journal des Débats

Le mardi 17 novembre 1970

Vol. 10 - No 27 TABLE DES MATIÈRES

Questions et réponses Càbles de télévision 1563 Communications en langue française 1563 Nomination de M. Pierre Duceppe 1564 M. Paul-Emile Giguère 1565 Liberté de la presse 1565 Programme économique d'urgence 1565 Renvois à la Wabasso Cotton 1565 Arrestation de Bernard Lortie 1566 Enquête sur la police 1567 Moral de la police 1567 Téléphoniste arrêtée? 1569 Etiquetage bilingue 1569 Conseils régionaux de développement 1570 Conflit de la General Motors 1571 Reprise du débat sur la situation au Québec M. Lucien Lessard 1571 M. 1575 M. Marcel Masse 1580 M. Jean Bienvenue 1582 M. Bernard Dumont 1589 M. 1593 M. Marcel Léger 1596 M. Jean-Paul Cloutier 1599 M. Guy Fortier 1603 Ajournement 1604 1563

(Quinze heures dix minutes) Questions et réponses M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les Câbles de télévision portes. A l'ordre, messieurs! M. BERTRAND: M. le Président, en vertu Affaires courantes. d'un arrêté ministériel adopté par le gouverne- Présentation de pétitions. ment canadien en 1969, toute société de Lecture et réception de pétitions. télévision par càble agissant au Canada pour le Présentation de rapports de comités élus. compte d'intérêts étrangers doit trouver pre- Présentation de motions non annoncées. neur canadien pour son actif d'ici quelques mois. Ma première question au premier minis- M. DUMONT: M. le Président, vous voudrez tre: Est-il au courant de ce problème? bien faire le changement suivant à la commis- Et deuxièmement: Qu'entend-il faire pour sion des bills privés et bills publics: Remplacer que la compagnie nationale Càblevision qui le nom de Camil Samson par celui de Bernard dessert l'est de Montréal, c'est-à-dire la commu- Dumont, député de Mégantic, ayant comme nauté francophone, soit acquise par des intérêts adjoint Camil Samson. francophones québécois? M. VINCENT: Une promotion? M. BOURASSA: M. le Président, je suis au courant de la question. Je viens justement d'en M. BERTRAND: II y en a un de "démotion" discuter avec le ministre des Communications. et l'autre de promotion. Le conseil des ministres va discuter de la question dans les jours qui viendront. M. PAUL: La guerre intestine. La guerre des roses. Communications en langue française M. BERTRAND: Une autre question au pre- M. VINCENT: Une promotion depuis hier. mier ministre. Un quotidien de Québec annon- çait, ce matin, qu'une directive aurait été émise M. BERTRAND: Est-ce qu'il y a une récom- par le gouvernement afin de favoriser le rayon- pense pour avoir perdu le comté de Frontenac? nement de la langue française dans les commu- nications, d'une part, entre les ministères et les M. DUMONT: Ce n'est pas du patronage. gouvernements canadien et provinciaux et, d'au- tre part, avec les compagnies au Québec. M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous Si une telle directive existe, le premier plaît. ministre pourrait-il la déposer sur la table de cette Chambre? Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. M. BOURASSA: Je suivrai la tradition, M. le Déclarations ministérielles. Président. Cette question a été discutée récem- Dépôts de documents. ment au conseil des ministres. Nous avons pris des décisions, et l'article en question est exact M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai l'honneur dans la mesure où les principes sont impliqués. de déposer le premier rapport annuel du minis- Cela fait partie de la politique générale du tère de la Fonction publique pour l'exercice gouvernement que je dirige de promouvoir, financier 69/70. dans toute la mesure du possible, le statut de la langue française au Québec. M. TETLEY: M. le Président, j'ai l'honneur M. BERTRAND: Mais aucune décision n'a de déposer le rapport annuel de la Régie de été prise dans ce sens? l'assurance-dépôts du Québec. J'ai aussi l'hon- neur de déposer le rapport de l'activité du M. BOURASSA: Oui, M. le Président, j'ai dit ministère pour l'année financière précédente. que le conseil des ministres... Finalement, je note que les permis accordés à des compagnies étrangères, dans le cours de M. BERTRAND: Alors, quelle est la nature l'année financière précédente, le fonds social de la décision prise par le gouvernement? autorisé des corporations étrangères munies de permis et les droits payés pour chaque permis se M. BOURASSA: Justement, que les commu- trouvent aux pages 59 et subséquentes du nications avec les entreprises comme telles, les rapport ci-dessus mentionné. corps publics et les institutions se fassent en français, mais non pas avec les individus, car, au M. LE PRESIDENT: Questions des députés. niveau individuel, je pense que cela pourrait créer des préjudices, étant donné la proportion L'honorable chef de l'Opposition relativement importante des groupes ethniques 1564 non francophones au Québec. Au niveau des M. TREMBLAY (Chicoutimi): A quel mo- institutions, l'article tel que rapporté est exact ment, M. le Président, le ministre a-t-il pris dans la mesure où les principes sont impliqués. connaissance du dossier? Hier ou ce matin? M. BERTRAND: Sait-il que les mêmes prin- M. L'ALLIER: C'est un dossier qui a été cipes étaient appliqués .au Québec assez long- constitué depuis le 29 avril en grande partie et temps avant son arrivée au pouvoir? j'en prends connaissance depuis ce temps. Cette question est suivie de très près par le ministère M. BOURASSA: Pardon, M. le Président? des Communications. M. BERTRAND: Le premier ministre est-il M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question au courant que la même pratique s'exerçait au additionnelle, M. le Président. On peut donc Québec assez longtemps avant son arrivée au tenir pour acquis que le ministre a maintenant pouvoir? pris connaissance du dossier à la suite de nos questions. M. BOURASSA: M. le Président, si le conseil des ministres a examiné la question, s'il a fait M. LE PRESIDENT: L'honorable député de des recommandations dans ce sens, c'est que, Lafontaine. d'après les informations qui lui étaient soumises par les personnes en place, cela constituait un Nomination de M. Pierre Duceppe changement. M. LEGER: M. le Président, ma question M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur papier. s'adresse au ministre des Communications en tant que responsable du Haut-Commissariat à la M. LAURIN: Une question additionnelle à jeunesse, aux loisirs et aux sports. Etant donné celle du député de Missisquoi sur le Càblevision l'émoi causé dans les milieux du sport par une Ma question s'adresse à la fois au premier lettre récente de M. Pierre Duceppe se désignant ministre et au ministre des Communications. lui-même comme responsable du Haut-Commis- Est-ce que le ministère des Communications a sariat, le ministre pourrait-il nous dire à quand été consulté ou a fait des représentations auprès remonte cette nomination et dans quel sens elle du CRTC avant que l'acquisition par le Mont- a été faite? real Star soit approuvée, étant donné qu'il s'agit là d'une matière qui, au dire du ministre, relève M. L'ALLIER: M. le Président, en réponse à d'abord du Québec? la question du député de Lafontaine, voici quelle est la situation. Le Haut-Commissariat, M. L'ALLIER: M. le Président, le ministère lorsque j'en ai assumé la responsabilité, était un des Communications n'a pas été consulté par le organisme sans tête, c'est-à-dire qu'il n'avait pas CRTC sur cette question. Le ministère des de responsable comme tel. Il y avait eu à un Communications étudie actuellement l'ensem- moment donné un haut-commissaire et deux ble de la question du càble. Ce n'est pas une commissaires. Nous étions en présence de deux question qui peut se régler partiellement au hauts-commissaires ayant, semble-t-il, des res- moment d'une transaction ou d'une autre. La ponsabilités égales. La responsabilité qui est question de càble qui est étudiée actuellement confiée à M. Pierre Duceppe relativement au l'est essentiellement dans l'optique de faire Haut-Commissariat n'est pas une nomination. servir cet instrument de communication au C'est uniquement pour que, sur le plan adminis- développement et à la protection de la culture tratif, il n'y ait qu'une autorité administrative québécoise. au sein du Haut-Commissariat. En d'autres mots, M. Duceppe a la responsabilité administra- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question ad- tive du fonctionnement du Haut-Commissariat; ditionnelle, M. le Président. Est-ce que le il est et continue d'être haut-commissaire à la ministre des Communications a vraiment pris jeunesse et aux loisirs. De son côté, M. Chanti- connaissance de ce dossier? Sa réponse n'est gny est et continue d'être haut-commissaire aux pas particulièrement lumineuse. sports. M. L'ALLIER: M. le Président, ma réponse M. LE PRESIDENT: L'honorable député de était non. C'est un mot qui me semble assez Bagot. C'est une question supplémentaire? clair en français. M. CARDINAL: C'était une question supplé- M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que mentaire, mais sur le sujet précédent. J'y je voulais vous faire dire. reviendrai en faisant de cette question une question principale à une prochaine séance. M. L'ALLIER: Pour répondre à la deuxième question du député de Chicoutimi, j'ai effecti- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de vement pris connaissance de ce dossier. Mégantic. 1565

M. Paul-Emile Giguère commission parlementaire sur la liberté de la presse. La décision a été prise il y a quelques M. DUMONT: Merci, M. le Président. Dans semaines. Cela se fera très prochainement. le cours de l'été passé, le premier ministre déclarait: La politique du gouvernement n'a pas Programme économique d'urgence changé. Les candidats défaits n'ont pas de statut, ni pour la population, ni pour les M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre fonctionnaires. question au premier ministre, M. le Président. Ma question s'adresserait au ministre des La semaine dernière j'avais demandé au pre- Finances. J'ai appris la nomination de M. mier ministre si effectivement il avait communi- Paul-Emile Giguère; il vient d'être nommé cation entre le gouvernement du Canada et son secrétaire adjoint du ministre des Finances, M. gouvernement au sujet du programme économi- . M. Giguère était candidat que d'urgence. J'ai lu dans un journal, samedi, libéral défait aux dernières élections. Il est en une nouvelle de la Presse canadienne rapportant fonction depuis lundi, le 2 novembre. Ma que M. Marchand aurait répondu à une question question est la suivante: Est-ce que le ministre en Chambre qu'il attendait des communica- des Finances considère cette nommination de tions du gouvernement du Québec et qu'il étu- bon patronage ou de patronage reconnaissant? dierait, avec plaisir, une demande d'aide pour pallier le chômage. UNE VOIX: C'est du saint patronage! Je voudrais pouvoir concilier la réponse que m'a donnée le premier ministre la semaine M. GARNEAU: M. le Président, vous con- dernière avec cette réponse de M. Marchand viendrez que c'est là une question d'opinion beaucoup plus qu'une question proprement M. BOURASSA: Je ne vois pas de contradic- dite. M. Giguère est un homme d'affaires qui tion, M. le Président. Il y a eu des communica- était bien connu dans le milieu où il vit et tions et une rencontre entre le ministre des j'avais besoin de quelqu'un, à mon bureau, Finances et M. Marchand en fin de semaine. Il y pouvant s'occuper des questions administrati- aura probablement d'autres rencontres dans les ves. J'ai offert à M. Giguère de venir. Je ne vois tout prochains jours. pas, au juste, à quoi le député de Mégantic veut en venir. M. CLOUTIER (Montmagny): Le premier ministre me dit qu'il y a des communications M. DUMONT: Une question supplémentaire, entre le ministre des Finances du Québec et le M. le Président. Sur quels critères le ministre ministre des Finances à Ottawa. Est-ce que le base-t-il la compétence de cet embouteilleur programme économique d'urgence sur lequel d'eaux gazeuses pour le nommer secrétaire travaille actuellement le cabinet s'applique à des adjoint du ministre des Finances? programmes conjoints ou s'il relève particulière- ment de la responsabilité provinciale, dans des M. GARNEAU: Suivant la Loi de la fonction champs de juridiction provinciale? publique, chaque membre du conseil des minis- tres peut engager un secrétaire et des secrétaires M. BOURASSA: II y a des programmes particuliers adjoints. Ses choix ne sont pas conjoints et d'autres qui sont de juridiction soumis aux examens de la Commission de la provinciale. Tout cela sera annoncé en temps fonction publique. C'est le choix personnel du opportun. C'est clair que des décisions seront ministre. Je pense que la compétence de M. prises. Il y en a d'autres qui ont été prises et Giguère, dans le domaine administratif, est bien cela devrait être rendu public dans les prochains connue. jours. M. LE PRESIDENT: L'honorable député de M. PAUL: Question supplémentaire, M. le Montmagny. Président. Liberté de la presse M. LE PRESIDENT: II y a deux questions supplémentaires. M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai deux questions à poser au premier ministre. Est-ce Renvois à la Wabasso Cotton que le premier ministre a l'intention de se rendre à la demande de la Fédération des M. PAUL: Considérant le renvoi actuelle- journalistes de convoquer la commission ou de ment en cours de 400 personnes par la compa- ressusciter l'ancienne commission sur la liberté gnie Wabasso Cotton dans ses usines de Shawi- de la presse pour discuter des problèmes soule- nigan, Grand'Mère et Trois-Rivières, est-ce que vés par les journalistes? le premier ministre a l'intention d'exercer les représentations et les pressions qui s'imposent M. BOURASSA: M. le Président, c'était déjà auprès du gouvernement d'Ottawa aux fins de l'intention du gouvernement de convoquer la donner suite à la demande qui lui a été 1566

présentée récemment par M. Max Kape, vice- M. CHOQUETTE: Je remercie le chef de président de l'industrie de la chemise au Cana- l'Opposition de me tendre une perche aussi da? Le premier ministre et le ministre de agréable. l'Industrie et du Commerce ont-ils l'intention d'étudier le problème du contingentement avec M. BERTRAND: Elle n'est pas agréable. les autorités fédérales aux fins de limiter l'im- portation, spécialement dans la chemise, et de M. TREMBLAY (Chicoutimi): II y a un ha- stimuler l'économie dans l'Est du Québec sur- meçon au bout. tout où se trouvent de nombreuses industries de l'aiguille et du textile. M. CHOQUETTE: Oui, j'ai des explications et des précisions. M. LEVESQUE: M. le Président, des pour- parlers sont en cours sur cette question. J'ai eu, M. BERTRAND: Etiez-vous noyé? personnellement, l'occasion de rencontrer des personnes, inquiètes à ce sujet, comme l'est à M. CHOQUETTE: J'ai des explications et bon droit le député de Maskinongé. J'ai eu des précisions à donner à la Chambre au sujet également l'occasion ainsi que mes fonctionnai- de cet incident. J'ai obtenu ces renseignements res d'en saisir le ministère fédéral de l'Industrie de la Sûreté du Québec. On sait d'ailleurs que le et du Commerce. Les discussions se poursui- chef Maurice Saint-Pierre a d'ailleurs émis un vent. communiqué sur le sujet, hier, et ma déclara- tion ne viendra en somme qu'ajouter quelques M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre détails à ce qui se trouvait dans son communi- pourrait noter que, suivant des informations qué. bien contrôlées et obtenues en fin de semaine Le 6 novembre 1970, quatre policiers de la dernière, à la suite de la politique suivie par les ville de Montréal faisaient une enquête de autorités fédérales actuellement, 78,000 douzai- routine et avaient été requis de se présenter à nes de chemises de plus ont été importées au l'adresse, 3720, chemin de la Reine-Marie, pays par rapport à la même période l'an dernier appartement 12. Après avoir signalé à la porte, et que la production et la fabrication de ils ont entendu du bruit à l'intérieur de l'appar- 100,000 douzaines de chemises dans le Québec tement et ils y ont pénétré. C'est à ce moment donnent de l'emploi à 300 personnes en une qu'ils ont trouvé sur les lieux Colette Therrien année. et Francine Bélisle. Après avoir fait une recher- che dans les lieux, ils ont trouvé dans une M. LE PRESIDENT: L'honorable député de garde-robe Bernard Lortie, qui a témoigné à Bourget, sur une question supplémentaire. l'enquête du coroner sur les circonstances de la mort de feu notre collègue, M. . M. LAURIN: C'est une question addition- Plus tard, dans la soirée, Bernard Bélisle, le frère nelle à la question du député de Montmagny. Si de Francine Bélisle, s'est présenté à l'apparte- j'ai bien compris, le premier ministre a répondu ment et les policiers sont restés dans cet qu'il était prêt à convoquer la commission de la appartement jusqu'au lendemain matin. Justice pour traiter de ce problème. A un moment donné, une autre escouade, cette fois du service de l'identité judiciaire de la M. BOURASSA; J'ai dit, M. le Président, que Sûreté du Québec, s'est présentée sur les lieux j'y étais prêt et que le gouvernement avait pour y faire une étude des empreintes digitales décidé, il y a quelques semaines, à la suite d'une et de tous les aspects techniques. demande précédente de la Fédération des jour- Les policiers de cette escouade de l'identité nalistes, de convoquer la commission parlemen- judiciaire sont restés sur les lieux jusqu'à 18 taire sur la liberté de la presse. heures 30, le 7 novembre. A un moment donné, ils ont quitté les lieux après avoir vérifié que les M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de portes étaient bien fermées, c'est-à-dire la porte l'Opposition. avant et la porte arrière de l'appartement. Ils n'ont pas laissé d'armes sur les lieux, pas plus, Arrestation de Bernard Lortie contrairement à ce qui a pu être publié, que les policiers de la ville de Montréal qui les avaient M. BERTRAND: M. le Président, une ques- précédés, de telle sorte qu'il n'y a pas eu de tion au ministre de la Justice. Le ministre de la disparition d'armes. Justice a-t-il une déclaration à faire sur l'action A leur retour, quelque temps plus tard, ils ou l'inaction de la police lors de l'arrestation de ont constaté que la porte arrière de l'apparte- Bernard Lortie, à Montréal, dernièrement, en ment était entrouverte. Ils ont à ce moment particulier quant à la présence ou à l'absence poussé leur enquête beaucoup plus à fond, des frères Rose et de Francis Simard dans étant donné que cette porte indiquait qu'il l'appartement où Bernard Lortie a été arrêté, s'était passé quelque chose d'insolite et ils ont et, deuxièmement, quant à la disparition des découvert un placard secret qu'il était impossi- armes appartenant aux policiers chargés de ble à l'oeil nu de déceler comme pouvant cacher surveiller? des individus. 1567

M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une ré- Enquête sur la police pétition d'Hernani. On trouve ça au premier acte d'Hernani ou de Don Carlos à l'opéra. M. BERTRAND: Le ministre de la Justice du Québec a-t-il reçu une demande de la part du M. CHOQUETTE: Je relate les faits tel qu'ils ministre de la Justice d'Ottawa de procéder à sont. une telle enquête? M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est rocam- M. CHOQUETTE: Nullement. bolesque! M. BERTRAND: Ne serait-il pas à propos M. CHOQUETTE: On me dit — et j'ai toute que le ministre de la Justice du Québec deman- raison de croire les renseignements que j'ai de au ministre de la Justice d'Ottawa que obtenus — que cet endroit est particulièrement lorsqu'il s'agira de l'administration de la justice bien dissimulé. Il n'y avait aucune raison de au Québec, ce soit le ministre de la Justice du croire que des personnes pouvaient se cacher Québec qui doive prendre les initiatives? dans ce placard secret. Quand on l'a fouillé, on a découvert des empreintes digitales dont un M. CHOQUETTE: Je dois dire que le minis- certain nombre sont celles, me dit-on, de Paul tre de la Justice du Québec prend les initiatives Rose et d'autres personnes. dans le domaine des limites constitutionnelles qui lui sont assignées. Evidemment, la législa- M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... le frigi- tion, dans le domaine criminel, est une matière daire... du ressort fédéral. Et lorsqu'il s'agit d'une législation qui peut affecter, en particulier, la M. LE PRESIDENT: L'honorable député de province de Québec, l'honorable chef de l'Op- Maisonneuve. position peut être assuré que le ministre de la Justice du Québec, et le gouvernement dans son M. BURNS: Si c'est une question supplé- entier, prend un intérêt très considérable dans mentaire, M. le Président, la mienne n'est pas les mesures qui peuvent affecter notre adminis- une question supplémentaire. tration et nos responsabilités dans le domaine du contrôle du crime. M. PAUL: En rapport avec tous ces inci- Pour répondre plus spécifiquement à la dents, le ministre de la Justice peut-il nier ou question du chef de l'Opposition, je ne vois pas confirmer les rumeurs et les nouvelles qui nous à quoi le chef de l'Opposition réfère lorsqu'il parviennent par les journaux et les autres dit que le ministre de la Justice du gouverne- médias d'information que son ministère aurait ment fédéral aurait pris des initiatives dans le l'intention de mener une enquête quant aux domaine de la justice au Québec. Je veux activités policières relativement à cet incident assurer le chef de l'Opposition que je considère que l'on peut appeler l'événement Cross- que la responsabilité, pour le maintien de Laporte? l'ordre et pour le respect des lois, est primordia- lement une responsabilité du gouvernement du M. CHOQUETTE: Je veux tout d'abord, M. Québec et de son ministre de la Justice en le Président, dissiper cette fausse nouvelle vou- particulier. Je ne sais pas si cela répond à la lant que le ministre, ou le ministère de la question. Justice aurait décidé d'instituer une enquête sur M. BERTRAND: Ma question provenait de les corps policiers qui ont participé, à un titre la nouvelle, je crois, qui peut être vérifiée à ou à un autre, à l'enquête, à la suite des l'effet que le ministre de la Justice d'Ottawa a enlèvements de MM. Cross et Laporte. Cepen- dit qu'il y aurait une enquête sur les activités dant, il va sans dire que des incidents comme policières. ceux-là requièrent une attention particulière du ministre et c'est la raison pour laquelle j'ai été M. CHOQUETTE: Je n'ai pas vu ça dans les en communication avec le directeur de la Sûreté journaux. J'ai lu, à un moment donné, une du Québec à ce sujet, ainsi qu'avec divers autres déclaration du premier ministre du Canada, une officiers, pour m'enquérir des circonstances déclaration, enfin, que je ne qualifierai pas, sur exactes dans lesquelles l'incident, que j'ai relaté l'ensemble du travail policier. Cette déclaration tout-à-l'heure, avait eu lieu. m'a personnellement paru inopportune, parce Je tiens à dire que, à l'heure actuelle, il n'est qu'au moment où nos policiers ont fait un nullement question d'une enquête générale sur effort très considérable, même s'il n'est pas l'ensemble des forces policières, excepté ce que couronné de succès, je ne considère pas que j'ai précédemment annoncé, c'est-à-dire que c'est le temps de commencer à critiquer la l'organisation de la police dans son ensemble, le police et le travail qui a été fait par nos forces travail policier, les moyens à sa disposition pour policières. faire face à la période de criminalité que nous Moral de la police traversons feront l'objet d'un examen en pro- fondeur, dont les conclusions paraîtront au livre M. BURNS: M. le Président, je m'excuse blanc que je déposerai en temps et lieu. d'interrompre le dialogue entre le chef de 1568 l'Opposition et le ministre de la Justice, j'aurais Je pense que ceci pourra peut-être constituer également une question à poser au ministre de une mise au point et je prends personnellement la Justice. Le 13 novembre, M. Guy Magnan qui des mesures. J'essaie, par mon action, de est le président de l'Association des policiers soutenir le moral des policiers. Il faut dire aussi provinciaux du Québec affirmait: "Les policiers — et j'ajouterai ceci — qu'au cours de la crise sont les boucs émissaires chaque fois que la que nous avons vécue, on a senti à plusieurs criminalité augmente ou pose des problèmes moments des conflits entre la police d'une part aigus". Il faisait mention entre autres que son et la presse, parce que la presse, désireuse de association, ou du moins les policiers, avaient jouer son rôle de donner des informations et réclamé des moyens efficaces depuis longtemps des nouvelles au public, voulait avoir des et: "L'octroi de ces moyens est retardé et les nouvelles. autorités adoptent à cet égard une indifférence D'un autre côté, les policiers, toujours pru- et un laisser-aller coupables dont le public est le dents, ne voulaient pas révéler un certain seul à subir les conséquences". nombre de choses. Devant ces déclarations, je demanderais au J'ai désigné ce matin même un consultant en ministre, étant donné qu'il m'apparraft y avoir matière de relations extérieures qui examinera une certaine détérioration dans les relations le fonctionnement du département des relations humaines à la Sûreté du Québec, si des mesures extérieures de la Sûreté du Québec de façon à sont prises pour garder le moral des policiers à ce que l'on puisse assurer une communication la hauteur qu'exigent les circonstances actuelles aussi normale que possible, compte tenu des et, s'il y a des mesures, quelles sont ces mesures. circonstances, entre la police et son travail, d'une part, et les médias d'information et le M. CHOQUETTE: Je suis content que l'ho- public, d'autre part. norable député pose cette question. En effet, la déclaration de M. Magnan me semble être survenue postérieurement aux nouvelles qui ont M. LAURIN: Question additionnelle, M. le paru dans les journaux, soit relativement à la Président. Il y a aussi, liés à cette question, déclaration du premier ministre du Canada, soit certains articles qui ont paru sur des rumeurs de au sujet d'une enquête qui aurait été ordonnée conflit entre la Sûreté du Québec et la police de par le ministère de la Justice sur l'ensemble des Montréal. Est-ce que le ministre pourrait nous forces policières ayant participé à l'affaire fournir des explications? Cross-Laporte, nouvelle que je viens de nier d'une façon catégorique. Par conséquent, je considère que M. Magnan, M. CHOQUETTE: C'est une vieille situation, avant de faire une déclaration, aurait dû pren- n'est-ce pas, que celle des conflits, existants ou dre quelques précautions et peut-être me télé- présumés, entre les trois forces policières inté- phoner pour vérifier s'il était bien exact que ressées, c'est-à-dire la police de Montréal, la ceci était la situation. En effet, je pense qu'on Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du aura noté que, par mes déclarations, j'ai soute- Canada. On sait qu'il y a toujours eu une nu depuis le début de cette crise le moral des certaine émulation entre ces trois forces policiè- policiers. J'ai eu des entretiens, non seulement res. On sait que les policiers — je ne le leur avec des hommes politique de l'Opposition qui, reproche pas — quand ils ont des informations, à ce point de vue-là, ont montré beaucoup de sont naturellement portés à les garder pour eux collaboration et de compréhension devant la de façon, je pense bien, à tirer avantage du difficulté de la situation, mais également avec travail déjà accompli par eux. des membres de la presse, qui comprennent Mais je dois dire qu'à cause de l'importance également que ce n'est pas le temps de tomber à de cette crise, je considère que la collaboration bras raccourcis sur la police. Je désire cepen- a été excellente entre les trois forces policières. dant préciser ceci, c'est que nous nous rendons A un moment donné j'ai même assisté à des parfaitement compte — et ceci n'est pas un réunions groupant les trois forces policières où reproche que j'adresse aux policiers individuel- nous avons, à la demande des officiers des trois lement ou comme corps — que nous faisons forces de police, pris des moyens additionnels face à une nouvelle forme de criminalité et que pour que les communications soient encore plus la fonction de policier est extrêmement difficile immédiates et plus rapides entre les forces à remplir dans les conditions actuelles. S'il policières en question. m'était permis en somme de partager quelque Par conséquent, je puis dire que, malgré une peu l'opinion exprimée par M. Magnan, je dirais situation de conflit passée qui était latente, je que ce ne sont pas tellement les autorités qui ne l'ai pas senti au cours de la crise actuelle. Je auraient en somme retardé ou empêché le considère que chaque corps a tenté de s'acquit- progrès des forces policières, que c'est l'ensem- ter au mieux de ses fonctions en collaboration ble de la société en général qui ne s'est pas avec les autres corps policiers intéressés. rendu compte que nous n'avions pas mis les ressources humaines, financières, techniques suffisantes pour protéger l'ordre et la liberté des M. LE PRESIDENT: L'honorable député de citoyens. Montcalm sur une question supplémentaire. 1569

