MICHEL SCHNEIDER De Muriel Barbery ; « Des Chevaux Noirs », De Daniel Arsand ; « Démolir Nisard », D’Eric Chevillard
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Après le 11-Septembre Anniversaire Comment la fiction peut-elle surgir d’un tel Il y a cinquante ans se tenait à Paris événement ? Réponses à travers plusieurs le premier congrès international romans américains et le point de vue des écrivains et artistes noirs. René Depestre de Frédéric Beigbeder. Dossier. Pages 6-7. et Wole Soyinka témoignent. Page 2. 0123 DesLivresVendredi 22 septembre 2006 Littérature française « L’Elégance du hérisson », MICHEL SCHNEIDER de Muriel Barbery ; « Des chevaux noirs », de Daniel Arsand ; « Démolir Nisard », d’Eric Chevillard. MARILYN, Pages 3 et 4. L’ÉTERNELLE ÉNIGME Arts Les « Ecrits sur l’art » de J. K. Huysmans ; la vie secrète d’Anthony Blunt, de Miranda Carter ; « Anachroniques », de Daniel Arasse. Page 10. Luc Lang Trois ans après « 11 septembre, mon amour », il publie « La Fin des paysages ». Rencontre avec un écrivain à la recherche de la « voix libérée ». Page 12. Stéphane AUDEGUY Fils unique L’écrivain s’est penché sur le destin ph. C. Hélie © Gallimard roman « De l’espoir désordonné à l’ordre de la Terreur, de la comédienne, à partir de la relation Audeguy, sans le moindre instant de fléchissement, se coule dans la voix véhémente de François pour faire intense et singulière qu’elle entretint voyager, rêver (réfléchir aussi), son lecteur. » Patrick Kéchichian, Le Monde des livres avec son dernier thérapeute. Page 3. Rentrée littéraire Gallimard 0123 2 Vendredi 22 septembre 2006 FORUM « Le Monde » publie de larges extraits du discours prononcé par René Depestre à la Sorbonne, pour le cinquantenaire du Congrès des écrivains noirs Soulever les pics montagneux de nos malheurs phénomène de racialisation de l’histoire gamme composite de l’expérience Le moment n’est-il pas venu d’une Le congrès de 1956 répondait à cette des relations humaines. humaine de la planète. Avant nous, au réorientation du sacré lui-même vers les logique panhumaniste qui permettait René Depestre En dressant, dès « l’équipée océane » XXe siècle, de grands esprits comme W. idéaux de la société civile internationale d’outrepasser les revendications fondées de Colomb aux Caraïbes, une couleur de E. Du Bois, Rabindranath Tagore, José en formation ? Mêlés de plus en plus les sur les essentialismes et les indigénismes l y a eu décolonisation des peau contre une autre, alors que la Marti, Alfonso Reyes, Jorge Luis Borges, uns aux autres, les peuples attendent des qui ont pris pour fonds de commerce et institutions impériales, différence de teinte épidermique n’a Neruda, Carpentier, Senghor, Césaire, intelligentsias de nouveaux cris de d’ignominie l’abominable conjonction de décolonisation des mentalités aucune signification esthétique et morale, Fanon, suivis de près par Carlos Fuentes, ralliement, qui devraient pouvoir se la violence et du sacré. L’expérience colonialistes et racistes, mais ne les colonisateurs mirent en place la plus Naipaul, Edward. W. Said, Gabriel Garcia passer de l’aide des improbables spirituelle du Congrès de 1956 n’a pas reste-t-il pas encore à décoloniser néfaste opération de haine et de solitude Marquez, Wole Soyinka, Rushdie, protagonistes surnaturels dérisoirement pris une ride. Elle invite plus que jamais Iles concepts mythologiques dévalorisant de toute l’histoire des humanités. Glissant, Walcott, ont effectué dans la extra-historiques. la jeunesse à un effort d’imagination et des négros, bicots, coolies, pêle-mêle (…) Le processus capitalistique actuel Weltanschauung européenne un voyage « La francophonie, a dit un jour de volonté capable de soulever les pics indigènes des temps du mépris de la est en train d’invalider toutes nos d’exploration sans précédent. Nous leur Léopold Sédar Senghor, c’est cet montagneux de nos malheurs. condition humaine ? discussions sur l’identité culturelle, sur devons comme à nos maîtres d’Europe et humanisme intégral qui se tisse autour de Quant à mon vieil âge d’homme, la Un bilan des cinquante dernières l’état des lieux des religions du salut, sur des Etats-Unis, de l’Inde, de la Chine et la terre : cette symbiose des “énergies photo de famille de 1956 le saisit au années, avec l’automne 1956 pour point les anciennes sagesses, comme sur notre du Japon, et des autres civilisations, la dormantes” de tous les continents, de toutes collet, et lui dit : Garde tes lampes de repère, permet de constater que le sens traditionnel du bien et du mal. La possibilité d’accéder à une vision les races, qui se réveillent à leur chaleur allumées jusqu’à ton dernier souffle et racisme d’origine colonial est en net nécessité s’impose d’une nouvelle synoptique et intégrante de l’histoire des complémentaire. » rappelle-toi, dans la fidélité à Léopold recul dans le monde. L’Apartheid a été conscience intellectuelle, politique et idées de tous les peuples. Cette idée de la complémentarité des Sédar Senghor et à Aimé Césaire, qu’il démantelé dans l’Afrique du Sud de morale, comme d’une sensibilité La passion « identitaire », en énergies