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/ 1 LE DICTIONNAIRE DE L'ABBE LADVOCAT: ETUDE CRI~IQUE ...... DE SES ARTICLES SUR LES ECRIVAINS DU SIECLE DE LOUIS XIV

by

Stefan Iviax

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfilment of the requirements for the degree of Mast er of Arts.

Department of Romance Languages McGi ll University IVIont.real April 1961 ~ABLE DES ~ill~IERES

Pages

IN~RODUCTION • • • • • • • • • • • • • • • 1-17

EXAiJIEN DES AR~ICLES DE LADVOCA~ SUR LES ECRIVAINS/ DU GRAND SIECLE(EN' 1 ORDRE ALFHAB~~IQUE) • • • • • • • . . . 18-77

1 1 LISrrE D' 11 ECRIVALNS OUBLIES'' DU GRAi,TD

SOl'T DICrriON?TAIRE HL/T10RIQUE

PORTATIF ...... • • • • • • 73-80

CONCLUSION • • ...... 81-89

BIBLIOGRAPHIE • • • • • • • • • • • • • • 90-93 INrrRODUCTION

Il compilait, compilait, compilait; On le voyait sans cesse écrire, écrire 1 Ce qu 1 il avait jadis entendu dire ••••••

Tout comme le "pauvre diable" de , l'abbé LadvJcat a passé la majeure partie de sa vie active à compiler. La poussière du temps et de l'oubli s'accumule rapidement sur le nom et l'oeuvre des compilateurs, et l•auteur du Dictionnaire historique portatif n 1 a pas échappé au destin de son es9èce. Les manuels d'aujourd'hui ne mentionnent pas son nom, et l'influence qu•il a pu exercer en son temps échappe complètement à l'attention des dix-huitièmistes. Si l•on trouve un article "Ladvocat" dans les dictionnaires biographiques, nul érudit n'a jamais consacré de mémoire ou d'ouvrage imprimé à l•aut.eur modeste qui fait l'objet de la présente thèse. Pourquoi alors lui consacrer ce travail? Totl.t simplement parce que son Dictionnaire historioue a peut-être plus contribué à former le

1. Voltaire, Le pauvre diable, v. 226-8. 2

jugement et le goüt littéraire de la jeunesse de la seconde moitié du XVIIIe siècle qu'aucun autre, et qu'il reflète fidèlement "l'opinion moyenne" de son temps.

Les lourds et savants o ~ vra g es de Bayle, Horeri, Niceron s'adressaient à un public restreint, quelques milliers de connaisseurs, de chercheurs, d'historiens. Mais il y a gros à parier que les collègiens ne les consultaient jamais. Or c'est au collège que se forme le premier goüt, le plus durable, et que les jeunes gens se donnent une échelle de valeurs littéraires, dans le même temps qu'ils amassent la connaissance des faits et des dates qui l'étaye. Un

ouvrage commode et maniable co~ne celui de l'Abbé Ladvocat ne pouvait pas ne pas trouver place sur leur table de travail ou dans leur bibliothèque estudiantine. Imaginerait-on de nos jours une classe dont les élèves ne p::>sséderaient pas presque tous un "petit Larousse"? Il nous a semblé - et c'est la justification de notre recherche - que le Dictionnaire de Ladvocat pouvait se classer dans la catég orie des "petit Larousse" du XVIIIe, qu'il était le pr emier des dictionnaires biographiques à s'adresser au grand public et à av::>ir la caution d'un professeur en S::>rbonne, et que les jugements qu'il avait dispensés, les erreurs qu'il avait contribué à répandre sur deux ou trois génératiJns, méritaient qu'on les considérât avec quelque soin. 3

D'autant plus que le Dictionnaire a été un succ~s de librairie. A la premi~re édition de 1752, succède une seconde en 1755, une troisième en 1760, une quatrième en 1777, une cinquième en 1789. Et la Révolution n'interrompt point la vogue de cette honnête compilati·:>n car une nouvelle édition revue, corrigée et continuée jusqu'à 1789 par "une Société de savants, de littérateurs et de biographes" paraît à en 1821-22. On peut lui attribuer quelque influence dans la persistance du goüt classique à l'époque romantique et évaluer à près d'un siècle la carrière qu'il a fournie. Il convie nt toutefois, puisque 1' abbé Ladvocat est aujourd'hui inconnu, de présenter notre homme avec les détails biographiques que nous avons pu glaner non sans peir:e. Il est né en 1709, le dixième des vingt-et-un enfants àe Claude Ladvocat, Juge royal des Eaux et Forêts, et maire perpétuel de vaucouleurs, aujourd'hui chef-lieu de canton de la ~euse, connu de tous les écoliers par l e s visites ùe Jeanne d'Arc; - plus célèbre sans doute, au XVIIIe siècle, comrae pa +:rie de Nad ame du Barry. Lors de ses premières études, ses succès furent médiocres; mais, en philosophie, il mérita le t itre de prince que 1 1 UGiversité de Pont-à-Mousson accordait à celui ·qui s'y disting uait l e plus. Les J ésuites de cette ville s 'efforcèrent de se l'attacher; mais ses parents l'envoyèrent poursuivre ses études à Paris. 4

Après un an de philosophie au séminaire de St-Louis, le jeune Ladvocat brilla en théologie, et devint bientBt Maître de conférences. Il fut admis dans la Société de Sorbonne en 1734, et venait de recevoir le bonnet de docteur, quand l'évêque de Toul le nomma à la cure de Domrémy, illustré par la naissance de Jeanne d'Arc. La Sorbonne appela le jeune abbé, en 1740, à l'une de ses chaires royales; en 1742, en fit son bibliothécaire. Le 28 février 1749, Ladvocat signa, de concert avec ses collègues Lefèvre, Mercier et Joly, une consultation con~re les sociétés de Francs-Maçons: les doctes théologiens avaient décidé qu'il ne serait permis à aucun Catholique de se faire initier à la Maçonnerie. En 1751, le duc d'Orléans fonda en Sorbonne une chaire consacrée à l'explication de l'Ecriture Sainte, selon le texte hébreu. L'abbé Ladvocat occupa cette chaire jusqutà sa mort, tout en conservant sa place de bibliothécaire. Il mourut d 1 une maladie pulmonaire, 1 le 29 décembre 1765, à l'âge de cinquante-six ans. L'oeuvre imprimée de l'abbé Ladvocat est considérable. Il n'en existe pas de bibliJgraphie exhaustive, et nous avons dû nous contenter d'ouvrages de seconde main pour établir une liste de ses principaux écrits. Les dates de publication sont souvent

1. Cet aperçu biographique résume la notice consacrée à Ladvocat dans : Michaud, Biographie Universelle, ~ . 22, p. 431. 5

incertaines ou inexistantes : seule une é~ude de sources,

impo ~ sible à entreprendre à Monr.réal, aurait permis de présenter tJus les détails. Force nous est donc de donner ici, et à titre d'indication seulement, les oeuvres principales de notre abbé. Ce sont: 1. Dictionnaire Géographique portatif ••• , in-8o, augmenté par le libraire Leclerc, ensuite par divers autres, et plusieurs fois ré-imprimé. Cet ouvrage, publié sous le nom de "Vosgien'', et donné comme une traduction de l'anglais, est un assez bon abrégé du Dictionnaire Géographique de la Martinière. Chaudon et Delaudine, éditeurs d'un Dictionnaire Universel Historique (1810), prétendent avoir eu sous les yeux l'original anglais et n'y avoir r.rouvé aucun rapport avec le dictionnaire de Ladvocat.1 (Pouvons-nous en conclure que ce dernier désirait probablement accréditer son ouvrage, en le présentant comme une production de l'Angleterre?)

2. Dictionnaire historique portatif, contenant 1 1 histoire des Patriarches, des Princes hébreux, des Empereurs, des Rois et des Grands Capitaines; des Dieux, des Héros de l'antiquité paienne, des Papes, des Saints­ Pères, des Evêques et des cardinaux célèbres; des

historiens, po~tes, oratGurs, thé ologiens, juris-

1. Chaudon et Delaudine, Dictionnaire Univer sel Histori que, critique et biographique, T. IX, pp. 428-9. 6

consultes, médecins etc ••• avec leurs principaux ouvrages et leurs meilleures éditions; des femmes savantes, des peintres etc ••• et généralement de toutes les personnes illustres et fameuses de tous les siècles et de toutes les nations du monde. Dans lequel on indique ce qu'il y a de plus curieux et de

plus intéressant dans l'hist~ire sacrée et profane. en 2 vJl., in-8o, augmenté par le même libraire

Leclerc (~aris, 1752), ouvrage réédité plusieurs fois 1 et qui fait l'objet de notre thèse.

3. Lettre sur le Rhin~céros (Paris, 1749). 4. Grammaire hébraïque à l'usage des écoles de Sorbonne, (Paris, 1755, in-8o). S. Lettre dans laquelle l'auteur examine si les textes

originaux de l'Ecriture sont corr~mpus, et si la Vulgate leur est préférable (1766,in-8o). 6. Tractatus de conciliis in genere (Caen, 1769, in-8o). Le Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle de Pierre Larousse considère que les écrits de l'abbé Ladvocat révèlent des connaissances très étendues et très variées: ••• un gont snr et délicat, une intelli- 8ence vive et pénétrante. Ce fut un des ho~~es les plus savants de son temps, un esprit vulgarisateur qui s'était attaché à rendre faciles des études jusqu'alors presque inabordables.2

1. Hoefer, Nouvelle bio raohie énérale depuis les t emps les plus recu es JUsqu'a nos fours, T. XXVII, p. 9. 2. Larousse, Pierre. Grand Dict onnaire Universel, t. 10' p. 48 . 7

Et voici ce que Ladvocat lui-même dit de son

Dictionnaire historique dans la Préface de 1 1 édition de 1760 : Notre Dictionnaire Historique portatif est une espèce d'Abrégé d'Histoire Uni­ verselle dans laquelle on -trouve, par ordre alphabétique, to~t ce qu'il y a de plus important ••• C'est un Recueil des vies de plusieurs mille personnes illus­ tres ou fameuses, de tout pays, de tout sexe, de toute condition, depuis le commencement du Monde jusqu'à cette année 1760 ••• On ne doit pas s'attendre néan­ moins d 1 y trouver tous les hommes dont il est quelquefois fait mention dans l'Histoire; ce serait Ïn travail immense et de peu d•utilité. L'abbé ajoute que, malgré les omissions, son petit àictionnaire embrasse plus de personnes qu 1 on ne s'imaginerait pouvoir en traiter deux petits volumes, et nous a ss ure qu'il y a peu de livres "qui contiennent tant de choses en si peu de paroles. 112 La vogue de son dictionnaire portatif causa à Ladvocat certains ennuis. Les Jansénistes, se croyant sous-estiu,és, publièrent un dictionnaire portatif anonyme, très semblable à celui de Ladvocat et où ils l'accablaient de truculantes injures. Celles-ci ont étQ stigmatisées par Voltaire qui, dans un chapitre du

Fragment sur 1 1 Hist:)ire Générale intitulé "Des Dictionnaires de calomnies", écrit:

1. Ladvocat, Dictionnaire Historique portatif ••• Pr éface, p. VII, 17 • 2. Ladv:)cat, op. cit. 8

Un nouveau poison fut inventé depuis quelques années dans la basse littérature. Ce fut 1 1 art d•outrager les vivants et les morts par ordre alphabétique: on n•avait point encore entendu de ces dictionnaires d 1 injures. Si nous ne nous trompons pas, ils corn...-nencèrent lorsque M. Ladvo cat, bibliothécaire de la Sorbonne, 1 1 un des plus sages et des plus modérés littérateurs, comme 1 1 un des plus savants, eut donné son Dictionnaire historique, vers 1740.1 Un janséniste (car, pour le malheur de la , il y avait encore des jansénistes et des molinistes) fit imprimer contre 1 1 abbé Ladvocat un libelle Qiffamatoire en six volumes sous le titre et dans la forme de dictionnaire. 2 Il commence par remercier Dieu de ce qu'il est venu à bout de finir ce rare ouvrage sous les yeux et avec le secours de !•auteur clandestin de la Gazette ecclésiastique "dont la plume, dit-il, est une flèche semblable à la flèche de Jonathas, fils de Saul, laquelle n'est jamais retournée en arrière, et est toujours teinte du sang des morts et de la graisse des plus vigoureux." (Rois, 1, 22). L'abbé Ladvocat lui répondit qu'il voyait peu de rapport entre la flèche de Jonathas teinte de graisse, et la plume d•un prêtre normand qui vendait des gazettes. D'ailleurs, il persista à se r endre utile, düt-il être percé de quelque flèche de ses convulsion­ naires.3 L'éditeur du Dictionnaire historique, littéraire et critique des hommes célèbres, 1758, non signé, était le janséciste Barral qui compte au nombre de ceux qui ont écrit avec le plus de violence contre les ennemis de Port-Royal.

1. La première édition du DictioGnaire historique est de 1752. 2. C'est le Dictionnaire historique ••• de Barral et Guibaud. Il n•a que quatre volumes, lesquels, cependant, ont parfois été reliés e n six vollliaes. 3. Voltaire, Oeuvres cJmplètes, Ed • .r~oland, T. XXIX, pp. 279-280. 9

Voltaire reprend la défense de Ladvocat dans 1 son Siècle de Louis XIV • Au chapitre intitulé "Du quiétisme", il renvoie la flèche sans ret~ur: "Nous sommes in~ndés, depuis peu, de dicti0nnaires qui sont des libelles diffamat~ires. Jamais la littérature n'a été si déshonorée, ni la vérité si attaquée ••• Les

11 plagiaires jansénistes ne sont pas polis ••• • Dans son Dictionnaire philosophique, il assure que le dictionnaire de Barral est "un ouvrage de parti o~ 1 1 on trouve rare- 2 ment ce qu'on cherche et s:>uvent ce qu'on ne cherche pas." Et, ajoute-t-il, "Je n'ai jamais pris chez les

jansénistes ni chez les m~linistes qu'une forte avers i on pour leurs cabales, et un peu dt indifférence pour leurs opinions. u3 Mais le malin Volt aire ne manque pas d'avertir son lecteur à la même page: "notez bien que parmi les grands hommes,4 il n'y a guère que des jansénistes; comme parmi les grands hommes de l'abbé Ladvocat on ne trouve guère que des partisans des

Jésuites. 115 Ainsi Voltaire, tout en prenant la défense de Ladvocat, se sert des argument s de ses adversai res, et renvoie dos à dos .