Téléphoniste arrêtée M. MASSE (Montcalm): Je considère donc que le premier ministre fera faire enquête sur M. MASSE (Montcalm): M. le Président, tous ceux qui oeuvrent dans les cabinets minis- question supplémentaire au ministre de la Justi- tériels. Est-ce que la personne qui a été arrêtée ce. Est-ce que le ministre de la Justice peut au bureau du premier ministre est considérée confirmer ou infirmer les informations qui ont présentement par le paie-maître du Québec été transmises par les journaux à l'effet qu'une comme absente pour motifs, en congé sans téléphoniste du cabinet du premier ministre solde ou congédiée? aurait été arrêtée relativement aux incidents de terrorisme dans le Québec? M. DEMERS: En congé sans solde. M. BOURASSA: M. le Président, ce n'était M. BOURASSA: Elle a été congédiée, puis- pas une téléphoniste, c'était une réceptionniste que j'ai dit tantôt, en réponse à la première à mon bureau de Montréal, et elle était occa- question du député de Montcalm, que c'était sionnelle. une employée occasionnelle. M. MASSE (Montcalm): Question supplé- M. MASSE (Montcalm): M. le Président, mentaire. Je comprends donc qu'elle a effecti- quatrième et dernière question concernant cette vement été arrêtée. Est-ce que, devant l'inquié- affaire. Est-ce que le premier ministre ou le tude ou l'insécurité que de telles nouvelles ministre de la Justice a l'intention de demander provoquent dans la population, le premier au ministre de la Fonction publique du Québec ministre ou le ministre de la Justice a l'inten- de mettre sur papier des normes de sécurité et tion de faire des enquêtes au sujet des gens qui de voir à ce qu'elles soient respectées avant travaillent dans les cabinets des autres minis- l'engagement par l'administration publique? tres? UNE VOIX: Cela irait contre le patronage. M. LACROIX: S'ils sont honnêtes, il n'y a pas de problème. M. LACROIX: Voulez-vous avoir son adresse M. BOURASSA: M. le Président, je n'ai pas pour votre bureau? compris la dernière partie de la question. M. CHOQUETTE: Avant de vous donner M. MASSE (Montcalm): Si vous demandiez à une réponse, je vais étudier la situation. certains de vos collaborateurs de bien vouloir se M. LE PRESIDENT: L'honorable député de taire pendant que les gens parlent sérieusement, Sainte-Marie. vous comprendriez peut-être mieux. Etiquetage bilingue M. LACROIX: Vous continuez à vous pren- dre pour un autre. M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Prési- dent, la semaine dernière j'ai posé une question M. MASSE (Montcalm): Est-ce que vous au ministre de l'Agriculture sur l'étiquetage pouvez lui demander de se taire ou si vous bilingue des produits alimentaires au Québec. préférez que je le fasse moi-même? Est-ce que le ministre est prêt à nous donner sa M. le Président, de telles nouvelles ne peu- réponse? vent faire autrement que de provoquer de l'insécurité ou de l'inquiétude parmi la popula- M. TOUPIN: Voici, M. le Président. Je vou- tion. Est-ce que, devant ce fait, le premier lais précisément répondre aujourd'hui à cette ministre a l'intention de demander à son minis- question du député de Sainte-Marie. Sa ques- tre de la Justice ou de voir lui-même à faire tion portait sur l'étiquetage bilingue. enquête auprès des autres personnes qui oeu- Comme le premier ministre l'a déjà déclaré vrent dans les bureaux des ministres du Qué- en Chambre, en réponse à une question du bec? député de Nicolet, en juillet dernier, une révision du dossier sur l'étiquetage bilingue des M. BOURASSA: Poser la question, c'est y produits alimentaires nous a permis de consta- répondre. ter que les discussions avec le gouvernement du Canada n'avaient pas évolué subséquemment à M. MASSE (Montcalm): Dois-je répondre la rencontre fédérale-provinciale tenue à Qué- oui? bec le 20 février 1969. Depuis ce temps, nous avons pris des mesu- M. DEMERS: Dans ce cas-là vous devriez res pour que le ministère des Affaires intergou- être... vernementales organise une rencontre de repré- M. BOURASSA: M. le Président, le gouver- sentants des ministères québécois qui sont liés nement va prendre toutes les mesures nécessai- étroitement à la protection du consommateur. res pour assurer la sécurité de l'Etat. Il y a les ministères des Institutions financières, 1570

Compagnies et Coopératives, de l'Industrie et M. TOUPIN: Au sujet de la première remar- du Commerce, des Affaires intergouvernemen- que du député de Chicoutimi, j'ai déclaré qu'un tales, de l'Agriculture et de la Colonisation. comité interministériel étudie présentement la Cette rencontre a effectivement eu lieu le 28 question. S'il y a des implications avec le bill août 1970. C-180 du gouvernement fédéral concernant le Ces représentants étant conditionnés par le consommateur, nous entrerons en communica- dépôt imminent du bill 45, d'autres réunions tion avec lui. Mais le comité qui est mis sur pied n'ont pas eu lieu avant ce jour. présentement étudie une politique qui sera soutenue par le gouvernement. Au moment où UNE VOIX: C'est la réponse que l'on veut cette politique sera connue, nous la présente- avoir. rons à la Chambre. C'est ce que j'ai voulu dire dans la réponse que j'ai donnée au député de M. TOUPIN: Une seconde réunion d'étude Sainte-Marie. des ministères concernés est cédulée pour de- main... M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question ad- ditionnelle, M. le Président. La réponse du UNE VOIX: C'est une déclaration ministé- ministre ne nous satisfait pas du tout. Dans le rielle. projet de loi qui a été déposé à Ottawa, il est précisément question d'étiquetage. Il est ques- M. TOUPIN: ... vu que la Loi de la protec- tion, uniquement, de mentionner sur les éti- tion du consommateur a maintenant été présen- quettes le poids net des produits qui sont tée. Il faut comprendre que la loi fédérale, le annoncés et dont les noms apparaissent sur les bill C-180, qui vient d'être soumise à la Cham- emballages. bre des communes ne concerne pas uniquement Or, c'est précisément au moment où on a l'étiquetage bilingue, mais que la protection des préparé le projet de loi à Ottawa qu'aurait dû consommateurs comporte des implications con- intervenir le gouvernement du Québec pour cernant plusieurs ministères du Québec, chacun exiger du gouvernement d'Ottawa qu'il tienne dans sa sphère particulière. Nous devons donc, compte de la réglementation que mon ancien avant de pousser plus avant nos négociations collègue de l'Agriculture avait commencé d'ap- avec les autorités fédérales, obtenir un consen- pliquer au Québec et pour lequel, si le ministre sus, à l'échelon du gouvernement du Québec, de ne le sait pas, nous disposons d'un instrument, à toutes les unités administratives concernées, ce savoir le vocabulaire de l'alimentation qui a été qui n'avait pas été fait par le gouvernement préparé par le ministère des Affaires culturelles. précédent. Alors sur le papier, demain, qui vous servira Nous avons donc un nouveau pas de fait en à donner une réponse, voudriez-vous ajouter cette direction et, en temps et lieu, nous cela? informerons la Chambre des développements qui surviendront en ce qui concerne les respon- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de sabilités sous la juridiction propre de mon Beauce. Si je comprends bien, il n'y a pas eu de ministère. J'espère que ça répond... question de posée. L'honorable député de Beauce. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question ad- ditionnelle. Conseils régionaux de développement M. TOUPIN: ... à la question du député de M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais Sainte-Marie. une question à poser au premier ministre. Etant donné les nombreuses déclarations qui ont été M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre faites depuis quelque temps, je lui demanderais vient de nous dire qu'il y aura des rencontres au si le gouvernement a l'intention de modifier sa sujet de l'étiquetage bilingue, "cédulées", com- politique vis-à-vis des conseils économiques me il a dit, au lieu de arrêtées ou entendues. Or, régionaux, ou des conseils régionaux de déve- le dépôt de la Loi sur la protection du loppement en ce qui a trait aux subventions consommateur a été fait à Ottawa, et il n'est gouvernementales qu'ils reçoivent à chaque pas question d'étiquetage bilingue dans cette année? loi. Je me demande à partir de quoi le ministre pourra engager des pourparlers avec ses homolo- M. BOURASSA: M. le Président, le député gues d'Ottawa pour régler cette question d'éti- doit être assuré que le gouvernement considère quetage bilingue dans le Québec, en collabora- que les conseils économiques régionaux sont tion avec le gouvernement d'Ottawa. Pour des interlocuteurs privilégiés pour représenter compléter ma question, M. le Président, le les régions. ministre pourrait-il nous dire de quel instru- ment il dispose pour en arriver à instaurer au M. ROY (Beauce): M. le Président, une Québec la pratique complète et totale de question supplémentaire. Est-ce que le gouver- l'étiquetage bilingue? nement est conscient que, dans certaines ré- 1571 gions, on semble se servir des subventions M. DUMONT: M. le Président, sur une ques- publiques pour faire de l'agitation sociale et de tion de privilège, et avec tout le respect que je la contestation, au lieu de faire de l'animation vous dois, étant donné que certains députés ont véritable? Le gouvernement n'est-il pas d'avis abusé des questions supplémentaires, le député que l'on devrait redéfinir leur rôle et leur fixer de Lotbinière avait une question très urgente à des objectifs précis? poser à cette Chambre, si vous vouliez bien l'accepter. M. BOURASSA: M. le Président, si le député a des cas précis à nous soumettre, comme il M. DEMERS: M. le Président, la mienne vient de le signaler d'une façon générale, le était urgente. gouvernement est toujours prêt à les étudier. UNE VOIX: La mienne aussi. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je vais per- mettre une dernière question au député de M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je le regret- Saint-Jacques. Nous avons déjà dépassé de cinq te mais, déjà, six ou sept députés m'avaient minutes la période des questions. Je demande- laissé entendre qu'ils avaient des questions à rais aux autres députés de réserver leurs ques- poser. Si je le leur permets, cela ne se terminera tions pour demain. jamais. Je donnerai une préférence, demain, au député de Lotbinière, pour qu'il pose sa ques- Conflit de la General Motors tion. M. CHARRON: M. le Président, ma question M. DUMONT: Très bien, M. le Président. s'adresse au premier ministre. Les journaux d'hier faisaient encore état du conflit qui existe M. LE PRESIDENT: Egalement aux députés au sujet de General Motors à Sainte-Thérèse. On de Saguenay et de Saint-Maurice. Vous aurez la dit, d'une part — c'était le titre de l'article — préférence, demain. Le député d'Abitibi-Est "que le règlement progresse partout, sauf à également. Sainte-Thérèse". On sait —j'en ai déjà parlé au A l'ordre, s'il vous plaît! Affaires du jour. premier ministre, la semaine dernière — qu'un des points majeurs du litige concerne le statut Reprise du débat sur la situation au Québec de la langue française. Le premier ministre, dans sa réponse de jeudi M. LEVESQUE: La motion 12. dernier, me faisait part d'une intervention auprès des personnes en conflit, là-bas. Est-ce M. LE PRESIDENT: L'honorable député de qu'il serait capable de me dire, d'une part, la Saguenay. nature de cette intervention, si elle est mainte- nue et si, d'autre part, les négociations ont M. Lucien Lessard effectivement cessé, comme le laissent entendre les articles qui concernent, quand même, M. LESSARD: M. le Président, au moment 23,000 ouvriers? de la suspension des travaux, vendredi, j'étais en train de dire que, par les mesures de guerre, des M. BOURASSA: M. le Président, l'adjoint à libertés civiles fondamentales avaient été abolies mon chef de cabinet a communiqué, ce matin, au Québec, des gens avaient été arrêtés, des avec les représentants du syndicat et nous perquisitions nombreuses avaient été faites. sommes en train de décider s'il serait opportun Depuis, on a relàché quantité de ces personnes. d'organiser une rencontre avec les représentants C'est donc dire qu'une grande partie des gens de la compagnie et du syndicat où le chef du arrêtés l'avaient été, du moins actuellement, gouvernement serait présent. injustement, tel le cas de Bernard Lortie qui, parce qu'il avait le nom d'un autre Bernard M. CHARRON: Est-ce que je dois compren- Lortie, a dû subir trois jours de prison. dre, M. le Président, que cette rencontre, que De plus, par ces mesures de guerre, il a été l'intervention du gouvernement n'est pas encore possible au gouvernement du Québec de trans- décidée? porter ses pouvoirs à Ottawa, de transformer le gouvernement du Québec — un gouvernement M. BOURASSA: L'intervention du gouver- qui a été élu par 45 p. c. de la population — nement est disponible. Il reste à voir si cette gràce à des moyens légaux, en une véritable intervention peut contribuer à la solution du dictature militaire. conflit. Il me semble que tous les citoyens de cette province et tous les députés, même les députés M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier libéraux, devraient s'inquiéter de cette situa- ministre parlera au ministre de l'Agriculture des tion. Us devraient relire, à ce sujet, ce qu'écri- étiquettes bilingues pour les voitures... vait en 1954, leur prophète actuel, aujourd'hui premier ministre du Canada, dans un article sur M. LE PRESIDENT: A l'ordre! la démocratie: "Notre Etat national se rend 1572

aussi coupable d'inadmissibles atteintes aux de Pierre Laporte, nous montrent que cette libertés civiles. Est-il besoin de rappeler la révolution appréhendée n'était menée que par suppression de l'habeas corpus et les incarcéra- quelques individus qui agissaient à l'improviste, tions sans procès pendant la dernière guerre"? sans aucun plan déterminé. M. Trudeau, en 1954, se scandalisait qu'on On nous a parlé de 3,000 terroristes armés fasse ainsi, en temps de guerre, disparaître les jusqu'aux dents qui étaient prêts à renverser le libertés civiles. Chez nous, ceci a été fait, M. le gouvernement et à prendre les armes pour le Président, sans même que les membres de faire. Nous découvrons que les ravisseurs n'a- l'Opposition ou le Parlement aient été au vaient même pas d'armes et qu'ils ont dû en préalable consultés. Ce qui scandalisait M. acheter quelques heures avant leur méfait. Trudeau en 1954, pourquoi, nous, aujourd'hui, Le gouvernement voudrait-il nous convaincre membres de l'Opposition, devons-nous l'accep- que depuis qu'il a été élu, le 29 avril dernier, ter aveuglément? On nous reproche aujour- nous vivons, au Québec, dans une république de d'hui de poser des questions légitimes. bananes? Le gouvernement voudrait-il nous convaincre qu'il était tellement faible qu'il a M. BOURASSA: On ne vous le reproche pas; fallu utiliser des mesures sans précédent pour on vous demande de poser des questions. pouvoir faire face à une dizaine de terroristes sans aucune organisation? Tout cela frise le M. LESSARD: On en a subi les conséquen- ridicule et, comme l'écrivait Clément Brown, ces la semaine dernière, M. le Président. dans Montréal-Matin: Après avoir entendu tant de peurs, de Bonhommes sept heures, on se M. BOURASSA: Posez-en, des questions. demande si le plus sage ne serait pas tout simplement de rire et de se détendre les nerfs. UNE VOIX: Ils ne sont pas capables de Mais, ces événements ont mis en cause les répondre. principes les plus fondamentaux de la démocra- tie. Des libertés que nous croyions définitive- M. LESSARD: Mais ce qui est encore plus ment acquises ont été et sont encore menacées, dangereux pour l'avenir de la démocratie au tant par un groupe de terroristes que par un Québec, ce sont les motifs mêmes sur lesquels pouvoir établi qui semble, à la lumière des on s'est basé pour justifier l'application de ces derniers événements, avoir plus cédé à la pani- mesures de guerre. Que l'Etat puisse utiliser des que qu'à une analyse rationnelle de la situation. moyens légitimes pour combattre des mouve- Des menaces sérieuses ont été proférées contre ments subversifs, nous en convenons, mais des journalistes, des enseignants, des mouve- encore faut-il, pour le respect des institutions ments politiques et sociaux, des syndicalistes, démocratiques, que l'Etat puisse justifier ces en somme contre des éléments des plus dynami- mesures qui s'attaquent au fondement même de ques de notre société québécoise. Des hommes toutes les libertés démocratiques des citoyens éminemment respectables ont été compromis du Québec. Encore faut-il, M. le Président, par des simplifications outrancières d'hommes qu'on conserve du moins une certaine mesure politiques qui tentaient de les associer aux élé- entre les maux et les remèdes. Mais, aujour- ments révolutionnaires et anarchistes. d'hui, alors que, pour la première fois, après Quelques exemples suffiront à illustrer ce trois semaines de crise, nous avons l'occasion de fascisme qui a caractérisé nos hommes politi- discuter de l'application des mesures de guerre, ques au cours des dernières semaines. Par nous devons nous baser sur des déclarations qui exemple, l'entrevue que le premier ministre du parviennent d'Ottawa pour tenter de voir clair à Canada a accordée à Radio-Canada la semaine travers cette situation. dernière, où il a dit: Les gars qui ne sont pas Devant les nombreuses contradictions des pour les mesures de guerre, ce sont des gens qui ministres libéraux fédéraux au sujet des raisons sont pour le FLQ. qui ont justifié l'instauration de ces mesures et Ces simplifications outrancières nous laissent le silence complice du gouvernement du Qué- extrêmement inquiets sur l'avenir de la démo- bec, devant les rumeurs aussi fantaisistes qu'in- cratie québécoise. D'autant plus que ceci a été vraisemblables que certains hommes politiques fait par un homme qui s'est battu contre ont délibérément contribué à répandre dans le l'autoritarisme d'un ex-premier ministre de cet- public, nous ne pouvons être qu'extrêmement te province, lui aussi célibataire. On se deman- inquiets sur l'avenir de nos institutions. On de, à ce sujet-là, si on ne devrait pas dire comme nous avait presque convaincus que nous faisions le disait M. Bouchard: "Heureux soit son face à un effort concerté pour intimider et célibat..." renverser le gouvernement et les institutions, démocratiques de cette province, "par la com- M. HARDY: Cela, c'est fort. mission — pour employer les paroles mêmes du premier ministre du Québec — planifiée et systé- M. LESSARD: "... nous n'aurons pas du matique d'actes illégaux, y compris l'insurrec- moins à subir sa progéniture". tion". Pourtant des déclarations de témoins M. le Président, pour le premier ministre du importants, à l'enquête du coroner sur la mort Canada, l'Etat, c'est lui, et ceux qui sont contre 1573

