeira (ed.), A guerra do Ultramar : realidade e ficção. Livro de Actas do II° Congresso internacional sobre a guerra colonial Lisbonne, Editorial Notícias, 2002, 350 p., (« Artes e ideias ») Michel Cahen

Revue des Revues

Africana Studia, Revista International de Estudos Africanos Porto, Centro de Estudos Africanos da Universidade do Porto, 2003, 6, 310 p. Jean-Pierre Chavagne

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Lusotopie chez Brill Nouvelle étape pour une revue de douze ans d’âge

Michel Cahen

1 Lusotopie a été fondée entre 1992 (l’association) et 1994 (la revue annuelle) par un anthropologue, Christian Geffray, une sociologue, Christine Messiant et un historien, Michel Cahen, tous trois décidés à développer l’analyse politique des espaces contemporains issus de l’histoire et de la colonisation portugaise. Ce trio initial a rapidement été rejoint par nombre de spécialistes en sciences sociales, d’une trentaine de diverses nationalités, et dont les langues de travail étaient le portugais, le français et l’anglais.

2 Ce qui intéressait le réseau ainsi formé n’était pas une « aire culturelle lusophone » dont il contestait la prégnance, ni l’étude du Portugal pour le Portugal, du Brésil pour le Brésil ou du Mozambique pour le Mozambique. Ce qui l’intéressait était de poser les problèmes généraux de l’analyse sociale et politique dans le monde contemporain – la réforme de l’État, la démocratie politique, l’ethnicité, le néolibéralisme, les guerres civiles, les mouvements sociaux, le nationalisme, etc. – avec pour seule spécificité que son « aire empirique de recherche » était formée par les espaces issus de l’histoire et de la colonisation portugaise. Christian Geffray le précisa très nettement : l’objectif était de faire émerger les enjeux contemporains que, grâce à ce terrain spécifique, il serait possible de verser à la réflexion globale des sciences sociales. 3 Cependant, justement parce que le fait linguistique était relativisé, d’autres « traces » historiques étaient pointées. Par exemple, si personne ne parle portugais à Goa, si les Goanais, très loin de là, ne sont pas « tous des catholiques » qui n’y forment qu’une petite minorité, en revanche, Goa est le seul État de l’Inde régi par le droit romain et la minorité catholique y est plus importante qu’ailleurs. Par exemple, le modèle de l’État centralisateur, principal acteur de l’économie, l’imaginaire de la nation homogène à produire par le parti unique, l’uniformité linguistique, le lusotropicalisme, etc., tous ces traits très « portugais » n’étaient-ils pas conservés dans l’Angola et le Mozambique « marxistes-léninistes » des années 1977-1989 ? Au Brésil, outre le lusotropicalisme et autre « cordialité », le fait que, dans la tradition syndicale locale, les travailleurs d’une entreprise ne peuvent adhérer qu’à un seul syndicat affilié à une seule centrale, et que les syndicalistes sont souvent des « experts » extérieurs à l’entreprise, tout cela ne

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vient-il pas très clairement de la tradition corporatiste portugaise ? Le fait catholique n’a-t-il pas été un axe de résistance et d’identité à Timor ? 4 Et naturellement le fait linguistique lusophone existe, même s’il est relatif. Comme le dit si bien Eduardo Lourenço, la lusophonie ne peut être qu’une aire spécifique d’intersection avec d’autres identités. Mais quand personne ne parle portugais, même cette définition rigoureuse débarrassée des oripeaux d’une lusophonie post-impériale souvent synonyme d’une dilatation de lusitanité, n’est plus opératoire. Les lieux (topoi) façonnés, au moins partiellement par l’histoire et la colonisation portugaises, n’en existent pas moins. Ce fut donc la « lusotopie », concept inventé par Louis Marrou en 1992, et bientôt, Lusotopie, la revue ! 5 Pourtant des revues comme Lusotopie sont souvent consignées (reléguées ?) au statut de revues d’études d’« aire culturelle », expression qui, en français, est plus précise et restrictive que l’anglaise Area Studies. Aire culturelle ou Area Studies désignent néanmoins tout sauf des études généralistes : on n’est ainsi jamais loin des Subaltern Studies... Or Lusotopie se réclame bien d’une aire empirique de recherche : c’est tout autre chose. Les espaces contemporains issus de l’histoire et de la colonisation portugaises dessinent (sans la définir) une aire tout aussi prégnante que d’autres « aires » qui ne se nomment pourtant guère dans les revues consœurs qui s’y consacrent. Pourquoi Lusotopie serait-elle une revue d’« aire culturelle » puisqu’elle analyse les espaces issus de l’histoire portugaise, quand la Revue française de Sciences politique, la Revue Historique, l’American Journal of Political Science, Political Science Quarterly, le Journal of Contemporary History, etc., toutes excellentes revues qui étudient, pour 95 % de leur contenu, seulement le monde occidental, seraient « généralistes » ? Le centre du monde se prendrait-il, même scientifiquement, pour la totalité ? On mesure là le poids des hégémonies au sein des sciences sociales, et là résidait, et réside toujours, une des difficultés principales du projet : celui qui ne travaille pas sur le centre a du mal à se faire admettre comme un « généraliste » ! 6 Pour autant, nous n’avons pas bougé d’un centimètre de cette orientation fondatrice, qui a permis la collaboration féconde, dans Lusotopie, d’auteurs d’une trentaine de nationalités, et souvent originaires des pays du Sud. L’existence d’une revue trilingue (français, portugais, anglais), a créé un espace original et égalitaire d’échanges scientifiques. Ainsi, pendant onze ans, Lusotopie a publié de gros volumes annuels, avec à chaque fois un dossier thématique1.

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7 Pour que le contenu internationalisé (thèmes, auteurs) de Lusotopie soit efficace, il fallait cependant que la diffusion de la revue soit aussi de plus en plus internationalisée. Certes le site internet () a-t-il partiellement permis cela2, mettant à la disposition du lectorat ses articles en texte intégral et gratuit. La revue sera désormais électroniquement hébergée, comme les autres revues publiées chez Brill (), sur la base Ingenta, et l’accès sera libre pour tous les abonnés individuels, ainsi que pour tous les usagers des institutions abonnées. Les résumés trilingues et quelques articles continueront à être en accès libre sur le site de la revue.

8 Mais rien ne remplacera jamais l’édition « papier » : on ne peut tout lire à l’écran, et on ne saurait tout imprimer sur feuilles A4 ! La revue « papier » reste, en réalité, le cœur

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de toutes les revues qui publient des articles assez longs, même si le site internet en est le complément indispensable. C’est compte tenu de tout cela que Lusotopie a décidé de « migrer » de la maison française Karthala (Paris), à Brill (Leiden), vieille maison fortement internationalisée qui publie déjà une centaine de revues. La revue en attend une plus grande diffusion internationale, en particulier dans les pays anglo-saxons et en Amérique latine. Brill attend de Lusotopie un outil pour une meilleure pénétration des marchés brésilien et luso-africain. Le partenariat avec Karthala se poursuit, puisque la collection de livre « Lusotopie » reste chez cet éditeur3.

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9 La revue était un gros pavé annuel : elle sera désormais semestrielle et plus maigre, toutefois encore consistante (de 150 à 250 pages par numéro). Elle inclura souvent, mais non systématiquement, des dossiers thématiques (tel celui du présent volume sur « Genre et rapports sociaux dans les espaces lusophones ») ; la section des articles de mélange pourra mettre l’accent sur un thème traité en trois à cinq articles ; la section bibliographie restera toujours très importante.

10 Nous avons beaucoup d’idées pour l’avenir : islam en lusophonie ; judaïsme en lusophonie ; nationalismes ; racisme, racialisme, antiracisme ; mondialisation et enjeux géopolitiques lusophones ; Macao chinois ; Lula II ; la Galice sans Fraga ; trente ans d’indépendance en Afrique lusophone ; genre et politique ; Timor sans l’Indonésie ; le Portugal et l’Espagne ; etc. Nous souhaitons que la section des articles de mélange aborde plus systématiquement l’actualité. Il y aura donc des changements par petite touche. Mais Lusotopie ne change pas de projet éditorial, et s’engage dans une nouvelle phase, plus professionnalisée, plus internationalisée, de son existence. 11 Découvrez ce premier numéro publié chez Brill, le douzième volume depuis 1994. Et faites-nous parvenir vos critiques, vos idées. Et vos abonnements, bien sûr ! Bordeaux, 12 juillet 2005.

NOTES

1. La liste de ces dossiers peut être retrouvés sur le site de la revue () ou dans l’éditorial du numéro de Lusotopie 2004 : M. CAHEN, « Lusotopie 1994-2004 : vive la suite ! », Lusotopie 2004 (Paris, Karthala), XI, septembre 2005 : 7-14. 2. À la date du 12 juillet 2005, le site avait été visité par 33 532 visiteurs, soit une centaine de visites par semaine depuis 1998, et plus de 200 visites hebdomadaires depuis aun an. Cela est notable, mais encore largement insuffisant. 3. Un seul volume a jusqu’à présent paru : Jacky PICARD (ed.), Le Brésil de Lula. Les défis d'un socialisme démocratique à la périphérie du capitalisme, , Paris, Karthala 344 p., ISBN : 2-84586-410-8, résumés en français, portugais et anglais (« Livres Lusotopie », 1). Parmi divers projets en cours

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d’étude ou de préparation : Viriato da Cruz ; Économie politique de l’Angola post-colonial ; Le parti communiste portugais et la question coloniale ; le racisme au Portugal ; etc.

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Lusotopie na editora Brill. Nova etapa para uma revista com doze anos de idade

Michel Cahen

1 Lusotopie foi fundada entre 1992 (a associação) e 1994 (a revista anual) por um antropólogo, Christian Geffray, uma socióloga, Christine Messiant e um historiador, Michel Cahen, todos os três decididos a desenvolver a análise política dos espaços contemporâneos oriundos da história e da colonização portuguesas. A este trio inicial rapidamente se juntaram numerosos especialistas de ciências sociais, de cerca de trinta nacionalidades diferentes, e cujas línguas de trabalho eram o português, o francês e o inglês. O que interessava à rede assim formada não era uma « área cultural lusófona » cuja pregnância contestava, nem o estudo de Portugal por Portugal, do Brasil pelo Brasil ou de Moçambique por Moçambique. O que lhe interessava era levantar os problemas gerais da análise social e politica no mundo contemporâneo – a reforma do Estado, a democracia política, a etnicidade, o neo-liberalismo, as guerras civis, os movimentos sociais, o nacionalismo, etc. – tendo como única especificidade que a sua « área empírica de investigação » era formada pelos espaços oriundos da história e da colonização portuguesas. Christian Geffray indicou-o muito nitidamente : o objectivo era fazer emergir os desafios contemporâneos que, graças a este terreno específico, seria possível entregar à reflexão global das ciências sociais.

2 No entanto, justamente porque o facto linguístico era relativizado, eram apontados outros « vestígios » históricos. Por exemplo, se ninguém fala português em Goa, se os Goeses, longe de serem « todos católicos » os quais formam apenas uma pequena minoria, em compensação, Goa é o único Estado da Índia regido pelo direito romano e a minoria católica é ali mais importante que em qualquer outro lado. Por exemplo, o modelo do Estado centralizador, principal actor da economia, o imaginário da nação homogénea a produzir pelo partido único, pela uniformidade linguística, pelo luso- tropicalismo, etc., todos estes traços muito « portugueses » não eram conservados na Angola e no Moçambique « marxistas-leninistas » dos anos 1977-1989 ? No Brasil, além do luso-tropicalismo e outra « cordialidade », o facto que, na tradição sindical local, os trabalhadores duma empresa só possam aderir a um só sindicato afiliado a uma única central, e que os sindicalistas sejam muitas vezes « peritos » exteriores à empresa, será

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que tudo isto não vem muito claramente da tradição corporativista portuguesa ? Não terá sido o facto católico um eixo de resistência e de identidade em Timor ? 3 E naturalmente o facto linguístico lusófono existe, mesmo se é relativo. Como muito bem disse Eduardo Lourenço, a lusofonia só pode ser uma área específica de intersecção com outras identidades. Mas quando ninguém fala português, mesmo esta definição rigorosa liberta dos ouripéis de uma lusofonia pós-imperial muitas vezes sinónimo de uma dilatação de lusitanidade, já não é operatória. Os lugares (topoi) modelados, pelo menos parcialmente pela história e pela colonização portuguesas nem por isso deixaram de existir. Veio pois a « lusotopia », conceito inventado por Louis Marrou em 1992, e, logo a seguir, Lusotopie, a revista ! 4 Não obstante, revistas como Lusotopie são frequentemente consignadas (relegadas ?) no estatuto de revistas de estudos de « área cultural », expressão que, em francês, é mais precisa e restritiva que a inglesa Area Studies. Área cultural ou Area Studies designam todavia tudo excepto estudos generalistas : deste modo nunca se está longe dos Subaltern Studies... Ora Lusotopie reclama-se francamente de uma área empírica de investigação : é completamente diferente. Os espaços contemporâneos oriundos da história e da colonização portuguesas desenham (sem a definir) uma área com tanta pregnância como outras « áreas » que contudo não se nomeiam de modo nenhum nas revistas parentes que a tal se consagram. Porque seria Lusotopie uma revista de « área cultural » visto que analisa os espaços oriundos da história portuguesa, quando seriam « generalistas » a Revue française de Sciences politiques, a Revue Historique, o American Journal of Political Science, a Political Science Quarterly, o Journal of Contemporary History, etc., todas elas excelentes revistas que estudam, em 95 % do seu conteúdo, apenas o mundo ocidental ? O centro do mundo considerar-se-ia, mesmo cientificamente, como a totalidade ? Mede-se aqui o peso das hegemonias no seio das ciências sociais, e residia ali, e continua a residir, uma das dificuldades principais do projecto : quem não trabalha sobre o centro tem dificuldade em se fazer admitir como « generalista » ! 5 Mesmo assim não nos afastámos de um centímetro desta orientação fundadora, que permitiu a colaboração fecunda, na Lusotopie, de autores de cerca de trinta nacionalidades, e muitas vezes originários dos países do Sul. A existência de uma revista trilingue (francês, português, inglês), criou um espaço original e igualitário de intercâmbios científicos. Assim, durante onze anos, Lusotopie publicou grandes volumes anuais, cada vez com um dossier temático1.

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6 Para que o conteúdo internacionalizado (temas, autores) de Lusotopie fosse eficaz, era no entanto preciso que a difusão da revista fosse também cada vez mais internacionalizada. Certamente o site internet () permitiu parcialmente isso2, pondo à disposição dos leitores os seus artigos em texto integral e gratuito. A revista será doravante electronicamente alojada, como as outras revistas publicadas por Brill (), na base Ingenta, e o acesso será livre para todos os assinantes individuais, assim como para todos os utentes das instituições assinantes. Os resumos trilingues e alguns artigos continuarão a estar em acesso livre no site da revista.

7 Mas jamais algo substituirá a edição « papel » : nem tudo se pode ler no ecrã, e nem tudo se poderia imprimir em folhas A4 ! A revista « papel » permanece, na realidade,

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como o coração de todas as revistas que publicam artigos bastante longos, mesmo se o site internet é o seu complemento indispensável. Foi em consideração de tudo isto que Lusotopie decidiu « migrar » da editora francesa Karthala (Paris), para Brill (Leiden), editora antiga fortemente internacionalizada que já publica uma centena de revistas. A revista aguarda uma maior difusão internacional, particularmente nos países anglo- saxões e na América latina. Brill espera de Lusotopie um utensílio para uma melhor penetração dos mercados brasileiro e luso-africano. A parceria com Karthala prossegue, dado que a colecção de livro « Lusotopie » fica nesta editora 3.

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8 A revista era um grande calhamaço anual : será doravante semestral e mais magra, se bem que ainda consistente (de 150 a 250 páginas por número). Ela incluirá frequente, mas não sistematicamente, dossiers temáticos (tal como o do presente volume sobre « Género e relações sociais nos espaços lusófonos ») ; a secção dos artigos de miscelânea poderá pôr o acento sobre um tema tratado entre três e cinco artigos ; a secção bibliografia continuará a ser muito importante.

9 Temos muitas ideias para o futuro : islão na lusofonia ; judaísmo na lusofonia ; nacionalismos ; racismo, racialismo, anti-racismo ; mundialização e desafios geopolíticos lusófonos ; Macau chinês ; Lula II ; a Galiza sem Fraga ; trinta anos de independência na África lusófona ; género e política ; Timor sem a Indonésia ; Portugal e Espanha ; etc. Desejamos que a secção dos artigos de miscelânea aborde mais sistematicamente a actualidade. Haverá pois mudanças através de pequenos retoques. Mas Lusotopie não muda de projecto editorial, e empenha-se numa nova fase, mais profissionalizada, mais internacionalizada, da sua existência. 10 Descubra este primeiro número publicado por Brill, o duodécimo volume desde 1994. E envie-nos as suas críticas, as suas ideias. E as suas assinaturas, está claro ! Bordéus, 12 de Julho de 2005

NOTAS

1. A lista destes dossiers pode ser recuperada no site da revista () ou no editorial do número de Lusotopie 2004 : M. CAHEN, « Lusotopie 1994-2004 : vive la suite ! », Lusotopie 2004 (Paris, Karthala), XI, Setembro 2005 : 7-14. 2. À data de 12 de Julho de 2005, o site tinha sido visitado por 33 532 visitantes, ou seja uma centena de visitas por semana desde 1998, e mais de 200 visitas semanais desde há um ano. Isto é notável, mas ainda largamente insuficiente. 3. Um único volume saiu até à presente data : Jacky PICARD (ed.), Le Brésil de Lula. Les défis d'un socialisme démocratique à la périphérie du capitalisme, , Paris, Karthala 344 p., ISBN : 2-84586-410-8, resumos em francês, português e inglês (« Livros Lusotopie », 1). Entre diversos projectos em vias de estudo ou de preparação : Viriato da Cruz ; Economia política da Angola pós-colonial ; O partido comunista português e a questão colonial ; o racismo em Portugal ; etc.

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Lusotopie joins Brill A new step forward for the journal after twelve years

Michel Cahen

1 Lusotopie was founded in 1992 (the association) and 1994 (the annual journal) by an anthropologist, Christian Geffray, a sociologist, Christine Messiant, and a historian, Michel Cahen, all three of whom wished to develop political analysis of contemporary spaces stemming from Portuguese history and colonisation. This initial trio was soon joined by a number of specialists in social sciences of thirty or so different nationalities, whose working languages were Portuguese, French and English.

2 What this network was interested in, was not a “Lusophone cultural area” whose meaningfulness it in fact disputed, nor the study of Portugal for Portugal’s sake, of Brazil for Brazil’s sake or indeed of Mozambique for Mozambique’s sake. What it was interested in, was posing the general problems of social and political analysis in the contemporary world – reform of the State, political democracy, ethnicity, neo- liberalism, civil wars, social movements, nationalism, etc. – with the sole specificity that its “empirical area of research” was formed by the spaces stemming from Portuguese history and colonisation. Christian Geffray expressed this very clearly: the aim was to highlight contemporary issues which, through this specific field, could then be contributed to global thinking in social science. 3 The fact that the linguistic factor was only of relative importance pointed attention towards other historical “traces”. For example, true as it may be that nobody speaks Portuguese in Goa and that Goans are very far from all being Catholics, who in fact make up only a small minority, it is nonetheless the only State in India to be governed by Roman Law and the Catholic minority there is larger than elsewhere in the country. Also, could it not be argued that the model of the centralising State as the main player in the economy, the collective imagination built around the production of a homogenous nation by the single party, linguistic uniformity and lusotropicalism, etc. are all very much “Portuguese” traits that were conserved in the “Marxist-Leninist” Angola and Mozambique of the period 1977-1989? In Brazil, lusotropicalism and “cordiality” aside, is the fact that local Trade Union tradition allows the workers in a company to join only one Union affiliated to just one Confederation, and that unionists are often “experts” who are external to the company, not very clearly derived from

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Portuguese corporatist tradition? And was Catholicism not a focus of resistance and identity in Timor? 4 Of course, the Lusophone linguistic factor does exist, no matter how relative its significance might be. As Eduardo Lourenço put it so well, the Lusophone world can only be a specific area of intersection with other identities. But when nobody speaks Portuguese, even this strict definition stripped of the tawdry rags of a post-imperial vision so often synonymous with an extension of Lusitanity no longer works. Yet the places (topoi) shaped at least in part by Portuguese history and colonisation really do exist. Hence the concept of “Lusotopia” invented by Louis Marrou in 1992, followed by the Lusotopie journal soon afterwards! 5 Yet journals such as Lusotopie are often consigned (or should we say relegated?) to the status of journals of studies of an aire culturelle, an expression which, in French, is both more precise and more restrictive than the English Area Studies. Aire culturelle or Area Studies, however, both refer to anything but “generalist” studies: we are never very far from Subaltern Studies... Lusotopie, on the other hand, refers to an empirical area of research, which is quite another thing. The contemporary spaces stemming from Portuguese history and colonisation outline (without defining) an area every bit as meaningful as other “areas” which see no need to give their names in the journals dedicated to them. Why should Lusotopie be seen as the journal of an aire culturelle merely because it analyses spaces stemming from Portuguese history, while the Revue française de Sciences politiques, the Revue Historique, the American Journal of Political Science, Political Science Quarterly and the Journal of Contemporary History, etc., all excellent journals which dedicate 95% of their content exclusively to the study of the western world, are seen as being “generalist” in their scope? Could it be that the centre of the world tends to take itself, even among scientists, for the whole of the world? We feel here the full weight of prevailing hegemonies within social sciences, and this has always been and continues to be one of the main difficulties of our project: it is difficult for those who do not work on the centre to gain acceptance as a “generalist”! 6 Despite this, we have not budged one inch from our original orientation which has given rise to the fruitful collaboration in Lusotopie of authors of thirty or so nationalities, often from the countries of the South. The existence of a trilingual journal (French, Portuguese and English) has created an original, egalitarian space for scientific exchanges. For eleven years, Lusotopie has been publishing large annual volumes, each with a dossier on a specific theme1.

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7 If the international dimension (themes, authors) of Lusotopie is to be effective, however, it is essential that distribution of the journal should also be increasingly international. Admittedly, the website () has made this possible to a certain extent2, placing the full text of articles at the disposal of readers free of charge. The journal will henceforth be available on internet, like the others published by Brill (), on the Ingenta database, with free access for all individual subscribers, as well as for all users of institutional subscribers. The trilingual abstracts and a few articles will continue to be freely accessible on the website of the journal.

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8 But nothing will ever replace the “print” edition: not everything can be read on screen, and no one will imagine printing the whole thing out on A4 paper! In reality, the “print” edition remains the heart of all those journals that publish longer articles, even if the website is an indispensable supplement to it. It is in the light of all this that Lusotopie has decided to “migrate” from French publisher Karthala (Paris) to Brill (Leiden), an old and very much international house which already publishes somewhere in the region of a hundred journals. In so doing, the journal hopes for wider international distribution, especially in the English-speaking countries and in Latin America. Brill, meanwhile, sees Lusotopie as a means of improving its penetration of markets in Brazil and Portuguese-speaking Africa. Our partnership with Karthala continues, however, since the “Lusotopie” collection of books will be remaining with that publishing house3.

* * *

9 The journal was a particularly hefty annual publication: it will now be half-yearly and somewhat slimmer, if still substantial (150 to 250 pages per issue). It will often, but not systematically, include dossiers on specific themes (such as the one in the present volume on “Gendered social relationships in Portuguese-speaking spaces”) and the section with mixed articles may turn the spotlight on a given theme through three to five articles, while the bibliography section will continue to be very extensive.

10 We have plenty of ideas for the future: Islam in the Lusophone world; Judaism in the Lusophone world; nationalisms ; racism, racialism and anti-racism; globalisation and Lusophone geopolitical issues; Macao under China; Lula II; Galicia without Fraga; thirty years of independence in Portuguese-speaking Africa; gender and politics; Timor without Indonesia; Portugal and Spain ; etc. Our wish is that the section of the journal with mixed articles should tackle topical subjects more systematically. There will therefore be a number of slight changes along the way, but Lusotopie is not changing its editorial tack, and is simply starting a new, more professionalised, more internationalised phase of its existence. 11 So now take a look at this first issue published by Brill, the twelfth volume since 1994, and send us any criticisms and ideas you might have. Along with those subscriptions, of course! Bordeaux, 12 July 2005

NOTES

1. The list of these dossiers can be found on the Journal’s website () or in the Editorial of the 2004 issue of Lusotopie: M. CAHEN, “Lusotopie 1994-2004: vive la suite !”, Lusotopie 2004 (Paris, Karthala), XI, September 2005: 7-14.

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2. As of 12 July 2005, the website had had 33,532 visitors, making around one hundred hits a week since 1998, and more than 200 visits a week in the last year. This is significant but still far from being sufficient. 3. Only one volume has been published to date: Jacky PICARD (ed.), Le Brésil de Lula. Les défis d'un socialisme démocratique à la périphérie du capitalisme, Paris, Karthala 344 p., ISBN: 2-84586-410-8, abstracts in French, Portuguese and English (“Livres Lusotopie”, 1). Among other projects currently being studied or prepared: Viriato da Cruz; the political economy of post-colonial Angola; the Portuguese Communist Party and the colonial question; racism in Portugal; etc.

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Mélanges

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Le « natif », le touriste et la protection de l'environnement La rhétorique de la différence dans une localité du nord-Ceará* O « nativo », o turista e a protecção do meio ambiente : a retórica da diferença numa localidade do Ceará do Norte The «Native», the Tourist and Protection of the Environment: The Rhetoric of Difference in an Area of Northern Ceará

Agnès Clerc-Renaud

1 Les données exposées dans cet article ont été recueillies au cours de plusieurs enquêtes de terrain menées à Jericoacoara (Ceará, Brésil), entre 1990 et 19951, au moment où culminait le phénomène de mode qui, en moins d'une dizaine d'années a transformé ce village de pêcheurs en une plage phare du tourisme brésilien.

2 À cette période, trois groupes principaux d'origines sociales différentes se trouvent en relation permanente dans l'espace local. Un groupe autochtone, composé de pêcheurs ou d'anciens pêcheurs et leur famille, est constitué de huit cent cinquante personnes. Un groupe de nouveaux habitants comprend cent à cent cinquante personnes. Cet écart important s'explique par le caractère saisonnier de leur présence au village ; caractère de plus en plus accentué au fil des années2. De la même façon, l'importance numérique du flux de touristes varie selon les périodes de l'année entre deux cents et deux mille personnes. 3 Mon propos est de montrer comment se construit l'appartenance nous/eux des groupes en présence dans la localité à travers le langage qu'empruntent les représentations de la différence. Pour ce faire, je commencerai par présenter chacun des groupes à partir des termes employés par leurs membres pour se désigner et désigner les autres. Je dégagerai ensuite les variations dans le contenu de ces termes et j'en proposerai une analyse. Je terminerai par la contribution de l'État brésilien à cette construction. 4 Quelles sont les modalités de la « rencontre » touristique qui se produit à Jericoacoara ? Distant de Fortaleza, la capitale de l'État de quelque 280 kilomètres, le village possède la particularité d'être quasi insulaire. Sa situation à la pointe d'une presqu'île derrière un

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cordon de dunes lui vaut de n'être pas relié au réseau routier, dont l'extrémité se trouve à une vingtaine de kilomètres. Au début de mon premier séjour dans la localité, ses habitants ne bénéficiaient ni de téléphone, ni d'eau courante, ni d'assistance sanitaire, ni d'électricité. Ces infrastructures sont arrivées progressivement entre 1991 et 2000. Elles ont accompagné le processus de transformation lié à la nouvelle activité. 5 Tous s'accordent, au village, pour dater l'arrivée des trois premiers touristes (des étudiants de Fortaleza arrivant à pied, sac au dos, par la plage) en 1979. À la suite d’entretiens menés sur ce thème, trois grandes phases d'implantation du tourisme se sont dégagées : – la première correspond au passage de plus en plus fréquent de jeunes adultes d'origine urbaine pour des temps de plus en plus longs. Au cours des toutes premières années, l'accueil est pratiqué dans le cadre de l'habitation familiale et ce mode d'hébergement « en maisons de pêcheurs » (em casa de pescador) instaure des liens entre visiteurs et autochtones ; – la seconde voit l'installation au village de jeunes citadins, originaires des classes moyennes des capitales industrielles des États du Sud- Est (Minas Gerais et São Paulo principalement) et du Sud du Brésil. Attirés par la beauté du lieu et la possibilité de vivre de la manne touristique au moment où le flux de visiteurs s'intensifie, beaucoup ouvrent des bars ou des restaurants sur des terrains cédés par les autochtones. Ces derniers tirent l'essentiel de leurs revenus de l'accueil d'hôtes payants et du petit commerce (d'épicerie ou de boissons). La plupart réemploient ces revenus à la construction d'une ou plusieurs pièces destinées à l'accueil dans le prolongement de leur habitation. Parallèlement, un premier hôtel (pousada) d'une douzaine de chambres est ouvert par une personne qui ne réside pas sur place ; – la troisième3 consiste en une professionnalisation de l'accueil. Elle va de pair avec l'apparition d'investisseurs du tourisme, attirant un afflux massif de visiteurs qui arrivent en voyage organisé à partir de publicités commerciales. Le flux de visiteurs prend alors un caractère plus saisonnier et la durée de leur séjour se raccourcit, tandis que la très grande partie des revenus du tourisme échappe aux autochtones. Cette phase correspond aussi à la cession de plus en plus fréquente de terrains qui passent de mains en mains pour arriver dans celles des investisseurs, sur fond de spéculation immobilière. Un lent grignotage voit le centre de la localité se vider de la population initialement installée. Celle-ci tend à s'installer en périphérie, cédant peu à peu la place aux commerces hôteliers. Cependant, l'enthousiasme massif et quasi unanime des autochtones pour la nouvelle activité et pour les changements qui l'accompagnent semble toujours intact4.

La dénomination des groupes

6 Comment se passe, à l'intérieur de ce territoire circonscrit la délimitation de groupes d'origine différente ? Quels sont les catégories sociales et les modes de classifications mobilisés ? Pour les autochtones, toute personne est d'emblée classée soit dans la catégorie des « gens d'ici » (gente/povo daqui), soit dans celle des « gens du dehors » (gente/povo de fora)5. La question « d'où êtes-vous ? » amène la réponse « je suis d'ici » (sou daqui), presque invariablement suivie de la précision, « je suis né, j'ai grandi [littéralement : je me suis élevé] ici » (nasci, me criei aqui).

7 Être né et avoir grandi sur place prime clairement sur le fait d'y habiter en tant que critère d'appartenance à la localité. Une personne née ailleurs sera toujours placée

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dans la catégorie « du dehors », même si elle réside à Jericoacoara depuis plusieurs années, tandis qu'une personne née à Jericoacoara et ayant émigré à la ville « voisine »6 de Camocim peut parfaitement être considérée comme « d'ici ». Si le lieu de naissance est déterminant, l'appartenance au groupe des « gens d'ici » s'étend cependant aux conjoints et aux descendants de ceux qui sont nés et ont grandi ici. « Il est né à Camocim mais il est d'ici puisque sa femme est d'ici ! » L'appartenance au groupe des « gens d'ici » sera éventuellement reconnue à une personne née ailleurs, mais arrivée très jeune dans la localité où elle aura grandi. En ce sens, la distinction « d'ici »/«du dehors » est aussi construite par les relations de parenté et par le fait d'avoir vécu le moment particulier de sa croissance dans la localité. Une telle distinction est donc loin d'être strictement spatiale, même si elle emprunte les mots à ce registre. Dans le contexte de l'irruption du tourisme, le groupe autochtone se constitue en un « ici » intérieur, localisé, en opposition à l'extérieur indifférencié des « gens du dehors ». 8 Parmi les « gens du dehors », une distinction se fait selon que le lieu d'origine des personnes est déterminé et localisable ou non par le locuteur. Dans l'affirmative, une personne originaire de la proche région sera désignée par la particule « de » suivie du nom du lieu : « Il est de Bela Cruz » (ele é da Bela Cruz). 9 Tous les autres sont dénommés « les touristes » (os turistas). Sous ce vocable sont compris ceux que je nomme les « nouveaux habitants » d'origine urbaine. Les « touristes » au sens courant du terme, c'est-à-dire les simples visiteurs, ne forment pas à strictement parler un groupe « discret » mais un flux irrégulier et mouvant. Cependant, ils n'en constituent pas moins un groupe appréhendé comme tel par les autochtones, de par leur présence quotidienne et constante à l'intérieur du village. Couramment, ils sont distingués en « touristes d'excursion » (turistas de excursão) et « touristes de Rédemption » (turistas de Redenção) en fonction du mode de locomotion qu'ils empruntent. 10 Les premiers tirent leur nom du terme excursão qui désigne dans le jargon de la publicité touristique un « voyage organisé ». Ils sont aussi parfois désignés sous le terme de « touristes de paquet » (turistas de pacote)7. Ils sont transportés, depuis Fortaleza, par l'autocar de l'une des trois ou quatre pousadas grandes 8 dans laquelle ils séjournent invariablement trois jours. Leurs repas, distractions et excursions sont prévus à l'intérieur de la pousada sous la houlette d'un guide non autochtone. Leurs déplacements sont effectués en groupe de façon motorisée, sans contact avec la population locale. Les relations entre ces touristes et le groupe autochtone dont ils ne font que traverser l'espace sont quasi inexistantes. « Ceux-là sont des touristes de licol » (Aqueles são turistas de cabresto !) a commenté un ancien dans le registre du langage pastoral sertanejo9. 11 Les touristes « de Rédemption » doivent leur nom à celui de la compagnie d'autocar (et du bourg nommé Redenção où se trouve son siège) qui assure la liaison avec Fortaleza. L'arrivée de la camionnette et de son chargement de touristes à héberger est attendue deux fois par jour, avec impatience, entre quatre et cinq heures de l'après-midi et trois et quatre heures du matin. 12 Les nouveaux habitants n'utilisent généralement pas les catégories « gens d'ici/gens du dehors » mais les catégories « natif » ou « touriste ». Il est important de souligner que les nouveaux habitants ne disposent pas, pour se désigner eux-mêmes, de terme qui exprime un rapport d'appartenance à la localité où ils résident. Le terme morador, (littéralement « habitant »), employé avec précaution dans certaines situations

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spécifiques, n'est pas utilisé dans le langage quotidien et ne les définit pas comme groupe. 13 Tout se passe comme s'ils ne s'identifiaient qu'en opposition au « natif » qui définit toute personne dont l'allure, le maintien corporel, les habitudes et le parlé indiquent une appartenance rurale. Je reviendrai sur le fait que cette appartenance est exprimée par les nouveaux habitants dans un langage pour le moins ambigu. 14 Ces derniers opèrent la même distinction que les autochtones entre « touristes d'excursion » et « touristes de Rédemption ». Ils disposent de surcroît d'un autre mode de classification qui oppose les « Brésiliens » (Brasileiros) aux « Étrangers » (Gringos). Les premiers sont nommés en fonction de leurs États d'origine Mineiros, Paulistas, tandis que les seconds le sont par leur pays : Italianos, Alemães, etc.

Des variations significatives

15 Les acceptions des catégories gringo, turista et nativo diffèrent selon qu'elles sont employées par les autochtones ou par les nouveaux habitants. Quelles sont leurs différentes significations et que traduit ce décalage ?

16 Commençons par la catégorie des « étrangers ». Pour les nouveaux habitants, le gringo est en général ainsi nommé en référence à sa nationalité. La définition du dictionnaire qui fait de gringo une « désignation dépréciative donnée aux étrangers, particulièrement de type blond ou roux » (Ferreira [1948] : 616) ne s'applique pas exactement à la situation. D'une part son caractère dépréciatif est loin d'être manifeste dans ce contexte précis, où l'étranger est plutôt valorisé. D'autre part la pigmentation capillaire n'est pas déterminante pour décider de l'appellation qui inclut tous les étrangers, blonds, roux et bruns. Pour les plus âgés des autochtones, dont le contact avec les touristes est limité, le mot se rapporte essentiellement à la langue. Est gringo celui qui « ne parle pas », qui « parle gringo » ou qui « parle tordu » (fala enrolado). Les jeunes gens quant à eux repèrent l'appartenance nationale des étrangers à partir d'attitudes, de détails vestimentaires (formes de chaussures ou de maillots de bain par exemple) ou des sonorités des langues dont ils sont les plus familiers. Les étrangers présents à demeure parmi les nouveaux habitants (en 1992 une vingtaine d'Allemands, Argentins, Français, Italiens, Péruviens, Portugais, Suisses) n'entrent pas dans la catégorie des gringos mais au même titre que les Brésiliens dans celle des « gens du dehors ». 17 Le décalage entre les deux acceptions délimite dans un cas le « nous » exclusif d'une appartenance nationale et dans l'autre cas le « nous » de la localité. La seconde catégorie dont le contenu admet des variations selon le locuteur est celle des « touristes ». Le décalage dans l'acception de ce terme tient essentiellement à ce que les autochtones intègrent sous ce vocable le groupe des nouveaux habitants, tandis que ceux-ci en limitent l'usage aux seuls visiteurs. 18 Plusieurs arguments peuvent expliquer que les nouveaux habitants soient fréquemment inclus par les autochtones dans la catégorie « touristes » – laquelle, rappelons-le, tend à recouvrir dans l'usage quotidien la catégorie « gens du dehors » – : le mode d'installation de ces nouveaux habitants, arrivés comme touristes dans la première phase du processus d'implantation, suggère une première explication. Jeunes gens célibataires au moment de leur arrivée, leur implantation est passée par une phase

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de cohabitation avec une famille autochtone. Cette relation est souvent décrite de part et d'autre en termes de parenté : « Il n'est pas mon fils, mais c'est comme s'il était mon fils et quand il est parti en voyage, et qu'il est resté longtemps sans apparaître, j'ai pensé : "Est-ce que Dieu va me laisser mourir sans que je le revoie ?" » dit une ancienne. 19 « Cette relation est très forte, c'est comme un lien de famille » dit pour sa part un nouvel habitant originaire de São Paulo. Nouée par la cohabitation, l'intégration à ce groupe familial est parfois prolongée par des liens de parenté spirituelle. Devenus les parrains de baptême catholique d'un enfant de leurs hôtes, les jeunes gens continuent pour la plupart d'entretenir des relations étroites avec cette famille10. Cette relation a fréquemment été suivie de la cession d'un terrain par cette famille ou par des proches de celle-ci, puis par la construction d'une maison. Néanmoins, leur mode d'arrivée ne les différencie pas des « touristes » proprement dits :

20 – la présence saisonnière au village de la plupart des nouveaux habitants ne les démarque pas non plus nettement des touristes. Nombre d'entre eux ouvrent pousadas et restaurants de novembre à avril pendant la « haute saison » (alta temporada) et voyagent ou rendent visite à leur famille d'origine le reste du temps ; – la dimension individualiste de la démarche des nouveaux habitants, manifeste dans l'aspect accumulateur de l'activité commerçante qu'ils pratiquent, n'en fait pourtant pas un groupe à part entière. Cependant, diverses formes d'entraide et une commensalité festive régulière tendent à s'instaurer. 21 Si les autochtones intègrent les nouveaux habitants parmi les « touristes », il reste que ceux-ci s'excluent de cette catégorie. Comment comprendre alors qu'ils ne soient désignés couramment par aucun vocable spécifique, ni par eux-mêmes, ni par les autochtones ? Ceci ne laisse pas d'interroger si l'on considère l'importance numérique de ce groupe.

Les « natifs « et la « nature »

22 Le troisième groupe qui n'est pas défini de la même façon selon l'appartenance de la personne qui l'emploie est le groupe des « natifs ». Le décalage entre les différentes acceptions du mot « natif » est plus complexe, et par là même plus riche pour la compréhension de la construction de la relation entre les groupes. Il se traduit par une série de hiatus subtils dans l'usage du mot, dans sa signification et dans les situations d'interlocution.

23 Les habitants de Jericoacoara se nomment parfois eux-mêmes « natifs ». Le sens du terme coïncide alors avec celui de « gens d'ici ». Souvenons-nous qu'il s'agit du groupe de ceux qui sont nés dans la localité, étendus aux conjoints et consanguins nés ailleurs d'une personne née sur place. Cette définition exclut les « natifs » d'autres villages de la région habitant à Jericoacoara, que les touristes et nouveaux habitants désignent, eux, sous le terme nativo. À l'observation, toutes les occurrences (fréquentes, cf. exemple infra) d'utilisation du mot nativo par les autochtones interviennent dans des circonstances où ils ont à se démarquer des touristes ou des nouveaux habitants. Malgré toute l'attention portée à ces dénominations au cours de l'enquête, il ne m'est pas possible d'affirmer que les autochtones utilisent ce substantif entre eux. Les limites de l'observation, aussi « participante » soit-elle sont ici atteintes, le chercheur entrant, comme les touristes et les nouveaux habitants, dans la catégorie des « gens du dehors ».

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24 En revanche, touristes et nouveaux habitants placent dans le groupe des « natifs » toutes les personnes identifiées de visu comme d'origine rurale. C'est dire qu'ils y incluent non seulement les personnes natives de Jericoacoara mais également celles de la région environnante que les autochtones placent pour leur part dans la catégorie des « gens du dehors ». Il arrive aux « gens d'ici » d'employer à propos de leurs voisins immédiats l'expression : « Untel est natif de Guriú ». En ce cas, le mot est suivi du nom d'une localité pour indiquer le lieu de naissance. Il est intéressant d'observer que nativo est dans ce cas un adjectif, ainsi que le définit le dictionnaire : « Adj. Qui est naturel ; qui naît ; congénital ; sans artifice ; national ; se dit d'une eau qui naît dans une propriété, ou qui ne provient pas d'un autre courant distant ; se dit des métaux et métalloïdes trouvés à l'état d'éléments dans la nature » (Ferreira [1948] : 840). [souligné par moi] 25 Nativo (nativa au féminin) n'existe pas en tant que substantif dans ce dictionnaire 11. C'est pourtant sous cette forme qu'il est utilisé au quotidien à Jericoacoara par tout un chacun. Cet usage s'inspire-t-il du langage des anthropologues qui emploient ce terme dans leurs écrits pour désigner les peuples amérindiens auxquels ils s'intéressent ? Est- il calqué sur l'anglais native ? La question reste posée. Reste aussi que le léger glissement du qualificatif au substantif qui marque la différence d'acception du terme selon le locuteur fait écho à un autre genre d'essentialisme, manifeste dans le sens particulier dont il est chargé par la plupart des touristes. L'extrait d'entretien suivant en donne la tonalité : Touriste : « Je connais des plages où les gens sont plus natifs. » Question : « Plus natifs ? » Touriste : « Oui, plus indigènes (indígenas), plus primitifs (primitivos) ». [Maria12, originaire de São Paulo, environ 40 ans, Jericoacoara, 13 janvier 1991]

26 Comment comprendre que la délimitation de groupes urbains et ruraux emprunte un vocabulaire de « l'ethnicité » ? s entretiens menés en 1990 avec les touristes sur leurs motivations à désigner ce lieu comme destination de vacances se dégagent des constantes. Ils sont venus pour « profiter de la nature » (curtir a natureza), « sortir de la ville » (sair da cidade), « fuir la folie » (fugir da loucura), « couper avec la civilisation » (cortar com a civilização). Leur représentation du village est celle d'un « bout du monde », de « dunes vierges », d'un « paradis » et celles de ses habitants de « natifs » d'une « communauté » qui mène une « vie primitive » et « naturelle ». Que l'activité touristique génère la mise en scène de simulacres n'est pas nouveau, pas plus qu'elle n'est propre à Jericoacoara. L'utilisation d'un vocabulaire habituellement appliqué aux Amérindiens est également relevée par Conrad Kottak à Arembepe dans les années 1980 (Kottak 1983 : 131). Auteur d'une étude sur Canoa Quebrada, sur le même littoral du Ceará, Carlos Cirino remarque, de la part des touristes qui visitent le village : « L’excessive valorisation des habitants nés dans la région, le natif. À la différence d'autres sociétés, le terme n'a pas un sens péjoratif d'infériorité, au contraire […] » (Cirino 1990 : 33)13. 27 La même valorisation est repérable à Jericoacoara pour autant que le « natif » reste pêcheur. L'abandon de la pêche pour le commerce est vilipendé par les touristes. Il est systématiquement cité par les visiteurs qui déplorent les changements survenus à Jericoacoara comme faisant partie des « dégâts » (estragos) subis par « l'endroit » (o lugar). « Les natifs ne pêchent même plus, ils nous exploitent ! ».

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28 Le groupe des « natifs » n'est valorisé que s'il s'en tient à l'activité qui montre sa proximité à la « nature » édénique : la pêche. Dans le contexte touristique, la position qui lui est impartie est de participer à la société en se trouvant du côté de la nature. Rappelons par ailleurs que le champ sémantique de « natif » l'y situe d'emblée14. Un rapport similaire s'exprime encore dans les termes « ruricoles » (rurícolas) et « sylvicoles »15 (silvícolas), assortis du possessif « nos » par lesquels sont parfois désignés les paysans et les Amérindiens dans certains textes d'érudits ou de folkloristes. 29 Lorsque le « natif » n'est plus perçu comme en rupture du monde social ordinaire la dévalorisation inhérente aux habitants de « l'intérieur » est décelable de la part des citadins, touristes et nouveaux habitants. La catégorie « intérieur » est quant à elle employée par l'ensemble des acteurs impliqués. En effet, Jericoacoara appartient au monde rural, lequel est désigné, là comme ailleurs au Brésil par le terme interior (« intérieur »). Que ce village, dont la situation géographique peut difficilement être plus proche du littoral soit pourtant catégorisé comme « de l'intérieur », pose question. Cette apparente contradiction indique que le terme interior ne se définit pas seulement en référence à l'espace, mais d'abord en opposition à la ville. De plus, elle indique que la valeur de l'espace urbain possède pour l'ensemble de la société brésilienne une nette prééminence sur l'espace rural. En effet, elle nie dans sa représentation sémantique le fait géographique : Jericoacoara est un village à la fois côtier et « de l'intérieur ». Le prestige dont sont crédités les « natifs » dans le contexte touristique contraste avec la dépréciation liée à « l'intérieur » et à ses habitants à un niveau général. « L'intérieur », par le passé synonyme de danger et de rudesse l'est encore aujourd'hui. Pour beaucoup de citadins interior évoque un mode de vie « arriéré » (atrasado), synonyme de chaleur, de fatigue, d'insécurité, voire de danger, au mieux d'ennui. « Ici, dans l'intérieur nous sommes un peu en retard » entend-on parfois d'un autochtone, pour s'excuser par exemple du manque de confort de sa maison. « Ici dans l'intérieur, tout est difficile » disent volontiers les nouveaux habitants en référence à la lenteur des transports. 30 En tant que catégorie logique, interior s'oppose à exterior dont je ne peux manquer de relever que ce mot est pour les citadins synonyme d'étranger au sens de « non national ». Car bien que les étrangers représentent au maximum 15 % du flux touristique, ils n'en contribuent pas moins à conférer au lieu une aura « internationale », très valorisée. En ce sens, l'une des particularités de Jericoacoara est d'inclure dans un même lieu « l'intérieur » du pays représenté par les nativos et « l'extérieur » représenté par les gringos. Ces deux pôles sont ainsi dépeints par une résidente : « Je pense vendre mon restaurant. Je voudrais m'installer en Australie. Ça sera autre chose, parce qu'au début ici c'était bien, mais les natifs ont beaucoup changé et j'en ai marre d'habiter dans un endroit où tout est difficile, qui n'est plus primitif et qui n'est pas moderne ». [Sílvia, nouvelle habitante originaire de São Paulo, arrivée depuis 10 ans, environ 30 ans. Jericoacoara, 29 janvier 1995] 31 L'actualisation de mythes nationaux ?

32 Les propos de cette nouvelle habitante ne sont ni uniques ni nouveaux à la date à laquelle ils ont été recueillis. Dès 1990, les entretiens avec des visiteurs déjà venus au village sur leur perception des changements amenés par le tourisme comportaient des évocations nostalgiques de tournant autour de l'abondance de poisson, de la gratuité de l'accueil et de la liberté de s'installer. Les récits qui décrivent le premier voyage de ces visiteurs à Jericoacoara mettent en scène des « pionniers » ayant « découvert » au

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« bout du monde » un « réduit de dunes vierges », au prix de moult embûches et de beaucoup d'inconfort. Le registre de ce vocabulaire, le terme « découverte », s'agissant d'un lieu habité ; la figure prégnante du « pionnier », et son corollaire, celui d'une « terre vierge » convoquent la représentation d'un territoire à conquérir qui n'est pas sans évoquer ce « héros collectif, le bandeirante, celui qui repousse les frontières, dont l'action a permis l'intégration du territoire national brésilien » (Vidal 2002 : 294-295). Outre cette épopée, ces récits s'apparentent également à une variation sur le thème du « pionniérisme », plus proche dans l'histoire (deuxième moitié du XIXe siècle) analysée par Giralda Seyferth (2000 : 157-162) dans les récits de l'installation d'immigrés d'origine européenne au Sud du Brésil. 33 Toutes proportions gardées, il s'agit dans les trois cas d'une expansion territoriale, portée par une démarche individuelle, qui a pour effet de tracer des routes et de repousser des limites. D'autres données viennent corroborer ce mode de représentation du territoire. Par exemple la difficulté d'accès de Jericoacoara, qui entre pour une part dans son succès comme villégiature en ce qu'elle en fait une sorte de territoire défendu. Cette dimension est manifeste dans le discours des « pionniers » contrastant un « avant » idyllique avec les « dégâts » survenus depuis, assorti de la considération maintes fois entendue : « Ce qui sauve encore cet endroit, c'est qu'il n'y a pas de route. Le jour où la route arrivera ici, il sera foutu ! ». 34 Voir cet isolement géographique comme un isolement social requiert une certaine cécité volontaire. D'une part, l'isolement géographique est tout relatif lorsque pullulent les véhicules à quatre roues motrices, d'autre part, postuler un isolement social nécessite d'occulter les échanges constants pratiqués par le groupe autochtone avec les touristes et avec ses membres émigrés à la ville au cours des trente dernières années. 35 Outre les mythes déjà mentionnés, il n'est pas impossible que cette représentation d'une insularité sociale n'ait été également alimentée par la vision de l'anthropologie fonctionnaliste passée dans le sens commun. Il est par exemple troublant de constater que cette représentation d'une « communauté de natifs », isolée au « bout du monde », est somme toute assez proche de certains des contenus implicites de la notion d'ethnie16, tels que les dégage la critique décapante de Fredrick Barth : « Cette histoire a produit un monde de peuples séparés, ayant chacun sa propre culture et étant chacun organisé en une société que l'on peut légitimement isoler pour la décrire en une île coupée du reste du monde » (Barth 1995 : 207). 36 Les représentations du territoire qui sous-tendent le processus de construction des relations entre les groupes en présence empruntent les schémas déjà tracés et bien ancrés des mythes nationaux. Autrement dit, la figure du « natif » n'est pas produite ex nihilo par le phénomène touristique, même si elle passe par ce simulacre, qu'elle sert et alimente.

37 Par ailleurs, j'ai pu observer que dans nombre de situations, le terme « natif » est employé dans son acception valorisée de façon rhétorique par les autochtones eux- mêmes. J'utilise ici « rhétorique » au sens de Dean Mac Cannel qui décrit, parmi les Noirs et les Indiens nord-américains, les formes « d'ethnicité reconstruites pour dénoter ces identités ethniques qui ont émergé en rapport au tourisme » (Mac Cannel 1986 : 170). [souligné dans le texte] Par exemple, « Vous voilà devenu natif ! » est un compliment destiné à flatter un nouvel habitant en cours d'installation. De même l'affirmation de leur qualité de nativo est-elle largement mise en avant par les jeunes hommes pour faciliter leurs conquêtes féminines auprès des touristes. Des propos plus

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directs, tels que « ma grand-mère était indienne », tenus pour argument de séduction, commençaient à poindre en 1995, alors qu'il aurait été tout à fait improbable de les entendre seulement trois ans auparavant. Un tel emprunt au registre de « l'ethnicité » montre si besoin en était que les groupes sont tout à la fois construits par la relation sociale et constructeurs de celle-ci. Il montre aussi qu'un autre mythe national : celui de la « fable des trois races » affleure ici (DaMatta 1983 : 58 sq.). 38 À l’inverse, que se passe-t-il lorsqu'un autochtone ne se coule pas dans le moule de la catégorie du « natif » et qu'il n'endosse pas l'habit rousseauiste du « bon sauvage » ? Ainsi que l'analyse, sans fioritures, Alessandro Gagnor Galvão dans un livre qui dresse les idéaux-types (anthropologues inclus) des acteurs présents à Jericoacoara en 1989-1990, il devient alors un mauvais sauvage : « Le "mauvais sauvage" est le natif qui tente explicitement de fuir le stéréotype que le simulacre lui réserve, qui ambitionne les rôles tenus par le touriste et en vient donc à être mal vu aussi bien par les natifs que par les touristes » (Galvão 1995 : 121). 39 Notons à ce propos que « l'imbroglio ethnique » n'épargne pas le chercheur, ni dans les présupposés avec lesquels il arrive sur « son » terrain, ni dans les choix opérés au cours de l'analyse des données. Le mot autochtone, par lequel je désigne ceux qui se nomment eux-mêmes « les gens d'ici » est emblématique de la complexité du problème posé par les catégories d'attribution. Faute de mieux, je l'ai finalement adopté malgré sa connotation désuète, sans parler de sa longueur et de sa difficulté de prononciation. Jericoacoarenses aurait été plus commode s'il avait été approprié. Or, à ma grande surprise, le nom même de Jericoacoara s'est avéré au fil de l'enquête être apparu au village en même temps que les touristes. Serrote était le nom donné par ses habitants à la localité jusqu'au début des années quatre-vingts – et continue à l'être pour bon nombre d'entre eux : « En ce temps-là – explique une dame d'une cinquantaine d'années – on traitait cet endroit de Serrote […] je n'avais jamais su ce nom de Jericoacoara, c'était vraiment Serrote […] on disait : "je suis du Serrote" ». [Liduina, environ 50 ans. Jericoacoara, 9 août 1995] 40 Étant donné ce qui vient d'être développé, il n'est pas étonnant qu'ait prévalu Jericoacoara, nom d'origine tupi attesté dès le XVIe siècle, transmis par la cartographie et remis en mémoire par l'œuvre de José de Alencar au XIXe siècle. Une scène du roman Iracema s'y déroule dont le genre littéraire « indianiste » n'est sûrement pas anodin dans ce contexte, même s'il précède de très loin l'engouement touristique17. L'étymologie de différents noms de lieux du Ceará qui ponctue chaque séquence du roman semble faire passer la construction nationale par un marquage du territoire régional à travers la toponymie. En ce sens, le changement contemporain du toponyme peut être interprété comme la réactivation d'un « mythe fondateur » de la nation des années 1850, signalé par Vigínia Fontes (1998 : 37) comme traversant la littérature de cette époque.

41 Au demeurant, autochtone me paraît s'approcher assez fidèlement d'une autre façon qu'ont les personnes à se démarquer de celles d'autres villages alentours en se présentant comme « fils de la terre » (filhos da terra) ou « fils de la Montagne » (filhos do Serrote)18.

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La protection de l'environnement

42 La représentation d'un « natif » proche de la « nature » édénique se dégage aussi d'un tout autre type de sources. Il s'agit d'un texte de loi19 de 1984 par lequel le général João Figueiredo, alors président de la République déclare quelque 5 480 hectares (Cruz 1985 : 29) de la presqu'île « Zone de protection de l'environnement » (Área de Proteção Ambiental), couramment abrégé par le sigle APA localement utilisé. D'après le contenu de l'article 2 de ce décret : « Cette déclaration […] a pour objectif, au-delà de permettre aux communautés côtières l'exercice de leurs activités à l'intérieur des modèles culturels historiquement établis, de protéger et préserver : a) les écosystèmes des plages, marais et bas-fonds ; b) les dunes ; c) les formations géologiques de grand potentiel paysager et scientifique ; d) les espèces végétales et animales, principalement les chéloniens marins ; e) les oiseaux de proie et de plage ». 43 Son contenu est en accord avec l'arrière-plan inhérent à la démarche touristique. La représentation du lieu comme « potentiel paysager et scientifique » s'apparente à celle analysée par Roberto DaMatta à propos de l'héritage portugais du Brésil d'une « nature comme donatrice et édénique […] Selon cette conception, conformément à ce que relève l'historien Keith Thomas, la nature et ses êtres auraient été faits pour les délices, la jouissance et l'exploitation de l'homme » (DaMatta 1993 : 100-101). [souligné dans le texte] 44 On retrouve jusque dans la formulation du texte juridique une ambiguïté similaire à celle analysée à propos de la notion de « natif ». En effet, le mot caiçaras, utilisé pour qualifier les groupes locaux (et que je traduis faute de mieux par « côtières ») présente une polysémie du même ordre. Le sens premier du substantif caiçara est palissade (défensive ou destinée à la capture du poisson). Il est très largement répandu en tant que toponyme dans de nombreuses régions du Brésil et une localité située à une vingtaine de kilomètres de Jericoacoara porte ce nom.

45 Parmi les divers sens précisés par le dictionnaire (Ferreira [1948] : 213) figure celui de « paysan ensauvagé » (caipira asselvajado) donné comme spécifique aux régions de Rio de Janeiro et São Paulo, tout comme celui « d'habitant de la plage » (praiano). Ceci situe une fois de plus la représentation de la localité rurale au sein de l'ensemble national. La connotation du mot place les autochtones du côté de la « nature » – qu'il s'agit, dans le décret, de protéger. 46 Par ailleurs, la référence aux comunidades caiçaras est largement développée par plusieurs textes de sociologie maritime. Dans un chapitre précisément intitulé : « Diversidade biológica e culturas tradicionais litorâneas : o caso das comunidades caiçaras » [Diversité biologique et cultures traditionnelles littorales : le cas des communautés caiçaras], Antonio Diegues (1995) décrit les processus de dégradation de la pêche artisanale du littoral de Rio de Janeiro à São Paulo, en concurrence avec les entreprises de pêche motorisées extractivistes et prédatrices ainsi que les processus de spoliation des communautés par les entreprises immobilières et l'essor du tourisme. Dans un autre article qui propose une synthèse des études de communautés de pêcheurs au Brésil, le même auteur mentionne parmi les « innombrables cultures régionales littorales liées à la pêche […] celle du caiçara, sur le littoral entre Rio de Janeiro et São Paulo » (Diegues 1999 : 362). Il mentionne également l'importance de la contribution ethnographique de Gioconda Mussolini (dans les années 1940) pour : « la compréhension des relations entre les communautés caiçaras (originaires de la

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miscigénation entre le colonisateur portugais, l'Indien et le Noir), la mer, les estuaires et la forêt atlantique » (Diegues 1999 : 363)20. 47 Il n'est pas impossible que le texte de loi ait été formulé en référence implicite à ces travaux relatifs à une région située à quelques milliers de kilomètres sur le même littoral. Quoi qu'il en soit, le juriste, qui ne précise pas quels sont « les modèles culturels historiquement établis » à l'intérieur desquels doivent s'exercer les activités des « communautés côtières », entérine le mouvement de « découverte » des touristes, participant de ce mouvement cyclique que Marlyse Meyer décrit comme « un éternel retour : les découvertes du Brésil » (Meyer 1993 : 19-46). 48 Sur place, les questions posées, tant aux autochtones qu'aux nouveaux habitants quant à l'initiative du classement de la presqu'île en APA, suscitent des réponses variables. Elle a été faite « par les écologistes » disent les uns ; à l'instigation de politiciens locaux, disent d'autres ; à la requête de la population du village qui, analphabète, croyait signer la demande d'installation d'un dispensaire ; ou encore, à la demande du Conseil communautaire du village. Précisons tout de suite que « l'instruction normative » chargée de compléter le décret en fixant et précisant les activités humaines autorisées dans l'aire « selon les modèles culturels historiquement établis », ne sera promulguée qu'en 1989, soit cinq ans plus tard. 49 Entre 1984 et 1989, la principale référence quant à ce qu'il est licite de faire ou ne pas faire sur le territoire de la APA, en matière de construction notamment, se résume aux quelques lignes de l'article 8 du décret qui stipule : « Dans le but de maintenir le modèle culturel et paysager de la région, ne seront pas permises les constructions qui dénaturent [littéralement, « dé-caractérisent »] les composants architectoniques locaux ou qui nuisent au paysage régional typique ». 50 Pendant ces cinq années des déplacements successifs de tutelle administrative de l’APA, du niveau fédéral au niveau de l'État, ainsi que des réformes administratives liées aux changements politiques nationaux bloquent toute application d'une quelconque réglementation au plan local21. Les effets du classement se limitent à la construction d'un bâtiment administratif localement nommé « Maison du SEMACE » dans la partie nord du village. Ce bâtiment comporte une vaste salle de réunion, que j'ai toujours vue déserte, destinée à l’origine à abriter les réunions du Conseil communautaire de Jericoacoara (Conselho comunitário), association créée fin 1984 par un petit groupe de personnes du village. Composé exclusivement d'autochtones, il est chargé de représenter « la communauté » (a comunidade).

51 D'après l'un de ses fondateurs, le Conseil communautaire après avoir en vain dénoncé les effets concrets des déplacements au niveau de tutelle et l'absence de gestion et de réglementation s'est retrouvé, tout comme la communauté, divisé : « Donc, si l’APA de Jericoacoara avait été réellement implantée et si ce qui existe dans la loi [l'instruction normative] avait été mis en pratique, on serait une APA modèle, vous comprenez ? Moi, je vois ça comme ça. Le pire, c'est qu'il n'existe pas de conciliation. Le processus qu'on est en train de vivre est tellement maléfique que la communauté de Jericoacoara est aujourd'hui divisée ». [Francisco, environ 25 ans, Jericoacoara, 3 février 1991] 52 Le clivage en question ramène à l'un des cas de figure analysés par Ilka Boaventura Leite à propos des groupes de descendants d'Africains dans le Sud du Brésil. Elle constate que la vente ou la cession d'une partie de la terre génère au sein du groupe des intérêts conflictuels (Leite 1999 : 37). Plus largement, ces dissensions marquent aussi « l'intensification de la désagrégation et la difficulté, ou même l'impossibilité de

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fixation sur une terre » (ibid. : 36) de la part de groupes fragilisés notamment par un exode rural intense.

Un silence éloquent

53 Dans ce contexte, l'absence précédemment relevée d'un nom par lequel se désigneraient eux-mêmes les nouveaux habitants en tant que groupe traduit de façon significative le rapport de l'ensemble du village au droit foncier.

54 Ces moradores (« habitants ») sont très rarement nommés ainsi de façon ostensible. Ils ne constituent pas une entité collective au même titre que « les natifs » ou « les touristes ». Ils ne sont désignés comme tels ni par eux-mêmes, ni par les autochtones, qui ne sont pas prêts à perdre le droit d'usage que la loi leur donne au titre de l'antériorité de leur présence en reconnaissant le même droit à un autre groupe. En outre, chacun évite tacitement la reconnaissance publique d'une entorse à la légalité. Les uns pour avoir vendu, les autres pour avoir acheté. En effet, tout achat et toute vente de posse (droit d'usage).ainsi que toute autorisation de construction doivent en principe être soumis à l'homologation préalable de l'Institut brésilien à l'environnement (Ibama). Dans les faits, la reconnaissance d'usage, a posteriori, est monnaie courante. 55 Le secret qui entoure les tractations de vente de droit d'usage a ainsi permis à certains terrains d'être vendus, simultanément, à trois acheteurs différents, tandis que le vendeur prenait le large en laissant les postulants se débrouiller. Les nouveaux habitants évitent également autant que possible de se signaler en tant que groupe potentiellement rival de celui des « natifs », réputé « faire bloc » au nom de sa parenté commune en cas de conflit ouvert. 56 En 1992, de nouveaux habitants et commerçants ont formé le projet de se grouper en association afin de se voir reconnaître en tant qu'interlocuteurs par les instances chargées de l’APA. Il s'agissait notamment de faire valoir les intérêts de ceux qui s'estimaient spoliés pour avoir récemment acheté des terrains s'avérant désormais inutilisables parce qu'inconstructibles pour être situés hors des limites prévues par la loi. Il s'agissait aussi d'entériner officiellement la présence au village de personnes installées pour certaines depuis plusieurs années. Leurs activités d'hôtelier ou de restaurateur n'entrant pas précisément dans la catégorie de celles de la « communauté côtière » dont le texte de loi prévoyait d'appuyer le développement, certains d'entre eux se sentaient menacés par le frein mis alors par l'Ibama aux activités de construction. 57 Au cours d'une réunion discrètement tenue, il a été longuement débattu du nom que devrait porter cette association. Le choix s'est arrêté sur « association d'habitants et d'amis de Jericoacoara » (associação de moradores e amigos de Jericoacoara). Le mot « commerçants », initialement envisagé a été écarté, considéré comme trop brutal et « amis » a été ajouté à moradores dans le but explicite d'atténuer le heurt que ne manquerait pas de susciter la constitution publique d'un groupe concurrent du Conseil communautaire. À ma connaissance, cette association n'a finalement jamais eu d'activité officielle ultérieure. 58 Enfin, il n'est pas impossible que le terme morador soit évité pour sa charge sémantique. Son contenu est en effet marqué par l'usage historique du terme moradores de favor

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(« habitants de faveur ») pour caractériser autrefois les esclaves demeurés après l'abolition sur les terres de leurs anciens maîtres. Il désigne communément des paysans vivant sur des terres qui ne leur appartiennent pas. César Barreira a souligné le caractère de dépendance attaché à ce statut dans le sertão du Ceará (Barreira 1992 : 22-23).

La rhétorique de la différence

59 Quels enseignements tirer des catégories d'appartenance des groupes ainsi tracées ? Tout d'abord que les tendances relevées par Manuela Carneiro da Cunha dans un texte datant de 1979 n'ont absolument rien perdu de leur actualité : « On a découvert que l'ethnicité pouvait être un langage ; ou mieux, dans un premier temps, qu'elle pouvait être une rhétorique. Ce fut le moment de mettre en évidence le caractère manipulateur de l'ethnicité. Je pense qu'à ce stade, on devrait passer résolument au temps présent, parce que ce sont des tendances très actuelles » (Cunha [1979] 1987 : 99). 60 Les « traits diacritiques » (ibid. : 102) utilisés – maintien corporel, façon de parler et de s'habiller – délimitent des groupes d'origines rurale et urbaine. Mais une attention particulière portée à la dénomination « natif » telle qu'elle est appliquée au groupe autochtone montre des usages rhétoriques qui empruntent un langage fortement connoté « d'ethnicité ».

61 Ensuite, cette étude de cas montre aussi que, loin de relever d'une quelconque identité essentialiste figée une fois pour toutes, les modalités d'appartenance à un groupe donné se construisent dans et par un processus qui implique d'autres groupes. Or, l'aménagement et la réorganisation des « systèmes de classifications qui rendent possible la définition de soi et des autres », amenés par l'arrivée de nouveaux groupes en un lieu donné, ne s'effectuent pas au hasard (Gallissot, Kilani & Rivera 2000 : 107). 62 Devant les voies qu'empruntent ces processus, le langage qu'ils mobilisent, l'actualisation des mythes qu'ils génèrent et la représentation du territoire qu'ils impliquent, peut-on vraiment croire à la totale nouveauté des recompositions qui s'opèrent ?

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NOTES

1. . Il s'agit plus précisément des périodes de septembre 1990 à février 1991 ; octobre 1991 à mars 1992 ; octobre 1994 à septembre 1995. Je remercie la Direction de la Coopération Scientifique, Technique et du Développement du Ministère des Affaires Étrangères du financement dont j'ai bénéficié à travers la « bourse Lavoisier » qui a rendu possible la troisième étude de terrain. 2. . Cette accentuation du caractère saisonnier de la présence des nouveaux habitants, lié à la périodicité du flux touristique, concerne la période 1990-95. En 2003, date de mon dernier séjour dans la localité, ce caractère saisonnier tendait à s’atténuer. Cette présence plus constante des touristes au long de l'année est due en grande partie à une spécialisation vers l'accueil des pratiquants de planche à voile. 3. . Les périodes d'enquête (cf. note 1) se sont réparties entre la fin de la seconde phase et au début de la troisième. 4. . Pour une analyse plus poussée de ce processus et de ses implications, cf. CLERC-RENAUD 2002 : 33-61. 5. . Afin de simplifier l'exposé, gente et povo sont traduits indifféremment par « gens », bien que povo signifie littéralement « peuple », en ne prenant en compte que leur caractère commun de pluriel collectif. Pour certaines acceptions et variations de ces termes, cf. DAMATTA 1993 : 99, note 11. 6. . « Voisine » est ici entendu à l'échelle du territoire brésilien : Camocim est située à une soixantaine de kilomètres de Jericoacoara. 7. . Terme du jargon du tourisme international calqué sur l'anglais package, qui existe également en français, « paquet » désignant la vente conjointe par une même agence d'un billet de transport et d'une prestation d'hébergement. 8. . Sous le vocable pousada, littéralement « auberge » sont recouverts des types d'accueils hôteliers qui vont de l'équivalent français du gîte rural à l'hôtel de grand confort. Localement, l'expression pousada grande désigne les hôtels de luxe, en une structure syntaxique n'est pas sans évoquer celle de la casa grande. 9. . Sertanejo : relatif au sertão, c'est-à-dire à l’arrière-pays, caractérisé notamment par un climat semi-aride et associé à l'élevage extensif. 10. . Pour une analyse de ce phénomène, cf. CLERC-RENAUD, 2002 et 2005. 11. . L'édition consultée est antérieure à 1953 et il serait intéressant de contrôler dans un ouvrage plus récent depuis quand l'usage substantif est validé par l'académie. 12. . Les noms de mes interlocuteurs ne sont pas mentionnés et leurs prénoms sont fictifs afin de préserver leur anonymat. Les extraits d'entretiens cités visent, à travers un cas singulier, à rendre compte de la construction d'un processus et de sa logique, en une démarche avant tout anthropologique. 13. . Toutes les citations d’ouvrages en portugais ont été traduites par moi.

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14. . La réification qu'implique une telle position s'exprime brutalement dans les classifications opérées par certains professionnels des « ressources touristiques» en "hydrôme, phytôme, lythôme et anthropôme" (relevées par CAZES 1989 : 13). 15. . Elizabeth Coelho mentionne l'usage du mot dans le texte de la Constitution Fédérale de 1934 (COELHO 2002 : 86) et attire l'attention sur « le fait que l'expression sylvicole renvoie à "habitant de la forêt". » (ibid. : 89, note 35). 16. . L'anthropologie s'est longtemps accommodée du flou de la notion d'ethnie. Anne Christine Taylor relève qu'elle est « en France l'une des notions les moins bien théorisée de la discipline » (TAYLOR 1992 : 242). Ethnicité, au contenu plus sociologique – groupes distincts et solidarité au sens de Durkheim entre les membre du groupe ainsi que la définit Talcott Parsons – ne parait pas beaucoup mieux lotie, le même auteur soulignant : « Malgré cela, c'est un concept extraordinairement insaisissable, très difficile à définir d'aucune façon précise… » (PARSONS 1975 : 53, ma traduction). 17. . Cf. ALENCAR [1865] 1997 : 113. Pour mémoire, Iracema narre sur fond de guerre de conquête l’idylle d'un jeune conquistador portugais et d'une Indienne tabajara laquelle mourra après avoir donné le jour au premier Brésilien. 18. . Attribué en référence à la falaise qui culmine à une centaine de mètres au dessus de la plage et dont l'épaulement abrite en partie les maisons des vents dominants. 19. . Décret n° 90.379, promulgué à Brasília « le 29 [du mois] d'octobre 1984, 163 e de l'Indépendance et 96e de la République ». 20. . L'auteur ne précise pas ce qu'il entend par « miscigénation ». [Note de la rédaction : métissage] 21. . Le décret de 1984 place l’APA sous la juridiction du SEMA, Secretaria Especial do Meio Ambiente (Secrétariat spécial à l'environnement) dépendant du ministère de l'Intérieur. Centralisée à Brasília, capitale fédérale distante d'environ trois mille kilomètres, cette instance ne dispose pas d'antenne régionale. Par le moyen d'une convention, elle délègue sa responsabilité à son homologue au plan de l'État du Ceará, la SEMACE, Superintendência do Meio Ambiente do Ceará (Superintendance à l'environnement du Ceará), dont le siège est localisé à Fortaleza, distante d'environ trois cent kilomètres. Cette délégation a pour conséquence de déplacer l'administration du niveau fédéral au niveau de l'État. En 1990, le président Collor nouvellement élu réforme l'administration et réunit le SEMA à l’IBAMA, Instituto Brasileiro do Meio Ambiente (Institut brésilien de l'environnement) qui dispose, lui, d'une antenne à Fortaleza. La gestion de la presqu'île repasse du niveau de l'État au niveau fédéral.

RÉSUMÉS

Le « natif », le touriste et la protection de l'environnement : la rhétorique de la différence dans une localité du Nord Ceará L'article s'appuie sur trois études de terrain effectuées entre 1990 et 1995 dans une localité rurale du Nord-Ceará (Brésil), affectée depuis le début des années 1980 par un afflux touristique de plus en plus important. Les différents groupes en présence dans la localité (autochtones, visiteurs, nouveaux habitants) s'identifient en se référant à une appartenance nous/eux. Les termes employés par chacun pour se désigner et désigner les autres sont décrits dans leurs différentes acceptions. Les usages de la notion de « natif », inscrite dans le registre de l'«ethnicité », ainsi que les modalités du classement de la localité en « zone de protection de l'environnement » (Área

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de Proteção Ambiental) présentent une grande ambiguïté. Le langage qu'empruntent ces représentations de la différence montre que la relation entre groupes ruraux et urbains réactualise d'anciens mythes nationaux de construction du territoire.

O artigo baseia-se em três estudos efectuados no terreno entre 1990 e 1995 numa localidade rural do Ceará do Norte (Brasil), afectada desde o início dos anos 1980 por um afluxo turístico crescente. Os diferentes grupos em presença nessa localidade (autóctones, visitantes, novos habitantes) identificam-se, referindo-se a uma filiação nós/eles. Os termos empregues por cada um para se designar a si mesmo e designar os outros são descritos nas suas diferentes acepções. Os empregos da noção de « nativo » inscrita no registo da « etnicidade », bem como as modalidades da classificação da localidade em Área de Protecção Ambiental apresentam uma grande ambiguidade. A linguagem que estas representações tiram da diferença mostra que a relação entre grupos rurais e urbanos traz para a actualidade antigos mitos nacionais de construção do território.

This article is based on three field studies conducted between 1990 and 1995 in a rural area of Northern Ceará (Brazil) affected since the beginning of the 1980s by a growing influx of tourists. The different groups present in the area (natives, visitors, new inhabitants) identify themselves in terms of belonging to a system of them and us. The terms employed by each of them to refer to themselves and to the others are described in their different acceptions. The uses of the notion of «native» in the register of «ethnicity», and the terms of the classification of the area as an «Environmental Protection Zone» (Área de Proteção Ambiental) are highly ambiguous. The language employed in these representations of difference shows that the relationship between rural and urban groups is updating the old national myths of the construction of the territory.

INDEX

Index géographique : Brésil, nord-Ceará, Jericoacoara Mots-clés : Touriste, environnement, natif, autochtones, ethnicité

AUTEUR

AGNÈS CLERC-RENAUD

Centre d’anthropologie de Toulouse (UMR 8555). Université Marc Bloch, Institut d'ethnologie (Strasbourg). École pratique des hautes études (Paris)

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The Portuguese Identity of the Afro- Sri Lankans University of London, King’s College London. Department of Portuguese & Brazilian Studies L’identité portugaise des Afro-Sri Lankais A identidade portuguesa dos afro-sri lankanos

Shihan de Silva Jayasuriya

1 The Afro-Sri Lankans have their roots in several African countries (de Silva Jayasuriya 2003). The fate of the Africans who went eastwards (as willing or unwilling migrants) to lands in the Indian Ocean region was different to fellow-Africans who travelled westwards from Africa across the Atlantic Ocean (de Silva Jayasuriya & Pankhurst 2003, de Silva Jayasuriya 2004a).

2 The Afro-Sri Lankans were employed as mercenaries, musicians, road-builders, railway- line constructors, watchers in salt-pans, brick-layers, palanquin-carriers, domestic servants, divers in pearl fisheries, nannies, nurses, village officials and bodyguards. Although there was a significant Afro-Sri Lankan presence on the Island, there is no written history of the Afro-Sri Lankans. In Asian literature, people of negroid African descent are called Habshi, Sidi or Kaffir/Cafre/Caffre (de Silva Jayasuriya & Pankhurst 2003). In 17th century Sinhala literary works, the Abyssinians are referred to as Abisi (de Silva Jayasuriya 2001a). In modern , people of negroid phenotype are called Kaffirs, a carry over from the colonial days. The Portuguese word cafre is a borrowing from the Arabic word kafir ('infidel') which the Arabs used for non-Muslims. The word Kaffir may convey negative connotations to those who do not know its etymon. In Sri Lanka it is merely an ethnic label. It is not a racial epithet. 3 The incoming Africans were familiar with oral traditions, but not with literary traditions. It is therefore important to document their oral history. The Afro-Sri Lankans who were creolized in Sri Lanka, nevertheless, remain an identifiable ethnic group. Their position weakened as the Portuguese period of colonization faded into the past.

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4 The Portuguese policy of colonization included the fortification of several towns including Puttalama (Abeyasinghe 1966). The last community of Afro-Sri Lankans, in Sirambiyadiya (near Puttalama in the North-Western Province) has been marginalised due to the absence of Portuguese power in the Island and also due to the end of European colonisation [see map for geographic location]. Currently there are about 50 Afro-Sri Lankan families in Sirambiyadiya (de Silva Jayasuriya, 2001). The availability of government-subsidized education at primary, secondary and tertiary levels to all Sri Lankans since the 1950s has resulted in Afro-Sri Lankan children attending the Puttalama Maha Vidyalaya (the main school in the area), where they receive instruction in Sinhala, the mother-tongue of most Sri Lankans and the language of interethnic communication. 5 The Afro-Sri Lankans are a small minority in a multiracial country which consists of Sinhalese (of Aryan descent), Tamils (of Dravidian descent), Moors (of Arab descent), Malays (descendants of Malaysians and Indonesians), Burghers (descendants of the Dutch and the Portuguese), and others such as Veddhas (an Aboriginal group) and Kaffirs (Afro-Sri Lankans). The ethnic composition of contemporary Sri Lanka is: Sinhalese 73.95%, 12.70%, 7.05%, Indian Tamils 5.52%, Malays 0.32%, Burghers & Eurasians 0.26% and Others 0.20%. The Afro-Sri Lankans are not mentioned as a separate group in the recent census reports as their numbers have dwindled. 6 According to M.J. Elyas, a retired Graamasevaka («village official») in the last Afro-Sri Lankan comunity in Sri Lanka, their ancestors were brought to Sri Lanka in batches by the European colonisers. They were gradually weaned from their African customs and European traditions were superimposed on them by those transporting them to Sri Lanka. In what follows, the cultural traits – language, religion, music, song, dance – of the Afro-Sri Lankans have been considered in order to draw attention to their Portuguese identity.

Language and Religion

7 Language and religion are generally accepted as the most important elements in the culture set. The Afro-Sri Lankans spoke Sri Lanka Portuguese Creole, the language which played the crucial bridging role in facilitating communication in a multilingual environment outlasting three waves of colonial rule. The robustness of the language and its survival without obliteration by the Dutch and the British, the two European colonizers following Portuguese rule, is remarkable. The successive colonial rulers had to learn Portuguese Creole in order to communicate effectively in Sri Lanka. Only after three and a half centuries did Creole give way to English, which became - and remains - the lingua franca for external communication and trade. There are now only 500 Creole speakers on the Island.

8 According to Anthonisz (1908: 31), Dutch was spoken and written in polite society, in offices and at pulpits, while Creole Portuguese was the domestic language in Dutch households, as it was the language of gossiping and of most intimate relations. However, all attempts to popularise the use of Dutch failed, an issue requiring full research. Even within the homes of the Dutch, Creole seems to have shared equal status to their native tongue. Dutch women, in particular, preferred Creole to Dutch and, since the home was their particular sphere of influence, attempts to penalise speaking

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Creole, by, for example, shaving half the heads of the servants, were unsuccessful. According to Percival, who wrote in 1805, Dutch women considered the Dutch language «rather calculated for men and too harsh for the mouth of a lady» (Percival 1805: 161-162). 9 An important feature of contact languages (Pidgins and Creoles) is that we can pinpoint the time they originated. Therefore it is worthwhile considering the origins of this bridging tongue. When the Portuguese arrived in Sri Lanka as traders and crusaders, in 1505, the country was divided into three kingdoms: Kotte, Kandy and Jaffnapatam. The Portuguese era ended in 1658 when the Dutch, a more powerful naval power, displaced them. Portuguese attempts to gain control of the whole Island failed as the Sinhalese Kings were able to defend the Kandyan kingdom (save for and on the east coast) due to its surrounding hills. The Portuguese, nevertheless, gained control of the kingdoms of Kootte and Jaffnapatam and erected fortresses on the coast and inland. Unlike in other territories in Portuguese Asia, they penetrated into the hinterland of Sri Lanka (Subrahmanyam 1993). Therefore Portuguese influences in Sri Lanka were not limited to the coastal areas and were more widespread (de Silva Jayasuriya 2001b). 10 The African migrants to the Indian subcontinent would have spoken distinct African languages as they belonged to several ethnic groups. Since the voyage from Africa to India took several months, a Portuguese Pidgin could have developed on board the ships. Pidgins evolve within a very short period of time in order to fill the communication gap between people who come into prolonged contact. We know that there was an African Portuguese Pidgin. Clements (1999) argues for the existence of an Asian Portuguese Pidgin, but does not include Sri Lanka in his model. Further academic exploration of the Sri Lankan experience is clearly required. 11 The consensus among linguists is that a Creole, unlike a Pidgin, is the mother-tongue of a speech community. Miscegenation would have provided a pool of Indo-Portuguese mother-tongue speakers in coastal India. If the Afro-Sri Lankans had spent several years in Goa (the headquarters of the Portuguese Estado da India – «State of India» – which extended from Mozambique to China), they would have spoken the Indo- Portuguese of Goa. On the other hand, if Afro-Sri Lankans had spent a considerable time in Bombay, they would have spoken Indo-Portuguese de Norte which was spoken in Bombay and the surrounding areas to the north of Bombay. There were both female and male Afro-Sri Lankans and endogamy led to the birth of Afro-Sri Lankans who would have been mother-tongue speakers of the Indo-Portuguese of Ceylon (the former name of Sri Lanka). Even if the Afro-Sri Lankan parents spoke another variety of Indo- Portuguese or an Asian Portuguese Pidgin, they would soon have learnt the bridging tongue. The mestiços («people of mixed descent» – Portuguese and Sri Lankan in this context) were also mother – tongue speakers of Sri Lanka Portuguese Creole (the modern appellation for the Indo-Portuguese of Ceylon). These two groups of mother- tongue Creole-speakers with diverse ethnic roots enhanced the Creole and facilitated interesting linguistic outcomes such as borrowing and grammatical variation that occur when languages come into contact. A comparison of the Creole spoken by the two groups would be an interesting avenue for further research. In addition, Sri Lanka Portuguese Creole serving as the language for trade and external communication became the lingua franca. Hence Sri Lankans spoke the Creole as a second/third

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language. It was particularly fashionable among the Sri Lankan elite who emulated the Europeans and aspired to speak the language of the colonizers. 12 Contact with Sinhala, the substratum language, has resulted in the grammatical variation of the Creole spoken by the Sirambiyadiya Kaffirs. The word order in Sinhala is Subject-Object-Verb (SOV); it is a verb-final language. European Portuguese, the superstratum language, and all known Creoles to-date, are of the Subject-Verb-Object (SVO) word order; they are verb-medial languages. De Silva Jayasuriya (1999a) discusses the substratum influence on Sri Lanka Portuguese Creole (SLPC). For example:

Sri Lanka Portuguese Creole Standard Portuguese English

I go home/ (i) Mo (eo) casa tanda Eu vou a casa I am going home

S O VS V O

We eat rice/ (ii) Nos te cume aros Nos comemos arroz We are eating rice

S V OS V O

13 Preverbal markers to denote Tense, Mood and Aspect are a typical feature of Creole languages and Sri Lanka Portuguese Creole is no exception. It employs an aspect particle to mark the present – te/ta» (as in ii), a tense particle to mark the past – «ja/ya» (as in iii), and a modality particle to mark the future» «lo» (as in iv) (de Silva Jayasuriya 1999b; de Silva Jayasuriya 2004b). This is in contrast to Standard Portuguese (SP) which employs verbal inflections to denote Tense, Mood and Aspect. The absence of verbal inflections, omission of prepositions (as in iv), zero copula (as in v) and the absence of plural marking in nouns (as in vi) are observed in the Creole. The Creole genitive is distinct from that of the Portuguese; it could be based on an English model as is illustrated in (vii), but other models (Praakrits, Dutch and Malay, for example) have also been proposed.

(iii) Yo (eo) casa ya/ja foy Eu fui a casa I went to the house

Yo (eo) markat anda fatu pa Eu virarei ao mercado e levarei I will go to the market and I will (iv) toma lovi os fatos bring clothes

(v) Yo (eo) aros ta cume Eu como arroz I eat rice

Unha midda aroskuruva dos Uma media de arroz custa duas A measure of rice costs two (vi) rupia rupias rupees

My name is Miseliya. My Minha nome Miseliya. Minha O meu nome é Miselia. O nome Father's name is Peter Manuel (vii) Pappas nome Peter Manuel, do meu paié Manuel e o nome and my Mother's name is Mammas nome Dominica da minha mãe é Dominica. Dominica

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14 According to Miseliya, an octogenarian who died a few years ago, there were Muslim Afro-Sri Lankans also. She recalls that the Africans who came during World War II included both Muslims and Christians. She states that there was concubinage between the indigenous women and the Muslim Africans. These Africans had not settled down on the Island. On checking the validity of Miseliya's recollections, I learnt from a Sri Lankan Muslim that people of African descent had lived in Wellawatte (a suburb of ) and that there had been unions between them and the Sri Lankan Muslims. He added that their children have assimilated to the Island's Muslim population and are not distinguishable as a separate ethnic group.

15 The Africans brought from Goa by the Portuguese would have been converted to Roman Catholicism. They may have spoken an African Portuguese Pidgin when they arrived in India but would have switched to an Asian Portuguese Pidgin afterwards. Learning the Indo-Portuguese of Ceylon would have been an easy task for them as it is related to the Indo-Portuguese varieties in India (de Silva Jayasuriya 2001c). Miseliya states that there were Kaffirs who belonged to the Dutch Reformed Church. Bertolacci (1817: 60) stated that if slaves were married in the Dutch church (for which they required their master's consent), their children were free, and they were also free after the death of their master and his wife. Slaves could not be sold after marriage. The master had to comply with an Adoption Act, where he was considered the guardian of the christened slave. 16 The Dutch government did not, however, allow the children of slaves married in Catholic Portuguese churches to be set free. There were many slaves who had been christened in Catholic churches and had therefore remained slaves. The Portuguese clergymen refused to baptize slave children unless their masters set them free. The Dutch government had bowed down under this pressure and had instituted formalities to give the master's consent for slaves to marry in Catholic churches and to give these slaves the same privileges as those married in Dutch churches. However, the formalities introduced by the Dutch government (i.e. registering and attesting marriages) had been discontinued when the British took over the Island's coastal areas, and slaves who married in Catholic churches did not enjoy these privileges. As Bertolacci pointed out this was an inconsistency and a defect of good policy. Bertolacci (1817: 61) had not known of any slaves who had been married in the Church of England in Sri Lanka. The religious affiliation of the Afro-Sri Lankans is, therefore, further complicated by slavery and changes in colonization. 17 The British Government had purchased African slaves (men, women and children) from the Portuguese settlement of Goa, who had rejoiced in the change of status and had promised to become brave and hardy soldiers. They were nominally Roman Catholics and had no knowledge of any other religion. On Sundays they had marched to the Portuguese church which was situated two miles from the Colombo fort. Roman Catholicism has been a binding force for the Afro-Sri Lankans. The Sirambiadiya Afro- Sri Lankans come under the purview of St Mary's Parish Church, Puttalama. 18 Fernando (1894) states that the Afro-Sri Lankans intermarried with the Portuguese Burghers. This is not surprising given that they had a language (Sri Lanka Portuguese Creole) and religion (Roman Catholicism) in common. The Afro-Sri Lankans assumed a Portuguese identity with respect to these two important cultural traits.

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Music, Song and Dance

19 Music is a fine art that is concerned with the combination of sounds with a view to beauty of form and the experience of emotion; a song is a piece of music for voice or voices, whether accompanied or unaccompanied by musical instruments; dance generally accompanied by musical sound, finds expression in an infinite range of styles, forms and techniques.

20 It is music, song and dance which bind the remaining Creole speakers with the Creole community at large, which includes Portuguese Burghers (people of Portuguese descent) numbering 5,000. The music of the Sirambiyadiya Afro-Sri Lankans signals their Portuguese identity. More remarkably, Marie Jacinta, a young Afro-Sri Lankan, has formed an Afro-Sri Lankan music group with ten musicians. A Former Sri Lankan President, R Premadasa, acknowledged Marie Jacinta’s contribution to Sri Lankan music and awarded her a certificate in recognition of her talent. 21 The victory song, Senhor Sanantoni, apparently sung by the soldiers en route to Sri Lanka survives in the Creole. The soldiers who had lost a home found another in Sri Lanka by lighting candles to Saint Anthony, «the finder of lost articles». Evidently, the incoming Africans would have sung the song in another language, but the contemporary version is given below with my Standard Portuguese and English translations.

Sri Lanka Portuguese Creole Standard Portuguese* English*

Sinhor Santantoni suva vela Senhor São Antoni sua Lord St Anthony's candle in Male solo namaoo candeia na mão the hand

Female Sinhor Santantoni suva vela Senhor São Antoni sua We saw Lord St Anthony's chorus namao ya oya candeia na mão viram candle in the hand

We saw the candle in the The whole Vela namao ya oya, A candeia na mão viram, hand, group Canseru namao ya oya A lanterna na mão viram We saw the lantern in the hand

We have captured, captured, Ya ganha ya ganha Ganharam ganharam We have captured the flag The whole Ya ganha bandera Ganharam a bandeira We saw we saw group Ya oya ya oya – Viram viram – We saw the candle in the vela namao ya oya a candeia na mão viram hand

* my translation.

22 Jackson (1990) refers to Kaffirs in Puttalama singing this song. His English translation is different to mine (see below). Jackson (1990: 84) Jackson (1990: 84) Senhõ Saint Antõni Saint Anthony Sua vela na mão ya oyã I saw the candle in your hand Canseiro na mão ya oyã I saw the candlestick Ya ganha bandeirã I received the flag.

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23 More interesting, however, is that the Sirambiyadiya Kaffirs sing Manhas (from the Portuguese word Marchinhas «little marches») at wedding ceremonies. The Manhas emanate from the Portuguese Marchas («marches»). In Lisbon, Marchas are performed during the feast of Santos Populares ('Popular Saints') celebrating Saint Anthony, Saint John and Saint Peter. The music of a march has strong repetitive rhythms and an uncomplicated style. It accompanies orderly military movements and processions. In Sirambiadiya, the bride and groom cut the wedding cake, drink wine and sing Manhas together with relatives and friends. They hold hands and dance in a circle. M.H. Goonatilleke (1998)1 who studied this community (Goonatilleke 1983), states that they migrated from Lisbon and that there is a document in the Lisbon Archives about them which I have not yet been able to locate. 24 Manhas are short compositions. The Manha, given below, is sung at weddings when the bridal couple are seated. The verse seems appropriate for an occasion on which the groom is explaining to his parents that he has chosen well. It could be paraphrased as: «I picked a woman to be my wife, in the hands she smells».

Sri Lanka Portuguese Creole* Standard Portuguese*

Nam papa naman cherure re F0 F0 Mamã Pap AB na mão cheir AB Apanhei meu mulher Panya mulamu F0 F0 Mamã Pap AB na mão cheir AB Nam papa naman cherure ba Apanhei meu mulher Panya mulamu

* my transliteration.

25 The Sirambiyadiya Kaffirs play a pink three-stringed long-necked wooden mandolin with a trapeziform resonator, the drum, and home-made instruments such as a glass bottle with a metal spoon, two coconut halves and a wooden chair/stool or a metal vessel with two wooden sticks.

26 C.M. Fernando (1894), a Cambridge-educated Sinhalese lawyer and a pianist, who was the pioneer researcher of Portuguese music in Sri Lanka, commented that the fast music was called Kaffrinha and the slow music was called Chicote («whip» in Portuguese). 27 The Kaffrinha song Singale Nona was popular in the fashionable Colombo suburb of Cinnamon Gardens in the 1950s. It was the highpoint at bohemian parties of the Island's elite and was always the final song of the night. The Creole song Singale Nona is still sung in Sirambiadiya.

Sri Lanka Portuguese Creole Standard Portuguese* English*

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Singale Nona Senhora Cingaleza Sinhalese Lady Singalee Nona! Senhora Cingaleza! Sinhalese lady! Singalee Nona! Senhora Cingaleza! Sinhalese lady! Eu kere Kasa Eu quero casar I want to marry Porta ninkere, Eu não quero uma porta, I don't want a house, Orta ninkere Eu não quero uma terra I don't want land

F0 Figa namas da D AB s sua filha somente Only give me your daughter

F0 Figa namas da, none D AB s sua filha somente, Senhora Only give me your daughter, lady

F0 Figa namas da D AB s sua filha somente Only give me your daughter

28 * my translation.

29 This is a contemporary version of Singellenona in the Group entitled Cantiga De Purtigese – Kaffrein – Neger Song Portiguese («Portuguese Songs – Kaffrinha – Portuguese Negro Songs») in the 19th century Hugh Nevill manuscript (given below) which is in the British Library, London (de Silva Jayasuriya 1996; de Silva Jayasuriya 2001d). These love ballads emanate from the troubadour tradition which originated in Provence, France, in the medieval age. They represent an important literary tradition that has survived in a Portuguese space in an Indian Ocean Island. These songs remind us that Luso-Asian voices still exist even though the sun has set on the . The quatrain, is a common poetic structure for songs in rural Portugal and this tradition is illustrated in the Sri Lanka Portuguese Creole songs of the Nevill manuscript.

Sri Lanka Portuguese Creole Standard Portuguese* English*

Singelle nona Senhora Cingaleza Sinhalese lady Singelle nona Senhora Cingaleza Sinhalese lady Veeanda lava Vejo a andar para se lavar I saw her going to wash herself Sava nuthen bolsa nuthen Sabão não tem bolsa não tem She has no soap she has no bag Korpuper roosa Para pôr seu corpo cor-de-rosa To make her body pink

* my translation.

30 Coran Janita, another Kaffrinha song in the Nevill manuscript and in the same group (given below) also illustrates how Kaffir Portuguese music influenced contemporary popular Sri Lankan music. A modern version of Coran Janita is in vogue today.

Sri Lanka Portuguese Creole Standard Portuguese* English*

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Blush Joanita queen Korra jonnathai soo rana Cora Joanita Soberana Of Suramba blush Joanita Surum bae korra jonnathai De Suramba cora Joanita I fancy this girl of mixed Sonthai iste mustases tha Sonho esta mestiça descent Java mamtha sangui tha meu Veio mandar sangue ao meu She came to send blood to my corasan coração hear

* my translation.

31 Kaffrinha (Kaffir + nha (which is the Portuguese diminutive) is associated with the Kaffirs and the Portuguese; it is sometimes called Kaffrinha . Baila (from the Portuguese word «dance») is a Lusitanian musical legacy in Sri Lanka. Kaffrinha/Kaffrinha Baila/Baila refer to popular music, song and dance in contemporary Sri Lanka (de Silva Jayasuriya 2004c, 2005) .

32 Brohier (1973) visited the Kaffir colony in Puttalama, in 1923, on a Saturday evening when the colonists were having «a feast of merriment and sound, with music as its strongest impelling force». Those taking part were singing and dancing for their own enjoyment. Both young and old enthusiastically joined in the music and dance. These festive evenings were associated with christenings, birthdays, anniversaries of any kind or even a simple moonlit night. 33 Kaffrinha in contemporary Sri Lanka is not simply an Afro-Portuguese blend. It is the fusion of three cultures: African, Portuguese and Sinhalese. Ariyaratne (1999) draws attention to the Sinhalese component in modern Kaffrinha and states that the Sinhalese component must not be undermined. A comparison with Portuguese and African folk music would help to ascertain the Sinhalese input to contemporary Kaffrinha. 34 The Kaffrinha sometimes assumes a comical character, particularly in the Sri Lankan theatrical performance called Nadagama (a genre of Sri Lankan play with Portuguese influence). Sarachchandra, Sri Lanka's foremost contemporary literary figure, refers to the jester of Rolina Naadagama who sings a Kaffrinha dance tune as the opening song (1966).

* * *

35 The availability of «free» education in post-colonial Sri Lanka is producing literate and emancipated Afro-Sri Lankan women who subsequently deviate from the traditional role of managing the household, mothering and nurturing children. Some are emigrating for domestic work, a phenomenon which is not limited to the Afro-Sri Lankans, but a result of the socioeconomic conditions prevailing on the Island.

36 Self-expression of African identity through music, dance and song could be misinterpreted as slave resistance. The diverse ethnic backgrounds of the incoming Africans and their low numbers seem to have prevented revolts in Sri Lanka. There was an insurrection, though, during the Dutch era when the Afro-Sri Lankans became conscious of their increased numbers, but the Dutch authorities were able to suppress it. Slave resistance assumed a variety of forms, especially desertion. Slaves fled to the Kandyan kingdom which was under Sinhalese rule, and the Dutch did not know the reason for this. The dense forest vegetation and the politico-economic rivalries

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between the Dutch and the Kandyan kingdom provided an accessible safe-haven to the fugitives, who lived, in a similar manner to other marooned communities, on poaching, stealing and vagabonding (Hovy 1996). Attempts by the VOC (Verenigde Oost-Indische Compagnie) authorities to stop runaway slaves by introducing various measures such as severe whipping, prolonged chained labour, death penalty and treaties with indigenous rulers and headmen which included clauses for the exchange of slaves, were ineffective. The Dutch imported more slaves to fill the void left by the runaway slaves. 37 It is not surprising that Sri Lanka Portuguese Creole is becoming moribund. The younger Afro-Sri Lankans are not speaking Portuguese Creole and language will not be an identifier for much longer. Nevertheless, they have been able to remain as Roman Catholics, a religion that was introduced to Sri Lanka by the Portuguese and therefore which signals a Portuguese link. Portuguese Creole songs run deep in their blood and are a part of their group identity.

* * *

38 Afro-Sri Lankans are a marginalised group, but they are partially assimilating to Sri Lankan culture. While the Portuguese hallmarks on linguistic and religious traits of the Afro-Sri Lankans are declining, their musical and choreographic elements are vibrant and persistent, signalling their Portuguese identity.

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NOTES

1. . Personal Communication.

ABSTRACTS

The Afro-Sri Lankans are an ethnic minority who have long been overlooked and have received little academic attention. They are a marginalised group, part of a culture which is undergoing rapid assimilation, and any information that we have at present about them may be lost if it is not recorded. There is as yet no adequate history of the Afro-Sri Lankans. The three waves of European colonisers (Portuguese, Dutch and British) that came to the shores of Sri Lanka brought Africans with them to this island in the Indian Ocean. This paper focuses on the largest Afro-Sri Lankan contemporary community. Since Sri Lanka regained its independence, the Afro-Sri Lankans have had to cope with the socio-political changes that have occurred in postcolonial Sri Lanka. The Portuguese identity of the Afro-Sri Lankans is expressed through language, religion, music, song and dance.

