Bulletin D'histoire Politique
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Document generated on 09/26/2021 10:55 p.m. Bulletin d'histoire politique Le comportement électoral des minorités au Québec lors des élections de 1976 Jack Jedwab Volume 2, Number 4, Spring 1994 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1063417ar DOI: https://doi.org/10.7202/1063417ar See table of contents Publisher(s) Association québécoise d'histoire politique ISSN 1201-0421 (print) 1929-7653 (digital) Explore this journal Cite this article Jedwab, J. (1994). Le comportement électoral des minorités au Québec lors des élections de 1976. Bulletin d'histoire politique, 2(4), 5–15. https://doi.org/10.7202/1063417ar Tous droits réservés © Association québécoise d'histoire politique; VLB Éditeur, This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit 1994 (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ PRINTEMPS 1994 BULLETIN, VOLUME 2, NUMÉRO 4 ARTICLES plusieurs membres, avant 1976, sous-estimaient la force de ce parti. Bien que ce ne soit pas un soutien à l'indépendance par la majorité de la LE COMPORTEMENT ÉLECTORAL population qui contribuait à la victoire du Parti DES MINORITÉS AU QUÉBEC québécois en cette année, l'opposition à cette LORS DES ÉLECTIONS DE 1976 option était particulièrement véhémente parmi par Jack Jedwab 1 les membres de la population non-francophone. La population entière était consciente que les Les élections provinciales du Québec de enjeux étaient fondamentaux lors de l'élection de novembre 1976 marquaient un tournant pour 1976. Selon la Gazette de Montréal, ces toute la population. La victoire du Parti élections étaient probablement, pour les québécois, mené par René Lévesque, eut des minorités anglophones, les plus importantes de 2 conséquences profondes sur l'évolution des rhistoire du Québec • Autant chez les politiques québécoises. Le Parti québécois, francophones que chez les non-francophones, le voué à l'indépendance du Québec, avait peu de taux de participation atteint des records lors de liens avec la population non-francophone dont cette élection. TABLEAU 1 Résultats de l'élection provinciale de 1976 Pourcentages Députés élus Particioation 85,3 Parti libéral 33,8 26 Union nationale 18,2 11 Partiauébécois 41,4 71 Ralliement créditiste 4,6 1 Mais, même si le taux de participation des menée par Rodrigue Biron, un parti autrefois électeurs parmi les non-francophones était considéré comme anathème par les groupes élevé, au sein d'un système électoral qui tend à minoritaires, notamment sous le régime de disproportionner la population urbaine, leur Maurice Duplessis. En effet, au sein des neuf influence sur les résultats était limitée en raison circonscriptions où les non-francophones de leur haut degré de concentration résidentielle représentaient la majorité de la population, sur l'île de Montréal. Des vingt-six sièges l'Union nationale obtint, en moyenne, obtenus par les libéraux provinciaux lors de approximativement 25 % du total des votes et fut l'élection de 1976, la moitié était des victorieuse dans la circonscription largement circonscriptions au sein desquelles la population anglophone de Pointe-Claire (voir Tableau 3). non-francophone était majoritaire ou presque. Ceci se produisit en dépit du soutien accordé par plusieurs non-francophones à l'Union nationale 1. Nous tenons à remercier Pierre Drouilly de nous avoir fourni les données électorales et linguistiques concernantles électionsde 1976. 2. The Gazette, 13 novembre 1976, p. 1. ASSOCIATION QUÉBÉCOISE D'HISTOIRE POLITIQUE 5 BULLETIN, VOLUME 2, NUMÉRO 4 PRINTEMPS 1994 TABLEAU2 Taux de participation des électeurs et soutien moyen aux partis politiques du Québec dans neuf circonscriptions ayant une majorité d'électeurs non-francophones* Taux moyen de Parti Union Parti participation libéral nationale québécois Total Québec 85,3 33,8 18,2 41,4 Circonscriptions à majorité 83,5 46,9 24,8 18,2 non-francophone Dans ce texte, nous analyserons le résulta en un véritable contrecoup»3. Pour les comportement électoral des anglophones ainsi anglophones ainsi que la plupart des membres que des communautés juive et italienne du des communautés ethniques, la principale Québec lors des élections de 1976. Nous objection à la loi portait sur la restriction imposée tenterons de comprendre de quelle manière les quant à la «liberté de choix» pour les immigrants considérations stratégiques adoptées par des d'accéder au système scolaire anglophone. groupes minoritaires, affectèrent le compor Plusieurs non-francophones considéraient le tement électoral des communautés lors de cette droit