lui sont contre l'Etat. Il faut donc les écraser. montre comment on peut planifier certaines C'est le retour du "Crois ou meurs! " que nous mesures pour créer dans la population une avons malheureusement trop connu longtemps situation telle que tout esprit de critique sera au Québec. Les déclarations de Jean Marchand obnubilé. Le 15 octobre, tout cela se préparait. et de Jean Drapeau contre le FRAP relèvent On voit d'abord dans Le Soleil: "Le gouverne- aussi de la pire barbarie dictatoriale qu'Hitler a ment du Québec a pensé déménager ses pénates réussi à imposer en Allemagne gràce à ses au siège du gouvernement d'urgence de Québec, procédés mensongers et simplificateurs... soit à Valcartier." M. VEILLEUX: René Lévesque, lui? M. HARDY: Des rumeurs! M. LESSARD: ... qui nous sont décrits dans M. LESSARD: On voit aussi, dans ce même le "Le viol des foules" de Tchakotine. L'on a journal, que plus de 3,000 terroristes seraient l'impression, du moins, qu'il y a certains hom- armés. Au cours de la session du 15 octobre, mes politiques, actuellement au Québec, qui une crise sérieuse ébranle nos institutions... l'ont lu quelques jours avant la crise. Quant aux sempiternelles insignifiances que M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont des lancent M. Caouette et ses acolytes, à propos de attaques contre les journaux. tout et de rien... M. LESSARD: ... mais on savait ou on M. DROLET: Comme "Petit poil". voyait déjà... M. LESSARD: ... nous avons au moins une M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- consolation, c'est que ces gens ne seront jamais dent, est-ce que je pourrais poser une question trop sérieux. Les dernières élections viennent de au député? nous le montrer... M. LESSARD: Allez-y. M. DROLET: "Petit poil" aussi. M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le député M. LESSARD: ... et cela, c'est consolant. fait état d'articles de journaux. Faut-il en conclure qu'il attaque les journaux? M. DROLET: Je crois bien! Un discours aussi intelligent que "Petit Poil" Lévesque. M. LESSARD: Non. Il s'agit d'une déclara- tion du premier ministre en cette Chambre. M. LESSARD: L'attitude grotesque qu'ont C'est au cours de cet après-midi du 15 octo- adoptée certains députés de la Chambre à bre... l'égard d'un groupe parlememtaire démocrati- quement élu par 630,000 électeurs... M. LEVESQUE: Le député veut-il dire qu'il s'agit d'une déclaration du premier ministre M. DROLET: Oui, monsieur, la vérité cho- lorsqu'il a parlé tout à l'heure des terroristes et que. de leur nombre? M. LESSARD: ... n'est certainement pas M. LESSARD: Lorsqu'il a parlé le soir du 15 pour assurer ceux qui se demandent si on ne octobre, M. a admis que le profite pas actuellement des événements tragi- Québec traversait une crise extrêmement sérieu- ques que nous avons vécus pour imposer l'une se. des pires répressions morales que nous ayons connues depuis le régime duplessiste. Il devien- M. HARDY: Ce n'est pas le déménagement à dra maintenant, semble-t-il, dangereux de pen- Valcartier, cela. ser au Québec si on ne pense pas comme ceux qui sont au pouvoir. Heureusement, nous sa- M. LESSARD: A ce moment-là aussi on vons que ces choses ont été dites par ignorance. commençait à constater, sur le territoire du Nous constatons que ces gens qui acceptent Québec, l'intervention de l'armée. Déjà, les gens de se dire ignorants devraient au moins suivre s'interrogeaient: Ces rumeurs sont probable- des cours de recyclage pour s'informer sur la ment sérieuses, puisque toute l'armée inter- situation politique québécoise. L'insulte, l'inti- vient. Le lendemain, nous avons appris que les midation, le grossissement des faits, la violence mesures de guerre étaient instaurées au Québec verbale, la censure, les rumeurs de complots, alors que nous venions de laisser l'enceinte de rien n'a été épargné pour terrifier une popula- cette Chambre. tion déjà traumatisée par les événements dans le Rien n'a été épargné pour faire taire ceux but de la conditionner vers l'acceptation des qui résistaient à la propagande gouvernementale mesures gouvernementales. et essayaient honnêtement de voir un peu clair A ce sujet, nous n'avons qu'à regarder à travers cette confusion. Rien n'a été épargné quelques faits. L'agencement de ces faits nous pour discréditer, auprès de l'opinion publique, 1574 ceux qui refusaient d'accorder une confiance les députés ont eu tout le loisir de poser des aveugle au pouvoir établi et qui ne se satisfai- questions au gouvernement sur la crise, à saient pas des réponses sommaires qu'on don- Québec, tout fut agencé, planifié, pour que le nait à leurs questions légitimes. gouvernement n'ait pas à se justifier devant Celui qui s'est le moindrement renseigné au l'Assemblée nationale. sujet des techniques de la propagande hitlérien- C'est une heure et demie après le départ des ne ne peut que s'interroger sérieusement sur les députés, réunis en session spéciale pour discuter conséquences néfastes que peuvent avoir de tels de l'assurance-maladie, qu'on a demandé au procédés, ou l'utilisation de tels procédés, sur la gouvernement d'Ottawa l'application des mesu- démocratie. Selon un spécialiste politique, le res d'urgence. Et, jeudi dernier, le premier grand danger que doivent affronter aujourd'hui ministre du Québec, me traitait de naif, parce les démocraties est déterminé par trois faits. Le que nous avions demandé la convocation d'une premier, c'est qu'il s'est trouvé des hommes qui session d'urgence, parce que nous aurions aimé se sont aperçus de la possibilité, dans l'état où que le gouvernement, du moins, doive se se trouvent la plupart de leurs contemporains, justifier devant le Parlement. d'en faire des marionnettes, de les faire servir à Vous me permettrez, à ce sujet, de citer la leur but, à eux, bref, de les violer psychique- discussion qu'il y a eue à la Chambre des ment. Ils ont repéré les leviers nécessaires à communes, le 14 octobre dernier, sur ces cette action, ils ont trouvé les règles pratiques mesures: qui les font jouer. Et, sans scrupule, ils s'en ser- vent. "M. Stanfield: M. l'Orateur je voudrais de- mander au premier ministre si, étant donné Le deuxième, c'est que ces possibilités exis- ses déclarations d'hier en dehors de la Chambre, tent objectivement, dans la nature humaine l'on envisage de décréter des pouvoirs d'urgence elle-même et que la proportion entre les élé- à la police, par exemple..." Réponse de M. ments humains qui y succombent et les autres, Trudeau: "M. l'Orateur, depuis le début de qui sont plus ou moins capables de résister, est cette situation d'urgence, le gouvernement a effarante; dix contre un. envisagé toutes les mesures possibles, y compris Le troisième consiste en ce que le viol celle-là et bien d'autres." On pose une autre psychique, collectif, par les usurpateurs, se fait question au premier ministre du Canada, lui sans que rien ne s'y oppose, sans que ceux qui demandant que, si ces mesures d'urgence devraient veiller à l'empêcher ne constatent le étaient appliquées, le Parlement soit au moins danger. Ces procédés, nous savons avec quelle consulté. Réponse du très honorable Trudeau: efficacité ils ont été utilisés dans l'Allemagne "C'est une pure hypothèse. Je le répète, si de nazie et à quelle barbarie ce régime nous a pareilles mesures étaient envisagées, elles se- conduits? raient certainement débattues à la Chambre des William Shirer nous raconte, dans son volu- communes." me sur la montée du Troisième Reich, comment Hitler profita de l'incendie du Reichstag pour Voilà, M. le Président. Qui est naif? Celui-là écraser tous ses adversaires et emprisonner tous qui veut que les principes démocratiques soient ceux qui s'opposaient à l'instauration d'une au moins respectés à l'intérieur de cette Cham- dictature fasciste. Je ne veux nullement laisser bre ou celui-là qui accepte aveuglément que ces planer, sur le gouvernement actuel, des doutes mesures soient instaurées sans avoir, au préala- quant à ses intentions, mais il importe que ble, été acceptées ou, du moins, discutées à toute la lumière soit faite sur cette crise, si nous l'intérieur de cette Chambre? voulons restaurer, dans la population, la con- fiance en ses instutitions démocratiques. De M. LEVESQUE: Le député a tellement le plus, M. le Président, nous avons pu mesurer, au droit de parole qu'il a même dépassé son temps, cours de ces événements tragiques, la fragilité M. le Président. de nos institutions démocratiques. Nous avons pu constater combien il serait M. BURNS: M. le Président, si je me rappelle facile à un usurpateur, fort de sa majorité en bien, le député a commencé à quatre heures Chambre, de saisir tous les pouvoirs, au nom de moins cinq et il n'avait utilisé que cinq minutes la protection du peuple et de l'Etat, pour de son temps, lors de la séance où il a été écraser ses adversaires et cela, sans même devoir interrompu par l'ajournement. Si je comprends consulter le Parlement ou les législatures des bien, il lui reste encore cinq minutes. provinces. C'est en vain que nous, du Parti québécois, avons demandé la convocation d'une M. LEVESQUE: Les officiers de la Chambre session d'urgence pour discuter de cette crise. peuvent préciser, mais je crois que ça dépasse Comme représentants du peuple, nous avons trente minutes. assisté, impuissants, à la disparition de nos libertés démocratiques. Si à Ottawa, les chefs de M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas de chrono- l'Opposition ont été consultés sur l'instauration mètre personnel, mais les officiers de la Cham- des mesures de guerre, à Québec, le premier bre — d'ailleurs, je me suis renseigné dès le dé- ministre n'a pas cru bon de le faire. Si à Ottawa, but de l'intervention du député de Saguenay — 1575 m'informent qu'il avait parlé durant huit minu- nes qui souffrent de troubles pathologiques, tes la semaine dernière et que, normalement, son des personnes qui ont souvent souffert de temps se terminerait à quatre heures dix-sept ou carences affectives dans leur milieu familial et quatre heures dix-huit. Maintenant, si le député scolaire où les adultes ont démissionné devant peut arriver rapidement à sa conclusion, je les problèmes et les exigences de la jeunesse. pense bien que la Chambre serait assez magnani- De là, ces personnes nient le droit d'existen- me pour lui permettre de terminer rapidement ce à toute autorité. Ces gens n'ont rien de son intervention. cohérent à suggérer, et pour cause un comporte- ment délinquant s'efforçant avant tout M. LEVESQUE: Nous n'avons aucune objec- d'exploiter la réalité, à satisfaire leurs besoins tion, M. le Président. personnels et à liquider leurs tensions intérieu- res. M. LESSARD: Je vous remercie, M. le Prési- A l'appui de cette observation, j'en appelle dent. C'est à la lumière de ces faits que nous au témoignage du Dr.Gustave Morf qui a publié prenons conscience que la liberté s'achète au sur le terrorisme au Québec, un ouvrage démon- prix d'une vigilance continuelle. Je reviens trant d'une façon très claire que la très grande encore au prophète actuel du Parti libéral, majorité, sinon toutes ces personnes qu'il a Pierre Elliott Trudeau: "Car les citoyens — écri- rencontrées en clinique, manifestaient de ces vait-il — ne doivent jamais cesser de perfection- troubles pathologiques. Ce sont des gens frus- ner les institutions par lesquelles ils se gouver- trés. Ce sont des gens victimes des circonstan- nent, ni de les adapter aux exigences d'une ces. Ce sont des gens qui ont développé une société d'hommes toujours changeants." agressivité maladive. Cet état de choses les Aujourd'hui, pour ne pas avoir transformé amène à poser des gestes et des actes que nous ces institutions, nous sommes obligés, comme le déplorons. soulignait M. François-Albert Angers, de négo- L'autre cause, que je situe au niveau des cier avec des terroristes. Je termine en citant causes premières de la crise actuelle, se place sur une autre phrase de l'honorable Trudeau: "Mais le plan de l'éducation. Malheureusement, les les élites officielles, dont il faut reconnaître que milieux de l'éducation ont été et sont encore les c'est par droiture d'intention qu'elles mettent lieux privilégiés de la fabrication du terrorisme leurs adversaires au ban de la société, se et de la contestation anarchique. Ne serait-il pas laisseront-elles convaincre que le salut de la temps, à l'occasion de cette crise, de nous nation est lié à l'émergence rapide d'un régime demander si nous avons vraiment changé quel- de liberté personnelle et de souveraineté popu- que chose à l'ancienne tradition scolaire et laire? J'ignore la réponse — disait M. Tru- éducationnelle? Nous nous sommes attaqués deau — mais je peux dire qu'à tout événement aux structures et les étudiants ont été les les tenants du risque semblent décidés à vendre premiers à mettre la hache dans ces structures, chèrement leur peau avant que de laisser le dans leurs propres structures mêmes. Mais Canada français sombrer dans sa pleutre médio- était-ce cela la source des conflits? Nous nous crité." sommes attaqués aux programmes et les avons jugé périmés, inadéquats et vétustes. Mais était- ce là la source de nos maux? Nous avons M. LE PRESIDENT: L'honorable député de constaté que le corps enseignant était plus ou Terrebonne. moins compétent. Nous avons fait des efforts pour améliorer la compétence des éducateurs. M. Denis Hardy Tout cela n'a rien fait. Le monde étudiant n'est pas poussé à la violence ou au terrorisme de M. HARDY: M. le Président, la crise que le l'extérieur. Le monde étudiant fabrique en son Québec vit présentement découle de causes et sein la déception, la tension, la contestation et de facteurs multiples. Pour ma part, j'estime parfois même la violence. que la première démarche à accomplir est de Le monde étudiant est insatisfait de la tenter d'identifier ces causes et de les circonscri- réforme actuelle parce qu'elle n'est peut-être re pour pouvoir, ensuite, travailler à les atté- pas une véritable réforme. Jusqu'au rapport nuer, sinon à les faire disparaître totalement. Parent — et le rapport Parent le constate — Ces causes, je les divise ou je les place à deux l'éducation et l'instruction étaient pensées en niveaux: il y a d'abord ce que j'appelerai les fonction d'une élite, laquelle élite ne contestait causes premières de l'état de crise que nous pas la société mais la dirigeait. La fonction avons vécu et que nous vivons encore présente- sociale de l'éducation était assurée par une sorte ment. de mystique implicite que l'Eglise catholique La cause première de l'enlèvement de deux encadrait et nourrissait. Avec la réforme du hommes et de l'assassinat du député de Cham- rapport Parent, on devait s'orienter vers une bly se situe sur le plan de la santé mentale de formation scolaire sociale, formation motivée certains individus. Ceux-là qui sont les felquis- par les besoins de la société et les nécessités de tes actifs, ceux-là qui sont prêts à tuer des notre évolution politique, sociale et économi- hommes, à faire sauter des bombes sont d'abord que. et avant tout des malades. Ce sont des person- N'avez-vous pas l'impression, M. le Président, 1576

que c'est là où nous sommes en train d'échouer tous les partis politiques québécois, et tous les encore une fois? L'établissement d'un réseau partis politiques québécois ont un sérieux de CEGEP et une chaîne d'universités d'Etat examen de conscience à faire à ce sujet. sont en train de faire la preuve que le monde étudiant continue à exiger une formation d'élite UNE VOIX: Du moins, nous faisons un en s'engouffrant dans des cours dits de forma- effort, nous. tion générale. Cette formation générale a trop souvent pour effet de cultiver chez les jeunes le M. HARDY: Absence de démocratie, égale- goût de l'intellectualisme verbeux, si dangereux ment, dans les syndicats. Les syndicats l'ont à une société qui se mesure à des problèmes démontré, en particulier lors de la crise de la aussi concrets que le chômage, les disparités construction, lors de la grève de la construction, régionales, l'incompétence en économie et en lorsqu'on voyait dans une région comme la politique. mienne, la région des Laurentides, que seule- Nous sommes à fabriquer une nouvelle élite ment 10 p.c. des ouvriers syndiqués pouvaient qui perd contact avec la réalité mouvante du empêcher la majorité, l'ensemble des ouvriers, Québec et qui entretient son pouvoir de caste de travailler. C'est là, M. le Président, un en prétendant être la détentrice de la vérité phénomène et un signe que la démocratie est québécoise. Comment se surprendre ensuite que malade. le terrorisme s'implante dans de tels milieux ? La démocratie est malade au Québec, M. le Ces nouvelles élites s'imaginent un pays idéal, Président, et la cause en est, pour une part, à une société idéale, des législations idéales, des ceux qui sont responsables de l'information. gouvernements idéaux et quand on se réveille Bien sûr, je n'ai pas l'intention de tomber à devant la réalité brutale, c'est une déception qui bras raccourcis sur les journalistes. Bien sûr, je ne peut qu'amener l'irritation, la tension et la sais, je réalise combien difficile est le métier violence. qu'ils accomplissent. Je sais dans quelles condi- Pour ces causes, M. le Président, je considère tions très difficiles ils travaillent et qu'il est donc que si l'on ne fait pas des efforts radicaux facile de critiquer, de blàmer sur tel ou tel pour faire en sorte que notre système d'éduca- point. Mais il y a quand même des choses tion colle davantage à la réalité, prépare davan- évidentes et même si l'on ne doit pas faire tage les jeunes aux tàches qui les attendent, si porter tous les péchés d'Israël au monde journa- on continue à former des pléiades de sociolo- listique, il ne faut pas se croiser les bras et gues, de littérateurs et de poètes, en trop grand s'abstenir totalement de les critiquer. Si les nombre pour que la société puisse les recevoir, hommes politiques doivent être critiqués, si nous formerons des révolutionnaires dans les tous les milieux, les syndicats, les profession- écoles et les universités. nels, ceux qui sont détenteurs du pouvoir Mais il y a aussi d'autres causes à l'état de acceptent d'être critiqués, je ne vois pas pour- crise, des causes qui se situent à un autre quoi les journalistes ne l'accepteraient pas, eux niveau, ce que j'appellerais les causes secondes, aussi, à moins, évidemment, qu'ils se considè- les causes accessoires. L'une de ces causes, c'est rent comme absolument absents, comme abso- la faiblesse de notre vie démocratique au lument intacts, virginaux et incapables de com- Québec. Si la démocratie était plus vivante, mettre la moindre erreur. mieux vécue, il est évident qu'une crise comme M. le Président, il est un fait, je pense... On celle que nous vivons présentement n'aurait parlait tantôt à la période des questions de la peut-être pas eu lieu ou, du moins, elle aurait convocation d'une commission pour analyser été moins grave. tout le problème. J'espère qu'une telle commis- Pourquoi la démocratie n'est-elle pas plus sion va étudier tout le problème, parce que la vivante, n'est-elle pas plus saine? A qui la liberté de la presse est un facteur essentiel dans faute? Bien sûr, la faute appartient aux partis une démocratie. Parce que la liberté de la presse politiques, quels qu'ils soient. Les partis politi- est menacée, mais de bien des côtés. Il est ques, dans le passé et même actuellement, ne évident que la concentration des organes d'in- font peut-être pas tous les efforts nécessaires formation, des journaux, entre les mains de pour permettre à leurs militants et à leurs certains pouvoirs financiers peut nuire à la membres de jouer un rôle actif et cela s'appli- liberté de la presse, mais la liberté de la presse que à tous les partis politiques. Ah! je sais qu'il est également menacée à l'heure présente par les y en a qui, se considérant comme membres journalistes eux-mêmes. Les journalistes qui d'une élite, comme parti politique, s'imaginent faussent l'information, qui ne présentent que cela ne les atteint pas. J'ai rencontré, M. le qu'une partie de l'information, qui colorent Président, trop de militants sincères de ce parti l'information, qui donnent plus d'importance à qui se prétend un nouveau parti, trop de tel genre d'information qu'à tel autre, en militants qui ont été déçus, eux aussi, de la fonction de leur idéologie personnelle, briment façon dont la démocratie fonctionnait dans les la liberté de la presse. Il ne faut pas oublier que rangs de ce parti. Ceci, M. le Président, tout la liberté de la presse n'existe pas d'abord et simplement pour dire que l'absence de démo- avant tout en faveur des journalistes. Si la cratie ou de véritable démocratie est le lot de liberté de la presse a sa raison d'être, c'est 1577 d'abord au service des citoyens, c'est d'abord au étudie le problème, elle étudiera tous les aspects service des lecteurs. Lorsque les lecteurs pren- de cette question. nent un journal et n'ont qu'une information L'autre facteur accessoire qui nous amène à biaisée, une information présentée à travers le l'état de crise, c'est — tout le monde l'a dit et je prisme de l'idéologie du journaliste qui écrit son pense bien ne rien dire de très nouveau là- article, eh bien, ces lecteurs sont victimes d'une dessus — le problème des inégalités sociales. Il absence de liberté de la presse. est évident que c'est un autre facteur qui Il n'est pas question pour moi de prétendre permet aux malades dont j'ai parlé au début de imposer quelque idéologie que ce soit aux justifier leurs actions criminelles. C'est un fac- journalistes. Les journalistes ont tous le droit teur, également, qui permet à des gens plus ou d'être PQ. Ils ont tous le droit d'être marxistes. moins bien intentionnés d'avoir une sympathie Ils ont tous le droit d'être ce qu'ils veulent. pour leur action. C'est ça, la liberté. Mais les journalistes n'ont Mais, ces inégalités sociales, d'où provien- pas le droit de se servir de l'information, les nent-elles? Evidemment, si on est de droite, on journalistes n'ont pas le droit de prendre une va dire que les inégalités sociales sont dues aux information telle qu'elle est et de la transmettre hausses de salaires, aux syndicats et à tout ce d'une autre façon, de telle sorte qu'ils servent monde-là. Si on est de gauche, on dira que les leur idéologie à eux. Les journalistes n'ont pas inégalités sociales sont dues au capitalisme, aux le droit de faire taire le discours de telle ou telle possédants, aux industriels. Mais, quand on personne en cette Chambre parce que ce dis- regarde d'un peu plus près la réalité, quand on cours va à l'encontre des idées qu'ils professent, veut sortir un peu de ces catégories très eux. C'est ça, la véritable liberté de la presse et conformistes de la sotiété dans laquelle on vit si des efforts... — parce que, malgré les apparences, nous vivons dans une société très conformiste — on voit, M. CHARRON: M. le Président, est-ce que le évidemment, que les inégalités sociales sont député me permettrait une question? dues à l'exploitation et à la rapacité de certains industriels. Il y a des employeurs qui exploitent M. HARDY: Avec grand plaisir. d'une façon éhontée leurs employés, et c'est un facteur d'inégalités sociales. M. CHARRON: Est-ce que la conscience de Mais, il y a aussi les syndicats qui sont la liberté de la presse du député pourrait être responsables des inégalités sociales. Les syndi- poussé jusqu'au point qu'il s'attaquerait aussi cats portent une attention bien particulière aux aux monopoles qui détiennent et contrôlent la grandes entreprises, comme la General Motors. presse? Dès l'ouverture des grandes entreprises où il y a de bons salaires, les grandes centrales syndicales M. HARDY: Si le député de Saint-Jacques... dépêchent des gens pour syndiquer les gens. Mais, à côté de ça, vous avez des masses et des M. CHARRON: Est-ce que le souci démocra- masses d'ouvriers qui ont des revenus absolu- tique du député va jusqu'au... ment indécents et qui, eux, auraient besoin plus que tout autre d'être organisés sur le plan M. HARDY: ... m'avait bien écouté... Si le syndical. Les grandes centrales syndicales ne se député de Saint-Jacques — je ne sais pas s'il préoccupent pas tellement d'eux. était présent — présent physiquement, l'avait Pourquoi y a-t-il une si grande masse de gens été psychologiquement, il aurait compris que, qui ne sont pas organisés? Si vous faites une dès le début, avant de parler de la responsabilité étude, vous vous apercevez qu'il n'y a pas de des journalistes, j'ai dit que la liberté de la grandes industries où l'on n'est pas organisé. On presse pouvait être brimée par la concentration est organisé dans ces grandes industries-là. C'est des organes entre les mains de pouvoirs finan- là où les salaires sont les plus bas, bien souvent, ciers. C'est un des facteurs. C'est pourquoi que les syndicats n'entrent pas. j'espère que si... M. BURNS: M. le Président, le député me M. CHARRON: C'est parce que vous n'avez permettrait-il une question? pas insisté là-dessus comme sur le reste. M. HARDY: J'aimerais bien être agréable au M. HARDY: Je suis peut-être tombé dans le député de Maisonneuve, mais, sachant que mon défaut de certains journalistes. J'ai peut-être temps est très limité, je voudrais l'employer insisté trop sur une chose et pas assez sur totalement. l'autre. M. BURNS: Peut-être est-ce parce que c'était M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous n'avez une question sur les syndicats? pas insisté sur Power Corporation. M. HARDY: Les syndicats sont également M. HARDY: M. le Président, à ce sujet, je responsables des inégalités sociales lorsque, sans souhaite que si une commission parlementaire tenir compte du niveau économique de l'ensem- 1578 ble de la population, ils demandent des augmen- M. BERTRAND: Qui a dit cela? tations de salaires trop considérables dans cer- tains secteurs. S'il existe des secteurs du monde M. HARDY: J'ai lu cela sous la plume du du travail qui reçoivent des salaires trop consi- chef d'un parti politique qui occupe la troisiè- dérables — je pense à certains corps de métiers me place en cette Chambre. actuellement: les plombiers, les électriciens qui sont peut-être trop payés, pas en soi, mais pour M. LACROIX: Ce n'est pas René Lévesque. l'ensemble de la société — il est évident que cette situation fait en sorte que les plus pauvres M. VINCENT: La troisième place? sont encore plus pauvres. Tout cela pour dire que les inégalités sociales M. HARDY: La quatrième, je m'excuse. ne sont pas le fait uniquement du régime capitaliste, des industriels et des grandes entre- M. PAUL: Vous voulez parler de l'honorable prises, mais qu'il y a d'autres secteurs de la député de Mégantic? société —j'ai parlé des syndicats et je pourrais parler de beaucoup d'autres secteurs — qui sont M. LACROIX: Ce n'est pas notre Lévesque. responsables des inégalités sociales que nous vivons présentement. M. HARDY: De toute façon, je pense bien Un autre facteur qui nous amène à la que tous les honorable députés de cette Cham- situation actuelle, c'est ce que j'appelle — ici, je bre... sais que je vais faire sursauter certaines person- nes — le nationalisme totalitaire. Le nationalis- M. CHARRON: Pouvez-vous dire de quoi le me en soi est une valeur positive, il n'y a pas de chef de ce troisième parti parlait à ce moment- doute là-dessus. Il est évident que le nationalis- là? me permet aux collectivités nationales de s'épa- nouir et de se développer, et aux civilisations de M. HARDY: Je sais très bien que tous les se construire. C'est un fait historique que l'on honorables députés de cette Chambre sont assez ne peut pas nier. Mais, malheureusement, il lucides pour avoir fait la distinction et avoir arrive que ce nationalisme positif, qui a pour compris le petit lapsus que j'ai eu. objectif de permettre à une collectivité de s'épanouir, débouche très souvent sur le natio- M. PAUL: ...jamais dû entrer en politique. nalisme totalitaire. Le nationalisme totalitaire se caractérise par M. HARDY: Enfin, je pense que ce sont là la négation des libertés individuelles, par la des causes qui ont créé ce climat général qui subordination de la liberté individuelle à l'idée permet l'éclosion d'une crise comme celle que nationale, par la subordination du bien-être nous vivons présentement. Il faut donc que non matériel, physique et intellectuel à l'idée natio- seulement le gouvernement — ce n'est pas uni- nale, par la subordination des grandes valeurs quement sa responsabilité — mais que tous ceux humaines, la fraternité, au nationalisme. Lors- qui ont une responsabilité quelconque dans la qu'on met, comme valeur fondamentale à la- société, que tous ceux qui ont une influence sur quelle tout doit être subordonné, le nationalis- l'opinion publique, que tous ceux qui ont une me, c'est à ce moment-là que l'on débouche sur responsabilité dans un secteur donné de la l'intolérance, sur la haine, et c'est cette forme société travaillent à faire disparaître ces causes, de nationalisme qui a créé tant de tragédies au si l'on veut vraiment rétablir un climat d'ordre, cours de l'histoire, qui a joué un si grand rôle un climat sain, dans la société québécoise. dans certaines guerres. Je ne m'attarderai pas sur les raisons immé- Le nationalisme totalitaire, il existe ici au diates qui ont justifié l'établissement des mesu- Québec, quand on regarde des programmes res de guerre, le ministre de la Justice en a parlé politiques qui subordonnent tout à l'idée de avec beaucoup d'éloquence. Je veux tout sim- nation, quand on regarde des hommes politi- plement dire que je suis aussi sensible que tous ques qui pratiquent l'intolérance au point de les députés de cette Chambre, y compris ceux dire que ceux qui ne partagent pas leur idée, qui me font face, je suis aussi sensible qu'eux au que ceux qui ne partagent pas leur conception fait que des personnes, à l'heure actuelle, de la nation sont des traîtres, des vendus. Nous peuvent être arrêtées injustement; je déplore sommes arrivés à ce nationalisme totalitaire. autant qu'eux que des personnes voient leur Nous arrivons à ce nationalisme qui nous mène à domicile perquisitionné injustement. Il est évi- des propos haineux, et j'en veux simplement dent que l'on ne peut pas se réjouir d'un tel état comme exemple le suivant. Je pense que c'est de choses. Mais, il faut se poser la question l'exemple le plus typique de ces propos hai- suivante: A qui la faute? Qui est responsable neux, des propos racistes. Quand on en arrive à si, par hasard, par hypothèse —je ne sais pas, je dire: "Les 200 enfants de chienne", c'est cela ne possède pas de faits qui peuvent le détermi- du nationalisme totalitaire et c'est cette forme ner — des gens ont été arrêtés injustement, si, de nationalisme qui débouche sur des crises par hasard, des domiciles ont été perquisition- comme celle que nous vivons présentement. nés injustement? A qui la faute? Est-ce la 1579

faute du ministre de la Justice? Est-ce la faute faisant cette distinction bien aléatoire, bien du gouvernement fédéral? superficielle, nous sommes pour les objectifs, Nous sommes rendus dans une situation mais nous sommes contre les moyens. Après ça, tellement aberrante que l'on reproche un état ces gens-là s'étonnent qu'on les assimile dans de choses à ceux qui n'en sont pas responsables. l'esprit du public. Ils s'étonnent d'être assimilés Si nous avons dû appliquer les mesures de au FLQ, alors qu'il serait tellement facile guerre, si nous avons dû faire venir l'armée au d'exposer sa pensée propre, de dire contre quel Québec, c'est d'abord la responsabilité des gens et quel malaise social on est, d'exposer les qui se sont rendus responsables d'actes de remèdes que l'on propose sans être nécessaire- terrorisme. Ce sont eux les principaux responsa- ment obligé de référer au FLQ. bles. Pourquoi ne le dit-on pas? Mais, ces gens-là semblent tellement dénués Pourquoi essaie-t-on de faire porter la res- de pensée sociale ou peut-être veulent-ils profi- ponsabilité d'un tel état de choses à ceux qui ter d'une espèce de possibilité d'avoir plus ont dû utiliser des instruments qui ne sont d'audience, d'avoir plus de publicité, et ils se peut-être pas les meilleurs, qui sont peut-être rattachent presque toujours au FLQ. des instruments déficients, mais qui étaient les A condition que ça ne tombe pas sur mon seuls instruments dont nous disposions pour temps. permettre à l'ordre public et à la sécurité d'être assurés? M. LAURIN: Oui, M. le député de Terrebon- M. le Président, il est inconcevable, lorsqu'on ne sait-il qu'on a dénoncé, comme il vient de lit les journaux à l'heure actuelle et que l'on nous le recommander, vingt, trente fois, les entend certains personnages parler, de penser méthodes, les objectifs qu'il vient de mention- que la responsabilité des malaises actuels vien- ner? Et malgré tout, il y a encore des députés, drait de l'autorité. Je suis également aussi même de son parti, qui lancent les mêmes sensible que mes collègues d'en face à ce accusations. problème qui fait que des mouvements, que certains mouvements, que certains organismes M. HARDY: D'abord, M. le Président, je ne subissent peut-être préjudice dans l'esprit du prends pas à mon compte ce que peuvent dire public. Je pense entre autres à une organisation tous les députés de mon parti. comme le FRAP, non pas peut-être à l'organi- sation comme telle, mais à certaines personnes M. LAURIN: Merci. qui appartenaient à cette organisation. Il est évident que, lors des dernières élections M. HARDY: Deuxièmement, dans l'énumé- municipales, il y a probablement des candidats ration de ce que je faisais, je ne visais pas du FRAP qui ont été victimes de la situation nécessairement le député de Bourget. Je ne sais ambiguë qui existait alors. Il y a sûrement dans pas pourquoi le député de Bourget s'est senti d'autres mouvements, que ce soient des partis visé. politiques ou d'autres organisations, des gens qui sont victimes de l'ambiguïté qui existe dans M. LAURIN: Je ne me suis pas senti visé. l'esprit de certaines personnes. Mais encore là, qui est responsable de cette ambiguïté d'abord M. LACROIX: Vous vous proposez d'être et avant tout? Si je prends le cas du FRAP, si l'organisateur du PQ? certaines personnes ont pu assimiler le FRAP au FLQ, à qui la faute d'abord, sinon au FRAP, M. HARDY: Pour ma part, et ici, je suis bien qui a refusé de se dissocier d'une façon claire, conscient de ce que je vais dire, je n'hésite pas à nette et précise du FLQ? soutenir que ceux qui ont profité de la crise Nous voyons encore actuellement combien il actuelle pour se faire du capital politique et ne pouvait pas se dissocier, parce que présente- pour tenter d'affaiblir l'Etat afin d'augmenter ment même son président est sommé de démis- leur propre pouvoir en essayant de diviser le sionner. Alors, s'il y a des membres du FRAP peuple québécois, de même que ceux qui ont qui ont été victimes de l'ambiguïté, c'est tenté de se donner un rôle messianique ou de se d'abord dû à l'organisation comme telle qui a faire passer pour des grands sauveurs pour refusé. C'est le cas d'une foule d'autres organi- essayer de jouer un rôle politique sans passer sations. On en est rendu, quand on entend par les voies normales et qui, pour cela, n'ont certaines personnes ou certains organismes, à se pas hésité à employer des moyens qui sont plus demander si ces gens-là n'ont pas perdu toute ou moins recommandés, sinon recommanda- pensée, perdu toute capacité de penser par bles, sont des collaborateurs du FLQ. Collabo- eux-mêmes. rateurs conscients ou inconscients, selon leur A l'heure actuelle, une foule de gens qui degré de lucidité, mais ce sont des collabora- veulent lutter contre les inégalités sociales, qui teurs. veulent lutter contre les malaises sociaux, qui veulent une plus grande justice, ne sont pas M. DUMONT: Avec votre permission, M. le capables de parler, ne sont pas capables d'expri- Président, j'aurais une simple question à poser mer des opinions sans se référer au FLQ. En au député de Terrebonne. 1580