Les Afro-Sri Lankais constituent une minorité ethnique qui a été longtemps négligée et à laquelle les universitaires n’ont pas accordé une grande attention. Ils forment un groupe marginalisé, appartenant à une culture qui est en train de subir une assimilation rapide. Toutes les informations que nous possédons actuellement à leur sujet pourraient être perdues si elles ne sont pas recueillies. Il n’existe pas encore d’histoire adéquate des Afro-Sri Lankais. Les trois vagues de colons européens (portugais, hollandais et britanniques) qui ont atterri sur les rivages du Sri Lanka ont amené avec eux des Africains sur cette île de l’Océan Indien. Cet article s’intéresse à la plus importante communauté afro-sri lankaise contemporaine. Depuis que le Sri Lanka a regagné son indépendance, les Afro-Sri Lankais ont dû faire face aux changements sociopolitiques qui sont intervenus dans le Sri Lanka postcolonial. L’identité portugaise des Afro- Sri Lankais se traduit à travers la langue, la religion, la musique, le chant et la danse.

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Os afro-sri lankanos constituem uma minoria étnica desde há muito esquecida, à qual os académicos não têm dado grande atenção. Constituem um grupo marginalizado que faz parte de uma cultura que se encontra em fase de rápida assimilação. Qualquer informação de que disponhamos de momento sobre esse grupo poderá ser perdida se não for registada. Ainda não existe uma história adequada dos afro-sri lankanos. As três ondas de colonizadores europeus (portugueses, holandeses e britânicos) que desembarcaram nas costas do Sri Lanka levaram africanos para esta ilha do Sri Lanka, no Oceano Índico. O presente artigo debruça-se sobre a maior comunidade afro-sri lankana de hoje. Desde que o Sri Lanka recuperou a sua independência, os afro-sri lankanos têm enfrentado as mudanças sócio-políticas que aí ocorreram no período pós-colonial. A identidade portuguesa dos afro-sri lankanos é assinalada pela língua, pela religião, pela música, pelo canto e pela dança.

INDEX

Mots-clés: changements sociopolitiques, identités, communauté portugaise Geographical index: Shri Lanka, Océan indien

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La recherche : Genre et rapports sociaux dans les espaces lusophones

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Gender in the Lusophone World History, Identity and Nation

Marissa Moorman and Kathleen Sheldon

1 The dynamic state of Lusophone studies was amply demonstrated by the enthusiastic response to the call for papers for this special dossier. Indeed, scholarship on the lusophonic world reflects trends within the academy more broadly, while offering insights grounded in the specificities of the past and present politics of lusophonic spaces. Over one hundred scholars wrote to express an interest in the topic, and over seventy of those submitted papers for our consideration. The diversity of work received by junior and senior scholars underscores the significance of gender as an analytical category and as an area of scholarly interest, as well as emphasizing its political import. We were overwhelmed, but happily so, by this outpouring of excellent research and writing on women and men, identities and memories, family and work, politics and history, literature and art, on every corner of the Lusophone world. The limited number we chose to include allows us to focus on some of the shared characteristics. But comparison should also underscore contradictions and difference (for example, in colonial policy), opening up space for alternative outcomes and expressions.

2 Participants in recent debates about the reality or importance of the Lusophone community have suggested that such a community is fragile, based only on a shared language and disparate experiences of Portuguese colonialism. In Africa alone it has been argued that Mozambique and Angola have more in common with other southern African nations than they do with the West African nations of Guinea-Bissau and Cape Verde, and such connections as do exist become even more tenuous when looking at the far-flung nations and territories of Brazil, Goa, Macau, and East Timor. Including the metropole of Portugal itself, which obviously did not share the common experience of being colonized, underscores the idea that it is sometimes a stretch to write about the Lusophone world as a coherent entity1. At the same time, countries who share the have made much progress in recent years in developing the connections among themselves, as noted in the revitalization of the Comunidade dos Países de Língua Portuguesa, CPLP 2. Such an organization highlights the ways in which communities, identities, and social relations are not only about location, but are also based on historical processes, shared linguistic resources, economic interests, and

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cultural practices that create new geographies of affinity and politics of association in the present. The articles in this dossier confirm that community may be as much about difference and change as it is about similarity and continuity. 3 The fourteen articles that form this special dossier on gender in the Lusophone world represent a series of themes and analyses present in the over seventy submissions received. Temporally they range from the 16th century to the present while geographically they span the globe following the trajectories of both Portuguese exploration and conquest as well as those of its subalterns whose past and present migrations, modes of life, and memories simultaneously talk back to and complicate that legacy. Yet, this dossier does not pretend to be comprehensive. There is little here that registers the developments in gender theory on the question of sexuality. Quinlan and Arenas’ Lusosex (2002) 3 deftly demonstrates the relevance of this area of study to lusophonic studies, opening the field for further investigation rather than being the last word on the subject. While sexuality may be a blind spot in this dossier as a whole, it does indeed inhabit some of these works even if it is not a central category of analysis (see articles by Havik, Melo, and Massart). Specific themes in this dossier include, and limn the complexities of, memory, migration, work, violence, the nation, and colonial encounters. The concerns and methodologies that dominate one article echo and resonate in others whose distance temporally and geographically might otherwise seem unbridgeable but is traversed through a notion of lusophonia. 4 We have grouped the articles in two broad sets in order to intensify potential resonances, introduce echoes and push the boundaries of one piece with the different concepts and geo-temporalities of the others: «Memory, Migration and Colonial Encounters» and «Gender at Home, at Work, and in the Nation». While we will explain the logic that compelled this organization below, it is worth remembering that these groupings of articles are really only suggestions and that, following the insights of queer theory, we encourage promiscuous reading strategies that re-map the boundaries imposed by editorial and other authorities.

Memory, Migration and Colonial Encounters

5 The first set of articles all deal with the gendered politics and practices of colonialism broadly cast. Like the innovative recent work on colonialism, these articles further the argument that colonization was neither monolithic nor wholly determined by the colonizer, who was as much product as producer. Indeed, colonialism was a process not an event, made of many encounters and not just one discrete encounter. The many contemporary gendered struggles, relations, and discourses that structure the dossier’s second section point to the fact that such processes are not neatly contained relics of the past and that the complex dynamics of structure and agency so central to colonial life, both at the material level and in terms of representation, continue to be a site of struggle.

6 The conflicts, contours and continuities of colonialism were made on the ground and in the interaction of local peoples, or insiders, and practices with foreign peoples, or outsiders, and practices. In fact, the articles in this section implicitly elaborate what Frederick Cooper and Ann Laura Stoler tagged the «Tensions of Empire» and specify them for the lusophonic world4. Gender is not peripheral but rather central to the processes of colonization and to the tensions of empire. And yet, it is not a stand-alone

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category. The richness of analysis in these articles, and the complexities they reveal, re-affirms that gender (like race and class, among others) is fundamentally about power and about relations that are often more complex than just the social relations associated with the categories «man» and «woman». Gender is imbricated with, and garners meaning in relation to, the axes of race, class, generation, nation, location, and sexuality. At the same time, a gendered analysis may also consider gender at the level of representation, such that gendered language and gendered images represent and produce relations of power and not necessarily, or not only, specific relations between men and women (or men and men, women and women), although such relations are almost always implicated. 7 This section begins with Claudia Pazos-Alonso’s succinct analysis of a collection of short stories by the Lisbon-based Cape Verdean writer, Orlanda Amarilis, in which she explores the complexities of Cape Verdean metropolitan lives on the eve of the 1974 revolution in Portugal. Pazos-Alonso shows how Amarilis gently but powerfully indicts the romance of lusotropicalism with the eye-opening revelations regarding race and gendered markers of difference. Pazos-Alonso suggests that: «Amarilis arguably uses the depiction of the subaltern position of women, in a society predicated upon asymmetrical gender roles, as a magnifying lens to question unequal power relations between colonizers and colonized». Her suggestion serves as an apt opening for the rest of the articles in this section. 8 The works by Florence Pabiou-Duchamp, Philip Havik and Leonor Pires Martins move back in time and over space from the psychic destabilization of some metropolitan elite Cape Verdeans on the eve of the revolution in Portugal to the scene of production of the very colonial categories and practices that Amarilis exposes. In different ways, Pabiou-Duchamp, Havik and Martins show the production of those categories to be fragile, contingent, and profoundly gendered. Pabiou-Duchamp revisits the other cusp of the long colonial encounter – pre-colonial commercial and political relations of the Zambezi polities of Karanga with Portuguese traders and representatives of the Portuguese crown. «Être femme de rois karanga à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècles» demonstrates that what 16th and 17 th century observers and 20 th century historians understood to be an «honorific title» («femme du roi») bestowed upon some locally-based Portuguese was far more complex. By going beyond titles interpreted through narrow, masculinist, European-based notions of royal power to explore the gendered representational politics of the Karanga royalty, Pabiou-Duchamp also highlights the centrality of women to the functioning of the political system. 9 Havik’s «Les Noirs et les "blancs" de l'ethnographie coloniale. Discours sur le genre en Guinée portugaise (1915-1935)», explicitly explores the gendered tensions of empire. He exposes the thinness of colonial administrator-generated anthropology for representing society in Guinea while, in essence, arguing that works from this period often show us much more about the interests of the «colonizer» than about the daily life and society of the «colonized». Havik argues effectively, through his close-reading of a variety of published and archived ethnographic sources, that a focus on the local administrators reveals «a structuring element that intersected vectors such as power and nation with gender and racial preconceptions» and was at the base of the production of colonial tropes. Havik both shows how those tropes changed over time (from images of ideal ethnic and racial types of African women to women as mothers

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within in a larger bio-medical discourse of empire) and had, at least initially, different models: European ones for men and African ones for women. 10 If Havik focuses on the representational interface of the colonizer/colonized relationship, Leonor Pires Martins «Menina e moça em África. Maria Archer e a literatura colonial portuguesa», moves us into the gendered spaces of the metropole and of the production of colonial literature. She shows the ways in which the writer Maria Archer consciously worked against the gendered stereotypes of colonial literature and the poetics of empire that emphasized «as acções de figuras masculinas e elidiram, ou pelo menos marginzalisaram, a participação das mulheres» («the actions of masculine figures and elided, or at least marginalized, the participation of women»). But by focusing on Archer’s consciousness of gender, Martins does more than just valorize or recover female agency, she uses female subjectivity and a feminist consciousness to point to the very gendered nature of colonial culture and politics both in the metropole and, by extension, in the colonies. 11 Susana Pereira Bastos’ study, « "Hierarchical Alterity is a Mere Illusion": Some Reflections on the Creative Power of Women's Expressive Traditions in the Portuguese- Speaking Hindu Diaspora», moves between colony and metropole and through the dichotomy of colonizer/colonized to the Portuguese-speaking Hindu communities of Mozambique, Portugal and the United Kingdom. Pazos-Alonso implies that Amarilis’ work shows migration to instead be displacement. This interpretation echoes in Bastos’ piece where the emphasis is not so much on the revelation of difference but its negotiation through women’s expressive practices. Gendered practices help traverse ethnic, spiritual and racial difference not to mention (dis)location. 12 Finally, Marguerite Itmar Harrison analyzes how two Afro-Brazilian women artists confront gendered colonial legacies in Brazil in her article: «Through the Eyes of Brazil’s African Daughters: Vision and Memory in the Artwork of Rosana Paulino and in the Short Fiction of Marilene Felinto». Harrison argues that Marilene Felinto’s short fiction and Rosana Paulino’s artwork employ personal memory for collective redemption in the context of a contemporary Brazilian society characterized by inequalities entwined with race, class, gender, and location (rural and urban). Re- membering in the work of Felinto and Paulino, Harrison asserts, uses memory to reconnect and mobilize the past for work in the present. While colonialism may seem most remote in this piece, it is precisely here where we see that it is a process that marks the present, and this is worth remembering as we move into the next section.

Gender at Home, at Work, and in the Nation

13 The second set of articles address a range of experiences related to gender in the home, at work, and in the nation. Each locale, though geographically distant from the others, includes people who forcefully define themselves. At times the variety of situations, from rural women in Angola undergoing initiation rites to urban men in East Timor who are wrestling with their relationship to the violence around them, might obscure the connections between these studies, yet they all are cognizant of their relationship to Portugal and the Lusophone community.

14 The young Handa of Angola in Rosa Melo’s contribution «Mulher é aquela que "comeu o boi". O efuko e a construção do généro no grupo étnico Handa » participate in an initiation rite which confers adult status on girls. The physical imperfection that is

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associated with uncircumcised Handa is related to deficiencies in society, as that person is seen as a source of filth and as a troublemaker. Thus a woman’s self identity is intricately intertwined with her community. Gender identity is also related to the physical body, whether it is changed through the course of the initiation rites, or as other articles describe, through pregnancy, political activism, or violence. 15 The pregnant adolescents of Pina in Recife, Brazil, told Véronique Durand: «Grossesse à l’adolescence. Une population dans la marge sociale à Recife, (Brésil) that they did not like the term «pregnant teenager» and their own choice was that they be called «As Rosas da Pina», The Roses of Pina. Durand demonstrates that these young people made a decision to become pregnant, and that it was not a random or accidental event as has often been depicted. Likewise in Maristela de Paula Andrade’s article about Brazil’s Nordeste, «Mutirões, empates e greves. Divisão sexual do trabalho guerreiro entre famílias de quebradeiras de coco babaçu, no Brasil», the activists have defined for themselves who they are and how to understand their political actions. They rejected ideas that peasant women would be passive and accepting, and introduced reforms that allowed the community as a whole to have greater access to local resources and more control over their work environment. The women’s activities formed the basis of the development of a local community, as women activists made public efforts to improve their situation. 16 The women of the elite business families of Lisbon claimed they were not housewives (dona da casa), but rather family managers (gestora familiar). In «Hommes d’affaires et gestionnaires familiales : complémentarités et asymétries de genre dans une élite de Lisbonne», Antónia Pedroso de Lima found that those women were an integral part of the business and the family, and they did not accept the popular image of donas da casa as being lazy or not working. As Lima demonstrates, the worlds of finance and business where male family members hold sway rely heavily on the family relationships that women develop and maintain. Although a gender division of labor is prominent, the division reflects a complementarity, and men and women recognize the central role that both sexes and their not-really-separate spheres play in the success of their business and their homes. An important aspect of the adult gender division was found in the ways that boys and girls were raised, observing and participating in their parents’ activities. Women remembered assisting their mothers plan important social events, while men recalled watching their fathers as they did the work of their business. 17 The changes found in subsequent generations of women are also delineated. More women of the younger generations finish their schooling, though they are still expected to focus their energies on the home. But one young woman interviewed by Lima was determined to enter into the family business at a leadership level. Family members told her she would be able to «help her brother» in the business, but at age 18 she had a plan that she hoped would allow her to take part in the business itself. The new generation of young women continues to struggle to alter the existing ideas about women’s place within the family business. 18 The connection with the Handa girls learning their mothers’ roles in Handa society, marked by a particular rite, is brought out by the juxtaposition of the articles here. The Lima article on women in Lisbon also relates to Ana Bénard da Costa’s paper, which describes the interconnection of women’s work and family life in the poor neighborhoods that surround Maputo, Mozambique («Género e poder nas famílias da

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periferia de Maputo»). Though at nearly the opposite end of the social and economic spectrum from the lisboetas, the Maputo women’s experiences also illustrate how the interrelation of family structures has an impact on women’s work. In Mozambique families are formed through a variety of legal and customary rituals and passages, so that women and men together determine whether to describe themselves as married or otherwise in a relationship, and to define that relationship. The continuation of polygyny and women’s work in local small-scale marketing both contribute to the ways in which urban women identify themselves within the larger society. 19 A further expansion on how Lusophone women define themselves is found in Isabel Fêo Rodrigues’s article on ethnicity in Cape Verde, « "Our Ancestors Came from many Bloods": Gendered Narrations of a Hybrid Nation». The stories people remembered and told about their families reflected the location of the nation of Cape Verde as being somewhere between Portugal and Africa. As with many stories of national origin, the first woman in the genealogy is crucial to later interpretations of ethnicity and identity. As Cape Verdeans all came from somewhere else, many have selected their own off-island identity in ways that improve upon the (presumed) reality of colonial conquest and subjugation. 20 Two articles in this section discuss Lusophone masculinities, in these cases, both in small locations marked by dramatic events. In «Occupation, Resistance, Dominance and Patriarchy. Notes on Masculinities, Violence and Power in Timor Leste», Henri Myrttinen outlines the changing relationship of men to violence in East Timor, and demonstrates how the colonial history, especially the years of subjugation to Indonesia, contributed to men identifying with violent activity as a mark of masculinity. In a sense, there developed an «ideal» Timorense man, and that man was given to violent and aggressive behavior. While such behavior might have had some grounding in the long armed struggle for independence, Myrttinen also shows that it can be difficult to shift the preferred male disposition to a less violent characteristic. 21 In the second article on masculinity «Masculinités pour tous ? Genre, pouvoir et gouvernementalité au Cap-Vert. Le foyer dans la spirale de l’ouverture et du changement à Praia», Guy Massart also suggests that there was an idea of an ideal man in Praia, Cape Verde, but that this paradigm has changed under the impact of increased out-migration and greater numbers of female-headed households. Both of these articles situate social ideals of male behavior firmly in the distinctive histories of the community under study.

Gendered Politics, Politics Engendered

22 As the compilers of this rich and revealing set of papers, we hope that the insights and analysis will inform the direction of gender studies and Lusophone studies, and especially the intersection of the two areas. Implicitly and explicitly these articles parse gender as women’s agency, as masculinity, as relations between men and women, and as representation, sometimes singularly but more often simultaneously. Collectively, these articles reaffirm the salience of gender as a category of experience and analysis, and as a category of social, political, economic, and cultural import. They suggest that if the concept of gender once ran the risk of being ghettoized or marginalized as «women’s issues» or special interest politics, that is no longer the case. Instead, these articles quietly insist that to attend to gender, whether in the form of violence and

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masculinity (Myrttinen); of women’s expressive practices (Bastos); of the mutually constructed domestic and professional worlds of the Lisbon business elite (Lima); or in the form of the gendered political discourses and practices of Karanga royalty (Pabiou- Duchamp) is to take up politics in its most intimate and its most public manifestations, often at the same time. The set of papers presented here expand our knowledge of gender and of the Portuguese world in unexpected ways that will benefit all of us. June, 2005

NOTES

1. . Edward ALPERS, «Studying Lusophone Africa: Retrospect and Prospect», Ufahamu, XXIII (3), 1995: 94-109. 2. . See the CPLP website at . 3. . Susan CANTY QUINLAN & Fernando ARENAS (eds), Lusosex, Minneapolis, University of Minnesota, 2002. 4. . Ann Laura STOLER & Frederick COOPER (eds), Tensions of Empire, Berkeley, University of California, 1997.

AUTHORS

MARISSA MOORMAN

Indiana University

KATHLEEN SHELDON

University of California at Los Angeles

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La recherche : Genre et rapports sociaux dans les espaces lusophones

Mémoires, migrations, rencontres coloniales

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Race and Gender Orlanda Amarilis’ Cais do Sodré té Salamansa Raça e Género. Cais do Sodré té Salamansa de Orlanda Amarilis Race and Gender. Orlanda Amarilis’ Cais do Sodré té Salamansa

Claudia Pazos-Alonso

1 Displacement has been a distinguishing feature of Cape Verde’s history. As such, the premise of this paper is that the Cape Verdean diasporic experience offers an unusually compelling case study in terms of colonial and postcolonial interrogations of identity. Echoing Homi Bhabha’s description of the late twentieth century as a time of transition par excellence: «In the fin de siècle, we find ourselves in the moment of transit where space and time cross over to produce complex figures of difference and identity, past and present, inside and outside, inclusion and exclusion»1. 2 This paper centres on Orlanda Amarilis’s first published collection of short stories – Cais do Sodré té Salamansa –, published at a time when Cape Verde was still, to all intents and purposes, a Portuguese colony2. It considers the process of the individual rethinking of identity and most particularly its implications in terms of an emergent race and gender consciousness (or lack thereof) in a few representative characters belonging to the Cape Verdean elite settled in Lisbon, in what is arguably a key moment of transit, namely the one which immediately preceded the April 1974 Revolution and the subsequent independence of Portugal’s African «overseas provinces» in the year that followed.

3 Orlanda Amarilis, herself a displaced Cape Verdean, is well-versed in the contradictions of being simultaneously an insider and an outsider. Living in Lisbon since 1968 (by which time she was in her mid-forties), her internal migration to the capital of the Empire was motivated not by the wish to further her education, nor by pressing financial necessity, but by personal reasons3. A by-product of her long-term residence in the metropolis was the fact that her three collections of short stories were published in Lisbon, the first in 1974, the subsequent two in the 1980s. In a nutshell, as Phyllis Peres points out, Orlanda Amarilis’s «in-between» place of enunciation «calls attention to the larger question of what it means to be a diasporic writer»4.

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4 The need to reflect on the implications of dislocation, both temporal and spacial, is inscribed outright in her very début title, Cais do Sodré té Salamansa. Through the unexpected bringing together of, on the one hand, Cais do Sodré, one of the major train stations in central Lisbon, adjacent to the river Tagus and, on the other hand, Salamansa, a small beach village in São Vicente, the title links metropolitan Portugal to its distant minor «overseas province». This metaphorical flow towards the periphery with its complex revisiting of roots and origins, and the ensuing rethinking of identity such repositioning might entail, becomes one of the major themes explored in this collection. 5 Amarilis’s protagonists experience a metaphorical dislocation which shakes the very roots of their identity, when, in spite of their superficial apparent integration into the daily life of the capital of the Empire, outward racial markers as well as less prominent gendered differences may suddenly determine their ultimate confinement to an inferior status as a second class citizen, leading to an acute feeling of cultural estrangement. Complete integration, seldom portrayed as a realistic possibility, is however simultaneously presented as less than desirable, because its pre-requisite would be the blanket adoption of a «white» dominant point of view. Of particular note in the fiction of Amarilis is the extent to which her female characters are shown to mentally occupy an «in-between space» almost at the outset, stemming from their double marginalization, both as non-white and as women, while men’s exclusion is not primarily, if at all, predicated on gender or may even be in fact altogether bypassed, as we shall see. 6 The opening story, «Cais do Sodré», stages a chance encounter in the eponymous Lisbon train station between Andresa, a Cape Verdean woman who has been seemingly settled in the metropolis for more than fifteen years, and Tanha, another Cape Verdean, recently arrived from the islands. The two women discover that, unsurprisingly given the smallness of the islands, they know details of each other’s respective family backgrounds. But, while part of Andresa yearns for identification with her past roots, «sente a necessidade de estabelecer uma ponte para lhe recordar a sua gente a sua terra», the temporal gap is often impossible to bridge «não há afinidades nenhumas com as pessoas de há quinze anos para trás. Nem são as mesmas»5. Crucially, she is no longer the same either, having downplayed certain parts of herself in order to achieve integration. 7 In this tale, the conflicting allegiances experienced by Andresa, torn between a lingering identification with the memory of her past African roots and the practical need to assimilate European values, initially leads her to put an end to the conversation with Tanha. Yet, rather than remaining silently seated next to a significantly «inglesa ruiva»6, at the last minute, Andresa boards the same train as Tanha to Caxias, thereby displaying an act of female solidarity. This gesture constitutes a metaphorical acknowledgement that a complete negation of previous cultural roots can only be mutilating. Despite temporal as well as geographical dislocations, the sharing of common cultural memories can offer a welcome respite from the intermittent sense of alienation which grips Andresa in the impersonal metropolis. As such, female solidarity, all the more vivid since Tanha has recently lost her father and Andresa’s kindness will result in her being late to meet her husband, results in the protagonist embracing a composite identity, in which her previously suppressed race and, indeed, gender identifications are allowed to resurface.

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8 While «Cais do Sodré» ends on an optimistic note, in the next story «Nina», which similarly features another chance encounter on the Cais do Sodré line, the sense of estrangement becomes all but unbearable by the end. The tale, where a nameless Cape Verdean male protagonist is made to feel a foreigner in the mainland a blue-eyed Portuguese girl, called Nina, the niece of his former landlady and his former girlfriend, now married. Their embryonic relationship, started several years previously when he came from overseas to study for a University degree in agronomy, ended abruptly with a cutting racist comment on her part: «aborrecia-a a ideia de vir a ter filhos de cor». Now, in contrast to the unfolding of the plot of the previous story, Nina once more rejects him, silently walking away from him, rather than boarding the same train: «Nina pusera-o knock-out […] Arredara-o com a segurança sempre usada quando era preciso escolher»7. 9 The experience of being identified as black and therefore as intrinsically inferior, is one which the protagonist was completely unprepared for, both as a young student and now as an adult. Echoing the words of Frantz Fanon, in his 1952 seminal work Peau noire, masques blancs: «Subjectivement, intellectuellement, l’Antillais [read the Cape Verdean] se comporte comme un Blanc. Or, c’est un nègre. Cela il s’en apercevra une fois en Europe […]. Le Noir dans la mesure où il reste chez lui, réalise, à peu de chose près, le destin du petit Blanc. Mais qu’il aille en Europe, il aura à repenser son sort. Car le nègre en France [read in Portugal] dans son pays, se sentira différent des autres»8. 10 The key word here is «dans son pays» (in his country). Indeed, the nameless protagonist may have come from a remote overseas colony, but to all intents and purposes, intellectually, he felt Portuguese up to then. Yet, within the European world to which he thought he belonged by virtue of his education, he is suddenly being pigeon-holed as a second class citizen by a white woman’s gaze.

11 As Fanon explains, sooner or later, previously internalized assumptions come undone when the black colonial subject comes to live in the metropolis: «quand les nègres abordent le monde blanc, il y a une certaine action sensibilisante». More often than not, this may lead to a complete collapse of the self «Si la structure psychique se révèle fragile, on assiste à un écroulement du Moi»9. This complete obliteration of the self is indeed encoded in the protagonist’s lack of name which perfectly sums up the sudden collapse of his constructed identity. His anonymity is especially noticeable given the implicit contrast with the privileged position granted to the self-assured Nina, who is not only endowed with a name, but furthermore has her name crucially inscribed in the title. 12 However, while the supercilious Nina completely disowns him, the young man is subsequently invited to join a group of three youngsters. Their very invitation to a picnic consisting of «sandes and gin», in addition to their behaviour on the train (one girl is carelessly chewing gum, while another addresses him, an unknown black man) marks them out as an unconventional group. In other words, the companionship denied to him by Nina because of the colour of his skin, is now being offered to him by the progressive youngsters, presumably for precisely the same reason. Bearing in mind that the story was written prior to the outbreak of the 1974 revolution, Amarilis probably wished to present the potential identification with the alternative crowd as positive. Nevertheless, seen from the point of view of the main character, the association with unconventional youths is not a prospect he would be likely to welcome, only serving to confirm further his downfall, rather than offering a way out.

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13 In the central story of the collection, «Desencanto»10, in what may appear at first sight to constitute a welcome inversion of the trajectory mapped out in two opening tales, the protagonist, nameless Cape Verdean woman, is seen commuting into central Lisbon, first on the tram, then on the train into Cais do Sodré. But by the end of the story, her journey turns out to be, if anything, even more dismal and disempowering than that of the protagonists of the two preceding tales. Not only does she in fact have an additional journey leg by boat to the south of the river (in other words travelling once more out of central Lisbon), but she overhears two men talking about her, objectifying her through racial otherness, «malandro, estás a fazer-te pra mulata»11. In her case, when the illusion of surface integration is shattered, she seems condemned to a complete limbo, without the redeeming grace of being acknowledged by even so much as a group of liberal youths. As such, the prevailing feeling is one of being devoid of roots, friendship, love, in other words, any human relationship that might anchor her in the community: «é uma cigana errante, sem amigos, sem afeições, desgarrada entre tanta cara conhecida»12. 14 Throughout these stories, Orlanda Amarilis explores how a selection of people, who belong to the mixed race educated elite of the islands but have come to live in the metropolis, adopt in their daily lives, almost subconsciously, to a greater or lesser degree, self-censoring as a strategy to achieve surface integration. Yet, all have to confront the ambiguities of their position, in terms of race and, in the case of the women protagonists also gender, when they are suddenly faced with, at best a disturbance, at worse a complete collapse of their previous sense of the self. When there is interaction with the white Other (be it Nina or the two Portuguese men), it results in utter disempowerment. Indeed, the movement charted within the collection towards the periphery suggests the virtual impossibility of racial (or for that matter gendered) integration, unmasking the instances of prevalent racism amongst white middle-class Lisbon dwellers, while hinting that such racism may simultaneously have been unwittingly internalized by the Cape Verdean elite itself. 15 To counteract this, only the acknowledgement of the unsettling fact of belonging both within and without, tentatively begun by Andresa, might begin to dislodge the rigid binary oppositions of difference versus identity, inclusion versus exclusion13. Such a process is only a necessary first step, it is implied, unless undertaken by both sides of the racial divide simultaneously. But as the 1974 Cais do Sodre té Salamansa draws to a close, Amarilis’ depiction of her countryfolks’ racial blindspots becomes ever more searching, as she asks her readers to confront the unpalatable truth of what might happen in the worse case scenario, namely if privileged members of the Cape Verdean elite, far from journeying towards gradual enlightement and recognition of their subaltern position, choose to remain completely «race-blind» and take up a position of total identification with the white dominant point of view. As we see exemplified in «Salamansa», the final tale in this volume, the result is an outwardly successful Cape Verdean man whose behaviour is simultaneously shown, however, to replicate the worse excesses of colonialism14. 16 The story stages Baltasar, middle aged and educated man born in Cape Verde (symptomatically there are no references whatsoever to the colour of his skin), who has achieved considerable success after leaving the islands twenty years previously to go to study in Lisbon: «formara-se, tinha os filhos criados, tornara-se um bom chefe de família» 15. When he returns home to stay with his sister, however, far from feeling concern for the social problems which affect the islands, such as drought, famine, widespread poverty,

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inadequate healthcare and prevailing sexual double standards, Baltasar is utterly unable to empathise with the bleak outlook facing those who still live in the islands, by they his own sister, the uneducated povo or his more educated contemporaries: «...a irmã passava os dias a lamentar a chuva arredia havia duas épocas, o povo começara a debandada para São Tomé, as pessoas do seu tempo ou tinham emigrado para a América ou tinham-se deixado ficado naquela modorra do Mindelo, impotentes para lutarem»16. 17 Instead, his visit emphasises his compulsive urge to reinstate the distance between himself and the peripheral overseas province where he was born, as he wishes he was safely back in the comfort zone of his centrally located home in Lisbon, significantly positioned within walking distance of the Cais do Sodré landmark: «tenho de voltar para a minha casa em São Paulo, ali mesmo pertinho do Cais do Sodré»17.

18 In addition to geographically disconnecting himself from the very real socio-economic problems afflicting his native Cape Verde, he is furthermore guilty of misplaced nostalgia, as his reminiscences of the past narrowly focus on Linda, a crioula prostitute with whom he maintained a liaison in his youth, even while courting his future wife and after his marriage. In other words, in his early life, as a member of the Cape Verdean elite, Baltasar’s masculinity overlapped with the dominant colonial ideology as far as colonizing women’s bodies was concerned, entailing his uncritical adoption of a complacent colonizer outlook on life from early on. Thus, although he has just found out from his sister’s housemaid, Antoninha, who ironically turns out to be Linda’s niece, that the economic hardship which no doubt forced Linda into prostitution in the first place, subsequently further compelled her to follow the path of what Onésimo Silveira describes as «a emigração degradante para terras como São Tomé» 18, far from feeling sorry for her, he prefers to dwell on his selective memory of her as a willing object of male desire. 19 Yet, perhaps unexpectedly, filtering through his distorted memory of Linda, a different version of their relationship is inscribed in the text, one in which Linda consistently refused to accept a subservient victim position. When Baltasar, in a fit of jealousy, hit her for getting drunk with other clients, she rebelled by calling him names and showing him her backside. Intent of having the last word, he kicked her repeatedly, but did not gain the upper hand, eventually retreating «cansado e vencido» 19. Twenty years on, however, rather than acknowledging his actual inability to own Linda and his unacceptable violence and violation of her, in his mind he still attempts to recolonize her body as his possession, by indulging in a wholly artificial reconstruction of the past. Indeed, as the story draws to a close, Baltasar conjures up an idyllic image of a heavenly Cape Verde symbolized by a trip to the beach in Salamansa. Tellingly, the Salamansa evoked up by Baltasar centres around a false memory of «Areia de Salamansa, Linda a rolar na areia», in blatant contradiction of what we were told in the opening page of the story, namely that he had never been there with her «era uma das coisas a moerem-no cá por dentro não ter tomado parte nas farras de Salamansa»20. 20 However, while Baltasar may temporarily «recolonize» the virgin unspoilt beach of Salamansa in his mind to suit his purposes of male sexual conquest, «Oh, Salamansa, praia de ondas soltas e barulhentas como meninas intentadas em dia de San João»21, a different layer of cultural memory is superimposed upon his discourse and once more filters through, as the song which prompts his musings of Salamansa momentarily takes centre stage: «vai crescendo em ritmo. A coladera escorre da boca de Antoninha» 22. The

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coladeira, a typically Cape Verdean dancing song, faster in rhythm than the morna, though not explicitly revolutionary, may be satirical in content. As such, sang in crioulo by the presumably illiterate maid Antoninha, temporarily «esquecida das suas preocupações», it indirectly articulates the resistance of the colonized, by showing their aspiration to a life where pleasure and leisure might be freely enjoyed. 21 Such a lifestyle however, for the time being, remains inaccessible to the likes of Linda and Antoninha forced to degrading economic migrancy, given the gap between the illiterate povo and the educated local elite who, through Baltasar’s symptomatic behaviour, is shown to collude with the perpetuation of the colonial status quo. Accordingly, the closing paragraph of the story and of the collection as a whole, focuses once more on the point of view of Baltasar, showing him retreating into his world of privilege: «Deixa o quintal, passa pelo quartinho de trás e some-se nas salas da casa grande»23. 22 It is impossible to read this final sentence without it immediately calling to mind the Brazilian anthropologist Gilberto Freyre’s famous title Casa grande e senzala24 (translated as The Masters and the Slaves), where the mansion house stood in opposition to the slaves’ space, the senzala. Freyre’s lengthy 1933 essay interpreted the relationship between Portuguese colonizers and their African slaves, in a way that emphasized the positive face of racial miscegenation. His theoretic formulations of lusotropicalism which credited Portuguese colonialism with, by and large, the promotion of racial harmony, were used and abused throughout the dictatorship to endorse colonial ideology. Yet, precisely at a time when the Portuguese dictatorship and its overseas empire was about to crumble from within, Amarilis is inviting her readers, Portuguese and literate Cape Verdeans alike, to consider the unacceptable implications of lusotropicalism. Indeed, Baltasar’s identification with the dominant colonial ideology enshrined by the «casa grande» entails his adoption of a whimsical perspective which predominantly relies not only on the economic and sexual exploitation of women, but also, by extension, on the exploitation of the black colony by the white imperialist project.

* * *

23 To conclude, in Cais do Sodré té Salamansa, at a time when Cape Verde was still officially an overseas province, Orlanda Amarilis explodes the myth of the pacific co-existence between colonized and colonizers. She does so by focusing closely on the particular experiences of people who belong to a minority group drawn from the educated assimilated local elite of the islands and showing how the myth of racial equality, facilitated in the case of Cape Verdeans by their mixed race appearance, does not hold up to close scrutiny.

24 Significantly, however, her collection goes one step further, for not only does it make visible the racism of the metropolitan gaze, even more crucially it also exposes the racial and sexual blindspots which the Cape Verdean elite had itself uncritically internalized. At the time of publication, the likes of Baltasar may be allowed to successfully retain their grotesque (and misplaced) identification with the dominant ideology, but the loaded irony of the closing sentence «some-se na casa grande» implies that their days are numbered, as they are historically bound to become a dying breed and disappear altogether. Thus one of Amarilis’ major achievements, and one which has previously gone unrecognized, is to figuratively intuit the extent to which, in 1974,

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the educated Cape Verdean elite needs to face, individually and collectively, the thorny question of where their true cultural and social allegiances lie. 25 Even more daringly, in the course of this collection, Amarilis arguably uses the depiction of the subaltern position of women, in a society predicated upon assymetrical gender roles, as a magnifying lens to question unequal power relations between colonizers and colonized, something she might have been reluctant to engage in openly, given the censorship still in place at the time. Indeed, insofar as women, historically forced to negotiate subaltern subject positions on more than one level, may find themselves either at crossroads like the nameless protagonist of the central story «Desancanto», forced to rethink their conflicting sense of belonging in a «encruzilhada pela qual tinha de escolher»25, or choose to openly rebel like the spirited Linda of «Salamansa», they in many ways provide a template for the Cape Verdean colonized elite, irrespective of their gender, to take stock of their untenable position, paving the way for a radical questioning of their political and racial subservience to mainland Portugal. 26 As such, for Amarilis’, gender and race politics go hand in hand and mutually inflect each other. In the final analysis, her collection skilfully demonstrates a keen awareness of what was undoubtedly a key moment of transition where, to recall Babbha’s formulation, «space and time cross over to produce complex figures of difference and identity, past and present, inside and outside, inclusion and exclusion». 2005

NOTES

1. . H. BHABHA, The Location of Culture, London, Routledge, 1994: 1. 2. . O. AMARILIS, Cais do Sodré té Salamansa, Coimbra, Centelha, 1974. All references will be to the 2nd edition, Lisbon, ALAC, 1991. 3. . Her marriage to the Portuguese Manuel Ferreira, a pioneer scholar in the field of Lusophone African studies, whom she met in Cape Verde. 4. . P. PERES, «Border Writing, Postcoloniality and Critical Difference in the Works of Orlanda Amarilis», in S. Canty QUINLAN & F. ARENAS (eds), Lusosex, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2002: 149-167. 5. . O. AMARILIS, Cais…, op. cit.: 15. 6. . Ibid. 7. . Ibid.: 23. 8. . F. FANON, Peau noire, masques blancs, Paris, Le Seuil, 1992: 120-121. 9. . Ibid.: 125. 10. . For a detailed analysis of this tale see K. BISHOP-SANCHEZ, «Contra a romantização da emigração cabo-verdiana: o "Desencanto" de Orlanda Amarilis», Quadrant, 1999, 16: 129-139 and E.W. SAPEGA «Morabeza in the Metropolis Gender, Emigration and the Colonial Relation in Pre- Independence Cape Verdean Literature», in H. OWEN & P. ROTHWELL (eds), Sexual/Textual Empires: Gender and Marginality in Lusophone African Literature, Bristol, University of Bristol, 2004: 45-63.

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11. . Translated by D. BROOKSHAW as «You old devil, going after mulatto girls now, are we?» in P. CHABAL (ed.), The Postcolonial Literature of Lusophone Africa, London, 1996: 219. 12. . O. AMARILIS, Cais…, op. cit.: 45. 13. . But it will not be until several years later, in her next collection, in 1982, that Orlanda Amarilis will be able to engage with the deconstruction of fixed identities further, through the short story «Luna Cohen» which articulates the utopian ideal of a more inclusive identity; see P. PERES, «Border... », op. cit., for detailed analysis. 14. . For a close reading, see G. MCNAB «Sexual Difference: the Subjection of Women in Two Stories by Orlanda Amarilis», Luso-Brazilian Review, 24, 1987: 59-68. 15. . O. AMARILIS, Cais…, op. cit.: 81. 16. . Ibid. 17. . Ibid. 18. . K. BISHOP-SANCHEZ, «Contra…», op. cit.: 132. 19. . O. AMARILIS, Cais…, op. cit.: 79. 20. . Ibid.: 77. 21. . On a metaphorical level, this may of course be interpreted as a narrowly disguised scathing indictment of an outmoded Portuguese colonialist stance. 22. . O. AMARILIS, Cais…, op. cit.: 81. 23. . Ibid.: 82. 24. . G. FREYRE, «Casa grande e senzala», Rio de Janeiro, Maia & Schmidt, 1933. 25. . O. Amarilis, Cais…, op. cit.: 45.

ABSTRACTS

This paper centres on the work of the Cape Verdean writer Orlanda Amarilis, with special reference to her début collection Cais do Sodré té Salamansa (1974). It analyses four stories featuring representative characters, two male and two female, of the Cape Verdean cultural elite living in Lisbon. Their diverse trajectories document the pitfalls of trying to negotiate complex cultural, racial and gender identities in the metropolis. Throughout the collection, Amarilis' female characters show the impossibility of complete integration, thereby questioning not only the sexist and racist assumptions which underpin colonial society, but also the widespread myth of lusotropicalism, which had posited the success of racial integration within the Portuguese empire. As such, in a context in which censorship was still operational, gender becomes a magnifying lens, through which the asymmetrical relations between men and women point to, and ultimately challenge the prevalence of unequal power relations between colonizers and colonized.

Cet article propose une approche de l’œuvre de l’écrivaine capverdienne Orlanda Amarilis, se référant notamment à son premier recueil Cais do Sodré té Salamansa (1974). Il analyse quatre histoires mettant en scène deux personnages masculins et deux personnages féminins représentatifs, appartenant à l’élite culturelle capverdienne vivant à Lisbonne. Leurs trajectoires différentes illustrent la difficulté d’essayer de négocier des identités complexes, culturelles, raciales et sexuelles dans la métropole. Tout au long du recueil, les personnages féminins

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d’Amarilis illustrent l’impossibilité de s’intégrer complètement, mettant en question non seulement les préjugés sexistes et racistes sous-jacents dans la société coloniale, mais également le mythe très répandu du lusotropicalisme, qui avait posé en principe le succès de l’intégration raciale à l’intérieur de l’empire portugais. Ainsi, dans un contexte où la censure existait encore, le genre joue le rôle d’une loupe, à travers laquelle les relations asymétriques entre hommes et femmes montrent et, finalement, mettent en cause la prévalence des relations de pouvoir inégales entre colonisateurs et colonisés.

Este artigo centra-se no trabalho da escritora cabo-verdiana Orlanda Amarilis, com especial referência à sua recolha inicial Cais do Sodré té Salamansa (1974), na qual analisa quatro histórias que incluem duas personagens masculinas e duas personagens femininas representativas da elite cultural cabo-verdiana a viver em Lisboa. As suas diferentes trajectórias documentam as ratoeiras associadas às tentativas de negociação de complexas identidades culturais, raciais e de género na metrópole. Ao longo da sua recolha, as personagens femininas de Amarilis documentam a impossibilidade de integração completa, questionando não só as posições sexistas e racistas que minam a sociedade colonial, mas também o expandido mito de lusotropicalismo que postulou o sucesso da integração racial no seio do império português. Como tal, num contexto em que ainda havia censura, o género torna-se uma lupa através da qual as relações assimétricas entre homem e mulher assinalam e, em última análise, desafiam a prevalência de relações de forças desiguais entre colonizadores e colonizados.

INDEX

Geographical index: Cap-Vert Mots-clés: Identité, lusotropicalisme, Orlanda Amarilis, littérature

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Les Noirs et les « blancs » de l’ethnographie coloniale* Discours sur le genre en Guinée portugaise (1915-1935) Os negros e os « espaços em branco » da etnografia colonial : Discurso sobre o género na Guiné Portuguesa (1915-1935) Blacks and Blanks: Colonial Ethnography and Gendered Discourse in Portuguese Guinea (1915-1935)

Philip Havik Traduction : Brigitte Lachartre

1 À la différence d’anciennes colonies lusophones d’Afrique qui ont reçu une attention grandissante au cours des deux dernières décennies, la « Guinée portugaise » n’est toujours l’objet que d’un intérêt marginal. Le passé colonial du Mozambique, par exemple, a, au fil des années, captivé nombre d’africanistes dont le travail a abouti à un approfondissement des catégories de race, genre, ethnicité et nation1. Dans une perspective « luso-africaine » élargie, les anthropologues portugais ont commencé, à partir du milieu des années 19802, à examiner de plus près l’utilisation des données ethnographiques par les hommes politiques de l’époque coloniale. Si l’on considère l’importance du corpus d’écrits coloniaux et des ressources documentaires relativement intacts qui attendent d’être étudiés sur les étagères poussiéreuses des archives au Portugal et en Afrique, il reste encore beaucoup à faire. Il est également urgent de questionner les paradigmes coloniaux relatifs aux politiques et aux populations de ces territoires, compte tenu du vieillissement de la population des fonctionnaires coloniaux et des autorités africaines ainsi que des autres informateurs contemporains qui pourraient contribuer à leur clarification. Il est donc encourageant de constater que ces dernières années, des chercheurs ont mis à jour certains aspects peu connus de l’ethnographie coloniale guinéenne3.

2 Ce texte aborde un corps de connaissances, qui s’avère passionnant, qui surgit de sources écrites et orales, et les attitudes des fonctionnaires coloniaux à l’égard de leurs sujets africains du point de vue des relations de genre et de parenté. Il espère ainsi

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contribuer au débat qui se poursuit sur « l’empire » et les tensions qui se produisirent entre colonisateurs et colonisés, mais aussi, pour ce qui est des premiers, sur les modèles de rôle qu’ils appliquèrent aux seconds4. Loin d’indiquer l’existence de politiques « monolithiques » qui affectèrent de la même manière la vie des habitants des différents territoires, il est prouvé qu’à l’intérieur des frontières d’une colonie, un consensus sur les problèmes les plus importants était difficile à atteindre. Certains anthropologues ont donc défendu le point de vue qu’il était nécessaire de « pluraliser le concept de situation coloniale » pour tenir compte « de l’éventail des interactions entre individus extrêmement différents et des groupes y prenant part [à ces situations] »5. Dans le cas portugais, outre la grande diversité ethnique des populations et des acteurs coloniaux, il faut aussi prendre en compte le manque de directives claires sur la politique indigène à mener sur le terrain, surtout durant les premières décennies de l’administration coloniale. Le plus souvent, des mesures étaient prises au cas par cas, de façon hasardeuse, ou après négociation, une notion qui ne semble pas coïncider avec l’idée que l’on se fait d’un empire dirigé par une métropole. L’absence de politiques cohérentes à l’égard de la famille élargie indigène et de ses membres, ainsi que la connaissance limitée des sociétés africaines parmi les fonctionnaires et les responsables politiques ont certainement contribué à cet état des choses. Les surprenantes lacunes dans les données ethnographiques et démographiques, en particulier sur les problèmes liés au genre, montre le besoin qu’il y a de réviser ce qui les compose et la manière dont s’est créée et diffusée l’imagerie coloniale. 3 Dans les limites de cette brève étude, que peut-on dire du contexte et des grandes lignes des paradigmes coloniaux, à partir du cas de la Guinée portugaise, relativement aux relations de genre, à une période décisive pour l’édification de la colonie ? On comparera entre elles les données ethnographiques recueillies jusqu'à la fin des années 1930, en partant de la première République de 1910 jusqu'à la période de l’État Nouveau qui a suivi le coup d’État de 1926. En premier lieu, on abordera l’état des connaissances démographiques et ethnographiques existant sur cette petite enclave de l’Afrique de l’Ouest dans le contexte de l’implantation de l’administration coloniale à partir de 1915. On illustrera ensuite, à travers l’analyse succincte d’un certain nombre de sources publiées ou d’archives, comment le discours « officiel » – ou son absence – a structuré les représentations des femmes et des hommes indigènes. Pour finir, en extrapolant la pertinence de ces données, on abordera de manière plus large les métaphores coloniales et leur sémantique, telles qu’elles se sont développées en Guinée sur une période de deux décennies. On soulignera la nécessité de porter un regard nouveau sur le contexte local dans lequel de la connaissance a été – ou n’a pas été – produite, et sur les conséquences que cela a pu avoir sur les métaphorres de genre.

L’administration coloniale et les besoins des populations indigènes : politiques et perceptions

4 Avant l’occupation militaire de la majeure partie du territoire alloué au Portugal à la conférence de Berlin, les rapports des gouverneurs – lorsqu’ils étaient présentés – ne fournissaient guère d’informations sur la population dans son ensemble au-delà du périmètre des villes côtières. Toutefois, ils déclaraient qu’il était honteux d’admettre qu’après des siècles de présence portugaise, cette influence « ne dépassait pas les murs entourant Bissau »6. Les estimations de population étaient en conséquence hasardeuses,

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ce que déploraient les fonctionnaires en disant que, faute d’en disposer, il était impossible de mettre en place une politique sociale7. Les données disponibles sur les populations de l’arrière-pays étaient limitées à des rapports fragmentaires émanant de missionnaires et d’officiers de santé. Les rapports suivants font état de positions similaires, encore renforcées par les campagnes militaires menées contre les populations indigènes. Au tout début du vingtième siècle, la situation sur le terrain s’était détériorée au point qu’un observateur étranger s’exclama que « le gouvernement colonial portugais exerçait peu ou pas de contrôle sur les indigènes, sans doute en raison d’une administration défaillante8 ».

5 Les gouverneurs durent admettre qu’ils étaient incapables de terminer le recensement de population demandé par Lisbonne9. Avec l’introduction de l’impôt de case en 1903, l’administration, qui commençait à exercer une pression sur ses sujets – encore potentiels – selon divers moyens, se mit à rassembler de l’information sur les « tribus indigènes » à des fins fiscales. Cette approche allait être déterminante dans la perception de ces dernières à travers toute la période coloniale (1915-1974). À partir de 1909, le bureau du gouverneur, à Bolama, alors capital, émit des circulaires confidentielles afin de contraindre les residências (postes administratifs coloniaux) à fournir régulièrement des informations détaillées sur les aspects démographiques et politiques de leur zone de juridiction10. La réforme administrative de 1912, qui introduisit le système de chefs indigènes appointés (régulos) à l’échelon le plus bas de la hiérarchie, comportait l’organisation de processus bureaucratiques parmi lesquels la fourniture de rapports sur les futurs sujets du régime. Parmi ceux-ci, l’« interprete oficial de diligências » (l’interprète officiel local, chargé des contacts avec la population extérieure au poste) sous l’autorité directe de l’administrateur, devait « informer celui- ci de toutes les questions relatives à la vie politique et sociale des indigènes qui pouvaient être d’intérêt pour l’administration, ou devraient être connues d’elle »11. L’article en question reflète une pratique datant de la période d’administration militaire (1892-1918), lorsque la communication entre les échelons central et local du gouvernement tournait essentiellement autour des questions de sécurité et de levée de l’impôt. L’établissement simultané d’une force de police indigène, connue sous le nom de « cipaios », était censé créer une strate intermédiaire entre l’administration coloniale et les sujets indigènes, non seulement dans un but de coercition mais également pour filtrer les informations pertinentes en provenance de « la base ». 6 Les premiers rapports émanant des residências, présentés en 1911 suite à la divulgation d’un questionnaire, constituent quelques-unes des toutes premières données provenant de l’intérieur du pays collectées par les fonctionnaires et leurs interprètes. Bien que les réponses aient été fragmentaires et incomplètes, une partie de cette information est riche de détails et permet des comparaisons entre les régions. À partir de ce moment, la division de la population en un certain nombre de « races » – terme que l’on voit apparaître pour la première fois dans la correspondance officielle sur la Guinée au milieu des années 1800 – et de sous-groupes, ainsi que la description de leur habitat, coutumes, langues et modes de subsistance, suivra un schéma reproduit dans la documentation officielle tout au long de la période coloniale. Un an avant que la violence n’atteigne son apogée et que la majeure partie du territoire ne soit déclarée pacifiée, à l’été 1915, un ancien gouverneur publia un rapport sur la Guinée portugaise présentant une vue panoramique de la « province », de son administration à sa population12. Abondamment illustré et écrit en français pour une exposition coloniale,

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ce document était destiné à un public européen dans le but d’attirer des investisseurs et à cet effet, accordait une place prépondérante aux projets en cours et à venir. Une autre monographie publiée en 1917 reprenait l’affirmation du précédent rapport selon laquelle il était impossible de présenter une étude ethnographique de la population, ajoutant qu’il était « dommage qu’un questionnaire n’ait pas été jusque-là préparé sur cette question (pour la Guinée), à l’instar de celui qui avait été distribué aux gouverneurs d’Angola et du Mozambique à notre initiative en 1897 »13. 7 L’annuaire de 1925, le premier du genre, indiquait clairement quelle priorité était accordée aux habitants africains de la Guinée : le dernier chapitre et de loin le plus court. De manière surprenante, ou peut-être pas tellement, ces simples huit pages d’ébauches grossières étaient tirées de... l’étude publiée en 1917 citée plus haut et dont l’auteur déplorait la rareté des données disponibles. Les données du premier recensement colonial de 1924 mentionnaient plus de 770 000 habitants, une erreur de taille que le gouverneur se sentit obligé de souligner dans son rapport à Lisbonne. Les résultats du recensement en cours de réalisation prouveraient, selon lui, le caractère erroné de l’exercice de 1924, puisqu’il n’était pas basé sur les réponses individuelles mais sur le nombre de cases payant une taxe14. Leur contage était lui-même l’objet d’importantes erreurs, étant donné que leur nombre et celui de leurs occupants étaient déterminés dans un bureau de l’administrateur et non sur le terrain. Il ajoutait de manière significative que la procédure avait simplement consisté, jusque-là, à multiplier le nombre de cases par quatre ; en conséquence de quoi, écrivait-il, le nombre de personnes par sexe était « pure fantaisie »15. De tels commentaires donnent une idée de l’état de la science démographique, à l’époque, dans ce coin perdu d’Afrique, et jettent quelques doutes sur la réalité de ladite « assistance aux indigènes ». 8 Dix ans après le premier questionnaire, il y eut une véritable tentative d’organiser un inventaire ethnographique des communautés de Guinée. Sous les auspices de ce même gouverneur, en butte à un terrible manque d’informations fiables sur les habitants du territoire, elle donna lieu à un certain nombre de rapports, dont deux seulement furent publiés en 192716. La raison en est que le département des Affaires indigènes, qui était chargé des rapports, fut démantelé la même année au motif que son existence était considérée « désavantageuse » pour la colonie17. En fait, expliquait-il, sa production était « quasiment nulle » et le responsable du département, un militaire dont la nomination était illégale, ne présentait absolument aucune qualification pour ce poste. Des problèmes qu’il était urgent de résoudre, étaient traités « à la diable » [en français dans le texte], tandis que « les chefs indigènes étaient faits et défaits comme par magie. Les politiques concernant les indigènes n’obéissaient à aucun critère guidant leur mise en place »18. L’inspection demandée par le gouverneur au département du Trésor conclut qu’à l’instar de la plupart des administrations coloniales, ce département souffrait d’un « niveau de désorganisation déplorable » : le blâme pour ces graves maux retombait carrément sur les épaules des « gouverneurs et non sur celle des gouvernés » 19. En réalité, les départements se disputaient constamment, comme par exemple les Affaires indigènes avec le Trésor au sujet du contrôle sur la taxe – ô combien ! – importante sur les cases, qui représentait la principale source de revenus des provinces. 9 Ce qui frappe le lecteur, c’est la critique très dure qui s’exprime à l’encontre du ministère des Colonies. Le manque de soutien aux projets et la pénurie continuelle de

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fonds dans les coffres de la province sont des thèmes constants dans tous les rapports. On s’y plaint aussi de l’ignorance de Lisbonne et de son refus catégorique de financer une étude ethnographique. Celle qui avait été commissionnée avait été réalisée par des administrateurs qui n’avaient aucune formation pour cela. Une proposition de faire appel à un anthropologue professionnel ne fut pas seulement rejetée mais même « contredite » par le ministère, qui était lui-même soumis à des restrictions budgétaires du fait de la campagne d’austérité qui suivit le coup d’État de 1926 au Portugal. Il en résulta que ce fut une mission étrangère conduite par un ethnographe autrichien, Hugo Bernatzik20, qui fit ce qu’une mission portugaise aurait dû faire21. Le gouverneur commenta de manière sarcastique que c’était ça « la beauté de l’autonomie coloniale ». Décidé à laisser sa marque sur la carte de la Guinée, il publia un numéro spécial du bulletin officiel de l’Agence générale des Colonies contenant des contributions des administrateurs et des fonctionnaires basés en Guinée22. Quant au responsable du département des Affaires indigènes, rejetant le blâme pour cette lamentable absence d’information fiable, sur l’occupation tardive de la Guinée et sur les défaillances du personnel de la province, mais également sur la profonde méfiance de la population vis-à-vis des recensements, il souligna l’introduction de la race, de l’âge et du statut civil dans toutes les enquêtes démographiques. Mais, de manière surprenante, le sexe des personnes enquêtés n’est pas mentionné… 10 Le nouvel homme fort nommé par l’État Nouveau, le colonel Carvalho Viegas joignit sa voix, quoique dans une veine plus diplomatique, au chœur de ceux qui protestaient contre l’insuffisance des ressources et l’absence de politiques clairement définies23. Il fit de la ségrégation entre Africains et Européens la pierre angulaire de sa politique, ce qui eut pour effet que le mélange racial fut activement découragé, tandis que de nouveaux quartiers étaient érigés à la périphérie des villes à l’intention des Noirs. Les créoles capverdiens furent spécialement l’objet de mépris en raison de « leur adaptation à tous les aspects des coutumes indigènes ». De plus, l’idée de « dégénérescence raciale » eut une influence profonde sur le besoin qui se fit sentir pour des communautés « ethniquement pures », ce qui, en retour, impliquait de prendre des mesures pour contrer la migration et maintenir les indigènes dans leur « chaos » respectif24. Ces idées allaient dans le même sens que les priorités économiques qui exigeaient l’extraction de surplus exportables et le maintien de la force de travail dans les zones d’origine de chacune des populations. Compte tenu des va-et-vient incessants des habitants, spécialement ceux qui vivaient près des frontières de la province, les autorités durent adopter une approche plus consensuelle vis-à-vis de leurs sujets. « Le respect des habitudes, coutumes, traditions, lois coutumières et des institutions sociales et politiques est essentiel pour ces peuples, et afin de les gagner à notre civilisation de manière progressive et modérée, par voie d’une persuasion intelligente, en surmontant leurs objections mais davantage par la diplomatie que par la force »25. Pour gouverner ces communautés de manière cohérente et rationnelle, il fallait que le gouvernement local se familiarise avec leurs coutumes et pratiques, pour mettre ainsi fin à la « confusion régnante ». Cette attention renouvelée à l’égard des populations indigènes donna un nouvel élan au recueil de connaissances ethnographiques, qui conduisit à la publication de toute une étude26 et d’un long chapitre sur la « famille indigène » dans la monographie en trois volumes du gouverneur sur la Guinée portugaise27. La publication de Babel Negra en 1935 fut saluée comme marquant une étape importante dans l’ethnographie coloniale portugaise de l’époque. Ses textes, illustrations et photographies sont présentés comme un nouveau chapitre dans la découverte du

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« labyrinthe » auquel l’ethnologue se trouvait confronté. L’ouvrage fut également vu comme faisant pendant au travail de terrain effectué par les ethnographes français et allemand dont les publications avaient servi d’exemple à l’auteur28. 11 On abordera maintenant la production de données ethnographiques au cours de trois phases distinctes : durant les toutes dernières années précédant l’occupation militaire, dans les années 1920, alors que l’administration portugaise s’établissait sur le territoire, et dans les années 1930, lorsque l’État Nouveau commença d’imprégner le discours colonial.

La métaphore des relations de genre : maîtres et serviteurs

12 Les premiers rapports en provenances des residências, ces districts placés sous l’autorité d’officiers résidant sur place, récemment créés dans les zones tombées sous le contrôle colonial, utilisent une norme de référence masculine et n’accordent que très peu d’attention aux femmes. La femme prend exceptionnellement sens si elle confirme la règle masculine. Lorsque les images sont sexuées, elles ont tendance à projeter un degré de soumission féminine qui connaît peu de variantes d’une région ou d’une société à l’autre. Les femmes sont données en mariage à un âge très précoce et une fois engagée, l’épouse « doit obéissance à son mari et, à la mort de celui-ci, à la personne qui en hérite »29. La tradition répandue de la polygamie laissait à la femme le plus gros du travail à fournir et très peu de choix en terme de mobilité sociale. Dépourvues des droits de propriété, d’héritage ou de succession, elles ne sont que des personnages secondaires. Les hommes, en revanche apparaissent comme des acteurs imbus d’autorité, en tant que maris et chefs indigènes par exemple, dont on exécute les décisions. Dans le cas des sociétés stratifiées et islamisées telles que les Fulas, les régulos sont réputés jouir d’un pouvoir absolu sur leurs sujets sur lesquels ils lèvent tribut30. Certain d’entre eux sont même considérés comme des partenaires potentiels, appelés à recevoir des financements de l’État pour le développement rural. L’espace social est ségrégué en fonction des sexes, les femmes vivant dans les cases qui leur sont attribuées en compagnie de leur progéniture féminine, tandis que les garçons sont éduqués par le chef du groupe résidentiel. La division du travail entre les sexes est peu évoquée et se limite à des exemples isolés d’artisanat, tels que la filature du coton et la teinture de tissu. La suggestion sous-jacente de la domestication de la femme est renforcée par son désintérêt supposé pour le travail sous contrat, et par le statut social inférieur qui se traduit, pour celle qui s’y adonne, par un salaire de moitié inférieur à celui de l’homme.

13 La monographie de Vasconcellos donne une image de la population africaine de Guinée qui suit de près la conception qu’on se faisait des races à son époque31. Les descriptions, qui dessinent les contours d’une Guinée « renaissante », peuplée de « races sémites ou hamites et par la race noire, répartie en de nombreuses tribus et sous-tribus », utilisent les normes de « pureté raciale » et de « dégénérescence/métissage » pour classifier celles-ci32. Les frontières tracées entre elles sur des bases ethniques permettent aussi de classer leurs coutumes et traditions. L’infériorité supposée des Africains est présente partout : « comme l’indigène n’a pas la notion du mot honneur, il ne se sent contraint par un engagement qu’après avoir juré allégeance devant ses parents ou devant les autels des ancêtres de sa tribu »33. Rassemblés sur une échelle hiérarchisée de

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« civilisations », on trouve tout en haut les groupes islamisés (Fulas et Mandingues) et tout en bas les groupes « fétichistes » tels que les Nalus et les Bijagos34. La classification se termine par la référence à des types sociaux « indéterminés » ainsi qu’aux « grumetes », « mulâtres » et « Blancs »35. Lorsqu’il y en a, les distinctions entre les sexes universalisent le rôle des hommes, et ne prennent en compte les femmes que sous certains aspects biens spécifiques ; ce schéma est adopté par tous les auteurs qui suivront. Les femmes sont décrites comme des épouses serviles, mères et travailleuses à la fois à la maison et dans les champs, confinant souvent à l’état de semi-esclave, tandis que les hommes occupent des positions d’autorité, agissent comme guerriers, prêtres ou marchands. En règle générale, l’auteur affirme qu’en Guinée, « une femme n’a pas de droits, seulement des obligations ; elle ne fait que travailler »36. 14 La monographie comporte également un important récapitulatif historique, qui tire ses références de la littérature de voyage portugaise et des sources secondaires plus récentes, et qui couvre essentiellement les événements s’étant déroulés au dix- neuvième siècle jusqu’au moment de la conquête militaire, et d’un point de vue politico-administratif37. Ce qui allait dorénavant faire partie intégrante du discours colonial, c’est la référence aux populations africaines dans un contexte de rapports de pouvoir : le temps de la guerre, selon l’auteur, était terminé, et la consolidation de l’autorité coloniale était à présent l’objectif majeur : « Avec [un mélange de] races guerrières, d’agriculteurs, d’éleveurs, qui sont inertes et paresseuses, il est nécessaire, pour tirer le meilleur parti d’eux, de faire preuve d’adresse politique. Il faut les guider comme le fait un joueur d’échecs qui dispose ses pièces, pour la victoire finale »38. 15 Encore hésitants en 1911, alors que la « pacification » était en cours, les responsables de l’administration adoptèrent de tout cœur le paradigme colonial. Les résidents de l’extérieur sont décrits comme « colons » et le territoire est désigné du terme de « colonie »39. Une grande importance est donnée aux exploits d’individus mâles considérés comme « portugais » du point de vue de leur nationalité, race et parenté, et il est établi une corrélation directe entre leurs actions et l’édification de l’État. Les femmes guinéennes ne reçoivent qu’une attention passagère et leur rôle est fixé dans un contexte secondaire ou servile. Le rôle des strates intermédiaires, comme celle des grumetes ou kriston qui habitent les villes côtières et qui trouvent leur origine dans « le mélange racial » entre communautés africaines, est marginalisé et considéré comme un empêchement aux ambitions coloniales qui visent « l’affirmation solide de notre souveraineté en Guinée et l’occupation d’autant de zones que possible », dans la ruée vers l’Afrique40.

16 Les observations relevées par les administrateurs dans l’enquête de 1927 utilisent des catégories raciales tout en fournissant un panorama beaucoup plus détaillé des traditions indigènes41. En systématisant davantage les composantes biologiques, les administrateurs coloniaux classent « les différentes races, sous-races et tribus », quoique toujours limitées aux populations qui se trouvent à l’intérieur des frontières administratives sous leur commandement. Reconnaissant leur manque de connaissances en la matière et la rareté des ethnologues, ainsi que le problème de fiabilité des informateurs, ils fournissent néanmoins une première approche des traditions et pratiques africaines d’un certain nombre de groupes du littoral, comme les Balantes – le plus important groupe ethnique d’alors – les Manjaques et les Mancanhes ou Brames42. Contrastant de manière significative avec l’enquête précédente en raison de son insistance sur les caractéristiques physiques, les traditions indigènes sont

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présentées au regard d’exemples concrets et s’accompagnent de mensurations corporelles et de classifications selon une typologie raciale. Bien que l’on réprouve l’état de nudité des Africains et que des moyens pour la réprimer soient annoncés, les relations sexuelles sont à présent mentionnées, de même que les descriptions détaillées de la circoncision pratiquée sur les hommes et les femmes dans les différents groupes. La grossesse et la naissance, tout comme la circoncision et la scarification, sont traitées avec une précision médicale. 17 Seul l’adultère féminin – considéré comme habituel, et non sa variante masculine – et les formes de punition qu’il reçoit, est mentionné et expliqué par la coutume répandue des mariages précoces et forcés43. La transmission matrilinéaire est désormais décrite par le biais d’expressions locales : « le frère de ma mère est sans doute mon frère, mais pour ce qui est de mon père, peut-être l’est-il, peut-être ne l’est-il pas », renvoyant cette responsabilité à l’infidélité des femmes du père44. De fait, la preuve largement apportée des liaisons qu’ont les femmes en dehors du mariage sert à renforcer le contexte de « promiscuité » qui entoure les relations sociales. Les importantes différences d’âge entre époux sont considérées comme le nœud du problème. En défendant l’option consistant à accorder « plus de liberté d’action aux femmes » en « accord avec les principes humanitaires élémentaires », les fonctionnaires éludent cependant les conséquences pratiques d’une telle attitude. Elle provoquerait la désintégration des communautés appauvries, laissant les hommes âgés « parfaitement inutiles » et « dont la valeur dépendait exclusivement du nombre de femmes », abandonnées à leur propre sort45. Illustrant ce dilemme par un cas porté devant l’auteur-administrateur, celui-ci affirme que soutenir l’exigence du mari demandant le retour de sa femme et de sa progéniture illégitime, aurait excusé par là même « une baisse des normes morales », à laquelle les autorités coloniales, en toute « inconscience de leur part », ne sauraient consentir46. 18 La division du travail entre les sexes est traitée de manière superficielle, comme grattée en surface. La situation de la femme dans le foyer est comparée à l’esclavage auquel les autorités coloniales tentent de mettre fin. Parmi les groupes stratifiés des Manjaques et des Mancanhes, on la définit « non comme un être humain, mais comme une chose sans volonté propre, négociable comme un lopin de terre… ». Et pourtant, « il est indifférent à l’homme de voir sa femme aller et venir en totale liberté, rentrant à la maison après le travail des champs et..., amenant des enfants qui ne sont pas les siens, mais qu’il accepte et éduque de bonne grâce ! »47. 19 Les hiérarchies internes au groupe familial sont soulignées dans la mesure où l’importance du rôle de la première femme est reconnue et sa place dans le lieu de résidence clairement distinguée de celui des co-épouses, qui sont définies comme « ses satellites, servantes de la glèbe » parmi les Manjaques et les Mancanhes. Les maris étaient seulement tenus à « payer le prix de la fiancée, contribuer aux coûts des funérailles des parents les plus proches de sa femme, lui éviter de souffrir de la faim… et pas beaucoup plus ! »48. Son collègue apporte une légère correction à cette image de la servilité lorsqu’il décrit les Balantes segmentaires, dont il crédite la première femme d’un statut supérieur, tout en soulignant l’égalité des droits entre les femmes49. En ce qui concerne l’héritage et la succession, les femmes sont privées de droits de propriété et la garde des enfants revient aux hommes, qu’ils soient le père biologique ou son frère par le biais du lévirat. On relève occasionnellement des différences entre les groupes

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matri- et patrilinéaires, par exemple pour les femmes (des sœurs) qui, dans le premier cas, peuvent accéder à la propriété en l’absence d’un héritier mâle. 20 Sur le plan économique, on ne prête guère attention à la répartition des responsabilités entre les sexes. Dans le cas des Balantes, principaux producteurs de riz de la région, on passe sous silence l’importance du rôle des femmes dans sa culture, bien que les différentes tâches se répartissent de façon relativement équilibrée entre les sexes. Lorsqu’on fait référence à l’apport des femmes, on le qualifie « d’aide appréciable », alors que « ce sont elles qui assurent la charge la plus lourde » chez les Manjaques et les Mancanhes50. Pour le travail des champs, l’existence de réseaux d’entraide est mentionnée, sans pour autant détailler en quoi ils consistent. Dans le domaine du commerce, le statut des femmes est là aussi souligné avec la justification qui en est donnée : le mari consent à ce que sa femme ait recours à la vente de ses propres produits dans la mesure où cela « allège la charge financière » qui pèse sur lui51. L’image dominante de la servilité féminine est légèrement réajustée lorsqu’il est question des certains aspects de la cosmologie des « tribus fétichistes ». On cite, en passant, le rôle des femmes-devins qui sont consultées en cas de maladie, vol, fuite d’une épouse, et pour prédire les moissons52, tant chez les Balantes que chez les Mancanhes53. 21 Au milieu des années 1930, la première monographie ethnographique voit le jour avec l’inventaire des traditions orales des principales « races ou tribus ». Dans son introduction, l’auteur, un administrateur colonial, se hâte de préciser la nature de sa contribution comme « brisant le silence qui n’a été rompu jusque-là que par une demi- douzaine de travaux, d’un grand intérêt pour certains, mais destinés aux archives… »54. Après un long silence « de plusieurs siècles », c’est-à-dire depuis la production d’inventaires par les premiers voyageurs, seulement publiés au dix-neuvième et vingtième siècles55, l’enregistrement in loco des traditions locales retrouve une place centrale. Organisée dans une logique « ethnique » et non pas administrative, cette monographie fournit, outre les données sur la parenté, le mariage, l’organisation sociale, également des informations sur le type de résidence, l’alimentation, l’agriculture et les langues, obtenues essentiellement, quoique non exclusivement, par les administrateurs et leurs interprètes. L’auteur est là aussi amené à reconnaître que la collecte de données s’est avérée difficile, en raison du manque d’éléments et de problèmes de terrain non spécifiés56. 22 Les résultats étaient en partie basés sur un nouveau questionnaire préparé par le chef des Affaires indigènes, un officier de l’armée et précédent gouverneur57. Les justifications données à cette nouvelle enquête sont associées au projet d’un nouveau code civil et pénal censé remplacer les lois portugaises alors en vigueur, étant donné qu’elles ne correspondaient pas à la « mentalité primitive de la population indigène »58. Son cadre et contenu sont particulièrement révélateurs des doctrines sous-jacentes à la pensée coloniale de l’époque. Commençant par l’origine et l’histoire des « races » indigènes, le document traite ensuite d’une grande variété de questions incluant la « famille » sous ses différents aspects. Les questions révèlent un intérêt, quoique marginal, pour la division du travail entre les sexes (« Comment le travail est-il divisé entre les hommes et les femmes ? »), alors que la définition du travail est divisée en deux variantes « indigène » et « moderne » (« Cherchent-ils du travail hors de leurs villages, ou ne se consacrent-ils qu’au travail indigène, pour leur auto-subsistance ? »59. Une bonne dose d’ignorance transpire de questions telles que : « Qui travaille, les

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hommes ou les femmes ? ». Les questions relatives à l’autorité paternelle et maternelle s’accompagnent d’interrogations posées du point de vue de l’époux : « Dans la vie du couple, quelles sont les tâches que la femme est obligée d’accomplir ? »60. On tente des incursions dans des situations domestiques, par exemple dans le cas de foyers polygames, mais surtout à propos de problèmes d’héritage et de droits de succession, tels que la garde des enfants, le divorce, le lévirat. Le fait que les administrateurs étaient fréquemment amenés à intervenir et à trancher dans ces disputes, ainsi que le besoin de lignes directrices, expliquent l’inclusion de ces délicates questions dans le questionnaire. Elles prouvent également que les femmes faisaient de plus en plus souvent appel aux autorités coloniales plutôt que de s’en remettre aux procédures des institutions communautaires. 23 Dans Babel Negra, douze « tribus » sont identifiées, chacune faisant l’objet d’un chapitre à part, sous forme de courtes « vignettes », sur le même plan que le questionnaire de 1934, et traitant depuis les caractéristiques physiques jusqu’aux activités de loisir. Chaque chapitre inclut la photo d’un homme et d’une femme, ainsi qu’un glossaire élémentaire du dialecte « ethnique ». Beaucoup plus d’importance est donnée aux groupes patrilinéaires, tels que les Mandingues et Fulas musulmans, mais aussi les Balantes « animistes », qu’aux groupes matrilinéaires. Les relations entre hommes et femmes sont toujours présentées comme fondamentalement inégalitaires – les hommes comme chefs de lignage et maris, occupés à vendre et à acheter des femmes qui acceptent leur sort – mais le ton et le contenu varient par rapport aux exercices précédents. Elles démontrent avant tout la ségrégation existant entre les sexes qui constitue un fil conducteur dans le contexte de ces sociétés dominées par les hommes. 24 L’existence d’espaces et de professions contrôlés par les femmes auxquels il est fait allusion dans l’enquête de 1927 ne sert pas à souligner l’autonomie des femmes, mais à en faire des « anomalies ». Les libertés sexuelles accordées aux femmes bayotes* font l’objet d’une mention spéciale et cadrent avec leur comportement licencieux, alors que leurs prouesses comme rameuses et lutteuses, ne sont que marginalement évoquées. Le chapitre sur les Feloupes ou Diolas, caractérisés comme « guerriers » et « producteurs de riz », souligne le poids de l’autorité de la première femme sur le mari, au point que cela a imprégné de sa marque toute la « vie politique de la tribu »61, sans toutefois indiquer en quoi particulièrement. Bien que vivant sous un régime dit « patriarcal » – de même que d’autres groupes – les prêtresses, dans cette gérontocratie masculine, étaient responsables de l’entretien de sites sacrés auquel les hommes n’avaient pas accès. Chez les Bijagos insulaires et matrilinéaires, on trouve également mention de sacerdotizas62 en rapport avec les classes d’âges féminines. À la différence d’autres groupes, les femmes bijagos ont le droit de choisir leurs maris et de divorcer ; d’où leur présentation comme une « anomalie » aux traditions patriarcales (ou plutôt patrilocales) sur le continent. Quoi qu’il en soit, les travaux de Bernatzik63 sur les insulaires avaient établi l’idée erronée du matriarcat, s’appuyant sur les travaux d’anthropologues du dix-neuvième siècle tels que Morgan et McLennan ainsi que sur les écrits de Malinovski sur les sociétés insulaires matrilinéaires du Pacifique, déclenchant tout un débat qui dura jusqu’à l’enquête ethnographique du milieu des années 1940, lorsque l’idée en fut définitivement rejetée64, ce qui dépasse les limites de cet essai.

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Comment remplir les « blancs » ?

25 La théorie linguistique sur le genre, apparue au début des années 1980, a présenté un certain nombre d’options relatives à la valeur attribuée à chaque sexe. L’idée d’un individu masculin « plus » et « moins » devint une référence pour la « dérogation sémantique relative aux femmes » basée sur l’existence de règles sémantiques qui produisent une « double norme » connotant la langue et les expressions relatives à l’espace féminin65. Cette asymétrie fondamentale contenue dans le langage, qui associe la femme à « un espace sémantique négatif » et la relègue dans un statut d’« homme moins », comportait d’importantes implications pour la représentation des deux sexes dans le discours66. En étudiant l’association des symboles féminins avec une connotation négative, philologues comme sociologues cherchèrent à théoriser la fonction remplie par la standardisation des références et comparaisons relatives à l’homme, et l’attribuèrent aux idéologies fondées sur le pouvoir : les relations entre les sexes étaient caractérisées par celles qui existent entre des maîtres et des « muets ». Une des premières tentatives de théoriser la signification d’une hiérarchie entre les sexes dans le discours ethnologique, a proposé l’idée d’un « groupe de muets » pour déconstruire le cadre conceptuel sur lequel celui-ci est fondé67.

26 Depuis, la question des métaphores et silences coloniaux est devenue l’objet d’intenses débats au sein à la fois de l’histoire et de l’anthropologie des années 1980, en particulier au sujet du continent africain68. L’anthropologie féministe a apporté une contribution remarquable à l’analyse de la construction culturelle du genre, en particulier dans son rapport à l’État69. Au cours des dernières décennies, certains chercheurs ont tenté d’appliquer ces idées au genre dans les situations coloniales, dans une double perspective historique et anthropologique70. La critique féministe relative à la construction de l’infériorité des femmes et son encodage dans le langage, fournissent un outil déterminant pour l’analyse du discours, par exemple celui des métaphores de genre qui se sont développés dans le cadre de la domination coloniale. Le fait que les études ethnologiques furent produites par des administrateurs et non par des anthropologues – comme nous l’avons montré plus haut – constitue un élément structurant qui a « croisé » des vecteurs tels que pouvoir et nation avec des préconceptions sur le genre et la race71. Néanmoins, les données ethnologiques extraites des rapports coloniaux sur les populations de Guinée portugaise font plus qu’identifier des modèles de discours centrés sur une image péjorative des femmes, ils fournissent des nuances qui demandent un examen – sémantique – plus subtil de ce qui les constituent. 27 À y regarder de près, la plupart des textes mentionnés plus haut évoquent un ensemble de relations « intergenrées » hiérarchisées qui semblent établir l’homme-plus et -moins comme norme de référence. Pourtant, une asymétrie fondamentale dans les relations intergenrées domine le trope colonial, à savoir que si le modèle masculin était européen, il n’y eut jamais une telle référence concernant la femme. Cette apparente contradiction, qui trouve ses racines dans les dynamiques particulières de l’histoire afro-atlantique, comporte d’importantes implications pour l’interprétation des sources contemporaines. Une étude sur les dynamiques intergenrées dans les secteurs du commerce et du courtage de la région de Guinée-Bissau révèle que l’abondance de références aux « grandes femmes » – les ñaras, vivant dans les comptoirs marchands du littoral – au dix-neuvième siècle, n’étaient pas assorties de projections de pouvoir et

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d’autorité équivalentes à celles qui étaient associées aux hommes de la même région72. Au lieu de confirmer l’existence de silences qui ont simplement exclu les femmes de l’histoire et de la société ou les ont diabolisées, une analyse attentive des sources écrites montre que les figures masculines positives de référence étaient en réalité très rares. Que la plupart des documents aient été produits par des hommes non africains, a eu pour effet de façonner les modèles de rôles masculins sur les exemples européens, et de développer une hiérarchie de masculinités dans laquelle les statuts inférieurs étaient attribués aux hommes africains73. Pourtant, la complexité du discours devient de nouveau visible si l’on tient compte de ce que nombre des officiers en question n’étaient pas européens mais des créoles capverdiens, ce qui introduit des strates intermédiaires et des significations supplémentaires. 28 Suite à la conquête militaire, le pouvoir politique étant désormais concentré dans les mains d’une administration européenne, on assista à un changement de paradigme dans la structure des relations entre les genres. Le centre d’intérêt colonial passa des ports de commerce afro-atlantique à l’exploration des terres largement inconnues de l’intérieur. Des Africains, tels que les chefs, furent alors considérés comme des alliés politiques potentiels et non plus comme des ennemis, et ceux qui s’étaient rangés du côté des Portugais furent cooptés dans l’administration locale. Les Africaines, pourtant, vivant sous autorité patriarcale traditionnelle et coloniale – qui, auparavant, avaient été dépeintes comme des reines et des esclaves – sont désormais, comme le notent les chercheures féministes, décrites comme « des prostituées et des paysannes »74. En l’absence (presque complète) de femmes européennes, par ailleurs vues par leurs compatriotes masculins comme des personnages fragiles et plutôt pitoyables dans cet environnement tropical, les femmes africaines furent évaluées selon une échelle de valeurs, qui au-delà de leurs charges métaphoriques sexuelles, les visualisaient à travers un spectre préférentiel de « couleur » où dominaient les « mulâtres ». Il s’ensuivit que les normes de jugements variaient considérablement s’agissant des femmes et des hommes de la région, et dans le groupe féminin entre les femmes « de couleur » et les femmes « noires ». Le questionnaire ethnographique de 1934 sur lequel se basèrent la plupart des travaux des années 1930, comportait déjà une question révélatrice sur l’apparence des femmes : « Les femmes qui ont un teint plus clair n’ont- elles pas une physionomie plus parfaite et plus sculpturale ? »75. 29 Sur la question des rôles entre les sexes parmi les populations de Guinée, un des premiers textes coloniaux qui soulève explicitement les rôles féminins, mettait en lumière cette asymétrie de normes76. En fournissant au lecteur une perspective nettement influencée par l’anthropologie physique alors courante, il introduisait des distinctions qui en disent long sur les femmes vivant dans différents habitats et sociétés. Vivant dans l’archipel qui porte leur nom, les Bijagos – réputés vivre dans un régime « polyandre et matriarcal » et donc supposés être un royaume de femmes »77 – sont dépeints comme : « … l’élément ethnique le plus arriéré de Guinée et l’un des plus primitifs du monde. Les hommes et les femmes sont bien bâtis, généralement de peau très foncée et avec des caractères physiques irréguliers et déplaisants. Les femmes, qui sont en général bien bâties, sont très laides, et on est surpris que personne jusqu’à présent n’ait pensé importer de vieilles femmes bijagos pour sevrer les enfants qui sont trop attachés à leur tétine, car, il est certain qu’aucun enfant blanc, en voyant un de ces spectres de tout près, serait assez courageux pour persister dans sa préférence pour cette source d’alimentation… »78.

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30 « Les femmes civilisées » ne devraient pas être jalouses du pouvoir des femmes bijagos, car leurs foyers étaient loin d’être « plaisants ». Tandis que ces dernières « gouvernaient » la société, faisant des hommes bijagos des hommes-moins « efféminés », les premières régnaient sur leur sphère domestique, laissant les hommes décider pour elles.79 En contrepoint à la Bijago « primitive » et « laide », il décrivait les femmes fulas ainsi : « … grande, minces, avec une peau cuivrée, des cheveux légèrement laineux, des nez fins, […] des lèvres délicates et de grands yeux expressifs, en forme d’amande […]. Elles sont musulmanes et pas très communicatives de nature, mais de bonne composition. Peut-être est-ce à leur bon cœur que l’on peut attribuer la circonstance que, bien que musulmanes, elles peuvent rompre à l’occasion les préceptes du Coran, pour convoler avec un Chrétien qui leur plait… La femme fula- fôrro est intelligente, et parmi les femmes guinéennes indigènes, sans doute, la plus civilisée de toutes »80. 31 Dans le contexte colonial, ceux que l’on distingue pour leur attitude positive sont les Manjakes, car « ils parlent le créole capverdien en plus de leur propre dialecte » et sont « par nature de gros travailleurs, s’adaptant en outre aisément aux occupations les plus diverses ». On les considère comme « un des éléments ethniques les plus utiles pour le développement et la valorisation de cette colonie en progrès qu’est la Guinée »81. Dans cet ensemble, les femmes manjakes sont dites avoir « des traits physionomiques relativement réguliers et plaisants […] ; elles sont intelligentes et gaies, et n’ont pas la moindre vocation à animer le feu sacré sur l’autel des vestales, bien au contraire, elles s’avèrent d’authentiques prêtresses de Venus […]. Très coquettes, et plus sensuelles que coquettes, les femmes de la tribu des Manjakes conjuguent, intensivement, pratiquement, à tous les temps et modes […] le verbe "aimer", surtout à Bolama et Bissau où elles peuvent se dédier à leur sympathique préférence amoureuse pour les Européens, c’est-à-dire les Portugais ou étrangers des colonies voisines ».82 32 Malgré tout, le comportement sexuel libertaire de ces « Vénus noires » fut considéré comme la raison principale de l’extinction de la « tribu » et son remplacement « en moins de cinquante ans par des éléments métissés »83.

33 Dans la même présentation, l’auteur, un anthropologue portugais, traite de la population de l’archipel du Cap-Vert résultant du mélange des « femmes de différentes tribus (notamment Balante, Papel, Bijago, Felupe et Ouolof) avec les colons portugais » 84. La cohabitation avait conduit à leur donner des traits physiques similaires aux « types somatiques moyens de la race blanche »85. Mais dans ce contexte de créolisation, les mulâtres capverdiennes occupaient la place d’honneur, se distinguant nettement des autres femmes « blanches » et « noires » : « La femme capverdienne est grande, droite, bien proportionnée, attirante et a généralement de grands beaux yeux avec une expression remarquablement languide et ardemment sensuelle. Elles marchent presque toujours pieds nus et leur allure est aisée, débonnaire et voluptueuse. Certaines en passant nous rappellent les statues de Phidias d’un musée grec, plongées dans du chocolat et animées par le soleil ardent des tropiques pour une vie sensuelle. C’est seulement parce qu’elles ne marchent pas nues que l’illusion n’est pas parfaite… »86. 34 Non seulement les femmes capverdiennes représentent un idéal-type de beauté, mais elles se déplaçaient et dansaient avec une grande élégance et sensualité, et parlaient même le créole avec une grâce captivante87. L’ambiguïté des tropes coloniaux de genre est bien illustrée par ces exemples qui juxtaposaient « tradition » et « pureté » à « modernité » et « métissage ». Les officiers coloniaux établirent ainsi une hiérarchie à

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l’intérieur du groupe des femmes africaines, qui attribuait la position la plus élevée aux « douces » femmes mulâtres capverdienne et la plus inférieure aux « sauvages » femmes bijagos, subdivisant ainsi l’homme-moins sur une échelle descendante de « dérogation sémantique ». Les scientifiques, qu’ils soient portugais ou originaires d’autres colonies, continuèrent à se débattre dans la question du « mélange racial » et de la « dégénérescence »88. Les métaphores sexuelles passaient outre cette division, montrant que les représentations coloniales des femmes africaines telles qu’on les trouve dans les métaphores coloniales créées par les hommes différaient fondamentalement de celles utilisées à propos de leurs homologues masculins. En effet, dans un contexte local, le contact entre les officiers coloniaux et les femmes africaines n’était pas limité au domaine public, mais s’étendait à l’espace domestique où ces dernières travaillaient et, parfois, partageaient le lit avec leurs maîtres. Le fait que les administradores et les chefes de posto vivaient et travaillaient souvent dans le même bâtiment, démontrait un certain degré de fluidité dans les relations où les responsabilités privées et officielles se recouvraient, ce qui mettait en porte-à-faux les préceptes coloniaux de ségrégation. À cette phase initiale de « l’édification de la colonie », de telles relations ne représentaient pas tant l’imposition d’une masculinité européenne qu’elle dénotait la médiation d’autorité par les « muets » et leur visibilité au niveau local.

35 Dans les années 1920 et 1930, la théorie des races semblait capable d’apporter des solutions apparemment simples à des problèmes complexes que les politiciens coloniaux rencontraient dans leur tentative de résoudre la question de cette mosaïque multiculturelle. L’introduction des courants de pensée eugénistes dans les politiques sociales, avec la création des services des Affaires indigènes (Serviços de Negócios Indígenas) allait avoir d’importantes implications sur la compréhension des relations de genre pendant la période coloniale. Les femmes africaines se trouvèrent propulsées sur le devant de la scène en tant que génitrices, dans une colonie telle que la Guinée où « les colons européens ne parvenaient pas à s’acclimater »89. Cela signifiait que la maternité des femmes africaines allait être soumise à l’observation rapprochée des autorités, dont le rôle était perçu comme gardien de la pureté raciale. Pour la Guinée, le concept de dégénérescence se traduisit par l’élaboration de mesures propres à « éviter que (les races indigènes) ne s’éteignent à cause du métissage (en) interdisant ou décourageant les relations légitimes ou illégitimes entre des individus des deux races » 90. 36 La formation d’une « caste orgueilleuse », d’une strate de « métis » vue comme « un élément de trouble entre les deux races [blanche et noire] et pour le développement de la colonie »91, devint une inquiétude récurrente pour les responsables politiques portugais qui cherchèrent à l’empêcher en projetant de retirer l’enfant « métis » à sa mère. Outre qu’elle attira leur attention sur la reproduction et la fertilité des femmes, cette préoccupation les conduisit également à accorder une grande importance à la mise en place de mesures basées sur l’éducation et l’intégration dans le monde du travail et la société coloniale. La création de programmes d’aide aux indigènes avait pour but d’élever « la condition morale de la population indigène ». En conséquence, l’éducation dite raciale apparut comme un thème central impliquant une collaboration étroite entre les institutions séculières et religieuses (romaine catholique) dans leur « mission civilisatrice ». Afin de ne pas imprégner l’enfant (métis) de « besoins superflus qu’il ne sera pas en mesure de satisfaire plus tard », l’enfant en question, bien

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que laissé à la garde de ses parents, devait recevoir « une éducation exclusivement professionnelle et pratique » à surveiller de près92. Afin de limiter les occasions de rapports sexuels entre colons et indigènes, il devint impératif de recruter du personnel civil et militaire marié, surtout chez les « officiers de rang inférieur, les soldats et les fonctionnaires subalternes », étant donné « qu’ils constituent le principal contingent susceptible de procréer des métis »93. 37 Préoccupées par la « dégénèrescence progressive » de « dix-sept races et sous-races », d’une part les autorités provinciales encouragèrent l’extraction de données ethnographiques, tandis que de l’autre, elles optèrent pour des mesures guidées par la ségrégation « raciale » et « tribale ». Les espaces urbains, non seulement devaient être organisés selon des lignes séparant les Européens des Africains, mais aussi sur la base de divisions ethniques94. Ayant identifié les traditions de base et les habitus de chaque communauté, ainsi que leur réaction à la modernité, les rapports établissaient les façons de traiter chaque groupe et région, tout en professant le besoin d’un ensemble de règles unifiées pour « l’assistance indigène ». Avec cette hantise de la « dégénèrescence progressive », les autorités provinciales décidèrent d’améliorer l’aide médicale, que l’on qualifia alors « d’impérieuse nécessité » et « d’élément le plus décisif dans l’avancée vers la civilisation »95. En conséquence de quoi, la terminologie médicale gagna du terrain et pénétra totalement le discours colonial. La création de « tabancas enfermerias » (« postes de soins villageois ») au début des années 1930 est un exemple qui illustre comment la priorité fut accordée à l’« assistência indígena »96. L’importance donnée aux « salles de maternité » et à « l’école locale d’obstétrique » (ainsi nommée dans le discours colonial, malgré une réalité à mettre en rapport avec des budgets plus que ténus) est la preuve que la maternité indigène était devenue une question importante sur le plan colonial97. 38 Dans cet ordre d’idées, un aspect intéressant et largement ignoré de l’ethnographie coloniale est le thème de la prostitution vue comme une déviation par rapport à la norme de « ségrégation raciale » et dans sa connotation avec la « dégénérescence ». Au fur et à mesure du développement des services coloniaux, les rapports officiels font de plus en plus souvent référence à la prostitution féminine. Les enquêtes de 1927, tout comme Babel Negra, ne font pas exception à la règle et associent la prostitution à un mélange de tradition indigène et d’effets secondaires des campagnes militaires, remontant au début du chaos et à la migration, de conséquence interculturelle, qui s’en est suivie. La migration des insulaires de Bijagó vers le continent comme celle de couches urbaines vers l’archipel est mentionnée dans certains rapports comme la principale cause des maladies vénériennes parmi les habitants des îles. Le texte en question, traduit en bijagó, en rejette la responsabilité sur le dos des hommes et les enjoint à se soigner avant d’infecter leurs partenaires/épouses98. Il est intéressant de noter que ce texte, qui s’adresse aux chefs de familles masculins, encourage également les insulaires à fréquenter les services médicaux afin de garantir la naissance d’enfants en bonne santé, et conseille aux femmes de se soigner pendant leur grossesse si nécessaire. 39 Cette approche tout à fait nouvelle d’aborder le domaine sensible des relations sexuelles, était associée à la volonté de « gagner » les insulaires à la modernité coloniale pour laquelle ceux-ci ne démontraient pas grand intérêt. Les motivations qui sous-tendent un tournant aussi radical sont détaillées par le gouverneur de l’époque, qui les farcit de citations provenant de rapports médicaux :

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« Je propose non de conquérir, mais d’assimiler – c’est-à-dire à nos coutumes et traditions, par une intervention dans tous leurs événements sociaux, y compris l’établissement de nouvelles communautés similaires aux nôtres – la population bijago. Si nous ne procédons pas de cette manière, nous assisterons rapidement à la disparition de cette population, par son métissage avec d’autres éléments inférieurs, et à sa totale absorption à l’intérieur de groupes indigènes du continent, les plus dégénérés, qui ont fait de l’archipel leur terrain de chasse ». 40 Le gouverneur continuait en affirmant que leur migration vers le continent réclamait « une politique indigène menée intelligemment » afin de « les retenir dans leurs îles, tout en combattant les maladies vénériennes et autres qui se sont répandues dans les îles, et de les protéger de la mauvaise influence des Cristãos [Kriston] »99.

41 En gros, on assiste au milieu des années 1930 à la consolidation du schéma qui, dans le discours colonial, présentait les femmes comme des porteuses d’enfants et des travailleuses, à l’exception des « exotiques » Bijagos, « les seules aborigènes de notre Guinée » où les femmes jouaient toujours un rôle dominant – bien que toujours aussi mal défini – dans la société100. En outre, les métaphores dépeignent une hiérarchie de relations entre les sexes qui coïncident avec un niveau de civilisation estimé qui est attribué à chaque groupe en fonction des caractéristiques racial et physique de ses membres. Dans le cas des femmes, ceux-ci étaient mis en évidence ou au contraire minimisés par une série de métaphores sexuelles qui fixent la couleur de la peau et la silhouette « métissées » comme canons de la « beauté noire », agencés selon une échelle incluant différentes typologies « ethniques ». Enfin, malgré une très grande mobilité des femmes, la création d’idéal-types favorise l’espace domestique, qui est de plus en plus identifié au « foyer » plutôt qu’à la famille, de sorte que le champs, la communauté et l’espace public en général sont vus comme une extension de celui-ci. En fin de compte, malgré le corpus croissant de données ethnographiques, la figure de la femme continua, dans le discours colonial, d’être un simple appendice sous-tendant l’autorité et la domination de l’homme, une ombre sans visage. Un changement se produisit qui eut cependant des implications sur le statut des femmes. En dépit de l’absence frappante de connaissances sur la femme africaine et son rôle dans la société, le discours biomédical en vint à dominer les autres et considéra dorénavant les femmes comme clientes potentielles, précisément à cause de leur désignation comme femmes et mères, dans une colonie où les femmes européennes – et les hommes – étaient peu nombreux et dispersés. Ce changement non négligeable résulta de l’attention croissante que les ethnographes portugais et les autorités locales attribuèrent à « la famille » comme unité de parenté solide, à la place de la vision holistique jusque-là dominante des sociétés indigènes. Au milieu des années 1930, l’évidente mutation des priorités coloniales, au même titre que l’action des femmes, avaient conjointement eu pour effet de projeter une image encore pâle de la femme africaine sur un écran colonial demeuré vide jusque-là. Son profil colonial ne tarderait pas à se préciser et la « femme indigène » fut progressivement perçue comme « un puissant agent de civilisation » – « si convenablement préparée » – et non plus comme « une simple gardienne de l’espèce » et une « bête de trait »101. 22 Avril 2005

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NOTES

*. Les « blancs » concernent naturellement les « espaces laissés en blanc » et les vides de l’historiographie coloniale sur les femmes (noires !), et non les Blancs. 1. . M. NEWITT, A History of Mozambique, Londres, Hurst, 1995 ; A. PITCHER, Politics in the Portuguese Empire : the State, Industry and Cotton, 1926-1974, Oxford, Clarendon Press, 1993 ; J. PENVENNE, African Workers and Colonial Racism : Mozambican Strategies and Struggles in Lourenço Marques, 1877-1962, Portsmouth, Heinemann/Oxford, James Currey, 1995 ; V. ZAMPARONI, Entre Narros e Mulungos : Colonialismo e Paisagem social em Lourenço Marques, c.1890-c.1940, unpubl. PhD thesis, São Paulo, USP, 1998. 2. . Voir par exemple R. PEREIRA, « A Antropologia aplicada na política colonial portuguesa do Estado Novo », in Revista internacional de Estudos africanos (Lisbonne), 4-5, 1986 : 191-235 ; et du même auteur, « O desenvolvimento da ciência antropológica na empresa colonial do Estado Novo », in F. ROSAS & J. Ramos do Ó, O Estado Novo : das origens ao fim da autarcia, 1926-1959. Vol. II, Editorial Fragmentos, Lisbonne, 1988 : 415-443. 3. . Voir par exemple J. FORREST, Lineages of State Fragility : Rural Civil Society in Guinea Bissau, Athens/Oxford, Ohio University Press/James Currey, 2003 ; également E. GABLE, « Bad Copies : the Colonial Aesthetic and the Manjaco-Portuguese Encounter » in P. LANDAU & D.D. KASPIN (eds), Images and Empires : Visuality in Colonial and post-Colonial Africa, Berkeley, University of California Press, 2002 : 295-319. 4. . Cf. F. COOPER & A.L. STOLER (eds), Tensions of Empire : Colonial Cultures in a Bourgeois World, Berkeley, University of California Press, 1997 ; et G. STOCKING (ed.), Colonial Situations : Essays on the Contextualisation of Ethnographic Knowledge, Madison, University of Wisconsin Press, 1991. 5. . G. STOCKING (ed.), Colonial Situations…, 1991 : 5 ; voir aussi A.L. CONKLIN, A Mission to Civilize : the republican idea of empire in France and West Africa, 1895-1930, Stanford, Stanford University Press, 1997. 6. . J. da G. Correia e LANÇA, Relatório da Província da Guiné Portuguesa, referido ao ano económico de 1888-1889, Lisbonne, Imprensa Nacional, 1890 : 51. 7. . Voir P.J. HAVIK, Boticas e Beberagens : a criação dos servicos de saude e a colonização da Guiné Portuguesa (séc. XIX-XX) numa perspectiva antropologica [à paraître, 2005]. 8. . W. Braithwaite, Bathurst, au Foreign Office, Londres, 16 janv. 1913 ; in: Public Record Office (PRO), Londres : FO367/342. 9. . Arquivo Histórico Ultramarino (AHU), Fundo do Governo da Guiné (FGG), L 131 : 4 juin 1901, Alves d’Oliveira, Bolama, au ministère de la Marine et de l’Outre-mer, Lisbonne. 10. . AHU, FGG, L. 176, Correspondência confidêncial, 1909-1911 : Circular, 6 avril 1909. 11. . AHU, Direcção Geral das Colónias (DGC), Conselho Colonial, Guiné, Pasta 2, 1911-1917 : 22 janv. 1912. 12. . C. PEREIRA, La Guinée portugaise (subside pour son étude), Lisbonne, A Editora Lda, 1914. 13. . E.J. VASCONCELLOS, Guiné Portuguesa : Estudo elementar de geografia física, económica e política, Lisbonne, Tipografia da Cooperativa Militar, 1917 : 78. 14. . AHU, DGC Ocidental (DGCOc), Maço 89, Leite de Magalhães, 8 juin 1928. 15. . Idem, Leite de Magalhães, 31 juillet 1931. 16. . L.A. de Carvalho VIEGAS, Guiné Portuguesa, 3 vols, Lisbonne, Typografia Severo, Freitas, Mega e Cia, I : 1936 ; II : 1939 ; III : 1940. Les fonctionnaires admirent que seulement deux rapports avaient été publiés parce que « certains n’avaient jamais été présentés, tandis que d’autres contenaient des erreurs qui devaient être rectifiées » (J.F. Torres Velez CAROÇO, « Questionário etnográfico », Boletim Oficial da Guiné Portuguesa (BOGP), 20, 14 mai 1934 : 3).