qui dorment dans les n’est pas du tout utopique de rendre Nelson Mandela. On n’entend plus dans rafraîchie aux données d’un tournant dans la haine les individus et imaginaires mondiaux me paraît l’abc du joyeusement contagieuse l’idée de les médias parler des rites barbares par panhumanisme mondial. Tout devrait les peuples les uns contre les autres, panhumanisme universel qui serait fraternité universelle comme « rapport lesquels le KKK déshonorait, toute honte désormais nous conduire à une conduit à des hubris vengeresses, des capable, de façon synergique, d’élever, à unique et évident entre les hommes ». a bue, l’histoire du Vieux Sud évaluation intelligente, imaginative, de vendettas, des attentats terroristes, un niveau jamais vu, le coefficient de nord-américain. La notion même de race l’ensemble des réalités historiques des quand ce n’est pas à la folie meurtrière civilité démocratique qui manque Ecrivain franco-haïtien, René Depestre a a perdu tout crédit anthropologique. Au sociétés. Gens originaires du Sud, on a comme il y a un lustre, à monter à dramatiquement à l’aventure de la notamment obtenu le prix Renaudot en pays de Walt Whitman, de William Du aujourd’hui librement accès à toute la l’assaut du World Trade Center ? mondialisation. (…) 1988. Bois et de Martin Luther King, des femmes et des hommes, issus des légendes atroces du coton, accèdent aujourd’hui aux plus hautes responsabilités. (…) Il y a cinquante ans, l’« épiphanie du monde noir » Sur le plan culturel, il n’est pas vrai qu’en France, ou en Occident en général, il existe dans les sphères du pouvoir une aris, 19 septembre 1956, amphi- apports de la civilisation africaine, invisi- richesse des sujets abordés par ces remar- monde noir » (3), a accompli ce que le volonté d’occultation du passé colonial. théâtre Descartes de la Sorbonne. ble ou déniée comme telle, à la culture quables orateurs (2). Tous posèrent pour Malgache Rabemananjara, dans son dis- L’anthropologie, par exemple, qui avait PLe premier Congrès international universelle. Civilisation « négro-africai- la photo de famille, prise dans la cour de cours inaugural, a nommé « épiphanie du souvent dérapé à ses débuts du temps des écrivains et artistes noirs s’ouvre sur ne », précisera Léopold Sédar Senghor, la Sorbonne. Mais quelle « famille » ? monde noir »,un« rendez-vous du donner des Lumières, s’est brillamment le discours d’un homme qui a porté de qui, avec Aimé Césaire et Léon-Gontran La question agitera quatre jours et du recevoir » selon Césaire, cité par Pri- rattrapée depuis. Au Brésil, dans la bout en bout cette première réunion de Damas, a forgé le concept de négritude. durant ce rassemblement d’hommes de ce-Mars qui prononça le discours de clô- Caraïbe, aux Etats-Unis, en Europe, l’intelligentsia du monde noir, représen- « Jusqu’au dernier moment, se souvient culture, dont la plupart se découvrent ture. La Société africaine de culture, issue comme en Afrique, le bilan est tée par 63 délégués venus d’Afrique, Christiane Diop, nous ne savions pas si le pour la première fois. Le retour à la mère de ce congrès, en organisera d’autres : à impressionnant. d’Amérique, d’Inde et des Caraïbes. gouvernement nous allouerait la salle Des- Afrique, le concept de négritude cher aux Rome en 1959, puis en terre africaine Outre les préoccupations, avant tout Alioune Diop (1910-1980) a déjà derriè- cartes. Sartre, Malraux, Camus nous ont francophones, mais encore la « situation pour le Festival mondial des arts nègres esthétiques, qui sont consubstantielles à re lui « plus de quinze années d’obstina- protégés par leur amitié, mais sans jamais coloniale », dont Aimé Césaire affirme de Dakar (1966), avant Alger (1969) et leurs fonctions, les littératures africaines, tion au service de la culture noire ». Il est intervenir dans nos réunions. » Picasso qu’elle est leur commun dénominateur, Lagos (1977). Devenue Communauté afri- caribéennes, afro-américaines n’ont pas le fondateur de la revue (1947) puis de la signe l’affiche du Congrès, Claude Lévi- sont loin de résonner également pour caine de culture (CAC), l’association est arrêté de jouer un rôle incandescent de maison d’édition Présence africaine, que Strauss, comme beaucoup d’autres tous. La délégation américaine ne se actuellement présidée par l’écrivain nigé- décolonisation des structures dirige toujours, à la libraire de la rue des absents, envoie un message de sympathie reconnaît pas dans ce discours. Richard rian Wole Soyinka, premier Prix Nobel psychologiques héritées des temps de Ecoles, sa veuve, Christiane Diop : «La aux congressistes. L’Américain James Wright se fait le porte-parole le plus véhé- de littérature africain (en 1986), dont la l’imperium. (…) préoccupation principale de monsieur Baldwin, venu couvrir l’événement, a lais- ment de ce grand écart. Lumières noires, présence à la célébration du Congrès de Césaire fit bien de rappeler que Diop était le manque de reconnaissance, sé sur ces heures historiques un texte qui le documentaire que Bob Swaim a réalisé 1956, à Paris, grâce au soutien de l’insti- l’indépendance politique n’était pas tout.