Journal de la Société des américanistes

100-1 | 2014 tome 100, n° 1

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/jsa/13663 DOI : 10.4000/jsa.13663 ISSN : 1957-7842

Éditeur Société des américanistes

Édition imprimée Date de publication : 17 septembre 2014 ISSN : 0037-9174

Référence électronique Journal de la Société des américanistes, 100-1 | 2014, « tome 100, n° 1 » [En ligne], mis en ligne le 01 janvier 2016, consulté le 29 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/jsa/13663 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jsa.13663

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© Société des Américanistes 1

SOMMAIRE

Articles

Voir une chenille, dessiner un serpent à plumes. Une relecture analogique de l’hybridité et des êtres imaginaires en Mésoamérique préhispanique Dimitri Karadimas

Espaces, parcours cérémoniels et fabrication d’objets rituels dans la fête mexica d’ etzalcualiztli Elena Mazzetto

La représentation de la musique et de la danse dans les œuvres de Post et Wagner : une archéologie des musiques noires au Brésil Jean-Pierre Estival

El tejido del cosmos. Tiempo, espacio y arte de la hamaca entre los ette (chimila) Juan Camilo Niño Vargas

Esposos y amantes consanguíneos entre los tobas (qom) del Gran Chaco Florencia Tola

Ritual, teatro y performance en un culto al niño dios y al diablo. Las pastorelas de la región purépecha, Michoacán (México) Elizabeth Araiza

Notes de recherche

Siete años en la Sierra Gorda: exploraciones en la Plaza El Mirador de Tancama, Querétaro Daniel Juárez Cossío

Zoo-sociocosmología qom: seres humanos, animales y sus relaciones en el Gran Chaco Celeste Medrano

Nécrologies

Claude-François Baudez (1932-2013) Aurore Monod Becquelin et Pierre Becquelin

Jean-Pierre Berthe (1926-2014) Thomas Calvo

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Comptes rendus

PRESTA Ana María (ed.), Aportes multidisciplinarios al estudio de los colectivos étnicos surandinos. Reflexiones sobre Qaraqara-Charka tres años después Plural Editores/Instituto Francés de Estudios Andinos, La Paz, 2013 Pablo F. Sendón

GUITERAS MOMBIOLA Anna, De los llanos de Mojos a las cachuelas del Beni, 1842-1938 Instituto de Misionología/Editorial Itinerarios/Archivo y Biblioteca Nacionales de Bolivia, Cochabamba, 2012 Lorena I. Córdoba

ESCOBAR Ticio, La belleza de los otros: arte indígena del Paraguay Servilibro, Asunción, 2012 Rodrigo Montani

CANESSA Andrew, Intimate indigeneities. Race, sex, and history in the small spaces of Andean life Duke University Press, Durham/Londres, 2012 Óscar Muñoz Morán

PRAET Istvan, Animism and the question of life Routledge, New York/Abingdon-on-Thames, 2013 Perig Pitrou

CHAVE-DARTOEN Sophie, Cécile LEGUY et Denis MONNERIE (éds), Nomination et organisation sociale Armand Colin, Paris, 2012 Marie Chosson

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Articles

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Voir une chenille, dessiner un serpent à plumes. Une relecture analogique de l’hybridité et des êtres imaginaires en Mésoamérique préhispanique Seeing a caterpillar, drawing a feathered serpent. An analogical reinterpretation of hybridity and imaginary beings in pre-Columbian Mesoamerica Ver una oruga, dibujar una serpiente emplumada. Una relectura analógica de la hibridez y de los seres imaginarios en la Mesoamérica prehispánica

Dimitri Karadimas

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en décembre 2012, accepté pour publication en février 2014.

Les idées principales de ce texte ont été exposées en novembre 2009 dans le cadre de l’atelier « Chimères, images polarisées et rituels de transformation », coordonné par Guilhem Olivier et Johannes Neurath (GDRI : Anthropologie et histoire des arts, Musée du quai Branly). Nous voudrions remercier tout particulièrement les coordinateurs de cette journée pour la relecture de ce texte et exprimer ici notre gratitude aux évaluateurs du Journal de la Société des Américanistes pour les précieux conseils et compléments d’information qu’ils ont eu la générosité de nous communiquer.

1 Comme la plupart des aires culturelles à travers le monde, la Mésoamérique a développé, dans sa mythologie et dans son iconographie, des figures d’êtres imaginaires et d’hybrides, la plus connue étant celle du « serpent à plumes ». Ces figures ont été l’objet d’interprétations menées par différentes disciplines, dont

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l’anthropologie et l’archéologie, qui y voyaient des indices tangibles de « croyances » et de constitution de déités. Partageant ce trait culturel avec d’autres civilisations comme la Grèce classique, qui nous est en apparence plus familière, le statut de l’hybride n’est que rarement questionné en termes de ressemblance avec des êtres existant dans l’environnement.

2 L’hybridité, en effet, dans son sens le plus général, c’est-à-dire comme un mélange d’éléments non issus d’un même organisme mais une combinaison de parties de plusieurs espèces pour en former une nouvelle, pose la question des ontologies dans chaque système culturel donné. Parmi les hybrides, les êtres composites forment une catégorie particulière, le plus souvent objets de croyances ou, du moins, catalogués comme tels. Les êtres mythologiques font partie de cette catégorie. Soit ils sont composés d’une pluralité de parties distinctes n’appartenant pas à la même espèce, soit ils résultent d’une combinaison qui n’existe pas dans le monde réel, raison pour laquelle ils sont le plus souvent rangés sous l’appellation d’« êtres imaginaires ».

3 Au-delà de la saisie du vivant par les sens, la constitution des êtres composites repose avant tout sur les facultés de perception et de nomination. Nous avons déjà montré comment opérait l’esprit humain, toutes cultures confondues, pour former ces êtres (Karadimas 2010). Si, dans tous les systèmes de nomenclatures issus des langues humaines, les noms composés d’espèces réelles sont formés par l’agrégation des noms de deux objets ou espèces distinctes, il en va de même pour la création des êtres imaginaires.

4 Cette contribution se propose, en premier lieu, de décrire cette opération mentale pour esquisser ensuite une tentative d’application à des exemples mésoaméricains. Notre propos est le suivant : premièrement, reposer la question de la place des principes de perception dans la description des êtres qui peuplent l’environnement ; deuxièmement, nous interroger sur l’interaction entre description et figuration ; enfin, envisager la catégorie de croyance (plus particulièrement religieuse) à la lumière des principes ici dégagés.

Lire l’environnement

5 Sous leurs formes picturales ou narratives, les monstres et les êtres imaginaires sont, le plus souvent, le résultat d’une recombinaison graphique des saillances visuelles que chaque espèce, chose, voire item, produit sur un observateur humain dans une culture donnée. Ces « saillances » sont des éléments singuliers possédés par ces items, que les systèmes culturels ont maintenus nominalement pour les caractériser. Parler de « poisson-scie », c’est faire référence à la singularité de ce poisson d’avoir un rostre qui rappelle, pour notre culture, un outil. Il s’agit, avant tout, d’un processus mental, puis d’une inscription de la saillance perçue dans la langue. Appliquée à du matériau iconographique, cette faculté de reconnaissance ouvre des possibilités d’interprétations plus amples que d’autres méthodes, dans la mesure où tout élément perçu est susceptible de générer d’autres images mentales que sa simple identification en tant que taxon ou item. Dans cette perspective, il nous aurait été possible d’avoir recours à la tripartition panofskienne de l’analyse iconographique tant utilisée par l’histoire de l’art. Celle-ci postule trois étapes dans sa démarche : la description pré-iconographique – qui ne donnerait qu’un rendu des formes – ; la description iconographique – de reconnaissance des personnages et/ou des identités en général – ; et, enfin, le moment

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de l’interprétation iconologique, c’est-à-dire du résultat combiné des différents éléments dans un ensemble pictural donné (tableau, scène murale, etc.) pour en révéler le sens culturel. Le principal problème de cette approche tient au fait que la description des formes (le niveau pré-iconographique) est déjà, à tout le moins pour les sciences cognitives, un type d’interprétation puisque l’univers du perceptible est infiniment plus vaste que ce qui est identifié. Savoir si cette forme d’interprétation est culturellement déterminée reste un débat ouvert. Il demeure que percevoir, c’est déjà discriminer et, partant, interpréter : il n’existe, en quelque sorte, pas de perception « pure », si ce n’est médiatisée par les connaissances individuelles (elles-mêmes socialisées, c’est-à-dire incluses dans un processus culturel).

6 Il nous faut ainsi admettre que la description implique un certain regard. Ce que nous proposons est une tentative de reconstruction du regard que les Amérindiens de la Mésoamérique préhispanique portaient sur le monde par l’intermédiaire de leurs différentes expressions iconographiques. Si le sens de ces images créées à une époque révolue est rendu opaque par l’absence d’écrits ou d’exégèses explicites, sa saisie reste possible dans la mesure où les êtres qui y sont représentés forment, le plus souvent, des combinés visuels auxquels les modalités de nominations dans les langues naturelles de la région nous permettent d’avoir accès.

7 Ainsi, les processus de nomination des espèces font intervenir, en quelque culture que ce soit, des principes de hiérarchisation taxonomique. Le niveau qui nous occupe est celui de l’espèce et de son identification lorsqu’elle est désignée par un nom composé. Ce nom implique souvent un genre (ou taxon : « cheval », « serpent », « mouche », etc.) qui se voit associé à une caractéristique ou un trait particulier. Ce trait peut être soit une couleur (« mouche-verte »), soit un état (« chien d’arrêt »), soit une référence à un milieu ou à domaine sur – ou dans – lequel vit l’espèce (« araignée d’eau », « tigre du poirier » – qui n’est pas un félin...). Le plus souvent pourtant, il s’agit d’une caractéristique – les psychologues de la perception diraient une « saillance » – qui rappelle une autre forme possédée par ou appartenant à une autre espèce. Le nom de cette dernière se trouve ainsi associé au genre pour caractériser l’espèce. Dans une précédente contribution (Karadimas 2010), nous avions déjà pris l’exemple du poisson- chat pour montrer que les vibrisses étaient une singularité de cette espèce parmi la classe des poissons et que l’analogie formelle la plus approchante était à rechercher dans une autre espèce, le chat, qui possède des organes sensitifs analogues. La forme nominale finale « poisson-chat » est ainsi un raccourci, cristallisé dans les connaissances encyclopédiques d’une culture donnée, qui ne demande pas constamment d’être analysé par les locuteurs naturels d’une langue. Ce principe est valable dans toutes les langues et cultures.

8 Le domaine de la figuration est plus problématique. En effet, plusieurs possibilités s’offrent aux artistes des différents systèmes culturels. La solution la plus répandue est de figurer le plus fidèlement possible l’espèce en question. Pour le cas du poisson-chat, cela consiste à en faire un portrait naturaliste qui place cette espèce dans la situation d’être équivalente à une individualité. Une autre solution est de produire un être combiné qui reprend visuellement les composantes de son nom (issues, il faut le rappeler, de saillances perceptives). Pour le poisson-chat, c’est réaliser l’image d’un poisson avec une tête de chat. Cette solution lève l’ambigüité de la figuration d’une espèce traitée comme individualité (ou portrait naturaliste), puisqu’elle en appelle au système de dénomination des espèces plutôt qu’à leur image. L’image de l’hybride

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accorde plutôt une place à la connaissance encyclopédique en demandant au spectateur de déchiffrer la figuration, malgré le fait que l’être composite qui en résulte est en apparence fantastique pour nos traditions « naturalistes » (dans le sens que Descola 2005 donne à ce système ontologique). Cela tient au fait que notre tradition accorde à la figuration naturaliste une primauté (ethnocentrique ?) sur l’ensemble des autres modalités figuratives. Face à des images d’êtres composites, il faut donc commencer par évacuer la possibilité d’une figuration d’espèces réelles avant d’envisager de les considérer comme des portraits d’êtres surnaturels, mythologiques et/ou des figures religieuses. Or ce point mérite d’être tout particulièrement souligné pour la Mésoamérique qui a vu fleurir plusieurs systèmes d’écritures pictographiques, aussi bien celui, idéographique, des Aztèques que celui, logo-syllabique, des Mayas.

9 Ainsi, pour le cas de la figuration d’animaux à noms composés, il est possible de montrer qu’au moment du contact avec le monde hispanique et l’arrivée d’une écriture entièrement phonétique (celle des Mayas ne l’était que partiellement), la Mésoamérique n’en avait pas moins gardé, avec les lettrés aztèques, une forte composante analogiste dans son mode de figuration. Dans la Figure 1, tirée du Códice Florentino (1979), quatre espèces de poissons sont représentées par les composantes visuelles qui forment leurs noms en nahuatl : « poisson-hibou », « poisson-colibri », « poisson-papillon » et « poisson-jaguar ». Or, comme l’a signalé López Luján (1991, pp. 247-248) « l’artiste était plus soucieux d’illustrer le nom en nahuatl que de représenter les animaux tels qu’ils apparaissent ». La figuration « fonctionne » ici cognitivement à la façon d’un glyphe, ce que plusieurs auteurs ont déjà souligné. Ce qui n’a peut-être pas été suffisamment rappelé est l’implication équivalente et inverse de ce résultat figuratif : l’environnement et donc chacune des espèces naturelles qui le composent sont des objets susceptibles d’être « lus » ou, pour le moins, de subir une tentative de déchiffrement. Les phénomènes de la lecture et de l’écriture ne sont, de la sorte, qu’une variante de recréation humaine d’une forme rencontrée dans l’environnement et donc susceptible, comme sa forme naturelle, d’être « lue » (c’est-à- dire reconnue).

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FIG. 1 – Quatre poissons figurés par une combinaison des êtres entrant dans leurs noms composés Códice Florentino (1979, XI, folio 62v).

10 Chaque espèce est potentiellement détentrice d’une ou de plusieurs caractéristiques autres que celles qui marquent son genre : si toutes les mouches se ressemblent, seules quelques-unes sont de couleur vert métallique. Si tous les poissons possèdent, avec des degrés divers, un même aspect général, ce qui produit leur singularité renvoie mentalement l’observateur à un autre registre que celui du poisson. Ce « double possédé en image » 1 marque ainsi l’individualité de l’espèce dans une famille ou un genre, c’est-à-dire une opération analogue à celle qu’avait déjà soulignée Lévi-Strauss dans La Pensée sauvage (1963). « Lire » l’environnement implique ainsi d’en faire ressortir les formes significatives, c’est-à-dire de produire des énoncés « gestaltistes », à base d’icônes (dans le sens de la sémiologie de Peirce, à savoir un signe qui acquiert sa signification par ressemblance avec l’objet). Avant d’examiner quelques cas particuliers, il convient de souligner que toute génération d’images mentales n’a pas vocation à être inscrite dans une forme lexicalisée dont la plus commune serait le nom composé. Certaines analogies formelles peuvent être rendues dans d’autres situations, comme la figuration, sans que cela n’entraîne une forme nominale propre à la connaissance encyclopédique du système culturel donné.

11 Dans les actions rituelles enfin, une mise en situation de ces formes mentales peut déboucher sur une scénographie particulière, qui implique autant les animaux que les artéfacts issus des saillances perceptives. Par exemple, s’il fallait faire intervenir le personnage du « poisson-jaguar » dans une séquence rituelle donnée, le tableau scénographique qui en résulterait pourrait être celui d’un combiné entre une forme ichtyologique revêtue par un danseur, à laquelle des traits de jaguar – gueule dotée de crocs, ou tout autre saillance propre à ce félidé, avec une nette préférence pour la peau tachetée ou des vibrisses marquées – seraient adjoints. Pour un observateur extérieur, voire pour un spectateur de la culture donnée, le combiné rituel qui en résulte n’est pas

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accessible de premier abord. Il demande un déchiffrement similaire à celui produit lors de la perception analogique de l’environnement.

12 Dans les lignes qui suivent, on tentera d’analyser un être fantastique commun à la Mésoamérique, le « serpent à plumes », aussi nommé Quetzalcóatl, en accordant une préférence à une approche qui tient compte des modalités cognitives présentes dans la création d’êtres composites, notamment par la considération des facultés de reconnaissance et de description d’êtres réels. Une fois recombiné, l’ensemble des images issues de ces mécanismes perceptifs forme un être étrange, hybride, mais n’étant pas pour autant le résultat d’un arbitraire culturel.

13 Il nous faut, comme premier pas, faire un détour par l’analyse de deux motifs communs dans cette aire culturelle, celui du papillon et de sa combinaison avec le félin.

Des papillons en Mésoamérique indienne

14 Nous choisirons, dans un premier temps, de prendre en considération l’univers des lépidoptères et leur mode de figuration dans l’espace de la Mésoamérique, non pas par simple penchant « entomophile », mais parce que plusieurs cultures de cette aire, en particulier celle de Teotihuacan, leur ont accordé une place importante dans leur art. Si nous ne pouvons être catégoriques sur les motivations qui ont poussé des peuples de Mésoamérique à choisir les papillons, parmi l’ensemble des animaux présents dans leur environnement, pour évoquer une partie du destin post-mortem de leurs guerriers (surtout les Aztèques), il faut tout de même remarquer que le processus de métamorphose complète que subit la chenille pour prendre sa forme adulte a souvent été repris, comme dans la Grèce ancienne, pour signifier la vie post-mortem d’une des composantes de la personne humaine. Ainsi, les guerriers aztèques morts au combat accompagnaient le soleil sous la forme de papillons alors que leur dépouille corporelle restait sur un plan terrestre (cf. Ragot 2000) et nombre de déités mésoaméricaines possèdent une forme de lépidoptère dont l’origine se trouve certainement dans la culture de Teotihuacan : « The numerous ceramic objects in Teotihuacan-style found in southern Guatemala suggest that a militaristic butterfly deity was the predominant cult figure from the Teotihuacan pantheon that Teotihuacan warriors and merchants took aboard with them » (Berlo 1983, p. 95).

15 Nous utiliserons comme principale source bibliographique l’ouvrage de Beutelspacher Las mariposas entre los antiguos mexicanos (1988), qui passe en revue, de façon quasi exhaustive, aussi bien les écrits des premiers chroniqueurs espagnols que les formes graphiques qui sont données aux papillons sur les monuments, les artéfacts et dans les codex écrits par les Indiens. Nous avons aussi largement puisé dans l’immense stock de données présentées sur le site internet de la Foundation for the Advancement of Mesoamerican Studies (FAMSI) et, en particulier, le Catalogue of Zapotec effigy vessels de Sellen (cf. aussi Sellen 2007). Enfin, nous reprendrons plusieurs données publiées par Taube (2000) concernant l’iconographie des serpents fantastiques de la Mésoamérique.

16 Commençons par prendre en considération des formes attestées de noms composés. Certains papillons, comme ceux de la famille des Caligo ou des Automeris (cf. infra), possèdent des ocelles qui rappellent des yeux de chouettes. Dans la langue nahuatl, l’association avec la chouette se retrouve dans le nom du papillon Xochiautecolotl : « Xóchiautecolotl, según Simeón (1977), se compone de las siguientes raíces: xóchitl, flor, áhuatl

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, espina, y tecólotl, tecolote, búho, lechuza, pudiendo significar esta última palabra “que vive sobre los árboles” » (Beutelspacher 1988, p. 22).

17 Plutôt que de considérer que tecólotl (« hibou ») fait référence au fait de « vivre sur les arbres », comme le propose Beutelspacher, il est possible de pencher vers une interprétation de l’aspect du papillon : en combinaison avec les ailes antérieures, les ocelles qu’il porte sur les ailes postérieures évoquent, pour un observateur extérieur, l’image d’une face de chouette. C’est en effet en imitant les yeux d’un prédateur comme la chouette que les papillons font fuir les lézards ou d’autres oiseaux eux-mêmes victimes des chouettes : cette forme mimétique les fait, le plus souvent, nommer à partir d’un combiné du type « papillon-chouette ».

18 Dans la culture zapotèque, contemporaine de celle de Teotihuacan, les coiffes de certaines figures en terre cuite (Figure 2) montrent que cette thématique fut reprise dans l’iconographie. Y apparaissent autant l’oiseau de nuit – reconnaissable à son bec – que le papillon, suivant une imbrication respectant la disposition du motif au sein des ailes du lépidoptère : l’ensemble s’inscrit dans une coiffe de plumes qui couvrait la tête humaine des vases effigies.

FIG. 2a – Coiffe papillon à la face de chouette [culture zapotèque, Ejutla, Oaxaca, Buffalo Museum of Science, C 15997/Acc. 47151, A. Sellen sur site FAMSI].

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FIG. 2b – Papillon de nuit Automeris aux yeux de chouettes [©2006-2014 bugalirious-STOCK].

19 Il est possible d’interpréter cette modalité figurative zapotèque en reprenant la constatation de Berlo (voir supra) selon laquelle beaucoup des formes de lépidoptères rencontrées dans les expressions artistiques des différentes cultures mésoaméricaines eurent leur origine dans l’art de Teotihuacan, où elles étaient rendues, le plus souvent, de façon figurative.

20 Dans la Figure 3, les antennes, les yeux et la trompe sont rendus par des compositions de plumes. Les yeux du papillon sont marqués par des plumes concentriques, placées de part et d’autre de sa trompe ou proboscis. Celle-ci, également marquée par des plumes, occupe, sous sa forme enroulée ou en spirale, une place médiane. Les antennes partent de chaque côté et, courbées, se terminent par des plumeaux. Les deux paires d’ailes sont en position inversée, les antérieures au-dessus de la composition et la pointe des ailes postérieures visible entre les yeux et les antennes. Cette disposition est celle d’un papillon plongeant en vue dorsale.

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FIG. 3 – Coiffe de la partie supérieure d’un couvercle d’encensoir de style teotihuacan [Museo chileno de arte precolombino n° 0111, Santiago, Chili].

21 Franco (1955) a montré que les principes de composition formelle des lépidoptères à Teotihuacan sont analogues à ceux rencontrés dans d’autres iconographies mésoaméricaines. Parmi les espèces retenues, plusieurs appartiennent à la famille des Papilio. C’est en particulier le cas des variétés de multicaudatus, également connues comme « porte-queues » en français, en raison de la particularité du dessin de leurs ailes postérieures qui portent plusieurs échancrures et excroissances (les « queues » présentes dans le nom composé). Pour les Aztèques, cette caractéristique permettait de les associer au feu, par l’analogie qu’entretiennent ces excroissances avec l’image des flammes et flammèches d’un brasier.

22 Dans les compositions de la culture zapotèque, il semble que, lorsque la combinaison doit rendre compte de l’espèce « papillon-chouette », elle y intègre les ocelles en forme d’œil de rapace, tout en ajoutant un bec ouvert à la place qu’occuperait cet organe au sein d’une tête de hibou. L’ensemble nous apparaît quelque peu étrange, mais ne fait que reprendre les images mentales que la perception de l’espèce-source a produites. Dans les figurines en terre cuite, l’être qui porte cette coiffe se revêt ainsi des images d’un « papillon-chouette » et/ou d’un « papillon-rapace ». En effet, tous les ocelles portés sur les ailes de papillons ne renvoient pas à la seule famille des Strigidés (chouettes et hiboux). Certains peuvent être associés aux yeux d’autres volatiles, soit à ceux des oiseaux de proie en général, soit à ceux d’espèces moins facilement reconnaissables comme les chauves-souris, voire, dans certaines variétés d’Automeris, à ceux des félins (comme le puma, mais il s’agit là d’une autre discussion). Dans les compositions issues de la culture de Teotihuacan, par exemple, même si les couleurs des plumes renvoient en partie à l’oiseau quetzal, c’est aussi aux yeux et au regard de l’oiseau de proie nocturne que les ocelles ont été associés, pour réaliser un combiné imagé du « papillon à face de chouette » ou « papillon aux yeux de chouette » (cf. Figure 4). Sur ces compositions, en effet, le bec de l’oiseau est celui d’un rapace nocturne et non celui d’un quetzal 2. Il faudrait ainsi considérer ces compositions comme une mise en image d’une saillance perceptive (qui se manifeste, ou non, dans un nom composé, comme dans la langue nahuatl).

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FIG. 4 – Applique en forme de papillon à la face d’oiseau de nuit ou de rapace provenant d’un encensoir-théâtre teotihuacan [Instituto Nacional de Antropología e Historia/Museo Nacional de Antropología, Mexico, 10-80439 ; dessin N. Latsanopoulos].

23 La combinaison « oiseau-papillon » n’est donc pas issue d’une association arbitraire. Elle n’est pas non plus le fruit d’une volonté d’exprimer, par leur combinaison en une forme hybride, un condensé de deux espaces ou de deux milieux distincts, voire de la relation prédateur/proie qui pourrait être postulée entre, d’un côté, le papillon et, de l’autre, le petit rapace ou l’oiseau nocturne (ce type d’association, déjà présenté par Séjourné pour la culture de Teotihuacan, s’est maintenu ensuite dans plusieurs interprétations iconographiques concernant la Mésoamérique précolombienne ; cf. Séjourné 1962, p. 23). Il est plus probable que les artistes zapotèques et de Teotihuacan aient voulu rendre compte de la perception analogique qu’il est possible d’avoir du papillon Automeris et du motif inscrit dans ses ailes. Le fait de savoir quelle fin étaient censées posséder ces coiffes pour la personne qui les portait et de connaître la fonction des figurines dans le système culturel donné est un débat que nous ne mènerons pas ici. Le point qu’il nous faut souligner est que la figure de l’hybride (animal ou composition- cible) résulte d’une perception qui donne sens à certains motifs présents sur l’espèce source. Restons dans cette tradition pour voir si une autre variation ne pourrait pas être trouvée dans ce même registre, et pour montrer que c’est bien cette hypothèse qui prime sur les autres.

24 Au même titre que certains papillons portent des motifs ocellés qui renvoient à des faces de chouettes, d’autres espèces exploitent une ressemblance avec des faces de félins, voire imitent les tâches blanches présentes sur l’arrière de leurs oreilles. Or c’est précisément ce deuxième type de composition qui se trouve combiné à la structure d’un papillon pour servir de motif de coiffes sur certaines poteries zapotèques. Dans cet art, la combinaison des deux êtres suit celle inscrite dans l’espèce naturelle, rendant

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ainsi visible une perception qu’en ont eue les Indiens de cette époque, à l’identique de la nôtre (Figure 5).

FIG. 5a – Coiffe papillon à face de jaguar [poterie zapotèque, provenance inconnue, Princeton Art Museum, Princeton, New Jersey, A. Sellen sur site FAMSI].

FIG. 5b – Variété d’Automeris aux ocelles en forme d’yeux de félins (c’est-à-dire aux pupilles longitudinales) [dessin de l’auteur D. K].

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25 Sur la Figure 6, nous avons associé le papillon porte-queue (Papilio sp.) et les motifs de face de félins. Sur la surface des ailes antérieures apparaissent des taches et des marbrures qui imitent la forme des yeux de félins, le reste des motifs évoquant celle des oreilles. Sur l’espèce naturelle, l’effet mimétique procède par mise à plat, puisqu’il s’agit d’une image qui est renvoyée, à la manière d’une surface de miroir. Dans ce motif, les papillons font coïncider 3 leur tête et leurs deux yeux avec le nez ou truffe du félin. Au même titre que, sur les « papillons-chouettes », l’abdomen évoque le bec des rapaces nocturnes, les « papillons-jaguars » font se chevaucher leur corps, thorax et abdomen, avec une gueule ouverte de félin dans laquelle se trouve une langue qui pend. L’imitation est poussée jusqu’à faire coïncider les nervures des ailes postérieures du papillon avec les vibrisses du félin. Cette façon d’imiter une tête de petit félin, ocelot ou margay, fait que le papillon dans son entier correspond à une tête de félidé. On voit donc que les combinaisons jaguar/papillon et rapace/papillon présentes dans l’art mésoaméricain résultent d’une perception qui, suivant que l’une ou l’autre des espèces est prise en compte, produit à la fois un être réel et l’image d’une autre espèce.

Fig. 6 – Superposition d’un papillon porte-queue Papilio sp. sur la face d’un chat afin de souligner le « masque » de félin présent en tant que motif cryptique sur les ailes du lépidoptère [d’après : http://www.petuniversity.com/cats/grooming/teeth-brushing.htm et http://etc.usf.edu/ clipart/52300/52302/52302_swallow_tail.htm].

26 Dans la culture de Teotihuacan, l’utilisation du motif ne suit pas entièrement les mêmes règles (bien que Latsanopoulos nous ait indiqué une configuration analogue dans cet art 4), puisque le motif mimétique n’est pas traité en relief, comme dans le cas zapotèque, mais « à plat » dans une peinture murale. En revanche, les artistes teotihuacan rendent cette même combinaison en la figurant telle qu’elle apparaît sur les papillons. En d’autres termes, même s’ils gardent le motif « à plat », ils reconnaissent les images qui font référence aux félins que laissent apparaître les processus mimétiques sur les ailes des papillons.

27 Cet ensemble de constatations devrait être pris en compte dans la répartition « guerriers-aigles », « guerriers-jaguars » comme ordres militaires dans la culture aztèque, voire maya, et leur association avec les destins post-mortem sous forme de papillon et d’oiseaux accompagnant le Soleil (cf. Ragot 2000, pp. 172-176). C’est surtout par l’intermédiaire de leur inscription comme motif dans une coiffe que cette thématique apparaît clairement. Pour la compréhension du cas teotihuacan et de la place occupée par la thématique du papillon, il faudrait passer par l’étude des trois

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autres formes qui lui sont associées, le jaguar réticulé, le serpent à plumes et la conque emplumée. Nous n’aborderons ici que les deux premières formes.

Le félin à la coiffe et le jaguar réticulé dans l’art teotihuacan

28 Le félin à la coiffe, ou félin divinisé, est présent, avec le coyote à la coiffe, sur les peintures murales de plusieurs édifices du site de Teotihuacan. La combinaison du félin entier, avec la coiffe qui recouvre sa tête, semble être un indicateur du caractère divin qui lui est accordé. Son corps est également intégralement rehaussé de plumes à la périphérie et d’entrelacements de cordes (recensés dans le Conjunto del Sol, portiques 3 et 13 et le Conjunto de los Jaguares, portique 10 et pièce 10 ; en posture anthropomorphe à Tetitla, pièce et corridor 12 et à Atetelco, Patio Norte, portique 2). Notons dès maintenant que cet entrelacement de fils est une thématique qui peut appartenir à d’autres êtres qui produisent des fils de soie, comme les araignées ou les chenilles lorsqu’elles tissent un cocon. Ce félin réticulé possède une coiffe caractéristique qui le relie aux personnages anthropomorphes de la statuaire teotihuacan. Sa langue bifide est un autre caractère de son anatomie qui apparaît sur différentes représentations qui associent la plumasserie des coiffes à une tête de jaguar de laquelle pend une langue ophidienne (Figure 7). À l’intérieur de sa gueule, apparaît parfois la tête d’un personnage qui a été interprété comme celui de Quetzalcóatl (Séjourné 1962, p. 129, fig. 153).

FIG. 7 – Félin réticulé à la coiffe, rehaussé de plumes et laissant apparaître une langue bifide (Atetelco) [dessin N. Latsanopoulos].

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29 Associée à deux autres animaux – l’oiseau, par la plume, et le jaguar, par la gueule et les pattes griffues –, cette langue bifide de serpent représente, pour Séjourné, le troisième élément, chtonien, qu’il faut associer à l’air et à la terre. L’animal composite deviendrait, de la sorte, une concaténation de ces trois espaces en un hybride emblématique (ibid., p. 128). Avant de maintenir cette hypothèse, il est nécessaire de constater que cette modalité d’association reprend certains traits déjà présents dans les figurations des papillons dans l’art de Teotihuacan. Si jaguar et plumes sont associés, c’est que celles-ci sont données en tant que forme générale du papillon et celui-là en tant que motif. Reste le problème de la langue bifide qui ne cadre pas avec l’ensemble de ces compositions. Ainsi, sur la série d’appliques ou d’éléments en forme de papillon que l’on voit sur les encensoirs ou sur des sceaux de cette tradition, le bas des abdomens des lépidoptères est traité de façon à faire apparaître deux éléments divergents, qui prennent la forme d’une sorte d’ancre marine arrondie. Or cet élément iconographique a été reconnu par Beutelspacher comme reprenant une caractéristique anatomique de l’appareil reproducteur des mâles de papillons : les valves se trouvent placées à l’extrémité inférieure de l’abdomen et s’ouvrent en une structure symétrique bifoliée. Les artistes teotihuacan ont ainsi rendu un élément visible de l’anatomie des lépidoptères sous les traits d’une « langue » bifide (Figure 8).

FIG. 8 – Appliques de Teotihuacan en forme de papillon laissant apparaître l’appareil reproducteur mâle présent à l’extrémité inférieure de l’abdomen qui sera repris en tant que langue bifide dans les compositions mêlant papillon et motif de face de jaguar [d’après Van Dinter 2006, p. 187].

30 Une fois placée en association avec le motif de la gueule ouverte d’un félin donné par les dessins des ailes du papillon, cette extrémité bilobée de l’abdomen évoque, chez un observateur extérieur, l’image d’une langue bifide. Cette langue ne peut être celle d’un jaguar, ni d’un félidé, ni d’ailleurs d’un quelconque mammifère, la langue des mammifères n’apparaissant jamais sous cette forme, contrairement à certains reptiliens, notamment les serpents. En réalité, c’est donc l’image générale d’un papillon qui peut être retranscrite comme « tête de félin à langue de serpent ».

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31 Encore une fois, la combinaison coiffe-papillon/tête de jaguar à langue de serpent n’est que le résultat d’une description, en des termes imagés, d’un ensemble de caractéristiques présentes sur un seul être, le papillon. Leur réunion dans l’art de Teotihuacan n’est donc pas le résultat d’une volonté culturelle de présenter les trois règnes réunis au sein d’un seul être hybride par l’intermédiaire de leurs représentants emblématiques, mais plutôt celui d’une description d’une forme existante, certes énigmatique, mais non moins perceptible matériellement. Toutefois, ce constat n’épuise pas la figure du jaguar réticulé sur laquelle nous reviendrons dans une autre contribution.

32 La même analyse doit maintenant être menée pour le serpent à plumes, une des figures composites majeures du répertoire iconographique de Teotihuacan.

Les « serpents à plumes » et les « serpents de feu »

33 Les dénominations « serpent à plumes » et « serpent de feu » viennent, d’un côté, de la désignation d’une figure centrale de la religion de Teotihuacan, Quetzalcóatl et, de l’autre, d’une figure importante de la pensée aztèque, les Xiuhcóatl. Littéralement toutefois, « Quetzalcóatl » signifie serpent (coatl)/oiseau quetzal (quetzal). La polysémie des termes recouvre plusieurs possibilités, mais le fait d’avoir opté pour la désignation de « serpent à plumes » est a priori essentiellement dû à la forme donnée à cette entité dans l’iconographie. Comme nous l’avons vu avec les poissons plus haut, en Mésoamérique le passage par l’iconographie implique de prendre en considération plusieurs facettes des modalités de la figuration. Ainsi, un « poisson-colibri », même s’il est figuré avec un bec de colibri, n’est pas un être imaginaire mi-poisson, mi-colibri : il est juste un poisson dont le « bec » (la bouche), rappelle, par sa forme, celle de l’oiseau- mouche. Bien que sa figuration semble naturaliste, elle n’est qu’une mise en image et se rapproche d’un logogramme ou d’un « icônogramme ».

34 Linguistiquement parlant, le terme « Quetzalcóatl » est construit de façon analogue aux termes désignant les poissons (totomichin, etc.). Il faudrait donc, en premier lieu, s’interroger sur l’existence d’un être qui puisse être désigné par les images qu’il renvoie, avant d’entériner la nature imaginaire et monstrueuse qu’il adopte dans l’iconographie. De fait, le terme de coatl peut être utilisé pour désigner d’autres classes d’êtres que des reptiles. Ainsi, les vers intestinaux tzoncoatl 5 ne sont pas des serpents au sens strict du terme, même s’ils en possèdent en gros la forme, raison pour laquelle ils peuvent être désignés de la sorte. Sahagún (1950-1981) 6 fait même remarquer qu’en nahuatl classique, le chemin pouvait se dire coatl, un substantif, comme nous utiliserions le terme de « serpent » en tant que prédicat pour dire d’un sentier qu’il « serpente » entre les collines ou dans les bois. C’est bien l’analogie formelle qui permet cette désignation, bien qu’il nous soit moins familier d’utiliser une forme substantivée pour exprimer la même idée, puisqu’une phrase comme celle-ci : « il faut emprunter ce serpent pour parcourir les collines » ne convient pas en français, sauf peut-être sous l’angle de la licence poétique. Il est donc licite, en nahuatl pour le moins, d’aller chercher le terme qui signifie un être ou une chose pour désigner une partie d’un tout qui en possèderait la forme. Le terme coatl sert ainsi à nommer, en plus des serpents, ce qui a la forme d’un serpent, et non exclusivement les ophidiens.

35 Plusieurs chenilles de différentes espèces de papillons porte-queue – de la même famille que ceux que l’art teotihuacan a choisi de représenter à profusion sur ses

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encensoirs – ont une forme mimétique propre qui les fait gonfler et redresser leur thorax lorsqu’elles se sentent menacées et ressembler à des serpents, cela afin d’éloigner les prédateurs. Ces formes mimétiques laissent apparaître de faux yeux sur les segments du thorax de la chenille et ce processus a même produit un organe invaginé au dessus de la tête – évaginé lorsqu’il est apparent – qu’aucune autre famille de papillon ne possède, l’osmeterium, à l’odeur nauséabonde pour les prédateurs et qui, avec l’aspect général de serpent, en vient à former très exactement l’image de la langue bifide d’un ophidien (Figure 9). Ainsi, Beutelspacher transcrit les informations suivantes d’après la chronique de Fernández de Oviedo y Valdés écrite au XVIe siècle 7 : « Se encuentra entre los mechoacanes otra especie de gusano llamado en su lengua Itzugua y Sipantipe, con dos cuernecillos rojos con que tantea su camino ; su figura es monstruosa y su cuerpo de color negro y pardo. Quise agregarlo a los demás, porque huele exactamente igual que los melones (C. X) » (Fernández de Oviedo y Valdés in Beutelspacher 1988, p. 22). Beutelspacher précise qu’il s’agit sans aucun doute des chenilles de la famille Papilionidae et ajoute qu’il ne comprend pas le sens des deux termes purépecha. Placée en haut de la tête de la chenille et rétractile, la « langue de serpent » forme une sorte de corne unique qui se divise en deux à son apex.

FIG. 9 – Chenille de Papilio multicaudatus à la forme mimétique d’un serpent avec une structure évaginée orange formant l’image d’une langue de serpent [cliché de l’auteur D. K.].

36 Ce type de chenilles peut recevoir l’appellation du serpent puisqu’il en a l’aspect, comme le souligne Beutelspacher. Parmi certains noms de chenilles, Molina indique, dans son vocabulaire nahuatl de [1571] 1966 : « Ocuilin cuacuae, gusano con cuernecillos. También dice mazacouatl ». « Y probablemente se refiere, por los cuernecillos, al osmaterium », ajoute Beutelspacher (1988, p. 21). En nahuatl, cuacuahuitl désigne les cornes et les antennes des insectes, alors que le terme général pour les chenilles et certains vers est ocuilin : ocuilin cuacuae est donc une désignation littérale d’une « chenille à cornes ». Le second terme, maza-coatl, fait référence à ce que cette même chenille évoque : coatl est alors utilisé pour désigner son aspect, celui du serpent, alors que ses « cornes » sont

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rendues par l’apocope d’un terme, mazatl, qui désigne le cerf, ce qui en fait, sous cet aspect, un « serpent-cerf ». En ce sens, l’osmeterium forme, pour les locuteurs nahuatl, une « corne » de la chenille, bien que son aspect soit celui d’une langue de serpent (transcrit par le terme de coatl, lequel s’explique aussi par l’allure générale de la larve). Selon Sahagún (1950-1981, XI, p. 166), mazacoatl sert aussi à désigner trois serpents, parmi lesquels un de la famille des crotalidés, Crotalus cerastes, ou « crotale à cornes ». Les rapprochements qui ont, jusqu’ici, été faits de la présence de « cornes » dans les images des serpents monstrueux, comme ceux de Teotihuacan ou des Aztèques, renvoient à ces espèces de serpents, mais laissent de côté la référence à la chenille. La présence de la structure vibrante du bruiteur du crotale dans les iconographies explique certainement la reconnaissance des crotales, mais laisse de côté l’association possible avec la chenille qui, à notre avis, ne devrait pas être évacuée aussi rapidement 8.

37 Le terme de coatl intervient également dans le nom qui sert à désigner une autre chenille : « Según Robelo, llamaron coguapochi (de cohuapochin, de cóatl, culebra, y pochin, apócope de pochinque, cardado, “culebra cardada”) a una especie de gusano del grueso de un dedo, cuya picadura es peligrosa. Los pelos blancos que cubren su cuerpo parecen algodón cardado, de donde vino el nombre » : il s’agirait, selon Beutelspacher (1988, p. 21), des chenilles velues des Mégalopyges 9. Le terme coatl serait cette fois-ci employé en raison de l’aspect urticant des poils de la chenille puisque leur contact est comparable à l’injection d’un venin, autrement dit, le danger que l’animal représente le ferait classer, par métonymie, comme un serpent. Coatl pourrait ainsi servir à désigner des chenilles sous les deux modalités de l’aspect et du comportement du serpent ou de l’effet induit par sa morsure.

38 Étant donnée l’importance centrale des papillons dans l’univers des représentations mésoaméricaines, les données présentées ci-dessus devraient permettre de repenser ces figures centrales que sont les serpents à plumes et les Xiuhcóatl. À la suite de Darlington qui, en 1931, proposa que les « serpents de feu » auraient eu pour origine une retranscription imagée de la chenille, Taube propose une interprétation analogue pour les Xiuhcóatl lorsqu’il affirme : « It will be subsequently noted that like the War Serpent, the Xiuhcóatl also represents a caterpillarlike being » (2000, p. 285), et l’on se réfèrera à la comparaison qu’il fait entre les iconographies mexicaines représentant des chenilles et celles de Xiuhcóatl (ibid., fig. 10.12), puisque, selon lui, « […] along with their long, tubular bodies, caterpillars also possess legs, which are particularly developed in the frontal thoracic region, recalling the prominent forem-limbs of many Teotihuacan War Serpents » (ibid). Taube, pourtant, ne note pas que c’est une qualité possédée par la chenille même, son aspect extérieur issu de sa faculté mimétique, qui fait de l’un – l’aspect serpent – le déguisement de l’autre – la chenille. Enfin et surtout, il ne fait pas cette association entre chenille et Quetzalcóatl dans sa publication de 2002, puisqu’il considère que, contrairement aux autres serpents fantastiques, l’aspect de ce dernier emprunte directement sa forme à celle des serpents. Nous pensons au contraire qu’il est possible de montrer que les serpents à plumes de quetzal sont également une transcription imagée d’une famille de chenille.

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Les serpents fantastiques comme images de la chenille

39 L’aspect général des chenilles en forme de serpent devient ainsi problématique au regard de l’iconographie mésoaméricaine. En effet, si deux êtres apparaissent imbriqués l’un dans l’autre et, bien que l’un des deux ne soit qu’une image, cette combinaison pose un problème de définition des êtres à un système de pensée comme le nahualisme qui considère que l’aspect (ou la physicalité, pour reprendre une distinction descolienne) est tout aussi important que l’être (ou l’intériorité). Renvoyer l’aspect d’un serpent, c’est l’être en partie. Dans le sens de double, le nahualli de cette chenille pourrait ainsi être le serpent ; il en est le « déguisement ». Le point qui nous importe, dans un premier temps, est qu’un élément unique de l’anatomie d’un être puisse, en nahuatl, recevoir plusieurs termes pour le désigner. Dans un second temps, il faut souligner que le registre dans lequel sont puisés ces termes relève le plus souvent de la simple description, mais aussi tient à l’image que cet être renvoie, au même titre que le font les différents « poissons-papillon » et « poissons-jaguar » du Códice Florentino (cf. Figure 1).

40 Revenons à la description d’une chenille de la famille des Papilio suivant deux registres, celui de sa qualité de chenille et celui de sa modalité mimétique (« serpent »). La combinaison de ces deux registres au sein d’un être unique fait que chacune des images mimétiques portée par la chenille peut être combinée à la place qu’elle occupe au sein de l’être réel et former, de la sorte, un être hybride. Ainsi, la tête de la chenille prend la place du museau ou du « nez » du serpent tout en étant à l’intérieur de sa « gueule », alors que les mandibules jouent le rôle des crochets ou dents de devant du « serpent » (cf. Figure 10 et I haut dans le cahier en couleurs et Figure 11). Dans la Figure 11a, on voit que les yeux des serpents de feu sont une retranscription imagée des faux yeux, ou ocelles, que la chenille porte en tant que livrée mimétique sur son thorax. Ensuite, la division de la tête de la chenille en deux parties circulaires les fait apparaître chacune comme un œil pour la chenille. De fait, les « cornes » enroulées, que forme l’osmeterium, lequel, nous l’avons vu, renvoie à l’image de la langue du serpent, se trouvent placées en haut de ces « yeux ». Cette correspondance est ainsi à même d’expliquer la présence de « cornes », enroulées de surcroît, dans la continuité des « yeux » des serpents monstrueux dans les images de Teotihuacan, comme celles du serpent à plumes. Enfin, chaque tête de chenille possède six vrais yeux, des stemmates ou œil simple des formes larvaires des insectes : ensemble, ils forment un amas ou suivent le tracé d’une sorte de point d’interrogation (cf. Figures 11b et c). Lorsqu’est considérée l’image mimétique de la chenille, ces stemmates sont placés au bout du museau du « serpent » et constituent la corne enroulée ornée d’yeux des serpents de feu (cf. Figure 11a). Les trois paires de vraies pattes de la chenille forment, quant à elles, l’image des dents arrière du serpent, alors que le reste de son corps est divisé en segments.

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FIG. 10 – Description des parties constitutives des chenilles de Papilio sp. suivant deux registres : celui de son anatomie et celui de son aspect mimétique de serpent [photocomposition de l’auteur, D. K.].

41 Cet ensemble de caractéristiques est partagé par les Xiuhcóatl, ou « serpents de turquoise » présents sur la pierre du calendrier solaire où les deux entités solaire et terrestre – Tonatiuh et Xiuhtecutli « dieu de turquoise » – apparaissent dans la gueule des deux « serpents de feu » (Figure 11a). Chacun est doté d’une corne recourbée qui part du museau et sur laquelle apparaissent sept yeux – parfois huit dans les illustrations des codex – qui seraient une évocation de la constellation des Pléiades, suivant que sept ou huit étoiles qui constituent cet amas ouvert dans le ciel étoilé sont prises en compte. Dans la continuité de Darlington (1931), Taube a admis en 2000 que les Xiuhcóatl étaient une transcription imagée de chenilles, sans toutefois proposer d’espèces spécifiques, ni souligner l’aspect mimétique de certaines d’entre elles.

42 Or la disposition des yeux sur la « corne » des serpents fantastiques suit celle des stemmates sur la tête de la chenille où ils prennent la forme d’un point d’interrogation. Ils sont placés selon le plan anatomique du « serpent », c’est-à-dire sur son « museau », là où sortirait la « langue » du monstre ophidien. Nous l’avons vu, cette langue est présente sous la forme de l’osmeterium, mais représente une corne pour la chenille. En cela, les cornes dotées de sept yeux ou étoiles devraient ainsi être considérées comme la retranscription graphique des stemmates des chenilles sous leur forme fantastique. Enfin, les têtes des déités qui apparaissent dans la gueule des monstres sont celles des chenilles.

FIG. 11a, b et c – Tonatiuh et Xiuhtecutli sortant de la gueule des serpents de feu sur la « Pierre du soleil ». Chacune des « cornes » des serpents fantastiques est le support de sept yeux qui pourraient correspondre aux stemmates – ou vrais yeux – présents sur la tête des chenilles.