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17. . AHU, DGCOc, Maço 89, Leite de Magalhães, 8 juin 1928. 18. . Idem. 19. . AHU, DGCOc, Maço 89, Oliveira e Castro, Inspecção Extraordinária aos Serviços da Fazenda, 18 sept. 1927. 20. . H.A. BERNATZIK, Aethiopien des Westens : Forshungsreise in Portugiesisch Guinea, Vienne, Seidel und Sohn Verlag, 1933. 21. . AHU, DGCOc, Leite de Magalhães, 31 juil. 1931. Parfois généreusement illustrées de matériel photographique et artistique, d’autres expéditions furent entreprises par des ethnologues non portugais, par exemple dans les îles Bijago (H.A. BERNATZIK, op. cit.). 22. . « Guiné », Separata, Boletim da Agência das Colónias, 44, 1929. 23. . L.A. de Carvalho VIEGAS, Guiné Portuguesa… op. cit. 24. . AHU, DGCOc, Viegas, 20 juin 1934. 25. . Idem. 26. . A. Landerset SIMÕES, Babel Negra, Porto, éd. de l’auteur, 1935. 27. . L.A. de Carvalho VIEGAS, op. cit. 28. . A. Landerset SIMÕES, op. cit. : 15. 29. . V. Lopes Ramos da SILVA, Relatório sobre a região de Bissora, Boletim Oficial da Guiné Portuguesa, BOGP, 2, 30 oct. 1911. 30. . J.A. Castro FERNANDES, Respostas aos quesitos… , BOGP, 2, 30 sept. 1911. 31. . E.J. VASCONCELLOS, Guiné Portuguesa…, op. cit. 32. . Ibid. : 79. 33. . Ibid. : 99. 34. . Ibid. : 77-100. 35. . Ibid. : 100. Note de la rédaction : les grumetes étaient des Africains urbanisés, appelés aussi kriston (chrétiens). 36. . Ibid. : 97. 37. . Ibid. : 3-50. 38. . Ibid. : 2. 39. . Ibid. : 10-37. 40. . Ibid. : 38. Les guerres qui ont conduit à l’occupation militaire de la Guinée ont été omises, bien que l’étude ait été publiée deux ans après la « pacification » (de la majeure partie) de sa population. 41. . A. Gomes PIMENTEL, « Questionário de inquérito sobre as raças da Guiné e seus caracteres étnicos […] acerca da Circunscrição Civil de Mansôa », BOGP, 50, 10 déc. 1927 ; et V. H. de MENEZES, « Questionário sobre as raças da Guiné e seus caracteres étnicos […] acerca da Circunscrição Civil de Costa de Baixo », BOGP, 3, 1928. 42. . Selon le recensement de 1927-28, les Balantes étaient le groupe « ethnique » le plus nombreux de la colonie (82 736 âmes, soit 25,3 % de la population) ; les Manjaques le troisième groupe (53 914, soit 16,5 %) et les Mancanhes ou Brames le sixième groupe (16 698, soit 5,1 %) sur une population indigène totale de 327 157 habitants. Voir : « Guiné », Separata, 44, février 1929, Lisbonne, Boletim da Agência das Colónias : 168. 43. . V.H. de MENEZES, op. cit. : 19-20 ; A. Gomes PIMENTEL, op. cit. : 8-9. 44. . Ibid. : 14. 45. . V.H. de MENEZES, op. cit. : 12. 46. . L’immoralité attribuée aux Balantes est illustrée par le fait qu’ils envoient leurs femmes chez leurs amants avec l’obligation d’en revenir avec au moins un petit cochon » (PIMENTEL, op. cit. : 16). Ce type de pratiques étaient considérées comme proches de la prostitution. 47. . V.H. de MENEZES, op. cit. : 12, 19. 48. . Ibid. : 13.

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49. . A. Gomes PIMENTEL, op. cit. : 9. 50. . V.H. de MENEZES, op. cit. : 10. 51. . Ibid. : 13. 52. . A. Gomes PIMENTEL, op. cit. : 15. 53. . V.H. de MENEZES, op. cit. : 21. 54. . A. Landerset SIMÕES, Babel Negra, op. cit. : 15. 55. . Les plus connus furent A. Alvares de ALMADA, Tratado Breve dos Rios de Guiné do Cabo Verde (1594), édité par António Brasio, Lisbonne, Ed. LIAM, 1964 et F. de Lemos COELHO, Duas Descrições Seiscentistas da Guiné (1669/1684), édité par Damião Peres, Lisbonne, Academia Portuguesa da História, 1990. 56. . A. Landerset SIMÕES, op. cit. : 16. 57. . J.F. Torres Velez CAROÇO, Questionario etnográfico, op. cit. 58. . Ibid. : 3. 59. . Ibid. : 5. 60. . Ibid. : 7. *. Note de la rédaction : les Bayotes sont un peuple très minoritaire de Gambie, Casamance et de Guinée-Bissau, du groupe diola. 61. . Ibid. : 32. 62. . Ibid. : 148. 63. . H.A. BERNATZIK, op. cit. 64. . Cf. A.J. de Santos LIMA, Organização Economica e Social dos Bijagos », Bissau, Centro de estudos da Guiné portuguesa (CEGP), 1947 : 101-111. 65. . D. SPENDER, Man Made Language, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1980 : 19. 66. . D. CAMERON (ed.), The Feminist Critique of Language, Londres, Routledge, 1998. 67. . Cf. H.L. MOORE, Feminism and Anthropology, Londres, Polity Press, l992 : 3-4, à propos des travaux de Edwin Ardener. 68. . Parmi les nombreuses publications sur le sujet, voir J. & J. COMAROFF sur l’Afrique australe et leur Ethnography and the Historical Imagination, Boulder, Westview Press, 1992. Également les travaux de V.Y. MUDIMBE, The Invention of Africa : Gnosis, Philosophy and the Order of Knowledge, Bloomington, Indiana University Press, 1988. 69. . Cf. H.L. MOORE, Feminism and Anthropology, op. cit., notamment le chapitre 5. 70. . D.L. HODGSON & S. MCCURDY (eds), Wicked Women and the Reconfiguration of Gender in Africa, Portsmouth (NH), Heinemann, 2001 ; J.M. ALLMAN (ed.), Women in African Colonial Histories, Bloomington, Indiana University Press, 2002 ; I. BERGER & E.F. WHITE (eds), Women in Sub-Saharan Africa : Restoring Women to History, Bloomington, Indiana University Press, 1999 ; C. COQUERY- VIDROVITCH, African Women : A Modern History, , Boulder, Westview Press, 1997. 71. . E. SIBEUD, « Science de l’homme » coloniale ou science de « l’homme colonial », in A. HUGON (ed.), Histoire des femmes en situation coloniale : Afrique et Asie, XXe siècle, Paris, Karthala, 2004 : 173-198. 72. . P.J. HAVIK, Silences and Soundbytes : the Gendered Dynamics of Trade and Brokerage in the pre- Colonial Guinea Region, Münster, Lit Verlag/Piscataway (NJ), Transaction Publishers, 2004. 73. . Ibid. : 354. 74. . Cf. M.J. HAY, «Queens, Prostitutes and Peasants : Historical Perspectives on African Women, 1971-1986», Canadian Journal of African Studies, XXII (3) : 431-447. 75. . J.F. Torres Velez CAROÇO, op. cit. : 5. 76. . L. Vaz de Sampayo e MELLO, « Alguns aspectos do eterno feminino nas Colónias (Esquisso ethnográfico) », O Mundo português, III (27) et III (28), 1936 : 173-177. 77. . L. Vaz de Sampayo e MELLO, op. cit. : 174.

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78. . Ibid. : 173. 79. . Ibid. : 174. 80. . Ibid. : 175. 81. . Ibid. : 176. 82. . Ibidem. 83. . Ibid. : 176. 84. . Ibid. : 59. 85. . Ibid. : 59-60. 86. . Ibid. : 60. 87. . Ibid. : 62-63. 88. . « L’école de Porto » d’ethnologie, dirigée par Mendes Correia, s’opposa de manière véhémente à la « dégénérescence », tout en reconnaissant les problèmes que cela posait pour la classification des races (A.A. Mendes Correia, Raças do Império, Porto, Portucalense Editora, 1943 : 365). Et la priorité continua d’être donnée aux « tribus rafinées » telles que les Fulas de l’intérieur, tandis que les Bijagos restaient relégués aux échelons inférieurs de l’échelle raciale/ somatique (Ibid. : 368-378). 89. . J. de Oliveira DINIZ, Negócios indígenas, Lisbonne, Typ. Adolpho de Mendonça, 1919 : 10. 90. . Ibid. Sur la question de l’eugénisme colonial du point de vue des relations de genre et dans une perspective comparative, voir A.L. STOLER, Carnal Knowledge and Imperial Power: gender, race and morality in Colonial Asia, in Micaela DI LEONARDO (ed.), Gender at the Crossraods of Knowledge: feminist anthropology in the post modern era, Berkeley, University of California Press, 1991 : 51-101 (72-80). 91. . Ibid. : 9. 92. . Ibid. : 10. 93. . Ibid. 94. . « Les villages indigènes » devaient être séparés des villes civilisées, et subdivisés en quartiers : les plus proches du centre pour les groupes christianisés, ceux de la périphérie devant accueillir les communautés islamisées (COMMISSÃO MUNICIPAL DE BOLAMA, Relatório e Contas, Bolama, Imprensa Nacional, 1935). 95. . REPUBLICA PORTUGUESA, Assistência aos Indígenas da Colónia da Guiné : instrução e beneficência, Bolama, Imprensa Nacional da Guiné, 1933. 96. . Ibid. : 194. 97. . Le fait que le gouvernement local, confronté à des restrictions financières, ait préféré soutenir les postes de santé villageois plutôt qu’un club social en ville, était un signe des temps (BOGP, 14, 3 avril 1933). À titre comparatif, pour l’Afrique occidentale française avoisinante, voir, en ce qui concerne les programmes sanitaires, A.L. CONKLIN, A Mission to Civilize…, op. cit., notamment sur Jules Carde (gouverneur général de l’AOF, 1923-30) qui introduisit des réformes de politique sanitaire dans les années vingt. Les objectifs démographiques et de soins de santé de J. Carde, vus comme partie intégrante de la mission civilisatrice de la France, incluait déjà une orientation en faveur de soins de santé materno-infantile (Ibid. : 221-222). 98. . Les « conseils aux personnes atteinte de la syphilis » insérés dans le livre contient un paragraphe sur « comment ne pas transmettre de maladies vénériennes à vos femmes » (Landerset Simões, op cit : 153). 99. . En contexte urbain, on retrouve des préoccupations du même genre, par exemple relativement aux activités « suspectes » des mestras, belles-mères ou gardes d’enfants qui étaient responsables de l’éducation (informelle) des filles envoyées par leurs parents de l’intérieur. Ces mestras, vivant « de manière révoltante » dans les villes de Bolama et Bissau, « où les Blancs et les Noirs vivaient dans la promiscuité », étaient accusées d’inciter les enfants, âgés de dix à treize ans, à faire le trottoir (AHU, DGCoc, 1931-1934, Viegas, 15 juillet 1933). 100. . Viegas, Guiné Portuguesa, op cit, I, 1936 : 151.

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101. . L.A. de Carvalho VIEGAS, Guiné Portuguesa, II, op. cit. : 124.

RÉSUMÉS

Le territoire de « Guinée portugaise », principalement connu pour avoir été le lieu d’une guerre coloniale victorieuse contre la domination portugaise (1963-1974), demeure encore terra incognita dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. La population de ce petit territoire « lusophone », enclavé dans l’ancienne Afrique occidentale française, n’avait quasiment pas été étudiée depuis la « pacification » de 1915. Les administrateurs coloniaux se doublant d’ethnographes, ne manifestèrent que peu d’intérêt pour leurs nouveaux « sujets », et ne produisirent qu’un mince filet d’information jusqu’au milieu des années 1930. Principalement intéressés par les revenus de l’impôt de case, ils firent porter leurs efforts sur l’enregistrement des cases et non celui des personnes. Se concentrant sur les hommes en tant que chefs de villages et de familles, ils ignorèrent totalement les femmes en tant que sujets autonomes et personnes à part entière : les exceptions à la règle générale étaient vues comme des « anomalies ». Pourtant, avec l’apparition des premières données ethnographiques, les rapports officiels entrelacèrent les considérations de genre avec des concepts de couleur, eugénistes et ethniques, révélant de la sorte la hiérarchisation interne au genre qu’ils opéraient. De plus, l’absence de femmes européennes occasionna un virage dans les mesures de politique coloniale, projetant l’image de la femme africaine comme gardienne de la pureté raciale. En conséquence de quoi, l’aide médicale, présentée comme symbole de « modernité », finit par reconnaître aux femmes indigènes une place de mères et de clientes potentielles. Cet article, qui couvre la production ethnographique sur une période de deux décennies, entend combler les « blancs » de cette littérature, tout en explorant de nouvelles pistes d’analyse du discours colonial sur les relations de genre.

O território da « Guiné Portuguesa », conhecido principalmente por ter sido palco de uma guerra colonial vitoriosa contra a dominação portuguesa (1963-1974), continua a ser terra incognita na história da África Ocidental. A população deste pequeno território « lusófono », encravado na antiga África Ocidental Francesa, praticamente não havia sido estudada após a « pacificação » de 1915. Os administradores coloniais, actuando como etnógrafos, não manifestaram grande interesse pelos seus novos « súbditos » e apenas produziram uma ténue rede de informações até meados dos anos 1930. Principalmente interessados nos lucros arrecadados dos impostos de palhotas, aplicaram os seus esforços no registo das palhotas e não das pessoas. Ao concentrarem- se nos homens enquanto chefes de aglomerações e de famílias, ignoraram totalmente as mulheres na sua qualidade de súbditas autónomas e de pessoas de parte inteira. As excepções à regra geral eram consideradas como « anomalias ». Portanto, com o aparecimento dos primeiros dados etnográficos, os relatórios oficiais, misturando género, cor da pele, noções eugénicas e etnográficas, fizeram aparecer hierarquias no interior dos géneros. Além disso, a ausência de mulheres europeias provocou uma viragem nas medidas de política colonial, projectando a imagem da mulher africana como guardiã da pureza de raça. Em consequência disso, a ajuda médica, apresentada como símbolo de « modernidade », acabou por reconhecer às mulheres indígenas um lugar de mães e de clientes potenciais. Este artigo, que cobre a produção etnográfica ao longo de um período de dois decénios, pretende

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colmatar os « hiatos » desta literatura, explorando ao mesmo tempo novas pistas para análise do discurso colonial sobre as relações de género.

Mainly known as the scene of a successful nationalist campaign against Portuguese rule (1963-1974), the territory of «Portuguese» Guinea still remains terra incognita in West Africa’s history. Surrounded by the French AOF, it formed a small «lusophone» enclave with a largely unmapped population since its «pacification» in 1915. Colonial administrators doubling as ethnographers showed little interest in their new « subjects », producing a mere trickle of information until the mid 1930s. Mainly concerned with tax returns, they endeavoured to register huts rather than people. Focusing on men as chiefs and heads of households, women were all but ignored as autonomous subjects and persons; exceptions to the rule were treated as «anomalies». However, as ethnographic data began to surface, reports interwove gendered vectors with colour, eugenic and ethnic concepts, revealing intra-gender hierarchies. In addition, the absence of European women induced shifts in colonial policies that portrayed their African counterparts as the guardians of racial purity. As a result, medical assistance which was presented as the symbol of «modernity» ended up by recognising native women as mothers to be and potential clients. The present essay, which covers ethnographic production over a period of two decades, intends to fill gaps in the literature whilst exploring new avenues for the gendered analysis of colonial discourse.

AUTEURS

PHILIP HAVIK

Instituto de investigação científica tropical. Centro de estudos africanos e asiáticos (Lisbonne)

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Menina e moça em África Maria Archer e a literatura colonial portuguesa* Enfance et adolescence en Afrique : Maria Archer et la littérature coloniale portugaise A Little Girl and Young Lady in Africa: Maria Archer and Portuguese Colonial Literature

Leonor Pires Martins

1 Bastará recuarmos algumas décadas no panorama literário português para surpreendermos a existência de um concurso de « literatura colonial », de instituições, de periódicos, de escritores e de críticos especializados na criação e na recepção de um rol vastíssimo de textos sobre as antigas « províncias ultramarinas » portuguesas. Essa produção literária começou a ser oficialmente estimulada em 1926 com a criação do referido concurso que, com uma periodicidade anual, se manteve em funcionamento até 1969. Embora o respectivo regulamento tenha sido objecto de várias reformulações ao longo dos anos, o espírito e o propósito da iniciativa da Agência Geral das Colónias (AGC) foram, no essencial, mantidos : o desenvolvimento de uma literatura em língua portuguesa vocacionada para a divulgação da história e da actualidade « ultramarinas » junto da população « metropolitana », em especial das classes letradas mais jovens (AGC 1926 : 153).

Modos de divulgação e de propaganda das « colónias »

2 A meu ver, a estimulação de uma actividade literária de temática colonial deve ser pensada à luz das múltiplas acções de propaganda e de divulgação do « império », muito comuns sobretudo nas décadas de 1930 e de 1940. Naqueles anos, instituições várias como a Sociedade de Geografia de Lisboa (SGL), a AGC, ou a Academia de Ciências de Lisboa (ACL), promoveram eventos de natureza muito diversa, mas cujo propósito se prendeu com o desejo comum de enraizar no espírito da sociedade portuguesa uma « cultura imperial » – « pensamento » e « mentalidade » imperiais foram outros dois

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termos muito utilizados na época para expressar essa intenção. Efectivamente, sob o impulso de Armindo Monteiro, ministro das Colónias entre 1931 e 1935 e o principal teorizador da renovada « mística imperial » (Castelo 1999 : 45-48), o regime do Estado Novo lançou « uma verdadeira ofensiva ideológica em torno do "império" » (Rosas 1992 : 286). Fizeram-se exposições, congressos e conferências, « semanas das colónias », feiras e pequenas mostras, viagens pedagógicas à « África Portuguesa », comemorações alusivas a episódios e a figuras da história da exploração e colonização portuguesas.

3 Outros modos de divulgação e de propaganda das « colónias » poderiam ser evocados. No entanto, creio que estes exemplos são suficientes para fazer notar a existência de um contexto social propício à produção, circulação e recepção de textos, ficcionais e não-ficcionais, sobre o « Império Colonial Português ». Relativamente ao caso particular apresentado neste artigo – a produção literária de temática africana de Maria Archer (1899-1982) –, importa desde já mencionar que o regresso da escritora a Lisboa em meados da década de 1930 após uma experiência de vida de vários anos na « África Portuguesa » foi contemporâneo desse período de produção e circulação intensas de práticas culturais expressivas em torno das « colónias ». Penso que este detalhe da biografia de Maria Archer ajudará a explicar a sua vasta bibliografia de temática colonial, publicada quer em livro, quer na imprensa generalista, quer ainda em revistas da especialidade como foram os casos de O Mundo Português, Portugal Colonial e Ultramar1. Ao fim e ao cabo, a consolidação da sua actividade como escritora e jornalista de matérias coloniais foi fruto das preocupações e interesses de uma época que viu reunidas as condições necessárias à produção e ao consumo daquele género de literatura. 4 O florescimento da « literatura colonial » portuguesa que as décadas de 1930 e 1940 testemunharam foi, portanto, grandemente motivado pelo ressurgimento do interesse nacional pelos domínios ultramarinos, ao qual o Acto Colonial de 1930 veio dar expressão constitucional. Quero com isto sugerir que a realização regular, mais ou menos espectacular, de acções de propaganda e de vulgarização das « colónias » incentivou e legitimou a publicação de obras com elas relacionadas. Numa entrevista, Henrique Galvão confirmava isso mesmo : « A Exposição [de 1934], por sua iniciativa, promoveu a publicação de 120 obras, das quais a maioria dizia respeito a uma literatura científica. Quer esta somente, quer a poderosa sugestão dada pelo certame, influenciaram decerto o ambiente literário e provocaram um estímulo que, aliás, tem produzido os seus efeitos nos ulteriores concursos de Literatura Colonial » (Galvão 1936 : 4).

A « literatura colonial » portuguesa : uma visão panorâmica

5 Nessa entrevista, Henrique Galvão procedeu a uma avaliação da « literatura colonial » portuguesa. Esse é, aliás, um primeiro aspecto da entrevista que gostaria de destacar : a opinião de Galvão sobre a literatura de temática colonial, claramente denunciadora da falibilidade das intenções do regime em incutir na população portuguesa uma « mentalidade imperial ». Em parte, este é um assunto focado por António Medeiros num texto sobre a Ia Exposição Colonial Portuguesa (Porto, 1934).

6 Assinalando os escassos recursos técnicos, as débeis estruturas de modernização do país, bem como as assimetrias sociais existentes que impossibilitavam a generalidade

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da população portuguesa a visitar aquele tipo de eventos, Medeiros entendeu serem óbvias as incapacidades para um consumo apropriado dos discursos e imagens exotistas neles veiculados (Medeiros 2001: 510-511). Esta ideia surge ilustrada com uma apreciação algo desencantada de Henrique Galvão, o « director técnico » da exposição, a respeito do comportamento menos sério e compenetrado demonstrado por alguns visitantes : « […] vieram com ar de festa, com o mesmo espírito alegre e desenfadado com que vão ao arraial e ao teatro, aos touros e ao foot-ball. Diziam alguns : vamos ver os pretos… » (Medeiros 2001 : 511). Ora, também a avaliação de Galvão à « literatura colonial » que vinha sendo produzida evidenciou algum desalento, como o passo seguinte da entrevista torna claro : « Não temos uma verdadeira Literatura Colonial, pela mesma razão porque não temos pintura, escultura ou música colonial – pela mesma razão ainda porque não temos, no mundo do espírito, o ideal, o pensamento e as ideias que deveriam corresponder à importância territorial do nosso mundo colonial. Assim, temos pessoas que sentem, pensam e dominam as grandes questões espirituais e morais do império – mas não temos uma sociedade integrada na verdade do seu destino histórico. Assim, temos homens que escrevem sobre as colónias – mas não temos uma Literatura Colonial. Temos apenas algumas obras publicadas, com melhor ou pior fortuna, mérito ou demérito, sobre as coisas e as gentes das colónias » (Galvão 1936 : 3). 7 Galvão traçou aqui um retrato empobrecido da actividade literária de temática colonial (e, sobretudo, do país) e que, precisamente, surge relacionado com a desenraizada ideia de pertença a um « império » que na sua visão parecia caracterizar a sociedade « metropolitana » portuguesa. Conhecedor que era de outros « impérios coloniais » europeus, como a França e a Inglaterra, penso que as suas reservas em aceitar a existência de uma literatura, música ou pintura coloniais tiveram como referência aqueles outros contextos melhor modernizados na sua estrutura social e, portanto, culturalmente mais sensibilizados para a produção e o consumo de práticas expressivas em torno das « colónias »2.

8 Um segundo aspecto da entrevista que gostaria de destacar é aquele em que é veiculada a ideia de que a consolidação de uma actividade literária em torno das « colónias » só poderia dar-se quando os escritores demonstrassem um conhecimento profundo da realidade colonial. Para tal, defendia-se ali a necessidade de « pôr os escritores e os materiais em contacto íntimo e directo. » (Galvão 1936 : 3). Ora, no ano seguinte à publicação desta entrevista, Seara Nova deu à estampa um artigo intitulado « Grandeza e humilhação da literatura colonial » que, de forma mais fervorosa, dava continuidade aos avisos e críticas de Galvão. Para Paulo Braga, o autor do artigo, a « literatura colonial » portuguesa assemelhava-se a « uma série de notas oficiosas e de tentativas literárias, [a] uma pequena literatura regional, às vezes, e nunca [a] um aspecto importante da Literatura de um povo com projecção em todos os continentes » (Braga 1937 : 304). Segundo ele, um dos seus principais problemas residia « na falta de génio e de sinceridade » dos escritores que sendo « incapazes de escrever um artigo de jornal ou uma crónica de revista literária » tornavam-se, « com uma facilidade inaudita », figuras respeitadas do meio literário e intelectual português. Interrogando-se sobre as razões dessa situação, Braga vislumbrou na época que se vivia, marcada pela « alta cotação das emoções exóticas », a causa principal para a meteórica ascensão e reconhecimento públicos de pessoas aparentemente insipientes nas questões do « ultramar ». Naqueles anos, escrever e publicar um livro sobre as « colónias » parecia não exigir dificuldades de maior grau : bastariam, tão somente, a realização de uma

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viagem de reconhecimento ao « terreno » e a aplicação de alguns conhecimentos bibliográficos : « Quando um senhor qualquer visita duas ou três colónias numa viagem de quinze dias, o País fica a possuir mais um intelectual saturado de ciência para escrever tratados sobre as mais complexas questões da colonização, onde todos nós iremos, pouco depois, encontrar aquele estilo de sebenta e de cópia de coisas estrangeiras que as nossas Universidades cultivam carinhosamente… » (Braga 1937 : 304). 9 Ainda que formulada de maneira diferente, esta ideia reaparece mais adiante no artigo. Braga insiste, pois, na denúncia de um certo amadorismo que parecia dominar a actividade literária em torno do « império » : « Toda a gente que viu uma colónia e quer ser escritor pensa no facto de ter visto uma colónia e não pensa nunca se sabe sentir, pensar e escrever. Pega em duas ou três impressões ao acaso, mistura-as com duas ou três ideias que já foram há muito expressas por outros, arranja dinheiro ou um editor […] e publica um livro » (Braga 1937 : 304-305). 10 Mas neste contexto de críticas e apreciações globalmente desfavoráveis à actividade literária de temática colonial foram destacados alguns escritores que constituíam honrosas excepções no panorama apresentado. Maria Archer foi um dos nomes mencionados. A única mulher, registe-se.

Um périplo literário

11 Em meados de 1937, altura em que aquele artigo foi publicado, Maria Archer era já uma escritora com posição firmada no meio literário e jornalístico « metropolitanos ». Pouco tempo após ter chegado à « metrópole », vinda de Luanda, logo começou a participar em conferências e palestras de temática ultramarina : nas salas da SGL, aos microfones da Emissora Nacional, em liceus da capital e estabelecimentos militares. Apresentava também colaborações regulares em diversos jornais e revistas da época ; aliás, muitos dos seus textos de temática africana surgiram primeiramente na imprensa periódica portuguesa. Ademais, tinha já publicado África Selvagem (1935) e, em 1936, três volumes na colecção « Cadernos Coloniais » : Sertanejos, Singularidades dum País Distante e Ninho de Bárbaros. A recepção crítica a África Selvagem, o livro de estreia de Archer no domínio da « literatura colonial », não poderia ter sido mais positiva. « Excepcional revelação literária » ; obra suficiente « para impor Maria Archer como escritora, para consagrar os seus dotes de narradora perfeita » ; « maravilhoso repositório do folclore negro », foram alguns dos comentários surgidos em diversos órgãos da imprensa escrita portuguesa. Houve quem, até, destacasse o carácter singular e excepcional de África Selvagem nos seguintes termos : « Livros nacionais e estrangeiros, quadros, trechos de músicas, as narrativas de mil colonos, de militares e civis, comerciantes, funcionários públicos, jornalistas, escritores e artistas, ou de quem quer que fossem, jamais nos haviam fornecido a mais pálida sombra da África selvagem de Maria Archer »3. 12 Em 1937, foi publicado Angola Filme, o quarto dos seus seis títulos na colecção « Cadernos Coloniais ». Em 1938, a Editorial Cosmos deu à estampa dois novos « cadernos » com a assinatura da escritora : Colónias Piscatórias em Angola e Caleidoscópio Africano. Nesse mesmo ano foi também publicado Viagem à Roda da África, romance de aventuras dirigido ao público juvenil e que foi distinguido no concurso literário do Secretariado da Propaganda Nacional (SPN) com o « Prémio Maria Amália Vaz de

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Carvalho ». Dois anos depois, surgiu nas livrarias Roteiro do Mundo Português, uma obra que percorria as « províncias ultramarinas » portuguesas em África e no Oriente e cujo título constituía claramente uma alusão à Exposição do Mundo Português (Lisboa, 1940).

13 Retalhando textos já publicados, sobretudo Roteiro…, Archer compôs em seguida Herança Lusíada Archer : s.d.). Esta obra apresentava, porém, uma novidade em relação ao volume de 1940 : um prefácio assinado por Gilberto Freyre. Nesse texto, o sociólogo brasileiro destacava o « talento literário » da autora, as suas « qualidades de observação », « poder de análise » e « gosto pelo estudo do que sob o ponto de vista europeu é exótico, pitoresco ou bizarro » (Freyre s.d. : 9). Mas na minha opinião, o interesse do prefácio reside menos nos elogios que são dirigidos à autora (e que, noutros termos, alguns críticos literários da « metrópole » já tinham há muito assinalado), e mais naquilo que Freyre refere estar ausente : uma formação científica. Para o sociólogo, caso Maria Archer aliasse às qualidades acima referidas uma formação científica em antropologia poderia ser em língua portuguesa uma Margaret Mead ou Ruth Benedict. Após ter anotado essa « falha », Freyre escreve que Maria Archer « chega por vezes a dar carácter quase científico às suas impressões de gentes e culturas quer europeias, quer tropicais […] » (itálico meu) (ibid. : 10). Ora, penso que a existir essa formação científica, Freyre não teria usado o termo « quase » na formulação anterior. Assim, ao mesmo tempo que elogia a escritora portuguesa e lhe reconhece uma sensibilidade antropológica, Freyre assinala os limites epistemológicos da sua obra, vincando assim as fronteiras entre a literatura de viagens e a literatura antropológica. 14 A terminar este périplo pelos textos de temática africana de Maria Archer cabe referir que o volume Herança… foi, por sua vez, reeditado no Brasil em 1957 com o título Terras Onde se Fala Português. Maria Archer tinha, dois anos antes, fixado residência em São Paulo, ali permanecendo até 1979, altura em que regressou a Portugal. Seguiram-se África sem Luz (1962), uma antologia de contos de temática africana e, por fim, Brasil, Fronteira da África (1963) que, no essencial, reproduzia excertos de textos sobre a história e a « actualidade » angolanas anteriormente publicados na colecção « Cadernos Coloniais ».

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Maria Archer. Desenho de Inês Guerreiro publicado no jornal Acção de 10 de Agosto de 1944

T(r)ópicos da masculinidade

15 Aquela colecção constitui um bom exemplo para se perscrutar melhor o que era a « literatura colonial » portuguesa. Conforme as palavras dos editores, a colecção pretendeu ser uma publicação « vulgarizadora das colónias » nos seus aspectos artísticos, históricos e etnográficos ; no fundo, era também esse o propósito da chamada « literatura colonial ». Centrada em dois grandes tópicos – a descrição de paisagens, usos e costumes indígenas e a narração de episódios da história colonial portuguesa, invariavelmente associados a figuras masculinas – aquela colecção publicou quer textos de escritores que conheciam a realidade das « colónias » (como era o caso de Maria Archer), quer textos de pessoas ligadas à vida missionária, militar e administrativa ultramarinas. Quero com isto dizer que os volumes publicados nem sempre foram redigidos por escritores « profissionais » ; o mesmo se passava na « literatura colonial » em geral. Com efeito, uma parte significativa dessa literatura surge assinada por militares, funcionários da administração colonial, missionários, meros colonos, etc., que tendo vivido ou viajado pelo « ultramar português » acharam oportuno registar, se não mesmo capitalizar, as suas impressões e experiências pessoais, ou utilizá-las como fonte de inspiração para a criação de textos ficcionais : romances, novelas, contos, etc., de motivos exóticos. É que para além de um leque bastante diversificado de autores, encontramos também obras muito variadas. Ou seja, do romance ao conto, passando pela poesia, dramaturgia, crónicas de viagem, memórias, relatos da vida militar e da actividade missionária, entre outras classificações possíveis, a literatura de temática colonial espraiou-se por muitos géneros e formas de escrita, seduziu diferentes editoras e públicos.

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16 Ademais, há um outro elemento caracterizador dessa literatura que interessa ser sublinhado : a predominância de autores masculinos. Este aspecto é imediatamente perceptível se, por exemplo, atentarmos no rol de colaboradores da colecção « Cadernos Coloniais ». Ou seja os textos publicados naquela colecção (cerca de 70) foram, na sua esmagadora maioria, assinados por homens. Maria Archer foi a única mulher que ali colaborou. Face a essa hegemonia masculina, importa saber como a escritora tornou credíveis as suas impressões e conhecimentos sobre a « África Colonial Portuguesa » junto dos leitores e críticos « metropolitanos » e, ao fim e ao cabo, consolidou um nome, uma posição naquele particular domínio das letras portuguesas. Repare-se que não é apenas o exercício, por uma mulher, de uma literatura cuja produção era maioritariamente de autoria masculina que deve ser tido em consideração na reflexão que fizermos sobre a sua obra. A meu ver, há também que ter em conta todo um conjunto de discursos acerca dos projectos de exploração e colonização portugueses que, por exemplo, destacaram as acções de figuras masculinas e elidiram, ou pelo menos marginalizaram, a participação das mulheres. A própria prática de viagem, inerente a esses empreendimentos, foi culturalmente apreendida como apropriada à identidade de género masculina já que pressupõe o abandono temporário, ou prolongado, do espaço doméstico e privado – esferas, por excelência, de apropriação feminina nas construções históricas ocidentais da feminilidade. Ora, foi precisamente por se considerar que o lugar da mulher era em casa, que a história do seu movimento foi ignorada (McDowell 1999 : 205) e só nas últimas décadas começou a ser estudada. 17 De passagem, anoto que viajar não só não foi uma prática reservada aos homens, « brancos », como também o não foi exclusivamente das classes aristocratas e burguesas, apesar de os discursos hegemónicos assim o fazerem crer (Clifford 1997 : 33). Com efeito, nas suas viagens científicas e de exploração, homens e mulheres faziam-se acompanhar pelos seus criados, guias, intérpretes, carregadores, etc., cujas identidades de « raça » e de classe social não eram certamente comuns. Poder-se-á, então, afirmar que a noção de viagem, além de ter sido masculinamente « engendrada », foi também conceptualizada com identidades de « raça » e de classe que, conforme sublinhou Nicholas Thomas, suprimiram não apenas as vozes dos colonizados, como também as de muitos colonizadores, designadamente as vozes femininas e as de classes sociais menos privilegiadas (Thomas 1994 : 156). 18 De entre os discursos masculinizadores da acção e reflexão coloniais estão também as representações e os estereótipos veiculados sobre o continente africano. Quer a literatura de viagens, quer os discursos « científicos » produzidos ao longo do século XIX, imaginaram e construíram o chamado « Continente Negro » como a antítese da Europa « civilizada » e « moderna ». No imaginário popular, África representava um espaço de doença, morte, violência e barbárie, hostil à presença de « brancos », sobretudo de mulheres « brancas ». Ou seja, porque pretensamente inóspito, perigoso e socialmente desregrado, o continente africano e muito especialmente o seu interior não era um lugar apropriado para uma mulher « branca » (McEwan 1994 : 74). Vemos assim que os rumores e os estereótipos da primitividade tradicionalmente associados a este continente foram, em grande parte, construídos e reiterados através da sublimação das diferenças de género. 19 Em suma, sobre o imenso território por onde Maria Archer viajou durante as primeiras décadas do século XX (e sobre o qual reflectiu e escreveu) circulavam diversos constrangimentos à sua identidade e subjectividade femininas ; aliás, todo o universo

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referencial à actividade literária de temática colonial era profundamente masculino. Como demonstrar, então, um conhecimento profundo das « colónias » sem evidenciar as práticas de mobilidade a ele necessárias ? Como fazer a divulgação dos seus aspectos históricos, etnográficos, etc., sem enveredar por saberes socialmente apreendidos como do domínio da aprendizagem e da reflexão masculinas ?

Entre a « metrópole » e as « colónias »

20 Retomemos, por agora, o artigo de Paulo Braga. Como foi dito, Maria Archer é ali apresentada como um dos poucos nomes que dignificava a « literatura colonial » portuguesa. Essa convicção aparece sustentada no facto de a escritora ter vivido « nas » e « as colónias durante anos » (Braga 1937 : 305). De facto, corria o ano de 1910 quando Maria Archer acompanhou os pais naquela que seria a sua primeira viagem a África. O destino foi a ilha de Moçambique, na altura a capital da província. Um passo de Roteiro do Mundo Português evoca essa experiência : « Vivi nela três anos, de 1910 a 1913, época em que o interior do distrito ainda nos parecia aterrante e misterioso, em que os brancos só se sentiam em segurança perfeita fechados no aro de coral da ilha. No continente mal se passava além do litoral. Temia-se o sertão, a terra negra e o selvagem » (Archer 1940 : 195). 21 Passados aqueles três anos na « ilha de coral branco », como Archer lhe chamou, a família regressou à « metrópole », vivendo uma temporada na linha de Cascais. Mas em 1916, partem novamente para África. Outra antiga « colónia » portuguesa lhes marca o destino : « a Guiné maravilha », a « verdadeira África misteriosa » (Archer 1940 : 43). Em Roteiro... vamos encontrar descritas a aproximação do navio ao Arquipélago dos Bijagós, bem como as primeiras impressões da escritora sobre a paisagem e os nativos avistados a bordo : « Para quem chega por mar à Guiné o assombro começa mal a terra se avista. Os Bijagós surgem no horizonte, deixam-nos aproximar e envolvem-nos. É formado por um numeroso arquipélago de ilhas e ilhéus rasteiros à agua, verdes e misteriosos, ricos duma exuberância tropical de matas ondulantes e cerradas. O navio sinua entre as suas ilhas até atingir o porto de Bolama, ou o de Bissau, e despejar o seu carreto de carga e passageiros. E nós, durante a travessia exótica, vamos mirando os ramalhetes de matas mal saídos do mar, com seus tufos de palmeiras aqui e além, e sua orla de praia, e os indígenas, negros e semi-nus, de pé, estáticos, na beira da praia, contemplando o navio, o seu rolo de fumo, o cachão da sua proa, e pensando, decerto, no despojo magnífico dum naufrágio possível » (Archer 1940 : 44). 22 Já o momento do desembarque no porto de Bolama é-nos relatado em Caleidoscópio Africano : « Cheguei a Bolama no amanhecer dum dia brumoso. O piloto, prático indígena, atirou o navio sobre os bancos da barra. Embriagava-se regularmente e os barcos às suas ordens encalhavam com a mesma regularidade. Esperou-se pela praia-mar para safar o navio e com a ajuda de Deus conseguimos demandar o porto. Foi assim o meu primeiro contacto com o gentio da Guiné. Um escaler a remos levou-me do navio a terra. Desembarquei. A ponte, amontoado de traves, assentava em pilares de madeira mal acepilhada, com informes pranchões em cima. Largos espaços entremeados a meio escavavam abismos onde os pés se perdiam, ora um, ora outro » (Archer 1938a : 15-16). 23 Após terem vivido um ano na ilha de Bolama, Maria Archer e os pais mudaram-se para a vizinha ilha de Bissau, onde permaneceram também cerca de um ano :

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« Fui habitar a melhor casa da terra, o prédio grande do Cabral, ao topo da povoação, résvés da selva onde os "papéis" escondiam o sangue e as ruínas da derrota. A menos de cem metros avistava-se a armadilha das panteras. Bastas vezes, ao amanhecer, o borborinho da rua avisava-me que a armadilha fechava hóspede » (Archer 1938a : 22). 24 Seguiu-se um novo período de residência na « metrópole ». Mas em 1921, a jovem jornalista que entretanto se casara regressou a Moçambique. O casal fixa-se, então, no Ibo e ali vive cerca de cinco anos. Em 1926, regressam a Portugal e em Trás-os-Montes vivem os últimos anos de vida conjugal. Por volta de 1930, Maria Archer, já divorciada, parte para Angola. Durante quatro, cinco anos, reside em Luanda, começando aí a consolidar a sua carreira literária. Em meados da década de 1930, regressa a Lisboa e, de acordo com uma crónica jornalística publicada por altura da sua morte, depressa se torna « […] o caso do dia nos cafés, nas redacções, no teatro, nos salões de chá e nas livrarias. A sua presença e beleza físicas, as suas respostas prontas, a inteligência viva, a cultura, o amor ao livro, o tratar frontal de problemas sociais e coloniais por uma mulher que vinha das colónias e que queria ser interveniente e se tornara objecto de admiração, fizeram escândalo. Não era conformista e isso a afastou de muitos meios oficiais e de muitos salões de tertúlias, arrastando-a para os contactos com a Oposição » (Rêgo 1982 : 3). 25 Com efeito, a difícil convivência com o regime político do Estado Novo obrigou-a a emigrar para o Brasil em 1955.

26 Entre 1910 e meados da década de 1930, portanto, Maria Archer viveu uma prolongada experiência de trânsito entre a « África Portuguesa » e a « metrópole ». Para Braga, a qualidade da sua obra literária resultava dessas múltiplas experiências de vida nas « colónias », as quais a escritora procurou tornar visíveis através de relatos de natureza autobiográfica e memorialística. Importa aqui recordar que outras individualidades ligadas à vida colonial portuguesa mereceram também o reconhecimento de Paulo Braga. Foram elas Viana de Almeida, Julião Quintinha, Norton de Matos, Alfredo Felner, Gastão Sousa Dias e Alves Correia. Esse reconhecimento sustentou-se no facto de também eles terem conhecido « em profundidade » a realidade africana. « Tinham as colónias no sangue », « viveram as colónias », « viveram a África », são algumas das expressões utilizadas para conferir autoridade à produção literária desses autores. Essas expressões poderão ser melhor compreendidas quando cotejadas com um outro passo do texto onde é criticada a superficialidade do trabalho da maioria dos escritores colonialistas : « […] vêem – mas não sentem a vida colonial. Andam pelos "climas" diferentes – mas não param. Não vivem a existência das colónias em profundidade » (Braga 1937 : 305). 27 Na linha de Galvão que pouco tempo antes tinha defendido a urgência do « contacto íntimo e directo » entre os escritores e o « ultramar », também Braga veio reafirmar a necessidade daqueles conhecerem, pelo seu próprio pé, os « domínios ultramarinos » portugueses. A produção de conhecimentos avalizados sobre as « colónias » exigia, portanto, uma experiência empírica, personalizada no « terreno » ; mas uma experiência que deveria ir além do reconhecimento meramente turístico das paisagens e gentes « ultramarinas ».

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« Menina e moça » em África

28 Considero, assim, que a dimensão autobiográfica que marca a obra de Maria Archer deve ser pensada à luz dos discursos contemporâneos que valorizavam uma produção literária de temática colonial sustentada na experiência empírica do « terreno ».

29 Efectivamente, os seus textos não descuidaram reiteradas alusões às várias estadas na « África Portuguesa » e que somadas perfizeram um período de 14 anos, segundo os cálculos da própria autora. Nas páginas finais de África Selvagem, essa experiência de vida aparece vagamente relatada nos termos seguintes : « Menina e moça fui para a terra africana. No país do sol vivi anos dilatados » (Archer 1935 : 237). No volume Roteiro… a experiência africana da autora é novamente evocada. Ali, precisa o número de anos vividos em solo africano e afiança ao leitor conhecer todos os domínios portugueses naquele continente : « A vida levou-me, desde menina e moça, às terras africanas por onde peregrinei durante catorze anos. Indo e vindo, fiz duas vezes o périplo da África. Conheço as nossas cinco colónias desse continente » (Archer 1940 : s.p.). 30 Em outros volumes vamos reencontrar novas versões narrativas alusivas à experiência colonial de Maria Archer. Em qualquer uma delas, o enunciado « menina e moça » – que Ana P. Ferreira (1996) sugeriu ser uma evocação da obra homónima de Bernardim Ribeiro – persiste como marca autoral, precisamente a sublinhar a condição feminina da autora. Da mesma forma, repetem-se as referências ao período de tempo passado em África e as garantias de conhecimento das diferentes « colónias » e geografias africanas. Atente-se, pois, nos três trechos seguintes, correspondentes a diferentes obras : « O acaso de ter vivido em África […] na meninice, na juventude, na maturidade, gessou o meu amor pelos trópicos e temperou a minha lança defensiva da gesta do colono lusíada. Que eu não sou mero observador da colonização portuguesa de além-mar – sou colono. Passei em África, embora intercalados, mais de catorze anos ; habitei nas cidades e nos povoados do seu litoral como nos do sertão ; andei pelos matos da Guiné, de Angola, de Moçambique ; fiz duas vezes o périplo do continente e varei-o até à espinha dorsal […] » (Archer s.d. : 13). « A vida levou-me, desde menina e moça, às terras africanas, por onde peregrinei durante catorze anos. Com as viagens de ida e volta, realizei, por duas vezes, o périplo da África ; pela estrada de ferro e no automóvel atravessei-o até às regiões centrais, a mil e trezentos quilómetros do Atlântico. Conheço bem as cinco províncias portuguesas do continente negro […] (Archer 1957 : 9). « No 1º quartel deste século, era eu menina, meu pai foi colocado na gerência dum Banco de Moçambique. Daí derivou a minha odisséia de africanista. Indo e vindo, passando uns tempos em Portugal, outros na África, foram-se catorze anos da minha vida na terra tropical […] (Archer 1963 : 121). 31 Nestes vários relatos, é nítida a intenção da autora em evidenciar as suas experiências de vida em África, ficando subentendido nas entrelinhas que dessas várias vivências e contactos pessoais com as « colónias » resultou a produção de impressões e saberes avalizados a seu respeito.

32 Por outro lado repare-se que além de se afirmar « colono » (« Que eu não sou mero observador da colonização portuguesa de além-mar – sou colono »), Maria Archer procurou também realçar a sua condição de mulher viajante ao fazer uso de um conjunto de termos sinalizadores de práticas de mobilidade e itinerância : « indo e vindo », « ida e volta », « andar », « atravessar », « varar », « périplo », « peregrinação », « odisséia », « estrada de ferro », « automóvel ». A meu ver, a

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utilização destes termos não é inocente ou gratuita ; pelo contrário, ao serem precedidos por um sujeito narrativo feminino (« menina e moça ») parecem ironizar com a pretensa exclusividade masculina da prática de viagem. 33 O incessante sublinhar de uma experiência autobiográfica no « terreno » tem, ao fim e ao cabo, a função de creditar os textos junto do público leitor e das instituições que garantem a sua divulgação e circulação. Esta sugestão de leitura inspira-se numa formulação de Clifford Geertz (1989) a respeito dos artifícios retóricos e estratégias narrativas que povoam as monografias etnográficas. Diz Geertz que os antropólogos necessitam de convencer os leitores de que aquilo que escrevem resulta de terem podido penetrar (ou, se preferirem, terem sido penetrados por) outra forma de vida, de terem, de um ou de outro modo, realmente « estado lá ». A escrita, acrescenta Geertz, tem aqui um papel determinante : o de convencer, de persuadir o leitor de que aquele « milagre invisível » aconteceu (Geertz 1989 : 14). Ora, essa foi também uma preocupação de Maria Archer : tornar visível a sua efectiva presença física nas « colónias », quer na condição de residente, quer na condição de viajante por forma a dotar de autoridade a panóplia de conhecimentos veiculados nos seus textos. Os vários trechos citados na secção anterior ilustram bem essa dimensão autobiográfica que caracteriza a obra de Maria Archer. Afinal, foi ela que tornou possível reconstituirmos e acedermos a alguns episódios da experiência africana da autora.

Uma literatura de compromisso

34 Mas outras dimensões, outras escritas de natureza menos subjectiva e pessoal povoam a literatura de temática africana de Maria Archer. Na verdade, os seus textos evocam episódios da história colonial portuguesa, narram lendas e contos de temática africana, descrevem paisagens, gentes e culturas exóticas, veiculam conhecimentos de teor etnográfico e críticas à administração colonial portuguesa. Trata-se, afinal, de textos que misturam e intercalam vários tipos de discursos, cruzando os terrenos da história, da etnografia, da política, da geografia, da literatura autobiográfica, da ficção, etc. Ao fim e ao cabo, aquilo que pretendo sugerir é que Maria Archer procurou ir ao encontro do objectivo primeiro da « literatura colonial » portuguesa : a divulgação da história e da actualidade das « províncias ultramarinas » de acordo com aquilo que eram as pretensões dos discursos hegemónicos. De facto, Archer ora escreveu sobre a sua história e geografia, ora desfiou impressões sobre as suas gentes e culturas, na tentativa de despertar « o gosto e o desejo » dos jovens pelos « enormes prolongamentos da Pátria » (AGC 1926 : 10). Colónias Piscatórias em Angola é, nesse aspecto, um texto exemplar uma vez que se dirige à « gente nova » da « metrópole ».

35 Apresentado como « trabalho de vulgarização » da indústria pesqueira angolana, esse texto visou encorajar a emigração de jovens para Angola e o investimento de capitais naquela « colónia ». Com esse objectivo em vista, a autora entendeu ser necessário munir os seus leitores de um conjunto de informações e de conhecimentos por si adquiridos sobre aquela actividade. De forma didáctica, Maria Archer cumpriu essa tarefa em várias frentes : sintetizou as características naturais de Angola ; explicou como se pesca e prepara o peixe seco ; indicou as nomenclaturas dos diferentes espécimes de peixes ; descreveu os aparelhos e as técnicas de pesca mais utilizadas ; referiu os mercados mais importantes e as indústrias paralelas, etc. Por outro lado, endereçou um conjunto de propostas ao Governo de Lisboa com o intuito de tornar

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aquela indústria mais competitiva : injecção de capitais, envio de técnicos e de pessoal consular, criação de escolas de pesca, financiamento de pesquisas oceanográficas, entre outras. Pelo teor das críticas e sugestões apontadas, Colónias... impôs-se, do início ao fim, no domínio masculino e público da política e da administração colonial portuguesa. Naquele, mas também em outros textos, a pena da escritora foi comandada por interesses económicos e por uma visão mercantilista da colonização. 36 Segundo Ferreira (1996), os discursos coloniais hegemónicos trabalharam uma « ideologia da diferença sexual », a qual atribuía à mulher uma propensão natural « para representar a verdade íntima e moral do negro, por oposição aos interesses legais, políticos ou científicos a que obedeceria a representação masculina » (Ferreira 1996 : 89). Esta é uma ideia presente no prefácio de José Osório de Oliveira ao livro Feitiços (1936) de Guilhermina de Azeredo, uma escritora contemporânea de Maria Archer que vivera vários anos em Benguela. Nas palavras de Osório de Oliveira : « a mulher, por natureza e condição, é mais sensível ao sofrimento alheio e está apta, por isso, a compreender a alma sofredora dos negros. Estes são para o colono, para o funcionário, para o militar e até para o padre, seres que precisam de direcção. Para a mulher são criaturas humanas que precisam de simpatia » (Oliveira 1935 : 13-14). 37 A empatia da figura feminina com « os negros » facilitaria a sua incursão « no mistério vedado àqueles que [os] estudam [...] com pretensões científicas », ou que os consideram seres a evangelizar e a civilizar. O contributo da mulher seria, em última análise, « uma experiência emotiva, portanto marginal do ponto de vista científico- racional » (Ferreira 1996 : 90).

38 O leitor informado por essa « ideologia da diferença sexual » esperaria, então, encontrar « emoções » nos textos de Maria Archer e não factos e argumentos sobre as paisagens e as gentes pretensamente primitivas das « colónias ». Contudo, não é isso que acontece, ou não é exclusivamente isso que acontece para ser mais rigorosa. Como já foi dito, Maria Archer transita pelos saberes da história, da etnografia, da geografia, da política colonial, etc., transgredindo assim o terreno das « emoções » onde supostamente deveria permanecer. Na minha opinião, é essa mescla de escritas que torna mais complexa a presença destas escritora na « literatura colonial » portuguesa. 39 Foi, certamente, à luz dos constrangimentos de género que se abatiam sobre a sua condição feminina que a autora de Caleidoscópio registou o seguinte apontamento : « Eu sou apenas artista, com a pena ao serviço da sensibilidade, e não gosto de meter o bedelho em assuntos fora do meu ofício ; por isso me abstenho de gabar com números na mão o valor económico dos planaltos de Angola » (Archer 1938a : 39). 40 Ora, este é um procedimento retórico habitual em Maria Archer. Repare-se : a fechar o volume Angola... encontra-se uma « nota da autora » onde se pode ler o seguinte : « Estes apontamentos foram escritos com o maior cuidado ; mas a autora que não é historiadora, não garante a precisão das datas que indica, nem a veracidade dos informes que colheu. » (Archer 1937 : 40). Também Sertanejos alerta o leitor para a eventual existência de imprecisões nas matérias abordadas, assinalando o carácter despretensioso das informações registadas : « A minha ignorância em assuntos de linguística é absoluta e não quero intrometer- me no que não entendo. Conto apenas um ligeiro pormenor que observei (…). Um depoimento pessoal, sem quaisquer pretensões, não pode ser acusado de pedantismo. » (Archer 1936a : 32).

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41 Através destes enunciados, Maria Archer refuta pretensões literárias intelectualmente mais elevadas e inscreve-se enquanto uma voz feminina e sensível que procura alhear- se de domínios que diz não conhecer. Mas a meu ver, esta estratégia textual não deixa de ser artificiosa e de estar carregada de ironia uma vez que toda a sua obra de temática africana se imiscui nos mais variados domínios e campos do saber. Aquilo que a um primeiro olhar parecia o exercitar da modéstia ou, como melhor entendeu Ferreira, « uma espécie de auto-defesa motivada pela insegurança da escritora face às expectativas da instituição literária em geral e do discurso colonial em particular » (Ferreira 1996 : 91), é também, na minha opinião, uma resposta irónica aos constrangimentos de género vigentes. Artifícios e estratégias de uma mulher que, no terreno da escrita, teve que tornar crível uma vivência fora da « metrópole » através da inscrição da sua subjectividade feminina e, por outro lado, demonstrar proficiência em assuntos socialmente compreendidos como resultantes de aprendizagens masculinas por forma a consolidar um lugar na « Literatura Colonial Portuguesa ». É nesse espaço de tensão e compromisso que situo a produção africanista de Maria Archer.

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NOTAS

*. Este texto resulta de um processo de reescrita de parte da minha dissertação de mestrado (Martins 2002). 1. . As limitações de espaço não permitem referenciar toda a produção literária e jornalística da escritora que, de facto, muito escreveu e publicou em diversos domínios. Para um conhecimento exaustivo da obra desta escritora, tanto no domínio específico da « literatura colonial », quanto fora dele, ver Botelho 1994. 2. . Veja-se o tratamento desta questão em relação à exposição de 1934 (Medeiros 2001: 510 e sq.) 3. . Estas apreciações a África Selvagem podem ser consultadas em Archer 1938.

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RESUMOS

De 1910 a meados da década de 1930, Maria Archer viveu entre a « África Portuguesa » (Moçambique, Guiné e Angola) e a « metrópole ». Nos anos seguintes, tornou-se um dos nomes mais importantes e respeitados da « literatura colonial » portuguesa. O objectivo primeiro deste artigo é contribuir para o conhecimento das experiências e literatura coloniais desta escritora, problematizando-as à luz da hegemonia masculina que marcou a produção de conhecimentos e a reflexão pública sobre o « império ».

De 1910 au milieu des années 1930, Maria Archer a partagé sa vie entre l’« Afrique Portugaise » (Mozambique, Guinée et Angola) et la « métropole » . Les années suivantes, elle est devenue l’un des écrivains les plus importants et les plus respectés de la « littérature coloniale » portugaise. L’objectif principal de cet article est de contribuer à la connaissance des expériences et de la littérature coloniales de cet auteur, en exposant leur problématique à la lumière de l’hégémonie masculine qui a marqué la production de connaissances et la réflexion publique sur l’ « empire ».

From 1910 to the mid-1930s, Maria Archer lived between « ortuguese Africa» (Mozambique, Guinea and Angola) and Portugal. In the following years, Archer became one of the most important and respected Portuguese colonial writers. The main goal of this article is to increase knowledge of her colonial experiences and writings from a critical standpoint, focusing on the issue of male hegemony in the production of knowledge and public thinking about the «empire».

AUTOR

LEONOR PIRES MARTINS

Departamento de Antropologia. Instituto Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa, Lisboa. Fundação para a Ciência e a Tecnologia

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Être femme de rois karanga à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle Ser mulher de reis karanga nos finais do séc. XVI e no início do séc. XVII Wife of a Karanga King in the Late 16th and Early 17th Centuries

Florence Pabiou-Duchamp

1 Certains Portugais du Sud-Est africain (voir carte n° 1), territoire compris entre la baie Delagoa et le cap Delgado, sont considérés, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, comme les femmes du Mwene Mutapa et du Quiteve, souverains des royaumes shona karanga1 au sud du Zambèze (carte n° 2). C’est du moins ce que rapporte le dominicain portugais João dos Santos dans l’Ethiopia Oriental, œuvre qu’il publie à Évora en 1609 (Santos 1999).

2 Les Portugais sont présents dans le Sud-Est africain depuis le début du XVIe siècle et y possèdent comptoirs et forteresses le long du littoral et en amont du Zambèze. L’île de Moçambique, tête de pont de cette région, constitue une escale importante sur la route des Indes entre Lisbonne et Goa, capitale de l’Inde portugaise. À la suite de l’expédition militaire envoyée par le roi Dom Sébastien (1557-1578) dans les années 1570, les Portugais établissent de véritables relations commerciales avec les royaumes de l’intérieur. C’est à cette époque que certains d’entre eux apparaissent dans les sources historiques comme les femmes des rois karanga. 3 L’étude de ce cas suggère un certain nombre de questions. L’appellation de « femme de roi karanga » renvoie-t-elle seulement à un titre ? Quel rôle remplissent ces Portugais auprès du Mwene Mutapa et du Quiteve ? D’une manière plus générale, que signifiait être femme des rois karanga, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle ?

4 Différentes sources peuvent être mobilisées pour cette étude. La principale d’entre elles, et certainement la plus précise à ce sujet, est l’Ethiopia Oriental de João dos Santos. Il séjourna en effet onze ans sur la côte Sud-Est africaine entre 1586 et 1597 et, de retour au Portugal en 1600, il rédigea ce long texte, certainement à la demande de son ordre. C’est le premier document d’une telle valeur empirique que nous possédions pour cette région. On peut également utiliser les Décadas des deux archivistes et chroniqueurs de l’Inde, Diogo do Couto (1594-1604) et António Bocarro (1631-1643),

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écrivant respectivement sur les années 1560-1570 et 1612-1617 (Bocarro 1992 ; Couto 1975). Alors que le premier se situe quelques années avant l’arrivée de João dos Santos dans la région, le second est à lire véritablement dans la continuité du dominicain : António Bocarro utilise les derniers textes de João dos Santos, écrits lors de son second séjour dans le Sud-Est africain, qu’il consulte aux archives de l’État de l’Inde à Goa2. Le Livre des plans de toutes les forteresses, villes et villages de l’État de l’Inde orientale d’António Bocarro (1992) est utile pour notre propos, ainsi que l’Itinerário du Hollandais Jan Huygen van Linschoten (1997). Enfin, mentionnons d’autres documents, en particulier des correspondances, que je citerai plus précisément le cas échéant.

Des Portugais vassaux de rois africains

5 Tous les Portugais concernés par le titre de « femme de roi » sont des figures du Sud-Est africain et se distinguent par leur fonction. La plupart d’entre eux sont des personnages publics. Cependant, une hiérarchie est perceptible. Parmi les Portugais femmes des rois karanga, un seul se détache comme « grande femme du Mwene Mutapa » [sua mulher grande] (Santos 1999) – les autres n’étant que femmes. Il s’agit du capitaine de Massapa (carte n° 2) – foire située au cœur du royaume du Monomotapa – également nommé « capitaine des portes ».

Le capitaine des portes, « grande femme » du Mwene Mutapa

6 Ce capitaine est à la tête d’une charge reconnue par les Karanga du royaume du Monomotapa et les Portugais de Sena et de Tete. Élu par les marchands de ces deux villages, avec l’aval du capitaine de Moçambique – le plus haut représentant de la couronne portugaise dans le Sud-Est africain – il est confirmé dans sa fonction par le roi de ce royaume, le Mwene Mutapa lui-même. Le véritable intitulé de sa fonction est « capitaine des portes », car Massapa matérialise la frontière au-delà de laquelle les Portugais ne peuvent plus circuler librement. Il est ainsi le gardien d’un territoire plus restreint au sein même de ce royaume : ceux qui veulent y pénétrer doivent obtenir son autorisation (Couto 1975 : 272-274 ; Santos 1999 ; Bocarro 1992 : 23). Les pouvoirs dont il dispose lui sont conférés par le Mwene Mutapa et le vice-roi de l’Inde. Il est le facteur [feitor] du premier, commerçant en son nom et recueillant tous les droits sur les marchandises ; il a également juridiction sur les Shona vivant et circulant sur son territoire. Grâce au second, il est placé à la tête de tous les Portugais résidant et circulant sur son territoire, et possède les mêmes prérogatives que tout capitaine portugais3.

7 L’origine du capitaine des portes est incertaine. À ma connaissance, le premier à mentionner cette fonction est Diogo do Couto (ibid.). Pour les historiens W.G.L. Randles et A. da Silva Rego, cette charge existerait dès 1560, puisqu’ils voient dans la personne d’António Caiado, marchand portugais présent à la cour et ami du Mwene Mutapa, un capitaine des portes4. Tous deux se basent sur la lettre du jésuite, Luís Fróis5, qui relate les circonstances de l’assassinat du missionnaire Gonçalo da Silveira et explique comment le Mwene Mutapa de l’époque fit un grand honneur au jésuite en l’acceptant à l’intérieur de sa maison pour converser avec lui. Il précise également qu’António Caiado, « de la porte », sert d’interprète6. Pourtant il me semble qu’il n’est pas cité ici comme « capitaine des portes » mais comme se trouvant dans l’encadrement

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de la porte, ce qui met en lumière une différence de traitement entre le marchand et le jésuite, ce dernier bénéficiant d’un traitement de faveur ostensible. Par ailleurs, Luís Fróis mentionne « la maison » d’António Caiado à la cour7, ce qui implique qu’il y réside ; or le capitaine des portes vit à Massapa. C’est pourquoi je ne pense pas qu’António Caiado remplisse cette charge en 1560. Par ailleurs, l’historien M.D.D. Newitt le présente comme un sertanejo, c’est-à-dire comme un Portugais de l’intérieur, et non comme un « agent » de la couronne, un capitaine nommé par les représentants du pouvoir royal (Newitt 1973 : 37). Dans la mesure où aucun document ne mentionne cette charge auparavant, son origine remonterait donc plutôt aux années 1570, moment où Portugais et Shona définissent les termes de leurs relations. 8 Ainsi, au-delà du débat autour de son origine, la charge de ce capitaine des portes est extrêmement importante dans l’organisation politique et territoriale du royaume du Monomotapa. Il est en effet le gardien de l’entrée d’un territoire plus restreint, où se trouve la cour – António Bocarro indique que celle-ci n’est séparée de la foire que par les montagnes Matarira (Bocarro 1976 : 546).

Les Portugais, femmes du Mwene Mutapa et du Quiteve

9 Les capitaines portugais du Sud-Est africain sont définis comme simples « femmes des rois karanga ». Il s’agit des capitaines de Moçambique, de Sofala, de Sena et de Tete. Quelques particularités sont cependant à relever : le capitaine de Moçambique est à la fois femme du Quiteve et femme du Mwene Mutapa. Le cas du capitaine de Tete est également à préciser. Peu après 1573, le Mwene Mutapa aurait conquis par les armes le royaume d’Inhabazoe – royaume où se trouve le fort de Tete – et l’aurait réparti, selon João dos Santos, entre quelques-uns de ses vassaux. Le capitaine de Tete de l’époque aurait bénéficié de cette distribution (Theal 1898 : 340). Dès lors, les Shona vivant sur ces terres auraient considéré ces capitaines comme leurs rois (Santos 1999).

10 Enfin, un dernier Portugais, à ma connaissance, porte ce titre. Il s’agit de Rodrigo Lobo (ibid.), seigneur de l’île de Maroupe8, octroyée par le Quiteve en gage d’amitié qui « en même temps, lui donne le titre de femme » (ibid.) et le place à la tête d’esclaves et de vassaux. Son statut reste inconnu. Il s’agit certainement d’un marchand dans la mesure où ces derniers entretenaient de véritables contacts, parfois amicaux, avec les rois de l’intérieur. On peut, par exemple, citer à nouveau le cas d’António Caiado, présenté dans la documentation portugaise comme un ami du roi9. Rodrigo Lobo n’est pas forcément un casado10, du moins João dos Santos ne le présente pas comme tel. Même si Jan Huygen van Linschoten précise que les Portugais désirant commercer à Moçambique, doivent, sur ordonnance royale, se marier et vivre sur place afin de pérenniser le peuplement (van Linschoten 1997 : 83), António Bocarro mentionne des célibataires vivant à Sena (Bocarro 1976 : 535). Enfin, il peut également s’agir d’un métis. Pour l’instant, aux vues de la documentation à notre disposition, rien ne permet de définir précisément le statut de cet individu. 11 On peut mettre en parallèle le cas de Rodrigo Lobo avec celui, plus tardif, de Diogo Simões Madeira, casado de Tete ( ibid. : 547 ; Newitt 1973 : 49-52). En 1607, le Mwene Mutapa lui octroie les mines d’argent de Chicova et le royaume d’Inhabazoe afin de le remercier pour les services rendus dans les guerres menées contre certains de ses vassaux rebelles (Bocarro 1976 : : 549-551). Il ne semble cependant pas avoir bénéficié du titre de « femme du Mwene Mutapa » – du moins aucun texte, à ce jour, ne le précise.

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Cependant ce cas confirme le fait que les rois de l’intérieur offraient des territoires à certains Portugais, s’assurant ainsi de leur fidélité. Cette pratique laisse entrevoir un système de clientélisme instauré par les souverains karanga et auquel participent les Portugais.

Des seigneurs

12 Ces Portugais « femmes des rois karanga » ont entre eux un point commun : tous sont seigneurs d’un territoire précis. Sauf dans les cas de Rodrigo Lobo et de Diogo Simões Madeira, tous ont une fonction politique attachée à leur terre : ce sont des capitaines portugais, relais du pouvoir ibérique dans le Sud-Est africain. Deux d’entre eux, le « capitaine des portes » et le capitaine de Tete, sont également reconnus comme seigneurs par le Mwene Mutapa : ce dernier doit approuver l’élection du capitaine des portes ; il octroie lui-même au capitaine de Tete une grande partie du royaume d’Inhabazoe. Tous ont sous leur juridiction des populations de statut différent : des Portugais (casados ou non), des Shona (vassaux ou esclaves), des musulmans (vassaux). Pour quelle raison sont-ils appelés « femmes des rois karanga » et, d’une manière plus générale, quel est le statut des femmes au sein de l’institution royale karanga ?

Femmes et royautés karanga

13 Les sources portugaises s’accordent pour affirmer que les rois karanga ont de nombreuses femmes11. Contrairement au système monarchique européen, l’institution de la royauté en pays shona karanga n’est pas symbolisée par un couple référent.

Des seigneurs au féminin

14 Chaque roi est entouré de nombreuses femmes dont certaines se distinguent comme « grandes femmes » [mulheres grandes]. Pour João dos Santos et António Bocarro, ces dernières sont « comme des reines » (Santos 1999 : I-I-5 ; Bocarro 1976 : 539). Au regard des informations à notre disposition, deux exemples peuvent être étudiés ici : ceux des royaumes du Monomotapa et du Quiteve.

15 António Bocarro est relativement précis en ce qui concerne le royaume du Monomotapa. Le Mwene Mutapa a autour de lui une dizaine de « grandes femmes » qui sont ses parentes, ses sœurs ou les filles des rois ses vassaux (Bocarro 1976 : 537-539). La première citée, Inhacanemba, se trouve à la tête du royaume de Mungussy, un des royaumes vassaux retenu comme « principal » dans l’énoncé de António Bocarro. Ce territoire est situé en dehors du Mocaranga, où réside le Mwene Mutapa avec sa cour (ibid. : 537). Sur ce dernier, vivent, toujours d’après l’archiviste, neuf autres « grandes femmes », dont une seule « véritable femme », Nabuiza, car elle seule vit à « l’intérieur des palais avec le roi » (ibid. : 539). Dans la liste du chroniqueur de l’Inde, elle arrive en troisième position après Mazarira, sœur utérine du Mwene Mutapa que l’on retrouve également chez João dos Santos (Santos 1999 : I-II-15), et après Inhahanda. Les deux premières femmes occupent une fonction « diplomatique » dans la royauté : la première sert d’intermédiaire avec les Portugais, la seconde avec les musulmans12. Suit

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une liste de six autres noms sans autre information. Toutefois, António Bocarro précise que : « Ce sont toutes les grandes femmes du roi [mulheres grandes do rei] et elles ont des maisons et des États de lui, avec tous les officiers que le roi possède, ainsi que de nombreuses terres et des vassaux. Quelques-unes d’entre elles ont des royaumes accolés [apoticados] à leurs maisons. Lorsqu’une d’entre elles meure, aussitôt lui succède dans la même maison, état et nom, une autre femme que le roi met en son lieu. Toutes celles-ci ont juridiction sur leurs vassaux, pour les châtier et les tuer pour leurs délits. Dans la maison de ces femmes, le roi a de nombreuses autres femmes dont il use quand il veut, les faisant venir dans sa maison. Toutes obéissent aux grandes femmes dans la maison desquelles elles se trouvent, et elles les servent comme leurs servantes. Le roi vient quelquefois dans la maison de ces grandes femmes ; d’autres fois, il les fait venir et elles viennent dans sa maison. Mais la principale femme qu’il utilise est Nabuiza. Elle habite avec lui dans ses palais, où elle a aussi son service et ses officiers comme le roi » (Bocarro 1976 : 539). 16 Ainsi, les « grandes femmes » du Mwene Mutapa sont à la tête de maisonnées de femmes et le roi en dispose à son gré ; comme les Portugais, elles sont des seigneurs à la tête de territoires, ayant juridiction sur des individus. À propos de Mazarira, António Bocarro précise qu’à sa mort, un intendant, Ambuya, est chargé de sa succession (Bocarro 1976 : 538). Cet aspect suggère l’idée que les « grandes femmes » sont à la tête d’une charge et que le Mwene Mutapa ne les « choisit » pas comme femme/épouse. Leurs territoires se trouvent à proximité de la cour. Deux informations me permettent d’affirmer un tel propos. Tout d’abord, António Bocarro laisse supposer la pratique d’un va-et-vient entre ses maisons et celles de ses « grandes femmes » (Bocarro 1976 : 539) ; il précise également que leurs terres se trouvent près du fleuve Motambo, lui-même situé près de la cour (Bocarro 1976 : 543-544). Elles se trouvent ainsi dans un environnement très proche et surtout, à l’intérieur des « portes » du royaume.

17 Les mêmes remarques peuvent être faites à propos du Quiteve. João dos Santos précise qu’il « a plus de cent femmes, toutes à l’intérieur des portes, parmi lesquelles il y en a une ou deux qui sont ses grandes femmes, comme des reines » (Santos 1999 : I-I-5). Dans les deux cas, on retrouve l’idée d’un territoire limité/gardé – le « noyau » du pays, pour reprendre l’expression de l’anthropologue Claude Tardits, à propos du royaume du Bamoum, au Cameroun – (Tardits, ed. 1987 : 110) sur lequel sont placées comme seigneurs les « grandes femmes » des rois. Ces femmes étant des sœurs, des parentes voire pour certaines d’entre elles, les filles de grands seigneurs, ces territoires demeurent au sein du lignage royal. 18 Nous possédons peu d’informations sur la parenté en pays shona et sur les modalités des alliances matrimoniales. Seuls le jésuite Francisco de Monclaro et João dos Santos apportent des précisions sur ce sujet (Monclaro 1975 : 382 ; Santos 1999 : I- I-5 et 15, I- II-23, I-III-1. Tout d’abord, alors que l’inceste est présenté comme un élément fondateur de la royauté, il est puni de mort dans la société shona (Santos 1999 : I-I-5). Les deux missionnaires observent les mêmes choses : le « prix de la fiancée », la répudiation possible de la femme par son mari et surtout, l’absence de sacralité autour de cette institution, un des sept sacrements de l’Église catholique. Enfin, Santos souligne que la polygamie est possible mais rare car peu sont ceux qui peuvent posséder de nombreuses épouses. Et de fait, elle est surtout réservée aux seigneurs et apparaît comme un signe de richesse.

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La nature de l’alliance entre le roi et ses femmes

19 João dos Santos et António Bocarro suggèrent l’existence de relations incestueuses dans la mesure où la plupart d’entre elles sont des sœurs et des parentes des rois. Le dominicain ajoute que seuls sont susceptibles d’hériter du royaume les fils nés des rois et de leurs « grandes femmes »13. Nous possédons peu d’informations sur elles. Toutefois, on retrouve les personnages de Mazarira et d’Inhahanda dans un mythe de fondation, recueilli dans les années 1950 par l’historien D. P. Abraham (1959 : 58-84). Dans sa migration vers le nord, Matope, fondateur du royaume du Monomotapa, emmena avec lui ses femmes et ses fils ainsi que sa sœur aînée, Mazarira. Son successeur, son fils Mutota, en raison du manque de femmes dans le lignage en migration, eut des relations sexuelles avec sa demi-sœur Nyamhita ; elle portait en elle des protections magiques pour le pays. Le roi lui donna les terres de Handa, au nord-est de Bedza, territoire qu’il gouvernait lui-même. Elle prit alors le titre de Nehanha (Abraham 1959 : 61 et 64). L’origine de ces deux femmes est donc liée à la fondation du royaume. L’inceste royal est généralement symbolique et à mettre en relation avec les rites qui doivent assurer la fécondité de la société. Les autres femmes, dont seul António Bocarro parle, sont peut-être aussi des femmes des premiers rois, chargées d’un rôle protecteur vis-à-vis du royaume. On retrouve cette idée dans le royaume Bamoum où deux femmes, les nži mamfon, remplissaient des fonctions particulières. Claude Tardits écrit qu’« elles étaient considérées comme des épouses royales car on les tenait pour les successeurs de deux femmes du fondateur du royaume » (Tardits 1980 : 627). De même, toujours dans le royaume Bamoum, Claude Tardits décrit des relations de dépendance des jeunes femmes des rois envers leurs aînées (ibid. : 610). Peut-être pouvons nous mettre en parallèle cette situation avec ce que décrit António Bocarro au début du XVIIe siècle, pour le royaume du Monomotapa ? Les « grandes femmes » du Mwene Mutapa seraient des successeurs de celles des premiers rois, protégeant les femmes du roi et certainement les enfants, bien que l’on ne possède aucune information à ce propos. Enfin, la documentation portugaise ne fait part d’aucune alliance matrimoniale entre le roi et une quelconque « grande femme », excepté peut- être avec Nabuiza qui vit auprès du roi. Dès lors, il semble difficile de considérer ces « grandes femmes » comme les « épouses » des rois ; elles apparaissent plutôt comme des personnages investis d’une fonction politique.

Un collège de femmes

20 Lorsqu’un roi karanga meurt, ses « grandes femmes » l’accompagnent – toutes ou quelques-unes d’entre elles seulement, la documentation ne le précise pas. Le jésuite Monclaro semble être le premier à mentionner cette pratique pour le royaume karanga du Manica, mais de façon superficielle14. En revanche, João dos Santos, la citant pour le Quiteve, est plus précis : « Lorsque le Quiteve meurt, ses grandes femmes sont également obligées de mourir avec lui pour le suivre et vivre avec lui dans l’autre monde […]. Pour l’exécution de cette loi si inhumaine, elles prennent, à l’endroit même où le roi est mort, un poison qui est apprêté pour cela, qu’ils appellent lucasse et par lequel elles meurent. Le roi qui hérite du royaume, succède également comme mari à toutes les femmes qui restent du roi précédent. Parmi lesquelles certaines sont ses sœurs, ses tantes et ses nièces. Il les utilise toutes comme femmes à l’exception de sa mère, si elle était également la femme du roi son prédécesseur. Seuls les rois utilisent cette loi car les

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autres Cafres, même s’ils sont de grands seigneurs, ne peuvent épouser leur sœur ni leur fille sous peine de mort » (Santos 1999 : I-I-5). 21 Ainsi, à la mort du roi, ses « grandes femmes », les représentantes, au même titre que lui, de la royauté meurent avec lui. L’historien W. G. L. Randles, à propos de « la royauté sacrée » du royaume du Monomotapa explique que la fin d’un règne correspond à « l’achèvement d’un ordre, d’un monde, d’une création en quelque sorte qui était le fait du roi. Le nouveau roi est censé procéder à une nouvelle création, un nouvel ordre qui sera son œuvre, tout en reprenant le modèle exemplaire de l’ancêtre fondateur » (Randles 1975 : 82). Certes, le suicide des « grandes femmes » à la mort d’un roi marque « la fin d’un ordre » tel que l’exprime Randles. Mais il faut préciser que la majorité des femmes demeurent vivantes et restent auprès du nouveau roi – leur « mari » selon l’expression de João dos Santos. Cette union symbolise, à mon sens, la continuité de l’institution.

22 Par ailleurs João dos Santos décrit la succession royale dans le royaume du Quiteve comme une intronisation par « les femmes des rois précédents » (Santos 1999 : I-I-5), une cérémonie d’investiture où le nouveau roi ne peut prendre ses fonctions qu’avec le consentement de ces femmes. Ce dernier doit prendre place dans les maisons royales et s’asseoir dans « une salle publique à l’endroit où se sont assis les rois » (ibid.). Il y a donc aussi continuité, et non seulement rupture, comme le suggère Randles, entre deux règnes. Cette continuité est assurée entre autres par cette « institution féminine », ce collège de femmes. Leur rôle est renforcé par un dernier exemple de succession, encore fourni par João dos Santos : dans le royaume de Sedanda15, à l’époque même où le dominicain se trouvait à Sofala, c’est-à-dire au cours des années 1586 et 1590, les femmes refusant le successeur nommé par le roi défunt, choisissent un autre héritier. L’intronisation de ce dernier est effective lorsqu’il se présente à leurs côtés dans la salle publique (Santos 1999 : I-I-6).

23 Ainsi, les femmes des rois karanga occupent, au sein de la royauté, une place centrale aux côtés du roi. Elles sont les seigneurs des territoires entourant la cour et symbolisent la continuité de la royauté. Certes, elles peuvent être considérées comme se trouvant en position inférieure par rapport au roi, si on part du principe que ce dernier a un rôle de « suzerain » sur l’ensemble de ses territoires. Cependant, à travers le rôle qu’elles jouent dans l’intronisation du nouveau roi, on peut dire aussi qu’elles participent pleinement au système royal à dominante masculine. Il ne s’agit donc pas d’« épouses royales », tel qu’on peut le comprendre pour un État européen où ces dernières n’ont d’ailleurs, dans l’imaginaire contemporain, qu’une fonction de représentation (Hasse-Dubosc & Viennot 1991). Dans la royauté karanga, les femmes des rois sont actives et participent pleinement à l’institution ; elles sont essentielles pour le fonctionnement du système politique. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les Portugais de l’époque cherchent à inventer un couple royal qui aurait défini la royauté karanga : c’est le Mwene Mutapa et Nabuiza, sa « véritable femme » selon António Bocarro (Bocarro 1976 : 539) ; le Mwene Mutapa et Mazarira, sa « principale femme » selon João dos Santos (1999 : I-II-15).

Une lecture biaisée

24 Cette appellation de femme dont jouissent certains Portugais doit être rapprochée du statut des « grandes femmes » dans la royauté karanga. Tout d’abord, ils sont perçus

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comme des « seigneurs ». Les nommer ainsi est une manière de les associer au système en leur donnant un statut, et non des moindres. Cette situation peut refléter un certain dynamisme : cela permet aux rois de l’intérieur d’intégrer la présence étrangère dans leur système politique. Ce qu’écrit Claude Tardits à propos des rois qui tirent partie des différences sociales, se vérifie dans la royauté karanga avec les Portugais : « Les rois […] s’appuient sur des éléments qui ne peuvent que servir le pouvoir sans légitimement avoir le droit de l’occuper et y associent ainsi à la direction du pays, par leurs représentants, une partie des éléments composant la société » (Tardits, ed. 1987 : 19). 25 Les rois karanga les cantonnent dans un périmètre éloigné de leur cour, au-delà du « noyau » du pays.

Des Portugais intégrés à la parenté royale karanga

26 On doit cependant distinguer les capitaines des forts qui ont acquis leur territoire par la conquête militaire (les capitaines de Moçambique, Sofala et Sena), des Portugais qui ont obtenu un territoire grâce au bon vouloir des rois karanga. Dans le premier cas, il ne s’agit que d’une agrégation, alors que dans le second, l’octroi d’un territoire fidélise un individu à la cause karanga. Ce sont les exemples de Rodrigo Lobo, à la fin du XVIe siècle et de Diogo Simões Madeira au début du XVIIe, mais aussi du capitaine de Tete qui reçoit du Mwene Mutapa le royaume d’Inhabazoe. En les nommant ainsi, les rois de l’intérieur les intègrent à leur propre parenté, tout en les maintenant éloignés de la cour.

27 D’un point de vue pragmatique, les rois de l’intérieur établissent un système de clientélisme avec les Portugais, s’assurant ainsi de leur soutien militaire ; c’est particulièrement visible dans le cas de Diogo Simões Madeira. Cependant, leur intégration dans la royauté a l’effet contraire de renforcer la domination militaire des Portugais dans le Sud-Est africain et de soumettre peu à peu les rois de l’intérieur. L’année 1607 marque véritablement la fin de l’autonomie du Mwene Mutapa lorsque ce dernier se déclare « frère d’arme » de Philippe III et qu’il donne, à la couronne ibérique, la totalité de ses mines, espérant, en contrepartie, l’aide militaire des Portugais contre ses vassaux rebelles (Bocarro 1976 : 548-552).

Une vision masculine de la royauté

28 Les Portugais de l’époque n’y voient qu’un titre honorifique, du moins c’est ce que laissent entrevoir les sources. João dos Santos, lui-même, utilise le terme de título – littéralement « titre » – et ne perçoit pas la signification politique de cette appellation. Les historiens Newitt et Randles reprennent cet argumentaire dans les années 1970. Pour le premier, le capitaine des portes est « honoré par le titre de grande femme du roi » (Newitt 1973 : 43.) ; pour le second, cette appellation exprime « prudemment une certaine déférence » de la part du Mwene Mutapa envers les Portugais (Randles 1975 : 48). En l’interprétant ainsi, ils oublient toute la connotation politique dont elle est chargée. Notons aussi qu’aucun des deux historiens ne fait de lien entre cette appellation et l’existence des « grandes femmes » des rois karanga, pourtant connues d’eux. Symptomatiquement, Randles traduit le terme portugais « mulher » par celui d’« épouse », renvoyant au concept marital (ibid : 47-48). Si effectivement « mulher »

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peut être utilisé dans ce sens-là, il signifie avant tout « femme » ; le terme d’« esposa » n’est pas utilisé dans la documentation portugaise. Randles, en choisissant cette traduction, suggère l’idée d’un mariage exclusif entre les rois karanga et leurs « grandes femmes », or à aucun moment il n’en est question dans les sources. Enfin, Randles nie le rôle politique des « grandes femmes » dans la royauté karanga. Pour lui, la royauté ne peut être symbolisée que par un roi.

Un détour par les Amazones

29 Dans un chapitre de l’Ethiopia Oriental, João dos Santos accuse Fillipo Pigafetta d’écrire des inepties sur le royaume du Monomotapa (Santos 1999 : I-II-15) dans son ouvrage intitulé Description du royaume du Congo et contrées environnantes, publié pour la première fois en Italie, en 1591 (Pigafetta & Lopes 1965)16. L’auteur prétend que des Amazones vivent dans ce royaume17. João dos Santos lui répond quelques années plus tard par l’intermédiaire de l’Ethiopia Oriental que, ayant vécu de nombreuses années dans cette région, il sait par expérience qu’aucune Amazone n’y existe (Santos 1999 : I- II-15).

30 Deux niveaux de lecture peuvent expliquer la présence de telles femmes dans le récit de Pigafetta. Tout d’abord, ces guerrières symbolisent dans l’imaginaire des Européens de l’époque moderne la limite des terres connues. Vraisemblablement, le royaume du Monomotapa représente encore en Europe, en 1591, un royaume mythique, connu pour la richesse de ses mines d’or et où la présence d’Amazones est donc tout à fait envisageable. La réponse apportée par João dos Santos, qui a vécu onze ans dans cette région, repousse encore plus loin le territoire des Amazones : le Monomotapa, royaume à présent connu, n’en possède point ! 31 Un second niveau de lecture se dégage maintenant. Pigafetta et son informateur, Duarte Lopes, ont peut-être eu vent des « femmes seigneurs » des rois karanga et, en particulier des « grandes femmes » du Mwene Mutapa. Nous savons que ces dernières possédaient des terres et des vassaux, c’est-à-dire des gens de guerre à leur service… Peut-être faut-il voir, ici, une origine possible des Amazones de Pigafetta ?

* * *

32 Ainsi, la documentation portugaise, et en premier lieu l’Ethiopia Oriental, fait part de la présence, dans le Sud-Est africain de la fin du XVIe au début du XVIIe siècle, de Portugais nommés femmes des rois karanga. Les Portugais de l’époque et les historiens du XXe siècle n’y voient qu’un titre honorifique octroyé par les rois de l’intérieur envers ces étrangers. Cependant, cette appellation révèle une situation beaucoup plus complexe qui met en lumière la place, non pas de « l’épouse royale » mais plutôt celle de la femme dans la royauté karanga. Tant les contemporains portugais que certains historiens aujourd’hui transposent, pour expliquer cette situation, leur vision masculine de la royauté. À la recherche d’un couple royal, tantôt symbolisé par Mwene Mutapa et Mazarira, tantôt par Mwene Mutapa et Nabuiza, ils perdent de vue l’importance politique de ces femmes dans le système de la royauté. Les principales d’entre elles, « les grandes femmes », assurent la continuité de la royauté en intronisant le nouveau roi.

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33 Le cas de ces Portugais considérés comme les femmes des rois karanga révèle une situation originale où les femmes occupent une place de premier plan comme des actrices dynamiques du pouvoir et des garantes de l’institution royale. Cet exemple montre également la capacité d’adaptation des royautés karanga face à la présence étrangère, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, même si elle porte, en elle-même, les germes de sa propre destruction. Enfin, il permet également de mettre en évidence les visions biaisées qu’en ont les Portugais contemporains, mais aussi des historiens du XXe siècle.

BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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Carte n° 1. Le Sud-Est africain au tournant du XVIe siècle

Carte n° 2. Les royaumes karanga d’après João dos Santos

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NOTES

1. . Le terme « shona » désigne, à l’origine, un groupe linguistique d’Afrique du Sud-Est et par extension, les peuples eux-mêmes. Les Karanga qui vivent au sud du Zambèze, en sont des représentants. 2. . João dos Santos retourne au Portugal en 1600 mais s’embarque à nouveau pour le Sud-Est africain quelques années plus tard, vraisemblablement en 1611. Au cours de ce second voyage, il écrit deux autres textes : la Relação do Descobrimento das minas da prata de Chicova escrita no ano de 1618 ainsi que les Comentários da Região dos Rios de Cuama. Ces documents sont restés sous forme manuscrite et, d’après mes investigations, ils sont aujourd’hui perdus. 3. . Les capitaines portugais sont les représentants de la couronne dans le Sud-Est africain, renouvelés tous les trois ans, sauf dans le cas du capitaine de Massapa qui, théoriquement, est nommé à vie. Il existe, toutefois, une hiérarchie entre eux : le capitaine de Moçambique se détache comme le chef des Portugais de la région. Chaque capitaine remplit plusieurs fonctions : ils ont juridiction sur les Portugais vivant sur leur territoire et doivent s’occuper des défunts ; ils se trouvent à la tête des soldats de leur fort ; enfin, ils sont les représentants du roi dans le commerce avec l’intérieur. 4. . L’existence de ce marchand est connue grâce au premier épisode missionnaire en terre karanga. Il réside à la cour du Mwene Mutapa lorsque le jésuite Gonçalo da Silveira s’y rend en 1560. Plusieurs documents attestent de sa présence (REGO 1975), en particulier une lettre qu’il écrit à l’un de ses amis dans laquelle il raconte l’assassinat du jésuite (ibid. : 2-9, RANDLES 1975 : 329). 5. . Le jésuite Luís Fróis s’embarque à Goa en 1548. En 1552, le provincial de l’Inde le charge d’écrire, chaque année, un rapport sur les missions orientales (FRÓIS 1994).

6. . REGO 1975: 42 : « […] les Portugais disent qu’il lui fit le plus grand honneur qu’il n’avait jamais fait à un autre homme qui était de le mettre à l’intérieur d’une de ses maisons où personne n’entre. Ici, il fit asseoir le père sur un tapis près de lui, d’un côté, et sa mère de l’autre. Et António Caiado, de la porte, parlait la langue et aussitôt le roi lui posa quatre questions ». 7. . Ibid. : 46. 8. . L’île de Maroupe se trouve sur le fleuve Buzi, en amont de la forteresse de Sofala. 9. . Ibid. : 42. 10. . Le terme portugais casado n’a pas d’équivalent en français et signifie « homme marié ». Il renvoie à une réalité spécifique de l’État de l’Inde : ce sont des Portugais qui ont épousé une native et qui résident dans une forteresse ou un comptoir portugais particulier. Ils exercent une activité professionnelle pour laquelle ils ont reçu, la plupart du temps, des privilèges. Ce statut est créé à Goa dès 1510 par le vice-roi Afonso de Albuquerque, pour favoriser l’installation des Portugais (Bouchon 1999 : 293).

11. . MONCLARO 1975 : 380-382 : « Ils ont de nombreuses femmes et plus ils sont grands seigneurs plus leur nombre est important. Du Monomotapa, ils disent qu’il en a plus de trois mille ». SANTOS 1999 : I-I-5 : « Ce Quiteve a plus de cent femmes […] » ; I-II-15 : « Le Monomotapa a de nombreuses femmes […] ». BOCARRO 1976 : 539 : « Le Monomotapa a de nombreuses grandes femmes [muitas mulheres grandes] […] ». 12. . Mazarira occupe, tant chez João dos Santos que chez António Bocarro, une place centrale. Elle est la principale femme du Mwene Mutapa chez le dominicain et elle apparaît en tête de liste chez António Bocarro. Tous deux expliquent qu’elle parle au nom des Portugais. Est-elle véritablement la « grande femme » la plus importante du Mwene Mutapa où est-ce une vision

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biaisée de la part des deux chroniqueurs mettant en avant la « grande femme » avec qui les Portugais du Sud-Est africain sont en contact ? 13. . SANTOS 1999 : I-I-5 : « Le prince qui hérite du royaume est généralement un des plus vieux fils du roi défunt et de ses grandes femmes, qui sont les légitimes ». 14. . MONCLARO 1975 : 382 : « Lorsqu’on était là, le roi de Manica mourut et ils disent que pour lui, ils tuèrent ses nombreuses femmes, disant qu’elles le serviraient dans l’autre monde » (carte n° 2). 15. . Le Sedanda est un royaume karanga au sud du Quiteve (carte n° 2). 16. . Cet ouvrage est le fruit de la collaboration entre deux hommes : l’humaniste italien, Filippo Pigafeta, et un informateur, le commerçant portugais Duarte Lopes.

17. . PIGAFETTA & LOPES 1965 : 130 : « Parmi les troupes dont nous venons de parler, celles qui ont le nom d’être les plus valeureuses et qui sont le nerf des forces armées du roi, ce sont les légions de femmes. Le souverain les estime beaucoup. Les guerrières se brûlent le sein gauche […] ».

RÉSUMÉS

Certains Portugais influents du Sud-Est africain, territoire compris entre la baie Delagoa et le cap Delgado – dans les actuels Mozambique et Zimbabwe – sont considérés, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, comme les femmes du Mwene Mutapa et du Quiteve, souverains de royaumes shona karanga au sud du Zambèze. Les Portugais d’alors n’y voient qu’un titre honorifique, thèse que reprennent des historiens du XXe siècle et tout particulièrement W.G.L. Randles. La documentation portugaise fait part de l’existence de « grandes femmes » gouvernant auprès des souverains et ayant des prérogatives éminemment politiques. Elles sont des seigneurs dominant des territoires proches de la cour et interviennent dans la nomination et l’intronisation des nouveaux rois. Leur existence laisse entrevoir l’incompréhension des contemporains, et plus tard des historiens. Informés par leur vision masculine de la royauté où les reines sont avant tout des épouses, ils ne comprennent pas le rôle des femmes, et par extension, celui de ces Portugais, « femmes des rois ». Cet article montre la capacité d’adaptation des royautés karanga par l’intégration d’étrangers dans leur système politique, qui les transforment en seigneurs et en relais du pouvoir. Ces Portugais permettent aux rois karanga de réaffirmer leur autorité, dans des territoires éloignés de la cour, toujours plus difficiles à défendre face aux désirs d’indépendance de certains de leurs vassaux. Il met également en évidence la lecture biaisée qu’en font les Portugais contemporains, mais également des historiens du XXe siècle.

No final do século XVI e no início do século XVII, na África do Sudeste, entre a baía Delagoa e o cabo Delgado – no actual Moçambique e Zimbabué – alguns Portugueses influentes eram considerados como mulheres do Mwene Mutapa e do Quiteve, soberanos dos reinos shona karanga ao sul do Zambeze. Os Portugueses daquela época viam naquilo apenas um título honorífico e muitos historiadores do século XX, como W.G.L. Randles, recuperam esta visão. A documentação portuguesa informa-nos sobre a existência de « grandes mulheres » que governavam ao lado destes reis. Elas tinham um grande papel na vida política daqueles reinos. Podemos considerá-las como Suzeranas dos territórios situados perto da corte e intervinham na nomeação e na entronização dos novos reis. Estas mulheres não foram sempre bem compreendidas pelos seus contemporâneos e, mais tarde pelos historiadores do século XX.

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Envolvidos num mundo dominado pelo sistema patriarcal onde as mulheres eram, antes de tudo, esposas, estes não podiam compreender o papel destas mulheres ; e por extensão, o papel desses Portugueses, que eram « mulheres dos reis ». Este artigo mostra a capacidade de adaptação das realezas karanga, integrando estrangeiros no seu sistema político, estabelecendo-os como senhores e intermediários do poder. Graças a estes Portugueses, os reis karanga reafirmavam a sua autoridade, nos territórios afastados da corte, custosos a defender frente ao desejo de independência dos seus vassalos. Mostra também a leitura torcida feita pelos Portugueses dos séculos XVI-XVII mas, igualmente, pelos historiadores do século XX.

Certain influential Portuguese men from South Eastern Africa, the territory between the Delagoa Bay and Cape Delgado – now Mozambique and Zimbabwe – were considered in the late 16th and early 17th centuries, as the wives of Mwene Mutapa and Quiteve, the sovereigns of the Shona Karanga kingdoms south of the Zambesi. The Portuguese of the time saw it merely as an honorary title, an opinion shared by 20th century historians, and in particular W.G.L. Randles. Portuguese documentation informs us, however, of the existence of important female figures governing alongside these sovereigns, with eminently political prerogatives. These women dominated the territories close to the royal courts and took part in the naming and enthronement of new kings. These women were not always well understood by their contemporaries, or later, by 20th century historians. Informed by their masculine vision of royalty where women were above all spouses, they could not understand the role of these women and, by extension, that of the Portuguese so-called «kings’ wives». This article shows the capacity of the Karanga royals to adapt by integrating foreigners into their political system, setting them up as lords, as relays of power. These Portuguese figures enabled the Karanga kings to reaffirm their authority over territories further from the court, areas ever more difficult to defend against the aspirations for independence of certain vassals. It also clearly shows the biased vision not only of the contemporary Portuguese, but also of 20th century historians.

INDEX

Mots-clés : royaume shona, royaume karanga, royauté, reine, femme Index géographique : Sud-est africain, Mozambique, Zimbabwe

AUTEUR

FLORENCE PABIOU-DUCHAMP

Centre de Recherches Africaines. Laboratoire MALD. Université Paris I Panthéon-Sorbonne

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«Hierarchical alterity is a mere illusion» Some Reflections on the Creative Power of Women's Expressive Traditions in the Portuguese-Speaking Hindu Diaspora « L’altérité hiérarchique est une illusion pure » : quelques réflexions sur le pouvoir créateur des traditions d’expression féminine dans la diaspora hindoue de langue portugaise « Alteridade hierárquica é mera ilusão »: Reflexões sobre o poder criativo de tradições de expressão de mulheres na diáspora dos hindus de língua portuguesa.

Susana Trovão-Bastos

1 In order to legitimate the colonial enterprise as a civilizing mission, « the colonial mind was able to transform […] the figure of the Indian woman into a sign of the inherently oppressive and unfree nature of the entire cultural tradition of a country as noted by Partha Chatterjee. Despite this «position of sympathy with the unfree and oppressed womanhood of India » (Chatterjee 1989 : 622), several nineteenth-century colonial authors held indentured Indian women responsible for the major social and moral problems created by the indentured work system in the British, French and Dutch colonial empires, and accused them of deriving material profit from sexual activity and lacking any maternal instinct (Lal 1998: 231). Responding to these colonial representations, Indian nationalist discourses of the late nineteenth and early twentieth centuries mobilised certain «virtues» associated with the Indian woman / mother figure in order to construct their own idea of nation and to stimulate feelings and ideals of national identity (van der Veer 2001).

2 Taking women’s experiences and memories as a starting point we hope to show that Indian women were not just objects in political discourses, but subjects whose expressive practices kept Hindu1 identity 2 dynamics [alive?] in the transnational contexts of Portuguese colonialism and post-colonial migration. More specifically, in their main colonial migratory context (Mozambique), they learned to officiate religious

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performances which were traditionally carried out by male specialists in their homelands. Apart from this ritual specialization, they also recreated «Little traditions»3 that matched «the everyday forms of resistance» (Scott 1985) mobilised by their Gujarati non-migrant counterparts against several local systems of dominance. These traditions emphasised the incorporative, metamorphic and porous nature of all beings, as well as the fluid, mutable and reversible relations between them (Daniel 1984; Freeman 1999) – thus proposing a «contra-ethnicising logic» (Mayaram 1999) which proved vital for the identity success of their families during the colonial period. In the two post-colonial migratory contexts (Portugal and the United Kingdom), the reservoir of identity strategies4 collected within the women's «Little traditions» continues to provide Portuguese-speaking Hindus with significant resources for the redefinition of relations between «self» and «other» and for the renegotiation of intra- or inter-ethnic power dynamics.

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3 Since the late seventeenth century, trade in the North of Mozambique was mainly carried out by Hindus from Diu5. Since the second half of the nineteenth century, a significant number of these traders moved to the South of Mozambique, in particular to the provinces of Inhanbane and Lourenço Marques. In the late nineteenth century, changes in the economies of the neighbouring British and Boer territories and the implementation of legislation restricting Indian settlement in Natal, and especially in the Transvaal, influenced the arrival of groups of British Indians, in particular of Gujarati Hindus, the majority of which originated from Porbandar, Rajkot and Surat.

4 The main strategies for the professional insertion of this group in the Mozambican context lay in trade between the interior regions and urban centres (cantineiro: commerce)6 and – especially for those who arrived in the 1930s – in high-street commerce, while the castes of Diu masons mostly found employment in the construction industry7. A small number of families also took advantage of the economic boom of the 1960s to expand their activities to the industrial sector. 5 While established in a Portuguese colony, Mozambican Hindus also belonged to a polynuclear spatial organisation. The networks they maintained allowed the circulation of people, material goods, capital, etc., between their regions and groups of origin in Gujarat and Diu, and the various groups of Gujarati Hindus settled in other territories of East and Southern Africa. 6 The expulsion of all holders of Indian passports ordered in 1961 by Salazar, as retaliation for the Indian invasion of the Portuguese colonies of Goa, Daman and Diu and, more importantly, the decolonisation of all Portuguese colonies after the revolution of 1974, forced a significant part of the Gujarati Hindus living in Mozambique to migrate once again. The nationalisation process implemented in Mozambique, as well as the high political instability of the country and the civil war that broke out in the mid-1970s led to a peak in emigration in the early 1980s. 7 Most of these families chose Portugal as their destination. The economic strategies developed in the new migratory context were similar to those deployed in Mozambique. Men from Diu belonging to castes of masons and carpenters soon became active in construction, both in Portuguese firms and in firms owned by same-caste Hindus; they also invested in hawking in street markets across the country. Gujaratis of

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lohana and other castes, on the other hand, became active in traditional commerce, often in the same branch as previously (mostly ready-to-wear and the import and sale of Far Eastern products). Many of those whose activity had extended to industry, banking or various learned professions were also able to resume their previous occupations. 8 The integration of Portugal in the European Community in 1986 and the numerous opportunities for professional and status ascension available in the United Kingdom led many Portuguese-speaking Hindus to emigrate for a first, a second or a third time. The most significant movement (after 1998) was determined by the global context of economic crisis (more acutely felt in Portugal than in other EU countries) and by the increased competition observed in the Portuguese construction market, resulting from the arrival of thousands of immigrants from Eastern Europe.