M. HARDY: Si la Chambre y consent, je suis ce ou la gravité des événements. Ils nous ont prêt à répondre à toutes les questions et du tous profondément affectés et ils auront sur député de Mégantic et des autres députés. l'avenir de notre peuple de longues et doulou- reuses répercussions. Mais, puisqu'ils ont déjà M.PAUL: Ce n'est pas la réponse que je provoqué de la part des autorités une réaction crains, c'est la question. qui engage lourdement la responsabilité gouver- nementale, puisqu'ils ont déjà modifié dans M. DUMONT: Etant donné que le député de leurs principes fondamentaux les structures de Terrebonne a fait un magnifique exposé, sur- notre société, il est essentiel que le Parlement tout en ce qui concerne l'enseignement, peut-il du Québec, à qui la population a délégué la assurer cette Chambre, puisque le ministre de responsabilité de maintenir ces principes, soit l'Education ne semble pas partager son point de totalement informé des raisons qui ont amené vue... le gouvernement à suspendre les libertés premiè- res des citoyens. M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- Loin de moi aussi l'intention de minimiser dent, il faut le consentement unanime, n'est-ce l'effet qu'a produit, aussi bien sur la population pas? que sur ses mandataires, l'escalade de la violen- ce dont nous avons été témoins. Nous sommes M. LE PRESIDENT: Soulevez une question tous passés de la stupeur à l'angoisse, de la de règlement. consternation à l'indignation. Je comprends donc que le gouvernement ait senti le besoin de M. DUMONT: ... qu'il en remettra le texte prendre des mesures spéciales pour mettre un au ministre de l'Education? terme à la crise et qu'il ait mobilisé toutes les forces policières à la poursuite des criminels. M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- Mais, on voudra bien l'admettre, la population dent, j'invoque le règlement. Il faut le consente- du Québec, profondément émue, est tout de ment unanime et je ne le donne pas. même restée calme. Elle n'a, en aucune occasion, manifesté UNE VOIX: C'est bien intelligent! l'intention de rejeter les principes démocrati- ques. Nulle part, quel que soit le mécontente- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de ment suscité par l'actuel gouvernement — et Montcalm. Dieu sait s'il existe — nulle part, dis-je, l'on n'a vu se dresser des barricades, se fomenter des M. Marcel Masse complots pour attenter aux institutions. L'un des éléments les plus importants de l'inquiétude M. MASSE (Montcalm): M. le Président, la populaire a certainement été l'attitude de tergi- situation dans laquelle nous nous trouvons versation du gouvernement face à cette situa- depuis le 5 octobre dernier a plongé le Québec tion nouvelle pour tous. Le peuple a senti que dans l'une des pires crises de son histoire. La les plus hautes instances de l'Etat étaient population tout entière a soudainement pris complètement déroutéees, débordées. Faut-il conscience, avec une certaine épouvante, que rappeler la confusion qu'ont entraînée les diver- les principes essentiels sur lesquels reposent les ses décisions prises par le cabinet. fondements de notre société, qui sont le respect Aux ravisseurs de M. Cross qui exigeaient la de la vie humaine et des institutions, pouvaient libération des membres du FLQ déjà détenus, le être violés par une poignée de fanatiques dont ministre de la Justice a répondu en offrant des l'action forcenée suffisait à ébranler l'ordre sauf-conduits à ceux-là mêmes qui venaient de établi. commettre un acte criminel de la plus haute Il n'est pas nécessaire, je pense, de reprendre gravité; un enlèvement avec menace de mort, le film des événements. Chacun garde en sa alors qu'il refusait de libérer des prisonniers mémoire avec une profonde émotion les péripé- déjà jugés. C'était, pour le moins qu'on puisse ties de ce drame qui va du 5 octobre, jour de dire, une attitude assez équivoque. Pourquoi l'enlèvement de M. James Cross, à l'horrible cette gradation dans la culpabilité, d'autant plus échéance de l'assassinat de notre collègue, qu'il était clair que cette offre ne pouvait être Pierre Laporte, le 17 octobre. Les actions acceptée? engagées devant les tribunaux ont commencé à Quelques jours plus tard, le premier ministre, lever le voile sur le mystère qui entoure ces dans une allocution, à la nation, laissait claire- gestes criminels. On perçoit déjà qu'il ne s'agis- ment entendre qu'à certaines conditions, entre sait pas d'une vaste conspiration ourdie par un autres la garantie de la libération de MM. Cross puissant mouvement clandestin possédant de et Laporte sains et saufs, le gouvernement nombreux appuis populaires, mais bien plutôt acceptait de négocier avec les ravisseurs sur la de l'oeuvre erratique d'éléments terroristes iso- base de leurs exigences. Là encore se manifes- lés, comme on en trouve malheureusement dans tait une profonde contradiction avec l'attitude toutes les sociétés modernes. précédemment adoptée par le ministre de la Je ne chercherai pas à minimiser l'importan- Justice qui refusait, deux jours avant, tout 1581

dialogue. Bien sûr, entre les deux déclarations On a invoqué, pour prendre ces mesures se situe l'enlèvement d'un membre important draconiennes, une situation d'insurrection ap- du cabinet. Mais une vie est une vie et les préhendée. On a parlé, en certains lieux, de la principes sont les principes. constitution d'un gouvernement provisoire qui Il était tout aussi important, sur le plan devait assurer l'intérim, à la suite de l'effondre- moral, de sauver la vie de M. Cross que celle de ment du gouvernement qui est devant nous, M. Laporte. Et tandis que dans des conditions avec un gouvernement de salut public. Que assez incroyables s'ouvraient des négociations n'a-t-on pas dit? Il est temps de clarifier la entre le représentant mandaté du gouvernement situation. En quoi le gouvernement peut-il et celui du FLQ, on sentait s'élever, hors du justifier ses inquiétudes d'une insurrection géné- Québec, des pressions énormes destinées à faire ralisée, ou même localisée, au Québec? Quels reculer le gouvernement québécois sur des renseignements possède-t-il que nous n'avons positions plus rigides. pas? D'où venait la menace, si l'on exclut les Nouveau coup de théàtre le jeudi 15 octo- fanfaronnades de quelques têtes chaudes qui bre. Le premier ministre retire son négociateur font entendre leurs imprécations au Québec et donne un ultimatum aux ravisseurs. Le chef depuis plus de vingt ans? Ne doit-on pas plutôt du gouvernement annonce qu'il donnera une croire que l'on a tenté de profiter de la conférence de presse à trois heures du matin. Il situation pour dompter, une fois pour toutes, n'en est rien. A quatre heures du matin, c'est le les forces nationalistes québécoises et faire premier ministre du Canada qui annonce la mise entrer la province de Québec dans le giron en vigueur de la Loi des mesures de guerre. protecteur de l'Etat fédéral? Aussitôt commencent des arrestations multi- Je n'accuse personne de plans machiavéli- ples, effectuées sans mandat sous l'empire de la ques mais je constate qu'entre les maux et les loi dont les règlements n'ont pas encore été remèdes il y a une telle marge qu'on doit s'en soumis au Parlement fédéral et sur lesquels, inquiéter. Il semble que l'on ait voulu écraser est-il nécessaire de le rappeler, le Parlement du une mouche avec un marteau-pilon. Il semble Québec, premier intéressé, n'a pas été consulté. que l'on veuille garder le plus longtemps possi- Plusieurs centaines d'arrestations sont faites et ble une situation d'exception. Il semble que les suspects gardés en prison sans pouvoir l'on veuille jouer à fond d'une équivoque et communiquer avec leur famille. Il y eut certai- faire porter aux nationalistes québécois le poids nement des abus puisqu'après des interrogatoi- d'un crime commis par des éléments révolution- res sommaires la plupart des prisonniers furent naires qui se réclament eux-mêmes d'une doctri- relàchés. Sur près de 500 arrestations, un peu ne subversive. L'attitude en cette Chambre de plus de 60 furent maintenues. Il était évident, certains députés libéraux en est la preuve. Et ce dans ce cas-là encore, que le gouvernement et n'est pourtant pas le moment de semer de telles les forces policières agissaient à l'aveuglette sans confusions. Aucun intérêt politique ne peut tenir compte des préjudices causés aux citoyens justifier un suicide collectif du Québec. Il y injustement incarcérés. aura toujours des inadaptés sociaux, des anar- Il n'y a rien dans tout cela qui puisse chistes pour revêtir le manteau des plus justes réellement rassurer l'opinion publique. Ces atti- causes afin de s'attirer la sympathie populaire et tudes contradictoires, ces gestes empiriques gagner des adeptes à leurs actes. Que les posés par les autorités, ce flot d'accusations et maoïstes et les felquistes revêtent le manteau du de rumeurs plus ou moins échevelées qui a nationalisme, il n'y a pas là de quoi se surpren- dévalé sur une population déjà tendue et an- dre. Il faut être aveugle pour ne pas se rendre goissée ont largement contribué à donner à la compte que l'immense majorité des Canadiens crise l'ampleur qu'elle a connue. On en vient à français de cette province est foncièrement se poser plusieurs questions. nationaliste et, comme telle, elle épouse depuis La première: Est-ce que le gouvernement n'a des siècles des thèmes qui correspondent à ses pas été complètement dépassé par la situation ? aspirations. Mais il ne suffit pas de s'inscrire La seconde: Le gouvernement a-t-il été déchiré dans ces lignes de pensée traditionnelle pour sur les décisions à prendre? La troisième: Dans plaire au peuple. Notre population est aussi l'état d'incohérence où se trouvait le gouverne- raisonnable et modérée. La violence lui répu- ment, n'a-t-il pas purement et simplement gne. Et c'est lui faire injure que de croire, ou de abdiqué ses responsabilités entre les mains du laisser croire, qu'elle pourrait subitement bascu- gouvernement fédéral? ler dans le camp des irréductibles et des anarchistes. La situation n'est pas claire sur ce qui s'est passé entre Québec et Ottawa pendant cette Etat d'insurrection appréhendée, où cela? Si période. un jour le Québec tout entier décidait de On a vu, à plusieurs reprises, le premier changer de régime, c'est par les urnes et la ministre du Canada se substituer au premier démocratie qu'il le ferait, et contre cela, aucune ministre du Québec et, souvent, avec une loi ne pourrait intervenir. Comme tous les habileté consommée, rejeter sur ce dernier la Québécois, je dis non à la révolution, non à responsabilité des mesures d'exception qu'il lui l'insurrection. avait probablement imposées. Etat d'inquiétude, état d'alarme, de frustra- 1582 tion, alors je dis oui. Oui le Québec est inquiet, la logique et à la raison. Cette logique et cette oui le Québec est frustré et il a de bonnes raison ne passent ni par l'anarchie ni par la loi raisons de l'être. Quand 25 p.c. de la popula- des mesures de guerre. Nous ne sommes ni des tion de Montréal vit dans des taudis, au bord et révolutionnaires ni des esclaves. Ce qui importe, souvent en deça de la limite du paupérisme dans c'est qu'au plus vite le gouvernement du Qué- un pays neuf qui se prétend au second rang du bec se ressaisisse, qu'il reprenne sa place, qu'il standard de vie dans le monde, il y a de quoi affirme son autorité en face d'Ottawa et qu'il être frustré. Quand 8 p.c. de la main-d'oeuvre cesse de n'être qu'un instrument docile du est en chômage, parce que l'on applique à fédéralisme inconditionnel. Ce qui importe, Ottawa une politique de lutte à l'inflation qui c'est qu'il mette en place des politiques de plein pénalise les provinces les moins bien utilisées, emploi, de lutte au paupérisme, d'égalité socia- quand se montre à l'horizon le spectre d'un le. C'est ça qui compte. Et, s'il faut, au Québec, hiver angoissant, il y a de quoi être inquiet. face à un état d'insurrection appréhendée, un Quand on prélève, sur une population du comité de salut public, que ce soit notre Québec, des centaines de millions de dollars au gouvernement du Québec qui prenneses respon- titre d'une sécurité sociale qui n'existe pas sabilités. Nous n'avons pas le droit de laisser encore et que l'on accumule ces millions dans s'atrophier un instrument de progrès et d'affir- les surplus fédéraux, au lieu de les remettre au mation collective que plusieurs générations de Québec qui en a besoin pour son développe- Québécois ont travaillé à mettre sur pied. ment, il y a de quoi ne pas être content. Veut-on faire une liste des griefs des Cana- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de diens français? Je demeure perplexe à la lecture Matane. du manifeste du FLQ. C'est un résumé primaire et mythologique des revendications québécoises M. Jean Bienvenue rédigé par des gens qui, finalement, n'analysent pas réellement les problèmes. Les revendica- M. BIENVENUE: M. le Président, au cours tions du Québec vont bien plus loin que cela. des différentes interventions que j'ai faites en Elles ne se contentent pas d'anecdotes. Et cette Chambre depuis que j'y siège comme pourtant, ce bout de papier a fait peur au député de Matane, je me suis toujours efforcé gouvernement. d'être aussi peu partisan que possible, parce que Que les gens d'en face lisent, une fois dans je suis de ceux qui croient avec plusieurs autres, leur vie, le livre blanc du Québec sur les dont le député de Rouyn-Noranda, que le problèmes constitutionnels. Ils verront que ce parlementarisme québécois gagnerait beaucoup document est beaucoup plus explosif que le en temps et en efficacité, si l'on pouvait un jour manifeste du FLQ. Et c'est un document s'éloigner plus fréquemment des vieilles lignes officiel qui a été remis sans détour, ni chantage, partisanes qui engendrent trop souvent des aux autres provinces et au gouvernement fédé- débats longs et stériles et qui retardent la ral par un premier ministre qui n'a jamais plié solution des problèmes majeurs. devant Ottawa, Daniel Johnson. Face à celui qui nous préoccupe en ces jours Inquiétude au Québec, certes, quand le sombres, je crois que c'est l'occasion toute peuple voit un gouvernement qui veut collabo- désignée pour chacun de nous d'adopter une rer à tout prix, au prix de son humiliation et telle attitude et en conséquence, comme on s'en même de son effacement, avec un gouverne- rendra peut-être compte par les modestes pro- ment qui, entendons-nous bien, n'est pas notre pos que j'entends tenir, je tàcherai, au cours des ennemi, mais qui ne peut prétendre représenter minutes qui vont suivre, de faire connaître ma le Québec, il a le droit d'être inquiet. propre ligne de pensée, qui reflète assez fidèle- Cette abdication, cette soumission ne peu- ment, d'ailleurs, celle de la majorité de mes vent correspondre à la fierté québécoise. On ne commettants avec qui je me suis entretenu. va pas longtemps sans risque à contre-courant Avant d'entrer dans le vif du sujet, M. le de l'histoire. Cette politique est bien plus Président, je désire vous faire part de mon dangereuse pour le Québec que tous les mani- approbation totale face à la ligne de conduite festes des groupes extrémistes. C'est elle qui adoptée par le parti de l'Opposition officielle et donne du poids aux exagérations des saboteurs son chef au cours des semaines mouvementées de la société. Je n'accuse pas le gouvernement que nous venons de traverser. de se faire volontairement le complice de Que les membres de cette honorable Cham- l'écrasement du Québec. Je pose les questions bre sachent bien aussi quel profond respect je pour qu'en face l'on se réveille. ressens à l'endroit du député de Missisquoi, qui Il est facile, par les temps qui courent, de se a eu le courage apolitique de déclarer publique- reposer sur les réactions de la majorité devant ment, il y a à peine deux jours, que, placé dans l'ignominie de certains actes. Qui ne les con- les mêmes circonstances, il aurait agi comme l'a damne? Mais cela ne constitue pas une politi- fait le premier ministre de la province et chef que à long terme. Les mesures d'exception ne du parti libéral. sont que des palliatifs d'une situation provisoi- De son côté, et sauf en une occasion, alors re. Il faudra bien, entre les extrêmes, revenir à qu'il a demandé la mise en vigueur immédiate 1583

de la Loi des mesures de guerre, demande précipitée, cette crise qui n'a pas été engendrée parfaitement justifiée dans les circonstances, le spontanément et dont je dis que nous sommes Ralliement créditiste a adopté la même ligne de tous, et la population avec nous, plus ou moins conduite et je l'en félicite aussi publiquement. responsables pour avoir laissé pourrir la situa- De mon humble côté, je me suis imposé, tion. Il aura fallu, je le regrette, que deux jusqu'à ce jour, cette même discipline de silence hommes publics soient ravis de leur demeure et qui a été sollicitée par les autorités de mon parti que le sang de l'un d'eux soit ensuite répandu et suivie à la lettre, je pense, par tous mes pour que, surpris et atterrés, nous nous retrou- collègues-députés de ce côté-ci de la Chambre, vions tous ici à nous regarder, à nous interroger, et je n'en regrette rien. à nous invectiver pour chercher les causes, Cependant, je crois que le temps est mainte- distribuer les responsabilités et les reproches, nant venu de faire entendre ma voix parmi tant tenter de trouver des solutions à une crise si d'autres, parce que chaque citoyen du Québec a alarmante et si aiguë que nous nous demandons le droit de savoir à quelle enseigne chacun de si nous n'échappons pas à la réalité. nous se loge. Mon ami, l'honorable leader J'ai la conviction profonde que je rejoins le parlementaire de l'Opposition officielle, le dé- peuple en disant que nous sommes tous, à des puté de Maskinongé, avait parfaitement raison degrés divers, responsables de cette escalade de d'invoquer l'urgence, l'intérêt public et la gravi- la violence, de cette flambée du terrorisme dont té de la situation pour obtenir l'unanimité des les origines remontent à plusieurs années. Que membres de cette Chambre à la tenue d'un de fois, comme pour nous rassurer dans notre débat d'urgence sur la crise qui prévaut au inquiétude collective, nous sommes-nous dit les Canada et surtout au Québec depuis quelques uns aux autres: Cela va mal partout, les bombes semaines, crise provoquée par l'enlèvement de sautent, les gens vont dans la rue, les étudiants MM. Cross et Laporte. contestent, occupent ou détruisent nos édifices Parallèlement, par la voix du premier minis- ou nos universités, marchent sur le Parlement; tre, le gouvernement avait le devoir d'acquiescer les professeurs prêchent la rébellion; la drogue à cette motion, comme il l'a fait. Je lui en sais circule partout; la chaîne française de Radio- gré. Canada empoisonne systématiquement la cons- L'histoire nous enseigne, M. le Président, que cience populaire; la publication, la vente et la ces événements graves qui ont bouleversé le circulation de la littérature ordurière et incita- monde entier ne sont pas le produit d'une trice de violence se font librement; le cinéma génération spontanée, mais bien la conséquence bat la marche; les meurtres, les vols à main inévitable d'un long processus tracé ou suivi de armée et le crime en général atteingnent des main de maître par ses instigateurs et toléré ou proportions gigantesques au Québec qui en subi aveuglément par la masse des citoyens dont détient le record peu enviable, et que sais-je nous sommes. encore? Ça va mal, ça va donc mal au Québec, La nature nous enseigne également que, dans disent les gens! sa ruse, l'araignée tisse sa toile meurtrière avec Il faudrait bien faire quelque chose, nous, les patience avant d'attirer ensuite sa proie pour lui politiciens, nous, la presse, nous, la majorité donner la mort. silencieuse dont la plus grande faute est peut- L'homme ne fait pas exception. Les insurrec- être, justement, d'avoir été silencieuse. Je dis: tions, les renversements de gouvernements se Hélas! Nous n'avons rien fait ou alors si peu machinent de longue date. Tour à tour, se pour que Pierre Laporte soit encore avec nous succèdent et se sont succédé chez nous les en cette Assemblée, là, tout droit devant moi. simples écrits ou propos séditieux, les manifes- Quand je dis que nous n'avons presque rien fait, tations paisibles, puis ensuite violentes, les sim- il ne s'agit pas d'avoir rejeté les conditions ples menaces à la bombe, puis les bombes, les inqualifiables de ces meurtriers, il ne s'agit pas bombes qui endommagent les édifices et les d'avoir résisté presque héroïquement à l'ignomi- choses, puis ensuite celles qui font des mutiliés nie du chantage; il s'agit plutôt de ce qui a et des morts, ensuite, les rapts d'hommes engendré l'éclatement, il s'agit plutôt de notre publics et, enfin, leur meurtre froid, délibéré et inertie, de notre mollesse. Oui, de notre molles- commis à main nue. se alors que les bras quasi croisés nous regar- De là, il n'y a plus qu'un pas simple, facile, dions en incrédules le film se dérouler depuis moins encombrant, requérant moins de prépara- dix ans. tifs, moins d'équipement, de repaires, moins de Il est presque trop tard et c'est pour cela que ravisseurs et d'otages, moins de manifestes, de l'urgence crève les yeux. C'est pour cela que communiqués et de messages, c'est celui de certains y compris le clergé que je respecte l'assasinat sélectif dont Radio-Canada — la chaî- quand il reste dans son forum et qui, lui aussi, ne française évidemment — avait eu la clair- peut faire son mea culpa au lieu de se réveiller, voyance de prévenir la population canadienne, bien tardivement, en critiquant la nouvelle Loi tellement était grand son souci habituel de des mesures d'urgence et en donnant son appui favoriser le "law and order" et d'aider le à une partie importante du manifeste du FLQ pouvoir établi à se maintenir en place. c'est pour cela que certains, dis-je, poussent Oui, nécessaire et urgent, ce débat; grave et maintenant les hauts cris et s'offusquent, tête 1584