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[FIG. 11a : d’après http://www.samaelgnosis.net/calendario_azteca/cap05_binario_serpentino.html]

[FIG. 11b : d’après www.shadyoakbutterflyfarm.com]

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[FIG. 11c : d’après www.butterflyfunfacts.com]

43 Par ailleurs, les Xiuhcóatl possèdent treize segmentations en référence à la « treizaine » du calendrier aztèque. Or, comme Darlington le remarquait déjà (1931, p. 640), les chenilles ont une segmentation analogue, c’est-à-dire que leur corps est constitué de treize segments, trois sur le thorax et dix formant le reste du corps, sans compter la tête (Figures 12a et b). Sur la chenille, chacun des segments, hormis deux des trois du thorax, possède un stigmate apparent sous forme de petites ouvertures à partir desquelles s’organise la livrée de la chenille. Ces stigmates apparaissent en tant que motifs sur les segments des Xiuhcóatl. Sur les serpents de feu, le caractère « brûlant » est souligné par une série de motifs de papillons stylisés placés là pour évoquer l’image de flammes ou de flammèches (Figure 12c).

Fig. 12a, b et c – Mise en parallèle de la structure d’un Xiuhcóatl avec celle d’une chenille de façon analogue à celle proposée par Darlington.

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[Fig. 12a : d’après http://www.samaelgnosis.net/calendario_azteca/cap05_binario_serpentino.html]

[Fig. 12b : dessin de l’auteur D.K.]

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[Fig. 12c : Darlington 1931, figs. 8 et 9]

44 Au même titre que les glyphes, les figures présentes sur les monuments devaient ainsi être perçues par les Indiens comme des combinaisons de termes figurés par les images des constituants de leur nom. Dans cette logique, tout coatl n’est donc pas un serpent puisqu’il peut renvoyer à une chenille. Dans le cas du serpent en Mésoamérique, l’utilisation de l’image relève autant de la figuration que de la nomination. Notre propre tradition ayant tendance à appliquer aux images une grille de lecture figurative, nous ne pouvons que faire entrer ces êtres hybrides dans la catégorie des « êtres surnaturels », puisqu’ils ne figurent rien d’existant à nos yeux, dans la mesure où la grille ontologique naturaliste conditionne notre regard. Par conséquent, la façon dont nous, observateurs extérieurs d’une culture donnée, avons tendance à percevoir les productions iconiques conditionne l’imputation de croyances spécifiques aux producteurs de ces images. Il faut encore ajouter à cela que notre forme d’écriture phonétique dissocie graphie et figuration au contraire de la modalité graphique mésoaméricaine qui maintient dans ses glyphes une dimension figurative. La conséquence inverse de ce constat est que toute figuration est également, dans ce système, une invitation à lire des formes.

Quetzalcóatl ou la chenille à plumes de quetzal

45 Avant d’évoquer la polysémie du terme « quetzal », il faut examiner quelques emplois de la plume dans l’iconographie de Teotihuacan, celles des poteries zapotèques et des codex aztèques. Les coiffes de la céramique zapotèque, qui intégraient des représentations de papillons par exemple, étaient constituées de plumes pour former aussi bien l’image des ailes de lépidoptères qu’orner leurs antennes et leur trompe. Même si, chez les Aztèques, les habitants de Teotihuacan et les Zapotèques, les coiffes ne sont pas des artéfacts exclusivement ornés de plumes, puisque de la peau, des os, des coquillages, du papier, des pierres et d’autres matériaux y interviennent, c’est pourtant la plume qui entre le plus communément dans leur confection. De la sorte, lorsque, dans la langue nahuatl, le qualificatif anecuyōtl « coiffe » (ici celle de Huitzilopochtli) désigne des éléments portés par d’autres êtres, à la manière qu’ont les humains

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d’utiliser les phanères des oiseaux pour s’en confectionner des parures, c’est à l’image de la plume que ces éléments renvoient. Pour un être qui porte des excroissances ayant la forme de houppes ou d’antennes, c’est une relation anthropocentrée qui fait choisir le terme en référence aux plumes portées par des danseurs ou des guerriers. En ce sens, dire « coiffe » ou « parure » en nahuatl, c’est évoquer la plume. On utilisait ainsi la plumasserie pour figurer ces éléments non humains dans les rituels ou dans les costumes. Les quetzalcuacuahuitl sont deux plumeaux portés en panache sur le haut de la tête de danseuses à la façon de toupets dans le costume de Xochiquetzal : le terme est formé sur celui qui désigne les cornes et les antennes des insectes (cuacuahuil) auquel le terme quetzal est accolé dans son sens de plume (omequetzalli). Xochiquetzal, déesse de la beauté, des arts et de la sexualité, était parfois présentée sous des traits de papillons de la famille des Porte-queue (cf. Beutelspacher 1988). Lorsque, dans les figurations des codex par exemple, les artistes aztèques décident de lui donner les traits d’un papillon, ils figurent parfois ses antennes par des plumes de quetzal, plutôt que de prendre le parti d’en faire une figuration naturaliste que rien ne leur interdirait d’entreprendre. Dans ces traditions, une composition picturale qui apposerait des plumes à un être ne signifie pas que l’être en question en soit réellement doté, à l’instar des antennes du papillon figurant Xochiquetzal. Plus prosaïquement, l’être en question porte des éléments qui évoquent l’image de la plume. En tant qu’artéfact, la plume peut ainsi signifier autre chose qu’un élément aviaire, comme sur les coiffes en forme de papillon. Il faut également considérer l’équivalent inverse de cette proposition : si certaines excroissances peuvent renvoyer à l’image de plumes, c’est cette dernière image qui sera employée dans les compositions iconographiques plutôt qu’une figuration naturaliste de l’élément-source 10.

46 Dans les figurations de Quetzalcóatl, c’est l’aspect « serpent à plumes » qui prime, et cette combinaison a également été retenue par certaines interprétations pour souligner qu’une matière associée à l’élément aérien, la plume, est combinée à un être chtonien, le serpent, dans le but d’exprimer la réunion de deux aspects irréconciliables (cf. Séjourné 1962, p. 35). Chez Nicholson (2000, p. 145), on lit également « This union of the precious green feathers of a bird, symbolizing the celestial realm, and a dangerous, slithering reptile, connoting the terrestrial sphere, this fusion of earth and sky – as in many cosmologies – signified, above all, fertility and creativity. ». Or les constatations que nous venons de faire, tant en ce qui concerne le terme de coatl que la plume, laissent entrevoir que la combinaison « serpent à plumes » n’évoque pas nécessairement un ophidien emplumé, mais plutôt, sous sa compréhension figurée, un être à l’aspect de serpent doté d’éléments portés sur son corps et décrits comme des plumes. Remarquons encore que, si le terme de « Quetzalcóatl » est formé sur celui de serpent, celui de quetzal ne renvoie pas uniquement à l’oiseau ou à ses plumes, mais sert aussi à marquer une couleur, le vert profond. C’est ce que fait remarquer Thouvenot dans son ouvrage sur le jade en Mésoamérique indienne (1982) pour le quetzalchalchihuitl, une forme de jade hautement valorisée pour sa caractéristique chromatique. Il faut donc associer les deux formes, l’évocation de la couleur et celle de la plume, pour comprendre quel type de coatl est ainsi désigné.

47 Les figurations de serpents à plumes sur le temple de Teotihuacan portant le même nom et sur les fresques murales de cette tradition laissent apparaître un être composite dont les éléments constitutifs peuvent être reliés à des formes visuelles d’un être réel qui les possèdent pour la plupart. Une composition iconique et analogique, en quelque

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sorte, issue d’une description d’un être réel. Sur les figurations teotihuacan du serpent à plumes qui, pour Sugiyama (2000), sont à l’origine des autres formes mésoaméricaines, et bien que cela n’apparaisse que sur le serpent à plumes de la peinture murale de Techinantitla, les plumes sont placées à intervalles réguliers sur une série de segments séparés chacun par de minces bandes jaunes. Or les serpents n’ont pas de corps segmenté : il s’agirait donc plutôt de la figuration d’une segmentation qui existe chez d’autres espèces. Ce corps segmenté de serpent à plumes n’est pas sans évoquer celui des chenilles, comme nous l’avons vu pour les Xiuhcóatl. Le terme « Quetzalcóatl » peut ainsi désigner un « serpent à plumes », mais aussi une « chenille à plume de quetzal », au même titre que mazacoatl, « serpent-cerf » est une « chenille à corne de cerf », puisqu’il n’est pas nécessaire de dire d’un poisson-chat qu’il est un « poisson aux vibrisses de chat », ou d’un « poisson-perroquet » qu’il est un « poisson au bec de perroquet » : la saillance visuelle qui fait pont est oblitérée au profit de la simple apposition des noms des deux espèces. Il n’est donc pas nécessaire de dire un « serpent aux plumes de quetzal », mais « serpent-quetzal », sous-entendu « chenille-quetzal » (Figure 13).

FIG. 13 – Figuration du « serpent à plumes » dans l’art teotihuacan (peinture murale de l’ensemble résidentiel de Techinantitla). On notera le corps segmenté ainsi que la répartition des plumes disposées sous forme de rangées analogues [d’après Taube 2002 ; voir aussi Berrin 1988].

48 Puisque certaines chenilles renvoient l’image du serpent, il est légitime de les qualifier de la sorte. Or il existe un ensemble plutôt large de chenilles qui portent une profusion de poils, urticants pour certains, qui forment chez plusieurs espèces de véritables houppes multicolores et dont la répartition symétrique et harmonieuse sur l’ensemble du corps n’est pas dénuée d’un effet esthétique impactant pour un observateur humain. Ainsi, Fernández de Oviedo y Valdés fait une description d’une chenille à poils urticants dont la structure empennée ressemble, par la forme, à celle de l’asperge sauvage, et dont la couleur varie du blanc au vert irisé en passant par le jaune, chenille à la tête bleue turquoise et qu’une ligne jaune traverse de tout son long : Del Coahuapochin. Es un gusanillo ceniciento, peludo, cubierto de unas como ramillas verdes con hojitas muy delicadas (por decirlo de alguna manera) algo parecidas a las del espárrago silvestre, dispuestas en hileras y a intervalos sobre el dorso, el cual está cruzado de rayas negras transversales, en el mismo sentido de las ramillas; rematan éstas a uno y otro (lados) en una línea amarilla que se prolonga rectamente. Es más o menos del tamaño de un dedo. La cabeza, las patas y la cola son de color blanco, azul y escarlata bellamente combinados. Su mordedura es nociva y produce un fuerte ardor en las partes mordidas. Hay otros innumerables géneros de gusanos muy hermosos, que fácilmente pueden conocerse por lo que hemos pintados como muestras (Fernández de Oviedo y Valdés in Beutlespacher 1988, p. 22) [Les dessins ont, hélas, été perdus.]

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49 Beutelspacher n’identifie pas exactement cette chenille et suggère qu’elle appartiendrait à la famille des Saturnidés. Pourtant, la description de Fernández de Oviedo y Valdés semble faire référence à la chenille des Automeris, à tête bleue, dont les poils urticants forment des structures empennées vertes qui ne sont pas sans rappeler des plumes, et plus particulièrement celles du quetzal. Ainsi, les rectrices de l’oiseau quetzal possèdent une structure analogue à la branche de l’asperge sauvage (Asparagus acutifolius) ; leur partie terminale dissocie les barbules, ces éléments qui forment la penne de la plume et les laissent apparaître comme des feuilles de cette plante. Cette formation en « touffes », à la manière de l’asperge sauvage, est caractéristique des épines des chenilles d’Automeris et se retrouve aussi sur des figurations de « serpents à plumes » de périodes plus tardives que Teotihuacan, comme sur un sceau au serpent « monstrueux » (cf. Figure 14).

FIG. 14 – Serpent à plumes sur un sceau de période mexica. La répartition des plumes se fait en plumeaux ou en touffes [d’après Enciso 1947].

50 Le nom nahuatl donné à cette chenille Coahuapochin est en fait le même que celui donné par Robelo à une autre chenille urticante de la famille des Mégalopyges. Le terme signifie « serpent-cotonneux », par référence aux poils blancs de la chenille (cf. supra). Cela dit, la description donnée par Fernández de Oviedo y Valdés ne correspond pas aux chenilles de cette famille des Mégalopyges, mais plutôt à celle du genre Automeris et Lonomia de la famille des Saturnidés. Or Sahagún décrit par le même nom de Auatecolotl, qui fait référence au hibou, une autre espèce de chenille aux propriétés urticantes : « Ay otros brugos que llaman Auatecolotl: tambien se crian en los arboles. Unos son negros, otros rosos, son muy bellosos, y los pelos que tienen pican. Las picaduras doelen como picadura de alacran : tambien se vuelven mariposas » (Sahagún 1950-1981, XI, f. 103r ; Figure 15).

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FIG. 15 – Chenille velue venimeuse nommée Auatecolotl [Códice Florentino 1979, XI, f. 103r].

51 Les effets induits par les piqûres des chenilles de Mégalopyges et ceux d’Automeris étant similaires, il est possible que le même terme ait été appliqué, en nahuatl, à ces deux types de chenilles, l’une aux « plumes » duveteuses blanches (Mégalopyges), l’autre aux « plumes » vertes (Automeris) et qu’il faudrait associer aux deux formes prises par les « serpents à plumes » de Teotihuacan, l’une étant un serpent aux plumes blanches, l’autre un ophidien aux plumes vertes comme sur la peinture murale dite des « animaux mythologiques » (cf. Figure 16 et II dans le cahier en couleurs).

FIG. 16 – Peinture murale dite des « animaux mythologiques » sur laquelle apparaissent des serpents à plumes de couleurs verte et blanche [© Consejo Nacional para la Cultura y las Artes, Instituto Nacional de Antropología e Historia, Mexico, d’après B. de la Fuente 1995-1996].

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52 Toujours à propos des chenilles d’Automeris, Beutelspacer les associe à une autre citation de Fernández de Oviedo y Valdés : « Del Temahoani. Es un gusano negro erizado de pequeñas espinas amarillas que están dispuestas apretadamente en series esparcidas y que son dañinas y venenosas. Vive en Tepoztlán, donde algunos lo llaman xuxhuiahotecólotl (C.VII). » « Hace referencia a orugas urticantes de la familia Saturniidae, probablemente del género Automeris. También se le llamó temauani o temahua, y significa “el que contagia o comunica una enfermedad” (de maua, contagiar un mal). » (Beutelspacher 1988, p. 22)

53 Il s’agit en fait de la même espèce, Automeris sp., que celle évoquée au début de cet article. Nous faisions remarquer que la référence au hibou ou à la chouette, dans l’analyse étymologique du terme nahuatl qui pourrait la désigner, viendrait plutôt du fait qu’elle possède sur ses ailes, à l’état d’imago, des ocelles qui rappellent des yeux de chouettes ou de rapaces. « Hibou-épineux-des-fleurs », « Hibou-urticant-des-fleurs », traduction littérale de Xochiautecólotl – ou encore « Hibou-épines-en-fleur (touffe, plumeau) » selon Chamoux (communication personnelle, juin 2012) – serait une désignation métaphorique de la chenille d’Automeris et de sa forme adulte (Figure 17). L’autre terme qui la désigne Temahoani « celui qui communique une maladie » serait plus une référence aux effets induits qu’à la forme de la chenille. L’ensemble des espèces nommées ici cible la même classe de chenilles urticantes désignée sous le terme chinalahautl en nahuatl (« derrière-épineux »), mais dont certaines peuvent être désignées grâce au terme coatl.

FIG. 17 – Forme adulte d’Automeris sp. (femelle). En association avec sa forme larvaire urticante, le mimétisme des ocelles et des ailes avec une face de hibou donnent raison de son nom en nahuatl « Hibou-épineux-des-fleurs », ou « Hibou-à-épines-en-fleur » (Xochiautecolotl) [d’après http:// tomboyyobmot.blogspot.fr/2010/11/mothy-and-butterfilled.html].

54 Dans la famille des Saturnidés, les chenilles qui, par analogie, s’apparentent le plus aux figurations de serpents à plumes sont donc celles des Automeris et des Lonomia (toutes

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deux présentes en Mésoamérique, bien que les variétés les plus virulentes de Lonomia soient plutôt sud-américaines). Or ces deux espèces subissent d’importantes variations de couleurs durant leur cycle de croissance. Surtout, elles possèdent des traits anatomiques que l’on peut rapprocher de certaines images des serpents à plumes comme, par exemple, le fait qu’elles ont une tête de couleur bleue turquoise et deux bandes de couleurs caractéristiques, une rouge au dessus d’une jaune, qui les parcourent de tout leur long. Dans les illustrations des codex (comme celle de la page 14 du Codex Borbonicus : Figure 18 et I bas dans le cahier en couleurs), l’iconographie du serpent à plumes reprend cette caractéristique en présentant ce dernier avec deux bandes, une blanche ou jaune en dessous d’une rouge, parcourant son corps de tout son long à la façon de la chenille (ce même mode chromatique a été adopté dans la figuration du serpent à plumes du folio 18r du Codex Telleriano-Remensis et de la planche 67 du Codex Borgia). Dans l’image citée du Codex Borbonicus, la figure du serpent à plumes est accompagnée d’un petit serpent à deux têtes. La forme que lui a donnée l’artiste aztèque est celle d’une chenille « arpenteuse » de la famille des Géométridés, nommée tlatamacihauni, « arpenteur » en nahuatl (cf. Beutelspacher 1988, p. 21), suivant une analogie de son mode de déplacement avec l’écartement du pouce et de l’index de « l’arpenteur » évoluant sur une distance à mesurer : le corps de la chenille rapproche ainsi une extrémité de l’autre, ce qui donne au milieu de son corps une courbure caractéristique. Ce « serpent » à deux têtes est probablement la figuration imagée d’une chenille qui « mord » par les deux extrémités. Enfin, ses têtes sont de couleur turquoise, ce qui donne une indication précieuse de l’espèce représentée, puisque les chenilles urticantes des espèces-sources de Quetzalcóatl sont dotées d’une tête et de l’arrière de leur corps de la même couleur. Cette figure semble ainsi être un indicateur que le « serpent à plumes » serait en réalité une chenille.

FIG. 18 – Comparaison entre des chenilles d’Automeris io et la figuration du serpent à plumes à la page 14 du Codex Borbonicus : on notera la présence de bandes jaune et rouge parcourant les corps de la chenille et du serpent fantastique de façon analogue ainsi que la tête de couleur turquoise de certains exemplaires.

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[FIG. 18a : d’après http://www.discoverlife.org/mp/20q?search=Automeris+io]

[FIG. 18b : Codex Borbonicus p. 14]

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[FIG. 18c : d’après http://en.wikipedia.org/wiki/File:Hairy_caterpillar_%28Costa_Rica%29.jpg]

55 Le nez, ou museau de l’être fantastique est peint de turquoise, tout comme ses yeux, ainsi qu’une partie de la structure vibrante des serpents à sonnette dont il est affublé. Or nous avons vu que le « nez » du « monstre », c’est-à-dire l’image mimétique que renvoie la chenille, correspond à sa tête véritable, de couleur bleue, et donc que les parties de sa tête où se trouvent ses yeux, également de couleur turquoise, sont rendues sur le serpent à plume sous la forme d’yeux rehaussés de cette couleur. Enfin, en plus des structures urticantes de couleur verte du corps de la chenille, (ses « plumes »), celle-ci est dotée de plusieurs excroissances urticantes de couleur turquoise, disposées en arrière de la tête à la façon d’une coiffe en éventail, ou collerette, dirigée vers l’avant. Ce trait anatomique pourrait expliquer que les têtes du serpent à plume en pierres taillées du temple du Serpent à plumes à Teotihuacan soient dotées de telles collerettes. Sur la chenille, ces mêmes structures turquoises se retrouvent à l’arrière du corps où elles se réduisent parfois, suivant les variétés d’ Automeris, à deux pics en forme de crochet. Hautement urticantes, les chenilles d’ Automeris io, dont l’iconographie de Quetzalcóatl semble s’inspirer fortement, ressemblent à celles de Lonomia electra dont le contact est souvent mortel pour l’homme et qui possèdent un corps légèrement plus noir qu’Automeris (bien qu’Automeris zephyria ait un corps noir). Cette propriété létale de la chenille devrait être rapprochée du terme donné dans la citation de Fernández de Oviedo y Valdés, temahoani « transmettre un mal », mais aussi peut-être du fait que le serpent à plumes de quetzal est souvent figuré dans les codex aztèques dévorant un être humain.

56 L’empoisonnement de Lonomia electra, variété mésoaméricaine des représentants de cette espèce dont les plus virulentes se trouvent essentiellement en Amérique du Sud, est analogue, dans ses effets, à celui d’une morsure de serpent à sonnette. Les réactions les plus immédiates de ce qui est aujourd’hui connu comme l’empoisonnement de Lonomia (lonomiasis) sont des saignements de la zone touchée, dus à la présence d’un anticoagulant au sein des structures urticantes agissant comme de véritables rasoirs, des douleurs intenses, de la fièvre et des vomissements. Selon plusieurs publications

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spécialisées, le venin propagé par cette chenille est tout simplement le plus violent au monde… (en termes de ratio : une quantité mille fois inférieure à celle produite par une morsure de serpent à sonnette produit des effets analogues sur un organisme humain). Il est vraisemblable que la présence d’une queue de serpent à sonnette en association avec le serpent à plumes de quetzal dans les représentations mésoaméricaines ait eu pour origine la similitude des réactions aux piqûres de ces chenilles avec une morsure de crotalidé.

57 Dans les cas ayant entraîné la mort suite à un contact avec plusieurs chenilles – grégaires à leur premier stade de développement, elles forment des amas radiaux sur les troncs d’arbres –, les causes sont essentiellement dues aux hémorragies internes qui prennent le pas sur les saignements externes à partir des muqueuses et sur les vomissements de sang : ainsi, la mort n’intervient que plusieurs heures, voire plusieurs jours après l’empoisonnement. Si l’iconographie teotihuacan du serpent à plumes, mais aussi d’autres animaux comme les jaguars, loups et pumas, figure des scènes sanglantes, soit qu’un couteau sacrificiel serve de langue au serpent, soit qu’il soit montré vomissant lui-même du sang, ou placé auprès de cœurs de sacrifiés obtenus par cardioectomie, et si l’animal-source de ces représentations est une chenille urticante, alors cette iconographie doit être interprétée dans le sens d’une mise en image des effets causés par des êtres qui, comme la chenille de Lonomia electra, produisent des écoulements de sang, on pourrait ainsi parler de la figuration des effets létaux et du choc hémophilien occasionnés par son contact.

FIG. 19 – Excentriques d’obsidienne en forme de serpents (Pyramide de la Lune, Teotihuacan) [© Consejo Nacional para la Cultura y las Artes, Instituto Nacional de Antropología e Historia, Mexico, photo Martirene Alcantara].

58 Quant aux excentriques en obsidienne à forme de serpents trouvés dans les dépôts de fondation de la Pyramide de la Lune à Teotihuacan (Cabrera et Sugiyama 2009, p. 67), ils évoqueraient aussi les chenilles : de fait, ils sont une mise en situation, grâce à un artéfact, de ce que ce dont ces larves sont la cause lorsqu’elles entrent en contact avec une peau humaine : provoquer des saignements (cf. Figures 19 et 20).

FIG. 20 – Amas radial de chenilles de Lonomia electra et disposition radiale d’excentriques d’obsidienne (dépôt-offrande n° 6, Pyramide de la Lune, Teotihuacan).

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[Fig. 20a : d’après http://www.entomologenportal.de/g4297p11130-Lonomia-electra.html]

[Fig. 20a : d’après http://www.entomologenportal.de/g4297p11130-Lonomia-electra.html]

59 Dans ces dépôts, en plus d’une indication des axes directionnels du plan horizontal, il faudrait s’interroger sur la similitude donnée à la disposition radiale des excentriques (Figure 20). En effet, la disposition radiale, tête tournée vers la périphérie, des

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couteaux-serpents d’obsidienne, semble reprendre celle qu’adoptent les chenilles de ces espèces urticantes lorsqu’elles forment un amas grégaire sur un tronc d’arbre. Il resterait à comprendre en quoi la disposition des excentriques d’obsidienne en forme de serpents, analogue à celle des chenilles, porterait en elle une valeur explicative pour leur présence auprès d’individus sacrifiés.

Conclusion

60 La figure des serpents fantastiques dans l’univers représentationnel mésoaméricain doit être mise en parallèle avec la place occupée, dans ce même univers, par les lépidoptères et permettre ainsi de reconnaître que ces « serpents » sont une mise en images des parties que constituent des êtres réels, à savoir les formes larvaires des papillons. La permanence dans le temps de ces traits, dans les différentes sociétés précolombiennes du Mexique, montre que le processus de perception de l’environnement en tant que « lecture analogique », propre à l’esprit humain, est la marque, dans cet espace culturel, d’une attention particulière aux formes signifiantes apparaissant au sein d’êtres ou d’espèces qui servent dans les processus de nomination et/ou dans la création des êtres mythologiques. Si la figure mythologique du serpent à plumes, qui donnera naissance au Quetzalcóatl du Postclassique, se construit à partir de la chenille hautement urticante d’un papillon de nuit, Automeris io qui, sous sa forme adulte, offre un mimétisme construit sur l’image d’une face de chouette ou de jaguar et que ces derniers animaux se retrouvent combinés dans des artéfacts à forme de papillon, comme dans le cas de la coiffe des urnes zapotèques par exemple, alors c’est l’ensemble des formes culturelles de cette aire qu’il faut réinterroger au regard de ce constat.

61 Des figures de l’iconographie de Teotihuacan telles les « conques emplumées », les « jaguars réticulés », les pumas et coyotes « à plume » devraient être examinées, en prenant en compte les principes dégagés ici. L’opération mentale de composition étudiée dans cet article montre qu’elle nécessite une certaine indépendance vis-à-vis du sujet percevant. La prise de conscience n’intervient que dans un second temps, c’est- à-dire au moment où l’image portée sur une espèce donnée apparaît à l’observateur ; lorsqu’à regarder une chenille apparaît un serpent.

62 Se pose ensuite la question de l’origine du surgissement mental de ces images : l’imputation d’une qualité d’agent résidant dans la chose perçue (le serpent qui se manifeste en image sur la chenille et, en esprit, « dans » celle-ci) devient alors une modalité explicative possible de la part des cultures mésoaméricaines. Il s’agit là d’une forme d’ethno-ontologie distincte de la nôtre, puisque cette dernière postule, en quelque sorte, le chemin inverse. Pour l’ontologie naturaliste en effet, ce phénomène, bien qu’inscrit sur les corps des lépidoptères, trouve son origine dans les mécanismes perceptifs – donc mentaux – du sujet percevant.

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NOTES

1. Pour la Mésoamérique, cette image « en double » n’est pas sans reposer les problèmes soulevés par des conceptions comme le tonalisme et le nahualisme. Dans la première, il s’agit de l’une des facettes de la personnalité du sujet ; pour la deuxième, d’un double indépendant de ce dernier. De façon plus générale, le terme « nahualli » était aussi employé comme synonyme de « déguisement », un aspect que revêtent les êtres et les choses, mais qui semblerait avant tout être lié à l’image mentale que chaque être est en mesure de produire auprès d’observateurs humains. 2. Même s’il reste une incertitude quant au passage par l’image d’une forme naturelle, la forme du bec permet l’identification de son appartenance ou non à un oiseau de proie nocturne (cf. Chomel de Coelho 1975, p. 330). 3. Les papillons ne « font » rien coïncider volontairement, puisqu’il ne s’agit ici que d’une forme résultant des processus de sélection et d’adaptation naturelles : l’image mimétique est « façonnée » par les prédateurs de papillons qui laissent s’échapper les exemplaires qui ressemblent le plus à leurs prédateurs (petits félins pour les oiseaux, chouettes, rapaces et serpents pour les lézards) et génèrent ainsi l’image de leurs prédateurs sur leurs proies. 4. Peinture murale de la Zone 5a, pièce 7, in Miller 1973, p. 86, figs. 135 et 136 ; De la Fuente 1995-1996, vol. 1, p. 77, fig. 6.13. 5. Les pages du Livre XI, cap. 5, § 12 de Sahagún (1950-1981, XIII, pp. 98-100) sont consacrées aux chenilles : « monoquia ahzo tzoncōāmeh ahnōzo ocuiltin » : on évacue par l’anus les (vers appelés) tzoncoatl ou les vers (en général) ocuilin. 6. Dans le Livre XI, cap. 12, § 8, (Sahagún 1950-1981, p. 269), il est dit que les anciens appelaient cōātl le chemin, « ohtli’ », d’où l’expression : « in īohhuitzin in īcōātzin totēcuihyo », « le chemin de notre Seigneur ». Anderson et Dibble traduisent : « it is a little danger, a little serpent of our lord ». 7. Historia general y natural de las Indias, ca 1545. 8. Voir aussi Karttunen (1992, p. 142), pour cette même association entre chenille et l’analogie « serpent-cerf ». 9. Nous reviendrons plus loin sur les poils blancs des chenilles de Mégalopyges, dans la mesure où certains serpents fantastiques sont représentés avec des plumes blanches dans les peintures murales de Teotihuacan. 10. Il en va ainsi de cette devinette en nahuatl : « iztac tetzintli quetzalli commanticah » : « une petite pierre blanche, elle porte des plumes de quetzal » qui désigne l’oignon. Les fanes vertes de l’oignon sont comparées à des plumes de quetzal. Sahagún (1950-1981, VI, p. 238) compare l’oignon soit à une pierre, soit à une tête, munie de plumes de quetzal (Wimmer 2006) [http:// sites.estvideo.net/malinal/x/nahuatlXOMP.html#XONACATL].

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RÉSUMÉS

En prenant le parti d’analyser les êtres imaginaires et les figurations d’hybrides en Mésoamérique comme des retranscriptions imagées d’êtres réels selon des principes de l’analogie formelle, cette contribution se propose de revenir sur la figure de Quetzalcóatl, tant dans l’iconographie de Teotihuacan que dans celle, plus tardive, des Aztèques. Après avoir passé en revue certains principes de la perception intervenant dans le mode de nomination des espèces, leur application à des matériaux iconographiques mettant en combinaison des êtres – ou des parties d’êtres – distincts permet de rendre compte de leur présence concomitante sur une seule coiffe ou en tant qu’être mythologique.

This contribution suggests to look at the figure of – in the Teotihuacan iconography as in the later Aztec one – by analyzing imaginary beings and the representations of hybrids in Mesoamerica as an analogical transcription of real beings according to the principles of formal analogy. After going through a review of the perception processes entering in the way the names of species are built in natural languages, we apply these processes to iconographical materials that combines distinct beings – or parts of beings –, this enables us to interpret their occurrences on feather headdresses or as mythological figures.

El propósito de esta contribución es de mirar la figura precolombina de Quetzalcóatl – tanto en la iconografía de Teotihuacan como en la de los más tardíos aztecas – como una reelaboración analógica de seres reales (principalmente orugas). Esto se hace gracias a un análisis de los seres imaginarios e híbridos de Mesoamérica, interpretándolos como figuraciones evocativas de animales existentes. Después de dar una descripción de los procesos de percepción que entran en la manera de nombrar a las especies en las lenguas naturales, se aplica estos procesos a un material iconográfico que mezcla a seres – o partes de seres – distintos, permitiendo así interpretar la presencia de estos últimos ya sea en penachos de plumas o como seres mitológicos.

INDEX

Index géographique : Mésoamérique, Aztèques, Teotihuacan Mots-clés : Quetzalcoatl, êtres imaginaires, analogisme, lépidoptères Thèmes : Ethnologie, Iconographie Palabras claves : Quetzalcóatl, seres imaginarios, analogismo, mariposas Keywords : Quetzalcoatl, imaginary beings, analogism, butterflies

AUTEUR

DIMITRI KARADIMAS

Laboratoire d’anthropologie sociale, 52 rue du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris [[email protected]]

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Espaces, parcours cérémoniels et fabrication d’objets rituels dans la fête mexica d’etzalcualiztli Spaces, ceremonial paths and the manufacture of ritual objects in the Mexica festival of Etzalcualiztli Espacios, recorridos ceremoniales y fabricación de objetos rituales en la fiesta mexica de Etzalcualiztli

Elena Mazzetto

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en octobre 2013, accepté pour publication en mai 2014.

Nous remercions Anne-Sophie Gaudry et Bernadette Pernet pour les corrections orthographiques du manuscrit.

1 La vingtaine d’etzalcualiztli – « consommation d’etzalli », un repas de maïs et haricots – était consacrée aux Tlaloque 1, les dieux de la pluie. En 1519, elle se célébrait entre le 24 mai et le 12 juin et le clergé faisait office de sacrificateur (Graulich 1999, p. 361). Les prêtres allaient recueillir des roseaux appelés aztapilli ou tolmimilli dans une source localisée près de la montagne Citlaltepec 2, située au nord du bassin de Mexico, puis ils les liaient en paquets et les rapportaient dans la ville à l’aide d’un mecapalli 3. Personne ne parcourait le chemin emprunté par les prêtres, car ceux-ci avaient le droit d’agresser et de voler les personnes qu’ils rencontraient 4. Quand ils rejoignaient la ville, commençait alors la fabrication de sièges et de nattes faits avec les roseaux. Après quatre jours de pénitence, une grande procession rejoignait la lagune et les quatre ayauhcalli, les « maisons de brume », au bord de l’eau (Sahagún 1989, I, p. 125). Le début de la fête coïncidait avec la préparation et la consommation de l’etzalli par tous les habitants de Tenochtitlan. La danse de l’etzalli – à laquelle participaient des guerriers et des femmes de joie qui allaient d’une maison à l’autre portant des « lunettes » de

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feuilles sur leurs yeux – commençait à minuit. À l’aube, tous les prêtres partaient pour une autre procession, qui amenait les religieux punis pour avoir commis des fautes pendant les rituels, au Totecco, lieu de culte localisé dans l’aire septentrionale de Mexico-Tenochtitlan, à proximité du lac. Le jour de la fête, à minuit, avait lieu le sacrifice des captifs et, ensuite, celui des ixiptla, des dieux de la pluie, dans le Temple de Tlaloc au sommet du Templo Mayor. Les prêtres rejoignaient alors le Tetamazolco, le môle oriental de la capitale mexica, où ils embarquaient afin de rejoindre le Pantitlan, le tourbillon du lac Texcoco, où l’on jetait les offrandes ainsi que les cœurs des victimes sacrifiées (Sahagún 1950-1982, II, pp. 78-90).

2 À partir de ce résumé, l’intention principale de ce travail est d’explorer la liturgie spatiale de la vingtaine d’etzalcualiztli. Nous partirons de l’analyse de certains des espaces sacrés urbains impliqués et des itinéraires cérémoniels effectués, en proposant des localisations et l’agencement spatial de celles-ci. Notre démarche confirmera l’importance de la dimension insulaire de Mexico-Tenochtitlan, assez négligée jusqu’à présent. L’analyse des lieux et des parcours se combinera avec l’étude des végétaux employés pour la réalisation des étapes du culte – les nattes de roseaux aztapilin. Nous verrons que leur symbolisme – fortement attaché à la pluie – renforce l’idée que l’espace, les mouvements et les objets rituels configurent un ensemble liturgique cohérent, conforme à la cosmologie indigène. À travers cet exemple, nous pensons ouvrir des pistes de recherche nouvelles, concernant, en premier lieu, la définition et les fonctions d’espaces déterminés – comme le calmecac – et l’utilisation de plusieurs lieux sacrés, ce qui constitue un reflet fidèle de la capacité de « fusion et fission » des divinités mexica.

3 L’étude des documents ayant trait à la vie religieuse des anciens Nahuas démontre que les informations relatives aux espaces où ils pratiquaient leur culte sont très nombreuses. Grâce à des ouvrages tels que l’Historia general de Sahagún (1989) ou l’ Historia de las Indias de Durán (1984), on peut connaître les moments d’utilisation d’un espace et sa localisation au sein du tissu urbain de Mexico-Tenochtitlan ou encore l’identité des participants aux rituels qui s’y déroulaient. Plusieurs auteurs ont développé des analyses détaillées sur les rites réalisés tout au long de l’année solaire, sur les relations privilégiées avec les instances à l’honneur dans chaque rite et sur la dimension mythique évoquée dans la sphère cérémonielle 5. Néanmoins, si l’on exclut la littérature inhérente au Templo Mayor et à l’enceinte sacrée, l’histoire de la recherche ne comporte que peu de publications portant, de manière approfondie, sur la dimension spatiale de la liturgie. Parmi les seules études visant à reconstruire l’ « espace urbain de la fête » – finalité de notre thèse de doctorat (Mazzetto 2012) – se détachent les travaux de Carrasco (1991), Rovira Morgado (2010), Rodríguez Figueroa (2010) et González González (2011). Le paysage rituel du Bassin de Mexico, lui, a fait l’objet d’une série remarquable de publications de la part de Broda (1991a, 1991b, 1997, 2001) et Aveni (1991), les deux auteurs analysant à une plus grande échelle les relations entre l’espace naturel et la cosmogonie indigène. Notre point de départ théorique se fonde sur les résultats des recherches de López Austin (1983) à propos du dynamisme du panthéon mexica et de ses métamorphoses : l’union de plusieurs entités dans un seul être, porteur des attributs des différentes instances originales, ou, à l’inverse, la fragmentation d’une personnalité divine en divers aspects, avec une subdivision des caractéristiques la composant. Partant de ce phénomène double et antithétique, notre enquête s’est centrée sur l’utilisation des espaces consacrés au culte pendant les fêtes

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des vingtaines. Concernant ces espaces culturels, on a adopté les hypothèses formulées par Carrasco (1991) sur les caractéristiques des lieux sacrés des centres du pouvoir mexica et, notamment, sur les relations entre le centre et la périphérie. Dans le travail de López Austin – qui naît aussi en tant que réponse et approfondissement aux propositions de Smith (1992) à propos de la « vision locative de l’homme dans le cosmos » –, le rapport liant l’idée de « lieu » et celle de « performance » est la clé utilisée pour approcher la notion de « paysage cérémoniel » : un espace qui se constitue à travers une série de performances qui sont riches, en même temps, d’informations sur l’ordre social et symbolique mexica. Des travaux antérieurs, on retiendra aussi l’intérêt de la méthodologie éminemment pluridisciplinaire pratiquée par beaucoup et qui se fonde sur un dialogue entre sources écrites, pictographiques et archéologiques, sans exclure l’apport des données d’archives relatives à la première époque coloniale et à la localisation des anciens quartiers indigènes (Rovira Morgado 2010 ; González González 2011) 6. Ce qui nous est en fait apparu manquer, ce sont des travaux monographiques sur les déplacements entre les différents lieux de manifestation du pouvoir surnaturel, exception faite de quelques analyses limitées et dispersées dans des publications de nature générale sur les rituels des anciens Nahuas (Dibble 1980 ; Broda 1991b ; Olivier 1997 ; Graulich 1999 ; González González 2011). Nous parlerons ici de « parcours cérémoniel » pour désigner les six catégories qui ont pu être isolées dans l’étude du Codex de Florence : les processions circulaires – tlayahualoliztli –, les déplacements des images divines, les batailles rituelles, les défis agonistiques, les déplacements des prêtres et, enfin, les mouvements qui saturaient l’espace.

Les espaces de culte à l’intérieur de l’enceinte cérémonielle

4 En raison de l’importance des ministres du culte lors de la vingtaine d’etzalcualiztli, les espaces formés par les demeures sacerdotales jouent un rôle majeur dans le déroulement des cérémonies. C’est précisément cet aspect qui permet d’approfondir l’une des fonctions de ces monastères, souvent négligée par les spécialistes, c’est-à-dire celle de lieux de fabrication d’objets rituels.

5 Les sources du XVIe siècle dépeignent les calmecac comme des institutions religieuses principalement vouées à l’éducation des jeunes gens appartenant à la classe dirigeante mexica, ainsi qu’aux pénitences sanglantes, apanage du clergé. C’est essentiellement dans cette optique qu’ils ont été étudiés tout au long de l’histoire (López Austin 1985 ; León-Portilla 1987 ; Calnek 1988). À notre connaissance, aucune publication n’a attiré l’attention sur le rôle majeur joué par les résidences sacerdotales dans la liturgie, en dehors de leur place comme lieux de préparation d’effigies divines comestibles, de vêtements portés par les représentations divines et de nourriture rituelle. Pourtant, les sources dévoilent d’autres détails fort intéressants. S’agissant d’activités qui étaient l’apanage des prêtres, on peut concevoir que l’espace concerné ait coïncidé avec le calmecac. Mais les informations contenues dans les documents coloniaux méritent d’être mieux analysées pour repenser les fonctions des monastères et en donner une image plus complète, allant au-delà des stéréotypes.

6 Le texte nahuatl du Codex de Florence ne fait aucune mention du lieu où les prêtres réalisaient les aztapilpetlatl (« nattes de roseaux »), tandis que sa version espagnole dit : « En llegando con las juncias al cu donde eran menester […] ». Anderson et Dibble (Sahagún

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1950-1982, II, p. 79) ainsi que Broda (1971, p. 282) suivent la version espagnole et traduisent le passage par : « And when they had come reaching [the temple]… » où « temple » est la traduction du mot cu. Or il s’agit d’un vocable que Sahagún utilise pour décrire des temples sur pyramide, des petites structures qualifiées aussi d’oratoires, de petits temples sans couverture, ainsi que des brasiers où on allumait le feu (Couvreur 2000, p. 72). Dans ce contexte, il faudrait traduire le mot cu par teopan 7, locatif formé sur teotl, « dieu » et le suffixe -pan, « près de », une référence probable à l’ensemble des édifices qui formaient l’enceinte à l’intérieur de laquelle se trouvait le sanctuaire du dieu 8. Cet enclos comprenait, entre autres, le calmecac et le tzompantli. De plus, la formule « in teupan, in calmecac » est utilisée pour faire référence à la totalité des espaces contenus dans l’enclos d’un sanctuaire (Sahagún ibid., III, p. 51 ; VII, p. 30).

7 Notre interprétation, selon laquelle la fabrication des sièges et des nattes avait lieu dans un calmecac, est renforcée par l’analyse des autres vingtaines. En atemoztli, c’étaient les prêtres des divinités de la pluie qui étaient chargés d’habiller et orner les Tepictoton, les petites effigies divines des dieux des montagnes, dans le calmecac, et non dans les maisons (ibid., II, p. 152). Une fois le sacrifice des Tepictoton terminé, c’était au calmecac que les gens apportaient la pâte d’amarante tzoalli, c’est-à-dire « le corps des effigies-montagnes » (ibid., I, p. 48). En xocotl huetzi, les vieux prêtres (cuacuacuiltin) avaient la charge de façonner le Xocotl – la figure de pâte d’amarante que l’on mettait au sommet du mât – et de l’orner (ibid., II, p. 112). En panquetzaliztli, on cuisinait la pâte utilisée pour la fabrication de l’effigie de Huitzilopochtli dans un lieu appelé Tilocan ou Xilocan (López Austin 1965, p. 99), qualifié de « maison ». Ensuite, les prêtres façonnaient l’effigie dans la « maison » appelée Itepeyoc. Dans sa Monarquía Indiana, Torquemada (1975-1983, VI, p. 113) explique que ce rituel avait lieu dans une des salles du temple, « que era cerca de su altar y cu ». Le croisement de ces données avec celles contenues dans la Historia de las Indias de Durán (1984, I, pp. 27-28) permet d’affirmer que le Xilocan pourrait être identifié comme étant un calmecac féminin rattaché au Grand Temple. Les fonctions principales des jeunes femmes étaient de préparer à manger pour la divinité ainsi que de réaliser et broder les vêtements portés par les effigies, ce qui confirme qu’une des fonctions des résidences des prêtres était la réalisation d’objets rituels (Sahagún 1950-1982, XII, p. 51 ; Durán ibid., pp. 26-27). En toxcatl, l’élaboration d’une effigie en pâte de Huitzilopochtli avait lieu dans le temple de Huitznahua et, par extension, dans le quartier du dieu (Sahagún ibid., II, p. 71) tandis que la représentation élaborée dans le quartier de Huitznahuac était celle du compagnon de Huitzilopochtli, Tlacahuepan Cuexcotzin (ibid., p. 192). Il y avait donc des espaces spécifiques consacrés aux différentes étapes de création des effigies divines, qui faisaient probablement partie du calmecac et, dans le cas des quartiers, des oratoires calpulco 9. Il n’est donc pas hasardeux de formuler la même hypothèse concernant l’élaboration d’objets rituels.

8 Dans son Annexe, Sahagún (1950-1982) mentionne la présence de sept demeures sacerdotales 10. Même si, en etzalcualiztli, on fait référence de manière générale aux calmecac présents dans la ville, on peut émettre une hypothèse par rapport à la localisation de la résidence sacerdotale d’où sortait la procession des prêtres qui se dirigeait au Temple de Tlaloc, avant le sacrifice des représentations divines. Cette procession était guidée par le Tlalocan tlenamacac, le rang le plus élevé du clergé mexica, et il est donc légitime de croire que le calmecac dont il est question dans ce passage est le Mexico Calmecac, situé dans l’enceinte sacrée (Sahagún ibid., p. 182 ; 1989, I, p. 183). En effet, en etzalcualiztli, le Tlalocan tlenamacac fait son apparition

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seulement au moment de la procession qui mène le clergé du calmecac au Templo Mayor (Sahagún 1950-1982, II, p. 87). Il n’est jamais question de son intervention dans les espaces situés en dehors du centre cérémoniel. Marquina (1960, pp. 100-102), en suivant le schéma de l’illustration de l’enceinte sacrée contenue dans les Primeros Memoriales (Sahagún 1997), avançait que le calmecac se situait dans la partie nord-ouest de l’enceinte, avec une orientation nord-sud. Des fouilles récentes du Programa de Arqueología Urbana ont permis la découverte et le dégagement partiel de ce qui semble être ce calmecac, sous le Centre culturel espagnol, Calle Donceles no 97. La couche archéologique d’époque préhispanique comprenait trois étapes de construction et la chronologie de l’édifice correspond à l’étape VI du Templo Mayor, période qui s’étend de 1486 à 1502 apr. J.-C. (Barrera Rodríguez et López Arenas 2008, pp. 22-29). La demeure des prêtres devait donc être située à l’extrémité nord-occidentale de l’enceinte sacrée et la procession décrite en etzalcualiztli aurait donc suivi un parcours ouest-est, un mouvement réitéré – comme on le verra – dans la plupart des autres parcours de la fête.

Les espaces de culte en dehors de l’enceinte cérémonielle

Le Totecco

9 Ce lieu de culte – dont le nom a été traduit par « dans notre seigneur » par Garibay (González González 2011, p. 122) ou par « le lieu de notre serpent » par Arnold (2009, p. 189) – était visité lors de la punition infligée aux ministres du culte. Les prisonniers étaient jetés dans tous les points d’eau que les religieux rencontraient sur leur chemin, puis les prêtres brûlaient des papiers sacrificiels et des figurines de dieux faites d’encens et de caoutchouc. Ils étalaient ensuite l’herbe yauhtli sur les nattes de roseaux. Les prêtres capturés étaient jetés dans l’eau et presque noyés (Sahagún 1950-1982, II, p. 86). Cette cérémonie avait un poids important dans la liturgie, puisqu’il s’agissait du point de rencontre de plusieurs prêtres du feu et que les familles des religieux transgresseurs s’y rendaient également. C’était ici, en tlacaxipehualiztli, que se terminaient les escarmouches entre les xipeme, c’est-à-dire les pénitents qui portaient une peau d’écorché, comme le dieu , et les guerriers, et que se trouvait une statue en pierre de cette divinité (Sahagún ibid., IX, p. 70 ; González González ibid.). Dans ce passage du texte de Sahagún, cet espace est dénommé Totectzontecontitlan, « près des crânes de notre seigneur ». L’auteur spécifie aussi que le Totecco se trouvait là où avait été érigée l’église de la Conception, qui faisait partie du quartier tlatelolca d’Amaxac, et qu’il était caractérisé par la présence d’un embarcadère (ibid., XII, pp. 109-110). Caso (1956, p. 36) identifie ce quartier comme celui d’Atenantitlan, localisé à l’extrémité nord-orientale de l’île 11. Les études de González Aparicio (1973, pp. 45-46) et González González (2011, p. 125) semblent confirmer que le Totecco était localisé près d’un chemin qui menait à Tepetzinco, la petite montagne au milieu de la lagune, où se situaient au moins deux ayauhcalli 12 (Figure 1). Ce détail confirme l’étroite relation qui existait entre les principaux centres de pouvoir des puissances surnaturelles liées à l’eau, tout comme la vocation aquatique et nourricière de cet espace, lié au culte des dieux de la pluie et du maïs, sous les traits des Tlaloque et de Xipe Totec 13. Or le lien qui existe entre les différents champs d’actions des divinités mexica est une caractéristique profondément structurelle de la pensée religieuse des

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anciens Mexicains, encore extrêmement vivante au sein des sociétés indigènes contemporaines. En ce qui concerne les dieux de la pluie et du maïs, nous savons qu’il s’agit d’un phénomène bien connu et qui remonte à une époque très antérieure au Postclassique 14. À l’époque mexica, le cas sans doute le plus connu est celui du sanctuaire de Tlaloc, appartenant à la Phase II du Templo Mayor, à l’intérieur duquel se trouvent deux peintures murales de Cinteotl, le dieu du maïs mûr. Le culte pratiqué dans cet espace sacré périphérique suivait donc la même logique.