Can the «Other» not be a Source of Power for the Hindu «We»? Recreating Women's «Little Traditions»

9 According to a significant number of informants, the recreation of the Gujarati Hindu religious calendar was only possible after the arrival in Mozambique, in the early twentieth century, of the first women, usually as wives. Many women began to officiate, within the home, rituals which had traditionally been carried out by male specialists, including havans8 (e.g. those dedicated to the ancestors of their husbands, or to the Hindu Goddess), and took it upon themselves to transmit the basic oral texts of popular Hinduism, which included the Satyanarayan Katha, the Bhagavata Gita, and the Ramayana. They also maintained specific traditions (linked to caste and lineage) for rites of passage, reconstructed the vrata Kathá 9 practice and, independently of their caste and socio-economic status, recreated direct means of communication with the Hindu goddess through possession: (Darsha, 19) — Who created the vrata Katha? I never thought about this, but it must have been a woman, a very intelligent lady to know so many things… (Darsha’s mother, 42) — Most probably these katha are inspired by women's common experiences. Even when they seem inspired by the Ramayana or Mahabaratha, they were, little by little, modified by women. (Darsha’s aunt, 59) — You may think that these stories only serve to inculcate principles. I think it's more than that. But we need to believe. That is the power. (Jaya, 35) — Only women have the secret of life. (general laughter)»10.

Refusing Binary and Hierarchising Distinctions: Vratakatha Secrets

10 Hindu traditions reconstructed in Mozambique after family reunification became a significant symbolic strategy against excessive and irreversible hierarchical identity processes. For instance, some of the most popular narratives evoked in vrata ritualisations justified anomalous situations in the cyclical movements between life and death of humans as a result of an excessive desire for upward social mobility. The reparation of these anomalies was assigned to subalternised figures (belittled daughters-in-law, members of pollutant castes, figures marked by sacrificial violence,

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etc.). Another popular series of narratives attributed critical socio-cosmological situations to an abusive use of hierarchising distinctions. Overcoming these also implied the restoration of interdependence among asymmetrical positions and an open stance towards apparently repulsive figures («foreigners», untouchables, etc.). In a last set of ritual tales, the crisis was caused by impermeable and binary boundaries between times, spaces, concepts, etc. and overcome through the acknowledgement that these divisions were mere illusion, dependent on the maya (the divine power to delude).

11 Somavati amavas Katha, to cite only one example, makes the solution of a micro-family crisis depend on an attitude that subverts the caste hierarchy: two Brahman children thus adopt the identity of the untouchable in order to secure the magic help of a character of a very low social rank: «Every moonless Monday, my mother awoke us at four o'clock in the morning and told us the Katha […]. There was a Brahman family who had a single young daughter. One day, a sannyasi [an ascetic] appeared begging bhiksha [ritual alms]. The daughter gave him bhiksha and he told her to take religious vows, because she would become a widow very early, on the very day of her wedding. The daughter started weeping and the sannyasi said that only a woman of the washers' caste could help her. […] The girl and her youngest brother went through lots of difficulties until they reached the village where that woman lived. Without anyone knowing, they cleaned, swept and put cow excrements in her house during a whole year. One day, she discovered them and said: "So, is it Brahman children who clean the house of a washer woman? Leave it. I'm going to help you". At the wedding, the husband of the daughter suddenly died, but the washerwoman begged: "God, make this man sit"; immediately after, the girl's husband sat up, alive. […]. Afterwards, we went to make puja near the pipal [fig tree] and the banana tree. We wound the cotton thread a hundred and eight times around the two trees. As if they were husband and wife […]. Every woman who heard this Katha and wound the pipal, would be saubhaguya [wifehood]11». 12 What was the meaning of these narratives for their female listeners? How were they useful to them? How much did they overlap with their daily lives? In the words of a number of grandmothers and great-grandmothers: «these stories have a special power, if we listen to them with devotion, and observe the fast, it works […]. When our wish doesn't come true, it's because we did not have enough faith»12. The success of vrata Katha rituals therefore implied the belief in the creative power of the narrative itself, in a sort of magic inherent to the word, whose incorporation (through listening) could truly transform its listener. Mere hearing was not however sufficient. Only a prolonged hyper-identification (at times, for years) with the main character of the Katha (which required her imitation in multiple performances) and a rigorous self-control of corporal orifices (including the observation of specific fasts and sexual abstinence on the day of the vrata) could fulfill the desires of the faithful (just as had happened to the main character of the Katha).

Materialising Respect for the «Foreigner»

13 It is not simple to evaluate the impact of such ritualisations upon the daily life of Hindus. However, several memories allow us to emphasise «the creative power of women's discourse» (Raheja & Gold 1994: 24) in multiple processes through which intra- and interethnic relationships were constructed and contested.

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14 For example, oral recollections of the process that led to the foundation of the Salamanga Mandir, still considered the main Hindu temple in Mozambique, show that various symbolic organisers of the female narratives were mobilised in contexts outside the vrata Katha practice: «My nana [mother's father] had a salt business, he exploited salt-works various kilometres away from Salamanga. He also owned a cantina where he sold all kinds of things. […]. He was a rich man and, because of this, became very proud. One day, as he was coming back from the river, he met an old man, with dark skin13 and a white loincloth. And that man told him: "I am a special person". Instead of respecting him, my nana asked for proof. Immediately, Mahatma Bapa shook a tree, and gold fell from it. Nana was not impressed. […]. When they reached the cantina, my nanima was giving out water and sugar to people. Mahatma Bapa took the bowl from her and gave to everyone. That water never ran out. It was then that my nana knelt down before him and said: "I am no longer going to be proud. I don't want any more money. I want to help others". So Mahatma Bapa gave him two magic words. One to help pregnant ladies who cannot give birth; the other, to take away snake poison. But he also told him: "You cannot keep this to yourself, you must give to others". […]. Before he left, Mahatma Bapa told my nana: "I want to sit here"14». 15 By insisting upon the respect for the «foreigner», this and other versions of the same narrative accentuate a symbolic organiser which is frequently used in female narratives: a deity takes human appearance and uses cunning to test its devotees. At the same time, and in a similar way to multiple vrata Katha, they question impermeable power relations (in this case, those based on skin colour and economic power) and condemn the closure of the Hindu «we», underscoring that an opening to the «other» may be an accumulative source of power (the magic power to interfere in certain irregularities between life and death, for instance).

16 This belief in the divine power to delude facilitated the encounter with the ethnic «other», who was only illusorily seen as alien, and encouraged many Hindus to adopt a «less arrogant»15 posture towards the African population than that of the small trader of Portuguese origin. In practice, the different posture worked as a «marketing strategy»16, since it led Mozambican miners and farmers to prefer the Hindu traders to ask for credit or barter cashew nuts, cotton and other farm products for basic goods, capulanas and wine.

Hierarchical Alterity is a Mere Illusion

17 No quantitative data exist on the gender distribution of possessive phenomena in the regions of origin of these migrants. However, many informants recall that, in Mozambique, the people in whom «the goddess and the spirits of the pitru [ancestors] descended» were mainly women (of various castes and socio-economic statuses). Most men explained this by stating that «the ladies were more religious, purer than men»17; however, a number of men (displaying ambivalence rather than scepticism) also added that possession is a mere human emotional state, to which women, «warmer» and «less-self controlled»18, are particularly prone. On their part, most migrant women emphasised the superhuman aspect: «we cannot do anything for Her to come or not to come. It is only Mataji (general name of the Hindu mother goddess) who may decide»19.

18 «To enter someone's body», «to descend», «to go through», «to unite with», «to mount», etc., were expressions frequently used to refer to possession. Being possessed generally includes shaking, swaying, and loosing one's balance, all of which conveys the

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idea of instability and identity loss. The shaking was the first expression that the possessing power had already been incorporated, that subsequent actions and words no longer belonged to the subject, that they would be inaccessible to her conscience after the possession spell. Disjointed gestures, falling to the floor, brusque head movements, certain dance steps, the expression of excitement, anger, affliction, torment, etc., were codified signs that elicited from the audience equally codified reactions to «help open the body» (for instance, untying the hair), so that the being could «emerge» and «speak». Possession performances therefore implied the body as a permeable site where the «other» could take over the «self» for the duration of trance. 19 One of the most interesting aspects of female possession in Mozambique was the way in which it renegotiated the taken-for-grantedness of certain power relations. The experience of possession interfered with virtually every relationship of the women involved: husbands, family members, other people of the same or different castes, ancestors, demons, goddesses, etc. By abstaining from sexual intercourse, imposing rigorous fasts and expecting of all those present (including hierarchically «superior» family members) respectful and subordinated behaviour during the trance, a repeated possession experience transformed the relationships with both «near» and «distant» family members. In parallel, when used for therapeutic reasons or performed at several Hindu rituals, possession fashioned ongoing relationships between the possessed women and their clients that cut across gender, caste, economic class, and intra- religious differences and hierarchies. «Our life began going badly, and I was praying the Ma a lot. One day, I noticed that someone had placed an earring, like this one, in the mandir. […]. When we performed the havan, Ambá Ma came into my body and said that I was responsible for the miracle of the earring. […]. I began suffering very much. The Ma asked me to stop eating meat, forbade alcoholic drinks from entering my home. My husband and family did not believe, they called me a liar and worse. They said I had another man, because when Ma comes, you cannot have intercourse. He drank alcohol in the home, ate meat, forced me to cook meat, he even dragged the gas cooker in our bedroom and cooked in there […]. When we came to Portugal, he forbade me from performing arti in the house because many came to ask for help, each time more people would show up, […] from here, from other places. But I couldn't avoid it. When you have Ma in you, you cannot deny your help»20. «My husband forced me to have intercourse, Mataji did not like it, and I ended up suffering. […] My mother-in-law put those things into his head. Who has ever heard of a husband kneeling before his wife? But at those times, it's not me. It's the Ma. […] One day, the wife of my husband's boss, a rich lohana who owned various warehouses, called me. She had much faith in the Ma, and she was healed. […]. Only after that my mother-in-law and my sisters-in-law believed»21. 20 On the other hand, by admitting the possibility that Hindus could be possessed by Muslim, Catholic and even African spirits and/or deities, and at the same time the possibility that Hindu spirits and/or deities may manifest themselves in «whites» and «blacks», possession devotees do not merely reject the existence of a relation of discontinuity between past and present, between the space that is perceived by the senses and that which cannot be perceived; they also insist upon the statement that human alterity is a mere illusion. By redefining the otherness of the other, also in Mozambique, possession suggested an alternative to the binary paradigm for the representation of inter-ethnic relations. «Many Indians went to an African healer, asked him to see, in shells, in little bones, to know why something bad happened to them. He begins trembling too, moving

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this and that way, it is no longer him, it is someone else speaking. […]. Many times, the healer spoke the name of the pitrus [Hindu ancestors], said that they were dissatisfied with something or other, or that a black spirit entered the body of an Indian to cause suffering…»22. 21 As dramatic resources for the redefinition and renegotiation of identity boundaries and hierarchisations, vrata Katha rituals and possession are not totally independent of many other practices central to the Hindu-Gujarati repertoire, namely, those that involve magic. The very vrata Katha repertory chosen denoted a degree of tension between the miraculous powers obtained through the devotion and powers acquired by the way of black magic. Not infrequently, some of the possessed women were also accused of witchcraft (jadu). It is not therefore surprising that some of the idioms of Indian witchcraft were recreated in migratory context.

Inter-ethnic Managements of Witchcraft

22 In Mozambique, as in many other areas of Southern Africa (Niehaus 2001), envy was believed to be a significant driving force behind processes of malignant influence. The recognition, on the part of Hindus, of the role that this had in local witchcraft contributed to the strengthening of certain bases of jadu, namely, the explanation of inexplicable suffering as magical aggression resulting from situations of inequality in which the sufferers themselves had hurt the dignity of others.

23 Together with the holy message transmitted by Mahatma Bapa, this belief imposed the observance of certain rules of reciprocity in the relationship with the «other», and indeed appears to have been successful in avoiding processes of rejection and humiliation of Mozambican miners and farmers. Despite its defensive dimension, in practice, it allowed Hindu migrants to draw local customers and, as a consequence, to improve their own economic welfare. «My family is still suffering, even now, because of the envy of the blacks. My father and my uncles worked in the bush, in Makuzi, 60 kilometres from Quelimane. […]. And they started making lots of money… You cannot cause another's envy»23. 24 Mozambican witchcraft was quickly recognised as being «stronger» than Indian jadu. This explains why, in situations of crisis, many Hindus resorted to local diviners/ healers/witches. According to a considerable number of informants, their power to interfere in the processes of evil influence was mainly due to the fact that they were «nearer» to «impure», «unsatisfied» and/or evil spirits, independently of the race, religion and ethnic group these had belonged to in life. In this sense, their power may be seen as the equivalent of the power of untouchables, to whom Gujarati Hindus also attribute similar magical powers as well as varied abilities in the field of exorcism.

25 The recourse to African witchcraft was represented as an incorporation of an inferior level (in comparison to the Hindu traditions of reference) and did not result in the elimination of inter-ethnic hierarchies; it did however keep the relation between Indian and African from taking the form of a binary, irreversibly determined opposition.

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Women's «Little Traditions» as Resistance Strategies against Brahmanisation in Postcolonial Migratory Contexts

26 After arriving in Portugal, Gujarati Hindus began a gradual reconstruction of their traditions as they had been reconstituted in Mozambique. The Amba mandir, dedicated to the Hindu mother goddess, was the first Hindu temple to be built, in the mid- eighties, in the degraded periphery of Lisbon. It resulted from the personal initiative of a woman of fudamiá caste who, as had happened in Mozambique, periodically enters into a state of possession. She assigned the mandir a number of functions, which it has maintained to this day: it is a general temple for the main celebrations of the «Great tradition» (Vaishnavite and Shaivite, led by a «generic Brahman») and also the preferred site for diagnosis and healing.

Intra-Community Uses of Possession

27 Since the late nineties, the inauguration of a very large space of worship – the Radha Krishna Mandir, financed by the Portuguese Hindu community – coincided with the emergence of an expansionistic and hierarchising strategy implemented by a subgroup (mainly of lohana caste) that tried to refashion collective Hindu performances according to the Brahmanic standard, bringing Brahman specialists from Gujarat, complexifying Brahmanic practices and ritual consumption requirements, while disqualifying certain religious practices associated with popular Hinduism24. Restricting the participation of poorer Hindus in the ceremonies carried out in the large temple and occupying the position of privileged consumers of the new Brahmanic ways, the current direction catalysed intra-group identity tensions.

28 As a reaction, a number of lohanas disassociated themselves from the project of construction of the large temple and allied themselves with a significant part of Diu Hindus in order to resist this expansionistic and hierarchising strategy. The group created a sub-association within the community, led by a more heterogeneous and representative committee that upholds an ideal of «community» whereby all Hindus may receive equal treatment. As a counterpart to the attempt towards vaishnavite brahmanisation carried out by the current leadership, the association has been investing in a complementary religious orientation and raising funds for the construction of a second mandir, dedicated to Lord Shiva. 29 In addition, female possession performances – as a model of the relation between «self» and «other» and, simultaneously, of social relations and power dynamics – have been a crucial obstacle to the consolidation of any rigid and/or irreversible identity oppositions within the Hindu community in Portugal. In fact, when confronted with the very first attempt to brahmanise Portuguese Hindus, which included the repression and de-sacralisation of possession (carried out during the navaratri festival of 1999 by a recently-arrived Brahman theologian), a number of women from the Hindu socio- economic elite organised a strategy of resistance. 30 During subsequent navaratri festivals, they convinced many of the regular worshippers of the Radha-Khrishna to attend rival spaces of worship where a number of possessed women (of lohana, vanja, khania, suthar, fudamia but also of brahman caste) never before

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seen at the main ceremonies gathered, thus publicly validating the sacred character of possession before an also unprecedented number of worshippers (belonging to all castes and different socio-economic statuses). In the words of one of the leaders of the movement, the Hindu Goddess is related «either with Shiva and Vishnu»; «everybody can touch her, asking for help and receive its fruits»; «as a mother, She places all humans on the same level»25, refusing the existence of any border, distinction and identity valuation that may operate irreversible hierarchical distinctions between her devotees. 31 Despite what is maintained by the available bibliography (Assayag & Tarabout 1999), according to which Hindu elites tend to underrate possession in identity terms (in comparison both to Brahmanic «orthopraxy», and reformist movements), the events of the most recent navaratri festivals in Portugal clearly show that possession may also be mobilised in processes of redefinition and transformation of the elites themselves.

«Portugal now also Exports Young Hindu Women»: from Devaluation to Veiled Admiration

32 Portuguese-speaking Hindus who emigrated from Portugal to the United Kingdom tend to concentrate in certain areas of Greater London and in Leicester, where many Gujarati Indians from Kenya, Uganda, Tanzania, or from India have settled since the late 1960s and 1970s. Many patels and some lohanas who live in the same areas define themselves as vaishnava, followers of the Sanatan Dharm, or of a sampradaya [religious sect] of vaishnavite orientation, usually Pushtimargi or Swaminarayan (Tambs-Lyche 1972, Michaelson 1983, Dwyer 1994, Lyon & West 1995, among others); they therefore believe that a «huge gap» separates them from the «Portuguese Indians» or «Portuguesiá»: «They believe in black magic. […]. Another important difference is that, for them, the Goddess is paramount. They even believe that the Goddess can appear in human form and perform miracles. In this community, the majority of Hindus are devotees of Krishna»26. 33 As a response to these representations, the majority of Portuguese Hindus offered the counter-argument that «the Goddess is also what matters most to many patels and lohanas», and that they even know many «bhuvi» (possessed women) of lohana and patel caste, at the feet of which many kneel during navaratri. They add that devotion to earthly forms of the Mother Goddess «has nothing to do with belonging to an inferior caste», or with age, sex, socio-economic position or educational qualifications. This last argument leads many patels and lohanas to lay an emphasis on other differences (socio- economic and educational, for example) that separate them from the Portuguese Indians instead. As one of the best-known British Indian businessmen told us: «even those who say they do not believe in the Mataji ave ["the Goddess comes"] business, they are Hindus after all, and Hindus believe that any human can be a god, and that any god can have a human form»27.

34 Similarly, and to counter the accusation that «they believe in black magic», the reaction of Portuguese Hindus is peremptory. «You only have to look and see that even they [British Gujarati Hindus] always use a necklace or a bracelet with an amulet, to avoid the evil eye»28. Ads in the best-selling magazines among British Hindus are also revealing: «If they don't believe, then why is it that their magazines are full of Pandits

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Maharajes offering their services to guard against black magic and evil spirits, or Professors Gadhiá and such, who possess healing powers?» 29 The fact that a number of British Hindus spontaneously offered the following statements seems also to confirm the importance of jadu in their daily lives: «I avoid speaking to Portuguese Indians. There's always najar [the evil eye]. This is why I avoid bringing luxury goods to the Ealing Road»30 and «when I cross some of them, I begin to say the Hanuman Chalissa, they're very strong words against jadu»31. 35 We should not however conclude that in the United Kingdom the women's expressive traditions recreated in Mozambique and reconstructed in Portugal completely lost their identity effectiveness. If sometimes devalued in certain male and brahmanised sub-groups, they are still seen as an identity «quality», which is sought after by many families of the diasporic network of Gujarati Hindus and, particularly, by those who represent themselves as more Europeanised. As the editor of the most influential Gujarati magazine told us: «Portugal now doesn't export only Port wine. Now it also exports young women. And you know why? […]. Because Portuguese Hindu girls are very beautiful […] and more traditional. They respect the elders, observe religious tradition, and don't just want to go out to dance and drink, like our girls do here. Over the past year alone, I went to several weddings in Portugal»32.

* * *

36 The idioms through which Portuguese-speaking Hindu women construct their own selves and the alternative conceptions of the social world that they communicate emphasize that identity boundaries and hierarchisations are only apparently intrinsic, fixed or irreversible. In Mozambique, as they remember it, the «black man was discriminated by all social strata. Then came the Indians, who occupied the central stratum. […]. The domination of the whites was a given»33. Despite this, the hierarchic construction that Hindu wives/mothers transmitted to the following generations attributed to Africans «superior» skills, due to their privileged connection both to local spirits, and to the ancestral spirits of Indians and whites. Moreover, they too questioned the «unquestionable» domination of the white stratum. Recognised by the Portuguese authorities, the Hindu power to produce within the dominant stratum the illusion of sameness and subordination, while at the same time retaining the power to preserve an impenetrable and irreducible alterity34, frustrated one of the most significant objectives of Portuguese colonial domination: that of total appropriation of the «other».

37 The power of these idioms was not merely imaginary; rather, they interacted with everyday realities. The condemnation of mercantile objectivity and opportunism in the relation with Mozambican farmers and miners enabled the Hindu population to become progressively richer. This enabled the preservation of a different identity, an opening towards Portuguese cultural and identity ecology, and the more or less advantageous manipulation of colonial ambivalence regarding the Indian presence in Mozambique. 38 The effectiveness of women’s expressive traditions in the renegotiation of intra-ethnic power dynamics became increasingly visible in the two post-colonial migratory contexts of Portuguese-speaking Hindus. The women's manipulation of divine possession has been a noteworthy resistance strategy against the consolidation of rigid

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and/or irreversible identity oppositions within the Hindu community in Portugal. In the United Kingdom, the reservoir of identity knowledge accumulated in Mozambique and Portugal is still being mobilised advantageously in the real and imagined dialogue with other networks of the Hindu-Gujarati diaspora. The very «lag» in the europeanization of Portuguese Hindu women35 becomes an admirable identity trait. 39 As Appadurai has recently argued (1998), ethnic violence produces a sort of «dead certainty», that is, constitutes a mode of resolution of uncertainty with respect to identities created by the flows of weapons, refugees and immigrants, trade, information and modern taxonomies which are characteristic of globalization. However, it may not be conceived as the only cultural strategy to negotiate with the stranger, the «other». Proposing an anti-binarising conception according to which the ethnic «other» cannot be absolutised as a stranger, Hindu women's «Little traditions» suggest alternative solutions to managing identity uncertainty that diverge from ethnic annihilation. It is not surprising that our meetings were also informed by the incorporative, metamorphic and porous nature of «self»/«other» relation: «The impression I got on reading my field diaries is that Laxmi had exaggerated in the number of vrats during that month. She got up early to spill milk and water under the pipal, fasted all day along, spent the afternoons praying and singing at the public shrine, organised the pilgrimages and the ritual female baths at the beach in Costa da Caparica, offering me the raw fruits she had to eat. One day, while we were singing the final arti, Laxmi started trembling, her face frowned, apparently expressing grief. She started crying very softly. Some women untied her hair, sprinkling her with water. They kneeled down before her and respectfully passed their hands over the edging of her sari. With a tearful face, Laxmi reacted, touching them on their heads with both hands. Some minutes later, she returned to normal, somewhat dizzy. […]. In the days that followed, she kept her fast and sexual abstinence, increased her visits to the temple and just said to me "I cannot remember anything", "when I get like that, I’m not me", "it is Ma who comes into my body". Only some months later did she return to this subject. She told me that her devotion «had been fruitful»: "At that time, I was so desperate. I had no money. My husband was unemployed. You wanted to pay for Gujarati lessons. You wanted to know about our religion. But I always refused. I could not receive money for teaching you. Ma brought you to test me". After feeling her reserved acceptance (because of my potential envious evil eye), then being allowed to enter her kitchen in the quality of a daughter-in-law (an ambiguous position within family and lineage groups), the inter-subjectivity with Laxmi gave me a last complementary role of an earthly character acting under maya to test Hindu women in critical moments»36. 40 I cannot predict the future. But I do believe that Hindu women’s expressive traditions will continue to transmit knowledge upon identity and help the emerging generations to deal with new and changeable migratory power dynamics.

41 April 2005

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NOTES

1. . In the anthropological literature about Hinduism, in India or abroad, we find several theoretical stances. A first includes contributions that criticise the use of a single category to account for such diverse practices and representations; the second, includes formulations that, while not denying contextual diversity and change, are concerned with constructing a «unity within diversity» (the construction process may however differ significantly); and the third includes considerations that emphasise the «multiplicity of manifestations of Hinduism», «historicity» and «transformation», attempting to articulate the production and management of meaning with economic and political contexts. We consider our perspective to be part of the last group.

2. . Identities can be defined (BASTOS & BASTOS 2001) as representations of self and of others (as persons, groups, categories of social beings, etc.) that create images of order, permanence, belonging, unity, distinction and «moral» superiority; identities belong to the process of organization of the world as ordered multiplicity but also to the process of contestation of the hierarchies of the world-system. 3. . In the early 1950s, R. Redfield introduced the concepts of Great and Little into anthropological discourse. Four years later, he and Milton Singer used the some terminology to refer to the Great tradition of Sanskritic Hinduism and to the «folk» Little (non-Sanskritic) traditions of Hinduism. Several important anthropological studies produced in the last thirty years criticised the hierarchical premises inherent in this antinomy. The notion of «Little traditions» is evoked in this paper, in quotation marks, to emphasise that women’s expressive traditions are often described as «lower» than the scriptural Hinduism, at least by certain brahmanised sectors of the Hindu diaspora. 4. . Identity strategies (CAMILLERI et all. 1990) can be defined as procedures worked out by a social actor (individual or collective) for the attainment of one, or more than one, conscious or unconscious, objective; these procedures are elaborated as a function of the interactive situation and depend on diverse determinations (socio-historical, cultural, psychological, etc.). 5. . The island of Diu, located in the Gulf of Cambay, adjacent to the Saurasthra Peninsula, was a Portuguese colony for 450 years. Following Operation Vijay in December 1961, it became a Separate Union Territory of the Indian Union.

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6. . The business of the cantineiro included the acquisition and transport of various types of produce (peanuts, cashews, cotton, corn, etc.), harvested by local populations, to the towns. Cantineiros also sold capulanas – the traditional cloth – and other textiles, basic foodstuffs, «colonial wine» and other basic goods provided by merchants in the cities. 7. . Despite the frequent occurrence of professional mobility from masons to traders, class stratification within the Hindu population remained significant. 8. . Havan is an invocation of fire, a traditional Vedic rite, popularised and currently performed by Hindus of different castes. 9. . Vrata (vow) Katha (story) are female ritualisations connected with the realization of a desire; they require the cyclic telling (or reading) of a katha, together with the observance of several ascetic practices (specific food fastings, abstinence from sexual intercourse, etc.) and the performance of some ritual sequences (varying from vrata to vrata). 10. . Quotation from field diary, Lisbon. 11. . M…, housewife, khania caste, interviewed in Lisbon. 12. . L…, housewife, fudamia caste, interviewed in Lisbon. 13. . According to several informants, Mahatma Bapa appeared in Salamanga as an African to test Hindu devotees. 14. . A…, housewife, fudamia caste, interviewed in Lisbon. 15. . K…, economist, vanja caste, interviewed in Maputo. 16. . M…, judicial consultant, fudamia caste, interviewed in Maputo. 17. . T…., businessman, suthar caste, interviewed in Lisbon. 18. . V…, businessman, lohana caste, interviewed in Lisbon. 19. . J…, housewife, lohana caste, interviewed in Lisbon. 20. . M…, housewife, fudamia caste, pujari of Ambá Mandir, interviewed in Lisbon and Diu. 21. . L…, housewife, fudamiá caste, interviewed in Lisbon and Maputo. 22. . A…, housewife, vanja caste, living in Inhambane, interviewed in Maputo and Diu. 23. . D…, factory worker, fudamia caste, interviewed in Wembley, London. 24. . Most recent anthropological studies on the reconstruction of Hinduism outside the Indian subcontinent emphasise that it tends to become homogenised, standardised or to result in a more universal definition, parallel to some kind of brahmanisation. Re- traditionalisation, ritual complexification and conspicuous consumption are also significant trends that emerge from a relevant body of literature. 25. . P…, housewife, lohana caste, interviewed in Lisbon. 26. . V…, vania caste, leader of the Brent Indian Association (Wembley) interviewed in London. 27. . P…, patel caste, businessman, interviewed in London. 28. . L…, khania caste, factory worker, interviewed in Alperton, London 29. . H…, khania caste, factory worker, interviewed in Harrow, London. 30. . K…, lohana caste, housewife, interviewed in Wembley, London. 31. . G…, lohana caste, businessman, interviewed in Ealing Road, London.

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32. . P…, patel caste, editor of Gujarat Samachar, interviewed in London. 33. . M…, fudamia caste, interviewed in Lisbon and Maputo. 34. . The impossibility of the total assimilation of the Hindu population was referred by the Governor General of Mozambique himself in several speeches, namely at the inauguration of the Hindu Samaj in Lourenço Marques on 31st July 1938 (cf. Lourenço Marques Guardian, 2 Aug. 1938). 35. . This type of management of Hindu women returns us to the uses that Chatterjee points to colonialist and nationalist discourses. It also structured the colonial identity debates between Hindus settled in the British colonies of East Africa and those established in Mozambique and was used to create a hierarchical differenciation between British colonisers (perceived as «central» and «European») and the Portuguese colonisers (described as «peripheric» and «underdeveloped») (BASTOS & BASTOS 2005). 36. . Quotation from field diary, Lisbon.

ABSTRACTS

Despite being dismissed by certain brahmanised sectors of the Hindu diaspora, the idioms through which Hindu women construct their own selves and the alternative conceptions of the social world that they transmit have contributed significantly to the success of their families in migratory contexts in terms of identity. Taking the Hindu diaspora within the Portuguese- speaking space as a case study, we hope to show how the women's expressive traditions constituted a contra-ethnicising logic which helped to consolidate the position of the ethnic minority of traders formed by the Hindu-Gujarati population settled in Mozambique during the colonial period. In the two main post-colonial migratory contexts, Portugal and England, these traditions continue to provide emerging generations with significant resources for the redefinition of relations between “self” and “other” and for the renegotiation of intra- or inter-ethnic power dynamics.

Bien qu’ils soient rejetés par certains secteurs brahmanisés de la diaspora hindoue, les idiomes à travers lesquels les femmes hindoues se construisent elles-mêmes, ainsi que les conceptions alternatives du monde social qu’elles transmettent, ont contribué de façon significative à la réussite identitaire de leurs familles dans des contextes de migration. Prenant pour étude de cas la diaspora hindoue au sein de l’espace de la langue portugaise, nous espérons montrer comment les traditions d’expression féminines ont constitué une logique contre-ethnicisante qui a aidé à consolider la position de la minorité ethnique de négociants constituée par la population hindoue-gujarati installée au Mozambique durant la période coloniale. Dans les deux principaux contextes migratoires post-coloniaux, le Portugal et l’Angleterre, ces traditions continuent de fournir aux générations émergentes des ressources significatives pour la redéfinition des relations entre « soi » et « l’autre » et pour la renégociation des dynamiques de pouvoir intra-ethniques ou inter-ethniques.

Apesar de serem rejeitados por certos sectores bramanizados da diáspora hindu, os idiomas através dos quais as mulheres hindus constroem as suas próprias personalidades e os conceitos

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alternativos do mundo social que transmitem têm contribuído significativamente para o sucesso de identidade das suas famílias em contextos migratórios. Considerando a diáspora hindu dentro do espaço ocupado pelos falantes da língua portuguesa como um caso de estudo, esperamos mostrar de que forma as tradições de expressão das mulheres têm constituído uma lógica contra- etnicizante que ajudou a consolidar a posição da minoria étnica de negociantes ocupada pela população hindu-gujaráti estabelecida em Moçambique durante o período colonial. Nos dois principais contextos migratórios pós-coloniais, Portugal e a Inglaterra, estas tradições continuam a fornecer gerações emergentes com recursos significativos para a redefinição de relações entre « ego » e « alter » e para a renegociação de dinâmicas de força intra ou inter étnicas.

INDEX

Geographical index: Mozambique, Portugal Mots-clés: diaspora hindoue, tradition féminines, femmes hindoues, identité familiale, minorité ethnique

AUTHOR

SUSANA TROVÃO-BASTOS

Dep. of Anthropology Human and Social Sciences Faculty, New University of Lisbon

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Through the Eyes of Brazil’s African Daughters: Vision and Memory in the Artwork of Rosana Paulino and in the Short Fiction of Marilene Felinto Avec les yeux de filles de l’Afrique au Brésil : vision et mémoire dans le travail artistique de Rosana Paulino et dans les nouvelles de Marilene Felinto Através do olhar de duas filhas de África no Brasil: Visão e memória na arte de Rosana Paulino e na ficção de Marilene Felinto

Marguerite Itamar Harrison

EDITOR'S NOTE

* Bell hooks is the pseudonym taken by Gloria Watkins, a well-known feminist thinker.

AUTHOR'S NOTE

A shorter version of this essay was presented at the 54th Kentucky Foreign Language Conference in Lexington, Kentucky in April 2001. I would like to acknowledge my Smith students in POR221: The Brazilian Body, whose insightful input on Marilene Felinto’s novel As Mulheres de Tijucopapo during Spring 2001 inspired the origins of this essay. I dedicate this essay in memory of Richard Newman, civil rights activist and friend. «Since images that are counterhegemonic are necessarily provocative, their seductiveness, their allure lie in the freshness of insight and vision.» bell hooks*, Art on My Mind 1 We remember what we want to remember: this truism accounts for the nostalgic tone of most reminiscences, be they public or private, visual or verbal. Not everything,

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however, follows a voluntary path toward remembrance. This lends memory the attributes of a double-edged sword.

2 In the classic study, About Looking, art critic John Berger affirms the power of the re- membered past. «Memory», he writes, «implies a certain act of redemption.» In this redemptive role, memory serves as a means of rendering justice, as the act of remembering relies on the primary task of rescuing what otherwise would have been condemned to oblivion1. What if, however, the past holds such acute suffering that committing it to memory is damaging to the individual and damning to her society? Is it preferable to look away and forget? Or is the personal act of re-membering capable of rendering justice within a history riddled with condemnable abuse? Berger’s recommendation would be to insist on weighing individual past experiences against a broader social and political memory2. 3 This essay will investigate the private stirrings and public uses of memory in the works of two very different individuals, both contemporary Afro-Brazilian women artists: a writer, Marilene Felinto (b. 1957) and a visual artist, Rosana Paulino (b. 1967). Through their distinct creative paths – augmented by their gender – and racially-charged perspectives – they each depart from a legitimizing, personal stance to arrive at a militantly collective form of public memory. Their works offer resistance to Brazil’s legacy of slavery and subordination by communicating, in the words of Tadeu Chiarelli, underlying traits of upheaval3, to which they elicit social change. 4 As a course of action, both Marilene Felinto and Rosana Paulino prescribe to bell hooks’ critical mandate regarding «the primacy of the image»4, by employing visual image- rendering to lend significance to, to invoke, and to underscore the archaeological importance of memory. In the work of both women, memory is seen as a connective, redemptive component linking present and past, personal and collective experiences. To borrow again from hooks, Felinto’s and Paulino’s works might then be said to articulate the convergence of public and private reality5. I would add that they address a women-based reality, which moves toward creating Berger’s «social and political memory». It does so, in Berger’s words, by rescuing from abandonment what has been officially forgotten6, even if, in the case of these two artists, that which is unleashed acquires social significance out of rage and resistance. The Photograph, the Postcard: these are iconic forms of communication that employ the visual in order to make this rescue possible. 5 In Brazilian writer Marilene Felinto’s 1991 collection of short stories – Postcard – she demonstrates a literary capacity for converting written words into images. This transformation serves a dual purpose: first, it allows the text to go beyond the personal to become a collective experience. Secondly, this shift also suggests an attempt to emphasize the importance of the visual element so essential in a society at large, such as Brazil, still dominated by illiteracy. Felinto’s fictional work thus underscores visuality (and its corollary, orality, an element I will not investigate in this essay) in order to reach a collective body. For this purpose I wish to invoke the title of Postcard, an element that combines the visual and the written word into emblematic image and condensed text. 6 Rosana Paulino’s artistic works from the 1990s integrate a variety of media in order to pull photography away from its purely documentary function. Paulino combines disparate elements into an alternative medium, the most common being photographs on cloth, with handmade stitching. As Yve Lomax has stated, this mixing of media

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combined with photography serves to create «a multiplicity of readings and a deliberate blurring of the distinction between fact and fiction»7. In terms of Paulino’s artworks, then, this blending of media serves to contextualize the visual, thereby affording a textual quality to her visual pieces. Paulino’s contextualizing technique approximates Berger’s own recommendations for the creation of a social memory through alternative uses of photography: by constructing a context of experience that incorporates the collective sphere into the memory-fixing process8. Berger’s general plea for the integration of photography into social memory directly parallels Tadeu Chiarelli’s critical assertions about contemporary artists who infuse the creative process with life experiences9.

Postcards from the Text

7 For the purposes of this introductory essay, I will limit my analysis to one short story in Marilene Felinto’s collection entitled Postcard: «Visão da Bagaceira,» second in the sequence of eleven stories10. The short story’s title alone, to which I will return below, expresses a multidimensional scope to visual meaning. The narrative underscores vision, and the sense of sight as a crucial step toward the making of memory, in that sensory elements trigger remembrances, forcing the mind to make connections. The element of nostalgia, or longing, is added so that one image in the present compels another, more distant one, to surface from the past. This act serves to link two disparate places, both part of the narrator’s (and moreover the author’s) personal experience. Much like Marilene Felinto’s defiant first novel, As Mulheres de Tijucopapo, «Visão da Bagaceira» presents a specifically autobiographical connection between the Southern, industrial city of São Paulo and the Pernambucan sertão in Northeast Brazil11. By highlighting the sense of vision in this individualized account, Felinto also manages to summon a more universal response to memory, associated with a specific collective social experience: Brazil’s cycle of domestic migration rooted in socio-economic adversity.

8 From the opening of «Visão da Bagaceira» the narrator makes the reader one with her sensory-based experience. Through vivid sight-oriented clues and simple associations, the reader accompanies the narrator’s initial visual encounter, followed by a gradual sifting of memories toward self-revelation. In order to attain this more mature level of understanding, the narrator embarks on a journey (with the reader in tow); one which serves to displace her from urban to rural surroundings, as well as from present to past temporalities. 9 At the beginning of the story, the narrator is standing in front of a large glass window (literally a wall of glass, which we might later compare to Rosana Paulino’s Wall of Memory), a site that suggests double-sided (that is, outward and inward) reflection. As the narrator will discover, the glass, like memory itself, functions as both a lens and a barrier to past and present vision. From the first sentence, and through sole reliance on visual description, this narrator associates the apparatus before her (at first unidentified) with another familiar object seen through her mind’s eye, affirming in her words: «it looked like something familiar»12. By the fourth sentence, the narrator has defined the familiar place, further linked to her own childhood experience, and revealed through contrasting sizes: that is, a giant outdoor market measured against the minute size of her infant hand. By the last sentence in this first paragraph, the

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association comes closer into view: the gigantic printing press behind the wall of glass in the big city summons a personal connection to the market by way of the visual content of a childhood recollection. The reader may not yet have fully grasped this precise connection (inquiring, for instance, what exactly the printing press is supposed to conjure), but in complete alliance with the narrator, is able to let the full extent of her memory subsequently unfold. 10 The story’s second paragraph is further testament to this mind’s eye linkage of here and there, present and past, in which direct associations between objects and sensorial elements come into play by way of intense colors, heat, and rays of sunlight as sharp as piercing glass13. The narrator now acknowledges through repetition that the recognition is complete, with the words «I now know»14. At this point, full correspondence is made between two comparable machines: the printing press and the sugarmill, a mini-version of which, garnered from the narrator’s childhood memory bank, would grind up sugarcane into juice to satiate the market’s thirsty visitors. 11 These industrial objects further suggest how our memories are pressed out, bleeding into the interstitial spaces between adulthood and childhood. There is even a socio- ecological association to be made when the reader is guided toward the destructive implications of both sugarmill and printing press: the sugarcane plant is pressed into pulp and then juice as trees are pressed into pulp and then paper15. In keeping with Felinto’s ongoing (and often highly controversial) resistance to her country’s socio- economic elite16 – an advocacy that inexorably binds class issues to racial matters – we might extend the metaphor to suggest that this association is perhaps testimony to Brazil’s history of exploitation and exclusion. In the author’s birthplace in Northeastern Brazil, sugar has been an essential economic commodity since colonial times when its production was dependent upon an enslaved labor force. Moreover, symbolic of the industrial and intellectual hegemony of the South, the press is synonymous with the privilege bestowed upon a cultural elite. These two power symbols clash mightily within the narrator’s imaginary, generating moral conflict. 12 By the story’s fourth paragraph the narrator’s personal association linking two distinct geopolitical entities (urban South versus rural Northeast) has also been defined in atmospheric terms. The stifling heat of the city is one with the unmitigated heat of the barren-lands on market day17. The narrative tonally registers various hues, predominantly of green (pale light-green, sugarcane-green, fresh corn-green, for instance), in order to establish a bond with the natural landscape. The intensity and specificity of colors relating to the narrator’s rural experience not only serve to contrast with the somber severity of urban gray and turquoise-steel gradations, but reinforce the gift of sight, emphasizing its direct route to memory. This sensory overload, with added stress on the visual element, juxtaposes sharply with the narrator’s flashback tale of her life-altering encounter with blind beggars who are deprived of sight, and therefore are economically and socially marginalized. 13 In this sense, Marilene Felinto is also playing with the words in the title. The Portuguese visão – like the English word «vision» – can have several connotations: whereas it can simply mean the act of seeing, it can also refer to an image or apparition; moreover, it can also imply a way of perceiving or understanding things, or, even, the sense of achieving sudden insight or revelation. The word bagaceira also has several connotations, in direct relation to the sugarmill itself, specifically the area in

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which the crushed-up pulp is discarded. By extension, the word refers in more general terms to things that are residual, worthless, useless, to be rejected. 14 In its most elemental version, then, the short story’s title could simply refer to the image of the grinding sugarcane mill which surfaces in the narrator’s mind from the sight of the printing press. On another level, however, the title may stir national and social memories – particularly of the formerly slave-holding patriarchy – which in turn can be viewed metaphorically as a gnawing, devouring engine designed to segregate, now in human terms, prized ingredients from worthless ones. This urban/rural correspondence which transports the narrator into an interstitial space between adulthood and childhood signifies a transformative revelation on many levels.

Blindness and Revelation

15 In a world ruled by sight, the blind are themselves subject to marginalization. Moreover, within this inequitable social system, the blind beggars who inhabit the market are therefore doubly marginalized. Yet, as the story reveals, on another, gender-based level true to the narrator’s experience, the blind beggars have learned to manipulate the system in order to destabilize her worldview, ultimately violating her innocence. Despite the beggars’ literal blindness, their clever machinations serve to place the narrator at a disadvantage, by exposing her lack of awareness and inexperience. Memory thus becomes a repository for anguish and anger, rather than simply pleasurable reminiscences. Moreover, memory serves – both personally and historically – to underscore biases and injustice.

16 Interestingly, it is only after the blind beggars enter the story that the reader becomes cognizant of the narrator’s gender: the narrator is female. Within the flashback to the market, she is portrayed as a child who is made uncomfortable by the beggars’ request to her mother. They ask that she trade alms for her daughter’s eyes, for the sake of them, that is, but the Portuguese is conveniently ambiguous18. The narrator/daughter becomes indignant because she recognizes that her eyes have been fashioned into a commodity, and become a product of exchange. She exclaims resentfully: «They wanted my eyes!»19. Felinto cleverly reinforces this personal reference to sight by immediately employing another Portuguese saying «os olhos da cara», which literally means «the eyes on one’s face», but is synonymous with the English expression to cost «an arm and a leg». Within the commercialized context of the marketplace, this saying equates the cost of an ear of corn, to use the story’s example, with the cost of one’s eyes, intending to convey an exorbitant expense. 17 Whereas the reader is perhaps grateful to the beggars for indirectly revealing the narrator’s gender, the narrator herself is further confounded by the fact that the beggars’ blindness does not prevent them from knowing her gender. In other words, they know, as if they could see, that her mother has a young daughter, not a son. This mystifying insight alters the beggars’ behavior accordingly. Moreover, they are prepared to use this knowledge to their own advantage, which in the narrator’s mind is a means to inculcate double standards. 18 As the story goes on to describe, the narrator’s heightened awareness and subsequent insight into the beggars’ biased tactics lead to her loss of innocence. The vision of the city’s printing press triggers this sobering recognition: the narrator/protagonist suddenly recalls her grasp of the blind beggars’ trick, prompting them to «see» who is

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in front of them through the complicity of youngsters who have devised methods of conspiring with them. Suddenly, a childlike view of the market as entertainment is substituted by a subdued bird’s eye view of its value as a place marked by double standards and deception. The narrator’s own view of herself has become tainted by her market appeal, by her value as a commodity. Beyond her destabilized self, she distressingly recalls an assortment of animals for sale at the market, an association that, in turn, might hark back historically to an image of the market as a space for human bondage and trade20. 19 To reinforce the narrator’s sense of objectification, another childhood memory, filtered through her hardened adult lens, brings to the surface a supplemental image from the market: a tough, dagger-wielding, macho, cowboy-type whose bullying presence forces her to see reality as it is through grown-up eyes, where «the world was even worse than I had begun to imagine it was»21. She feels exploited and deceived by the very place, the very memory, of a pleasant moment in childhood. Moreover, the narrator is jarred into adult associations, in which the market’s dusty ground has turned a muted gray that matches the artificial tone of the coveralls worn by the big city’s newspaper workers. By the end of the story we see her back at the glass window, where she has learned in her seasoned adulthood to equate the sertão market and the printing press as different forms of mass media, of communicative visual and cultural manipulation. The tear that she sheds for her loss of self, in her words, «for who I was and for who I am,» for the past and the painful realizations of the present, rolls down from her eye, but there is no ground to catch it22. Memory– what began as a pastoral haven – is revealed to be as double-edged, as transparent, as the plate-glass before her. 20 Marilene Felinto’s fictional works tend to present us with women who are dealt these kinds of raw, sock-it-to the stomach, grow-up fast experiences, which in turn sharpen the edges of the narratives’ tones. Ultimately, past and present intersect through vision-induced memories to unleash a reality that is seamlessly biased and unjust. The story’s open-ended conclusion is meant to convey this sense of adversity. 21 At the end of «Visão da Bagaceira» it is up to the reader to construct a future self for the adult-weary narrator, to project new visionary prospects. We can only imagine that she might emulate the combative, defiant, even vindictive individual who narrated the coming-of-age story in As Mulheres de Tijucopapo. For this she must rely on what João Camillo Penna has described as a «collective revolution»23. In the case of Rísia, the narrator/protagonist of As Mulheres de Tijucopapo, this collective mission is based on an arduous journey leading to personal empowerment. First she encounters persistent peril as she voyages toward her mother’s Northeastern hometown, where at last she gains restorative vitality from within a circle of women warriors who vow to protect and defend her. Unlike the full-bodied image of this empowering ritual, the nameless narrator of «Visão da Bagaceira» has only taken the first step in her journey of self- discovery, one in which, through a razor-sharp lens of perception, she confronts society’s harsh (grinding) practices based on discrimination and exploitation. The reader, then, must become her warrior-ally, harnessing her individual memories into a collective force designed to denounce, and ultimately dismantle (the walls of) inequity. Queens of the Snapshot «The truth is that most photographs taken of people are about suffering,

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and most of that suffering is man-made.» John Berger, About Looking «Once we embrace [a] vision of the collapse of public and private, the convergence of the individual and the collective, we open ourselves to the possibility of communion and community». bell hooks, Art on My Mind 22 Through very different means, Rosana Paulino’s artworks uncover a similar need to position and legitimize the self within a collective force. Although her methodology is quite different from that of Marilene Felinto, she also relies on memory to «articulate the convergence of private and public reality», and of present and past24. Moreover, in a country prone to social amnesia, particularly when it comes to socio-economic, racial and/or sexual discrimination, Paulino aesthetically calls for what bell hooks terms the healing (and, I might add, future-altering) power of memory25.

23 As a visual artist, Rosana Paulino is actively and politically defiant when it comes to asserting her standing as a black woman in Brazil. In fact, Maria Hirszman has stated that Paulino’s work in its entirety reflects upon these personal aspects of her identity, while in a broader sense it denounces social conditions, and sexist as well as racist injustice in Brazil. Rosana Paulino herself has been quoted as saying that in her art, she only tackles issues that are personally distressing: «Eu só trabalho com questões que me incomodam»26. 24 To borrow from bell hooks’ critical language, Paulino’s works articulate new modes of contestation27, against an enduring social backdrop in which women have been regarded – and perpetually exploited – as commodities (and in the case of black women, this reality reaches even greater proportions). In her works of the mid-to-late 1990s Rosana Paulino embarked on a mission to explore the biased representation of the female body in art. In 1995 she exhibited her work in her native São Paulo, alongside a Berlin artist in a show entitled «A New Face in Hell», which included her drawings documenting the deterioration of Catarina, a beautiful blonde doll Paulino had owned as a child. By portraying her doll’s decay, Paulino chose to register beauty’s ephemeral nature28. Like Marilene Felinto, she also captured a child’s loss of innocence, unveiled through an adult-size lens that exposes beauty’s flawed ties to prejudicial ideals. In a similar vein, Paulino has dedicated her artistic production to a 1997 series of «anti-fashion» drawings entitled «Album of Sketches» (Álbum de Desenho), as well as another series called «Models» (1996-1998), in which she questions Brazil’s enslavement to artificial (and Caucasian) standards of beauty imposed from the outside29. 25 Despite the critical success of these later drawings, it is Paulino’s earlier work that is the main focus of this essay. Within a trajectory aimed at empowerment through active denunciation of Brazil’s colonial past, she begins by tracing her female ancestors through a type of personal, visual heritage. Through a provocative combination of photography and pen-and-ink drawing, Paulino not only venerates motherhood and domestic life, but converts this traditional homage into an act of rebellion and departure. Her 1993 piece entitled «Small Queens of the Home No. II» (Pequenas rainhas do lar no. II) consists of a centrally-placed, detailed black and white photograph of two

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children in traditional, frontal poses, flanked on either side by a quickly-rendered ink sketch suggestive of a baby (one of them eerily represented without a head). In Paulino’s works, such as this one, female children are often likened to royalty, for, as the title suggests, they are honored as small queens in the home; they are also frequently equated with Catholic iconography, such as representations of angels or martyred saints, as well as iconic associations with the Virgin Mary. 26 In another similar work from this early period, entitled «Hail Our Queen, Mother of Suffering» (Salve rainha, mãe de misericórdia), Paulino creates a loosely-arched triptych by inserting an ordinary snapshot of a woman between two simply-drawn sets of twin angels. In such works, Paulino understatedly captures the ambiguity which characterizes female roles: women are often portrayed as self-sacrificing bearers of children, narrowly circumscribed within the traditional domestic sphere, while at the same time they hover in a space beyond reality distinguished by symbolic deification and/or martyrdom. The handwritten caption in Portuguese under the central photograph confirms this double-edged status, in small caps: «hail our queen, mother of suffering». Paulino’s crafted juxtaposition of ink drawings and photographs in these examples invites the viewer to participate in an undercurrent of contestation designed to resist the historical implications of women’s – particularly those of black women – constricted roles.

Re-Membering the Lens of the Past

27 On a grander, more impressive scale which directly confronts Brazil’s legacy as a slave- holding colony, in 1995 Rosana Paulino transferred hundreds of photographs – often by way of photocopy – of her relatives and ancestors to small pillow-like sacks made of cloth (what she terms travesseirinhos or «little pillows»), in an attempt to deviate from and defy the objectification of the black (female) body during slavery. By appearing on the surface to duplicate the ways in which nineteenth-century photography defined black individuals as exotic objects, Paulino’s work unleashes the dehumanizing aspects of slavery. On the surface, these portraits may appear innocuous and passive – two- dimensional memories in some cases un-tethered to names and dates, free-falling through the visual record – but the act of uniting them in a patchwork format imparts a testimonial-like quality that transmits a continuum of active strength and solidarity.

28 In this striking work, appropriately entitled «Wall of Memory» (Parede da Memória), Paulino masterfully draws on her creative handiwork to channel a shared universe, to which she, by way of her African ancestors, is undeniably connected. The viewer stands before the images of these women who together constitute a collective, re-membered cosmology, symbolic of struggle and endurance. The latter is re-contextualized into positive action, summoning transformation out of centuries of torment and marginalization. Despite its determinedly resistant spirit, embodied in the solidity of the wall image, Paulino’s message is also softened by the medium of cloth (and/or drawing), as well as by the fact that the validation of her own identity as the master- builder of this sisterhood is woven into the aesthetic equation. The paradoxical combination of the pliable cloth against the sturdiness of the wall – a pairing symbolic of a fiercely feminine resistance – imparts a sock-it-to-the-stomach punch, reminiscent of Felinto’s fiction.

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29 Like other contemporary Brazilian artists, Rosana Paulino appropriates old photographs for use in new work, a technique that, according to Antonio Gonçalves Filho, creates a type of photographic archeology characterized by a search for lost identity, or, I would suggest, evokes an extension of visual memory beyond the merely personal. This Brazilian identity, Gonçalves Filho argues, was crushed by a society in which basic principles of citizenship were defined as abstract concepts, unattainable to the subaltern majority of the population30. 30 Paulino’s «Wall of Memory» combines techniques to create a commanding collective portrait. In this sense, memory becomes a synthetic creation, literally stitched together out of fragmented images. In other words, Paulino creates a literal and deliberate wall of memory through placement and repetition of images, images that in their relationship to each other affirm a familial bond. As the (re)construction of memory involves a handmade, conscious act of patching together disparate lives to form a whole, so viewers, too, in all their broad diversity, stitch Paulino’s re-membered sisterhood into the quilt of their own visual experiences. The audience becomes intertwined into the artwork by way of its communal outreach. 31 According to Tadeu Chiarelli, who has critically analyzed 1990s photography in Brazil, Rosana Paulino combines old photographs with other materials in order to create installations where «images of women stand side by side with other objects which almost always come from a traditionally female world»31. He claims that through this juxtaposition of materials as well as objects, Paulino is thus «trying to find a place for herself as a woman and a Black artist in contemporary Brazil»32. 32 I would like to conclude this brief analysis of Rosana Paulino’s artworks with her visually powerful «Untitled» (Sem título) piece, from 1997, as the single image it projects is emblematic of the individual impotence against injustice depicted in Marilene Felinto’s short story «Visão da Bagaceira». Paulino’s piece consists of a round embroidery frame in the center of which is a close-up, black and white photograph of a young black woman’s face, in frontal view. Her mouth has been pronouncedly stitched up with thick dark thread, so as to obscure the entire area. Moreover, the stitching has severely altered the smooth texture of the background material, giving it a creased look, radiating out from the mouth opening. According to Aracy Amaral, Paulino has overcome «feminine nostalgia» by lending a dark, non-domestic side to the act of sewing. This young woman’s face is, in the words of Amaral, «attacked and silenced by the subtle violence» of the stitches33. If the image is meant to unforgivably conjure tortuous forms of slave subjugation, it is also intended to represent the abiding suppression of a great part of Brazil’s repressed society. This piece addresses the artist’s own present-day reality, yet also reaches back into a collective past of violation and oppression. 33 Rosana Paulino creates these mixed media, alternative pieces in order to trigger the process of memory within herself (and by association in the viewer). Memory’s collective consciousness bears witness to a compendium of ills triggered by intolerance on the basis of gender, ethnic origin, and social class. In the works I have briefly analyzed in this essay, Marilene Felinto and Rosana Paulino act as masterminds in the stitching together of memory. Born out of individual isolation and repressed rage, their construction of memory aspires to a collective consciousness by way of a partnership with the reader or viewer. Each woman renders this connection possible through different means. Felinto grasps the reader’s understanding through a highly

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personalized process of self-revelation, gushing forth from inner opposition to social inequity. Paulino, on the other hand, relies on the viewer’s recognition of a collective sisterhood, grown out of centuries of human subjugation. As Rosana Paulino’s and Marilene Felinto’s works have shown, even if words themselves are ineffectual effectors of social change, visual images are universally indelible in their ability to conjure up the power of a collective memory, as well as in their undeniable capacity to denounce all forms of oppression and injustice. 34 April 2005

NOTES

1. . J. BERGER, «Uses of Photography», About Looking, New York, Pantheon Books, 1980: 48-63, 54. 2. . Ibid.: 58. 3. . T. CHIARELLI, «Photography in Brazil in the 1990s», Lapiz, 134-135, Jul.-Sept., 1997: 117-123, 120. 4. . B. HOOKS, « In Our Glory: Photography and Black Life », Art on My Mind: Visual Politics, New York, The New Press, 1995: 61. 5. . B. HOOKS, «Facing Difference: The Black Female Body», Art…, op. cit.: 99. 6. . J. BERGER, About…, op. cit.: 54. 7. . H. GRESTY & Y. LOMAX, «"The World is Indeed a Fabulous Tale": Yve Lomax – A Practice around Photography», in Nigel WHEALE (ed.), The Postmodern Arts: An Introductory Reader, London – New York, Routledge, 1995: 150-162, 159. 8. . J. BERGER, About…, op. cit.: 60-61. 9. . T. CHIARELLI, «La Mirada Contaminada: Otras fotografias/The Contaminated Gaze: Other Photographies», Poliéster, II (8), Spring 1994: 34-41, 34. His exact words address contemporary artists who manipulate «the photographic process by contaminating them with meanings and practices arising from life experiences». 10. . All references to this short story is taken from the following edition: M. FELINTO, «Visão da Bagaceira», Postcard, São Paulo, Iluminuras, 1991: 22-26. 11. . M. FELINTO, As Mulheres de Tijucopapo, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1982. This novel also appears in english translation under the title The Women of Tijucopapo, afterword and translation by Irene MATTHEWS, Lincoln, University of Nebraska Press, 1994. 12. . All translations from the Portuguese are my own. M. FELINTO, Postcard…, op. cit.: 24. 13. . Ibid. 14. . Ibid. 15. . This connection is made stronger in Portuguese through the double-meaning of the word folha which can signify a leaf on a tree as well as a piece of paper or newspaper page. 16. . The force of Felinto’s criticism is best represented by her journalistic contributions: first as a columnist for A Folha de São Paulo and more recently for Caros Amigos. 17. . M. FELINTO, Postcard…, op. cit.: 23-24. 18. . The original reads: «Uma esmolinha, dona, por caridade, pelos olhos de sua filha»: 24. 19. . M. FELINTO, Postcard…, op. cit.: 24. 20. . Ibid.: 25. 21. . Ibid.

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22. . Ibid.: 26. 23. . J.C. PENNA, «Marilene Felinto e a diferença», Revista de Crítica Literária Latinoamerica, XXI (41), 1995: 241. 24. . b. hooks, Art…, op. cit.: 99. 25. . Ibid.: 95. 26. . M. HIRSZMAN, «Memória Tecida em Patuás», Jornal da Tarde, 25 Feb. 1997. 27. . b. hooks, Art…, op. cit.: 53. 28. . A. GONÇALVES FILHO, «Duplos mostram uma nova cara no inferno», O Estado de São Paulo, Caderno 2, 9 Nov. 1995. 29. . J. MEDEIROS, «Rosana Paulino faz um mostruário "antifashion"», O Estado de São Paulo, Caderno 2, 25 Nov. 1997; M. HIRSZMAN, «Revendo a obra de Rosana Paulino», O Estado de São Paulo, Caderno 2, 9 Mar. 1999. 30. . A.Gonçalves FILHO, «Panorama explora volta do corpo na arte», O Estado de São Paulo, Caderno 2, 5 Nov. 1997. 31. . T. CHIARELLI, «Photography…», op. cit.: 119. 32. . T. CHIARELLI, «La Mirada...», op. cit.: 39. 33. . A. AMARAL, «Rosana Paulino: Women and Their Bodies», Virgin Territory: Women, Gender, and History in Contemporary Brazilian Art, Washington, DC, National Museum of Women in the Arts, 2001: 92.

ABSTRACTS

When the past is weighted with private torment and institutionalized oppression, how is it possible to reveal the redemptive side of memory? This essay addresses the construction of memory from the point of view of two contemporary Afro-Brazilian women: Marilene Felinto (a fiction writer) and Rosana Paulino (a visual artist). Their creative works grow out of a process of re-membering or stitching together fragmented images and repressed emotions to validate individual identity and strengthen a collective consciousness. These works aim, in turn, to challenge a social system rife with discrimination and subjugation. From a gender- and racially- charged standpoint, Felinto and Paulino resist marginalization and transform their own and their ancestral experiences into confrontational visions rendered in images and text.

Lorsque le passé est chargé de tourment personnel et d’oppression institutionnalisée, comment est-il possible de révéler le côté rédempteur de la mémoire ? Cet essai s’intéresse à la construction de la mémoire du point de vue de deux femmes afro-brésiliennes contemporaines : Marilene Felinto (un auteur de fiction) et Rosana Paulino une artiste plasticienne. Leur travail créatif se développe à partir d’un processus de remémoration ou d’assemblage d’images fragmentées et d’émotions réprimées pour valider l’identité individuelle et renforcer une conscience collective. Ces travaux ont pour but, à leur tour, de s’attaquer à un système social dans lequel règnent la discrimination et la subjugation. Du point de vue de l’identité sexuelle et raciale, Felinto et Paulino résistent à la marginalisation et transforment leur propre expérience et celle de leurs ancêtres en visions conflictuelles exprimées sous formes d’images et de texte.

Na medida em que o passado se baseia em suplício pessoal e em opressão sistematizada, como é possível revelar um lado resgatável ou redimível da memória? Este ensaio aborda a questão da

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construção da memória do ponto de vista de duas mulheres afro-brasileiras contemporâneas: Marilene Felinto (autora de ficção) e Rosana Paulino (artista plástica). As suas obras são criadas a partir de um processo para reconstruir ou remendar imagens fragmentárias e emoções reprimidas com o propósito de valorizar a identidade individual e reforçar uma conscientização coletiva. Estas obras desafiam um sistema social fundado em princípios discriminatórios de subjugação. A partir de um ponto de vista orientado por questões de gênero e raça, Felinto e Paulino resistem à marginalidade e transformam as suas próprias assim como as suas ancestrais experiências, em visões de confrontação expressas por meio de imagens e texto.

INDEX

Geographical index: Brésil, Afrique Mots-clés: Rosana Paulino, Marilene Felinto, construction mémorielle, discrimination, identité sexuelle, race

AUTHOR

MARGUERITE ITAMAR HARRISON

Smith College, Northampton, Massachusetts

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La recherche : Genre et rapports sociaux dans les espaces lusophones

Le genre à la maison, au travail et dans la maison

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Mulher é aquela que « comeu o boi » O efuko e a construção do género no grupo étnico Handa Est femme qui « a mangé le boeuf ». L’efuko et la construction du genre dans le groupe ethnique Handa Women are Those who “Ate the Ox”. The Efuko and Gender Construction in the Handa Ethnic Group

Rosa Maria Amélia João Melo

NOTA DO AUTOR

Este artigo emerge de uma pesquisa mais vasta que deu origem à elaboração de uma dissertação de doutoramento em antropologia ; cf. R. MELO, Efuko. Ritual de iniciação feminina entre os Handa (Angola), dissertação de doutoramento em antropologia social, Lisboa, ISCTE (Instituto superior de ciências do trabalho e da empresa), 2001.

1 Entre os Handa, os indivíduos que não tenham sido circuncidados ou iniciados no efuko1, conforme sejam do sexo masculino ou feminino, respectivamente, são marginalizados pela sociedade. Os não circuncidados são tidos como possuidores de echutu (termo pejorativo que designa o prepúcio) e, portanto, « sujos », imperfeitos, causadores de perturbações na prole. São alvo de troça quer das pessoas do mesmo sexo, quer das do sexo oposto, o que constitui uma vergonha para si e para a família2. As não iniciadas são apelidadas de hengu. Este termo possui uma conotação depreciativa e está relacionado com sujidade moral e emocional, impureza e perigo, colocando a mulher à margem da vida da comunidade e da cultura. Pode também ter o sentido de aborto (okuhengula). Assim, o não ter passado pelo efuko significará também ter abortado o processo de crescimento, facto que mancha a mulher de impureza, o que, por sua vez, se repercutirá em toda a sua prole.

2 Este artigo aborda questões relativas ao processo de construção do género entre os Handa. Estando tal processo indelevelmente ligado aos rituais de iniciação feminina (efuko) e masculina (ekwendje), o presente artigo analisa a relevância do efuko entre os

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Handa no processo de construção do género, facto que permite explicitar, por um lado, os mecanismos afectos à mencionada construção, neste contexto sociocultural particular e, por outro lado, permite averiguar em que medida este ritual se torna um atributo do género. 3 A caracterização do género tornou-se uma questão em torno da qual se abrem discussões cada vez mais candentes no contexto da antropologia, e se vão agenciando estratégias para a sua análise e compreensão nas mais diversas sociedades. Os esforços para a análise, compreensão e conceptualização do género e da sexualidade têm obedecido a enfoques distintos, em função das sensibilidades e interesses dos diferentes autores. Com efeito, além da evidência que se dá à consideração do sexo como um dado natural, autores como J. Collier e M. Rosaldo revelam que as questões referentes à sexualidade emanam da organização da desigualdade social, razão pela qual o género é parte da sociedade3. Outros autores embrenham-se na família para discutir a questão do género e para a análise de relações entre homens e mulheres4. Aqui, são referenciados os estereótipos que rotulam tanto os homens como as mulheres e marcam as suas diferenças. Outros ainda enquadram as suas discussões e reflexões a este respeito no contexto do matrimónio e do parentesco, tido como um lugar privilegiado para o efeito. É neste contexto que S. Ortner e H. Whitehead destacam o prestígio como um elemento com implicações profundas na conceptualização do género5. 4 Não obstante os diferentes enfoques, é ponto assente que o género é uma construção sociocultural, com carácter dinâmico e de ocorrência incessante influenciada por práticas e experiências culturais diversas6. Além das dificuldades relativas à sua própria definição, algumas das quais resultantes do facto de os homens e de as mulheres adoptarem comportamentos diferentes conforme os usos e costumes das sociedades onde estejam inseridos, este assunto tem sido imbuído de algumas conjecturas7. As mesmas são, em geral, evidenciadas sobretudo nas referências sobre sociedades africanas, nas quais erroneamente se considera que a mulher é dependente do homem e também explorada por ele. 5 Tendo em linha de conta o exposto, as considerações que se seguem retratam a construção do género no grupo étnico Handa, tendo como principais focos de análise a família e o matrimónio. Começando por caracterizar o efuko, enquanto parte da construção de uma identidade do género, pretende-se compreender o seu papel neste processo e revelar em que medida o mesmo se torna um atributo do género.

Caracterização do efuko

6 Pela sua extensão, significado, essência e carácter ; pela sua importância e lugar na cultura Handa ; pelas inter-relações existentes entre si e vários outros elementos da cultura mencionada (como o parentesco e a religião), bem como pelos simbolismos a ele inerentes, é difícil definir, compreender e interpretar o efuko, sem ter em conta a diversidade de aspectos sociais e culturais com os quais se interliga e nos quais emerge. Entretanto, não sendo aqui objectivo analisar o efuko enquanto ritual, limitar-me-ei apenas a apontar alguns dos seus traços gerais característicos que permitam identificá- lo e revelar, nas linhas subsequentes, a sua relação com o género na cultura Handa8.

7 O efuko é a designação do ritual de iniciação entre os Handa, ao qual todos os indivíduos do sexo feminino, em idade púbere, são submetidos. É parte de um processo de ensino e aprendizagem iniciado desde o dia do nascimento de um ser feminino. Possui um

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carácter obrigatório, intensivo, irrepetível e muito bem delineado, durante o qual as iniciandas vivem uma dramatização da rotura com a infância, passam por uma angústia que envolve aceitação, submissão, obediência, pudor, cumprimento, acatamento, contenção e discrição, executam um conjunto de técnicas corporais que as distingue dos rapazes e, também, de outras raparigas já iniciadas ou ainda não iniciadas. 8 É um ritual de natureza preceptiva e reflexiva e integra um conjunto de momentos particulares com significados e objectivos diversos marcados por uma solenidade, dramatismo, excitação, entretenimento e simbolismo. O encadeamento de elementos simbólicos mais ou menos expressivos, nos diversos momentos do ritual (como técnicas corporais, elocuções verbais e canções) conduz as iniciandas a uma mudança de estatuto, no contexto social a que estão inseridas. 9 O efuko é um meio de classificação etária entre os indivíduos do sexo feminino. É uma experiência cognitiva, estética e emocional de particular relevância. Com efeito, passar pelo efuko é uma forma de adquirir poder. Este ritual legitima a transformação de um ser feminino em mulher, sanciona-o para o cumprimento das obrigações legais futuras no campo matrimonial, publicita a sua nubilidade e pudicícia e prepara-o para a maternidade. Também ele patenteia a oposição entre o masculino e o feminino, manifesta a relevância da mulher no seio da família e do grupo, promove o respeito pelas cerimónias e pelos mais velhos, revela a importância do trabalho e inculca a ideologia do parentesco, os princípios de sucessão e herança, das hierarquias sociais e do poder ; proclama a maturidade social, a fertilidade, a maternidade e a procriação. A passagem pelo efuko toma um carácter irreversível. 10 O efuko confere aos indivíduos do sexo feminino um atributo especial e aptidão para o matrimónio. Tendo em atenção o papel social das mulheres, o efuko também lhes inculca preceitos genéricos do grupo, tornando-se um instrumento propenso para a educação de ambos os sexos, para a distinção do género e para a inculcação das técnicas corporais prescritas para cada um dos géneros. 11 Por oposição, os indivíduos do sexo masculino devem também passar pelo ekwendje – ritual de iniciação masculina – no fim do qual a sua aptidão sexual e, consequentemente matrimonial se manifesta, essencialmente, na ablação do prepúcio, e também na aprendizagem e acumulação de saberes e experiências sobre a vida em geral ministrados no decurso da cerimónia. 12 Ao contrário do ekwendje, que é um ritual de carácter secreto, desenrolado longe do ambiente doméstico, e onde, para além da ablação do prepúcio, das provas duras e das regras mais ou menos severas, se celebram os poderes da masculinidade, o efuko é um ritual de carácter público, desenrola-se próximo das habitações e não prescreve qualquer tipo de mutilação corporal das iniciandas. Apesar das diferenças entre estes dois rituais, cuja essência opõe o masculino ao feminino, tanto um como o outro actuam como instrumento da moral cívica, adquirindo um carácter sagrado na vida e cultura Handa.

O masculino e o feminino : o processo de construção do género entre os Handa

13 Dados os vários condicionalismos da própria vida, os Handa vão dinamizando uma série de acções por forma a reforçar e perpetuar as experiências e os ensinamentos acumulados desde os seus antecessores, a enfrentar a força da natureza com a qual se

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confrontam no dia-a-dia e a manter, na medida do possível, a estabilidade e a continuidade da sua cultura. Obviamente, as transformações socio-políticas operadas em Angola, sobretudo nos últimos vinte e sete anos, as vicissitudes evidentes, consequência das sucessivas guerras civis e, também, as mudanças no plano internacional, provocam, em certa medida, algumas transformações relativas à cultura em todo o espaço angolano. Entre os Handa, por exemplo, as tradições – vistas como um conjunto de valores herdado dos antepassados, e cuja preservação se pretende escrupulosa, por forma a permitir a sua continuidade ao longo do tempo –9 deixam hoje de ser o que eram. Ou seja, as mesmas vão-se alterando, vão-se reajustando, nomeadamente no que diz respeito à sua estrutura, bem como aos seus mais pormenorizados detalhes.

14 Apesar desta constatação, os mais velhos – embora revelem uma certa angústia pelo facto de as tradições não serem como eram, isto é, por não se manterem ; apesar de viverem as alterações que nelas ocorrem – não reconhecem, em grande medida, as ditas transformações, facto também observável entre populações de outros pontos do globo10. Retenha-se, consequentemente, que sendo o homem parte da natureza sujeita- se, por isso mesmo, tanto à estabilidade como a uma variabilidade e câmbio11. E o que se puder dizer hodiernamente da sexualidade e género entre os Handa estará de algum modo associado a transformações, fruto da sua adaptabilidade às ditas inconstâncias e variabilidades típicas da ordem social. 15 Partindo do princípio que o género se manifesta e se constrói no interior (e a partir) de um contexto sociocultural particular, para analisar este fenómeno no contexto dos Handa começo por destrinçar, nas linhas subsequentes, os primeiros passos de socialização de um muhanda na vida do grupo, imediatamente após o nascimento. Moldando-se na sequência desse processo, os detalhes da configuração do género surgem a posteriori, ocasião em que ponho em destaque, entre vários aspectos, o entendimento do que é ser-se homem ou mulher entre os Handa. Note-se, entretanto, que a sequência dos temas, bem como os aspectos neles destacados obedecem ao esforço de análise contextual do objecto, ao interesse em clarificar o conteúdo dos dados e à preocupação em revelar as interligações existentes entre os diferentes aspectos do tema em análise.

Okupita pondje12. Os primeiros passos de socialização

16 Independentemente do sexo, qualquer recém-nascido entre os Handa está sujeito a uma inserção na vida da família e da comunidade. Tal inserção é levada a cabo pelos adultos da família através de um ritual, designado por okupita pondje, que assinala a integração sociofamiliar do indivíduo reiterada pelos espíritos ancestrais aos quais os Handa recorrem para garantir a protecção da criança desde a sua concepção. O okupita pondje não exige, todavia, muitos custos13 (comparativamente a outros rituais como o efuko) e, embora conte com a participação dos familiares e amigos (que acorrem ao local da cerimónia com oferendas em género ou em espécie), é semi-restrito. Neste ritual, o recém-nascido recebe um nome, em geral o de um parente paterno ou materno falecido ou ainda em vida. Salvo raras excepções, os filhos primogénitos recebem o nome de um parente paterno, os secundogénitos o de um parente materno e os restantes seguem esta mesma ordem, alternando-se continuamente por ordem do nascimento14.

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17 No caso de ser colocado ao recém-nascido o nome de um parente vivo este facto não é realçado com qualquer simbolismo. Porém, se o nome dado à criança for o de um parente já falecido (homem ou mulher), coloca-se-lhe no pulso uma pulseira de missangas de cor branca, que ela usa durante vários meses (em geral até se romper), simbolizando o seu homónimo espírito ancestral. Se este for um parente paterno da criança a referida pulseira é-lhe posta no pulso do braço direito, e se for um parente materno é-lhe colocada no pulso do braço esquerdo15. 18 Com efeito, ao longo do processo de crescimento da criança, é comum as pessoas tratarem-na com a atenção e respeito que revelam em relação ao seu homónimo vivo ou morto, sobretudo tratando-se de uma pessoa mais velha. E neste contexto entram, inclusive, as designações de parentesco. 19 Depois dos primeiros passos de socialização da criança, a sua integração completa-se graças às relações que a mesma vai estabelecendo com os pais, irmãos, parentes próximos e outros, factos esses que permitem a sua passagem de um tipo restrito de relação para um meio relacional mais amplo, dando-se assim uma outra fase de socialização. Esta é conduzida por forma a atingir o seu apogeu com os rituais de iniciação masculina (ekwendje) e feminina (efuko), diferentes entre si pelas suas exigências e carácter, mas ambos com um grande peso social, cultural, espiritual, ético e moral. Ao longo desta etapa exige-se aos mais novos (rapazes e raparigas) uma observação atenta dos factos e dos gestos elaborados pelos mais velhos e pelos seus próprios coevos, sobretudo aqueles cujo comportamento seja digno de realce. Daí, quiçá, a razão das prerrogativas dadas às crianças, entre as quais as de presenciarem certos actos reservados, por se crer que as crianças nada têm de malícia e que são incapazes de fazer insinuações ou conjecturas e até de elaborar ou entender os conceitos tal como os mais velhos o podem fazer. 20 Por via disso, praticamente nada é vedado às crianças vahanda, o que facilita o seu contacto directo com factos ; com sentimentos expressos por palavras e gestos ; com movimentos corporais intensivos ou ligeiros ; com instrumentos especiais usados em cerimónias particulares ; com objectos simbólicos. Elas vivenciam em silêncio momentos íntimos de exaltação, por exemplo de briga dos pais ou de outros parentes e amigos. Ouvem palavras de desabafo, ofensas esporádicas ou meditadas, súplicas ou condenações ou momentos de espasmos e de dor que, em certa medida, permeiam a vida de toda a comunidade. Tornam-se testemunhas fiéis de situações diversas com as quais vão interagindo no dia-a-dia e que moldam a sua relação com os outros. E com tudo isso elas aprendem. Elas aprendem como se comportam os do sexo masculino e os do feminino, bem como as regras para alcançar o prestígio social, importante na vida de um adulto, seja este homem ou mulher16. Nas suas brincadeiras, elas reproduzem as atitudes, as actividades dos mais velhos e tudo o que elas vão observando atentas, embora passivamente, no dia-a-dia. Digamos que a criança, mecanicamente – e dada a liberdade que tem de circular entre os adultos e de apreciar até as cerimónias mais recônditas – vai efectuando uma espécie de treino através da imitação e da repetição, vai-se capacitando e aperfeiçoando o seu conhecimento, vai alargando o seu horizonte, vai elaborando (ainda que o adulto o não reconheça) os seus próprios conceitos, vai tomando atitudes através das quais evidencia a forma como ela encara o mundo e as pessoas que a rodeiam e vai, enfim, moldando o seu corpo e preparando-se para ser homem ou mulher em função do sexo.

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21 Nas suas reproduções a criança pode tomar posturas típicas de adulto (indiferentemente do sexo), assumindo, por exemplo, determinados papéis estabelecidos socioculturalmente para os homens e para as mulheres ou simulando reacções e comportamentos dos mesmos em certas cerimónias, sejam elas religiosas ou iniciáticas. Por outro lado, usando da sua fantasia e imaginação, as crianças imitam o comportamento umas das outras e o dos mais crescidos. No caso das raparigas, dado a passagem pelo efuko constituir uma honra para si próprias e para a sua família, todo o seu processo de socialização visa atingir esse fim. E é com esse ritual que, como se poderá ver mais adiante, se fecha um ciclo do seu processo de socialização, se consagra a sua transformação em mulher, se marca a sua feminilidade e se adquire uma parte considerável do seu prestígio social. Igual prestígio cabe aos membros do sexo masculino com a sujeição ao ekwendje.

Mulher é aquela que passou pelo efuko

22 Na concepção dos Handa, possuir sexo feminino não é condição bastante para se ser mulher. Mulher é o indivíduo do sexo feminino sobre o qual se pode dizer : « walia ongombe » (isto é, « comeu o boi ») – expressão que denota uma relação mulher/boi. Qual o sentido dessa relação ? Entender uma tal relação pressupõe, em primeira mão, compreender o lugar do gado bovino na vida dos Handa. Pressupõe, outrossim, apreender a condição da mulher na família e no matrimónio.

23 O gado bovino é o símbolo do poder económico e de riqueza, entre os Handa. É o meio que confere aos vahanda o status e os meios de subsistência para si e para a família. Vivendo os Handa, nos meios rurais, da agricultura e da criação de gado bovino, estabelecem com o último uma relação muito estreita, constituindo o mesmo o centro da sua atenção. Em geral, observam-se alguns tabus em relação ao gado17. As mulheres que não tenham passado pelo efuko, por exemplo, não devem lidar com o gado, e a sua permanência nessa condição num eumbo18 é motivo de repulsa, uma vez que se crê que provoca danos no armentio. Daí que se acredite que a proibição do matrimónio com mulheres hengu permita evitar, entre outras coisas, a destruição do armentio como património familiar e bem comunitário. 24 Pelo seu valor, o gado não é abatido fortuitamente, e o efuko constitui o ritual no qual a matança do boi, além de prescrita, constitui um momento de júbilo e de esplendor19. Neste sentido, o ser-se mulher, está associado, entre outros aspectos, ao prestígio que é conferido por via do efuko e guarnecido com a matança do boi, este último, um bem inestimável quer no sentido individual, quer no colectivo20. A relação evidente entre a mulher e o gado bovino mostra a relevância e o lugar preeminente da mulher na cultura Handa. 25 Ser mulher é ter passado pelo efuko. O passar pelo efuko (okufukala) confere, por si só, prestígio e status a qualquer indivíduo do sexo feminino, facto que o leva a ser respeitado como tal. Confere-lhe aptidão para procriar, dá-lhe a possibilidade de, no seio do grupo, exercer plenamente a sua actividade como mulher, de ser sujeito de direitos e deveres, de agir e partilhar momentos cruciais da vida com outras mulheres que tenham passado pelo efuko. O estado de hengu coarcta qualquer uma dessas possibilidades, além de constituir um obstáculo para o matrimónio no seio do grupo. Por muito bela que seja a rapariga, nenhum homem Handa a pretenderá para esposa e

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mãe dos seus filhos, dado que traz consigo maldições, é considerada « suja » e constitui vergonha para a família. 26 Por oposição, os homens devem também passar pelo ekwendje – ritual de iniciação masculina – no fim do qual a sua aptidão sexual e, consequentemente, matrimonial se manifesta, essencialmente, na ablação do prepúcio, e também na aprendizagem e acumulação de saberes e experiências sobre a vida em geral ministrados no decurso da cerimónia. Um homem não circuncidado é rejeitado pelas mulheres, ridicularizado tanto por estas como por outros homens, é tido como imperfeito, causador de perturbações na sua prole, e está proibido de participar das comezainas com homens circuncidados, o que constitui uma vergonha para si e para a família. 27 Infira-se, do exposto, que, tal como em qualquer outra cultura, existe, entre os Handa, um modelo ideológico das categorias « masculino » e « feminino », bem como um conjunto de atributos que as distinguem e opõem uma a outra. Nesse grupo étnico, do mesmo modo que o sentido da vida de uma mulher, bem como a transformação de um ser feminino em mulher está intimamente relacionado com o efuko – tornando-se este o meão em torno do qual se converge a dinâmica do processo educativo e da construção e distinção do género – o ser-se homem está intimamente relacionado com o ekwendje, ritual no qual o iniciando além de aprender a conhecer o mundo que o rodeia, de vivenciar momentos únicos da sua vida, aprende igualmente a ser audaz, impetuoso e solidário.

As marcas da feminilidade. A passagem de menina a mulher

28 As marcas da feminilidade e da masculinidade inculcadas no corpo e na mente de um muhanda, ao longo do seu processo de socialização, ultrapassam a questão do biológico para serem algo de social. Aliás, é sob o olhar atento das mães que mulheres e homens da família e da comunidade Handa em geral modelam com atitudes, gestos e palavras a imagem de um indivíduo por forma a tornar-se homem ou mulher em função do sexo. Além das diferenças fisiológicas e anatómicas entre os indivíduos, a modelação dos corpos, os estilos de linguagem, de vestuário, de dança, de penteado, de comer, bem como o comportamento corporal são elementos que estão implicitamente marcados no género, distinguindo o masculino do feminino. E como cada sociedade possui os seus próprios hábitos21, os Handa também cultivam os seus, que se manifestam, designadamente, na sua maneira de estar, de andar, de falar, de rir, de dançar, de olhar, de cortejar, de se sentar, de comer, de dormir, de indumentar de se pentear, de agir e de expressar os sentimentos. Estes hábitos constituem, no dizer de M. Mauss, a sua « idiossincrasia social ». É neste contexto que os Handa educam a postura corporal e de linguagem quer das raparigas, quer dos rapazes, que se vão modelando, com o decorrer do tempo, conforme o « habitus », termo que na perspectiva de M. Mauss ultrapassa o « hábito », o « adquirido », a « faculdade » e o « exigido », para envolver um conjunto de técnicas e uma prática colectiva e individual22. Daí a consideração de P. Bourdieu segundo a qual o corpo masculino e o feminino são criados « de acordo com os esquemas práticos do habitus »23. O modelo de comportamento de cada um dos géneros altera-se progressivamente, tornando-se mais cuidado e rigoroso à medida que o indivíduo cresce. Isto pressupõe a existência de uma variação nas técnicas corporais, nomeadamente em função do sexo, da idade e do estatuto. As marcas quer da feminilidade, quer da masculinidade delimitam as etapas desse crescimento e são reforçadas por distintos graus de responsabilidade tidos ao longo do crescimento do

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indivíduo. No decurso do seu processo de crescimento, enquanto os indivíduos do sexo masculino são designados primeiro por mukwendje, mumati e depois por mulume e mais tarde por mbwale, os do sexo feminino são distinguidos com designações diferentes : mukaínu, mufuko, ekunga, mukai e hulukai. Estas definições referem-se a categorias associadas à idade, nubilidade, sexualidade e maturidade. Em função disso, cada uma delas é caracterizada de forma distinta, como passarei a indicar.

29 Desde que nasce até à altura da sua cerimónia de efuko a rapariga é designada por mukaínu. Nesta fase ela goza de todas as prerrogativas que a infância lhe confere, saltando e brincando tanto com raparigas como com rapazes sem distinção nem preconceito. Logo que comece a falar, a rapariga aprende a distinguir expressões típicas do género feminino como, por exemplo, dizer « ka » para agradecer, ao invés de « cetu », como dirão os do sexo masculino. Embora partilhe o seu tempo também com meninos da sua idade, à medida que cresce ela enfrenta alguns constrangimentos impostos pela natureza do seu sexo ; por exemplo, não pode trepar livremente às árvores para apanhar frutos ou destruir ninhos dos pássaros, tal como fazem os rapazes, sem se confrontar com os cuidados no posicionamento do corpo, garantindo uma ocultação (o maior possível) dos seus órgãos genitais que, na infância, se tornam objecto de curiosidade entre os garotos. Nos primeiros meses de vida (isto é, dos 0 aos 12 meses aproximadamente) a sua indumentária é praticamente idêntica à dos rapazes : tronco nu com a parte inferior coberta por ondambo – uma tira de pano estreita e ligeiramente comprida que passa por entre as pernas para cobrir as virilhas e é atada à cintura com outra tira ainda mais estreita24. Algum tempo depois, enquanto que os rapazes substituem o ondambo pelo ocinkwani, que é a designação de uma tira de pano, relativamente estreita (que se vai alargando e tomando forma à medida que o rapaz vai crescendo), que eles usam atada à cintura por um fio ou por um cinto, franzindo-se ligeiramente à frente, resguardando as nádegas e as virilhas, as raparigas substituem- no pelo ovindyondyo. Este consiste em duas tiras de pano igualmente estreitas, sendo uma, a mais curta, usada para cobrir a virilha, e a outra o traseiro. As extremidades superiores de cada uma das tiras são também atadas à cintura. Este estilo de vestuário tipicamente infantil prolonga-se, no caso dos rapazes, até por volta dos 12, 13 anos e, no caso das raparigas até ao momento do efuko. 30 Como se pode depreender, um dos elementos diferenciadores do género, já nessa fase, para além do estilo indumentário é, por exemplo, o uso por parte das raparigas de colares de missangas ao pescoço, de algumas fiadas de missangas na cintura, outras cruzadas no peito (ovipatakano) e de ovikeka (pulseiras) nos braços e nas pernas (junto aos tornozelos). A simplicidade da indumentária feminina contrasta, entretanto, com a complexidade e beleza dos penteados típicos de cada uma das etapas de desenvolvimento de uma mulher25. 31 Desde a mais tenra idade que a cabeça das mulheres se apresenta sempre descoberta e é objecto de variados penteados, caracterizando as mencionadas etapas de crescimento, bem como o estado de espírito da mulher, nomeadamente o luto. Enquanto mukaínu a rapariga usa um penteado infantil muito simples (em comparação com os posteriores), designado por ocitandavala. Este é adornado de missangas que, a cada movimento da cabeça da menina, conferem uma certa graciosidade. Nesta mesma idade, as raparigas vankhumbi usam o chamado onosandji e pouco depois, um outro penteado designado por ovinyenye. Embora as mulheres mucilenge muso tragam, normalmente, a cabeça coberta,

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enquanto pequenas usam um penteado designado por olumbwambwa, e já mais perto do ritual de iniciação ostentam um outro designado por olunhonga. 32 Convém notar, em jeito de parêntese, que a educação atribuída às crianças, quer sejam rapazes, quer sejam raparigas, visa estimular a sua aprendizagem e desenvolver as suas habilidades para que, por elas mesmas, se sintam estimuladas a desenrolar as suas tarefas individualmente e possam estabelecer um equilíbrio entre aquilo que a sociedade espera de si e a reputação que cada um adquire em função das suas aptidões e dedicação ao trabalho. Nesta conformidade, aos 6 ou 7 anos aproximadamente, uma mukainu conhece os limites do seu comportamento, os perigos de que tem que se resguardar e as actividades sobre as quais se exige a sua atenção. Por isso, já nessa idade pode-lhe ser confiado o cuidado de irmãos mais novos. Aprende contos, cânticos, jogos infantis e também a dançar, a limpar o pátio, a pisar a fuba, a transportar a água à cabeça e a confeccionar objectos artesanais de carácter feminino como ovimbala e onongalo26. Do mesmo modo, aprende a observar tabus sexuais relativamente aos irmãos e outros parentes próximos. 33 Aos 9 ou 10 anos, aproximadamente, começa-se a exigir da mukainu uma maior atenção à cozinha, e já nessa altura aprende a cozinhar os alimentos, sobretudo a ohita que constitui uma alimentação básica do grupo. Começa também a dominar o uso de utensílios como ovimbala, onongalo, panelas e a ajudar nos terrenos agrícolas. Nessa idade, conhece as suas limitações quanto ao relacionamento com os rapazes, visto que lhe são desencorajadas quaisquer actividades de carácter sexual antes do efuko. Os rapazes também cuidam dos mais novos, e embora pisar a fuba não seja uma actividade masculina podem fazê-lo circunstancialmente, conquanto com bastante raridade. Os rapazes são responsáveis pelo pasto, pela ordenha, pela apanha de frutos, pela caça e também pela agricultura. 34 Verifica-se, por conseguinte, que no seio da família as crianças aprendem, desde cedo, a diferenciar os papéis femininos dos masculinos. E, em função do sexo, aprendem também a fazer uso do corpo nas suas brincadeiras, bem como na execução das actividades de que são incumbidas. Para isso contribuem tanto os familiares com os quais elas partilham o espaço habitacional como outros adultos que, atentos aos seus movimentos, podem repreender para corrigir. E, desta forma, vão-se construindo « os alicerces de uma identidade social futura, que se vai afirmando com maior nitidez à medida que se cresce »27. 35 Perto do período do efuko, isto é, aos 11 ou 12 anos aproximadamente, nota-se entre as raparigas Handa uma certa mudança no seu visual, evidenciada, sobretudo, por um novo penteado, o epando, que doravante elas passarão a usar até ao dia do okufukala 28. O epando assinala a fase de transição de mukaínu para mufuko, mais exactamente ilustra a última etapa da meninice. 36 Tendo em conta, por um lado, as exigências e limitações da vida adulta e, por outro lado, a beleza e ingenuidades típicas da infância em vias de ser ultrapassada por forma a que a rapariga aceda a outra fase de idade, as mães, de modo geral, capricham grandemente tanto no epando das filhas como nos adornos (por exemplo ovikeka) que estas trazem nos braços e nas pernas. Nesta fase, as raparigas têm minimamente consciência de que não tarda muito que sejam submetidas ao efuko, embora desconheçam o dia exacto. Por isso, as mães e os restantes membros da família procuram distraí-las com mimos, dando-lhes permissão para efectuarem digressões pelos eumbo dos parentes, satisfazendo os seus desejos, etc., facto que torna mais forte o

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impacto resultante da quebra ritual com a infância. No período em referência, as raparigas ovankhumbi também usam um penteado designado por epando. 37 A submissão da rapariga ao efuko fecha o ciclo da infância e marca o início de um outro ao longo do qual são introduzidas alterações consideráveis na sua vida : passa a ser designada por mufuko, assumindo novas responsabilidades. É-lhe imposta uma postura diferente da anterior, devendo comportar-se como uma mulher adulta, uma vez despojada inelutavelmente da infância. São-lhe interditas brincadeiras com indivíduos de sexo oposto. É-lhe atribuída responsabilidade pela educação dos mais novos, pela cozinha e uma parte de terreno para o cultivo, bem como apontadas falhas na sua conduta. Ganha um novo estatuto, o de mulher, exibindo por isso um penteado e indumentária adequados ao mesmo. Quanto à indumentária, os panos passam a ser mais largos, o suficiente para se manterem franzidos e ligeiramente curtos à frente (nas virilhas), enquanto que o detrás se alarga sem franzido por forma a cobrir as coxas. Portanto, embora o tronco se mantenha despido, a parte inferior do corpo passa a ser resguardada com maior discrição. 38 O penteado típico desta fase varia consoante as regiões. Por exemplo, as raparigas Handa de Cipungu e arredores usam em geral ehala enquanto as de Cilenge e Kakula usam ondongo. Ambos os tipos diferenciam-se entre si, embora na essência apresentem uma mesma significação. Noutros grupos vizinhos como os Ovacilenge Muso, Ovankhumbi e Ovamuila, as raparigas exibem nesta fase outros tipos de penteado, como o omphonde, o ongava e o ocipukika, respectivamente. Mais recentemente, sobretudo nos meios urbanos, está a vulgarizar-se o uso de um outro género de penteado, o onhewe, para as raparigas iniciadas, sejam elas vahanda, vamuila, ou vankhumbi29. 39 Ao contrário dos outros, qualquer um dos penteados típicos de efuko é usado uma só vez. Ou seja, é irrepetível tal como o é a infância. O mesmo simboliza a cisão da rapariga com a infância e o início de uma nova etapa da sua vida como mulher. 40 Após largos meses exibindo o penteado de efuko – uma fase em que normalmente a rapariga começa a despertar grandemente a atenção dos homens interessados no matrimónio – o mesmo é depois substituído por omakhonkha avali. Este é um penteado muito simples que, ao contrário dos anteriores, é completamente destituído de adornos, simbolizando o luto por uma infância irrecuperável. Este género de penteado é também usado pelas mulheres adultas como símbolo de luto em casos de morte30. Nesta fase, que se segue ao efuko, a rapariga é designada por ekunga (jovem mulher), entra numa idade casadoira e é-lhe exigido destreza e resultados satisfatórios dos trabalhos que faça. Segue-se-lhe depois uma outra etapa na qual ela é designada por mukai (mulher), uma fase simbolizada por um novo penteado, agora adornado, designado por omakhonkha atatu31. 41 No seu último ciclo de vida a mulher é designada por hulukai. Nesta fase não se registam alterações, pois tanto a indumentária quanto o penteado mantêm a estrutura anterior. Contudo, a mulher converte-se em depositário da tradição. Com a autoridade que lhe é conferida pela idade, conhecimento e sabedoria, ela orienta, corrige e controla as acções dos mais novos, incluindo jovens e crianças. 42 Os rapazes, designados de ovakwendje (plural de mukwendje) desde o seu nascimento, diferentemente das raparigas, só aos 19, 20 anos aproximadamente é que passam a ser designados por ovamati (plural de omumati ou mumati). Este termo caracteriza um jovem rapaz, em plena flor da idade, robustecido pela sua jovialidade e destreza. Nesta altura, e por vezes um pouco antes, os seus órgãos genitais e as nádegas passam a ser melhor

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resguardados ; deixam de usar o simples cinkwani, como vestuário, e substituem-no pelo ompholeko. Este, embora não se distinga grandemente do anterior, requer uma maior quantidade de pano, cobrindo uma maior extensão do corpo, isto é, da barriga para baixo. Só depois de ultrapassar esta idade, e particularmente quando casado, é que passa a ser designado de omulume, pressupondo todas as nuances desta categoria como, por exemplo, o ter passado pelo ritual ekwendje32. Na categoria mencionada, o indivíduo em vez de usar o termo cetu, para responder e agradecer aos cumprimentos dos outros, pode fazê-lo por vaketu, e alguns anos depois alterná-lo com mwĕ 33. Contudo, independentemente do grupo etário de um indivíduo, um mbwale (homem mais velho) na sua conversa com outrem pode referir-se a um jovem da categoria de omulume, usando o termo mukwendje para, por exemplo, enfatizar a sua jovialidade. 43 A categoria de mbwale é, normalmente, atribuída aos indivíduos do sexo masculino na faixa dos 50 anos. Nela estão incluídos os indivíduos com netos ou em idade disso e todos os outros mais idosos. É nesta categoria que, regra geral, os mais velhos, pronunciado com uma entoação típica, substituem o termo vaketu por mwĕ e também por outros com carácter mais majestático como mwĕ cetu, mba e kalunga (este último usado também para designar Deus, o mar e o lugar para onde vão os mortos), para manifestarem agradecimento e para responderem às chamadas e aos cumprimentos. 44 O estilo do corte de cabelo, que outrora diferenciava um jovem rapaz de um mais velho, nomeadamente pela concentração de cabelo que o primeiro dispunha longitudinalmente no centro da cabeça, hoje é praticamente indiferenciado. Ou seja, o corte, não obedecendo a esta diferenciação, vai-se uniformizando nos moldes outrora usados pelos mais velhos (isto é, preferencialmente curtos e uniformes), qualquer que seja a idade do indivíduo. Note-se, contudo, que, diferentemente do homem, a mulher muhanda ao usar o cabelo sempre trançado tem-no normalmente crescido. E quando o tem curtinho é normalmente comparada a um homem. 45 Todas as fases acima referidas marcam os momentos cruciais de transição na vida da mulher e do homem Handa, sublinham a diferença entre homens e mulheres quanto ao seu comportamento e maneira de estar, e afirmam os novos vínculos sociais pela elevação de status. 46 Apesar de nos meios urbanos ser mais difícil a classificação das mulheres na ordem acima descrita, pelo facto de os seus traços exteriores serem menos visíveis devido à europeização dos trajes e dos penteados, o comportamento da mulher cumpre mais ou menos o que foi referido, sobretudo naquelas famílias mais tradicionalistas. Contudo, nestas famílias, são as alterações fisiológicas que, em geral, primam na determinação da mudança de comportamento das raparigas – mudança imposta pelos mais velhos – com vista à sujeição das mesmas ao efuko. Em contrapartida, tanto nos meios rurais quanto nos meios urbanos, os homens manifestam a sua virilidade, não só pela força e capacidade de resposta imediata às situações de emergência mas também pela submissão ao ritual ekwendje no qual aprendem os segredos da sua tradição e cultura. Por força do seu papel de mando, permite-se-lhes que sejam muito mais liberais e destemidos do que as mulheres.

Os atributos dos homens e das mulheres

47 Os Handa traçam o parentesco através da mãe, figurando a mulher como pilar de toda a estrutura de parentesco e, por extensão, da própria sociedade. Com efeito, todo o

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sistema sucessório, qualquer que seja a natureza dos bens envolvidos, materiais ou espirituais, incluindo o poder nas diferentes esferas da vida social, é determinado pelo parentesco traçado pela via feminina. Não obstante, as mulheres vahanda, praticamente, não têm acesso à liderança pública. A divisão de tarefas entre homens e mulheres afasta-as da assunção de cargos de chefia. Quando são indigitadas para o efeito, por exemplo para os poderes relativos aos ombelo34, são os homens da sua matrilinhagem que assumem esta liderança. Note-se, entretanto, que em condições excepcionais ela pode ser eleita pelos espíritos ancestrais para usufruir de poderes como o do ombelo que, por serem essencialmente masculinos, jamais exercerá, transferindo-os a posteriori aos homens qualificados da sua matrilinhagem. Entretanto, elas partilham com os homens a responsabilidade de importantes decisões da esfera socio-política, familiar, religiosa e outras. Embora não ocupem cargos administrativos nem políticos, as mulheres vahanda adquirem um grande prestígio social pelos actos que realizam, pelo número de filhos, pelo matrimónio, pelo efuko e pelos sacrifícios do parto.