dans le sable et postérieur en l'air, devant M. LEVESQUE: M. le Président, il n'y a eu l'armée, devant les arrestations et perquisitions, aucune dérogation au règlement. Vous avez été faisant ainsi appel à une démocratie qu'ils ont très large dans l'interprétation de cette motion. trop souvent bafouée. Ils revendiquent mainte- Vous avez permis à chacun des opinants nant une soi-disant liberté dont les uns ont d'exprimer son opinion et nous avons de notre tellement abusé auparavant et que les autres, de côté, je crois, manifesté beaucoup de largeur de toutes catégories, ont refusé à leur commet- vue. On a même discuté de toutes les causes tants. directes ou indirectes, de tout ce qui peut se Je ne puis m'empêcher de penser aussi à ces rapprocher de cette crise. Je crois que le député gens que Pierre-Elliot Trudeau a qualifiés de de Matane est complètement dans l'ordre. "trembling knees" et de "bleeding hearts" et D'ailleurs, il n'a enfreint aucun des règle- que la population a reconnus, sans difficulté, ments. Je suis convaincu que le leader parle- puisqu'ils se sont identifiés comme tels dans mentaire du Parti québécois n'a pas référé au leurs concerts de protestations et de lamenta- règlement parce qu'il sait fort bien que ce tions tardives: MM. Claude Ryan, Pepin, Laber- règlement n'a pas été enfreint. ge, Daoust, Rioux, Mongeau et combien d'au- tres, sans oublier M. René Lévesque que le coup M.PAUL: M. le Président, quant à nous, du FLQ a achevé de déboussoler dans l'opinion nous avons trouvé que vous avez été d'un populaire. libéralisme de bon aloi. On comprendra que, comme c'est d'ailleurs Il serait regrettable qu'au coeur même du mon habitude, je nomme par son nom le chef débat vous vouliez revenir à des principes d'un du Parti québécois. Premièrement, parce que je conservatisme impopulaire. veux éviter, comme cela s'est déjà produit il y a quelques jours, que l'on m'impute des allusions M. LE PRESIDENT: Messieurs, le fond de la voilées au chef parlementaire et député de motion du député de Maskinongé — on l'a lue Bourget. Deuxièmement, parce que les remar- ensemble, au tout début — pour une étude et ques ou commentaires que je vais faire sur M. pour que la Chambre se prononce sur la crise René Lévesque sont on ne peut plus étrangers à actuelle ouvrait un éventail immense sur les l'opinion que j'ai du député de Bourget que je causes, sur les raisons, sur les conséquences de tiens en estime depuis plusieurs années, comme la crise actuelle. il le sait. J'ai permis à tous les orateurs, depuis le Dans une feinte presque admirable, au début, de porter des accusations même sévères, moyen d'une manoeuvre du type deuxième acte des critiques sérieuses. Je me rappelle certaines de nos bons vieux théàtres de boulevard, René du député de Rouyn-Noranda, du député de Lévesque, qui sentait la fin proche, a fait mine Saguenay; il y a eu des attaques, je crois, de vouloir quitter la direction de son parti il y a précises, sévères, graves, contre les adversaires, quelques mois. Il fit l'erreur de rester. Erreur politiques et autres. Mais je pense bien que, pour son parti, erreur pour la population et d'ici la fin du débat, il va falloir s'attendre à ça surtout erreur pour lui-même. L'homme, tou- de chaque côté de la Chambre. Je ne vois pas jours en retard et indiscipliné notoire... pourquoi on s'y attarde. Tous s'y attendent. Allons-y. Le député de Matane. M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je me demande en quoi cela a trait M. BIENVENUE: M. le Président, je me sens au débat actuel. Je me le demande sérieuse- d'ailleurs plus près de chez nous dans le temps ment. Est-ce que l'on discute... et dans l'espace, au moment où je parle du chef du Parti québécois, qu'au moment où le député UNE VOIX: C'est l'un des grands responsa- de Saguenay nous a parlé avec emphase de ce bles de cette histoire. personnage qui est maintenant passé à l'histoire et qui avait nom Adolf Hitler. M. BURNS: Est-ce que l'on discute... M. le Président, je reprends. L'homme tou- jours en retard et indiscipliné notoire n'était UNE VOIX: C'est la cause. pas fait pour la politique. Il n'a jamais digéré sa défaite personnelle et pas davantage celle de son M. LACROIX: C'est la cause principale. parti. Il avait usurpé son siège de Laurier pendant trois ans. S'il avait été l'homme que M. BURNS: Bon, les Iles-de-la-Madeleine. l'on disait, il aurait démissionné en 1967 pour se présenter sous sa nouvelle bannière. La seule M. LACROIX: J'ai autant le droit que vous différence, c'est qu'il aurait alors été battu trois de dire ce que je pense. ans plus tôt. Mais cela prenait un degré de courage et M. BURNS: Est-ce que l'on discute d'une d'honnêteté intellectuelle qu'il n'avait pas. Son crise urgente et grave ou si l'on discute des bavardage de collégien mal engueulé, l'emploi opinions de M. Lévesque, de l'avenir politique d'épithètes dépassées et plus ordurières les unes de M. Lévesque? J'ai l'impression que le député que les autres, pour tout saper, hommes, partis est en train de discuter beaucoup plus de cela... politiques, institutions, ne lui auront servi à 1585 rien, sauf de se détruire lui-même. Tous ceux s'en rendre compte, gavé d'une abondance de sur qui il a vomi s'en sont tirés plus forts et plus biens et de services, est-elle devenue possible en grands. Le chef du Ralliement créditiste, député moins d'une décade? Cela crève les yeux." de Rouyn-Noranda, avec la verbe de bon aloi et J'ai déjà décrit la séquence des événements, la sincérité que je lui reconnais, nous a servi, au les grandes phases de cette escalade qui nous a cours de ce débat, quelques exemples des conduits au volcan d'octobre. Après l'horreur et déchets et des ragots de cet homme vieux, usé, la panique de 1963, O'Neil est mort. Leja est complexé, envieux du succès des autres, de ces mutilé pour la vie, une vingtaine de jeunes ont autres que dans sa rage et son dépit d'homme été cités devant les tribunaux. Chez certains petit il a qualifié d'hypocrisie gluante, d'écoeu- éléments de la population, la haine fit bientôt rants, d'occidentaux déracinés —ça, c'est sa place à la pitié, chez d'autres, à l'attendrissement dernière perle, à Rimouski — de fous et de et même à l'admiration. En raison des fonctions crapules politiques. Comme ces mots-là, et cela que j'occupais à l'époque, j'ai vécu intimement me frappe, M. le Président, viennent naturelle- ces moments-là alors que, m'a-t-on dit, j'étais, ment dans la bouche de René Lévesque. pour ces accusés, l'écoeurant personnage. Déjà Le coup du FLQ, c'est pour lui le commen- une certaine presse se montrait conciliante puis, cement de la fin. Son départ sera combien ensuite, nettement sympathique. Des sentences bénéfique pour l'ensemble du Québec qui verra furent décernées, trop légères dans quelques disparaître avec lui l'image de la démagogie la cas, normalement sévères dans d'autres. Mais, plus hypocrite que nous ayons connue. J'ai dit comme pour s'assurer qu'aucune n'était trop que nous faisions face à l'urgence, qu'il était sévère, la Commission des libérations condition- presque trop tard et que nous étions tous plus nelles s'en mêla avec l'incohérence et l'absurdité ou moins responsables de cette crise qui se qu'on lui connaît. prépare depuis quelques années. A ce chapitre, Soit-dit en passant, M. le Président, je ne j'endosse, sans la moindre hésitation, les propos crois pas qu'il y ait, au pays, organisme plus tout récents de Charles-Edouard Cantin, ancien incompétent et responsable d'un aussi grand procureur général de cette province qu'il a nombre de crimes quand il ne s'agit pas de servie durant 35 ans, un homme vrai, un tragédies. La commission ne dérogea pas à sa homme tout court, d'une intégrité et d'une stupidité — dans le cas qui nous occupe — et force de caractère peu commune, en qui Jean avec le résultat que l'on sait. Lesage, alors qu'il était premier ministre, avait Des vagues de bombes déferlèrent à interval- d'ailleurs placé sa confiance la plus absolue. les presque réguliers, elles devenaient plus fortes S'interrogeant sur les causes lointaines de et on ne prévenait même plus de leur présence. cette tragédie qui a provoqué, chez tous les Elles firent de nombreux morts; le FLQ amélio- Canadiens, horreur et angoisse et qui se dou- rait la qualité de son travail, il devenait un vieil blait pour nous d'un sentiment de honte et de habitué du meurtre. culptabilité, il se demande: "Est-ce le fruit de Durant ce temps — n'en déplaise au député l'égarement subit et inexplicable d'une poignée de Bourget, qui affirmait dans son discours que de scélérats aux abois? N'est-ce pas plutôt le gouvernement avait exagéré le danger en l'aboutissement logique, concerté et inéluctable grossissant la quantité d'armes et d'explosifs d'un mouvement révolutionnaire qui s'est tramé détenus par le FLQ — la dynamite se volait à la et qui s'est nourri dans la violence depuis le tonne, les armes, à la centaine; le FLQ apposait début des années soixante, dont la flamme a été sa griffe à une multitude de "jobs", de hold-up attisée dans des foyers ou cellules universitaires, dignes de grands maîtres et la pauvre pègre de littéraires, journalistiques, syndicalistes et dans droit commun devait se contenter de récolter le monde du spectacle et de la radio? les miettes. L'incendié s'est propagé comme un feu de Mais tout cela était insuffisant pour fouetter paille, il a envahi le secteur étudiant où tout notre mollesse et notre indifférence à tous. était prêt à le recevoir: agitations ou contesta- Comme l'indique si bien l'une des directives les tions devenues une règle de vie en même plus logiques du mouvement révolutionnaire, il temps qu'un défi à l'autorité; rejet des valeurs fallait au maximum tirer profit et avantage de spirituelles érigées en dogme; dégradation des cette tolérance démocratique, de cette liberté moeurs affichée comme une vertu. complaisante accordée par le régime capitaliste Bref, une jeunesse ardente et généreuse, qui occidental. D'où les marches publiques, d'où les symbolise tous les espoirs de la nation, qui est agitateurs professionnels à nos micros, sur nos en train de perdre son âme et de nier l'existence écrans de télévision, dans nos journaux, CEGEP de Dieu et qui se livre avec superbe à l'exercice et universités, tant produits locaux qu'importa- des théories marxistes en approuvant, au sein tions de pays chargés de mission, d'où l'occupa- d'un climat de haine et de colère, certaines tion et même la destruction — je le disais — de méthodes terroristes qu'on emprunte à Cuba, à nos universités, — que l'on songe à Sir George Pékin ou à Alger. Williams — d'où les affrontements et explosions Voilà bien pourtant où nous en sommes. de violence dans la rue: samedi de la matraque, Comment cette déchéance collective d'un peu- Saint-Léonard, la bourse, Murray Hill, le 24 ple pacifique, hautement civilisé, heureux sans juin, Lapalme, la Maison du pêcheur et que 1586

sais-je encore? Mais tout cela était insuffisant Citerne, qui écrivait ce qui suit dans un récent pour fouetter notre indifférence et notre mol- numéro du Devoir: "Qui parmi les auditeurs de lesse. nos postes de radio et de TV et les lecteurs de Et durant tout ce temps, des textes fort nos journaux, n'a pas été, depuis un mois, étranges paraissaient dans les pages de certains écoeuré à longueur de journée par les propos de média passant de la sympathie du début à ces penseurs officiels qui se donnent pour l'agressivité des derniers jours. Et, de leur côté, unique mission de miner le terrain dont on leur jouant de malchance, mon ami Claude-Jean confie la prospection, d'intentionner grossière- Devirieux et ses cameramen de Radio-Canada ment les questions qu'ils devraient se contenter arrivaient toujours trop tard sur la scène des de poser, de conditionner constamment ceux émeutes, devant alors se contenter de filmer et qui n'attendent d'eux rien d'autre que d'être de commenter les derniers épisodes seulement, informés..." Et j'en saute, M. le Président. soient ceux où les vilains policiers, à leur corps A Percé, le FLQ avait signé à la peinture défendant, matraquaient les fauteurs de trou- rouge. Le 17 octobre, à Saint-Hubert, même ble. couleur, mais, cette fois, dans le sang d'un M. Gérard Pelletier ne trouvait rien à redire héros, martyr de la démocratie, dont j'affirme de notre société d'Etat. Il y a un an, Pierre carrément à cette Chambre qu'il a fait beau- Trudeau, lui, disait qu'il faudrait peut-être un coup plus pour sa province que cette dernière a jour y mettre la clef. Voyant notre insouciance jamais fait pour lui. devant toute cette escalade de violence, notre Voilà donc l'épilogue de ce drame de tout un tolérance coupable à l'endroit de certains mass peuple au sujet duquel j'ai dit et je répète que media, notre inertie face aux demandes répétées nous en avons tous été des acteurs conscients de la clairvoyante population de Percé, qui ou non. Le député de Bourget, c'était son droit, retrouvait le sigle FLQ peint en rouge sur ses a posé, au cours de son intervention, une longue édifices publics, voyant encore la mollesse de série de questions relativement à une foule certains tribunaux, le manque d'appui accordé à de faits, incidents et décisions survenues à nos forces policières, l'apathie des politiciens et compter du 12 octobre jusqu'à ce jour. Le de la population, le FLQ, logique avec lui-même premier ministre y a répondu avec une logique d'ailleurs, décida de porter le coup. et une franchise qui ont paru, à juste titre, Soulignons immédiatement, M. le Président, satisfaire la grande majorité des députés de qu'il ne faut pas confondre FLQ 1970 et FLQ cette Assemblée. 1963. Alors que la première vague était compo- Sous réserve de toutes les modestes observa- sée de jeunes apprentis, non meurtriers dans tions que j'ai faites précédemment, je pense M. l'àme et qu'elle s'apparentait davantage au PQ, le Président, qu'il aurait mieux valu nous en ce sens qu'elle recherchait la séparation du interroger en temps utile sur l'à-propos des Québec comme fin ultime, la dernière, celle gestes et attitudes positifs qui, s'ils avaient été d'octobre, groupe des assassins professionnels, posés et adoptés bien auparavant, auraient entraînés tantôt à Cuba, en Palestine, en Jorda- prévenu la survenance des événements qui nie ou en Algérie. Pour eux, la séparation déchirent la vie des Québécois. constitutionnelle du Québec n'est qu'un A ce sujet, j'en ai déjà cité plusieurs se moyen, un prétexte en vue d'une fin beaucoup rapportant entre autres à Radio-Canada, à la plus fracassante; le renversement par la terreur Maison du pêcheur, aux tribunaux, etc. Il serait et les armes de l'ordre établi et l'instauration du trop long d'énumérer tous les autres qui me régime communiste, Québec devenant — il ne traversent l'esprit. Mais personne ne m'empê- faut pas se le cacher — le Cuba du nord. chera, je pense, de m'arrêter très brièvement Sous les yeux de sa femme, on enlève M. devant deux états de choses passés, extrême- Cross avec une facilité étonnante et, six jours ment regrettables à mes yeux et qui s'insèrent plus tard, on fait de même avec Pierre Laporte. avec combien de pertinence et de fracas dans la Pendant et après cette semaine monstrueuse, gamme de nos responsabilités et de nos erreurs. alors que les gouvernements en place avaient Premièrement, qu'a-t-on fait du rapport de besoin de toute leur lucidité et d'une dose de Lucien Saulnier? Que n'a-t-on donné suite, à courage peu ordinaire et alors que l'on se devait l'époque, et depuis, aux constatations et recom- d'éviter à la population le danger toujours mandations d'un homme de sa trempe et de sa présent de la panique et du désordre, comment stature dont à peu près toutes les grandes se sont comportés nos moyens d'information formations politiques ont un jour ou l'autre dont le rôle, en ces heures graves, prenait des souhaité ardemment la venue dans leurs rangs? proportions gigantesques? Doit-on conclure, malicieusement, à l'insuffi- Certains, toujours les mêmes, de façon im- sance des millions de dollars de dégàts matériels peccable et très noble, conscients de leur rôle causés à Montréal au cours de la nuit de terreur sacré d'informer le public, l'ont fait avec une du 7 octobre 1969? Aurait-il fallu que plus objectivité dénuée de tout opportunisme. d'un pauvre policier de la Sûreté du Québec Quant aux autres, je soumets leur appréciation tombe au devoir sous les balles d'un assassin au témoignage fort averti d'un homme que je anonyme? Ou alors, exigeait-on de Jean Dra- n'ai pas l'honneur de connaître, M. Roger peau, champion d'Expo 67, une perte plus 1587 grande que celle de son établissement ravagé ou Il aurait fallu employer tous ces crédits et de la destruction de son domicile par une bien d'autres pour augmenter le nombre de nos bombe? effectifs policiers, pour les rémunérer davantage Deuxièmement, comme le reste de la popula- au besoin, pour les envoyer se perfectionner tion, j'ai lu et entendu de nombreux commen- auprès du FBI à Washington ou de Scotland taires d'éditorialistes, d'hommes politiques de Yard à Londres. Bref, faire d'eux un tel corps mon allégeance et d'autres, tant sur la scène d'élite que ne survienne plus jamais en cette fédérale que provinciale, commentaires à peu Chambre la nécessité d'un débat sur la crise qui près unanimes, je dirais, à l'effet que nous entoure le rapt et l'assassinat de l'un des nôtres. n'étions pas prêts ni préparés, ni non plus les Durant six ans et aux quatre coins de la forces de l'ordre, à faire face à l'état de crise et province, j'ai tellement travaillé, jour et nuit, au calibre d'événements tragiques qui viennent avec un grand nombre d'entre eux que vous me de secouer le Canada et le Québec tout entier. permettrez bien, M. le Président, de saisir cette Ce serait de la part de celui qui vous parle, M. le occasion pour leur dire publiquement, à la suite Président, une déviation flagrante de la ligne de du ministre de la Justice, combien j'admire leur pensée qu'il a tenté de suivre depuis un bon travail, leur sens du devoir et leur zèle incessant moment, s'il devait maintenant se dissocier de des cinq dernières semaines. La chance finira par cette cruelle constatation de la majorité. se ranger de leur côté, car on ne peut indéfini- Oui, je dis cruel ce brusque réveil à la froide ment se soustraire aux longs bras de la justice, réalité, cruel ce sursaut de la population et de même celle des hommes. Face à cette atmos- ses dirigeants dont nous sommes, dans l'aveu phère lourdement chargée, à ce dilemme terri- impardonnable que nous n'étions pas prêts. Je ble et cornélien qui s'offrait pour la première dis tout de suite: Nous n'étions pas prêts, mais fois à des hommes politiques canadiens, coincés nous aurions dû l'être. Et je risque tout de suite qu'ils étaient entre la pitié et le devoir, le bien la question, M. le Président: Le serions-nous particulier et le bien commun et alors que davantage, si le FLQ frappait encore demain? s'écoulaient inexorablement les secondes, quel Je dis non et je dis, et je l'ai dit: Cela presse. choix ont fait nos gouvernements fédéral et Qu'a-t-on fait de nos corps policiers? Quels provincial? Celui de la virilité, celui du courage outils, quel entraînement, quel appui, quel que seuls possèdent les chefs véritables et les stimulant leur avons-nous donnés? Les avons- hommes vrais. nous suffisamment défendus contre ceux que L'humanité a parfois été lente à reconnaître gêne leur seule présence? Sommes-nous restés les grands hommes de son histoire. Heureuse- debout à leurs côtés? Aucun, je dis bien aucun ment, dans le contexte actuel, ce sont les gouvernement, ni libéral, ni de l'Union Nationa- contemporains immédiats qui ont porté un le, depuis la dernière décennie, ne peut à cet jugement clair, net et péremptoire et cela pour égard se dire à l'abri de tout reproche. Nous le plus grand désespoir de quelques rares autru- avons innové, créé des escouades spéciales, dites ches et de sourds qui ne veulent point entendre. des incendies criminels, de sécurité antiterroris- S'ajoutant à l'avalanche de lettres favorables, te. Nous avons ajouté à l'équipement standard messages et appuis de toutes sortes reçus des les casques et les bàtons, les clôtures métalli- quatre coins du Canada et du Québec, les ques amovibles. Nous avons ajouté le lourd sondages probants publiés hier attestent bien camion antiémeute dont la valeur marchande 80 p c. des gens rejoints endossent vigoureuse- est inférieure à celle des tonnes de métal qui le ment la mise en application de la Loi des composent. Nous avons adopté unanimement la mesures de guerre et l'intervention de l'armée, Loi de police, une bonne loi. Nous avons notre armée qui, après avoir à deux reprises por- adopté unanimement la Loi créant l'école de té secours aux pays civilisés d'outre-mer, peut à police, une bonne loi. Nous avons bien aussi juste titre et même doit, je pense et j'espère, as- constitué cette fort intéressante montagne qui a surer ici même au pays, chez nous, devant notre accouché d'une souris, la commission d'enquête Parlement, la défense de nos libertés de base et Prévost, dont les épais volumes n'ont guère même de notre vie. résolu d'autres problèmes pratiques que celui M. le Président, un communiqué d'une nou- du manque de sommeil chez ceux dont ils velle cellule du FLQ, dite "cellule Louis Riel", servaient de livre de chevet. Nous avons enfin, est parvenu à nos média d'information. Au et sur l'instigation de criminels notoires, risqué moment où je prononce ces paroles, nous ne de détruire pour toujours le moral de nos savons pas encore — moi, je ne le sais pas du policiers en tramant durant deux ans devant les moins — si ce communiqué est authentique. tribunaux certains parmi les meilleurs d'entre Mais s'il devait l'être et que cette nouvelle eux. menace doive être exécutée, à savoir qu'un Mais il aurait fallu faire plus, beaucoup plus. grand coup sera porté si d'ici quatre jours les 24 Il aurait fallu y mettre l'argent, couper, si prisonniers soi-disant politiques ne sont pas nécessaire, sur les échanges culturels franco- élargis, dois-je comprendre que nous devrions québécois, sur le pavoisement du Chemin du avoir la naiveté et la faiblesse de renvoyer Roi, sur les dîners d'Etat, sur l'épaisseur de l'armée et de compter sur la protection de tous certains tapis et que sais-je encore ! ces pseudo-pacifistes qui craignent tant pour 1588 nos libertés civiles? Je dis non. Je dis: Assez de M. PAUL: M. le Président, l'honorable dépu- mollesse. Je dis: Agissons pendant qu'il est té me permettrait-il une question? encore temps Je demande à nos gouvernants, je demande à la population tout entière de faire preuve, plus que jamais, de leadership, de M. BIENVENUE: Avec plaisir. virilité, de ce courage qui a marqué au front des M. PAUL: Dans ses suggestions, il vient Churchill, des Kennedy et de celui-là même d'énumérer celle-là que les professeurs devraient dont nous pleurons la perte aujourd'hui. enseigner les matières qu'ils doivent enseigner. M. le Président, des suggestions à court et à L'honorable député ne voulait-il pas dire que les long terme, il y en plusieurs. A court terme — et professeurs ne devraient enseigner que les ma- cela s'ajoute à toutes les suggestions déjà faites tières qui leur sont assignées? découlant des blàmes et des simples regrets ou constatations — je formule les recommanda- M. BIENVENUE: Evidemment. Neuvième- tions suivantes: ment... Premièrement, le rétablissement, sujet à cer- taines normes, à certaines conditions, dans des M. LESSARD: Et le professeur d'histoire, cas spécifiques, de cette peine capitale dont des lui? millions d'Anglais réclament le retour à grands cris depuis son abolition là-bas, face à la M. LE PRESIDENT: Le député de Matane a recrudescence incroyable du meurtre. Je suis pratiquement terminé. donc l'un de ces tenants attardés de la peine de mort dont parlait le député de Bourget, et je M. BIENVENUE: Pratiquement. n'en ai pas honte. Deuxièmement, la révision complète de la M. LE PRESIDENT: Pourrions-nous lui don- philosophie de la Commission des libérations ner les deux minutes que nous avons accordées conditionnelles, avec un appui sur la ligne dure tantôt au député de Saguenay? dans les cas que l'on sait. Troisièmement, nécessité de la carte d'identi- M. HARDY: Le PQ pourrait être aussi libéral té obligatoire avec empreintes digitales. Je n'ai que nous. pas peur des miennes, je connais foule de députés en cette Chambre qui n'ont pas peur M. LESSARD: Et le professeur d'histoire, des leurs. lui, qu'est-ce qu'il doit enseigner? Quatrièmement, contrôle plus sévère des manifestations publiques, marches et attroupe- M. BIENVENUE: Neuvièmement, il faudrait ments de toutes sortes. songer sérieusement, si les autres moyens et les A long terme: législation sévère, contrôle autres mesures ne devaient pas suffire, à établir plus énergique des drogues. chez nous, comme cela existe en France et aux Sixièmement, purge, si nécessaire, et assainis- Etats-Unis, l'entraînement militaire obligatoire sement de nos ondes et de la presse écrite. pour notre jeunesse qui ne s'en portera pas plus Septièmement, censure virile du cinéma, des mal que ne s'en sont portés les Charles de livres, des revues, des publications, des publica- Gaulle et combien d'autres qui ont servi obliga- tions jaunes, des publications révolutionnaires toirement dans les forces armées de leur pays et de toutes sortes. qui étaient, eux, des hommes. Huitièmement, épuration et restauration de M. le Président, cette virilité que je demande l'ordre et de l'autorité sur les campus de nos à nos gouvernants et que nous devons exiger de universités et de nos CEGEP. Redonner aux nous-mêmes parce que nous en sommes, un autorités l'autorité, c'est ça que je préconise. autre nous en avait tracé la voie. Celui qui était Obtenir, de force s'il le faut, que nos profes- député de Chambly, et dont nous regrettons seurs enseignent aux étudiants, aux étudiantes, tous l'absence, avait dit en cette Chambre, le les matières qu'ils doivent enseigner... jeudi 5 mars, alors qu'il commentait sa défaite au congrès à la chefferie du Parti libéral: M. LESSARD: ... fédéralisme... "Est-ce que j'ai hésité? J'ai hésité parce que d'autres avenues m'étaient ouvertes. J'ai eu, M. BIENVENUE: Je n'ai pas interrompu le moi aussi, la tentation de la quiétude. J'ai eu, député de Saguenay. moi aussi, la tentation du repos. D'autres viennent d'y succomber. J'ai eu, moi aussi, la M. LESSARD: D'accord. tentation de l'aisance matérielle. On a vu des hommes politiques d'une autre juridiction opter M. BIENVENUE: ... afin que nos étudiants, pour l'entreprise privée où ils se vantent, notre jeunesse, deviennent les compétences quotidiennement, d'être à la fois financière- dont nous avons tellement besoin, nous les ment à l'aise et tranquilles. J'ai eu la tentation Canadiens de langue française, pour contrôler de la sécurité, moi aussi. notre économie par la compétence et non par "J'ai eu la tentation de me consacrer à ma les armes ou par le sang. famille. Je ne suis pas le seul, dans cette 1589