FIG. 1 – La localisation des espaces sacrés de la vingtaine d’etzalcualiztli à Mexico-Tenochtitlan. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après González Aparicio (1973).

Le Tetamazolco

10 Tetamazolco signifie « dans le crapaud de pierre ». Il s’agissait de l’embarcadère destiné aux bateaux localisés à la fin de la chaussée orientale de l’île de Mexico-Tenochtitlan, qui sortait du centre cérémoniel et qui correspond aux actuelles rues de República de Guatemala et Miguel Negrete (Lombardo de Ruíz 1973, pp. 137-138). C’est précisément à cet endroit que, durant huey tecuilhuitl, la représentation divine de la déesse du maïs Xilonen « entrait dans le sable » (Sahagún 1950-1982, II, pp. 103-104 ; Dibble 1980, pp. 197-202 ; López Austin et López Luján 2009, pp. 304-309) 15. Pendant ce rituel, on réalisait une procession circulaire autour de la pyramide ou de la pierre du sacrifice située au sommet. Il est donc possible que le Tetamazolco ait également été caractérisé par la présence d’un temple ou d’un autel et d’un point d’eau où les ministres du culte allaient se baigner. Pendant huey tecuilhuitl, ce lieu était lié au signe acatl, le signe de l’est, un des quatre porteurs de l’année mésoaméricaine, et, par conséquent, à une véritable représentation spatiale du temps (Sahagún ibid., II, p. 104 ; 1989, I, p. 138). Lombardo de Ruíz (1973, pp. 137-138) l’identifie à l’aire de l’actuelle église de San Lázaro. Néanmoins, ce lieu de culte n’était pas superposé au Tetamazolco d’époque

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mexica. En effet, les documents du XVIe siècle nous apprennent que, avant d’être érigé dans l’aire orientale de la ville, en 1572, le sanctuaire de San Lázaro avait connu un autre emplacement : il avait été construit entre 1521 et 1524, puis détruit et déplacé en 1528 (Sánchez Uriarte 2010, pp. 82-83). La cérémonie au Pantitlan se déroulait entre minuit et l’aube et se terminait avec le retour des prêtres à Tetamazolco, où l’on se baignait rituellement et où l’on punissait à nouveau les prêtres coupables de ne pas avoir respecté le jeûne pour Tlaloc. Nous attirons l’attention non seulement sur l’importance liturgique du lieu par rapport aux entités aquatiques, mais aussi sur les points qu’il avait en commun avec le Totecco. Tout comme le premier, il s’agissait d’un endroit riverain, où l’on punissait le clergé négligeant. Il était muni d’un embarcadère et permettait de rejoindre – par voie terrestre ou aquatique – le Tepetzintli et le Pantitlan. En outre, la liturgie du Tetamazolco convoquait une fois encore dans le même espace la liturgie aquatique des Tlaloque et celle, végétale, du maïs (Figure 1).

Les parcours cérémoniels

11 Les parcours effectués par les ministres du culte durant etzalcualiztli, constituent un bon exemple des différents déplacements qui avaient lieu durant les fêtes. Le cycle des vingtaines permet de souligner que ces derniers étaient toujours accompagnés de musique et de chants. Pour cette raison, les formes verbales qui les définissaient, pendant cette vingtaine, sont les suivantes : tlapitzalotiuh : « aller en faisant résonner les conques » et qujpitztiuh : « aller en soufflant sur quelque chose ». Ces termes sont utilisés pour décrire les déplacements – souvent nocturnes – effectués pour rejoindre les ayauhcalli, les sommets des montagnes ou les sanctuaires dédiés aux maîtres des pluies, autrement dit, pour rejoindre les centres du pouvoir des entités aquatiques. Olivier (1997, pp. 244-246) a souligné l’étroite relation qui existe entre le son des instruments à vent et la réalisation d’événements rituels comme la pénitence, la guerre, la chasse et le sacrifice. De même, il a soutenu que l’objectif probable de cette musique était d’attirer l’attention des instances surnaturelles afin de les inviter à descendre sur terre. Il s’agissait donc d’un puissant moyen de communication. En conséquence, il est logique d’imaginer un monopole des ministres du culte sur ces catégories d’instruments, moyen privilégié pour convoquer les êtres divins. Les réalisations de pénitences et les sacrifices n’étaient pas les seules occasions au cours desquelles on jouait de ces instruments. De fait, les parcours réalisés pour rejoindre les ayauhcalli avaient aussi pour but le dépôt d’objets rituels usagés. Par ailleurs, la manifestation de la réciprocité qui existe entre les instances divines et les hommes est bien exprimée par les mouvements spatiaux effectués. Les expéditions dans les montagnes avaient pour but d’aller chercher les instruments de pénitence ou de conduire des victimes vers les lieux de sacrifice. Les prêtres y recueillaient des outils mis à leur disposition par les divinités aquatiques pour l’autosacrifice ; à l’inverse, les victimes offertes permettaient aux hommes de « payer leur dette » envers les dieux.

12 L’étude des parcours met en évidence un modèle radiant, dont les directions les plus utilisées sont le nord (le Citlaltepec, le Totecco) et l’est (le Tetamazolco, le Pantitlan), orient cosmique où étaient localisés la plupart des centres de pouvoir où se manifestaient les entités sacrées de l’eau et où se situait le Mont Tlaloc. Or la partie du monde correspondant à l’est, direction du lever du soleil, était appelée tlalocan. On note également que le vent provenant de l’est était appelé tlalocayotl, ce qui confirme la

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relation entre ce point cardinal et le dieu de la pluie (López Austin 1997, pp. 216-218). Le nord, pour sa part, s’appelait mictlampa, le nom également du vent provenant du pays des morts (Sahagún ibid., VII, p. 14). Broda (1991a, p. 113) le considère comme la direction cosmique d’où provenaient les pluies 16.

Le symbolisme des roseaux aztapilin et la dimension végétale de la vingtaine

13 Les roseaux, centre de la liturgie de la vingtaine d’etzalcualiztli, appelés aztapilin/ oztopilin (ou tolmimilli 17) étaient longs, hauts et avaient des bases très blanches (Sahagún ibid., XI, p. 195). Ils avaient pour dieu tutélaire Nappatecuhtli, « Le Quatre Fois Seigneur », un des dieux de la pluie (López Austin 1997, p. 119), grâce auquel ils poussaient (Sahagún ibid., I, p. 45). Pendant l’élaboration des sièges et des nattes, les prêtres juxtaposaient la partie blanche des bases et le vert des cannes. Les éléments confectionnés devenaient des instruments utilisés pendant le culte, avec lesquels les prêtres réalisaient les différentes étapes du rituel. Les nattes constituaient le lit des prêtres tout au long des vingt jours ; elles étaient aussi le siège où l’on déposait différentes offrandes de nourriture, de l’herbe yauhtli ainsi que des boules de jade, utilisées probablement pour évoquer les pluies, au pied du Templo Mayor (Graulich 1999, pp. 365-366 ; Dehouve 2012, p. 48). À première vue, la description du façonnage des nattes peut passer pour un texte fortement rhétorique, mais on doit remarquer que, dans le cycle des vingtaines, il n’y a aucune autre description aussi minutieuse de la fabrication d’objets rituels. En outre, les détails fournis nous permettent de reconnaître la présence des sièges tressés dans un bon nombre de documents pictographiques. L’étude du Codex de Florence met en évidence le caractère extraordinaire de l’utilisation des nattes tressées, qui apparaissent dans des contextes rituels et souligne la relation exclusive que ces végétaux entretenaient avec le culte aquatique et terrestre. Il ne faut pas croire d’ailleurs que toutes les plantes aquatiques étaient liées aux dieux de la pluie. Lors de la vingtaine, en effet, on avait recours à d’autres types de roseaux lacustres, pour des usages différents. Ainsi, les prêtres allaient d’abord chercher des branches de pin ou des roseaux verts, qui étaient apportés dans les temples des dieux. Ces roseaux, appelés acaxoxouhqui, faisaient partie des instruments de pénitence habituellement utilisés par les prêtres. Le mythe de la naissance du cinquième Soleil présente ces végétaux comme le véritable « prototype » des plantes employées par Nanahuatzin au moment du jeûne. Tecciztecatl-Lune avait utilisé, en revanche, des plumes de quetzal (Sahagún ibid., VII, p. 4 ; Graulich 2000, pp. 118-130). Plus tard et à un autre moment durant la fête, on rentrait au calmecac et on éparpillait par terre des roseaux appelés atolin 18. Rappelons aussi que l’ oztopilcuahuitl, le bâton de roseau oztopili, était un attribut distinctif des dieux de la pluie et des montagnes. Les petites effigies l’arboraient pendant atemoztli ou au moment où elles étaient placées devant les défunts qui allaient être enterrés dans les Maisons de Brume 19. D’un point de vue iconographique, ces roseaux sont représentés dans plusieurs images du Codex Borbonicus (1991, pl. 23, 29, 32, 35) et du Codex Magliabechiano (1970, pl. 34r, 63r, 81r, 82r). Dans le premier document, ils jouent le rôle de siège, d’ornement de temples et de bouclier et sont associés à des divinités comme Tlaloc, Chicomecoatl, déesse du maïs mûr, et Nappatecuhtli (Figures 2, 3, 4).

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FIG. 2 – Tlaloc assis sur un siège de roseaux aztapilin. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après le Codex Borbonicus (1991, pl. 23).

FIG. 3 – Le temple associé à Chicomecoatl, orné de roseaux aztapilin. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après le Codex Borbonicus (1991, pl. 29).

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FIG. 4 – Nappatecuhtli avec un bouclier réalisé de roseaux aztapilin. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après le Codex Borbonicus (1991, pl. 32).

14 Dans le Codex Magliabechiano, en revanche, les dieux associés sont Tlaloc, , entité liée au pulque, et une autre divinité interprétée comme l’un des démons nocturnes (Tzitzimime), ou bien la déesse de la terre , ou encore le dieu du pays des morts, Mictlantecuhtli (Figures 5, 6, 7).

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FIG. 5 – Tlaloc debout sur une natte aztapilpetlatl. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après le Codex Magliabechiano (1970, pl. 34r).

FIG. 6 – Ixtlilton debout sur une natte aztapilpetlatl. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après le Codex Magliabechiano (1970, pl. 63r).

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FIG. 7 – Tlaltecuhtli ou une Tzitzimitl debout sur une natte aztapilpetlatl. Dessin de l’auteur (E. M.) d’après le Codex Magliabechiano (1970, pl. 82r).

15 Durant les mois et fêtes tepeilhuitl et atemoztli, notre roseau est cité parmi les différents types de roseaux utilisés pour confectionner des lits de joncs où étaient dressés les dieux des montagnes (Sahagún ibid., II, pp. 132, 153). Or les divinités de la pluie partageaient plusieurs traits avec celles des montagnes et du vent. Elles s’apparentaient aussi à l’ensemble des dieux du maïs et, en général, à la terre, tout comme à ses auxiliaires, les Centzon Totochtin, dieux du pulque et de l’ivresse, autres incarnations des dieux des montagnes (López Austin 1997, p. 225). Voilà pourquoi nous retrouvons, parmi les effigies-Tepictoton – et parmi les utilisateurs des nattes – les noms de plusieurs Tlaloque, les dieux-montagnes qui sont aussi ceux du pulque. Dans ce dernier groupe, nous pouvons compter Ixtlilton ainsi que Chicomecoatl, qui s’avère être un Tlaloque (Sahagún ibid., VI, p. 35). Si, parmi les dieux des montagnes, les sources citent également Cihuacoatl et le dieu du feu, c’est en raison du caractère tellurique de Cihuacoatl-Ilamatecuhtli, l’épouse de Mictlantecuhtli, fêtée précisément pendant etzalcualiztli (Codex Ixtlilxochitl 1976, p. 21). Celle-ci se confond avec la déesse du foyer domestique, , les démons Tzitzimime et la déesse Tlaltecuhtli (Leyenda de los Soles, p. 191 ; Graulich 2000, p. 228). Son temple, le Tlillan, situé dans l’enceinte sacrée de Tenochtitlan, hébergeait aussi d’autres effigies divines dont la description fait fortement penser aux maîtres de la foudre (Durán 1984, I, p. 127 ; Broda 1991b, p. 488). Quant au dieu du feu Huehueteotl-, il était celui « qui est au centre de la terre » (Sahagún ibid., VI, p. 19). En tant que foyer domestique, il représentait le centre symbolique de chaque maison et possédait une dimension à la fois céleste, terrestre et infraterrestre (Ragot 2000, p. 117). Les aztapilpetlatl étaient donc des objets rituels façonnés pour recevoir des entités surnaturelles spécifiques, appartenant au domaine de l’eau et de la terre (López Austin 1997, pp. 199-200). Ces mêmes objets étaient recouverts d’herbe yauhtli et servaient de siège aux prêtres de Tlaloc, de supports aux

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boules de jade ainsi qu’aux offrandes alimentaires constituées par les boules de maïs, des tomates et des piments verts. Il s’agissait des différentes représentations – humaines, végétales ou minérales – du domaine naturel de l’eau. Si la relation symbolique entre les dieux de la pluie, les prêtres de Tlaloc, les boules de jade et l’herbe yauhtli est un aspect bien connu dans le rituel mexica (Sahagún ibid., III, p. 47, VI, p. 35 ; Ortiz de Montellano 1980, pp. 290-294 ; Graulich 2005, p. 233), les offrandes alimentaires peuvent être considérées comme une manifestation du tonacayotl, la nourriture des hommes, dont Chicomecoatl était l’incarnation (Sahagún ibid., I, p. 13 ; Durán 1984, I, p. 135), ainsi qu’une manifestation des richesses aquatiques et terrestres du Tlalocan, le paradis du dieu de la pluie 20. Il s’agit d’un véritable langage végétal, la liturgie prévoyant l’utilisation de plantes et de fleurs spécifiques pour chaque membre du panthéon. En effet, l’utilisation de végétaux dont le symbolisme pouvait être rattaché à une personnalité divine n’était pas une coutume propre à la fête d’etzalcualiztli ; au contraire, le cycle des vingtaines nous en offre plusieurs exemples 21. Le cas le plus connu est celui de la vingtaine de tlacaxipehualiztli, pendant laquelle on fabriquait les tzapoicpalli – les sièges de sapotillier – utilisés par les prêtres sacrificateurs (Durán 1984, II, p. 173), ainsi que par les xipeme. Les grappes de maïs que les habitants de la ville accrochaient aux toits des maisons étaient également disposées sur ces sièges (ibid., I, p. 97 ; Sahagún ibid., I, p. 40 ; González González 2011, p. 274). Comme l’a signalé González González (ibid.), cette caractéristique démontre une équivalence substantielle entre les représentations divines du dieu et la céréale, au moment où elle avait atteint son stade définitif de maturation 22. D’autres exemples – s’ils sont moins clairs – existent pour les vingtaines de huey tozoztli, toxcatl et quecholli. Pendant la fête des dieux du maïs, on jeûnait pendant quatre jours et de jeunes garçons ornaient les effigies des dieux avec des roseaux tolpatlactli, en coupant leurs parties inférieures. Ensuite, lors des jours de pénitence, les jeunes gens couvraient les effigies de sang issu de leurs oreilles et de leurs jambes (Sahagún ibid., II, p. 61 ; 1989, I, p. 113) 23. En toxcatl, la cour du temple et les escaliers de la pyramide de étaient parsemés de feuilles de maguey. Il existe une relation évidente entre cette plante, que nous savons liée à la production du pulque, et le culte de Tlamatzincatl, dieu de l’ivresse qui n’était autre qu’un aspect de Tezcatlipoca. Rappelons que les informateurs de Sahagún déclarent qu’il s’agissait de la fête de Tezcatlipoca « […] y por otro [nombre] Tlamatzincatl » (Sahagún 1989, I, p. 115 ; voir Olivier 1997, p. 254) 24. Finalement, dans certains des espaces sacrés de la vingtaine de quecholli – tels que la cour du temple de – on étalait de l’herbe sèche zacate, un végétal dont le symbolisme se rattache au nord poussiéreux et aride, théâtre des aventures mythiques de Mixcoatl (Leyenda de los Soles, pp. 185-189 ; Sahagún 1950-1982, II, p. 226).

Conclusions

16 Dans cette étude, nous avons tenté de mettre en valeur certains aspects de la liturgie d’ etzalcualiztli à travers l’analyse de trois espaces de culte, des itinéraires cérémoniels et des objets rituels utilisés, en attirant l’attention sur les nombreuses pistes de recherche que la démarche méthodologique que nous avons suivie révèle. Avant tout, nous avons vu que, en dépit de l’image officielle que les documents anciens leur ont attribuée, et qui a été reprise dans les recherches des spécialistes, les calmecac étaient des espaces multifonctionnels. La préparation d’objets rituels et de nourriture divine était une activité fondamentale de la liturgie et elle avait lieu dans les demeures sacerdotales.

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L’importance de ce point mérite un approfondissement étant entendu que le calmecac demeurait une institution dont la tâche principale était éducative et pénitentielle.

17 Ensuite, l’attention portée à Totecco et à Tetamazolco nous a permis d’approcher deux aspects majeurs de la dimension spatiale des liturgies de Mexico-Tenochtitlan. On a vu que ces lieux ont en commun de nombreuses caractéristiques : situés à la frontière entre la terre et les espaces aquatiques des lacs, il s’agissait d’endroits riverains qui faisaient office d’embarcadères, où avaient lieu des bains rituels ainsi que les punitions des prêtres coupables. Il s’agissait également de deux étapes obligatoires pour pouvoir rejoindre – par un chemin terrestre ou aquatique – le Tepetzintli et le Pantitlan. Leur localisation exacte dans le territoire insulaire nous permet de voir représentés les deux orients cosmiques impliqués dans le cycle saisonnier des pluies : l’est et le nord. Un tour d’horizon rapide des vingtaines montre d’ailleurs que ces deux espaces jouaient également un rôle significatif dans la liturgie des divinités se rapportant au maïs, comme Xipe Totec et Xilonen. L’étude des espaces religieux, lorsqu’une approche polysémique est privilégiée, met en évidence l’emploi régulier de ces lieux pour la réalisation de liturgies destinées à des êtres divins différents, mais illustrant bien les capacités de fusion et fission des êtres surnaturels nahuas. Parfois, les instances dominant un espace présentent des éléments communs. Dans d’autres situations, en revanche, les êtres divins évoqués dans le rite sont la manifestation d’une union de contraires 25. La reconstruction de la localisation et de l’utilisation rituelle du Totecco et du Tetamazolco ne représente qu’un exemple de l’importance de l’analyse à mener sur les pratiques rituelles réalisées dans l’aire urbaine périphérique de la capitale mexica. Enfin, les objets rituels qui jouaient un rôle majeur dans les cérémonies étaient les nattes de roseaux verts et blancs, les aztapilin, fabriquées pour accueillir exclusivement les différentes manifestations des entités liées à l’eau et à la terre. Une fois les rituels terminés, leur cycle de vie s’achevait dans les ayauhcalli, des lieux qui faisaient office de dépôt pour les restes des objets rituels et des offrandes, dont la charge sacrée, encore trop puissante, demandait à être occultée (Sahagún 1950-1982, II, pp. 133, 153). Là aussi, nous n’avons donné ici qu’un aperçu de l’existence de véritables liturgies végétales dont les documents coloniaux nous ont laissé des témoignages. Loin d’être un aspect secondaire du culte, l’environnement végétal des vingtaines nous renseigne sur les liens qui unissaient une divinité à une plante spécifique ; leur étude propose de nouvelles interprétations sur la dimension mythique évoquée dans le rite (Dupey García 2013) et sur la recréation de lieux mythiques dans l’aire urbaine. Ainsi, l’analyse des espaces, des mouvements et des objets végétaux utilisés aide à la tâche difficile qu’est la reconstruction de la liturgie dans son intégralité.

18 Lors d’etzalcualiztli, ces trois éléments évoqués illustrent la cohérence rhétorique d’un culte aux dieux aquatiques. Ils soulignent l’intégration de la vénération de l’eau, du maïs et de la terre, depuis le centre, représenté par l’enceinte sacrée, jusqu’aux sanctuaires les plus périphériques de la ville. Une pratique spatiale qui fait de Mexico- Tenochtitlan une image même du cosmos.

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NOTES

1. Dans cet article nous avons choisi de privilégier l’orthographe du nahuatl des sources historiques. S’agissant d’une langue étrangère, les formes du singulier et des pluriels seront identiques. Nous sommes consciente du fait que cette façon d’écrire ne correspond pas à la langue nahuatl. Notre choix est dicté par le souci de privilégier la clarté du contenu de notre travail. La graphie que nous présentons est celle employée par Wimmer (2006), mais nous ne marquons pas la présence des saltillos et des voyelles longues. 2. Arnold (2009, pp. 122, 167) identifie les localités citées comme étant géographiquement proches de San Juan Zitlaltepec. 3. Il s’agit d’une sangle de portage frontal (Wimmer 2006, s.v. mecapalli). 4. Plusieurs « vols autorisés » étaient permis aux ministres du culte pendant ce mois. Selon Botta (2004, pp. 150-151), la violence des prêtres soulignait que la gestion de la fête leur était

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complètement réservée. Même le pouvoir du souverain, dont le tribut pouvait à son tour être volé, leur était soumis, puisqu’ils fabriquaient des « instruments royaux », les nattes, symbole du pouvoir en Mésoamérique, afin de mener à bien leur tâche. En revanche, selon Arnold (2009, pp. 121-123) cela était dû à la crainte que les prêtres suscitaient chez les gens, pendant une vingtaine au cours de laquelle on célébrait aussi la nature violente de la consommation de nourriture par les hommes. Finalement, López Austin et López Luján (2006, pp. 40-41) considèrent que ces vols évoquaient les prouesses des dieux de la pluie dans le mythe de la découverte du maïs, une aventure mythique qui, selon les deux chercheurs, était réactualisée précisément durant etzalcualiztli. 5. Nous renvoyons, entre autres, à Caso (1967), López Austin (1970), Kirchhoff (1971). Parmi toutes ces études ressort, en raison de son caractère exhaustif, l’analyse de Graulich (1999). Entre les études qui ont porté sur une vingtaine particulière, on citera notamment Carrasco (1991), Olivier (1997), Limón Olvera (2001), Rodríguez Figueroa (2010) et González González (2011). 6. En dépit de l’exhaustivité du travail de Rodríguez Figueroa (2010), il importe de souligner que cet auteur fonde toutes ses interprétations exclusivement sur la production littéraire de Sahagún. Or cette approche s’avère réductrice, dans la mesure où elle exclut les informations de première main contenues dans des sources comme la Historia de las Indias (Durán 1984) et la Crónica mexicana (Alvarado Tezozómoc 2001). 7. Molina (2008, pl. 101) traduit les mots teopan et teopantli par « iglesia » ; selon Siméon (1963, p. 437) teopan serait une « apocope de teopantli, temple ». Finalement, Wimmer (2006, s.v. teopan; teopantli) traduit ce vocable comme un locatif dont le sens serait « près du temple, au temple ». 8. Dans le Codex de Florence le mot iteopan est employé pour désigner le sanctuaire du dieu au sommet de la pyramide, où étaient gardées les effigies divines (Sahagún 1950-1982, I, p. 35 ; III, p. 13 ; IV, p. 17), les sanctuaires qui constituaient les temples des quartiers (ibid., II, pp. 56, 99), les bâtiments rattachés au sanctuaire, tels que les lieux où l’on gardait les représentations divines ou le lieu de fabrication des effigies en pâte d’amarante (ibid., II, pp. 87, 119) ou encore en tant que synonyme de teocalli (ibid., VIII, p. 17). 9. Le Codex de Florence fait état de la réalisation de plusieurs effigies en pâte d’amarante (tzoalli), dont les lieux de fabrication étaient les sanctuaires calpulco. C’est notamment le cas des dieux Omacatl, Xiuhtecuhtli et Tzapotlantenan (ibid., I, p. 17 ; II, pp. 38, 168). 10. Les calmecac sont les suivants : Tlillan Calmecac ; Mexico Calmecac ; Huitznahuac Calmecac ; Tetlanman Calmecac ; Tlamatzinco Calmecac ; Yopico Calmecac ; Tzonmolco Calmecac (ibid., II, pp. 182-188). 11. Ce quartier était délimité au nord par la rue Canal del Norte, à l’est par l’Avenida del Trabajo, au sud par la croix formée par les rues Tolteca et Matamoros, jusqu’au croisement des rues Del Peñón et Jesús Carranza et, à l’ouest, par cette même rue (Caso 1956, p. 36 ; González González 2011 p. 123). 12. Une ayauhcalli était localisée à l’est : appelée Poyauhtlan, c’était le théâtre de la mise à mort, en atlcahualo, de la représentation divine appelée Poyauhtecatl ; une autre, à l’ouest, était qualifiée de Tozocan, « lieu où l’on veille » : c’est à cet endroit que les représentants des montagnes passaient la dernière nuit avant le sacrifice (Sahagún ibid., II, pp. 43, 105-106). 13. Les relations entre le dieu à peau d’écorché et la céréale sont nombreuses. Présent dans d’autres vingtaines liées au cycle du maïs, comme huey tecuilhuitl, Xipe Totec était comparé à l’épi de maïs mûr. Par ailleurs, le tlahuahuanaliztli, le « sacrifice gladiateur », du mois et de la fête tlacaxipehualiztli a été interprété comme une métaphore de la récolte des dieux – où les captifs jouaient le rôle des épis de maïs – qui se déroulait parallèlement à la celle des hommes dans les champs (Graulich 1999, pp. 299-305). 14. On ne citera ici que deux exemples : plusieurs stèles d’Izapa (400-100 av. J.-C) montrent une divinité au grand nez associée à la fois à la pluie et au maïs. Le Palais de Zacuala, à Teotihuacan, pour sa part, contient une peinture murale où un personnage, portant les « lunettes » de Tlaloc,

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charge sur son dos un filet rempli d’épis de maïs et tient une plante du précieux aliment dans la main droite. 15. Dans ce rite, au coucher du soleil les représentations divines des dieux réalisaient une procession (tlayahualoliztli) autour d’un édifice religieux ou de la pierre sacrificielle ; elles offraient de l’encens et se dispersaient ensuite pour aller réaliser la veillée nocturne précédant leur sacrifice. La plupart des spécialistes considèrent que son étymologie et sa signification renverraient à l’entrée des victimes dans le Tlalocan (Dibble 1980 ; Graulich 1999 ; Rodríguez Figueroa 2010). 16. Cette assertion s’appuie sur le fait que, pendant le laps de temps entre les deux passages au zénith (printemps et automne), le soleil voyage vers le nord, un déplacement qui est compris entre le début et l’apogée de la saison des pluies. 17. La définition de Molina (2008, pl. 148) est « junco gordo y largo ». Siméon (1963, p. 647) traduit, lui, par « gros jonc servant à faire des nattes ». 18. Wimmer (2006, s.v. atolin) traduit par : « variété de roseau ». Puisque le mot tollin ou tullin fait référence au roseau ou au jonc le plus commun, atolin pourrait se traduire par « roseau d’eau ». 19. Ce sceptre est arboré par les entités liées à l’eau, au maïs et au pulque, ainsi que par les prêtres des Tlaloque. Nous renvoyons, par exemple, à Sahagún (1997, pl. 261v, 263v, 264v, 265v) et au Codex Borbonicus (1991, pl. 15, 25, 29, 36). Voir aussi Vauzelle (2012, pp. 49-50). 20. Ces légumes poussaient en abondance dans le Tlalocan (Sahagún 1950-1982, III, p. 47). Le maïs, la tomate et le piment représentent aussi le don offert aux émissaires de Motecuhzoma II par Huemac, seigneur du Cincalco, autre réplique du Tlalocan (Durán 1984, II, pp. 493-497 ; Alvarado Tezozómoc 2001, pp. 456-457 ; Graulich 1994, pp. 311-319 ; Ragot 2000, pp. 140-146). 21. La même logique est à l’œuvre en ce qui concerne le langage floral (Dupey García 2013). 22. . La plante appelée cochiztzapotl était employée pour soigner les troubles oculaires et dermiques, maux considérés comme envoyés par le dieu à peau d’écorché (Sahagún 1950-1982, I, p. 39 ; González González 2011, p. 274). 23. Le tolpatlactli était un roseau sauvage dont les racines, acaxilotl, pouvaient être mangées crues ou cuites dans une marmite (Sahagún ibid., XI, p. 195 ; 1989, II, p. 783). Son étymologie souligne la relation qui existe entre ce végétal et le culte du maïs : acatl signifie roseau, tandis que le xilotl est l’épi de maïs tendre (Wimmer 2006, s.v. acatl ; xilotl). 24. Les traits de l’astre couchant sous lesquels est représenté Tezcatlipoca dans son temple – dont les restes sont visibles à l’emplacement de l’édifice de l’ancien Arzobispado – semblent confirmer cette manifestation du Seigneur au Miroir fumant en tant que dieu du pulque. 25. Le Temple de Huitznahuac en huey tecuilhuitl, le Temple Xochicalco en ochpaniztli, le Temple de Coatlan en quecholli et le Temple de Xiuhtecuhtli en izcalli représentent les exemples les plus significatifs de cette union des contraires rencontrés tout au long de l’analyse des vingtaines que nous avons développée ailleurs (Mazzetto 2012).

RÉSUMÉS

Les descriptions des cérémonies religieuses des dix-huit fêtes de l’année solaire mexica que nous ont laissées les sources historiques de l’époque coloniale offrent une grande quantité de données sur la vie rituelle des Mexica. Néanmoins, la dimension spatiale relative à la caractérisation et à la distribution des lieux de culte, ainsi que les itinéraires urbains empruntés par les participants

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constituent des thèmes de recherche qui n’ont pas été suffisamment approfondis. Dans cette contribution, nous nous proposons de traiter ce sujet à propos de la fête d’etzalcualiztli, consacrée aux divinités aquatiques, en insistant sur trois aspects : l’utilisation de certains lieux religieux, l’élaboration d’objets rituels et la logique des déplacements cérémoniels réalisés dans l’espace urbain de Mexico-Tenochtitlan.

The colonial period historical descriptions of the eighteen celebrations of the Mexica solar year religious ceremonies offer a rich set of data on Mexica’s ritual life. Nevertheless, the spatial dimension regarding the characterization and the distribution of the places of worship, as well as the urban itineraries taken by the participants are research topics that have not been investigated enough. In this work, we intend to approach these topics, in the case of the etzalcualiztli celebration dedicated to the aquatic gods, by drawing the attention on three aspects: the use of religious places, the creation of ritual objects and the logic of the ceremonial processions which took place in the urban space of Mexico-Tenochtitlan

Las descripciones de las ceremonias religiosas de las dieciocho fiestas del año solar mexica que nos dejaron las fuentes históricas de la época colonial presentan ricas series de datos acerca de la vida ritual de los mexicas. Sin embargo, la dimensión espacial vinculada a la caracterización y a la distribución de los lugares de culto, así como los itinerarios urbanos seguidos por los participantes constituyen temas de investigación que no han sido suficientemente explorados. En este trabajo, nos proponemos abordar estos temas en el caso de la fiesta de etzalcualiztli, consagrada a las divinidades acuáticas, con especial enfoque en tres aspectos: la utilización de algunos lugares religiosos, la elaboración de objetos rituales y la lógica de los desplazamientos ceremoniales realizados en el espacio urbano de México-Tenochtitlan.

INDEX

Mots-clés : rites, espaces sacrés, objets rituels, Mexico-Tenochtitlan, Mexica Keywords : rituals, sacred spaces, ritual objects, Mexico-Tenochtitlan, Mexica Palabras claves : ritos, espacios sagrados, objetos rituales, México-Tenochtitlan, mexicas

AUTEUR

ELENA MAZZETTO

Université Libre de Bruxelles, département Histoire, Art et Archéologie, CP 175, 50 avenue F. D. Roosevelt, B-1050 Bruxelles, Belgique [[email protected]]

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La représentation de la musique et de la danse dans les œuvres de Post et Wagner : une archéologie des musiques noires au Brésil The representation of music and dance in Post and Wagner’s paintings: an archaeology of Brazilian Black music. A representação da música e da dança nas pinturas de Post e Wagner: uma arqueologia da música afro-brasileira

Jean-Pierre Estival

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en juillet 2013, accepté pour publication en février 2014.

1 Les musiques afro-américaines ont formé la matrice des musiques populaires depuis le début du XXe siècle. Elles ont été à la base de développements particulièrement féconds dont le blues, le jazz, le samba, le tango, le reggae ou la salsa sont des exemples notoires. Issues du métissage entre formes d’origine européenne et formes d’origine africaine, lors d’un processus historique particulièrement cruel – la déportation, l’esclavage dans le monde de la plantation –, elles ont pris une place absolument considérable dans notre monde globalisé. On est frappé par leur diversité, mais aussi, et surtout peut-être, par leur extraordinaire créativité : peu d’éléments de modernité ou de mode dans le champ des musiques populaires sont exempts de référence aux formes afro-américaines. Le Brésil est l’un des pays où ce monde musical est le plus riche et le plus diversifié. Depuis les travaux pionniers de Carneiro (1982 [1961]) et d’Andrade (2002), l’apport des Noirs est aujourd’hui reconnu et valorisé (Sandroni 2001 ; Vianna 1999 [1995]) comme l’une des sources majeures de la musique brésilienne.

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2 Nous voudrions présenter, dans cet article, une archéologie de ces formes, à partir d’un fonds documentaire exceptionnel qui date de la première moitié du XVIIe siècle. Les tableaux de Frans Janzsoon Post et la gouache de Zacharias Wagner sont, du point de vue de l’iconographie musicale de la région, aussi souvent reproduits (par exemple, Tinhorão 2008 [1988], frontispice) qu’ils ont été peu étudiés de façon approfondie.

3 Après avoir rappelé le contexte de la colonisation hollandaise, nous introduirons la problématique de la représentation de la musique dans la peinture du Siècle d’or, puis nous évoquerons les quelques sources écrites sur le sujet. Les œuvres seront ensuite décrites, ce qui nous amènera à induire l’existence d’un motif type dans l’œuvre postienne. Nous tenterons enfin, sans sur-interpréter les sources, de comprendre comment ce motif a été intégré dans les compositions.

Le Brésil hollandais et le projet de Jean-Maurice de Nassau

4 Dans l’histoire coloniale du pays, l’épisode hollandais 1, relativement court (1630-1654), est certainement l’un des mieux connus : la documentation néerlandaise est immense, et elle a fait l’objet, depuis le milieu du XIXe siècle, de traductions et d’études importantes de la part d’historiens brésiliens et néerlandais. On citera en particulier Cabral de Mello (2010) – qui regroupe de nombreuses sources originales traduites ou transcrites en portugais moderne –, les œuvres classiques de Wäjten (1938 [1921]) et Boxer (2004 [1957]), mais surtout celle de Gonsalves de Mello (2001 [1947]) qui constitue une remarquable synthèse de l’histoire économique et sociale de la colonie. On trouvera une bibliographie à peu près complète des fonds manuscrits et imprimés chez cet auteur (ibid., pp. 281-286).

5 Le Brésil était une colonie portugaise depuis le début du XVIe siécle, et le Portugal était lui-même sous la domination de l’Espagne depuis 1580. Les Pays-Bas, devenus république des Provinces-Unies, sortaient, au début du XVIIe siècle, de leur terrible guerre d’indépendance contre l’Espagne 2, et s’affirmaient déjà comme une puissance maritime de premier plan en Europe. La Geoctroyeerde Westindische Compagnie ou (G)WIC était une société commerciale – dotée d’une importante force militaire – qui avait le monopole du commerce avec l’Amérique et l’Afrique de l’Ouest. Conquis dès 1624, le Pernambouc devint la base de la conquête hollandaise du Nordeste brésilien. L’objectif de cette colonie était la production et la commercialisation du sucre, qui devait fournir des richesses considérables à la compagnie. Démanteler le Brésil portugais, et donc affaiblir indirectement l’Espagne, n’était sans doute pas non plus pour déplaire au gouvernement de la jeune république des Provinces-Unies.

6 En 1636, Jean-Maurice de Nassau 3 est nommé gouverneur de la colonie. Il la marquera fortement de son empreinte jusqu’à son départ en 1644. Le Brésil hollandais ne lui survivra guère : après une phase de décadence et de défaites militaires successives face à l’insurrection portugaise, les Néerlandais quittèrent définitivement le Brésil en 1654. Chef de guerre et aussi homme de grande culture, Nassau arriva au Brésil avec des militaires, des scientifiques et des peintres comme Albert Eckhout (1610-1666) et Frans Post, assistés de Gillis Peeters (1612-1653), Caspar Schmalkalden (1616-1673) et Abraham Willaerts (1603-1669). Le projet documentaire naquit de la proximité que Jean-Maurice de Nassau entretenait avec les élites intellectuelles de son temps : prince

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européen, il souhaitait rapporter de son séjour les collections d’objets et la documentation scientifique les plus importantes possibles, afin de se voir reconnaître non seulement comme un grand militaire et un grand administrateur, mais aussi comme un interlocuteur des savants et de la haute noblesse cultivée d’Europe. L’amitié de Nassau avec Constantijn Huygens (1596-1687) 4 permit ainsi le recrutement d’une équipe compétente. Les œuvres scientifiques de Georg Markgraf (1611-1644) et Willem Piso (1611-1678), de vivants récits (comme ceux du mercenaire strasbourgeois Ambrosius Richshoffer – 2004 [1677] – ou du pasteur Pierre Moreau – 1651), la compilation hagiographique de Barlaeus (1647) et, bien sûr, les œuvres peintes d’Eckhout (Brienen 2006), Post et Wagner forment un ensemble documentaire d’une densité tout à fait exceptionnelle pour le XVIIe siècle colonial.

7 Nassau étendit considérablement la colonie par la force (du Sergipe au Maranhão), mais, surtout, se révéla être un administrateur hors pair, faisant preuve d’une grande tolérance religieuse 5 tout en structurant la vie économique et sociale du Nordeste hollandais. Cette tolérance n’alla cependant pas jusqu’à supprimer ou adoucir l’esclavage des Noirs, qui constituait l’unique base économique de la production sucrière.

8 Le recueil d’une documentation précise visait à servir les intérêts politiques, administratifs et idéologiques de la conquête et de l’exploitation de la nouvelle colonie. Dans l’esprit même de Jean-Maurice de Nassau, les tableaux de Post et d’Eckhout participaient bien d’une entreprise documentaire. Lorsqu’il fit don à Louis XIV, à la fin de sa vie, de trente-quatre toiles de Post et de huit d’Eckhout 6, il écrivit au roi : « [Je vous offre ces toiles] de manière à ce que Votre Majesté puisse voir ce beau pays, que rien n’égale au monde, reproduit en diverses œuvres qui représentent les hommes, les animaux, les poissons et les fruits, le tout en taille naturelle, [...] » (lettre de Clèves datée du 8 février 1679, in Cabral de Mello 2010, p. 324). Il dicta au peintre Paul de Mily, qui était chargé d’apporter les tableaux, un guide décrivant, œuvre par œuvre, son cadeau au roi. Ainsi, Jean-Maurice de Nassau fut à l’origine d’un projet encyclopédique qui préfigurait, en quelque sorte, l’aventure humaine et intellectuelle qui devait se développer plus d’un siècle plus tard, avec Diderot et d’Alembert, mais aussi Bougainville, Cook et Humboldt.

9 Pour les études afro-américaines et, en particulier, pour la musique, les peintures de Post et Wagner sont sans équivalent : au Brésil, il faudra attendre plus d’un siècle et quelques rares œuvres de Carlos Julião (ca 1740-1811), Jean-Baptiste Debret (1768-1848) ou Johan-Moritz Rugendas (1802-1858) pour avoir des représentations figurées de la musique et de la danse d’une certaine qualité. Rappelons enfin que les premiers enregistrements sonores de musiques noires au Brésil datent de 1937 (Oliveira Pinto 2004, p. 119).

10 Frans Janzsoon Post (1612-1680) arriva au Brésil avec la suite de Jean-Maurice de Nassau, à l’âge de 24 ans. Né à Haarlem au sein d’une famille de peintres et d’architectes 7, on sait peu de choses de sa vie et de sa formation (voir Corrêa do Lago et Corrêa do Lago 2007, pp. 23 et 80 ; Duparc 2012 ). Il vécut au Brésil entre 1637 et 1644. Il y peignit dix-huit tableaux 8 et fit d’innombrables dessins et croquis, pour la plupart aujourd’hui perdus. De retour à Haarlem, il y passa le reste de sa vie à peindre, presque exclusivement des thèmes brésiliens en utilisant certainement ses croquis. La qualité de ses tableaux déclina à partir du milieu des années 1650 tout comme, nous le verrons, leur aspect documentaire. Il sombra peu à peu dans l’alcoolisme et arrêta de peindre

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dix ans avant sa mort en 1680. Zacharias Wagner (1614-1668) a, quant à lui, peint une seule œuvre représentant des musiciens et danseurs. Nous évoquerons sa vie dans le paragraphe consacré à son Negertanz.

Peindre la musique et ses instruments

11 Le Siècle d’or hollandais figure parmi les périodes les plus prestigieuses de l’histoire de l’art occidental (Alpers 1990). Les œuvres picturales étaient en effet extrêmement prisées par la bourgeoisie naissante, qui commençait à s’enrichir fortement du fait du commerce et des premières conquêtes coloniales, alors même que la guerre de Quatre- Vingts Ans était encore latente 9. Dans toutes les villes, il y avait de nombreux artistes, souvent organisés en guildes, qui se disputaient âprement un marché à la fois très concurrentiel et très cadré dans ses canons esthétiques (Bergström 1956 ; Zumthor 1960). Le XVIIe siècle hollandais a été riche en représentations de scènes musicales ou d’instruments de musique (entre 10 et 12 % de l’ensemble de la production du siècle 10). De très grands maîtres, comme de nombreux peintres de moindre importance, y consacrèrent une partie de leur œuvre (Fischer 1972) . La religion protestante, majoritaire, permettait aux peintres de se consacrer à d’autres thèmes que les sujets religieux, historiques ou hagiographiques qui s’imposaient aux artistes vivant dans la péninsule ibérique catholique. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles le projet brésilien de Nassau a pu voir le jour, et aussi pourquoi les formes musicales et chorégraphiques afro-brésiliennes, considérées par l’Église catholique (ici hispano- portugaise jusqu’en 1640) comme des manifestations diaboliques, ont pu être représentées par Post et Wagner.

12 Au XIXe siècle, la critique n’hésitait pas à comparer les scènes de genre de l’âge d’or hollandais à la naissante photographie (Thoré, cité in Kyrova 1994, p. 36). L’histoire de l’art contemporaine s’intéressant aux représentations de la musique dans la peinture hollandaise, s’est considérablement éloignée de cette vision naïve, montrant que les tableaux relèvent de la construction d’un univers symbolique riche et complexe (Leppert 1977, 1993 ; Kyrova 1994). Dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, on assiste ainsi à la distinction entre musiques sonores et bruyantes (les célèbres œuvres de Steen, Brueghel, Teniers le Jeune, Metsu ou Molenaer) et la musique d’art évoquée dans les tableaux de Vermeer, van Kessel, van Schoor ou van Tilborgh (Mirimonde 1961, 1962). Cette distinction renvoie à l’opposition art public/art privé, ce dernier étant l’apanage de la bourgeoisie (Leppert 1993). Faire de la musique et la représenter, du XVIe au XVIIe siècle, répondait tout d’abord aux codes exprimés par deux groupes : les religions hégémoniques et les classes sociales hégémoniques ; double et immense distance donc, géographique et sociale, par rapport aux danses et tambours des esclaves brésiliens. Cela montre l’originalité du travail de Post, mandaté par Jean-Maurice de Nassau, et le caractère exceptionnel de son œuvre dans l’histoire de la représentation de la musique dans l’art pictural. Les artistes du Siècle d’or, comme l’a montré Leppert (1975), ont produit généralement des représentations de musiciens populaires conformes aux attentes et aux habitus de leurs acheteurs. Post évoluait, aux Pays-Bas, dans un environnement où la plupart des artistes étaient des spécialistes : il occupait, avec Eckhout, la « niche brésilienne », s’assurant ainsi une position hégémonique sur une part très spécifique du marché de l’art. Étudiant le style et la technique de Post, Gordon a souligné l’originalité des œuvres :

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Much has been written about their extraordinary naturalism and lack of obvious artistic debt to anything that precedes them in Dutch art. This can only partly be explained if one takes the view that they would not have been considered by the artist and his peers in Brazil as paintings in the conventional sense, but as a record in paint of what he and they saw: part of the process of registering and recording the unfamiliar natural world that surrounded them, as Posts fellow scientists were doing in other ways. (Gordon 2007, p. 67)

13 Les instruments afro-brésiliens représentés par Post et Wagner (tambours, hochets, racleurs) ne faisaient pas partie de l’instrumentarium habituellement peint par les artistes néerlandais. Le luth ou le virginal (Kyrova 1994, pp. 44-47) étaient chargés, dans les nombreuses représentations dont ils firent l’objet, de références symboliques complexes et parfois contradictoires (de l’expression de la fidélité maritale à celle des affres du désir). Ces références étaient attendues et comprises par les commanditaires des œuvres. Rien de tel pour les percussions des esclaves, bien évidemment. Il est certain que, pour un Néerlandais du XVIIe siècle achetant ou regardant un tableau de Post, la symbolique proprement musicale ou chorégraphique relevant des chants et danses des Noirs était quasi inexistante. Les « anciens du Brésil » revenus au pays trouvaient des éléments porteurs de mémoire dans la représentation des corps et des sons, mais il est plus que douteux que ces personnes aient pu avoir accès, lors de leur séjour brésilien, aux riches éléments culturels et cultuels liés aux pratiques musicales et chorégraphiques de leurs esclaves. En tout cas, nous n’en avons pas trace dans les chroniques.

14 Avant d’aborder les œuvres et leur interprétation, on ne peut oublier que Jean-Maurice de Nassau conçut son projet documentaire en lien étroit avec Constantijn Huygens, lui- même compositeur et musicien impliqué dans la vie musicale de son temps 11. Il est cependant très peu probable qu’une consigne ait pu être donnée quant à la représentation de formes musicales et chorégraphiques afro-américaines. Celles-ci n’étaient, en effet, sans doute pas considérées comme de la musique ou de la danse, mais bien plus vraisemblablement, nous le verrons, comme des éléments de pratiques exotiques intégrables dans un tableau, parallèlement, en quelque sorte, aux musiques populaires qui étaient perçues comme des éléments de la vie ordinaire, et non comme de l’art.

15 Nous terminerons en remarquant qu’aucun des historiens de l’art s’intéressant à la musique n’a, à notre connaissance, analysé la présence de musiciens noirs dans les œuvres de Post ou de Wagner, bien que le premier jouisse d’une notoriété certaine. De leur côté, les expositions thématiques et leurs catalogues spécialisés (Moens et Kochelbergh 1994 ; Buijsen et Grijp 1994) ne font pas référence à ces œuvres 12.