1. Ib id. , T • XV , p • 7 2. 2. Ibid., T. XXVIII, p. 351. ) •• Ibid., T. XXVIII, p. 527. 4 dont le Dictionnaire Historique littéraire et critique de Barral et Guibaud fait mention. 5. Volt aire, Oeuvres complètes, Ed. Ho land, T. XXVIII, p. 527. 10

L'abbé Ladvocat, dans son Avertissement au lecteur, se défend contre les accusations de Barral et de son clan janséniste. Il a été accusé d'exalter les Jésuites et de déprécier les célèbres écrivains de Port-Royal, dit-il, parce qu'il a eu le malheur de ne pas tr~uver Saint-Cyran excellent: Il n'en est pas de même des Disciples de l'Abbé de s. Cyran, c'est à dire des Arnauld, des Pascal, des Nicole, des Saci et des autres célèbres écrivains de Port­ Royal. J'ai fait leurs éloges dans mon dictionnaire lorsque l'occasion s'en est présentée; j'ai gardé à leur égard la modération la plus marquée, et j'ai eu pour leur mémoire tous les ménagements et tous les égards qui sont dns à leur mérite. 1

Après la mort de Ladvocat, 1 1 Année Litt~raire (1776) et le Nécrologue (1777) publièrent des articles dithyrambiques sur son oeuvre, mais les dictionnaires biographiques et historiques tantôt gardèrent le silence, tantôt l'accusèrent de plagiat. Le Dictionnaire Historique ••• de Feller seul hasarda un éloge, du reste assez timide: Les bornes étroites dont l'auteur avait circonscrit son ouvrage ne lui ont pas permis de donner à un grand nombre d'articles un développement convenable; mais son impartialité, son attachement aux droits de la Religion et de la Vertu, rendent son Dictionnaire, tout imparfait qu'il est, très préférable à la plupart de ceux par lesquels on a voulu le remplacer.2

1. Ladvocat, Dictionnaire historique portat i f , Avertissement au l e cteur, p. XII. 2. Feller, F.X., Dictionnaire hist orique, T. V, p. 288 . 11

Le Dictionnaire Universel Historique ••• de Chaudon et Delaudine, ainsi que la Biograph ie Universelle de :vlichaud condamnèrent le dictionnaire de Ladvocat sur tous les plans:

Il n 1 y a qu•à comparer la première éditionl avec ce gros Dictionnaire2 pour voir qu 1 il3 n•a pas puisé dans d'autres sources. On y t rouve, à la vérité, quelques ajoutés; mais ces a dditions n'empêchent point que l'ouvrage ne soit trop court et trop négligé. L•aut.eur semb le plutôt travailler pour le libraire que pour la réputation. Le dernier volume de 1 1 édition de 1760 est fait avec plus de soin que le premier, parce que l'auteur profita du Dictionnaire H is t ori~ue et crit ique de Barral, qui venait e para!tre. Rarement caractérise-t-il les grands écrivains. Ses éloges sont peu réfléchis et trop vagues. Sa littératur e est très s uper­ ficielle; si l 1 on entend, par ce mot, la connaissance raisonnée des chefs­ d'oeuvre d'Athènes et de , de Paris et de Londres ••• nJ+ Et Michaud, dans sa Biographie Universelle, ajoute que Ladvocat a eu tort d'ajouter des noms à la liste déjà trop longue de Mor eri; il n 1 a fait qu'une sèch e et i nsignifiant e nomenclature, à l aquelle "une certaine exactitude de dates, jointe à tous les avantages dtun volume très ress erré a donné pe ndant assez longtemps une

1. Première édition du Dictionnaire de Ladvocat. 2. Le gros Dictionnaire en question est celui de Louis I1oreri. ).· il = Ladvocat . 4 Chaudon et De laudine, Dictionnaire h i storique , criti que et biographique, T. IX, pp. 428-9 . 12

1 esp~ce de vogue".

Ladv::>cat ne nie point av~ir puisé dans le Grand Dictionnaire de M::>reri et dans ses suppléments; il avoue cependant avoir également puisé en d'autres livres de renom. Il prenait, à l'exemple de f:I olière, et sans trop de scrupule, son bien là ~ù il le tro uvait: A l'égard des Dictionnaires des Auteurs dont nous avons fait usage, nous y avons pris, changé ou retou- ché ce qui nous a paru de plus con­ venable à notre dessein, e t lorsque leurs expressions nous ont semblé bonnes, nous n'avons fait aucune difficulté de les transcrire; nous avons cru que ce serait une vanité ridicule et une peine inutile, lorsque les choses sont bien dites, de vouloir les dire Jlieux et en d 1 autres termes. D'ailleurs, co~~e nous n'avons fait cet ouvrage que dans nos tems d'amusemens et dans les courts intervalles que nous laissent les études sérieuses et des occupations plus importantes, s'il avait f allu ne rien dire que de nous-même, cela nous aurait demandé un t ems assez considérable que nous sommes obligé d'employer à des matières plus grave s ••• 2 L'auteur se veut utile au public et surtout aux jeunes; à ces derniers, il consacrera même son te:11ps de récréation. Il usera de modération et restera fidèle à l'Eglise et à ses devoirs d'honnête homme. Il évitera les attaques et les injures diffamatoires. Devant ses accusateurs, il va agir, non réagir. Il

1. Vd chaud, Biographie Universelle, T. XXII, pp. 431-2. 2. Ladvocat , Dictionnaire historique portatif ••• Préface de 1760, p . VIII . 13

n'annonce son OQVrage que comme le fruit de ses

délassements; com~ne une C:)mpilation faite dans la

compilation qu 1 est le Grand Dictionnaire de 1111oreri, travail qui a attiré plusieurs CJ~pilateQrs par son apparente simplicité. "· •• chacun se crut capable d•un pareil travail; mais l'abbé Ladvocat avait extrait

J.~Ioreri en horn..rne intelligent et savant dans 1' his t,o ire, en rejettant avec goüt ~e qui ne convient qu 1 à une cJmpilation immense, et y ajoutant ce qui y manquait d'essentiel. 111 Ladvocat évite d• ailleurs les déclarnations, les emp Jrtements, les injures 11 qui marqQent plutôt un esprit passionné et une fureur de parti qu 1 un z~le vraiment chrétien et cathJlique. 112

Dans le présent mémoire, nous nous proposons d•examiner si les accusations de partialit,é et de plagiat portées contre Ladvocat sont ~)ien fondées. Nous nous proposons également de comparer bon nombre des jQgements de son Dictionnaire à ceux des dictionnaires parus à la même épJque que le sien, ainsi qu'avant et

apr~s. Comment se compare-t-il avec les critiques qui

l 1 ont précédé? avec ses contemporains? avec les critiques modernes qui ont établi l'échelle de valeurs actuellement

1. Ladvocat, Dictionnaire historiqQe portatif ••• Préface de !•édition de 1777, p. XII. 2. Ibid. en cours? Etait-il un bon guide? A-t-il, par la

diffusion considérable de son ouvrage, con~ribué l former le gont et le jugement de la seconde moitié du XVIIIe siècle? En quels endroits s'est-il écarté de son but? Ses jugements sont-ils encore valables de nos j:JUrs? Il ne sera pas toujours facile de répondre à ces questions; et à quelques-unes, il se peut qu'il n'y ait pas de réponses précises ou qu'il y en ait de

compromettantes pour no-t re au te ur. ï'1ais qu 1 importe, au fond. Critiquer, n'est-ce pas soulever des questions plutôt que fournir des réponses? D'ailleurs, si l'on devait aboutir à la conclusion que Ladvocat a simplement été un compilateur de compilateurs, 1' exarnen des opinions qu'il reflète éclairerait les méthodes et les desseins de la critique littéraire des années 1660-1760.

Car si notre abbé n 1 a été que le copiste des critiques originaux, nous pouvons, l travers ses remarques, saisir les tendances générales de la critique lit+,éraire du XVIIIe Siècle. Notre sujet étant extrêmement vaste, nous nous limiterons aux jugements de Ladvocat sur les écrivains du

siècle de Louis XIV, c 1 est à dire de la période qui va de 1660 à 1715. Nous avons suivi le plan même de Voltaire, en incluant, par ordre alphabétique, tous les noms mentionnés par lui dans l'Appendice à son Siècle de Louis XIV. 1' inventaire de Vol taire est aussi complet que 1.5 possible mais mentionne souvent des écrivains dont la vie ou l'oeuvre se situent l ) eine dans le siècle auquel il devait se restreindre. Ainsi il inclut dans son Appendice tous les écrivains morts après l•avènement de Louis XIV. Ce pendant, Pascal, ~ort en 1662, soit deux ans après l'avènement du Roi-Soleil, f ait figure de précurseur des écrivains du Grand Siècle. Ceci vaut également pour Corneille, dont les chefs-d'oeuvre s'échelonnent de 1636 à 1645. Voltaire inclut également tous ceux qui sont nés avant la fin du XVIIe siècle, et dont souvent l'essentiel de l'oeuvre a été écrit après 171.5 . Tel Montesquieu (1689-175.5) qui a produit tous ses chefs-d'oeuvre après 1715. En dépit du procédé contestable de Voltaire, nous avons suivi son plan, car ce dernier nous pe rmettait d' exa::dner des jugeme nts ayant trait à un no.mbre plus c:msidérable d'écrivains. De plus, il nous a semblé intéress 2. nt de co.nparer les jugements de Ladvocat à ceux de l'un de ses grands con~emporai n s, dont la criti que littéraire fut considérée valable jus qu 'à l'époque de Sainte-Beuve. Nous avons souve nt mis en parallèle les jugeme nts de Ladvocat et de Voltaire, afin de per mettre une é tude comparati ve. Au début, notre int ent ion était de diviser les auteurs à l' é t; ude en trois gr oup es: (a) les "Grands"; (b) ceux qui occupent encore une place dans nos manuels

11 littéraires; ( c) "les oubliés , ou ceux qui ont, en 16

quelque sorte, partagé la fortune littéraire de notre abbé. A l'essai, ce projet s'est avéré peu réaliste,

et n~us y av~ns renoncé. Car l'apprenti-chercheur, auquel l'âge n'a pas permis de se familiariser complètement avec le siècle de Louis XIV, risque de faire des classificati~ns arbitraires. Un Qeuxième projet de classification, par genres littéraires celui-là, présentait, en plus des inconvénients d3jà mentionnés, celui d'obliger à répét.er le même nom à plusieurs reprises, car beaucoup d'écrivains de l'époque classique se sont essayés dans plus d'un _, enre. Par exemple, nous hésitions sur le

cas d'un La Rochefoucauld ~u d'un La Bruyère. Fallait-il les inscrire au chapitre des moralistes ou A celui des écrivains mondains? Pascal devait-il trouver sa place au sein des écrivains religieux avec Bossuet, Arnauld, Saint-Cyran, ou devait-on le classer chez les philosophes avec Descartes, lequel, étant mort en 1650, se place en d ehors du cadre de notre étude? ••• Devions­ nous a&nettre Boileau chez les poètes ou le confiner à la critique littéraire? ••• Bref, ce plan eût exigé un tel luxe de chapitres et de subdivisions au sein de ces chapitres (pour le théâtre seulement, nous devi::ms c:msidérer les divers

genres: tragédies, c~médies, tragi-comédies, farces etc •• ) 17 qu'après müre réflexion et plusieurs tentatives avortées, nous avons finalement opté pour le pur et simple ordre alphabétique qui, par sa facilité d'accès, était le mieux adapté au but modeste que nous nous proposions. Quant aux écrivains oubliés aujourd'hui et auxquels Ladvocat ne s 1 attarde pas, il n'en sera fait qu'une brève nomenclature, toujours par ordre alpha­ bétique, en appendice à ceux qui font l 1 objet de notre étude. Nous avons voulu, en procédant ainsi, éviter une lecture par trop fastidieuse. Ainsi, dans les pages qui suivent, on trouvera des remarques sur 73 écrivains auxquels Voltaire a décerné des éloges dans l'AEpendice à son Siècle de Louis XIV et que nous avons cherchés (sans toujours les trouver) dans le Dictionnaire de Ladvocat. Dans la sélection de ces 73 sont entrés divers facteurs: valeur intrinsèque, influence, réputation à l 1 époque et aujourd'cui. Il va sans dire que notre choix ne s 1 est pas fait sans conseils. l'•Iais, comme tout choix, il prête à discussion et nous reconnaissons d• avance à nos critiques le droit de le contester sur quelques points.

C1 était un risque à pre ndre et nous l 1 avons assumé sciemment. 18

EXA~ŒN DES ~R~ICLSS DE LADVOCAT

1. ARNAUD, ANTOINE (1612-1694) Le Dictionnaire des Auteurs de LaffJnt-Bompiani ajoute peu de chose à l'article de Ladvocat. Bien que l'auteur à l'étude soit janséniste, notre abbé a ce qu'il faut de largeur d'esprit pour parler de lui avec 1 ad:niration et lJuer son style "grand et noble!' Il

va jusqu 1 à citer Boileau pour qui Arnauld était "le plus savant mortel qui ait jamais écrit." Comparé à son prédécesseur Moreri et à son contempJrain Voltaire, qui tous deux employent des termes

généraux et vagues, Ladvocat s 1 avère beaucoup plus nuancé dans l'éloge.

2. AUBIGNAC, FRANÇOIS HEDELIN, ABBE D1 (1604-1676) Laffont-Bompiani, à l'instar de Ladvocat, cite

les paroles du Grand Condé sur Zénobie: il "ne pJuvait pardonner à Aristote d'avoir fait faire une si mauvaise tragédie à d' A1..1bignac. n2

1. Ladvocat, DictiJnnaire historique, T. 1, p. 92. 2. Laffont-Bompiani, Dictionnaire biJgraphique des auteurs de tous les temps et de tJus les pays, T. 1, p. 77. 19

Ladvocat donne La Pratique de théâtre comme

1• ::;uvrage 11 le plus estimé 111 de l'Abbé d'Aubignac. Prenant pour acquis que le terme estimé équivaut, vers 1750, à le plus lu, son opinion ne l'oppose guère à La Harpe qui ne voit dans cet ouvrage qu'un exercice lourd et ennuyeux, écrit par un amateur connaissant peut-être les règles d'Aristote, mais 2 1gnoran. t 1 e vra1 . th'ea.re. "t Pour 1 1 un comme pour l'autre, d'Aubignac n'est pas créateur.

3. AULNOY, I~'iARIE CA'l'HERINE LE JUHEL ~~E BARNEVILLE,

BARONNE D1 (1650?-1705) Ladvocat mentionne son llistoire d'Hippolyte ••• et Voltaire ses Mémoires d'Espagne, mais ni l•un ni l•autre ne loue Les Fées à la mode, Les Illustres Fées, grâce auxquels, selon Laffont-Bompiani, qui reflète l'opinion courante de nos contemporains,3 elle s'apparente à Perrault.

4. BARBEYRAC, JEAN (1674-1729)

En dépit de la reco~~andation de Voltaire: '~a préface de Puffendorf mérite d•être lue,"4 la

1. Ladvocat, ibid., T. 1, p. 679. 2. La Harpe, c1te dans Larousse, Pierre, Grand Dicti:mnaire Universel, T. 1, p. 916. ) •• op. cit., T. 1, p. 85. 4 Voltaire, Oeuvres c·omplètes, Ed. Moland, r'fl. XIV, p. 36. 20

dite préface est auj~urd•hui complètement oubliée, et nous ne saurions blâmer Ladvocat da n•avoir pas inclus l'auteur de cette préface dans son dictionnaire.

5. BARBIER D1 AUCOURT (c. 1641-1694) Ecrivain de second ordre que Ladvocat considère 1 comme "un des meilleurs écrivains du XVIIe siècle. 11 Nême si son jugement nous parait faux, il a le mérite de mentionner les critiques ingénieuses émaillant Les Sentiments de Clâanthe sur "Les Entretiens d'Ariste et d'Eugène", ce que Voltaire ne note point dans son Appendice.

1 6. BARREAUX, JAC~UES DE LA VALLEE, SEIGNEUR DES (1602-1674) Il se rendit fameux par ses vers, ses chansons, & sa belle humeur ••• mais ses belles qualités étoient flétries par un esprit d'irréligion ••• Le beau & pieux Sonnet qu'il fit à sa conversion est connu de tout le monde.2

On voit combien les esprits de ce temps juge~nt une oeuvre d'art selon des critères extra-littêrairesl Quoiqu'il en soit, "le beau et pieux sonnet," qui, dtaprès Ladvocat, a fait la réputation de Barreaux, serait, selon certains critiques, l'oeuvre de l'abbé Lavau.3

1. Ladvocat, Dicti~nnaire historique, T. 1, p. 132. 2. Ibid., p. 136. 3. Larousse, Pierre, Grand Dictionnaire Universel, T. 11, p. 260. 21

7. BAYLE, PIERRE {1647-1706) Ladvocat, sans doute défavorablement impressionné par le retour de Bayle au protestantisme, juge bon de ne donner que quelques courtes notes biographiques et, pour t:>Ute critique de l'homme et de l'oeuvre, le portrait de Bayle tel qu'esquissé par saurin dans son sermon sur "L'accord de la religi::>n et la politique" qui se termine par: "···puisse ce Jésus qu'il attaqua tant de fois avoir expié tous ses crimes. 111 On retrouve cette citation également dans les Némoires 2 de Niceron. Quant au Dictionnaire Historique et critique de Bayle, Ladvocat ne fait que noter les dates des deux meilleures éditions: 1702 et 1720. Aucune éloge de ce trésor de renseignements grâce auquel Bayle fait figure de précurseur de la critique contemporaine et d'apôtre de la tolérance et de la liberté de pensée. Ni ceron, qui écrit pourtant bien avant Ladvocat, dans son article sur Bayle3 parle longuement de ce Dictionnaire; Voltaire en fait une mention d'importance.