« Homem é homem, a mulher é sapo »35

48 A colocação dos problemas sociais é, regra geral, feita aos homens e não às mulheres, dada a sua categoria sempre secundarizada e ilustrada em máximas como a que se segue : « mulume omulume, mukai ocimboto »36. Estes estereótipos, socialmente criados, estão ligados à diferenciação entre o masculino e o feminino e parecem constituir fonte de inspiração para o tipo de educação que se inculca a cada um dos géneros, levando os rapazes a tornarem-se fortes física e espiritualmente e a desenvolverem aptidões para cargos de direcção e chefia, enquanto as raparigas se tornam mais recolhidas, ocupando-se da casa e dos parentes. O homem está geralmente associado a trabalhos pesados, obscenidades, ocoto37, instrumentos, gado e transformação da natureza, enquanto as mulheres se associam ao lar, omafua (cozinha), filhos e ovimbala38.

49 A mulher muhanda revela um carácter mais reservado do que o homem mas, depois de ter os filhos crescidos, goza de um estatuto mais elevado e imprime uma dinâmica diferente aos seus gestos, à sua maneira de falar e de tratar das coisas. Mas, ainda assim, nunca são as mulheres a falar primeiro em assuntos que dizem respeito à família ou ao lar. No campo sexual ela deve manifestar uma certa discrição, uma timidez aparente, e salvo algumas excepções são os homens quem primeiro deve tomar iniciativas nas relações sexuais, reservando-se a mulher ao papel de lhes agradar sem, contudo, ser sexualmente passiva. 50 Os homens têm sobre as suas mulheres direitos exclusivos nas relações sexuais. Nem mesmo os seus coetâneos de circuncisão partilham as suas esposas, como entre os Maasai de Loita Hills no Kénia39, sob pena de serem acusados de prática de adultério e castigados com uma indemnização (em gado) a favor do marido lesado. Enquanto os homens casam (tahombola), as mulheres são casadas (tahombolwa) e, em condições normais, nem as mulheres nem os homens devem abdicar do casamento, optando pelo celibato. 51 A designação « mulher » tem subjacente a noção de maternidade, tida também como uma importante fonte de prestígio e motivo de representação ritual no efuko. Contudo, para se ser mãe não basta dar à luz um filho. Ser mãe é também poder criar um filho, facto explícito na expressão « okucita okuveleka »40, inúmeras vezes reproduzida ao longo

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da cerimónia do efuko. Assim, a maternidade só incrementa o status da mulher, caso seja antecedida pelo efuko, precedência esta que torna este último uma instituição central e primária na atribuição dos atributos da mulher. 52 Ser mulher é mostrar-se dócil, trabalhadeira, sensata e cortês ; é ser fértil, saber gerir e suportar a vida do lar. Mas é sobretudo ter sido alvo do ritual, ter interiorizado os ensinamentos do efuko, não possuir impurezas consequentes do estado de hengu e estar apta socialmente para o matrimónio e procriação41. Por oposição, ser homem pressupõe também ser iniciado e estar circuncidado. Requer a rejeição da infância que o liga ao mundo feminino e a estigmas como o de possuir pénis inviril, fraco e gerador de filhos indolentes, frouxos e imperfeitos – estigmas que, por sua vez, obrigam as mulheres a rejeitá-lo, e o impedem de assistir, por exemplo, a certos rituais típicos dos homens adultos, podendo levá-lo a humilhações públicas ou a ouvir comentários a despropósito em circunstâncias ritualísticas42. 53 A condição de hengu para as mulheres, e a de incircunciso para os homens, diminui, consequentemente, o status dos filhos e desprestigia o indivíduo em si, bem como a sua família. 54 Num olhar sobre si mesma a mulher muhanda caracteriza-se como um ser diferente do homem do ponto de vista físico e social. Contudo, ela não se sente nem desestimada nem inferior ao homem pela sua condição de mulher, embora realize tarefas diferentes das do homem e seja obrigada a obedecer-lhe e respeitá-lo como irmão, pai ou marido e a amá-lo como filho. Entretanto, o homem, apesar de a respeitar como sua companheira, mãe, filha ou irmã, de reconhecer, no seu íntimo, a sua competência nas tarefas do seu pelouro, tem-na como um ser física e emocionalmente mais fraco e, por isso, merecedor de protecção e apoio masculino.

Relações homem/mulher no matrimónio

55 Apesar de os Handa constituírem uma população matrilinear, são as mulheres que se deslocam do eumbo dos seus pais para se juntarem ao do homem com quem contraem o matrimónio. Ou seja, os recém-casados constróem a sua habitação no eumbo dos pais ou do tio materno do marido estabelecendo, por isso, uma residência do tipo patrilocal ou avuncolocal. Nestas condições, os recém-casados procuram adaptar-se à nova realidade e ajustar os seus defeitos e feitios. Entretanto, nesse período de adaptação, os mesmos são controlados de perto pelos mais velhos com os quais partilham o eumbo, e que muito atentamente ousam criticar os seus desvios de conduta, procuram transmitir-lhes as suas experiências de vida e de trabalho e ajudá-los no fortalecimento das suas relações conjugais. Só depois de alguns anos passados no eumbo dos pais ou do tio materno do marido, ao longo dos quais o novo casal fortalece o matrimónio e acumula experiências de vida conjugal, é que um indivíduo casado poderá, se o desejar, construir o seu próprio eumbo para viver com os seus filhos e mulheres.

56 O matrimónio retira a mulher do convívio da sua família e coloca-a no seio de uma outra, a do seu marido, na qual se integra, convive, tem os filhos e cultiva os seus mantimentos43. A deslocação da rapariga para o novo meio cobre a sua própria família de um sentimento de perda e de descompensação, mas este é mitigado, pelo menos aparente e circunstancialmente, com a entrega de uma dádiva – a qual se designa por ovionda – proveniente da família do rapaz à família da noiva. Esta entrega é um acto simbólico que remete para o estreitamento dos laços interfamiliares dos nubentes, para

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o reconforto dos parentes da noiva pela descompensação causada com o matrimónio, para uma proximidade e amizade cultivada entre ambas as famílias e também para a legitimação do matrimónio44. Digamos que os que se tornam mais fortes compensam simbolicamente o vazio sentido nos meios de que procedem as mulheres e aos quais elas estão presas por laços de consanguinidade. A referida dádiva consiste essencialmente em bebida (sobretudo omakao), reforçada, naturalmente, por alguns panos, cobertores, adornos, etc., e a ocorrência da entrega do ovionda é um facto que distingue a esposa da concubina, sendo para a primeira um elemento de prestígio. Ao contrário de alguns grupos vizinhos como os ovanyaneka 45, aquando do matrimónio a família do rapaz não está obrigada a entregar nenhuma cabeça de gado bovino à família da rapariga, circunstância também apurada por Carlos Estermann : « O costume geral do « dote », em forma de uma ou mais cabeças de gado pago à família da rapariga não é uma prática dos Handas [Handa], Quilenges-Humbes [Cilenge Humbi] e Quipungos [Cipungu]. Aqui, (…) o tal dote (…) é coisa que entre esta gente não existe »46. 57 Questionados sobre a essência do ovionda, os Handa não o relacionam com qualquer acto de compra ou de venda da mulher a homens de outras famílias. Na sua perspectiva, no acto em si não está subjacente qualquer tipo de transacção, tratando-se apenas de uma regra para o estabelecimento da legalidade, de um sinal confirmando a validade do pacto entre os dois grupos de parentes, de um manifesto de benquerença e também de uma forma de evidenciar e prestigiar a mulher47. O ovionda também não constitui um dote, uma vez que, além de não acompanhar a noiva, o mesmo não se destina a ela ; é recebido pelos parentes da noiva48. 58 O matrimónio, além de levar a mulher a trocar de residência e de elevar o seu prestígio como esposa e mãe, leva, em alguns casos, a uma mudança da sua identidade. É comum os homens atribuírem um nome às suas esposas (diferente daquele que lhe é dado pela família ao nascer) pelo qual elas se tornam conhecidas quer na família, quer na sociedade. O contrário praticamente não acontece49, embora a identidade de um homem possa mudar ao longo da sua passagem pelo ekwendje ou por qualquer outra circunstância relacionada com qualquer façanha, pela sua maneira de falar, de andar, etc. 59 O matrimónio reforça o estatuto ganho pela mulher aquando da sua passagem pelo efuko. Quando casada, a mulher, então já designada por mukai, ganha, tal como o homem, uma relevância estatutária, e realiza tarefas de grande responsabilidade familiar e social50. Como mulher deve respeitar e cuidar do marido, receber e tratar cordialmente os parentes deste, e não lhe é permitido « falar mais alto » que o homem em casa. Em contrapartida, ela também deve ser tratada pelo marido com respeito e dignidade, podendo este sofrer represálias dos tios maternos da mulher se se verificar o contrário. Ela pode permanecer no matrimónio a vida inteira, contudo, tem o direito de manifestar o seu desagrado se eventualmente for maltratada pelo marido, podendo por este motivo, e com o apoio dos seus tios maternos, desfazer o matrimónio. Em situações de adultério, só quando é a mulher a cometê-lo é que se verifica o divórcio e, ainda assim, casos há em que o mesmo não se processa. A acontecer, o divórcio só se concretiza depois de o homem com quem ela cometer o adultério indemnizar o marido ofendido com um certo número de cabeças de gado – acto designado por ukoi. 60 No lar regista-se uma divisão sexual do trabalho, conduzindo a uma não ingerência mútua nas actividades do cônjuge. Por isso, a mulher pode, em determinadas circunstâncias, desobrigar-se das suas tarefas sempre que o desejar, sem, contudo, pôr

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em causa os seus deveres como mulher, esposa e mãe. Em geral, o seu domínio central circunscreve-se no omafua, e a sua tarefa principal consiste em cuidar do marido e dos filhos, educar, ajudar, acarinhar e orientar a todos os que a circundam, incluindo os mais velhos. Ela também cuida das suas próprias lavras, dos seus instrumentos de trabalho, dos animais domésticos, e gere individualmente o dinheiro ganho na venda dos seus produtos ou animais. Sempre que achar conveniente, ela pode decidir, embora com anuência do marido, deslocar-se sozinha para visitar os seus parentes residentes em localidades distantes daquela onde vive. Mesmo nas pequenas deslocações anda normalmente desacompanhada do marido, o que a torna muito independente. Nas questões que têm a ver com o seu domínio, tem um grande poder de controle e decisão e não depende das ordens do marido. Este tem como domínio central o ocoto, mas também ordena e controla questões ligadas ao pastoreio, à protecção física do eumbo, às suas próprias colheitas, às querelas com a vizinhança e às rixas entre as suas co- esposas. Por outro lado, apoia as suas mulheres nas tarefas agrícolas mais árduas ou outras igualmente penosas. Portanto, com o matrimónio criam-se reciprocidades de direitos e deveres entre o homem e suas mulheres, quanto mais não seja porque nessa relação cada um dos membros do casal, em princípio, tem algo a ganhar, sejam filhos, seja apenas o estatuto51. 61 Pode-se inferir, no entanto, que a mulher exerce a sua competência no ambiente doméstico ou a ele relativo, num espaço familiar e num contexto interior. Este constitui o seu campo por excelência, no qual o homem respeita a sua liberdade e deve garantir o seu poder de acção. Já o homem assenhoreia-se de um contexto mais alargado, via de regra, exterior, onde exerce, designadamente, funções de relações públicas e de juiz ou árbitro nos conflitos sociais. Aliás, um homem não pode ser visto constantemente com mulheres nem deve permanecer extensamente em casa, sob pena de ser apelidado de « mulher » ou de « inútil ». O homem desbrava a natureza, estabelece contactos com famílias e grupos vizinhos ou distantes e, também, com pessoas particulares. Embora longe da cozinha, ele também contribui para a economia da família graças ao seu empenho físico na prossecução de outras tarefas. Mas, também, pode afastar-se das mulheres e dos filhos por questões de serviço, guerra ou outras. A poliginia, o matrimónio em si e a grandeza do armentio constituem não só fontes importantes do prestígio do homem como também contribuem para a sua própria definição como homem. Porém, antes do casamento, a circuncisão torna-se para o mesmo a condição primordial de prestígio e ponto de partida para um casamento, tal como o efuko o é para a mulher. 62 Como acabei de frisar, as mulheres e os homens ocupam posições diferentes no conjunto social e assumem responsabilidades distintas, embora complementares. Apesar de as mulheres obedecerem aos maridos, não admitem humilhação nem consentem, de ânimo leve, maus tratos físicos ou de qualquer outra ordem, sob pena de eles terem de responder perante a sua própria família e a da mulher.

A hegemonia masculina é relativa

63 No contexto das relações de parentesco, a mulher constitui um ponto fundamental de referência, isto é, através dela são estabelecidos os laços de consanguinidade e as regras de sucessão e de herança. Portanto, embora o homem detenha o poder de mando e represente a linhagem, a hegemonia masculina é relativa, já que é a mulher que assegura esse domínio, garante a manutenção da consanguinidade para as questões de

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poder, herança e sucessibilidade, continua e reforça essa linhagem, gera e educa os filhos. A sua actividade com os filhos (educação, cuidados médicos, etc.) permite-lhe solidificar e estender as suas relações com o exterior através deles e, também, estreitar laços com a cultura – experiência renovável com o tempo e que ela transmite tanto às filhas como aos filhos. Através destes, a mulher liga a tradição à modernidade, já que ela se projecta neles, e os conhecimentos que acumula são permanentemente dinâmicos. A sua condição de mulher não a inibe de lidar com o sexo masculino, de o educar e de incutir nele valores da família, do grupo e da humanidade em si.

64 A importância e poder da mulher permanece, inclusive, nas relações poligínicas, onde a primeira mulher goza de um estatuto privilegiado, é respeitada pelas suas co-esposas e pela família do marido como « primeira dama », mulher principal ou mulher mais velha (mesmo sendo biologicamente mais nova do que as outras) ; torna-se conselheira do marido (e não raras vezes sua cúmplice) tanto para os seus problemas pessoais como para questões referentes ao lar e à família ; é a representante do marido nas ausências deste e sua acompanhante nas cerimónias de grande vulto em que ele é o centro, ou noutras em que esteja envolvido ; pode interferir na escolha de outras esposas para o marido, passando a orientá-las nas questões ligadas, por exemplo, ao trabalho e à família. É da sua omafua (cozinha) de onde se retira o lume para acender o fogo do ocoto52 e, por ocasião da cerimónia do efuko, o do ociyuvo 53. Tal importância e poder mantêm-se porque, mesmo neste tipo de relações, cada uma das co-esposas constitui, como mulher, a base essencial nas relações de parentesco. 65 Diria, em conclusão, que entre os Handa, apesar dos estereótipos que envolvem a condição feminina, o próprio homem reconhece o prestígio da mulher e valoriza-a como pessoa nas suas vidas. Tanto é que este reconhecimento é manifestado no decurso da cerimónia de efuko com a subtracção do património da família de uma ou mais cabeças de gado bovino para brindar a rapariga por ocasião da sua própria passagem pelo efuko. Com efeito, se o termo « ocimboto » (sapo) permite revelar uma fragilidade, incompetência, ou dependência da mulher e, na pior das hipóteses, a sua subordinação ao domínio masculino não a define integralmente nem com verosimilhança. Aliás, tanto os homens como as mulheres reconhecem que expressões como « mulume omulume, mukai ocimboto » são apenas dicções metafóricas de poder dos homens, embora também admitam que sejam necessárias nas suas relações, principalmente no lar, para evocação e garantia dos seus respectivos lugares. 66 Hodiernamente, tanto nos meios rurais como urbanos as mulheres vahanda redobram o seu esforço para garantir o sustento do lar. E, em consequência, o seu dinamismo ultrapassa, em grande medida, o dos homens. As crises de fome, de miséria, bem como os desequilíbrios agravados de ordem social no país fizeram-nas reinventar estratégias de sobrevivência que passam pela sua acção também fora do lar, onde se confrontam directa e permanentemente com o homem. Quer dizer, perante o perigo, a impossibilidade de se deslocarem às lavras para cultivar ou de colherem algum mantimento, somado ao seu baixo nível geral de escolaridade, elas recorrem mais frequentemente às actividades que exigem baixo capital, estando preferencialmente ligadas ao mercado informal. Para o efeito, sacrificam, por exemplo, o gado miúdo para adquirir roupas ou alimentos de primeira necessidade. Contudo, o comércio informal em África é cada vez mais uma actividade corrente levada a cabo, em grande medida, pelas mulheres, tanto nos centros urbanos como rurais. No caso das mulheres Handa, este tipo de actividade leva-as a permanecerem bastante tempo longe da omafua

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(cozinha), a percorrerem distâncias enormes à procura de bens alimentares e industriais e a exercitar estratégias de negócio, aproximações e contactos estreitos com uma gama variada de pessoas. E tal como as outras mulheres, entre as quais as Umbundu, as Handa, acompanhadas ou não pelos filhos pequenos, desenvolvem pequenos comércios, vendendo bebidas como o omakao, produtos alimentícios como frutos, hortaliças, pão, milho e, inclusive, produtos industriais como tecidos e cigarros. 67 Enquanto isso, os homens – muitos deles espoliados do seu gado, impossibilitados de agricultar os seus terrenos, e « destruídos » pela guerra – deambulam, procurando emprego ou algum empreendimento digno, havendo, entretanto, outros, empregados em instituições estatais ou particulares, mas, na maioria dos casos, sem recursos suficientes para o sustento da família. 68 Todo este esquema permite às mulheres a ampliação das suas redes de relações e contactos, torna-as mais activas, responsáveis e poderosas, facto que lhes permite afastarem-se sucessivamente da secundarização que afecta os seres femininos em geral. O seu papel no lar ficou reforçado pela garantia que ela dá relativamente à multiplicação dos rendimentos e pelo reforço da sua acção na luta contra a penúria para a preservação da família, ainda que, para o efeito, sacrifique os filhos com trabalho praticamente forçado para as suas idades. Esta situação diminui consideravelmente o Ego masculino educado e habituado a possuir para distribuir, dirigir e controlar. Contudo, apesar desta discrepância, a mulher assegura e faz questão de dar ao homem, ainda que simbolicamente, o seu lugar de chefe. 69 Janeiro 2005

NOTAS

1. . Efuko é a designação do ritual de iniciação feminina entre os Handa que constituem um grupo étnico localizado no Sul de Angola. 2. . A vergonha vai ao ponto de os indivíduos com echutu não serem capazes de despir-se ou lavar- se junto dos outros que já não o possuam. 3. . J. COLLIER & M. ROSALDO, « Politics and Gender in Simple Societies », in S. ORTNER & H. WHITEHEAD (eds), Sexual Meanings : The Cultural Construction of Gender and Sexuality, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 : 275-329. 4. . C. COQUERY-VIDROVITCH, Les Africains. Histoire des femmes d’Afrique noire du XIXe au XXe siècle, Paris, Éditions Desjonquères, 1994. 5. . S. ORTNER & H. WHITEHEAD, « Introduction : Accounting for Sexual Meanings », in S. ORTNER & H. WHITEHEAD (eds), Sexual Meanings… op. cit. : 1-27. F0 a F0 6. . A. GIDDENS, Sociologia, Lisboa, Fundação Calouste Gulbenkian, 1997 5B 1 ed. : 1993 5D ; A. LOFORTE, Género, e Poder entre os Tsonga de Moçambique, dissertação de doutoramento em antropologia, Lisboa, ISCTE, 1996. 7. . E. EVANS-PRITCHARD, La Femme dans les sociétés primitives, Paris, PUF (Presses Universitaires de F0 a F0 France), 1971 15B ed. : 1965 5D ; G. BALANDIER, Anthropologiques, PUF, Paris, 1974, « Sociologie d’Aujourd’hui ».

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8. . Para um entendimento mais amplo sobre o efuko, cf. R. MELO, Efuko. Ritual… op. cit. 9. . C. BELL, Ritual Theory, Ritual Practice, New York, Oxford University Press, 1992. 10. . Ibid. 11. . S. KIMBAL, « Gennep, Arnold Van », in David L. SILLS (ed.), Enciclopedia Internacional de las Ciencias Sociales, 5, Madrid, Aguiar, 1979 : 108-110. 12. . Literalmente, okupita pondje quer dizer « passar para fora ». Designa um ritual ao qual o recém-nascido é submetido, e marca o começo da sua socialização no grupo. O recém-nascido que até então estava ligado só à mãe, tanto no período de gestação como logo após o nascimento, passa, por intermédio deste ritual, a integrar a vida do grupo e a relacionar-se com outros membros da família (mortos e vivos) e não só. 13. . Algumas bebidas e comida preparada pelos familiares mais próximos são, em geral, suficientes para sustentar os participantes no cerimonial. 14. . Mas há algumas excepções à regra. Eventuais incidentes no período de gestação podem determinar tais excepções. 15. . Desta forma se efectua igualmente a representação das linhagens entre os Handa. Embora não seja aqui lugar para tratar do simbolismo do direito e do esquerdo entre os Handa, não deixa de ser interessante referir que na sua língua o (a) esquerdo (a), okumbinda, está associado ao infortúnio, enquanto o (a) direito (a), onkhundio, está associado a comportamentos de dádiva (dá- se e recebe-se com a mão direita ; usar a esquerda é falta de respeito). Isto parece encontrar-se em grande sintonia com o simbolismo da direita e da esquerda evidenciado em termos gerais por F0 a F0 R. Hertz ; cf. R. HERTZ, La Muerte y la Mano Derecha, Madrid, Alianza Editorial, 1990. 15B ed. : 1909 5D 16. . O comportamento das crianças de outros contextos culturais mostra uma tal similitude. É o caso das crianças índias A’uwe-Xavante do Brasil (A. NUNES, A sociedade das crianças A’uwe-Xavante. Por uma antropologia da criança, temas de investigação 8, Lisboa, Instituto de inovação educacional, Ministério da Educação, 1999), das crianças da aldeia portuguesa de Cotas – Alto Douro (A. FRAZÃO- MOREIRA, « A aprendizagem no grupo doméstico », in R. ITURRA (ed.), O saber das crianças, Setúbal, Cadernos ICE - Inst. das Comunidades Educativas, 3, 1996 : 27-65) e ainda das crianças Tale do Ghana (M. FORTES, « Sociological and Psychological Aspects of Education in Taleland », África Suplemento, XI (4), s. l., Cambridge University Press, 1938 : 5-64). Ilustrando o caso das crianças Tale, M. Fortes sublinha, por exemplo, que elas « são activa e responsavelmente parte da estrutura social, do sistema económico, do sistema ritual e ideológico » (p. 9). Também elas, diz o F0 F0 mesmo autor, « ficam a saber quem foram os seus pais e antepassados 5B … 5D , ouvindo falar sobre eles nos rituais de sacrifício » (p. 12). 17. . Noutros grupos africanos como os Tshidi e os Tsonga também são observáveis certos tabus no que diz respeito à relação da mulher com o gado. Por exemplo, entre os Tshidi, o gado bovino devia ser mantido afastado das mulheres « to whom, it is said, they had an innate antipathy » (J. & J. COMAROFF, Ethnography and the Historical Imagination, Boulder (Col.), Westview, 1992 : 109, « Studies in the Ethnographic Imagination »). Segundo H. Junod, entre os Tsonga, uma mulher núbil, por exemplo, que tenha já estabelecido relações sexuais, não é autorizada a tratar do gado. F0 F0 Também entre estes últimos, o « fim da criação 5B de gado 5D não é a obtenção de leite mas sim a aquisição de « riqueza ». Os bois são para os indígenas, a riqueza, o meio de lobolar mulheres e de aumentar assim a família » (H. JUNOD, Usos e costumes dos Bantu, 2, Maputo, Arquivo Histórico de Moçambique, 1996 : 50). 18. . Eumbo é a designação de uma unidade habitacional composta por várias vivendas independentes e cada uma com uma função particular. No meio tradicional Handa cada eumbo comporta diversos núcleos de uma família alargada. 19. . Existem outras ocasiões especiais nas quais os bois podem ser abatidos. Tais ocasiões são, por exemplo, a recepção de visitas muito importantes e o reaparecimento de um parente desaparecido há anos, cuja vinda permite o reagrupamento ou reaproximação da família.

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20. . Estas características são também evidentes entre os vizinhos Nyaneka, Nkhumbi, Muila, cf. C. ESTERMANN, Etnografia do Sudoeste de Angola, grupo étnico Nhaneka-Humbe, II, Memórias Série Antropológica e Etnológica [s.l.], Ministério do Ultramar, Junta de Investigações do Ultramar, 1957, e entre os Ovambo, cf. M. LIMA, Nação Ovambo, Lisboa, Editorial Aster, 1977. F0 a 21. . M. MAUSS, Sociologia e antropologia, II, São Paulo, ed. da Universidade de São Paulo, 1974. 5B 1

F0 ed. : 1950 5D 22. . Contudo, assevera M. Mauss, revela-se importante que as técnicas (ou posturas corporais) que se interiorizam sejam tradicionais e eficazes, aliás, « não há técnica e tampouco transmissão se não há tradição » (M. MAUSS, Sociologia… op. cit. : 214, 217). 23. . P. BOURDIEU, « La domination masculine », Actes de la Recherche en Sciences Sociales (Paris, Éditions de Minuit), 84, sept., 1990 : 14. 24. . Este estilo indumentário, que é depois substituído por outros subsequentes ao longo do desenvolvimento da criança, reaparecerá, no caso das raparigas, durante o período de efuko. 25. . Para uma apreciação dos detalhes desta complexidade, diversidade e beleza, cf. C. ESTERMANN, Álbum de Penteados do Sudoeste de Angola, Lisboa, Junta de Investigação do Ultramar, 1960 ; o autor elabora uma descrição dos diversos penteados usados pelas mulheres na região do Sudoeste de Angola, nomeadamente pelas vahanda e outras de grupos vizinhos. 26. . Plural de ongalo ; objecto artesanal do género da cimbala que serve para peneirar, guardar os alimentos, etc. 27. . J. SOBRAL, Trajectos : o presente e o passado na vida de uma freguesia da Beira, Lisboa, Imprensa de ciências sociais, 1999 : 239, (« Análise Social»). 28. . Termo que designa o processo de ritualização do efuko. 29. . O significado e a estrutura do penteado de efuko foram detalhadamente analisados e interpretados pela autora ; para detalhes sobre as características deste penteado bem como as razões da sua vulgarização actualmente, cf. R. MELO, Efuko. Ritual… op. cit. 30. . Nessas circunstâncias, ao contrário das mulheres, os homens limitam-se a fazer um corte de cabelo. 31. . De modo distinto, entre as mulheres kwanyama (parte integrante do grupo etnolinguístico dos Ovambo), o penteado usado após o efundula (ritual de iniciação feminina) designa-se por elende, e na fase seguinte, elas usam um outro designado por ematela, cf. M. LIMA, Nação Ovambo, op. cit., 1977 : 174, 177. 32. . Note-se que, não obstante o uso, ainda hoje, das designações referentes às categorias mukwendje, mumati, mulume e mbwale para diferenciar os grupos etários dos indivíduos do sexo masculino, a indumentária a ela correspondente sofreu alterações substanciais, particularmente após os 12 ou 13 anos de idade. Não é raro verem-se rapazes e mais velhos com calças vestidas, ainda que mantenham o tronco nu que é normalmente coberto quando, residindo nos meios rurais, os mesmos se deslocam para os centros urbanos. 33. . Estes últimos termos são mais elaborados do que o anterior, e no grupo etário subsequente podem ser substituídos por outros, como se poderá ver mais adiante. 34. . Edifício central onde se desenrola o ritual de efuko. Pormenores sobre a sua estrutura, simbolismo, importância e características técnico-práticas relativas à sua edificação, cf. R. MELO, Efuko. Ritual… op. cit. 35. . Tradução do provérbio Handa « mulume omulume, mukai ocimboto ». 36. . Veja nota anterior. 37. . Parte constituinte do conjunto habitacional típico dos Handa. 38. . Plural de ocimbala ; objecto artesanal produzido pelas mulheres, que se destina a guardar e servir determinados alimentos. É circular, espiralado, e é feito com fibras e um género de capim apropriado. Em geral são enfeitados de motivos decorativos, normalmente geométricos.

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39. Melissa LLEWELYN-DAVIES, « Women, Warriors and Patriarchs », , in S.B. ORTNER & H. WHITEHEAD (eds), Sexual Meanings: The Cultural Construction of Gender and Sexuality, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 : 330-58. 40. . Tradução literal : « Dar à luz um filho é carregá-lo às costas ». 41. . É também assim entre os Bemba, em que as mulheres atingem o estatuto de mulher não pelo facto de lhes ter aparecido a menstruação, mas sim por terem dançado o chisungu, cf. A. RICHARDS, F0 a Chisungu. A Girls’ Initiation Ceremony among the Bemba of Zambia, Londres, Tavistock, 1982 5B 1 ed. : F0 1956 5D . As mulheres Bemba não iniciadas são apelidadas de « lixo » ou « basura », J. LA FONTAINE, F0 a F0 Iniciación. Drama ritual y conocimiento secreto, Barcelona, Editorial Lerna, 1987 : 149. 5B 1 ed. : 1985 5D 42. . Situações como estas podem ser observadas também entre os Ndembu, cf. V. TURNER, La selva F0 a F0 de los símbolos. Aspectos del ritual ndembu, Madrid, Siglo Veintiuno Editores, 1980. 5B 1 ed. : 1967 5D 43. . Na perspectiva de Van Gennep, a separação do indivíduo do seu meio leva ao enfraquecimento deste mas, em contrapartida, reforça outro. Cf. A. VAN GENNEP, Os Ritos de

F0 F0 Passagem, Brasil, Vozes, 1978. 5B 1ª ed. : 1909 5D Sendo o enfraquecimento numérico, é também, acrescenta o autor, económico e sentimental. 44. . Este género de situação é caracterizado como parte de uma cadeia de favores mútuos (L. MAIR, Introdução à antropologia social, Rio de Janeiro, Zahar Editores, 1979 : 93). Quanto à deslocação da rapariga para outro espaço familiar, não se trata só de uma perda económica (perda, no sentido de diminuição da força de trabalho), mas também, efectivamente, de alguém que deixa de ser membro de um grupo para pertencer a outro, causando assim, uma certa « brecha na solidariedade da família », A. RADCLIFFE-BROWN, « Introdução », in A. RADCLIFFE-BROWN & D. FORDE, Sistemas políticos africanos de parentesco e casamento, Lisboa, Fundação Calouste Gulbenkian, 1982 : F0 F0 70. 5B 1ª ed. : 1950 5D 45. . Entre os vanyaneka o reconhecimento do matrimónio é feito numa cerimónia designada por ovilombwa, ocasião em que a família do noivo deve entregar à família da rapariga um boi, o qual designam por « ongombe yo nonthunha », simbolizando o selo matrimonial. A não entrega da referida rês pode ser motivo de dissolução de uma relação conjugal e, segundo os mitos, pode também ser a causa de situações de doença e de mortes sucessivas aos filhos do casal em causa. 46. . C. ESTERMANN, Etnografia… op. cit. : 95. 47. . Considerar « a ideia de que um africano compra uma esposa à maneira de um lavrador inglês F0 F0 que compra o gado é resultado de ignorância 5B … 5D ou de preconceito cego », A. RADCLIFFE- BROWN « Introdução », op. cit. : 67. Aliás, acrescenta o mesmo autor, « se a mulher fosse realmente comprada, e se se pagasse por ela, como, segundo os ignorantes, sucede em África, não haveria lugar para qualquer relação estreita e permanente entre um homem e a família da sua esposa », A. RADCLIFFE-BROWN, Estrutura y función en la sociedad primitiva, Barcelona, Ediciones Península, F0 a F0 1974 : 109, (« Série Universitária História/Ciência/Sociedade, 91 »). 15B ed. : 1952 5D 48. . Numa grande parte das sociedades ocidentais e asiáticas as prestações do casamento que os noivos ou suas famílias fazem à família da noiva são classificadas por « riqueza da noiva » ou « preço da noiva ». Mas, na verdade, as prestações nessas sociedades, ao contrário do que acontece na generalidade das sociedades africanas, recaem para as mãos da noiva, formando « parte de um fundo conjugal comum (ou por vezes separado) mais do que um fundo social que circula », J. GOODY, « Bridewealth and Dowry in Africa and Eurasia », in J. GOODY & S. TAMBIAH, Bridewealth and Dowry, Cambridge, Cambridge University Press, 1973 : 2. E a este tipo de prestação designa-se por « dote ». Embora alguns autores usem frequentemente o termo dote para classificar as prestações matrimoniais em África, a sua aplicação resulta inadequada ; cf. A. RADCLIFFE-BROWN, « Introdução », op. cit. ; C. LÉVI-STRAUSS, As estruturas elementares de parentesco, F0 a F0 Brasil, Vozes, 1982. 5B 1 ed. : 1908 5D O dote não existe em África, sublinha, A. RADCLIFFE-BROWN, « Introdução », op. cit., excepto onde exista um predomínio da lei islâmica. Grosso modo, o dote

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está « virtualmente confinado à Europa e Ásia », J. GOODY, « Bridewealth and Dowry… », op. cit. : 22. 49. . Em ambientes restritos, as mulheres, em geral, ao invés de chamarem os maridos pelo nome, fazem-no usando termos ou expressões carinhosas como, por exemplo, « weiso » (« olhos meus »). 50. . Ao contrário da Europa o estatuto de não casado não está instituído entre os Handa tal como em toda a África, de uma maneira geral, cf. J. GOODY, Production and Reproduction. A Comparative Study in Domestic Domain. Cambridge, Cambridge University Press, 1976. 51. . Contudo, questões desta natureza têm sido examinadas apenas do ponto de vista dos direitos adquiridos pelo marido, cf. L. MAIR, Introdução à Antropologia… op. cit., o que conduz a interpretações erróneas como aquelas que classificam as mulheres africanas como meras dependentes dos homens. 52. . Parte constituinte do conjunto habitacional típico dos Handa. 53. . Parte do conjunto habitacional com características específicas onde pernoitam as iniciandas durante o cerimonial.

RESUMOS

Este artigo examina o processo de construção do género entre os Handa. Partindo do pressuposto de que, neste grupo étnico, os rituais de iniciação feminina e masculina constituem um atributo do género e conferem prestígio aos homens e mulheres, a família e o matrimónio são tomados como o locus de interesse para esta análise. As distinções do género, reflectidas nomeadamente no sexo, no comportamento, na atitude corporal, na linguagem, no estilo indumentar e no penteado, são examinadas ao longo de todo o processo de socialização dos indivíduos, colocando- se em destaque a relação entre os homens e as mulheres, bem como o lugar da mulher no seio do grupo.

Cet article examine le processus de construction du genre parmi les Handa. En partant du présupposé que, dans ce groupe ethnique, les rituels d’initiation féminine et masculine constituent un attribut du genre et confèrent du prestige aux hommes et aux femmes, la famille et le mariage sont considérés comme le cœur de cible de cette analyse. Les distinctions du genre, qui se reflètent notamment dans la sexualité, le comportement, l’attitude corporelle, le langage, le style vestimentaire et dans la coiffure, sont examinées tout au long du processus complet de socialisation des individus, mettant en relief la relation entre les hommes et les femmes, ainsi que la place de la femme au sein du groupe.

This article examines the gender construction process among the Handa. Starting from the assumption that, in this ethnic group, the female and male initiation rituals are for attributing gender and that they assign prestige to men and women, the family and marriage are taken as the focus of interest for this analysis. The distinctions between the genders, reflected in sexuality, behaviour, body attitude, language, way of dress and hairstyle are examined throughout the socialisation process of the individuals. The emphasis is placed on the relations between men and women and on the place of the woman in the centre of the group.

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ÍNDICE

Mots-clés: Handa, construction du genre, initiation, rituel, genre, famille, mariage, efuko

AUTOR

ROSA MARIA AMÉLIA JOÃO MELO

Centro de Estudos Africanos e Asiáticos, Instituto de Investigação Científica Tropical (IICT), Lisboa

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Grossesse à l’adolescence Une population dans la marge sociale à Recife (Brésil) Gravidez na adolescência. Uma população em margem social no Recife (Brasil) Teenage Pregnancies. A Population on the Margins of Society in Recife (Brazil)

Véronique Durand

1 La problématique de la grossesse à l’adolescence doit être appréhendée dans le cadre de la reproduction sociale d’un groupe donné1. Il semble incontournable d’avoir recours à l’histoire du Brésil pour comprendre la formation et les diverses structures du groupe familial. Maria Odile Leite da Silva Dias2 explique qu’au début du XIXe siècle à São Paulo l’urbanisation galopante multipliait les possibilités de commerces divers et que seul le système de domination et de l’autorité paternaliste déjà installé permettaient de mélanger les espaces du privé et du public en un processus de pouvoir et de violence et… de contourner la loi. C’est ainsi qu’a commencé à se tisser la toile des relations personnelles, du jeitinho 3. Le petit commerce et la prostitution étaient alors les deux aspects de la vie urbaine publique (tout au moins de celle considérée féminine). La prostitution était secondaire, occasionnelle et complémentaire aux activités de vendeuse de rue. Ces femmes étaient rejetées par la classe dominante car elles étaient déjà des mères célibataires et/ou des concubines reconnues.

2 Selon Heleieth Saffioti, « en 1872, les femmes représentaient 45,5 % de la force de travail effective de la nation (l’agriculture était alors très développée). 33 % de ce total féminin travaillaient dans le secteur domestique. En 1920, ce taux baisse à 15,3 % (ce qui correspond au phénomène d’industrialisation) »4 … « Ainsi, à l’époque de l’indépendance, 40 % de la population de São Paulo étaient des femmes seules, chefs de famille… Ce phénomène est étroitement lié à la structure coloniale. Il apparaît comme un phénomène particulier à l’urbanisation et comme un tout dans les colonies du Brésil ». « Les jeunes filles pauvres, sans dot, demeuraient célibataires ou tendaient à avoir des unions successives. Elles ne se fixaient pas avec un compagnon et, suite à une rupture, elles tentaient de nouveau l’expérience d’une vie à deux. Dans ces conditions, le nombre d’enfants illégitimes, dans la ville de São Paulo, atteignait 40 % des naissances »5.

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3 Cette constatation directement liée aux attitudes des femmes au sein des couches populaires, à la fin du XIXe siècle. En ce sens, elles se rapprochaient des femmes noires, qui avaient été réduites en esclavage, amenées au Brésil sur les navires négriers. Beaucoup de ces femmes, employées à la Casa Grande dans des activités domestiques, ou encore escravas de ganho qui vendaient des douceurs dans la rue tout en ramenant les gains à leurs propriétaires, ont également intégré le secteur informel, notamment comme vendeuses ambulantes de nourriture dans la rue. Elles élevaient fréquemment seules leurs enfants.

4 L’homme ? L’homme pauvre a toujours été amené à migrer, à se déplacer en fonction des différents cycles économiques (sucre, café, cacao, caoutchouc, or) et du travail qu’il était capable de faire. Le nordestin continue de quitter sa terre pour aller chercher une vie meilleure ailleurs. Cet homme, que l’on dit « absent, qui n’assume rien », « n’est ni père ni mari »… « ne vaut rien »… « ne s’engage pas »… a d’abord été rejeté par la société car il n’est pas prêt, n’est pas formé pour intégrer le marché formel du travail où la concurrence est difficile pour ces hommes peu instruits, peu formés professionnellement. 5 Ces hommes pauvres, parfois violents, souvent n’assument pas l’enfant qui va naître, parce qu’ils sont trop jeunes, trop pauvres, parce qu’ils ne savent pas ce qu’il faut faire, parce que cet enfant, très souvent, ils ne l’ont pas désiré. 6 Historiquement, les femmes ont toujours eu des enfants très jeunes, « à l’âge des poupées » disent certains. Les enfants « c’est des affaires de femmes ». Au cours de l’enquête qui m’a amenée à rencontrer des garçons de 12 à 18 ans, ils ont tous affirmé ne pas vouloir d’enfant tant qu’ils n’ont pas de travail, pas avant 25 ans, dans tous les cas. Ils ont tous décrété parallèlement que la contraception n’était pas leur problème mais celui de leur partenaire. C’est donc à elle de se protéger : « Problema dela… Ela que sabe … se não quiser engravidar tem que tomar a pilula »… [« C’est son problème… C’est à elle de savoir… Si elle ne veut pas tomber enceinte, elle doit prendre la pilule »*]. Si elle est enceinte, ils ne se sentent pas obligés d’assumer l’enfant, dans la mesure où ils n’ont pas clairement abordé ce sujet ensemble, où il n’y avait pas de projet de vie commune. Ces garçons se sentent plutôt manipulés en tant que géniteurs par des femmes qui assouvissent leurs désirs d’enfants. 7 Parallèlement, les jeunes filles n’assument pas l’usage du préservatif. Elles affirment que si elles en ont sur elles, le partenaire va avoir une bien mauvaise image d’elles : « Vai pensar que a gente é galinha, transa com todo mundo ». [« Il va penser qu’on est facile, qu’on sort avec tout le monde »*]. Elles prennent alors le risque d’une grossesse, ce qui n’est pas fait pour leur déplaire. Cette attitude correspondrait à ce que David Le Breton appelle des « prises de risque », quelles qu’elles soient chez les adolescents6. Personne ne mesure les risques concernant une grossesse ni ceux des maladies à transmission sexuelle. Dans le groupe étudié, personne jusqu’en 2000 n’avait été contaminé par le virus VIH mais de nombreux garçons se plaignaient de MST (Maladie sexuellement transmissible) sans toutefois en informer leurs partenaires.

Les mères adolescentes d’un quartier pauvre de Recife

8 L’étude a été réalisée dans le quartier du Pina de la ville de Recife, État de Pernambuco au Nord-Est du Brésil. Ce quartier est un lieu de vie et de travail qui compte environ

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27 000 individus7. C’est un quartier populaire d’îles et de maré8, situé dans l’estuaire de petits cours d’eau, construit dans ce qui était une mangrove, peuplé par des pêcheurs et des ouvriers du port qui ont transformé ce lieu d’eau et de vase en terrain habité. Une population pauvre vivant d’expédients dans le secteur informel (pêche, ramassage des déchets et pour quelques-uns trafics et prostitution) s’y est installée. Depuis les années 1980, il s’est développé commercialement ; il est lieu de passage obligatoire entre le centre-ville et les quartiers résidentiels. Nombreuses sont les femmes et les jeunes filles qui travaillent dans les quartiers sud de la ville, comme employées domestiques, cuisinières, femmes de ménage, gardes d’enfants. On retrouve les hommes dans le bâtiment, gardiens de voiture, livreurs, manutentionnaires et bien souvent… chômeurs. Ce sont fréquemment les femmes qui ramènent un maigre salaire à la maison. Cette inversion des rôles masculin et féminin ne va pas sans attiser la violence dans les rapports de genre.

9 A l’entrée du Pina, les maisons sont en « dur », simples, propres. Au fur et à mesure de l’approche de la zone intertidale, les rues deviennent des ruelles, puis des passerelles, les maisons plus petites, qu’elles soient de brique, de bois et/ou de bâches en plastique. Cet habitat a accès à l’eau potable et à l’électricité. De la rue principale partent les becos (des ruelles) sombres et étroites qui amènent aux palafitas (maisons en bois sur pilotis, au-dessus de la maré). Ces ruelles, seulement devinées par un œil averti, s’élargissent au bout de quelques mètres et amènent à des habitations de tailles diverses, en bois, qui entourent la zone inondable. C’est dans ces espaces, sortes de grandes cours, que la vie se déroule. Les mêmes scènes se répètent à chaque visite : les femmes lavent le linge, préparent le repas, les enfants de six à huit ans s’occupent des plus petits, les adolescentes se font les ongles et s’occupent des nourrissons ; les quelques hommes présents émergent de la maison, sans entrain alors que plusieurs radios hurlent des musiques chaloupées. 10 Une partie de la population vit de la pêche de crabes et de crevettes. Cette pêche est vendue directement dans la rue, dans les avenues principales, au jour le jour. Selon l’Instituto Brasileiro do Governo de Estado, 35 % de l’ensemble des 6 500 foyers auraient des revenus inférieurs à un salaire minimum. Celui-ci s’élevait en 2000 à 150 reais mensuels, soit 90 euros environ. Un tiers de ces 6 500 foyers compte une femme comme chef de famille. 12 000 jeunes ont moins de 20 ans et 4 800 sont âgés de 7 à 14 ans, âge de scolarité obligatoire au Brésil. Cependant, tous ne fréquentent pas l’école. Un grand nombre abandonne bien avant 14 ans. Beaucoup ont des difficultés à suivre les enseignements, d’autres n’ont pas de place et surtout une grande majorité doit travailler pour participer aux dépenses du groupe familial. On trouve huit écoles publiques et une crèche municipale ainsi que dix-huit écoles privées. Elles sont relativement chères et pour les populations pauvres, la question d’y inscrire leurs enfants ne se pose pas, bien que le réseau public ait perdu tout crédit auprès des parents d’élèves. 11 La problématique de la grossesse à l’adolescence a été posée par divers professionnels. L’Instituto Materno Infantil de Pernambuco et l ’Universidade Federal de Pernambuco ont publié un article en avril 19969 affirmant que le taux de naissance d’enfants de mères adolescentes au sein de cette première institution était passé de 25 % en 1992 à 28 % en 1996, une évolution peu significative. Ce thème a été cependant vivement débattu car il était porteur de moralité normalisatrice, et aussi mobilisateur de bonnes volontés souvent gênées par ces grossesses précoces, dénoncées sous des prétextes de santé,

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puisque l’on parlait de « grossesses à risque ». On dénonçait la télévision, porteuse d’influences négatives, manipulatrice et sans censure aucune, qui montre des scènes de sexe à tout moment, mais aussi la faiblesse de l’éducation dans certaines couches sociales, l’absence de pudeur de la part des jeunes et particulièrement chez les filles… Personne ne respectait plus rien, on ne contrôlait plus rien et la « bonne moralité » était mise à mal. 12 Quelle est la problématique de la grossesse à l’adolescence : s’agit-il réellement d’un phénomène nouveau, de grossesse dite précoce ? Ou au contraire est-ce un phénomène de reproduction sociale ? Serait-ce alors le regard de la société qui se serait modifié ? Et si oui, en quoi ? Dans quelle mesure les codes et valeurs interviennent-ils pour affirmer que telle réalité se situe dans le domaine du normal ou de l’alarmant dans le tissu social comme un tout ? En résumé, la grossesse à l’adolescence est-elle précoce et pour qui ?

La méthode

13 Une recherche-action a été réalisée dans la communauté du Pina entre janvier et avril 1997 auprès de trente et une adolescentes âgées de 12 à 18 ans, enceintes ou ayant récemment accouché. Recherche avant tout qualitative, puisque nous souhaitions répondre conjointement aux demandes du « Réseau Pina » tourné vers le thème de la famille et au projet de crèche de l’Association des Amis de Sœur Emmanuelle. Elle était également quantitative, avec un questionnaire sur les conditions de vie (origine géographique, type de construction, accès à l’eau, évacuation des déchets). Les thèmes fondamentaux étaient la famille, l’école, l’habitation, l’habitat, les revenus, la sexualité, la nouvelle famille qui s’était ou qui allait se construire, les relations avec le compagnon, la première grossesse de leur mère, de façon à évaluer la question de la reproduction sociale. Chaque situation étant unique, les jeunes mères pouvaient s’exprimer sur leur histoire de vie, y revenir ou, au contraire lors de moments difficiles, refuser d'en parler. J’ai également utilisé l’observation participante et les histoires de vie qui ont été « écrites » au cours des deux années d’interaction entre les jeunes mères, les divers intervenants et moi-même. Des activités ont ensuite été proposées à ces adolescentes tout au long de l’année 1997 puis à compter de février 1998, jusqu’à fin 1999.

14 Nous nous sommes appuyés sur les agents du poste de santé du quartier. Par leur connaissance des familles, ils ont pu indiquer les adolescentes enceintes. Le rôle de ces agents est généralement sous-estimé. Leur connaissance de la communauté, de l’histoire des familles, leur approche de la santé, de la contraception et des mentalités ne sont probablement pas assez exploitées. 15 Les jeunes filles ont nommé ce projet « Rosas do Pina », trouvant que « mères adolescentes » ou « grossesse précoce » était des titres péjoratifs. L’observation participante et la dynamique de groupe y étaient essentielles. Pendant plus de deux ans, ces jeunes mères ont été associées à des activités physiques, parallèlement à des activités de formation et de soutien. La formation avait lieu tous les soirs. Le lundi, nous organisions des réunions afin d’essayer de cerner leurs priorités, leurs urgences et de leur proposer une formation adaptée à leurs possibilités ainsi qu’à leurs aspirations, sans perdre de vue que ce qu’elles souhaitaient avant tout, c’était un peu d’argent « immédiatement ».

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16 D’autres ONG telles le Papai (Projet d’Appui aux Pères Jeunes et Adolescents), le Cais do Parto (qui travaille sur l’accouchement [litt. : « les quais de l’zaccouchement »*]), Gestos ([« gestes »*]qui intervient auprès des adolescents sur la prévention sida) et le Coletivo Mulher Vida (collectif dont l’activité de départ était de lutter contre tous types de violence subie par les femmes et qui a élargi ses activités en travaillant avec les enfants des rues, avec les mères adolescentes, entre autres projets) sont intervenues. Chacune a apporté sa contribution en fonction de sa spécialité. 17 Ma relation avec ces jeunes mères passait par des échanges et un dialogue un peu différent. Nous commencions par une séance de yoga, suivi d’une relaxation et surtout de l’écoute de ce qu’elles avaient à dire entre questionnements, angoisse, désespoir, peur, bonheur, doutes, haine…. Partie de l’hypothèse selon laquelle ces jeunes filles ne souhaitaient pas avoir d’enfant, j’évoquais alors la violence sexuelle de la part des garçons, le poids des traditions, la fragilité des jeunes filles, le « machisme » ambiant… Ce point de départ, lié à ma condition d’adulte, enseignante et européenne, m’a fait travailler « à vide » pendant plusieurs mois. J’ai ainsi proposé diverses séances d’information sur le corps, la contraception, la prévention du sida, jusqu’à me rendre compte qu’elles étaient tout à fait informées sur les questions de la contraception mais qu’elles n’en utilisaient pas. Elles testaient leurs capacités à procréer, leur fertilité, pour elles tout d’abord puis pour prouver à leur entourage qu’elles étaient devenues des femmes. 18 Lors d’une réunion, un soir, l’une d’entre elles m’a interpellée : « En quoi ça te dérange qu’on soit enceinte ? Quel est le problème pour toi ? Parce que pour nous, il n’y en a pas ». Elle arborait souriante une brochure informant des différentes méthodes de contraception qu’elle connaissait parfaitement.

Les résultats

19 Parmi les trente et une jeunes femmes étudiées, quinze vivaient dans des constructions en briques, avec toit de tuiles et sol en ciment. Elles disposaient en général de trois petites pièces. Nous avons rencontré une situation extrême où deux familles vivaient dans des maisons sur pilotis d’une seule pièce. Cinq autres vivaient dans une seule pièce, quatre dans une maison en bois et une dans une maison en briques, avec un sol en terre battue. Vingt-neuf se déclaraient propriétaires de leur maison. Aucune ne possédait de titre de propriété. Ces espaces appartiennent à la marine nationale et correspondent à un « terrain d’invasion » ; les habitants peuvent en être expulsés à tout moment, d’autant plus que la mairie de Recife prévoit leur destruction pour y créer un espace touristique et « écologique ». Dans l’immédiat, la majorité de ces jeunes mères se disait propriétaire et ne payait pas de loyer. Une seule famille utilisait l’eau d’un puits. Les autres avaient accès au réseau de l’eau de la ville. Dix-sept bénéficiaient de l’eau dans la maison alors que douze allaient chercher l’eau au robinet dans la rue. La question de l’eau est devenue dramatique début 1999, lorsque le Nord-Est a vécu une sécheresse et que les habitants du quartier recevaient l’eau uniquement un jour par semaine.

20 Le chômage n’est pas déclaré ouvertement. Sur un total de trente et une familles, le chômage du chef de famille n’a été annoncé que trois fois. Dix neuf hommes – pères, maris, beaux-pères – et 12 femmes – mères, grands-mères, l’adolescente elle-même – étaient chefs de famille. Sept hommes et deux femmes annonçaient des revenus

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familiaux réguliers – salaire, retraite – alors que quatorze hommes et sept femmes parlaient de rentrée d’argent irrégulière. Ces familles vivaient du secteur informel, vendaient des produits dans la rue, faisaient des ménages, des petits travaux, travaillaient dans la construction civile, pêchaient. Les familles qui disposaient de revenus fixes avaient aussi des revenus très bas. Il s’agissait des retraites, des salaires gagnés par les activités d’employée domestique, de gardien, d’aide cuisinier, de jardinier. 21 En croisant les données concernant les revenus des chefs de famille et le niveau scolaire, on constate chez les plus jeunes une liaison étroite. Le niveau de scolarité des chefs de famille était très bas et les activités occupées dans le monde du travail leur correspondaient. On observe chez les plus jeunes une légère augmentation du niveau de scolarité : alors que six chefs de famille étaient présentés comme analphabètes, toutes les adolescentes savaient lire, écrire et compter, même si avoir de bons résultats scolaires ne faisait pas partie de la réalité, ni des souhaits de la plupart d’entre elles. Six adolescentes continuaient d’étudier et trois prévoyaient d’étudier le soir. Celles-ci appartenaient au groupe qui continuait à vivre avec la famille d’origine, avec ou sans le compagnon. 22 La relation des couples évoluait dès la naissance de l’enfant, s’affirmant ou au contraire se défaisant. Treize couples vivaient ensemble ; ils avaient donc constitué une nouvelle famille, que ce soit en habitant avec l’une des familles d’origine (et composaient ainsi des familles multi-générationnelles) ou en s’installant ensemble ailleurs. Cinq ne vivaient pas ensemble mais entretenaient des liens affectifs. Huit ne se voyaient plus du tout. Cinq ont souhaité ne pas répondre à cette question. 23 Dix-huit jeunes femmes ont vécu leur première grossesse entre 14 et 15 ans, une avait 12 ans, douze entre 16 et 18 ans. Nous constatons un phénomène de reproduction sociale dans les histoires de vie mère – fille, s’agissant de l’âge de la première grossesse : trois mères des adolescentes ont été enceintes avant 13 ans et sept avant 15 ans. Toutes ont eu leur premier enfant avant 17 ans. C’est dans le suivi des grossesses qu’un changement apparaît. Contrairement à leurs mères, les adolescentes ont toutes eu un suivi prénatal au poste de santé du quartier qui les envoie ensuite à l’IMIP (Instituto Materno Infantil de Pernambuco), établissement de référence pour le suivi materno-infantil. Les pères de ces enfants sont majoritairement de jeunes adultes, dix- neuf avaient entre 20 et 24 ans, six étaient des adolescents de 15 à 19 ans et six avaient plus de 30 ans. 24 Avoir un enfant correspond plutôt à une stratégie de survie de la part de la jeune femme. Elle sait qu’elle ne sera jamais seule, que sa famille, voire la communauté, la soutiendra et s’occupera de l’enfant. Son désir de grossesse existe bien, ce qui n’implique pas le désir d’enfant. Ces jeunes testent leur fécondité, leur capacité de séduction, exploitent leur corps comme un outil au service de l’homme et non pas comme un instrument de plaisir pour elles. Le bien-être ne peut pas venir d’elles ; seul l’homme peut leur procurer plaisir, sécurité, satisfactions. Leur peu d’auto-estime fait qu’elles craignent toute situation nouvelle : travail, amour, amitié, habitation, école. Mais elles usent et abusent de leur corps qu’elles souhaitent parfait, de leur jeunesse, pour séduire, attirer et… se sentir plus sûres d’elles lorsqu’elles sont désirées. La représentation du corps de l’adolescente mère ou enceinte est importante : corps destiné à travailler, à séduire, corps malmené, méconnu, objet du désir de l’autre, au service de l’homme, c’est à lui qu’il doit plaire. Lorsque l’on parlait du corps, on avait

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l’impression d’une coupure entre ce qu’elles souhaitaient et ce qu’elles faisaient, comme si leur corps ne leur appartenait pas. D’autre part, elles affirment toutes que ce corps est « destiné, avant tout, à grossir, à porter des enfants et à accoucher ». Elles idéalisent le « ventre », le désir et la réalisation de la maternité : « É tão bom estar com barriga… Quando vejo autra gravida, me dá vontade » [« C’est si bon d’être grosse… Quand je vois une autre grossesse, ça me donne envie »*]. Être enceinte à 14, 15 ou 16 ans, « c’est normal, c’est la nature ». 25 Dans ce groupe, la grossesse à l’adolescence n’est pas un accident comme beaucoup ont essayé de le défendre. Les jeunes mères ne sont pas victimes de grossesses involontaires mais désireuses d’être enceintes, d’être ainsi reconnues comme adultes sexuellement actives et désirables. Nous sommes loin de l’image d’une adolescente abandonnée avec son enfant dans les bras. 26 Aucune des trente et une adolescentes n’a démarré une nouvelle grossesse pendant les trois ans qui ont suivi l’enquête. Elles avaient alors recours à une contraception de leur choix.

L’être social

27 Comment analyser la grossesse adolescente ou la grossesse à l’adolescence ? J.-P. Deschamps parle d’absence de statut, de fonctions sociales, de rôle dans la société et de source de valorisation pour la majorité des adolescents et jeunes adultes d’aujourd’hui10.

28 Selon ses analyses, être mère à l’adolescence apparaît comme une anomalie dans un monde où l’adolescence ne cesse de s’étirer et où l’on ne peut se dire adulte qu’après un long apprentissage social. Cette période de la vie continue d’être considérée comme transitoire entre l’enfance et l’âge adulte, comme un passage. Or, elle ne cesse de s’allonger en Europe et en Amérique du Nord. À quoi correspond-elle ? Quelles données faut-il prendre en compte ? La nature permet la maternité et la paternité mais la société ne les accepte pas à cette période de la vie. Cette dernière est considérée comme devant être sans soucis, sans préoccupation ; elle correspond théoriquement à l’école, aux études, aux sorties, aux découvertes. Selon les époques, les cultures, les milieux sociaux, l’adolescence ne sera pas vécue ni appréhendée de la même façon. 29 Qu’est-ce qui amène ces jeunes à avoir un enfant ? Bien que l’on ne puisse nier l’abaissement de l’âge de la puberté et celui des premières relations sexuelles, c’est ailleurs qu’il faut chercher des explications à ce désir de grossesse, de couple. La date des premières règles est passée en un peu plus d’un siècle de 17 à 13 ans en Norvège comme en France11. Au Brésil, l’âge des premières menstruations est estimée autour de 11 ans, ce qui a amené de nombreuses jeunes mamans à dire « J’ai été jeune fille à 11 ans, femme à 12 ou 13 et mère à 14 ou 15 ans ». D’autre part, que signifie être adolescent lorsqu’il faut travailler, lorsqu’on a quitté l’école depuis longtemps, lorsqu’on ne rêve plus depuis longtemps, lorsqu’on ne se projette pas dans l’avenir puisque celui-ci n’offre pas de perspectives très attirantes ? On ne peut cerner l’identité de ces jeunes qu’à partir de leur âge. Ce sont des facteurs sociaux qui peuvent éclairer sur ces choix de vie car il s’agit bien de choix. Les jeunes filles rencontrées, que ce soit à Recife, en France ou aux États-Unis, montrent toutes un très faible intérêt pour les études, une investissement limité dans la vie sociale, un manque de projet quel qu’il soit et l’absence de projection dans l’avenir. Dans le cadre du phénomène de

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reproduction sociale, il faut tenir compte de plusieurs indicateurs, dont l’adolescence mais aussi le genre, la relation – ou l’absence de relation – avec le compagnon, la relation avec le(s) enfant(s), le fait d’appartenir à un milieu économique et socio- culturel et de vivre dans un espace déterminé. 30 Toute identité naît et se reconnaît dans et par des relations de force et d’alliance. On n’existe que par rapport à l’autre, en fonction du pouvoir de l’autre et la spécificité de la représentation de l’identité s’exprime par le jeu de la reconnaissance. Un premier élément important vis-à-vis de ces jeunes mères est qu’elles ne s’identifient pas à une classe sociale. Elles n’ont pas de réelle conscience politique. Elles ne croient pas aux paroles des hommes politiques. Leur participation aux divers mouvements de quartiers, de revendications en général est nulle. L’identification sociale réside dans le fait d’être pauvre par rapport aux riches bien qu’elles ne sachent pas expliquer qui sont les « riches », sans doute les couches moyennes qu’elles côtoient quotidiennement pour travailler dans des activités domestiques. Elles ne se situent pas au sein d’une classe sociale et n’imaginent pas de lutter contre ces différences sociales. Être pauvre, c’est une constatation, un état. 31 « Eu sou pobre, é assim mesmo… Deus quis assim… A gente é pobre, vai levando »… [« Je suis pauvre, c’est comme ça… Dieu l’a voulu ainsi… On est pauvre, on supporte »*]. D’après Oscar Lewis, la culture de la pauvreté serait le produit de l’isolement. Il établit un profil des familles pauvres latino-américaines où l’alcoolisme, la violence pour résoudre les problèmes, les punitions physiques dispensées à la femme et aux enfants, l’union libre, l’abandon relativement fréquent de la famille par l’homme et une tendance au matriarcat seraient des constantes. D’autres éléments comme « l’immédiatisme », la résignation et le fatalisme basés sur la réalité de leurs vies, le fait de croire à la supériorité masculine qui amène le machisme et ses conséquences, le complexe de victime de la femme, l’initiation sexuelle précoce se répètent également lorsqu’il s’agit de l’ « identité de l’exclu »12. Dans le Nord-Est brésilien, on ne peut imaginer d’égalité à partir de critères tels que revenus, origine ethnique et genre car ces mêmes critères ont fonction de code, de valeur, inscrits dans les mentalités. La discrimination est alors présente dans tout type de situation et de comportement. La conscience sociale de la population rencontrée se caractérise par la dichotomie riche/pauvre. Cette population n’envisage pas que la situation puisse changer bien qu’elle soit consciente de l’absence d’intérêt, vis-à-vis d’eux, de la part des gouvernements qui se succèdent. Les critères de richesse sont soumis à une reconnaissance de l’autre groupe en fonction de ce qu’ils ont et que le groupe le plus défavorisé ne possède pas : un nom, l’instruction, c’est-à-dire des biens matériels et symboliques. L’identité sociale ne représente pas un état mais le sentiment de « comment on se sent par rapport à qui et par rapport à quoi » et ce principe d’identité n’est pas statique mais le résultat de facteurs socio-historiques. Dans le cas des jeunes du Pina, il est encore nécessaire de faire appel à l’histoire, celle du Brésil, où la lutte n’intervient pas puisque, avant tout, elle apparaît comme inutile. Cette posture se reflète à tous les moments de la vie : « batalhar, para quê ?… A gente não vai mudar nada mesmo… Quem se interessa pela gente… só a gente mesmo … Só Deus sabe [« Batailler, pour quoi faire ? Ça ne va rien changer du tout… Qui s’intéresse aux gens… les gens eux-mêmes, c’est tout… Seul Dieu sait »*]. 32 Aborder le thème du travail est délicat. Les jeunes tentent de reproduire l’idée d’un idéal traditionnel féminin qui veut que la femme ne travaille pas hors de la maison et qu’elle élève ses enfants. Elles affirment que le fait de n’avoir personne pour garder les

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enfants les empêche de travailler : « Quem vai cuidar dela ? Eu faço qualquer coisa, menos trabalhar em casa de familia »… [« Qui va s’occuper de lui ? Je peux faire n’importe quoi, sauf travailler chez les gens »]. Quel type d’expérience avez-vous ?: « Eu faço um pouco de tudo… Já fui garçonete… vendedora » [« Je fais un peu de tout… J’ai déjà été serveuse… vendeuse »*]. Elles n’ont pas été stimulées ni préparées pour étudier puis travailler : « Estudar não adianta de nada » [« Étudier n’avance à rien »*].

Être femme

33 La facette la plus importante de l’identité de ces jeunes filles est le fait d’être femme. Elle passe par le corps, par la maternité, par la séduction et par la perception qu’elles ont d’elles-mêmes en tant que sujet, par rapport à l’homme, à la grossesse, à l’enfant. Leur représentation du corps de l’adolescente est importante : corps destiné à travailler, à porter des enfants, à séduire, à conquérir mais corps maltraité, méconnu, objet du désir de l’autre ou de son rejet. Elles ne le connaissent pas, n’ont pas envie ou peut-être honte de le connaître. Il apparaît une coupure entre la tête et le reste du corps physique : les notions de plaisir, de bien être passent par le désir et par le regard de l’autre. C. Olivier explique qu’une telle situation est liée à la relation que la petite fille a eu avec sa mère ; essayant de s’adapter « au rêve d’identification » de la mère, ultérieurement, elle ne sera heureuse qu’en faisant plaisir aux autres13. Se conformant au désir de la mère, elle finit par oublier quel pourrait être le sien et, dans une relation de couple, elle devient souvent « esclave du désir de l’autre ». Être femme n’a jamais été vraiment valorisant. L’adolescente est loin de revendiquer son autonomie ; elle s’est habituée à vivre avec la dépendance. Le bien-être, le plaisir, ne peuvent venir d’elle. Leur basse auto-estime les fait manquer d’assurance dans n’importe quelle nouvelle expérience : travail, flirt, habitation, école. Cependant, elles usent et abusent de ce corps, qu’elles veulent parfait, de leur jeunesse, pour séduire, attirer et … se sentir plus sûres d’elles car désirées.

34 Les adolescentes testent leur capacité reproductive car elles ont peur de ne pas pouvoir porter un enfant. Aussi, pourquoi parler de grossesse non désirée ? Elle est tout à fait désirée, voulue, espérée, provoquée. L’identité de l’adolescente du quartier du Pina passe par la grossesse et par la reconnaissance du statut de mère. L’homme n’est pas décrit comme le compagnon ou comme le père de l’enfant, mais comme celui qui doit subvenir aux besoins. Les mondes des hommes et des femmes semblent définitivement séparés de par leurs obligations respectives. D’un autre côté, elles agressent beaucoup leurs compagnons, reportant sur eux leurs propres doutes : « s’il rentre plus tard, je me raconte des histoires, qu’il est avec une autre… Quand j’avais un gros ventre, je me trouvais moche, j’avais peur qu’il aille chercher ailleurs… ». La grossesse n’est pas partagée ; c’est une question féminine. Ce mal être, cette vulnérabilité ont souvent des conséquences négatives sur la relation mère – enfant. Les univers déjà définis sont encore renforcés par la position de tous. Femmes, hommes, adolescents, personnes âgées se confortent dans cette attitude : elles n’ont pas confiance dans les hommes pour s’occuper des enfants mais revendiquent qu’ils prennent en charge les dépenses domestiques. Dans ce sens, ce n’est pas l’homme, ce ne sont pas les domaines du public, du privé ni l’univers domestique qui doivent être considérés comme les « ennemis » de la femme, ce sont les conceptions culturelles, ancestrales qui, elles, ont élu l’homme roi et médiateur de toute chose. Les activités mises en place sur les thèmes de la maternité, de la paternité, de l’éducation posent la question de la responsabilité d’être père, d’être

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mère, c’est un travail à long terme, celui qui pose le débat des de la citoyenneté au sein de la communauté. Il est fondamental de travailler sur les droits et les devoirs de chaque citoyen par rapport à soi-même, à ses enfants, à la société.

Pourquoi parler de grossesse non souhaitée ?

35 Diverses enquêtes dans le domaine de la santé reproductive montrent que, bien que la grossesse à l’adolescence ait longtemps été considérée comme une grossesse à risque, « isolément, l’âge de la maternité ne peut être considéré comme un facteur de haut risque »14. Ce sont les conditions socio-économiques défavorables, les conditions psychologiques de rejet de la part de la famille ou du compagnon, les mauvaises conditions d’habitation, une alimentation plus ou moins bien équilibrée qui vont réellement influencer le bon déroulement de la grossesse.

36 En termes de santé biomédicale, les grossesses se déroulent bien, les accouchements ne montrent aucune particularité. La grossesse chez ces adolescentes n’est pas une maladie. Elle n’est pas non plus « à risque » selon les gynécologues et les pédiatres. Il a également été constaté qu’aucune de ces jeunes mères ne souffrait de MST ni du sida. Il faut admettre qu’elles veulent être enceintes. Nous avons constaté que pour ces jeunes des milieux défavorisés, l’adolescence s’est concrétisée par un mal être : échec scolaire ou abandon de l’école fréquents, difficultés professionnelles d’insertion dues à l’absence de formation et à la fragilité de l’instruction, manque d’attention ou obstacles de la part de la famille dans le cadre d’une enfance vécue de façon chaotique ou avec des carences15. 37 Est-ce que le fait de « gagner un enfant », ne deviendrait pas quelque chose de positif, en opposition à une série d’éléments négatifs qui se sont produits jusque-là ? : « Quando ele nascer, vai ser o meu »… « Depois que ele nascer, vou ter uma razão de viver »… [« Quand il sera né, il sera à moi », « Après qu’il sera né, j’aurai une raison de vivre »*]. Assumer un rôle social, être valorisée, compenser les privations de l’enfance ne serait-ce pas avoir une revanche sur la vie ? Dans quelle mesure avoir un enfant correspond-il à un projet de vie, dans l’absence de tout autre projet ? S’agit-il d’un projet en tant que projection dans le futur ? Est-ce que le destin de femme doit obligatoirement passer par le mariage ou par la grossesse ? Dans le cas de la communauté du Pina, la grossesse à l’adolescence répond à des normes et des codes sociaux dont le modèle est la mère. 38 Les jeunes femmes du quartier du Pina à Recife ont plutôt un désir de grossesse qu’un réel désir d’enfant. Elles ne pensent qu’au ventre qui s’arrondit, au nouveau statut, sans envisager réellement l’éducation de cet enfant. La méconnaissance du corps montre une coupure entre ce qu’elles pensent – la tête – et le reste du corps : les notions de plaisir, de bien-être passent par le désir et le regard de l’autre. 39 Le père est perçu comme celui qui prend (ou doit prendre) en charge la mère et l’enfant, celui qui a l’obligation de subvenir aux besoins financiers de sa famille. Il est souvent absent. On ne lui demande pas de jouer un rôle affectif auprès de l’enfant. Les relations de paternité et de maternité sont clairement définies. Bien qu’il apparaisse quelques changements ces dernières années, l’affectif revient à la mère et on attend du père qu’il subvienne aux besoins de la famille ou au moins de l’enfant. Des pères revendiquent de plus en plus un regard et un vrai lien affectif avec leur enfant, mais

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comme le dit Woortmann, dans ces couches sociales défavorisées, les enfants appartiennent à la mère ou à la famille de la mère, « Os filhos são da mae »16. 40 Il s’agit bien de la reproduction d’un modèle social dont les adolescentes retirent des avantages de reconnaissance et d’autonomie et qui est sans conséquence directe sur leur santé. Le discours officiel normalisateur qui stigmatise ces grossesses pour des raisons de santé trahit l’inquiétude d’aisés et instruits face à une sexualité affichée précocement, ainsi que la crainte de l’augmentation du nombre des exclus, la pauvreté étant assimilée à la violence. 41 Il serait ainsi utile de proposer une discussion sur la citoyenneté à ces jeunes et non pas un discours moralisateur sur la sexualité. 42 2005

NOTES

1. . La recherche action présentée se situe dans le Nord-Est du Brésil, urbain et pauvre. Elle s’est déroulée entre 1997 et 2000 ; Cf. V. DURAND, Rosas do Pina. Gravidez adolescente : accidente ou projeto de vida ? Séminaire multidisciplinaire, « Sexualité et reproduction à l’adolescence », Recife, UFPE, 1998; V. DURAND, Préface de A barriga cresceu… Adeus Meninas de Nunes de MENEZES, João Pessoa, Ed. Fafica, 2002. 2. . M. O.L. da Silva DIAS, Quotidiano e poder em São Paulo no século 19, Edição Brasiliense, São Paulo, 1984. 3. . Le jeitinho est le mot brésilien pour dire la « débrouillardise », le « système D ». 4. H. SAFFIOTI, A mulher na sociedade de classe : mito e realidade, São Paulo, Ed. Livraria quatro artes, 1969, : 252. 5. . Ibid. : 17, 45. *. Cette traduction, ainsi que les suivantes entre crochets et suivies d’une astérisque, sont de la rédaction. 6. . D. LE BRETON, Passions du risque, Paris, Métaillié, 2000. 7. . Selon le recensement de l’IBGE de 1991. Le document « Diagnostic Pina » produit par le Centre Josué de Castro en 1993 lui attribue une population de 71 139 habitants. Ces chiffres ne me paraissent pas réalistes d’autant plus que les frontières entre le Pina et Brasilia Teimosa ne sont pas bien définies. 8. . La maré correspond à l’intertide ou zone d’oscillation des marées. 9. . Jornal do Comercio, 27 avril 1996. 10. . J.-P. DESCHAMPS, « Mères adolescentes, parents adolescents », in D. FAVRE & A. SAVET, Parents au singulier. Monoparentalités : échecs ou défis ? Paris, Autrement, 1993 : 190-203. 11. . D. MARCELLI & A. BRACONNIER, Adolescence et psychopathologie, Paris, Masson, 1999, 5e édition. 12. . O. LEWIS, Os filhos de Sanchez, Lisbonne, Morais Editores, 1979 (« Mundi Imediato »). 13. . C. OLIVIER, Filles d’Eve ou la relation mère-fille, Paris, Ed. Denoël, 1990. 14. . G. CABRAL, Consequências da gravidez na adolescência : riscos para a saude da mae e do recém nascido ? thèse de 3e cycle, Recife, Université fédérale du Pernambuco (UFPE), 1997, 453 p. 15. . J.-P. DESCHAMPS, « Mères adolescentes », op. cit. 16. . K. WOORTMANN, A familia das mulheres, Rio de Janeiro, Tempo Universitario/CNPq, 1987.

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RÉSUMÉS

L’article présente le résultat d’une enquête réalisée entre 1997 et 1999 dans le quartier du Pina de la ville de Recife, dans l’État du Pernambouc, au Brésil. Trente et une adolescentes âgées de 12 à 17 ans ont été interviewées. Les grossesses dites précoces étaient-elles un phénomène nouveau ou se situaient-elles dans le cadre de la reproduction sociale ? La santé de la jeune mère et de son enfant était-elle en danger ? Qui ces grossesses à l’adolescence dérangeaient-elles ? Pour qui étaient-elles un problème et pourquoi ? Les approches sociales, économiques, culturelles, sanitaires, politiques et symboliques, ont toutes été utilisées. Il est apparu que ces grossesses n’étaient pas des accidents mais correspondaient à un phénomène de reproduction sociale où la normalité passe par la maternité entre 14 et 16 ans. La grossesse est alors souhaitée, attendue, provoquée. Cependant, ces jeunes mères n’ont pas un désir d’enfant mais un désir de grossesse. L’avenir de leur enfant, son éducation n’est pas leur préoccupation principale. Cette situation s’inscrit dans une logique de stratégie de survie : dans les quartiers populaires, on n’abandonne pas une mère et son enfant.

Estas reflexões são o resultado de uma pesquisa realizada entre 1997 e 1999 no bairro do Pina, Recife, Pernambuco, Brasil. Trinta e uma adolescentes de 12 a 17 anos foram entrevistadas. Essa gravidez dita precoce era um fenómeno novo ou integrava-se na reprodução social ? Estava a saúde da jovem mãe e do seu filho em perigo ? Quem se sentia incomodado com essas gravidezes na adolescência ? Para quem representavam um problema e porquê ? As abordagens sociais, económicas, culturais, sanitárias, politicas e simbólicas foram todas usadas. Essas gravidezes não são acidentes mas correspondem a um fenómeno de reprodução social onde a normalidade passa pela maternidade entre 14 e 16 anos. A gravidez é desejada, esperada, provocada. Essas jovens mães não têm um desejo de filho, mas um desejo de gravidez. O futuro do filho, a sua educação não é a preocupação principal delas. Essa situação se inscreve numa lógica de estratégia de sobrevivência : nos bairros populares, não se abandona uma mãe com o filho no colo.

This article presents the results of a survey conducted between 1997 and 1999 in the Pina district of the city of Recife, in the State of Pernambuco, Brazil. Thirty-one adolescents aged from 12 to 17 were interviewed. Were their so-called “early” pregnancies a new phenomenon or were they to be seen within the framework of social reproduction? Was the health of the young mother and the baby in danger? Was anybody disturbed by these teenage pregnancies? For whom were they a problem and why? Social, economic, cultural, health, political and symbolic approaches were all used. It emerged that these pregnancies are not accidents, but correspond to a phenomenon of social reproduction in which it is normal to become a mother between the ages of 14 and 16. Pregnancy is something they desire, await and even seek to provoke. However, what these young mothers want is not a child, it is a pregnancy. The future of their child and its education are not their main preoccupation. Their situation is part of a survival strategy: in the working-class districts, it is not done to abandon a mother and her child.

INDEX

Mots-clés : Adolescence, grossesse précoce, survie, quartier populaire Index géographique : Recife, Brésil, Pernambouc

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AUTEUR

VÉRONIQUE DURAND

Institut Méditerranéen de Formation et Recherche en Travail Social (Marseille)

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Mutirões, empates e greves Divisão sexual do trabalho guerreiro entre famílias de quebradeiras de coco babaçu, no Brasil Mobilisations, hésitations et grèves : la division sexuelle de la guerre du travail entre des familles de casseuses de coco babassu, au Brésil Mobilisation, Hesitation and Strikes: Sexual Division in Labour Warfare between “Babaçu” Coconut Workers in Brazil

Maristela de Paula Andrade

NOTA DO AUTOR

Este artigo foi redigido em janeiro de 2005. O trabalho de campo por meio do qual levantaram-se as informações que lhe servem de base foi realizado nos meses de dezembro de 2003, janeiro e fevereiro de 2004, em conjunto com Luciene Dias Figueiredo, no âmbito da pesquisa Olhar Crítico – casos bons para pensar, coordenada pela Action Aid Brasil e da qual participaram também pesquisadores do IDS (Institute of Development Studies, da Universidade de Sussex). Josoaldo Lima Rêgo, geógrafo, assistente de pesquisa, também realizou entrevistas, em abril de 2004. Essa pesquisa originou uma primeira versão do texto intitulado « Na lei e na marra – a luta pelo livre acesso aos babaçuais », M. de Paula ANDRADE & L. de DIAS, in Olhar crítico sobre participação e cidadania, Rio de Janeiro, Action Aid Brasil, 2005.

1 Este trabalho responde a um gênero de antropologia praticada no Brasil por vários pesquisadores e professores, chamada por alguns de antropologia engajada. Seria aquela desenvolvida por antropólogos que estão presentes tanto nas universidades públicas quanto junto aos movimentos sociais, seja assessorando-os diretamente, no âmbito de trabalhos de pesquisa ou de aplicação de conhecimentos, seja apoiando-os politicamente de distintas formas e em diferentes fóruns, oferecendo-lhes um saber especializado, sempre que solicitados.

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2 O acompanhamento direto ou indireto, durante um tempo estendido, do desenrolar de projetos econômicos, de educação e outros, tem permitido a esses antropólogos e a seus alunos, romper com a dicotomia teoria versus prática e possibilitado uma interlocução, com os intelectuais orgânicos desses grupos sociais, que despontaram ao longo de décadas de lutas. No caso em questão, com mulheres e homens que lideraram lutas pela reforma agrária, por condições para permanecer produzindo na terra e agregando valor a seus produtos, para colocar sua produção no mercado, para sentar-se às mesas de negociação com integrantes da burocracia estatal, fazendo-se enxergar e respeitar como sujeitos políticos. 3 Este artigo trata de um movimento de famílias de trabalhadores agro-extrativistas liderado principalmente por mulheres, tendo na extração, beneficiamento e comercialização do coco babaçu, e dos produtos dele derivados, o seu foco principal. A palmeira de O babaçu (Orbignya phalerata) é uma palmeira, característica de uma cobertura florestal secundária, registrada em vários estados do Brasil como Mato Grosso, Goiás, Minas Gerais, Sudeste do Pará, Piauí, Tocantins e Maranhão, cuja incidência maior, porém, verifica-se nos quatro últimos, onde as chamadas quebradeiras de coco estão organizadas num movimento interestadual. 4 Estima-se que 300 mil pessoas estejam hoje envolvidas na extração do coco babaçu nos quatro estados citados, muito embora esse número seja, ainda, impreciso. O certo é que a economia do babaçu tem um peso importante nos sistemas de produção familiar de alimentos dessas regiões e, conforme as particularidades de cada uma delas, articula-se ao cultivo da terra, à pesca, à extração de vegetais, à caça, ao artesanato e, igualmente, à saída de homens em idade adulta para os garimpos – locais de extração aurífera1, assim como à venda temporária da força de trabalho masculina em atividades agrícolas ou à saída de membros jovens das famílias – homens e mulheres solteiros – para exercer trabalhos urbanos. 5 Tanto no Maranhão quanto em outros estados, como o Tocantins, o Piauí e o Pará, as quebradeiras de coco – categoria de autodefinição que se consolida como categoria de relação política com o mundo externo, a partir de meados de 90, estão organizadas em associações, cooperativas, movimentos de articulação política, contando também com o apoio de entidades e organizações específicas, sejam de assessoria, dirigidas por técnicos, ou de trabalhadores, com a presença de técnicos, mas sob controle dos primeiros, como é o caso da ASSEMA (Associação em Áreas de Assentamento no Estado do Maranhão), integrada por várias associações, localizadas em povoados do interior de distintos municípios. Nesses povoados, as quebradeiras de coco babaçu estão organizadas economicamente, seja produzindo sabonetes do óleo do babaçu, papel reciclado com fibras de distintos tipos, compotas e frutas cristalizadas, farinha do mesocarpo do babaçu2. Nessa organização, destacam-se a COOPALJ (Cooperativa de Pequenos Produtores Agro Extrativistas de Lago do Junco) e as chamadas cantinas a ela associadas, pequenos comércios controlados pelos sócios, entrepostos estes responsáveis pela compra das amêndoas de coco babaçu e pela venda de gêneros de primeira necessidade às famílias. Tal organização rompeu com a cadeia de atravessadores que a oprimia e explorava no antigo sistema, antes da conquista da terra, nos anos 19803. As entrevistadas recordam que, naquele momento, necessitavam quebrar4 10 kg de coco, resultado do trabalho de todo um dia, para comprar um kg de arroz – um dos alimentos básicos da dieta camponesa na região – nos comércios dos que tinham o monopólio da

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compra das amêndoas ou seja, dos comerciantes que eram, em muitos casos, também os proprietários da terra ou a eles estavam vinculados.

A região em estudo

6 A região sobre a qual incide nossa reflexão, passa a conhecer um amplo processo de apropriação fraudulenta de terras públicas, chamadas no Brasil de grilagem, a partir dos anos setenta do século passado, como ocorre em todo o estado do Maranhão. Grande número de famílias camponesas ficou excluído do acesso à terra, exceto aquelas que mantiveram sob controle pequenas propriedades, recebidas como herança, com ou sem formalização legal da partilha.

7 Passa-se a assistir, portanto, a um agravamento da situação de fechamento do acesso aos recursos básicos, que já vinha se intensificando desde os anos 1950, quando da migração em massa, para essa região, de famílias camponesas de outros estados do Nordeste do Brasil, atingidos pela seca e por contradições na estrutura agrária, fazendo aumentar a demanda por terra e, assim, subir o preço do seu aluguel5. 8 Há, portanto, uma situação de tensão latente atravessando as décadas de 1950 e 1960, que se agrava como resultado da política oficial de incentivo à pecuária e da substituição das áreas agricultáveis pelo capim nas décadas seguintes. Além dos problemas anteriores enfrentados pelas famílias camponesas – altos preços do aluguel da terra, invasão das áreas de cultivo pelo gado dos proprietários, obrigatoriedade de vender as amêndoas do coco babaçu e de comprar os produtos que não produziam somente nos comércios dos proprietários das terras – os trabalhadores se vêem às voltas, na década de setenta, com a proibição de adentrar nas pastagens dos chamados fazendeiros – as soltas – para daí extrair o babaçu. 9 Fechada a possibilidade de implantar suas lavouras livremente ou mesmo pagando altos preços pelo aluguel da terra, restou às famílias, como alternativa de sobrevivência, somente a extração do babaçu. Embora o preço pago pelos atravessadores pelas amêndoas fosse aviltante, restava às famílias apenas esse recurso para prover sua manutenção. 10 Por outro lado, a fertilidade dos solos caiu bastante, com o fechamento das terras e a impossibilidade de respeitar o período de pousio, historicamente praticado pelos camponeses que adotam a derrubada e a queima para preparo do solo, tornando mais vulnerável a situação dessas famílias de pequenos produtores de alimentos. Submetidos aos comerciantes, que pagavam preços aviltantes pela produção camponesa e, igualmente, praticavam altos preços para a venda dos produtos industrializados ou do próprio arroz, as famílias viviam uma situação limite. 11 Frente ao comprometimento da sua reprodução física, o extrativismo – uma atividade econômica preponderantemente feminina – passou a ser praticado por todos os membros da unidade doméstica, inclusive homens e crianças e a extração, a quebra e a venda diária das amêndoas tornou-se crucial à manutenção dos grupos familiares. Ocorre que os comerciantes, em geral os próprios donos das terras, haviam instituído o sistema do chamado vale, pagando apenas nos finais de semana, de acordo com o que cada um quebrara. Em outros casos, impuseram a chamada quebra de meia, na qual as mulheres se viam obrigadas a entregar metade das amêndoas. Por fim, com o avanço da pecuarização e, portanto, das cercas de arame, e diante da insistência das famílias em

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penetrar essas áreas, agora privadas, os proprietários de terras passaram a arrendar a extração e a quebra do coco a terceiros, obrigando as mulheres a quebrar em galpões, chamados barracões, dentro das próprias fazendas. 12 Da penetração às escondidas nas fazendas, para coletar e quebrar os cocos, passando por debaixo das cercas ; da recusa em vender as amêndoas para os pretensos proprietários das terras, as mulheres passaram a promover quebras em sistema que chamam de mutirão. Antes, as mulheres já quebravam no sistema que chamam de adjunto, em que se reuniam em grande número para entreajudar-se, como resultado de um sistema de reciprocidade positiva. No caso dos mutirões, já no contexto da resistência às interdições que vinham sofrendo para penetrar nos babaçuais, grandes grupos de pessoas – mulheres, homens e crianças – passaram a adentrar nas áreas das fazendas e a quebrar todo o coco que encontrassem coletado pelo arrendatário. Este último, em muitos casos, era um trabalhador abastado, com maior número de filhos e que arrendava a chamada solta para colocar terceiros para quebrar o coco. Em reação a essa nova forma de exploração de seu trabalho, em várias situações, esses grupos de mulheres, homens e crianças passaram a romper as cordas que sustentavam os chamados jacás, cestos carregados nos lombos dos animais, cheios de coco. Chegaram a queimar jacás e barracões. O clima de tensão se tornava cada dia mais agudo. 13 Diante do avanço das famílias, em meados dos anos 1980, os proprietários, em represália, passaram a derrubar as palmeiras, inicialmente com machado e, depois, com máquinas. Nesse momento, a rebelião se espalhou, atingindo toda uma região. Estava instalada a luta não apenas pelo acesso aos palmeirais, mas pela terra. Instaurava-se uma verdadeira guerra envolvendo, de um lado, as famílias camponesas e seus aliados, principalmente a Igreja Católica e, de outro, proprietários de terra, pistoleiros, vaqueiros, delegados de polícia, políticos. 14 Aconteceram ataques a povoados, prisões, mortes de ambos os lados. Homens e mulheres se movimentavam, elaborando estratégias de resistência, dividindo-se para enfrentar a luta pela sobrevivência e a guerra contra os proprietários. Há, nesse momento, uma divisão sexual do trabalho guerreiro, expressa muito claramente nos depoimentos. Surge a quebradeira de coco como sujeito coletivo, muito embora a luta tenha envolvido mulheres, homens, jovens e crianças, como resultado de estratégias de resistência postas em prática pelo conjunto das famílias. 15 Nosso artigo trata de um dos aspectos dessa movimentação, qual seja o das estratégias desenvolvidas por essas famílias para enfrentar os antagonistas e conquistar a terra, mais exatamente da memória sobre os acontecimentos dos anos 1980, tal como relatados hoje por mulheres e homens que deles participaram e que hoje ocupam cargos e funções importantes na organização econômica e política das quebradeiras de coco.

Mutirões, empates e greves6

16 As famílias foram enfrentando situações cada vez mais humilhantes para que as mulheres pudessem vender as amêndoas aos proprietários da terra. As possibilidades de acesso aos babaçuais tornavam-se cada vez mais difíceis e, simultaneamente agravava-se a situação de expoliação do produto do trabalho dessas famílias : Antónia — … O Adelino começou também botar a pessoa pra ir comprar coco lá dentro [da pastagem, chamada pelos trabalhadores de solta] aí, já pensou que sufoco ?

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Eu sei que tinha que ficar esperando, a chuva cai e não cai, aquele temporal e as palmeiras balançando, e você ficava, não podia ir embora porque era pra vender era de litro [o fazendeiro mandava um empregado vir pesar as amêndoas] […] foi uma conseqüência que foi fazendo a gente sentir que tava reprimida mesmo »7. 17 Diante da situação limite em que estavam colocadas as famílias, sem terras para cultivar e tendo interditado o acesso aos babaçuais, as mulheres passaram a reagir fortemente aos constrangimentos a que vinham sendo submetidas. Humilhações como apreensão de instrumentos de trabalho, de cestos de coco já coletados, ofensas, ameaças diretas, com casos, inclusive, de agressões físicas, desencadearam a reação das famílias em vários municípios, com o apoio do Sindicato dos Trabalhadores Rurais e da Igreja Católica : Dió8 — Uma das coisa que chamou mais atenção da mobilização mais assim, mais conscientizado, foi a questão mesmo da gente se reunir no sindicato, né […] aí a gente começou se organizar, começou a discutir o evangelho também […] fazia leitura do evangelho, e refletia, puxar pela vida, pra vida de hoje a gente ia refletir a vida de Cristo, né, naquele tempo… […] aí eu ficava matutando : se eu vou sozinha pra solta, né, lá o vaqueiro me embrulha mesmo de taca [agride fisicamente], mas se eu for mais quatro ou cinco lá nos enfrenta ele e era isso que acontecia, aí se começou enfrentar vaqueiro, começou a trabalhar o babaçu mesmo […] aí começamos também a cortar jacá de fileira de animal que eles botava pra juntar coco, queimar depósito de jacá com coco, assim… ». 18 As primeiras manifestações de resistência, além daquelas que já vinham sendo colocadas em prática cotidianamente pelas mulheres, como adentrar nas pastagens por baixo do arame, enfrentando a fúria dos vaqueiros, foram essas, dos chamados mutirões. Grupos grandes de mulheres e, em alguns lugares, de homens, mulheres e crianças, passaram a se reunir para quebrar o coco coletado pelos arrendatários, conforme conta seu Antonino, velha liderança do povoado São Manoel, município de Lago do Junco, líder das lutas pela terra e pelo acesso livre aos babaçuais, tendo sido preso e torturado na prisão.

19 Dona Maria Alaydes9, atual vereadora de Lago do Junco, pelo PT (Partido dos Trabalhadores), assim resume o que considera as etapas das lutas : M. Alaydes — A gente enfrentou o fazendeiro, enfrentou os pistoleiro, enfrentamos o próprio vaqueiro… isso se deu em três etapas : a primeira etapa da gente roubar o coco, que a gente dava esse nome… a segunda etapa da gente se dispor em mutirão e quebrar disposta a apanhar ou correr e a terceira etapa foi impedir a derrubada das palmeiras ». 20 Seu Antonino assim se manifesta a respeito : Antonino10 — … O proprietário que se dizia dono da região botou alguém pra comprar o babaçu […] começou a mandar juntar o babaçu na carga e dando de meia que nem a nossa companheira já falou. Era, quebrava a metade, ficava com a casca e vendia o outro, mas era comprador de tudo, não podia tirar pra ninguém, tinha que vender lá, além de quebrar de meia, que era cinqüenta por cento deles lá, esses cinqüenta por cento eles tinham que comprar… aí, depois, começou mandar juntar na casa e vender de carrada e a gente não resistia mais porque não tinha mais onde apanhar babaçu de jeito nenhum e a sobrevivência do pessoal era o babaçu e aí a gente resolveu formar um mutirão e quebrar […] e nós fomos pra lá, tinha umas trinta e cinco pessoas, quarenta, fomos quebrar coco […] homens e mulheres ». 21 Os fundamentos da argumentação dos trabalhadores, nesse como em outros momentos, são a necessidade da sobrevivência e também o fato de que os proprietários não haviam comprado babaçu e sim a terra, o que denota representações em torno da apropriação

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desse vegetal regendo sistemas de classificação dos recursos naturais11. Tais fundamentos não excluem, também, princípios éticos, no âmbito do que poderia ser pensado como uma economia moral dos pobres 12. O fato de ser considerado um bem da natureza, independentemente da ação humana, fundamenta as concepções em torno da impossibilidade de sua apropriação privada, da absoluta interdição de sua transformação em mercadoria, em objeto de negócio : Antónia — E o babaçu também é uma coisa nativa, que ele tinha nascido e se criado e ninguém tinha aguado e tava hoje dentro da propriedade privada, porque eles não compraram o babaçu, eles negociaram terra, não o babaçu ». 22 Por outro lado, em represália à ação das famílias, quando iniciaram os mutirões, inclusive com queima de jacás e dos depósitos dos que haviam arrendado o coco, os proprietários trataram, então, de derrubar os babaçuais, o que provocou a realização dos chamados empates : Domingas13 — Porque os fazendeiros não deixavam a gente panhar coco nas soltas deles, eles é quem panhavam o coco botavam debaixo de uma casa grande […] fazia aqueles galpaozão e botava as mulheres pra quebrar o coco pra eles comprarem […] aí a gente viu que isso não tava certo… "nós vamos entrar e quebrar" e ajuntava aquele horror de mulher, vinte, trinta mulher, sentava e quebrava […], com medo e tudo… e aí o que eles fizeram ? Botaram gente pra vir derrubar as palmeiras, porque não tinha jeito pra nós sair de dentro da solta, botaram gente pra derrubar as palmeira, aí junto foi os homens mesmo, muito homem, chegava, empatou derrubar palmeira… por aí começou a gente se achar livre… ». 23 Os depoimentos denotam os momentos de uma situação de tensão que atingira o limite do suportável pelas famílias, exauridas e com a reprodução física comprometida. Nesse sentido, se poderia refletir sobre a capacidade de rebelar-se dos camponeses14. Neste caso, mobilizam-se, os mais afetados pela fome, em determinados momentos do ciclo de desenvolvimento das famílias, ou seja, quando existem poucos braços para o trabalho e grande número de crianças.

24 A partir da realização dos mutirões para quebra de coco dentro das pastagens, os fazendeiros iniciaram a derrubada das palmeiras, como forma de reprimir a entrada das famílias no que consideravam como suas propriedades privadas. A reação dos trabalhadores foi muito forte : João Valdecy15 — … eu me lembro que em 1984, no dia 30 de agosto, nós fizemos um mutirão, nós era trinta e quatro pessoas, nós fomos impedir uma derriba de palmeira na solta de doutor Manoel […]. Fomos pra lá, eu ia na frente, o pessoal todo com medo, se mandemos pra lá trinta e quatro pessoa… […] Mulher, homem, menino, um bucado de gente… eu sei que chegamos lá já tinha três cabras derrubando […] pedi o machado, ele me deu… nós ia queimar, tocar fogo no machado lá, aí como eles foram bem educado, aí nós demos… começamos uma conversa boa, eles eram mandados de Dr. Manoel, nesse tempo ele era prefeito… ». 25 Os mutirões se alastraram por vários povoados, que passam a agir em conjunto, de acordo com estratégias e divisão do trabalho de luta. P. — E quem falava quando chegava lá, vocês já estavam tudo combinado quem ia falar ? : Zezé — Era, a gente saía daqui já tinha as pessoas que ia passar lá […] quem falava mais assim na frente lá dos vaqueiros era Celé, as vezes eu, aí dos homens era o António Leite e o João Valdecy, era os que falavam mais na frente deles, quando não era eles era o Carlo, meu irmão […] a gente conversava primeiro em casa, se reunia um grupo aí, se sentava as vez aqui… ficava fora daquela estrada ali, sempre passa gente mais pouca aqui… nós se reunia ali na casa do forno aí ficava sempre uma

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pessoa olhando quem vinha quem não vinha pra gente decidir quem ia falar, como a gente ia dizer… era assim que era…16. P. — Como é que vocês se organizavam, tinha reunião, se combinava ? : Antónia — Era assim… era tão bom da gente se reunir naquele tempo porque acho que o medo, sabe, fazia a gente se reunir. A vontade, a necessidade… Bastava uma pessoa passar aqui, dizer : "tem uma conversa hoje"… não dizia nem que era reunião… "tem uma conversa hoje em tal lugar"… ou era na casa de farinha [local onde fabricam a farinha de mandioca] ou lá detrás da casa de uma pessoa que tinha um terreiro de cozinha bem bom… »

Divisão sexual do trabalho guerreiro

26 Os depoimentos indicam estratégias, planejamento, cálculo das ações, uma divisão sexual do trabalho de guerra, na qual transparecem valores, representações acerca das relações entre homens e mulheres nesse tipo de sociedade, conforme se tentará demonstrar.

27 Quando recrudesce a luta pelo acesso aos babaçuais, em que os proprietários de terra passam a destruir os palmeirais, os conflitos se somaram, sucedendo-se, alastrando-se por vários municípios. Pessoas de um povoado passaram a reforçar a luta de outros e a luta pelo coco transformou-se em luta pela terra, havendo uma passagem dos mutirões e empates para um estado denominado pelos informantes de greve, de greviar, categorias utilizadas para indicar que a luta se agravara, tornando-se, nos seus termos, mais pesada, podendo envolver confrontos diretos, com mortes, prisões, destruição de povoados pela polícia. Nesse momento, as famílias mobilizam-se em conjunto – mulheres, homens, jovens e crianças : Leonildes — Rapaz, a gente tinha sempre reuniões e conversava daquilo que eles falava de fazer, aí a gente começava a se planejar o que a gente ia fazer […] nós se juntamos, fizemos reunião lá na comunidade e contou como era que o fazendeiro ia fazer com a propriedade, derrubar todo o babaçu (…) até que nós aqui não sofria tanto que nem as pessoas lá do Ludovico, mas eles não se achava com tanta coragem, precisava a gente tá junto com eles, pra dar força pra eles, aí nós começamos a entrar e pegar o coco […] aí já tinha gente indo embora de Ludovico porque não tinha coragem de greviar […] quando a coisa engrossou aí teve que ir, foi todo mundo, viu ? foi homens, mulher, menino e tudo […] quando foi com trator já, foi homem, mulher, já não foi mais só mulher pedir pra que eles não devorasse o babaçual. Aí ficaram naquela confusão toda, aí a gente passou a lutar mesmo pela terra, não foi mais nem pelas palmeira, já foi mesmo pela terra... »17. 28 O que se passa a observar na região, nos anos 1980, é uma guerra não declarada, com lutas, tiroteios, prisões, mortes de ambos os lados – aquele dos camponeses e o dos pistoleiros de aluguel, dos capatazes, dos vaqueiros e encarregados de fazenda. Há ocorrência de emboscadas, de invasão e destruição de povoados com emprego de milícias privadas e da polícia, de derrubada de casas, escolas e igrejas, fatos que foram documentados em inúmeros trabalhos acadêmicos18 e relatórios de órgãos oficiais 19. Existe, porém, uma memória camponesa acerca dos conflitos que ainda está por ser resgatada e analisada.