Les sources écrites concernant les musiques noires du Brésil au XVIIe siècle

16 Tenter d’analyser les représentations de la musique dans les œuvres du XVIIe siècle suppose que l’on s’intéresse aux descriptions écrites, littéraires ou factuelles, de ces formes. Les fonds écrits sur les musiques populaires du XVIIe siècle sont très peu nombreux, au Brésil comme ailleurs. Rappelons, à titre comparatif, que les musiques populaires européennes ne seront décrites avec une certaine précision qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle (Lesure 1954 ; Charles-Dominique 1994 ; Gétreau 1997) ; les références écrites antérieures sont principalement des actes juridiques (concernant les

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contrats de musiciens, les successions ou la corporation ménétrière) ou administratifs (ordre public, etc.). En Amérique, les esclaves ne pouvaient prétendre ni à des corporations ménétrières ni, bien évidemment, à des actes successoraux. Ce sont donc des récits de voyageurs ou des chroniques locales qui nous transmettent de bien maigres éléments, comme à la même époque aux Antilles (Labat 1993 [1698], pp. 230-231). Seul le tableau de Wagner joint une description écrite au dos de l’œuvre picturale (cf. infra). Cette pénurie de mentions écrites renforce l’intérêt que l’on doit porter aux œuvres peintes, qui constituent donc la source principale pour la documentation du sujet qui nous occupe. Nous n’avons pas eu la possibilité, ni les compétences épigraphiques et linguistiques, d’aborder les sources coloniales néerlandaises. Cela mériterait une recherche approfondie qui dépasse la cadre de cet article. Plusieurs des chroniqueurs ayant relaté les activités musicales des esclaves brésiliens au XVIIe siècle étaient des Français, qui, malheureusement, n’étaient pas exactement contemporains de l’aventure hollandaise. On peut néanmoins raisonnablement considérer que les formes qu’ils ont évoquées ou décrites n’étaient pas fondamentalement différentes de celles pratiquées entre 1630 et 1654.

17 La première mention de la musique jouée par des esclaves brésiliens au XVIIe siècle provient du récit de François Pyrard de Laval, relation d’un voyage qui l’amena jusqu’aux Moluques. Lors de son escale au Brésil en 1610, dans la région de Bahia, il rencontra un riche seigneur portugais ayant un domestique français, né près de Marseille : « Ce François qui demeuroit avec luy estoit Musicien, & ioüeur d’instruments, & ce Seigneur l’avoit pris pour apprendre vingt ou trente esclaves, qui tous ensemble faisoient un concert de voix & d’instruments dont ils ioüoyent à toute heure. » (1619, p. 333.) On remarquera que les Noirs, et c’est une constante dans l’histoire afro-américaine, jouent ici certainement la musique de leurs maîtres, avec des instruments européens. Pyrard complète : « C’est un grãd plaisir tous les festes & dimãches, de voir assembler les esclaves, hommes & femmes, qui dansent, & jouënt en public és places & ruës ; car ces jours là ils ne sont sujets à leurs maistres. » (Ibid., p. 339.)

18 Parmi les voyageurs, on citera aussi la courte note d’Urbain Souchu de Rennefort, souvent reprise dans les ouvrages brésiliens. En voici un extrait d’une édition française : Ils ne laissent pas dans cette dure captivé [captivité] de se réjoüir quelquefois. Le Dimanche dixième Septembre1666, ils firent leur feste à Fernambouc 13. Aprés avoir esté à la Messe au nombre environ de quatre cens hommes & de cent femmes, ils éleurent un Roy & une Reyne, & marcherent par les ruës chantans, dansans, & récitans des vers qu’ils avoient faits, precedez de hautbois, de trompettes et de tambours de basque. Ils estoient vestus des habits de leurs Maîtres & Maîtresses, avec des chaisnes d’or & des pendants d’oreilles d’or & de perles ; quelques-uns masquez. (1701 [1688], pp. 292-293)

19 En ce qui concerne les (très rares) sources secondaires portugaises, les deux ouvrages de Tinhorão (2000, 2008 [1988]) sont les références de synthèse les plus accessibles. On notera la présence de Noirs dans les processions catholiques du Corpus Christi 14 et la mention de danses nocturnes bruyantes et lascives 15.

20 Alors que Post, on le verra, a toujours peint des scènes musicales dans une ambiance calme et paisible de vie quotidienne, il est assez piquant de noter que la seule mention portugaise de pratique musicale pendant la colonisation néerlandaise se réfère à

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l’acclamation du chef de la révolte contre les Hollandais, João Fernandes Vieira : en 1645, les guerrilheiros pernamboucains « [...] acclamèrent par trois fois la victoire, et la célébrèrent au son des chalemies, caisses et trompettes 16, ce qui firent aussi nos Noirs Mina, jouant leurs trompes, flûtes et tambours 17 » (Frei Manuel Calado, cité in Tinhorão 2008 [1988], p. 36).

21 Le poète Gregório de Matos 18 évoqua, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les calundus 19, terme pouvant signifier à la fois les dieux africains et, par métonymie, les danses et cérémonies afro-brésiliennes qui s’y réfèrent. Ces danses attiraient non seulement les esclaves, mais aussi les Européens qui venaient s’y distraire et chercher des femmes.

22 Les chroniqueurs n’ont pas décrit de façon claire des formes musicales où seuls les tambours, le chant ou la danse étaient utilisés : peut-être ont-ils effectué des séjours trop courts, et certainement très surveillés par les autorités, pour avoir le loisir de témoigner de formes plus quotidiennes telles que celles représentées par Post. Nous y reviendrons.

Le corpus : musiciens et danseurs dans l’œuvre de Post

23 Dans les pages suivantes, l’indication « CR {n} » (« n » étant le numéro de l’œuvre) renvoie au catalogue raisonné de Corrêa do Lago et Corrêa do Lago (2007). Ce dernier comprend les 155 tableaux confirmés de Post ; y sont joints 11 tableaux d’attribution douteuse, 40 œuvres rejetées et classées par ordre chronologique, les 57 dessins qui sont parvenus jusqu’à nous 20 ainsi qu’une trentaine de gravures. Nous présenterons quelques œuvres où figurent des musiciens et danseurs, avant de relever des récurrences sur l’ensemble du corpus.

24 L’identification des musiciens, essentiellement des tambourinaires, est assez simple et peut être précise dans les œuvres. Il n’en va pas de même pour les danseurs(euses). La qualification même de la « danse » relève d’une problématique choréologique qui dépasse de loin le cadre de cet essai. Si certaines représentations sont explicites (par exemple CR {24}, {25} , {42}, etc.), il est parfois assez spéculatif de considérer que certains personnages dansent et d’autres pas. Le peintre représente souvent un motif avec des personnages noirs, l’un des bras tendu ou écarté du corps, sans la présence de musiciens, et donc figurant sans doute une conversation animée 21... et parfois le même motif est fort proche de tambourinaires en situation de jeu. Il est donc assez difficile de décider parfois si ces personnes sont représentées en mouvement de danse. Nous éviterons donc soigneusement de faire une analyse quantitative sur ce sujet dans le corpus, tout en indiquant, avec une marge d’erreur forte, leur nombre tel qu’il nous est apparu. De plus, l’observation contemporaine des formes chorégraphiques afro- brésiliennes de la région (ou de l’aire caraïbe) montre un continuum certain entre le mouvement dansé, acte corporel et social délibéré et organisé, et le simple fait de « bouger » au son de la musique, en discutant, buvant, etc.

25 Nous ferons la même remarque en ce qui concerne le chant. Si nous savons, tant en Afrique que dans les Amériques noires, que les tambours accompagnent très souvent la voix humaine, il est extrêmement difficile d’observer que, dans les œuvres, tel personnage chante et un autre pas.

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26 Des 7 ans de son séjour au Brésil, nous ne conservons que 7 tableaux de Post, sur au moins 18 réalisés dans le pays. Aucun d’entre eux ne représente des musiciens ou des danseurs. Dans la suite de son œuvre, peinte en Hollande d’après ses croquis brésiliens, on trouve 25 représentations de danseurs et musiciens. C’est une proportion importante sur l’ensemble des 155 tableaux : il est difficile de prétendre qu’il s’agit là de vraies statistiques (en raison d’œuvres perdues ou non encore identifiées), mais environ 16 % des œuvres qui nous sont parvenues contiennent des sujets musicaux. Ce chiffre est un peu plus important que la moyenne des représentations de thèmes musicaux dans les peintures du Siècle d’or (on l’a vu, moins de 12 %).

27 Les peintures de Frans Post ont été classées en phases successives par Corrêa do Lago et Corrêa do Lago (2007), selon des critères stylistiques et, aussi, selon l’évolution du marché des acheteurs ou commanditaires du travail de Post.

La deuxième phase (1645-1660)

28 Cette partie de l’œuvre hollandaise de Post (40 peintures) est, avec la première phase, brésilienne, qui malheureusement ne présente pas de musicien ou de danseur, la plus précise et la plus crédible sur le plan documentaire, pour plusieurs raisons : d’une part, Post (alors âgé de 33 à 48 ans) était en pleine possession de ses moyens artistiques, d’autre part, sa mémoire visuelle et vécue du Brésil, celle de ses lumières et de ses ambiances était certainement encore vive ; enfin, la plupart des acheteurs de ses toiles étaient eux-mêmes des « anciens du Brésil hollandais », attachés à la remémoration par la peinture de leurs expériences et de leurs sensations, nous y reviendrons. Pour les satisfaire, le peintre leur donnait des détails précis et respectait l’aspect globalement plausible des choses dans ses compositions. Cet aspect documentaire encore vivant peut être confirmé par le fait que l’artiste ne se recopie pas, et ne mélange pas les compositions, contrairement à ce qui se passe dans les deux phases suivantes. Bien qu’il soit, dans sa conception des paysages, moins original que dans sa première phase brésilienne, Gordon a noté : « His working practice, however, remained unlike that the most of his Dutch contemporary landscapists, with the oft-noted exception of Cornelis Vroom. » (2007, p. 73.)

29 Il se gardait pourtant, on y reviendra, de représenter les aspects les plus désagréables ou les plus pénibles de la vie réelle de la colonie. Images d’un Brésil exotique et idéal, où les compositions du peintre sélectionnent soigneusement la représentation des souvenirs agréables des clients et anciens Néerlandais brésiliens ? C’est une thèse abondamment développée par Oliveira (2005a, 2005b). Cet auteur a ainsi pu parler de l’« invention d’un nouveau monde ». Sans doute, et l’on notera alors que la musique et la danse des Noirs en fait partie.

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FIG. 1 – CR {18} Frans J. Post. Un village au Brésil, 1652. Huile sur toile. 51,1 x 59,1 cm. The Royal collection, Windsor Castle, Windsor. « Royal Collection Trust/© Her Majesty Queen Elizabeth II 2014 ».

30 Cette œuvre remarquable, datée de 1652, montre trois groupes de personnages dansant ou, à tout le moins, gesticulant : – dans le fond à gauche, des Amérindiens, reconnaissables à leur absence de vêtements et à leurs armes brandies (arcs et flèches, massues). C’est la seule représentation d’un groupe conséquent d’Amérindiens (vraisemblablement des Tupis de la côte) en situation de mouvement ; – au centre du tableau, un groupe d’une quinzaine de personnes, dont au moins trois ou quatre Amérindiens, dansent (ou assistent de près à une danse) menée instrumentalement par deux tambours. Un groupe de danseurs est identifiable : au premier plan, en rond, levant les bras (six personnes). Derrière les deux instrumentistes jouant côte à côte, un groupe formé de quatre personnes, esquissent peut-être des mouvements chorégraphiques, bien que cela ne soit pas très clair ; – en haut sur la droite, sous un auvent, un groupe de cinq Noirs dansent au son d’un tambour (dont deux couples face à face), accompagnés par un tambourinaire seul, devant lequel danse également une femme ; – enfin, dans le fond, un cavalier européen 22 suivi de deux esclaves portant peut-être un palanquin.

31 Tous les éléments qui nous intéressent, et qui seront reproduits dans les œuvres suivantes, sont déjà présents ici : groupe restreint de danseurs, un ou deux instrumentistes.

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FIG. 2– Détail de CR {39} Frans J. Post. Paysage de varzea avec hutte, 1658. Huile sur toile. 40,5 x 54,5 cm. Ella Gallup Summer and Mary Catlin collection, Wadsworth Atheneum, Hartford.

32 Daté de 1658, ce tableau montre, au centre et un peu éloignés du groupe principal d’esclaves placé devant les maisons, trois Noirs dansant, avec tambourinaire. Une des femmes, de dos, tient à la main un objet rond, de petite taille, qu’elle semble frapper avec une longue et fine baguette. Cela pourrait être une calebasse frappée, instrument non standard 23, peut-être improvisé sur place, ou alors s’agit-il d’une recomposition erronée, de mémoire, de l’artiste, qui peignait à cette époque en Hollande, d’après ses croquis 24. Autre hypothèse : il pourrait s’agir d’une cloche, mais la forme générale ne correspond pas.

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FIG. 3 – Détail de CR {42} Frans J. Post. Maison en construction à Serinhaem, ca 1655-1660. Panel, 46 x 70 cm, inv. 1127. Don de Willem baron van Dedem aux « Friends of the Mauritshuis Foundation », 2002.

33 Cette œuvre a été remarquée par Corrêa do Lago et Corrêa do Lago comme l’une des plus exemplaires de l’œuvre de Post 25, et en particulier de sa seconde phase (1645-1660). On peut lire : « The often-depicted scene of slaves dancing to the sounds of an atabaque drum in the foreground is renderred convincingly, with utmost care in the execution of the figures, including the drum player at the center. » (2007, p. 180). En fait, deux tambourinaires et un joueur de hochet accompagnent quatre danseuses et un danseur, à un croisement de routes. Deux Européens sont à quelques mètres derrière, des Amérindiens aussi sont présents, partiellement cachés par le repoussoir végétal au premier plan du tableau.

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FIG. 4 – Détail de CR {44} Frans J. Post. Le couvent franciscain d’Iguaraçu, 1659. Huile sur toile. 50 x 41 cm. Collection privée, São Paulo.

34 La petite ville d’Iguarassu (nouvelle orthographe) a sans doute été souvent visitée par Post, comme l’attestent différents tableaux qu’il en fit. Située à 35 km au nord de Recife, c’est l’un des premiers lieux colonisés du Nordeste, et le siège de l’une des plus anciennes églises du pays. Aujourd’hui, c’est l’un des hauts lieux de la culture populaire pernamboucaine, en particulier du fait de son maracatu 26, Estrela brilhante, dont la famille responsable pratique aussi le coco. Le couvent et la croix (dont une reproduction est toujours en place 27) sont exposés au soleil, alors qu’un groupe de cinq Noirs est regroupé en bas à droite du tableau, dans l’ombre : l’un joue du tambour, deux femmes dansent et deux autres sont assises, l’une tendant les bras vers une danseuse.

Les troisième (1661-1669) et quatrième (1670-1680) phases

35 La troisième phase a été la plus brillante du point de vue de la technique et de la qualité des compositions. C’est aussi la plus prolifique (69 œuvres) et la plus libre, sans doute parce que les clients de l’époque, qui n’avaient pas nécessairement visité le Brésil, exigeaient des compositions exotiques et brillantes : Les nouveaux et prospères clients de Post voulaient désormais des compositions riches en détails tropicaux, arbres, moulins à sucre, végétation exotique, [...], et surtout Indiens et nombreux esclaves noirs (de préférence en train de danser). Ainsi, durant les années 1660, Post choisit, pour répondre aux commandes de ses clients, des arrangements décoratifs de ces divers éléments « brésiliens » dans des tableaux qui dès lors ne gardent qu’un très faible rapport avec la réalité qu’il avait observée, mais dans lesquels aucun élément n’était en soi inexact ou inventé. (Corrêa do Lago et Ducos 2005, p. 24)

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36 L’artiste a ainsi mêlé des éléments de la vie brésilienne, cela avec un moindre souci d’authenticité que lors de la phase précédente.

37 Peintes pendant les dix dernières années de sa vie (entre 58 et 67 ans), les 39 œuvres de la quatrième phase montrent une vue et une technique déclinantes, dues sans doute en partie à l’alcoolisme du peintre (Corrêa do Lago et Corrêa do Lago 2007, p. 297).

La définition d’un motif récurrent

38 L’analyse de ces œuvres a permis de dresser le tableau suivant qui enregistre le nombre d’instrumentistes (par groupe cohérent dans un tableau, le tambour étant l’instrument par défaut) et de danseurs(euses) représentés dans chaque œuvre (Figure 5).

FIG. 5 – Nombre d’instrumentistes, types d’instruments et nombre de danseurs par œuvre.

1 instrumentiste 2 instrumentistes danseuses danseurs

CR {18} CR {18} 8 (4 + 4) 4 (2 + 2)

CR {20} (cloche/hochet ?) 1 2

CR {24} CR {24} (tambour + cloche/hochet ?) 9 (3 + 6) 5 (2 + 3)

CR {25} 3 3

CR {26} 1 1

CR {30} 3 3

CR {38} 3 1

CR {39} (tambour + cloche/hochet ?) 2 1

CR {42} CR {42} (tambour + hochet) 3 1

CR {44} 2

CR {45} 2 1

CR {65} 2 2

CR {70} 2 1

CR {73} 1 1

CR {83} 1 2

CR {84} 2 1

CR {85} 1 1

CR {115} 4

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CR {130} 2 1

CR {134} 1 1

CR {135} 1 1

CR {136} (tambour + hochet) 1

39 Les scènes musicales peintes par Post comprennent donc un motif type, qui peut être juxtaposé, dans la composition du tableau, à d’autres motifs, comme par exemple des marchandes assises ou des repoussoirs. Caractérisons-le : un (plus rarement deux) instrumentiste, jouant avec les mains d’un tambour unimembranophone conique, accompagnant quelques (environ trois ou quatre) danseurs(euses) (généralement plus de femmes que d’hommes). Nous appellerons ce groupe « motif principal ». Nous montrerons plus loin que Post a intégré dans ses paysages ce motif principal, à la fois comme marqueur d’une construction de l’image du Brésil, et comme élément documentaire observé avec précision, puis rapporté parmi d’autres personnages meublant ses tableaux.

L’œuvre de Zacharias Wagner

40 La première mention de l’œuvre de Wagner 28 date de 1937 : « un Xangô 29 du temps des Hollandais qui ne diffère pas beaucoup de ceux d’aujourd’hui » (Gonsalves de Mello 2001 [1947], p. 221). Cette interprétation rapide fut assez largement reprise, en particulier par Ribeiro (cité in Tinhorão 2008 [1988], p. 35).

41 La vie aventureuse – et extraordinaire – de Zacharias Wagner (né à Dresde en 1614) a été reconstituée et commentée par Michel (1987) : celui que les Japonais allaient plus tard appeler l’« homme-tonnerre », du fait d’un caractère « sévère et rude », est arrivé au Brésil en 1634, comme soldat de la WIC. Peu de temps après, il est devenu « écrivain des rôles militaires » 30. L’auteur ne donne pas d’informations substantielles sur les activités du peintre pendant son séjour (une page en tout pour huit ans). Ce dernier a quitté le Brésil le 1er avril 1641, puis a été, toujours avec les Hollandais, au Cap, à Java et à Nagasaki, avant de revenir en Europe et d’y mourir en 1668.

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FIG. 6 et VI dans le cahier en couleurs – Zacharias Wagner. Negertanz, ca 1638. Gouache. 36 x 21,5 cm. Kupferstichkabinett, Dresde.

42 L’œuvre de Wagner (Figure 6 et VI dans le cahier en couleurs), une gouache, présente la scène complète d’une forme musico-chorégraphique afro-brésilienne : c’est la première de l’époque coloniale, et l’une des seules de cette qualité documentaire. Trois musiciens assis sur un tronc couché (deux tambours assez ventrus, et un racleur très proche d’une bage 31 contemporaine) font danser dix personnages (trois femmes habillées, un homme, et six autres à moitié dévêtus, qui pourraient être des adolescent[tes]). L’un d’entre eux agite un hochet cylindrique, de type tambourin à cymbalettes sans peau, qui est le seul instrument d’origine européenne (sans doute portugaise). À côté des musiciens, un personnage boit devant une jarre posée près du banc : l’association de la musique et de la boisson reste encore aujourd’hui très fréquente dans les formes afro- brésiliennes du Nordeste. Les tambours sont de tailles différentes, ce qui correspond au cas général dans les musiques africaines et/ou afro-américaines. Le personnage qui ajuste sa coiffe de plumes est unique dans les œuvres de l’époque hollandaise ; elle pourrait être interprétée comme une marque des interactions entre noirs et Amérindiens, car les esclaves noirs ne sont, à cette seule exception, jamais représentés avec des ornements de plumes. Les Tupis côtiers étaient encore très présents au Pernambouc, et Post n’a pas manqué de souvent les peindre.

43 La précision du trait est moins habile que chez Post , mais les postures des corps rendent bien le mouvement dansé, tout comme les gestes des musiciens sont précis. On remarquera, par exemple, la main gauche posée à l’envers sur la peau du tambour, ce qui correspond à une technique utilisée 32 pour produire un son étouffé, avant la frappe de la main droite qui est bien levée. C’est bien la preuve d’une observation très fine – et certainement répétée – de Wagner. Le texte écrit au verso peut être traduit ainsi : Quand les esclaves terminent leur dure semaine de travail, ils reçoivent la permission de profiter selon leur goût de leur dimanche, quand, en se réunissant dans des lieux déterminés, ils dansent sans fatigue du matin au soir, avec les sauts et les contorsions du corps les plus variés, au son de tambours et de fifres joués avec beaucoup d’adresse, hommes et femmes, jeunes et vieux, au milieu de la plus grande confusion, pendant que d’autres marchent en rond en buvant une forte boisson faite de sucre appelée grappe ; de la même façon ils passent certains jours saints en dansant sans fin et finissent si sales et pleins de poussière qu’ils deviennent parfois méconnaissables. (d’après Tinhorão 2000, p. 57)

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44 Wagner a également donné des éléments de description de funérailles, où les Noirs chantent en chœur devant le cercueil : « Ei, ei, ei, pourquoi es-tu mort ? Ei, ei, ei, est-ce qu’il t’a manqué du pain, de la farine de manioc, du tabac ou une pipe ? », et reviennent de la sépulture « en chantant et en dansant » 33 (Wagner in Cabral de Mello 2010, p. 280). Il est intéressant de noter que le texte de Wagner, au dos de sa peinture, mentionne « des tambours et des fifres », alors que le tableau ne représente que des percussions. Sans doute l’auteur évoque-t-il d’autres formes dont il fut le témoin : on en trouve un écho dans les pratiques pernamboucaines contemporaines puisque la banda cabaçal, ou banda de pifano, qui anime (ou animait il y a peu) les bals populaires de forró est justement constituée de fifres et tambours 34.

45 Cette œuvre isolée de Wagner constitue, en quelque sorte, un contrepoint à celles de Post : des qualités picturales et esthétiques bien moindres, mais une représentation moins conformiste et redondante que le motif postien. Le sujet présenté par Wagner est bien centré sur la forme afro-brésilienne en tant que telle. Et, comme on l’a déjà noté, il est envisageable de considérer qu’il s’agit d’une forme religieuse, même si le sujet est également proche d’un coco contemporain. Ce document revêt une importance inégalée comme source pour l’histoire de la musique brésilienne.

Quelques remarques organologiques

46 Au Siècle d’or, la représentation des instruments de musique et, nous ajouterons, celle des positions de jeu, fait l’objet d’un réalisme certain, comme le montre le corpus présenté dans Buijsen et Grijp (1994). Pour l’étude de l’organologie, les œuvres pictographiques sont une riche source de documentation. Ainsi, Gétreau note, à propos des natures mortes représentant des instruments : Elles constituent ainsi un réservoir d’informations particulièrement riche pour suivre l’évolution de la facture instrumentale. En comparant ces témoignages visuels avec les instruments réels conservés, on peut observer de nombreux détails fonctionnels symptomatiques du stade d’évolution d’un instrument ou d’un accessoire [...]. Quelques exemples d’œuvres au rendu quasi photographique ont même permis de reconnaître jusqu’au travail d’un atelier ou d’un facteur d’instrument. (2009, p. 15)

47 Dans son œuvre, Post peint essentiellement des tambours, qui sont tous du même type : unimembranophones coniques. On ne distingue pas de douves, donc tout porte à croire qu’ils sont monoxyles (sans doute creusés dans un tronc par la main de l’homme ou, préalablement, par des insectes). On ne peut donc se permettre de poser l’hypothèse de la fabrication précoce de tambours construits en douves de tonneaux, une technique qui a connu un grand succès au XXe siècle pour les tambours afro-américains. Ils sont portés en bandoulière, du côté gauche du corps. Cela correspond à une observation précise, car c’est bien la manière la plus commode de porter l’instrument pour un droitier.

48 Dans le tableau de Wagner, les tambours sont assez proches des tumbadoras cubaines et, plus encore, des tamboriles afro-uruguayens. Ces tambours semblent en lien avec les tambours bantous de type ngoma. Le mode de fixation de la peau est du type collé ou lié par une corde : il n’apparaît pas de chevilles ou de système de laçage comme c’est fréquemment le cas en Afrique de l’ouest. Cela est cohérent avec la provenance des esclaves qui venaient très largement de la région du Congo et de l’Angola.

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49 Les tambours représentés par Post ont une descendance, directe ou, plus probablement, indirecte : on citera, parmi les plus courants, l’atabaque (Figure 7) et le timbau. Le premier est utilisé dans les religions afro-brésiliennes (candomblé, umbanda, etc.) et les rondes de capoeira 35. Il existe aujourd’hui à Olinda un lieu de culte (Nação Xamba) qui utilise des tambours du même type, appelés en portugais engome , déclinaison brésilienne du terme bantou ngoma évoqué plus haut. Le timbau, de (ré)invention récente, est un tambour conique à la peau synthétique très tendue, servant de tambour soliste, joué debout et avec des phrasés parfois proches des djembés africains, dans des musiques de percussion modernes, comme la timbalada 36. À Récife, il est parfois joué dans le maracatu 37.

Présence de la musique et de la danse dans l’œuvre de Post

50 C’est à partir de sa seconde période (1645-1659), appelée les « années réalistes » par Corrêa do Lago et Ducos (2005, p. 22) que Post présente fréquemment le motif musical que nous avons défini. Cette dimension sonore ajoutée en quelque sorte au tableau – les instruments sont joués, les corps en mouvement –, donne une nouvelle intensité et une proximité aux scènes représentées. Comme le note très justement Leppert (1993, p. 29) : « Sound, by its enveloping character, brings us closer to everything alive. »

FIG. 7 – Tambour unimembranophone conique contemporain : atabaque lê du candomblé de Bahia (cliché Estival).

51 Alors que les tableaux de cette période étaient sans doute destinés à des clients qui participèrent à l’aventure coloniale hollandaise, il est intéressant de noter que la représentation de musiciens et danseurs peut aussi être considérée comme un

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marqueur mnésique : le son puissant (et inconnu, sous cette forme, des Nord- Européens) des tambours a dû s’imprimer dans l’espace sonore colonial et, donc, dans les mémoires auditives hollandaises. La présence dans l’œuvre de scènes musicales, par l’évocation des sons qu’elle suscite, facilite le processus de remémoration, et sans doute une certaine saudade 38, auprès des clients potentiels de l’artiste.

52 Dans les paysages lointains, on ne distingue pas de figuration de scène musicale et chorégraphique. Dans les représentations consacrées au monde du travail, une seule œuvre met en scène des musiciens près d’un moulin à sucre, et ce dernier n’est pas en fonctionnement. L’ambiance générale des tableaux avec musique et danse est calme, pacifique ; cela nous amène aux trois remarques suivantes, qui nous laissent entrevoir la distance entre les représentations proposées par les œuvres et la réalité brésilienne de l’époque : – le climat, et plus généralement les espaces naturels ou humanisés, sont peints sous un jour serein, sans vents violents ou inondations, sans soleil écrasant 39 et sans feux (de déforestation, d’essartage, de récolte de canne ou d’incendies) ; – les conflits qui émaillèrent la période coloniale hollandaise sont absents des œuvres, alors que la paix ne fut jamais réellement établie. Le journal du mercenaire alsacien Ambrosius Richshoffer (2004 [1677]), comme les descriptions de la vie coloniale compilées par Gonsalves de Mello (2001 [1947]) ou de Cabral de Mello (2010) relatent une dure réalité que l’on peine à reconnaître dans les œuvres de Post. Il est même particulièrement frappant de constater que les représentations de soldats les montrent dormant au pied d’un arbre (CR {6}), ou accompagnant les autorités (CR {22}) alors que les actions militaires contre les révoltés portugais ou, à tout le moins, les escarmouches furent presque permanentes ; – le travail dans les usines à sucre (CR {47, 48, 50, 54, 57 , 58, 59}) paraît presque harmonieux, les scènes de vie quotidienne sont paisibles et ne reflètent en rien la grande violence sociale qui marqua cette aventure coloniale. Cette société esclavagiste, comme les autres, était particulièrement dure, cruelle et injuste pour les captifs. Pierre Moreau a décrit les conditions de travail terribles et les châtiments que subirent les Noirs dans la colonie brésilienne, et prévient le lecteur de ces horreurs : « J’appréhende quasi la façon inhumaine et impitoyable dont on use envers ces malheureux captifs, puisqu’elle va au delà de la compassion, & excite le frémissement. » (1651, p. 40.)

53 Ainsi, les choix de Post relèvent sans doute de ce que Leppert, après Winternitz, appelait la « prettification », dans le contexte économique particulièrement concurrentiel du Siècle d’or hollandais : « And since people do not generally buy art which offends their sensibilities or is ugly in its realism, it naturally would seem wise for the astute artist to paint his pictures in a manner appropriate to the tastes, perhaps even values, of his patrons. » (1975, p. 4.)

54 Schama (1987) a montré que, dans l’œuvre de Jan Steen, et de ses contemporains, « Money, as well as sex, was something of a Dutch fixation [...] ». Chez Post, aucun caractère lascif, ou à connotation sexuelle, n’est présent dans les représentations de la musique et de la danse. Ce thème est pourtant un classique des chroniqueurs qui ont évoqué les formes afro-américaines (voir les sources écrites, mais aussi Labat 1993 [1698]). Peu de représentations religieuses non plus : les églises sont de simples éléments d’urbanisme dans les paysages. Alors que les Portugais catholiques ont exercé – ou tenté d’exercer – au Brésil un considérable contrôle social et religieux sur les esclaves, les Néerlandais

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n’ont jamais vraiment appliqué de politique de christianisation. Une lettre du Conseil des XIX, datée de 1635, va pourtant dans ce sens, mais elle n’a jamais été suivie d’effets systématiques. Selon la synthèse de J. A. G. de Mello (2001 [1947], p. 198), les pasteurs se sont surtout occupés de la moralisation de la vie des Européens, ce qui n’était pas une mince affaire.

55 On remarquera enfin que, dans le cadre d’un projet de construction d’un exotisme colonial naissant, la musique des populations d’origine européenne n’est jamais représentée. On sait pourtant que les Portugais, comme les Hollandais et leurs mercenaires, avaient des activités festives et musicales, même si la documentation à leur sujet est assez rare dans les sources publiées et analysées. Par exemple, concernant les mercenaires français de la VOC 40, nous disposons du court témoignage contemporain de Jean Guidon de Chambelle à propos de la fête donnée à l’occasion de l’arrivée d’un nouveau gouverneur de Batavia en 1646 : Après avoir bu chacun une fois ou deux, nous prîmes pour armes des branches de palmes et sur la tête des couronnes de palmes, et allâmes visiter les autres compagnies, ayant notre étendard, tous en ordre, au son de quelque flûte et violons, les uns dansant, les autres sautant et faisant mille bouffonneries. (2003 [ms. XVIIe siècle], p. 136)

56 On ne trouvera pas de représentation de ce type de réjouissance dans l’œuvre de Post. Pourtant, des peintres contemporains comme Jan Steen, Gerrit Dou, David Teniers le Jeune, dans un souci sans doute plus moralisateur que documentaire, firent de la musique et de la danse de leurs compatriotes des thèmes importants de scènes de genre qui sont restées célèbres jusqu’à nos jours. Les Européens sont parfois présents (CR {42}, {115}) dans les scènes paysagères de Post, mais ils ne prêtent pas ostensiblement attention aux danses afro-brésiliennes qui sont exécutées devant eux. Comme ce fut le cas général dans l’empire colonial néerlandais, la séparation des populations était stricte. Les Amérindiens, les Européens et les esclaves d’origine africaine ne se cotoyaient que dans des relations de domination liées à la sphère économique, ou parfois militaire, ce qui amena Gilberto Freyre à évoquer de façon synthétique et caricaturale « une minorité de blonds exploitant et dominant un prolétariat de gens de couleur » (cité in Gonsalves de Mello 2001 [1947], p. 199).

57 Post, comme Wagner, a certainement été le témoin oculaire (et auditif) direct des pratiques musicales qu’il illustre. Post, peintre paysager, a beaucoup voyagé dans le Brésil hollandais et a croqué les scènes qu’il décrit. Dans la composition des tableaux, le motif postien est généralement proche de – ou contigu à – d’autres motifs types, comme par exemple des personnages portant des paniers, en conversation, ou des Indiens avec leurs arcs et flèches, etc. Les attitudes sont précises et plausibles, tout comme le sont les remarquables représentations de moulin à manioc (CR {14}) ou d’usine à sucre. On a vu qu’il serait illusoire d’interpréter les tableaux hollandais du Siècle d’or comme de simples photographies de la réalité. Il nous faut cependant considérer que, dans leur immense majorité, les œuvres sont des représentations fidèles d’éléments de paysages, de scènes de vie quotidienne prises sur le vif, de documents à valeur économique, au cœur d’un projet unique au XVIIe siècle : « Post’s apparent artlessness in framing his compositions without regard to conventional landscape tradition is exemplified in all his Brazilian paintings. » (Gordon 2007, p. 67.)

58 C’est l’agencement des motifs, la composition du tableau, qui relèvent d’une construction esthétique où se (re)crée un nouveau monde (selon l’expression d’Oliveira

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2005a, p. 8) ; et, bien sûr, malgré son originalité (thématique, esthétique), Post est bien un Hollandais du XVIIe siècle qui peint pour une clientèle de Hollandais du XVIIe siècle... Prenons un exemple concret : le tableau CR {84} (Figure 8 et VII dans le cahier en couleurs).

FIG. 8 – CR {84} Frans J. Post. Vue des ruines d’Olinda, ca 1665. Huile sur toile. 77 x 110 cm. Museu Nacional de Belas Artes, Rio de Janeiro.

59 Cette œuvre présente, au premier plan, un repoussoir. Il comprend de la végétation et des animaux où l’on peut identifier : une Agavaceae, un perroquet, un autre oiseau, et un boa commençant à dévorer un oppossum. Leur assemblage relève très clairement de la composition du tableau, et ne peut, en aucun cas, correspondre à une réalité zoologique in situ. Les oiseaux, l’opossum et le reptile sont pourtant assez bien peints ; la précision topographique, avec la perspective de l’île de Récife et les deux tours blanches du palais de Jean-Maurice de Nassau est bonne. Le groupe de musiciens et danseurs, en position à peu près centrale dans la partie terrestre du tableau (le ciel occupe les deux tiers de l’œuvre), est placé sur un large chemin, ou une partie de terrain vague, qui se prolonge sur une diagonale. Si l’on se concentre sur ce groupe, on reconnaît bien le motif principal, avec un tambourinaire torse nu, vu de face, et deux couples de danseurs plus au premier plan. Les tableaux CR {83} et CR {85}, ayant le même titre, sont similaires à CR {84}, ce qui montre que le peintre n’hésitait pas, sur une période courte, à reprendre des motifs qui s’intégraient bien dans la composition. On peut imaginer que, vers 1665 (Corrêa do Lago et Corrêa do Lago 2007, p. 248), Post a pu avoir trois commandes d’une œuvre qui plaisait, car elle associait des éléments paysagers et exotiques (dont les animaux et notre motif), caractéristiques de l’aventure brésilienne.

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FIG. 9 – Détail de CR {26} Frans J. Post. Maison de planteur, 1655. Huile sur toile. 46.5 x 62.9 cm. Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles.

60 Un autre exemple : le très beau tableau CR {26} (Figure 9 et VIII dans le cahier en couleurs) présente un danseur, derrière le tambourinaire et une danseuse, dont le geste retiendra l’attention de quiconque a voyagé de nos jours au Brésil : la position du corps et le déplacement que suggère de façon magistrale la représentation du danseur correspond au mouvement basique de la capoeira, appelé ginga. Il s’agit du mouvement de base, balancement latéral des bras simultané à un changement d’appui avant-arrière des jambes. Il n'y a certes pas dans cette oeuvre de Post d’évocation de la lutte dans une ronde de capoeira mais l’homologie du mouvement dansé est manifeste. Cette plongée dans le passé et dans l’histoire des corps afro-américains n’est sans doute qu’une trace, mais elle atteste une probable permanence troublante. Le motif postien de la musique et de la danse est en général représenté comme un élément public du paysage : il ne s’agit pas de cérémonie importante, ou de procession, mais de petit(s) groupe(s). Les musiciens et danseurs voient leur performance représentée dans des espaces libres du tableau, qui sont généralement des espaces intermédiaires de la topographie : terrains vagues, bordures de routes ou de chemins. On peut donc penser qu’il s’agit de performances assez informelles, d’éléments de fêtes ou de cérémonies de petite échelle, hors des cadres contraints ou processionnels qui pouvaient rythmer le calendrier de la colonie. Musiques et danses intimes en quelque sorte, qui sont aussi représentées parce qu’elles attestent de la connaissance, elle aussi intime, qu’a pu avoir Post de l’aventure brésilienne hollandaise.

61 Pourtant, notre motif n’apparaît pas dans les sources écrites consultées, et nous pouvons nous interroger à ce propos : les chroniqueurs mentionnent des Noirs jouant la musique des maîtres, ou participant à des processions, ou encore réalisant des chants et danses manifestement liées aux réminiscences des religions africaines introduites avec eux au Nouveau Monde. Ces chroniques ne mentionnent en réalité que de façon marginale la musique et la danse, et l’écriture de ces textes ne relève pas de la même logique que la composition picturale ; ils ont aussi été produits par des voyageurs de

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passage, qui n’avaient sans doute ni le temps ni le loisir d’assister à des formes de la vie courante telles que celles représentées par Post. Une hypothèse plausible serait que nos artistes aient privilégié, parmi l’ensemble des séances de musique et danse auxquelles ils ont pu assister lors de leur long séjour au Brésil, celles qui étaient les plus éloignées des européennes connues et des instruments habituels de l’Ancien Monde. Cela leur a permis de conforter l’exotisme de leurs œuvres et, ainsi, d’en accroître la valeur, tant sur le plan commercial que sur le plan documentaire. Pour la gouache de Wagner, il deviendrait alors plus compréhensible que le texte au dos de l’œuvre mentionne des tambours et fifres, alors que sont représentés au recto tambours unimembranophones et racleur.

Conclusion

62 Si le monde sonore du Brésil du XVIIe siècle nous restera à jamais inaudible, les œuvres de Post et de Wagner sont des documents irremplaçables en ce qui concerne l’histoire des musiques noires dans ce pays et, plus largement, dans les Amériques. La musique et la danse, par un motif récurrent, peuplent nombre des paysages peints par Post ; les instruments, les attitudes, les positions de jeu comme les gestes chorégraphiques sont le fruit d’une knowledge by acquaintance, et relèvent d’une observation précise, et très certainement répétée de la part du peintre. En cela, comme ses célèbres compatriotes contemporains Steen ou Teniers le Jeune, Post représente la musique comme il l’a vue et entendue, et en intègre des images dans ses œuvres, sans que la finalité d’une représentation documentaire globale ne soit première : l’artiste a conçu un motif type, qu’il a placé, comme d’autres (humains ou éléments naturels remarquables), dans la composition de ses tableaux ; celle-ci met en valeur les éléments exotiques, prisés des clients du peintre.

63 Le motif postien peut alors être considéré comme une trace, laissée dans les tableaux à l’image d’un matériel dans une couche archéologique. Il est impossible de décider si le motif représenté correspond à une reconstruction, dans l’Amérique du XVIIe siècle, d’une forme africaine, ou à l’un des premiers éléments du métissage musical inter- africain et africain/européen qui allait avoir une si riche descendance au Brésil. Si, comme c’est probable, le tambour accompagnait la voix humaine, celle-ci s’est définitivement tue.

64 Wagner, avec un trait moins sûr, et un métier bien moindre a, quant à lui, donné à voir ce qui constitue aujourd’hui encore, une des formes canoniques des genres musicaux et chorégraphiques brésiliens : tambours, idiophone, danse et, très certainement, voix humaine. Les œuvres dont nous avons esquissé ici l’analyse donnent incontestablement une profondeur historique certaine aux formes afro-brésiliennes. Comme nous l’avons évoqué au début de cet article, les trois siècles suivants, tant par l’iconographie que par les textes, ne nous ont guère fourni d’éléments informatifs plus précis. Il faudra attendre les enquêtes d’Andrade à la fin des années 1920 (2002) et la Missão de pesquisas folclóricas qu’il diligenta en 1938 pour que des éléments documentaires robustes soient enfin rassemblés sur les musiques populaires du Nordeste brésilien.

65 Enfin, le motif postien pourrait bien avoir une descendance, lointaine et certainement indirecte, dans la grande famille des coco, genre musico-chorégraphique très répandu dans la Zona de Mata et sur le littoral du Pernambouc et du Paraiba (Ayala et Ayala 2000 ; Sobrinho 2006). Aujourd’hui, les groupes de coco, souvent constitués d’un(e)

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chanteur(euse)/compositeur(trice) et de ses accompagnateurs/percussionnistes, se produisent pendant les fêtes des saints populaires (festas juninas) comme Santo Antônio, São João, São Pedro, Sant’Ana et sur les diverses scènes programmant des formes traditionnelles. Il n’en reste pas moins que de nombreux moments informels permettent de voir et de participer à des coco dans les communautés mêmes dont ils sont originaires, comme Itamaracá, Itapissuma, Igarassu. Et c’est là, sans doute, que les résonances avec le motif postien sont les plus sensibles : au moment de la Saint-Jean, il n’est pas rare de voir des groupes pratiquer ou s’entraîner dans des lieux aussi improbables que ceux qu’a meublés Post avec son motif (Figure 10).

FIG. 10 – Un coco informel à Itapissuma en 2009 (cliché Estival).

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NOTES

1. La Hollande est l’une des entités de la république des Provinces-Unies des Pays-Bas (comme on désignait le pays au XVIIe siècle) ; par métonymie, en français comme en portugais, on désigne fréquemment par le terme « Hollande » l’ensemble de la confédération. 2. La république des Provinces-Unies ne sera officiellement reconnue par l’Espagne qu’en 1648. 3. Johan Maurits van Nassau-Siegen (1604-1679), comte d’origine allemande, filleul du gouverneur général (stadhouter) de Hollande et de Zélande Maurice de Nassau, était parent de plusieurs monarques d’Europe, dont Louis XIV. 4. Poète et compositeur, il fut l’un des importants intellectuels du XVIIe siècle. Il était l’ami de René Descartes et de Rembrandt van Rijn. 5. Les Néerlandais, protestants, comme leurs mercenaires allemands ou français, surent – au moins pendant le gouvernement de Jean-Maurice de Nassau – cohabiter en assez bons termes sur

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le plan religieux avec les nombreux juifs (hollandais, mais souvent d’origine portugaise) et les planteurs portugais catholiques de la campagne sucrière. 6. Les tableaux furent exposés à Versailles, et vus par le roi en août 1679. Pour les données historiques sur les œuvres en France, les circonstances de leur don et leur devenir, on se référera à Corrêa do Lago et Ducos (2005, pp. 29-35). Une rétrospective leur fut consacrée en 2005-2006 au Louvre : « Frans Post : le Brésil à la cour de Louis XIV » (commissariat de Pedro Corrêa do Lago et Blaise Ducos). 7. Son frère Pieter Post (1608-1669) fut un architecte (et aussi un peintre et un dessinateur) de grand renom (il dessina, entre autres, les plans de la Mauritshuis à La Haye, pour Jean-Maurice de Nassau). 8. Ces tableaux font partie du don fait à Louis XIV. Il en reste 7, considérés par Corrêa do Lago comme la « première phase » du peintre. 9. L’indépendance des Provinces-Unies fut obtenue de fait en 1581, mais l’Espagne ne la reconnut officiellement qu’avec le traité de Westphalie (1648). 10. Kyrova 1994, p. 31. 11. Ibid., p. 32. 12. Il est vrai que la musicologie historique ne s’intéresse guère plus aux musiques populaires européennes anciennes, sans doute faute de sources. 13. Aujourd’hui la ville de Récife. Parana buka ou Parana puku (du tupi de la côte « où se brise la mer »/« longue mer », étymologies sujettes à caution...) fut aussi agréablement écrit en français « Fernanbourg » jusqu’à la fin du XVIIe siècle... 14. Tinhorão 2000, p. 80, citant un ata da Câmara de Salvador de 22 de novembro de 1673 (« édit de la chambre municipale de Salvador »). 15. Tinhorão, 2000, p. 89, citant Francisco Manuel de Melo (ca 1658). 16. En portugais : charamelas, caixas et trombetas. 17. En portugais : buzinas, flautas et atabaques. Le terme buzina a la définition suivante dans le dictionnaire de référence Aurélio : « nom commun à divers types de trompes de corne ou de métal qui produisent un son unique, fort ». Atabaque est défini comme : « espèce de tambour avec une peau d’un seul côté et percuté avec les mains » [traductions de l’auteur, J.-P. E.]. 18. Tinhorão 2008 [1988], pp. 37-42. 19. Ou lundu. Le mot a varié au cours des siècles : le lundu est un genre musical métissé, harmonisé, aux XIXe et XXe siècles. Il était sans doute, à ses origines, une forme musico- chorégraphique du même type que les batuques : musique et danse afro-brésiliennes où prédominent les voix et les tambours, en lien avec les dieux africains éponymes. 20. Post a vraisemblablement dessiné des centaines, voire des milliers de croquis au Brésil (Corrêa do Lago et Corrêa do Lago 2007, p. 371). 21. Comme CR {76}, où deux personnages semblent danser face à face, sans la présence d’aucun instrument. 22. Il est très difficile, en tout cas aujourd’hui, de différencier les Portugais des Nord-Européens (Néerlandais et leurs mercenaires), sauf lorsqu’on a des contextes explicites (CR {22} par exemple) représentants le pouvoir politique ou ses soldats. 23. Au Brésil, les calebasses sont généralement secouées : elles sont, soit à percussion interne par de tous petits objets durs (type maraca amérindienne), soit à frottement externe par un filet de perles (type abê utilisés dans le Xangô). 24. Cette hypothèse nous semble la plus vraisemblable, car les calebasses sont fragiles à la percussion et se rompent facilement dès qu’on les frappe avec un objet d’une certaine masse, ou qu’elles tombent par terre. 25. Elle figure également en couverture de l’ouvrage de Tinhorão (2008 [1988]). 26. Maracatu : procession carnavalesque typique de Récife et de sa région, mettant en scène une cour royale d’inspiration africaine dansant et déambulant au son d’un puissant orchestre

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composé d’au moins une quinzaine de tambours (alfaia, caixa), de hochets (mineiro) et de cloches (gonguê). D’un point de vue sociologique, les groupes de maracatu sont traditionnellement fortement territorialisés, et s’autodésignent généralement comme « nation », sans doute en référence aux anciennes confréries noires. 27. La croix originale a été cassée par un camion dans les années 1980. 28. Diverses graphies du patronyme ont été utilisées : « Wagener » dans une édition anglaise (1704), reprise au Brésil en 1964, « Wagenaar » en Hollande (1724), « Wagenaer » en afrikaans en Afrique du Sud en 1973 (il a été le second commandant du Cap). Il s’agit bien, malgré tout, du même personnage (voir Michel 1987, pp. 54-55). 29. Xangô désigne l’un des orixa (divinités) principaux du panthéon yoruba du Brésil (et de Cuba). À Récife, il désigne l’ensemble du culte afro-brésilien, assez proche du candomblé de Bahia. 30. Le terme ancien Muster Schreiber est traduit en allemand moderne Schreiber der Musterrollen par Michel (1987, p. 84). 31. La bage, appelée aussi canzá, est un idiophone raclé d’une cinquantaine de centimètres de long, constitué d’un pièce de bambou ou de bois avec de multiples entailles transversales, comme dans le dessin de Wagner. Il est utilisé, au Pernambouc, dans l’orchestre de la forme de théâtre musical cavalo marinho (Murphy 2008). 32. Nous l’avons observée avec Iraquitã, maître-tambour d’un lieu de culte (terreiro Xamba Nagô) de la religion afro-brésilienne Xangô d’Olinda. 33. Traduction du portugais de l’auteur (J.-P. E.), l’original allemand ne nous ayant pas été accessible. 34. Précisément deux pifes (pifanos), fifres, un tambour grave joué avec deux baguettes différentes zabumba, un triangle et, parfois, une petite caisse claire appelée caixa de guerra ou tarol. Le forró est le genre emblématique des danses de couple du Nordeste brésilien. Il comprend des danses comme le baião, le xote (scottish), le xaxado, etc. 35. Capoeira : art martial dansé, d'origine afro-brésilienne, qui a connu dans la seconde moitié du XXe siècle un formidable succès : au Brésil tout d’abord, jusqu’à en devenir l’un des emblèmes, puis dans le monde entier. 36. L’orchestre Banda Timbalada, fondé par Carlinhos Brown dans les années 1980, en fut le promoteur. Brown considère qu’il a inventé l’instrument, en modifiant un atabaque plus ancien, joué transversalement dans le samba. 37. Maracatu Nação Porto Rico. Au moment de son introduction par ce groupe, il a été largement rejeté comme n’étant pas « traditionnel »... 38. On ne nous tiendra pas rigueur, nous espérons, de cet anachronisme brésilien... 39. C’est, en l’occurrence, bien sûr aussi pour des raisons artistiques, que Post a peint des ciels en général nuageux : cela facilite le traitement réaliste et documentaire des couleurs, et élimine le problème technique des ombres contrastées. À ce sujet, voir Gordon 2007, pp. 71 et 76-77. 40. Verenigde Oostindische Compagnie, cousine orientale et contemporaine de la WIC, dont les recrutements militaires étaient comparables.