8. BARON, MICHEL (1653-1729) Ladvocat ne cite aucune des pièces de cet

1. Ladvocat, Dictionnaire hist::>rigue, T. 1, p. 147. 2. Niceron, Mêm::>ires pour servir a I 1 rüstoire des hommes illustres, T. VI, p. 262. 3. Ibid., pp. 262-273. 22

excellent auteur comique. Sans doute a-t-il adopté 1' opinion de Voltaire qui "ne croit pas que les 111 pièces qu 1 il donna sous son nom soient de lui.

9. BEAUSOBRE, ISAAC DE (1659-1738} L'Eistoire du manichéisme est, pour Volt aire, "un des livres les plus pr:>fDnds, les plus cur l eux, et les mieux faits; 112 pour Gibbon, ce même ouvrage représente "un trésor de philosophie ancienne et

moderne. 11 3 Ladvocat se montre plus réservé, mais assez objectif envers ce pasteur du temple français de Berlin.

10. BENSERADE, ISAAC DE (1612-1691) "L'un des plus beaux esprits du 17e siècle." Bien que cette remarque s:>it du genre stéréotypé qu'affectionne Ladvocat, notre auteur pDrte un juge- ment as sez juste sur l'oeuvre de Bens erade. Cependant,

on peut regretter que Ladvocat, du fait qu 1 il est ecclésiastique sans dout e, se r efuse le plus souvent à analyser la littérature amoureuse. On sent chez lui la peur de se compromettre. Inutile, dDnc, d'y

1. Voltaire, Oeuvres comp lètes, Ed. Mola nd, T. XIV, pp. 36-37. 2. Ibi d., p. 39. 3. Gibbon, Histoire de la décadance de l'empire romain, cité dans Larousse, Pierre, Grand Dictionnaire Universel, rr. 11, p. 448. 23

chercher une critique nuancée de la poésie galante de Benserade qui constitue l'essentiel de son oeuvre.

1 11. 30ILEAU DESPREAUX, NICOLAS (1636-1(!!1 L'article de Ladvocat sur Boileau représente en étendue le tiers de l'article sur Benserade. L'abbé fait encore preuve d'un manque d'appréciation des vraies valeurs littéraires; il appelle, il est vrai, Boileau "· •• l'un des plus célèbres Poètes François ••• Il règne dans tous ses ouvrages un GOÜt 1 exqu1.s,. & une cr iti que JU. d" 1.c1.euse. . n fi1a1.s,' ~ . en p 1 us de quelques lignes de notes biographiques - voilà

tout ce qu 1 il trouve à dire sur le seul théoricien littéraire du dix-septième siècle encore lisible. "Le plus célèbre poète français," soit, mais le lecteur aimerait savoir pourquoi il est un célèbre

poète. Horeri apprécie dans les Satires 11 1 1 harmonie de la versification & la pureté du style ••• 112 Voltaire analyse scrupuleusement "les vers proverbes et les vers maximes."3 Chaudon et Delandine consi- dèrent 1' Art Poétique comme "le code du bon sens 11 et Le Lutrin - "un des badinages les plus ingénieux de

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 1, p. 187 . 2. Moreri, Le Grand Dictionnaire Sistorique, ou le mélange curieux de 1 1 histoire sacrée et rofane, ~. 11, p. 323. 3. Vo taire, Oeuvres comp etes, E • ~ o an , T. XIV, pp. 41-2. 1 notre langue." Ladvocat est le seul à se contenter d•un jugement conventionnel. D'ailleurs, depuis Sainte-Beuve, n:::>us savons que Boileau "n•est pas du tout poète, si l'on réserve ce titre aux êtres fortement doués d'imagination et d•ârne. 112

1 12. BOSSUET, JACQUES BENIGNE (1627-1704) On s ent, tout au long de l'article sur Bossuet, l'impuissance de Ladv::>cat à exprimer son admirati:m en termes éloquents: "Ses ouvrages sont écrits avec

un art, une éloquence & une force inexprimables. 113 Ces quelques lignes suffisent-elles à r e ndre justice à l'écrivain le plus sür de ses mots, le plus énergi- que dans toutes les phases du discours, le plus hardi dans la syntaxe et le plus maître du langage? Un lecte ur ferve nt qui a goüté les ouvrages théoriques

et les sermons de Bossuet, d•une force et d 1 une clarté illuminant l•fune et la transp::>rtant de joie

et d 1 ad~iration, n'utiliserait pas des f ormules aussi plates. Les fleurs dont Ladvocat couvre Bossuet ont la pâleur . des fleurs de rhétorique ••• et manque nt de parfum et d• é clat.

1. Chaudon et Delandine, Dictionnaire Univ6rs e l Hist orique, T. 111, pp . 65-67. 2. Sai nt e-Be uve, Portraits Littéraires, T. 1, p. 15. 3. Ladvocat , Dictionnaire historique, T. 1, pp . 197. 25

13. BOUHOURS, DOHI1HQUE (1628-1702)

Si Ladvocat s 1 était plu à exagérer les qualités des Jésuites, il se serait, sans doute, attardé sur le R.P. Bouhours, S.J. Son jugement,

cependant, se borne à ces termes généraux: 11 l'un 1 des meilleurs écrivains de notre langue. 11 Vol+: aire, dénué de sympathie pour tous les ecclésiastiques, insiste toutefois, et justement, sur le bon goG.t et 2 le style 11 pur et agréable" de ce grand docteur de la catholicité. Le Dictionnaire historique portatif ne

mentionne pas l'impJrtance de B ouh~urs au XVIIe siècle

com.me gr&nm.airien et comme styliste~ Toutefois, le dictiJnnaire de Laffont-Bompiani affirme qu'il était tenu en haute estime par Bossuet, Boileau, La F::mtaine et Seint-Evremond, et que Racine même lui adressa l•une de ses pièces en le priant d•y corriger les fautes de style et de gr~~ire. 3 Prévost, dans son Dictionnaire de biographie française aj::mte:

11Beaucoup plus que polémiste , Bouhours était grammairien ••• coeur de grammairien, il pèse ses

phrases, il chois it ses mo t s ••• u4

1. Ladvocat, Dictionnaire historique , T. 1,, pp. 199-200. 2. Voltaire, Oeuvres complètes, T. XIV, p. Jw. J. Laffont-Bompiani, Drctlonnaire b iogr aphique des auteurs, T. l, p . 2oo. 4. PrevJst, M. Dictionnaire de Biographie française, T. VI, pp. 1308-1309. 26

14. BOURDALOUE, LOUIS ("1632-1704) A en croire Voltaire, "quand Bourdal::>Ue parut, Bossuet ne passa plus pour le premier prédicateur. 111 C'est inexact, mais il est vrai que, souvent, ses c::mtemporains le plaçaient au-dessus de l'évêque de Neaux.

Ladvocat appelle Bourdaloue 11 le premier modèle des bons prédicateurs~ 2 bien qu'il n'ignorât pas que Bossuet eüt prêché avant lui. Depuis le dix-huitième siècle, les goUts ont évolué. Les sermons de Bourdaloue sont moins appréciés, car on perçoit sous le prédicateur le professeur de rhétorique: en homme de son siècle, et sous l'influence du style cicéronien, il use du rythme ternaire de façon abusive. Ses sermons, bien cons­ truits mais ennuyeux, n'ont certes pas le mouvement qui emporte ceux de Bossuet.

i 15. BREBEUF, GUILLAUME DE ( 1618-1661) Son Lucain travesti est, d'après Ladvocat, "sa

meilleure pièce ••• satire ingénieuse •••• 11 3 Le temps a donné raison à Ladvocat. Ajoutons qu' e n dépit de que lques traces de préciosité , Brébeuf atteint

1. Voltaire, Oeuvres complètes, Ed. Moland, T. XIV, p. 542. 2. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~. 1, p . 202. 3. Ibid. , p. 2l0. 27

parf8is à la grandeur. Voltaire ne risque aucune 1 appréciation sur son talent.

16. BUSSY-RABUTIN, ROGER, COErrE DE (1618-1693) Dans un long article, Ladvocat relate avec minutie les exploits de ce seigneur audacieux et brillant; il se fait même un devoir de cit.er les moindres ouvrages de Bussy-Rabutin, écrivain médiocre dont le nom serait depuis longtemps aux oubliettes, s'il n'avait entretenu, avec son illustre cousine, Nme de Sévigné, une volumineuse correspondance. Voltaire, d'ailleurs, l'avait remis à sa place: reconnaissant à son style la pureté, il 2 nie à ses oeuvres la moindre importance.

17. CALPRENEDE,' GAUTIER-COSTES DE LA (1612-1663)

11 ••• connu par ses Romans de Silvandre, de Cléopatre ••• On a aussi de lui plusleurs rrragédies qui ne sont point estimées. 3 Au jueement de Ladvocat, Voltaire ajoute que Racine et Quinault ont imité le style de ces romans, mais les ont fait oublier "en parlant au coeur un langage plus vrai, plus tendre et plus harmonieux. n4

1. Volt aire, Oeuvres complètes, Ed. No land, T. XIV, p. lJ_6. 2. Ibid., p. 47. Ladvocat, Dictionnaire historique, rr. 1, p. 237. ~: Volt aire, Oeuvres completes, Ed. Mo land, T. XIV, p. 48. 28

(Il est intéressant de n0ter la popularité de Quinault au dix-huitième siècle. Voltaire le met au même rang que Racine.)

18. CAMPIS~ RON , JEAN-GALaER~ DE 1656-1723) D'après not re au te ur, "son style est négligé, & ses expressions peu heureuses; 111 Voltaire, au 2 contraire, lui trouve "le langage assez pur." Ladvocat situe rare r;1ent les écrivains et leurs oeuvres: ceux-ci apportent-ils quelque chose d'original? ••• celles-là se comparent-e lles aux 0euvres qui les ont précédées, qui ont paru en même temps ou immédiatement après? ••• Campistron se faisait gloire d'être l'élève de Racine, mais quel

mauvais élèvel Il ne fut que 1 1 :Hnbre mince et

effacée de 11 auteur d'. Sa réputati0n empirera avec le temps, si bien que Victor Hugo 3 écrira: "Sur le Ra ci ne mort, le Campistron pullule, 11 et Petit de Julleville: "Campistron avait reçu de lui4 des conseils, mais Racine n•est pas le seul maître qui n'ait transmis son secret à personne.";;

1. Ladvocat, 0,12• ci t., p. 242. 2. Voltaire, OE· cit., p. 49. 3. Hugo, Victor, Les Contemplations, 11Rép0ns e a' un acte d 1 accus at i on , 11 v • 67. 4. Racine. 5. Petit de Julleville, Hist::>ire de la Langue et de la littérature français es des origines a I9ol>, T. v, p. 182. 29

Son seul nom aujourd'hui fait sourire •••

19. CHAPELAIN, JEAN (1595-1674) Moreri, Ladvocat, Voltaire ••• tous parlent de

l 1 échec du Poème de la Pucelle -épopée à laquelle Chapelain travailla vingt ans. Tous constatent que l'on trouve de tout dans La Pucelle sauf de la poésie;

ils no~ent, en même temps, l'importance de Chapelain dans le domaine de la critique.

20. CHAPELLE, CLAUDE-E!1ANUEL (1626-1686) "Dans ses poèmes, dit Ladvocat, on remarque beaucoup de dé licatesse, un tour aisé, une facilité admirable. 111 Remarque juste, puisque les poèmes de Chapelle offrent, même aujourd'hui, une lecture intéressante - surtout pour celui qui veut mieux connaître le milieu "libe rtin" de la deuxième moitié du XVIIe siècle.

21. CHAULIEU, GUILLAill~E DE (1639-1720) Ladvocat va un peu loin en appelant Chaulieu "l•un des plus polis & des plus ingénieux Poètes Français. 112 Voltaire lui cons acre toute une page de citations dans son Appendice. On a peine à croire

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 1, p . 274. 2. Ibid., p. 295 . 30

aujourd'hui que Chaulieu méritait tant d 1 égards.

22. CORNEILLE, PIERRE (1606-1684) On ne peut pas exiger d'un auteur de

dictionnaire qu'il ait tout lu et qu 1 il ait sur tout et tous un jugement personnel. Il est, néanmoins,

im~ardonnable de la part de Ladvocat, de n•avoir pas, s ur un écrivain de l'envergure de Corneille, des impressions personnelles et de se borner à repro- duire celles àe son prédécesseur Moreri. Une citation suffit à démontrer le plagiat. Alors que Moreri écrit de Corneille: Chez lui les Romains parlent en Romains les Rois en Rois; partout de la grandeur & de la majesté; la tendresse même y est traitée avec une noblesse, qu 1 on ne ren­ contre point ailleurs.l Ladvocat imprime:

••• les Romains y parlent en Romains, les Rois en Rois. Il y règne par tout une grandeur, une ma jesté, une noblesse ••• qui ne se trJuvent en aucun autre de nos Poètes.2 En plus de son manque d'originalité, cette critique présente des lacunes telles que tout un chapitre ne suffirait à les énumérer. Ladvocat a-t-il saisi la subtilité qui t riomphe dans les jeux

1. Moreri, Le Grand Dictionnaire ••• ,~. 111, f P • 638-9. 2. Ladvocat, op. cit., pp. 248-9. 31

du style comme clans l 1 a - encement scéniqu~, ou l'optimisme foncier qui, par un dénouement heureux, prend sa revanche des cruautés de la vie? A-t-il saisi la psychologie cJrnélienne de l'amour qui se

fonde d 1 abord sur 1 1 estime? S'est-il demandé pourquoi Chimène demeure amoureuse de Rodrigue meurtrier de son père? Inutile de chercher réponse dans Ladvocat. Recourons plutôt A son contemporain V:::Jltaire: "l'Académie ••• eut trJp de complaisance pour le cardinal de Richelieu en condamnant l'amour de Chimène. Aimer le meurtrier de son père, et poursuivre la vengeance de ce meurtre, était une chose ad!nirable. Vaincre son a~nour eO.t été un défaut capital dans l'art tragique, qui consiste principalement dans les combats du coeur. nl Lanson, de nos jours, soutient que "Chimène aime Rodrigue parce qu'elle ne conna!t rien de meilleur ••• cet amour n'est autre chose en soit que l'amour de la perfection. 112 Les défauts de la critique de Ladvocat sont par trop saillants, mais n'oublions jamais que l'abbé est lliaité par le genre même qu'il pratique.

23. CORNEILLE, THONAS (1625-1709) Ladvocat mentionne ses Remarques sur Vaugelas

1. Voltaire, Oeuvres complètes, Ed. LJi. oland, '11. XIV, pp. 547-8. 2. Lanson, Hommes et livres, p. 114. 32

ses pi~ces de thêltre et ses traductions. C'est pourtant dans le genre romanesque que Thomas

Corneille obtint ses plus grands succ~a. Voltaire dit que '!'homas Corneille "aurait eu une grande réputation s'il n'avait point eu de ' 1 frere." Ceci le met d 1 accord avec Bédier et Eazard

qui trouvent que ~homas "nous aide l comprendre ••• l'évolution de Corneille et l'originalité de Racine. 112 Par contraste, sans doute •.•

1 24. CREBILLON, PROSPER-JOLYOT (1674-1762) Lacvocat n'inclut dans son dictionnaire que les écrivains morts. Ainsi il ne parle pas de cet

él~ve de la Calpren~de et de Scudery qui poussait

le romanesque jusqu 1 à 1 1 horrible et qui mo urut dix

ans apr~s la pub lication du Dictionnaire Historique

25. DACIER, A:NNE TA NNEGUY-LEFEVRE, J:v1ADM1E {16 51-1720) Nous trouvons dans l'article de Ladvocat sur

Madame Dacier de co ~ ieuses notes biographiques farcies de dates . L'article se termine par une liste de ses traductions parmi l e squelles s eule la traduc-

1. Voltaire, Oeuvres complètes, Eà. Moland, T. XIV, p. 57. 2. Bé dier et Hazard, Histoire de la littérature française, T. 1, pp. 460-462. 33

tion de Térence est qualifiée d'"excellente." Voltaire ajoute la traduction d'Homère à celle de Térence; ces deux :luvrages, dit-il, lui valent "un 1 honneur immortel." Nadame Dacier fut considérée, au temps de Ladv:lcat, comme la traductrice ayant le mieux exprimé la grandeur, la noblesse et l'harmonie du style homérique. Cependant, depuis Leconte de Lisle, :ln

lui reproche de suivre "non sans regimber, ce qu 1 on 2 peu appeler l'H~tel de Rainbouillet. 11 Les passages

qui touchent à 1 1 amour sensuel ont été considérable- ment altérés, co.;.une le relève George Mounin. Dans le chant XIV, lorsque Junon vient aguicher Jupiter afin qu'il oublie de veiller sur le camp des Grecs, et quand elle se donne à lui cians l'herbe, au sorrunet du. Mont Ida, Madame Darcier cherche à prouver qu'Homère a déployé toute sa magie descriptive à peindre le cadre, afin de détou.rner l'imagination du lecteur de la scène inconvenante qu'il est obligé de suggérer. J.•Iais elle ne traC:~uit pas le "couchons-nous pleins d'amour" de Zeus3 Ce culte de la traduction dite "élégante," et riche en périphrases, continue Mounin, a survécu pendant tout le dix-neuvième siècle; il nous trompe encore 4 dans plus d 1 un texte aujourd'hui. ·

1. Volt aire, Oeuvres complètes, Ed. i:V10land, T. XIV, p. 59. 2. Mounin, George, Les belles infidèles, p. 91. Ibid., p. 92. ~: Ibid., p, 94. 34

Quant à la date de naissance d 1 Anne Lefevre, 1' année 1651 est accep-tée par i·ioreri, Ladvocat, Voltaire, et les auteurs de quelques dictionn aires plus récents que nous avons pris la peine de consulter. Cependant, Sainte-Beuve soutient que "Anne Le Févre ••• naquit à Saumur, non pas en 1651 com.rne on 1' a souvent 111 répété, mais prob ab leme nt en mars 165~ - · I 1 s 1 appuie sur l'ouvrage de Bodin, Recherches historiques sur la 2 ville de Saumur.