d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise ou élection cruciale. française comme étant un droit universel. La formule selon laquelle les libéraux Une campagne publique fut mise en place afin provinciaux étaient victorieux lors des élections d'organiser l'opposition à la loi et préparer la de 1960, 1962, 1970 et 1973 est le résultat d'une bataille légale menée en grande mesure par la coalition de Québécois non-francophones et Commission des écoles protestantes du grand francophones. Peu après les élections Montréal. Les deux principaux quotidiens provinciales de 1973, cette coalition faisait face à anglophones (la Gazette et le Montreal Star) un important défi. Suite aux recomman-dations exprimèrent sur une base plutôt régulière, une de la Commission Gendron en 1974, opposition intense à la loi. l'administration libérale du Premier ministre Robert Bourassa se sentit contrainte de L'objectif électoral de la loi 22 était de maintenir répondre aux préoccupations d'un nombre le soutien pour les libéraux à l'intérieur de la important d'électeurs francophones, préoccupés population anglophone tout en obtenant une part par une évolution démographique perçue substantielle des votes francophones. Au lieu comme une menace croissante pour la langue d'une harmonie entre les communautés, des française. divisions se produisirent au sein même du Parti libéral quant au projet de loi. Certains ministres La solution proposée par le Parti libéral vint sous libéraux et notamment ceux dont les la forme de la loi 22 conçue comme un circonscriptions contenaient une proportion compromis entre les communautés francophone élevée d'électeurs issus de minorités anglo et anglophone. Ultimement, elle s'avéra être un phones et ethniques, étaient les plus inquiets compromis difficile dont le résultat fut plutôt quant à la loi 22. Du côté des francophones, Lise d'aliéner plusieurs francophones et anglo Bacon (Montréal-Bourassa), Claude Forget phones. De plus, une certaine symétrie (Montréal-Saint-Laurent) et Fernand Lalande émergea entre les deux groupes linguistiques (Montréal-Marguerite-Bourgeoys) furent parmi opposés à cette législation. Francophones et les ministres exigeant des modifications à la loi anglophones se renforcèrent mutuellement dans 22 (voir Tableau 3). En effet, la menace de leur détermination de bloquer la loi à la veille de votes anti-libéraux parmi les non-francophones l'élection du 15 novembre 1976. dans leurs circonscriptions respectives était prise au sérieux par ces politiciens4• Tel que décrit par un observateur, l'opposition anglophone à la loi 22 était inévitable. Selon le sociologue Gary Caldwell, l'avènement de la loi 3. Gary Caldwell, «English-Speaking Quebec in Light of American Review of «constituait une période de crise pour le Québec its Reaction ta Bill 22» dans Canadian Studies, 1976, p. 42. anglophone ( ... ) et sans aucun doute, la loi 22 4. Pierre Dupont, 15 novembre 1976, Montréal: Les ÉditionsQuinze, 1976, p. 21. 6 ASSOCIATION QUÉBÉCOISE D'HISTOIRE POLITIQUE PRINTEMPS 1994 BULLETIN, VOLUME 2, NUMÉRO 4 Inquiet quant à son avenir électoral, le Ministre population francophone était sans doute à son libéral Jean Cournoyer quitta sa circonscription, plus bas. Dès le début de la campagne, Robert-Baldwin, pour emménager dans celle de Bourassa prit conscience du niveau de Richelieu puisqu'il croyait que la présence de la frustration ressenti par la population. Dans ce loi 22 rendrait sa campagne difficile. Le Premier contexte, il souhaita au moins récupérer les ministre Bourassa lui-même fut affecté par la votes des anglophones et des communautés réaction de l'électorat ethnique dans sa ethniques avec l'espoir de constituer un circonscription, Mercier, où environ 25 % de gouvernement minoritaire pour les libéraux. Il ne l'électorat était non-francophone5• crut jamais que l'électorat anglophone et ethnique supporterait le Parti québécois. Par Mais ce sont les membres anglophones de contre, il semblait sous-estimer le choix possible l'A�semblée qui furent probablement les plus d'une troisième option. Alors que Bourassa inquiets quant à l'impact électoral de la loi. observait justement l'opposition farouche des Après tout, l'opposition à la loi parmi leurs électeurs minoritaires à l'option indépendantiste, commettants était particulièrement visible. Pour il sous-estimait sévèrement leur volonté de se plusieurs, la loi impliquait un changement venger en raison de la loi 22. fondamental dans ce qu'ils percevaient comme étant l'orientation du parti Libéral. Alors que le La décision de Bourassa de déclencher une député anglophone libéral le plus féroce envers élection prit la plupart des anglophones