RÉSUMÉS

La période relativement brève de la colonisation hollandaise du Pernambouc (1630-1654) a été marquée par une entreprise documentaire sans précédent dans le Nouveau Monde, voulue par le

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comte Jean-Maurice de Nassau. Frans Janzsoon Post, chargé de peindre les paysages, les villages et leurs habitants, a très souvent représenté des tambourinaires noirs, accompagnés le plus souvent d’un petit groupe de danseurs. Dans ce corpus d’œuvres peintes au cœur du Siècle d’or hollandais, nous tentons de dégager un motif récurrent. Une gouache de l’aventurier Zacharias Wagner permet de compléter ces sources. À partir des analyses des historiens de l’art sur la place de la musique dans les œuvres néerlandaises contemporaines, et de l’étude de quelques rares sources écrites, nous dégageons les points principaux suivants : précision des descriptions organologiques, de la position des corps et nature de la représentation des performances.

The relatively brief period of Dutch colonization in Pernambuco (1630-1654) corresponds to an exceptional documentary undertaking driven by Jean-Maurice de Nassau. Frans Janzsoon Post, responsible for the painting of landscapes, villages and their inhabitants, often represented Black drummers accompanied by a few dancers. Here, we attempt to define a recurrent motif in the corpus of these works, belonging to the Dutch Golden Age. A gouache from the adventurer Zacharias Wagner completes the collection. By comparing art history analysis concerning the place of music in contemporary Dutch paintings with the few written sources, we emphasize the following points: precision regarding the organologic descriptions, the position of the musicians and the dancers’ bodies, as well as the type of performance represented.

O período relativamente curto da colonização holandesa em Pernambuco (1630-1654) foi marcado por atividades de documentação sem equivalente no Novo Mundo da epoca, sob o governo de Jean-Maurice de Nassau. O pintor Frans Janzsoon Post, encarregado de retratar as paisagens, as aldeias e seus moradores, representou muitas vezes percussionistas negros, geralmente acompanhados por dançantes. Uma aquarela do aventureiro Zacharias Wagner completa estas fontes. Neste corpus de obras pintadas no Século de Ouro holandês, tentamos revelar um motivo recorrente. A partir de análises de historiadores da arte sobre a importância da música nas obras holandesas contemporâneas, e do estudo de raras fontes escritas, esclarecemos os pontos seguintes: precisão das descrições organológicas e da posição dos corpos, e a maneira como a performance musical e de dança é representada.

INDEX

Index géographique : Brésil, Pernambouc Thèmes : Ethnomusicologie, Organologie, Iconographie Palabras claves : etnomusicologia histórica, colonização holandesa, Post (Frans Janzsoon), Wagner (Zacharias), iconografia musical Keywords : historical ethnomusicology, Dutch colonization, Post (Frans Janzsoon), Wagner (Zacharias), musical iconography Mots-clés : ethnomusicologie historique, colonisation hollandaise, Post (Frans Janzsoon), Wagner (Zacharias), iconographie musicale

AUTEUR

JEAN-PIERRE ESTIVAL

Centre de recherche en ethnomusicologie du LESC (UMR 7186, CNRS/Université Paris Ouest Nanterre la Défense), Nanterre [[email protected]]

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El tejido del cosmos. Tiempo, espacio y arte de la hamaca entre los ette (chimila) L’étoffe du cosmos. Espace, temps et art du hamac chez les Ette (Chimila) The cosmic textile. Space, time and hammock art among the Ette (Chimila)

Juan Camilo Niño Vargas

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en juin 2013, accepté pour publication en février 2014.

Estoy en deuda con todos los ette involucrados en la investigación y, en especial, con Samuel Granados Kraanti, Luisa Granados Diiñato, Felix Mendinueta Duutitu’, Narciso Puello y Joaquín Masias Jiintiyu. Algunas ideas del texto fueron presentadas en el Séminaire d’anthropologie américaniste dirigido por Isabelle Daillant y Bonnie Chaumeil, espacio en donde pude beneficiarme de los sugestivos comentarios de organizadores e invitados. Agradezco la enriquecedora lectura de Fabricio Cabrera, Marianne Cardale-Shrimpff, Sophie Desrosiers, Dimitri Karadimas, Marta Herrera, Roberto Pineda y Alexandre Surrallés. En la misma medida reconozco la labor de Magda Dziubinska, Andrea Leiva, Laura Murillo, Álvaro Santoyo, los miembros de la Fundación Ann Osborn, los integrantes del Taller de Investigación Umbra y el equipo del Journal de la Société des Américanistes. A Philippe Descola se le debo su gran apoyo moral e intelectual. Threads may be transformed into traces, and traces into threads. It is through the transformation of threads into traces, I argue, that surfaces are brought into being. Los hilos pueden transformarse en trazos, así como los trazos en hilos.

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Es a través de la transformación de hilos en trazos, arguyo, que las superficies adquieren existencia (Ingold 2007, p. 52 [traducción del autor, J. C. N. V.])

1 « La tierra, aquella por la que andamos, es ancha », afirman los ette. Puesto que proviene de un pueblo establecido en las vastas planicies del norte de Colombia, semejante afirmación no parecería exigir ninguna explicación. Sin embargo, al referirse al mundo de tal manera, los ette hacen algo más que ofrecer una simple descripción topográfica. De manera directa también lo relacionan con un conjunto de elementos dentro de los cuales la hamaca es un objeto prototípico.

2 Partiendo de tal asociación, y sobre la base de información recogida durante un trabajo de campo extenso, en el presente artículo se propone un modelo del mundo ette 1. Para esto se compara la manera en la que se experimenta el espacio y el tiempo a nivel cósmico con el proceso de confección, la morfología y el uso de la hamaca. Se expone el modo en que este objeto parece materializar un complejo conjunto de nociones sobre el universo: desde la forma cóncava, bipolar e inestable de la tierra, hasta una concepción del devenir en la que un tiempo humano presente se opone por igual a un pasado animal vinculado con lo bajo y un futuro divino asociado a lo alto. El análisis aprovecha las correspondencias entre cosmos y hamaca para reconstituir recíprocamente sus propiedades y, simultáneamente, restablecer el modelo general que les sirve de base. De esta suerte, se pretende avanzar por el mismo camino que ha conducido a otros autores a formular modelos no euclidianos de los universos amerindios (Daillant 2003, pp. 419-453; Hugh-Jones 1979, pp. 235-274; Surrallés 2003, pp. 89-110).

3 Paralelamente, se espera contribuir al conocimiento de un objeto omnipresente en la vida de muchos pueblos indígenas, pero cuya dimensión social poco ha despertado el interés de la antropología. En efecto, aunque en las etnografías suelen aparecer algunas cortas notas sobre los usos y significados de la hamaca, prácticamente todas las investigaciones consagradas a su estudio se han concentrado en sus aspectos técnicos (por ej. Littlefield 1976; Wiedemann 1979) y sólo desde una época reciente se ha explorado su importancia cosmológica (Seiler-Baldinger 1979; Walker 2009).

Los ette del norte de Colombia

4 El etnónimo chimila es común en la literatura histórica y etnográfica pero el pueblo al que denota prefiere llamarse « ette », literalmente « gente ». Su actitud no es arbitraria si se tiene en cuenta que el nombre « chimila » fue objeto de manipulación política durante el periodo colonial y no corresponde a ninguna forma de autodenominación nativa contemporánea (Niño Vargas 2007, pp. 25-66). Además, como se expondrá más adelante, los ette se consideran a sí mismos un pueblo nuevo y completamente diferente de aquellos que otrora habitaron su territorio, identificados como los verdaderos « chimila ».

5 Los ette ocupan las llanuras que se extienden entre las estribaciones suroccidentales de la Sierra Nevada de Santa Marta y los ríos Cesar y Magdalena, en el norte de Colombia. La mayor parte de la población está establecida en un resguardo creado en la década de 1980 compuesto por dos grandes propiedades: Issa Oristunna y Ette Butteriya, en el

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municipio de Sabanas de San Ángel. A esto hay que agregar otros dos pequeños asentamientos de reciente origen: Narakajmanta e Itti Takke, en la base del macizo serrano (Figura 1). Entre todos albergan unas 1200 personas y a esto hay que sumar pequeños grupos que residen en pueblos vecinos.

FIG. 1 – Resguardos ette.

6 La mayoría de los especialistas concuerdan en que su lengua pertenece a la familia chibcha (Trillos Amaya 1996; Malone 1997) 2. Su cultura, de franca orientación igualitaria, pareciera tener rasgos en común con la de los grupos de las tierras bajas sudamericanas. Aunque la caza y la guerra fueron actividades importantes hasta el siglo pasado, hoy en día la mayoría se dedica a la agricultura y, debido a las relaciones de explotación entabladas con la sociedad nacional, al trabajo asalariado en haciendas ganaderas.

Principios de cosmología

7 A continuación se exponen ciertas nociones cosmológicas compartidas por la mayoría de los ette. El objetivo no es inventariar exhaustivamente sus concepciones sobre el universo sino, más bien, identificar algunos de los principios básicos que las fundan. Para esto, se describen las diferentes regiones que componen el cosmos; se exponen los principales rasgos que caracterizan el mundo humano; y, por fin, se examina la forma en la que el universo se transforma con el paso del tiempo.

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La estructura del cosmos

8 Al igual que otros pueblos amerindios, los ette consideran que el cosmos está compuesto por un número finito de regiones contiguas. Aunque no existe un término nativo para referirse al conjunto global que conforman, ni poseen nombres propios y precisos, se distinguen por la posición superior o inferior que ocupan respecto a un mundo central humano. Los ette habitan esta área intermedia, descrita por medio del vocablo itti, con el que también se designa a la tierra.

9 Los ette afirman que en la actualidad existen por lo menos dos mundos aparte del propio, cada uno con sus respectivos habitantes. El primero está localizado en la bóveda celeste, en un elevado paraje al que se refieren con deícticos espaciales pero al que ocasionalmente también llaman itta, una expresión usada para designar al cielo. El mundo celeste no difiere considerablemente del intermedio. Los seres que lo habitan se conciben como humanos aunque libres de cualquier mal corporal, incluidas la enfermedad y la muerte. Asimismo disfrutan de la luz del sol, astro que surge de las estribaciones surorientales de la Sierra Nevada y se esconde en las llanuras occidentales para, enseguida, iluminar la región superior recorriendo su firmamento en sentido inverso. El otro mundo, se encuentra en las profundidades de la tierra. A diferencia de las otras dos regiones, no participa del ciclo solar, siendo una región oscura, llena de agua y poblada por criaturas monstruosas (Figura 2).

FIG. 2 – Estructura del cosmos.

10 Semejante organización de lo existente hace que la comunicación entre uno y otro nivel del universo sea restringida y que la vida se desarrolle en cada uno con bastante independencia. Aunque la forma en la que este conjunto permanece firme es fuente de debates, prácticamente todos los indígenas coinciden en afirmar que es por obra de los ancianos, quienes con sus oraciones impiden que el cielo se desplome. Para la expresión de esta idea utilizan el verbo grooga’a, que puede traducirse como « sostener » o

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« respaldar ». Esta locución está emparentada con otras formas verbales como grookwa, « resistir », y grootikaa « sentirse respaldado o protegido ».

Morfología del mundo humano

11 Rara vez los ette se detienen a discutir sobre la forma del mundo humano. Antes que una entidad representable sobre la cual se posea un conjunto transmisible de nociones integradas, la tierra es una realidad vivida. Se conoce en la misma medida en la que se recorre, hecho por el cual también la denominan con locuciones como tagkre yukke: « aquella por la que andamos ». A esto hay que sumar que el sentido de territorialidad ette es laxo si se compara con el de sus vecinos de la Sierra Nevada y la Guajira. Entre sus diversas expresiones se encuentran un escaso desarrollo de la noción de dominio sobre los espacios continuos, un corto inventario de topónimos, una geografía sagrada relativamente simple y una marcada inclinación a tomar como referentes espaciales objetos perecederos como casas, cultivos y árboles.

12 De ahí el valor de la siguiente narración, brindada por un respetado anciano, en la que aparecen condensados muchos de los principales rasgos que los ette le atribuyen a la tierra.

Ette itti – La tierra ette Narrador: Joaquin Masias Jiintiyu’ Ette Butteriya, 2011

Ette Español

¿Amatati sakka’owaya keeragotakwagedanura ¿No fue a propósito que se delimitó este lugar 1 naarira inni? para nosotros?

2 ¿Amatati jattiragedaka? ¿Acaso no fue así?

3 Samanagkre migkisalagenta wi niiya Así fue y por eso sabemos cómo empezó

4 Aarinarate ette itti, niiya nagkre Nosotros decimos que ésta es nuestra tierra

Es nuestra tierra, es para nosotros que estamos 5 Aarinarate ette itti nura naarira negwa inni acá

6 ¿Kiiyamane gooka inni? ¿Por qué fue hecha acá?

7 ¿Kiiyamane keeragotaga? ¿Por qué la delimitaron?

8 Samane wimetuu inniki tane ette’eni Para que pudiera saberse que era tierra ette

9 Innikimata katte katemata, katte kateka Acá adentro la tierra es plana y extensa

10 Inni ettana kora taarakwa Justo acá, donde ahora hablo

11 Etta maanabre nowe diitake breekrinibre Por donde pasan esas aguas explayadas

12 Ettane sakka’owaya keeragota En donde se delimitó premeditadamente

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13 Oo tewe yake kogkrakragga’ Pero no por los arroyos

14 Oo tewe yake kogkrakraggatikkwi Ni por las cañadas

15 Ni kolla taata chorida’ Sino por la verdadera madre antigua

Este lugar fue definido intencionalmente por 16 Ettane sakka’owayaneti keeragowita nara Yaau nuestro Padre

Por donde pasa el profundo arroyo, el patio del 17 Etta maana koggowakkani, ni akki ni Yaau Padre

Para que pudiera saberse que las tierras 18 Samane wimetuu ta ette’eni inniki katte kateka extensas eran de los ette

Dussawa, diitake buttanare ni’naniki aarite El occidente, la otra orilla de las aguas, es de 19 ejkoograte’ye’ otra gente

20 Inniki nara eekera’ye katte kateka Acá, en donde la tierra es extensa, es nuestro

Diwannaniki, lakkrakikkra buttanare tane kora El oriente, el otro lado de la columna vertebral, 21 ejkoograte’yeni es de otra gente

Yaau kora koograte’yeni kora, kora tewati anta Y esa gente tiene su propio padre, son 22 kora diferentes

23 Tamine eekera’ye nara No es nuestro

24 Nara eekera’ye tane sakka’owaya keeragota Lo nuestro es lo que fue delimitado a propósito

Para que se reconociera nuestra tierra acá 25 Samane wimetuu nara itti eekera’ye innikimata adentro

26 Innikimata katte kateka Acá adentro la tierra es extensa

27 Inni jukkrusa, ni too nara itti’ Este es el medio, es el corazón de la tierra

28 Jannayorikra nii dekkwi nagkre ette Nosotros los ette lo llamamos Jannayorikra

13 Una excepción a la reticencia de pronunciarse sobre la tierra es la afirmación, aparentemente obvia, que resalta su inmensidad. Para la expresión de esta idea, el narrador se vale del radical ka-, un clasificador lingüístico que encierra la idea de extensión (Narración líneas 9, 20 y 26). Con él construye adjetivos como katte katemata o katte kateka, traducidos al español regional como « plano » y « grande ». Otros ette usan el vocablo ka’ye: « ancho ». El mundo visto como una gran planicie coincide con el territorio en donde residen los indígenas: una vasta llanura de pendientes poco pronunciadas en la que el horizonte oriental, si la vegetación lo permite, sólo se ve interrumpido en la lejanía por las estribaciones meridionales de la Sierra Nevada de Santa Marta.

14 La extensión del mundo humano tiene un carácter preciso. La tierra no se piensa como un plano homogéneo. Por el contrario, parece concebirse como una superficie

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explayada entre dos polos que coinciden con los puntos por los que sol aparece y desaparece. Y es que si existe un eje que estructura el espacio, condiciona la percepción de los fenómenos que ocurren en él y determina el ordenamiento de los seres que lo habitan, es aquel formado por el levante y el poniente (Narración, líneas 19-21). De oriente a occidente se desplazan el sol, la luna y las constelaciones que marcan los ritmos temporales, así como los vientos y las tormentas que anuncian las estaciones. El caballete que sostiene el techo de las casas, la morada de los seres sobrenaturales y los caminos que recorren las almas de los muertos se orientan sobre el mismo eje. Además, cada extremo se asocia a un sexo, de tal forma que una amplia gama de actividades, desde agrícolas hasta lúdicas, tienen una expresión diametral: siempre el género masculino al este y el femenino al oeste.

15 La bipolarización del cosmos se refleja claramente en el sistema de coordenadas. Como es frecuente en las tierras bajas sudamericanas, los únicos puntos cardinales reconocidos son el levante y el poniente (Daillant 2003, pp. 427-434; Surrallés 2003, p. 96; Queixalos 1985, pp. 124-127). El primero se designa diwanna, vocablo emparentado con aquellos que expresan la idea de claridad; el segundo se denomina dussawa, locución que remite al ocaso. Un tercer término podría agregarse, tijbrakenta, pero, estrictamente hablando, no designa ningún punto sobre la tierra. A lo que esta expresión se refiere es, más bien, a una dirección transversal respecto al eje este-oeste, hecho por el cual los ette la traducen espontáneamente como « atravesado » (Figura 3). El norte y el sur, puntos cardinales tan familiares para las culturas andinas y europeas, no tienen ningún sentido, ni se marcan lingüísticamente, por lo que su eje queda subordinado al que forman el este y el oeste. La importancia de la bipolarización es tal que muchos verbos de la lengua ette expresan con exactitud la orientación de la acción denotada, ya sea implícitamente o por su asociación a cierta clase de partículas. Así se distingue moota, « conducir a alguien hacia oriente », de mookaga, « conducir a alguien hacía occidente »; o también, tunnukwa, « mirar hacía el saliente », y tugkaga, « mirar al poniente ». Los ejemplos podrían multiplicarse.

FIG. 3 – Puntos cardinales.

16 La idea de una extensa superficie estructurada sobre un único eje bipolar no implica la imposibilidad de señalar un sector central y unos confines (Narración, líneas 9-20, 27-28). Los ette son enfáticos al respecto. Inni jukkrusa, ni too nara itti, « Aquí es el centro, el corazón de nuestra tierra », afirma el narrador refiriéndose a Jannayorikra: la región de Sabanas de San Ángel, un área que abriga la mayor parte de la población indígena.

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17 La localización de Sabanas de San Ángel también remite a un área interior y contenida, opuesta a unos sectores exteriores y contenedores (Narración, línea 27). Un examen de los tres localizadores usualmente empleados por los indígenas para situar su territorio aclara esta concepción. El término más utilizado es jukkru, asociado a la idea de un puesto « intermedio » y opuesto a las posiciones de « adelante », chotta, y « atrás », brikki. Este mismo vocablo, además, se usa para designar el duramen, esto es, la parte interior, seca y dura de los troncos de ciertos árboles. Una segunda expresión es tiñña, vinculada a la idea de « adentro », « en medio » y « fondo » y, en esa medida, contraria a laaniki, « afuera ». El tercer término, usado cuando el hablante quiere darle a su afirmación un giro retórico, es too, con el que también se designa al corazón y al alma humana, ambos localizados en el interior de la caja torácica.

18 Los límites del mundo ette están señalados por el mar y los ríos Magdalena y Cesar. En realidad, los tres se consideran un sólo cuerpo de agua que rodea la tierra, amenazándola con inundarla y recorriéndola sin fin en sentido dextrógiro. Las aguas del Cesar descienden hasta el Magdalena para continuar hacía el Mar Caribe, atravesar por detrás la Sierra Nevada y reiniciar el ciclo (Figuras 1 y 4). Dentro de las muchas expresiones que se emplean para denominar esta inmensa corriente de agua, se encuentran koggowakka, « arroyo profundo », y diitake breekinibre, « agua explayada ». Otra, quizá más interesante, es akki ni Yaau, « el patio del Padre », expresión que proyecta a escala cósmica la idea de una zona limítrofe entre la casa y el rastrojo o, lo que es lo mismo, entre un espacio doméstico y un espacio inculto. Por su parte, el narrador del relato transcrito optó por la originalidad y acuñó una expresión desconocida por la mayoría de los indígenas, pero cuyo significado era claro en el contexto de la enunciación: taata chorida, literalmente, « madre antigua » (Narración, línea 15).

19 En armonía con esta serie de ideas, los indígenas utilizan el verbo keerago para hablar de su territorio. Valiéndose del español regional, algunos lo traducen como « encercar » o « lindar », expresiones que esconden la idea de « crear un espacio interior » (Narración, líneas 1, 7, 12, 16, 24). En esa medida, se emplea para referirse a un conjunto diverso de acciones que abarcan la edificación de los muros de una casa, la construcción de corrales y, entre otras, la elaboración del entretejido de la hamaca. En el contexto de las discusiones cosmológicas, se usa para afirmar que el mundo habitado por los ette es el resultado de una acción, a saber, la de la creación de un espacio habitable, diferenciado, interior y resguardado. Delimitada por las aguas de los ríos y las alturas de la Sierra, la tierra es un continente: contiene a los humanos.

20 Un último rasgo del mundo humano es el de un ligero antropomorfismo. Los ette identifican la tierra con el torso de una enorme mujer. Los nombres que recibe están invariablemente compuestos por términos de parentesco: yuunari kraari’, « gran abuela », y kajmanta, « madre ». Aunque las correspondencias entre las partes del cuerpo de la gran mujer y los accidentes geográficos del territorio son sumamente escasas, existe una notable excepción. Ésta consiste en reconocer en la Sierra Nevada la columna vertebral de la madre tierra (Narración, línea 21). En efecto, el macizo serrano se distingue con la locución lakkrakikkra, « columna vertebral ». Lejos de ser un eje divisor, este colosal espinazo se encuentra en un extremo, proyectándose desde el oriente hacía el nororiente y figurando como límite entre el territorio ette y el de los grupos serranos (Figura 4) 3.

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FIG. 4 – El mundo ette.

La dinámica cósmica

21 La idea de un mundo humano encajonado entre varias regiones cósmicas es una noción bien presente en el mundo chibcha (Reichel-Dolmatoff 1985, vol. 1, pp. 225-227; Morales Gómez 1993, p. 173; Osborn 1995, pp. 73-75). La singularidad del pensamiento ette radica en que le otorga un dinamismo único a tal organización. La configuración actual de lo existente no es más que un estado transitorio dentro de un proceso continuo de cambio. No siempre el mundo humano ha ocupado una posición intermedia, ni el conjunto de los seres vivientes ha estado organizado en tres regiones superpuestas. La estructura del universo cambia periódicamente por obra de catástrofes que destruyen regiones completas y aniquilan a todos sus habitantes pero que, también, permiten el surgimiento de nuevas humanidades 4.

22 El movimiento de transformación cósmica es descendente. Pese a que son muy pocos los informes que pueden recogerse sobre la forma primitiva del universo, algunos ette aseguran que tuvo que estar compuesto por el mundo subterráneo, una tierra intermedia y varias regiones celestes contiguas. Las capas superiores fueron derrumbándose una por una sobre la tierra, sepultando a la humanidad que en ese momento residía en ella y permitiéndole al pueblo recién llegado llevar una vida normal durante cierto tiempo. El mundo de los ette y la actual organización tripartita del cosmos son, así, el resultado de una serie de desastres que sólo concluirán una vez el último cielo se desplome. A diferencia de las demás tierras, el inframundo permanece estable y no entra a formar parte activa del gran proceso.

23 Los ette consideran imposible que alguien sepa con exactitud lo que aconteció durante los primeros ciclos destructivos. Los cataclismos borraron cualquier rastro de los

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antiguos mundos, reduciendo a ruinas los logros de las civilizaciones que los poblaron. Algo diferente ocurre con el proceso que le otorgó al universo su aspecto actual. Varios mitos cuentan cómo tiempo atrás la tierra estaba habitada por dos belicosos pueblos: los ette chorida, « la gente vieja » o « chimilas », y sus enemigos los waacha chorida, « los blancos viejos » o « españoles ». La dureza con la que describen los enfrentamientos entre estos dos grupos sólo es comparable con los crudos testimonios que se encuentran en los documentos del siglo XVIII. Los combates armados, la captura de prisioneros y la destrucción de poblados son temas que aparecen a menudo en ambas tipos de fuentes (Herrera Ángel 2002, pp. 265-286; Uribe Tobón 1977). Semejante estado de cosas enfureció a las divinidades, quienes se encargaron de acabar la violencia terrenal mediante incendios y diluvios. El destino que se reservó a los chimilas fue el de perecer bajo el lodo y las cenizas o, en su defecto, ser convertidos en fieras y animales.

24 Pero para el pensamiento ette los procesos de degradación son inseparables de los de regeneración. El fuego y el agua que exterminaron a chimilas y españoles también prepararon el advenimiento de una nueva tierra. Sobre el fango dejado por los cataclismos descendió el mundo de los ette. Conformado por los antepasados de los actuales indígenas, este pueblo de origen celeste se autodenominó ette takke, « gente nueva ». Así, hombres nuevos en una tierra nueva, los ette no se consideran un pueblo de orígenes remotos, niegan cualquier tipo de lazo con las poblaciones que otrora ocuparon el área, descartan toda relación entre su cultura y el material arqueológico que se halla en su territorio y rechazan enfáticamente la identificación con los chimila.

25 Tagkre yukke naarira itti aarinarate itti takke, « Aquella tierra nuestra por la que andamos es nuestra tierra nueva », afirman los ette con frecuencia. Y usando casi las mismas palabras se expresan sobre su futuro: tagkre yukke naarira itti, yuma nowe naakemekaane, « y esta tierra nuestra por la que andamos no la pisarán ellos ». Lejos de referirse a los chimila, el « ellos » de la última oración designa a los pobladores del cielo, quienes, con el correr del tiempo, reemplazarán definitivamente a los ette. En medio de incendios y diluvios, su tierra descenderá aplastando a la humanidad actual. Con este suceso, el ciclo de cataclismos concluirá y el universo entrará en un estado de pasividad. A diferencia de todos los otros, el nuevo mundo será eterno: los hombres serán inmortales, la violencia estará ausente y no existirán los dolores y las enfermedades asociados a la tenencia de un cuerpo. Aunque los ette nunca se expresan en estos términos, bien podría decirse que este mundo no será uno de gente de carne y hueso sujeta a la corrupción sino, más bien, uno de almas.

26 Antiguos mitos cuentan cómo las almas de ciertos hombres asesinados se desplazaban al cielo y vivían allí transformadas en gallinazos (Niño Vargas 2007, pp. 313-318). Este episodio establecería una relación entre las almas de los muertos y el pueblo celeste y, dada la dinámica cósmica que acaba de describirse, entre el pasado y el futuro. Sin embargo, tal motivo mítico resulta oscuro para actuales ette y entra en contradicción con las creencias escatológicas aceptadas. Según éstas, las almas de los muertos se retiran a un lugar distante y distinto del cielo para no volver a inmiscuirse en los asuntos humanos.

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Aspectos materiales, sociales y simbólicos de la hamaca

27 Las descripciones de los aspectos técnicos de la cultura material con las que se inauguró la etnografía americanista cedieron su puesto a estudios centrados en la forma en la que servía de soporte a órdenes sociales y esquemas intelectuales. Este nuevo tipo de aproximación ha sido fecunda en el caso de objetos y oficios como la casa y la arquitectura (Hugh-Jones 1979; Carsten y Hugh-Jones 1995; Karadimas 2005, pp. 369-399); los telares y el tejido (Hall 2012; Reichel-Dolmatoff 1978; Schaefer 1989); los canastos y la cestería (Guss 1989; Van Velthem 2003); y las armas, la guerra y la caza (Erikson 2001; Rival 1996).

28 Siguiendo las premisas teóricas de esta serie de trabajos, y con el fin de precisar los principios cosmológicos expuestos en la sección anterior, a continuación se examina un objeto central en la cultura ette: la hamaca. La elección de semejante artefacto tiene justificación. Si desde el punto de vista nativo pertenece a la misma categoría de entidades en la que se ubica el mundo humano, desde el punto de vista del etnógrafo pareciera materializar ciertas concepciones cósmicas. Se examinan cuatro dimensiones: su confección, su morfología, su uso cotidiano y, por fin, su papel en los mitos.

El proceso de confección

29 El proceso de la elaboración de la hamaca ette fue ricamente descrito por la mayoría de los exploradores y etnógrafos que contactaron el grupo durante los siglos XIX y XX (Brettes 1898, p. 476: Figura 5; Bolinder 1924, p. 211; Reichel-Dolmatoff 1946, pp. 114-117; Cardale-Schrimpff 1972, pp. 168-172). Las líneas que siguen pretenden complementar esta serie de estudios.

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FIG. 5 – La hamaca ette según Joseph de Brettes (1898, p. 476).

30 De principio a fin, y salvo algunas cortas intervenciones masculinas, la confección de hamacas es un asunto femenino. Son las mujeres quienes siembran, recogen, despepitan e hilan el algodón 5. La hechura de una hamaca demanda dos tipos de hilo. Para la fabricación del primero se enrollan dos hebras en sentido dextrógiro o, como se conoce en la literatura especializada, en « patrón s ». Al igual que todas las demás clases de hilo, los ette suelen denominarlos yoorotiiri, expresión compuesta por el nominal yooro, « algodón », y el adjetivo tiiri, « delgado ». La segunda clase de hilo, mucho más gruesa, se confecciona con tres hebras enrolladas en sentido levógiro o, en jerga especializada, en « patrón z ». Este último recibe un nombre específico, a saber, kuurubru, siendo el único hilo con este grosor. Los contrastes entre los dos patrones de hilado presentan similitudes con los descritos por otros etnógrafos anteriormente, lo que refuerza el carácter no arbitrario de sus respectivos espesores y torsiones (Cardale- Schrimpff 1972, pp. 148-155) 6.

31 Una vez finalizado el hilado, dos o más mujeres pueden elaborar una hamaca en unas pocas horas. La técnica empleada es la del entretejido, característica de las barred hammocks (Wiedemann 1979, p. 111; Nordenskiöld 1920, p. 114; Figura 6). Las mujeres le solicitan a un hombre clavar en la tierra dos postes distanciados por un espacio tan grande como el tamaño de la hamaca deseada, que puede oscilar entre 1,5 y 2,3 metros. Una de las participantes, generalmente la mayor y más experimentada, enrolla el hilo delgado en los postes, de abajo hacia arriba, en forma horizontal y teniendo el cuidado de no cruzarlo. La mujer va y vuelve de adelante hacía atrás en lugar de moverse a la redonda, tal y como ocurre en otras regiones de América (O’Neale 1963, p. 128).

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FIG. 6 – Confección de la hamaca ette. Ilustración realizada a partir de una fotografía de Marianne Cardale-Schrimpff tomada en 1968. Cortesía de Marianne Cardale-Schrimpff.

32 A medida que desarrolla esta labor, sus compañeras preparan las tramas cortando varios pedazos de cordel grueso tan largos como dos veces su propia estatura. Los cordeles comienzan a encordarse verticalmente de abajo hacia arriba, ubicando su centro debajo de la última fila inferior de la urdimbre y guardando una distancia entre sí que oscila entre los 15 y los 20 centímetros. Por medio de una torsión que sigue el sentido de las manecillas del reloj, los cordeles reúnen en cada vuelta las mismas dos secciones de hilo enfrentadas a uno y otro lado de los postes (Figura 7). Cuando alcanzan el extremo superior de la estructura, después de haber unido todos los pares de hilos enfrentados de la urdimbre, sus dos puntas se enrollan y atan en la hilera horizontal superior, dándole un aspecto grueso y burdo (Figura 8) 7.

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FIG. 7 – Proceso de entramado de la trama.

FIG. 8 – Proceso de terminación de la trama.

33 La urdimbre resultante se comprime y retira de los postes. En cada uno de los bucles de los extremos se inserta y se amarra con hilos de algodón una varita de madera labrada

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llamada broo. Aunque las mujeres se desenvuelven tan bien como los hombres con el machete, es a éstos a quienes les corresponde la tarea de tallar semejante artefacto. El bastoncito se hace del duramen de ciertos árboles como la lumbre (Handroanthus billbergii) o el dividivi (Caesalpinia coriaria). La hamaca se cuelga introduciendo la varita de madera en cuerdas previamente dispuestas para tal propósito (Figuras 9 y 10).

FIG. 9 – Cabecera de la hamaca.

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FIG. 10 – Hamaca colgada.

34 Los bastones de madera que remplazan la cabuyera de las hamacas normales son tan ingeniosos como exóticos. No están presentes en ningún otro grupo del norte de Colombia y, a juzgar por la falta de datos comparativos, no son un patrón difundido en América del Sur. Permiten colgar y descolgar rápidamente las hamacas sin realizar ningún tipo de nudo. Los indígenas pueden desplazarlas con facilidad en función de las cambiantes sombras de los días soleados, o bien del agua que se cuela dentro de las casas por obra de los intempestivos aguaceros de la estación lluviosa.

Anatomía de la hamaca

35 Los ette distinguen las entidades y objetos que pueblan el cosmos por las propiedades de sus cuerpos. Las categorías más empleadas son morfológicas, aspecto que se descubre en un sistema de clasificadores lingüísticos presente a nivel numeral, nominal y verbal (Malone 2004; Niño Vargas 2009). La hamaca es uno de los objetos más representativos de una de estas categorías. Descrita con el adjetivo ka’ye y asociada al clasificador ka-, agrupa elementos percibidos como amplios y con la capacidad de contener. Dentro de ellos también se cuentan las mochilas de algodón, las redes de carga, los bancos, las estanterías y las prendas de vestir. Aunque estrictamente hablando no se considera un objeto, el mundo humano hace parte del mismo conjunto.

36 La amplitud que los ette atribuyen a estos objetos parece estar asociada a una estructura diametral. En el caso de la hamaca, el entramado de algodón que la conforma se extiende entre dos polos. Mientras que en un primer momento estos coinciden con los postes enterrados de la urdimbre, en una segunda instancia lo hacen con los bastoncitos labrados dispuestos para colgarla (Figuras 6 y 11). Aunque el eje longitudinal que une a los dos polos permanece oculto durante la fabricación, es

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perfectamente visible una vez la urdimbre ha sido comprimida en sus extremos y todos los hilos delgados convergen en los bastoncitos.

FIG. 11– Anatomía de la hamaca.

37 Los sentidos de los hilos, la oposición de sus torsiones y su carácter continuo o discontinuo refuerzan la orientación del objeto. Dispuesto longitudinalmente, el hilo delgado de la urdimbre tiene preeminencia. Es la mujer más respetada del grupo la encargada de montarlo entre los postes. Con él forma un esqueleto continuo que nunca se ve fraccionado por cortes o interrumpido por nudos. Además, comparte con toda la cordelería indígena un mismo nombre: yoorotiiri. En franco contraste, el cordel grueso kuurubru que forma la trama ocupa un lugar subordinado. Dando por hecho que se opone a un eje estructural, los ette aseguran que este hilo debe « atravesarse ». Para esto emplean la locución tijbrakenta con la que, como se recordará, también se designa una dirección transversal al eje este-oeste. Son las mujeres jóvenes las encargadas de entretejerlo y su integridad se rompe constantemente por obra de cortes y nudos.

38 Otro tanto puede decirse del carácter continente de la hamaca. Debido a ciertos detalles de fabricación, este objeto comporta una estructura marcadamente cóncava. Los bastoncitos de madera que suplantan la cabuyera rematan abruptamente sus anchos extremos, otorgándole una forma hueca que algunos observadores han comparado con la de una canoa (Cardale-Shrimpff 1972, p. 171). A diferencia de las hamacas de otros grupos indígenas que se aplanan con el peso humano, la de los ette siempre conserva este aspecto hundido (Figura 12). Cada vez que alguien se refiere a la posición que ocupa una persona en ella, utiliza el localizador inesivo -sa, que encierra la idea de « estar adentro » y no, por ejemplo, la de « estar sobre ». A pesar de las apariencias, tal propiedad no parece causarles molestia alguna a los ette, quienes duermen tranquilamente en ellas.

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FIG. 12 – La hamaca cóncava.

39 Otro tanto puede decirse de los bastoncitos que coronan los extremos (Figura 13). Sus puntas escalonadas recuerdan a las de otros objetos. Los mangos de las maracas son de proporciones similares y habitualmente están labrados en forma idéntica en su extremo visible. Los bastones que utilizan los ancianos son más grandes, pero muchos tienen el mismo acabado en su extremo inferior. El motivo incluso puede adivinarse en las piernas de cierto tipo de figurillas humanas de madera utilizadas para orar. Además de ser el fruto del trabajo masculino, todos estos artefactos tienen en común la función de sostener.

FIG. 13 – Bastoncitos broo.

40 Ahora bien, estos soportes son introducidos por el bucle de un lazo denominado kraa’ (Figura 10). Aparte de designar las cuerdas y las asas de las mochilas, kraa’ es un término de parentesco empleado para denotar a un pariente linear de la tercera generación ascendente, esto es, un bisabuelo. Si se parte del español, la misma asociación se constata. En efecto, kaawuya es un préstamo del español « cabuya » con que los ette también se refieren a sus bisabuelos. Ante semejante evidencia, es bastante llamativo que un objeto denominado de la misma manera que un pariente linear ascendente sea aquel que abrase a otro en forma de bastón y con todas las características de un soporte. Uno y otro aguantan todo el peso de la hamaca, acción que es descrita con un verbo que ya se ha examinado: grooga’a, « sostener » o « respaldar ».

41 Para terminar, debe examinarse un último rasgo morfológico de la hamaca. Aunque los ette no le atribuyen a este objeto cualidades humanas, sí se refieren a una de sus partes con una expresión reservada para el cuerpo. La última hilera de la urdimbre, más gruesa por causa de las tramas atadas a su alrededor, se identifica con una columna

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vertebral: lakkrakikkra (Figuras 8 y 11). A diferencia de la humana, que aparece en el principio del proceso de ontogénesis, la de la hamaca representa la conclusión de la labor de fabricación. Sin embargo, ambas cumplen una misma función: la de mantener unida una estructura compuesta por tramas. Ahora bien, tal como acontece con la columna vertebral de la tierra, el espinazo de la hamaca no divide el entramado en dos partes iguales sino, más bien, delimita uno de sus costados. El lado opuesto no recibe ninguna denominación 8.

La vida social de las hamacas

42 Los ette distinguen sus hamacas de aquellas otras de origen industrial que obtienen en los pueblos vecinos, caracterizadas por formas lisas y planas. A las primeras las llaman kissa’ o ñaawikra y les tienen reservada la palabra castellana « chinchorro ». Las segundas se denominan jaamaka, préstamo del español « hamaca ». La mayoría sostiene que las hamacas tradicionales son más cómodas y duraderas que las comerciales, pero su número es reducido, hecho que puede explicarse por la facilidad con la que hoy en día se adquieren bienes foráneos. Mientras que a una mujer puede tomarle varias semanas preparar el algodón necesario para tejer una hamaca nativa, un hombre puede comprar una industrial con el dinero ganado en tres días de trabajo en las haciendas.

43 Tradicionales o comerciales, las hamacas gozan de importancia capital en la vida cotidiana. No son un privilegio reservado a individuos de cierto sexo o edad, siendo compartidas por hombres, mujeres y niños. Aunque su función principal es la de brindar un espacio para el sueño nocturno, también se aprovechan a lo largo del día para sentarse y departir. Los ette afirman que es gracias a ellas que pueden reposar lejos de un suelo húmedo y sobre el cual se desplazan criaturas peligrosas e indeseables. Muchas familias poseen camas rudimentarias de madera, pero ni en importancia ni en número rivalizan con las hamacas. Sin temor a exagerar, puede afirmarse que son el objeto más útil junto a los machetes de hierro y las ollas de aluminio.

44 La manera de colgar las hamacas en el interior de la casa obedece en gran medida a cuestiones prácticas como el tamaño de la habitación, el número de huéspedes y el estado de conservación de los postes. Por lo demás, siempre tratan de colocarse de forma ligeramente transversal respecto al caballete del techo que, a su vez, está alineado con el eje este-oeste. Dado que las casas de los ette tienden a presentar una base alargada, esta disposición permite aprovechar mejor el espacio y les garantiza a los individuos guardar cierta armonía con la direccionalidad cósmica. Varias hamacas pueden amarrarse a un mismo poste pero se evita la superposición atando su extremo contrario a párales diferentes. Aunque no se constata ninguna preocupación por la orientación de la última y más gruesa hilera de la urdimbre, la disposición levemente transversal de la hamaca respecto al eje este-oeste hace que, por lo menos en algunas ocasiones, se proyecte del oriente hacia el norte, tal y como lo hace la Sierra Nevada. Cuando esto sucede, las columnas vertebrales de la hamaca y el mundo coinciden.

45 La hamaca está ligada a todas las etapas de la vida. Los niños se dejan solos en estos objetos, previamente templados y extendidos por medio de dos varas de madera colocadas transversalmente en sus extremos. Asimismo, hasta hace algunas pocas generaciones, los recién nacidos eran transportados en artefactos con una estructura idéntica a la de una hamaca pero dotados de una larga faja continua que la madre se terciaba al hombro. Allí permanecían hasta que las fontanelas de su cráneo se cerraban

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y su inquieta alma quedaba impedida de escapar y causarles la muerte. El niño se concebía como un alma con un cuerpo incompleto que la pequeña hamaca ayudaba a estabilizar. Este portabebés fue observado tempranamente por Bolinder (1924, p. 223) y aún hoy día se recuerda con claridad. Su nombre en lengua vernácula era sappi o yaasappi, términos que actualmente se emplean para designar a las mochilas.

46 Los niños duermen en la misma hamaca que su madre o su padre hasta que pueden caminar. Llegado este momento, adquieren una nueva, o bien se ven obligados a desplazarse a las de sus hermanos mayores del mismo sexo. Puesto que están asociadas al bienestar y la prosperidad, al llegar a la adultez la obtención de una hamaca se convierte en prioridad. Mientras que las tradicionales son un signo de la laboriosidad de las mujeres, aquellas compradas lo son del tesón de los hombres en el trabajo asalariado.

47 En el ocaso de la vida, la hamaca se convierte en mortaja. Los ancianos y los enfermos esperan la hora de la muerte en ella. Una vez sucede el fatídico evento, el cadáver reposa colgado mientras sus familiares planean el entierro. Antes de ser sepultado, el difunto se envuelve en la hamaca con sus posesiones más preciadas. Si los recursos lo permiten, puede depositarse en un ataúd de madera fabricado por los colonos blancos. La cabeza de los hombres reposa en el oeste con sus ojos apuntando hacia el este; inversamente, las mujeres se acomodan mirando hacia el oeste. Si el deceso fue tranquilo, sus almas se dirigirán a estos puntos cardinales para permanecer en un lugar indefinido en los confines del mundo. Si, por el contrario, fue trágico uno de sus componentes anímicos permanecerá en la tierra transformado en un agresivo jaguar. Antiguamente, todo adulto se enterraba en el lugar en el que acostumbraba dormir y la casa era abandonada. En la actualidad, la mayoría de las personas se entierran en un sector del resguardo destinado para tal fin, alejado de las casas y completamente invadido de vegetación.

48 En suma, las hamacas acompañan a un individuo durante más de un tercio de su vida desde que llega al mundo hasta que lo abandona. Siguiendo el ideal de vida ette, un niño permanecerá durante su más tierna infancia en lo alto en una hamaca-portabebés en los hombros de su madre; después se trasladará a una hamaca colgada a una altura media; y, por fin, terminará bajo tierra envuelto en aquella en la que dio su último suspiro. El trayecto de uno a otro punto sigue una dirección descendente.

La hamaca en los mitos

49 La hamaca aparece con alguna frecuencia en los mitos centrados en la transformación animal. Los relatos pueden agruparse en dos grandes variantes. De un lado, están los que narran cómo las deidades convirtieron en animal a un humano a causa de un comportamiento antisocial. De otro, se encuentran aquellos que relatan cómo una bestia fracasó en su intento de colarse en el mundo de los humanos al ser incapaz de disimular su aspecto por un tiempo prolongado. En las dos variantes, la hamaca figura como un dispositivo gracias al cual la metamorfosis se realiza plenamente.

50 El primero de los casos es el de Oso Hormiguero, una jovial mujer que solía frecuentar toda clase de fiestas a pesar de estar a cargo de un recién nacido. Otro caso es el de Armadillo, una jovencita a quien el amor por el oficio de hilar algodón la sustrajo de todas las demás obligaciones sociales. Las deidades no vieron con buenos ojos su comportamiento y decidieron convertirlas en animales. Después de recordarles las

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faltas cometidas, les arrojaron flechas de punta roma y les fumigaron tabaco. Las pobres se revolcaron en sus hamacas, dieron varias vueltas en ellas y cayeron al suelo transformadas, respectivamente, en oso hormiguero (Myrmecophaga tridactyla) y armadillo (Dasypus novemcinctus).

51 Las historias del segundo tipo están protagonizadas por un jaguar (Panthera onca). Disimulando todos sus rasgos bestiales bajo una figura humana, éste se presenta ante hombres y mujeres que se han quedado solos. En un principio no levanta ninguna sospecha pero, poco a poco, su animalidad se torna evidente. La fiera ronca sin mesura, expele un fétido hedor o demuestra un excesivo temor frente a los perros. Sus compañeros humanos empiezan a desconfiar y esperan a que se duerma para enterar a sus familiares. El gentío llega bien armado, ataca con flechas el bulto que se mece en la hamaca y observa cómo se desploma un felino que corre y desaparece en la selva.

52 Las dos variantes presentan motivos similares. El transito de la humanidad a la animalidad sigue un trayecto descendente. Los seres humanos, reales o aparentes, se convierten en fieras al ser empujados al suelo. De caminar erguidos pasan a desplazarse en cuatro patas por efecto de una caída. La pequeña diferencia entre el arriba humano y el abajo animal queda bien marcada por la hamaca, dispositivo transformador que hace las veces de pivote entre uno y otro orden.

Síntesis: un modelo del espacio y tiempo ette

53 La recitación de mitos, la celebración de ritos y la discusión de sueños son ocasiones que los ette aprovechan para establecer correspondencias entre niveles aparentemente inconexos: el del mundo animal y el humano, el de la acción ritual y la ordinaria, el de la vigilia y los sueños (Niño Vargas 2006; 2007, pp. 103-210). En contraste, su actitud es mucho más reservada cuando se trata de atribuirle un significado a los objetos que fabrican. Salvo unas contadas excepciones, no se consideran representaciones a escala de otros órdenes, ni existe un saber dedicado a la elucidación de sus rasgos.