Chambre et dans les partis politiques, qui, à un empêché. C'était tout simplement pour deman- moment donné, a eu cette tentation. Il y a des der, relativement à ce magnifique exposé que le heures où c'est plus tentant que d'autres. Dans député de Terrebonne a fait, de bien vouloir le journal de Pascal, édité par Henri Bosco, j'ai remettre la partie du discours où il nous parle relu cette phrase: "On n'atteint la paix du de l'éducation au ministre de l'Education actuel coeur, si elle est dans ce monde, que par le et au ministre de l'Education dans le dernier travail inlassable, la déception fréquente et le gouvernement, afin de leur transmettre des sentiment d'une juste humilité". Je reste, disait idées que j'approuve à 100 p. c. Pierre Laporte. "J'affirme devant cette Chambre, M. le Président, j'ai aussi remarqué les en toute tranquilité, que rester demande parfois paroles du député de Montcalm. J'avais l'im- plus de détermination et plus de courage pression, devant cette Assemblée nationale, qu'abandonner ou partir. J'ai décidé de rester qu'il ferait une demande officielle pour se pour mes idées, pour ceux qui m'ont appuyé et glisser vers le PQ. Nous avons vu, dans les pour mon parti." paroles du député de Montcalm, une arme qui C'est ce courage, cette philosophie de ne exprimait son nationalisme. Nationalistes de jamais làcher que la population attend de ses coeur, tous les Canadiens le sont, mais de là à la gouvernants, dont nous sommes. C'est ce que je réalisation possible économique, il y a toute souhaite pour l'avenir de notre province, pour une différence. que nous n'ayons plus jamais à nous lever sur Enfin, M. le Président, c'est beaucoup plus des débats de cette nature. pour discuter de cette crise que traverse le Québec que je veux m'exprimer, faire le point M. LE PRESIDENT: L'honorable député de et tenter aussi, en tant que représentant du comté de Mégantic, de découvrir pourquoi les Mégantic. Québécois sont assis sur un volcan à l'heure M. Bernard Dumont actuelle. Quelles sont les raisons qui ont con- duit les gens à cette explosion de violence? M. DUMONT: Merci, M. le Président, je D'abord, j'implique la responsabilité de toute veux, dès le début, féliciter sincèrement le notre classe de petits bourgeois qui ont toujours député de Matane pour les bonnes paroles, le craint de faire de la politique. Et ici, je ne magnifique exposé qu'il vient de nous servir. Je donnerai, au début, qu'un exemple. Demandons veux le remercier aussi des bonnes paroles qu'il à un gérant de banque de se prononcer en a eues à notre égard et à l'égard de notre chef, politique, et il nous répond: Mon poste m'em- paroles que je m'empresserai de lui transmettre. pêche de m'exprimer. Posez la même question à J'aurais aimé cependant l'entendre parler de un professeur. Très souvent les professeurs cet agitateur social qu'on appelle, dans le coin disent: Non, je ne peux pas, car ceux qui de la Gaspésie, le député DeBané qui a même dirigent la commission scolaire, régionale ou fait dire au premier ministre du Québec, selon autre, me défendent de faire de la politique. la revue Maclean: C'est effrayant, il m'appelle Demandons à un secrétaire de municipalité, à tous les jours! Eh bien, je pourrais peut-être, à toute cette majorité silencieuse qui oublie... la suite d'une expérience que j'ai vécue dans un autre Parlement, répondre immédiatement à M. LESSARD: On ne savait pas ça. une question qu'il a posée à tous les députés de cette Chambre, à savoir: Qu'a-t-on fait du M. DUMONT: ... de faire son devoir. Deman- rapport Saulnier qui était si bien présenté pour dons entre autres à un employé du mouvement démontrer aux yeux de toute la province de Desjardins dans le Québec s'il a le droit de faire Québec qu'il y avait des dangers chez nous? Je de la politique — et je parle en connaissance de puis lui dire que le député DeBané, son confrè- cause —. On lui dit : Fais de la politique, et ta re, était le président de la commission parle- situation est en jeu. C'est ça que j'appelle les mentaire, nommé par Ottawa, afin de détermi- petits bourgeois qui, du haut de leur trône, ner les responsables très bien nommés par M. empêchent et ont empêché que la vérité éclate Lucien Saulnier. sous son vrai jour dans le Québec. Au député-président de cette commission, Pourtant pour aller défendre la mère patrie nous avons demandé une enquête royale et de 1939 à 1945, on permettait à tous ceux qui cette enquête royale a été refusée par ce s'enrôlaient de reprendre leur poste au retour et député-président de la commission. C'est la même une promotion les attendait. Aujour- réponse que j'apporte. Je l'ai à ce moment-là d'hui, si un brave citoyen décide de faire de la beaucoup déploré — et je crois aussi que le politique, on prend tous les moyens pour député de Matane, ici présent, le déplore — que l'éliminer et surtout on l'empêche de s'expri- cet acte ait été posé par un gouvernement mer. Par la suite, on est surpris que si peu de majoritaire à ce moment-là et qui se croyait gens honnêtes, citoyens de la majorité silencieu- tout-puissant. se — je le répète — n'osent pas se prononcer de M. le Président, tout à l'heure, j'avais une crainte d'être pénalisés. simple question à poser au député de Terrebon- Si une défaite survient, c'est pour cette ne, mais le député de Chicoutimi m'en a personne, qui a souvent abandonné la sécurité, 1590 un travail surhumain de recommencer sa vie. Reprise de la séance à 20 h 18 Nous obligeons nos politiciens — et c'est pour- quoi ils sont si peu nombreux à vouloir aller en M. LAVOIE (président): A l'ordre, mes- politique — à faire de l'héroisme, et nous sieurs! permettons souvent seulement à quelques mil- L'honorable député de Mégantic. lionnaires de faire de la politique. C'est là, je crois, une injustice à corriger en M. DUMONT: M. le Président, on m'a de- permettant à ces braves défenseurs de la démo- mandé, tout à l'heure, de préciser, au début de cratie parlementaire d'avoir une loi électorale mon intervention, mes paroles concernant le qui empêcherait d'abord — parce que je suis député de Matane au fédéral, Pierre De Bané. Il avant tout contre la caisse électorale — toute fut président d'une commission parlementaire souscription des financiers qui contrôlent l'éco- — nous avions choisi une commission parlemen- nomie et qui manipulent, en temps d'élections, taire, à ce moment-là — et notre groupement cette caisse électorale qui, souvent, fait élire qui avait réclamé une enquête royale pour recher- elle veut, selon son importance. Cette caisse cher tous les faits contenus dans la demande électorale faisait dire même à notre premier que Lucien Saulnier avait faite au gouverne- ministre du Canada: "II y a 300 souscripteurs ment fédéral. Cette commission royale fut dans mon parti et, comme à l'église, je n'ai pas refusée au Parlement d'Ottawa, bien que je le droit de donner leur nom." fusse un de ceux qui réclamaient cette enquê- Un gouvernement qui se fait élire ou qui se te royale pour apporter des éclaircissements sur maintient au pouvoir par des méthodes sembla- les agissements de certains membres du FLQ qui bles risque, M. le Président, d'aider à provoquer utilisaient même, à ce moment-là, la Compagnie l'anarchie. Nous avons constaté, au cours du des jeunes Canadiens, alimentée par les deniers mois d'avril, la manipulation des valeurs de canadiens, pour être capables de propager leur Montréal à Toronto. Quand des moyens sembla- propagande insidieuse. bles sont utilisés pour prendre le pouvoir ou M. le Président, j'ai peut-être aussi, au début, pour s'y maintenir, l'éclatement des cadres de fait un oubli, à savoir de féliciter le chef de notre société est toujours à redouter. Si, à l'Opposition officielle, le député de Missisquoi, l'insécurité qui existe, nous ajoutons le patrona- qui a fait un très beau discours, mettant de côté ge qui a fait tant de victimes dans la province, toute politique partisane et démontrant hors de nous avons l'explication de ce beau feu d'artifi- tout doute qu'il est une voix écoutée dans cette ce qui sommeille dans la pensée de nos commu- province de Québec. nistes déguisés en membres du FLQ. Puis-je M. le Président, je continue mes remarques dire, M. le Président, qu'il est six heures? en parlant, comme je le faisais au départ, de ces communistes déguisés en membres du FLQ. Au M. LEPRESIDENT: La Chambre suspend ses Canada, ils voient qu'il existe de la pauvreté, travaux jusqu'à... pauvreté qui n'est pas éliminée, et, à moins qu'une décongestion de l'économie s'opère, ces M. LEVESQUE: Huit heures et quart. membres du FLQ deviendront menaçants et arrogants. M. LE PRESIDENT: ... huit heures quinze La solution au problème de la pauvreté est minutes. entre les mains des dirigeants. Je suis inquiet de l'avenir du Canada, moi aussi. Je crois qu'il est M. LEVESQUE: Huit heures quinze ou vingt impossible d'engendrer au Canada des solutions heures quinze. aux problèmes sociaux, à moins que le gouver- nement fixe une date d'échéance pour résoudre M. BERTRAND: Huit heures quinze. ces problèmes, comme ces mêmes gouverne- ments le font dans le cas de construction de ponts, de routes, d'édifices publics ou tout autre projet. Car, M. le Président, qu'on se le dise, ce que les Québécois veulent, c'est du pain et du beurre, c'est la liberté avec la sécurité. Il y a 53 ans, M. le Président, une idéologie nouvelle commençait à se faire valoir, celle des communistes qui, pour prendre le pouvoir en Russie en assassinant le tsar, avaient avec eux seulement dix hommes. Aujourd'hui, ils ont conquis presque la moitié du monde. Au Québec, les membres du FLQ, ces communistes déguisés en FLQ, veu- lent faire la révolution et prendre le pouvoir par la force. A ce moment-là, le chef de ces communistes, qui, s'appelait Lénine, déclarait textuellement: "Notre moralité est entièrement 1591 subordonnée aux intérêts de la lutte des classes. M. PAUL: M. le Président, sur un point Pour cela, il faut être prêt à user de tous les d'ordre. Conformément aux dispositions de stratagèmes de ruse, de méthodes illégales et l'article 200, je veux, dès maintenant, soulever être décidé à taire et à sceller, une fois pour une question de privilège. toutes, la vérité. A bas l'amour! disait-il; ce L'honorable député vient de parler de la qu'il nous faut, c'est la haine." Ici, au Québec, liberté des députés dans cette Chambre. Je crois pour nous défendre de ces anarchistes, M. le qu'il est intolérable de se voir traiter, nous, Président, ce que nous avons, c'est un ministre députés, comme étant liés et incapables d'expri- de la Justice qui, parfois, se déguise en agneau mer nos idées et nos pensées et d'être à la merci et accorde un permis pour la tenue d'un festival d'un parti politique. Je crois que ces remarques "pop" à Manseau. Personne ne le prend au de l'honorable député de Mégantic ont certaine- sérieux. ment dépassé sa pensée. UNE VOIX: L'encens est fini. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si tant est qu'il en a une! M. CHARRON: On l'a, la clé du mystère, maintenant. M. PAUL: Je crois respectueusement, que l'honorable député n'a pas le droit de critiquer M. DUMONT: Et si, par hasard... la conduite des députés de cette Chambre. M. CHARRON: Cela a commencé à Man- M. LEVESQUE: M. le Président, pour en- seau. chaîner sur ce que vient de dire le leader parlementaire de l'Opposition officielle, j'avais M. DUMONT: ... deux mois plus tard, des certaines remarques à faire dans le même sens et troubles surviennent au Québec, vite, pour je les gardais en réserve pour le moment où la protéger notre Québec, il demande la Loi des motion du député qui a inscrit cette motion au mesures de guerre à Ottawa. Au lieu des feuilleton soit appelée. Il y a, en effet, une festivals "pop", il me semble qu'on aurait pu motion qui traite du vote libre et je ne veux pas préparer une loi qui aurait permis qu'Ottawa présumer à l'avance de la position que prendra prête son armée à la province de Québec. Avec le gouvernement sur cette motion, mais je tiens les problèmes que nous avions, et face à à dire à l'honorable député de Mégantic que je l'épuisement des policiers qu'on exprimait à ce me suis toujours senti libre — depuis quinze ans moment-là, on aurait prêter des troupes au dans cette Chambre — de voter comme ma Québec, mais il ne fallait pas étendre ces conscience me le dictait. Je suis convaincu que mesures de guerre à tout le Canada. Les c'est le même cas pour nos collègues. troubles étaient au Québec; il n'était pas néces- saire d'aller voir l'ami Smallwood sur l'île de M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic Terre-Neuve. D'ailleurs, je crois qu'aux Etats- comprendra qu'il a inscrit au feuilleton une Unis la Loi du couvre-feu est appliquée par motion en ce sens. Je ne sais pas si cette motion région, selon les besoins. sera débattue — je l'espère — et le député de Enfin, je veux déclarer à cette auguste Mégantic aura, à cette occasion, toute la liberté Assemblée qu'une idée ne s'enferme pas; elle se voulue pour exprimer sen point de vue sur cette combat par une idée meilleure. Pour régler les question. C'est peut-être un voeu... Il a abordé problèmes économiques, nous avons préconisé cette question d'une manière, tout à fait... un programme d'urgence où nous demandions — puisque nous n'avions que le droit de le DES VOIX: Incidente. présenter sous forme de motion — première- ment, l'obtention de la Banque du Canada des M. LE PRESIDENT: ... incidente et je lui montants nécessaires basés sur le crédit réel de demanderais de revenir — je suis convaincu qu'il la province et sans intérêt pour préparer un le fera — à la motion en discussion sur la crise programme d'urgence dans nos municipalités. que nous connaissons au Québec actuellement. Deuxièmement, nous avons réclamé l'éligibi- lité aux prestations d'assurance-chômage de M. DUMONT: M. le Président, je n'avais à tous les travailleurs saisonniers, car il y a là une l'idée qu'une dictature de conscience qui avait injustice, même pour les employés du gouverne- été imposée jadis par un député que j'ai ment du Québec. Exemple: les employés de la mentionné au début de mon intervention et qui Voirie. a empêché la population québécoise d'être Troisièmement, accorder le vote libre à tous éclairée sur ces agissements. Bien que ce député les députés de l'Assemblée nationale sans que ce ait déjà déclaré qu'il avait et qu'il a toujours eu vote ne soit un vote de blàme envers le la pensée d'exprimer un vote librement, il avait gouvernement; et si nous votons pour accepter, imposé l'obligation à un certain Parlement de ou renverser une loi, si elle n'est pas bonne, ne pas tenir d'enquête royale. nous aurions pu lorsque nous avons vu, par Ceci dit, je réclame encore, dans les mesures exemple, une demande pour une enquête roya- d'urgence que nous avons préconisées, l'effet le, empêcher... qui serait salutaire pour tous les Québécois, à 1592 savoir de pouvoir, par des travaux de construc- Coupables aussi, ceux qui permettent la tion en série, permettre une subvention pour la dégradation de nos moeurs au Québec. La construction de maisons afin d'éviter, pour cet morale est à son plus bas surtout depuis que hiver, ce million de chômeurs que l'on nous nous voyons des films de nudité subventionnés annonce. Là, nous pourrions empêcher ces par le gouvernement fédéral, à coups de explosions de violence, car "ventre vide n'en- $325,000. Nous détruisons, par ces films de tend pas raison". nudité tels les films "Valérie", "L'Initiation" Lorsque j'étais un peu plus jeune j'ai écouté ou "Red", qui vient d'être interdit en Alberta, et regardé un film qui s'intitulait "Nous som- les principales valeurs d'un peuple qui vivait mes tous des assassins". Aujourd'hui, je dis que fièrement dans la province de Québec... nous sommes tous coupables de l'assassinat de Pierre Laporte. Coupables sont ceux qui veulent M. BERTRAND: Nos richesses naturelles. empêcher certains députés de s'exprimer en cette Chambre. Coupables sont ceux qui ont M. DUMONT: Et pourtant ces mêmes gou- laissé se détériorer la situation économique, vernements se permettent des injustices flagran- surtout depuis dix ans. Coupables sont tous les tes, en refusant, comme nous l'avions demandé, partis qui acceptent encore des caisses électora- $10,000... les pour se faire élire. Coupables sont ceux qui ont empêché l'enquête royale demandée à la M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- suite des déclarations de Lucien Saulnier. Cou- dent, je voudrais savoir si on peut aller les voir? pables sont ceux qui ont brisé dans le Québec les cadres familiaux qui ont, dans le passé, M. DUMONT: ... pour que des cadets se formé les plus belles valeurs de notre nation. rendent à l'Exposition d'Osaka. Mais on subven- Aujourd'hui, ces valeurs sont foulées à nos tionne à coups de $325,000, des films où il n'y pieds. Coupables sont ceux qui tolèrent ou a que des histoires de fesses. C'est ça, M. le encouragent, en cette province, tout patronage Président, briser l'ordre des valeurs... qui enlève de la bouche des individus la différence entre la misère, l'honnête subsistance M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est de l'im- et force qui permet à ces mêmes gouvernements moralité, ça! au pouvoir d'avoir droit de regard sur la distribution des montants payés pourtant par M. DUMONT: II y a encore des gens qui, tous les contribuables canadiens. dans cette Chambre essaient d'empêcher que Coupables aussi sont ceux qui continuent à nous disions la vérité. vouloir regrouper les commissions scolaires mal- gré l'opposition absolue de tous les parents et M. CHARRON: Des fesses, ça coûte cher, M. surtout de l'Association des parents catholi- le Président. ques, car, lésées dans leurs droits, les associa- tions, ne pouvant plus faire entendre leur voix, M. DUMONT: Enfin, M. le Président, je crient injustice dans le Québec. voudrais attirer l'attention du gouvernement. Coupables aussi ceux qui veulent faire dispa- Après qu'il aura accepté de prendre ses respon- raître toutes nos municipalités ou les grouper au sabilités en face des problèmes économiques à nombre de 150, car là aussi il y a injustice régler au Québec, il devra rétablir un sentiment flagrante à... de confiance dans le Québec, permettre que les droits de l'homme tels que cités textuellement M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! dans la charte soient mis de l'avant. Je sais, par J'invoque le règlement, M. le Président, pour ses déclarations antérieures, que le premier aider le député de Mégantic. Est-ce qu'il pour- ministre est désireux que ces droits de l'hom- rait nous dire ceux qui ne sont pas coupables? me soient respectés. Nous avons l'obligation de rétablir l'ordre, mais, aussitôt l'ordre rétabli, il M. DUMONT: Avec les balivernes que le faudra d'abord que tout individu ait droit à la député de Chicoutimi, dans les nuages comme il vie, à la liberté, à la sécurité de sa personne. est, sait nous servir, il n'y a pas d'erreur que Deuxièmement, nul ne sera soumis à la l'Assemblée nationale manquerait de sérieux si torture, ni à des peines ou traitements cruels, on le laissait toujours prendre la parole comme inhumains ou dégradants. il le fait. Troisièmement, chacun a le droit à la recon- M. le Président, je déclare aussi coupables naissance en tout lieu de sa personnalité juridi- ceux qui, en agissant ainsi, oublient l'échelle des que. valeurs, qui, dans le passé, a pourtant produit Quatrièmement, toute personne devra avoir tant de valeurs et qui a même permis, par ses droit à la liberté de pensée, de conscience et de valeurs établies, d'avoir un député qui se croit religion. tellement bon, le député de Chicoutimi. S'il a Cinquièmement, toute personne aura droit quelque valeur, c'est gràce aux cadres que nous au travail, au libre choix de son travail, à des avions dans le passé et non pas à tous les conditions équitables et satisfaisantes de travail chambardements comme on veut en faire dans et à la protection contre le chômage. les années actuelles. Sixièmement, quiconque travaille a droit à 1593