29 Essa guerra é enfrentada pelo conjunto das famílias atingidas, propiciando a criação de laços de solidariedade entre povoados e entre municípios. A repressão à coleta e quebra do babaçu contribuiu para unir famílias que praticavam a extração do babaçu. Como não poderia ser diferente, em se tratando de famílias camponesas20, ocorreu também uma divisão sexual do trabalho de enfrentamento dos antagonistas. Homens e

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mulheres, de diferentes maneiras, viram-se diante da tarefa de lutar pelo acesso aos babaçuais. Em diferentes momentos e, certamente, com particularidades conforme cada povoado, passam a agir ora separados ora em conjunto. Crianças e jovens viram-se também envolvidos, assumindo tarefas que lhes eram específicas no conjunto do trabalho de guerra. 30 Há copiosos depoimentos sobre a participação de mulheres e homens nas lutas, em ações planejadas, coordenadas, conforme regras e códigos próprios a esse tipo de sociedade. Nas práticas desencadeadas por essas famílias, a relação de gênero esteve sempre presente, determinando o maior ou o menor envolvimento na luta, conforme os papéis desempenhados na divisão sexual do trabalho e de acordo com regras, valores, representações que regem as relações entre mulheres e homens camponeses. 31 Evidentemente, as atividades econômicas com base na extração e quebra do coco babaçu ganham repercussão política, contribuindo para o surgimento de um sujeito coletivo – as quebradeiras de coco babaçu e ampliando a luta, não mais apenas pela terra e pelo coco, mas por uma cosmovisão, que hoje se manifesta em distintas organizações internas a esses grupos, inclusive uma escola para seus filhos, dirigida por membros dessas famílias, com calendário e estrutura curricular próprios, porém reconhecida oficialmente. 32 No âmbito do que estamos denominando de trabalho de luta, trabalho de guerra ou trabalho guerreiro, a maior ou menor participação de homens ou de mulheres, o momento e as formas segundo as quais ocorreu, variou conforme a situação e de acordo com uma avaliação prévia acerca do que é considerado pelo grupo como a gravidade do enfrentamento com os antagonistas. 33 Nos chamados mutirões para quebra do coco que havia sido recolhido para ser quebrado de meia, estiveram presentes, em muitos casos, homens, mulheres e crianças. Eram momentos em que todo o grupo era chamado a participar, dado o caráter desse tipo de enfrentamento, já que a atividade deveria ser feita rapidamente, antes que chegassem os vigias das fazendas. 34 Algumas entrevistadas distinguem os atos voltados aos empates daqueles outros, próprios da luta pela terra, que denominam greve. Em alguns depoimentos aparece a presença do homem junto com as mulheres, nos empates enquanto em outros, a presença do homem se dava mais na chamada greve. P. — Você falou que ia de cinco, dez, até vinte mulheres… tinha só mulheres ou tinha homens também, crianças, como era o empate, como é o empate ? : Moça — … quando a gente sabia que eles tavam derrubando, aí a gente fazia um grupo de dez mulheres e ia lá, aí não conseguia empatar… aí depois a gente voltava, juntava mais mulheres, crianças… homens não… eles nunca se meteram assim empatar não, eles não iam junto com a gente… eles iam quando a gente partia direto pra greve, já lutar pela terra, né, aí sim era com eles, mas na hora do empate da derruba é sempre as mulheres que vão »21. P. — Tem diferença do empate e da greve ? Moça — Tem, tem, porque eles lutar pela terra era uma coisa, né, você tá brigando pra adquirir aquela terra pra você, aí é a greve e empatar a derruba do coco não… porque você só tá querendo que eles parem de derrubar as palmeiras pra poder você ter onde coletar o coco ». 35 Em vários depoimentos, porém, aparece um estado de alerta de parte dos homens, de modo que estariam presentes caso fosse necessário. Sendo assim, estavam presentes, mesmo que não o estivessem, fisicamente falando. Além disso, nota-se que os

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informantes falam, ao mesmo tempo, das lutas passadas nos anos 1980 e dos empates atuais, mesclando passado e presente. Isto ocorre porque, a luta pelo acesso aos babaçuais continua nos dias atuais, sendo que a tarefa de impedir as derrubadas está a cargo das mulheres. P. — Os homens eles não estão ali, mas se o negócio esquentar eles estão por perto, é isto ? : Dora — Qualquer coisa, tem um toque, esse toque a gente tinha com foguete ou um tiro. Quando existia esses aviso, os homens já sabiam que era alguma coisa que tava acontecendo, então eles já começavam a chegar […] Nesse momento era a luta pela terra, que tinha esses aviso, quando tinha um tiro eles já sabiam o que era »22. P. – Vamos saber a opinião do Zé sobre esse momento que o homem entra no empate… : Zé Hermínio23 — Porque na hora da reforma agrária, o homem é mais procurado pelo pistoleiro, pelo vaqueiro, então as mulheres ficam mais assim pra dar o aviso aonde a gente tá. Porque como eu falei ainda agora, né, um com outro homem é mais fácil fazer alguma coisa de que com a mulher, né, então na hora da reforma agrária o homem é mais procurado, né, […] P. — Nessas ocasiões que as mulheres vão sozinhas impedir por exemplo, a derrubada, vocês ficam e elas vão… Zé Hermínio — Não… as mulheres sempre vão só, né os homens ficam em casa, né, no trabalho, na parte de… empatar palmeiras ficam mais só as mulheres, né agora na terra mais os homens, né ? ». 36 Em algumas situações, a maior ou menor utilização da violência de parte dos antagonistas – pistoleiros, empregados de fazenda, milícias privadas – é o que aparece nos depoimentos como o fato decisivo para a entrada ou não dos homens, junto com as mulheres, nos momentos dos confrontos. P. — Como é dona Jocília, qual o momento em que os homens iam pros empates, o que acontecia que era preciso eles irem ? Jocília24 — As vezes eles tavam derrubando as palmeira, né, derrubando as palmeira mesmo, tudinho mesmo, aí a gente viu que eles ia derrubar tudo, aí foi obrigado entrar os homens, né, pra ajudar… um dia até que nós reunimos aqui um grupo de mulher e fomo pra lá, pra empatar eles derrubar, mas não teve meio, até que eu saí até mais uma pra começar… saí só eu e outra… quando nós cheguemos lá perto aí tava a zoada de homens lá derrubando as palmeiras aí eles viram que a gente tava lá encostando lá eles de mandaram foi tiro pro rumo de nós e aqui nós botemos foi o pé na carreira pra trás e aí foi obrigado os homens entrar, né, ajudar… ». 37 Em outras situações, a maior presença das mulheres nos chamados empates aparece em alguns depoimentos como resultado de um cálculo, de uma estratégia para evitar a violência, com perda de homens do grupo : Antónia — … porque nesses empate sempre quem foi na frente foi mulher, nunca vai homem porque não é por uma questão dos homens não querer, as mulheres é que evita, por a questão da violência deles, né ? Porque eu acho até que eles temem, que teve em algum momento aí que eles disseram aqui na região : ´larga essas mulher de mão… elas tão confiada desse jeito porque os macho dela tá aí por perto, quer dizer, eles ficavam achando assim que as mulher tavam falando ali, mas os homens tavam por trás pra resolver, né, e aí nesse sentido também era a que gente que não queria que os homens fossem, pra não ter uma violência maior. [Quando] é derrubada de palmeira pra pedir pros caras não derrubar, quem vai mais é mulher, pra evitar o pior né… porque o cara mais a mulher não briga, o máximo que ele pode fazer com ela só se for dá uma pisa [agredir fisicamente, bater], porque aí… se bater os macho vem resolver […] Aí a mulher se prontificava pra ir […] em vez de eu mandar o meu marido que poderia o cara vir armado e dá logo um tiro nele… então é isso, que ele sabia que mulher não brigava… »

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Valores relativos à masculinidade e os confrontos durante os empates

38 Homens e mulheres avaliam suas ações no confronto com os antagonistas, portanto, de acordo com códigos de honra determinados por essas culturas, no âmbito dos quais o comportamento masculino é pensado. As mulheres, nesse sentido, inclusive ocultam os comentários dos vaqueiros, de modo a evitar reações dos maridos : P. — Que tipo de coisa vocês evitavam dizer pro marido, o que eles falavam ? : Antónia — … vamos supor, eles diziam : vocês não tem marido, os maridos de vocês não sustentam vocês, é um preguiçoso, eu duvido que ele não tem dinheiro pra fazer isto e aquilo com as outras, não teve dinheiro pra beber cachaça ? Sabe aquelas coisas de machucar assim, que é pra gente se zangar… ». 39 As provocações buscam atingir os valores relativos à masculinidade, tal como pensada nessas sociedades, ou seja, ligada à capacidade de trabalhar a terra e de sustentar uma família.

40 Se a presença dos homens não é desejável nos empates, pois algumas mulheres consideram que poderia provocar mais atos violentos, em outras situações é a presença da mulher que é estrategicamente evitada : P. — Mas as mulheres participam… qual as funções que tem uma mulher no conflito ? Antónia — Olha, tem várias… tem essa coisa de ver como é que tá, tomar chegado… as coisas que tem de levar uma coisa pra eles num lugar… o homem não pode ir, as mulheres sai disfarçando aqui aí faz que vai e entra já pra ir deixar uma coisa lá25 […] agora, vamos supor, se eles tão preparando uma armadilha, uma tocaia, que nem toda mulher suportava isto não, porque se ouvir vai dizer : "ave Maria, meu filho, meu marido vai morrer", e é capaz de entrar e estragar a coisa assim… ».

A emergência das quebradeiras de coco como sujeito político

41 Concomitantemente à luta pela terra e pelo livre acesso aos babaçuais, essas famílias se organizaram em clubes de mães, associações e, mais tarde, em cooperativas, nas chamadas cantinas, fábricas de sabonete e outros empreendimentos econômicos. Lutaram por leis municipais, já aprovadas em vários municípios do Maranhão e encaminhadas em outros estados onde o movimento das quebradeiras atua, chamada lei do babaçu livre, a do papel26, como a ela se referem hoje as mulheres, após décadas de luta e de mobilização Por este motivo as mulheres distinguem a lei do papel e o que chamam de lei da marra27 ou lei da raça 28, ou seja, enfatizando que antes de obterem a aprovação da lei nas câmaras de vereadores, em distintos municípios, já haviam instituído, na prática, a sua lei, a que resultou dos confrontos diretos. Enfatizam ainda que sem a mobilização permanente, produto do que entendem por raça e por marra, sem a capacidade de manterem-se vigilantes para que não haja derrubadas de palmeiras, para que o acesso das quebradeiras a esses recursos seja livre, a chamada lei do papel não teria nenhuma eficácia : Dada29 — … a gente precisava ter uma lei pra ter uma base, mas, na verdade, não tem validade nenhuma. Então, onde as mulheres fazem enfrentamento, a lei vigora,

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a lei vale, mas onde as mulheres não se envolvem, a lei também não tem significado nenhum ». 42 Os povoados citados nos depoimentos foram justamente aqueles onde se deram os confrontos mais violentos pelo acesso aos babaçuais e pela posse da terra e onde se encontram, atualmente, várias organizações, como : associações de assentados, associação intermunicipal de mulheres trabalhadoras rurais, cooperativa regional agroextrativista, escola família agrícola de ensino fundamental, grupos de jovens, projetos produtivos e de comercialização, projetos educativos para crianças menores de sete anos, sindicatos e a ASSEMA (Associação em Áreas de Assentamento do Maranhão).

43 A tarefa de impedir as derrubadas perdura até os dias de hoje e passou a ser assumida pelas mulheres. Atualmente, os proprietários de terras, apesar da existência do instrumento jurídico, insistem em derrubar os babaçuais naquelas áreas onde a lei, embora existindo enquanto instrumento legal, não tem eficácia ou naquelas onde, mesmo ocorrendo a mobilização das mulheres, buscam novas formas de agredir os babaçuais, seja envenenando as palmeiras jovens, seja aradando próximo aos troncos. 44 Nos chamados empates atuais, pelo que se pode depreender dos depoimentos, prevalece, inicialmente, a tentativa de negociação. As mulheres e crianças são aquelas que ainda continuam promovendo essas ações, numa estratégia baseada nas representações da mulher como mais hábeis para negociar. As mulheres exercem, a função de diplomatas, de embaixatrizes do grupo, funcionando como agentes fiscalizadoras da preservação dos babaçuais e negociadoras nos casos em que há transgressões ao código jurídico pertinente : Dora — … na negociação às vezes os homens não vai mais. Nos empates é mais as mulheres, é difícil homem acompanhar… ». 45 Em alguns casos a negociação é eficaz e entram em acordo com o proprietário. Quando falha, as mulheres buscam as instâncias apropriadas, como a delegacia e o promotor de justiça. Também nesses casos, são as mulheres que vêm desenvolvendo essas tarefas.

46 Foi a partir, portanto, de formas nativas de participação, dadas pela divisão sexual do trabalho, como os chamados adjuntos para quebra do coco, que as mulheres envolvidas nessa luta lograram passar do espaço doméstico – da roça, da cozinha, do babaçual – à conquista dos mercados e à interlocução com o poder público. 47 A luta foi mulheres, homens e crianas, envolvendo cada qual, em diferentes momentos, conforme as representações dos papéis de mulheres, homens e crianças, característicos desses grupos. A unidade de produção camponesa, atingida nas possibilidades de sua reprodução, reage em conjunto, a partir dos desafios e das contradições que lhes são colocadas a cada momento da luta. Ocorre, porém que, incidindo os conflitos, principalmente, sobre uma atividade preponderantemente feminina, que se tornara principal, levando homens, e até mesmo as crianças, em determinado momento, a exercê-la intensivamente, os enfrentamentos alçaram a mulher a uma posição de primeiro plano no âmbito da organização familiar e comunitária própria desses grupos. A proeminência da posição da mulher, na movimentação política desses grupos, nos dias de hoje, é reconhecida por seu Zé Mundico, atual gerente da Cooperativa de Lago do Junco e marido de uma das quebradeiras, que assim se manifesta : Zé Mundico — A quebradeira de coco ela tem sido peça fundamental nessa organização, até na época dos conflitos, porque eles chegavam pra derrubar as palmeiras […] aí quem ia pedir pra não derrubar, nessa hora é as mulher […] e hoje as mulheres tem sido força maior na questão da preservação, porque quando os

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homens tão derrubando as palmeiras é elas que tão lá pedindo pra não derrubar, é elas que tão questionando o babaçu, do babaçu livre é elas que tão trabalhando pra que essa lei seja lei mesmo e proibir mesmo a derrubada… elas que tão na justiça, já ganharam a lei orgânica, tão lá em São Luis discutindo com o governador do Estado e futuramente é levar essa questão da lei do babaçu livre para o Brasil… essa é a intenção e o trabalho das mulheres quebradeiras de coco. E a outra parte que é fundamental também é voltada pra família, da economia familiar : as mulheres é a parte fundamental, porque elas é quem mais quebra coco, é elas quem faz a compra do café, do açúcar, do dia a dia é através daquele babaçu, porque os homens não tem emprego assim que todos os mês você recebe […] então o serviço é de roça e não fornece assim a produção que a gente venda todo mês, toda semana pra ter o comer, então o básico mesmo seria o babaçu e quem mais quebra o babaçu são as mulheres… os homens tão é cuidando da roça […] eu acho que hoje, a mulher é a estrela da cooperativa ». 48 Apesar do reconhecimento de boa parte dos maridos dessas mulheres que lideram a movimentação política e econômica atual, apesar da aceitação por alguns da preponderância do papel da mulher, nos dias atuais, no tocante à organização política e econômica desses grupos, certamente há transformações em nível das relações de poder internamente às famílias, relativas às relações de gênero e entre gerações, tema que ainda está para ser explorado30.

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NOTAS

1. . C.C. MARTINS, Os deslocamentos como categoria de análise, dissertação de mestrado, Universidade Federal do Maranhão, 2000. 2. . Massa que se encontra entre a casca e a entrecasca do coco babaçu e com a qual produzem uma espécie de farinha utilizada para a feitura de mingaus e bolos. 3. . No final dos 1980 essas áreas foram desapropriadas para fins de reforma agrária, no contexto da chamada Nova República. Apesar do caráter conservador desse processo de reforma agrária, no sentido de que o instrumento de desapropriação dos latifúndios praticamente caiu em desuso depois da Constituinte que votou a nova Constituição de 1988, prevalecendo o princípio da negociação entre o Estado e os latifundiários, que, em muitas situações, mais sugere uma negociata, várias áreas foram ainda desapropriadas e foram instituídos os chamados assentamentos de reforma agrária, livrando as famílias do jugo dos antigos proprietários de terra. 4. . Os cocos são coletados nos palmeirais e, conforme a distância, trazidos no lombo de animais ou transportados pelas mulheres, em cestos, na cabeça, para serem quebrados em casa. Em outros casos, são quebrados nos locais de extração. Em ambas as situações, em diferentes regiões do estado, as mulheres sentam-se em círculo para quebrá-los, com o auxílio de um machado e de um pedaço de pau, tirando deles as amêndoas, com as quais fabricam o chamado azeite de coco, utilizado na culinária e, atualmente, na fábrica de sabonetes. Quanto ao óleo, nos dias atuais, é extraído a frio na fábrica pertencente à COOPALJ (Cooperativa de Pequenos Produtores Agroextrativistas de Lago do Junco), para ser utilizado pela indústria. O óleo de babaçu hoje produzido por essas mulheres da COOPALJ, é exportado para os Estados Unidos e outros países, destinado à indústria de cosméticos.

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5. . Uma ilustração das contradições vividas por essas famílias nos anos 1960 encontra-se no filme de Murilo SANTOS intitulado Bandeiras Verdes, em que o Sr. Domingos Bala relata a história de deslocamento de sua família dessa área do Maranhão para a região do Pindaré, no mesmo estado. Do mesmo autor veja-se Bandeiras Verdes, São Luís, Comissão Pastoral da Terra, 1981, e Fronteiras – a expansão camponesa no Vale do Rio Caru, relatório ao CNPQ, São Luís, Conselho Nacional de Desenvolvimento Científico e Tecnológico, 1985, mimeo. 6. . A categória mutirão é empregada em muitas regiões do Maranhão, pelos camponeses, para se referirme as tarefas realizadas por meio da ajuda mútua – seja a cobertura de casas, a limpeza de caminhos, de fontes e outros. Indica trabalho coletivo a partir de regras acatadas consensualmente pelo grupo. O termo empate não aparece com freqüência nos depoimentos, embora tenha se vulgarizado, principalmente após a morte de Chico Mendes e das lutas dos seringueiros, no estado do Acre. O verbo empatar, porém, no sentido de proibir, de impedir, aparece com muita freqüência nas falas dos informantes. O termo greve, neste contexto de lutas camponesas, é utilizado para indicar que a luta envolve também confrontos diretos, inclusive com mortes. 7. . Dona Antónia, casada, mãe, avó, sócia da AMTR (Associação das Mulheres Trabalhadoras Rurais), produtora de sabonetes, membro da associação do assentamento Centrinho do Acrísio, sócia da COPPALJ, coordenadora do MIQCB (Movimento Interestadual das Quebradeiras de Coco Babaçu), moradora do povoado Centrinho do Acrísio, município de Lago do Junco. A transcrição dos trechos de depoimentos obedeceu à maneira de falar dos camponeses da região em estudo e correspondem ao uso que fazem da língua portuguesa, com a utilização de termos e expressões característicos. Em alguns casos, há uma tentativa, que aparece entre colchetes, de indicar ao leitor os possíveis significados de certos termos empregados pelos informantes. As interferências da autora nos depoimentos são indicadas por reticências entre parênteses. 8. . Diocina, conhecida como Dió, moradora de Ludovico, Lago do Junco, integrante do MIQCB. 9. . Maria Alaydes, casada, mãe, avó, sócia da COPPALJ, sócia da AMTR, sócia da associação do Assentamento Aparecida, vereadora, moradora do povoado Ludovico. 10. . Antonino, casado, pai, avô, sócio da COPPALJ, diretor da EFALJ (Escola Família Agrícola de Lago do Junco), membro da associação do assentamento São Manoel, morador do povoado São Manoel. 11. . Acerca dos princípios que regem os sistemas de classificação dos recursos naturais vide M. de P. ANDRADE, Os gaúchos descobrem o Brasil, dissertação de mestrado, USP, 1982. Da mesma autora, Terra de Índio – identidade étnica e conflito em terras de uso comum, São Luís, UFMA, 1999. 12. . E. THOMPSON, Tradición, revuelta y conciencia de clase, Barcelona, E. Critica, 1979. 13. . Domingas Leite, casada, mãe, avó, sócia da AMTR, produtora de sabonetes babaçu livre, da associação do assentamento, sócia da COPPALJ, diretora da EFALJ, integra o projeto roças orgânicas, moradora do povoado Centrinho do Acrísio, município de Lago do Junco. 14. . E. WOLF, Sociedades Camponesas, Rio de Janeiro, Zahar, 1976, e do mesmo autor, Guerras camponesas no século XX, São Paulo, Global, 1984 ; T. SHANIN (ed.), Campesinos y sociedades campesinas, México, Fondo de Cultura Económica, 1979 ; La clase incómoda- sociología política del campesinado en una sociedad en desarrollo, Rusia 1910-1925, Madrid, Alianza Universidad, 1983 ; « A definição de camponês : conceituações e des-conceituações », Estudos Cebrap, 26, São Paulo, 1976 : 43-79 ; H. ALAVI, « Revolução no Campo », in I. DEUTSCHER et al., Problemas e perspectivas do socialismo, Rio de Janeiro, Zahar, 1969 : 299-351. 15. . João Valdecy, pai, casado, sócio da COPPALJ, da associação do assentamento Centrinho do Acrísio, secretário municipal de agricultura de Lago do Junco, morador do povoado Centrinho do Acrísio, no mesmo município. 16. . Zezé, casada, mãe e avó, sócia da AMTR, produtora de sabonetes babaçu livre, da associação do assentamento Centrinho do Acrísio, sócia da COPPALJ, integra o projeto roças orgânicas, moradora do povoado Centrinho do Acrísio, município de Lago do Junco.

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17. . Leonildes, casada, mãe, avó, sócia da AMTR, produtora de sabonetes babaçu livre, da associação do assentamento Aparecida, sócia da COPPALJ, integra o projeto roças orgânicas, moradora do povoado Marajá, município de Lago do Junco . 18. . Para maior aprofundamento das situações de conflito agrário, no período, no Maranhão, sobretudo na região em questão, consultar M. LIMA, Maranhão - terra em sangue - uma análise da ação oficial para o campo, durante o período da Nova República no Maranhão, monografia de conclusão de curso de Ciências Sociais, São Luís, UFMA (Universidade Federal do Maranhão), 1994, 70 p. mimeo; B. Souza FILHO, Sábado de Aleluia tem carne - condições de reprodução social da família de trabalhador rural assassinado e emergência da viúva como liderança, monografia de conclusão de curso de Ciências Sociais, São Luís, UFMA, 1994, 80 p. mimeo; H. ARAÚJO, Entre a cerca e o asfalto - a luta pela posse da terra em Buriticupu, monografia de conclusão de curso de Ciências Sociais, São Luís, UFMA, 70 p. 1996, mimeo 1996; J. TROVÃO, O conflito de Aldeia - Bacabal, MA - estudo de uma situação de conflito agrário por meio da análise de um processo judicial, monografia de conclusão de curso de Direito, São Luís, UFMA, 1996, 60 p mimeo; V. BARROS, Conflitos no campo - o caso de Belém, Maranhão, monografia de conclusão de Curso de Direito, São Luís, UFMA, 1995, 50 p. mimeo ; H. ARAÚJO, Memória, Mediação e Campesinato, dissertação de mestrado apresentada ao Mestrado em Políticas Públicas, São Luís, UFMA, 2000, 120 p. Ver também M. de Paula ANDRADE, Coleção Célia Maria Corrêa – Direito e Campesinato, Mestrado em Políticas Públicas/ NAV, São Luís 1997, 5 vol. e, ainda, A. ALMEIDA, Conflitos de Terra no Maranhão, São Luís, Comissão Pastoral da Terra, 1981, 56 p. Do mesmo autor, veja-se também, Conflitos e Lutas dos camponeses no Maranhão, São Luís, Comissão Pastoral da Terra, 1984, 80 p. 19. . Cf. MIRAD (Ministério da Reforma e do Desenvolvimento Agrário), Brasília, Conflitos de Terra 1985, vol. I e 1986, vol. II, mimeo. 20. . Para aprofundamento sobre economia camponesa e conceituação de camponês, ver A. CHAYANOV, The Theory of Peasant Economy, Homewoood, American Economic Association, 1966 e ainda « Sobre a teoria dos sistemas econômicos não capitalistas », in J. GRAZIANO (ed.), A Questão Agrária, São Paulo, Brasiliense, 1981. Para uma discussão do camponês no mundo globalizado, ver M. KEARNEY, Reconceptualizing the peasantry: anthropology in global perspective, Boulder, Col., Westview Press, 1996. 21. . Moça, casada, mãe, avó, sócia da AMTR, produtora de sabonetes babaçu livre, da associação do assentamento Aparecida, sócia da COPPALJ, integra o projeto roças orgânicas, moradora do povoado Marajá, município de Lago do Junco. 22. . Dora, casada, mãe, sócia da AMTR e gerente da fábrica de sabonetes da AMTR, sócia da COPPALJ, moradora do povoado São Manoel, município de Lago do Junco. 23. . Zé Hermínio, casado, pai, cantineiro na COPPALJ, morador do povoado São Manoel. 24. . Jocília, moradora do povoado Ludovico, Lago do Junco. 25. . Em várias situações no Maranhão, nesses anos de recrudescimento dos conflitos agrários, 1970, 1980, as mulheres e as crianças são aquelas que levam recados, dão notícias da movimentação da polícia e dos pistoleiros e levam comida para os homens adultos e os rapazes, nos casos em que eles estão sendo perseguidos e se vêem obrigados a permanecer escondidos nos matos. 26. . Por lei do papel referem-se àquelas que tramitaram, passaram por discussão e foram sancionadas nas Câmaras dos Vereadores, nos municípios. 27. . O termo marra, no português corrente, refere-se ao que é conseguido à força, fora dos mecanismos institucionais, legais. No caso, com luta, com enfrentamento dos pistoleiros e donos de terra 28. . O termo raça, neste caso, refere-se à coragem, ao que é conseguido com luta, com enfrentamento.

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29. . Dada, casada, mãe, avó, sócia da ASSEMA e da associação do Assentamento Riachuelo, coordenadora geral do MIQCB, moradora do povoado São José dos Mouras. 30. . Neste momento, Luciene Dias Figueiredo elabora uma dissertação de mestrado sobre o tema, na UFPA (Universidade Federal do Pará), no Brasil.

RESUMOS

Este artigo trata de um movimento de famílias de trabalhadores agro-extrativistas, no estado do Maranhão, Nordeste do Brasil, liderado principalmente por mulheres, tendo na extração, beneficiamento e comercialização do coco babaçu, e dos produtos dele derivados, o seu foco principal. Focaliza a luta pela reforma agrária e pelo acesso livre aos recursos florestais e as estratégias marcadas pelas relações de gênero registradas nos momentos mais agudos dos conflitos.

Cet article traite d’un mouvement de familles de travailleurs dans l’extraction agricole, dans l’État du Maranhão, Nordeste du Brésil, dirigé essentiellement par des femmes, dont l’objectif principal est dans l’extraction, la préparation et la commercialisation du coco babassu et des produits dérivés. Il met en lumière la lutte pour la réforme agraire et pour le libre accès aux ressources forestières ainsi que les stratégies empreintes de relations sexuées enregistrées lors des moments les plus aigus des conflits.

This article deals with a movement of families working in agriculture in the state of Maranhão, in the north east of Brazil, led mainly by women. Their work consists in extracting “babaçu” coconuts, processing them and selling the resulting products. The article focuses on the struggle for agricultural reform and for free access to forestry resources, and on the strategies adopted concerning gender relations at times when conflicts become most serious.

ÍNDICE

Mots-clés: Action collective, grève, division sexuelle, travail Índice geográfico: Maranhão, Brésil

AUTOR

MARISTELA DE PAULA ANDRADE

Programa de Pós Graduação em Ciências Sociais da Universidade Federal do Maranhão

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Hommes d’affaires et gestionnaires familiales Complémentarités et asymétries de genre dans une élite de Lisbonne* Homens de negócios e gestoras familiares. Complementaridades e assimetrias de género numa elite de Lisboa Businessmen and Female Family Managers. Gender Complementarity and Asymmetry in a Lisbon Elite

Antónia Pedroso de Lima

1 « Non, je ne suis pas une femme au foyer. Je suis une gestionnaire familiale ». C’est ainsi qu’une femme de quarante-deux ans, mère de quatre enfants, s’est présentée à moi. « Gestionnaire familiale » est, en effet, une expression très appropriée pour caractériser les femmes des grandes familles entrepreneuriales de Lisbonne, car elle n’implique pas que les personnes ne travaillent pas ou qu’elles s’adonnent au seul loisir. Cette précision est particulièrement importante dans ces milieux où la distinction est nette entre famille et affaires ; les affaires sont à la charge des hommes et la famille à la charge des femmes. Ainsi, l’association entre ces dimensions sociales d’action et la différenciation des genres illustre une profonde asymétrie dans la façon dont les hommes et les femmes participent aux projets économiques qu’ils partagent. La réification de la distinction entre ces deux domaines, négatrice de rapports existant entre eux, est constitutive des processus économiques dans ces familles. Elle puise dans une division normative du genre, naturalise l’assignation des hommes et des femmes à des sphères d’action séparées, et hiérarchise les rapports sociaux et les statuts symboliques. À l’appui de cet argument, j’utiliserai la recherche empirique réalisée auprès de sept grandes familles entrepreneuriales de Lisbonne, propriétaires de grandes entreprises œuvrant depuis au moins trois générations1.

2 Comme dans toutes les affaires familiales, les rapports familiaux et professionnels se croisent constamment dans ces grandes entreprises. À vrai dire, l'existence même d’une affaire familiale implique inévitablement l’existence de deux genres d’intérêt qui sont souvent perçus comme opposés, aussi bien par leur nature (intérêts économiques, d’un côté, et partage d’une substance commune, de l’autre), que par leurs objectifs

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(bénéfices et solidarité désintéressée, respectivement). Néanmoins, la recherche a montré que dans ces entreprises, les rapports familiaux se construisent sur un réseau d’intérêts économiques qui unissent des personnes ayant fréquemment des intérêts opposés. Simultanément, les valeurs familiales y sont des éléments cruciaux de l’organisation de l’activité économique. Les multiples processus par lesquels ces familles arrivent à reproduire leur appartenance à un groupe de statut économique et social élevé, ainsi qu’à maintenir la gestion et la propriété de leurs entreprises, découlent, en grande mesure, du fait qu’elles considèrent ces investissements économiques comme la concrétisation d’un projet d’identité familiale (Lima 2003). C’est le succès de cette articulation entre famille et affaires qui permet la continuité de ces grands groupes d’entreprises familiales qui font face aux défis de l’économie capitaliste moderne.

Produire des différences dans un système égalitaire

3 La plupart des femmes de ces grandes familles ne travaillent pas dans les entreprises dont elles sont actionnaires : elles se dédient à la maison, à la famille et à l’éducation de leurs enfants. De leur côté, les hommes sont éloignés des décisions concernant la gestion quotidienne de l’univers d’action familial. La participation différente des uns et des autres au projet économique qu’ils partagent est, en grande mesure, le résultat de constructions idéologiques et de valeurs culturelles qui attribuent la primauté symbolique aux rapports masculins.

4 Mais comment cette séparation idéale devient-elle un élément constitutif des parcours de vie des jeunes dans ces familles ? Puisque l’on ne peut présumer que les garçons naissent avec un penchant gestionnaire et les filles avec des aptitudes familiales spéciales, il faut analyser comment et pourquoi les uns et les autres intègrent ces parcours aux objectifs capitalistes et de continuité familiale qui engagent leurs existences respectives. 5 Les valeurs culturelles qui associent les hommes aux affaires et les femmes à la famille constituent l’univers cognitif à partir duquel les uns et les autres accepteront leurs rôles dans le projet collectif du groupe familial, de façon à ce que seuls les hommes deviennent les successeurs à la tête de l’entreprise. Une telle différenciation est le produit d’héritages culturels et éducatifs substantiellement distincts2, selon qu’il s’agit de garçons ou de filles, de processus au travers desquels elles et ils se constituent comme personnes, développant un certain habitus. Les différences se construisent aussi bien au niveau de l’éducation « formelle » (par l’amplitude et le type des parcours scolaires respectifs) que dans le cadre de l’éducation « informelle » (dans les espaces, les expériences et les connaissances qui sont offerts aux uns et aux autres dans leur milieu familial et social). 6 Le fait que les garçons et les filles sont, dès leur enfance, traités d’une manière différente en fonction des rôles distincts dans les destins de leurs familles et de leurs entreprises, est apparu manifeste dans les entrevues. L’un des thèmes le plus fréquemment mis en avant par les femmes était la manière dont elles aidaient leurs mères ou grandes mères à organiser des thés ou des dîners importants, apprenant ainsi quelle vaisselle il fallait utiliser à chaque moment, quelle était la nappe la plus convenable pour l’occasion, ou à quelle place les invités devaient s’asseoir à table. La centralité des thèmes de la famille et de ses membres dans les conversations des

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femmes interrogées est manifeste. Il en est de même avec les hommes, dont les déclarations étaient centrées autour d’affaires liées à l’histoire de l’entreprise familiale3 : « Quand mon père a construit les réservoirs de P. B, nous (moi et mon frère), nous allions tous les week-ends visiter le chantier avec lui. Pour nous, c’était une fête. Pour lui c’était une manière de nous avoir auprès de lui, de nous faire voir la croissance de l’entreprise » (Luís). 7 Cette affirmation illustre bien comment les moments informels d’apprentissage contribuent à créer des liens forts entre les jeunes et les projets des entreprises de la famille, en lançant ainsi le processus au travers duquel ils seront « hérités par l’entreprise » : en les associant au processus qui assure la continuité de celle-ci (Lima 2003). Leur insertion progressive dans les entreprises, commencée de cette façon « naturelle » et ludique, capte les jeunes garçons. La transmission des connaissances et sentiments qui forment cette vocation chez les garçons est activée bien avant qu’ils soient formellement liés à ces organisations, dans une sphère d’action qui exclut la participation des femmes.

8 On peut illustrer cela par des parcours de vie concrets. Paulo André a obtenu son diplôme d’économie à Lisbonne. Dès le début, il a commencé à être préparé par son père à assumer la direction du groupe familial, ce qui est arrivé lors de la mort de ce dernier. La vie professionnelle de Paulo André a commencé dans la capitale, dans un département de la Banque, et il est monté dans la hiérarchie au fur et à mesure qu’il était préparé à cela. Néanmoins, sa vocation professionnelle et son processus d’apprentissage pour devenir « banquier », ont démarré bien avant, et en un autre lieu. Ils ont commencé dès sa naissance à la maison, sur les genoux de son père, en l’écoutant discuter avec les clients, les parents et les amis qui fréquentaient la maison de famille. Ils ont été consolidés par les conversations, qu’il écoutait, entre son père et ses oncles, les affaires de la Banque étant toujours discutés en présence des jeunes héritiers. Ces moments familiaux ont été au moins aussi décisifs pour la formation de la vocation de Paulo André comme banquier, que sa formation scolaire et professionnelle. Sa vie familiale a constitué, en effet, un processus d’acquisition de savoirs au travers des pratiques quotidiennes. Les apprentissages dont il avait besoin pour devenir ce prestigieux banquier ont été faits aussi bien de cette façon informelle que par l’activité pratique à la Banque ou par sa formation académique. 9 Clara est la petite-fille aînée d’un important homme d’affaires portugais qui a été, simultanément, un grand amateur et connaisseur d’art. Dès son enfance, Clara a pris l’habitude d’accompagner son grand-père chez les antiquaires et chez les particuliers, où il voyait et achetait de nouvelles pièces. Les antiquités et les objets d’art précieux faisaient partie de sa vie quotidienne depuis sa naissance. Pendant les années qu’elle a vécues en Angleterre et au cours des voyages en Europe faits avec sa famille, le contact avec les lieux de culte de l’art européen a consolidé son sens esthétique et ses connaissances sur l’histoire de l’art qui ont marqué dès lors son éducation et que, plus tard, elle approfondit par un cours à Florence. Actuellement, Clara est restauratrice de porcelaines et donne des cours d’histoire de l’art et de restauration dans une grande école professionnelle d’arts à Lisbonne. 10 Le parcours professionnel de Clara souligne l’importance de plusieurs aspects de sa vie quotidienne, comme éléments formatifs de sa « vocation » artistique. Le fait d´être née et d’avoir grandi dans ce contexte familial et social a eu une profonde influence sur la

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manière dont elle s’est constituée en tant que personne. Son parcours personnel et professionnel montre bien comment, au sein de ces familles, le contact avec l’art, avec la « culture », mené dans leurs propres maisons, dans des espaces de grande familiarité, le même espace où l’on construit les identités individuelles, a une efficacité puissante, qui les constitue en tant que personnes caractérisées par une indéniable distinction (Bourdieu 1979). 11 Il y a une autre dimension importante dans cette différenciation programmée. En effet, 1974 marque un tournant dans la scolarisation de ces filles de familles. Tandis que pour les garçons la scolarisation avait toujours été très valorisée, l’éducation des filles s’arrêtait le plus souvent à la fin du lycée, leur éducation étant complétée – normalement à la maison, avec des professeurs privés de langues et de piano – par l’apprentissage des connaissances considérées nécessaires pour qu’elles deviennent des dames de la société qui devaient se marier et avoir des enfants : « Mes sœurs n’ont pas beaucoup étudié. Elles ont fait le lycée puis elles se sont mariées et, comme c’était naturel à l’époque, elles ont assumé leurs fonctions et les activités de femmes de société mariées » (Paulo José). 12 Parmi les familles analysées, seules deux femmes ont eu un diplôme avant 1974. Néanmoins, aucune n’a exercé sa profession. Elles se sont mariées, elles ont eu des enfants et se sont dédiées à la famille. Le cas de Marilia est un bon exemple des expectatives quant au parcours de vie des femmes de ces familles d’élite. Marilia a suivi le cours d’économie dans l’Institut supérieur d’Économie et de Finance de Lisbonne ; elle a d’ailleurs été l’une des premières femmes à en obtenir le diplôme, comme ses frères qui président actuellement l’entreprise de famille. Marilia n’a cependant pas exercé une profession en rapport avec la maîtrise qu’elle a eue et n’a jamais participé à la vie des diverses entreprises dont elle est une associée. Elle s’est mariée et a toujours accompagné son mari, médecin, dans ses différents postes dans le pays. Plus tard, le mari a commencé à travailler dans les entreprises du père de Marilia, ayant même réussi à présider l’une des plus importantes. La séparation des tâches masculines et féminines dans le projet familial où ils étaient tous engagés n’était pas questionnable, même par les filles diplômées.

13 Alors que l’on attend des hommes une bonne performance professionnelle, une bonne gestion de leurs entreprises, la contribution principale des femmes est celle de maintenir leur famille « saine », aussi bien leur famille conjugale que l’univers des parents proches, de prendre soin de leurs maisons, de l’image publique et visible de leur prestige collectif. Pour être considérée « véritable dame », elles doivent passer par un long processus d’apprentissage qui a lieu surtout au sein de leur vie familiale. 14 Les cas de Marilia et de Clara sont des exceptions dans cet univers social où la plupart des femmes ne montrent aucun désir d’acquérir des connaissances professionnelles, ou de participer à leurs entreprises. Socialisées au milieu de constructions idéologiques et de valeurs culturelles fondées sur une valorisation symbolique de la masculinité légitimée par des principes patriarcaux et par une autorité genrée, les femmes finissent par défendre l’importance de leur rôle exclusivement familial. 15 La Société Manuel Mendes Godinho & Filhos fournit un exemple des conséquences pratiques de cet idéal d’éloignement des femmes du monde des entreprises. Bien que presque toutes les femmes de cette famille soient les principales actionnaires de l’entreprise, aucune d’elles n’a jamais exercé un poste important – seulement quelques postes de secrétariat ou de participation à l’assemblée générale annuelle de la société.

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Même à cette Assemblée, lieu où tous les actionnaires devraient pouvoir exprimer publiquement leur opinion sur les affaires, la participation des femmes était, en raison des statuts, très limitée : « N’importe quelle femme actionnaire est admise à voter à l’Assemblée Générale à partir du moment où son mari n’est pas présent. Au cas où le mari est présent, le vote lui revient aussi bien en ce qui concerne les actions en son nom, que celles de sa femme, ou celles des deux ensemble » (Statuts de la Société, 1960). 16 Les empêchements à la participation des femmes mariées à la vie des entreprises ne sont évidemment pas spécifiques à cette famille. Ils résultaient de l’application du principe général en vigueur sur « l’incapacité de la femme mariée du point de vue patrimonial », conformément à l’article 1193º du Code civil de 1867. Cet article établissait que « la femme ne peut pas acquérir ou aliéner des biens, ni acquérir des obligations, sans l’autorisation du mari, à l’exception des cas où la loi le permet spécialement » (Varela 1955: 192).

17 Jusqu’à l’approbation du nouveau Code civil, en 1966, la loi portugaise imposait des restrictions si vastes et rigoureuses à la capacité juridique de la femme mariée qu’elle était en pratique affectée par une incapacité juridique générale. Même avec le nouveau Code civil, la situation ne subit aucune modification essentielle : le mari continua à devoir donner son consentement pour que la femme puisse exercer des activités commerciales (article 1686º), à pouvoir sans être pénalisé résilier n’importe quel contrat de travail signé par sa femme, sans le consentement préalable de celle-ci (article 1676º). Ces aspects ne furent substantiellement modifiés dans la législation portugaise qu’après la reformulation du Code civil en 1977. Jusqu’alors, la loi assignait au rôle social de la femme les fonctions considérées comme « inhérentes à leur nature » (Varela 1955: 192-193). 18 Les restrictions légales à la participation des femmes à la vie économique reflétaient une vision plus globale de la société basée sur les principes moraux de l’État Nouveau, à savoir une conception de la femme et de l’homme comme citoyens « naturellement » différenciés. Bien que la première Constitution de l’État Nouveau, en 1933, proclamait l’égalité des citoyens devant la loi et « la négation de n’importe quel privilège de naissance, noblesse, titre de noblesse, sexe ou condition sociale », le texte constitutionnel précisait en son cinquième article « relativement à la femme, les différences résultant de sa nature et du bien de la famille ». En légitimant le mari comme chef de famille, la Constitution de 1933 proclamait simultanément, l’égalité entre les hommes et les femmes et la déniait dans les « natures » différentes masculine et féminine. 19 Néanmoins, il serait erroné d’affirmer que le manque de participation de ces femmes à la vie économique de leurs entreprises se produisait surtout à cause des empêchements légaux. En effet, aujourd’hui, dans un contexte de pleine égalité juridique entre hommes et femmes, une grande partie des femmes de ces grandes familles continuent, en sens inverse de la tendance générale, à ne pas exercer d’activité professionnelle : en 1991 déjà les femmes constituaient 44,6 % de la population active du pays (Costa & Machado 1998 : 30). L’exclusion résulte surtout de l’ensemble des valeurs sociales, religieuses et culturelles, par lesquelles ce groupe statutaire définit le contenu culturel de la catégorie sociale de femme, dans un modèle idéologique indépendant du cadre légal où elles sont insérées, bien qu’elles puissent parfois coïncider, comme pendant l’État Nouveau.

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20 Outre l’exclusion des femmes de l’univers entrepreneurial, on trouve une autre source importante de leur différenciation dans leurs rapports aux parents. En raison des impositions idéologiques qui écartent les femmes actionnaires des activités de leurs entreprises, celles-ci donnent fréquemment leurs biens aux maris, aux frères (au cas où elles ne sont pas mariées), pour qu’ils les gèrent. En conséquence de ce transfert de pouvoirs des femmes actionnaires vers les hommes, ceux-ci augmentent leur pouvoir et les excluent d’autant plus, les rendant plus dépendantes dans la définition de leur position et de leur identité sociale. Cette exclusion facilite l’accumulation de capital et sa concentration chez les hommes de la famille, en parallèle à la gestion de l’entreprise. 21 L’éloignement des femmes de ces grandes familles du marché du travail salarié est une attitude conforme aux valeurs défendues par leur groupe social et non le produit d’une survivance de régimes politiques ou légaux antérieurs. La naturalisation des obligations domestiques, transforme l’imposition d’un modèle culturel en une caractéristique de l’essence même de l’être féminin4. Ce modèle idéologique était hégémonique dans la société portugaise jusqu’en 1974. Néanmoins, le processus de démocratisation consécutif à la révolution de 1974, a dilué ce modèle dans tous les domaines de la vie sociale en contribuant à une profonde modification dans la structure catholique et conservatrice de la famille et des rapports familiaux (Lima 2003).

« Gestionnaires familiales » : des rapports familiaux comme forces productives

22 Bien que les valeurs idéales de ce contexte social suggèrent une prédominance symbolique masculine, au quotidien la grande famille est une structure fortement centrée sur les rapports établis entre femmes, et qui conjugue un large éventail d’activités. Cette question oblige à orienter l’analyse vers une autre dimension de la différenciation de genre dans le contexte de l’élite portugaise.

23 Pendant une interview où Mariana énumérait les membres de la famille qui avaient une participation active dans les diverses entreprises, j’ai fait la remarque que les femmes de la famille avaient une participation très réduite. Elle a répondu de la sorte : « Non, non. Bien au contraire, les femmes sont toujours présentes dans les événements officiels. Elles peuvent ne pas participer professionnellement, mais elles sont toujours là. Celles qui sont actionnaires ont toujours quelqu’un pour les représenter. Les clients aiment ça, vous savez. Les femmes sont bonnes à ça. Quand un client important arrive, on fait un dîner à la maison de famille. On fait tout à la maison, très simplement, très discrètement, sans publicité » (Mariana). 24 Mariana attirait l’attention sur le fait que les femmes exercent des activités de grande importance pour le fonctionnement des entreprises, telle l’organisation d’événements sociaux qui facilitent les rencontres d’affaires de leurs maris, pères et frères. Ces activités, bien que moins visibles et clairement distinctes de celles qui caractérisent l’action professionnelle des hommes, contribuent à l’aboutissement des projets économiques de la famille, en parfaite articulation avec les activités développées par les hommes.

25 La fréquence et l’intensité des rapports uxorilatéraux qui unissent quotidiennement mères et filles, sœurs et grand-mères, sont importants pour l’accomplissement du projet de continuité des entreprises et des familles et introduisent une apparente contradiction dans le cadre d’une organisation familiale dont l’identité sociale est

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construite au travers d’une valorisation symbolique de la masculinité. Nonobstant, cette contradiction n’existe que si l’on utilise un concept strictement économique de travail. Si l’on opte, par contre, pour une notion plus ample qui considère comme travail toutes les activités qui produisent une plus-value, qu’elle soit matérielle, financière, culturelle, relationnelle ou sociale, on peut affirmer que les femmes de ces familles travaillent, et beaucoup, dans l’espace de leur univers familial5. En vérité, les activités de ces femmes sont non seulement fondamentales pour la continuité des rapports au sein de la grande famille mais, aussi, souvent décisives pour la continuité du prestige des entreprises de la famille. 26 En comprenant comment les femmes constituent des liens reproductifs centraux pour la continuité du projet familial, on perçoit mieux comment fonctionne l’hégémonie masculine dans ce contexte social. Malgré la contribution que femmes et hommes apportent au projet qu’ils partagent, les idéaux hégémoniques de ce groupe social soulignent la primauté symbolique masculine. La classification des femmes comme « non travailleuses » contribue beaucoup à les réduire à la position de consommatrices et dépendantes, comme si elles étaient un élément marginal de la reproduction du projet collectif. Ce modèle étant un modèle hégémonique, les « dominées » ne se sentent pas lésées, mais sentent plutôt qu’elles atteignent leur propre idéal de vie. Toutefois, l’hégémonie n’est pas inflexible comme le démontre la création de la catégorie de « gestionnaires familiales », révélatrice du fait que les femmes de ces familles, non seulement ont la notion de leur contribution au projet collectif, mais partagent aussi les idéaux d’hégémonie de leur groupe social, en contribuant à sa reproduction.

De nouvelles pratiques pour de valeurs traditionnelles

27 Bien qu’actuellement le déclin des constructions idéologiques de l’État Nouveau soit manifeste, la préservation de ces valeurs constitue un objectif important des grandes familles – au moins celles avec lesquelles j’ai travaillé. Toutefois, leur utilisation n’est pas immune aux profondes transformations qui ont eu lieu dans la société portugaise ces derniers temps. Les femmes des nouvelles générations de ces grandes familles ont une formation scolaire plus poussée, qu’elles utilisent pour construire en parallèle une vie professionnelle et une vie familiale.

28 Il faut souligner néanmoins que la participation grandissante des femmes à la vie active de leurs entreprises, avérée dans les années 1990, concerne surtout des postes de peu de responsabilité, qui ne leur donnent pas de pouvoir de décision sur les destins des entreprises dont elles sont actionnaires. Quelques cas illustrent cette situation : « Ce n’est qu’après la mort de mon père, en 1991, que [mes sœurs] sont venues me demander [i.e. demander au frère aîné la permission] d’avoir une certaine activité dans les entreprises de la famille. On leur a donné une place au sein de l’administration du holding de la famille où elles font surtout la gestion des immeubles et de ce genre d’affaires. Il a fallu trouver pour elles des activités pas très spécialisées, dans lesquelles elles puissent exercer sans problème » (Paulo José). 29 Un autre exemple qui révèle bien cette situation est celui d’une jeune fille de dix-huit ans, qui a commencé l’interview comme suit : « Ma famille est très machiste. Ils pensent que seuls les hommes sont bons [professionnellement], et que les femmes restent à la maison pour les soutenir. Je suis une bonne élève et je veux être économiste, et occuper la place de mon grand-

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père dans le groupe. Mais tout le monde me dit : "Oui, ma fille, tu peux avoir une place importante et aider ton frère". Vous voyez ? J’adore mon frère. Nous sommes super amis. Il est super intelligent et bon élève. Mais moi aussi, et en plus je suis plus âgée. Je ne vais pas leur donner le plaisir d’entrer dans le groupe une fois terminé mon diplôme. Je m’en vais en Afrique, qui est ma passion comme c’était la passion de mon grand-père. Je vais gagner de l’expérience. Et quand je reviendrai, je rentrerai dans le groupe, mais par le haut. Directement à la place de mon grand- père » (Leonor). 30 À part une certaine ingénuité et une énorme détermination, les commentaires de cette jeune fille permettent de s’arrêter sur quelques questions dignes d’intérêt. D’abord, on ne peut que remarquer les valeurs de la primauté symbolique aux hommes dans la préservation du projet identitaire familial. Les quelques femmes qui participent aux affaires de la famille sont en permanence confrontées à la hiérarchie des catégories sexuelles associées à des rôles professionnels au sein de l’entreprise. Le cas précédent montre que, indépendamment de la qualité de leur performance professionnelle, tout le monde sait que le garçon est le candidat aux plus grandes probabilités d’atteindre la direction du groupe, tandis que Leonor est écartée de la compétition par le simple fait qu’elle est une fille.

31 Bien qu’actuellement on assiste à l’augmentation du nombre de femmes qui occupent des postes d’importance dans de grandes entreprises portugaises, la possibilité d’occuper de tels postes reste interdite aux femmes de ces grandes familles. La base familiale de leurs entreprises, dont la continuité s’appuie sur le maintien d’une idée traditionnelle de la famille, perpétuée au travers des critères agnatiques, reproduit l’idéal de séparation entre les destins sociaux des groupes de genre. 32 À l’inverse, dans les entreprises portugaises non familiales, y compris de grande dimension, dont la continuité n’est pas articulée sur un projet identitaire et dont le leadership ne se fonde pas sur ces valeurs traditionnelles, cette association de rôles et de catégories de genre n’existe pas, et beaucoup de femmes sont dirigeantes.

Hommes d’affaires et gestionnaires familiales : la production d’une double asymétrie

33 J’ai essayé de démontrer que, malgré le poids culturel de la séparation entre famille et entreprise, entre univers d’action sociale féminins et espaces professionnels masculins, la vie de ces grandes entreprises doit être comprise comme un investissement symbolique et familial de la part de leurs propriétaires, et dans l’idée que les hommes et les femmes constituent dans un rapport de complémentarité spécifique.

34 L’importance du rôle des femmes en matière de préservation du succès de l’entreprise se trouve plus au niveau de leurs tâches familiales que dans de classiques activités non économiques menées au sein de la vie des entreprises. Bien prendre soin de la maison, image publique et visible de leur prestige collectif ; bien élever leurs enfants et transmettre les valeurs de la famille patriarcale ; développer le sentiment d’appartenance à une lignée de chefs d’entreprise à succès et le désir de donner une continuité à ce projet familial, tout cela est une tâche essentielle au succès du projet. Bien qu’invisibles et considérées comme non lucratives, les activités de ces gestionnaires familiales constituent une condition essentielle au succès et à la

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continuité familiale : si elles n’en partageaient pas le modèle et les valeurs, elle serait très difficilement remplie. 35 Pour comprendre la concrétisation de ce projet familial et entrepreneurial, il faut abandonner un ensemble de dichotomies et de définitions qui informent les analyses relatives au travail, à la famille, à l’économie et à la parenté dans les économies capitalistes. Les modèles de la société capitaliste tendent à présenter l’économie comme la base du système social et la parenté comme une force déstabilisante qui la mine. Je soutiens au contraire qu’une part importante de l’économie portugaise moderne se mobilise au travers de valeurs culturelles associées à la famille qui agissent comme une force de développement capitaliste. Certains processus au cœur de l’économie capitaliste sont construits autour des rapports personnels, émotifs et familiaux. En effet, on ne peut comprendre la continuité des rapports économiques qu’en analysant aussi les conditions d’existence et les visions du monde des acteurs qui les mettent en avant. La motivation capitaliste et les capacités de gestion et d’investissement des membres de ces familles se construisent socialement et culturellement dans le cadre de leurs aspirations et idéaux familiaux. Ainsi, le travail réalisé par les femmes de ces familles produit les bases émotionnelles et les motivations personnelles qui garantissent la continuité des idéaux et des sentiments qui donnent un sens à la préservation du projet économique collectif. Sans elles, il est bien possible que ces entreprises n’auraient pas eu la longévité qui est leur aujourd’hui. 36 La différence de statut et de pouvoir entre les hommes et les femmes de ces familles renvoie néanmoins à la valorisation symbolique inégale associée aux sphères de l’économie et de la parenté. Les valeurs patriarcales basées sur une idée aristocratique et catholique de la vie de ces familles, légitiment et reproduisent la séparation claire entre les destins et le pouvoir des groupes de genre. Bien que les femmes soient responsables du fonctionnement quotidien de la famille, de son unité et de son caractère émotionnel, le chef de famille est toujours l’homme. Comme l’a observé Sylvia Yanagisako, « cette division n’est pas égalitaire car l’entreprise est la famille moins les femmes, et la famille n’exclut pas les hommes » (Yanagisako 2003 : 182). Ainsi, la double asymétrie que cette situation contribue à produire réitère la subordination féminine même l’univers familial. Étant un élément constitutif des individus, le genre met en avant des formes de différenciation qui traversent toutes les dimensions de l’action sociale. Plus qu’une distinction entre sphères d’action préférentielles de catégories de genre, l’asymétrie symbolique entre hommes et femmes sous-tend les rapports économiques sur lesquels se construit le pouvoir social et économique qui place ce groupe social au sommet de la hiérarchie nationale. 37 Février 2005

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NOTES

*. Traduction de l’auteur. Révision et adaptation par M. Cahen. 1. . Cette recherche a été menée au sein d’un projet de recherche orienté par João da Pina-Cabral et financé par la Fondation pour la Science et la Technologie (FCT) [projet PCSH/C/ANT/851/95]. Les noms des entreprises étudiées sont cités, mais tous les noms d’individus sont des pseudonymes. 2. . Notons que, en termes économiques, les héritages reçus par les garçons et par les filles doivent être équivalents, car la loi portugaise établit un traitement égalitaire entre hommes et femmes. Néanmoins, il y a des manières absolument légales d’établir des distinctions quantitatives entre ce que chaque héritier reçoit. 3. . Le fait que les hommes parlent sur des thèmes différents de ceux qui dominent les conversations entre femmes, indique les expectatives du groupe social envers les catégories de genre, ainsi que les résultats de ces attentes dans la construction des parcours de vie. J’ai pu vérifier que les femmes savaient raconter des histoires de l’entreprise aussi bien que les hommes savaient raconter les épisodes centraux de l’histoire de la famille. C'est-à-dire que bien que les femmes et les hommes aient de vastes connaissances sur l’univers d’action de la catégorie de genre auxquels ils n’appartiennent pas, ni les uns ni les autres n’étaient disposés à en parler. Les thèmes abordés et les affaires passées sous silence signifient que nous sommes face à quelque chose d’autre qu’un simple ensemble de connaissances spécifique à chaque catégorie de genre,

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car ce sont pas les connaissances de certaines réalités qui sont absentes chez chacune de ces catégories, mais bel et bien la disposition à agir sur cette connaissance spécifique. 4. . Ce processus de naturalisation des différences attribuées à des catégories sociales de genre a été amplement analysé dans la littérature anthropologique (COLLIER & YANAGISAKO 1987, HOWELL & MELHUUS 1996). Comprendre les idéologies qui définissent les catégories sociales de genre permet de démontrer que celles-ci ne sont pas un fait naturel. De la même façon, ceci permet de comprendre les processus de mise en place de la différenciation sociale qui naturalisent les différences sociales et créent une illusion d’inévitabilité du fait qu’ils soient basés sur des catégories soi-disant biologiques. 5. . Dans les années 1970 et 1980, en repensant les liaisons entre famille, travail et économie, des intellectuelles féministes ont soutenu l’idée que le travail des femmes au sein de la famille comprend non seulement les travaux ménagers mais aussi leur travail émotionnel employé à créer un foyer et une famille qui donne sens au travail rémunéré, en démontrant ainsi que ce secteur considéré comme « non capitaliste » est crucial pour la production et la reproduction des rapports de production capitalistes.

RÉSUMÉS

Dans le cadre des grandes entreprises familiales de Lisbonne, il existe une distinction très claire entre famille et affaires : les affaires sont clairement du domaine des hommes et la famille est l’affaire des femmes. Basée sur un travail de recherche empirique réalisé auprès de sept grandes familles d’entrepreneurs de Lisbonne, cet article a pour objectif d’analyser la façon dont les distinctions de genre mentionnées (imposées dans un contexte social caractérisé par un fort accent symbolique mis sur la lignée mâle) s’installent au quotidien, donnant naissance à une situation de complémentarité où les hommes et les femmes participent au projet économique qu’ils partagent. Cet argument est illustré sur la base de l’analyse des processus à travers lesquels les femmes, bien qu’écartées d’une participation active dans la vie professionnelle de leurs entreprises, jouent un rôle fondamental dans le maintien des relations sociales à l’intérieur du groupe social d’élite auquel elles appartiennent, acquérant ainsi une importance décisive dans la continuité du projet économique familial.

No âmbito das grandes empresas familiares de Lisboa há uma distinção muito clara entre família e negócios : os negócios são, claramente, um assunto de homens e a família é um assunto de mulheres. Tendo como base um trabalho de investigação empírica realizado junto de sete grandes famílias empresariais de Lisboa, este artigo tem como objectivo analisar a forma como as referidas distinções de género (que se impõem num contexto social caracterizado por uma ênfase simbólica marcadamente agnática) são manipuladas na agencialidade quotidiana, dando origem a uma situação de complementaridade na forma como homens e mulheres participam no projecto económico que partilham. Ilustrar-se-á este argumento com base na análise dos processos através dos quais as mulheres, apesar de arredadas de uma participação activa na vida profissional das suas empresas, desempenham um papel fundamental na manutenção das relações sociais dentro do grupo social de elite a que pertencem, adquirindo assim um peso decisivo na continuidade do projecto económico familiar.

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In the large family companies of Lisbon there is a very clear distinction between family and business: business is clearly something to be taken care of by men and the family is something to be looked after by women. Based on empirical research in seven large business families in Lisbon, this article aims to analyse how the referred gender differences (which are set in a social context marked by a symbolic emphasis on male descent) are handled on a day-to-day basis, giving rise to a situation where there is complementarity between the manner in which men and women participate in the economic enterprise they share. This argument is illustrated by analysing the processes through which the women, although they are unable to participate actively in the professional life of their companies, perform a fundamental role in maintaining the social relations within the elite social group to which they belong, thus being of decisive importance in continuing their families’ economic enterprises.

INDEX

Index géographique : Lisbonne Mots-clés : Entrepreneurs, genre, complémentarité, économie, importance des femmes

AUTEUR

ANTÓNIA PEDROSO DE LIMA

Instituto superior de Ciências do Trabalho e da Empresa. Departamento de Antropologia. Centro de Estudos de Antropologia Social (Lisbonne)

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Género e poder nas famílias da periferia de Maputo Genre et pouvoir dans les familles des faubourgs de Maputo Gender and Power in Families on the Outskirts of Maputo

Ana Bénard da Costa

1 Este artigo baseia-se em investigações que decorreram no âmbito de dois projectos realizados entre os anos de 1998 e 2002 junto de famílias residentes nos bairros de Mafalala, Polana Caniço A e Hulene B na periferia de Maputo1. Estes bairros incluem-se no conjunto dos sessenta e seis « bairros de caniço » cujo a maioria não sofreu qualquer processo significativo de urbanização planificado : os serviços de apoio social são escassos, as ruas asfaltadas raras, o saneamento básico praticamente inexistente e a maior parte das habitações não possui água canalizada nem energia eléctrica. Foi neste contexto social e espacial, caracterizado por uma precariedade de infra-estruturas urbanas e de serviços sociais, por índices elevados de « pobreza » e desemprego formal, que as investigações se desenvolveram, centrando-se em famílias maioritariamente originárias das regiões rurais do Sul de Moçambique.

2 Jà foi concluido que as estratégias de sobrevivência e reprodução social das famílias no contexto em análise se caracterizam pela coexistência de múltiplas articulações e inter- relações entre diferentes actividades geradoras de recursos económicos, sociais, e simbólicos, diferentes tipos e níveis de relações sociais e diferentes comportamentos regidos por valores díspares. Para a compreensão de todo este processo foi essencial o estudo das relações de género e poder que se processam no interior das famílias. Nas páginas seguintes deste artigo analisam-se os diferentes papéis desempenhados pelos homens e mulheres ao nível das famílias, reflectindo-se sobre as implicações que as mudanças ocorridas nas relações de aliança e nas estratégias económicas das famílias2 têm (ou não) na sua transformação.

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Uniões conjugais em transformação e questões de género

3 No contexto em análise, coexistem diferentes processos de formalização das uniões conjugais que não são exclusivos entre si. Desta forma, quando os actores sociais se afirmam « casados » podem referir-se a inúmeros tipos de casamento. Há uniões formalizadas simultaneamente no Registo Civil, na Igreja Católica e através de lobolo 3 ; há casais que só cumpriram parcialmente as diferentes cerimónias e prestações que o lobolo implica ; outros referiram que se casaram « muçulmanamente » ; há famílias poligâmicas, em que cada uma das mulheres é casada de forma diferente com o marido e há « uniões de facto » que não envolveram qualquer formalização4.

Matrimónios, leis e tradições

4 A diversidade de tipos de uniões matrimoniais é significativa. Formalizar de algum modo uma união implica, pelo menos ao nível das representações, uma intenção de compromisso, não só entre o casal e entre as duas famílias que assim se unem, mas também entre estas e o(s) modelo(s) social (is) de onde emanam os ritos ou as leis através dos quais esse casamento se realiza.

5 Não formalizar uma união num contexto onde se cruzam diferentes sistemas matrimoniais – criando diferentes tipos de relações familiares – pode ter múltiplos significados : 1) uma diminuição da importância do casamento dentro da estrutura familiar, por já não serem importantes as alianças entre famílias, por exemplo ; 2) a desadequação dos diferentes sistemas matrimoniais ao contexto peri-urbano actual (e muitos referiram o crescente peso financeiro das prestações matrimoniais como factor impeditivo da formalização da sua união) ; 3) as mudanças estruturais nas relações familiares que se estabelecem através das alianças matrimoniais e cuja dinâmica não se coaduna com o « compromisso » de « longo prazo » que os diferentes sistemas criam. E, por último, 4) pode significar alterações substantivas nas relações de género e de poder que implicam rupturas profundas com os modelos matrimoniais prevalecentes e com os papéis que os respectivos cônjuges supostamente assumem dentro da união conjugal. 6 A pluralidade de formas possíveis de formalizar uma união matrimonial tem várias implicações, sendo uma das mais importantes a legal. Depois de um longo debate, o Parlamento aprovou em Dezembro de 2003 a nova Lei da Família, sendo esta promulgada pelo Presidente Joaquim Chissano vários meses depois (a 25 de Agosto de 2004). Pretende-se que esta nova Lei da Família venha a ser um importante instrumento de mudança no conjunto de práticas sociais (consagradas na anterior Lei ainda do tempo colonial e imanentes dos diferentes sistemas de parentesco moçambicanos) que sustentam e promovem profundos desequilíbrios nas relações de género5. Entre outros aspectos inovadores que esta Lei consagra, destaca-se o facto de o marido deixar de ser « automaticamente » o representante da família. Importa igualmente referir que esta nova lei reconhece o casamento religioso e tradicional e as uniões de facto desde que estas últimas tenham mais de um ano de duração. Se estas uniões se quebram o homem pode ser obrigado a contribuir com uma pensão para a sua ex-mulher e filhos. As uniões poligâmicas não são reconhecidas (nem proibidas) e a lei estabelece que no caso de morte do marido a herança deste deve ser dividida em partes iguais pelas viúvas6.

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7 A morosidade deste processo legislativo7 e a polémica que à volta dele se desenvolveu8 testemunha as contradições resultantes da coexistência de diferentes sistemas culturais que permitem uma dinâmica « normativa », em que direitos, deveres e obrigações dos diferentes membros da família, sistemas de sucessão e herança e sistemas matrimoniais são interpretados de forma diversa, possibilitando arbitragens permanentes entre vários referentes9. 8 A pluralidade de formas possíveis de formalizar uma união conjugal e o facto de existirem uniões de facto em que casal se considera e é considerado socialmente casado, dificulta a análise das diferentes situações, nomeadamente no que se refere ás uniões poligâmicas. Desta forma, embora em 24 % das famílias estudadas10 existissem relações entre um homem e duas ou mais mulheres, não foi possível apurar se todas estas relações eram poligâmicas de tipo « tradicional » ou se eram casamentos monogâmicos onde havia uma « amante ». Esta distinção é subtil e, no contexto em análise, o lobolo não é o factor que introduz a diferença, pois muitas mulheres (em regime de monogamia ou poligamia) consideram‑se casadas mesmo sem terem sido loboladas. 9 A explicação dada para distinguir uma amante de uma segunda (ou terceira…) mulher « legítima » foi a seguinte : é-se amante quando se « namora fora do mùntì11 » e quando a esposa « legítima » desconhece a situação. Se o homem decidir sair definitivamente da sua casa, então passam de amantes a casal, e a amante passa a ser a esposa do homem. 10 A propósito da poligamia importa ainda referir que em meios urbanos – em Maputo ou noutras cidades da África Subsariana – a poligamia não implica necessariamente a co- residência das diferentes esposas (Loforte 2003, Hesseling & Lauras-Locoh 1997). Esta co-residência tem um significado diferente no meio rural, já que cada uma das mulheres possui a sua palhota e não tem de partilhar o mesmo espaço físico de habitação com as outras (Junod [1996 : 287). Na cidade, a exiguidade da maior parte dos talhões associa-se a um modelo « moderno » de construção que tende a concentrar, cada vez mais, sob o mesmo tecto, as diversas « divisões ». Este modelo « moderno » é visível nas casas mais recentes e aparentemente mais « ricas » e contrapõe-se a um outro modelo em que as diferentes divisões se distribuem pelo talhão de forma independente. 11 O modelo « moderno » e « urbano » de concentração espacial12, aliado ao facto de muitas casas terem poucos quartos, torna ainda mais problemática a poligamia. E, eventualmente, a tendência para a dispersão residencial das diferentes esposas em meio urbano explica-se mais por esta última razão do que por uma autonomia feminina previamente conquistada.

Há-de vir um senhor que é meu marido

12 De forma a compreender as transformações ocorridas ao nível das relações de aliança e nos processos que nos últimos anos poderão ter contribuído para uma alteração significativa nas relações de género no contexto em análise, transcrevem-se aqui as palavras de uma mulher, secretária da OMM (Organização da Mulher Moçambicana) no bairro de Hulene B : « Minha mãe não quis casar com o cunhado e por isso mandaram-na embora, […] faziam isso antigamente, quando morre o marido eles arrancam todas as coisas da mulher. A família do marido leva todos os bens da senhora […] podem até levar os

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filhos, mas como eles sabem que os filhos são despesas, não levam os filhos, deixam a viúva com os filhos […] sem nada […] e a mulher volta para casa dos pais […] e ela engravida, mais outra vez, tem outro filho, e assim sucessivamente. Estão nascendo os filhos com muitos pais e ela sem nenhum marido e então chamamos de « mães solteiras » e ela não tem marido e não tem ninguém que lhe ajude […] Mas quem ajuda normalmente é a mãe dela […] mas também as mães ficam saturadas […] ela sai, fica sozinha com os filhos, […] mas ela trabalha, ou vender, ou o que ela faz. Ou arranja um amigo que lhe dá qualquer coisa para poder sustentar os filhos ». 13 Posteriormente referiu : « Porque a mulher, antes, ela estava muito fechada […] eu caso, vou viver com aquela família definitivamente porque me lobolaram […] e a mulher era como tipo mão-de-obra […] Depois a Frelimo, com a independência, então deu a liberdade à mulher. […] A mulher tem direito de falar, tem direito de trabalhar como homem, tem todos os direitos iguais aos do homem. Só que a diferença deve haver porque da mulher nasce bebé […] ». 14 Nestes excertos estão patentes as contradições entre uma « realidade » que ela descreve como composta de mães solteiras e mulheres abandonadas e as representações ideológicas que contrapõem à mulher submissa da sociedade tradicional, a mulher livre da actualidade. Mas qual é a verdadeira situação da mulher moçambicana em meio urbano ?

15 A existência de um elevado número de mulheres « mães solteiras » tem sido apontada como espelhando tanto a crise social que se vive e a dissolução da família « tradicional » e dos laços familiares subjacentes a esta, como a libertação da mulher da tutela da família « tradicional » e das regras rígidas que a reduziam a um « ser menor ». O lobolo (ilustrando o « pluralismo moral » do contexto) é visto como um acto abominável através do qual mulheres são compradas e vendidas e simultaneamente como algo positivo que sanciona e dá estabilidade a uniões. 16 Não parece, no entanto, que o papel desempenhado pelo lobolo se relacione exclusiva e fundamentalmente com o estabelecimento de direitos e deveres de mulheres e maridos, mas sobretudo com a criação, manutenção e desenvolvimento de redes de solidariedade entre diferentes grupos familiares. Esta prestação matrimonial era, na sociedade tsonga, estruturante das estratégias matrimoniais que visavam antes de mais estabelecer uma cadeia de relações entre diferentes linhagens (Feliciano 1989a). Se actualmente se verificam transformações que implicam a sua diminuição, estas reflectem, entre outras coisas, o processo de deslocamento em que estas populações estiveram envolvidas nos últimos anos e que tornaram por vezes obsoletas as velhas alianças, obrigando à criação e ao desenvolvimento de novas cadeias de solidariedade. Estas solidariedades, em meio urbano, não passam necessariamente pelo casamento e pelo pagamento de prestações matrimoniais. 17 Por outro lado, o aumento verificado nesta prestação matrimonial mencionado por diversos membros das famílias, dificulta ou impossibilita, para muitos dos jovens e das suas famílias, a sua concretização, mesmo que fosse esse o seu desejo, como parece acontecer em muitos casos (Loforte 1996 : 163-165). 18 Um dos informantes, Josué, casado com três mulheres a quem lobolou, explica porque o considera importante : « Eu nunca gostei de ficar com filhos de dono sem saber porque é que estão comigo, e para eles também é muito importante, porque no caso de eu ter um problema aqui, eu não posso ir apresentar o problema a casa dessa pessoa, porque não me

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conhece. […] a pessoa é conhecida quando faz lobolo. Pode ser conhecido, mas não tem aquele tratamento que a pessoa que fez lobolo tem. E, quando se trata já do matrimónio, você não tem onde apresentar as dificuldades que estão a passar aqui dentro de casa se não fez lobolo […]. Ninguém na família me ajudou, para isso não há contribuição, senão há-de querer casar sem dinheiro e ainda confiar nos familiares ». 19 Eduardo, homem de cerca de 30 anos, resume a sua posição face ao lobolo da seguinte maneira : « O lobolo é uma tradição da família importante, fiquei muito triste por não fazer. Gostava de fazer, porque é tradição, só por isso. É obrigado a fazer. Se não faz lobolo, às vezes acontecem problemas, as coisas não andam bem. Tinha de fazer, a obrigação de fazer. Eles [a família da mulher] não querem saber e põem o lobolo muito caro. Tudo, eles é que decidem. […] A família dela não fez problemas em ela ir para Inhambane sem lobolo, como a vida aqui não consigo… » 20 O aumento (relativo)13 do custo desta prestação matrimonial reflecte, simultaneamente, a crise social e económica e as contradições internas das estratégias de reprodução social. Aparentemente esse aumento não é do interesse de nenhuma das partes : os rapazes querem cumprir a obrigação e não têm meios suficientes ; as raparigas sentem que se se (?)« juntarem » sem lobolo não estão casadas ; a família destas sabe que, se exigir muito dinheiro, o noivo (e a família deste) não o pode pagar e que arrisca, por isso, a que este e a sua filha vivam maritalmente, podendo esta ser abandonada com mais facilidade do que aconteceria se fosse lobolada. Mas « a vida está cara », e muitos dos actores sociais disseram que o valor monetário do lobolo era calculado em função das despesas que haviam tido com a educação da filha. Consideram, também, que o dinheiro que assim vão receber pode contribuir para fazer face a outras despesas essenciais (por exemplo, ajudar um filho a pagar o lobolo que outra família exige). Por isso, correndo o risco, escrevem a carta onde as exigências ficam expressas e esperam que, eventualmente, o rapaz e a família deste façam os sacrifícios necessários para as poder cumprir.

21 No entanto, no contexto em que a união se efectiva — Maputo —, não é necessário que todos estes requisitos se cumpram para o casal se sentir « casado » e para a família de ambos os aceitar como tal, apesar de ambas as partes não considerarem que a formalização do acto de matrimonial se tenha cumprido na íntegra. Porém, e como referem : « há-de cumprir-se ». Nesse hipotético futuro se projectam actos e cerimónias como se de processos se tratasse. A cerimónia de casamento é, à semelhança das próprias uniões conjugais (o divórcio e a separação não são propriamente novidades), algo em permanente construção que se pode ir realizando ou protelando no tempo. 22 Concluindo, as transformações que se verificam em todo o processo cerimonial do lobolo não reflectem necessariamente mudanças qualitativas nas relações de género, mesmo quando as situações indefinidas criadas ao nível das relações de aliança permitem à mulher uma maior liberdade e autonomia face às suas obrigações tradicionais. Essa liberdade e autonomia, num contexto onde a sobrevivência e a reprodução social dependem em grande medida do estabelecimento de redes familiares de entreajuda, são muitas vezes auto-percepcionadas como negativas e podem traduzir- se num maior isolamento social das mulheres e consequentemente num decréscimo do seu poder e estatuto. 23 Essas transformações – instabilidade das uniões matrimoniais verificada sobretudo entre os membros da geração mais nova e a pluralidade de tipos possíveis de uniões

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conjugais – reflectem a dinâmica das estratégias de sobrevivência e reprodução social que articulam de forma ambígua valores contraditórios. Por outras palavras, os indivíduos para sobreviverem e se reproduzirem necessitam de estar inseridos em redes sociais de solidariedade, sendo a família uma das mais importantes ; simultaneamente, não sobrevivem se não desenvolverem práticas « egoístas » que lhes permitam satisfazer as suas necessidades materiais. Essas práticas podem gerar a quebra de alguns dos compromissos sociais em que se baseiam as referidas redes (neste caso, as famílias) e por conseguinte quebram-se as alianças (neste caso, matrimoniais) que tenderiam a perpetuar essas unidades sociais. No entanto, existe sempre a possibilidade de « circulação » entre redes de solidariedade e por isso é possível aos indivíduos e às famílias estabelecerem novas alianças com outras unidades sociais (novas uniões matrimoniais) e desenvolverem processos dinâmicos e versáteis de reprodução social. Uma das soluções possíveis passa pela aceitação e criação de condições que transformem as cerimónias matrimoniais em processos em permanente construção que podem a qualquer altura ser interrompidos. Desta forma, as famílias desenvolvem uma estratégia pela qual tentam conciliar a instabilidade das relações de aliança com as necessidades de coesão interna, continuidade e reprodução social. 24 Concluindo, a fragilidade dos laços matrimoniais não significou a desestruturação da família. Pelo contrário, a flexibilidade desta unidade social permitiu o desenvolvimento de estratégias de reprodução social adaptadas a um contexto social e económico que exige uma grande versatilidade de práticas e a articulação permanente de valores opostos. A especificidade deste contexto social não lhe advém, contudo, desta articulação que é sentida por todos os homens independentemente da sociedade a que pertencem (Casal 2001 : 123). Advém sim da forma particularmente dinâmica de que se revestem as articulações entre valores opostos.

O trabalho feminino nas estratégias económicas das famílias

25 A estas transformações nas práticas matrimoniais e à instabilidade das uniões conjugais aliam-se importantes mudanças económicas. Antes de reflectirmos sobre o seu impacto nas relações de género e de poder importa apresentar alguns dados das investigações mencionadas, de forma a contextualizar a análise.

26 Da análise dos dados concluiu-se que em praticamente todas as famílias existem várias pessoas a trabalhar em actividades geradoras de rendimentos ou de produtos14. Grande parte destas actividades realiza-se de modo « informal » e/ou destina-se ao auto consumo, como é o caso da produção agrícola15 nas machambas urbanas 16 ou rurais exploradas directamente por membros da família residentes na cidade ou por outros familiares que residem no campo17. Muitas destas famílias têm bancas de vendas dos mais variados produtos à porta de casa ou vendem noutros locais : mercados do bairro, pequenos « bares » que fazem em casa, na estrada. Muitos dos membros das famílias desenvolvem outros tipos de actividades geradoras de rendimentos em casa : são curandeiros, têm pequenas oficinas, confeccionam comida para venda.

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Eu não faço nada, só vendo

27 Verificou-se que em praticamente todas as famílias, as mulheres exercem actividades geradoras de rendimentos ou produtos e as vendas são uma das tarefas principais em que se ocupam. Para subsistir e fazer face às suas responsabilidades « tradicionais » de provedoras do sustento da família, estas mulheres, em face da ausência de outras alternativas viáveis (entre os membros das famílias estudadas que trabalham no sector formal apenas se encontra uma mulher) tiveram de inserir-se nos circuitos do chamado mercado informal, executando aí um leque muito variado de actividades – confecção e venda de carvão, venda de lenha, venda de produtos hortícolas e frutícolas, confecção e venda de alimentos ou revenda de produtos importados. Normalmente as crianças colaboram nestas actividades, estando nas « bancas » sempre que é necessário.

28 Importa notar que, em alguns casos, as mulheres e os seus maridos não consideram as actividades que estas desenvolvem como « trabalho », e referem : « eu não faço nada, só vendo » ou « aquilo que ela faz é para entreter ». Não obstante este facto e a dificuldade de apurar a importância da contribuição financeira das mulheres para os orçamentos familiares – a maioria das actividades não tem um rendimento constante e não é realizada de forma continuada –, foi possível concluir que em muitas famílias o número de mulheres que trabalham é igual ou superior ao número de homens que trabalham. Em alguns casos, as mulheres afirmaram que eram elas que efectivamente sustentavam a família e que a contribuição financeira do marido para as despesas domésticas não era suficiente : « atirou toda a responsabilidade, ele não tem nada a ver com isso », ou que ele tinha arranjado outra mulher e quando vinha dava uma quantia insignificante. 29 Segundo alguns autores (Tripp 1989 ; Loforte 1996), as mulheres, em meio urbano africano, pelo facto de obterem rendimentos monetários em actividades que exercem « fora de casa », têm a possibilidade de aceder a certas posições de poder e de conquistar uma certa visibilidade a nível do bairro que pode influenciar positivamente o seu estatuto na família e fora da família. Estas actividades e as redes sociais em que as mulheres se inserem contribuiriam, assim, para um acréscimo da sua autoconfiança, para uma maior determinação no controlo das suas vidas e um maior poder de negociação e independência face aos homens. 30 Esta ideia tem sido contrariada por outros autores (Caplan 1995 & Campbell 1995 ; Rocha & Grinspun 2001), que têm chamado a atenção para o facto de muitas mulheres que desenvolvem actividades geradoras de recursos financeiros terem, face às mulheres que não as desenvolvem, um acréscimo de trabalho e de responsabilidades. As primeiras continuam a ser responsáveis pela preparação das refeições da família e por todas as outras tarefas domésticas e muitas horas são despendidas a ir buscar água, ou a procurar produtos mais baratos para cozinhar. Muitos desses produtos, nomeadamente a lenha, eram obtidos gratuitamente no campo e na cidade têm de ser comprados. Mercedes González de la Rocha e Alejandro Grinspun chegam a uma conclusão semelhante na análise comparativa que estabelecem sobre a situação da pobreza em quinze países « em vias de desenvolvimento » : « Na verdade, as reestruturações que ocorreram nos agregados familiares por reacção ao decréscimo de oportunidades e ao ajustamento não afectaram todos os membros da mesma forma. Em muitos países, as mulheres parecem estar a pagar o custo mais elevado da transformação dos agregados. Trabalham mais e durante mais horas, sem que haja uma mudança positiva significativa no seu estatuto » (2001 : 64).

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31 Em termos da análise empírica constatou-se que existiam situações muito diversas, sendo necessário relacionar inúmeras variáveis para compreender a posição das mulheres em termos de autonomia, poder e estatuto. Destacam-se algumas : a estrutura familiar (tipo de família, número de membros da família e distribuição por sexo) ; a posição que a mulher ocupa dentro desta estrutura ; as actividades que desenvolve e a importância relativa dos rendimentos daí resultantes no orçamento familiar ; a relação afectiva e emocional com o cônjuge ou, na ausência deste, com outros elementos masculinos da família ; a situação do homem em termos de trabalho/rendimentos ; os recursos materiais disponíveis e a capacidade da mulher para os mobilizar e rentabilizar em seu benefício.

32 Assim se, para muitas mulheres, as actividades geradoras de rendimentos representam um acréscimo de trabalho, para outras tal não acontece. Estas últimas, embora continuem a gerir as actividades domésticas, não as realizam. Quem vai buscar água e comprar lenha, quem varre o chão e lava a roupa, quem vai às compras ou cozinha, são as outras mulheres da família de estatuto inferior (noras, irmãs mais novas, segundas mulheres, as crianças e os jovens (incluindo rapazes). Esta situação é comum nas famílias numerosas onde existem muitas mulheres nas diferentes faixas etárias. Nestes casos, há uma repartição hierárquica das diferentes tarefas e responsabilidades e uma maior autonomia e disponibilidade daquelas que têm um estatuto mais elevado. 33 Se o exercício de actividades geradoras de rendimentos monetários cria possibilidades para o aumento de autonomia e liberdade das mulheres face às obrigações e normas tradicionais e maior espaço social de circulação, essa possibilidade pode gerar conflitos quando é concretizada – « há muita zanga entre os homens e as mulheres por causa do que hão-de fazer ao dinheiro, por isso às vezes a mulher faz sem dizer nada ao marido. Os homens não tiram o dinheiro, é ela que dá ao marido » – ou rompimentos com redes familiares e de parentesco. O potencial de conflitos, que por vezes atingem níveis dramáticos, e a ausência de alternativas – uma mulher sem família é socialmente marginalizada – podem transformar a autonomia em sofrimento e a liberdade num pesadelo.

Agradeço a Deus o que me deu, estou num lar

34 O estatuto do casamento e da maternidade constitui um factor de grande peso cultural e social. Uma mulher sem filhos, solteira e com uma situação económica que lhe permite possuir casa própria e usufruir de uma certa independência não se considera necessariamente mais « valorizada » socialmente (embora seja certamente mais independente e tenha mais poder e autonomia sobre a sua vida) do que outra mulher inserida numa família poligâmica e sem rendimentos próprios. A autonomia da mulher pode ainda traduzir-se numa capacidade limitada para mobilizar recursos (humanos e materiais) e num aumento consequente de responsabilidades face a si e aos seus filhos e num maior isolamento social.

35 Como exemplo destas situações e da importância de equacionar diferentes dimensões da realidade social quando se reflecte sobre questões de género no contexto em análise, apresenta-se aqui o testemunho de duas amigas da mesma idade que vivem situações muito diferentes. Uma (Eva) é a terceira esposa de um casamento poligâmico e outra (Cristina) afirma-se casada, mas vive sozinha. A primeira trabalha na machamba da família e não obtém quaisquer rendimentos monetários com essa actividade, apenas

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produz para o consumo da família. Cristina é professora na escola comunitária do bairro Polana Caniço A, tem um ordenado e casa própria. Estas mulheres referem-se nos seguintes termos às suas situações : « Cristina (29 anos) : Eu há dois anos que vivo numa casa que é só minha em Magoanine, comprei o talhão sozinha e foi o meu irmão que fez a casa […]. Prefiro assim, não tenho quase despesas, sou só eu e o meu irmãozinho de dez anos que vive comigo […]. Sou casada mas ainda não fui lobolada, nem registo nem nada, ele está na África do Sul e nunca mais veio, estou à espera que ele venha para saber se fica comigo ou não. […] Mas gostava mais de ter uma família, marido e filhos, do que esta situação de independente, sozinha. Eva (30 anos) : Não me considero uma mulher com sorte porque não tive o marido só para mim, ele é de três, mas também não posso dizer que sou muito azarada em relação à minha amiga, porque esta aí ainda anda a tentar ver se consegue um lar […] agradeço a Deus o que me deu, estou num lar que já tinha lá duas mulheres, mas desde que o senhor Josué [marido] cuide de mim, trate de mim, para mim basta ». 36 Claúdia (43 anos), constitui outro exemplo elucidativo das contradições e ambiguidades de que se pode revestir a autonomia feminina. Cláudia separou-se do marido ou, precisando melhor, vive um processo de separação conjugal. Segundo ela, foi o marido que quis sair de casa ; segundo o marido, foi ela que o expulsou, porque ele tinha outra mulher, um filho dessa relação e estava desempregado. Seja como for, pelo que se observou e ouviu de diversas vozes, Cláudia desempenha um papel activo em todo este processo. E esse papel está longe de corresponder ao estereótipo da mulher africana abandonada pelo marido – embora ela, ao nível do discurso, represente esse papel. Obviamente que se pode interpretar de múltiplas formas o comportamento de Cláudia – e o ciúme existe –, mas as atitudes que tomou não correspondem às que « tradicionalmente » se esperariam de uma esposa moçambicana. Por isso, não é bem vista pelos vizinhos, pelos hóspedes que lhe alugam quartos e pelos familiares do marido : « desde que o meu marido se foi embora a família dele já nem sequer me visita ». E todos aqueles que falaram sobre ela (homens e mulheres, vizinhos e familiares) fizeram-no em termos « menos simpáticos » (« aquela mulher é esquisita » ; « aquela mulher é só confusão »).

37 Foi possível concretizar a separação do casal nos moldes em que decorreu e ainda decorre porque, desde há vários anos, Claúdia exerce actividades geradoras de rendimentos monetários. Foram estes rendimentos (certamente agregados a outros factores) que tornaram possível a Claúdia afirmar-se perante uma situação que não era do seu agrado. E, de vontade própria ou expulso por ela, o marido acabou por sair de casa. Esta situação não é comum, pois em casos de separação, nas sociedades patriliniares, é normalmente a mulher que sai de casa do marido. 38 As « conquistas » de Claúdia, em termos da sua autonomia individual e de acréscimo de poder face ao marido parecem evidentes : detém um poder efectivo sobre a casa, sobre alguns membros da família que aí residem e sobre a gestão dos rendimentos que aufere ; obteve igualmente benefícios materiais com a separação, ficou com a casa e esta é uma importante fonte de rendimentos pois aluga quartos. Mas, por outro lado, parece também evidente que essas conquistas tiveram um preço alto, pois enfrenta uma pesada crítica social e acusações diversas, eventualmente relacionadas com feitiçaria. 39 Através deste conjunto de discursos é possível concluir, neste « estudo de caso », que existem efectivamente mudanças no papel que a mulher desempenha dentro da família, mas estas mudanças ocorrem em múltiplos sentidos. A formação escolar, o exercício de

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profissões, os ganhos monetários provenientes de diversas actividades, a afirmação de interesses individuais e a capacidade (e coragem) de certas mulheres tornam possível, em certos casos, romper com fidelidades antigas que as subalternizavam. E tal pode, efectivamente, traduzir-se num aumento relativo do espaço de poder feminino face ao masculino. No entanto, estas « conquistas » só adquirem « valor » quando têm significado e reconhecimento social dentro do contexto em que se efectivam. Esse contexto, para além de estar profundamente marcado por relações de género que subalternizam o papel social da mulher face ao do homem, é pleno de contradições e articula de forma complexa valores « tradicionais », interesses « modernos » e representações ideais de modernidade. Neste complexo jogo e face às alternativas existentes, é necessário prudência quando se tenta extrair conclusões sobre eventuais modificações nas relações de género e é difícil percepcionar as direcções para as quais tendem as transformações observadas. 40 Por outro lado, mesmo limitando o universo de análise às mulheres estudadas, estas não são um grupo homogéneo nem são vítimas passivas ; têm estratégias de poder diferenciadas que variam em função de inúmeros factores : tipo de família em que se inserem, idade, experiências e memórias acumuladas. Simultaneamente, cada mulher é portadora de identidades múltiplas, complexas, contraditórias e em transformação, de acordo com as circunstâncias diversas com que interage e com as diferentes posições que nestas circunstâncias ocupa. As diferenças entre essas mesmas experiências são ontologicamente complexas, uma vez que as mulheres não partilham uma mesma realidade material (Casimiro 1999 : 53-54, 60) e que uma mesma mulher vive uma multiplicidade de relações de diferente tipo, onde, de forma dinâmica e por vezes ambivalente, se manifestam diferentes graus de subordinação ou de poder (Mouffe 1996 : 104). 41 A análise monstrou que as mulheres constituem um elemento essencial nas estratégias económicas, mas o facto de as mulheres terem a responsabilidade de prover ao sustento alimentar básico da sua família não constitui uma mudança, pois esta era « tradicionalmente » a sua obrigação. A diferença reside nos rendimentos monetários que agora adquirem através do seu trabalho. No entanto, esta mudança não significou, por si só, uma transformação valorativa no estatuto das mulheres. Da mesma forma o acesso aos rendimentos monetários não se traduziu numa maior visibilidade ou intervenção a nível do bairro. A participação das mulheres em ONG, associações de bairro (excluindo aqui a Organização da Mulher Moçambicana) e grupos de entreajuda, por exemplo no « xitike », é reduzida. Pelo contrário, as mulheres participam frequentemente em grupos religiosos (igrejas). Mas mesmo a vida religiosa da mulher está por vezes dependente da vontade do marido. Estas mudam frequentemente de culto quando se casam e passam a seguir a religião do marido18. 42 As informações empíricas disponíveis não permitem chegar a conclusões acerca de modificações nos papéis de género. O que se verificou foi que questões relacionadas com « autonomia », « independência », « controlo » e « relações de poder » são extremamente complexas e têm de ser contextualizadas. A compreensão destas questões pressupõe uma análise integrada onde intervêm diferentes significados e interpretações : o significado que o investigador dá a esses conceitos e que influencia as interpretações que faz da realidade social que analisa, bem como significados que essas questões e conceitos têm no contexto cultural e social em observação. Neste último caso, há ainda que ter em conta não só os múltiplos referentes em presença como as

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diferenças entre valores culturais e representações sociais, por um lado, e as práticas concretas dos actores, por outro. 43 Simultaneamente, a análise das questões de género constitui essencialmente uma análise relacional e o que está em jogo são fundamentalmente relações sociais entre os membros masculinos e femininos da família. Sendo assim, não faz sentido falar de poder ou de autonomia sem os contextualizarmos dentro desta dinâmica relacional (Medick e Sabean 1988 : 18). Neste sentido, as relações de poder devem ser compreendidas em termos de avaliação da capacidade de controlo de recursos materiais e humanos por parte dos homens e mulheres da família, ao nível das representações sociais e culturais no contexto em questão (como a sociedade em causa molda os papéis e os comportamentos de ambos os sexos) e em termos da auto- percepção que os membros da família têm do poder que exercem ou ao qual se submetem. Da mesma forma, a essência multidimensional das relações familiares implica que nessas mesmas relações sejam expressos diversos tipos e níveis de poder que não só podem não ser coincidentes como são dinâmicos e se alteram permanentemente sob a influência de inúmeros factores (Medick e Sabean, 1988 : 18). 44 De todos estes factos deriva a presente dificuldade em expressar conclusões gerais – mesmo que limitadas ao universo em análise – sobre a influência que as actividades geradoras de rendimentos desenvolvidas por mulheres terão nas relações de género no seu maior ou menor acréscimo de poder e estatuto no interior ou no exterior da família moçambicana. 45 31 de Janeiro de 2005

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NOTAS

1. . COSTA 2003 ; OPPENHEIMER 2003. 2. . Entende-se como estratégias económicas o conjunto de práticas articuladas através das quais os membros das famílias obtêm rendimentos e/ou produtos. Estas práticas, envolvem múltiplas dimensões (social, simbólica e económica) e diferentes tipos de recursos (humanos, sociais,

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culturais e naturais) que são articulados de forma dinâmica e relacional pelos actores sociais no quadro das estratégias económicas que desenvolvem. 3. . O lobolo não é um acto ou uma cerimónia circunscrita a um momento, é um processo que, entre outras coisas, implica diferentes cerimónias e o pagamento de uma prestação matrimonial, que pode ser repartida por tempos diferentes. 4. . Uma informante referiu que existiam palavras diferentes em changana para designar os diferentes tipos de uniões conjugais. Mutchade significa casamento no registo civil ; kulovoliva designa o casamento com lobolo ; kukandza ou avukate designam a mulher que não foi lobolada e não formalizou a união conjugal de nenhuma das formas possíveis e significam « estar no lar (mùntì) » ; kutilhuva designa uma situação em que o homem sai de sua casa e vai viver para casa de outra mulher ; e himbuya significa amantes. 5. . 6. . . 7. . Decorre, pelo menos, desde 1991 (CASIMIRO, LOFORTE & PESSOA 1991). 8. . A proposta de lei e particularmente a questão da poligamia « inflamaram » os ânimos de alguns sectores da « sociedade civil moçambicana » (cf. entrevista radiodifundida pela Rádio Moçambique a 15 de Maio de 2002 às 10.30 TMG). 9. . Este facto explica, em parte, o facto de este processo legislativo decorrer pelo menos desde 1991 (CASIMIRO, LOFORTE & PESSOA 1991). 10. . Foram entrevistadas 81 famílias e inquiridas 1 000 e foi realizado trabalho de terreno mais aprofundado com seis famílias do bairro Polana Caniço A. 11. . No dicionário de Bento SITOE pode ler-se o seguinte : « mùntì […] 1. casa, lar, família. 2. povoação, aldeia vila, cidade. 3. instalações, sede (1996 : 132). 12. . Algumas casas de construção muito recente ocupavam toda a área do talhão e incluíam no seu interior a cozinha e a casa de banho que em muitos talhões se situam em anexos no exterior. 13. . É difícil fazer uma análise « objectiva » da evolução do « custo » do lobolo. Primeiro, porque se trata de uma prestação matrimonial que envolve um sistema de trocas complexo onde a « lógica da dádiva » se articula com a « lógica de mercado ». Coexistem, por conseguinte, valores simbólicos e monetários. Segundo, porque no passado envolvia bens de prestígio com valor simbólico (vacas) mas aos quais não era estranho o valor material. Actualmente, muitos dos bens transaccionados (roupa, anel e dinheiro) ainda conservam essa conotação. Finalmente, porque o que importa aferir não é o valor monetário dos bens transaccionados, mas sim as possibilidades (facilidades) que os rapazes e as famílias têm de os adquirir – e estas talvez fossem maiores no passado. 14. . A necessidade de considerar as múltiplas formas de trabalho possíveis na análise das estratégias de sobrevivência e reprodução social tem sido salientada por vários autores em diferentes partes do mundo. Cristina RODRIGUES (2004) chegou a uma conclusão semelhante na investigação que desenvolveu na periferia de Luanda. Theodore TREFON afirma em relação aos habitantes de Kinshasa que « "trabalho" é qualquer pequeno emprego, actividade ou oportunidade que proporcione francos suficientes para comprar comida ou pagar a tarifa dos táxis colectivos » (2002 : 6). BEBBINGTON considera essencial que nos estudos sobre a pobreza e as condições de vida rurais (rural livelihoods) se tenha em consideração todos os recursos disponíveis – humanos, naturais, produzidos, sociais e culturais – e os meios de os mobilizar, defender, manter e transformar em rendimentos, dignidade, poder e sustentabilidade (1999 : 2022 e 2028-2029). 15. . A actividade agrícola tem uma importância significativa na amostra deste estudo e essa importância não é apenas económica, mas advém também do valor simbólico atribuído à « terra de origem », que funciona como um dos elementos de coesão e de identidade do grupo familiar. 16. . A importância continuada da actividade agrícola desenvolvida por mulheres em meios urbanos moçambicanos foi plenamente demonstrada por SHELDON 1999.

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17. 39 % das famílias em Mafalala, 61 % no Polana caniço A e 50 % em Hulene B. 18. SEIBERT (2001: 5 e 15) acrescenta em relação às igrejas Zione, que as mulheres não podem ser membros desta Igreja sem autorização do seu parceiro. Refere ainda que, embora a maioria dos crentes das igrejas ziones sejam mulheres, a hierarquia destas igrejas (incluindo o pastor, o evangelista, os secretários e diáconos) é constituída exclusivamente por homens.

RESUMOS

Baseando-se numa investigação sobre estratégias de sobrevivência e reprodução social de famílias da periferia de Maputo, este artigo desenvolve uma abordagem relacional das questões de género e poder. Defende-se que essa perspectiva, onde se articula a avaliação da efectiva capacidade de controlo de recursos exercidos pelos homens e pelas mulheres da família, com as representações sociais e culturais e com a auto-percepção que os membros da família têm do poder que exercem ou ao qual se submetem, permite compreender a dinâmica inerente às relações de género e de poder que num dado universo social se desenvolve. Após introduzir o texto com uma breve caracterização do contexto de investigação e das estratégias familiares, a reflexão centra-se em dados empíricos que se reportam a relações de aliança e a práticas desenvolvidas pelos membros das famílias para obtenção de rendimentos e/ ou produtos. Nesta análise discute-se se as transformações ocorridas nestes dois aspectos da realidade social terão contribuído (ou não) para uma modificação nos papeis de género e mais especificamente para um acréscimo do poder e da autonomia das mulheres e para uma valorização do seu estatuto social.

À partir d’études sur les stratégies de survie et de reproduction sociale de familles vivant dans les faubourgs de Maputo, cet article examine ces stratégies sous l’angle des relations entre le sexe et le pouvoir. La perspective, qui met en articulation la capacité réelle de contrôler les ressources telle qu’elle est exercée par des hommes et des femmes, avec les représentations sociales et culturelles et l’auto-perception qu’ont les membres des familles du pouvoir qu’ils exercent ou qui s’exerce sur eux, éclaire les dynamiques sous-jacentes des relations liées au sexe et au pouvoir dans un univers social donné. Après une brève introduction décrivant le contexte de l’étude et les stratégies familiales, l’article se concentre sur les données empiriques liées aux alliances et pratiques des membres de ces familles pour obtenir un revenu et/ou un produit. L’article examine la question de savoir si les transformations qui s’effectuent dans ces deux aspects de la réalité sociale peuvent contribuer à changer la distribution des rôles en fonction du sexe et, de façon plus spécifique, si elles ont aidé à augmenter le pouvoir et l’autonomie – et le statut social – des femmes.

Based on research into the survival and social reproduction strategies of families living on the outskirts of Maputo, this article examines these strategies in terms of the relationship between gender and power. The perspective, which articulates the effective ability to control resources as exercised by men and women with the social and cultural representations and self-perceptions that family members have of the power they exercise or are subject to, throws light on the underlying dynamics of gender and power relations in a given social universe. After a brief introduction describing the research context and family strategies, the article focuses on empirical data connected with the alliances and practices of family members for

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obtaining income and/or produce. The article examines the question of whether the transformations taking place in these two aspects of social reality have made any contribution to changes in gender roles, and more specifically whether they have helped increase the power and autonomy – and social status – of women.