54 Sin embargo, en el caso del mundo y la hamaca las correspondencias existen, siendo muy numerosas y estrechas como para ser fortuitas. Este objeto parece reunir y volver tangibles muchas de las características atribuidas al mundo humano. Inversamente, parecieran ser los principios cosmológicos los que mejor explican las especificidades, aparentemente arbitrarias, de su forma y su uso. Las similitudes más importantes se recapitulan a continuación.

55 – El mundo humano y la hamaca comparten una serie de rasgos morfológicos que determinan su pertenencia a una misma categoría de objetos. Descritos con la ayuda del clasificador lingüístico ka-, estos parecen definirse por una forma amplia y extensa, así como por la facultad de contener. Aunque la comparación podría haberse efectuado con cualquier objeto de esta categoría, la hamaca es tal vez el más representativo del grupo y el más importante en la vida diaria.

56 – La amplitud que define el mundo humano y la hamaca es bipolar. De un lado, el espacio cósmico se organiza alrededor del eje este-oeste. De otro, la hamaca, desde su fabricación hasta su conclusión, comporta una estructura orientada por un único eje, discernible por la disposición de sus hilos y por los párales que coronan sus extremos. Además, cuando son utilizadas, los ette se esmeran en hacer coincidir el eje de las hamacas con el eje cósmico.

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57 – El mundo se piensa como un continente bien delimitado cuyo centro coincide con un fondo en el que reposan los humanos. Ningún otro objeto ilustra mejor esta serie de nociones que la hamaca. Debido a las particularidades de su fabricación, la hamaca ette se caracteriza por una marcada concavidad en la que centro y fondo coinciden. Justamente esta zona central está reservada a los humanos desde el momento del nacimiento hasta mucho después de la muerte.

58 – El mundo ette se opone a otros dos situados por debajo y encima de él. El superior se asocia a pueblos inmortales semejantes a almas que, encarnando el futuro, habrán de descender al mundo intermedio para sustituir a la actual humanidad; el inferior se relaciona con pueblos sepultados o convertidos en animales que, representando el pasado, habrían sido reemplazados por los ette. Por su parte, la hamaca reposa colgada a una distancia justa entre el suelo y el techo de la casa. Mediando entre el arriba y el abajo, se opone a una hamaca-portabebés en la que las mujeres llevan a los recién nacidos en alto; y a una hamaca-mortaja en la que los muertos son depositados bajo el suelo. Ahora bien, mientras que los niños se conciben como almas recién encarnadas que con el tiempo reemplazarán a los adultos, los difuntos se piensan como seres cuya existencia ha concluido y de la cual, en el peor de los casos, sólo queda en la tierra un agresivo componente anímico asociado al jaguar 9. Así, tanto para la humanidad actual como para los individuos adultos, lo alto se asocia al porvenir y lo bajo a lo que ya ha finalizado, estando ambos puntos unidos por un movimiento descendente. Esta homología entre el orden cósmico y la vida cotidiana queda confirmada por los mitos en los que, justamente, la hamaca marca la diferencia entre una zona media ocupada por los humanos y un área inferior a la cual descienden las personas transformadas en bestias.

59 – Debido al movimiento que anima el cosmos, al mundo humano lo caracteriza la falta de estabilidad. Su existencia es pasajera y en buena medida depende de los ancianos, quienes con sus oraciones lo sostienen. Inestable por naturaleza, la hamaca también pende de lazos amarrados a bastoncillos que, por su denominación, forma y función, son asimilados a parientes de la tercera generación ascendente.

60 – Por último, mundo y hamaca son objeto de una ligera antropomorfización que coincide en su rasgo más importante. Uno de los extremos de ambos se describe como una columna vertebral: la Sierra Nevada en lo que respecta al espacio humano y la última hilera de la urdimbre en lo que se refiere a la hamaca. En ninguno de los dos casos, esta suerte de espinazo se asocia a un eje central que la divida en partes iguales. Por el contrario, se relaciona con uno periférico que, sin dejar de garantizar la unidad del conjunto, le otorga una forma asimétrica.

61 Ninguna de las coincidencias observadas parece obedecer a la preeminencia de uno de los dos órdenes desde el cual se proyectarían ciertos rasgos a otro que serviría de telón: de una cosmología rígidamente construida hacia un objeto que la simbolizaría, o bien de una hamaca omnipresente desde la infancia hacia un espacio vacío de significado. Más bien, parecerían ser el resultado de la aplicación de una misma serie de principios. A título de hipótesis puede sugerirse que ambos serían objetivaciones de un mismo esquema compartido e interiorizado que, sin movilizar un saber explícito, organizaría los conocimientos y dirigiría la acción en múltiples niveles: desde la apropiación del territorio y la experimentación del tiempo hasta el arte y la mitología de la hamaca.

62 Partiendo de sus rasgos más prominentes y sus expresiones más tangibles, a este esquema es posible otorgarle una forma gráfica. Siguiendo el consejo de Tim Ingold con

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el que se abrió este artículo (2007, p. 52), se trataría de convertir los hilos en trazos, y los trazos en hilos, con el fin de disolver y restituir superficies (Figura 14).

FIG. 14 – Modelo del cosmos.

63 Espacio y tiempo son inseparables y se cruzan en todos los puntos. La imagen central representa el espacio humano actual, explayado de este a oeste y oponiéndose a un arriba asociado al porvenir y a un abajo relacionado con el pasado. Su cuerpo oblongo se asemeja al de la hamaca, pero también podría hacerlo al de otras objetivaciones del mismo esquema. Entre estas pueden contarse el banco de dos patas (Brettes 1898, p. 469; Bolinder 1924, p. 212), o bien la base de las viviendas tradicionales (ibid., p. 206; Figura 15). Además, es idéntico al modelo del espacio fusiforme de los jivaros candoshis de la Alta Amazonía propuesto por Surrallés (2003, p. 97; Figura 16), para quienes la tierra también se extiende sobre un eje delimitado por dos polos opuestos. El caso ette, de hecho, debe ser visto como una confirmación empírica más de la pertinencia de un espacio indígena no euclidiano.

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FIG. 15– Plano de la casa chimila según Gustaf Bolinder (1924, p. 206).

FIG. 16 – Geometría del espacio candoshi según Alexandre Surrallés (2003, p. 97). Cortesía de Alexandre Surrallés.

64 Como cualquier otro, el diagrama sugerido empobrece la realidad que intenta explicar. No obstante, sintetiza un complejo conjunto de principios cuya unidad y congruencia eran difíciles de entrever. Entre estos se cuentan el carácter bipolar, cóncavo y continente del mundo humano; la intrincada relación del espacio y el tiempo; y el

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movimiento descendente que marca el ritmo del devenir. Sobre él también pueden inscribirse ordenadamente un variado conjunto de prácticas y representaciones nativas que, en un principio, parecían independientes e irreductibles pero que en realidad forman un sistema coherente de oposiciones y correspondencias. Algunas de ellas pueden observarse en la siguiente tabla, susceptible de enriquecerse, pero suficiente para los intereses del presente texto (Figura 17).

FIG. 17– Correspondencias entre cosmos y hamaca.

65 Tres órdenes espacio-temporales definidos por la posición que ocupan respecto a los otros en un momento dado de un proceso de integración y desintegración. Aquel que pertenece a los humanos propiamente dichos, hombres y mujeres adultos, ocupa un lugar intermedio en todo sentido: entre las alturas celestes y las profundidades telúricas; entre una región que nunca será destruida y otra de la cual sólo quedan ruinas; entre un pueblo inmortal que desconoce la degradación del cuerpo y otro cuyos habitantes ya están muertos o han sido denigrados a vivir con cuerpos de animales; entre los humanos que acaban de ver la luz de la vida y aquellos para los que ésta se ha apagado definitivamente; entre un portabebés que reposa en lo alto asegurando que el alma permanezca en el cuerpo y una hamaca mortaja enterrada bajo la tierra, de la cual las almas salen para descansar en los confines del mundo, o bien convertirse en agresivas fieras; en suma, entre una vida en potencia que espera actualizarse y una vida concluida cuya memoria se borra paulatinamente. Acaso podría añadirse otra serie de oposiciones bien conocidas, a saber, la de los dominios divino, cultural y natural que, en el caso ette, no se enfrentarían sino, más bien, ilustrarían estados progresivos de un mismo y único proceso.

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WALKER Harry 2009 « Baby hammocks and stone bowls », in Fernando Santos-Granero (ed.), The occult life of things, University of Arizona Press, Tucson, pp. 81-102.

WIEDEMANN Inga 1979 « Brazilian Hammocks », Zeitschrift für Ethnologie, 104, pp. 105-133.

NOTAS

1. La información etnográfica que se presenta fue recogida entre 2003 y 2011 durante varios trabajos de campo en territorio ette. Un primer acercamiento de cinco meses tuvo lugar en 2003 y se efectuó en el marco de una maestría en antropología de la Universidad de los Andes. Una segunda fase más profunda de veintidós meses se realizó entre 2010 y 2012, estuvo financiada por la Universidad de los Andes y la Fundación Ann Osborn y se efectuó en el marco de un doctorado en la École des hautes études en sciences sociales. 2. Para la trascripción de la lengua ette se utilizó el alfabeto que la comunidad está tratando de implantar. La mayoría de consonantes y vocales se pronuncian igual que en castellano. Las excepciones son /g/, que es una palatal nasalizada, y /’/, que es una irrupción glotal. La /b/, /d/ y /g/ siempre se prenasalizan. (Niño Vargas 2009, pp. 78-79; Trillos Amaya 1996; Malone 1997). 3. Sobre la base de varios mitos recogidos en español, en un trabajo anterior se establecieron varias correspondencias entre accidentes geográficos y partes del cuerpo de la gran entidad femenina asociada a la tierra (Niño Vargas 2007, pp. 71-72, 293). Ninguna de estas asociaciones apareció en las entrevistas hechas en lengua ette. 4. Los ciclos de destrucción parecen alejar a los ette de los pueblos chibchas y acercarlos a algunos grupos mesoamericanos y amazónicos. Las coincidencias con la cosmología de los yukuna-matapí del noroeste amazónico son estrechas, pues en ambos casos se encuentra la imagen de un cosmos que se desploma (Reichel de von Hildebrand 1987, pp. 218-219). Una descripción más detallada al respecto se realizó anteriormente (Niño Vargas 2008). 5. Aunque la mayoría de las hamacas fabricadas por los ette son de algodón (Gossypium barbadense), algunos investigadores reportaron el uso de corteza vegetal (Brettes 1898, p. 465; Bolinder 1924, p. 211). 6. Reichel-Dolmatoff aseguró que la hamaca se confeccionaba con una sola madeja de hilo en patrón z y que la torsión inversa estaba restringida a algunas telas provenientes del Alto Ariguaní (1946, p. 113). Esta afirmación contrasta con lo notado por Cardale-Schrimpff, quien observó que dos tipos de hilo diferentes se usaban en la confección de las hamacas: uno delgado en patrón z y uno grueso en patrón s (1972, pp. 153 y 171). Ninguna de estas observaciones coincide exactamente con lo observado hoy día, pero la oposición entre dos hilos sigue presente.

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7. Reichel-Dolmatoff notó que no había nudos en la hamaca y que las tramas colgaban libres en los extremos (1946, p. 114). Esta descripción no coincide con lo observado por Cardale-Shrimpff (1972, p. 170). Las tramas sueltas tampoco pueden observarse en las hamacas que ilustró Brettes en el siglo XIX (1898, pp. 463 y 476). 8. Las largas cadenas de asociaciones que unen a la cultura material y el cuerpo humano, tan comunes entre los grupos de la familia chibcha, son raras entre los ette. Los pueblos de la Sierra Nevada de Santa Marta, por ejemplo, aseguran que la hamaca puede ser vista como una placenta y, siguiendo esta asociación, como una casa (Reichel-Dolmatoff 1985, vol. 1, p. 240). Una idea similar se encuentra entre los urarina de la Amazonía peruana (Walker 2009, p. 89). Este tipo de analogías son negadas explícitamente por los ette quienes, adicionalmente, son bastante reservados a la hora de hablar de la sexualidad y reproducción humanas. 9. Aunque en una forma distinta a la expuesta, vale la pena anotar que es un procedimiento común entre las poblaciones amerindias dotar de significación a la altura de la hamaca, en especial, en el dominio del género y la edad (Désiré 1994, pp. 119-120; Pinton 1965, pp. 266-267).

RESÚMENES

Mediante un examen de las correspondencias observadas entre principios cosmológicos y cultura material, en el presente artículo se propone un modelo del universo ette, pueblo de lengua chibcha del norte de Colombia. Se compara la forma en la que se experimenta el espacio y el tiempo a nivel cósmico con la manera en la que se concibe y se usa la hamaca. Se expone el modo en que este objeto parece materializar un complejo conjunto de nociones sobre el universo: desde la forma cóncava, bipolar e inestable de la tierra, hasta la tripartición entre un presente humano ligado al medio, un pasado animal vinculado a lo bajo y, por fin, un futuro divino asociado a lo alto.

À travers un examen des correspondances entre principes cosmologiques et culture matérielle, l’article propose un modèle du monde ette, peuple de langue chibcha du Nord de la Colombie. On compare la façon dont l’espace et le temps cosmiques sont vécus avec la manière dont les Indiens conçoivent et utilisent le hamac. On montre comment cet objet matérialise un ensemble complexe de notions concernant l’univers, allant de la forme concave, bipolaire et instable de la terre, à la tripartition entre un présent humain rattaché au centre, un passé animal lié au bas et, enfin, un futur divin associé au haut.

The aim of this article is to put forward a model of the Ette universe, a Chibchan speaking people of northern Colombia, through an analysis of the relationship between cosmological principles and material culture. The way in which time and space are experienced at a cosmological level is compared with conceptions of the hammock and the way it is used. We show how this object materializes a complex set of cosmic notions: from the concave, bipolar and instable shape of the earth, to the tripartition between a human present located in the middle, an animal past placed below and, finally, a divine future situated above.

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ÍNDICE

Keywords: cosmology, space, time, woven textile, hammock Temas: Anthropologie Palabras claves: cosmología, espacio, tiempo, hamaca, tejido Mots-clés: cosmologie, espace, temps, hamac, tissu Índice geográfico: Colombie, Chimila, Ette

AUTOR

JUAN CAMILO NIÑO VARGAS

Laboratoire d’anthropologie sociale, Paris ; Universidad de los Andes, Bogotá [[email protected]]

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Esposos y amantes consanguíneos entre los tobas (qom) del Gran Chaco Époux et amants consanguins chez les Toba (Qom) du Gran Chaco Consanguine spouses and lovers among Toba (Qom) people of the Gran Chaco

Florencia Tola

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en août 2012, accepté pour publication en juillet 2014.

Agradezco principalmente a Isabelle Daillant por sus incansables indicaciones y enseñanzas, así como por el tiempo que tan generosamente me dedicó todos estos años. También agradezco al Centre EREA del LESC (CNRS) por acogerme en París en su laboratorio para trabajar con la Doctora Daillant; al grupo TIP (Traitement informatique de la parenté) y al Doctor Klaus Hamberger por la generosidad con la que estos años me brindó sus conocimientos sobre el programa informático PUCK.

1 En este trabajo se analizarán algunos aspectos del sistema de parentesco de los tobas (qom) del Gran Chaco 1 (ver Figura 1), específicamente, la tendencia nunca antes registrada a un repliegue matrimonial endogámico. Los qom han sido caracterizados por la etnografía de la región como un grupo con una marcada propensión a la apertura que se manifestaba matrimonialmente en la exogamia generalizada. Antiguamente, dicha exogamia tenía como referente, para algunos, la banda – considerada como una red de familias extensas – y, para otros, la tribu – concebida como un conjunto de bandas –, unidades sociales ambas que ya no tienen vigencia en la actualidad, siendo la « comunidad » el principal marco de referencia actual.

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FIG. 1 – Mapa del Gran Chaco y de la distribución de los grupos mencionados en el texto [Celeste Medrano].

2 A lo largo de este artículo daré cuenta de la existencia de un repliegue matrimonial endogámico pasado y presente a partir del análisis de la red matrimonial toba y de las relaciones extraconyugales. Para ello, me remitiré al material de campo registrado en tres comunidades del Chaco central argentino (específicamente, del centro de la provincia de Formosa) 2. En un primer momento, me concentraré en el modo en que tanto el debate endogamia/exogamia como las relaciones extraoficiales fueron abordadas por la etnografía de la región, y describiré el estado actual de los estudios chaqueños sobre parentesco. En un segundo momento, me adentraré en el análisis de la red matrimonial y de las relaciones clandestinas – realizado a partir de los resultados obtenidos con el Programa informático para el tratamiento de datos genealógicos, PUCK 3 –, especialmente, en algunas características de los matrimonios consanguíneos y de las relaciones de proximidad 4.

Características generales del parentesco chaqueño

3 Salvo contadas excepciones, el parentesco no suscitó la atención de los primeros etnólogos extranjeros, tampoco la de sus seguidores argentinos. En las monografías de Alfred Métraux, Erland Nordenskiöld y Rafael Karsten las referencias al parentesco son escasas. Entre los argentinos, el parentesco fue un tema de interés tan sólo de la etnografía de los años 1980, que no tuvo mayor eco en las generaciones sucesivas. En este artículo me detendré en las informaciones brindadas por algunos autores para mostrar el panorama – un tanto confuso – que reina en los estudios sobre el tema. A mi entender, la ausencia de un consenso respecto de la exogamia o endogamia de banda y tribu deriva de la gran variedad de términos utilizados para describir las unidades

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sociales (hordas, sub-tribus, tribus, bandas, comunidades, village communities, clanes, etc.), de la falta de explicitación de los límites de dichas unidades y de la ausencia de una perspectiva diacrónica que permita observar, a lo largo de varias generaciones y según los diversos momentos históricos, la alternancia entre matrimonios endogámicos (ya sean consanguíneos, entre miembros de una misma banda, tribu o grupo étnico) y exogámicos (contraídos fuera de la propia familia extensa, de la banda, tribu, comunidad o grupo étnico).

4 El sistema de parentesco toba es caracterizado en la bibliografía como un sistema con filiación cognática, con residencia post-marital uxorilocal y con una apertura hacia el exterior que se expresa en la exogamia de tribu – en su momento – o de familia extensa bilateral, y étnica hoy en día. Con respecto a la filiación (ver Figura 2), José Braunstein (1983a) sostenía que los grupos chaqueños seguían normas bilaterales a pesar de que algunos autores habían referido la existencia de una matrilinealidad. De hecho, para Karsten (1932), los tobas, los matacos, los chorotes y los chulupíes 5 se regían por principios de linealidad femenina 6. Métraux (1946), en cambio, aludía a una filiación patrilineal para los grupos chaqueños, ante lo cual John Palmer (2005) expresa que la filiación patrilineal entre los wichí actuales sólo prevalece en el contexto del liderazgo.

FIG. 2 – Posiciones de chacólogos sobre la filiación.

Filiación

Bilateral Matrilineal Patrilineal

Braunstein (1983a) para los Karsten (1932) para los tobas, Métraux (1946) para los grupos grupos chaqueños en general matacos, chorotes y chulupíes chaqueños en general

Palmer (2005) para los wichí Palmer (2005) y Barúa (2007) Siffredi (1973) para los (matacos) sólo en el contexto del para los wichí (matacos) chorotes liderazgo

5 Asimismo, existe en la bibliografía una serie de posiciones no concordantes en lo que respecta la endogamia o exogamia de banda o tribu (ver Figura 3). En 1932, Karsten escribía que, en la medida en que los habitantes de una village community eran parientes, los matrimonios no tenían lugar entre ellos 7. Según él, los matrimonios se contraían entre personas que pertenecían a comunidades locales (poblados) diferentes, pero a una misma sub-tribe. Miller, después de describir las comunidades de los años 1960 como predominantemente exógamas (1966), indica que en el pasado las bandas solían ser endógamas (1979) 8 y, sin mayores explicitaciones, expresa que la exogamia posterior sería una transformación de la endogamia antigua (1980). Métraux, por su parte, cuando se refiere a los « indios a pie » (foot Indians) del Gran Chaco, entre los cuales incluye a los tobas que conoció 9, expresa que éstos podían casarse dentro de la misma banda (1946, p. 302). Por el contrario, Braunstein refiere a una regla de exogamia de banda ya que, entre los tobas y los pilagás, las bandas « constituían una familia entre cuyos miembros el matrimonio estaba expresamente descartado » (1983a, p. 82) 10. En el caso de los tobas, esta exogamia de banda habría coexistido, según él, con una regla de endogamia tribal 11, aun si las tribus guaycurúes (y, entre ellas, los tobas)

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eran, a pesar de esta regla, las más proclives a « los matrimonios inter-tribales e inclusive inter-étnicos » (ibid.).

6 Otros especialistas argentinos (Carrasco 1986, Mendoza 1999) apoyan la idea expresada por Braunstein de una exogamia de banda. Edgardo Cordeu y Miguel de los Ríos (1982), por el contrario, consideran esta unidad como endógama, apoyándose en Branislava Súsnik (1978) quien, a partir de los datos del padre Lozano, habla de la endogamia de banda de los grupos guaycurúes del siglo XVIII, considerados como posibles antecesores de los actuales tobas (Cordeu y De los Ríos 1982, pp. 163-164).

FIG. 3 – Posiciones de chacólogos sobre endogamia/exogamia toba. [n. e.: no especificado.]

Autor Grupo indígena Endogamia Exogamia

Karsten (1932) toba de sub-tribu de comunidad local

Miller (1966) toba n. e. de comunidad

Miller (1979) toba de banda n. e.

indios a pie (incluidos posibilidad de casarse Métraux (1946) n. e. los toba-pilagás) dentro de la banda

pilagá de banda (regla) toba n. e. de banda (regla) Braunstein (1983a) guaycurú (incluidos de tribu (regla) de tribu, de etnia los tobas y pilagás) (proclividad)

Carrasco (1986) toba y pilagá n. e. de banda

Mendoza (1999) toba-pilagá n. e.

Cordeu y De los Ríos (1982) guaycurú s. XVIII y de banda n. e. con base en Súsnik (1978) toba s. XX

7 Con respecto a la terminología de parentesco, Métraux (1937), Miller (1966), Vellard (1969) y Braunstein (1976) describieron la terminología toba de referencia. Ésta es una terminología cognática, idéntica para ego masculino y femenino, y con un marcado carácter clasificatorio. Los tobas cuentan con una amplia red de parientes a los que clasifican como « consanguíneos » (lamo, n’huol’ec, lamochiguiñot, lapachaxaua, lpinecpi) 12 o, en castellano, « familia », por oposición al término « parientes » que los mismos tobas utilizan para designar a los afines (ŷaronaxaqui) 13. Las Figuras 4 y 5 presentan las nomenclaturas consanguínea y afinal respectivamente, tanto de referencia como vocativa. Como se observa, no establecen diferencia entre parientes cruzados y paralelos. Es una terminología hawaïana en G 0 y esquimal en G+1 y G–1, tal como parecería ser la regla en los sistemas de parentesco chaqueños (para los matacos, véase Palmer 2005; para los pilagás, Dell’Arciprete 1991-1992; y para los tobas, Tola y Salamanca 2009).

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FIG. 4 – Terminología consanguínea toba.

Término de Término Parientes Parientes Generación referencia vocativo directos colaterales

ỹape’ ỹape PF 14 PPB, PPPSbS, etc. G+2 icote come PM PPZ, PPPSbD, etc.

ita’a papá o taxare F

ỹate’e mamá o chera M G+1 ñitesoqo’ tío o tesoqolec PB, PPSbS, etc.

ỹasoro tía o sorole’ PZ, PPSbD, etc.

PCh, PSbCh, PPSbChCh, etc., ỹaqaỹa ỹaqaỹa Sb PSpCh

ỹapichaqa’ pichoqolec eB

G 0 ỹapilte pilo’ole eZ

ỹanoqlec ỹanoqolec yB

no’ole no’ole yZ

ỹalec ỹalcolec S

ỹale ỹalole D G–1 ỹasoshec ỹasoshecolec SbS, PSbChS, etc.

ỹasoshe ỹasoshole SbD, PSbChD, etc.

iualole (alter fem.) G–2 iual iualolec ( alter ChCh SbChCh, PSbChChCh, etc. masc.)

FIG. 5 – Terminología afinal toba. [* Términos consanguíneos que acercan afectivamente a los afines. Las comillas (“Sb”, “B”, “Z”) refieren a categorías clasificatorias.]

Términos de Generación Términos vocativos Posición referencia

G+2 (ỹacho’ o ỹape): SpPF, SpPPB ỹacho’ ỹacho’, ỹape* o tío* G+1 (ỹacho’ o tío): SpF, SpPB G+2 y G+1 G+2 (ỹachoro o come): SpPM, SpPPZ ỹachoro ỹachoro, come* o tía* G+1 (ỹachoro o tía): SpM, SpPZ

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iua – W, H

ỹalle’e ỹalle’e, ỹaqaỹa* SbH, “Sb”H

ivete ivete, ỹaqaỹa* SbW, “Sb”W G 0

idaua idaua, ỹaqaỹa* SpSb, Sp“Sb”

Concuñado/a (coafín): SpSbSp, ỹaronaxaua naronagau’ Sp“Sb”Sp

G–1 (ỹalec, ỹasoshec): DH, DHB, DH“B”; ỹalec*, ỹasoshec* y ỹaronaxanec SbDH, SbDHB, SbDH“B” iualolec* G–2 (iualolec): ChDH, ChDHB, ChDH“B” G–1y G–2 G–1 (ỹale, ỹasoshe): SW, SWZ, SW“Z”; ỹate ỹale*, ỹasoshe* y iualole* SbSW, SbSWZ, SbSW“Z” G–2 (iualole): ChSW, ChSWZ, ChSW“Z”

8 Con respecto a las relaciones extraconyugales en el Gran Chaco, Braunstein identificó una institución wichí que « altera las normas de la organización social “reglamentada” o “ideal” » (1983b, p. 169). Comúnmente confundido con un matrimonio incipiente, el kyutislí era en realidad una forma « orgiástica » de relaciones entre los géneros que raramente conducía al matrimonio (De los Ríos 1978-1979, Braunstein 1983b). Cuando dichas uniones orgiásticas (que existían en la mayoría de los grupos chaqueños) producían embarazos, solían efectuarse abortos e infanticidios 15. Esta institución rompía con las reglas de la residencia uxorilocal (la pareja se escapaba a otra comunidad) y con el valor de la fidelidad (no sólo involucraba a jóvenes solteros sino también a personas casadas). El estado de kyutislí era atribuido a la acción de una persona no-humana y, según Miguel de los Ríos (1978-1979), remitía al cortejo, a la seducción, al erotismo, a la inestabilidad, a la pasión y a la pérdida de control 16. Idoyaga Molina atribuye al kyutislí, entre los pilagás, la causa del perjuicio del sistema tradicional del matrimonio (1976, p. 65) 17. Según la autora, la difusión del kyutislí habría causado inestabilidad en los matrimonios, el aumento del adulterio y la disolución de las parejas. Hasta las primeras décadas del siglo XX, el adulterio y el consecuente abandono de la esposa conducían a enfrentamientos abiertos entre las mujeres que peleaban con « plumeros de huesos y sus muñequeras de piel de ciervo munidas de pinchos » (ibid.). Si bien el kyutislí fue descrito por diversos etnógrafos entre los wichí, y si bien prácticas semejantes fueron referidas entre otros indígenas chaqueños, no encontramos estudios de parentesco entre los qom (ni entre otros grupos chaqueños) que vinculen los patrones de alianza matrimonial con la elección del amante.

Reglas antiguas y actuales de prohibición del incesto

9 En la bibliografía de la región hay un consenso sobre la existencia de prohibiciones matrimoniales más que de reglas positivas. El término toba deranaxa’n (3P.S. del verbo ‑ iran: « anunciar, dañar »), cuya traducción es « él/eso anuncia », se usa para referirse a una persona que cometió incesto o a un matrimonio incestuoso, aludiendo a su

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consecuencia negativa: una relación incestuosa, en palabras de un anciano, « anuncia que algún día va a desaparecer toda la familia » 18.

10 Métraux escribía que sobre los toba-pilagás no abundaba « información acerca del matrimonio preferencial » 19 (1946, p. 324 20). En un texto anterior (1937) señalaba que no había podido desentrañar las prohibiciones matrimoniales a causa de las contradicciones en las que caía su informante. Sin embargo, en ese mismo texto escribía que creía « haber podido establecer como certera la unión frecuente de la sobrina con el hermano de la madre » (ibid., p. 384) así como el matrimonio con « la hija del hermano de la madre » (ibid.). Sin embargo, según él, estaba permitido también casarse con la prima cruzada patrilateral, mientras que sobre la prima paralela recaía la prohibición. Asimismo, señala que las relaciones incestuosas de un hombre con su madre o su hija eran condenadas con la expulsión de la tribu (1937), las de un hombre con su abuela eran motivo de burla, mientras que el matrimonio con una nieta imponía el pago de una compensación económica (información contradicha posteriormente).

11 Unos años antes, Karsten (1932) escribía que los tobas no se oponían al matrimonio entre primos. Sin embargo, en el mismo texto expresa sus dudas respecto de esta idea, al constatar que entre otros grupos chaqueños existía dicha prohibición. Contrariamente, Palavecino (1933) sostenía que la unión matrimonial entre « parientes » era prohibida por los pilagás, y que el matrimonio entre primos era considerado incestuoso. Ana dell’Arciprete sostiene que, entre los pilagás, la única « regla vigente es la de la prohibición de casarse con un pariente » (1991-1992, p. 19), término que incluiría a todos los parientes consanguíneos. Esta observación concuerda, en parte, con lo descrito por Karsten (« en parte » ya que él mismo duda de que el matrimonio entre primos esté permitido) y con lo referido parcialmente por Métraux, para quien tan sólo los primos paralelos serían interdictos. Dell’Arciprete menciona que el matrimonio de hijos de primos en 1.er grado no suele ser abundante. Lamentablemente, no ofrece información cuantitativa sobre este punto. A su vez, Carrasco expresa que no encontró entre los tobas y pilagás « interdicciones estrictas al matrimonio con gentes de otras comunidades, ni tampoco prescripciones matrimoniales expresas » (1986, p. 249). Las prohibiciones que refiere (con tías, primas y sobrinas) sólo se aplican dentro de la comunidad aunque, en su mismo seno, el matrimonio entre parientes en 2.o grado no sería interdicto (ibid., pp. 250-252). Esta sugerencia concuerda con lo expresado por Cordeu cuando escribe que « las reglas de exogamia se refieren exclusivamente a la interdicción matrimonial entre grados próximos de parentesco » (1969-1970, p. 81).

12 Todo esto nos conduce a un aspecto central del matrimonio entre los grupos chaqueños que refiere a la proximidad genealógica entre cognados. En la medida en que no encontramos para el Chaco corpus significativos de datos genealógicos, y que el análisis manual de las genealogías tiene sus limitaciones, es probable que los matrimonios entre parientes consanguíneos a partir del 2.o grado no siempre hayan sido reconocidos como tales. Quizás esto se haya constituido como una de las mayores limitaciones para la comprensión de las redes matrimoniales chaqueñas. Por estas limitaciones es posible que reglas matrimoniales no hayan sido percibidas, aunque los diversos autores hayan identificado « algunas formas matrimoniales “estratégicas” o en el mejor de los casos preferenciales » (Bossert et al. 2009, p. 51).

13 Las etnografías de Palmer (2005) y de Guadalupe Barúa (2007) sobre los wichí parecerían ser una excepción a la incertidumbre que reina en los estudios sobre la existencia de

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reglas matrimoniales positivas. Nos detendremos en sus conclusiones ya que existe también la idea generalizada de que el parentesco wichí difiere marcadamente del toba: la tendencia wichí al repliegue hacia el interior se opondría a la marcada apertura hacia los otros de los tobas. Tal como expresan Cordeu y De los Ríos (1982), mientras que los wichí tendrían sentimientos de « temor y desconfianza hacia todos los extraños » (ibid., p. 139), los tobas tendrían una aceptación ambigua de estos últimos; actitudes que se vincularían con las normas matrimoniales.

14 Tanto Palmer (2005) como Barúa (2007, p. 71) sostienen la existencia de una filiación cognática entre los wichí. Ésta « se combina con un sistema matrimonial basado en el intercambio directo » (Palmer 2005, p. 116). Si la modalidad más simple del intercambio directo es el intercambio de hermanas, él demuestra que lo que predomina entre los wichí es la afinidad serial, en la que un individuo contrae matrimonio dentro de una parentela con la que su propia parentela ya tejió lazos afinales (ibid., pp. 141-142). Estas alianzas no involucran exclusivamente a los siblings, sino que abarcan a numerosos otros cognados, incluso de generaciones diferentes. Esta afinidad serial (así sea que se presente bajo la forma de un intercambio en sentido clásico o de un redoblamiento por parientes del mismo sexo) es entendida por él como una variante del intercambio directo (ibid., pp. 141-142). Dentro de su corpus de 50 matrimonios, Palmer encuentra que el intercambio de hermanas reales y clasificatorias corresponde tan sólo a un 10% del total, aunque no brinda más detalles. Según sus datos, entre los wichí predominarían los matrimonios entre ego y tanto la hermana menor como la sobrina del cónyuge de un sibling suyo o de sus padres ( ibid., p. 145). Él concluye que el « principio ordenador » que rige el sistema matrimonial wichí es « un sistema exógamo y preferencial que, al mismo tiempo, se vale de una categoría tácita de “esposa potencial” » (ibid., p. 141). Ésta corresponde, según él, a una « concuñada » (ibid., p. 144), es decir, una consanguinea de un afín de un consanguíneo (categoría que, para los wichí, incluye a los hermanastros). Por otro lado, Palmer señala que los wichí que contraen matrimonio dentro de la propia parentela son considerados antisociales. En su corpus, estas uniones consanguíneas corresponden a un 20% de los matrimonios 21 aunque, tal como él expresa, « en la mayoría de los casos es posible trazar la relación de manera tal que la unión se define como exógama » (ibid., p. 151).

15 Barúa (2007), por su parte, se detiene en « las redes de alianza » y señala la existencia de una « amalgama de parientes [que] se conforma sobre todo a través del intercambio directo [sic] del matrimonio de un grupo de “hermanos” (o “primos” o “tíos” o “sobrinos” en cuanto, [en] su calidad de Mayor o Menor, ingresen en la categoría de sibling) con otro conjunto de “hermanas” » (ibid., p. 64). Luego de que la repetición de alianzas en una comunidad local agota las posibilidades de contraer tales matrimonios, se abre la posibilidad de incorporar ajenos (ibid.). Dentro de los « matrimonios preferenciales » (ibid., p. 68), la autora destaca el levirato y el sororato, el matrimonio entre cuñados luego de la separación del cónyuge, entre hermanastros (« concuñados » para los wichí) y, por último, entre un conjunto de hermanos y un conjunto de hermanas clasificatorios (siendo que los matrimonios entre bloques mixtos – es decir, intercambios propiamente dichos – no son mencionados por ella). Si para Palmer el sistema wichí es exógamo ya que, más que casarse entre consanguíneos, los wichí preferirían casarse en base a la afinidad serial, Barúa concluye que los redoblamientos corresponderían a una endogamia sociológica.

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16 Si bien el corpus wichí y el toba registrado por mí poseen características que podrían ser influyentes en la contabilización de los matrimonios consanguíneos, si bien Palmer no da cuenta de los matrimonios con parientes consanguíneos clasificatorios y si bien existen diferencias entre el uso o no de un programa informático para el tratamiento de los datos genealógicos, por el momento el corpus wichí constituye el único disponible con el cual establecer comparaciones sobre los modos en que los indígenas chaqueños se casan. Por otro lado, mi objetivo es mostrar que los tobas no son necesariamente tan abiertos hacia el exterior a nivel matrimonial, por más de que un análisis más exhaustivo de un corpus wichí – incluso mayor que el existente – diera como resultado un porcentaje mayor que el actual de matrimonios entre consanguíneos. Basándonos en los datos que disponemos de los qom y los wichí, la diferencia entre ambos sistemas matrimoniales no sería a primera vista tan marcada. En efecto, tanto los matrimonios consanguíneos como aquellos que repiten alianzas no están ausentes entre los qom ni presentan un porcentaje tan bajo si tenemos en cuenta que la etnografía de la región los ha considerado muy abiertos y exógamos.

17 En la actualidad, los qom consideran incestuosas las relaciones amorosas (y por lo tanto los matrimonios) entre los miembros de una familia extensa bilateral. Un individuo no puede casarse con ningún sibling (real o clasificatorio) suyo (a quien denomina ỹaqaỹa), ni con quien clasifica como sibling (real o clasificatorio) de algún pariente suyo, de cualquier nivel genealógico, mientras exista memoria de la cadena genealógica que los une o mientras exista memoria de la relación clasificatoria de sus antepasados. En este caso, el uso de la terminología de parentesco operaría como un factor central en la regla de prohibición del incesto 22. En cuanto a los afines, los únicos explícitamente prohibidos serían el cónyuge de un progenitor (fallecido o no) y de un hijo o de una hija (fallecido/a o no). Hoy en día, una relación con el cónyuge de un sibling es también considerada incestuosa mientras este último esté casado 23. Esta prohibición es una de las menos respetadas. Hay casos en los que un cónyuge abandona a su pareja para juntarse con el sibling de ésta, pero es principalmente en el ámbito de las relaciones clandestinas en el que estas uniones se producen. Ahora bien, con la ayuda de PUCK mostraré primero que existen matrimonios entre cognados a lo largo de varias de las generaciones registradas, matrimonios que luego serán examinados a la luz de los criterios mnemónicos y terminológicos de los mismos tobas.

Características generales del corpus y matrimonios consanguíneos

18 Desde el 2000 he constituido un corpus a partir del relevamiento de las genealogías y de las historias de familias y parejas de tres comunidades del centro de la provincia de Formosa (San Carlos, Santo Domingo y Riacho de Oro) y de quienes han migrado al barrio peri-urbano de la capital provincial (Namqom o Lote 68) 24. Registré 1266 individuos (vivos y muertos); cifra que incluye a los habitantes pasados y presentes de las tres comunidades, a los que migraron a Lote 68, así como a los parientes consanguíneos y afines de dichos habitantes que residen actualmente en otras comunidades.

19 El corpus registra individuos a lo largo de ocho generaciones, nacidos desde finales del siglo XIX hasta principios del XXI. Al respecto, Barry y Gasperoni (2008), en su trabajo sobre la amnesia y la información genealógica en dos corpus diferentes (uno etnográfico

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y otro histórico), llaman la atención sobre el hiatus existente entre la memoria que los actores poseen de su red de parentesco y la cantidad de generaciones comprendidas en un corpus. De hecho, si bien mi corpus registra unas cuantas líneas directas de 8 generaciones (116 líneas que bajan de 4 parejas apicales a 55 descendientes de G–7 25), sólo un puñado de personas conoce integralmente tales líneas.

20 El corpus contiene 691 hombres y 575 mujeres, y registra 420 matrimonios entre 363 hombres y 345 mujeres. No evidencia matrimonios polígamos, pero sí contiene matrimonios consecutivos. De las 420 relaciones matrimoniales, 85 (20,24%) son entre cognados que tienen entre sí una distancia máxima de 5 generaciones (i. e. que son como mucho primos en 4.o grado). Estos 85 matrimonios involucran a 151 individuos (73 hombres y 78 mujeres) y participan de 149 circuitos (o cadenas de parentesco cerradas por un matrimonio) repartidos en 101 tipos de circuitos 26 (definidos éstos por la composición exacta de la cadena genealógica que vincula a un ego masculino [♂] con su esposa; por ej., ♂FFZSD sería un tipo, del que puede haber varias ocurrencias, cada una de las cuales correspondería a un circuito concreto).

21 Lo primero que salta a la vista es entonces que, al distribuirse los 149 circuitos entre 101 tipos, el promedio de circuitos empíricos en cada tipo es muy bajo. Pero, al agrupar estos tipos en « paquetes » de tipos teniendo en cuenta la terminología de parentesco, percibimos que la ocurrencia dentro de los conjuntos centrales no es tan reducida (Figura 6):

FIG. 6 – Circuitos matrimoniales y matrimonios involucrados, agrupados en « paquetes » de tipos, de acuerdo a la terminología. Las últimas dos columnas indican el número de matrimonios con y sin lazos en otros « paquetes » respectivamente (por ej., primos con/sin otros lazos entre sí además de primos).

Categoría Matrim. sin Gen. Circuitos % Matrimonios Intersecciones terminológica intersecciones

G+2 icote, « abuelas » 6 4% 6 1 « hermana » 5

G+1 ŷasoro, « tías » 26 17% 19 8 « hermanas » 11

1 « abuela » ŷaqaŷa, G 0 83 56% 49 8 « tías » 33 « hermanas » 7 « sobrinas »

ŷasoshe, 7 « hermanas » G–1 29 20% 23 15 « sobrinas » 1 « nieta »

G–2 iual, « nietas » 5 3% 5 1 « sobrina » 4

Total 149 100% 85

22 El mayor porcentaje de circuitos y matrimonios consanguíneos se da entre individuos considerados « hermanos » (primos reales y clasificatorios), a los que le siguen los circuitos y matrimonios con « sobrinas », « tías », « abuelas » y finalmente « nietas ». Asimismo, en el cuadro se aprecia que en todos los « paquetes » terminológicos se encuentran matrimonios donde los cónyuges también tienen entre sí lazos que

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corresponden a otra categoría terminológica (por ejemplo, « hermanas » que, por otra vía, también son « sobrinas », « tías », etc.). Estos matrimonios se encuentran así en la intersección entre dos tipos de circuitos 27. Si observamos particularmente los 83 circuitos entre primos, encontramos que aquellos entre primos en 2.o grado (34) constituyen el 41%, mientras que el 43% está dado por los de primos en 3.er grado (36). Los porcentajes descienden para los primos más lejanos y más cercanos: 13% es el porcentaje de los de 4.o grado (11) y 2,50% el de los circuitos entre primos en 1.er grado (hay dos casos de primos paralelos y ninguno de primos cruzados). Ahora bien, la causa de que ni entre primos en 1.er grado ni entre aquellos en 4.o grado se produzca una cantidad significativa de uniones matrimoniales no es la misma para ambos casos. Probablemente el bajo porcentaje de los matrimonios entre primos en 4.o grado se deba a la ausencia de información genealógica que los podría vincular, mientras que el bajo porcentaje del matrimonio entre primos en 1.er grado se debe más bien a la prohibición matrimonial tan clara que recae sobre ellos.

23 Para retomar el debate sobre el repliegue wichí versus la apertura toba, si Palmer encuentra que alrededor del 20% de los matrimonios wichí se da entre consanguíneos (todos, como vimos, muy cercanos), yo registré que el 20% de los matrimonios tobas son entre consanguíneos clasificatorios. Este porcentaje muestra algunas particularidades del matrimonio toba. Primero, la prohibición explícita de casarse con cualquier consanguíneo bilateral no es respetada en la práctica. Ahora bien, varios ancianos mencionaron que la costumbre antigua consistía en no elegir al cónyuge fuera de la propia parentela. Acerca de las prácticas matrimoniales de la época en que los tobas poseían una alta movilidad, un anciano recuerda: « en esos tiempos no se juntan las tropas [tribus], cada tropa tiene su raza [es diferente a las otras y tiene un nombre particular], es prohibido casar una chica de otra tropa, entre tropa y tropa pelean. Cuando se empezaron a juntar con otras tropas [al sedentarizarse después de la conquista del Chaco], dejaron que se case con la de otra tropa ». La exogamia de tribu – o, ahora, de comunidad – no es en la actualidad formulada como norma. Nos enfrentamos entonces a dos contradicciones: 1. entre lo que varios ancianos refieren sobre el matrimonio recomendado antaño entre parientes y el repudio verbal que los adultos/jóvenes tienen ahora por dichos matrimonios, 2. entre los porcentajes no tan bajos de matrimonios consanguíneos y lo que se lee en la bibliografía sobre el incesto que representan las uniones consanguíneas (que coincide con lo que los tobas aseveran hoy en día).

24 Los datos del corpus permiten comprobar que los matrimonios consanguíneos que antiguamente eran recomendados se hallan distribuidos a lo largo de todas las generaciones documentadas. Incluso, a medida que descienden los grupos etarios, se ve ascender el porcentaje de personas casadas con un consanguíneo (Figura 7). Este aumento, como tal, es muy probablemente facticio y debido al incremento de la información genealógica disponible a medida que descienden los grupos etarios. Pero, al ser las franjas más jóvenes las más documentadas, sus porcentajes altos son los más acordes a la realidad.

25 La Figura 7 muestra además que, con el paso del tiempo, los individuos que se han ido casando con consanguíneos lo hicieron con parientes cada vez más lejanos. A medida que descienden los grupos etarios, los circuitos largos lógicamente aumentan en longitud y en cantidad por la razón ya indicada: la información genealógica se hace más

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completa y más profunda. Este aumento no es entonces significativo, y no se incluyó en el cuadro para no sobrecargarlo. En cambio, el hecho de que los circuitos más cortos – cuyos datos estarían disponibles en todas las generaciones – sólo aparezcan en las más ancianas sí es significativo. También lo es el aumento progresivo de las distancias mínimas que se observan entre los cónyuges (dejando de lado la franja 100-120, donde el único individuo con un matrimonio consanguíneo identificable – con una sobrina en 2.o grado – no permite inferir tendencias generales).

FIG. 7 – Cantidad y porcentaje de personas con matrimonio consanguíneo en cada grupo etario, y distancias mínimas entre las parejas consanguíneas (se indicaron las dos longitudes más cortas que se dan en cada grupo). Los grupos etarios son estimativos y referidos al año 2000.

Individuos casados Circuitos más cortos Grupo etario total con matrimonio consang. % Long. n.o parejas

5 1 100-120 124 1 1% ØØ

3 1 60-100 151 23 15% 4 3

5 6 40-60 187 50 27% 6 15

5 4 20-40 213 69 32% 6 16

6 3 0-20 20 8 40% 7 1

Total 708 151

26 En síntesis, teniendo presente la terminología de parentesco, las reglas de prohibición del incesto y las cifras de las personas casadas con consanguíneos a lo largo de las generaciones, ni los wichí serían tan replegados ni los tobas tan abiertos. Ahora bien, a pesar de que las genealogías permitan obtener este porcentaje de uniones consanguíneas, ¿todas ellas son consideradas relaciones entre parientes? ¿Los qom conceptualizan a la totalidad de dichas relaciones como incestuosas? ¿Todos estos matrimonios tienen el mismo estatuto de proscripto? En este sentido, ¿los parientes cercanos y lejanos son considerados de igual manera en el momento de la elección matrimonial? Estas preguntas serán tratadas en el siguiente acápite a partir de casos concretos de matrimonios consanguíneos que se entrelazan con relinkings (redoblamientos).

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Matrimonios redoblados y entrelazamiento con matrimonios consanguíneos

27 Braunstein, Barúa y Palmer fueron quienes brindaron más información sobre los matrimonios redoblados entre los grupos chaqueños. En 1983, Braunstein expresaba que en algunos grupos chaqueños era común el intercambio de hermanas así como el sororato, el levirato y la poliginia sororal. En nuestro caso, si bien aún no contamos con resultados detallados sobre estos matrimonios, al censar mediante PUCK aquellos incluidos en un relinking con una distancia generacional máxima de 2 (es decir que en cada uno de los conjuntos intercasados se incluyen hasta primos en 1.er grado), aparecen 67 relaciones matrimoniales que involucran a 283 personas (143 hombres y 140 mujeres), en 332 circuitos de 131 tipos 28. Casi el 40% de los 420 matrimonios están así implicados en, por lo menos, un relinking (a veces en varios), lo que no impide que los cónyuges puedan ser también consanguíneos. Las cifras de ambas categorías no son entonces cumulativas (de los 85 matrimonios consanguíneos, sólo 14 no son parte de un relinking del grado buscado). Asimismo, cabe aclarar que una pareja puede estar contabilizada más de una vez dentro de los relinkings dado que puede participar de varios tipos de circuitos (por ejemplo, para 305 de la Figura 8, 339 es al mismo tiempo FBDD, FFZDSD, FMBDSD, MFMMBSSDD, MFMMBDDSD, MHZD, FBWDD, FBDHD y FBDHBD y, por ende, han sido contabilizados en cada uno de estos tipos). Los relinkings encontrados mediante PUCK se hallan sintetizados en la Figura 8:

FIG. 8 – Relinkings entre dos bloques (o conjuntos) consanguíneos con distancia generacional máxima de 2 en cada bloque.