26. DANCOURT, FLORENT CARTON (1661-1726)

"On a de lui un grand nombre de Comédies, 3 dont le stJle est léger, vif & agréable. 11 Le st.J le des pièces de Dancourt, comp::>sées au jour le jour, est, en effet, "léger, vif et agréable;" elles procuraient aux contemporains un plaisir d'une qualité comparable à celui que nous éprouvons aQjourd•hui à fréquenter les cinémas et à regarder la télévision; sa plume manque de cette vi6ueur qui seule rend une oeuvre durable, mais toute une société vit dans ses pièces •

...... 27. DESHOULIERES, AF'T10IJ:ŒTTE DU LIGIER DE LA GARDE ( 1634- 1694)

1. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, T. I X, p. 477. 2. Ibid. 3. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 1, p. 389. 3.5

"Ses Idylles surpassent en ce genre tout ce

que n~us avons en français; le style en est pur & 1 châtié, les pensées &~ les expressions nobles. 11 L'engouement de Ladvocat pour les idylles de i-illle de La Garde ne l'empêche pas de juger le reste de

son ~euvre avec détachement. Il trouve ses tragédies

mauvaises et déclare qu 1 un n~mbre considérable de ses

poèmes ne mérite pas d 1 être imprimé.

28. DES i"lARE'T'S DE SAIRT-SORLIN, JEAN ( 1.59.5-1676) Moreri, Ladvocat et Voltaire proclament que la

coillédie des Visionnaires est son chef-d 1 oeuvre. Ils

ne se tr ~ ";lpent p :::>int, car cette pièce est une satire fine et ins énieuse. Le spectateur avisé s'amusait à

reconnaitre, sous les traits des tr~is soeurs

détraquées et extravagantes, Y~ e de Seblé, ~~ede Chavigny et Hme de Rambouillet.

1 29. DESTOUCHES, PHILIPPE NER ICAULT (1680-17.54) 11 Un de nos bons Poètes comiques dans le genre médi:J cre. On est irae surto ut son Philosophe marié, qui ?st 1 1 Histoi~e.de son mar1ag e ••• le Glor1eux ••• En general, son style est trop diffus, & il y a t r~p de m:::>n:::>t onie dans ses p ièces. 11 2 Voltaire est du même avis que Ladvocat, mais

1. Ladvocat, Dictionna i re hist:::>rique , ~. 11, p. 733. 2 . I bid., T. 1, p . 365. 36

fait une critique plus nuancée, comp arant les comédies de Destouches l celles de Regnard et de i''Iolière; il s'égare même un peu du sujet en entre- tenant int.empest.ivsmen+; le lecteur de son aversion 1 du drame bourgeois - genre "ni tragique ni comique"

que Destouches a eu le mérite d 1 éviter.

1 30. DUCHE DE VAl~CI, JOSEPHE-FRAHCOIS ( 1668-1704) La similitude des jue;em.ents de Voltaire et de

Ladvocat est frappante. L'~n a dû copier l'autre, car le nJm de de Vanci ne figure pas dans le

dictionnaire de ~oreri.

1 31. DUl"lARSAIS, CESAR C1ŒS:,1EAU ( 1676-17.56) Voltaire le place au dessus de tous les méta- physiciens et grammairiens français; LadV)Cat, toute- fois, préfère les Synonymes Français de l'abbé Girard

au ~rait.é des ~ropes de Dwnarsais.

32. ESPRir, JACQU:2S ( 1611-1678) "Auteur du livre de la Fausseté des vertus humaines, qui n'est qu 1 un comment.ai re du duc de la RochefolJ.cault." 2 "On a de lui le livre de la Fausseté des vertus humaines, qui n'es t qu'un cjm:nen­ taire du Duc de la dochefoucauld."

1. Voltaire, Oeuvres complètes, Ed. f!~ Jland, ~ . XIV, pp. 6~ . -6 5 . 2. Ibid., p. 70. 3. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~. 1, p. 463. 37

Il serait bie ~ difficile de cr: ire que deux jugements aussi identiques soient le fait d'une pure coïncidence. Il est fort probable que Ladvocat a fait confiance au jugement de Voltaire ou vice-versa, puisqu'on ne connaît pas la date E;xacte de la première 1 édition du Siècle de Louis XIV.

1 33. FENELON, FRAl\ÇOIS DE SALIGNAC DE LA l>fO'T'HE (1651-17151 ••• fut nommé précepteur des Ducs de Bo ~rgogne, d 1Anjou & de Berri. C1 est pour ces jeunes Princes qu'il compo sa le Télémaque: ouvrage immortel, dans lequel il déploie toute~ les richesses de la Langue Françoise. Le Télémaque est acclamé par tous les critiques et honnêtes gens du dix-hui tièLne siècle: "Son Té lé.maque qui avait été traduit dans toutes les langues principales de l'Europe , avait fait un e s i forte

. . d 1 , t 113 ~mpress1on ans es pays e ,rangers ••• "Télémaque

1 • • 114 1 ~ns"" , lre ••• "Les gens de goût admirèrent dans ce

ro:1an moral tout e la pompe d 1 Eomère jointe à 1 1 élé-

1. On fixe co~~unément à l 1 année 1752 la publication du Siècle de Louis XIV, c•est à dire, à l'année même de la publicati:m du Dictionnaire historique porta+: if ••• Voltaire, dans le XIIe de ses Fragments sur l'hist oire générale, dit que son livre, composê en 1745, fut i mprimé en 1750. hais cette assert ion est c.ontredite dans une lettre à Ma dame Denis, du 20 févrie r 1751: Volt aire y écrit qu'il s'amuse à finir Le Siècle de Louis XIV. (Volt aire , Oeuvres complètes, Ed. Moland, T. XXXVII , p. 247). 2. Ladvocat, Dictionnaire his t ori ue, T. 1, p. 499. 3. Noreri, Grand D ct on na~re H ~s torique, .,., • IV, p. 46. 4. Voltaire, Oeuvres completes , Ed . ~,io la nd , T. XI V, p. 70. 38

1 gance de Vlrg. il e ••• n

La Lettre de Fénel~n adressée à l'Académie Française, n'est mentiJnnée que par Chaudon & Delandine: "Excellent morceau, disent-ils, qui ne 2 dépare point les Dialogues." Ladvocat fait également le pJrtrait de Fénelon: doux, pieux, candide ••• bref, possédant "toutes les vertus qui rendent la Religion aimable. n3 Cette ébauche s'avère inexacte, car la personnalité du

Cygne de C&~brai est beaucoup plus complexe: ondJyant, humble et hautain à la fois, tendre et violent, détaché et tenace; il est avide de se perdre dans les siècles passés et de triompher aux siècles futurs. Anachronique, son génie appartient surtout aux générati::ms qui vont suivre. 11 Cornme Lamartine,"

dit Faguet, "il eQt fait des méditations de 1 1 his-

toire ••• Comme Chateaubriand il eO.t peint 1 1Arcadie,

les ruines de S ~ arte et de Jérusalem, le tout avec

moins de pr8cision et ~oins d'amour du relief que certains modernes, mais avec la même avidité du curiosité."4

1. Chaudon et Delan6ine, Dictionnaire U ni v ~ rsel ••• , ~. VI, p. 518. 2. Ibid., p. 520. 3. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 1, pp. 499- 500. 4. Faguet, Emile, Etudes littéraires, XVIIe siècle, p. 335 . 39

34. FONrENELLE, BERNARD LE BOUVIER DE (1657-1757) L'article sur Fontenelle est ce que Ladvocat a jusqu'ici présenté de plus achevé. Il parut pour la première fois en 1758, un an après la mort du neveu des deux Corneilles. Il va sans dire, que pendant toutes les années qui suivirent la publication de l'Encyclopédie, le nom àe Fontenelle était sur les lèvres de tous les intellectuels du temps. On avait tendance à exagérer l'importance de l'ho1nme et de son oeuvre; Voltaire regardait ce vénérable vieillard com..rne ''l'esprit le plus universel que le siècle de Louis XIV ait produit, 11 et c ornme 11 le premier des hommes dans l'art nouveau de répandre de la lumière et des graces. Ill A la même époque, Ladvocat préparait une troisième édir.ion augmentés de son Dictionnaire historique portatif ••• Il y intercala l'article sur Fontenelle, deux pages et, denie, où se ref lèt ait

1 1 admiratlon commune. i•lais les défauts de Fontenelle ne lui échappaient toutefois pas; ainsi, il reproct_ e

à l'écrivain 11 d 1 abandonner dans les Pastorales la belle simplicité des anciens, pour faire parler à ses bergers & à ses bergêres le langage de la Cour

1. Voltaire, Oeuvres corn.t-llètes, Ed. Moland, 'Tl. XIV, pp. 71-74. 1 & des beaux esprits," et trouve que ses idées sont parfJis trop métaphysiques et son style t;r::)p aff' ecté.

A cela près, Fontenelle doit passer 11 pJur un de nos 2 plus ingénieux [Y: de nos plus agréables Ecrivains. 11 L'article sur Fontenelle montre l'évolution de la critique de notre abbé. Cet homme, en vérité, fait preuve d'un grand talent d'analyste littéraire; on en connaît peu au dix-huitième siècle qui soient aussi indépe nd ants que lui. Et si ncms ne consultons

plus son dictionnaire, nous devri~ns au moins lui savoir gré d•avoir sauvegardé, par sa critique, ces ouvrages qui sont aujourd'hui le précieux héritage du mont'.e entier •

..... 35. FUHE~I LRE, AlllrnODJE (1620-1688) Un tout petit article sans importance sur cet écrivain, runi de Boileau et de Racine, et qui a joué un certain rôle dans la littérature adversaire de la préciosité. Il est vrai que Voltaire s'était contenté

d 1 une seule lig nel

36. GElif EST, CEAl1.LES-CLAUDE ( 1635-1719) Ladvocat e t Voltaire , s'attardent tous deux s ur

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 1, pp . 524-526. 2. Ibid. le succès de Pénélope, la tragédie de Genest qui a fait versertant de larmes:

Les Seigneurs 6e la C~ur qui av~ient le plus d 1 esprit & de goat ne pouv~ient la voir représent er, ou même l'ente ndre lire, sans répandre des larmes. M. le Duc, qu'aucune Tragédie n•av~it jamais fait pleurer, alla déf ier M. de Malezieu de lui faire partager ce qu'il appeloit la faiblesse comûune, mais à peine eut il entendu le premier Acte que toute sa fermeté l 1 aband~nna, & qu•il fut aussi foible que les autres. 1

37. G0I"J3:2RVILLE, Î'~ARDJ LE ::iOY DE ( 1600-1674) Ladv:::>cat est en grande aduürat ion devant la poésie religieuse de ce janséniste, expirant b:::>urrelé de rem:::>rds à cause du mal qu'il croyait avoir causé par ses romans. Mais sur ces derniers, rien.

38. GONDI, JEAN-FaANÇOIS-PAUL DE, CARDIHAL DE RETZ (1613-1679 ) Le cardinal de Retz étoit intriguant, hardi, c: ~ turbulent. I l av::>it 1 1 esprit délié, vaste & un peu romanesque ••• On a de lui des Mémoires qui s::>nt tr~s agréables à lire.~ Ladv :::> cat est de l• avis de La R:::>chefoucauld, . qui ,

malgr é s~n amitié pour l e Cardina l, l e t raitait en

1. Ladvocat, Dicti:::>nnaire historique, ~. 1, pp. 585-6. 2 . Ibid., p . 613. esprit romanes qu.e, amateur 11 s urt:mt de bruit, 111 d'éclat et d 1 in-Lrigue. rr:outefois, il nous se~~lble

qu 1 un cri tique èevrai t aborder son sujet avec plus de sympathie ••• plus de compréhension. Il est vrai

que Retz était "intrigant, hardi & turbulent, 11 mais

il n 1 était pas que cela; spectateur de sa propre ambition ref:mlée, il sentait en lui de grandes possibilités, qu'obstinément on lui refusait de développer. Par compensation sans doute, il se

donne dans les Mémoires, alors qu 1 il fait revivre les beures s::>mbres de la Fronde, le beau rôle: celui d'un Jules César, alors que ses ennemis lui eussent attribué plutôt celui d•un Catilina. Ces souvenirs de jeunesse du cardinal sont, comme le c_it Ladv::>cat, "très agréables à lire,n car

l'auteur les écrit en homme d 1 action.

39. GOURVILLE (1625-1703) Ladvocat remarque que Voltaire, dans Le Siècle

de Louis XIV, s'est beaucoup servi des ~émoires de ce valet de chambre du Duc de La Rochef::>ucauld.

40. GUERET, GABRIEL (1641-1688) Ecrlvain et critique oublié que Ladvocat exalte

1. La Rochefoucauld, cité dans Laffont-Bompiani, Dictionnaire des oeuvres, T. 1, p. 435. 43

C01liDle 11 1 1 ur. des plus beaux esprits & des plus 1 judicieux critiques du dix-septième siècle."

41. HAMIL~ON, AN~OINE, COM~E D1 (1646?-1720 Auteur de quelques jolies Poésies •••• C1 est le prem.ier qui a fait des R:>mans dans un goüt plaisant, qui n'est pas le burlesque de Scarron. On lui at~ribue les rJ.iémoires du Com+:e de Gram.'llont. ••• 2 On a de lui quelques jolies poésies, et il est le premier qui ait. fait des romans dans un goût plaisant, qui n 1 est pas le burlesque de Scarron. Ses 1''iém:lires du CD,nt. e de •}rammDnt •••• 3 Si LadvDcat a puisé dans Le Siècle de Louis XIV, chDse plus que probable considérant les fréquentes

allusiDns à cet ouvrage, il ne s 1 est guère donné la peine de modifier les jugernent s de Voltaire. NDtre abbé coJJ!Ilet la faute d'emprunt.er sans vergogne. Il est vrai qu'au XVII I e siècle la faute était si courante qu'on la pardDnnait facilement.