ÍNDICE

Índice geográfico: Maputo, Mozambique Mots-clés: Stratégie de survie, reproduction sociale, genre, pouvoir

AUTOR

ANA BÉNARD DA COSTA

Instituto de Investigação Científica e Tropical, Lisboa

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«Our Ancestors Came from Many Bloods» Gendered Narrations of a Hybrid Nation Nos ancêtres étaient de sangs mêlés » ? : les récits sexués d’une nation hybride « Os nossos antepassados tinham sangues mesclados » : Narrativas Criadas de uma Nação Híbrida

Isabel P. B. Fêo Rodrigues

«I am a descendent of Captain Cook. In one of his return voyages from Hawaii he brought a native woman; she was short, silky long air, like all the Hawaiian women [Berta touches her long black hair as she explains her ancestry]. She got very sick during the voyage because she was pregnant from Captain Cook. He realized she could not resist another voyage and decided to leave her in Boavista Island [in Cape Verde] thinking that he could get her back on his next trip to Hawaii after she had recovered. Of course he got killed on one of his voyages and so the Hawaiian woman remained in the island. The child was born, a boy, and then married local peoples and adopted the last name of Capitão, from his father the captain, and even today in Boavista the family is known as the Captain’s family. I have been told that I look a lot like this Hawaiian grandmother, and if you look closely my hair my eyes resemble those of the pacific, but being this tall must be from Captain Cook». Berta’s family history, recorded in São Vicente Island 1998

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1 Who are these volatile ancestors who stopped in Cape Verde on their way to other worlds leaving descendants in the islands? Why Captain Cook? Or why the French pirates who are said to be responsible for so many of the blue eyes of Santo Antão Island? Are they national fictions? Should they be disregarded as mere myth making? Or are they a mere reflection of an imposed colonial ideology whereby African ancestries are forgotten and European genealogies remembered?

2 The incorporation of transnational genealogies is a significant part of Cape Verdean culture and history recounted in multiple genres, in written as well as in oral narratives. Not only are these narratives present in musical lyrics, folklore, and family histories narrated in the Cape Verdean Creole language, but they are also present in narratives conveyed through the Portuguese language. Significantly, these oral histories of mixed descent commonly interweave gendered narratives that are immersed in the creolization process and in local belief systems on being and becoming Creole (or Kriolu as it is spelled in the Cape Verdean Creole language) through past as well as present processess. While Berta’s genealogy, cited above, is remembered through naming, with all the descendants being named locally «de Capitão» (of the Captain), many other genealogies of mixture left no name in Cape Verde. Yet, they are recalled on the local level as valid sources of hybrid genealogies that over time engendered the singularity of Capeverdianity. 3 Approaching gender in Africa has often implied a quest to disentangle the subordinate position of women vis-à-vis men or account for the socio-economic complexities that place African women in a position of growing economic, sexual and medical vulnerability. Instead of focusing on gendered socio-economic inequities and political disfranchisement, this paper highlights the cultural and ideological role of gender in weaving narratives of mixed ancestry that have at the center stage the islands of Cape Verde. While most forms of nation building and nationalism tend to weave histories of long established ancestry, cultural homogeneity, and territoriality we often neglect the fact that these narratives also weave ancestries made of women and by women. Despite of the centrality of women in narratives of creolization, genealogy, and nation, these gendered narrations coexist with the general invisibility of women in the political realm of the state. 4 Furthermore, this paper underscores the importance of narratives of mixed ancestry in the daily forms of substantiating and sustaining a Cape Verdean identity vis-à-vis the multiple symbolic and material challenges faced by this young postcolonial nation- state. The association between nation and narration has been at the center of theoretical discussions on nationalism and nation building1, rarely do we find a direct applicability of such theoretical developments for the relatively young postcolonial African nation-states. Instead, they are commonly conceived as artificial political entities carved out to serve competing European interests. As a result, narratives of national cohesion tend to be over shadowed by the pervasiveness of political instability, ethnic conflict, and underlying processes of symbolic and structural violence intertwined with competing party politics. 5 Against this background of postcolonial national instability, Cape Verde is often portrayed as an exceptional African case with boundaries carved by insularity, free from ethnic conflict, and without a pre-colonial past through which to formulate claims of national continuity. This image of insular serenity, however, hides the fact that Cape Verde has not been immune to the structural violence of poverty, famine,

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and social inequities, which have affected women and men in differentiated proportions2. What is indeed remarkable in the Cape Verdean case is not how different it is from the rest of Africa but how despite a history plagued by poverty, famine, and structural inequalities local narratives continue to weave conciliatory accounts of nation building. This paper suggests that these narratives on identity formation and nation building are accepted on the local level precisely because they are deeply gendered, colored by unchallenged gender roles and inequalities, and textured by pervasive continuities between the colonial past and the postcolonial present. 6 Without exposing a comprehensive analysis of the existing literature on postcolonial nation building in Cape Verde, this paper underscores how the realm of power and ideology is inseparable from the cultural context and the cultural agents that reproduce and in turn give life to national narratives. Thus, the selected narratives will bridge the oral and the textual, the ideological and the cultural, the peculiar and the mundane. They retain powerful, yet often overlooked gendered voices that provide temporality, symbolic cohesion, and a sense of innateness to the conflicting process of crafting a postcolonial national identity. As Anne Marie Alonso points out, gender and kinship are commonly used discursive mechanisms of national narration that «substantiate» the processes of nation building through common-sense or acceptable categories such as those derived from biology, kinship and gender that give nations their clout of inevitability3. Nevertheless, while the tendency is to analyze how national ideologies resort to «substantiating «purist» genealogies moving as cohesive entities through time and space, the same cannot be applied to Cape Verde. Unlike many histories of national homogeneity, of motherland and fatherland (particularly in Europe), the primary narratives on Cape Verdean genesis are inscribed in mixed or hybrid ancestries as opposed to a purist entity. The narratives selected in this paper demonstrate: 1) that gender is key to national narrations; 2) that these narratives voiced by women and men are nonetheless tied with a history of gender inequality; 3) they paint a reconciliatory history whereby the lines between colonized and colonizer are blurred in intimate histories of likely and unlikely fusion.

The Rhetoric of National Authenticity and Cultural Homogeneity

7 In the classic theory of nations and nationalism greater emphasis is placed on principles of homogeneity, or in Ernest Gellner’s words, on the «nationalist imperative of the congruence of political unit and of culture»4. That is from a theoretical stance, national ideologies tend to privilege historic narratives of pure origins and cultural hegemony of one group over the other5. This process is, depending on the theoretical perspective, generally attributed to the role of the state in producing historical foundational narratives capable of finding resonance in their citizen’s collective memories and performance of nationality.

8 In contrast, hybrid nations imply plurality and the making of something new out of the intersection and friction between two or more cultures, ancestries, languages, and world-views. Unlike narratives based on the supremacy of one group over the other, claims to Creole and hybrid identities stress the normalcy of mixture and the legitimacy of doubleness6. Likewise, Cape Verdean notions of creolization do challenge

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the permeability of the dichotomies between colonizer and colonized, white and black, and Europe versus Africa. 9 Moreover, theoretically colonizing nations are often conceptualized as authentic communities belonging to a «natural» historical progression from kingdom to state and nation-state. In contrast, postcolonial African nations fall short from that model. Anthony Smith, for example, states that anti-colonial nationalist movements are «imitative» and «reactive» largely based on the work of an intellectual class exposed to European ideals7. This view, however, seems to disregard the fact that nationalism in Europe also coincided with the making of colonies and ideologies of Empire. Thus, we can also question are European nations «imitative» of one another? Were their national narrations believable because they were tied to the legitimization of their empires? There is a general agreement among scholars that nations are modern creations despite cast and represented as if belonging to a time immemorial. European nations competed amongst themselves in reactive terms in their attempt to legitimate their right to colonial possessions and in so doing they were also imitative. That is, they did not necessarily grow from a history of territorial, language, and cultural uniformity per se. 10 Similarly, colonized populations who were not directly exposed to European educational institutions were exposed to its contradictory practices in the tropics. Being a citizen as opposed to being a subject had real consequences in determining forced labor, conscription into the colonial army, access to positions in the state apparatus, and access to social privileges. As a result, postcolonial national narratives in Africa tend to emphasize their anti-colonial nature and historicize the anti-colonial independence movements as the founding leaders of national identity, national history, and national narratives. This temporality of national narrations associated with independence movements may be a misleading historical marker, since potential national narratives often pre-exist the postcolonial state. The case of Cape Verde illustrates that point. 11 Narratives of mixed genealogies tied to an independent national identity pre-exist the modern postcolonial state, thus raising the question of how they become accepted as postcolonial national narratives? What cultural contexts allow the incorporation of such narratives as powerful shared history? In other words, what makes them as acceptable as natural? Creolization in Cape Verde is not a process based on a state sponsored interest to dig into the past for an identity freed from the colonizer’s influence or subtracted from a time immemorial before European arrival. Instead national narrations coincide with creolization, which are in turn conveyed through gendered narratives. 12 In the context of the «Black Atlantic» where Cape Verde is situated historically and culturally, hybridity has been used to re-conceptualize the African diaspora as a center of cultural exchange or as a space where modernity and interchange have been the norm challenging essentializing roots of racial ancestry8. Despite differences in conceptualization and uses of hybridity, the Afro-Atlantic as a place of cultural exchange is not and should not be restricted to the Atlantic islands. Creolization also occurred in continental Africa, the difference is that in many such places it has not been claimed as a national narrative. Even when constructs of purity were part and parcel of colonial forms of domination, leaving behind a history of racial antagonism, the fact remains that in places of extreme racial segregation such as in apartheid South

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Africa many individuals claimed to be mixed and lived lives where cultural exchange across presumed stable racial boundaries was the norm. 13 Furthermore, when nation building is conceptualized in terms of hegemonic forces of one culture over multiple others, one «original» people conquering and homogenizing plurality, hybridity or Creole histories tend to be discounted as unstable vis-à-vis purported homogeneous nations. In sub-Saharan Africa the dichotomy between the white colonizer versus the black colonized granted national independence movements a different character. Independence movements not only confronted a colonial system where the linkages of political and economic accountability were directed to distant metropolis, but also a socio-cultural system where social privilege was concentrated in the hands of a colonial white elite. Yet, the boundaries between colonized and colonizer were permeable, and cultural borrowing did occur on both sides whether consciously or unconsciously. Similarly, African political resistance often borrowed the religious and the cultural repertoire of the colonizers in order to use those codes to resist the colonizer. In short, it is not a history of exceptional creolization and cultural interchange that led to Cape Verdean singularity, but how narratives of Cape Verdean Creole paths became central to the formation of a postcolonial national identity. 14 Cape Verde forces us to the re-examine how processes of postcolonial national identity may become inscribed in places where the starting point is entangled with a colonial past that speaks to the present through multiple narratives of remembered and forgotten forms of subjugation. Similarly, the genesis of national identities are not determined by postcolonial texts alone, but may utilize the crafting of alternative cultures and histories which make the dyads between black and white, colonial and postcolonial less believable. 15 Hybrid ancestries, in a context of social stratification and profound tensions between past and present, remain a source of plasticity and cohesion. They provide plausible narratives of national integrity vis-à-vis daily realities of growing poverty and inequality. Through a fusion of cultures, intersection of histories and genealogies, Cape Verde emerges as a nation founded on the deep history of hybrid relations with a multitude of others. That is, mixed ancestry becomes Cape Verdean. 16 If this belief is seen as a mere elite production concocted to preserve the status quo by neutralizing the origins of Cape Verdean inequity through the fog of cultural fusion, we loose sight of the rich cultural repertoire on mixed ancestries that takes place in multiple island spaces and across social strata. Should we regard these narratives as mere myth making? Is the recollection of hybrid ancestries a result of an alienated history aimed at forgetting past enslavements? The quest for national origins is political, but the political is widely accepted as natural when based on existent cultural beliefs that grant them its common sense allure and widespread unquestioned status. 17 As many anthropologists remind us, nation building is at the cross roads of culture and politics. Gender is often a powerful cultural and ideological bridge between the two9. Likewise oral narratives such as that of Berta from Boavista Island cited in the beginning of this article, not only spice our texts, but also widen our understandings about the agents of kinship and nation building in Cape Verde and elsewhere. Her narrative is not a result of an impinged postcolonial state ideology, her ancestors pre- date the postcolonial state like many others construed as a process with deep origins in a past that is well rooted in the islands belonging to Cape Verdeans – A past that is

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invariably mixed, overlapping histories of the Lusophone and other empires where once displaced peoples creatively spun gendered narrations of hybridity and nation.

Narrating Nation as a Gendered Encounter

18 Volatile male ancestors (such as Captain Cook) who left descendents in Boavista Island exemplify how narratives of hybridity in Cape Verde, implicitly and explicitly, engage gender and sexuality in the making of family histories between Cape Verdeans and Europeans. These biological unions are powerful mechanisms of identity formation, for they serve to «naturalize» political ambiguities and tensions, through biological metaphors of «birth», «conception», «ancestors», «descendants», «genealogy» and «motherhood». In other words, a gendered encounter is commonly accepted and used in multiple genres of literature on Cape Verde and on Cape Verdean creolization. This gendered encounter continues to conjure a national identity as if a neutral process based on the «union» or the «mixture» of ancestors (real or mythical) from different cultures.

19 These narratives of mixed ancestries, despite tied to complex processes of memory and forgetting, which are beyond the scope of this paper, constitute a conciliatory point of convergence, providing a temporality and sequence that engages the past in the present without opposing the two. That is narratives of mixture not only provide a genealogy of past origins but also of present continuity through Cape Verdean transnational kinships in the diaspora. In order to question their function and acceptance necessarily involves an examination of the role gender plays in naturalizing ancestors and symbolically reconciling tensions between past and present, colonial and postcolonial histories and identities. In Cape Verde a national identity is conceived through a historical project that overlaps the colonial period and progressive transformation into a new creation – made ultimately by Cape Verdeans «from many bloods». 20 The birth of Cape Verde conceived in Ribeira Grande, today commonly called «Cidade Velha» (Old City) the first colonial European town in West Africa is also historically tied to a gendered history where the omission of data on enslaved and free women is nonetheless revelatory. The great majority of European men did not bring their wives to Cape Verde, in fact by 1588, the Corregedor (colonial officer) Amador Gomes Raposo was entrusted with ensuring the correction of this state of affairs in order to avoid the abandonment of Portuguese wives in the kingdom, ordering: «That all married men who left this kingdom [of Portugal] many years ago and who did not want to live there [in Cape Verde] with their [Portuguese] wives and without provisioning or caring for their survival, leaving them in poor and desolate conditions, should be send back to Portugal»10. 21 As many historians have pointed out, it is the African woman and those women born from liaisons between European men and African women, referred in the literature as mestiças who became the sexual partners of European men. The emergence of a mixed society is uncontested, leading to early succession of «cartas de legitimação» (letters of legitimacy) whereby fathers appealed to the kingdom of Portugal following the logic of the Christian European model of patrilineal descent to legitimate their children. These documents revealed the rationale of believed inherent blood ancestry following the father’s line while omitting the female as mother and reproducer of children for the

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empire. Despite the lack of historical evidence, however, this process took place through women’s life histories that are often silenced in the colonial historical record. Similarly, we cannot lose sight of the social tensions inherent to any process of domination and reproduction through the subjugated enslaved female population. Women were the reproducers of patrilineages, negotiating their status and mobility through that of their legitimated children, particularly their sons. This bond between mother and son remains a strong feature of kinship in postcolonial Cape Verde, often reproducing gender preferences and imbalances within the family.

22 This process whereby gender is embedded in social tensions between freed and enslaved, between legitimated children versus illegitimate, became the common thread of social reproduction, which in turn led to a history of ambiguity among those who were simultaneously Portuguese through the father’s line but excluded from the lineage. As the historian Ilidio Cabral Baleno points out, mestiço sons were not always well accepted by the elite white progenitor especially when they were competing with white children for entitlements to land, title, and social status11. The boundaries of race class and gender, albeit porous, were also deeply contentious. Nevertheless, historical discussions (in Cape Verde and on Cape Verde) on the formation of a Creole society tend to privilege the notion of fusion as opposed to the tensions, conflict, and negotiation within and across boundaries. To illustrate: «We think that it was in the intimacy of the mixed household, where the white man cohabitated with the black woman, that the first ethno-cultural interpenetration occurred. Deprived of sexual partners from his race, the white man had to resort to the enslaved black woman, either for occasional and dismissive liaisons without establishing formal ties, or for creating a family where relationships were more stable and long lasting»12. 23 The mestiço thus became the embodiment of fusion born of this intimate encounter of world-views, cultures, histories and genders. This focus on fusion instead of tensions portrays a Cape Verde where the creolization process becomes unproblematic as if a natural outcome of racial mixture. In other words, a gendered encounter is at the foundation of a Creole nation, serving as a naturalizing force attenuating remaining ambiguities that continue in the postcolonial present.

24 When recent archaeological research (carried out by Portuguese archaeologists) discovered an area in São Vicente Island where a fishing settlement indicated possible occupation prior to Portuguese colonization, the debate on Cape Verdean origins was revisited on the local level with tales of lost treasures, pirates and shipwrecks. This debate involved questions about the settlement date and whether it was a «mere fishermen site» or an indication of settlement by «civilized» peoples. In a conference sponsored by the city hall one official discussed the issue of origins, clarifying for the audience, «It does not matter what they [archaeologists] found on the coast. All this debate does not bring any modification to what we are. They may have been here, whoever they were, but that does not change the fact that our history started in 1461, and for that fact we shall demand a lot more from Portugal [economic aid and support of immigrant communities] than we do from others» [Mindelo, 1998]. 25 Cape Verde in his view originated out of that encounter. Fathering children with African women is the common narrative of historical mixture, rarely are African women said to have «mothered» children of European men.

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26 Elsewhere, I have discussed this view of creolization in relation to how sexuality was used in Portuguese ideologies of empire including Lusotropicalismo13. Here, we should be reminded that ambiguity is not a condition of Cape Verdean creolization. Whether as part of Africa or conceived as part of the other Atlantic islands (Madeira and the Azores), uncertainty towards Cape Verde’s geography of identity within the Portuguese empire reflected the uneasiness through which racial mixture and hybridity undermined notions of purity. Along with this ambiguity were the uncertainties of whether the colonial project of replicating Portuguese identity in Africa, particularly in Cape Verde, was feasible without Portuguese Creole subjects. That is, ambiguity also characterized the colonizer’s project conceived through the lens of church and state. 27 The historical documentation left by the Jesuits during their thirty-eight year presence of in Cidade Velha indicates the distrust assigned to racial mixture as a degeneration of European and Christian society in Africa. In 1642 the Jesuits cancelled their mission arguing, among other things, that the local bishop and governor did not appreciate their presence. They also complained that it was extremely hard to eradicate the «bad customs» of the land, referring to sexual behavior. In their view, the white population was diminishing due to miscegenation and many of these whites were Jewish or of Jewish descent, thus not real «carriers» of a Christian faith to the tropics. Moreover, the governors of Cape Verde constantly delayed the payment of the Jesuits’ salaries, the residents plotted against their well being (namely Jesuit rights to property), and finally there were «little fruits» to be expected from the black population14. Similar accounts of «degeneration» continued throughout colonial history particularly voiced by outsiders to the islands and by those whose presence in the islands was sporadic and disentangled from local genealogies. 28 These tensions and ambivalence remained a strong presence throughout the history of the colony, and still characterize Portuguese and Cape Verdean social interactions in the postcolonial present, particularly when politics overlaps the realm of identity. Eugénio Tavares, a Cape Verdean writer at the turn of the 20th century, expressed this ambivalence between «siblings» in his poem entitled «Irmãos (Brothers)»: «Children of the same parents «Filhos dos meus pais We are Portuguese Nós somos Portugueses Brothers by blood and heart Irmão de sangue e coração Some times Algumas vezes Before the law we are equal Diante de lei iguais, Other times not». Outras não».15 29 This expressed brotherhood was not fulfilled by a clear colonial policy towards Cape Verde. As in other colonial situations, racial miscegenation was feared despite not being bluntly regulated and opposed by colonial policies16. From the perspective of those who stayed and were of the islands, narratives of mixed genealogies incorporating outsiders to Cape Verde continued to influence survival and social mobility. In those narratives, instead of peripheral islands, Cape Verde was and is seen as the center stage of this fusion. These narratives of transnational genealogies continue in the present and are transmitted on the local level through narratives of many bloods and recalled ancestries that tie the islands to a multiplicity of places and cultures.

30 In the present, family pictures, family albums, and memorabilia continue to contain links to ancestries outside Cape Verde, which are shared among family members and visitors. Pictures of in-laws from Holland, Portugal, and the United States among others

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contain visual memory cues of present forms of recalling mixed ancestries and mixed descendants. Significantly, Cape Verdeans in general intertwine their islands’ history of fusion with a maritime global history where the islands become strategic ports of passage, first for vessels to capturing the trade winds during the age of sail, second as a replenishing coal station in Mindelo’s Porto Grande serving British transatlantic ships during the age of steam, and finally as a strategic port to the Portuguese military during the late colonial wars. These histories become entangled in local narratives, in popular music, and in the commonly sung mornas (Cape Verdean national song). As a strategic maritime archipelago, those who came, even when passing through, left seeds of their presence. 31 The educational system supports a similar history of creolization. This history is taught in elementary schools where children learn the «strategic» importance of Cape Verde in relation to the main Atlantic routes «half-way» to Europe, Africa and South America. They also learn from textbooks written in Portuguese (as opposed to their mother tongue Kriolu) that Cape Verdean society was founded on African and European cultural forms as seen in this fifth grade text: «The quotidian life in Cape Verde was certainty marked by the culturalinfluences of the groups that settled here. It is natural that given thenumeric majority of the African population, many of the customs anddaily practices revealed the African influence. However, many elements of the European culture were also introduced in our society […]. The Cape Verdean language (Creole) is a result of the conjunction, of the two cultures – the Portuguese and the African».17 32 Hence, Cape Verde is placed at the intersection of maritime routes in popular culture, in educational materials, and in the media and state celebrations of Capeverdeaness.

33 In Santo Antão Island similar histories of «mixed blood» recount the constant presence of pirates who, as one interviewee explained, left «many bloods». As popular history narrates, there were many French pirates who stopped in Santo Antão, «some of whom stayed and married into local families, this is why so many of us have blue eyes.» Tales of piracy are common and validated by the historical record, though what is seldom validated is how their presence in Cape Verde is spun in another direction of history and identity construction. On the level of Cape Verdean oral history, pirate genealogies are also made Cape Verdean. 34 In São Vicente Island, where the island economy was related to the transatlantic port, having mixed ancestry that is untraceable to a particular country of origin is conveyed with pride as typical of the island culture and of being genuinely Cape Verdean. In literature, we see Baltasar Lopes dealing with this sui generis nature of mixture when, in a preface to «Aventura Crioula (The Creole Adventure)» he writes: «There has been in general a tendency to frame the «problem» of Cape Verde […] erroneously as a dilemma: we have the option, in order to «define» the «problem», of two irreducible terms: Europe or Africa. Yes, because they ask us, they ask us people of the islands: — If you «are not African», what are you? European? Or inversely, but I believe this question occurs less frequently: — If you are «not European», what are you? African? Of course if the table is set up in this way it leaves no freedom to the guest, who will most likely feel constrained from announcing his only real ethnological identity: — Neither one, nor the other: We are Capeverdean». 35 He added that in relation to Brazil,

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«[Cape Verde’s] extremely small scale conferred greater purity to the result of the interaction of cultural forces, and as a result, I am convinced that Cape Verde is a social organism more harmonious than the Brazilian»18. 36 By emphasizing mixed ancestors, racial categories are blurred or dissipated into other forms of social differentiation. Lopes, reflects the late colonial indeterminacy towards Cape Verde and the fact that not only mixture was the norm in Cape Verde it had had substantial time to be harmonized in a more homogeneous whole with far less social fissures than those present in Brazilian society. This of course is highly debatable, but the point remains that creolization becomes far more associated with fusion than with tensions.

37 Symbolically, Cape Verde becomes the center of a historical plot rather than the periphery (as is usually cast in histories of empire) by incorporating outside histories shaped by the island’s own agency. The islands become a place of «strategic importance» in the history of Atlantic routes – where history «stopped» and stayed through the island’s genealogies, spinning in a direction that follows local memories and local agency. These are histories that are centered and staged in the island’s territory, like the history of Captain Cook who left descendants in Boavista Island, thus tying the locals to events and people beyond Cape Verde. 38 This way of remembering ancestors is also tied to past colonial forms of stratification where name and genealogy were crucial to high status maintenance and to upward social mobility. This process finds historical resonance in island practices of naming, a process tied to Catholicism and its role in changing African names to those of their European masters. West African ancestries changed in Cape Verde through the act of naming and through the baptism of the enslaved population with the master’s family names. That is, slave ownership and patrilineage went hand in hand. This process had the effect of tying genealogies with Europe and suppressing the transmission and collective memory of African names. West Africa provided ancestors whose descendants, male and female, remained in Cape Verde without their name of origin. 39 The remembering of mixed genealogies has also its mythical qualities, not necessarily because they are invented but because they communicate a form of articulating reality with desire under adverse circumstances. Where poverty is widespread and survival is a daily struggle for a large part of the population, the local symbolic repertoire also contains mechanisms of coping with local adversities. The ability to find ancestors outside the realm of one’s difficult living conditions fosters ways of coping and of producing alternative histories for the present. 40 The image of Cape Verde as a point of converging cultures is clear in tourist brochures that advertise the «typical» traditions from music to Catholic saints festivals in which the genuine spirit of Capeverdeaness can be discovered in the islands. In an attempt to attract tourists, most of them from Europe, Cape Verde is often cast in geographical as well as cultural proximity to Europe as a place of cultural interchange naturally auspicious to outsiders. The gendered narrative is implicit in the brochures featuring the exoticized Creole woman as an element of Cape Verdean national attractiveness. This gendered construction of the nation is enhanced through Carnaval advertisement and portrayals of local women in Brazilian Style samba parades where sexuality is implicitly part of the musical attraction. Morabeza, the sense of auspiciousness, hospitality, and smoothness, contributes to this gendered image of a Cape Verde sold to outsiders.

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41 Yet, not all these narratives are associated with the exotic and with this emerging re- defining of the nation for the tourist industry. Many narratives of fusion incorporate histories of survival and capacity to overcome adversity. In Mindelo, considered to have been the most cosmopolitan town of Cape Verde, the «tempo de Inglês», or the English time, is a main historical marker repeated in oral narratives, poetry, and prose. That time was a short-lived period when the English rented use-rights from the Portuguese government to build a coal station for their trans-Atlantic lines during the era of steam navigation. The telegraph and the Atlantic cable lines of the English empire passed through Portuguese territories including Cape Verde. Despite lasting little more than a half-century, the British presence marked the island’s collective memory as a time of plenty contributing to the creolization of the island, celebrated in the popular lyrics of Teofilo Chantre’s morna sung across the world by Cesaria Evora as: «An era of splendor «Um era d’esplendor That left traces in its population Ki tchá traso na povo In your architecture Na bô arkitetura Your cosmopolitanism Bô kosmopolitismo That makes you Ki fazê de bô A Creole Rome Um Roma krioula Glorified and decadent» Gloriosa e dekadente» 42 That period is also remembered as a time of greater employment opportunities in the island’s port economy, especially in the English telegraph offices, social clubs, and businesses. Today when tempo d’inglês is remembered is with nostalgia and with a critical eye to the present. Such a historical trajectory is ignored by most of the citizens of Great Britain, yet it is remembered as a high point in Cape Verdean history. Similarly the British presence has been transformed by local interpretations and incorporated into local aesthetics as part of Cape Verde and particularly of being Cape Verdean in Mindelo. Such narratives centralize Cape Verde as the social stage of cultural exchange and fusion hiding the tensions that surely occurred during the English presence. Thus, rather than mere myth making, it is useful to see how the local context of economic uncertainty intertwines with past symbolic survival. Conceiving one’s genealogies across time and space, beyond the geography of Cape Verde as if these relationships had always been coherent and uncontested through time, is thus instrumental in times of uncertainty and socio-economic vulnerability.

43 Furthermore, not all narratives of mixture are voiced or narrated. Many are silenced and may hide other gendered histories that disrupted local conceptions and boundaries between the ideal and the real, the normative and the unaccepted, the ethical and the unethical. Not all ancestors and mixed bloods can be remembered, but they are nonetheless present in the social fabric of Cape Verde. While weaving panos de banda (traditional Cape Verdean cloth), Nha Toi, a local artist recounted how he had many brothers and sisters, perhaps fifty altogether all spread through the different islands, for «wherever my father went he made a child. I may die not knowing all my siblings spread through the world». In those days [referring to late colonialism], he continued, «When I was growing up in our village in Santo Antão there was a priest who had many children. At the time this was a great sin and it is still a great sin. We all knew who the mother of his children was. But no one said anything about it. Instead his children were called the nephews and nieces of the priest. They all had nominhas (nicknames). Out of respect for the Church and for the priest no one dared calling the children fidjo di padre (the priest’s children). But once we were in our private homes we all knew that when we talked about the «nephews» we meant the

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«priest’s» children. I never found out if the children really knew who their real father was. Could they really believe the priest was their uncle?» [Excerpt from Nha Toi oral history, São Vicente 1998] 44 Nominhas, the invented nickname one gains as a child, indeed allows for the silenced genealogies and histories of illegitimacy to coexist with other genealogies said to be legitimate. Disturbing local patterns of morality, the children of the priest were redefined as his nephews and nieces and social life carried on. This redefining of genealogies, this fiction that bridges reality, ultimately becomes real. The fictive reality is authentic from the perspective of the participants, part and parcel of other gendered narratives of fusion and mixture that bridge nation with creolization.

Captain Cook, the Pirates, and Fictive Kin

45 Narratives of mixed ancestries, bridge the fictive and the real, becoming acceptable daily realities for those who, as the children of the priest, performed their life histories as the priest’s nephews. That is they became the priest’s nephews. These narratives of mixed ancestry hide many tensions, conflicts, and adversities, but they also contain elements of fusion. They are and have been gendered narratives, partial and selective of the elements of fusion substantiating and sustaining a Cape Verdean identity vis-à- vis the multiple symbolic and material challenges faced by this young postcolonial nation-state. In them, Cape Verde is portrayed as an exceptional African case without ethnic conflict, with boundaries carved by the ocean, free from ethnic conflict, and without a pre-colonial past through which to formulate claims to pre-European identity and history. Many other voices and selective memories could be brought to the table of creolization, but the elements of fusion tend to prevail in popular narratives, lyrics, and history. Creating a deep history of integrative differences, the process of nation building is understood to have deep origins starting with the formation of the colony in the 15th century. Gender is present in all these narratives, breaking the boundaries of legitimacy and silencing the tensions of illegitimacy by redefining and renaming, and thus creating a livable reality.

46 Redoing kinship with volatile European outsiders reveals the importance locally attributed to mixed blood in the process of identity formation. Kinship remains the most unquestioned mechanism of this Creole genesis and the most seemingly apolitical, and for those reasons it is probably the most effective and everlasting. Kinship intertwines with gender where women are the main agents. National identities are replete with masculine symbolism, such as the martyr who died for the nation, the frontier men, or the lost soldier. In Cape Verde, however, gendered narratives of nation do not address this type of violence but ease the tensions derived from the structural violence of poverty, the history of famines, and social inequities, which have affected women and men in differentiated proportions. 47 As many anthropologists continue to point out, the realm of power and ideology is inseparable from the cultural context and the individual agents that reproduce and in turn construct the daily reality of national narrations. These narrations bridge the oral and the textual, the ideological and the cultural, the fictive and the real. Through gendered histories, they provide temporality, symbolic cohesion, and a sense of innateness to the conflicting process of crafting a postcolonial national identity. As already stated, the use of gender and kinship are forms of «substantiating» the

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processes of nation building through natural categories such as those of biology, kinship and gender that give nations their clout of inevitability. In postcolonial context, such as the Lusophone, where the tensions between colonized and colonizer are still remembered and lived, gender becomes a powerful mechanism of cohesion whereby the lines between colonized and colonizer are blurred in intimate histories of likely and unlikely fusion. 48 Berta’s quote at the beginning of this chapter illustrates this point. Her genealogy is greater than the individual, centered in the island but transcending the island’s history. It is a genealogy tied to a global history through Captain’s Cook passage in Cape Verde’s Boavista Island. Did Cook actually stop in Boavista Island? Did he leave descendants? For how many generations have his descendents passed this history to one another? Was this narrative transmitted by family women or by family men? What was lost and added in the process of that transmission? 49 Those are questions that could be answered by simply asserting that all genealogies and processes of identity formation are inescapably myth making and that all traditions in one way or another are invented19. However, Berta’s genealogy becomes profoundly genuine by placing one’s history and place in the center of a narrative, which is manifested and materialized and embodied in her hair and height. Similarly, her life history suggests the centrality of remembering genealogies as a mechanism of identity maintenance. The Capitão lives in her narratives of Boavista and Cape Verde. That is, Captain Cook is creolized in Berta’s genealogy, becoming Cape Verdean. 50 May 1st 2005

NOTES

*. All the oral narratives in this essay were collected during my doctoral fieldwork, conducted in Cape Verde from September 1997 to July 1998; see «Crafting Nation and Creolization in the Islands of Cape Verde» (2002). The fieldwork was made possible with Praxis XXI, a grant from the Portuguese Ministry of Science and Technology. I am responsible for all the translations from Portuguese manuscripts. 1. . Cf. B. ANDERSON, Imagined Communities, London, Verso, 1991, for the importance of print capitalism in disseminating narratives of nation as a shared community. See also H. BHABA, Nation and Narration, New York, Routledge, 1997, for a discussion of how nations belong to a cultural tradition of narration that defines their temporality and sequence as if belonging to time immemorial. 2. . For a discussion of gender and food insecurity cf. I.F. RODRIGUES, «Escassez Abundante: memoria e rotina alimentar em Cabo Verde», in C. CARVALHO & J. de Pina CABRAL (eds), A Persistência da Historia, Passado e Contemporaneidade em Africa, Lisbon, Imprensa das Ciências Sociais, 2004. 3. . A.M. ALONSO explicitly associates gender metaphors with the construction of national narratives that cast national identities as irreducible and natural entities, moving intact through historical trajectories as unchallenged polities; see «The Politics of Space, Time and Substance: State Formation, Nationalism, and Ethnicity», Annual Review of Anthropology, 23, 1994: 379-405.

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4. . E. GELLNER stresses how states produce the homogenizing mechanism of culture, such the creation of national educational systems whereby each individual is trained into becoming a national citizen by turning the same page of the same history textbook, thus learning and acquiring a common national culture; see Nations and Nationalism, Ithaca, NY, Cornell University Press, 1983: 121. 5. . E. KEDOURI discusses the ideological rise of nations in 18th and 19th century Europe as part of the emergence of philosophical and historical necessity to respond to the predicament of modernity. In his views, the idea of self-determination based on the congruence of culture and polity were the main national contributions to the international order. Kedouri was also instrumental in highlighting the dual role of memory and forgetting in the construction of national histories, see Nationalism, London, Hutchinson University Press, 1960. GELLNER, Nations…, op. cit., follows a similar analysis by focusing on the European experience and the state’s role in producing cultural homogeneity. A. SMITH emphasizes the «ethnic» origins of nations evolving through time into larger units in articulation with a strong relationship to a kingdom or state in his National Identity, Reno, University of Nevada Press, 1984. Overall, they represent the classical approach to nations where cultural homogeneity becomes key to the national project. 6. . P. GILROY provides a critical analysis of how the Afro-Atlantic as a place of cultural exchange, diaspora, and displacement has always been intertwined with modernity. In his view essentializing notions of race based on the dichotomy of white and black, have prevented western scholarship from recognizing the legitimacy of mixture, hybridity, doubleness, in Creole spaces. Focusing on the Anglophone Afro-Atlantic, however, Gilroy overlooks Cape Verdean history as a place where the creolization process actually pre-dates the nationalist projects in Europe; cf. The Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1993. 7. . A. SMITH, National Identity, op. cit.: 108-109. 8. . P. GILROY, The Black Atlantic…, op. cit. 9. . Cf. A.L. STOLER, «Carnal Knowledge and Imperial Power: Gender, Race, and Morality in Colonial Asia», in M. di LEONARDO (ed.), Gender at the Crossroads of Knowledge: Feminist Anthropology in the Postmodern Era, Berkeley, University of California Press, 1991, and A.L. STOLER, «Sexual Affronts and Racial Frontiers: European Identities and the Cultural Politics of Exclusion in Colonial Southeast Asia» :19-55, in Avtar BRAH & Annie COOMBES (eds), Hybridity and Its Discontents: Politics, Science, Culture, New York, Routledge, 2000. Stoler explicitly connects national histories with histories of empire, articulating gender and sexuality with identity formation. She argues that Creoles and mixed-race people constantly challenged European categories of purity, exposing their fears and vulnerabilities. 10. . I.C. BALENO, «Povoamento e Formação da Sociedade», in L. de ALBUQUERQUE & M.E. Madeira SANTOS (eds), História Geral de Cabo Verde, Lisbon, Instituto de Investigação Científica e Tropical, I, 1991: 125-177, quote on p. 153. 11. . I.C. BALENO, «Povoamento…», op.cit.: 162. 12. . Ibid.: 175. 13. . I.F. RODRIGUES, «Islands of Sexuality Theories and Histories of Creolization», International Journal of African Historical Studies, XXXVI (1), 2003: 83-103. 14. . N. da Silva GONÇALVES provides ample evidence of the tensions in early colonial Cape Verde, where power disputes between church, governor and municipality were common occurrences; cf. Os Jesuitas e a Missão de Cabo Verde, 1604-1640, Lisbon, Brotéria, Associação Cultural e Ciêntifica, 1996: 233. 15. . E. TAVARES, Poesia, Contos e Teatro, Instituto Cabo Verdiano do Livro e do Disco, 1996: 78. 16. . Cf. R.J.C. YOUNG for a discussion of sexuality and the fear of European tropical degeneration in the Anglophone historical context, in Colonial Desire: Hybridity in Theory, Culture and Race, New

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York, Routledge, 1995. Many comparable elements can be traced, despite a generalized ideology of Portuguese sexual permissiveness in the tropics. 17. . Ciências Integradas, Quinto Ano, Ministry of Education of the Republic of Cape Verde, 1997: 63-65 (5th grade textbook). 18. . B. LOPES, «Prefacio», in M. FERREIRA, A Aventura Criola, Lisbon, Plátano Editora 1973: xi and xii- xiii. 19. . E. HOBSBAWM & T. RANGER eds, The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, highlighted the invented nature of tradition in opposition to notions of authenticity, particularly in colonial contexts where the colonizer struggled to find legitimacy and symbolic acquiescence from their colonized subjects. While all traditions are to a certain extent invented and re-invented, they are not born out of an immaculate conception, but derive their material and repertoire from pre-existing cultural codes and re-assemblages.

ABSTRACTS

Narratives* of mixed ancestry in Cape Verde use gender as common denominator in the weaving of a Creole nation. These narratives may hide tensions, conflicts, and adversities, but they also contain elements of fusion and national cohesion. They are and have been gendered narratives, partial and selective of the elements of fusion substantiating and sustaining a Cape Verdean identity vis-à-vis the multiple symbolic and material challenges faced by this young postcolonial nation-state. In them, Cape Verde is portrayed as an exceptional African case without ethnic conflict with boundaries carved by the ocean, free from ethnic conflict, and without a pre- colonial past through which to filter present realities.

Les récits d’ascendance mixte au Cap-Vert utilisent l’appartenance à un sexe comme un dénominateur commun dans le tissage d’une nation créole. Ces récits peuvent dissimuler les tensions, conflits et les difficultés, mais ils contiennent aussi des éléments de fusion et de cohésion nationale. Ces récits sont et ont été sexués, chargés de partialité et établissant une sélection des éléments de fusion qui fondent et qui entretiennent une identité capverdienne vis- à-vis des multiples défis symboliques et matériels auxquels doit faire face ce jeune État-nation post-colonial. Ils dressent un portrait du Cap-Vert comme un cas africain exceptionnel dépourvu de conflit ethnique, avec des frontières délimitées par l’océan, sans conflit ethnique et sans passé pré-colonial à travers lequel filtrer les réalités actuelles.

Narrativas de ascendência mista em Cabo Verde utilizam o género como denominador comum no entretecer de uma nação crioula. Essas narrativas podem esconder tensões, conflitos e adversidades, mas também contêm elementos de fusão e de coesão nacional. São e têm sido narrativas criadas, parciais e selectivas dos elementos de fusão substanciando e sustentando uma identidade cabo-verdiana perante os múltiplos desafios simbólicos e materiais que esta jovem nação pós-colonial tem enfrentado. Nelas, Cabo Verde é retratado como um caso africano de excepção com fronteiras cavadas pelo oceano, livre de conflitos étnicos e sem um passado pré- colonial através do qual se possam filtrar as realidades actuais.

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INDEX

Geographical index: Cap-Vert Mots-clés: nation créole, récits, genre, cohesion nationale

AUTHOR

ISABEL P. B. FÊO RODRIGUES

University of Massachusetts at Dartmouth, Sociology and Anthropology Department

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Masculinities, Violence and Power in Timor Leste Masculinités, violence et pouvoir au Timor oriental. Masculinidades, Violência e Poder em Timor-Leste

Henri Myrttinen

1 Timor Leste emerged as the world’s newest nation-state on 20 May 2002, ending an often violent history of foreign domination which lasted almost half a millennium. Independence ended approximately 450 years of Portuguese colonial rule, a short but brutal intermezzo under Japanese military occupation during World War II, 24 years under Indonesian occupation and a more benign 2 years under the United Nations Transitional Administration in East Timor (UNTAET). This history of foreign domination is also a history of resistance and violence, violence which often took on the form of sexualised violence against both women and men.

2 Regaining independence has however not meant an end to violence. While there is no longer an armed conflict in the country, Timorese society is beset by extremely high rates of domestic violence and latent political social conflict which has the potential of spilling over into overt violence. As so often, the common denominator linking these different forms of violence and different power struggles from different eras is that the majority of the perpetrators are men, usually young men. 3 In this article, I hope to briefly sketch some of the different forms that violent masculinity has taken in Timor Leste. For practical reasons, the article will concentrate on the period from 1974 to the present, starting with the end of the Portuguese period ushered in by the Carnation Revolution, followed by the brief civil war in 1975, the Indonesian invasion and ensuing «post-colonial colonialism1», the cataclysmic violence surrounding the 1999 referendum and finally post-conflict Timor Leste. 4 The reason why this article concentrates on men and particularly on violent masculinities is that by looking at the perpetrators of violence, I hope we can begin to learn more about the roots of violent conflict. The inherent danger of this focus is of course that, once again, the story of women and the role they played and continue to play remains untold. In order to avoid this, I shall try weave in the story of Timor

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Leste’s women into my article. Primarily, however, I shall look at men. As Robert Morrell2 argued for South African history: «It is true that South African history has been written as a story of men. But it is not true that South African history is about men. The difficulty lies in the notion of man. Essentialist conceptions of man are the problem. Man is considered to have an essence – aggressive, violent, acquisitive, insensitive, unemotional. What is not problematised is his social identity. What is not acknowledged is the social construction of masculinity.» 5 Thus, as strange as it may sound, men have become almost as neglected a category as women.

Historical background

6 From the 16th century onwards, what is now the Democratic Republic of Timor Leste was, mais ou menos, under Portuguese control 3. For the greater part of the colonial period, the «colonial footprint» of Portugal was relatively light. Only a handful of Portuguese were in the territory, no systematic effort was made to teach Portuguese and even missionary activities of the Catholic Church were rather limited. One of the hallmarks of the Portuguese period was the sexual activity of the Europeans, be they monks, soldiers, or administrators4. Interestingly, this «tradition» was taken up to a degree by Portuguese peacekeepers deployed with the UN missions in Timor Leste. Being the only contingent without a strict curfew, they quickly developed a reputation for womanising and left numerous single mothers in their wake.

7 It was only in the late 19th and early 20th century that Portugal became more actively involved in the territory, introducing a plantation economy, a tighter control of the territory colonial administration, and limited education for an assimilado elite. The increasingly heavy involvement of Portugal also led to increased resistance and revolts, the most famous ones being those of Dom Boaventura5. 8 After the final repression of the revolts in 1912, the colony saw a period of relative calm and of increased development. This period came to an end in December 1941, when Australian and Dutch troops landed in Dili to pre-empt a possible Japanese invasion. In reaction, the Japanese Imperial Army occupied the territory, though de jure it remained under Portuguese rule for the duration of the war6. In addition to the violence directly related to the fighting, thousands of Timorese women were also forced into prostitution as so-called «comfort women» by the Japanese military. In this, they were aided by the Portuguese governor at the time, who, «against the protests of other Portuguese officials», ordered local chiefs to provide the Japanese troops with young women. His justification was that by doing so, he would save European women from being raped7. 9 The end of the war brought with it several decades of tranquillity and few changes (ordem sem progreso) until April 1974, when the Carnation Revolution brought down the Salazar/Caetano dictatorship. Unlike other Portuguese colonies, such as Angola, Guinea-Bissau and Mozambique, Portuguese Timor had not seen any independence movement per se, though a part of the handful of Timorese students studying in Portugal had been influenced by the radical anti-colonial writings coming out of the African colonies. But like for its African counterparts, decolonisation in Timor Leste was rapid, haphazard and thrust the ill-prepared territory as a pawn into the Cold War

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chess game. Like in Angola and Mozambique, the result was decades of sustained violence. 10 In the case of Timor Leste, the decolonisation process led to a brief civil war between the more conservative and Portugal-oriented UDT (União Democrática Timorense) and the more radical Fretilin (Frente Revolucionária de Timor Leste Independente) in mid-1975. The left-leaning Fretilin emerged victorious, setting off alarm bells in Jakarta, Canberra and Washington, this being the year when Phnom Penh had fallen to the Khmer Rouge, Vientiane to the Pathet Lao and Saigon to the Vietcong, exacerbating fears of a further Southeast Asian «domino falling»8. 11 Indonesia had already been involved in covert cross-border operations but waited for a green light from visiting U.S. President Gerald Ford and Secretary of State Henry Kissinger before launching a full invasion of Timor Leste on December 7, 1975. In the initial phase of the war, in which the Indonesian armed forces were pitted against the Falintil (Forças Armadas do Libertação Nacional de Timor Leste) and which lasted until roughly late 1979, approximately 200 000-300 000 people, or around a third of the population of the territory was killed. 12 After the initial phase, the guerrilla war of the Falintil continued on a smaller scale until the pull-out of the Indonesian security forces in late 1999. The territory was in effect under military occupation for 24 years, with the Indonesian armed forces committing serious human rights abuses against the civilian population, many of them sexualised. In many ways, these methods paralleled or copied those of death squads and «counter-insurgency» operations in Vietnam and Central America, very possibly due to the training given to Indonesian special forces by Australia, United Kingdom, Germany and especially the USA at the same facilities where Latin American special forces were trained, such as Fort Benning, home to the «School of the Americas»9. 13 The conflict took a new turn in 1998, when the reformasi-movement 10 in Indonesia brought an end to the dictatorship of General Suharto. Suharto’s hand-picked successor, B.J. Habibie took the unprecedented step of offering the East Timorese people an UN-supervised referendum on independence or special autonomy within Indonesia. The political process was flanked by a new military development, with the Indonesian armed forces setting up, training, financing and arming militia groups in the territory, using them as proxies in a violent campaign of intimidation before the August 1999 referendum11. Following a clear majority vote for independence, the pro- Indonesian militias, supported by Indonesian security forces, destroyed around 70% of the territory’s buildings, forcibly deported a third of the population and killed an estimated 2 000 people, not to mention those wounded and sexually assaulted12. 14 The wave of militia violence led to an international outcry and an intervention by UN peacekeepers. The territory was the administered by the UN for two years before Timor Leste became independent.

Concepts of Violent Masculinity

15 Masculinities, like femininities, are actively constructed and are neither fixed nor monolithic. They can often be contradictory, sending different messages to different audiences. As I have argued elsewhere13, violent masculinities can be regarded as enactments which have the aim of reassuring the male himself and «his» side while

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simultaneously intimidating the «other» side into submission. These enactments are limited spatially and temporally – a policeman can, for example, wield his power and torture detainees during the day, be simultaneously subservient to his superiors and can be a loving father and respected member of his village society in the evening.

16 Violent masculinities come in different forms. The readiness to use violence can come out of a warrior/protector concept embedded in local traditions; it can be a form of protest; be part of a institutionalised, militarised view of masculinity, e.g. in the case of members of security forces; or it can be a more indirect form of violence, e.g. in the case of the political and economic elite benefiting from the violence while not being directly and personally involved in perpetrating it14. The men may or may not take part in the violence voluntarily. The may be coerced to join in, the might seek social or economic benefits or they might even enjoy wielding power15. 17 A common denominator for violent masculinities is that «manliness» is equated with the sanctioned use of aggression, force and violence16. Extreme cases can be labelled as enactments of «hypermasculinity». In this context, I use the term to indicate a type of masculinity that is based on an overt display of physical strength and the readiness in the use of violence and of heterosexual prowess, or, as Mosher17 defines it, «a personality construct reflecting extreme involvement in and acceptance of the traditional male gender role», a system of ideas «forming a worldview that chauvinistically exalts male dominance by assuming masculinity, virility, and physicality to be the ideal essence of real men, who are adversarial warriors competing for scarce resources (including women as chattel) in a dangerous world»18. 18 In Timor Leste, all of these forms and manifestations of violent masculinity have been – and still are – visible.

19 While on the eve of the Indonesian invasion, Timor Leste was still very much steeped in tradition, the 25 years of conflict and of Indonesian occupation have inevitably changed Timorese society profoundly. The rural society and its norms as described by David Hicks19 as he experienced it in the late 1960s-early 1970s was still very much untouched by modernity. The Indonesian invasion changed this, bringing with it not only helicopter gunships and napalm, but also paved roads, electricity, compulsory education in a new language (Bahasa Indonesia), family planning, television, a money- based economy and new social norms.

Manifestations and constructions of Violent Masculinity in Timor Leste

20 In this article, I have roughly divided the manifestations of violent masculinity visible during the conflict and post-conflict based on the division of the Timorese in the conflict, reflecting the various «cultures» of violent masculinity within the groups. Inevitably, this will lead to generalisations that may well do injustice to the individual cases and thus these should only be regarded as rough sketches, drawn up for the sake of an argument.

21 Concentrating on the Timorese actors means that those non-Timorese actors which have also played a defining role in the conflict, such as the Indonesian security forces or the foreign militaries which made up the UN peacekeeping forces will be given less

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prominence. In part, they will be touched upon in as far as they are relevant to the constructions of Timorese masculinities, in part the reader will be referred to elsewhere20. 22 Two examples of elements of the old traditions which have survived and which can be seen to have an impact on constructions of violent masculinity are the brandishing of traditional weapons in public, e.g. as part of demonstrations and cockfighting, which with its symbolic (and real) connections to blood, violence and sexuality, has been a traditional rite of passage from boyhood to manhood21. 23 Indonesian occupation brought with it both Indonesian and international role models. Two Indonesian role models whose influence could be seen were the «pemuda» and the «preman». The pemuda concept has its roots in the Indonesian War of Independence and refers in this context mainly to young revolutionaries known for their daring and recklessness. The dress code and demeanour of the pemuda is regularly invoked for example by youthful supporters of political parties in Indonesia and was also, to an extent, visible as an influence with the East Timorese militias. According to Colombijn, the pemuda-subculture is characterised as a social space for young people, especially men, to act in a violent, reckless and fierce manner on behalf of a higher cause22. 24 The preman is a glorified neighbourhood thug, displaying a hard, street masculinity. While engaging in illegal activities such as gambling and extortion, preman can also provide a kind of vigilante security service to the neighbourhood. Since the fall of Suharto, Indonesian political parties and mass movements have increasingly drawn on preman to act either as «thugs for hire» or as more respectable security guards, leading to complaints about a «premanisation» of Indonesian political culture23. Small-time criminals from the large towns of Java have also been recruited by members of the security forces to join militia groups in conflict areas, such as in Sulawesi and Maluku24. 25 A further Indonesian influence was the institutionalised, militarised violent masculinity displayed by the Indonesian security forces. The most direct impact of this on Timorese constructions of violent masculinity was of course as «the other» for the Falintil guerrillas and as the direct role model and teacher for the pro-Indonesian militias. 26 Even though the territory remained closed to the outside world for the larger part of the period of Indonesian occupation, international influences also seeped in. Through globalised popular culture, role models such as Rambo or ninjas became household terms in Timor Leste as well. For example, the Indonesian death squads, which included Timorese members, of the late 1980s and early 1990s called themselves ninjas.25 Globalised iconic figures of just (male, vaguely leftist) rebellion such as Bob Marley and Ernesto «Che» Guevara were and remain popular in Timor Leste and were identified mainly with the pro-independence cause.

Falintil

27 Following their near-defeat and the separation from their mass base in 1979-1980, the Falintil guerrillas continued their armed struggle as small groups in the mountains for the following 20 years. They were supported in their struggle by villagers and also by the so-called «clandestine front» in the cities, in which students played a prominent role. The vast majority of the armed fighters were men, though some women took up arms as well. Mostly, though, women were involved in supporting activities, such as

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working as messengers (estafetas), bringing supplies to the fighters, cooking and cleaning. Female fighters formed their own organisation within Falintil, the OPMT (Organização Popular da Mulher Timorense), which, in addition to providing support to the fighting force and occasionally engaging in combat activities. The OPMT also campaigned for women’s rights within the Falintil movement26.

28 In the mountains, the Falintil developed their own autochtonous warrior culture, drawing on traditional Timorese concepts, Portuguese and Catholic influences and socialist ideals of equality. In terms of gender relationships, this meant breaking, at least in theory, with patriarchy and with the traditional system of polygamy. Officially, and in the education given by the Falintil to the local population, especially during the early years of the conflict, gender equality was stressed27. In practice, however, gender roles often remained within their traditional boundaries28. 29 Being an armed formation, being a male member of the Falintil almost always meant carrying and using arms. While most of the violence was directed strictly against the Indonesian security forces, the Falintil, as any guerrilla formation, were not above using violence against civilians collaborating with the Indonesian authorities and «detractors» within their own ranks, especially during the initial phases of the conflict. 30 The Falintil used Portuguese as their language of communication and kept in close contact with the Catholic Church, though especially in the earlier years there were more hard-line socialist leanings within the movement. Over the years, some of the smaller Falintil groups, above all the eccentric Sagrada Familia group, developed an increasingly mystical outlook, mixing traditional beliefs with Catholic imagery29. 31 One of the reasons that Bob Marley and reggae music became clandestine, subversive signs of support for the Falintil in the urban areas was the visual similarity between the attire and hairstyle of the guerrilla and the rasta-movement, in addition to the rebellion against stifling norms inherently projected into reggae music and its icons. In Timorese graffiti and political art, Falintil commander (and current President) Xanana Gusmão was often depicted in a manner reminiscent of the iconic images of Che Guevara and was compared with Nelson Mandela.

Militias30

32 As mentioned above, the pro-Indonesian militia groups were established by the Indonesian security forces towards the end of the 1990s to act as proxies and to «Timorise» the conflict. The militias were founded, organised, trained and financed by the Indonesian occupation authorities and security forces but compromised largely of Timorese males. A small number of women were also involved, but mainly as secretarial staff or as participants in militia-organised mass demonstrations.

33 The violent masculinity displayed by the militia groups was not dissimilar in style, attire and degree of violence to the hypermasculinity visible in other conflicts of the 1990s and beginning of the millennium, be it in the Balkan Wars, Colombia, Sierra Leone or Chechnya. 34 While many of the militia members were coerced into joining or did so as a survival strategy, many of the «hardcore» militia members did so out of conviction, be it political or otherwise. Joining the violent militia brought with it economic benefits, both directly through the pay given to militia members and indirectly through the

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prospect of looting31. The «glamour» gained through the notoriety and prominence associated with the violent manifestation of hypermasculinity may also have been an incentive for some to join. 35 It is important to note that while the Indonesian security forces were able to draw upon a pool of mostly young men willing to join – and coerce others into joining – militia masculinity was actively constructed through the military training given to them and by drawing upon violent male role models, some of which were imported from Indonesia (e.g. pemuda- and preman-masculinities) and methods used in «counterinsurgency» warfare in other parts of Southeast Asia and Latin America. Thus the violence was not a «natural» outpouring of masculine violence or a culturally conditioned response32, but one which was actively engineered and planned.

Civilians

36 As in most armed conflicts, civilians bore the brunt of the violence in Timor Leste. Both men and women were targeted, men as suspected Falintil members, women as suspected OPMT members. The violence against civilians was carried out almost exclusively by the Indonesian security forces, and after 1998, by the pro-Indonesian militias. Much of this violence was sexualised in nature. Men and women were sexually abused and raped, women, especially spouses or family members of known members of the resistance, were forced into marriages with army officers or into sexual slavery, torture was often sexualised and corpses with mutilated genitalia were displayed in public33.

37 In addition to this conflict-related violence, however, there was also another level of violence. Figures are difficult to come by as victims would have been reluctant to report the crimes to the Indonesian occupation authorities, but based on anecdotal evidence, levels of domestic and sexualised violence were very high amongst the civilian population34.

Violent masculinities in the post-conflict situation

38 The end of the open conflict in Timor Leste towards the end of 1999 and the disarming and demobilisation of the Falintil and of those militia members who remained in the territory did unfortunately mean a demobilisation of violent masculinities. Sexualised violence, perpetrated mostly by men against women, remains a serious problem. During the time of the UNTAET administration, up to 40 % of reported crime was sexualised and domestic violence. The figure is a minimum figure, as given the nature of the crime, much of it remains unreported. Also, cases leading to the death of the victim would have been classified as murders35.

39 As several Timorese and Indonesian observers have argued36, the patriarchical social structure, the years of conflict and the militarised education given during the Suharto- era have left many men with no other tools at their disposal for airing legitimate social, economic or political Martial arts groups and veterans’ organisations have become pools for disgruntled men and form a very real potential source of instability37. 40 During the UNTAET period, the new security forces, the new police force PNTL (Policia Nacional de Timor Leste) and the new national armed forces F-FDTL (Falintil-Forças de

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Defesa de Timor Leste). The staff was recruited from demobilised Falintil, Timorese members of the Indonesian police (PNTL only) and new recruits. Both forces were given extensive training by the UN, including on issues of human rights and gender sensitivity. Hence, it comes as somewhat of a disappointment that after the extensive training given to them, there are still reports of sexual harassment and even gang rape by members of the security forces38. Furthermore, rivalry between the two forces has led to scuffles between the two, adding to potential instability in the country39. 41 A further highly visible factor in post-conflict Timor Leste has been the presence of up to over 12 000 international UN staff, up to around 11 000 were in uniform, in addition to which there were thousands of international NGO workers, contractors and media. These brought with them a range of attitudes to gender issues, often different from those which Timorese society had been accustomed to40. The sudden influx of «internationals» has mainly been seen as liberalising gender attitudes, especially in the urban areas. Some of this has been intentional, as the UN missions did have a specific mandate to increase gender equality, while some of it has been unintentional, such as the impact on the sex industry. There have also been cases of sexual misconduct and sexualised violence committed by UN staff. In trying to promote gender equality, the UN mission has also needed to overcome internal resistance to the issue. As one UN police officer interviewed by the author stated, «its sometimes difficult for the UN police to effectively train the Timorese police in matters of gender sensitivity when some of our [UNPOL] officers come from backgrounds in which gender-based domestic violence is not considered to be a crime».

* * *

42 I hope to have demonstrated in this article that the war and the post-conflict situation have given rise to a number of different forms of violent masculinity in Timor Leste. These masculinities did not come about because Timorese men are culturally disposed to violence or because men are «naturally» violent, but because they were actively constructed in different situations with different goals in mind. Cultural, economic, social, historical and personal factors all played their roles in this construction process.

43 As constructs, these violent masculinities can therefore also be deconstructed or demobilised. As the case of Timor Leste shows, this does not happen automatically after a conflict ends. Levels of domestic and sexualised violence remain high and men espousing potentially violent enactments of masculinity, be it disgruntled youths or ex- Falintil or members of the new security forces, remain a source of social instability. 44 The outlook is not, however, altogether bleak. The post-conflict era has also seen the emergence of a vibrant women’s movement as well as a nascent men’s movement, which seek to find new, non-violent ways of defining what it means to be a man or a woman in Timor Leste. 45 2005

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NOTES

1. . Many of those ultimately responsible for the violence in Timor Leste, starting with Gen. Suharto himself, had themselves fought in the Indonesian War of Independence against the Dutch colonial power. 2. . R. MORRELL, From Boys to Gentlemen – Settler Masculinity in Colonial Natal 1880-1920, Pretoria, University of South Africa Press, 2001: 9. 3. . For a more detailed history of Timor Leste, see C. BOXER, «Portuguese Timor: A Rough Island History», History, 10, 1960: 349-355 or J. DUNN, Timor: A People Betrayed, Sydney, ABC Books, 1996. 4. . D. HICKS, Tetum Ghosts and Kin – Fertility and Gender in East Timor, Long Grove, Waveland, 2004: 10. 5. . J. DUNN, op. cit.: 16. 6. . For an overview of the Japanese occupation of Timor Leste, see K. GOTO, Tensions of Empire – Japan and Southeast Asia in the Colonial and Post-Colonial World, Singapore, Singapore University Press, 2003: 24-38. 7. . J. JOLLIFFE, «Timor’s Haunted Women», in The Age, Sydney, 3 of November, 2001. 8. . On Australian involvement, see D. GREENLESS & R. GARRAN, Deliverance – The Inside Story of East Timor’s Fight for Freedom, Crow’s Nest, Allen and Unwin, 2002 : 1-16; for U.S. involvement, see W. BLUM, Killing Hope – U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, 2003, London, Zed Books: 197-198; for Indonesian covert operations, see K. CONBOY, Kopassus – Inside Indonesia’s Special Forces, Sydney, Equinox Publishers, 2003: 205-235. 9. . On training in Australia, Western Europe and USA, see G. ADITJONDRO, «Ninjas, Nanggalas, Monuments and Mossad Manuals – An Anthropology of Indonesian State Terror in East Timor», in J. SLUKA (ed.), Death Squad: The Anthropology of State Terror, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1999: 183; G. ADITJONDRO, «Guns, Pamphlets and Handie-Talkies – How the Military Exploited Local Ethno-Religious Tensions in Maluku to Preserve their Political and Economic Advantages», in I. WESSEL & G. WIMHOEFER (eds), Violence in Indonesia, Berlin, Humboldt University Press, 2001: 117; K. CONBOY, Kopassus…, op. cit.: 166-186, 236-238, 280, 290-292, 304-316; J. MARTINKUS, A Dirty Little War, Sydney, Random House Australia, 2001: 58-59; H. MACDONALD (ed.), Masters of Terror – Indonesia’s Military and Violence in East Timor in 1999, Canberra Paper 145, Canberra, 2002; H. MYRTTINEN, «Alte "neue" Kriege – Die Privatisierung der Gewalt in Indonesien», in D. AZZELINI & B. KANZLEITER (eds), Das Unternehmen Krieg – Paramilitärs, Warlords und Privatarmeen als Akteure der Neuen Kriegsordnung, Berlin, Assoziation A, 2003: 134-135. On similarities to methods in other Southeast Asian and Latin American Conflicts, see B. CARR & E. MCKAY (eds), Low Intensity Conflict – Theory and Practice in Central America and South East Asia, La Trobe University Institute of Latin American Studies and Monash University Centre of Southeast Asian Studies, 1989, and M. GONZALES, «Nachhaltig zum Schweigen gebracht – Paramilitarismus, Gewalt und Geschlecht in Guatemala», in D. AZZELINI & B. KANZLEITER (eds), Das Unternehmen Krie…, op. cit.: 85-98. 10. . Reformasi – Indonesian for reforms – was the rallying cry and subsequently the name given to the pro-democracy movement which toppled Suharto. 11. . HUMAN RIGHTS WATCH, Background: The Indonesian Army and Civilian Militias in East Timor, New York, HRW, 1999; H. MACDONALD, Masters…, op. cit; SERIOUS CRIMES UNIT, Brief in Support of the Application for the Issuance of an Arrest Warrant for Wiranto – Case N° #5/2003 Deputy General Prosecutor vs. Wiranto and Others, Dili, 2003. 12. . H. CARVALHO et al., Timor – O Insuportável Ruído das Lágrimas, Porto, Campo das Letras, 2000; I. CRISTALIS, Bitter Dawn – East Timor, A People’s Story, London, Zed Books, 2002: 214-271; «West Timor: Jakarta's militia terrorise refugee camps», Green Left Weekly, Sydney, 12 of September, 2001;

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«Traumatized East Timorese Women», The Guardian, London, 30 of July, 2001; J. MARTINKUS, A Dirty…, op. cit. : 214-347; SERIOUS CRIMES UNIT, Brief in Support of…, op. cit. 13. . H. MYRTTINEN, «Pack Your Heat and Work the Streets – Weapons and the Active Construction of Violent Masculinities», Women and Language, XXVII (2), 2004. 14. . R. CONNELL, The Men and The Boys, Cambridge, Polity Press, 2000: 29-32; H. MYRTTINEN, «Pack…», op. cit. 15. . C. DOLAN, «The Proliferation of "Small Men": Exploring the Demand Side of the Small Arms Question», in D. ZARKOV (ed.), Gender, Violent Conflict, Development: Challenges of Practice, Den Haag, Institute for Social Sciences, [forthcoming]; A. JONES, «Gender and Ethnic Conflict in ex- Yugoslavia», Ethnic and Racial Studies XVII (1), 1994: 115-34. 16. . L. BRYSON, «Sport and the Maintenance of Masculine Hegemony», Women’s Studies International Forum X (4), 1987. 17. . D. MOSHER, «Macho Men, Machismo, and Sexuality», Annual Review of Sex Research, 2, 1991: 199-247. 18. . D. MOSHER & S. TOMKINS, «Scripting the Macho Man: Hypermasculine Socialization and Enculturation», Journal of Sex Research, 25, 1988: 60-84. 19. . D. HICKS, Tetum Ghosts and Kin… op. cit. 20. . For a rather uncritical «inside» view of the Indonesian security forces involved in the occupation of Timor Leste, see K. CONBOY, Kopassus…, op. cit.: 205-276, 305-316; for more critical and valuable views, see G. ADITJONDRO, Ninjas…, op. cit., and R. CRIBB, «From total people’s defence to massacre – Explaining Indonesian military violence in East Timor», in F. COLOMBIJN & J. LINDBLAD (eds), Roots of Violence in Indonesia, Singapore, Institute of Southeast Asian Studies, 2002: 227-242. For the impact of the UN peacekeeping mission in Timor Leste from a gender perspective, see S. KOYAMA & H. MYRTTINEN, «Long-term Gendered Impacts of the UN Missions in Timor Leste», in C. AOI & C. de CONING (eds), Unintended Consequences of Peacekeeping Operations, Tokyo, United Nations University Press; [forthcoming] 21. . D. HICKS, Tetum Ghosts and Kin…, op. cit.: 102-111. 22. . F. COLOMBIJN, «What is so Indonesian about violence?» in I. WESSEL & G. WIMHOEFER (eds), Violence in Indonesia, Berlin, Humboldt University Press, 2001: 35-36. 23. . H. NORDHOLT, «A genealogy of violence», in F. COLOMBIJN & J. LINDBLAD (eds), Roots of Violence in Indonesia, op. cit. : 49-52; K. VAN DIJK, «The Privatisation of Public Order – Relying on the Satgas», in I. WESSEL & G. WIMHOEFER (eds), Violence in Indonesia, Berlin, Humboldt University Press, 2001: 152-167. 24. . G. ADITJONDRO, Guns, pamphlets…, op. cit.: 119-122. 25. . G. ADITJONDRO, Ninjas…, op. cit.: 189-190. 26. . C. PINTO & M. JARDINE, East Timor’s Unfinished Struggle – Inside The Timorese Resistance, Boston, South End Press, 1997: 47-53. 27. .Ibid.: 47. 28. . I. CRISTALIS, Bitter Dawn…, op. cit.: 182-191; J. MARTINKUS, A Dirty Little…, op. cit. 29. .Ibid.: 171-172, 200. 30. . For a more thorough look at violent militia masculinity, see H. MYRTTINEN, «Sketching the Militias – On Constructions Militia Masculinity in the Timor Leste Conflict», in D. ZARKOV, Gender, Violent Conflict, Development: Challenges of Practice, Den Haag, Institute for Social Sciences, [forthcoming]. 31. . I. CRISTALIS, Bitter Dawn… op. cit.: 142. 32. . This was the argument put forward by Gen. Makarim, the senior Indonesian officer in Timor during the militia violence who claimed the rampage was traceable to «Indonesian amok

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culture», in G. ROBINSON, «The fruitless search for a smoking gun», in F. COLOMBIJN & J. LINDBLAD (eds), Violence… op. cit.: 244. 33. . G. ADITJONDRO, Ninjas..., op. cit.: 182-183; P. CAREY, «Dimensions of Domination – Institutionalised violence against women during the Indonesian occupation of East Timor (1975-1999)», in L. WESSEL & G. WIMHOEFER (eds), Violence…op. cit.: 185-209 and Comissão de Acolhimento, Verdade e Reconcilição de Timor Leste, Final Report, forthcoming pending approval by parliament. 34. . Interview with U. Alves, Fokupers, Dili, 6 of may, 2004. 35. . Interview with UNPOL Staff, Dili, 28 of April, 2004. 36. . Interviews with S. Abdullah, INSIST, Yogyakarta, 5 of February, 2004; L. Akara, Associação Mane Contra Violência, Dili, 28 of April, 2004; U. Alves, Fokupers, Dili, 6 of May, 2004. 37. . Interviews with PKF and UNPOL Staff, Dili, 24 of April, 2004 and 28 of April, 2004, respectively. 38. . Alola Foundation, Trafficking in East Timor – A Look into the Sex Industry of the Newest Nation, Alola Foundation, Dili, 2004; Interview with E. Belo, Alola Foundation, 10 of June, 2004. 39. . E. REES, Under Pressure – Three Decades of Defence Force Development in Timor Leste 1975-2004, Geneva, Centre for the Democratic Control of the Armed Forces, 2004. 40. . For a more thorough look at the impact of the UN missions from a gender perspective, see S. KOYAMA & H. MYRTTINEN, Long-term… op. cit.

ABSTRACTS

This article sketches some of the manifestations of violent masculinities which were visible in the Timor Leste conflict from 1975 to 1999. While concentrating on Timorese actors, it points out that this does not in any way mean that Timorese men are inherently more violent than others. In fact, the vast majority of the acts of violence during the conflict were committed by members of the occupying Indonesian security forces. After a brief thematic and historical introduction, the article examines manifestations of violent masculinities within the pro-independence Falintil guerrilla, the pro-Indonesian militias and the civilian population. As the end of the conflict has not meant an end to, but a “domestication” of violence with extremely high rates of domestic and gender-based sexual violence, the article further examines the impact of the post-conflict situation on violent manifestations of masculinity.

Cet article esquisse quelques-unes des manifestations violentes de la masculinité qui ont été visibles au cours du conflit du Timor Leste entre 1975 et 1999. Bien que relatif aux acteurs timorais, il ne saurait en aucun cas signifier que les hommes timorais soient fondamentalement plus violents que les autres. En réalité, au cours du conflit, la grande majorité des actes de violence ont été commis par des membres des forces de sécurité des occupants indonésiens. Après une brève introduction thématique et historique, l’article examine les manifestations violentes de la masculinité entre la guérilla indépendantiste des Falintil, les milices pro- indonésiennes et la population civile. Étant donné que la fin du conflit n’a pas constitué une fin mais seulement une « domestication » de la violence, avec des taux extrêmement élevés de violence sexuelle domestique et de type sexiste, l’article examine en outre l’impact de la situation d’après-guerre sur les manifestations violentes de la masculinité.

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Este artigo esboça algumas das manifestações de masculinidades violentas que são visíveis no conflito de Timor-Leste no período de 1975-1999. Sublinha-se que a concentração sobre os actores timorenses de modo nenhum significa que os homens timorenses que os homens timorenses são intrinsecamente mais violentos do que outros. De facto, a grande maioria dos actos de violência durante o conflito foi perpetrada por membros das forças de segurança ocupantes indonésias. Após uma breve introdução temática e histórica, o artigo examina manifestações de masculinidades violentas no seio da guerrilha independentista das Falintil, das milícias indonésias e da população civil. Como o fim do conflito não trouxe o fim da violência, mas sim a sua « domesticação » com elevada taxa de violência sexual interna e baseada no género, o artigo examina ainda o impacto da situação pós-conflito sobre manifestações violentas de masculinidade.

INDEX

Geographical index: Timor oriental Mots-clés: masculinité, violence, pouvoir

AUTHOR

HENRI MYRTTINEN

Indonesian Society for Social Transformation (INSIST), Yogyakarta (Indonesia)

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Masculinités pour tous ? Genre, pouvoir et gouvernementalité au Cap-Vert Le foyer dans la spirale de l’ouverture et du changement à Praia Masculinidades para todos ? Cabo Verde : O lar na espiral da abertura e da mudança. Masculinities for all? The Cape-Verdean Home (lar) in the Turmoil of Change and political Opening

Guy Massart

1 Quels sont les changements récents dans les relations de genre au Cap-Vert ? On cherchera à répondre à cette question à partir de l’exemple de Praia, la capitale, située dans l’île de Santiago. Alors que les hommes semblent s’accrocher à une identification et donc à un genre, caractéristiques d’une masculinité hégémonique, les femmes, quant à elles, embrassent des points de vue et stratégies individuels qui leur permettent de se soustraire à l’emprise imaginaire et matérielle du modèle d’organisation de l’unité sociale de base – le foyer, o lar – et donc de le redéfinir et d’en instituer d’autres1. Cette nouvelle configuration rend de plus en plus problématiques et/ou brèves les cohabitations entre partenaires. Or, le pourcentage de familles dirigées par des femmes au Cap-Vert est déjà très élevé, près de 42 %2. En outre, on sait que ces familles sont particulièrement affectées par la pauvreté.

2 Mon analyse des transformations des relations de genre est orientée par une ethnographie de la personne idéale à laquelle aspirent les Capverdiens urbains de Praia. Plus encore que dans les années 1990, la capitale de la République, sise sur l’île la plus grande et qui fut la première peuplée, est le centre de décision et d’innovation principal du pays. La démographie en démontre la vitalité : de 71 000 habitants en 1990, elle a atteint les 106 000 en 2000, soit une croissance d’environ 50 %. 3 D’anciens modèles définissant des idéaux et possibilités différenciées selon les genres restent centraux dans la conception idéale de soi à Praia ; le changement naît d’une

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redéfinition des idéaux qui informent les conduites des femmes. Cela concerne plus précisément l’adoption par les femmes d’une conduite dans les relations intergenres régie par l’idéal de l’hégémonie masculine. Le phénomène se combine à un processus de marchandisation généralisée des échanges et à l’incarnation des très masculines qualités de prospérité, santé et vitalité par la consommation3. Toutefois, la pragmatique de la consommation des biens et des services ne peut être résumée à une fonction métaphorique. La consommation ne serait que démonstration ; or, la consommation est ici désir d’individu, soif et plaisir propres. La consommation réalise la prospérité, la beauté et, je le soupçonne, la liberté. Alors qu’elle produit ses propres contraintes et ses propres réseaux, la consommation permet à l’individu de multiplier ses liens avec l’altérité ; en tissant un réseau de choses autour de l’individu, la consommation augmente sa portée sociale. 4 Dans la mesure où l’analyse de ces changements renvoie à des processus qui dépassent de loin le Cap-Vert, le lecteur sera convié au long de ces lignes à articuler des logiques locales à des logiques globales ; mieux, l’observation des transformations des relations de genre dans la vie quotidienne non seulement implique des phénomènes, des objets, des idées, des valeurs produites bien au-delà des sphères de vie locale – au-delà dans le temps et dans l’espace, mais implique aussi des phénomènes relevant de la sphère publique, convoquant politique et économie. En d’autres mots, l’ethnographie de ces relations interpersonnelles de genre convoque de multiples phénomènes, logiques et identifications : locaux et transnationaux, passés et présents, politiques et économiques, matériels et virtuels4. Le champ pertinent de la dynamique des identifications qui traversent les relations de genre s’est élargi, densifié ; la dynamique a pris un coup d’accélérateur. 5 En effet, ces transformations nous renvoient à l’intensification incontestable des flux, au cœur desquels ce qu’il est coutume d’appeler le néo-libéralisme donne le ton idéologique à un système qui a retrouvé son nom, le capitalisme contemporain5. Dans les descriptions qui suivent, apparaît clairement l’intrication des logiques matérielles et idéologiques de ce capitalisme qui entretient un climat utopique et irrigue les discours de termes évocateurs d’espace, d’ouverture, de liberté, voire d’égalité qu’elle ne produit manifestement pas6. Olívia da Cunha parle des attraits (encantamentos) du capitalisme, pour mieux souligner ces performances imaginaires : « Les attraits du capitalisme millénariste opéreraient justement à travers leur capacité à combiner le salvationisme, des principes de différence, et des prescriptions légales et morales : l’individu est allégé de ces liens locaux et resitué sous des logiques classificatrices régulatrices propres à l’ordre global mondial »7. Cette observation ne doit pas sous- estimer que ces attraits (encantamentos) produisent également des idées potentiellement émancipatrices, comme celle de société civile par exemple8. 6 Le caractère central, dans l’histoire du Cap-Vert, de l’articulation de la réalité locale avec des processus globaux afin d’assurer l’existence d’une population au seuil de la survie n’est plus à démontrer, elle a profondément marqué l’imaginaire et les pratiques des Capverdiens9. Plus, le Cap-Vert comme espace humain fut fondé justement dans le mouvement du développement d’une économie globale, principalement comme escale dans le développement du commerce triangulaire aux XVIe et XVIIe siècles (principalement sur Santiago et Fogo), plus tard encore au dix-neuvième, c’est toujours pour son rôle dans une économie transcontinentale que la ville de Mindelo est fondée ;

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sa baie et sa position géographique en font un parfait entrepôt de charbon dans l’Atlantique. 7 La multiplicité des sphères, des atmosphères dans lesquelles se jouent les jeux de pouvoir de la vie des Praienses* ne cesse d’étonner. La micro-politique capverdienne, les jeux de pouvoirs significatifs (tels ceux qui traversent les relations de genre) restent encore peu intégrés dans les discours et les techniques institutionnelles de gouvernementalité. Des sphères essentielles de la politique restent tues ou plutôt peu explicitées, très effectives mais pas encore rendues visibles, lisibles, et donc puissantes. Les relations entre, d’une part les dispositifs de gestion et d’analyse de la société justifiés par une morale globale et des normes énoncées, importées, théorisées, opérationnalisées par des procédures concrètes d’« implantation », de contrôle, de suivi et d’autre part, les modèles et modalités locales de sociabilité ; ces relations, objets de multiples tensions, luttes et combinaisons, constituent le terrain d’enjeux qui fragmentent la société. Les dimensions principales de cette fragmentation me semblent les classes, le genre et l’espace de résidence. La fragmentation s’accompagne d’une différenciation sociale accrue, plus ample et plus marquée dans la matérialité. 8 J’aborde le pouvoir par la notion de gouvernementalité, laquelle invite d’abord à penser cette complexité des espaces interactionnels où se jouent les pouvoirs10. La pertinence des sphères qui échappent à la conception classique de l’arène politique et des règles et modalités de participation politique doit retenir l’attention. Penser en termes de gouvernementalité permet de mieux prendre en considération ces sphères plus privées de vie, irriguées par les discours et les normes locales et globales qui orientent les désirs, les choix, les reconstruisent. Les identifications constituent des éléments essentiels d’une étude des dimensions concrètes de la gouvernementalité, car elles entretiennent des relations dialogiques et privilégiées avec des pratiques, expressions, émotions spécifiques. Elles hiérarchisent les entités qu’elles définissent. 9 La consommation, l’individualisme, les signes de distinction sociale de plus en plus patents dans l’espace public, la multiplication et l’élargissement du spectre des classes sociales, l’exacerbation des tensions et conflits entre les genres, … Il n’en faut pas plus pour attester de la postmodernité de nos contemporains africains11. Je tenais à présenter les questionnements et les repères avec lesquels ce travail principalement ethnographique dialogue.

La question ethnographique

Praia. Cap-Vert. 23 août 2002. Notes de terrain

10 [En prenant un café noir avec un ami au snack du coin]. Mon vis-à-vis engage les deux femmes qui prennent un verre à la table d’à côté à « rester encore un peu ». Elles sourient, s’excusent. Elles ne peuvent pas ; elles sortent du boulot et doivent aller préparer le déjeuner. Il les regarde longtemps s’éloigner, en pantalon et top serrant, un peu enveloppées. Elles marchent lentement côte à côte en bavardant. « C’est comme cela que je les aime les femmes, mûres (maduras)12, bien, elles ont leur âge, mais ne te prennent pas la tête (ka ta dau dor di kabesa). Tu paies la location [de son logement] et la bouffe et c’est tout, tu dors là. Quand tu as mal la tête, elles vont te chercher une aspirine à la pharmacie ; si tu as mal ici ou là, elles te massent ». Il fait un geste de la main. Je risque « kariñoza ? (tendre) ». « Yèh, kariñoza ». « Ce n’est pas comme ces meninas

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(jeunes filles). Tu leur parles dans la rue, elles disent : "attends une minute, je viens". Entre-temps, elles sont déjà en train de parler avec quelqu’un d’autre : "dis, attends, je reviens tout de suite…" Et ainsi de suite, elles vont de l’un à l’autre […]. Ces meninas, elles te font un nettoyage général [limpeza geral], après qu’elles soient passées, il ne reste plus rien. Pfuuiiit ! C’est de l’argent pour le portable, les chaussures, les fringues, défriser les cheveux. […] si tu as des difficultés ou que tu es malade, Ciao. ».

11 Huit ans après mon départ du Cap-Vert, je reviens rendre visite aux amis avec la ferme volonté d’éprouver la thèse que j’avais entre-temps défendue, à savoir : la poursuite d’une masculinité hégémonique par les jeunes urbains de Praia que je côtoyais durant plusieurs années ne pouvait faire sens que dans le cadre de certaines relations sociales et surtout de relations politiques qui concouraient à leur reproduction13. Depuis, le multipartisme s’était installé au Cap-Vert. Le MpD (Movimento para democracia – Mouvement pour la démocratie) avait assuré deux mandats et le PAICV (Partido africano para independência de Cabo Verde – Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert) était revenu en force au parlement et au gouvernement à l’occasion des dernières élections législatives. Mes interlocuteurs et interlocutrices privilégiés entraient dans leur quarantaine. Les hommes, la majorité de ces interlocuteurs, ne vivaient plus avec les compagnes que je leur connaissais au moment de mon départ. En fait, la plupart ne vivaient pas en couple. Ils répétaient toujours ce désir, plus murmuré que dit, de toute façon toujours entre quatre yeux : le désir de vivre dans un foyer (lar) ou plus exactement, de diriger un foyer. Un lar implique une maison (kaza), un lieu, une compagne, une femme (mudjer) qui gère la maison, des enfants qui le respectent, à qui il assure les moyens de subsistance. Un lar incarne pour les hommes un idéal : un espace social où ils satisfont leur désir profond d’autorité, de prestige, de puissance et de reproduction. Manifestement, mes interlocuteurs n’ont pu réaliser ce désir. Pour eux, les femmes sont responsables de cet échec : « Le plus grand problème, c’est celui-là : la dispute dans le foyer (guerra dentru di lar). La femme ne veut en faire qu’à sa tête (mudjer krê fazi di sel), elle boit, elle sort, elle va en boîte. Voilà. Elle sort (pega) avec un, l’autre. […]. Difficile. Elle veut se marier ; quand on se sépare, la moitié des choses sont à l’un, l’autre moitié à l’autre et chacun sa vie. De nous, ce qu’elle veut c’est la moitié du salaire, rien de moins, pour acheter des souliers, des pantalons, des robes, des chemisiers, voilà ». Entretien, Praia, 8 août 2002, Homme , 43 ans. 12 Pour les hommes, les femmes qu’ils convoitent, les partenaires potentielles (déterminées par les liens de parenté et l’âge) coûtent cher. Elles demandent de plus en plus de choses. Elles se plaignent des « condições » 14 que l’homme peut leur offrir. En d’autres mots, elles accusent l’homme d’être trop pauvre. Ensuite, elles se plaignent de ce que les hommes sortent trop, de ce qu’ils ont des pequenas (littéralement petites, pequena est une menina convoitée, une amante généralement plus jeune). Ils crient ou battent. Ils ne se préoccupent pas assez des difficultés de la maison, pas assez de la vie que mène leur compagne, toujours à leur service sans argent. Ils rentrent soûls, s’écroulent dans le lit : pas de sexe. Cette critique-là est radicale. Au contraire des autres, elle est sérieusement considérée par les hommes eux-mêmes. La relation sexuelle est communication, échange essentiel sans lequel il n’y a pas de couple. La relation sexuelle permet à chacun des deux partenaires de renvoyer une image positive de l’autre. Les griefs et exigences évoquent le modèle méditerranéen classique de relations de genre : la soumission de la femme, mais sa préséance dans la gestion de la maison ; l’obligation pour l’homme de gagner le pain quotidien (en fait, des espèces

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sonnantes et trébuchantes) du foyer à l’extérieur et de construire une maison ; le « gendering » des espaces et de la sociabilité, la rue pour les hommes, la kasa pour les femmes ; l’importance des relations sexuelles comme valorisation, rétribution, célébration de l’union, mais aussi, théâtre des rapports de soumission et domination entre les deux partenaires15.

13 Les hommes (urbains) avec lesquels j’ai travaillé déplorent l’abandon du modèle. Ces femmes ne seraient finalement pas assez émotives, pas assez romantiques, trop masculines, trop calculatrices, trop sociables, trop présentes, trop à l’aise dans les espaces publics, … Les femmes en fuyant les comportements prescrits, remettent en cause la conception idéale de soi, poursuivie par les hommes, la masculinité hégémonique, alimentée à l’aulne des masculinités périphériques16. En d’autres mots, les femmes déploient dans la vie quotidienne des masculinités hégémoniques dans leurs relations avec les hommes. Une expression populaire traduit très clairement cette situation : des jeunes femmes qui négocient avec leurs amants ; ces derniers disent qu’elles donnent un « soku na rostu » (littéralement : « un coup-de-poing dans le visage »). Le soku en question sont les exigences pressantes des femmes pour des cadeaux de valeur, qui achèvent l’homme. Cette expression met en exergue la violence des relations, le caractère masculin des comportements des femmes dans la relation intergenre, le poids des revendications féminines et enfin souligne la blessure narcissique que ces coups occasionnent pour l’homme, frappé au visage. 14 M. Giraud à propos des Caraïbes et M. Solomon relativement au Cap-Vert ont défendu que les relations entre les genres étaient régies par la recherche du prestige pour les hommes et la respectabilité pour les femmes, plaçant l’homme dans une situation difficile et de compétition avec d’autres dont il remet continuellement la masculinité en cause17. Il construit son prestige, d’une part, sur la conquête de femmes convoitables (adultes et non ménopausées et sans lien de parenté), défaisant leur respectabilité et d’autre part se doit de préserver les femmes membres de son foyer, sa famille, de la perte de la respectabilité. Le prestige pour les hommes, la respectabilité pour les femmes. L’exigence de respectabilité n’est jamais aussi contraignante pour les femmes que lorsque les potentiels partenaires masculins et les responsables du foyer, masculins eux aussi, partagent le régime d’exclusion de la masculinité hégémonique. La menace pesant sur la femme dans ces relations de contraintes inégales, est de se retrouver sans foyer (lar), rejetée, seule, sans moyen de subsistance. Or, la rue n’est pas l’espace des femmes, surtout pas des femmes respectables. Dans nombre de relations que j’ai pu observer au cours de mon premier séjour, la femme jouait son corps dans les relations avec les hommes ; plutôt les hommes avaient le pouvoir de cadrer leurs relations avec les femmes ainsi : la femme comme un corps à consommer – source de plaisir, mais surtout de prestige, comme une acquisition, une conquête (il faut ici prendre le terme dans son acception militaire) lui renvoyant ainsi qu’à ses pairs, une image de lui-même comme puissant, tandis que la femme cherchait à troquer son corps contre un lar : la sécurité. 15 Dans ce régime dicté par la masculinité, la femme ne pouvait que rechercher la stabilité, courant le risque de donner sans rien recevoir et de perdre de surcroît la respectabilité. La taille de l’enjeu pour la femme dans ces relations impliquait souvent des expressions émotionnelles proportionnelles, renforçant la perception de la femme comme particulièrement instable et fragile par nature. Pragmatiquement, ce cadrage dominant des relations avec les femmes par les hommes reproduisait une identité

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essentialisée des femmes, prisonnières de leurs faiblesses, leur cupidité, guidées par leur éternel souci de stabilité, de survie. Si Pina Cabral trouve les fondements imaginaires de ce modèle dans une interprétation tout aussi fondamentaliste de la Genèse18. Au Cap-Vert, ce mythe semblait réinterprété dans celui de la fondation du Cap-Vert : La femme noire, africaine, en copulant avec les colons blancs fondait bien sûr le Cap-Vert et la créolité, élément essentiel de l’identité du Cap-Vert, en permettant le métissage, mais était guidée dans ce mouvement par son souci d’assurer le futur de ses rejetons, puisque les enfants nés de relations « mixtes », échappaient à la condition d’esclave. Quoi qu’il en soit, la femme dans les deux mythes est dangereuse, peu fiable, traîtresse, prête à se servir de son corps à des fins propres, peut-être même pour satisfaire sa cupidité et son appétit « naturel », bref est source de perturbation, changement. Tandis que l’homme reste le garant de l’ordre. Il assure la reproduction du foyer et finalement, le contrôle de la femme s’impose comme essentiel à la reproduction de la société. 16 Logiquement, dans ce modèle de relations de genre, l’enfant a un rôle particulier comme acteur central du lar, de la reproduction de l’ordre ; l’enfant en engageant la responsabilité de l’homme dans la reproduction, devrait faire basculer sa mère du statut de pequena (amante) à celui de mudjer (femme). En mettant au monde son enfant, la femme engage l’homme dans une autre relation, elle engage la responsabilité de l’homme. Les hommes soupçonnent toujours leur pequena, enceinte d’eux, de manipuler leur fertilité pour soit s’attacher l’homme et donc un foyer contre son gré, ou alors pour l’exploiter, puisque l’homme a l’obligation morale d’assurer les condições, le bien-être des membres de sa famille. La femme, responsable de la domesticité, se préoccupe beaucoup du bien-être et de l’apparence extérieure de son enfant. Son investissement dans l’espace domestique est tel qu’elle tend à se confondre avec les éléments de son espace. Les personnes, objets attachés à la domesticité, sont de véritables métonymies de la femme. Ces objets attachés à la maison l’incarnent ; les évaluations dont ils sont l’objet, la jugent, elle. Une dame de soixante-dix ans, Miña, avec laquelle je discutais du multipartenariat dit : « Et qu’est-ce que l’homme a à donner à la femme ? Deux ou trois femmes, et qu’est- ce que l’homme a (kuz é ki ômi tem) ? Rien que pour donner à manger à trois femmes, aux enfants ? ». 17 La critique de Miña s’insère dans le modèle dominant ; l’homme n’a pas les moyens de sa politique. Il veut des femmes, mais n’a rien à leur donner. Il a pourtant l’obligation de pourvoir aux besoins de ses femmes, celles avec lesquelles il a des enfants. Entre l’homme et la femme, il y a un contrat, le corps est à lui, mais il doit l’entretenir. Finalement, Miña ne met pas directement en cause la prétention des hommes à avoir plusieurs partenaires en soi, elle n’attaque pas l’instrumentalisation, la domination de la femme par l’homme : intelligemment, elle insiste sur le fait que l’homme ne peut respecter le contrat. Il n’en a pas/plus les moyens.

Les temps changent

18 J’ai présenté le modèle idéal défendu et réclamé par les hommes, ce qu’un de mes interlocuteurs masculins appelle les principes (prinsipius). Évidemment, ce modèle idéal n’est jamais atteint. Plus qu’une représentation théorique, il s’agit d’un discours, formidable instrument légitimant, motivant la prétention hégémonique de l’homme, préconisant une sociabilité idéale dont les relations avec les femmes convoitables ne

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sont qu’un aspect, évidemment fondamental. Ce discours détermine les désirs de l’homme en termes de réalisation de soi. Bien sûr, le modèle de relations sociales préconisé a toujours été contesté et est souvent irréalisable, même dans les zones rurales, pour des raisons objectives telles que l’absence des « chefs de famille » émigrés, le manque de ressources des hommes, les résistances et luttes des femmes.

19 La lutte quotidienne des femmes pour que les termes de l’échange soient respectés est ancienne. La nouveauté viendrait plutôt d’un autre regard de la femme sur ces termes. Peu confiante dans la volonté et capacité de l’homme à entrer dans une réciprocité déterminée par le modèle idéal, refusant la domination, la femme négocie directement la relation avant tout engagement. L’accès au corps sexué de l’autre passe par une négociation individuelle entre les potentiels partenaires dans laquelle une partie poursuit prestige et possession et l’autre reconnaissance et respect. D’un point de vue masculin, le corps de la femme comme amante ou partenaire implique une négociation centrée sur l’échange de biens et espèces. En se comportant comme un produit dans les espaces publics, elle adopte des comportements masculins. Ainsi, les changements dans les relations de genre pourraient être résumés par deux traits : d’abord, une marchandisation du corps de la femme, une rétribution immédiate de ses faveurs sexuelles et une exigence morale affirmée de contribution aux services qu’elle rend en s’occupant de la reproduction. La perte de légitimité du modèle classique et sa prégnance continue résument ces traits et débouchent sur l’adoption par les femmes de comportements caractéristiques de la masculinité hégémonique à Santiago. Je vais analyser plus en détail ces deux traits.

Masculinité pour tous

20 L’idéal de la masculinité hégémonique n’est pas remis en question. Il est de plus en plus poursuivi par tous les individus et génère conflits et accommodations distanciées entre les deux genres. Cette dynamique de changement bouleverse l’organisation sociale et génère pour les femmes comme pour les hommes une anxiété à la mesure de la remise en question de l’unité sociale de base, le lar. Le propos doit toutefois être nuancé. Les femmes ont toujours dû et ont poursuivi ce genre de la masculinité, mais dans leur sphère sociale propre, contraintes à la domesticité, avec d’autres femmes, des jeunes, des vieux, mais pas dans la sphère publique et en confrontation directe avec des hommes dans les interactions quotidiennes19. Il a toujours été fréquent d’entendre une femme justifier une colère, une attitude, une opinion, un conflit par le fait qu’elle est une personne « qui ne tolère pas d’être trompée, abusée », « qui sait et qui sait convaincre de la pertinence de son savoir ». Mais maintenant des femmes s’opposent aux desseins des hommes et les confrontent en défendant être une personne digne de respect, une personne autonome ; elles adoptent les mêmes comportements sociaux dans leurs relations avec les hommes. Contraintes à « dezenraska vida » (se débrouiller) seules parce que les hommes n’assurent pas, elles en prennent acte et poursuivent leurs propres stratégies, recourant aux ressources disponibles localement. J’ai évoqué le discours de la masculinité associé dans les pratiques de communication locales à l’autonomie et le respect, je vais poursuivre l’exploration de ces ressources.

21 Outre ces interprétations en terme de réactivité, ne concevant finalement le pouvoir que comme contrainte, dans l’analyse qui suit, je m’attarderai sur les effets incitateurs du pouvoir. Si dans le discours des hommes, ces nouvelles femmes urbaines perdent des

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traits de féminité (tendresse, générosité, attention, serviabilité, …) et en gagnent en masculinité, elles restent toutefois des femmes. Ils insistent inlassablement sur leur appétit de consommation (entre autre sexuel), sur leur vanité, leur manie d’imitation de pratiques étrangères. Évidemment ces traits « féminins » renvoient au modèle classique évoqué plus haut ; ils renvoient au mythe, la femme consommatrice, toujours encline à fuir les usages habituels, futile voire cupide. Cette image essentialisée de la femme infantilisée et donc à contrôler est reproduite avec acharnement par mes interlocuteurs. 22 Ainsi, entre les genres, chacun a de plus en plus les moyens de poursuivre une aspiration profonde et partagée : être respecté par les autres et avoir une image positive de soi-même, être une personne autonome, « réalisée » (realizadu), respectée, ne pas avoir la honte qui naît du sentiment de se faire flouer (Neñum ômi ka ta pisam na ombru : aucun homme ne me met le pied sur l’épaule). En revanche, une autre aspiration partagée, celle de former un foyer se révèle difficilement réalisable. 23 La quête du respect est contrainte, non seulement par le contexte économique difficile ; le manque d'emploi, de « travail » est une critique sempiternelle du peuple envers les politiques, mais aussi par le modèle de domination masculine que les hommes rabâchent toujours aussi obstinément. Dans ces conditions, la poursuite du respect rend les stratégies des deux genres irréconciliables. Les hommes et les femmes partagent de moins en moins le même espace de résidence ; le respect n'est possible que dans la préservation d'une opacité entre les deux partenaires. La femme refuse de plus en plus de subir tacitement les velléités auxquelles l'expose la poursuite du prestige de l'homme et se distancie elle-même de lui ; quant à l'homme, il refuse d'abandonner la dispersion qu'impliquent cette quête de prestige et cette convivialité masculine essentielle à l'auto-estime. 24 Les femmes continuent à développer leurs capacités de survie, s'efforçant d'échapper à leur dépendance financière vis à vis de l'homme. Elles font preuve d’une grande imagination, créativité et volonté20. Les relations occasionnelles se multiplient, le multipartenariat est constant et partagé. La cohabitation entre des relations occasionnelles et une relation plus stable est fréquente, mais les partenaires ne partagent pas le même espace de vie. Je me suis souvent étonné des tensions entre les partenaires, traversées de reproches, de négociations ; et puis d’ordres de l’homme lancés à la femme. Tandis que lors des contacts avec les femmes à conquérir, l'homme oscille entre un comportement grivois et mielleux. La femme se met de plus en plus dans une position de fournisseur de services, plus valorisante, semble-t-il, que celle d’épouse.

Nouveaux systèmes, nouvelles ressources

25 Jusqu’à présent, j’ai décrit les changements dans les relations de genre à Praia grosso modo depuis les premières élections libres et l’avènement de la seconde république. Mon travail ethnographique sur les dynamiques identitaires des jeunes hommes de Praia au début des années 1990 a montré que la reproduction des modèles conservateurs par les hommes est intimement liée aux relations politiques et aux conditions économiques dans lesquelles ils vivent21. Dans la mesure où ils constatent, dans des situations spécifiques de communication et réflexivité leur impuissance ou leur statut d’inférieur dans les deux derniers domaines cités (politique et économie), les

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hommes se referment sur les sphères et réseaux sociaux dans lesquels ils ont une image positive d’eux-mêmes, ou plutôt dans lesquels ils peuvent mettre en œuvre des identifications conformes à leur conception idéale de soi, c’est-à-dire la sphère domestique et la sphère semi-publique des relations entre des pairs, dans les réseaux sociaux, familiaux, régionaux. C’est la compensation.

Les infrastructures, les offres

26 Si les changements politiques, économiques et sociaux des dix dernières années ont affecté les relations de genre, il faut montrer comment, par quelles relations, quelles associations. Les descriptions précédentes indiquent la centralité des relations de genre dans le processus identitaire. Elles ont montré également combien les identifications de genre étaient diversifiées, impliquant des pragmatiques et des relations différentes. Pour les femmes : les cotas (vieilles), les mudjeres (femmes), a mudjer (la femme-épouse), les meninas (petites filles), les pequenas (les petites), les damas (les dames), les raparigas (jeunes filles), mãe di fidju (la mère d’un enfant). Quant aux hommes : ômi (homme), rapaz (garçon, gars), rapazinho (gamin), velho (vieux), moço (jeune homme), ômi mofinu (homme faible). Ces catégories se distinguent selon l’âge, le lien de parenté, l’accessibilité formelle aux corps des personnes identifiées, l’autorité des personnes, leurs ressources matérielles et selon le degré d’essentialisation des catégories. Ces catégories sont affectées différemment par les changements. Il faut se pencher sur les changements non dans leur dimension formelle, au-delà donc de la transition politique et économique officielle, mais en adoptant une perspective phénoménologique ancrée dans l’ethnographie22. Comment la transition politique et économique a mis à disposition de nouvelles ressources mobilisées dans les relations de genre ? Il ne s’agit pas ici de développer une anthropologie de la transition politique, mais bien de tisser les liens établis dans les pratiques quotidiennes contemporaines et les éléments observés dans les relations entre les genres et les changements attribués à la « mudansa ». « A mudansa » (littéralement, le changement) est l’élément central de l’identité du MpD (« o partido da mudança » – le parti du changement) et désigne au Cap- Vert, l’« ouverture politique » (a abertura política), le changement de régime et de système politiques, la transition du parti unique au multipartisme de 1991.

