Où Va La France ? Léon Trotsky (1879 - 1940) Trotsky Connaissait Bien La Politique Française
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Où va la France ? Léon Trotsky (1879 - 1940) Trotsky connaissait bien la politique française. Il avait séjourné à Paris deux ans pendant la Première Guerre mondiale, avant d’être expulsé de Léon Trotsky France, et avait noué des relations étroites avec les rares militants ouvriers français qui continuaient alors à défendre la tradition internationaliste. Plus tard, au sein de la direction de l’Internationale communiste, il avait particulièrement suivi les premières années d’existence du Parti communiste français. Expulsé d’URSS en 1929, il avait, après un passage en Turquie, momentanément trouvé asile en France en juillet 1933, avant d’être expulsé en juin 1935. Cet asile accordé sous condition ne lui avait permis aucune activité politique publique. Mais il avait été particulièrement bien placé pour suivre le déroulement de la crise politique ouverte par les manifestations de février 1934. Où va la France ? fut d’abord le titre d’un article de Trotsky publié en novembre 1934. Il devint ensuite le titre d’un recueil comprenant l’ensemble des articles consacrés par Trotsky à la situation française jusqu’en juin 1936, recueil édité par la Librairie du Travail. À ce recueil ont été adjoints, dans cette édition, des textes rédigés par Trotsky au lendemain des grèves de juin 1936 et après l’échec de la grève générale du 30 novembre 1938. Le point de vue défendu dans ses articles par Trotsky, « La révolution française a commencé », est d’abord celui d’un militant, préoccupé de proposer une politique permettant à la classe ouvrière d’aller jusqu’au bout des possibilités de la situation. Mais il fait aussi preuve de clairvoyance quant aux problèmes qui se posent à la société française. Lui qui, depuis Où va 1934, répétait que la question posée était celle de l’évolution du pouvoir vers un régime dictatorial si la révolution prolétarienne ne l’emportait pas, verra son jugement confirmé par l’évolution de la IIIe République sous la houlette de Daladier et Paul Reynaud, qui brisèrent le mouvement ouvrier, avant la France ? même la mise en place de « l’Etat français » de Pétain en juillet 1940. La réédition, aujourd’hui, de ces textes n’est pas seulement une manière de rendre compte d’événements bien plus complexes que le seul accès aux Textes sur la situation française congés payés retenu par la plupart des commentaires auxquels a donné lieu de 1934 à 1938 le cinquantième anniversaire de Juin 36. C’est aussi donner à de nouveaux lecteurs un outil précieux pour comprendre l’histoire de la France dans les années qui précédèrent immédiatement la Seconde Guerre mondiale. Collection Léon Trotsky Où va la France ? Classiques ISBN 978-2-915727-13-5 Collection Prix ttc : 12,50 € Classiques Léon Trotsky Où va la France ? Textes sur la situation française de 1934 à 1938 Les bons caractères 6, rue Florian - 93500 Pantin Avec nos remerciements à : Esteban Volokov Bronstein, dépositaire des droits de Léon Trotsky, l’Institut Léon Trotsky, responsable de l’édition des Œuvres de Léon Trotsky Droits de reproduction : Éditions de Minuit pour le texte « Où va la France ?». © Les bons caractères, 2007 ISBN 978-2-915727-13-5 Dépôt légal deuxième trimestre 2007 Avant-propos de l’éditeur Où va la France ? fut d’abord le titre d’un article de Léon Trotsky publié en novembre 1934. Il devint ensuite le titre d’un recueil comprenant l’ensemble des articles consacrés par Trotsky à la situation française jusqu’en juin 1936, recueil édité par la Librairie du travail, coopérative ouvrière présidée par Pierre Monatte, qui, de 1918 à sa mise en faillite vingt ans plus tard, publia nombre d’ouvrages de révolutionnaires. Aux textes contenus dans ce recueil, nous avons adjoint dans cette édition des articles et une lettre rédigés par Trotsky au lendemain des grèves de juin 1936 et après l’échec de la grève générale du 30 novembre 1938. Trotsky connaissait bien la politique française. Il avait séjourné à Paris deux ans pendant la Première Guerre mondiale, de novembre 1914 à septembre 1916, avant d’être expulsé de France, et avait noué des relations étroites avec les rares militants du mouvement ouvrier français qui continuaient à défendre la tradition internationaliste. Au sein de la direction de l’Interna- tionale communiste, il avait particulièrement suivi les premières années d’existence du parti français, de 1919 à 1923. Expulsé d’URSS en 1929, il avait, après un passage en Turquie, momen- tanément trouvé asile en France en juillet 1933, le gouvernement Daladier ayant annulé l’arrêté d’expulsion de 1916. Mais cet asile lui était accordé sous réserve. Il ne pouvait se livrer à aucune activité politique publique. Il vécut quelques mois à Saint-Palais (près de Royan), puis ayant obtenu la possibilité de se rapprocher de la capitale (sans avoir le droit de s’installer à Paris