~_2. LA BRUYERE, JEAN DE (1644-1696) L'article de Ladvocat sur La Bruyère représente

à peine l e quart de son article sur 1 1 Dbscure Hesnault. CDmment expliquer ce manque d'intérêt pour l'ami de J ossuet, de Racine et de Boileau? Avait-i l reconnu

1. LadvDcat, Dicti:mnaire his t Drique, T. 1, p. 646. 2. Ibid., p. 6b9. 3. Voltaire, Oeuvres com ~ lèt.e s , Ed. Mola nd, ~ . XIV, p. 78 . 44

dans cette galerie de pJrtraits que sont les caractères, s:::>us l e s traits grossis et chargés de

couleurs, l'image caricaturée d 1 une personne estLnée? A-t-il prétendu i.mi+-er les lignes rét.ic6ntes de Voltaire au sujet de La Bruyère dans son Appendic e au Siècle de Louis XIV, ignorant en fait ou dé libéré- ment le chapitre-supplément "Des Beaux Arts," dans l6quel Voltaire porte aux nues l'auteur des caractères? Pens ait-il, tout simp lement, comme l'auteur à l'étude, que tout est dit et qu'il ne

reste plus qu 1 à 11 glaner? 11 N'imp orte la raison.

Ladvocat a méconnu 1 1 un des plus grands mo ralistes et artist es du dix-septième siècle, dont la critique ne visait pas seuleme nt des individus mais t,out.e une société corr:::>mp ue; bref, un des meilleurs écrivains salué par cer tai ns littérate urs comme le pr emi 6r pur

artiste de la langue française~ La Bruyère est ••• le pr emier qui s e soit attach é à la perf ection de la forme pour elle- m8me , de la f:::>rme qui n'est plus un moyen mais une fin; le pr emi er qui a i t 1 fait de 1 1 art pour art, le premier sty liste.

43. LA FAYET..,E , NARIE- I4AGD2 LEINE PIOCHE D=:; LA VERGNE,

COM~ E3 S E DE (1634-1693) C'est s lle qui a composé Zaide, la

1 . Mi chaut, G us t a v ~ , La J ruyère, p . 6 . 45

Princesse de Clèves & la Princesse de Mont-pensier, Romans estimes & bien êcrits. Les deux premiers ••• ont servi de modèles aux Romans bien écrits. On a encore de l'illle de La Fayet-1-:e des I'1émoires •• qui sont curieux & bien ecr1ts. 1 Trois phrases employés par Ladvocat pour évaluer la production littéraire de ; trois fois le retour de l'éloge-refrain: "bien écrits;" mais laissons aux contemp::>rains de l•abbé le soin de lui enseigner la stylistique: La Princesse de Clèves et Zaide furent les premiers romans où l•on v1t les moeurs des Honnêtes gens et des avantures naturelles décrites avec grâce. Avant elle on écrivait d'un style ampoulé des choses peu vrai­ semblables.2 Critique accompli, Voltaire, en quelques mots bien choisis, dégage l'essentiel è.e l'oeuvre de r

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~. 1, p. 497. 2. Voltaire, Oeuvres complètes, Ed. l1.ioland, 111. XIV, p. 83. 3. Hornet., Daniel, Histoire de la Littérature française classique, 1660-1700, pp. 313-314. 44. LA FON'11AINE, JEAl'T DE ( 1621-1695) Trois pages dans le dicti ::>nnaire de Ladvocat sur notre fabuliste - trois pages truffées d'anecdotes et d'observations; enfint un génie parvient à lui arracher quelques bribes d'admiration:

Dans les Fables, ouvrage im·,tortel & inimitable, on trouve des grâces, une nafveté, un naturel, un tour fin, délicat, agréable & ingénieux, qui a toujours de nouveaux charmes pour les personnes de bon goŒt, & qui surpasse tout ce que les anciens ~ - les modernes ont fait en ce genre. En lisant les fables, on n 1 y sent ni le travail, ni la gêne, & tout y est si naturel, qu 1 il s~mb~e que la nature seule les ait 1 d~ct ees ••• Certes, Ladvocat réussit à dégager l'essentiel

de l 1 oeuvre de La Fontaine; cependant, il est bien

loin d'avoir tout dit. Sa critique souffre d 1 un excès

de généralisations, d 1 un manque de précisions, qui fait contraste avec les études critiques du slècle suivant. Voltaire, lui, exa;:line à la loupe quelques fables, mais trouve vulgaires, négligées et triviales les expressions qui ajoutent tant au charme de La Fontaine. Ainsi, il juge é+-.range qu'une fourmi puisse "dire un proverbe du peuple à une cigale n2 et considère le style &e notre fabuliste, si riche en

locutions populaires et en _·:~aximes ingénieuses, bien

1. Ladvocat, Dictionnaire histori~ue, ~. l, pp. 520-2. 2. Vol~aire, Oeuvres complêtes, E • Moland, T. XIV, p. 34. ~-7

1 inférieur au style "pur" de Phèdre. Le t;emps n 1 a pas

donné raison à V~lt,aire car les vers abstraits et pédants de Phèdre, ayant beaucoup vieilli, ne sont

plus recommandés que co~~e modèle de versificat,i~n;

tandis que 1 1 art d• un La Fonr.aine - d'une nafver.é voulue - a conservé tous les charmes et t outes les grâces de la jeunesse.

45. LA MONNOYE, BERIJARD DE (1641-1728) "•·. excellent littérat;s ur ••• son poème du Duel aboli ••• est à peu de chose près un des meille urs ~uvra ge s de poésie qu•on ait fait s en France. J e ne s ais p ourquoi l e docr. e ur en SorbJnne Ladv ocat, dans son Dicti Jnnaire, dit que l es Noels de La MJnnoye, e n patois b our gu1gnon, sont ce qu 1 il a fait de mi e ux; est - ce parce que la S orb onne , qui ne sai t pas l e pa t ois b ourgui t-;rwn, a f ai t un 2 décret con+: r e ce livre sans 1 1 ente ndre? Volt aire est; bien trop purisr.e pour apprécier le patois et ne serait-ce que pour cett e r a is on, il se r efuser a à voir dans les Noels bourguignons un chef-

d• :) e uvre. P:)ur l e res t e , il co:r1met l' erre ur même de Ladvocat , en classant ce poète de s e cond ordre parmi les grands pJètes françai s . L' a l l usi on a u Di ctiJnnai r e de Ladvocat prouve que Volt aire a lu ce dernier Juvrage et que no t re abbé

1. Voltaire , Oeuvres c ~ mp lè tes , Ed . h ol and, T. XIV, p . 84 . 2 . Ibid., p . 86. 48

jouissait d 1 une célébrité certaine pendant la

sec~nde moitiâ du dix-huiti~ne siàcle.

1+.6. LAMO'Tl,.,E-EOLTDAR, AI\ rr.'OINE DE (1672-1731) Les chercheurs trouveront dans le Dicti::>nnaire historique ••• deux pages entières sur cet écrivain

~ublié. Ce n'est pas trop si l 1 on considère que des cent douze pages de l'Appendice de VolTaire, analysant deux cent quatre-vingts écrivains, huit

sont consacrées à Houdar-L~~otte.

Si Voltaire est tr~p généreux de place, ses

jugements ne le sont pas moins; d 1 après lui, "Ignès

de castro est l 1 Qne des plus intéressantes tragadies qui soient restées au théâtre. 111 D'après Ladv~cat, 2 cette même tragédie "est la moins mau v ai se 11 des

quatre tragédies écrites par Lru~Dtte. "Il est philosophe et poète," dit Voltaire; mais, rétorque l'abbé, "s es pièces lyriques sont infiniment inférieures à celles de Pindare, d'Anacréon, d'Horace

& de Rousseau et ses Ecrits, trop métap ~ ysiques, abondent de faux jugements, de paradoxes, de minuties, 113 & même de galimatias. Ladvocat s e montre également impitoyable envers les f abl es de Lamotte où f ait

1. Voltai r e , Oeuvres comp lètes , Ed. Mola nd, ,.,_ XIV, p. 87. 2. Ladvocat , Dlctlonnaire his t oriqQe , T. l, p. 306. J • I bid., p . 307. 49

111 de'f aut._, , d•t1 , -l.1 , 11 1 a no ble e t e'l' eg an t.,e sL. mp 1.lCl_ •t'.e qui caractérise ce l les de La Fontaine: On est révolté quand on le voit ap9eler un Cadran, un Greffier Solaire; une Citrouille, un Phenomene ~etager; une IJaye, le Suisse d'un jard1n, Z·: employer a chaque instant des expressiJns qui donnent dans le pr§cieux & dans le faux bel-esprit; aussi les enfants avo~en t ­ ils mille peines l les apprendre. L'abbé est non moins sévère pour les cantates, odes, hymnes et psaumes de Lamotte-Houdard; quant aux traductions, elles sont rondement condamnées par

une seule épithète: 11pitoyablest 11 L'article dénote toutefois une lecture attentive et une critique judicieuse où le biblio-

thécaire de la Sorbonne mon~re qu'il a, parfois, le goüt bon. Il est à regretter que cette observation ne s'applique pas toujours aux autres articles de Ladvocat.

h 7. LA R ~ C?:EFOUCAULD, FRAEÇOIS VI, DUC DE ( 1613-1680} L'un des plus beaux génies du dix­ septième siècle ••• On a de lui deux exellents Ouvrages dont l'un est un Livre de Maximes, & l'autre des Mémoires de la Râgence de l a Reine dr A ut. ri che . 3 Depuis Ladvocat, on a noi rci maintes pages

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~ . 1, p. 307. 2. Ibid. 3. Ibid., ~. 11, p. 643 . 50

pour essayer de définir l'excellence des Maximes, recueil de sentences destinées à démontrer que 11 1' ég:>isme est le principe f ::>nda:rre nt al et unique de toutes les actions hwnaines, même de celles qui l paraissent. l es plus désint6ressées. 11 Notre abbé a sans doute eu tort de ne pas rendre meilleure justice à cet écrivain des plus originaux qui, dans ses Maximes, sous une forme vive et rigoureuse,

accuse, bafoue, met à nu nos co~~unes misères, avec une slaciale impassibilité. Ladvocat fait preuve

toutefois d 1 un meille ur flair critique que son contemporain Voltaire, qui, lui, ne nomme même pas l'éminent moraliste dans son Appendice.

1 2 48. LESAGE, ALAii'T RENE (1668-1747) Auteur de plus. Romans ingénieux qu'il a ti~és & imités d'Auteurs Espagnols.j

Tirés? I1uités? Lesage n 1 est point simple traducte ur ou imitateur. Nais la critique de

Voltaire est encore plus injuste, car il s'y trouve cette phrase perfide: "Son roraan de Gil B las. • • est entièreme nt pris du r oman espagnol intitulé la Vida

1. Castex et Surer, .:VIanuel des Etudes littéraires fran­ çaises - XVIIe siècle, p. 89. 2. Ladvocat et Voltaire se trompent tous de ux en donnant 1667 comme date de nais sance de Lesage . 3. Ladvocat, Dictionnaire historique , T. 11, p. 672. , 51

1 del escudero don Narcos de Obrego." C'est d'un trait

nier toute l'originalité de Lesage et il n'y a qu 1 un moyen de répondre aux accusations de Ladvocat et de Voltaire: lire le roman attaqué. Que Lesage ait connu l'Obregon, on ne saurait en douter; il avoue

d 1 ailleurs dans l'avant-propos d'Estebanille Gonzales avoir emprunté au roman espagnol certains épisodes. Mais entre reconnaître quelques emprunts, et prétendre que le roman n'est qu'une traduction, il y a une margel "Le prologue, les fourberies de Camille et de Raphael et quelques traits isolés ressemblent bien à des épisodes similaires de 1• Obregon" dit Léo

Claretie dans son étude sur Lesage romancier 11tViais

y a-t-il là de quoi remplir les quatre volumes de

L es age ••• u2 Bon nombre des situati::ms décrites dans ce roman ne sont pas originales, mais Lesage en tire un si bon parti qu'on n'oserait, sans injustice, l'accuser de plagiat. La Harpe est bien de notre avis: "Lesage se servit, dit-il, en homme d'esprit des littératures étrangères. Il eut assez de talent pour que chez lui l'écrivain original l'emportât de beaucoup sur

1 1 imitateur ingénieux. Le meilleur de ses romans ••

Gil Blas, lui appartient en propre, et ~urcaret est

bien supérieur à toutes les pièces qu 1 il emprunta de

l. Voltaire, Oeuvres complètes, Ed. JYioland, T. XIV, p. 98. 2. Claretie, Lêo, Lesage romancier, p. 206. ,.

1 1 1 espagnol ou de 1 ri talien. 11

La Grande Encyclopédie, p~ur sa part, exagère dans un sens contraire aux allégations de Ladvocat et de Voltaire, en proclamant Gil Blas "l'un des plus 2 originaux romans de la langue française. 11

49. ~~SCARON, JULES (1634-1703) On n'a imprimé de lui qutun Recueil de ses Oraisons funèbres, dont on estime surtout celles de M. de ~urenne & du Chancellier Seguier.3 Cette phrase suffit sur un prédicateur dont le style trahit souvent le mauvais goüt. Voltaire lui eüt lancé une flèche acérée •••

50. MASSILLON, JEAN-BAPTISTE (1663-1742) Ladvocat expose un peu sèchement la carrière brillante du prédicateur. Voltaire, plus ingénieux, semble deviner en lui une âme plus facile que celle d•un Bourdaloue. Plus tard, le parallèle entre Massillon et Bourdaloue sera repris par Petit de Julleville et par Sainte Beuve: Tandis que Bourdaloue exige impitoyablement de nous tout ce que réclame la morale chrétienne, mais jamais plus ni jamais moins,

1. La Harpe, Lycée, T. XI, p. 383. 2. La Grande ~ncKclopédie, T. XXII, p. 80, (article de Philippe Bert elot). 3. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~. 11, p. 205. 53

Massillon exagère tantôt la sévérité, tantôt l 1 indulgence ••• l Avec son goût pour les images poétiques, Sainte-Beuve compare les deux prédicateurs à de grandes lumières, se succédant paisiblement comme "une suite de riches sais ons ou comme les heures 2 d 1 une journée splendide."

1 51. l'1EEAGE, GILLES ( 1613-1692) Lad v oc at considère ce gra.rœr.airien érudit comme "l'un des plus célèbre écrivains français du 113 dix-septième siècle. Notre abbé a tort d 1 élever ainsi Ménage au rang de Molière et de 3oileau; cependant, il convient de ne pas sous-estimer non plus le rôle que ce savant joua. dans la fixation et

la. correction de la. langue française. 11J,'I3nage," af :f" irme saint-Marc Girardin, "a sa place dans l'histoire littéraire. 114

52. i"IOLI~RE, JEAN-BAPrriSil_IE POQUELIN ( 1622-1673) .5 Celui de tous les Poètes qui a. le plus excellé dans la co~édie dep uis la re-

1. Petit de Julleville, h istoire de la langue et de la. 1 i tt é rat ur e fr an ça. i s e& T • V, p • 37 6 • 2. Sainte-Beuve, Ceuseries du Lundi, T. I X, p. 6. 3. Ladvoca.t, Dictionnaire historique, rr_t. 11, pp. 232-3. 4. Saint-11-ia.rc Girardin, Cours de ii ttérature dramatique , p. 389 . 5. Ladvoca.t et Voltaire donnent tous deux l 1 annêe 1620 comme date de naissance de ~olière, mais 1 1 a nnée 1622 a été confirmée par les dictionnaires contemporains et par Brisson, Bray e t Fernandez, auteurs de livre s s ur la vie du grand poe'tJe com~. que. 54

naissance des Lettres ••• Entre ses Comédies, le l'üsanthrope, le Tartuffe, les Femmes savantes, 1 1 Avare, le Festin de Pierre ••• sont des chef-d'oeuvres ••• 1

Il s'est acquis par ses Comédies une réputation qui ne mourra jamais ••• Les plus excellentes pi~ces de Moli~re SJnt le Misanthrope, le Tartuffe, les Fernmes scavantes, 1•Avare, & le Festin de Pierre.... 2 · Une fois de plus nJus avons cité horeri à c3té de Ladvocat pour faire voir la similitude de leurs jugements. Notre abbé, plus à l'aise avec les écrivains mineurs, tels que Ménage ou Lamotte Houdard, ne craint point à leur sujet d'exprimer ses gofrt personnels; alors que sur les plus grands des écrivains du règne de Louis XIV, il semble se méfier

de sa propre intuition et cherche souvent l 1 appui d•une autorité reconnue. Sur un Bossuet, un Corne ille, un La Font ai ne ou un Ho li ère, notre abbé

ne rapporte que le "Juge_:~ent des Scavans 11 parmi lesquels il ne choisit pas toujJurs les plus experts;