Relinkings

Bloque 1 Bloque 2 Circuitos

siblings reales y primos en 96 1.er gr.

tío/a y sobrino/a reales 99 a. siblings reales y primos en 1.er gr.

padre/madre e hijo/a 25

abuelo/a y nieto/a reales 3

tío/a y sobrino/a reales 42

b. tío/a y sobrino/a reales abuelo/a y nieto/a reales 19

padre/madre e hijo/a 17

abuelo/a y nieto/a reales 6 c. abuelo/a y nieto/a reales padre/madre e hijo/a 4

d. padre/madre e hijo/a madre/madre e hijo/a 2

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e. siblings reales y primos en 1.er gr., padre/madre e hijo/a, un mismo cónyuge 19 tío/a y sobrino/a

Total 332

28 Los matrimonios consanguíneos siempre forman parte de un relinking y a veces son consecuencia de un relinking de generaciones anteriores (cf. Hamberger y Daillant 2008). Veamos a continuación tan sólo algunos ejemplos significativos que mostrarán el entrelazamiento entre los matrimonios consanguíneos y redoblados.

FIG. 9 – Matrimonios consanguíneos que anteceden al matrimonio entre 305 y 339.

29 El matrimonio entre 339 y 305 de la Figura 9 tiene, por un lado, en dos generaciones hacia arriba un intercambio de tipo hermano/a con hermano/a (41 y 42; 45 y 46). El matrimonio de los padres de 305 (85 y 86) fue un matrimonio entre tío/sobrina en 3.er grado y el de los padres de la esposa (339) fue un matrimonio entre primos en 2.o grado (241 y 215). Además de esto, los padres de ambos ya estaban relacionados genealógicamente: la madre de 339 (241) es la sobrina directa del padre del esposo y, por ende, la prima en 1.er grado del esposo. El matrimonio entre 339 y 305 es un matrimonio consanguíneo con intersección de circuitos (primos y tío/sobrina) a raíz de los dos matrimonios consanguíneos ocurridos entre las dos familias genealógicamente ya emparentadas (matrimonio oblicuo tío/sobrina clasificatorios – 85 y 86 – y matrimonio entre primos clasificatorios – 215 y 241 –). Por otra parte, 305 es tanto el primo en 1.er grado de la madre de su esposa, como el primo en 2.o grado del padre de su esposa. Es decir, que su esposa es su sobrina por dos circuitos en diversos grados: el de su prima en 1.er grado y el de su primo en 2.o.

30 Ahora bien, el matrimonio entre 339 y 305 no fue considerado incestuoso en la medida en que no es concebido como un matrimonio entre consanguíneos. ¿Por qué? Veamos

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en detalle. El matrimonio entre 215 y 241 fue considerado incestuoso en su época. Es un matrimonio entre primos en 2.o grado por diversos circuitos; primos que residían en la misma comunidad cuando se juntaron. La enfermedad que ella padecía cuando vivía fue atribuida al incesto. La hija de ellos, 339, se casó con 305 quien, como vimos, es su tío materno clasificatorio. Ahora bien, 305 no fue reconocido por su padre (85) y fue criado por su madre (86), quien se volvió a casar (con el sobrino directo de 85) y entregó a sus hijos a una de sus hermanas. Entonces, el matrimonio de 305 con 339 no fue considerado entre tío y sobrina, dado que el circuito que los relaciona de este modo es el que pasa por el padre de él, quien – a pesar de ser conocido como genitor – nunca fue considerado padre, ni lo crió como hijo. Además de tío y sobrina, 305 y 339 son también primos en 4.o grado. Este lazo, aunque pase por la madre de 305, tampoco es reconocido como tal, esta vez por la distancia que los separa de 26 y 55 (sus tatarabuelos respectivos), de los cuales los jóvenes tienen un vago conocimiento y desconocen por completo las cadenas que descienden de ellos.

FIG. 10 – Matrimonios consanguíneos que anteceden al matrimonio entre 353 y 340.

31 El matrimonio entre 340 y 353 de la Figura 10 es un matrimonio entre primos en 2.o grado (MFBSD, FMBDD) y entre tío/sobrina (MMBDDD). Por una parte, los padres de la esposa forman parte de un relinking ya que el padre (551) se casó con 220, su FBWBDD, es decir la nieta clasificatoria (nieta del hermano) de la esposa de su tío paterno (94). Por el lado del joven (340), sus padres 215 y 241 no sólo eran primos en 2.o grado, sino más precisamente hijos de primos cruzados bilaterales dado que en la generación de sus abuelos hubo un intercambio de hermanas. Este intercambio antecede a tres matrimonios oblicuos en las generaciones descendientes. El matrimonio entre 340 y 353 tampoco es considerado consanguíneo debido, esta vez, a la distancia geográfica entre la madre de 353 (quien se fue de joven a Lote 68) y la familia del esposo que vivió en San Carlos. En este caso el recuerdo de quienes se hallan en los arcos de los circuitos que los

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relacionan como primos y como tío/sobrina parecería haberse diluido a raíz de la distancia geográfica y de la ausencia de vínculos estables entre sus descendientes.

FIG. 11 – Matrimonios consanguíneos que anteceden al matrimonio entre 1143 y 604, 1130 y 603.

32 Los matrimonios entre las parejas de la Figura 11 tienen como antecedente un matrimonio tío/sobrina en 2.o grado entre los abuelos maternos de 603 y de 604 (61 y 62). Estos dos matrimonios, además de ser consanguíneos, constituyen un relinking en la medida en que 1143 se casó con el hermano del esposo de su prima en 1.er grado. Los matrimonios entre 1143 y 604, 1130 y 603 fueron y son abiertamente reprobados. De hecho, los hermanos 603 y 604 son nietos de 61, de quien se recuerda que llamaba ỹaqaỹa (hermano/a) a 1133, la abuela de las dos primas-hermanas (esposas de 603 y 604). Resulta significativo que en esta reprobación de los matrimonios influye un hecho clasificatorio más que uno de orden genealógico. Es decir, los qom recuerdan el modo en que se llamaban entre sí los antepasados de los cónyuges y esto basta para condenar el vínculo de sus descendientes. Además de esta razón clasificatoria, la cercanía geográfica incide en la condena social, ya que los ascendentes tanto de las esposas como de los esposos vivían en la misma comunidad.

33 En síntesis, a lo largo de por lo menos cuatro generaciones encontramos matrimonios consanguíneos que se entrelazan con los redoblados. A partir de estos ejemplos cabe destacar que, si bien no nos encontramos ante una sociedad que posee una estructura elemental de parentesco, los matrimonios no se dan necesariamente de modo aleatorio ya que las uniones consanguíneas ocurren en un porcentaje no insignificante. El análisis diacrónico permite vislumbrar ciertas recurrencias a lo largo de las generaciones dando cuenta de que los matrimonios actuales qom no son un producto ahistórico, sino que intercambios matrimoniales pasados generaron los lazos que existen entre los actuales cónyuges. La preferencia por diversas formas de endogamia

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local (entre ellas, los matrimonios consanguíneos) concuerda además con un patrón de matrimonio en el que se unen personas de las mismas familias a lo largo de varias generaciones.

34 Ahora bien, ¿cuáles son las razones por las que algunos matrimonios son considerados como entre parientes consanguíneos y otros equivalentes en cuanto a las posiciones no lo son? Mientras la memoria de algún lazo es trasmitida, aunque no se recuerde la cadena exacta sino sólo la relación clasificatoria que une a dos cognados, éstos son evitados como pareja – al menos en las relaciones oficiales. Pero, en la medida en que muchos de los lazos que unen a una pareja se remontan hasta cuatro generaciones hacia arriba – momento de transición entre un parentesco que aún algunos reconocen y el olvido debido a un corte en la trasmisión de la información – varios de ellos no son considerados consanguíneos. En las historias familiares que vimos, el carácter no homogéneo de la memoria está ligado, en parte, a la distancia geográfica que, de hecho, promueve o posibilita el matrimonio consanguíneo aun si, según los tobas, dicha distancia no sería un factor que influya en el carácter prohibido de una relación consanguínea. Otro elemento que incide en el reconocimiento o no de cadenas genealógicas equivalentes se da cuando un hombre niega la paternidad a alguno de su progenie. Este hecho es suficiente para que el individuo no reconocido no sea considerado miembro de una familia a pesar de conocerse la paternidad « biológica » que, en estos casos, se descarta ya que no crea de por sí un lazo social.

Relaciones clandestinas de proximidad

35 Si bien las relaciones matrimoniales con consanguíneos son reprobadas y suelen ser constantes las referencias a los peligros que producen, hemos visto que estas uniones eran y son frecuentes. Además de representar un gran número de las parejas constituidas, las relaciones entre cognados se producen también en la mayoría de los vínculos clandestinos registrados. Para su análisis, el programa informático permitió determinar la consanguinidad de los amantes y los circuitos por medio de los cuales están relacionados. Esta información se complementó con otra de orden cualitativo como son las historias de vida de algunas mujeres, las narraciones orales brindadas por los implicados en las relaciones clandestinas o por sus parientes cercanos y el seguimiento de las historias familiares desde el año 2002 hasta el presente. Asimismo, tal como sucede en otros ámbitos de la vida social – como la brujería –, baso mi interpretación en las acusaciones de infidelidad en tanto que, junto con las acusaciones de brujería, son las que generan las mayores tensiones en las comunidades 29. Si bien las jóvenes mujeres suelen ser las que comienzan una relación amorosa, cuando hay una acusación de infidelidad, por más de que la idea generalizada es que la mujer « robó » al hombre casado, tanto hombres como mujeres son considerados igualmente propensos a la conquista amorosa 30.

36 Lo que he registrado a lo largo de los años es que las parejas de jóvenes solteros y las relaciones entre amantes casados involucran a individuos consanguíneamente emparentados que poseen menor distancia genealógica que la que existe entre cónyuges consanguíneos. Gran parte de estas relaciones clandestinas son intercambios y redoblamientos de alianzas (inter e intra-generacionales). Las relaciones clandestinas y los casos de hijos no reconocidos dejan entrever un sistema paralelo de relaciones entre hombres y mujeres en el que existen recurrencias que, por más de que no hayan

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sido analizadas cuantitativamente, son concordantes con la información brindada por PUCK para las relaciones oficiales. Encontramos, por un lado, relaciones clandestinas consanguíneas (entre tíos/sobrinas clasificatorios y primos en diversos grados) y, por otro, relaciones consecutivas de una persona con dos siblings vivos, con dos primos en diversos grados y con un tío y su sobrino. Además, encontramos intercambios y redoblamientos.

37 Los casos presentados aquí no agotan la totalidad de los casos registrados (del mismo modo que los matrimonios entre parientes consanguíneos expuestos tampoco constituyen la totalidad). Sin embargo, fueron elegidos porque condensan una gran variedad de relaciones amorosas entre parientes consanguíneos. A continuación describo tres casos particulares para identificar los grados de consanguinidad e ilustrar que, a pesar de la no aceptación generalizada de estas relaciones, ellas son mantenidas sin alterar mucho la vida social de las parentelas (los nombres fueron modificados).

38 1. Olga es sobrina en 3.er grado de quien fue su amante, Pedro, por línea materna (éste llama ỹaqaỹa – « hermano/a » – a la madre de Olga, su prima en 2.o grado) a través de dos circuitos de relacionamiento. Cuando terminaron su relación clandestina, Pedro buscó otra amante en el pueblo más cercano. Según su esposa toba, cuando ella llegó a la casa de Pedro en el pueblo, le dijo a la mujer criolla que lavaba la ropa de su esposo que ella era la hermana de Pedro. La mujer criolla le trasmitió que ella era la esposa de Pedro. La esposa toba de Pedro se quejó ante él y, para manifestar su desaprobación, comenzó a ser amante de maestros criollos de la escuela. Al darse cuenta de que su esposo tenía otra esposa, ella expresó que comprendió el motivo por el cual éste no se encargaba de la subsistencia. Pedro habló con sus suegros y les pidió que interviniesen para que su esposa abandonara su actitud promiscua. Años más tarde, él continúa con la esposa criolla del pueblo y su esposa toba comenzó a ser amante del sobrino en 1.er grado de su esposo.

39 2. Ana convivía con su esposo Luis y con un joven, José. Según relatan en la zona, cuando el esposo viajaba a la provincia de Chaco, ella tenía como esposo al joven José. De hecho, todos aseveran que los dos últimos hijos de ella son de José por parecerse más a él que a Luis. Según relatan sus parientes, Luis no puede tener hijos y es por ello que los hijos que él cría son en realidad todos de otros padres. Uno de éstos es un primo en 1.er grado de Luis y otro es un tío en 1.er grado de este primo de Luis. Luego de unos años, la pareja decidió abandonar la comunidad y José también se mudó a otra.

40 3. Rubén y Graciela son pareja desde hace varios años. Ambos expresan sus dudas respecto de la fidelidad del otro. En una ocasión, Rubén decidió dejar a su esposa pero el padre de ella lo convenció de regresar. Graciela me expresó reiteradas veces que no le afectaría que él la dejara ya que él no la dejaba salir a trabajar con sus patrones criollos porque temía que ella se encontrara con otros jóvenes por el camino. Ella dejó de ir a trabajar y, al mismo tiempo, le prohibió a su esposo hablar con otras mujeres. Sin embargo, en una oportunidad lo encontró con su amante, Mariela, ante lo cual él le expresó que ella era su prima (relación que no es tal genealógicamente). Graciela comenzó las tratativas para dejar a su esposo por Miguel, un sobrino de ella en 2.o grado que es también su primo en 3.er grado. Los padres de éste habían aceptado la relación ya que conocían a la joven no sólo por el vínculo consanguíneo, sino porque ella es la hermana del esposo de una de sus hijas. Sin embargo, este joven nunca se casó con ella ya que prefirió hacerlo con la prima en 1.er grado de ella. En ese momento, Graciela comenzó otra relación de amante con un primo propio en 3.er grado. Al

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terminar esta relación, ella comenzó a tener un nuevo amante, Fabio, que era el hermano paterno de su esposo ya que se enteró de que su esposo era, a su vez, amante de la esposa de Fabio. Tanto Rubén como Graciela abandonaron las tareas de subsistencia del hogar. Actualmente, siguen juntos como esposos a pesar de que la relación de Graciela con el hermano del esposo generó la furia de su esposo quien la atacó con un cuchillo. Luego de que el suegro lo perdonara, Graciela aceptó continuar con él.

41 Estas relaciones entre amantes consecutivos muestran la preferencia por la cercanía parental para la creación de un vínculo amoroso. Específicamente, dentro de las relaciones clandestinas consanguíneas registramos relaciones entre un tío/a en 2.o y 3.er grado y su sobrina/o (caso 1, 3) y entre primos clasificatorios (3.er grado: dos relaciones en el caso 3). Asimismo, encontramos casos de relinkings en los que una persona tiene por amante a dos primos/as en 1.er grado (caso 2, 3), a dos siblings (dos relaciones en caso 3) y a tío y sobrino reales (caso 1, 2). Aparecen también casos de poliginia (caso 1) y de poliandria (caso 2) que involucran no sólo a personas de comunidades diversas, sino también a personas de la misma comunidad y hasta coresidentes. También ocupan un lugar importante los casos en los que existe un lazo entre el/la amante y el cónyuge (siblings, primos reales, tío/sobrino, cuñados, caso 1, 2, 3). Finalmente, se registraron casos en los que se aspira a lograr un intercambio: hermano y hermana con hermana y hermano (caso 3, intercambio no ocurrido).

42 Si en los apartados precedentes mostré que la proximidad genealógica entre cónyuges contradice las normas explícitas actuales de prohibición del incesto, en éste intento dar cuenta de que las relaciones no conyugales ocurren entre parientes aún más próximos. Estas relaciones entre amantes expresan la continuidad de ciertas preferencias que, en el pasado, tal como se lee en Métraux y Karsten, no eran reprobadas pero que, en la actualidad, sí lo son. A pesar de esto, es notable que una misma distancia genealógica corta es más aceptada para amantes consanguíneos que para esposos. La tendencia a la endogamia actual de comunidad se expresa no sólo en las relaciones matrimoniales, sino también en aquellas no reconocidas oficialmente que, a lo largo del tiempo, tienen continuidad y se repiten de la misma manera. Cabe aclarar que los hombres qom suelen reconocer el beneficio de tener una amante en una comunidad relativamente distante ya que, gracias a los viajes para asistir a encuentros políticos o religiosos, ellos pueden visitarla y mantener una relación amorosa con una persona que no sea pariente. A pesar del beneficio de la distancia y del deseo generalizado explicitado de que la amante no sea pariente, los datos muestran que, al igual que las esposas, las amantes están geográfica y parentalmente cerca, y aún más.

43 El siguiente fragmento de la narración del chamán Juan brinda un panorama del modo en que las relaciones amorosas oficiales (expresadas por « juntarse ») se articulan con las clandestinas (« estar » o « andar con »), generando un escenario en el que parientes consanguíneos se disputan tácitamente a sus compañeros sexuales y cónyuges: En el Lote [Namqom] me encontré con una que fue mi novia. Hablamos y nos juntamos. Era buenita, no era celosa, pero una noche la encontré con otro. Mis suegros me engañaban, me decían que ella se quedaba en la casa. Nunca estaba la olla en el fuego. Al tiempo me fui a Bartolo [Bartolomé de las Casas] a curar a un señor […] Él me pidió que me junté con su hija y me quedé pero después […] me vine a San Carlos con ella que estaba embarazada. Era celosa. Cuando vuelvo del culto ya hay problemas, dice cualquier cosa [expresa sus celos]. En el culto se juntan las chicas y con un gesto te dicen de salir o con los ojos te sonríen, te aprietan la mano y ya te das cuenta de lo que quieren. Te dan una seña [...]. Con todas las chicas de

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San Carlos estuve. Primero con Susana. Llegaba a su casa, me quería juntar con ella. Pero una noche la encontré abrazada con mi hermano Luis. La dejé. Después me junté con Lucía y mi hermano con Susana [...] Lucía me quería hacer enojar, se acercaba a Luís adelante mío. Además me acusaron de que la mamá de Lucía se enferma siempre y dicen que es por mí. Dicen que a ella se le aparezco [en sueños] y se desmaya. [...] Mirta me habló para juntarse. Pero anoche me dijeron que anda con Luís y que Luís anda también con Ana, la esposa de Orlando, el que anda con Miriam.

44 Mediante PUCK se comprobó que Juan es primo en 2.o grado de Lucía a través de 2 circuitos (MMZDD, MFZSD), es primo en 2.o grado de Susana a través de dos circuitos (MMBDD, FMZDD) y que estas dos mujeres son primas en 2.o grado entre sí a través de un circuito (MFBDD). En el relato de Juan se puede advertir también la frecuente atracción de dos siblings por una misma persona. Si bien una relación con el cónyuge del sibling es considerada incestuosa , existen numerosos casos de siblings reales y clasificatorios que mantienen una relación amorosa con una misma persona sin ser considerados incestuoso ya que ninguno de los dos está casado con ella. La narración del chamán muestra asimismo la importancia de los celos en la unión conyugal y trasluce el rol de las obligaciones recíprocas entre hombres y mujeres dentro del matrimonio. Los celos de un cónyuge que duda de la fidelidad de su pareja hacen que él abandone sus responsabilidades económicas (caso 1, 3 y relato de Juan), lo que suele ser percibido por el/la amante como la más clara expresión de que el cónyuge está « entregando » a la persona deseada. El matrimonio es el espacio en el que ambos cónyuges tienen el derecho de reclamarle al otro las obligaciones que, de no ser cumplidas, estarían trasluciendo un deseo de quiebre de la unión conyugal. De hecho, hombres y mujeres rigen sus acciones en función no sólo de una filosofía social que enfatiza la autonomía individual, sino también la responsabilidad individual para con los afines y consanguíneos.

45 Terminar un matrimonio de muchos años es visto como un problema por dos motivos principales: el cónyuge dejado o su familia cercana puede emprender ataques brujeriles contra el que abandona, y un matrimonio es parte de una red matrimonial entre dos familias. Las acusaciones de infidelidad se vinculan entonces con aquellas de brujería cuando un matrimonio se disuelve por voluntad de uno de los cónyuges. Si dicho matrimonio es parte de una alianza entre dos conjuntos intercasados de consanguíneos, el conflicto en una de las parejas puede representar un fracaso de la alianza tejida a lo largo de varias generaciones. Por ello, cuando una persona abandona a su cónyuge, el consejo que trata de acatar es: « da analate’ aca arhua, nache maxat’chaxa come » (« cuando te separes de tu esposa, entonces ten cuidado después »).

46 En los casos de separación por infidelidad, si el amante no desea formalizar el vínculo, termina la relación, en cambio, si su intención es formalizarlo, él acepta la « entrega » (caso poco probable si los amantes son muy cercanos). La siguiente frase sintetiza esta idea: « Si Juan está vendiendo a Elena, yo la voy a comprar ». Esta « compra-venta » representa una transacción entre dos individuos o, mejor dicho, dos parentelas: entre el cónyuge traicionado y el amante. Es decir, prácticamente nunca las personas reconocen que alguien que abandona a su esposo/a lo haga movido por una decisión personal. La agencia está remitida a los dos términos entre los que se produce la sesión: el amante y el cónyuge abandonado. La metáfora de la compra-venta va de la mano de otra que expresa también las relaciones entre amantes, especialmente cuando es un hombre el que deja a su esposa por su amante: el robo. La expresión « adamaye ỹeguenaxan so lhua »

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(« ella robó al esposo ») remite a la fuga de dos amantes. Es decir, la compra-venta y el robo – términos que conllevan la idea del otro como una mercancía – son algunas de las maneras mediante las cuales los qom obtienen a sus parejas.

Reflexiones finales

47 La etnografía chaqueña resaltó siempre la inexistencia de reglas positivas de alianza matrimonial y la predominancia de proscripciones. Braunstein sostenía que « los modelos de organización social de los indios del Chaco […] caerían en el grupo marginado en el trabajo de ese autor [Lévi-Strauss] que se caracteriza por poseer ‘estructuras complejas’ » (1983a, p. 98). Se entiende por complejo un sistema de alianzas matrimoniales en el que la elección del cónyuge depende de criterios que superan la órbita del parentesco. Por el contrario, en un sistema elemental la elección del cónyuge se orienta preferentemente, generación tras generación, hacia una categoría particular de parientes. En los sistemas complejos, la prohibición matrimonial suele recaer en un número reducido de parientes consanguíneos y afines, y « cada matrimonio representa una fórmula enteramente original, diferente de aquella de las uniones contraídas en las generaciones anteriores por los ascendentes directos y sus colaterales […] » (Héritier 1981, p. 80). Fuera del espacio donde opera la prohibición del incesto, en las estructuras complejas la elección del cónyuge sería aleatoria y obedecería a las « leyes probabilísticas, hecho que implica que no se adapta a ninguna ley manifiesta de recurrencia o regularidad » (ibid.).

48 ¿Corresponde entonces el sistema de parentesco toba de hoy en día a un sistema complejo si tenemos en cuenta que cada matrimonio no es « enteramente original » a pesar de la gran dispersión de tipos y que cada matrimonio no es independiente de aquellos ocurridos en generaciones precedentes? O ¿aun cuando la regla positiva no existe como tal ni explícitamente ni de manera institucional, es posible pensar que, tal como señala Héritier, el matrimonio consanguíneo toba expresa « una aprehensión individual de las zonas de familiaridad que se consideran favorables para la elección del cónyuge » (1981, p. 125)? ¿Existen relaciones amorosas consanguíneas que, por diversos motivos, sean las más buscadas o, al menos, estén más en el radio del pensamiento que otras?

49 En 2006, sin disponer de las herramientas informáticas para un análisis exhaustivo del corpus toba ni de la totalidad de éste, sugerí que el matrimonio qom se orientaba – al igual que el wichí – hacia los márgenes de las parentelas cognáticas (Tola 2006). La cuestión a indagar era cuáles eran dichos márgenes. PUCK permitió constatar que, más allá de las pocas uniones que se han producido entre consanguíneos cercanos (todos ya mayores de edad, cf. Figura 7), los matrimonios entre consanguíneos involucran a personas vinculadas en 2.o, 3.o y hasta 4.o grado, unidas entre sí a través de lazos múltiples. A lo largo de ocho generaciones registramos un promedio de 20% de matrimonios consanguíneos entre cognados cada vez más distantes. En la nomenclatura, los hijos de siblings reales y clasificatorios se denominan recíprocamente ỹaqaỹa y entre ellos el matrimonio está prohibido. Sin embargo, en la cotidianeidad, los ỹaqaỹa más distantes genealógica, social y geográficamente dejan de ser catalogados como parientes. Tanto la amnesia genealógica como la distancia geográfica hacen que no se los identifique explícitamente como tales y permiten que entre ellos se produzcan matrimonios. Si bien el constante uso de términos de parentesco permite que las

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nuevas generaciones se forjen un mapa de los vínculos que las unen con las generaciones anteriores – mapa que funciona, a la vez, como grilla de relacionamiento –, luego de dos o tres generaciones la información se diluye, dejando fuera del radio a los descendientes de primos en 2.o o 3.er grado.

50 A pesar de que el matrimonio entre consanguíneos distantes no corresponda a reglas positivas, esta modalidad – junto con los redoblamientos – permite en las comunidades pequeñas la perpetuación y la regeneración de las familias, el refuerzo de alianzas ya existentes entre parentelas emparentadas por alguna cadena que aparentemente se desconoce, y el evitamiento de que los parientes « se desparramen », es decir, se alejen de sus comunidades y dejen de vivir rodeados de parientes.

51 Asimismo, en este trabajo intenté demostrar que el sistema de parentesco qom no puede ser analizado cabalmente si no se considera la forma en que se articulan el régimen de alianza matrimonial y el sistema paralelo de relaciones extraconyugales. Ya en 1983 Braunstein señalaba la existencia de una institución social wichí que debía ser estudiada y no confundida con el matrimonio (1983b). En nuestro caso, el análisis de las relaciones extramatrimoniales mostró que la elección de amantes y cónyuges se rige por principios semejantes, manifestando sin embargo algunas diferencias. Si bien muchos amantes y cónyuges son elegidos entre los parientes consanguíneos y redoblados (hecho que concuerda en parte con las observaciones de Métraux de los años en los que la sedentarización estaba aún en proceso), es en las relaciones entre amantes en donde registramos una distancia genealógica menor. Las relaciones premaritales y extramatrimoniales se dan entre parientes que antiguamente no eran vedados y que ahora lo son menos para amantes que para esposos. Los datos cuantitativos y aquellos de orden cualitativo presentados permiten repensar la supuesta preferencia qom por la apertura. Por el contrario, estaríamos presenciando una tendencia sociológica y genealógica al repliegue.

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NOTAS

1. El Gran Chaco constituye una llanura con porciones boscosas que comprende parte de Argentina, Bolivia, Paraguay y Brasil y que posee un área de más de un millón de km2. Esta región contiene un mosaico de ecosistemas, aunque predominan el bosque subtropical seco (en el oeste) y sub-húmedo (en el este) (Messineo et al. 2010). Los tobas pertenecen – junto con los pilagás y mocovíes – a la familia lingüística guaycurú y se autodenominan qom. Desde la época pre- colombina, todos ellos practicaban una economía nómade basada en la caza, la pesca y la recolección. Después de la conquista del Chaco argentino (comenzada en 1884), los tobas se asentaron en comunidades sedentarias y agrícolas rurales y, en las últimas décadas, se han movido a las afueras de las ciudades, constituyendo barrios y comunidades peri-urbanas. 2. Lo que analizo aquí son resultados de una investigación sobre el sistema de parentesco toba (PICT de la Agencia Nacional de Promoción Científica y Tecnológica 2007-2009 n.o 32894, PIP del Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas 2010-2012, n.o 0059). Parte de lo abordado en este trabajo fue presentado en una conferencia en París (4 de junio 2010) en el Séminaire d’anthropologie américaniste, llevada a cabo en el Museo del quai Branly en el marco de una Beca externa para Jóvenes Investigadores (2010) del CONICET. 3. Program for the Use and Computation of Kinship data, creado en febrero 2007 por K. Hamberger, escrito en Java 1.6, Interface En, Fr, De, It, Es, publicado bajo la licencia CeCILL y disponible en www.kintip.net. 4. Entiendo por « matrimonios consanguíneos » aquellas relaciones matrimoniales que tienen lugar entre individuos con un ascendiente común conocido; y por « relaciones de proximidad » las relaciones conyugales y extraconyugales entre afines o consanguíneos cercanos genealógica y socialmente. 5. Si en las primeras etnografías de la región, los antropólogos se referían a un Chaco poblado por grupos chulupíes, moros, matacos, chamacocos y tobas, en la actualidad predomina referirse a ellos con los términos que estos grupos se dan a sí mismos: nivaklé, ayoreo, wichí, ishir y qom respectivamente. Sobre el tema de las denominaciones étnicas, cf. Combès (2006) y Richard (2011). A lo largo de este texto he optado por escribir en itálica y sin las marcas del plural del español aquellos gentilicios que no se han castellanizado (qom, wichí); mientras que se escribe sin

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itálica y con las marcas del plural del español los gentilicios que sí se castellanizaron (tobas, mocovíes). 6. Los chorotes tenían, según él, un verdadero « derecho materno » y una « ginecocracia », y otros grupos hasta un « relativo matriarcado » (Karsten 1932). La filiación materna de los chorotes es retomada unos años después por Siffredi (1973) quien expresa que los parientes maternos eran vedados para el matrimonio, mientras que no así los paternos. Braunstein (1983a) no acuerda con la postura de Karsten y sostiene que el finlandés confundía varios niveles, entre ellos, la localidad (los grupos chaqueños son en su mayoría matrilocales), el status jurídico- político de los sexos y las normas de filiación. 7. « […] since the families belonging to the same village community are generally closely related to each other, marriages do not as a rule take place between persons of the same village » (Karsten 1932, p. 62). 8. « Toba communities tend to be exogamous, although no rule demands it » (1966, p. 194). Refiriéndose después a las bandas, expresa: « tendían a ser endógamas hasta décadas recientes […] y un muestreo al azar sobre más de cincuenta parejas casadas de más de cuarenta años de edad mostró que el 80% eran endógamas dentro de la misma banda » (1979, p. 27). 9. Los tobas se distinguen entre los del este (donde trabajo) y los del oeste (donde trabajó Métraux), estos últimos también conocidos como toba-pilagás por su proximidad lingüística, cultural y geográfica con los pilagás. 10. « La exogamia de banda está firmemente pautada en las tribus de habla Guaycurú » (Braunstein 1983a, p. 82). 11. En un texto posterior conjunto, Braunstein y Miller coinciden en esta antigua endogamia de tribu entre los tobas (1999, p. 10). 12. Lamochiguiñot y lamo poseen un significado que no surge del ámbito del parentesco. Lamo designa el « tronco de un árbol cortado que tiene las raíces bajo tierra ». Este término se usa en el parentesco para referirse a « los orígenes, la base, los antepasados, los abuelos ». Chigui-: raíz que parece indicar « proceder de », « venir de », -ñ-: sufijo direccional « hacia abajo », -ot: sufijo locativo « debajo de ». Los dos sufijos estarían siendo usados en sentido figurado para indicar la filiación. El término entero podría glosarse como « que viene hacia abajo/que desciende del tronco » (agradezco a Paola Cúneo por su ayuda con la glosa). Lapachaxaua y lpinecpi se vinculan porque ambos hacen uso del cuerpo para referirse a un consanguíneo. En el caso de lapachaxaua, lapat (aquí lapach-) carne, -ỹaxaua: sufijo que marca una relación. Lpinecpi, lpinec-: hueso, -pi: pluralizador. Un consanguíneo es, en función de estos dos términos, una relación a mi propia carne/hueso, un con-corporizado con el que existe un vínculo metonímico de cuerpo a cuerpo. 13. Ŷaronaxaqui es un lexema compuesto usado para referirse a « mi familia política » o « mis afines ». La raíz del verbo uaron (u-: 3P.S., -aron: raíz) es la que da lugar a varios términos de parentesco afinal. Ŷaronaxaqui está compuesto por el marcador de la 1P.S. ỹ-, por la raíz del verbo casarse -aron-, por el sufijo nominalizador -axa- y por el sufijo -qui que indica, entre otras posibilidades, « recipiente » (Messineo 2003, p. 105) o « lugar cerrado » (Buckwalter 2001, p. 370). Una traducción posible sería « mi familia circunscripta, obtenida por casamiento ». 14. P: parent (progenitor), F: father (padre), M: mother (madre), Sb: sibling (hermano/a), B: brother (hermano), Z: sister (hermana), Ch: child (progenie), S: son (hijo), D: daughter (hija), H: husband (esposo), W: wife (esposa), Sp: spouse (esposo/a), e: elder (mayor), y: younger (menor). 15. Sobre el tema, cf. Azara (1817 [1809], pp. 148-149), Ducci (1904, p. 5), Nordenskiöld (1912, p. 79), Karsten (1932, p. 53), Arnott (1935, p. 294 y p. 298) y Balmori (1957, p. 28). 16. Idoyaga Molina (1976) también estudió esta institución y refiere que entre los wichí el kyutislí designa el « enamoramiento » (quizás sea más preciso hablar de pulsión sexual). Estando en kyutislí, los jóvenes salían por los caminos en busca de pareja, se hacían pinturas faciales, usaban collares, adornos y ropas especiales, bailaban y tocaban música, cf. Karsten (1932, p. 53), Arnott (1935, p. 293), Métraux (1946, p. 324), Idoyaga Molina (1976, p. 52), De los Ríos (1978-1979, p. 37) y Braunstein (1983b, p. 171).

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17. Entre los qom, ya en 1935 el misionero Arnott expresaba que uno de los motivos de las peleas entre los « clanes » era « que un hombre debidamente casado, esto es, un hombre cuya mujer ha tenido de él un hijo que está ya creciendo, la abandone por otra » (1935, p. 298). 18. Entre los wichí encontramos una idea semejante respecto de las consecuencias del incesto: tal como expresa Barúa, si dos parientes consanguíneos mantienen relaciones sexuales « toda la comunidad familiar […] será completamente destruida » (2001, p. 43). 19. También Miller sostenía que « es difícil hacer una declaración consistente respecto de los patrones matrimoniales preferenciales » de los tobas (1966, p. 195). 20. Todas las traducciones de citas textuales fueron realizadas por mí (F. T.). 21. Específicamente, en su muestra de 50 matrimonios, Palmer registra once uniones consanguíneas: con tía (1), prima (4), sobrina (5) y nieta (1), todas en 1.er grado. 22. Un consejo-frase que los padres dicen a sus hijos para prevenir desgracias es « damaye arhuol’ec, arqaỹa, qarhuopi. Saishet da ỹaqa’a », cuya traducción sería « él [es] tu pariente, tu hermano, nuestros parientes. No [es/son] diferentes [afines potenciales] ». 23. Braunstein (1983a, p. 18) refiere a la existencia de la poliginia sororal tan sólo en aquellos grupos chaqueños (no precisa cuáles) en los que, en el pasado, la poliginia no era una práctica reprobada. 24. Santo Domingo o Poxoỹaxaic Alhua es un antiguo asentamiento ubicado sobre la ribera norte del río Bermejo, a 15 km de Subteniente Perín, provincia de Formosa. Riacho de Oro o Dañal’ec Lacheugue se sitúa a 8 km de Subteniente Perín y se encuentra sobre los dos márgenes de la ruta nacional n.º 95. San Carlos o Mala’ Lapel está ubicado a 45 km de Comandante Fontana hacia el sur. Namqom representa uno de los asentamientos más poblados de Formosa, constituido hacia 1960 a 11 km de la capital de la provincia. Allí habitan familias provenientes de comunidades rurales tanto de la provincia de Formosa como de la de Chaco, aglutinadas en manzanas cuadriculadas, parcelas reducidas y lotes contiguos. 25. En realidad está apareciendo incluso una novena generación, ya que una mujer con ascendentes registrados en G+7 ya tiene dos hijos. 26. La búsqueda hecha no diferencia entre medios hermanos y hermanos. 27. No se dan, sin embargo, matrimonios que pertenecerían a tres tipos de circuitos (por ej. « hermanas » que también serían « tías » y « sobrinas »). 28. Si nos quedamos aquí con una distancia generacional máxima de 2 es porque con búsquedas más amplias las cifras explotan de manera no manejable y poco útil. Por ej., con una distancia máxima de 3 (que abarca hasta casos donde dos primos en 2.o grado se casan con dos primos en 2.o grado) se dan 2213 circuitos de 1144 tipos, involucrando a 197 matrimonios y 321 cónyuges: los circuitos aumentan de un 567% para un incremento de matrimonios involucrados de tan sólo 18%. 29. Entre los yanomami, las relaciones extramatrimoniales y la brujería son concebidas como la causa de los posibles sufrimientos de los parientes, y no causar tristeza en ellos es una de las máximas aspiraciones yanomami del buen vivir (Alès 2000). Las relaciones extramatrimoniales de las mujeres y la brujería son también entre los shuar y achuar las principales causas de conflictos entre comunidades locales (Mader y Gippelhauser 2000). 30. Entre los qom varios etnógrafos refirieron la actitud de los jóvenes respecto de la sexualidad antes del matrimonio. Según Karsten (1932, p. 53) y Métraux (1946, p. 324), los indígenas del Chaco se caracterizaban por una gran libertad sexual. Karsten señala que, en los últimos tiempos, esta libertad sexual se fue degenerando en prostitución que la moral del grupo no desaprueba (ibid., p. 57). Métraux (ibid.) y Cordeu y De los Ríos (1982, p. 159) dicen que entre las tribus del Bermejo y Pilcomayo las mujeres tomaban la iniciativa en las aventuras amorosas.

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RESÚMENES

A partir del material registrado entre los tobas (qom) del Gran Chaco, este trabajo expone aspectos centrales de su sistema de parentesco que expresan la existencia de un repliegue matrimonial endogámico. Hasta el momento, los tobas habían sido caracterizados por la etnografía de la región como un grupo chaqueño con una marcada propensión a la apertura, que se manifestaba matrimonialmente en la exogamia generalizada. Luego de describir el estado actual de los estudios regionales sobre parentesco, nuestro análisis de una extensa red matrimonial y de las relaciones clandestinas entre amantes echa luz sobre la manera en que, a lo largo de ocho generaciones, se produce la « elección » tanto del cónyuge como de los amantes.

À partir de matériaux recueillis chez les Toba (Qom) du Gran Chaco, l’article expose les traits centraux de leur système de parenté et y révèle un phénomène de repli matrimonial endogame. Cela contraste avec les descriptions que l’ethnographie régionale faisait jusqu’à présent des Toba comme d’un groupe chaqueño caractérisé par une ouverture vers l’extérieur qui se réalisait, sur le plan matrimonial, par une exogamie généralisée. Après une présentation de l’état actuel des études de parenté dans le Chaco, l’analyse du réseau matrimonial et des relations clandestines entre amants met en lumière la façon dont les Toba « choisissent », tout au long de huit générations, tant leurs conjoints que leurs amants.

Based on material collected among the Toba (Qom) of the Gran Chaco, this article reveals central aspects of the Toba (Qom) kinship system that point to the existence of endogamous marriage patterns. Until now, ethnographic works on this region have characterized the Toba people as a group with a propensity to openness, supposedly expressed in the field of kinship by a generalized exogamy in marriage patterns. After describing the state of the field of regional studies about kinship, this article analyzes an extensive marriage network and the clandestine relationships within it to shed light on the ways in which the choice of spouses and lovers takes place over eight generations.

ÍNDICE

Palabras claves: Gran Chaco, tobas (qom), parentesco, matrimonios consanguíneos, relaciones clandestinas Keywords: Gran Chaco, Toba (Qom), kinship, consanguine marriages, clandestine relationships Mots-clés: Gran Chaco, Toba (Qom), parenté, mariages consanguins, relations clandestines

AUTOR

FLORENCIA TOLA

Investigadora del Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas (CONICET) de Argentina, docente de la Universidad de Buenos Aires, Olazábal 1584 3°C, 1428 CABA, Buenos Aires, Argentina [[email protected]]

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Ritual, teatro y performance en un culto al niño dios y al diablo. Las pastorelas de la región purépecha, Michoacán (México) Rituel, représentation théâtrale et performance dans le culte à l’Enfant-Jésus et au Diable Ritual, theater and performance in the worship of the Christ Child and the Devil. Christmas pageants in the P'urhépecha region of Michoacán, Mexico

Elizabeth Araiza

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2013, accepté pour publication en décembre 2013.

1 En México la pastorela se asocia con una representación viviente y dialogada que evoca el nacimiento de Jesucristo, el peregrinar de María y José, las vicisitudes de los pastores en su afán de celebrar dicho acontecimiento y las tentativas del diablo por impedirlo; en ocasiones también la adoración de los Reyes Magos. Este pasaje evangélico, inculcado por los misioneros españoles desde el siglo XVI, ha sido adaptado constantemente en función de la historia socio-cultural del lugar donde se realiza. Actualmente existen incontables variantes. Para dar cuenta de éstas los investigadores (Romero Salinas 1984; Aracil, Ortiz y García 2004; Hijar Ornelas 2008) han establecido una distinción entre la pastorela rural e indígena o tradicional y la pastorela urbana o teatral. Esta última a su vez tiene una vertiente culta, basada en un texto de autor, escrito con un lenguaje refinado y con estructura compleja; es presentada en teatros de sala e interpretada por actores profesionales. Otra vertiente, caracterizada por un lenguaje propio de las clases populares urbanas, con estructura más sencilla, se presenta en las calles o patios de vecindades. Ambas vertientes adaptan aquel pasaje

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evangélico para mostrar acontecimientos locales, sean históricos o actuales, así como ciertos comportamientos típicos de los diferentes sectores de la sociedad. Así, por ejemplo, los pastores pueden cobrar la figura de mineros, estudiantes, sindicalistas, entre otros; el diablo, la de patrones, empresarios, gobernantes, comerciantes, narcos o policías. Los otros personajes – ermitaño, Ángel, María y José, Reyes Magos – adquieren igualmente rostros históricos o actuales para contribuir en la lucha del bien contra el mal.

2 Las pastorelas tradicionales, según los estudios mencionados, se apegan más al pasaje evangélico, son realizadas en contextos rurales, campesinos e indígenas, en espacios al aire libre – el atrio de la iglesia o la plaza del pueblo; carecen de un texto escrito o bien éste se transmite por tradición oral, son dialogadas con un lenguaje corriente propio de los campesinos. Algunas variantes están desprovistas de diálogos y son más bien danzas. La variante de las pastorelas tradicionales que sin duda es más practicada, conocida y estudiada es aquella en la que figuran como personajes estelares unos pastores llamados Bato, Bartolo, Bras y Gila. Son personajes cómicos, con rasgos y comportamientos que caracterizan a los bobos, golosos, flojos, ingenuos e ignorantes. El diablo es presentado como un ser gracioso, ridiculizado y burlado constantemente por los pastores con ayuda del ermitaño y el ángel. La Virgen María y José aparecen en escena. Estas pastorelas pueden presentarse antes o después del periodo navideño, mientras que las teatrales-urbanas se restringen a las celebraciones navideñas (del 16 de diciembre al 6 de enero) y suelen durar en total una o dos horas.

3 No hay un poblado de Michoacán donde no se realice alguna de estas variantes. Sin embargo, las de la región purépecha presentan rasgos peculiares que dificultan clasificarlas sencillamente como teatrales o tradicionales. Cabe evocar tan sólo el caso de la pastorela de Comachuén, localidad perteneciente al municipio de Nahuatzen y situada en lo más alto de la Sierra (Figura 1), conservando un alto porcentaje de hablantes de lengua vernácula y que se autodefinen como tarascos o purépechas.

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FIG. 1 – Ubicación de la zona de estudio.

Una pastorela en Comachuén

4 En Comachuén la pastorela se lleva a cabo el 24 de diciembre de cada año y comienza alrededor de las siete u ocho de la noche. Un escenario, al modo del teatro italiano, con dimensiones considerables, en forma de palacio o templo, se instala en la plaza del pueblo para este efecto (Figura 2). Primero se escuchan unas notas profundamente melancólicas entonadas por la banda de música. Después aparece en escena un personaje con aspecto siniestro: tiene el rostro cubierto con un velo negro, viste con larga túnica y capa, en la cabeza lleva un tocado de papel con una pluma de pavo real. Así parece tener un cuerpo más grande que el común de la gente. Con voz ronca y fuerte, empleando una extraña entonación, recita una larga letanía: « ¿Qué significa ese canto? ¿Qué me viene a contar? ¡Que mi sentencia devora y hace más cruel mi dolor, si por mi culpa perdí toda la grandeza de Dios! Dejadme pensar aquí en mi venganza feroz […] ¡Pecado ven a mi auxilio, mira que te necesito! ¡Astucia, escucha mi grito, venid en rápido vuelo! ».

5 Enseguida aparecen uno a uno otros seis personajes con atuendo semejante (Figura 3). Alternándose profieren largos parlamentos que se acompañan con una tonada musical diferente cada vez. Discuten sobre las grandes interrogantes de la humanidad: « ¿En qué debemos creer? ¿Quién nos dice la verdad? ¿Cómo y hacia dónde debemos guiarnos, hacia lo bueno o lo no-bueno? » Después entran tres ángeles para hacer frente a aquellos seres aterradores. Los siete personajes de aspecto siniestro caen al suelo en signo de derrota.

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FIG. 2 – Escenario en forma de palacio o templo. Comachuén, 24 de diciembre de 2011. Arriba derecha y abajo Comachuén, 23 de diciembre de 2012 (fotos Araiza).

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6 Pasadas dos o tres horas, aparecen en escena un ranchero y una ranchera, quienes, al escuchar la tonada que les es propia, ejecutan una danza; luego cantan una canción de cuna, se detienen y dialogan entre sí sobre cuestiones de la vida diaria, la riqueza, una vida de lujos y los problemas en la comunidad, en el país e incluso en el mundo; vuelven a danzar y salen de escena. Luego se presenta la danza de pastores y la de viejitos. Ya casi en la madrugada se anuncia la presentación de una « obra de teatro », un pasaje de la Biblia, está vez « Adán y Eva », adaptado para la escena. Las parejas de rancheros siguen luego desfilando una a una, bailan, cantan, dialogan entre sí, tomando por testigo al público.

7 Al mediodía del 25 de diciembre se realiza una procesión, llevando la imagen del Niño Dios y la de la Virgen María de la casa del carguero hacia la iglesia. Ahí se hace una misa y enseguida más danzas. Pastores y rancheros vuelven a bailar y a cantar en diferentes puntos del poblado. El día 26 por la tarde, unos personajes aparecen por todo el pueblo – en las calles, en la plaza, en los patios de las casas. Tienen el mismo aspecto siniestro de los que vimos primero, pero sus vestuarios y sus máscaras son diferentes. No son ya tres o siete, sino incontables; no profieren largos parlamentos, sino que emiten sonidos extraños como bramidos, brincan y bailan de manera frenética. Estos diablos continúan actuando hasta la noche del 27 de diciembre.

El problema

8 Lo que acabamos de describir de forma resumida es un caso particular y ciertamente habrá tantas variantes como poblados purépechas. Sin embargo debemos esforzarnos por alcanzar una visión global. Así observaremos que la mayoría de estos eventos se basan en un texto escrito en forma dialogada, en prosa o, más comúnmente, en verso – incluso en octosílabos. De ahí que se les denomine « coloquios », en referencia al género literario: una conversación entre dos o más personas y/o la discusión de un

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asunto. Los coloquios, en nuestra área de estudio, se llevan a cabo durante diciembre, enero y febrero. Contrastando con las caracterizaciones antes mencionadas, resalta que los pastores ocupan un lugar secundario, comparado con el de otros personajes, por ejemplo los rancheros (Araiza 2013, pp. 181-218). San José, el Niño Dios y la Virgen María no aparecen. No hay sólo uno sino tres, siete o nueve diablos representados bajo una extraña apariencia (Figura 3); y emergen decenas e incluso cientos de diablos adoptando una variedad de formas y realizando actos que remiten a múltiples referentes. Los diablos principales no llevan un traje rojo muy ceñido al cuerpo, ni tienen dos cuernos pequeños en la frente, una cola muy larga y un tridente en la mano, tal como aparecen en las pastorelas teatrales-urbanas. Tampoco aparecen bajo figuras similares, por ejemplo, a las de los típicos diablos de Ocumicho (Figura 4), o bien a las que los purépechas describen en sus narraciones orales 1. En definitiva, el diablo de pastorela no es una representación escénica de las figurillas de barro, de los mitos y leyendas o de los testimonios de la aparición o encuentro con dicho personaje en la vida ordinaria 2.