27 D’abord, les transformations économiques et sociales ont permis aux femmes un meilleur accès à des ressources essentielles : l’éducation. La décentralisation municipale, les fonds obtenus par la privatisation des entreprises publiques et les emprunts consentis ont permis de multiplier et de décentraliser l’offre de formation, principalement dans l’enseignement général ; l’enseignement technique n’a malheureusement pas connu un développement proportionnel23. L’offre en terme d’enseignement supérieur s’est également accrue. L’évènement le plus significatif dans ce secteur étant l’implantation à Praia de l’université coopérative Jean Piaget. La généralisation des institutions d’enseignement secondaire, à l’échelle du pays, a permis un large accès à l’éducation formelle à un grand nombre de jeunes des deux sexes. L’école secondaire a cessé d’être un privilège où les hommes avaient un accès prioritaire à cette ressource centrale au Cap-Vert. L’importance de l’éducation formelle dans le statut social – et donc et surtout dans l’imaginaire – a des bases solides24. 28 D’une part, l’éducation formelle garantit au diplômé des connaissances, un savoir étranger à la majorité qui le valorise25. Or, savoir constitue un élément central de la

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conception idéale de soi. Dans la mesure où le savoir est associé à l’extérieur du Cap- Vert, il gagne en valeur, dans la perspective évolutionniste caractéristique, plaçant aux deux extrémités d’un continuum les pays « sous-développés » (le continent africain) et à l’autre bout l’Europe et les États-Unis, et entre les deux le Cap-Vert créole, synthèse des deux mondes. D’autre part, dans le discours dominant, et dans l’imaginaire collectif, la survie du Cap-Vert dépend du rôle d’intermédiaires, d’individus capverdiens par lesquels des ressources extérieures complètent les défaillances internes. Le personnage d’intermédiaire est une constante dans les élaborations identitaires nationales, dans la narration de la fondation du Cap-Vert comme nation, peuple. Que l’on pense aux premiers temps du commerce entre les îles et la côte de Guinée où les lançados, jouaient le rôle d’intermédiaires entre les peuples de l’Afrique continentale et leurs mentors restés dans les îles ; que l’on pense au rôle des émigrés comme postes avancés, particules nationales permettant littéralement d’alimenter en ressources diverses et à une échelle inégalée depuis ces dix dernières années, la « terra ». Ces intermédiaires à l’échelle continentale, plus exactement atlantique, se sont doublés d’intermédiaires locaux entre les mondes, entre la réalité locale et les moyens disponibles ailleurs (importation de la technologie de gestion des institutions, de l’environnement aride, etc.). Ce rôle n’a été possible que grâce à l’immense effort d’articulation de l’identité capverdienne, identité culturelle et politique, réalisée par des intellectuels à partir des années 1930, les Claridosos. À partir de ce moment, le rôle des intellectuels diplômés est central dans l’histoire politique des îles du Cap-Vert, dans la poésie, le mouvement claridoso, la lutte pour l’indépendance, la formation du MpD. L’éducation formelle constitue une ressource centrale à l’affirmation de l’identité collective, la transformation du pays, la responsabilité pour le collectif (povo : peuple) et la promotion individuelle. 29 Pour les hommes que je fréquentais, les pequenas di liceu (les petites de lycée), constituent une catégorie rebelle, têtue, difficile à dominer. En étudiant, elles se garantissent un meilleur accès à l’emploi et donc à une autonomie financière qui les libère du chantage au rejet dans la rue par l’homme et par sa famille. Elles s’approprient aussi des modèles exogènes questionnant potentiellement l’ordre défendu (et sa morale) par le mâle en quête d’hégémonie. On retrouve ainsi autour de cette ressource la dynamique entre l’innovation régénératrice et dangereuse, risquée, si souvent associée à la femme 30 Outre l’éducation, des investissements ont été réalisés dans les infrastructures collectives notamment dans la distribution d’eau potable. Tout effort au profit de l’allégement des tâches domestiques libère la femme à laquelle incombent ces tâches. On ne se lassera pas de souligner le rôle central des femmes dans les initiatives commerciales. La libéralisation du commerce, le rôle actif de la compagnie aérienne nationale ont ouvert de nouvelles opportunités commerciales ; lesquelles ont été principalement saisies par des femmes, s’assurant ainsi des revenus leur garantissant plus d’autonomie et la capacité à éduquer leurs enfants. Comme je le signalais plus haut, la grande majorité des clients de projets de micro-crédit sont des femmes, inventives et créatives. Les femmes plus que les hommes ont saisi ces opportunités nouvelles. Les hommes quant à eux, se lamentent toujours du manque d’emploi ; la construction civile n’absorbe pas toute la main-d’œuvre disponible. Ces emplois salariés ne viennent pas. Et pourtant d’autres types d’hommes sont apparus récemment, des hommes commerçants, vendant des produits importés d’Afrique ou d’Extrême Orient, sur les marchés mais surtout arpentant les rues de la capitale et les

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routes de l’île entière, chargés de montres, thermos, peignes, produits cosmétiques : des immigrés sénégalais. Ceux-là ont créé leur emploi, mais leur masculinité est souvent raillée ! De nouveaux commerçants chinois ont immigré au Cap-Vert également. Ils ont ouvert des « chinas » (littéralement chines), commerces tenus par des immigrants d’origine chinoise où sont vendus des produits importés de Chine, des produits fonctionnels : chaussures, sacs, valises, thermos, et objets ornementaux : horloges, tapisseries synthétiques et puis les petites figurines réalistes de porcelaine. Pour mes interlocuteurs masculins, ces nouveaux arrivés sont marginaux par rapport au modèle de masculinité qu’ils défendent. Dès lors, ils s’étonnent que ces nouveaux arrivés parviennent rapidement à s’exprimer en créole et puis qu’ils nouent des relations avec des femmes capverdiennes, alors que les femmes d’origine chinoise, bien présentes dans ces commerces, ne sortent pas avec des hommes capverdiens.

La spirale ou le tournis du changement

31 Pour saisir les relations entre la transformation du système politique et les relations de genre, il faut revenir aux impressions que le changement, la mudansa, suscite pour mes interlocuteurs. Ces impressions sont traversées par deux mouvements contradictoires qui se fondent sur la polysémie de « a mudansa ». D’abord, la mudansa est le changement de système politique et le changement de gouvernants également. Dans ce sens la mudansa s’inscrit dans le discours politique public. Et ici, les Capverdiens confondus sont très critiques : « rien n’a changé », « c’est pareil (É kel mê) », « qu’est-ce que le MpD a fait ? »26. Les hommes surtout s’étendent volontiers sur ce sujet : les jeunes des autres îles et de l’intérieur de Santiago continuent d’affluer à Praia, ils ont toujours autant de mal à trouver des emplois fixes et à obtenir des revenus qui leur permettent de se stabiliser (realiza). Le Cap-Vert a gardé pour la majorité cette image de fragilité, de pauvreté atavique, liée à la sécheresse, à la mémoire collective des famines. Or, une aspiration profonde des Capverdiens, c’est de pouvoir dépasser cette identité, l’identification avec le pays, la « terra » est telle que cette fragilité de la terra déteint, marque les individus, cultive en eux une perception péjorative de soi. J’ai pu constater dans les classes populaires, mais aussi dans le discours de certains politiciens, anciens politiciens, personnalités culturelles, cette volonté, cette attente envers les gouvernants : qu’ils arrêtent de reproduire le discours de la fragilité, de la pauvreté (koitadeza) sensé leur assurer l’aide internationale, mais qui aussi, leur permet de justifier leur incapacité ou leur absence de volonté et/ou intérêt à stimuler la production nationale, en recourant à l’éternelle raison du facteur « naturel », lequel cultive une mémoire collective douloureuse, une image de soi négative qui tendrait à laisser croire abusivement que la climatologie et le secteur vivrier constituent la ressource principale du Cap-Vert. « Quoiqu’il y ait eu une mudansa politique et économique, moi, notre population, la mudansa que nous avons vue est bien minime. Mudansa, […] la population est bien plus élevée dans la capitale. Un joli (bonitu) nouveau quartier est apparu, Palmarejo. Ici, par exemple, un quartier qui n’existait pas, Bela Vista, qui a déjà ces quelques milliers de personnes installées dans leur propre maison. Mais, regarde, mudansa, en quoi ? Les parents ont des problèmes avec leurs jeunes qui se plaignent continuellement, peu de travail, pas de développement. Il n’y a pas un politicien qui se lèverait ainsi, un cadre, quoi, qui dirait, non, nous avons une ressource, une chose sur laquelle on peut vraiment compter. […] tu vois, ça, ça n’avance pas. Très peu. Et puis maintenant, eux qui sont au gouvernement, disent

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qu’ils ne peuvent rien faire, parce que le pays est comme ça, l’aide (apoiu) qu’ils reçoivent est minime. Mais, lui [le gouvernement], il s’en tire comme ça, tu vois ? » Entretien, Praia. 23 août 2002, Femme, 39 ans. 32 Les choses difficiles, mais rien n’a changé : la santé de la terra est fragile et la capacité des politiciens à répondre aux attentes des citoyens est également mise en question. La terra est toujours marquée par le sceau de la pauvreté qui s’étend à la majorité de son corps citoyen. Il importe de noter combien cette image négative de la terra par rapport à sa capacité à survivre contraste avec la capacité de sa « kultura » à se valoriser à l’extérieur du pays, notamment dans le domaine musical, toujours très dynamique et innovateur tant à Santiago que dans l’immigration.

33 Par contre, les mêmes personnes se réjouissent d’une autre mudansa. « Tu n’as pas vu, me dit une amie, Praia est devenue belle (dja vira bonitu) ». Une autre me dit : « Praia ? Praia est devenue super (sâbi) ». La ville a changé, elle est plus savoureuse (sâbi), il y a plus de bars, de restaurants, d’endroits de divertissement. Des quartiers entiers ont surgi, des quartiers de pauvres, des quartiers de riches. Des immeubles résidentiels et villas privées se sont multipliés ; les immeubles réalisés par les entreprises immobilières privées et de l'État se distinguent par leurs couleurs vives, leurs fluos prononcés, leur degré de finition extérieure. Praia est plus « zonée » que jamais. Les nouveaux quartiers riches se développent à l'Ouest de la ville, occupés par ce que l'on appelle désormais à Praia comme à Rio de Janeiro, la « classe média ». La classe moyenne a fait son entrée dans la sociologie populaire, comme un agent social, son apparition paraît concomitante avec l'inscription dans l'espace de la ville d'une zone qui lui est propre. Un autre terme, une autre réalité sociologique, le « condomínio » a été importé du Brésil comme mode d'organisation de la vie urbaine. Tous mes interlocuteurs surtout les plus modestes qui de toute évidence ne peuvent prétendre s'installer dans ces nouveaux quartiers, trouvent que ces quartiers embellissent la ville. 34 Ce changement positif tient beaucoup à l’image que la ville déploie au regard. La ville est devenue belle parce qu’on y trouve de belles choses, des immeubles qui sont beaux, les alentours aménagés, pavés, le bâtiment lui-même peint. Praia est devenue « belle » aussi parce qu’elle présente des traits typiques d’une grande ville « moderne », zonification, trafic automobile, diversification des commerces, services, produits, lieux de distraction, restaurants, boîtes. Image et mouvement, création et importation, Praia accélère son mouvement de digestion et de production de flux de biens, de personnes, d’images, d’informations ; il s’agit donc d’un processus de diversification des corps, des groupes, des classes sociales, des liens, des références, qui s’inscrit dans les matérialités quotidiennes. 35 Plus encore que l’apparence, le mouvement, l’accélération des flux, des échanges, des processus d’intégration et innovation séduisent et réjouirent les urbains. Telle une ivresse, la capacité de la ville à absorber et innover emporte ses résidents dans une spirale d’objets, de corps, d’espaces dont le revers est la perturbation de l’ordre. Tension qui consiste à se réjouir d’une articulation plus grande avec le reste du monde sans pour autant renoncer à une insularité identitaire, sectaire, qui rappelle suffisamment d’autres insularités ethniques et de classe.

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S’adosser aux forts, renoncer à la dignité

36 Je suggérais à un ami que la volonté des femmes à pouvoir consommer, à se doter d’instruments de prestige dans la sphère publique et domestique instaurait une attitude consistant à affirmer et à poursuivre leur autonomie. Il m’opposa une interprétation plus essentialisée, centrée autour de l’image d’une femme subissant la loi de son désir individuel, au détriment de l’ordre : « Non c’est que les femmes ont plus de difficultés que les hommes à trouver un emploi, elles sont à la marge. Il y a déphasage (desfazeamento) entre le développement de l’économie et le développement des désirs, l’économie ne suit pas ; c’est nourri de l’extérieur, la télé, la radio, l’Internet… Alors, la femme, elle cherche à s’adosser (enkosta na ômi) à l’homme, pour trouver de quoi vivre ». 37 Ce type de commentaire, typiquement masculin, plus qu’une analyse, réinterprète les phénomènes dans une perspective produisant une femme futile, imitatrice et incontrôlée, dépendante. Le verbe employé « enkosta » (s’adosser), utilisé pour qualifier la relation de la femme à l’homme, signifie une relation de dépendance, marque une relation patriarcale. En discussion avec un jeune producteur de poivrons, bananes et noix de cocos dans l’intérieur de l’île de Santiago, il dit fièrement : « Je n’ai pas besoin de compter sur (enkosta) les politiciens », il ne vend pas son vote, « ce n’est pas comme les rapazes (jeunes hommes) qui attendent un travail en échange [de leur fidélité] ».

38 Enkosta implique donc une relation de clientélisme, de soumission au patriarche en retour de quoi, celui-ci aide, protège, promeut. L’analogie des relations entre bailleurs/ Cap-Vert, politiciens/travailleurs et hommes/femmes saute aux yeux. Cette critique de la dépendance, nourrie par la conception idéale de soi, marquée par la volonté de s’affranchir de la dépendance et de la domination des entités patriarcales s’applique tant aux relations politiques qu’aux relations de genre. L’énergie de refus de la dépendance et de l’infantilisation a trouvé une nouvelle vigueur dans le processus de transition, tant d’un point de vue matériel qu’idéologique27. On l’aura compris – et comme me le confie un fondateur du MpD, ministre du premier gouvernement du MpD –, ce qu’a permis la transition, c’est la beauté, l’augmentation des flux, l’insertion dans le monde, la levée de contraintes : « [Lors de la campagne électorale de 1991] Nous sommes arrivés à réunir les personnes autour de quatre ou cinq idées de base : On a dit, la démocratie pluraliste, donner la liberté aux personnes, autonomie de la société civile, liberté syndicale, liberté religieuse, d’organisation politique, liberté de manifestation, liberté… Nous avons facilement trouvé un consensus sur cela. », Entretien avec E., Praia, 21 août 2002. 39 Ces idées de base utilisées durant la campagne ont mobilisé les électeurs, elles se résument à trois grands thèmes : plus de libertés, moins d’autoritarisme et plus de moralité dans la gestion de la chose publique. Encore une fois, ces principes propres aux relations politiques s’appliquent aux relations de genre ; dans les deux cas, il s’agit de se libérer individuellement d’une autorité patriarcale qui est finalement très chagrine.

40 Si la majorité des Capverdiens partage ce désir profond de respect, d’autonomie, depuis longtemps, l’ouverture politique (a abertura política) donne les moyens et l’élan aux femmes pour poursuivre, plus volontairement que jamais, ce désir d’autonomie, de liberté de pouvoir être, de pouvoir grandir et de refuser la dépendance patriarcale. En outre, se déclarant libéral en contraste avec un régime précédent qui se définissait

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comme socialiste, participatif, le nouveau système politique rompt l’exigence d’égalité sociale, de lutte contre les classes, il devient donc moral d’afficher son opulence, sa richesse, finalement son prestige par les avoirs. La consommation, en plus d’une articulation avec un extérieur valorisé, est un instrument de prestige. Dans la mesure où l’ouverture politique fomente la « beauté », la consommation, les opportunités d’articulation avec l’extérieur, la liberté et le respect, elle est intimement liée à la transformation des relations de genre. La transition politique a donc favorisé une épiphanie pour certaines femmes. 41 Du point de vue masculin, cette transformation est en même temps désirée et redoutée. S’ils partagent l’enthousiasme, le désir de mudansa, se retrouver dans un monde plus ouvert, crée plus de compétition que de sécurité pour lui. Il lui est difficile de s’adapter aux nouvelles conditions car la marchandisation des corps, des objets, des relations, la monétarisation généralisée des échanges véhiculent des valeurs : imitation, apparence qui restent pour le modèle qu’il défend et qui le rend puissant, féminines. Il se retrouve donc piégé dans la logique de son désir et les transformations qui s’imposent à lui ; il n’a toujours pas la maîtrise de sa survie ; les nouvelles stratégies des femmes rendent ses modes de coercition de moins en moins opérants. Pour que la cohabitation entre l’homme et la femme devienne possible, il faudrait que la femme se conforme alors aux vieux « principes » (principius) : dona é da kaza, ômi na rua (femme est à la maison, l’homme à la rue) et ignore la spirale « libérale, démocratique, modernisatrice » à laquelle, elle voudrait participer : accéder à la rue, à la démonstration, à la consommation, instruments de son autonomie et affirmations de son pouvoir.

* * *

42 Voici donc des interactions quotidiennes dont les termes et les instruments sont sérieusement cadrés matériellement, mais aussi dans l’imaginaire par des logiques globales qui les rendent lointaines et extrêmement proches, si commodes à la comparaison d’autres quotidiens. De cette configuration actuelle, la « beauté » du développement semble vernir l’inscription dans la matérialité quotidienne d’inégalités avec lesquelles riment la libéralisation et les formes actuelles du capitalisme.

43 La marchandisation du corps et la remise en cause des masculinités hégémoniques se poursuivent en même temps que les différences sociales s’affirment de plus en plus dans les espaces publics capverdiens28. La valorisation de l’articulation avec l’extérieur comme réflexe pour échapper à la famine, pour la promotion économique, relève d’une logique profondément inscrite dans l’imaginaire capverdien : elle trouve une nouvelle voie d’expression dans les discours de la globalisation néolibérale, dans la mesure où ils « évoquent la potentielle égalité et uniformité de tous les peuples et cultures », mais surtout la promotion de soi à travers l’ouverture, le changement, la libéralisation29. 44 L’analyse des changements dans les relations de genre a convoqué, à travers les liens continuellement tissés, des phénomènes habituellement distincts ; l’étude de la gouvernementalité, grâce à sa proximité avec la pragmatique, n’en devient que plus stimulante pour une telle ethnographique diachronique du pouvoir. Une question pratique la traverse : comment chacun se comporte-t-il ? Selon quelles forces, selon quels rapports, les conduites observées et observables s’orientent-elles ? Quelles aspirations, quels désirs sont-ils produits ? Suivant à la trace les éléments centraux des expériences contemporaines des relations de genre, les liens entre l’identité, les désirs,

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les relations politiques, les conditions économiques, les techniques et les connaissances se sont imposés30. J’ai montré combien les dialogues entre ces différents éléments régulaient les conduites ; ils constituent une sorte de réseau d’entités humaines et non humaines, continuellement en mouvement et en relations plus ou moins stables. Ce qui me frappe dans le cas présent, c’est la tension existante entre différentes propositions de gouvernementalité, qui se distinguent par rapport à la conception de soi, une morale, des modes de communication et de sociabilité. La confrontation entre ces différents réseaux, imbriqués dans la vie quotidienne, mais distincts encore par les pratiques de résistance, de conservation et de compensation, donne lieu à des innovations aux conséquences profondes ; le pouvoir, la multiplication et l’importance des entités non humaines dans ces changements sont patents et pratiques, et au cœur des tensions. Toutefois, il ne faut pas se lasser de souligner l’importance et la spécificité (souvent qualifiée d’individualiste par les Capverdiens) de la conception de la personne idéale. Mes références au modèle méditerranéen classique de relations de genre appellent naturellement à la comparaison avec d’autres pays lusophones africains. 45 Deux objets me paraissent particulièrement féconds pour une comparaison des gouvernementalités et du pouvoir entre les catégories, entre les situations. Le premier est relatif aux voix, aux musiques populaires : il faudra traquer, filer leurs usages dans la vie quotidienne (politique, affective, économique, idéologique) ; leurs liens dialogiques avec l’expérience journalière. Le second est la consommation. Celle-ci est un mode de relation particulier à certains objets ; elle est performative, elle est processus (d’identification, d’acquisition, de possession, de démonstration, de plaisir, etc.). Un mode de relation aux choses, un mode de relation essentiel au capitalisme et à son expansion, à la fois instrument d’émancipation et étroitement associée à l’accroissement de l’incertitude, des tensions et de la différenciation sociales. La consommation peut être épiphanie, relation et conception particulière du monde, conduite encouragée et stigmatisée. Quels sont ses usages dans les gouvernementalités africaines contemporaines, quelles sont ses dimensions collectives ? Quels autres types de relation avec les objets de plus en plus abondants, observe-t-on ? Que nous apprend- elle sur l’importance des objets non humains pour les sois contemporains ? 46 Février 2005

NOTES

1. . W.F. HANKS, Language and Communicative Practices, Boulder, Col., 1996.

2. . GOVERNO DE CABO VERDE, Programa nacional de luta contra a pobreza, 1998. Consulté le 25 janvier 2005 sur

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3. . J. COMAROFF & J. COMAROFF, « Introduction », in J. COMAROFF & J. COMAROFF (eds), Civil Society and the Political Imagination in Africa. Critical perspectives, Chicago, University of Chicago Press, 2000 : 1-43. 4. . J. COMAROFF, & J. COMAROFF, « Ethnography on an Awkward Scale : Postcolonial Anthropology and the Violence of Abstraction », Ethnography, (IV) 2, 2003 : 147-179. 5. . A. APPADURAI, « Disjuncture and Difference in the Global Cultural Economy », in M. FEATHERSTONE (ed.), Global Culture: Nationalism, Globalization and Modernity, Londres, Sage, 1990 : 295-310. 6. . F. CORONIL, « Towards a Critique of Globalcentrism : Speculations on Capitalism’s Nature », Public Culture, 2000, XII (2) : 369. 7. . O. CUNHA, « Reflexões sobre biopoder e pós-colonialismo : relendo Fanon e Foucault », Mana, VIII (1), 2002 : 157-158. 8. . J. COMAROFF & J. COMAROFF, « Introduction », op. cit. : 33.

9. . H. CARDOSO, « O erro de A. Carreira », Cultura Cabo Verde, 1998, 2 : 33-43. *. Note de la rédaction : habitants de Praia. 10. . D. MITCHELL, Governmentality. Power and Rule in Modern Society, Londres, Sage, 1999, 229 p.

11. . J. FABIAN, Time and the Other. How Anthropology Makes Its Object, New York, Columbia University Press, 1983. 12. . Les termes en italiques sont en créole capverdien. J’ai tenté dans mes transcriptions de respecter la graphie de l’Alupec (Alphabet unifié pour l'écriture de la langue capverdienne) – le créole. Supplément au Boletim Oficial da República de Cabo Verde, 31 décembre 1998, Ie série, 48. 13. . G. MASSART, Communication et postmodernité : approche ethnographique de la pragmatique des identités en Afrique Lusophone (Îles du Cap-Vert et Mozambique), thèse de doctorat de l'École normale supérieure de lettres et sciences humaines, Arts et sciences de la communication, Lyon, 2002, 604 p, multigr. ; G. MASSART, « Gender and Politics through Language Practices among Urban Cape Verdean Men », in V. GODDARD (ed.), Gender, Agency and Change, Londres, Routledge, 2000 : 142-164. 14. . En clair, « les conditions économiques » désignent les ressources que l’homme peut offrir. En effet dans le modèle idéal du lar, l’homme doit assurer le bien-être matériel de son lar, argent, logement, équipement. Le premier membre du lar est la femme. Sans une personne féminine adulte, il n’y a pas de lar. 15. . J. PINA CABRAL, Filhos de Adão, filhas de Eva. A visão camponesa do mundo no Alto Minho, Lisbonne, Dom Quixote, 1989 : 115-116 (« Portugal de Perto ») ; G. MASSART, Communication et postmodernité…, op. cit. : 268-270. 16. . M. VALE DE ALMEIDA, The Hegemonic Male. Masculinity in a Portuguese Town. Providence, Oxford, Bergham, 1996 ; A. CORNWALL & N. LINDISFARNE (eds), Dislocating Masculinity: Comparative Ethnographies, Londres, Routledge, 1994. 17. . M. GIRAUD, « Une construction coloniale de la sexualité. À propos du multipartenariat hétérosexuel caribéen », Actes de la recherche en sciences sociales, 128, 1999 : 46-55 ; M. SOLOMON, « "We Can even Feel that we Are Poor, but we Have a Strong and Rich Spirit" : Learning from the Lives and Organization of the Women of Tira

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Chapeu, Cape Verde », dissertation of University of Massachusetts, School of Education, 1992, multigr. 18. . J. PINA CABRAL, Filhos de Adão…, op. cit.

19. . W.F. HANKS, Language…, op. cit. ; R. BAUMAN & C. BRIGGS, « Poetics and Performance as Critical Perspectives on Language and Social Life », Annual Review of Anthropology, 19, 1990 : 59-88. 20. . Les clients des nombreux projets de micro-crédit présents à Santiago sont dans leur grande majorité (plus de 75 %) des femmes, commerçantes du secteur informel principalement. 21. . G. MASSART « Communication et postmodernité… », op. cit.

22. . J. PALEY, “ Toward an Anthropology of Democracy », Annual Review of Anthropology, 31, 2002 : 470. 23. . « The accumulated foreign debt that in 1994 was of 148 million dollars rose to 336.4 in 2001 » : 47, National Assessments of the Barbados programme of action + 10 review, voir . 24. . Le groupe de funaná Finaçon dans les années 1990 a créé deux chansons très significatives : « Dotoradu » et « Kabelu Bedju ». Ces chansons mettaient en scène deux figures centrales de la structure sociale capverdienne d’alors, d’une part, le « docteur », diplômé, puissant, et la femme du secteur informel, de phénotype noir africain, tentant de permettre à sa fille de suivre une éducation formelle pour échapper à sa condition sociale. 25. . J.C. DOS ANJOS, « Cabo Verde e a importação do ideologema brasileiro da Mestiçagem », Horizontes antropológicos, VI (14), 2000 : 177-204. 26. . B. AMES, L. RENNO & F. RODRIGUES, « Democracy, Market Reform and Social Peace in Cape Verde », Afrobarometer Working Paper, 25, 2003, . 27. . B. AMES, L. RENNO & F. RODRIGUES, « Democracy… », op. cit.

28. . F. CORONIL, « Towards a Critique… », op. cit.

29. . H. CARDOSO, « O erro de A. Carreira », op. cit.; F. CORONIL, « Towards a Critique… », op. cit. : 369. 30. . D. MITCHELL, Governmentality…, op. cit. : 19.

RÉSUMÉS

L’article se base sur deux terrains ethnographiques menés à Praia : le premier de 1987 à 1991 et le second en 2002. Ces terrains montrent combien les transformations des relations de genre ne se comprennent qu’en association avec les changements politiques (la démocratisation) et les nouvelles politiques économiques et sociales mises en œuvre sous l’égide de la libéralisation. L’article se concentre sur les changements concernant la conception idéale de soi et la production des désirs.

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Le concept de gouvernementalité est une ressource essentielle. Il permet d’articuler les relations complexes existant entre des modèles de référence collectifs enracinés dans l’histoire des îles, les pragmatiques des identifications contemporaines et les logiques du capitalisme libéral à l’œuvre. L’appropriation par les femmes du genre de la masculinité hégémonique dans ce contexte post- colonial et le conservatisme têtu des hommes se conjuguent pour rendre caduque le foyer (lar) comme unité sociale de base où les femmes et les hommes peuvent partager un espace et des ressources en commun.

O artigo baseia-se em dois trabalhos de terreno realizados na Praia : o primeiro ocorreu de 1987 a 1991 e o segundo em 2002. Mostraram quanto as transformações das relações de gênero estão ligadas às mudanças políticas (à abertura política) assim como às novas políticas económicas e sociais que a liberalização acarretou. O artigo focaliza-se sobre as mudanças nas percepções ideais de si e na determinação das aspirações. O conceito de governamentalidade aparece como um recurso central. Ele permite articular as relações complexas entre os modelos referenciais colectivos enraizados na história das ilhas, as pragmáticas das identificações contemporâneas e as lógicas do capitalismo liberal. A apropriação pelas mulheres do gênero da masculinidade hegemónica neste contexto pós-colonial e o conservatismo teimoso dos homens se conjugam para tornar impraticável o lar como entidade social de base, onde mulheres e homens conseguem partilhar um espaço e recursos em comum.

This article is based on two pieces of ethnographical fieldwork carried out in Praia in 1987-1991 and 2002. They show how transformations of gender relations are linked to the recent political changes (democratization) and to the new economic and social policies operated under the motto of liberalization. The paper focuses on the changes in the ideal conception of the self and the shaping of desires. The concept of governmentality appears to be a central asset to be taken into account in the complex interplay between collective models rooted in the islands’ history, the pragmatics of contemporary identifications and logic of liberal capitalism. The appropriation by women of hegemonic masculinity, in this neo-liberal and post-colonial context, and the stubborn conservatism of men concur to invalidate in practice the “lar” as a basic unit where woman and man cohabit and share space and resources.

INDEX

Index géographique : Praia, Cap-Vert Mots-clés : masculinité, pouvoir, genre, changements politiques, politique économique, politique sociale, libéralisation, gouvernementalité

AUTEUR

GUY MASSART

Plan International (Dakar)

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Les chroniques

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Les chroniques

Chronique des archives 2005

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Il faut sauver les archives de Goa !

Ernestine Carreira

1 La création des archives de Goa puise son inspiration dans le modèle de sa métropole, sa ville jumelle : Lisbonne. Bâtie dans la première moitié du XVIe siècle pour être la capitale de l’empire maritime portugais d’Asie, à l’image de l’autre capitale atlantique (Lisbonne), Goa n’a pas été conçue comme capitale coloniale mais comme la capitale de l’Asie portugaise – d’où le jumelage des deux cités. Goa l’a imitée sur l’espace (sept collines – au bord d’un port fluvial) et les institutions. Pays centralisé administrativement, le Portugal a reproduit en Inde ses structures de fonctionnement : palais de gouvernement, vice-roi et sa cour, tribunaux suprêmes, archevêché…

2 La centralisation a obligé très tôt (dès le XIVe siècle) les rois du Portugal à se constituer une mémoire administrative des contacts et engagements pris avec les villes et communautés vassales de la couronne…Dès la première moitié du XVIe siècle, le palais royal, construit sur le port de Lisbonne, disposait d’un espace réservé aux archives (Torre do Tombo), lesquelles s’ouvraient régulièrement aux chroniqueurs chargés d’écrire l’histoire de l’expansion portugaise. Entre Histoire officielle et instrument de propagande expansionniste, ces textes représentent aujourd’hui la base de la mémoire de l’expansion portugaise.

Brève histoire d’une très vieille institution

3 A la fin du XVIe siècle, le chroniqueur Diogo do Couto reçoit pour mission d’écrire l’histoire de l’Inde portugaise de la seconde moitié du siècle. N’ayant pas assez d’éléments à Lisbonne (preuve de l’autonomie de Goa), il débarque dans la capitale indienne en 1589. Là, il s’aperçoit rapidement qu’il ne peut travailler en raison de la dispersion des documents nécessaires. Il demande et obtient le 25 février 1595 un décret royal instituant la constitution des archives de Goa « Tombo do Estado da Índia ». À l’époque, le roi du Portugal est… Philipe II d’Espagne et les Habsbourg, qui viennent d’hériter de l’empire portugais en 1580, veulent absolument avoir plus d’informations sur ces espaces. Le décret ordonne de conserver ces archives dans le palais du vice-roi et Diogo do Couto obtient à la fois la charge de conservateur (Guarda-mor) et chroniqueur (historien officiel). Dès décembre 1596, les locaux sont prêts. Mais Diogo

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do Couto se heurte à une très forte résistance de l’ensemble des administrations qui refusent de se séparer de leurs archives. Résultat : peu de documents antérieurs à la fin du XVIe siècle y sont conservés.

4 En février 1602, un nouveau décret ordonne d’y transférer aussi tous les registres des conseils municipaux des villages de l’espace portugais de Goa. On envoie alors des clercs dans les villages pour traduire les documents du Marathi ou Kannada en portugais avant de les transférer aux archives. C’est toute la vie quotidienne des villages, conseils… qui apparaît alors. C’est à la même époque que les autorités portugaises ordonnent d’enseigner désormais le portugais aux Brahmanes afin de pouvoir disposer par la suite de documents en portugais. Outre Diogo do Couto, une autre grande personnalité s’y distinguera vraiment : António Bocarro. Venu en Inde en 1615 comme simple soldat, sans aucune formation, il dirige le Tombo dès 1631. Il sera l’auteur de plusieurs ouvrages (dès le XVIe siècle il existait une imprimerie à Goa) sur les comptoirs de l’Asie portugaise. Dès 1667 les vice-rois dénoncent l’état pitoyable des archives de Goa. Ils font état de livres manquants, consumés par le temps, la moisissure, l’humidité des pluies. Un transfert du palais gouvernemental (insalubre) vers Panelim en 1695 provoque la perte de beaucoup de documents. Ce sera seulement en 1795 que l’on conclura à Panjim, future capitale, le nouveau palais gouvernemental où seront transférées les archives. Mais ce dernier est construit en bord de mer et de fleuve. Elles seront donc au fil du temps victimes de l’humidité et de la salinité.

Des années 1930 à la décolonisation

5 En 1930, avec l’arrivée au pouvoir de Salazar au Portugal, le nouveau gouverneur de l’Inde portugaise, João Carlos Craveiro Lopes ordonne qu’on y envoie systématiquement les archives du secrétariat du gouvernement. Il renforce donc les archives administratives et politiques. L’ensemble reste, comme au XVIe siècle, un instrument au service du politique. En 1931, le Dr Surendra Nath Sen, directeur des archives du Bengale, visite Goa et ses archives. Il est reçu par un érudit local hindou Panduronga Pissurlencar, lequel essaye alors de développer un projet de publication des documents des archives. M. Sen se montre choqué par le déplorable état de l’ensemble des documents et obtient des autorités portugaises que M. Pissurlencar soit nommé responsable des archives (le premier hindou à accéder à cette charge). Mais le manque de moyens est flagrant. P. Pissurlencar parvient tout de même à les installer dans un bâtiment séparé en 1955. On procède au cours des années 1960 à un travail de restauration sommaire d’une partie du fonds ancien. Il se lance ensuite dans la publication d’une histoire des relations luso-marathes, en utilisant la documentation dont il dispose. Ces fonds sont une véritable découverte pour la communauté des chercheurs indiens.

De l’indépendance aux années 1990

6 Au moment de l’indépendance, les archives comptent 20 000 volumes de documents. Elles deviennent en 1961, les Historical Archives of Goa. Elles changent à nouveau de lieu en 1963, intégrant un bâtiment mieux adapté. L’année suivante, elles sont placées sous le contrôle administratif des National Archives of India, basé à Delhi. En 1968 on construit un bâtiment spécifique qui servira pour la conservation des archives et la création d’un

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musée archéologique. Après un nouveau déménagement, ces dernières passent enfin sous le contrôle du gouvernement de l’État de Goa. Entre les années 1960 et 1980, on rassemble des documents épars de toutes les institutions (hôpitaux, justice, communautés de villages, état civil, archives portuaires…) que l’on reverse aux archives, soit un total de plus de 200 000 volumes allant de 1498 aux années 1970. Les archives reçoivent actuellement tous les documents de plus de 25 ans destinés à la préservation permanente.

7 98 % du fond ancien est en portugais. Les fonds plus récemment intégrés ont beaucoup de documents en langues indiennes – mais aucun catalogue d’ensemble ne permet d’en prendre la mesure. Ces archives recouvrent l’histoire de tout l’Orient entre les XVIe et les XIXe siècles (Afrique, Chine, Indonésie (Timor), Malacca), ainsi que l’histoire de l’Inde (empire moghol, Gujarat, Maharastra, Coromandel, Ceylan, Bengale, Arakan). Elles concernent les royaumes indiens autant que les États européens de l’Inde. 8 On trouve dans les principales collections : – l’état civil et les registres de propriétés, sans doute la collection la plus consultée aujourd’hui – les « Monções do reino » (1586-1914) : presque 500 volumes. Le fonds le plus connu et partiellement publié – lettres, instructions, administration, politique, diplomatie asiatique… un véritable observatoire du sous-continent indien et de ses relations avec l’Europe. – « Reiz vizinhos », 28 volumes de 1619 à 1842. Correspondances entre les autorités portugaises et les principautés indiennes. – « Assentos do Conselho de Estado » et « Senado de Goa », près de 200 volumes. La vie de la cité et de son port depuis le XVIe siècle – « Livros das comunidades »,1000 volumes de 1582 à 1887. Les plus anciennes séries montrent le système de gestion villageoise en Inde (vieilles pratiques et usages) codifiés par les Portugais dès 1526. Une mine pour l’histoire rurale de l’Inde.

Sélection et sauvegarde de la mémoire : les politiques historiques du XVIIIe au XXe siècle

9 Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles , ces archives vont être constamment pillées par les vice-rois eux-mêmes, qui souhaitent ramener des archives personnelles au Portugal, soit pour leurs propres références biographiques soit par curiosité. En 1755, la tragédie du tremblement de terre de Lisbonne emporte aussi les archives de la Torre do Tombo de Lisbonne et le Portugal perd la mémoire archivistique majeure de son épopée indienne. Le Marquis de Pombal, principal ministre du roi Dom José, commence alors un lent et patient travail de reconstruction à partir de sources au départ secondaires. Et il commence par faire venir les archives de l’outre-mer afin de les faire recopier. De Macao, il fait venir toutes les archives jésuites (quelques centaines de volumes) qui retracent l’épopée missionnaire des portugais en Chine. Il les fait copier et renvoie les originaux à Macao où l’ensemble disparaîtra entièrement en 1806 lors de l’incendie du couvent Saint-Paul. De Goa, il fait venir en 1777, 62 volumes de la vaste collection des Livros das Monções. Ces derniers ne sont jamais repartis. Ils sont aujourd’hui aux archives nationales de Lisbonne et ont été partiellement publiés au début du XXe siècle, puis entièrement catalogués à la fin de ce même siècle.

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10 Mais parallèlement, à partir du XIXe siècle, la communauté des érudits goanais prend conscience de l’importance de son patrimoine. L’historiographie est à la mode et la paléographie aussi. Des milliers de documents vont ainsi être transcrits et publiés chez des imprimeurs goanais (des versions en fac-simile ont vu le jour depuis une dizaine d’années). La création d’un lycée dans les années 1830 alimente jusqu’à nos jours la permanence d’une élite intellectuelle lusophone (pas forcément chrétienne d’ailleurs puisque les plus grands défenseurs indiens des archives ou été des hindous) qui œuvre pour la préservation et la diffusion de ces archives. Plusieurs revues et séries consacrées aux archives voient le jour à Goa à partir des années 1930, une tradition qui perdure aujourd’hui. 11 À la veille de l’indépendance, une partie de ce fonds ancien (reis vizinhos et Monções) sera d’ailleurs microfilmée, et un catalogue sera établi à Lisbonne à partir de ces microfilms (publié dans les 50 volumes de la revue de la Filmoteca ultramarina). Bien que d’une extraordinaire préciosité pour les chercheurs, les documents édités ne représentent qu’une infime partie de la gigantesque mémoire historique que représentent les archives de Goa. Ils omettent par exemple les documents en langues locales, mais aussi les collections des institutions locales, les plus importantes pour l’analyse des sociétés.

Il faut sauver les archives de Goa !

12 L’état général des archives de Goa s’est considérablement dégradé au cours du dernier demi-siècle et la détérioration s’aggrave actuellement à une vitesse telle que l’on peut sérieusement se demander si elles dépasseront le cap du milieu du XXIe siècle. Elles sont déjà en partie illisibles, soit du fait de leur dégradation soit en conséquence des dégâts infligés aux manuscrits lors des dernières restaurations (papier adhésif de mauvaise qualité, encre au plomb…), documents mouillés car rangés près des fenêtres, collections conservées en sous-sol et ayant subi des inondations au cours de ces vingt dernières années… (le bâtiment actuel des archives se trouve à quelques mètres de la rivière Mandovi). Entre 1987 et 2003, certains documents que j’avais parfaitement consultés au départ étaient devenus illisibles.

13 Plusieurs institutions portugaises ont souhaité microfilmer quelques fonds anciens, sans porter aucun intérêt particulier aux XIXe et XXe siècles. Les relations politiques difficiles entre Lisbonne, le gouvernement de Goa et la direction des archives, ne permettent pas d’envisager une reproduction d’envergure. Le coût d’une restauration totale serait gigantesque. La conservation exige des conditions elles aussi fort coûteuses en raison de la chaleur et de l’humidité du pays. Les grands centres nationaux indiens possèdent des conditions de conservation plus importantes, mais il n’est pas envisageable pour l’instant que la mémoire de Goa se déplace vers Delhi. Le traumatisme serait profond pour une communauté locale déjà déstabilisée par une « indianisation » à marche forcée depuis une dizaine d’années et l’arrivée de populations étrangères à la culture locale. 14 Lors de mon dernier séjour à Goa, en septembre 2003, on évoquait l’éventualité de la construction d’un centre de préservation des archives anciennes. Mais aucun élément concret ne se dessinait et l’absence presque totale de personnel formé, ou, plus grave encore, ayant des rudiments de connaissance des langues écrites dans ces archives nous

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permet de douter de l’efficacité d’un tel projet, même s’il venait à se concrétiser par la construction de nouveaux bâtiments. 15 Les chercheurs gardent en mémoire l’extraordinaire personnage de Dona Teresina, présidente de salle et véritable catalogue oral des archives. Elle a veillé, des années 1960 à 1980, sur les manuscrits comme la louve sur ses petits et malheur au lecteur peu soigneux. Elle lisait pratiquement toutes les langues. Lors de ce dernier séjour j’ai eu le chagrin d’assister à des scènes « apocalyptiques » : la salle de lecture, fréquentée à la fois par les chercheurs et par une multitude de citoyens en quête de certificats de propriété, d’état civil… ne permet aucune surveillance des manuscrits et un lecteur peut parfaitement sortir dans le jardin ou ailleurs avec ses documents. Les registres du XVIIIe siècle, restitués après lecture, traînaient par terre pendant plusieurs jours, au risque d’être piétinés par les nombreuses personnes qui se pressaient dans la salle. Aucun président de salle ne connaît visiblement le fonds ancien, ni les catalogues. Beaucoup de fonds ne sont pas consultables car on ignore en quel lieu ils ont été rangés… La bibliothèque, autrefois importante, est en partie introuvable… Le personnel, non formé pour les fonds anciens, débordé, sans moyens (je n’ai vu qu’un ordinateur pour l’ensemble des archives) ne peut faire évoluer cette situation. 16 La remarquable direction de M. S.K. Mhamai dans les années 1990 n’a pas résisté aux nominations politiques postérieures et n’a, hélas, pas permis d’amélioration substantielle. Les archives de Goa sont aujourd’hui un vaisseau en perdition et leur disparition est une éventualité que nous pouvons et devons commencer à envisager. Mais s’il est impossible de sauver les documents, notre époque permet néanmoins de sauver une partie de la mémoire qu’ils contiennent en les reproduisant. À condition que les institutions indiennes et européennes créent une chaîne de solidarité et se partagent cette immense tâche. Cet engagement sera vital pour sauver ce patrimoine de l’Inde, la mémoire de quatre siècles de son passé européen et oriental. 17 C’est le message que m’ont demandé de transmettre en Occident les historiens et défenseurs indiens (chrétiens et hindous) du patrimoine de Goa. Ils représentent la dernière génération engagée dans cette action. Leurs enfants ne sont plus lusophones et bien souvent plus goanais, car une grande partie de cette communauté s’est expatriée. La relève nous incombe à tous. 18 Mai 2005

AUTEUR

ERNESTINE CARREIRA

Université de Provence

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Les chroniques

Les comptes rendus

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André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil) Paris, Karthala, 2003, 304 p.

Richard Marin

RÉFÉRENCE

André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil), préface de Harvey Cox, Paris, Karthala, 2003, 304 p., ISBN : 2-84586-446-9.

1 Les nouveaux conquérants de la foi, consacré à une radiographie de l’Église universelle du royaume de Dieu (IURD), est un ouvrage collectif dont les 19 articles, de très inégale facture – du simple inventaire à la fine analyse – émanent de sociologues, d’anthropologues, de politologues ou d’historiens de l’ancien et du nouveau monde. Alors que, d’ordinaire, les études portant sur l’IURD ne débordent guère le cadre brésilien, où celle-ci a pris naissance et conserve ses plus solides bastions – 7 000 temples et deux millions de fidèles –, le présent ouvrage a le mérite de tenter d’appréhender ses stratégies à l’échelle mondiale tout comme sa capacité d’adaptation aux différentes contextes nationaux. Fondée en 1977 par Edir Macedo, un ancien employé de la loterie, dans l’entrepôt d’une entreprise de pompes funèbres en faillite des faubourgs de Rio, l’IURD, en un peu moins de trente ans, a réussi à se transformer en une véritable multinationale de la foi présente dans quatre-vingt pays. En Amérique latine, l’Argentine et le Venezuela, bien loin derrière le Brésil, constituent pour l’instant ses principales terres d’accueil. La Côte d’Ivoire, le Mozambique et l’Afrique du

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Sud sont ses pays de prédilection sur le continent africain, le Portugal et le Royaume- Uni en Europe. En Asie, où elle peine à s’implanter, elle est surtout présente aux Philippines, au Japon, en Inde et en Israël.

2 Au fil des pages, l’ouvrage nous livre les clés de cette réussite spectaculaire qui repose en tout premier lieu sur l’impressionnante efficacité de l’organisation : d’un bout à l’autre de la planète, ses pasteurs, munis d’un cahier des charges extrêmement précis, le plus souvent sous contrôle de responsables brésiliens implantés localement, font un peu figure de franchisés. De leur aptitude à collecter la dîme dépend leur avancement. Grâce à sa capacité hors du commun à drainer les ressources des fidèles, l’Église est parvenue à constituer un vaste empire médiatique dont le fleuron se trouve au Brésil avec la Rede Record, troisième chaîne de télévision nationale – qui émet aussi aux États- Unis, en Afrique du Sud, en Angola et au Mozambique –, 62 stations de radio et un hebdomadaire, la Folha Universal, qui tirerait a 1 500 000 exemplaires. 3 Église « électronique » ou « télévangélique », l’IURD est aussi le prototype de ce néo- pentecôtisme qui a su adapter son prosélytisme aux exigences de la société de masse. Socialement moins structurant que le premier pentecôtisme qui s’était développé dans l’Amérique latine en voie d’urbanisation accélérée à partir des années 1950, beaucoup moins exigeant en matière de morale et de mœurs, c’est, fondamentalement, nous disent les auteurs, une religion de l’émotion et de service, un « fast food de la foi » pour ses détracteurs. Avec cinq cultes quotidiens, des temples localisés à des endroits de grand passage, l’IURD est capable de fournir une réponse immédiate et spectaculaire aux souffrances et aux manques ressentis. Ses séances d’exorcisme ou de « guérison divine », dans des société qui fabriquent des malades par millions, sont, à côté de la banalisation du miracle télévisé, au nombre de ses atouts. Sa « théologie de la prospérité », selon laquelle santé, aisance et amour sont conformes aux désirs du Créateur, séduit nombre de fidèles peu enclins à l’austérité ou au renoncement. 4 En général, l’IURD attire les populations les plus pauvres, comme c’est le cas au Brésil, en Europe avec les immigrés africains (région parisienne, Pays Bas, Allemagne, Italie, Royaume-Uni) et aux États-Unis (Californie, Texas) avec les hispanophones. Toutefois, dans des pays comme le Venezuela, l’Argentine ou le Mexique, on trouve aussi dans ses rangs un pourcentage significatif des basses couches moyennes laminées par la crise. 5 Au Brésil, depuis le milieu des années 1980, alors que rien de tel ne semble se dessiner ailleurs, l’IURD, comme les autres groupes pentecôtistes, est entrée ouvertement en politique avec un succès qui ne se dément pas. En 2002, elle a réussi à faire élire 22 députés fédéraux et un sénateur. Une fois élus sur les listes de différents partis politiques, ils ont constitué un groupe parlementaire qui monnaye très pragmatiquement son soutien en échange de publicités fédérales pour les moyens de communication de l’Universelle ou de concessions de canaux de radio et de télévision. Ainsi, violemment anti-Lula avant 2002, l’IURD a appelé à voter pour le candidat du Parti des Travailleurs, au second tour des présidentielles d’octobre 2002, afin de tirer les fruits de sa victoire prévisible. 6 De quelle marge de progression dispose encore l’Eglise Universelle ? La lecture de l’ensemble des articles conduit à des conclusions nuancées et prudentes. Religion de service, elle peine à fidéliser ses membres dont beaucoup la quittent une fois résolus leurs problèmes. En outre, s’il convient de ne pas sous-estimer sa capacité d’adaptation au milieu et aux cultures locales, elle se heurte aussi, ici ou là, à de vives résistances. Ainsi a-t-elle échoué dans ses tentatives d’implantation dans les communautés blanches

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aux États-Unis ; au Mexique où, depuis le XVIe siècle, la Vierge de Guadalupe est sans concurrence comme faiseuse de miracles, elle rencontre une forte hostilité. Quant à l’Asie, aux langues et aux cultures très éloignées de celles des fondateurs brésiliens, elle suscite encore bien peu d’intérêt. 7 Pour conclure, par la diversité de ses abordages et de ses approches nationales, Les nouveaux conquérants de la foi est un ouvrage stimulant qui aide à analyser et à comprendre les différentes facettes que revêt un nouveau type d’Eglise à l’heure de la mondialisation. 8 Mai 2005

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Sophie Dulucq & Colette Zytnicki (eds), Décoloniser l’Histoire ? De « l’histoire coloniale » aux histoires nationales en Amérique latine et en Afrique (XIXe-XXe siècles) Saint-Denis (France), Société française d’Histoire d’Outre-Mer, 2003, 176p.

Alexis Wick

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Sophie Dulucq & Colette Zytnicki (eds), Décoloniser l’Histoire ? De « l’histoire coloniale » aux histoires nationales en Amérique latine et en Afrique (XIXe-XXe siècles), Saint-Denis (France), Société française d’Histoire d’Outre-Mer, 2003, 176 p., ISBN : 2-85970-027-7.

1 Cet étonnant petit livre au titre interrogatif et provocateur, et à la conclusion audacieuse (s’inscrivant de lui-même dans la lignée des « récits hybrides qui […] mènent à son terme la décolonisation du passé » (p. 170) est un mélange d’excellents articles de recherche et de contestables polémiques intellectuelles sur l’ambiguïté et la complexité de l’écriture de l’histoire, entre colonialisme et nation.

2 Classiquement partagée en trois thèmes (domination – relectures – construction), la problématique historiographique de Décoloniser l’Histoire ? affronte le problème du fossé épistémologique entre « centre » et « périphérie » dans la discipline historique, afin de combattre la tendance à associer l’histoire du centre à des formulations théoriques, dites universalistes, et l’histoire périphérique à des inspirations spécifiques et anecdotiques. Plus largement, il « s’agit de s’interroger sur les modalités du passage d’une historiographie coloniale […] à des histoires nationales » en mettant en parallèle

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des régions « qui ont en commun d’avoir été dominées par l’Europe et qui, chacune à son heure, a vu se transformer les conditions de production de son histoire » (p. 2). 3 L’excellente première partie insiste sur l’étrange spécificité de l’histoire coloniale, qui est à la fois en avance et en retard sur son temps. Empreinte de rigueur scientifique alliée à la pluridimensionalité (intégrant à l’histoire, l’anthropologie, la géographie, l’archéologie, etc.), augmentée d’une expérience de terrain – une méthodologie à présent bien établie dans la discipline historique générale – l’histoire coloniale entretient malgré tout des relations intimes avec le pouvoir colonial. Force est de conclure que la discipline historique – tout comme l’histoire qu’elle cherche à narrer – ne suit tout simplement pas une courbe linéaire cumulative et téléologique. 4 C’est ainsi que les deux autres parties s’efforcent de démontrer, de manière parfois convaincantes, que la transition de l’État colonial à « la nation » n’était pas un saut prophétique dans un idéal prédéterminé comme le voulait l’idéologie jacobine des mouvements nationalistes, mais plutôt une suite de glissements graduels chapeautés par une écriture dichotomique de l’histoire. Il y a donc beaucoup de parallèles entre les historiographies coloniales et nationales, la plus importante étant l’usage du passé, parfois ancien, pour expliquer et justifier le présent. Ainsi au Maghreb, où les historiens coloniaux insistent sur l’antiquité, la période gréco-romaine et une « âme africaine » (au détriment et en contraste avec la période arabo-musulmane) pour soutenir l’entreprise coloniale (un thème que J. Cantier aborde dans ce volume) et au Mexique, où les historiens nationalistes soulignent l’époque précolombienne et une « américanité » (au détriment du paramètre européen de la période coloniale) pour renforcer le « sentiment national » (M. Bertrand). Les deux modèles historiographiques colonial et national se retrouvent également par leur ancrage dans un cadre référentiel fondé sur l’opposition radicale d’un avant et d’un après, ontologiquement étanches et épistémologiquement opposés. Ce livre démolit la prémisse idéologique commune de « la Colonisation » et de « la Nation », selon laquelle leur avènement signifiait la finalité (et donc la fin) de l’histoire. 5 Cela dit, s’il y a véritablement des effets miroirs entre les histoires coloniales et post- coloniales, ceci ne permet pas, comme le font J. Alexandropoulos et C. Picard (p. 100) de renvoyer dos-à-dos des historiens coloniaux français et post-coloniaux maghrébins qui seraient le produit pervers du « moment passionnel de la décolonisation ». De plus, ces auteurs ne documentent pas leurs propositions concernant les origines antiques directes de l’orientalisme moderne. On n’imagine tout simplement pas un Africain à la présidence de la France ou le prophète Muhammad sur la livre sterling, alors que l’équivalent romain existait bel et bien, comme le montrent les auteurs eux-mêmes (p. 89) : l’orientalisme moderne est unique en ce qu’il est géographique, racial, et naturalisé. Si la modernité s’inspire évidemment des Classiques, son orientalisme n’est pas une translation d’« une image construite de longue date dès l’Antiquité » (p. 86). Soulignons simplement l’erreur monumentale qui consiste à établir une trajectoire linéaire de l’Antiquité à l’Europe moderne, une approche téléologique qui postule le présent comme résultat naturel et nécessaire d’un passé que l’on relit en y insérant rétroactivement des événements et des interprétations pour concrétiser le procédé. On a affaire ici à une erreur historiographique, qui crée de surcroît une image essentialiste d’un Orient et d’un Occident en confrontation éternelle. 6 Quant à l’article de G. Pervillé, il est truffé de graves accusations sans preuves et imbu de ce qu’on ne peut que pudiquement désigner comme de l’ethnocentrisme. La

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« contre-histoire nationale des Algériens » est réduite à de la simple propagande (p. 103), les historiens arabisants n’ont aucune « conception scientifique de l’histoire », laquelle n’est pour eux qu’un moyen d’éducation nationale et religieuse, une « histoire sainte » (p. 106), et les seuls historiens indigènes acceptables sont ceux formés par des Français, « en français et suivant des méthodes françaises » (p. 104). 7 Notons en revanche l’admirable intervention de D. Nativel en fin de volume, qui mêle une réflexion théorique sophistiquée à une connaissance remarquable de son terrain (« historiographique » et « anthropologique ») pour nous offrir une méditation analytique sur la question du patrimoine « national » (à Madagascar) – problème vital s’il en est dans l’histoire de la construction des nations, en Afrique comme ailleurs. 8 Il faut applaudir cette tentative de dépasser l’eurocentrisme, par lequel « les histoires des mondes extra occidentaux ne sont […] presque jamais prises en considération dans les panoramas historiographiques globaux, dont elles demeurent les angles morts » (p. 1). Il faudrait maintenant la contextualiser dans un cadre qui tiendrait compte des travaux du grand et regretté penseur palestinien Edward Said et des membres du Subaltern Studies Group, comme Ranajit Guha et Partha Chatterjee, qui ont secoué le monde académique de leurs foudres critiques il y plusieurs décennies déjà. Mais restons très prudent face à une jubilation prématurée, et rappelons l’inépuisable sagesse du mot de F. Fanon il y a plus quarante ans : « Pour le colonisé, l’objectivité est toujours tournée contre lui. » 9 Juillet 2005

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Francisco Proença Garcia, Análise global de uma guerra. Moçambique 1964-1974 Lisbonne, Prefácio, 2003, 408 p. (« Estudos e Documentos/História militar »)

Michel Cahen

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Francisco Proença Garcia, Análise global de uma guerra. Moçambique 1964-1974, Lisbonne, Prefácio, 2003, 408 p., bibl., ISBN : 972-8563-97-3, préface de Adriano Moreira, postface de Fernando Amara Monteiro (« Estudos e Documentos/História militar »).

1 Cet ouvrage est fondé sur un gros travail au sein d’archives militaires auxquelles l’auteur a eu accès (Arquivo da Divisão de informação do EMGFA, Arquivo histórico militar, Arquivo do serviço de documentação e história militar), la recherche dans les archives civiles semblant plus faibles (Arquivo Oliveira Salazar et Histórico-Diplomático, certes, mais pas les archives de la PIDE-DGS ou des SCCIM). Il s’agit d’une vision très classiquement « campiste », parfois événementielle, et descriptive : la guerre coloniale n’est qu’un succédané de la guerre froide, etc. L’« analyse globale » annoncée devient alors une fresque panoramique, très « portugaise », de la guerre – même s’il n’y a pas d’outrance anti-Frelimo. L’ouvrage regorge cependant de données (y compris dans la postface de Amaro Monteiro, qui sait de quoi il parle), qui pourront être utiles aux historiens.

2 En fait, c’est une vision strictement militaire qui nous est livrée : les données d’histoire des peuples africains, du Frelimo, sont des plus succinctes et vues uniquement sous l’angle de l’action psychologique (APSIC) portugaise. On aurait aimé, par exemple, une étude sur les chefs traditionnels face à la guerre, sur le type de recrutement d’Africains par l’armée coloniale, sur les aldeamentos (statistiques, situations, typologie). On aurait aimé aussi une analyse politique de la population blanche. On comprend que l’auteur n’ait pas eu comme objectif d’écrire une histoire globale de la guerre – il n’y a pas

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d’étude des grandes campagnes militaires, telles le Nœud Gordien (traité en une seule page, p. 192), ni de la contestation montante parmi les militaires. Cependant, il me semble que les grandes forces en présence devaient être historiquement analysées : pourquoi n’y a-t-il pas eu lutte armée en Zambézia ? est-ce uniquement le facteur ethnique ? n’y a-t-il pas une histoire particulière de la colonisation dans cette région ? pourquoi les Macondes ont-ils été le fer de lance de la lutte ? est-ce uniquement à cause de leur position frontalière ? qu’est-ce qui explique l’unicité du Frelimo ? Etc. 3 L’ouvrage contient trois chapitres. Le premier chapitre porte sur le jeu des grandes puissances en Afrique, du Congrès de Berlin à l’anticolonialisme de l’Onu, avec deux sous-chapitres sur la situation interne : l’un sur les « linhas de fronteira e substratos sócio- religioso anteriores e remanescentes » (pp. 37-51) qui utilisent, sans les discuter, des concepts datés du genre « tribus » pour classifier les peuples africains ; l’autre sur « A política interna portuguesa e as ópticas quando do Ultramar » (pp. 72-104) qui contient quelques données utiles sur l’opposition civile et les hésitations des militaires – mais ne contient presque rien sur le PCP. Le deuxième chapitre s’intitule audacieusement « A conflitualidade global permanente » et présente l’anticolonialisme mozambicain comme reflet de la subversion mondiale, et la réponse portugaise sur les plans politique (très succinctement : aucune analyse de l’« étatisation » du Mozambique en 1970-72), militaire et de l’APSIC. Le troisième chapitre présente les peuples mozambicains dans leur rapport à la subversion, selon la classification ethnique des services d’information militaire eux-mêmes, et socioreligieuse. 4 Plus généralement, on constate une étrange absence de distance entre l’auteur et ses sources. Celles-ci – de quelques bords qu’elles soient, mais elles sont à 99 % issues du côté portugais… – semblent dire « la vérité ». Ainsi, la population vivant dans les zones libérées du Frelimo est évaluée à 1 800 000 personnes « organisées en coopératives », parce que ce chiffre (p. 18 et note 815 p. 359) est dans un article de la presse… danoise, envoyé par l’Ambassade portugaise dans ce pays au ministère des Affaires étrangères et se retrouve donc aujourd’hui dans un dossier de l’Arquivo Histórico-Diplomático (en réalité, probablement 300 000 personnes vivaient totalement en « zones libérées »). Ainsi, l’émeute de Mueda n’aurait rien à voir avec les Macondes du Tanganyika (p. 133 et note 523 p. 344) parce que le consul belge à Lourenço Marques, en un rapport fort mal renseigné capté par la PIDE, le dit, et dit aussi qu’il s’agissait en fait d’une révolte contre la culture forcée du coton. Or, il n’y avait aucune culture forcée du coton sur le planalto maconde et l’émeute eut lieu à l’occasion d’une réunion publique en présence d’un délégué maconde du Tanganyika lié aux associations de l’émigration mozambicaine dans ce pays. On trouvera des dizaines d’exemples similaires dans le livre. L’auteur ne discute pas ses sources, il les accumule simplement. De même, des erreurs de noms sont fidèlement reproduites, parce qu’elles figurent dans les archives (ainsi « John Marvem » au lieu de John Marcum, p. 350). 5 Cette très grande carence méthodologique dans l’ouvrage est pourtant à mettre en rapport avec un phénomène plutôt positif et que souligne Adriano Moreira dans sa préface : « Le nombre d’officiers des Forces armées qui cherchent la consécration de titres universitaires, s’accroît » (p. 15). Effectivement, l’auteur est militaire, diplômé en « sciences militaires » de l’Académie militaire en même temps qu’il est docteur en histoire contemporaine d’une université privée, l’Universidade Portucalense. On ne peut que se réjouir de cette « tendance universitaire » chez certains militaires, qu’ils aient connu ou non la guerre coloniale. Mais on peut aussi questionner leur

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encadrement et leur préparation pour devenir docteur en sciences sociales. Pourtant le Portugal, moderne et démocratique, a aujourd’hui d’excellents centres d’études africaines. Plutôt que de créer l’« université des Forces armées » souhaitée par Adriano Moreira, mieux vaudrait utiliser les outils excellents existant dans les universités publiques. 6 Mai 2005

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Álvaro Nóbrega, A luta pelo poder na Guiné-Bissau Lisbonne, Universidade técnica de Lisboa, Instituto superior de ciências sociais e políticas, 2003, 334 p.

Michel Cahen

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Álvaro Nóbrega, A luta pelo poder na Guiné-Bissau, Lisbonne, Universidade técnica de Lisboa, Instituto superior de ciências sociais e políticas, 2003, 334 p., bibl., index, ISBN : 972-8726-19-8.

1 Pourquoi publier une thèse de mestrado, que l’on peut comparer en France, selon les cas, aux anciennes thèses de troisième cycle ou aux mémoires de masters de cinquième année d’université ? La recherche ici présentée aurait en effet gagné à être approfondie en thèse de doctorat, si possible en élargissant le cadre institutionnel où l’auteur a « vécu », à savoir l’ISCSP, à d’autres milieux académiques et scientifiques. La recherche menée a été importante, malgré des conditions difficiles. Les sources, cependant, restent lacunaires, des travaux considérables de langue anglaise ne semblant pas connues (livres de P. Chabal, R. Chilcote, J. Forrest, R. Lobban, L. Rüdebeck). Il en va de même pour ceux, moins nombreux, de langue française (comme les articles de Lusotopie, en accès intégral, libre et gratuit sur le site internet de la revue ; ceux de Politique Africaine ; les ouvrages de Rüdebeck en français). En langue portugaise enfin, on s’étonne de ne rien trouver de P. Havik ou D. L. Handem dans la bibliographie.

2 Mais le problème n’est pas là. Une grande partie du travail consiste en une description très classique des « ethnies » et de leurs religions (1e partie), sans que, malgré un effort de cartographie important, l’hétérogénéité sociale dans le rapport à l’État moderne ne soit clairement étudié. L’auteur a raison de remplacer la violence dans son cadre historique (2e partie), mais d’une part on aurait aimé que cette « violence » fût mise en rapport avec la formation sociale des peuples présentés (sociétés hiérarchisées et centralisées, ou segmentaires voire acéphales) et d’autre part, on est gêné de

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l’approche en terme de « longue tradition de violence », comme si la violence était un atavisme culturaliste et non point un produit social contextualisé. 3 Outre l’hétérogénéité du pays – constat statistique – on voit mal l’historicité de la crise du rapport à l’État, et notamment la contradiction « fondatrice » entre un « lieu de l’État » (Bissau) situé loin des sociétés les plus aptes à entrer en contact fécond avec lui (les sociétés musulmanes de l’Est). En effet, le Portugal catholique avait largement utilisé les auxiliaires musulmans pour vaincre les sociétés côtières acéphales. La guerre de libération n’est ainsi pas assez vue comme guerre civile non créatrice, en elle-même, d’un sentiment national. 4 Une sociologie historique et politique des élites était également nécessaire. Finalement, ce qui restera de plus utile dans ces 334 pages, est la troisième et dernière partie, surtout les pages qui traitent de la situation postérieure au 14 novembre 1980, en tant que chronique politique de l’instabilité endémique du pays. Une étude plus poussée du Partido de Renovação social (PRS) aurait été fort utile : est-ce l’apparition d’une expression politique plébéienne, au-delà des aspects ethniques ? Par ailleurs, le formidable retournement de situation après les élections de 1999, qui voit le « PAIGC résiduel » sauvegarder de l’influence surtout en zones musulmanes – traditionnellement réticentes pendant la guerre de libération –, n’est pas entrevu, et repose pourtant la question de l’« alliance structurelle » entre les sociétés fortement hiérarchisées et l’État moderne. La Guinée-Bissau, si petite et si complexe, peut être analysée, dans sa crise permanente, comme un modèle invivable de néopatrimonialisme pauvre. L’auteur aurait gagné à mieux connaître la littérature française sur le thème : J.-F. Bayart, J.-F. Médard, J.-P. Olivier de Sardan, etc.. 5 Enfin, certaines pages sont étonnantes dans une thèse, comme ces pages 44-47 où l’auteur dérive vers des recommandations en vue d’augmenter l’influence du Portugal en Guinée-Bissau, allant jusqu’à proposer des manœuvres militaires conjointes Portugal/Guinée (que naturellement la Guinée-Bissau post-cabralienne n’acceptera jamais !). Que l’on sache, l’ISCSP n’est plus l’École coloniale et une thèse n’est pas un rapport de consultance pour le ministère… Et je n’écris point cela parce que je suis français ! D’ailleurs, il y aurait eu une analyse extrêmement intéressante à produire sur la farouche rivalité politique Portugal/CPLP versus France/UMEOA dans les pourparlers de paix de 1998-99, qui fit capoter un premier accord, mais se solda in fine par une claire « victoire » du Portugal et par la montée d’un sentiment anti-français à Bissau, vu le soutien accordé par la France au dictateur Nino Vieira et à l’intervention sénégalaise ressentie par tous comme « péri-française » ! 6 L’ISCSP et l’auteur avaient sans doute des raisons institutionnelles de publier ce mestrado le plus vite possible. Mais on regrettera, sur le plan scientifique, cette précipitation, car on reste sur sa faim relativement au besoin maintenu d’une analyse, sur la durée, du rapport au pouvoir en Guinée-Bissau. Un pas a été fait en ce sens par Fafali KOUDAWO, Cabo Verde e Guiné-Bissau, da democracia revolucionária à democracia liberal, Bissau, INEP, 2001, 230 p. (« Kacu Martel », 14) et par Lars RÜDEBECK, en deux versions légèrement différentes, anglaise et portugaise : On Democracy’s Sustainability. Transition in Guinea-Bissau, Stockholm, SIDA, 2001, 125 p. (« Sida Studies », 4) et Colapso e reconstrução política na Guinée-Bissau, 1998-2000. Um estudo de democratização difícil, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 2001, 124 p., ISBN : 91-7106-482-6, livres qui auraient impérativement dû entrer dans la bibliographie de l’auteur.

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7 Souhaitons qu’Álvaro Nóbrega remette main à l’ouvrage, joignant plus profondément histoire, anthropologie politique et sciences politiques. 8 Mai 2005

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Luís Quintais, As guerras coloniais portuguesas e a invenção da História Imprensa Ciências Sociais, novembre 2000, 163 p.

Judith Manya

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Luís Quintais, As guerras coloniais portuguesas e a invenção da História, Imprensa Ciências Sociais, novembre 2000, 163 p.

1 Devais-je rédiger cette note de lecture portant sur un domaine qui ne m’est guère familier ? En effet, ce livre, publication en novembre 2000 d’une thèse de troisième cycle (mestrado), soutenu en février 1998, se situe avant tout dans le champ de l’anthropologie médicale — même si l’anthropologie des émotions et une étude de la mémoire y ont leur place. Je ne suis donc pas en mesure de commenter la bibliographie et avoue avoir été dépassée par les trois premiers chapitres qui retracent l’histoire des courants de la psychiatrie moderne et reviennent sur l’évolution des définitions du concept de « désordre de stress post-traumatique ». Ma présentation en est, dès le départ, quelque peu biaisée.

2 Le thème était alléchant : l’auteur revenait sur deux visions différentes, voire antagoniques, de l’histoire : l’une qui réfute toute possibilité de réécriture de l’histoire et l’autre qui pose que toute évocation du passé est systématiquement une réécriture. S’appuyant sur cette dernière, il constate qu’il serait dès lors envisageable de trouver une solution thérapeutique aux maux dont souffrent les vétérans des guerres coloniales, solution permettant une réappropriation du temps et qui se révèlerait efficace y compris sur le plan politique et moral. En utilisant le vocabulaire médical, on inventerait, modèlerait une évocation de cette période historique. Suivant cet objectif, l’auteur participa durant six mois aux séances thérapeutiques du foyer militaire de la Croix Rouge et de l’Association des handicapés des Forces armées (ADFA).

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3 L’auteur se réfère à Afonso de Albuquerque, qu’il cite abondamment et dont le parcours ne peut, selon lui, être dissocié de l’étude des PTSD (post-traumatic stress disorder) au Portugal. Ce psychiatre établit les premiers diagnostics de PTSD en 1986 suite à une rencontre organisée par l’ADFA sur ce thème où furent invités des spécialistes étrangers. Luís Quintais procède alors à une description des traitements proposés (thérapies individuelles ou de groupe), du corpus (âge, anciens grades…) et donne une fourchette du nombre d’individus concernés : En juillet 1997, trois cent trente-huit cas étaient diagnostiqués par le Service de psychothérapie comportementale ; par ailleurs, à partir des études faites aux E.U.-A. sur les vétérans du Viêt-Nam, Afonso de Albuquerque extrapolait à 140 000 hommes le nombre de personnes concernées. 4 Mais, cette démarche des psychiatres ne reçut pas des anciens combattants un appui unanime. Quelques voix discordantes, comme celle exprimée dans O Combatente (organe de la Ligue des Combattants), plaidèrent, au nom de l’honneur et de l’exaltation que méritent les Combattants, la bonne santé mentale des anciens soldats. 5 Cela dit, revenant sur les thérapies mises en place et dans le souci de montrer que la mémoire est paradoxalement un acte de création, l’auteur, non sans avoir insisté sur l’idée qu’il faut éviter de faire revire aux anciens combattants les situations douloureuses vécues, explique qu’il s’agit de les faire travailler à la reconstruction de narrations afin qu’ils établissent le lien avec ce qui est tu, oublié, refoulé. Dans ce contexte, à partir de larges extraits des séances auxquelles il a assisté, il se penche sur le processus « d’humanisation de l’inhumain », celui qui pousse des hommes sains à commettre des atrocités puis à souffrir a posteriori de leurs actes. 6 Dans un dernier chapitre, il souligne les implications non directement thérapeutiques de ce travail de « réécriture rétrospective / narration » des expériences vécues. Selon lui, un lien, une continuité existe entre cet espace de confidences et la scène publique, montrant le chemin parcouru par cette action de consignation des guerres coloniales. De la mémoire individuelle à la mémoire collective, les unités psychiatriques et l’association APOIAR (Association d’appui aux anciens combattants victimes de stress de guerre) deviennent en quelque sorte un « lieu de mémoire ». 7 À l’heure où les sciences sociales commencent à s’intéresser à cette période « oubliée » des guerres coloniales, jusqu’alors évoquée essentiellement à travers la littérature, mes attentes étaient de taille, démesurées. J’espérais de longues analyses sur les liens entre solution/vocabulaire médical et discours politique ; je ne pouvais que rester sur ma faim face à un travail ancré dans ce domaine particulier de l’anthropologie médicale. Néanmoins, malgré cet appétit frustré et mon ignorance avérée, le livre me paraît constituer un sérieux outil. La néophyte que je suis est séduite par la qualité de la recherche de Luís Quintais, gourmande que j’étais des témoignages/séances retranscrits et sensible aux fécondes conclusions de cette étude. Ces dernières mériteraient d’ailleurs d’être prises en compte dans d’autres domaines, comme l’histoire notamment, pour des recherches encore trop peu nombreuses sur les Guerres coloniales. 8 Mai 2005

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Les chroniques

Notes de lecture

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Rosemary Elizabeth Galli, People's Spaces and States Spaces. Land and Governance in Mozambique Oxford, Lexington Books, 2003, 328 p.

Marion Gret

RÉFÉRENCE

Rosemary Elizabeth Galli, People's Spaces and States Spaces. Land and Governance in Mozambique, 2003, Oxford, Lexington Books, 328 p., ISBN : 07-391-0632-5.

1 Rosemary Galli nous plonge dans l’histoire sociale, économique et politique de quatre « petites » communautés rurales mozambicaines, des années 1930 à 2000 : les communautés de Kalanje dans le district de Sanga au nord du pays (province de Niassa), de Kanda au centre (district Gorongosa) et deux communautés Chaiva dans le district Mossurize, au sud du Mozambique. En effet, à partir des années 1990, l’auteure a accompagné neuf ans durant, au sein de l’Instituto nacional de desenvolvimento rural (INDER) financé par des bailleurs internationaux, un programme national de planification d’aide au retour à la terre des populations rurales réfugiées suite à la guerre civile.

2 C’est une véritable histoire analytique des rapports entre un gouvernement, à la logique centralisatrice, et sa population que Rosemary nous livre. Les communautés rurales ont traversé les conquêtes coloniales en s’y adaptant, tout en préservant leurs caractéristiques organisationnelles, culturelles et économiques. Leur intégrité et leur cohésion historiquement conservées fondent leur grande flexibilité face aux changements intervenus du fait de la guerre. En se basant sur la capacité d’adaptation de ces communautés, l’auteure et son équipe imaginent une nouvelle façon d’appréhender la planification des retours et incitent le gouvernement à passer d’une gestion technobureaucratique à une approche plus participative. Celle-ci consiste à demander aux gens comment les aider à planifier eux-mêmes leur territoire. L’ouvrage

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démontre ainsi de manière très éclairante, à quel point l’implication des populations locales est nécessaire à l’implantation des programmes nationaux : sans cette participation décisive, le programme, dans sa conception originelle, aurait conduit au simple gaspillage de millions de dollars. 3 Mai 2005

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Global Witness, Les affaires sous la guerre : armes, pétrole et argent sale en Angola Marseille, Agone, 2003 (« Les "dossiers noirs" d’Agir ici & Survie », 18), 230 p.

Jean-Pierre Chavagne

RÉFÉRENCE

Global Witness, Les affaires sous la guerre : armes, pétrole et argent sale en Angola, Marseille, Agone, 2003 (« Les "dossiers noirs" d’Agir ici & Survie », 18), 230 p., ISBN : 2-910846-90-3.

1 Roman policier ou livre d’histoire ? On est un peu dans les deux ambiances en lisant ce rapport d’enquêtes, fruit des travaux de journalistes et de militants, regroupés par l’ONG Global Witness (témoin mondial), dans une traduction française qui s’ajoute à la collection des Dossiers noirs publiées à l’initiative des associations françaises Agir Ici et Survie. Le texte complet, ainsi que certains autres de la même veine, est accessible sur le site de Global Witness, , en anglais, portugais et français. Les informations présentées dans ce rapport sont tirées d’articles de presse, tous donnés en références, ainsi que de données obtenues grâce à des investigations approfondies menées en 2000 et 2001. Parmi les personnes qui ont fourni des informations à Global Witness, certains l’ont fait en prenant un risque réel.

2 Si on passe sur de petites erreurs (erreur d’un mois sur la date de la mort de Savimbi) et sur de très nombreuses redites, il nous reste une foule de renseignements précis sur les personnes, les compagnies, les sommes d’argent, les procédures judiciaires, les liens internationaux, qui nous permettent de nous orienter beaucoup mieux dans un monde qui se veut caché mais dont l’influence est évidente. Démonstration y est faite que les angolais ont été dépouillés de leurs droits et dépossédés pendant plus de quatre

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décennies de guerre civile. Le conflit angolais a été exploité à des fins d’abus économiques organisés tels que l’appropriation et le blanchiment à grande échelle des avoirs de l’Etat grâce à des budgets parallèles, des marchés d’armes surévalués, et un endettement délibéré s’appuyant sur l’hypothèque de la production pétrolière à venir. Il n’est pas réaliste compte tenu de ces informations de mettre les échecs de l’Etat angolais directement sur le compte de la guerre, et encore moins depuis la mort de Savimbi. 3 Ce rapport est structuré en trois grandes parties : une première où l’Angolagate est minutieusement décortiqué et où on fait complètement connaissance avec Pierre Falcone et Arcadi Gaidamak, entre autres acteurs de ce « Scandale » (titre de cette première partie) ; une deuxième partie qui étudie, sous ce titre, « La complicité des sociétés pétrolières » et souligne les quelques progrès réalisés aujourd’hui de ce côté ; et une troisième et dernière partie plus courte et plus technique, mais accessible, « Le financement », et qui suffit à faire comprendre comment fonctionne le blanchiment de l’argent. Global Witness nous fait remarquer que ce problème s’étend à tous les pays où les ressources naturelles représentent une large part des revenus de l’Etat, où la corruption est associée à ces revenus et où les paiements des entreprises sont opaques. Les industries du pétrole, du gaz et des ressources minières sont importantes dans plus de cinquante pays en voie de développement, où vivent quelque 3,5 milliards de personnes dont 1,5 milliard avec moins de 2 dollars par jour. Douze des vingt-cinq pays les plus dépendants de leurs ressources minières et six des pays les plus dépendants de leur pétrole sont classés par la banque mondiale comme « pays pauvres extrêmement déficitaires » et présentent certains des plus bas indicateurs de développement humain. 4 Une proportion significative de l’investissement étranger dans les pays les moins développés appartient au secteur des industries du pétrole, du gaz, et des ressources minières. Le revenu provenant de cet investissement parvient aux gouvernements sous la forme d’impôts, taxes et autres versements. Si ce revenu était géré de façon efficace et transparente, il pourrait être à la base d’un développement réussi et de la réduction de la pauvreté. Global Witness, en effet, ne se contente pas d’énoncer des faits et de décrire les mécanismes du blanchiment de l’argent, elle énonce aussi sur plusieurs pages des recommandations qui s’adressent aux sociétés pétrolières, aux banques, aux gouvernements, au FMI, au G8, à l’Union européenne, et à l’OCDE. Le leitmotiv de toutes ces recommandations est la transparence. 5 Mai 2005

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Rui Pedro Paula de Matos, As ONG(D) e a crise do Estado soberano Lisbonne, Universidade Lusíada, 2001, 668 p.

Michel Cahen

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Rui Pedro Paula de Matos, As ONG(D) e a crise do Estado soberano, Lisbonne Universidade Lusíada, 2001, 668 p., bibl., ISBN : 972-8397-23-3.

1 Cet ouvrage est la publication, sans aucun changement (à l’exception de bien longs remerciements de l’auteur à tous ses professeurs depuis la maîtrise) d’une épaisse thèse de mestrado (troisième cycle). L’auteur est diplômé en sciences politiques, et on doit remarquer qu’il s’agit de l’un des rares ouvrages de sciences sociales pour lesquels l’auteur affirme un tel lien disciplinaire, assez rare au Portugal. Le thème des « ONG de développement et la crise de l’État souverain » est excellent. Le livre, non, pour des raisons tant de forme que de fond.

2 On doit d’abord questionner la praticabilité de la publication, en livre et sans modification, de thèses lourdes de caractéristiques très « scolaires », où l’étudiant cherche à montrer qu’il a lu tout ce qu’il fallait et est capable de définir tous les concepts présents dans chaque phrase. Ainsi, dans une œuvre sur les ONG et la société civile, c’est à la page 440 que l’auteur nous dit : « Après avoir exposé quelques idées au sujet de la société civile, il convient [sic, port. : é conveniente] d’évaluer dans quelle mesure ce concept peut être opérationnel dans le Portugal contemporain ». Bonne idée en effet, quoique tardive. De même, pour un livre considéré comme achevé, il n’est pas supportable que la moitié de la totalité du texte soit en notes de bas de page. Ou c’est utile et dans le corps du texte, ou ce ne l’est pas et saute (sauf, évidemment, les références et remarques brèves). 3 La bibliographie est impressionnante (pp. 631-660) et internationale, c’est certain. Mais elle est uniquement une bibliographie de sources secondaires, il n’y a aucune source

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primaire : pas une entrevue d’un activiste d’une ONG, pas d’archives d’ONG, pas de journaux d’ONG à de rares exceptions près (par exemple, la Plataforma das ONGDs portuguesas). Il n’y a pas d’histoire critique des ONG au Portugal, pas d’analyse de leur activité concrète au Portugal et dans les Pays africains de langue officielle portugaise, que l’auteur n’a pas visités. Le livre est uniquement une réflexion fondée sur la bibliographie de ce que d’autres ont écrit sur les ONG, la société civile, l’État, etc. 4 Même ainsi, de nombreuses questions ne sont pas abordées : le lien entre la privatisation néolibérale et la mode des ONG ; la dépendance des ONG envers les donateurs gouvernementaux et intergouvernementaux ; la confusion entre le mouvement des ONG et l’associationnisme en général (on ne voit plus de différence !) ; la « représentativité » de la société civile n’est pas relativisée, alors qu’elle apparaît pourtant comme le substitut du peuple souverain ; le concept de « société civile mondiale » est largement utilisé, mais sans jamais questionner sa praticabilité en Afrique et en Asie, zones groupant la majorité de la population mondiale. 5 L’impression générale est donc celle, pénible, d’un encyclopédisme mal maîtrisé. Cependant, l’auteur avait des opinions et des analyses qui auraient pu être exposées de manière intéressante si le nombre de pages avait été divisé par six. Le fait de décrire, préalablement à chaque thème abordé, toute la bibliographie des sciences politiques sur le sujet, transforme la lecture en un cauchemar. C’est dommage. 6 Novembre 2002 et mai 2005

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Jaime Pinho, Isabel Duarte, Alberto Lopes et al., Mano preto, Mano branco : Direitos humanos em Angola e Moçambique (1950-1974) Setúbal, Estuário Publicações, 2004, 110 p.

Jean-Pierre Chavagne

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Jaime Pinho, Isabel Duarte, Alberto Lopes et al., Mano preto, Mano branco : Direitos humanos em Angola e Moçambique (1950-1974), Setúbal, Estuário Publicações, 2004, 110 p.

1 120 élèves de l’école secondaire D. João II de Setúbal, et six professeurs d’histoire, sont les auteurs de ce petit livre, en portugais, qui est donc l’aboutissement d’une démarche pédagogique. Le matériel analysé a été constitué par les interviews de 50 personnes habitant aujourd’hui à Setúbal et qui ont vécu en Angola ou au Mozambique pendant la période 1950-1974. Ces témoins sont Blancs, Noirs ou Métis et un minimum de données biographiques figurent dans le texte à la suite de citations de leur témoignage. La courte préface de l’écrivain angolais Pepetela souligne le caractère honteusement caché de certains aspects de ces dernières décennies de l’époque coloniale, et Mónica Frechaut, dans une seconde préface, inscrit ce travail dans l’histoire du racisme au XXe siècle.

2 Les jeunes enquêteurs ont procédé à des interviews semi guidées à l’aide d’un questionnaire commun qui figure dans l’ouvrage. C’est la structure de ce questionnaire qui a servi de base à l’organisation du livre en chapitres : habitations, droits civiques, éducation, santé, femmes, travail, culture et religions, guerre coloniale, police coloniale. Chaque chapitre est donc une synthèse de ce que les intéressés ont vécu et de ce qu’ils savent de ce temps qu’ils ont traversés. Le texte est illustré d’extraits

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pertinents des interviews et aussi de poèmes et de chansons que cette époque a inspirés. On y lit ainsi José Craveirinha, António Jacinto, Noémia de Sousa et José Afonso. 3 Les témoignages cependant n’ont pas toujours force de documents et peuvent contenir des erreurs. Nous en avons relevé une dans la citation d’un témoin qui donne une présence blanche en Angola de 800 000 à 1 million en 1974 quand on sait qu’il y avait un peu plus de 400 000 habitants d’origine européenne en Angola en 1974, ce qui était déjà un record. 4 Ce livre s’adressant manifestement à un large public, les enseignants qui ont encadré ce travail ont pris soin, pour combler le manque de références constaté dans le domaine de l’histoire coloniale, de faire inclure dans les divers chapitres des indications utiles sur le contexte, telles que des informations sur l’indigénat et sur le travail forcé, sur la situation linguistique, sur les principaux repères en ce qui concerne la lutte armée. Ces indications n’en font pas pour autant un livre d’histoire. 5 Ce petit livre est somme toute une contribution à une histoire de la vie quotidienne au temps colonial en Angola et au Mozambique. La méthode a sans doute permis de contourner un tabou pour sensibiliser des élèves du secondaire, mais elle a aussi permis de donner aux témoins de ce temps une occasion rare d’en parler. L’intention avouée des éducateurs, au-delà de la sensibilisation à des faits réels, était aussi de contribuer à la justice mais aussi à la réconciliation, démontrant que ce qui se passait dans les colonies ressemblait beaucoup, même si c’est à un degré moindre, à ce qui se passait dans le Portugal fasciste de la même époque, en matière de privation de libertés et de droits. 6 Mai 2005

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José Machado Pais, Consciência histórica e identidade. Os Jovens Portugueses num contexto europeu Oeiras (Port.), Celta Editora/SEJ, 1999, 400 p., (« Colecção Estudos Sobre Juventude », 3).

Michel Cahen

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José Machado Pais, Consciência histórica e identidade. Os Jovens Portugueses num contexto europeu, Oeiras (Port.), Celta Editora/SEJ, 1999, 400 p., ISBN : 972-774-034-0 (« Colecção Estudos Sobre Juventude », 3).

1 L’auteur est un chercheur bien connu de l’Instituto de Ciências sociais (ICS), rompu aux rencontres internationales dans le domaine de la sociologie de la jeunesse et des loisirs. L’étude présentée est le résultat d’une enquête à l’échelle de toute l’Europe (communautaire ou non, y compris Israël), sur la conscience historique de la jeunesse. La méthode fut celle des sondages par échantillons représentatifs et de l’analyse sophistiquée de questionnaires sur le plan statistiques, suivi évidemment de leur analyse qualitative. L’auteur, après avoir d’abord présenté les résultats pour toute l’Europe, se penche ensuite, pour chaque item, sur les spécificités des réponses de la jeunesse portugaise. Comme pour les autres pays européens, il apparaît un déphasage entre la connaissance et la conscience historiques. L’auteur considère que cette conscience se meut en un capital historique, à l’image du capital culturel de Bourdieu. Autant le capital social est lié aux origines et aux vécus de classe des jeunes, autant le capital historique serait lié aux trajectoires nationales. De ce point de vue, la jeunesse portugaise présente quelques caractéristiques intéressantes : elle présente un enthousiasme majeur pour l’Histoire (semblable en cela à la jeunesse grecque), mais elle a une position ambiguë – à première vue – envers la démocratie et le colonialisme. De fait, l’enthousiasme pour l’histoire exprime plus une identité rétrospective (tournée

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vers le passé) que prospective (conscience historique pour le futur), évidemment lié à la vision du rôle du pays dans le passé. Ainsi, le colonialisme est vu davantage comme « aventure » que comme « exploitation », ou comme « exploitation mal réussie » et de ce fait pas tellement culpabilisante. La démocratie et l’Europe sont appréciées, mais en même temps critiquées : le double sens du 25 avril 1974 (démocratie + virage européiste) s’exprime ainsi chez les enfants de la déjà âgée génération des Œillets. Il est dommage qu’il n’y ait pas eu de questions portant sur l’appartenance à des aires culturelles plus larges (lusophonie, francophonie, anglophonie…).

2 La conscience historique paraît également fortement liée à la filiation social, ce qui tend à rendre équivalents – mais l’auteur ne le dit pas – capital culturel et capital historique. 3 L’auteur termine en remarquant que le goût pour la micro-histoire (famille, région, et, même, en ces temps continentaux, pays) questionne la viabilité de l’édition de manuels européens d’histoire. Un équilibre entre standardisation et localisme doit être trouvé. 4 Cette enquête et son analyse sont de haute qualité. Cependant, leur objet et leur signification restent fort sectoriels. On peut aussi questionner le sens d’une partie des résultats (et donc des questionnaires…), résultats bien difficiles à expliquer et qui, dans les conditions d’une enquête en vingt-neuf aires nationales, sont probablement peu en rapport avec le thème. Par exemple, pourquoi trouve-t-on une forte différence dans le goût pour les documentaires télévisés en Lituanie et au Tyrol Sud ? 5 Novembre 2002

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Rui de Azevedo Teixeira (ed.), A guerra do Ultramar : realidade e ficção. Livro de Actas do II° Congresso internacional sobre a guerra colonial Lisbonne, Editorial Notícias, 2002, 350 p., (« Artes e ideias »)

Michel Cahen

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Rui de Azevedo Teixeira (ed.), A guerra do Ultramar : realidade e ficção. Livro de Actas do II° Congresso internacional sobre a guerra colonial, Lisbonne, Editorial Notícias, 2002, 350 p., ISBN : 972-46-1377-1 (« Artes e ideias »).

1 Depuis 1998, Rui de Azevedo Teixeira enseigne à l’Universidade Aberta, et il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre et le roman portugais. On ne s’étonnera donc pas de la teneur assez « littéraire » du présent ouvrage. Le deuxième Congrès international sur la Guerre coloniale a eu lieu du 12 au 14 novembre 2001 à Seixal et les 7 et 8 février 2002 à Maputo. Comme lors du premier congrès, le genre est au mélange des… genres, mettant côte à côte chercheurs et anciens acteurs. Il s’agit d’« actes » au sens strict et non point d’un ouvrage retravaillé à partir des communications : le volume publie intégralement des interventions très inégales, voire consternantes. À ce sujet, il ne suffit pas de rappeler que la démarche a été « ouverte à toutes les approches » : encore faut-il que ces « approches » soient fondées sur un minimum de méthodologie documentaire et scientifique, et ne soit pas la reproduction fidèle du discours colonial portugais des années soixante.

2 Une large partie des communications portent sur la littérature, sans doute « recrutées » par l’éditeur, lui-même littéraire, ce qui justifie le sous-titre du recueil, « Réalité et fiction ». C’est certainement parmi ces dernières que le recueil trouvera son utilité

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principale. Quant à l’analyse historique et politique, seuls deux contributions sont de bon niveau : celles de Rui Bebiano sur « A esquerda e a oposição à guerra colonial » (pp. 45-50) et de David Martelo : « Populações brancas e tropas metropolitanas – um relacionamento destoante » (pp. 293-313). La première (R. Bebiano) montre ce que l’on ne sait pas assez, à savoir que les populations blanches d’Angola et du Mozambique ne s’intéressaient guère à la « défense de l’empire », considérant que la guerre était une question privée entre militaires (suspects d’en tirer bénéfice) et les « terroristes ». Ce mauvais relationnement sera d’ailleurs – suite aux incidents de début 1974 à Beira – à l’origine du passage à la contestation des militaires portugais au Mozambique, las de combattre pour « ces Blancs-là ». La seconde (D. Martelo) revient sur la position ambivalente de la gauche portugaise face à la guerre coloniale : le salazarisme est certes le coupable, mais cela n’empêche pas la défense de « cette partie du peuple [portugais] qui travaille dignement aux colonies » (p. 295, citation du bulletin Portugal Socialista du 8 juin 1967). Le parti communiste portugais, lui, soutient les luttes armées mais n’appelle pas pour autant à la désertion – ce que feront ses scissions d’extrême gauche – et ce n’est qu’en 1970 que son secteur armée, l’ARA, commettra divers attentats, tous tournés contre la guerre coloniale (navire de transport de troupe, etc.) et non en direction d’une lutte armée contre le régime salazariste lui-même. L’extrême gauche naissante (maoïste ou guévariste) développera diverses actions armées (attentant contre l’OTAN) et organisera des réseaux de désertion. Notons encore la trop courte, mais intéressante, communication de Margarida Ribeiro sur « As mulheres portuguesas e a guerra colonial » (pp. 211-220) . 3 Les lecteurs plus intéressés par les analyses littéraires trouveront, quant à eux, matière dans nombre de communications portant à la fois sur les écrits post-1974 et sur la littérature « exotique » coloniale. Notons enfin la communication d’António Modesto Navarro, « Guerra colonial em Moçambique, e música de jazz » (pp. 35-38), pour l’originalité de sa thématique. 4 Mai 2005

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Les chroniques

Revue des Revues

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Africana Studia, Revista International de Estudos Africanos Porto, Centro de Estudos Africanos da Universidade do Porto, 2003, 6, 310 p.

Jean-Pierre Chavagne

RÉFÉRENCE

Africana Studia, Revista International de Estudos Africanos, Porto, Centro de Estudos Africanos da Universidade do Porto, 2003, 6, 310 p.

1 La revue Africana Studia est une publication annuelle en portugais qui est arrivée en 2003 à son 6e numéro. Ce volume consistant réunit dix articles dont le point commun est qu’ils traitent plus ou moins directement de la construction identitaire dans l’Afrique subsaharienne, dans diverses zones de ce vaste espace et à divers moments dans le temps.

2 Dans le premier article, le plus long, « Os São-tomenses e as mutações sociais na sua história recente », Augusto Nascimento consacre 35 pages à analyser la recherche d’identité des Santoméens autour des notions de changement et de tradition, en présentant un grand nombre de références culturelles pour les individus et pour les groupes sociaux, nourries d’exemples pris jusque dans la période récente, le texte ayant d’abord été une communication au congrès de l’Université de Brown de 2002, « Portuguese / African encounters ». Le style de l’auteur, très classique, rend la lecture assez austère. 3 L’article qui suit a pour auteur Carlos Lopes, et s’intitule “Construção de identidades nos rios de Guiné do Cabo Verde”. Il porte, plus clairement, sur une zone englobant la Guinée-Bissau, la Gambie et le Casamance. Y sont remis en question les concepts d’identités sociales et culturelles, aussi bien que les notions d’ethnie et de nation. Sont présentées ensuite de manière succinctes quatre identités jugées dominantes par Carlos Lopes dans cet ensemble : Malinké, Kabuunke, Afro-portugais, et Capverdiens.

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Curieusement, on trouve dans cet article plus de « coquilles » que ce qui est raisonnable, ce qui nuit un peu à la lecture. 4 L’article de Francisco Proença Garcia, « O Islão na África Subsariana. Guiné-Bissau e Moçambique, uma análise comparativa », propose une vue globale de l’expansion islamique dans l’Afrique subsaharienne et étudie la question des relations entre le pouvoir portugais et l’Islam. Il interprète également le rôle des confréries islamiques dans la préservation des identités locales dans leur opposition à la culture du colonisateur. Il donne effectivement une vision originale des rapports entre le pouvoir portugais et l’Islam pendant la guerre coloniale et parvient à différencier les comportements en Guinée-Bissau et au Mozambique. 5 Alexander Keese, dans « Proteger os pretos. Havia uma mentalidade reformista na administração portuguesa em África Tropical (1926-1961)? », se penche sur les mesures de réforme sociale et politique de l’administration coloniale, qui ont été mises en oeuvre comme stratégies psychologiques pendant les guerres d’indépendances. Il démontre ainsi l’existence d’une tendance réformiste parmi les administrateurs portugais, malgré un parti pris officiel pour la répression. 6 « Políticas de classificação/classificações políticas : o exemplo das propriedades rácicas/características somáticas no BI », l’article suivant, de Fidel Reis, est une analyse critique du concept de race en tant qu’élément d’identification par la loi de 1996 sur la carte d’identité de l’Assemblée Nationale d’Angola. L’auteur s’interroge sur les raisons de la réintroduction d’un tel critère. 7 Ilídio do Amaral, par l’analyse de documents et de témoignages recueillis auprès de femmes de divers pays de l’Afrique subsaharienne, relève, dans l’article « Presença da mulher africana ao sul do Sara na cultura e na ciência : questões de género », de fortes inégalités de genre et le rôle subalterne des femmes. C’est une contribution importante à la question du genre et à la compréhension de la participation des femmes à la vie publique en Afrique. 8 “General Norton de Matos (1867-1955). Aspectos maiores de um perfil histórico- biográfico – o militar, o colonialista e o democrata”, de Armando Malheiro da Silva, est une analyse de la personnalité et de l’oeuvre de Norton de Matos, républicain et démocrate, Gouverneur Général et Haut Commissaire en Angola. Les contradictions de cette figure incontournable de l’histoire coloniale y apparaissent. 9 Madalena Pires Fonseca, dans « Os corredores de desenvolvimento em Moçambique », traite de l’insertion du Mozambique dans l’économie mondiale pendant la période qui va de l’indépendance en 1975 aux premières élections pluripartistes en 1994. Madalena Pires Fonseca démontre que bien que les transports et les voies de communications soient directement liés au développement, ce n’est que lorsque le pays s’est ouvert vers l’extérieur qu’ils y ont contribué, après une longue période d’échecs successifs entre 1975 et 1994. 10 De Elísio Macamo, toujours à propos de l’économie mozambicaine, nous lisons ensuite « Da disciplinarização de Moçambique: ajustamento estrutural e as estratégias neo- liberais de risco ». Elísio Macamo propose une réflexion sur la production et la légitimation d’une illusion, l’illusion étant le cadre de réajustement structurel au Mozambique, imposé par le FMI et la Banque Mondiale. Bien que portant un regard très critique sur ces organisations internationales, il ne déresponsabilise pas les Mozambicains.

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11 Le dernier article, de Rosa de Souza Oliveira, est aussi le plus court, 15 pages. Intitulé « Olhares epifânicos – a epifania nos contos "Amor" de Clarice Lispector e "Á sexta- feira" de Luandino Vieira », il juxtapose deux personnages féminins, une brésilienne et une angolaise. Rosa de Souza Oliveira réusit à rapprocher les deux textes de Clarisse Lispector et Luandino Vieira par la révélation (epifania) que connaissent les deux femmes, et qui les amène à une nouvelle forme de conscience. 12 Le volume se termine par quelques recensions et par les résumés trilingues d’une partie seulement des articles. 13 Mai 2005

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