11 se réfère rarement à Voltaire dont la critique sur les grands littérateurs de la période 1660-1715 vaut

maintes fois celle de ~oreri, et souvent la dépasse. Voltaire, en q Jelques phrases bien frappées, situe le théâtre de Molière:

1. I.advocat, Dictionnaire historique, T. 11, pp. 265-6. 2. r1oreri, Grand Diction na ire Hist orj_que, T. VII, pp. 362-3. 55

••• Il faut avouer que si 1' on c:xapare l'art et la régularité de notre t héâtre avec ces scènes décousues des a nciens, ces intrigues faibles, cet usage grossier de faire annoncer par d6S acteurs, dans des monologues froids et sans vraisemblances ce qu'ils ont fait, et ce qu 1 ils veulent faire, il faut avouer ••• que Molière a tiré la comédie du chaos ainsi que Corneille en a tiré la tragédie; et que les Français ont été supérieurs en ce point à tous les peuples de la terre.l En comparant l es auteurs à l' étude avec leurs contemporains, leurs devanciers ou leurs successeurs, l'auteur du Siècle de Louis XIV réussit à établir une échelle de valeurs, qui aura s énéralement cours en France jusqu'à l'avènement de la critique profes sionnelle. Raison de plus pour r egretter

qu 1 il ait paru suspect à Ladvocat,~

53. HONrrESQUIEU, CHARLES-LOUIS DE SECOliDAT, BAR ON DE LA BREDE (1689-1755) Les Jésuites et les professeurs en Sorbonne ont vi vement attaqué les écrits de Montes quieu. Ladvocat , toutefois, soucie ux de l' a ut onomie de s a pensée, ne se rallie pas au rest e des religieux et des s ava nts et dé cri t ce libre-pens eur comme "un des me illeurs Ecri v ai ns, des p lus be aux gé nies ••• que l a France ait produits. 112

1. VJl t ai r e , Oeuvres comp lètes, Ed. Holand , T. XIV, pp. 10;3-6. 2. Ladvocat, Dict ionnaire histor i que, ~ . 11, p . 280. 56

Les quar,re pages que notre abbé consacre à Montesquieu dans le Dictionnaire historique attestent le progrès de sa critique. Il analyse l'oeuvre du compatriote de Montaigne en historien, examinant la genèse de son oeuvre et le processus de son développement: il nous donne ainsi les sources des Lettres Persanes et de L'Esprit des Lois - ouvrage "développé pour le bonheur de la société," et où se fait sentir "surtout ce que Platon, Tacite,

Plutarque & les plus célèbres Philosophes ont pensé 1 de mieux." Tout en décelant le libertin dans Montesquieu, l'abbé se propose d'élucider "de bonne foi & sans préjugés 112 sa producti:>n littéraire. Hélas! Il sera

aussi tolérant qu 1 un religieux du dix-huitième siècle le peut être. Ladvocat s'arrête surtout sur L'Esprit des Lois et on peut comprendre son choix: paru en 1748, ce livre devient, un an plus tard, ou presque, avec vingt- deux éditions successives, un véritable "best-seller". En bon ecclésiastique, l•abbé ne se permet pas de louer ouvertement un livre ayant pour but de démontrer que les lois ne sont pas fixées pour toujours

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 281. 2. Ibid. 57

par des principes métaphysiques, mais traduisant simplement des rapports entre hommes et choses. Aussi cherchera-t-il des points vulnérables: Son Systême de Climats ••• est pris tout entier de la Méthode d'étudier l'Histoire de Bodin & du ~raité de la Sagesse de Charon, sans qu'il les ait cités. Les faits rapportés par Montesquieu ne sont pas toujours exacts. Il ne prouve pas ••• qu'il naisse plus de filles que de garçons en Orient ••• On voit dans l'Esprit des Lois ••• tous les préjugés faux & populaires ~le Gouvernement des ~ures, sur celui 1 de la Chine & des autres Pais de l' Orient. Mais Ladvocat se rachète en ajoutant ces quelques lignes: Un grand génie, une science profonde du Gouvernement, un style enchanteur, des expressions vives, des idées neuves & frappantes, en un mot, tout ce qui carac- térise le génie, le savant & le Grand 2 Ecrivain, le fait admirer dans cet ouvrage.

54. r10RERI, LOUIS ( 1643-1680) Ladvocat pense que le dictionnaire de Moreri est d'une grande utilité "pourvu que l'on ••• ne s'en 3 rapporte point aveuglément à son autorité." Notre abbé trouve impossible qu'un ouvrage si considérable ne soit rempli de fautes. Il n'a pas tort. Et la jalousie professionnelle lui a fait ouvrir les yeux1

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, pp. 282-3. 2. Ibid., 3. Ibid., p. 296. 58

55. NICOLE, PIERRE (1625-1695) ••• un des meilleurs & des plus savans Ecrivains que la France ait produits ••• On tr~uve dans tous ses Ouvr. beaucoup de génie, une suite de raisonnemens solides, une Métaphysique ~rofonde, & une érudition peu commune. Comment accuser Ladvocat de partialité après

avoir lu son éloge d'un écrivain qui fut 1 1 un des plus fidèles à Port-Royal? De "ce Bayle chrétien, 2 ce Bayle janséniste"? Chez Ladvocat, comme chez

Sainte-Beuve, l 1 ailiairation pour Nicole, érudit et moraliste, est sans réserve.

1 56. NIVELLE DE LA CHAUSSEE, PIERRE-CLAUDE (1692-1754) Au lieu d'imiter Aristophane, Plaute, Térence, Molière ••• il s'est attaché a représenter les foible~ses du coeur, à tJucher & à attendrir.j Ladvocat remarque également que cet auteur dramatique est l'inventeur d'un genre nouveau, "la comédie larmoyante," où le comique se mêle au

tragique et où la règle des trois unités n 1 est pas respectée. Ce genre hybride fut vivement critiqué par les co nt emp ::J rains de Ladvocat: "Beaucoup de

pers onnes de goO.t, n dit Voltaire, "ne peuvent souffrir ces con.Lédies ••• rr4 Néanmoins, toute méprisée qu'elle

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 296. 2. Sainte-Beuve, Port Royal, T. IV, p. 1~-35. 3. Ladvocat, op. cit., p. 351. 4. Voltaire, Oeuvres complètes, Ed. Holand, rrr. XIV, p. 111. 59

rat alors, la comédie larmoyante contenait en germe

ce qu 1 au.jourd 1 hui l 1 on nomme"le drame."

57. PASCAL, BLAISE (1623-1662) ••• l'un des plus grands génies & des meilleurs Ecrivains que la France ait produit ••• La diction des Lettres Provinciales n'a pas vieilli, & on n'y remarque rien qui se ressen~e des change­ ments & de l'altération que le tems introduit dans les langues vivantes. Ce qui porte à croire que c'est principale­ ment à ces Lettres qu 1 il faut rapporter l 1 époque de la fixation du langage ••• Les Pensées sont 1crites sans liaison & sans aucun ordre. · De nos jours, nous trouvons la phrase de Pascal dans les Provinciales quelque peu lourde et longue; toutefois, si nous lisons les Lettres à haute voix, la phrase s'anime, s'éclaire, s'amplifie. De toute évidence, la langue de Pascal est une langue oratoire et parlée, et Ladvocat sait très bien ce qu'il dit quand il parle de "diction." Cette langue est bien du siècle, mais plus lucide, plus naturelle et vive, elle sera le vêtement nécessaire de la pensée de Pascal.

Ladvocat a tort de dire que c 1 est aux "Lettres

Provinciales qu'il faut rapporter 1 1 époque de la 2 fixation du langage," car les langues ne se "fixent"

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, pp. 420-421. 2. Ibid. 60

que lorsqu'elles meurent. Pascal a simplement prévu dans quel sens évoluerait la langue française; il a

~galement réalisé l'idéal entrevu avant lui, mettant en pratique, avec la finesse et l'équilibre propres à son génie, les conseils de Vaugelas et de l"'lalherbe. Notre abbé s'amuse et se perd dans des remarques sur le style de fascal, quand il convien­

drait de rendre hommage à l 1 une des plus fortes intelligences qui aient jamais existé. Il ne semble pas avoir fait l'effort de pénétrer le "fulgurant génie" de Pascal qui a inauguré, avec Descartes, une des deux formes de pensée entre lesquelles se partage l'esprit moderne et, sans doute, la plus profonde,

parce que la plus proche du coeur de 1 1 homme.

"Il n 1 y aura jamais dans la langue française," dit Bruneti~re, 11 de plus beau livre que les fragments mutilés des Pensées et de plus grand écrivain, que l 1 on doive plus assidüment relire, plus passionnément aimer, et plus profondément respecter que Pascal. 111

58. PERRAULT, CHARLES (1633-1703)

Le po~me intitulé Le Siècle de Louis XIV, dit Laàvocat, engagea Perrault dans un plaidoyer

littéraire où il perdit sa cause,tandis que les quat~e

1. Brunetière, Ferdinand, Etudes crit iques sur l'histoire de la littérature française, p. IlO~ 61

volumes du Parallèle des Anciens et des .i'Iodernes, ajoute-t-il,firent voir que ce partisan des Modernes ''n'avait ni le goO.t ni les connaissances nécessaires 1 pour faire ce Parallèle." D'ailleurs, notre abbé trouve impossible d'achever la lecture d'aucun ouvrage écrit pas Perrault, "à moins que d'avoir le goO.t dépravé. 112 Nous arrivons avec cet article au moment des grandes guerres littéraires qui ont agité la fin du dix-septiè.me siècle, et qui valurent au nom de Perrault une célébrité équivoque. Ladvocat déteste cet enthousiaste des beautés de son siècle et il a en partie raison: la plupart des vers du Si8cle de

Louis XIV sont médiocres et Perrault y parle trop légèrement d'Homère, de Nénandre ••• bref de tous les plus vénérables noms de l'antiquité. Mais dans ce poème, aussi bien que dans son Parallèle des Anciens et des Modernes, Ladv)cat n'a point remarqué que Perrault défend un état nouveau des moeurs, des formes nouvelles du goüt. Constatant dans la société fran- çaise un épanouissement des lettres et des sciences, il demande à la littérature d'exprimer cet esprit de progrès qu'il n'a pas rencontré chez les Anciens. Il

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 452. 2. Ibid. 62

est clair que Perrault aura en grande partie raison de fustiger ceux qui prônent l'autorité avant tout en matière de belles-lettres. Dans l'entrainement de la dispute, il ira parfois trop loin; mais à l'origine, il prétend simplement prouver que si les Anciens sont excellents, les IIIJ.oder·nes ne leur cèdent en rien et les surpassent même en bien des points. Ladvocat ne mentionne pas dans son dictionnaire le seul ouvrage qui vaut aujourd'hui à Perrault la célébrité: Histoires et contes du temps passé avec des mor ali tés, égale:nent dés ignés sous le nom de Contes de ma mère l'Oye. Ces histoires ont charmé non seulement des enfants mais aussi des hommes de génie, depuis Rossini jusqu'à Bartok, qui ont mis en musique quelques-uns de ces récits.

59. WJINAUL~, PHILIPPE (1636-1688) Ses pièces méritèrent la Censure des personnes de goüt par leur irrégula­ rité, & par l e ton fade et doucereux qui y règne jusque dans les endroits où l'on ne devrait expriTer que de la haine, ou de la douleur. Les lecteurs, hélas, n'ont pas pris note du jugeme nt de Ladvocat, s'en rapportant plutôt à celui de Voltaire; aussi, depuis la publication du Siècle de Louis XIV, a-t-on l'habitude de faire l'éloge de

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 583. 63

la production lyrique de Quinault.

'~i l'on trouvait dans l 1 antiquitê un poême

comme Armide ou comme Atys, 11 dit Voltaire, "avec 1 quelle idolâtrie il serait reçuL 11 Il ne craint même pas d'appeler ce fade auteur de livrets d'opêra le plus inimitable des poètes français et de le ranger parmi ceux qui s'expriment avec le plus de puretê et de grâce. On comprend bien alors la mauvaise humeur de tous ceux qui - comme notre abbé - représentaient le bon goût et défendaient la tradition. Ceux-là savaient que la vogue pour l'opéra nuisait à la

tragédie. Les deux genres étaient tr~p proches pour ne pas se heurter, et, comme l'a montré l'histoire, l'opéra a fini par triompher de la tragédie en vers.

60. RACINE, JEAN (1639-1699) ••• "il aura de la peine à faire mieux qu'" disait l'ingénieuse Narquise de sêvig né, 1111 n 1 y a plus d'histoire comme celle-là": elle se tr:Jmpa. Racine fit & cette pièce qui parut en 1691 est peut-être la plus belle ~ ragédie françoise que nous ayons. Tout y est noble, grand, sublime & digne de la majesté de notre Religion.Z Les cri tiques sont loin d'êt re tous d' accord

1. Volt aire, Oeuvres compl è t es, Ed. i1oland, T. XI V, p. 550. 2. Ladvocat, Dictionnaire hist orique, T. 11, pp. 593-7. 64

avec Ladvocat. Les Portraits littéraires de Sainte- Beuve contiennent un article sur Racine (1829) où l'on trouve une critique moins flatteuse de la célèbre tragédie biblique. Sainte-Beuve examine avec minutie les différents traits de moeurs empruntés dans Athalie aux traditions juives, et en compte peu qui soient exempts du défaut de mésinterprétation. Le temple, di t-il, bâti par Salomon "tout en marbre, en cèdre, revêtu de lœnes d'or, reluisant de chérubins et de 1 palmes •• ," ressemble trop par son architecture à un temple grec, et par ses habitants à une monstruo- sité. Ces mêmes habitants, sont également trop ascétiques et métaphysiques. "En sorl1."lle," conclut

Sainte-Beuve, "Athalie n'est pas si complète qu 1 on a bien voulu croire. Racine n'y a pas pénétré 2 l'essence même de la poésie hébrafque orientale." Ce texte date de la veille de la bataille d'Hernani, c'est à dire, de la période pendant laquelle Sainte-Beuve se consacrait entièrement à l'éloge du Romantisme. Mais, après son retour de Lausanne, il rompra ses liens avec Hugo e t, en 1844, ajoutera cette note à la dernière ligne citée plus

1. Sainte-Beuve, Portraits Littéraires, pp. 89 -90. 2. Ibid. 65

haut: "De la poésie, c'est possible, mais de la

relieion, certes, il y en avait pénétré l 1 essence.

J'aurais plus d 1 un point à modifier aujourd'hui dans mon jugement. "l

Concédons à Sainte-Beuve qu'Athalie est un mauvais tableau historique, et qu'il est préférable pour une tragédie de ne pas présenter des Hébreux parlant comme des contemporains de Sophocle ou des chrétiens du dix-septième siècle. Sainte-Beuve

conti nue d'avoir tort 1 car le but de la poésie est l'expression du beau et non la peinture exacte des moeurs. Quant à la valeur lyrique d'Athalie, l'auteur des Portraits commet une grâve erreur en soutenant que Racine n'avait point compris la poésie biblique; comme nt ce grand poèt e, doué d'un goût si sür pour l'antiquité, pouvait-il manquer de déceler la simpli- cité primitive qui établit tant de rapport s ent re la poésie des Hellènes et celle des Hébreux? Ladvocat est plus près de la vérité. Comme

lui, nous som~ es portés à admirer cett e t ragédie unique - tragédie écrite au milieu d'un siècle qui avait confiné l'orthodoxie littéra ire à l'imitation des modèles de l'antiquité grecque et lat ine. l'lais

1. Sainte-Beuve, Portraits Littéraires , p . 90 . 66

Ladvocat n 1 est pas le seul critique extasié devant

ce monument biblique, Jules Lemaître pousse 1 1 éloge plus loin encore:

11Si nous n 1 étions de si faibles chrétiens trop tard dans un monde trop vain, elle serait vrai­ ment pour nous ce que fut pour les athéniens l 1 0reste ou Oedipe à Colone. Athalie est unique chez nous. Athaffë est une sorte de miracle. 1

61. RACINE, LOUIS (1692-1763)

11 Il est 1 1 au+; eur de plus leurs ouvrages qui lui font honneur 112 di+; Ladvocat au sujet du fils cadet du grand Racine. Voltaire, au contraire, le définit comme un écrivain et un poète sans imagination et sans grâces. Tous deux mentionnent le poème sur La Religion (1742), lequel connut un succès durable et fut constarrunent réédité jusqu'au milieu du dix- neuvième siècle.