une rémunération équitable et satisfaisante lui C'est dans ce sens que je dis que les décisions assurant, ainsi qu'à sa famille, une existence qui ont été prises, à mon avis, pour prévenir la conforme à la dignité humaine et complétée, s'il détérioration de la crise, étaient nécessaires et le y a lieu, par tout autre moyen de protection gouvernement, en les prenant, était tout à fait sociale." justifié de les prendre. M. le Président, ces propos ne sont pas de Il importe aussi — c'est sur cet aspect de la moi; ils sont l'expression des droits fondamen- crise que je voudrais plutôt faire mes commen- taux de la personne humaine, droits qui, selon taires — que nous nous éloignions quelque peu l'enseignement même du pape Jean XXIII dans des causes les plus immédiates de cette crise, l'encyclique Pacem in terris, sont universels, que nous n'apportions pas une importance inviolables et inaliénables. exagérée à quelques-unes de causes extérieures, Enfin, si tout ce que j'ai recommandé dans comme la violence verbale qui, certes, est à ces quelques minutes d'intervention n'est pas déplorer, mais beaucoup plus de manifestations, rapidement mis en application, il y aura danger à mon avis, de tension qu'une cause en elle-mê- d'éclatement dans le Québec, peut-être même me. Il est évident également que les décisions et au Canada. Je dis, en terminant: Oui, M. le les gestes posés, en ce qui a trait à la sauvegarde Président, nous sommes tous coupables de de la liberté, ou des libertés individuelles, l'assassinat de Pierre Laporte. doivent être analysés. Il y a là des éléments très importants de la question. Mais il faut aussi M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre aller aux causes plus profondes de cette crise. de la Santé. C'est une crise qui, en fait, remonte à un bon nombre d'années. Les premières manifestations les plus violentes, de fait, remontent à 1963. M. Claude Castonguay Première bombe. Ce n'est pas une crise qui est M. CASTONGUAY: M. le Président, je vou- née de circonstances plutôt extérieures ou drais, au début de ces quelques remarques, immédiates comme celles que j'ai mentionnées rendre un bref hommage à la mémoire de Pierre plus tôt. Laporte que j'ai connu bien brièvement, mais La tension et la violence sont évidemment, suffisamment, au cours des quelques derniers dans le continent nord-américain, des phénomè- mois, pour mesurer la perte énorme que nous, nes extrêmement répandus. C'est également, Québécois, avons subie à la suite de son même aujourd'hui, — que ce soit dans nos assassinat. démocraties occidentales, que ce soit dans les Il est important que nous analysions les démocraties populaires de l'Est, que ce soit causes immédiates ou les plus récentes de la dans les régimes dictatoriaux de droite — un crise que nous avons vécue, des décisions qui phénomène avec lequel il semble bien que nous ont été prises par le gouvernement et des devions vivre. Cela n'est donc pas un phéno- moyens qui ont été mis en cause pour prévenir mène unique au Québec et encore moins à sa détérioration. l'Amérique du Nord. Il est évident que cette analyse était impor- En ce qui a trait à l'Amérique du Nord, tante et que le présent débat a permis une toutefois, — parce que, certaines des causes que discussion de tous les aspects de cette question. nous retrouvons, de façon générale, à ce climat On ne peut oublier — et ce sont les quelques de tension, d'insécurité et de violence, nous les points que je voudrais souligner sur cet aspect retrouvons de façon plus particulière au Qué- de la crise — que l'Etat a dû et doit, à court ter- bec — il m'apparaît nécessaire d'en mentionner me, utiliser des moyens inadaptés, des moyens quelques-unes. qui ont été forgés par une société démocra- Premièrement, malgré le fait que les Etats- tique, qui trop longtemps a cru que nous étions Unis aient atteint le plus haut niveau de vie à l'abri de ce genre d'événements. économique au monde, nous y retrouvons des Il est une chose d'assurée, c'est que, malgré secteurs de pauvreté qui, même ici au Canada et le fait que les moyens que nous avions étaient dans bien des pays qui sont loin d'avoir ce plus ou moins adaptés à ce genre de crise, il est niveau de vie, nous apparaîtraient inacceptables. évident que, quant au fond, les décisions qui Nous retrouvons également, dans bien des ont été prises étaient justes et valables. régions de l'Amérique du Nord, une partie de la Malgré tout le respect que nous pouvons population qui a perdu confiance de pouvoir avoir pour la vie humaine, malgré le fait que fonctionner, de pouvoir participer vraiment à la l'un de nos collègues était en cause, nous ne vie de la société, de s'y intégrer, de se dévelop- pouvions oublier qu'il fallait assurer également per. Nous retrouvons également une partie de la le bon fonctionnement de la société, et surtout, population qui vit dans l'insécurité constante, prévenir la détérioration de la crise. C'est face aux progrès technologiques qu'on a érigés évident, également, à la suite des renseigne- en une valeur pratiquement absolue. Ce progrès ments qui sont maintenant disponibles, que sur le plan technique, sur le plan technologique, l'enlèvement de M. Cross a constitué un encou- cette course au développement économique ont ragement, un stimulant à l'enlèvement de Pierre également occasionné ou créé, dans bien des Laporte et, par la suite, à son assassinat. régions et particulièrement dans les grandes 1594 villes, une détérioration du milieu social, du vécus, nous les avons au sein de notre société et milieu physique qui est une autre des causes de nous en subissons les contrecoups avec proba- ces tensions, de cette inadaptation de cette blement plus de force que dans la plupart des population qui vit de plus en plus en marge du autres parties du continent nord-américain à reste de la société. cause, c'est possible et probable, de la rapidité Et même dans les milieux ruraux qui ont été avec laquelle nous sommes sortis d'un genre de dégarnis, bien souvent, de leurs meilleurs élé- société pour non pas entrer dans une société ments, sans qu'aucune façon de suppléer à cette assez établie, mais entrer dans une nouvelle perte de ces milieux soit envisagée nous retrou- société qui est en voie de se développer. Nous vons aussi des milieux qui ont perdu aujour- avons pratiquement manqué une partie du d'hui pratiquement tout dynamisme. processus que les autres sociétés ont pu traver- Il y a également — et nous retrouvons ce ser avant d'entrer dans cette phase de transi- phénomène depuis plusieurs années aux Etats- tion. Unis — cette glorification de la violence, que ce Nous avons donc, au cours des dernières soit au moyen de la télévision, que ce soit au années, constaté un rejet très rapide de bien des moyen des jouets qui sont vendus pour les valeurs traditionnelles, que ce soit au plan de la enfants, que ce soit par la vente libre des armes, religion, au plan de valeurs qu'on nous avait que ce soit par toutes sortes de moyens. Cette présentées, qu'on nous avait fait accepter com- glorification de la violence —ou la violence me étant permanentes et pratiquement abso- pratiquement érigée comme une valeur — est lues, comme notre vocation pour l'agriculture. une autre des causes de la tension que nous Nous sommes sortis très rapidement d'un mon- connaissons dans le continent nord-américain. de extrêmement fermé pour entrer dans un Aussi, même si, comme je le mentionnais, monde où les communications ne connaissent, nous avons atteint un niveau de production au plan technique, pratiquement plus de limite, jamais égalé au monde — production en fait ce qui fait que dans un laps de temps extrême- suffisante pour nourrir et satisfaire aux besoins ment court, notre société s'est ouverte sur le de toute la population — nous retrouvons malgré monde extérieur. tout, comme conséquence de cette valeur désor- Nous sommes également sortis d'une société donnée qui est attachée au développement où la démocratie était extrêmement limitée économique en soi, au progrès technologique pour entrer dans une société où il n'existe avant tout, sans égard à toutes les conséquences aucune entrave à la liberté de parole et où nous qui en découlent au plan social, une société qui expérimentons, depuis quelques années, de nou- est malade. velles formes de démocratie. Aussi, depuis un certain nombre d'années, En plus de cette adaptation extrêmement nous voyons la jeunesse, en particulier aux rapide que nous avons dû subir, nous avons, Etats-Unis et au Canada, refuser de plus en plus évidemment, vécu en relation avec les autres ce type de société qui leur est offert. Nous provinces du Canada et avec les parties des voyons également ces jeunes rechercher de Etats-Unis qui nous sont voisines dans un état nouvelles valeurs. Nous voyons également ces de pauvreté relative où nous sommes obligés de jeunes, ne pouvant satisfaire à des aspirations subir des écarts par rapport au niveau de vie différentes de celles qui leur sont offertes par économique de ces provinces ou de ces Etats, ce cette société, trop souvent se retourner vers la qui accentue, en définitive, les tensions au sein drogue ou encore manifester par des signes de notre société. extérieurs leur refus de participer dans ce genre Egalement, à cause de notre petit nombre et de société. Le phénomène "hippie" qui, à mon du fait que nous appartenons à une culture qui avis, n'est pas nécessairement mauvais est un nous est particulière, qui nous est propre au autre de ces signes. Québec, à cause du caractère menaçant de la Donc, de façon très répandue aux Etats- culture nord-américaine qui, pour beaucoup, Unis, au Canada et dans d'autres pays, mais semble un phénomène presque irréversible tant particulièrement pour le moment en Amérique par les moyens de communication que par les du Nord, nous vivons dans un état de crise, à moyens de fabrication et par la publicité, nous mon avis. Notre société est dans une période de sentons notre culture menacée. transition qui est caractérisée par un refus de En définitive, beaucoup en arrivent à conclu- participation d'une partie de la population, par re que notre propre identité et notre culture une aliénation d'une autre partie et aussi par un sont en danger. Nous avons besoin de définir de sentiment de plus en plus répandu de négativis- nouvelles valeurs qui nous soient propres et qui me de la part de ces personnes qui rejettent le répondent vraiment à nos aspirations, alors que genre de société qui leur est offert et qui, dans nous sentons d'autres valeurs nous être prati- des minorités, se dirigent, comme moyen de quement imposées. corriger la situation, vers la violence et l'anar- Aussi, pour un grand nombre, certains signes chie. concrets, certains gestes ou certains progrès Au Québec, tous les problèmes que j'ai sont nécessaires pour qu'ils puissent croire mentionnés ou toutes ces causes de la tension, vraiment que nous pouvons garder en main le de la crise que nous traversons, nous les avons contrôle de notre propre destinée, le maintien 1595 et le développement de notre culture. Dans un té, en maintenant justement la discussion sur des domaines où certains de ces gestes ou des causes beaucoup trop superficielles... Il certaines de ces marques pourraient être posés, nous faut donc nous rappeler que même si le c'est-à-dire dans le domaine de la révision respect des libertés individuelles est extrême- constitutionnelle, il me semble évident qu'un ment important, que les vraies réponses à nos nombre très grand de Québécois en sont venus à problèmes ne seront pas trouvées par des la conclusion que ce processus est pratiquement discussions qui s'éterniseront sur cet aspect de voué à un échec ou qu'il donnera des résultats la crise que nous venons de vivre. Il faut donc alors qu'il sera pratiquement trop tard, s'il n'est plutôt nous rappeler que ce sont par des pas accéléré. adaptations profondes de notre société, par la Nous pouvons nous demander également si définition de nouvelles valeurs, par la définition ces valeurs, qui appartiennent proprement au de nouveaux objectifs que nous ressortirons continent nord-américain, qui sont purement éventuellement de cet état de crise et que nous matérialistes et qui feront en sorte que nous aurons su profiter des leçons qu'elle nous serons pratiquement voués à nous sentir infé- impose. rieurs à cause de notre niveau de vie relative- Encore une fois, je le répète, le simple ment plus bas que celui de l'Ontario, ont une développement économique ne me paraît pas valeur d'absolu et si nous ne devrions pas suffisant pour répondre à ce genre de problè- rechercher un type de société qui soit plus près mes. Même si nous atteignions, dans un délai de nos aspirations et moins axé sur cette simple assez bref, le même niveau de vie économique recherche du développement économique. que l'Ontario, par exemple, je ne crois pas que C'est pourquoi il y a une perte de confiance, nous aurions tellement modifié les causes qui chez un bon nombre de nos Québécois, quant à sont à la base des tensions que nous connais- la possibilité de nous développer dans le systè- sons. me économique, social et politique dans lequel Il va falloir plutôt que chacun des citoyens nous vivons présentement, quant à la possibilité ici au Québec soit convaincu qu'il est possible de permettre au plan politique une plus grande que nous progressions dans le sens d'un déve- place à une vraie démocratie qui nous permet- loppement qui permettra à chacun, au plan trait de rechercher ces objectifs qui nous sont social et au plan culturel, de s'affirmer et de se propres d'une façon plus concertée que ce n'est sentir pleinement un citoyen à part entière, possible de le faire présentement. même s'il n'est pas de la même culture que la Ce sont tous des éléments, à mon avis, qui masse dans ce continent sur lequel nous vivons. sont particuliers au Québec et qui ajoutent à la Il va falloir également que chacun soit tension, au climat d'instabilité et de violence convaincu que nous travaillons à accorder à qui est propre au continent nord-américain et chacun une véritable égalité des chances dans qui font que, depuis un certain nombre d'an- notre société et que des progrès concrets soient nées, nous vivons, au Québec, une situation qui effectués dans ce sens. Pour en arriver juste- est allée en se détériorant et qui a définitive- ment à ce genre d'égalité des chances, il va nous ment atteint, au moment de l'assassinat de falloir encore poser bien des gestes, sur bien des Pierre Laporte, l'état d'une crise. Ce sont tous plans, car peu importent les secteurs que nous ces éléments qui ont gonflé le nombre des examinons, que ce soit au plan des revenus, que mécontents chez nous, qui sont la cause du ce soit au plan de l'éducation avec l'allocation négativisme, auquel j'ai fait allusion plus tôt, des ressources qui y est faite, que ce soit au dans pratiquement toutes les classes de notre plan des loisirs, que ce soit au plan du travail, société; négativisme, ou mécontentement, non que ce soit également au plan de la valeur bien pas seulement chez les personnes défavorisées, particulière que nous attachons au travail et que mais chez beaucoup de personnes qui, en ce soit au plan de l'habitation, il demeure, au apparence, auraient toutes les raisons au monde sein de notre société, des écarts, des inégalités d'accepter cette société dans laquelle nous qui sont inacceptables pour une grande partie vivons. de notre population, une partie trop grande Le nombre de ceux qui, pensant trouver pour qu'ils soient ignorés. dans le rejet de notre système constitutionnel De plus et surtout, il va falloir que les actuel, la solution à un grand nombre de nos Québécois se sentent impliqués dans ce proces- problèmes, également, ce sont tous ces éléments sus. Que l'on cesse uniquement d'analyser les qui ont fait en sorte qu'une partie de nos phénomènes, mais que les Québécois passent à Québécois ont opté pour la violence et finale- l'action et contribuent dans ce processus d'amé- ment, pour la voie de la destruction de la lioration de notre société. Trop de nos Québé- société dans laquelle nous vivons. Il nous faut cois se contentent de critiquer une fois les donc nous rappeler, à mon avis, avant qu'il ne événements produits, de porter des jugements, soit trop tard, les causes profondes du malaise mais lorsque le moment vient de passer à que nous vivons et éviter ainsi, au lieu d'en l'action, lorsque le moment est venu pour eux discuter uniquement les causes immédiates, de de contribuer, de faire des sacrifices, d'apporter nous diviser davantage, de radicaliser les posi- des changements dans leur mode de vie, trop tions entre deux groupements dans notre socié- souvent ils ne sont pas là. 1596

Le défi est immense, mais c'est un défi qui, à fait venir l'armée et a demandé la promulgation mon avis, nous est dicté plus que jamais par la de la Loi des mesures de guerre. S'en remettre à crise que nous traversons. Ce n'est pas en l'armée, même si cette mesure, pour nous, était ignorant ce défi que nous allons le résoudre ou disproportionnée, pouvait être quand même même retarder les échéances. L'action policière, compréhensible devant l'état d'épuisement de même si elle est nécessaire, même si elle est notre police. Mais la Loi des mesures de guerre, efficace, n'apportera pas de solutions en pro- pour nous, c'est une démission du gouverne- fondeur aux causes de la crise actuelle. Il serait ment que la population a semblé approuver, irréaliste de croire que l'état de tension et de mais qu'elle ne pourrait pas longtemps tolérer. malaise va cesser rapidement dans notre société. Les groupes les plus dynamiques qui sont les Il nous faut plutôt accepter que nous devrons ferments de l'évolution de notre société du vivre encore un certain nombre d'années dans Québec ne puisent plus comme autrefois uni- un tel état malgré tous les efforts que nous quement leurs valeurs dans leur petite commu- avons à faire. Merci. nauté, leur église, leur école et leur famille. A cause des moyens de communication M. LE PRESIDENT: L'honorable député de rapide, comme disait tantôt le ministre de la Lafontaine. Santé, qui nous permettent à tous les jours d'être les témoins d'événements dans le monde, M. Marcel Léger tous peuvent aujourd'hui puiser à une source universelle de valeurs, de cultures, d'idées, M. LEGER: M. le Président, en commen- d'idéologies pour donner un sens aux problèmes çant, il me fait plaisir de féliciter le ministre de que nous avons localement. la Santé pour avoir été, à mon avis, un des La vraie démocratie aujourd'hui, c'est un premiers députés du parti au pouvoir à souli- gouvernement qui agit, mais c'est aussi une gner l'élément humain du problème que le Opposition qui surveille, qui critique, qui éclai- Québec a vécu dernièrement. re et qui oriente le gouvernement. Mais l'Oppo- L'expérience que nous avons vécue au cours sition aujourd'hui, à la suite d'un système des dernières semaines nous a permis de réaliser électoral désuet, ça ne peut pas être unique- trois choses. D'abord et premièrement, le che- ment les députés de l'Opposition. Ce sont aussi vauchement des juridictions fédérale et provin- les milieux et les groupes de pression, qui ont le ciale ou le chassé-croisé des deux juridictions devoir de critiquer ou d'appuyer le gouverne- dans les différents ministères et en particulier ment, selon les mesures qu'il veut apporter. dans le ministère de la Justice entre le Québec Mais se servir des mesures de guerre actuelles et Ottawa a amené une paralysie de décision à pour bàillonner toute opposition légitime, pour des moment cruciaux. créer un climat de panique, pour susciter des En deuxième lieu, nous avons assisté à deux réactions primaires et faire chercher à une sortes de violence dont la deuxième, verbale, population un sentiment de sécurité au détri- qui n'a fait qu'attiser le feu et créer un climat ment de ses libertés dans une société en de panique et d'hystérie collective qui servait continuelle évolution, c'est une violence qu'il certainement les buts d'un gouvernement fédé- faut dénoncer. Est-ce que nos gouvernements ral qui désirait mettre le Québec à sa place. sont à ce point dépassés qu'ils n'ont pas En troisième lieu, nous avons constaté jus- compris les justes aspirations d'un peuple vers qu'à quel point nos gouvernements, fédéral et sa libération collective et qu'on tente de lui provincial comme celui de Montréal, étaient enlever ses libertés individuelles? loin du peuple. Quand on se renferme dans un La politique de 1970 ne peut plus être la légalisme dépouillé de toute compréhension hu- politique d'il y a cinq, dix ou quinze ans. maine, il arrive que, devant un malaise social, D'ailleurs, le premier ministre du Québec l'a on néglige d'apporter le correctif nécessaire, bien compris quand il a lui-même déclaré dans qu'on soit tout à coup perdu devant l'ampleur son livre "Bourassa-Québec", et je cite: "Lors- de la crise qui en découle. qu'un gouvernement doit faire intervenir les Les problèmes sociaux, économiques, cultu- forces de l'ordre, exemple: la Loi des mesures rels qui s'accumulent au Québec sont devenus de guerre, c'est la preuve qu'il a perdu la partie, tellement graves qu'on écrivait dans un hebdo- qu'il a failli à sa fonction essentielle en démo- madaire de France, dernièrement: "Ce qui cratie, qui est de permettre à toute opinion et à nourrit la révolte — au Québec comme ail- toute aspiration de s'exprimer librement et leurs — ce n'est pas la pauvreté, c'est l'humilia- d'influer sur l'Organisation de la société." tion". C'est donc dire que, souvent, on est trop proche des arbres pour comprendre la forêt. M. BERTRAND: On devrait écouter ce que Les Québécois ont changé. Notre société le député lit. n'est plus cette société fermée à qui on imposait de l'intérieur ou de l'extérieur un silence ou une M. LEGER: Faut-il en conclure, M. le Prési- résignation devant les injustices qui la frap- dent, que sa décision de faire intervenir les paient. A la suite du choc que nous avons tous forces de l'ordre signifie que c'est une démis- subi, après les enlèvements, le gouvernement a sion et qu'il a perdu la partie? 1597