ni dans l’ancien département de Seine-et-Oise) il se fixa pour un temps, discrètement, à Barbizon, dans la forêt de Fon- tainebleau. C’était plus pratique pour rencontrer les nombreux militants français ou étrangers avec lesquels il entretenait des 4 rapports. Mais son domicile fut découvert et Trotsky fut dès lors assiégé par la presse, à la fois celle qu’on qualifierait aujourd’hui de « people », mais également par la presse de droite, et celle du Parti communiste aux ordres de Staline, qui le poursuivaient de leur vindicte. Cédant devant toutes ces pressions, le 17 avril 1934, le même gouvernement Daladier qui l’avait autorisé à entrer en France décida de l’expulser. Aucun pays n’acceptant de l’accueillir, le décret était inapplicable. Mais Trotsky fut dès lors condamné à une véritable vie de nomade, ne trouvant que des refuges pré- caires, avant d’être accueilli chez des instituteurs de la banlieue de Grenoble. Il y mena pendant quelques mois une vie de reclus, avant de partir pour la Norvège, où un gouvernement socialiste fraîchement arrivé au pouvoir accepta de le recevoir... avant de l’interner un an plus tard. Le Mexique sera sa dernière terre d’asile. Il y trouva la mort en août 1940, assassiné par un agent de Staline. Malgré toutes les difficultés rencontrées durant son séjour en France, Trotsky avait été particulièrement bien placé pour suivre le déroulement de la crise politique ouverte par les manifesta- tions de février 1934. En décembre 1938, dans une lettre adressée à Marceau Pivert, et dans laquelle il plaidait pour la collaboration des partisans de ce dernier et des militants trotskystes (comme quoi il n’était pas le sectaire que certains ont voulu en faire), il envisageait la pos- sibilité que « le prolétariat français, trompé et affaibli par Blum, Thorez, Jouhaux et Cie » puisse « être pris à l’improviste et écrasé sans résistance ». Mais c’était pour ajouter aussitôt : « Inutile de faire des calculs sur la base de cette variante : la prostration servile ne réclame aucune stratégie ». En avril 1940, dans un entretien avec C.L.R. James, Trotsky, après avoir évoqué les défaites subies par le mouvement ouvrier international depuis les années 1920, avait dit : « Après ces terri- bles défaites mondiales, la montée ouvrière en France s’est réalisée 5 à un niveau très bas, très primitif politiquement, sous la direction du Front populaire. Toute la période du Front populaire a été une caricature de notre révolution de février. C’est une honte pour la France, qui traversait voici cent cinquante ans la plus grande révo- lution bourgeoise du monde, que ce mouvement ouvrier ait eu à passer par une caricature de la Révolution russe. » Le point de vue défendu dans ses articles par Trotsky est celui d’un militant d’une rare clairvoyance quant aux problèmes poli- tiques qui se posent à la société française. Lui qui depuis 1934 répétait que la question posée était celle de l’évolution du pou- voir vers un régime dictatorial, si la révolution prolétarienne ne l’emportait pas, verra son jugement confirmé par les faits. Cer- tes le fascisme ne l’emporta pas en France. Mais l’approche de la guerre puis l’éclatement de celle-ci offrirent à la bourgeoisie française l’occasion de briser politiquement la classe ouvrière. Et ce fut le Parti radical, le partenaire du Parti socialiste et du Parti communiste au sein du Front populaire, qui présida à cette mise en pas. Dès avril 1938, le radical Daladier avait formé un gouver- nement d’où les socialistes étaient absents, mais auquel par- ticipaient des représentants de la droite, tels Paul Reynaud, le nouveau ministre des Finances. Le 10 novembre, le Parti radical décida de quitter le cartel électoral du Rassemblement populaire, signant ainsi l’acte de décès officiel du Front populaire. Deux jours plus tard le gouvernement prenait une série de décrets-lois qui achevaient de réduire à rien la loi sur les quarante heures. L’indignation était grande dans la classe ouvrière. Dans leur Juin 361 Danos et Gibelin précisent que « dès le 21 [novem- bre 1938] des grèves éclatent dans le Nord, la Basse-Seine, la région parisienne. Les usines occupées sont évacuées par la police. Le 23, Renault débraye à son tour ; une véritable mobilisation poli- cière est effectuée : 100 pelotons de gardes mobiles, 1 500 agents 1 On peut lire avec profit cet ouvrage (qui vient d’être réédité par Les bons caractères) pour une meilleure connaissance des événements. 6 attaquent l’usine, la bataille dure de 20 à 24 heures, les gaz lacry- mogènes sont utilisés, des centaines de travailleurs sont blessés, 300 emprisonnés. » Le 25 novembre, la CGT annonçait qu’elle appelait à une grève générale pour le 30, mais précisait à l’avance que « quels que soient les circonstances et les événements, le travail devra reprendre le jeudi 1er décembre au matin » et que « la grève se fera sans occupation, [qu’il] ne sera organisé aucune manifestation et tenu aucune réunion ».