1 62. RAPIN, RENE (1621-1687)

Cet article dithyra~bique est pris textuellement

dans Xoreri; Ladv~cat a le seul méri~e d 1 aj~uter aux jugements de son prédécesseur quelques réflexions so®naires sur les ouvrages en prose de ce Jésuite-poète.

1. Lemaître, Jules, Jean Racine, p. 288. 2. Ladvocat, Dictionna1re historique, T. 11, p. 596. 67

1 63. REGNARD, JEAN-FRANÇOIS (1655-1709) "L'un des meilleurs poètes comiques après Molière" a dit excellemment Ladvocat. Voilà une phrase que tout critique parlant de ce poète comique devrait désormais dêvelopper. Ses vers rappellent un peu certains passages de Molière dans le Misanthrope ou dans l'Ecole des maris; en poêsie c'est de ce dernier, non de Boileau, que Regnard est véritablement le disciple. Sainte-Beuve remarque avec plus de nuances que Placé à côté de Molière, Regnard s'en distingue en ce qu'il rit avant tout pour rire. Dans Molière, au f ond du comique il y a un honnête homme qui n'est indifférent ni au bien ni au mal, ni au vice ni à ~ vertu; il y a même quelque peu un misanthrope: dans Regnard il n'y a que le bon vivant et l'homme de plaisir le plus désintéressé et le plus libre pour qui la vie n'est qu'un pur carnaval.2

64. ROUSSEAU, JEAN-BAPTISTE (1669-1741) Ladvocat dit da ns son art icle s ur Rousseau que cet écrivain est regardé, avec raison, comme le plus excellent des poètes lyriques: Les grandes vérités sont exprimées dans ses Odes avec une f orce, une nob lesse, & un~er g ie qui ne se trouve dans aucun autre de nos Poètes ••• Rousseau excelle

1. Ladvocat se t rompe de huit ans en donnant l' année 1647 comme ce lle de la naissance de Regnar d . 2. Sainte-Beuve, Ca useries du Lundi, T. VII , p . 13. 68

aussi dans ses Cantates, genre de poésie dont il est comme l'inventeur; on remarque dans toutes ses Oeuvres le génie & les 1 talens qui caractérisent les grands Poètes.

Il y a peu d'exemples en littérature d'une chute aussi retentissante que celle de Jean-Baptiste Rousseau. De son vivant et pendant quelques décades après sa mort, il a été reconnu, non seulement par Ladvocat mais par tout honnête homme, comme le prince des poètes. Ses Cantates et ses Odes ont presqu' égalé alors l'Art poétique de Boileau et les Fables

de La Fontaine; ses ennemis, - (ceux qui détestaient

1' homme), - n'ont pu s 1 empêcher de re co nnattre et d' adtlirer le poète. Voltaire, malgré sa brouille à mort avec Rousseau, écrit après la rencontre de 2 Bruxelles que cet écrivain "égala dans ses psawnes

l'onction et l'harmonie qu 1 on remarque dans les cantiques de Racine 113 et pense que l'auteur de tant de belles odes ne peut être banni à perpétuité du Temple du goO.t. Ladvocat reflète dans son article l'opinion générale, puisque, même après la publication de La Nouvelle Héloise, ce n'est pas Jean-Jacques, mais

1. Ladvocat, Dictionnaire historique,~. 11, p. 658. 2. Antoine de Latour dit dans la 11 Préface" des Oeuvres de J.B. Rousseau, p. XLIII, que c 1 est à Bruxelles que Rouas eau eut 1 1 oc casio n de voir Voltaire. "Le malheur de ces deux hommes faits pour s'entendre sous bien des rapports fO.t de s'être rencontrés. L'inimitié se forma •• " 3. Volt aire, Oeuvres complètes, Ed. i1oland, T. XIV, p. 551. 69

bien Jean-Baptiste, qu 1 on continue d•appeler "le grand Rousseau." Aujourd'hui, l•on rencontre l peine quelques strophes de ce poète dans les recueils de .fviorceaux choisis. Son oeuvre, étroitement liéeà son temps, est tombée dans l'oubli tout comme la Pucelle de Chapelain ou la Henriade de Voltaire.

Si Ladvocat s 1 est mépris sur la valeur littéraire des Odes et des cantiques de Rousseau, c'est sans doute par désir de doter son siècle d'un

grand poète; c 1 est aussi parce qu 1 il a une prédilec- tian pour les manieurs de lieux communs •••

65. SAINT-EVREMOl'TD, CF..ARLES DE Iv.iARGUE'!'EL DE SAINT-DENIS 1

SEIGNEUR DE (1616-1703) On a de lui un grand nombre d•Ouvr. dans lesquels on remarque beauc. d•esprit, un tour ingénieux, des pensées fines & une diction pure et hardie, surtout dans ce qu'il a écrit sur l e s Romains, sur les choses qui sont d'usage dans la vie ••• ~o~t le reste est de beauc. inférieur • ••• où il par1t toujours de l'esprit, un tour ingénieux, & une diction pure, hardie ••• 2 il s'exprime toujours avec esprit; son tour est in~énieux, sa diction pure, hardie •••

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 674 . 2. Ploreri, Grand Dictionnaire Historique, ~. VII , p. 26. 3. Niceron, .démoires .POUr s ervir à l'histoire des h ommes illustres, ~. VII, p. 188. 70

Il est clair que le début du j ~ g ement de

Ladvocat que nous venons de ci~er es~ pris soit dans Moreri soit dans Niceron. La suite cependant semble bien être la propriété de notre abbé. Ladvocat estime surtout "ce qu'il a é crit sur les Romains," et il pense, dans do ute, aux Réflexions sur les divers génies du peuple romain dans les différents temps de la République qui annoncent les Considérations de l'-'I ontesquieu. Sai nt e-Beuve trouve é galement que Saint-Evrem ond a pénétré le génie des Romains mais, esprit analytique, il ajoute que cet

écri vain a omis d 1 exprimer la granè.eur qu.i les caractérise. Pour ce faire il faut attendre

1'•1ontesquieu, dit-il, le créateur 11 d 1 tJ.n monument, tandis que Saint-Evremond n'a laissé qu'une ébauche 1 supérieu.re." Tout comme l'abbé, l'éminent critique du dix- neuvième siècl e const ate que cet esprit indépendant 112 excelle dans les "choa es qui sont d 1 usage dans la vie:

C1 est un sage aimable, un esprit de pr emière qualité pour l e bon sens, et qu.i sait entrer dans tout es les grâces. Son caract ère naturel est une supério- r~té ~isée; je ne saurai~ mie~x le . 3 defin1r qu 1 une s ort e de 1"lonta1. gne adouc1. .

1. Sa i nt e-Beuve, Causeries du Lundi, T. IV, p . 187. 2. Ibid. 3. Ibid., p . 170. 71

66. SCARRON, PAUL (1610-1660)

Ladvocat se contente d 1 ~ne remarque laconique et par trop générale: Scarron a bien réussi dans le 1 genre burlesque, dit-il. Voltaire creuse davantage: "Son Virgile travesti n'est pardonnable qu'à un bouffon ••• 112 Voltaire a une plumelégère et peu scrupuleuse. On le cite encore de nos jours non pas tellement parce que ses jugements sont justes, mais parce qu'ils sont aigus. Au sujet du Virgile travesti, il convient, cependant, de donner raison à Voltaire, car lorsqu'on parodie un chef-d'oeu.vre consacré on commet u.ne

espèce de profanation témoignant d 1 une certaine vu.lgarité d'esprit. Transposer les chants purs et

élevés de Virgile dans le t~n de la farce grotesque est sûrement de la bouffonnerie.

1 67. SCUDERY, GEORGE DE (1601-1667)

On a de lui un très gr. nombre d 1 0uvr. en vers et en prose qui ne sont pas estimés ••• C1 est cette prodigieuse facilité qui fit dire à Boileau dans sa 2e ,satyre: "Bienheureux Scudéry 1 d:mt la fertile plume, Peut tous les mois, sans peine, enfanter un volume. 11 3 Moreri semble bien avoir inspiré La dvocat pour

1. Ladvocat, Dictionnaire historique , T. 11, p. 708. 2. Voltaire, Oeuvres comp lètes 1 Ed. lvJ.oland, T. XIV, p. 136 . 3. Ladvocat, op. cit., p . 721. 72

la compositi::m de cet article, lorsqu'il dit: "Toute la facilit& que Scudéry avait de faire des vers, se réduit à une abondance stérile111 citant

les mêmes vers de la Deuxi~me Satire de Boileau. Au dix-neuvième siècle, Faguet a essayé de réhabiliter ce ro:nancier-poète. Il prétend que nous avons affaire à un écrivain aiL"nable, distingué, poète de premier ordre "peu original, mais ayant pourtant une certaine facilité qui n'est pas tout à fait une abondance stérile. 112 Si Scudéry, continue Faguet, habitué des grands salons, se fit sévèrement attaquer par Boileau, "c'est qu'il avait le précieux, la galant erie un peu affectée, et enfin le panache. 11 3

/ 68. SCUDERY, HADELEINE DE (1607-1701) Ladvocat trouve que les dix volumes des Conversations constituent ce que 1-'iademoiselle de scudéry écrivit de mieux. Il oublie, néanmoins, qu'elle avait surtout inauguré dans la littérature française, maladroitement, il est vrai, le roman psychologique. Personne ne décrivit miEux qu'elle

le monde précieux, ni cet amour à fleur d 1 fune qu'on appelait, au temps du Grand Cyrus et de Clélie,

1. Moreri, Grand Dictionnaire Historique, T. VII, pp. 200-1. 2. Faguet,Emite, Histoire de la langue française, ~. III, p. 350. 3. Ibid. 73

l'honnête amitié. L' amoLJ.r tel que décrit par i1adeleine Scudéry chemine à petits pas - curieux et flâneur. Ses héros prolongent le plus possible, par leur attention, leur enjouement et leur politesse, ce sentiment fragile et. capricieux, qui natt souvent d'un sourire et se me urt d'un bâillement. Il est vrai qu'on ne lit plus les livres de Mademoiselle de Scudéry, mais on la cite encore, car elle rappelle mieux qu'aucun de ses contemporains une

vogue littéraire, à une heure célèb~e. Cette géo- graphe du pays du Tendre observe le monde qui l'entoure et peint au passage ses amis, ses parents. "Elle fut sur nommée la Sapho de son siècle" dit 1 Ladvocat, tout comme son prédécesseur M:oreri, qui trouve cette comparaison très appropriée "puisqu'elle (Scudéry) égala celle de l'antiquité par la beauté de l'esprit, & qu'elle la surpassa par l a pureté des 2 moeurs."

69. SENAULT, JEAN FRANÇOIS (1601-1672) "L'un des plus grands prédicateurs de son temps"

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 722. 2. Moreri, Grand Dictionnaire Historique, T. VII, p. 201. 74

1 dit Ladvocat. hais Voltaire est plus près de la vérité en remarquant que ce religieux "fut à l'égard de Bourdaloue ce que Rotrou est pour 2 Corneille. u

1 1 70. SENECE, ANTOINE-BAUDERON DE (1643-1737) L'article est intéressant non tant pour les

jugements sur ce p~ète mineur, mais parce que Ladvocat, en citant Voltaire, nous donne sa version d•un fait très contesté: le lieu et l'année de publication du Siècle de Louis XIV. D'après notre

abbé, ce dernier ~uvrage aurait paru à nerlin en 1751.

1 1 71. SEVIGNE, ~illR IE DE RABUTIN-CHAN~AL, ~illRQUISE DE (1626-1696) Prendre place parmi les plus grands écrivains, sans jamais avoir écrit un livre, cela semble impossible, et c'est pourtant le cas de Nadarne de Sévigné. Son nom a atteint à l'immortalité grâce à ses lettres, qui sont, comme l'a bien remarqué

11 1 Ladvocat 1 des chefs-d oeuvre dans le genre épisto­ laire. "J

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, T. 11, p. 729. 2. Volt aire, Oeuvres complètes, Ed. M~land , T. XIV, pp. 136-7. J. Ladvocat, op. cit., p. 738. 75

Parmi les écrivains de ce dix-septième siècle, pompeux et baroque, la marquise - et assurément La Fontaine- sont les plus célèbres à user d'une certaine liberté à l'égard des conventions littéraires courantes et à écrire, comme dit notre abbé, avec "na:l!veté, enjouement, et délicatesse. 111 Tous deux représentent le côté fantaisiste et continuent en plein dix-septième siècle la tradition du franc- naturel gaulois; tous deux ont le culte du mot propre, "négligé" ou "noble," au besoin. De la conversation la plus familière, ils peuvent s'élever jusqu'à l'éloquence la plus pathétique. Ï:"ladame de Sévigné se rapproche de La Fontaine sur d'autres points également. Il en est un surtout que Ladvocat aurait pu noter: dans un siècle où le mot "nature" évoquait un jardin de Le Nôtre, Madame de Sévigné et La Fontaine furent les seuls à rêver l travers champs et bois, les seuls à ganter le charme

d 1 une nature qui ne füt point le cadre bien ordonné

d 1 un Versailles. Notre abbé qualifie le style de la marquise 112 de "aisé & négligé, sans se douter de 1' effort que cache cette apparente négligence. Si ses lettres sont devenues de nos jours pages d'anthologie, ce n'est que

1. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~. 11, p. 738. 2. Ibid., 76

mérité, car ce sont parfaitement des lettres d'auteur - méditées, calculées, destinées à la lecture publique ••• Diversité, rythme, aussi bien que composition et style prouvent que l'écrivain les a soigneusement travaillées (il n'y a que le travail pour effacer le travail). "Ses lettres," dit Daniel lvlornet, "ne sont pas des effusions jetées en hâte sur 1 e papier. Elle les travaille, elle les remanie souvent; elle sait qu 1 on les lira dans le cercle des Grignan - com...11e nous lisons aujourd 1 hui nos revues ••• C'est sa pensée, son imagination, son coeur, parés seulemenÏ pour le monde, et non pas en négligé. 11

72. VERGIZR, JACQUES (1655-1720) Sur cet écrivain, Ladvocat copie tJut au long les jugements de Voltaire, même s'il ne le cite qu'au

commencement de l'article: "Vergier, dit fil . 6e Voltaire, est à l'égard de La Fontaine, ce que Crunpistron est à Racine, imitateur faible mais naturel. 112

73. VILLIERS, PIERRE DE (1648-1728) On a. de lui un Recueil de Poésies, qui con+i ent L'Art de prêcher, le Poème de l 1 Amitiê & d 1 autres Pièces estimêes.:5

1. Nornet, Daniel, Histoire générale de la littérature française, p. 96 . 2. Ladvocat, Dictionnaire historique, ~. 11, pp. 910-1. 3 • Ib i d • , p • 9 25 • 77

Ladvocat est t:>ujours plus timide dans ses jugements que Voltaire. Il use de prudence ecclésiastique, sinon de charité chrétienne. Il évite de se compromettre, alors que Voltaire prend plaisir à être tranchant et ne craint. pas d'être injuste si son injustice se trad uit en une formule

frappante. Témoin s~m jugement sur Villiers: Ses stances sur la s:>litude sont. fort au-dessus de celles de Saint-hnant. qu' on avait tant vantées, mais ne sont pas encore tout. à fait dig nes d'un siècle si au-dessus de celui de Saint-Amant . 1 A la dé fense de Saint-Amant, disons que son

n :>m figure auj:>urd 1 h ui dans t otJ.t es les anthologies, tandis que celui de Villiers a disparu paraü les illustres oubliés. Ajout:> ns également que cet te hi érarchie de siècles est parfaitement arbitraire

et qu 1 en cer tains genres, l e s eizième ne l e cède en rien au Grand Siècle.

1 . Voltair e , Oeuvres c :>m.plètes , Ed . H::>land , T. XIV, p . ll.t.2 • 78

1 1 ~ LISTE D 1 "ECRIVAINS OUBLIES 11 DU GRAND SIECLE 1 ~-'<~! ':':lONNES PAR LADVOCAT DAJ.'JS SON DIC- 1 rJ1IO i·: KAIRE HIS ~ORIQUE POR'I'A11IF.