M. BOURASSA: On va rétablir les faits. relevait du fédéral et la partie qui passait dans les journaux relevait du Québec. Qui a dit oui le M. LEGER: M. le Président, le gouverne- premier et qui a dit non le premier, dans les ment en place doit être à l'écoute de l'Opposi- deux cas concernant le manifeste et les autres tion qui canalise les réactions et les courants demandes? d'idées d'une partie importante de la popula- L'embauchage des employés de Lapalme tion. La population n'accepte plus, aujourd'hui, relevait du gouvernement fédéral, tandis que les que des politiciens tentent de régler le jet recherches policières desquelles on demandait continu des problèmes actuels en adoptant un l'arrêt relevaient du Québec. rythme lent, pas pressé, de routine ou de Le départ vers un autre pays ou un sauf- politique à court terme. La Loi des mesures de conduit relevaient d'Ottawa, mais, pendant guerre démontre bien que le gouvernement qu'on aurait conduit les ravisseurs à la frontière, n'est pas au diapason de la population. S'atta- la police provinciale aurait pu arrêter ces quer toujours aux problèmes par des politiques personnes. à court terme, c'est oublier d'une façon révol- Troisièmement, l'appel à l'armée. L'armée tante les causes profondes du malaise. Il est relève du fédéral. grand temps de réaliser jusqu'à quel point tout Pour intervenir, la province doit le deman- gouvernement québécois actuel, de quelque der, sauf si la Loi des mesures de guerre est parti qu'il soit, est trop souvent impuissant promulgée. Encore là, qui a décidé le premier et devant des problèmes majeurs à cause de qui a influencé l'autre? l'incohérence et du chassé-croisé de juridictions Dans le domaine des mesures de guerre, c'est dans la plupart des ministères. le fédéral qui peut proclamer la mise en vigueur Il est important que tous les Québécois de la loi mais, selon le règlement actuel, c'est sachent que les priorités et les objectifs du encore la province qui doit l'administrer. Enco- Québec ne sont pas nécessairement les mêmes re un chevauchement de juridictions. que ceux du fédéral. Très souvent, les priorités C'est à Ottawa, actuellement, qu'on discute et les objectifs d'un gouvernement sont opposés de la loi qui remplacera la Loi des mesures de à ceux de l'autre gouvernement. Quand une guerre. C'est là-bas qu'on en discute mais c'est responsabilité juridique change de palier de nous, les Québécois, qui serons impliqués dans gouvernement, qu'est-ce qui arrive? De la cette loi et ce n'est pas nous qui pouvons en paralysie et de l'incohérence dans les décisions discuter. qui sont prises. Concernant les activités policières, d'un côté, Nous avons connu cela lors de la dernière il y avait les trois corps de police et l'armée. En crise. Je voudrais énumérer six points où nous théorie, le commandement unifié relevait direc- avons réalisé que les deux paliers de gouverne- tement du directeur de la Sûreté du Québec, ment se paralysaient entre eux : les enlèvements mais, en pratique, comme nous le savons tous, de MM. Cross et Laporte; les conditions posées l'armée et la Gendarmerie royale reçoivent leurs par le FLQ; l'appel à l'armée; les mesures de ordres d'Ottawa. C'est donc dire que si nous guerre; les activités policières; le programme regardons la déclaration du commissaire de la d'urgence que le Parti québécois a proposé. Gendarmerie sur l'arrestation des chefs terroris- En premier lieu, l'enlèvement de M. Cross. tes, nous voyons encore qui donnait les respon- C'était un crime relevant du code criminel, sabilités. donc de juridiction fédérale. Mais l'administra- Concernant les nombreuses difficultés rap- tion du code criminel, le fait de trouver les portées dans les journaux, alors que les officiers coupables, relevait du Québec. Enfin, la person- de la Sûreté ne pouvaient pas pénétrer dans un ne étant un diplomate étranger, cela devenait secteur du territoire, dans la région Rawdon, une responsabilité internationale, donc relevant c'est encore un conflit de juridiction fédérale- du fédéral. provinciale. Deuxième point, les conditions posées par le Concernant les accrochages des militaires et FLQ. D'abord, la libération des prisonniers. des policiers à l'île Goyer, encore un problème Parmi les 23 prisonniers, il y en avait qui étaient de juridiction provinciale-fédérale. Concernant dans les pénitenciers fédéraux; donc cela rele- le conflit dans la filature de Paul Rose, ainsi que vait du fédéral. Il y en avait d'autres qui étaient la publication de la photo, encore un conflit de condamnés à moins de deux ans et qui étaient juridiction fédérale-provinciale et on ne sait pas dans un pénitencier provincial, à Bordeaux; encore qui a décidé oui ou non. c'était de juridiction provinciale. Encore là, il y En terminant, concernant le programme avait un chevauchement des deux juridictions, d'urgence du Parti québécois, le Québec, sur- qui demandait continuellement des interven- tout, peut déclarer ou déterminer un program- tions des deux paliers de gouvernement. me d'investissement public pour relancer l'éco- Quant aux prévenus qui n'étaient pas encore nomie, mais c'est Ottawa qui contrôle la politi- déclarés coupables, et pas encore condamnés, ils que monétaire et qui, jalousement, garde les relevaient du Québec. cordons de sa bourse. Québec n'a pas les Concernant la publication du manifeste du moyens de lancer son programme d'habitation FLQ, la partie qui devait passer à Radio-Canada et de construction de routes sans l'accord 1598 d'Ottawa. Il faut tout négocier. Il faut aller travail chez nous? S'il était trop tôt pour quêter à Ottawa pour récupérer des sommes qui connaître la réaction des investisseurs, il était proviennent du Québec, et au prix de quelles trop tôt pour le mentionner également. concessions! C'est également Ottawa qui con- Est-ce que c'était pour calmer les esprits que trôle les investissements privés par les primes à M. MacDonald déclarait à Ottawa, le 22 octo- l'investissement, par sa politique de l'énergie et bre, qu'il fallait stopper le programme de par sa politique commerciale. réduction des effectifs militaires? A quel jeu M. le Président, d'un autre côté, dans la crise jouait Réal Caouette lorsqu'il déclarait que tous dont nous avons été témoins, le peuple avait le les chefs syndicaux sont des têtes de linotte et droit de se tourner vers ses dirigeants pour que plus tard il disait: "Fusillons les prisonniers réclamer des solutions et devant certaines per- FLQ, un par un"? Où est l'honnêteté de Marcel sonnes, au lieu de retrouver des chefs responsa- Prud'homme lorsqu'il insinue que Rose était bles, sereins, il a assisté à un deuxième style de militant du Parti québécois? Quant au ministre violence. Nous avons assisté au Québec, impuis- des Affaires culturelles, a-t-il réalisé le poids de sants, à l'effondrement de notre gouvernement, son affirmation Quand il dit qu'il faudrait paralysé parce qu'il n'avait en main ni les limiter l'information? pouvoirs, ni les moyens, ni les ressources pour M. le Président, nous avons assisté durant les régler ses problèmes. Il s'est effondré devant le dernières semaines à une surenchère de déclara- gouvernement fédéral, qui en a profité pour tions d'hommes publics qui se veulent responsa- introduire un cheval de Troie au Québec et le bles mais qui n'ont réussi qu'à jeter le désarroi mettre à sa place. dans une population atterrée par les événements M. le Président, le gouvernement fédéral, par tragiques dont elle a été témoin. sa Loi des mesures de guerre, par les déclara- tions de ses ténors fédéraux, fédéralistes à tout M. LEVESQUE: M. le Président... prix, a contribué à créer au Québec un climat de nervosité tel que l'on voyait rapidement que M. LEGER: Est-ce une question? le but en était de faire disparaître tout esprit critique, de censurer les journaux, comme on le M. LEVESQUE: Une question, s'il vous voyait tantôt dans les propositions du député plaît. Est-ce que le ministre des Affaires cultu- de Matane, de susciter plutôt une recherche de relles a bien dit de limiter l'information ou s'il a la sécurité au détriment de ces libertés. Le invité plutôt les agents de l'information à faire peuple du Québec, je pense a droit à des leur propre discipline? explications objectives d'hommes responsables. Il a assisté plutôt à une suite bien orchestrée de M. LEGER: M. le Président, ce que j'ai lu, déclarations d'hommes publics "paniqués". moi, c'était limiter l'information. Où était, durant les dernières semaines, la sénérité d'un Jean Drapeau lorsque, le 22 M. LACROIX: Est-ce que vous avez écouté octobre, il déclarait qu'il y avait des affinités votre chef dernièrement? entre le FRAP et le FLQ la veille de son élection et qu'il déclarait aussi, la même jour- M. LEGER: Est-ce que le député a une née, que si on élisait le FRAP, le sang coulerait question à poser? dans la rue? Est-ce que ceci permet de calmer Durant ce temps, un groupe d'hommes les esprits ou de jeter la confusion? Où était le modérés a tenté de remplir son rôle de groupe "fair play" de M. John Robarts lorsque, le 14 de pression... octobre, il déclarait: Nous sommes en guerre totale. Le temps est venu de nous battre? Où M. LACROIX: Ah oui, modérés! était le calme, le flegme de l'homme d'affaires Neapole quand, le 14 octobre, il s'inscrit M. LEGER: ... en présentant un front com- lui-même quatrième sur la liste des enlève- mun ... ments? Où était le sens des responsabilités des directeurs du journal Le Soleil lorsqu'ils décla- M. LE PRESIDENT (Vézina): A l'ordre! raient, en titre: "3,500 terroristes et M. Bouras- sa refuse d'amener le gouvernement à Valcar- M. LEGER: ... vers un juste milieu pour tier"? calmer les esprits et canaliser les énergies Où était le sens de la pondération? Où est la objectives de chacun dans la bonne direction... démocratie électorale quand, le 21 octobre, M. Jean Marchand déclare que le FRAP est le M. LE PRESIDENT (Vézina): A l'ordre s'il "front" ou la caution morale du FLQ? A quoi servait, le 22 octobre, que le ministre des vous plaît ! Finances du Québec déclare: "II est trop tôt pour connaître la réaction des investisseurs" et M. LEGER: ... ainsi tenter de trouver une ramène cette peur de l'investisseur au Québec solution en profondeur et non pas à courte vue pour dire aux Québécois: Restez tranquilles, ne aux malaises qui bouleversent notre société. bougez pas, ils ne viendront pas nous donner du M. le Président, ce qui est le plus important 1599 dans la crise actuelle, c'est la sauvegarde des cette Chambre, il faudra que la population, il droits du Québec. Nous avons offert notre faudra que le gouvernement, que tous ensem- collaboration au gouvernement lors de la crise ble, nous voyions à apporter des solutions aux quand nous avons proposé, lors de la session problèmes qui se sont posés. d'urgence sur l'assurance-maladie, la formation M. le Président, c'est donc d'un sujet grave d'un comité d'étude sur le problème des enlève- que nous parlons dans cette Chambre depuis la ments dans le but évident que le gouvernement semaine dernière. Il est difficile de porter un du Québec, qui est notre gouvernement quand jugement objectif et serein sur des décisions qui même, se sente appuyé non seulement par ses ont pu être prises dans des circonstances aussi propres députés, mais par le Parlement entier tragiques. Il est difficile aussi, et nous nous en devant l'ingérence du fédéral. Il a refusé en rendons compte au cours du présent débat, de prétextant que notre proposition était irreceva- juger de l'objectivité de tous les arguments qui ble. ont été apportés quand les différentes positions Aujourd'hui, nous lui renouvelons notre qui sont énoncées vont aux extrêmes. Nous offre de collaboration à un programme d'urgen- n'avons qu'à faire le rapprochement entre les ce qu'un autre député du Parti québécois attitudes, entre les expressions d'opinions des proposera, à condition que le gouvernement se membres des différents partis de cette Cham- tienne debout, avec les ressources qu'il a en bre, et même à l'intérieur des partis politiques, main. pour voir qu'il y a des positions extrêmes et sur Le gouvernement du Québec peut être assuré les causes et sur les événements et sur les façons de notre entier appui relativement aux deman- d'y rémédier. des du gouvernement québécois au gouverne- Dans son intervention, le premier ministre a ment fédéral. Mais qu'il soit assuré de nos fait une réflexion que j'ai retenue d'une façon critiques acerbes devant les insuccès qu'il pour- particulière. Il nous a dit, au début: Jamais le rait obtenir à son retour. Soyez assuré, cepen- gouvernement ne s'est trouvé devant une situa- dant, M. le Président, de notre appui dans les tion aussi tragique, devant un choix aussi domaines où l'Etat provincial peut réussir avec difficile à faire entre les éléments d'une alterna- ses propres ressources actuelles. tive, à savoir, sauver la vie d'un collègue, ou Quant à nous, nous savons déjà que la seule assurer la survie et la liberté des institutions et vraie solution définitive ne pourra être démocratiques et des hommes. Et nous avons trouvée que dans un Québec souverain, en également retenu cette autre affirmation vou- pleine possession de tous ses leviers et maître de lant qu'il y ait eu tentative de la part du ses propres décisions. En terminant je dis que gouvernement de concilier et la justice individu- d'ici le temps de l'indépendance, nous allons elle et la justice collective. appuyer le gouvernement quand il se tiendra Si le gouvernement a eu des problèmes de debout et qu'il voudra résoudre la partie des choix, des problèmes extrêmement difficiles, problèmes qu'il peut régler avec les pouvoirs ces problèmes de choix, difficiles, ils se sont qu'il possède. aussi posés pour les membres de l'Opposition à quelque parti qu'ils appartiennent. Nous avions M. LE PRESIDENT: (Ve'zina): L'honorable la possibilité, au cours de ces événements député de Montmagny. tragiques, de prendre deux attitudes. D'abord, l'attitude très facile de faire une charge contre M. Jean-Paul Cloutier le gouvernement, de le faire chanceler en portant un jugement sévère sur les événements M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Prési- et sur les décisions qu'il avait prises; je crois que dent, il y a un mois ce soir, des terroristes nous avons pris la position la plus difficile, mais livraient à la population le cadavre de notre celle qui demandait le plus de courage et le plus collègue, Pierre Laporte, après son assassinat. de lucidité, — celle de la modération. On ne peut pas faire ce retour en arrière sans C'est pourquoi je voudrais citer ici ce que j'ai éprouver, à l'endroit de notre collègue, particu- déclaré à la télévision, dans le cadre de l'émis- lièrement cet après-midi, alors que nous avons sion "Politique provinciale", afin de bien illus- entendu le rappel de l'engagement du député de trer quelle était la position de notre groupe: Chambly, rappel de l'engagement qui a été fait "Des décisions graves ont été prises et de par le député de Matane... Ce n'est pas sans nombreuses déclarations publiques ont été fai- émotion que les députés de cette Chambre tes. Si l'on peut déplorer la facilité avec laquelle participent à ce débat, non seulement pour se certaines gens perdent leur sang-froid dans des remémorer des événements tragiques, mais pour circonstances difficiles, on admettra, par ail- faire un effort de réflexion sur des causes, sur leurs, que l'Union Nationale a fait preuve de les événements eux-mêmes, mais aussi sur la mesure et de discrétion depuis le début de cette suite des événements, car il y aura une suite crise. Certains se sont même étonnés de notre — j'espère qu'il n'y en aura pas de la part de réserve. C'est que nous ne voulions pas contri- ceux qui ont jugé bon d'utiliser ces métho- buer, par des critiques même légitimes, à des — mais il y aura une suite dans les événe- affaiblir cet Etat du Québec qui demeure, dans ments, parce qu'il faudra que les membres de notre esprit, notre principal instrument d'affir- 1600 mation collective et de progrès. Il est des écrit, sous le titre: Cette page se refermera-t-elle circonstances où la solidarité devient le premier jamais? "Une nouvelle page vient de s'ouvrir de tous les devoirs. dans l'histoire du Québec, celle de la violence, "Les députés de l'Union Nationale n'ont pas, du chantage et de l'assassinat. Elle a été écrite pour autant, renoncé à leur droit de parole ni avec le sang du ministre Pierre Laporte, membre aux responsabilités qui leur incombent comme du gouvernement du Québec et un des chefs de membres de l'Opposition officielle. Mais une file de la société québécoise. Souhaitons de chose est certaine, il nous faudra bientôt cesser, toutes nos forces que les ravisseurs n'y ajoutent au Québec, de faire du masochisme et de la pas celui de M. Cross, diplomate distingué, politique partisane et nous décider enfin à plongé bien innocemment dans cette terrible regarder davantage vers l'avenir que vers le actualité. passé. Et quand nous retournerons en arrière, "Nous avions cru naïvement que ces chapi- que ce soit pour en tirer des leçons salutaires et tres sanglants ne s'écrivaient que dans d'autres non pas pour y chercher des motifs de destruc- langues et dans d'autres pays, jusqu'au jour où tion des hommes et des institutions". nous avons réalisé que les bombes avaient M. le Président, cette crise a été particulière- commencé d'éclater dans les rues qui nous sont ment difficile parce qu'elle rejoignait des pro- familières et que les institutions et la société blèmes profondément humains, où la vie de que nous avons bàties étaient en danger de deux otages était en danger. Il y avait la lutte s'écrouler, emportant avec elle des êtres qui contre la violence et le terrorisme, de nouvelles nous sont chers et avec qui nous travaillons tous forces qui veulent saper notre société. Ce qui les jours à la réalisation d'objectifs communs. était difficile dans les circonstances, je crois, "Il nous aura fallu ces tragédies pour que, c'est que nous n'étions pas préparés à ces sortes collectivement et individuellement, nous pre- de situations. Les jeux n'étaient pas faits. Nous nions conscience de la gravité de la situation et avions devant nous l'inconnu: l'inconnu des de l'urgence de trouver des réponses et non motifs, l'inconnu des limites, l'inconnu des seulement des coupables. Il est extrêmement réactions et aussi l'inconnu de la détermination difficile, au moment même où nous sommes de ces forces de la violence. Je crois que ce n'est déchirés par ce crime làche et sadique qui nous faire injure à personne que de dire que, d'un enlève un homme pour qui nous avions beau- côté comme de l'autre, il y a eu méprise; coup d'estime et de respect, au moment où la méprise de la part des terroristes, qui ont première réaction en est une bien normale et peut-être présumé des réactions, de la détermi- bien humaine de révolte et de vengeance, de nation des autorités gouvernementales, et mé- garder son calme et son sang-froid. Pourtant, il prise du côté gouvernemental parce qu'il était faut y arriver si on veut formuler des réponses normal qu'on ne sache pas, à ce moment-là, valables et sensées à des problèmes qui ont été jusqu'où pouvait aller cette violence et cette posés de façon aussi incompréhensible et insen- détermination. sée par des terroristes révolutionnaires. De toute façon, après cette réflexion que "Une première réponse a été donnée. C'est nous faisons en commun sur ces événements et celle des mesures d'urgence qu'ont prises les sur ces causes, après l'examen le plus serein trois niveaux de gouvernement: fédéral, provin- possible, de la façon la plus lucide dans les cial et municipal, après avoir jugé suffisamment circonstances, — il est évident que nous pou- grave et périlleuse la situation actuelle pour vons pas éviter, dans toutes nos discussions, recourir à ce mal nécessaire. Mais, il s'agit là d'apporter une certaine dose d'émotivité — je essentiellement d'une mesure temporaire dont crois qu'après cette réflexion, à aucun moment le caractère de contrainte se concilie difficile- depuis que je siège dans cette Chambre ne s'est ment avec la liberté à laquelle nous étions imposée avec plus de force la nécessité de faire habitués. La vraie réponse, c'est celle qui des choix et de relever des défis. exigera une véritable prise de conscience et une Le gouvernement avait ces choix à faire. Il généreuse participation de tous les éléments de les a faits au cours des événements que nous la société québécoise et canadienne. venons de vivre. Il y a des défis à relever. Le "Cette réponse sera beaucoup plus difficile à gouvernement devra maintenant les relever. La élaborer. Les mots qui l'expliciteront et les position de notre parti est bien connue, c'est gestes qui la traduiront constituent le véritable celle de la modération, de la non-partisanerie et défi. de la collaboration loyale au-dessus des lignes La qualité et la diligence de la réponse seront de parti. les meilleurs indices de la force du désir de M. le Président, si vous me le permettez, je notre société démocratique de survivre ou de crois que je pourrais citer ici des tranches de cet son fatalisme résigné devant une inévitable éditorial que j'écrivais au moment où la télévi- disparition. sion, ce samedi 17 octobre, nous annonça qu'on "Cette réponse viendra d'abord des gouver- avait retrouvé le cadavre de M. Laporte. Je crois nements supérieurs, qui devront éviter de verser qu'après quelques semaines il s'inscrit bien dans dans une répression purement négative, qui la ligne de notre parti et qu'il entre bien dans le risquerait d'éliminer une contestation positive cadre des discussions de cette Chambre. J'avais qui les aiguillonne et les stimule dans la 1601 recherche du bien commun et l'évolution or- prêche trop facilement la violence qui séduit? " donnée de la société. Il faut à tout prix éviter Je terminais, M. le Président, cet éditorial après de rompre cet équilibre par lequel chacun des avoir fait appel aux différents groupes de la deux gouvernements, celui d'Ottawa et celui de société et je disais: "Le Québec attend la Québec, doit assumer sa juste part de responsa- réponse; si on y croit, il faudra la lui donner. Et bilités dans le dénouement d'une crise comme la page suivante est encore blanche, avec quoi celle que nous traversons. Ce déséquilibre, s'il se l'écrirons-nous? Avec la haine ou l'amour? " produisait, augmenterait dangereusement les M. le Président, ce sont là des réflexions qui risques de désaccord et de séparation. me sont venues au moment où on faisait ces "Les deux gouvernements doivent nous don- annonces à la télévision, que j'ai notées et qui ner la preuve d'une étroite collaboration et non ont été publiées par la suite, dans les quelques pas de soumission l'un par rapport à l'autre. Les jours qui ont suivi. C'était le choix de notre deux chefs de gouvernement assumeront donc parti, le chemin de la sénérité et de la modéra- pleinement leurs responsabilités, se complétant tion. l'un et l'autre et contribuant, chacun à sa façon Les autres partis politiques, les autres grou- et selon son mandat, à rétablir l'équilibre et à pements qui sont de ce côté-ci de cette Cham- assurer la sauvegarde de notre société. bre ont, eux aussi, fait leur choix. Je n'ai pas "Les partis d'Opposition n'auront jamais l'intention, ce soir, dans les quelques minutes autant prouvé leur nécessité et leur valeur qu'en que j'ai à ma disposition, de porter un jugement ces périodes difficiles, par une critique pondé- sur le choix qu'ils ont effectué. rée et positive qui aidera le gouvernement à J'ai noté, du côté de nos amis de gauche, les prendre des décisions cruciales, dont le guide ne créditistes qui sont... sera pas l'émotivité, mais plutôt le souci du bien commun et l'intérêt de la collectivité, ce qui M.BERTRAND: Ne les laissez pas là trop n'exclut pas la justice individuelle. longtemps! "Les événements actuels vont bien au-delà des partis politiques et exigent de chacun d'eux M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai parlé une vision supérieure du destin de la société d'emplacement géographique, M. le Président. québécoise. La partisanerie mesquine serait un J'ai noté un appui assez inconditionnel aux procédé grossier et ceux qui seraient tentés de mesures gouvernementales. J'ai noté un juge- l'utiliser en seraient les premiers pénalisés. Les ment assez sévère sur les média d'information. révolutionnaires terroristes veulent diviser pour J'ai noté aussi un penchant pour la ligne de régner. Pour atteindre cet objectif, il leur faut force, et aussi un bon point à l'endroit des opposer les gouvernements entre eux et dresser propositions pour des mesures de correction. les individus et les classes de la société les uns contre les autres. Les événements actuels, si on De mon côté droit, qui est aussi notre n'y prend garde, peuvent engendrer ces graves gauche, M. le Président, j'ai noté une certaine dissidences alors qu'ils devraient plutôt nous hésitation. Je le fais un peu aussi par taquinerie, convaincre de la nécessité de l'union et de la et non pas par mesquinerie, mais il semble y charité. avoir un déchirement entre l'attitude extrême- "Si nous n'avons pas beaucoup de temps ment modérée, pondérée que nous a révélée le pour nous situer tous par rapport aux questions député de Bourget, surtout au cours des discus- que nous venons à peine d'esquisser, nous n'en sions qui ont entouré l'assurance-maladie, et avons guère plus pour élaborer les réponses les l'attitude agressive et souvent violente de son plus difficiles et les plus complexes aux vrais chef, le chef du parti. Je prévois, M. le problèmes, ceux de la réforme des structures et Président, que là aussi on parle de choix à faire. de la correction d'inégalités sociales, intoléra- Je prévois que là aussi, si on me permet bien bles dans la société d'aujourd'hui. modestement un jugement, les membres du "Les citoyens sont de plus en plus conscients Parti québécois et particulièrement son chef de l'urgence de certaines modifications profon- parlementaire, déchiré qu'il est entre sa propre des qui donneront à tous les mêmes chances à la modération, sa propre pondération, trouvera santé, à l'éducation, à l'habitation et au travail. difficile, en cette Chambre, de toujours expri- Mais des réformes de cette envergure exigent mer la voix de la modération et de la pondéra- des ressources humaines et financières très tion puisque les indications, parfois un peu plus considérables que seules peuvent produire une violentes, lui viennent de son chef. éducation plus poussée et une économie plus A tout événement, ce ne sera pas à moi à forte. Ce n'est pas dans la violence, le chantage, régler ce problème-là. Je note... le terrorisme et l'assassinat qu'on fait la promo- tion de l'éducation et de la croissance économi- UNE VOIX: Cela relève du psychiatre. que, l'une et l'autre exigeant une certaine stabilité pour leur épanouissement. M. CLOUTIER (Montmagny): ... également, "A partir de quel moment une société comme je l'ai noté pour le Ralliement créditis- démocratique doit-elle s'inquiéter et s'interro- te, que le Parti québécois, à certains moments, a ger? Quand on assassine ses chefs ou dès qu'on soumis, lui aussi, des programmes d'urgence et 1602 des programmes économiques dans l'intention Canada, M. Trudeau, par ses apparitions à la de remédier à la situation. télévision, par la maîtrise qu'il a de ses déclara- Si les partis politiques, si les députés en cette tions et de ses gestes, surtout à la télévision Chambre ont été appelés à faire des choix, sont — là, je ne veux pas porter de jugement en bien appelés et seront davantage appelés à relever des ou en mal — a une présence importante et défis, il serait trop facile de dire que cette seule envahissante dans le Québec. Je crois que le responsabilité nous incombe, seulement à nous, premier ministre du Québec devra relever le ici, qui sommes des parlementaires. défi, parce que, lui aussi, comme chef de Je crois que d'autres, aussi, ont des responsa- gouvernement, doit avoir dans le Québec cette bilités et qu'ils devront davantage les assumer. présence indiscutable et indiscutée. Cela, c'est Je ne mentionnerai particulièrement que des un défi de taille. Je sais que le premier ministre groupes qui, au cours des événements actuels, à du Québec en est conscient. certains moments, ont eu à exprimer des M. le Président, étant donné que le temps opinions et d'autres qui n'ont pas jugé à propos qui était à ma disposition s'achève, je ne d'en exprimer, mais qui font probablement voudrais pas terminer ces brèves remarques sans partie de cette majorité silencieuse qui, de faire au premier ministre et à son gouvernement moins en moins, dans le Québec, aura le droit une suggestion que je considère comme très de rester silencieuse, surtout si cette situation importante. difficile que nous connaissons tendait à se Nous avons fait cet effort de réflexion, bien perpétuer. Les étudiants, la jeunesse auront des sûr. Nous avons discuté, depuis quelques jours, choix à faire. Ils auront des responsabilités à des événements et de tout ce qui les entoure. assumer. Les ouvriers, aussi, les travailleurs, les Mais la vie dans le Québec doit continuer. chefs syndicaux, les professeurs, les profession- Depuis quelques jours, j'ai posé des questions nels, le clergé et, M. le Président, dans un au premier ministre sur ce programme économi- domaine peut-être un peu plus délicat mais qu'il que d'urgence. Le premier ministre, au cours de nous faut tout de même traiter, les journalistes, cette crise, a demandé aux différents chefs de les média d'information, les éditorialistes, qui parti leur collaboration. Je crois que cette probablement, comme les hommes politiques, collaboration lui a été fournie. S'il veut conti- ont été pris au dépourvu devant les événements nuer dans cette voie, étant donné la gravité des qui se sont passés dans cette province. Leur événements et le caractère d'urgence qu'il y a désir, exprimé au premier ministre, que le de requérir toutes les énergies afin que tout le gouvernement convoque la commission sur la monde concoure au redressement de la situa- liberté de la presse le démontre. Et je me tion du point de vue économique surtout, je réjouis de ce que le premier ministre ait suggérerais au premier ministre et à son gouver- annoncé, cet après-midi, son acceptation de nement de convoquer une commission parle- convoquer cette commission. mentaire à vocation économique. Cela pourrait Sur les membres de la tribune de la presse, être celle du Conseil exécutif du Québec ou des média d'information, on a porté, au cours celle de l'Industrie et du Commerce. Je préfére- de ces évévements, des jugements très sévères, rais, quant à moi, celle du Conseil exécutif. des jugements que, dans certains cas, je n'ai Nous pourrions aussi faire participer à nos certainement pas trouvés assez nuancés ou travaux l'Office de planification et chacun des marqués au coin de la justice et de la pondéra- ministres pourrait établir devant cette Chambre tion. Au cours de ces travaux de la commission et devant tous les groupements, en s'assurant parlementaire, qui se poursuivront, je n'en leur concours, leur collaboration, leurs sugges- doute pas, avec toute la sérénité possible, je tions, particulièrement à ceux qui, au cours des crois qu'ils auront l'occasion de poursuivre avec quatre dernières années ont été à même d'admi- nous ce que déjà je souhaite qu'ils aient nistrer les budgets et les programmes de la commencé, cet effort de réflexion sur les province, d'établir des politiques, de leur de- événements actuels et sur l'attitude qu'ils sont mander cette collaboration qu'ils sont prêts à appelés à tenir dans de telles circonstances. Et apporter. je sais qu'ils n'en voudront pas aux hommes Je vois sur les premières banquettes toute politiques s'ils portent des jugements sur leur l'équipe ministérielle, tous les ministres, ceux comportement, sur leurs déclarations, sur leurs qui ont dit qu'ils dirigent un ministère à attitudes, pour autant que ces comportements vocation économique ou un ministère à voca- seront justes et nuancés parce que, pour eux tion sociale, et qui certainement, ce temps-ci, aussi, il est de leur devoir et de leur responsabi- apportent au conseil des ministres des sugges- lité, par leurs attributions, de porter des juge- tions pour un programme économique d'urgen- ments sur les événements et sur les hommes. ce. Je crois que tous ensemble, avec les sugges- tions qui ont été faites par les trois groupe- M. le Président, il y aura d'autres défis à ments de l'Opposition, nous pourrions apporter relever. une collaboration réellement importante aux Le premier ministre du Québec en aura un travaux gouvernementaux. de taille. Nous avons tous constaté, au cours de M. le Président, en plus de cette collabora- ces événements, que le premier ministre du tion, je pense que ce serait là la plus grande 1603 opération d'urgence jamais entreprise par un maladie, qui est maintenant en vigueur dans la gouvernement, étant donné les difficultés que province et je pense à ce projet de loi de la nous prévoyons, pour les mois d'hiver particu- protection du consommateur, que le gouverne- lièrement. Je crois que cela serait, M. le ment vient de déposer dans cette Chambre. Président, mettre autant d'énergie à construire Tous ces gestes, et je n'en cite que quelques- que les groupements terroristes en ont mis à uns, sont autant de gestes qui redonnent con- détruire le Québec. Je crois que cela serait aussi fiance à la population du Québec, ce sont le plus bel hommage que nous pourrions rendre autant de preuves de la bonne foi du gouverne- à notre collègue, Pierre Laporte, qui fut en ment, de son sérieux, de son profond sentiment cette Chambre un homme dynamique et un de responsabilité vis-à-vis du peuple qui lui a homme d'action. donné le mandat de l'administrer. Cependant, il est inconcevable de voir certai- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de nes classes de la société, de voir certains de nos Gaspé-Sud. meneurs de foule se servir de ces malaises socio-économiques pour arriver à leurs propres M. Guy Fortier fins. Si, au cours de la dernière crise, les citoyens du Québec étaient descendus dans la M. FORTIER: M. le Président, si je participe rue et avaient manifesté en faveur de cet à ce débat c'est pour approuver, comme repré- organisme dénommé FLQ, aujourd'hui, nous de sentant des gens de Gaspé-Sud, les mesures l'Assemblée nationale, nous serions dans une d'urgence qui ont été prises par le gouverne- position très faible. Avec raison, on pourrait ment Bourassa de concert avec le gouvernement aujourd'hui nous accuser d'avoir voulu mainte- fédéral lors de la crise suscitée par l'enlèvement nir par les forces de l'ordre un statut, un régime de M. Cross et l'assassinat de M. Laporte. Il est ou un système. Mais peut-on parler de mouve- évident que les terroristes qui ont été les ments de masse, d'expression de la volonté auteurs de ces actes très bas ne pouvaient être populaire, alors qu'en partant ces éléments maîtrisés par les moyens ordinaires dont les ignoraient toute règle ou toute raison de respect autorités policières pouvaient disposer. Il est de la personne humaine ou de ses biens. également évident que l'opinion publique ne M. le Président, je demande l'ajournement. pouvait être calmée et la population réconfor- tée que par une démonstration d'autorité de la M. LEVESQUE: M. le Président, demain, part des différents ordres du gouvernement. c'est la journée des députés selon la tradition et Nos forces policières — tous les députés sont selon le règlement. Mercredi dernier, nous prêts à l'admettre — n'étaient pas préparées à entamions ce débat et cela a été la journée des faire face à des terroristes entraînés à la guérilla députés depuis une semaine. Après consultation urbaine. De plus, le nombre de policiers dont avec les leaders parlementaires des autres partis, nous disposions était nettement insuffisant il a été convenu que nous serions d'accord pour pour appliquer les mesures de surveillance et de continuer le débat demain, mercredi, et que protection de la population qui s'imposaient. cette journée des députés sera encore consacrée Le gouvernement se devait de prendre toutes les au débat en cours. mesures propices à l'élimination de ces éléments terroristes même au risque d'entraîner une M. PAUL: M. le Président, est-ce que le dépense d'argent extraordinaire dans le but de leader parlementaire me permettrait une ques- sauvegarder la vie et la liberté des citoyens du tion? En supposant que demain soir nous Québec. La paix n'a pas de prix. ayons terminé ce débat, est-ce qu'il y aurait M. le Président, nous sommes conscients possibilité de connaître l'ordre des travaux ou qu'il existe, présentement dans la province de de l'étude des différentes lois qui seront appe- Québec, une vague de contestation sur toutes lées jeudi? Cela nous permettrait de nous les institutions existantes et qui prend sa préparer en conséquence pour l'étude de ces source, dans bien des cas, dans les problèmes projets de loi. sociaux que nous rencontrons. C'est d'ailleurs avec acharnement que le gouvernement du M. LEVESQUE: Je ne sais pas si on peut à Québec, depuis le 30 avril dernier, s'est attelé à ce moment-ci, avoir l'espoir de terminer ce la tàche afin de faire disparaître les inégalités et débat demain soir, car nous ne siégeons pas les injustices sociales, le chômage qui est l'une demain soir. La séance ne durera effectivement des plus grandes maladies dont une société que de trois à six heures et, après les ordres du puisse être atteinte et enfin, offrir aux Québé- jour et la période des questions, il ne restera à cois un minimum de garantie pour leur santé peine que deux heures et on m'informe qu'il y a physique. plusieurs opinants de part et d'autre qui vou- Je pense, par exemple, au règlement des draient participer au débat. conflits de la construction auquel s'était dévoué Tout de même, même si nous devions notre ami regretté Pierre Laporte; je pense à la continuer jeudi et que nous terminions au cours nouvelle Loi d'aide sociale, qui vient à peine de de la journée de jeudi, nous serions prêts à ce s'appliquer; je pense au régime d'assurance moment-là à entamer la législation. Pour répon- 1604 dre à la question du député de Maskinongé, je Je propose donc l'ajournement de la Cham- crois que nous pourrions commencer par la Loi bre à demain après-midi, trois heures. Qu'on me de protection du consommateur et passer ensui- permette de rappeler que, demain matin, la te aux lois sociales. commission parlementaire du Travail et de la Main-d'Oeuvre siégera à partir de dix heures M. PAUL: Les articles 3; 4 et 5. trente. M. LEVESQUE: Au feuilleton d'aujour- M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne d'hui, ce serait d'abord la Loi de la protection ses travaux à demain après-midi, trois heures. du consommateur, à l'article 6, suivie des articles 3 et ensuite 4 et 5. (Fin de la séance: 22 h 3)