Boileau, Gilles (1631-1669) Boileau, Jacques (1635-1704) Billaut, Adam (?-1662)

Boisr~bert, François Le Metel de (1592-1662) Boursault, Edmé (1638-1701) Brueys, David-Augustin, abbé de (1640-1723) 3rumoy, Pierre (1688-1742) Cerisy, Germain Hebert de (?-1655) Chardin, Jean (1643-1713) Choisi, François-Timoléon de (1644-1724) Conti, Armand de Bourbon, prince de (1629-1709) Danchet, Ant aine ( 1671-1748) Ducerceau, Jean-Antoine (1670-1730) Dufresny, Charles rivière (1648-1724) Duquet, Jacques-Joseph (1649-1733) Ferrand, Antoine (?-1719) Fraguier, Claude (1666-1728) Gombault, Jean Ogier de (1576-1666) Grécourt, Jean-Baptiste Joseph Villard de (?-1743)

1. Nous avons décidé de ne faire que mention de ces écrivains, car leur oeuvre non plus que les jugements de Ladvocat n 1 ont f~urni matière à discussion. 79

Hesnault, Jean (?-1682)

La Fare, Charles -Auguste, marquis de ( 1641-~-1712) Labadie, Jean (1610-1674)

La Fosse, Ant~ine de (1658-1708) Lainet, Alexandre (1650-1710) La Loubière, SimJn de (1642-1729) Lambert, Anne-Thérèse de Earguenat: de Courcelles, marquise de, (1647-1733) Lamothe Le Vayer, Françoise de (1588-1672) La Rue, Charles de (1643-1725) Lebossu, René ( 1631-1680) Le Clerc, Jean {1657-1736)

Lefèvre, ~annegui (1615-1672) Longepierre, Hilaire-Bernard de (1658-1721) r1aintenon, Françoise d'Aubigné Scarron, marquise de ( 1635-1719) Martignac, Etienne Algai de (1628-1698) Maucroix, François de (1619-1708) Mézeray, François Eudes de (1610-1683) Montpensier, Anne-Marie-Louise d'Orléans (1627-1693)

M~ntreuil, Mathieu de (1621-1692) Nevers, Philippe-Julien Mazarin duc de (?-1707) Niceron, Jean-Pierre (1685-1738) Patin, Guy (1601-1672) Pavillon, Etienne (1632-1705)

Pellisson-Fontanier, Paul ( 162L~-1688) Porée, Charles (1675-1741) 80

Regnier Desmarets (1632-1713) Riche1et, César-Pierre (1631-1698) Sablière, Antoine, RambJui1let de La (?-1680) sacy, Louis-Isaac Le Maistre de (1613-1701)

Saint-Aulaire, François-J~sephe de Beaupoil (?-1742) Saint-Pavin, Denis Sanguin de (?-1670) Sanlecque, Louis (?-1714) Santeul, Jean-Baptiste (1630-1697) Segrais, Jean Regnault de (1625-1701) suze, Henriette de Coligny, c~mtesse de La (1618-1673) Tour, Henri de la (1611-1675) Valincourt, Jean Baptiste-Henri du Trousset de (1653-1730) Vavasseur, François (1605-1681) V0rgier, Jacques (1655-1720) Villedieu, Marie-Catherine Desjardins (1632-1683) Villiers, Pierre de (1648-1728) 81

CONCLUSION

L'intrJductlon au présent mémoire soulevait un certain nombre de questions sur le rôle et l'auto­ rité de Ladvocat comme critique et guide littéraire de son temps. Nous avons dêjl donné des réponses frag-

mentaires à la plupart de ces questions en dressant j l'inventaire. des écrivains de la période 1660-1715. Il nous faut maintenant faire la synthèse des info.rmati ons que nous avons recueillies en cours de route et aboutir l des réponses d'ensemble.

1. Ladvocat était-il bon guide?

Le lecteur a dO. remarquer que les jugeraents de l'abbé exposés dans les pages précédentes fourmillent d'erre urs de toutes sortes. Une première conclusion eénérale s'impose: Ladvocat porte aux nues des écrivains médiocres et méconnait de grands noms. Ainsi Barbier, Chaulieu, Guéret, La Iv.Ionnoye, Nénage, Rousseau et Senault prennent place parmi les plus il lus tres hommes de lettres du dix­ septième siècle, tandis que des écrivains de la taille de Lesage e t de Perrault sont relég ués au rang d'amateurs s ans originalité. Les articles cons acrés l un Boileau

ou à un Bossuet représ e ntent à peine l e tiers de ceux 82 consacrés à Benserade ou à l'obscur Hesnault. Ladvocat fausse encore la balance critique en passant sous silence une part impJrtante de l'oeuvre d'auteurs de premier ordre. Par exemple, (et co.mme nous 1 1 avons déjà mentiJnné), l 1 abbé évite de donner une appréciation critique du Dictionnaire historique er. critique de Bayle, et se contente de citer les dates des deux meilleures éditiJns; il passe également sous silence les Pensées de Pascal, les Contes de Perrault, les romans de Madeleine de scudéry ••• et, en règle générale, se refuse à analyser toute littérature amoureuse. En contre partie, le Dictionnaire historique sert de lieu d 1 asile à beaucoup trop d'écrivains obscurs. Bien que les noms de Petit de l a Croix, Mimeurs, Polignac, Bernard, Gacon et Godeau aient été rayés de l'inventaire, il reste quand même un nombre assez considérable d'auteurs de quatrième ordre pour que l'ouvrage fasse penser à ces nJces dont parle l' Evangile et où sont admis les aveugles, les borgnes et les boité ux. Enf in force nous est de cons+. ater que Ladvocat prête le flanc à deux reprJches justifiés: celui de plagiat et celui d'inexactit ude. Nous avons en effet signalé non seulement des phrases, mais des paragraphes ent iers empruntés à 1vloreri, Ni ceron ou Vol-1-:aire: il suffi t de se report e r a ux ar t icles s ur Rapin, George de Scudéry, Saint-Evremond ou Vergier. Quant aux dates, 83

qu'un dicti~nnaire doit touj~urs respecter, le lexico- graphe les traite avec désinvolture: il n 1 a pas consult~ les autorités en la matière, et les années J e naissance et de mort qu'il i mprime sont sujettes à vérification.

L'Ancien Ré 6ime n 1 avait pas d'Etat-Civil, sans doute, et les registres des paroisses n'étaient pas toujours tenus avec soin. Mais le bibliothécaire de la Sorbonne a-t-il le droit de se tromper sur la date de publication des ouvrages? HélasL il faut encore ajouter à nos reproches à Ladvocat: un style négligé et par trop mono t one; beaucoup de ses articles sont surchargés de mots inutiles (celui de Lam.ot te-Houdard en est un très bon exemple) et pourraient facilement être raccourcis sans

que 1 1 auteur à l'étude en souffre. Mais le principal défaut stylistique de Ladvocat est l'abus du superlatif dans des phrases toutes faites évoquant trop les pompes

de 1 1 éloge académlque. Ses articles conunencent souvent

par "le plus grand ••• 11 ou "le plus excelle nt ••• " La répétition f'réque nt e de ces expressions 1 rend la phrase languissante, monotone et imprécise. Ceci dit, à cBté de ses erreurs, le Dictionnaire historique est loin d'être sans mérites. Dans ses articles sur Racine, La Font aine, r-i ontesquieu,

1. Cf. les articles sur 1-laà.ame de La Fayette et sur Hass illon. 84

Madame de Sévigné, Quinault, Fontenelle ••• Ladvocat fait preuve d 1 un gr&nd talent d 1 analyste littéraire.

Peu de critiques du dix-huiti~~e si;cle ont saisi et ex~rimé avec autant d'indépendance que Ladvocat l'essentiel de l'oeuvre de ces écrivains.

2. Comment Ladvocat se compare-t-il aux critiques publiant en même teu1ps que lui, ainsi qu 1 avant et après?

Les pages du Dictionnaire historique portatif de Ladvocat traitant des écrivains du Grand Siècle sont parfois tirées soit de Moreri, soit de Voltaire et sont ainsi s uj ett es aux mêmes erreurs: génêralis at ions, dogmatisme ••• Les jugements de 1"ioreri s'avèrent: plus vagues; ceux de Voltaire, plus personnels. Conscient du rôle que doit jouer le critique dans la république des lettres, l 1 auteur du Siècle de Louis XIV a contribué, plus que ne 1 1 a t'ait Ladvocat - surtout par son style alerte - à éveiller la curiosité pour les écrivains français de la période classique. Notre abbé a plutôt joué un r3le de nomenclateur et d'historien; son ouvrage anticipe les grands dictionnaires de Larousse, Laffont.­ Bompiani etc. l'iais Ladvocat ne peut toutefois pas s'empêcher de jLJ.ger. Sol.ls le rèe;ne de Louis XIV, pour 1• abbé, comme pour presque tous ses contemporains, la France a atteint. à la perfection du goût et comme cette perfection 85

à laquelle aspiraient tous les écrivains du dix-septième siècle présentait divers aspects, Ladvocat s'emploie dans la mesu~e où son ouvrage le lui permet, à faire le tri de ceux dont le nom méritait de survivre. En co:nparant les jugements de Ladv;)cat avec ceux de ses suc ces se urs, nous nous s 01runes rendu compte que le principal défaut de sa critique est de reposer sur une conception statique du beau et d 1 ignorer l'évolution du goüt et des valeurs littéraires. On ne peut honnêtement blâmer Ladvocat de suivre, sur ce point, ses co nt emp or ai ns. S 1 étant fait un idéal de la perfection pour chaque genre, l'abbé jugera chaque aute :.:cr et chaque livre d'après cet idéal; il notera ce qui s 1 en rapproche: voilà le bon; ce qui s'en éloigne: voilà le mauvais. Etant d 1 Eglise, il demandera aussi aux écrivains d'élever notre fune, et fera ainsi de 1 l'intention morale un critère en matière d 1 art. Ainsi, les quelques fois qu'il lui arrive de juger, il ne fait que pré-juger. Il serait injuste de le lui repr;)cher: tous ceux qui ont pratiqué l'analyse littéraire au dix­ huiti~me et dix-neuvième siècles (à l'exception de Sainte-

Beuve), ont considéré le bon cri tique co.m:me 11 un gendarme" de la littérature. Nos censeurs d'aujourd'hui ont abandonné cette attitude, mais elle s'est imposée si

1. Cf. les articles sur Barreaux et sur Bayle. 86

longtemps que condamner Ladvocat sur ce point équivau­

drait à condamner toute 1 1 oeuvre critique des siècles passés. Ladvacat est d'ailleurs capable parfois de

curiosité impartiale; cependant, c 1 est moins par souci de sortir de son dogmatisme catée; orique et moralisateur, que pour reprendre, ainsi que nous l'avons signalé, son

r~le d'historien. Il s'applique alors à l'étude de l'écrivain et de son oeuvre avec une attention scrupuleuse et désintéressée, collectionant tous les renseignements susceptibles de servir à leur étude. Il se garde alors de porter une appréciation personnelle et présente les faits biographiques et hist:>riques en chroniqueur désintéressé et objectif. Ainsi, dans les articles où domine l'historien, il substitue à la plume légère et peu scrupuleuse de certains de ses contemporains, de ses devanciers ou de ses successeurs le souci de la précision et de la rigueur - qualités moins brillantes mais plus solides. Mais le r5le de nomenclateur a ses bons et ses mauvais côtés: il permet de dissimuler l'insuffisance de l'esprit critique, et l'abstention de jugement peut

s 1 interpréter couJIUe une "absence de ju.gement. 11 Dans

l'ensemble, Ladvocat donne l 1 impressi2n que certains des écrivains du siècle de Louis XIV, et justement les plus grands, le dépassent, et la prudence qu'il apporte à les critiquer ressemble fort à de l'incompétence ••• 87

3. Les accusations de partialité et de plagiat portées contre Ladvocat sont-elles bien ~ondées?

Si Ladvocat s'était plu à exalter les Jésuites et à "déprécier" les célèbres écrivains de Port-Royal, comrae 1 e pre'tj end B arra 1 e t son c 1 an Jansenl.s . ' . t, e, l 1.· 1 n'aurait pas exprimé si nettement son admiration de

Pascal, de Nicole, d 1 Arnaud, de Gomberville... Ses articles sur les illustres solitaires de Port-Royal sont même souvent mieux travaillés que les articles sur

• T' •t 2 cert a1.ns ~esul es. Cependant, pour notre part, ayant utilisé une édition du Dictionnaire historique parue huit ans après la première édition de 1752, nous è.ev:)ns nous abstenir de juger ce débat. Il se peut que Ladvocat ait revisé certains articles dans l'édition de 1760, et corrigé alors, co;:,.lille le prétendent Chaudon et Delandine, la partialité reprochée par Barral dont le dictionnaire 3 venait de paraître. Quant aux accusations de plagiat, nous so.mmes d'avis qu'elles touchent peu un compilateur dont la tâche est justement de rassembler des connaissances.

Dans le fonds corr~un, chacun prend son bien et quel

écrivain peut se vanter de n 1 av::>ir jamais emprunté?

1. C~. notre Introduction, page 7. 2. ëf. l'article sur le R.P. Bouhours . 3. C~. not re Introductl on, page 10. 88

Q.uérard, grand connaisseur en la matière, nous Bte tou~e illusion à ce sujet: Depuis le commencement du XVIe siècle, jusqu'à ce jour les plagiaires n'ont pas manqué en France; c 1 est Montaigne empruntant à Sénèque et Plutarque ••• C'est Corneille et Charron - surtout ce dernier qui ne fait difficulté de copier textuellement ses passages les plus magnifiques ••• La Aothe Le VaJer, Saint­ Evremond, ont emprunté quelques parties de.. . leur .. . . .parure ...... à. . leurs...... devanciers...... Le dix-huitième siècle n'est pas plus irréprochable de plasiat. Vol~aire s 1 est s~uvent plaint de plagiaires ••• mais il n'a point é~é à l'abri de pareille accusation. Dans Zadig ou la Destinée, plusieurs épisodes sont tirées presque mot k mot d'un original que ce grand copiste s 1 est bien gardé de faire connaitre.l

Cha ~; lb ers' Cyclopedia a donné 1' idée de l'Encyclopédie; mais cette dernière n 1 est point un pla0i at , puisque s~n modèle a donné l e branle à des développements immenses, que Diderot, dt Alembert et leu:t's collabora- teurs n'avaient pas prévus. Tout dictionnaire h istorique est, au f::md , un plagiat par ordre alphabétique, où +:oute partie positive - dates et faits - passe nécessairement du dernier en date à son successeur. La partie originale,- juc eme nts personne ls du compilateur s ur certains noms - est facultative, c 1 est à dir e , à la discrétion du r é - dacteur.

1. Quérard, J.N., Les super cheries littér aires dévoilées, Préface à la premièr e édition, pp. 74-5. Dans quelle mesure cette discrétion peut-elle s'exercer? Si l'ouvrage est destiné au grand public, comme dans le cas du Dictionnaire historique, la place qui lui revient est minime. Le public c8nsulte un dictionnaire pour y trouver des faits et des dates, aux­ quels ne s 1 a~tachent nuls droits d'auteur. Et s 1 il désire des jugements, il compte sur des jugements raisonnables, équilibrés, représent ant le consensus de l'opinion éclairée. Dans ces conditions force est au compilateur de s'inspirer des travaux .de ses devanciers: en faisant oeuvre trop personnelle, il manquerait à ses devoirs. A ceux-ci Ladvocat n'a pas manqué. Il a presque toujours fidèlement transmis le jugement concerté des doctes de son temps. Il l'a f ait selon la méthode acceptée., en r eproduisa.nt parfois mot à mot le jugeme nt d'autrui, parfois en le modifiant, en le nuançant, parfois en apportant sa peti~e contribution personnelle.

En mett a nt le ~oreri à l a portée de tous, il devait pècher par o~ission. Il n'en a pas moins rendu un service signalé à la diffusion des connaissances et contribué à entretenir, s i n on à r e nouveler, le prestige des "gra nds classiques." 90

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