FIG. 3 – Luzbeles en la pastorela de Turicuaro (diciembre de 2012; foto Estrada Serafín).

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FIG. 4 – El diablo según las figurillas de barro de Ocumicho (2011; foto Araiza).

9 Para facilitar el análisis, plantearé que tras la variedad de casos particulares, este evento se conforma de tres secuencias (Figura 5): el « coloquio » de los luzbeles; la adoración del Niño Dios (a cargo de una serie de personajes: pastores, rancheritos, viejitos 3, ermitaños) y la aparición de decenas, incluso cientos de, por así decir, diablos menores. En la región lacustre las tres secuencias se presentan el mismo día y pueden

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durar en total unas cuantas horas; en éstas no aparecen los rancheros, sino unos pastores que no dialogan entre sí, sólo danzan.

10 Así, los diablos adquieren dos formas muy distintas: se presentan primero como luzbeles (Luzbel, Astucia, Pecado y, en algunos casos también, Avaricia, Envidia, Osmodeo y Satán; incluso llegan a ser hasta nueve) al inicio de la pastorela; luego aparecen bajo una variedad de disfraces para marcar el final de la misma. Los luzbeles son por lo general interpretados por varones 4 solteros de entre quince y veinte años. No está permitido que alguien encarne este papel más de una vez, salvo aquellos que lograron cautivar fuertemente al público con su actuación.

FIG. 5 – Secuencias de las pastorelas de la región purépecha. Fuente: elaboración propia a partir de los diarios de campo de diciembre de 2007 a 2012.

Adoración al Secuencias de la Concilio o Adoración Niño Dios Aparición masiva de pastorela/aspectos coloquio de al Niño (pastorelas de la los diablos sobresalientes los luzbeles Dios Sierra y la Cañada)

Mítico: el de Mítico: el de la divinidad; la divinidad; El pasado histórico: el del origen el del origen la época de la Tiempo del mal o de del bien o El presente y a la vez el colonización y a la lo no-bueno de lo bueno del origen del mal o lo en el que se sitúa la vez el presente, el no-bueno acción Bíblico: la Bíblico: la tiempo de la vida época en que época en diaria nació que nació Jesucristo Jesucristo

Diablos principales: Luzbel, Astucia y Pecado (en algunas versiones Pastores Diablos menores o también Pastoras Rancheros secundarios: « negros» Personajes Avaricia, Viejitos Rancheras « changos », « chalis », Envidia, Ermitaños « ermitaños » Osmodeo y Satán). Ángeles: Miguel, Rafael y Gabriel. Ermitaños

Libreto Invariante Invariante Variante Variante diálogos que profieren (recitación en (cantos, (recitación en (lenguaje no-verbal y/ los personajes verso) villancicos) verso) o frases breves)

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Remitir a la primera lucha Figurar lo no-bueno, entre el bien y Adorar al Adorar al Niño Tipo de acciones crear desorden, el mal o lo Niño Dios Dios « divertirse » bueno y lo no- bueno

Comportamientos Materiales, sociales aceptables e terrenales, riqueza inaceptables en esta Espirituales material, Valores Espirituales y sociedad, y comportamientos fundamentales metafísicos cuestionamiento al metafísicos sociales aceptables dominio de lo político, e inaceptables en económico e esta sociedad institucional

Registro de la Sumamente Cómico, sarcástico, expresión corporal y serio e incluso Serio Cómico irónico narrativa terrorífico

11 En algunas pastorelas los ermitaños manifiestan expresiones similares a las de los diablos secundarios: provocan al público con gestos grotescos, por lo que, en vez de respeto, inspiran burlas. Así, parece que se disfrazan de diablo, tal como sucedía en ciertas obras del teatro de evangelización del siglo XVI 5. En otras, cumplen el mismo papel que los pastores, pues impiden que el Niño Dios caiga en las tentaciones a que le incita el diablo, dan consejos sobre el buen comportamiento social, ayudan a que reine la paz en el mundo. Además, vigilan que haya orden durante la representación, dando latigazos a quienes no respetan los límites del espacio teatral. Los ermitaños son interpretados por adultos que han demostrado tener buenos comportamientos sociales y pensamientos sanos, mientras que los que provocan desorden pueden ser interpretados por muchachos, adultos e incluso por niños. Remito al lector a una publicación (Araiza 2013) donde proporcioné más detalles acerca de los otros personajes, sus actos y sus atuendos característicos.

12 Mediante la distinción analítica en tres secuencias resalta que el evento bajo estudio involucra acciones que corresponden a la pastorela teatral pero también a la tradicional. Hay secuencias que cumplen una función de rito iniciático: la de los rancheros, cuya actuación implica establecer un compromiso de matrimonio; la de los diablos principales es un modo de acceder a cargos civiles o religiosos y la de los diablos menores es, como veremos, una manera de iniciarse al control de las emociones. Bajo estas premisas plantearemos la siguiente hipótesis: la pastorela purépecha involucra ritual y al mismo tiempo teatro, o, para decirlo con Schechner (2000, pp. 21-64), « eficacia » y « entretenimiento », lo cual no implica, como sugiere este autor, que primero se produzca uno y luego – por una transformación, desplazamiento o cambio de perspectiva – el otro: « del ritual al teatro » o viceversa. En la historia del teatro, dice este autor, uno y otro interactúan continuamente, pero luego agrega que cuando uno asciende el otro desciende (ibid., p. 38). En el caso que aquí estudiamos, ambos se producen ante la mirada del público, en el curso mismo de una serie de performances que conforman una unidad: la pastorela. En conjunto, este evento se desarrolla como

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un mosaico, una forma híbrida que incluye una variedad de diferentes modalidades de actuación. Entonces, cabe preguntarse: ¿Ante qué tipo de evento nos encontramos? ¿Cómo analizar este mosaico sin aislar uno de los componentes (ritual, ceremonia, teatro, fiesta) considerándolo como susceptible de ser estudiado por sí mismo o como una parte que explicaría el todo?

El procedimiento de investigacion

13 Para responder a estas interrogantes, el marco etnográfico se orienta hacia dos direcciones. La primera consiste en centrar la atención en la lógica interna del evento, observando lo que se hace y lo que se dice en el curso del mismo; es decir, « explicar el ritual en sí mismo y por sí mismo » (Houseman 2012, p. 13). La segunda consiste en tomar como base un caso − el de Comachuén − para establecer un contraste con las pastorelas observadas en otras localidades. Así, hemos logrado diseñar un modelo abstracto de la cronología de los eventos que preceden y que siguen al evento llamado pastorela (Figura 4) y de las secuencias de la pastorela (Figura 6).

Fig. 6 – Fases que preceden y que siguen a la pastorela. Fuente: elaboración propia a partir de los diarios de campo de diciembre de 2007 a 2012.

14 Si bien la pastorela forma parte del evento festivo más importante del ciclo anual dedicado al Niño Dios, no obstante debemos considerar que a este santo se le rinde culto a lo largo del año por medio de diferentes fiestas, rituales, danzas, etc. (Figura 6). Por consiguiente, resulta indispensable no enfocarse en un solo evento y pretender estudiarlo como si fuera un hecho aislado, sino tener en cuenta « la linealidad de los rituales » (Monod Becquelin y Breton 2002, p. 26).

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15 Ahora bien, si la pastorela se desarrolla como un continuum entre diferentes modalidades de actuación y dado que ésta se encadena con otros eventos a lo largo del ciclo anual, ¿cómo determinar cuál es el inicio y cual el final de una pastorela? Ante esta dificultad, a la que también se enfrentaron Monod Becquelin y Breton (ibid.) en lo que concierne al carnaval de los tzeltales de Chiapas, una respuesta puede ser que el evento inicia cuando termina el precedente. La metáfora de ondas y nudos resulta de gran utilidad para nuestro propósito: los nudos « entre los cuales se encuentran los vientres como etapas en las que conceptualmente se forma el mundo a venir a partir de los elementos precedentes » (ibid.) serían, en el caso de la pastorela el Año Nuevo, el Día del niño, el festejo a la Virgen de Guadalupe y la Navidad (Figura 6).

Ritual y teatro en antropología

16 Si bien este tipo de eventos, que implica diferentes modalidades de actuación, ha despertado mucho interés entre antropólogos, sociólogos, folkloristas y demás eruditos, sus análisis revelan una tendencia a considerar que todos son de carácter ritual. Además, como demostraron ya varios autores (Houseman y Severi 1994; Díaz Cruz 1998; Lassègue 2003), desde la antropología clásica ha predominado un enfoque que privilegia ciertas dimensiones del ritual – significados ocultos, función social, efectos económicos, políticos – en detrimento de otras – estéticas, artísticas, sensoriales. En México también ha prevalecido esta tendencia y, sobre todo, en la antropología que se aplica a los grupos indígenas (Oseguera 2008; Díaz Cruz 2004). No es de sorprender, ya que con el afán de los antropólogos de dar cuenta de la cultura – o la organización social, la cosmovisión, la identidad, la tradición, etc. − entendida como un todo coherente y ya acabado, se ha visto al ritual como un atajo precioso, una vía directa para acceder al conocimiento de ese todo. Es por eso que se ha descuidado el estudio de las propiedades internas del ritual. Y cuando se presta atención a las acciones, se excluyen aquellas de tipo teatral o bien se les engloba a todas bajo el término ritual.

17 Herskovits (1976 [1948)]) fue uno de los primeros antropólogos en llamar la atención sobre la existencia de « dramas seculares » – o teatro – en las sociedades tradicionales. Observó que estos últimos, comparados con los dramas religiosos, parecen minoritarios o de menor importancia ya que adoptan formas más humildes: « hay en ellos menos pompa y son realizados por grupos más pequeños » (ibid., p. 470). Lo anterior explica, en parte, que los dramas seculares hayan sido excluidos del enfoque antropológico. En el caso de la antropología mexicana, habría que agregar la influencia decisiva que ha ejercido una concepción según la cual los rituales son una puesta en escena de significados ocultos, receptáculos de símbolos preexistentes sobre los cuales los nativos no tienen conciencia y, por tanto, corresponde solamente al investigador el trabajo de descifrarlos (cf. Oseguera 2008; Díaz Cruz 2004). Esta concepción permea particularmente a los estudios que ponen énfasis en lo prehispánico en detrimento de lo católico y establecen como campo privilegiado el sincretismo según los ejes siguientes: orden/desorden, pagano/profano, entre otros. También caracteriza a los que se centran en la función social de los rituales contemporáneos, colocando al sistema de cargos como objeto privilegiado (Korsbaek 1996; Topete Lara 2005) 6. De ahí que se excluyeran aquellas actuaciones que en apariencia no producen efectos en la vida cotidiana y revelan su proveniencia del catolicismo. En efecto, « las

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congregaciones pueden salir del ritual con sus estatus, de algún modo formalmente transformados. Las obras de teatro nunca transforman el estatus de los miembros del público, aunque quizá los conmuevan profundamente » (Rappaport 2001, p. 77). Sin embargo, mis datos etnográficos revelan lo contrario; muchas de las actuaciones implicadas en las pastorelas, de las que podríamos decir que « están sólo actuando », es decir « imitando una acción », tienen efectos en la vida ordinaria. Para mencionar solamente un ejemplo, los « rancheritos » que se supone sólo están interpretando a un matrimonio, la gran mayoría – si no es que todos – terminan casados efectivamente en la vida real con su respectivas parejas « ficticias », las rancheras. Podríamos resolver el asunto planteando que esta acción de los « rancheritos », así como la de los otros participantes en la pastorela, son todas de tipo ritual. Pero, quedaría en el aire la cuestión que Herskovits (1976 [1948], p. 470) ya había planteado: « ¿cómo clasificar una determinada representación? ». En otras palabras: ¿cómo saber ante qué tipo de actuación nos encontramos? Este autor hizo una recomendación desde aquel entonces: « no considerar que todas son de tipo ritual » (ibid.). Al parecer, pocos autores hicieron caso de ella.

18 En los últimos años, las ciencias sociales y humanas experimentan un giro performativo y con ello un desplazamiento del ritual a la performance. No obstante, pareciera que simplemente se ha sustituido un término por otro. La performance es vista ahora como un valioso atajo para acceder al conocimiento de un dominio más amplio llamado cultura. Así, el término performance se comenzó a aplicar a casi todo tipo de actuación. Es por eso que Goody cuestiona la tendencia actual que busca coincidir con Schechner y con Turner 7, y consiste en « borrar cualquier diferencia entre teatro y ritual bajo el término indefinido de “representación” (performance) » (Goody 2001, p. 147). A contra corriente, algunos autores (Herskovits 1976 [1948]; Rappaport 2001; Goody 2001; Houseman 2003) plantean que es necesario establecer criterios para distinguir unas actuaciones de otras, dado que, aunque tengan un « aire de familia », no todas son de la misma naturaleza. Uno de estos criterios es el texto. La ausencia de éste caracterizaría al ritual, mientras que el « argumento » o el « guión » – un conjunto de indicaciones transmitidas de manera oral para orientar la acción corporal (Schechner 2003 [1988], pp. 66-169) − definiría al teatro de las sociedades tradicionales. Otro criterio es la separación entre actores y espectadores, que sería propia del teatro, en tanto que la unión de éstos sería un rasgo distintivo del ritual. En el teatro los papeles de los actores y los del público estarían claramente diferenciados, mientras que en el ritual podrían intercambiarse en determinados momentos. Más importante aún, quienes asisten al ritual constituyen una congregación y la participación es un elemento clave que define el papel de cada uno de los miembros de ésta en el evento (Rappaport 2001, p. 76). Quienes concurren al teatro por lo general no se conocen entre sí. Las personas que asisten a la pastorela constituyen en efecto una congregación, pero por momentos se ponen de manifiesto las cualidades que Rappaport (ibid.) atribuye al teatro: separación y diferenciación de los papeles que corresponden al público y a los intérpretes.

19 Quizá uno de los criterios a los que más se ha recurrido es la diferencia entre « estar solamente actuando » o « imitar un acto » y realizar una acción « en serio », lo cual no quiere decir que excluya el humor. En esta misma tesitura, se estableció que actuar es del orden de la « representación », que implica hacer presente algo o alguien ausente, mientras que actuar en serio es del orden de la « presentación » que consiste en hacer advenir algo o alguien al momento en que se realiza la acción. Esta última sería propia del ritual mientras que la primera sería propia del teatro (Goody 2001; Marin 1994). En

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principio, esta distinción se podría aplicar perfectamente al caso de la pastorela: los luzbeles no son una representación del diablo, sino una manera de crear la presencia de éste. Los actos que ellos realizan son del orden de la « presentación », una aparición o algo como una hierofanía. Pero no habría justificación para argumentar que los otros personajes no realicen una “presentación” en este sentido, entonces todos realizan acciones de tipo ritual. Si los participantes mismos distinguen entre las actuaciones implicadas, otorgándoles nombres diferentes, eso significa que debemos continuar buscando en qué estriba la diferencia. Además, como podremos apreciar en adelante, en la pastorela cada una de estas actuaciones pone en marcha modalidades sensoriales particulares y remite a una variedad de referentes.

Eficacia y entretenimiento

20 Páginas arriba remitimos a la propuesta de Schechner para sugerir algunas de sus limitaciones, pero es necesario precisar en qué aspectos concretamente se revela poco conveniente para nuestro objeto de estudio. Para hacer justicia a este autor, comenzaremos reconociendo hasta qué punto, pese a su borrosidad, el concepto de performance, ha contribuido a explorar nuevas pistas de indagación. Una de estas consiste precisamente en salir de los debates que oponen ritual y teatro. Habría que considerar, anota Schechner (2000, p. 36), que la polaridad en realidad no se da entre éstos últimos sino entre eficacia y entretenimiento. Así, construye un esquema encabezado, por un lado, con el « rótulo » eficacia y, por otro, con el de « entretenimiento », seguidos de ritual y teatro a los cuales corresponden respectivamente las siguientes cualidades: un Otro trascendente/sólo para los presentes; tiempo simbólico/énfasis en el ahora; actor poseído o en trance/actor que sabe lo que hace; el público participa/el público mira; el público cree/el público aprecia; no se invita a la crítica/prospera la crítica; creatividad colectiva/creatividad individual (ibid.).

21 Intentemos ahora aplicar este esquema al caso de la pastorela. En efecto, la pastorela se realiza cada año y las personas participan motivadas por el fuerte deseo de pagar una manda al Niño Dios (un otro trascendente). A cambio de ciertos favores que éste les concede: sanar una enfermedad, interceder ante una dificultad en el trabajo, en los estudios, etc. se le ofrece una pastorela. La manda consiste en interpretar uno de los papeles. Pero no basta con participar. Hay que hacerlo bien. Hay que actuar cada uno de los papeles correctamente, con mucho esmero y dedicación. Sin embargo, los actores no están en estado de « posesión o de transe ». Algunos pueden haber ingerido alcohol sin que esto implique una alteración de su conciencia. Ellos sí « saben lo que hacen ». Así se espera obtener resultados de diversa índole: que el Niño Dios esté contento; que los organizadores y los actores logren ascender en el estatus social, etc. Por ejemplo, un buen intérprete – sobre todo del papel de diablo − o un buen maestro de pastorela pueden llegar adquirir mucho prestigio y autoridad y ocupar cargos importantes en el sistema de organización social.

22 La pastorela también se dirige a los presentes y el público participa. Pero, sí prospera la crítica. En efecto, todas las actuaciones de la pastorela son constantemente evaluadas por un grupo de notables: autoridades civiles y religiosas, consejo de ancianos. Estos determinan si un papel, canto, paso de danza o pieza musical, ha sido bien interpretado o no, si un vestuario, máscara o escenario quedó bien elaborado o no. En realidad, si

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bien todos los integrantes del pueblo contribuyen de algún modo para que la fiesta se lleve a cabo, la realización de la pastorela es responsabilidad directa de dos personas: el encargado del Niño Dios y el maestro de pastorela. Este último funge como un director de escena, se encarga de dirigir los ensayos y dar indicaciones precisas sobre el estilo de la actuación: la gestualidad, el tono de voz, la entonación al proferir las frases plasmadas en el texto, etc. (creación individual). Además guarda celosamente un repertorio de obras, muchas de las cuales, según se afirma, son muy antiguas 8. A cambio de este trabajo, los maestros de pastorela reciben una remuneración económica por parte del carguero en turno o de la colectividad. Algunos dicen que no lo hacen por dinero sino para pagar una manda al Niño Dios o por compromiso hacia la colectividad. Si la pastorela resulta mal realizada la responsabilidad recae primero sobre el maestro de pastorela y luego sobre el encargado del Niño Dios. Pese a que algunos libretos han sido escritos por autores anónimos, es el maestro de pastorela quien los interpreta (creación individual). También, se reconoce en los pueblos purépecha a quienes son autores de los diálogos de los rancheros, así como de las piezas musicales y de los cantos que forman parte de la pastorela.

23 Por último, la pastorela tanto remite a un tiempo simbólico, como hace énfasis en el ahora. Podemos mencionar algunos elementos de la pastorela que la acerca al teatro: el libreto, al cual ya hice referencia, y el escenario. Este último debe ser nuevo cada año y puede consistir en un sencillo tablado o en una construcción muy grande y sofisticada. Los materiales que se utilizan para ello son proporcionados por un grupo de muchachos solteros. Éstos deben adentrarse en el monte para buscar un enorme tronco de pino, al cual se coloca, a modo de señal, con una estrella de plástico rojo, en la casa del carguero (Figura 2, arriba derecha). También deben recolectarse hojas de nuriten 9 y flor de melón (musgo) y cortarse varios troncos de árbol, que servirán ya sea para dar forma al sencillo tablado o bien al sensacional palacio. Estas acciones revisten un carácter ritual, son un rito iniciático.

24 Por consiguiente, solamente forzando mucho se podría hacer entrar a la pastorela purépecha en uno de los polos antes mencionados. Es por eso que debemos recurrir a otras propuestas. Al respecto, Houseman (2003, 2008, 2012), desarrolló un esquema centrado en la acción, evitando así empantanarse de entrada con el espinoso asunto de la creencia. ¿Cómo podríamos saber y comprobar lo que el público y los actores creen? Así, proporciona una serie de indicaciones para orientar el análisis de fenómenos que podrán ser considerados como acciones ordinarias, juego ritual o teatro poniendo en relación la experiencia de los participantes en una pluralidad de modos de interacción diferentes (Houseman 2003).

Música y sonidos

25 En lo que sigue intentaremos hacer una aproximación a la experiencia de los participantes en la pastorela y a las diferentes modalidades de interacción que ésta pone en marcha. Trataremos de demostrar que no solamente es la acción y la palabra lo que proporciona a los participantes un marco para que ellos elaboren su propia experiencia, sus propios estados afectivos e intencionales, sino que juegan un papel relevante al respecto las modalidades sonoras, musicales, gestuales. La adhesión de los participantes a las realidades que se ponen en escena (eficacia) depende en gran medida de estas modalidades. Para ello analizaremos las modalidades musicales y

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sonoras, la gestualidad y los tipos de interacción; finalizaremos explorando un tipo de experiencia: la de los diablos secundarios, en la que precisamente son las acciones las que preparan a los participantes para que experimenten una sensación de poderosa energía. Comencemos pues identificando las modalidades sonoras y musicales.

FIG. 7 – Rancheros preparándose para actuar en la pastorela de Comachuén (2010 y 2011; fotos Araiza).

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26 La música, como la danza, juega un papel fundamental en la pastorela. Cada personaje se caracteriza por una tonada particular y distintiva: polkas y abajeños 10 para los luzbeles, sones para los pastores y los rancheros (Figura 7). Los músicos trabajan en estrecha colaboración con los maestros de pastorela. Tienen que componer una tonada diferente cada año y para cada personaje, o bien hacer arreglos a las tonadas del repertorio que ya se tiene (el cual se dice que es muy antiguo). En Comachuén, por ejemplo, quienes van a interpretar el papel de rancheros, buscan al músico y le presentan ciertas letras antiguas que han recuperado de sus abuelas o bisabuelas y entonces el músico les hace arreglos. O bien llevan una tonada antigua y le piden al músico que adapte la letra. Así, éste llega a componer cada año cerca de veinte partituras. De modo que además del archivo de libretos se tiene otro de tonadas musicales. Esta exigencia – a saber que la música de pastorela sea de reciente creación – es compartida por otros poblados de la Cañada y de la Sierra. Como demostró Chamorro (1994, p. 134), la clasificación habitual del son presenta en estas regiones una gama muy amplia dentro de la cual el « son de estreno » corresponde precisamente al que se toca en las pastorelas. En Ichán y en Quinceo, por ejemplo, la orquesta que acompaña el baile de la ranchera y el ranchero, tiene que comprometerse a tocar solamente sones inéditos: ninguno « que se haya oído antes » (ibid.).

27 El ritmo sirve como indicador de las sensaciones experimentadas por los personajes. Una cadencia lenta indica el cansancio de los cuerpos después de una larga caminata. Una tonada « profundamente melancólica y lánguida » a la que se denomina « letra » sirve para introducir el dialogo de Luzbel. Enfatiza la profunda carga sentimental de las lamentaciones de este personaje. Otra melodía, llamada « media letra », « permite que el intérprete respire para continuar con su diálogo » (Márquez 2005, p. 14). En todo momento hay musicalidad – en los versos que recitan los personajes y de modo particular en los parlamentos de los diablos principales – y los sonidos son relevantes. En cuanto a los sonidos producidos por la entonación y la elocución de los actores, justamente, para interpretar a Luzbel hay que tener un atributo particular: un cierto tono de voz, un estilo de elocución con determinado ritmo. Según explica don Patiapa Vargas (quien durante más de diez años interpretó a Luzbel), no basta con haber memorizado las palabras que están en el libreto: « tienes que recitar bien, como si se alargaran las palabras, como arrastrando más las palabras » (cuaderno de campo, 15 de agosto de 2008). Estos universos sonoros y musicales cobran sentido acorde a las ejecuciones corporales y verbales de los diablos principales.

28 De este modo, los purépecha han desarrollado una habilidad particularmente aguda para identificar una buena polka, un buen son o un buen canto del que no lo es. Sin embargo, corresponde a un grupo de notables conformado por ancianos, autoridades religiosas y civiles, principalmente el tata juramuti – jefe de tenencia −, evaluar la correcta ejecución musical, así como valorar la actuación y la correcta interpretación de todos los personajes, especialmente la de los diablos principales. Nuestra reflexión acerca de cómo se imbrican diferentes modalidades de actuación se ve así enriquecida. Podemos notar cómo, pese a la importancia que se le otorga al texto escrito, no es éste el que impera, sino la creación de diferentes universos sensoriales, entre los cuales la música y el sonido. Éstos a su vez no están ahí sólo para crear un cierto ambiente, no son mero acompañamiento o el intermedio entre una escena y otra, más bien son componentes fundamentales de la performance. Es como si el texto escrito se adaptara al cuerpo del intérprete y no a la inversa como en la mayoría de producciones teatrales.

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Cabe abundar aún sobre las diferentes modalidades sensoriales implicadas en la pastorela.

Juego entre gestualidad y texto

29 Los luzbeles se desplazan en línea recta dando unos pasos cortos hacia delante, luego giran y vuelven sobre sus pasos. Este desplazamiento se repite incesantemente: van y vienen mientras discurren sobre las grandes interrogantes de la humanidad (véase infra). Para enfatizar el tono emocional de una frase o la máxima tensión de una situación, sacuden de manera exagerada la cabeza o extienden sus brazos hacia arriba o a un costado. Si bien no es ésta una actuación de tipo naturalista – por ejemplo al decir « voy a ti corriendo a paso veloz », no corren de verdad – tampoco evoca una acto dancístico, ya que su modo de caminar es a paso normal, sin golpear el suelo con los zapatos de manera rítmica. Definitivamente, lo que provoca en el público esa actitud – entre el temor y atracción – no es tanto la gestualidad de los luzbeles sino la sonoridad que son capaces de crear: el tono de su voz y el ritmo de su entonación al proferir los enunciados.

30 En contraste, las secuencias correspondientes a los rancheros, por un lado, y a los cientos de diablos, por otro, presentan cambios tanto formales como de contenido. Admiten un grado mayor de improvisación, recreación e invención, solicitando la colaboración de otros dramaturgos y poetas locales. En estas dos secuencias ya no se trata de escenificar un pasaje de los evangelios, sino acontecimientos vividos realmente 11.

31 Si los diálogos de los rancheros presentan variaciones, en cambio su actuación parece regirse cada vez por un mismo esquema coreográfico: bailan un zapateado; se desplazan en línea recta dando pasos de forma natural; giran y vuelven sobre sus pasos; cantan una canción de cuna; se detienen de frente al público, mencionan sus respectivos nombres y apellidos, dialogan entre sí haciendo alarde de riqueza material (las extensiones de tierra y el ganado que poseen, la vida de lujos que llevan). También hacen referencia a problemas que se viven en la comunidad, en el país o en el mundo. Si bien hay una parte de improvisación, los actos de estos personajes no son en definitiva una adaptación teatral del texto escrito. En este aspecto se asemejan más a las acciones rituales: « formas de conducta bien definidas, convencionales o estipuladas, “actos arquetípicos” a los cuales las condiciones ordinarias de intencionalidad no podrían aplicarse » (Houseman 2003, p. 296).

32 En contraste, la actuación de los diablos menores varía tanto en la expresión verbal como en la ejecución corporal. Ésta no se rige por un esquema coreográfico previo. Recordemos que el escenario que ocupan no es ya un espacio delimitado como tal, sino las calles, la plaza central, la casa del carguero, el pueblo todo. En lugar de palabras emiten sonidos guturales que semejan bramidos, aullidos o ruidos de animales. Así, en algunas pastorelas de la región lacustre, los diablos menores llevan un atuendo – vestuario, máscara, objetos escénicos – en el que se reconoce claramente a ciertos políticos, actores de televisión, personas destacadas a nivel regional, nacional e incluso mundial. Estos diablos realizan pasos acelerados, ademanes grotescos, gestos enfáticos, profiriendo frases breves y claramente improvisadas, las cuales remiten a algunos de los problemas, conflictos o situaciones de actualidad (elecciones para el gobierno municipal, estatal o nacional, prácticas de corrupción y clientelismo, el maltrato a los

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pacientes en los hospitales, etc.). Entre tantos diablos menores distinguimos claramente, por su vestuario y su máscara, a unos militares, tal vez sean miembros del ejército, y también vemos delincuentes y narcotraficantes. No deja de llamar la atención que, a diferencia de los otros personajes, éstos sean representados privilegiadamente bajo el registro de la pura gestualidad, prescindiendo de inscripciones (frases escritas en hojas de papel) y expresiones verbales. Se les distingue por sus vestuarios y sus armas (de utilería), que por momento usan apuntando contra el público o bien enfrentándose unos a otros, o simplemente deambulando por el escenario, asechando. En esta modalidad de representación se pasa por silencio todo aquello que concierne al ejército y al narcotráfico, pero no se oculta, se muestra, se hace visible.

Diferentes tipos de interacción

33 La pastorela se desarrolla al modo de una ondulación entre momentos de máxima tensión que provocan en el público actitudes de seriedad, asombro, incluso temor, y momentos sumamente lúdicos, que lo incitan a la broma y al comentario chusco, silbidos y gritos de complicidad. Así, no obstante la tensión máxima que se produce en el curso de la actuación de los luzbeles, pese a la fascinación que su apariencia provoca, la barrera entre éstos y la audiencia es infranqueable. Del lado del público todo es silencio y en cierto modo inmovilidad. En cambio, tan pronto como aparecen los rancheros, esa barrera imaginaria desaparece. Lo mismo sucede en el curso de la actuación de los diablos menores. En esos momentos lo que impera es una interacción, incluso directa, entre la audiencia y los actores. En este aspecto, las pastorelas de la región purépecha contrastan respecto de las que se realizan en otras regiones, por ejemplo las que documentaron Bauman y Ritch (1994) en una comunidad rural y mestiza del estado de Guanajuato. Estos autores notaron que la presentación principal de la pastorela de Tierra Blanca adquiere un tono de suma seriedad y se caracteriza, al parecer, por la ausencia de interacción entre actores y público. No obstante, durante los ensayos – incluido el ensayo real – cualquier palabra o gesto de los actores era motivo para que se desencadenaran una serie de comentarios chuscos, bromas, juegos de palabras o alteraciones en los diálogos para cambiar el sentido. Mantenían estas actitudes no solamente los actores entre sí, sino ellos con las personas que asistían a ver los ensayos.

34 Ahora bien, en el caso de los purépechas, los ensayos por lo general se desarrollan en un ambiente de suma seriedad. Los maestros de pastorela no permiten que los actores se distraigan. Los intentos, ya no digamos de hacer bromas, sino siquiera cualquier tipo de comentario o ruido son reprendidos severamente por el maestro. Los actores deben permanecer sentados en silencio esperando su turno para entrar en la acción. Además, por lo general no se permite que la gente asista a ver los ensayos. Nadie, salvo los familiares del carguero del Niño Dios y las muchachas que sirven el atole y los tamales cada noche a los actores, deben verlos mientras se preparan. Para puntualizar: la interacción entre actores y público varía de una secuencia a otra y lo que Schechner llama « entretenimiento » (2000, pp. 35-40) se produce en el curso mismo de la performance, más no durante los ensayos. Por lo general en éstos se evita el entretenimiento y la interacción con el público. De suerte que eficacia y entretenimiento pueden imbricarse en una misma secuencia.

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Tener una experiencia

35 Pareciera que es fácil interpretar el papel de los diablos menores puesto que no tienen un texto, largos parlamentos a memorizar y tampoco una coreografía a seguir. A primera vista, solamente se trata de salir y provocar desorden, efectuar un baile frenético o realizar ciertas acciones para divertirse o « echar relajo » disponiendo de un amplio margen de libre improvisación. No obstante, ¿por qué se dice que su actuación es igual de importante que la de los luzbeles y que de hecho no se establezca distinción entre estos y aquellos? ¿Cómo logran estos diablos menores crear sus papeles para provocar esa fascinación en el público? La exegesis local la atribuye a que son capaces de generar una poderosa « fuerza » o « energía ». Claramente esta sensación de fuerza es generada por la presencia masiva de estos personajes. Al ser numerosos y al aparecer por todos lados, dan la impresión de que el diablo está entre nosotros, aquí en este pueblo, en este mundo; más aún: como si todos pudiéramos serlo. Sin embargo, hay algo más, que solamente se puede comprender interrogando a los intérpretes mismos sobre su experiencia. Escuché decir 12 que este personaje no es anodino y no es para nada fácil interpretarlo. Cuando un diablo sale e interactúa en la calle, la plaza, donde sea, con otros diablos, de pronto siente que debe sacar toda su energía y a la vez resistir a la fuerza que provocan los otros: Es como entrar en un espacio y quedar en medio de fuerzas opuestas que te empujan y te obligan a salir de ese espacio y tú debes resistir, no debes permitir que te saquen. Es un gran reto, una prueba de fuerza. Sientes las energías de los otros diablos que tratan de doblegarte, humillarte y tú no debes dejarte impresionar. No se trata de golpes, no necesariamente te pegan o te sacan con fuerza física, sino con la pura presencia.

36 Algunos atribuyen a la máscara misma, al hecho de que está encantada, esa sensación de energía incontrolable que invade de pronto a quien se la pone. « Desde el momento mismo en que te pones la máscara sientes ya esa fuerza, esa gran energía, te tiembla todo el cuerpo, te dan ganas de saltar, de empujar ».

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FIG. 8 – Diablos menores durante la tercera secuencia de la pastorela, Comachuen (2011; fotos Araiza).

37 Los muchachos forman grupos, llamados « cuadrillas », se juntan según lazos de parentesco, de amistad o por afinidades diversas y usan máscaras y vestuario con formas similares. Así andan por todos lados unidos en grupos de diez o más diablos (Figura 8).

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38 En otros tiempos se enfrentaban uno a uno sin lastimarse, únicamente se retaban con la energía que transmitían. Hoy en día se intimidan de otras maneras. Algunos usan la fuerza física: se empujan, se dan de golpes. Incluso en sus vestuarios llevan ciertos adornos: estoperoles, cadenas, cinturones con formas punzocortantes que pueden quitarse fácilmente para usarlos como armas. También se han dado casos de uso de navajas o cuchillos, al grado de que ya ha habido muertos durante esta secuencia. Al preguntar a qué se debe esto, me comentaron que « a veces es porque ya traen bronca de antes », o bien que « son unos que vienen de otros pueblos ». Así, resulta particularmente esclarecedora la reflexión de Chamorro: « los purépechas son un pueblo altamente sensible a un modo antagónico y emocional de existencia, es decir, una manera de ser en la cual la existencia no tendría sentido sin la presencia de las rivalidades y los sentimientos » (1994, p. 33). Sin embargo, llama la atención que sea precisamente en el curso de la danza de los diablos menores que la rivalidad, la competencia y el sentimiento tan característicos de los purépechas desemboque en expresiones violentas. En otras danzas, incluso en las que se realizan con el mismo propósito de venerar al Niño Dios, por ejemplo, la de los kurpites en San Juan Nuevo, aunque hay provocaciones – gritos de euforia y expresiones de reto que irritan al contrincante –, no se llega al enfrentamiento físico, se evita el paso al acto, la rivalidad expresada a golpes y puñaladas, pues la danza podría ser suspendida (Topete Lara 2011, p. 140). En ambos casos lo que está en juego es la creación de un marco ritual para iniciar a los participantes en el control de las emociones. Se puede apreciar hasta qué punto estas modalidades sensoriales, así como las interacciones y los universos referenciales, se distinguen claramente respecto de los que se ponen en marcha en la actuación de los luzbeles y la de los rancheros.

Ritual y también teatro

39 Estas consideraciones conducen a plantear nuevamente la cuestión del tipo de evento al cual asistimos: ritual o teatro. La propuesta de Houseman (2003, pp. 289-312) señala una vía prometedora para salir del impase. El ritual, señala este autor, es un tipo de acción particular; las acciones del ritual no notifican acerca de cuáles son las intenciones, disposiciones, estados emocionales de las personas involucradas en ellas (ibid., p. 296). En los rituales lo que cuenta es la acción y es ésta la que proporciona a los participantes un marco para que ellos elaboren sus propios estados emocionales, sus intenciones y disposiciones. Si alguien llora o grita en el curso de un ritual, no es porque se sienta realmente triste; es una acción prescrita en el marco mismo del ritual (ibid.).

40 Inspirándonos de este planteamiento podemos interpretar que si los diablos menores tienen esa sensación de fuerte presencia o energía poderosa, no es porque realmente crean en el diablo o que ellos lo sean – algunos creerán, otros no, que la máscara, por estar encantada, los hace sentir así –, sino porque es una acción prescrita en el ritual y, al realizarla, ellos elaboran sus propias sensaciones. Asimismo, la secuencia de los rancheros no es simplemente una representación invertida de las relaciones de poder; es algo más complejo: « una puesta en acto inhabitual » (Houseman 2008, pp. 109-114) de dichas relaciones. Los purépecha que se visten y se comportan como rancheros no están expresando una intención de dejar de ser indígenas, sino que están realizando acciones prescritas en el ritual y a partir de las cuales elaboran sus propios estados

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emocionales respecto de las relaciones conflictivas que en la vida ordinaria ellos mantienen con los rancheros.

41 Las acciones rituales – anota Houseman (ibid.) – son « polisémicas, ambiguas, incluso paradójicas ». Implican una condensación de modalidades de relación nominalmente antitéticas. Al respecto, cobra particular sentido el diálogo entre el ranchero y la ranchera donde, a cada afirmación de identidad, sigue de inmediato un testimonio de diferencia. Por ejemplo, se presenta a un ranchero que presume tener grandes extensiones de tierra, ganado, mucho dinero, una vida de lujos y viajes y luego la ranchera niega con sarcasmo tal presunción. Un ranchero afirma que es gracias al apoyo del gobierno que obtuvo sus riquezas, mientras que otro atribuye su miseria al mismo gobierno. Las acciones de la pastorela en conjunto revelan el carácter multiplex, que es propio de los rituales, ya que « reúnen en una misma secuencia de acción una pluralidad de elementos preexistentes provenientes de dominios muy diferentes » (Houseman 2008, p. 110). Los lazos de parentesco y de alianza – entre ranchero y ranchera –, las posiciones sociales de prestigio y de autoridad, las rivalidades entre sectores sociales dentro de la comunidad y entre los poblados circunvecinos, todo esto se actúa de manera inhabitual en la pastorela.

42 En cambio, con el concilio de los luzbeles, asistimos a otro tipo de acciones. Las condiciones pragmáticas que, según el modelo en cuestión, son propias del teatro están reunidas en esta secuencia: un texto a pronunciar, la mirada de los espectadores, las ideas de un director. Quienes ejecutan estas actuaciones se someten a una larga preparación, un aprendizaje técnico, realizan varias sesiones de ensayos, memorizan largos parlamentos para recitarlos, se visten, se colocan máscaras o velos sobre el rostro, para presentar un personaje cuya vida, experiencia, intenciones son separables de las suyas propias. El intérprete de Luzbel actúa en escena como « un sujeto virtualmente desdoblado: actor (singularizado por su propia vivencia afectiva e intencional) y papel (representación distanciada de un modelo de la experiencia) se imponen como distintos pero necesariamente ligados entre sí » (Houseman 2003, p. 297). Sin embargo, pese a que la secuencia de los luzbeles es la más teatral, no admite casi improvisación: lo que se recita es lo que aparece en el libreto, el actor obedece en mayor medida a las indicaciones del director y en menor medida a lo que es su propia experiencia. A partir de estas premisas, podemos establecer que las actuaciones de la primera secuencia de la pastorela son de tipo teatral, mientras que las de la segunda y la tercera son de tipo ritual.

Concluyendo sin finalizar

43 Como hemos visto, en la pastorela se ponen en marcha diferentes tipos de actuación, los cuales a su vez implican una variedad de modalidades sensoriales, interacciones y universos referenciales. En este sentido, el caso purépecha se distingue respecto de otros casos en los que teatro y ritual se imbrican, por ejemplo los fenómenos de transe y/o posesión que implican « aspectos teatrales » (Leiris 1958). En la pastorela, lo teatral no implica que las acciones rituales simplemente hayan sido revestidas con gestos demasiado exagerados o cierta afectación en el comportamiento. Tampoco consiste en que un instante teatral o un « aire lúdico » (Bauman y Ritch 1994), en el sentido de algo cómico o profano, se intercale o irrumpa por momentos en un ámbito regido por la seriedad, lo religioso o lo ritual, lo que corresponde, por ejemplo, al caso de los gags

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cómicos implicados en el culto en Kerala documentado por Tarabout (1998). En la pastorela, la relación entre ritual y teatro no es evolutiva, no implica el paso de un tipo de actuación que sería más « auténtica » o « primigenia », ligada a lo sagrado, lo comunitario, hacia otra que estaría desprovista de estas cualidades, vuelta espectacular, mera exhibición y simple divertimento para dar gusto a la sed sensacionalista de eventuales turistas. Hay numerosos trabajos que enfocan la transformación de rituales indígenas en teatro, por ejemplo el Rabinal Achí (Henríquez 2008). Si acaso las pastorelas estén sufriendo este tipo de transformación, no podría atribuirse únicamente al turismo, ya que el público de éstas sigue estando conformado en la gran mayoría de los casos por los purépechas mismos. La pastorela, que sigue siendo un evento comunitario, constituye un mosaico en que cada una de las partes – teatro, ritual, performance, juego – actúa de manera muy diferente desde realidades particulares e implicando determinadas relaciones sociales. Lo interesante es que una actuación no predomina sobre la otra. Es como si lo importante fuera poner una actuación al lado de la otra aunque los rancheros, los « narcos » o los políticos del momento no tengan que ver con el pasaje evangélico que se pone en escena. La adhesión de los participantes a las acciones puestas en escena – la eficacia – quizá dependa de esta combinación ya sea equilibrada o llena de tensiones de diferentes tipos de actuación. Dada la complejidad de elementos que entran en juego en las pastorelas y las variantes locales, quedan aún por estudiarse muchos aspectos. Habría que profundizar más aún sobre la variedad de realidades particulares que se ponen en escena y que provienen de diferentes dimensiones de la vida ordinaria.

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NOTAS

1. Según éstas, el diablo aparece en el monte, las barrancas, las cuevas, bajo la forma de burro, perro gigantesco, toro o víbora, charro o mujer seductora. Lo ven aquellas personas que no cumplen con las obligaciones religiosas, acaparan riquezas, son infieles o alcohólicos. 2. Entre los purépechas, el diablo está asociado ante todo con la Navidad; en las fiestas de Carnaval, este personaje juega un papel secundario comparado con el del « torito de petate », es decir una figura hecha de cartón adornada abundantemente, en torno de la cual se realizan danzas que evocan la relación del ser humano con el toro. 3. En su estudio sobre la danza purépecha de viejos, García Mora (2011, p. 28) observa que « los viejitos hacen el papel de pastores significando de este modo que conducen la grey cristiana a Charapan […] Es por eso que no se trata de una mera representación teatral, es un rito anual durante el cual el poblado se transforma en un sitio donde los sucesos relatados en los evangelios tienen lugar de nuevo ». 4. Salvo quizá una o dos excepciones, a las mujeres no se les permite interpretar el papel de los diablos principales. En la actualidad algunas muchachas osan meterse en las cuadrillas de los diablos « secundarios », pero lo hacen ocultando su identidad femenina. Por lo general la

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participación femenina en las pastorelas sigue consistiendo en interpretar los papeles de pastoras o de rancheras, aunque la migración masculina conduce cada vez más a flexibilizar esta regla. 5. Motolinía atestiguó que en la obra La tentación de Cristo, que es típica del teatro de evangelización en lengua náhuatl, Lucifer se disfraza de ermitaño, pero « no puede ocultar […] los cuernos y las uñas que de cada dedo, así de las manos como de los pies, le salían » (Horcasitas 1974, pp. 133-134). 6. Véase el cuestionamiento crítico de Dehouve (2006) al llamado « sistema de cargos ». 7. La concepción de performance que Goody cuestiona fue expresada por Turner en estos términos: « por sus performances las conoceráis […] las culturas se expresan más completamente en sus performances rituales y teatrales y gracias a ellas adquieren conciencia de sí mismas […] » (Schechner 2000, p. 16). 8. De entre los diez libretos que me proporcionaron en diferentes poblados, sólo tres confirman tal afirmación por el tipo de papel, el estilo de escritura y la caligrafía. Habría que continuar indagando al respecto en futuros trabajos. 9. Nurite o nureten (Satureja macrostema) es el nombre de una planta que crece en la sierra y a la que los purépechas otorgan mucha importancia, atribuyéndole propiedades afrodisiacas y medicinales (cura malestares estomacales), por lo que se toma como té. También es usada para decorar diferentes espacios rituales. 10. Género de música instrumental que se ejecuta con orquesta de cuerdas o con banda de viento. Algunos autores interpretan que la palabra « abajeño » deriva de la expresión « son [o música] de allá abajo », en alusión a la que se toca en las tierras bajas de Michoacán, en la tierra caliente, la costa (Chamorro 2002, p. 178). El tempo rápido del abajeño se acompaña con pasos de baile con carácter fuerte y preciso. 11. Esta práctica parece haberse arraigado en bases muy antiguas. En una muy breve crónica del siglo XVI sobre Los Tres Reyes de Cuernavaca (1535 ó 1540), un dato sugiere que con esta representación teatral asistimos a la escenificación de sucesos de actualidad. En dicha crónica se hace constar que « aquí ponemos que en nuestro entero juicio vimos el primer nexcuitili y ejemplo porque un demonio tentaba a los cristianos, y entonces lo conjuraron para que no se apoderara de las almas y así havéis de hacer vosotros los que quedáis en el mundo, y para que nos acordemos de la Pasión de Christo Nuestro Señor, que no es juguete, lo ponemos aquí para acordarnos cómo murió Christo, así se ha de ir continuando en lo que adelante, y para que sepáis cómo se puso la estrella que guió a los tres Reyes magos cuando fueron a visitar a Nuestro Señor » (Ms. en lengua náhuatl conservado en la BNF, trad. del padre José Pichardo en Horcasitas 1974, p. 251). En este nexcuitilli ya no solamente se representa escénicamente un pasaje de la Biblia, sino una situación vivida, la cual se puso en escena con objeto de provocar un cierto efecto, en este caso conjurar al demonio. ¿Acaso la pastorela siga desempeñando esa función – « combatir el mal y purificar el ambiente » (ibid.) − que durante las primeras décadas de la colonización, cumplió el teatro? 12. Los comentarios que en adelante citaré me fueron confiados por cuatro varones adultos durante una convivencia familiar. Que me sea permitido preservar el anonimato de éstos, omitir el nombre del lugar y de la fecha, para no defraudar su confianza o poner en riesgo su seguridad; de no hacerlo, ellos podrían ser involucrados en los hechos de violencia que se narran.

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RESÚMENES

La pastorela es, en principio, una representación viviente y dialogada que evoca el nacimiento de Jesucristo, el afán de los pastores por celebrar dicho acontecimiento y las tentativas del diablo por impedirlo. En la región purépecha, a lo que asistimos es a un evento en el que se imbrican varias modalidades de actuación, cada una de las cuales pone en marcha diferentes universos sensoriales y múltiples referentes. Este tipo de eventos ha sido estudiado como un género teatral cuando se realiza en contextos urbanos y como una modalidad de ritual cuando se lleva a cabo en el medio rural e indígena. La descripción de un caso en particular y la puesta en perspectiva de varias pastorelas entre los purépechas permitirá demostrar que, en este ejemplo, teatro y ritual se combinan sin que uno se sobreponga al otro, o le anteceda de manera evolutiva del tipo « del ritual al teatro ». El propósito es contribuir a la discusión sobre las dificultades que impone la definición de cada una y del conjunto de las modalidades de actuación: ritual, teatro, juego, performance, etc.

Les pastorelas de la région purépecha, Michoacán, Mexique. La pastorela est, en principe, une représentation vivante et dialoguée qui évoque la naissance de Jésus, le zèle des bergers pour célébrer l’événement et les tentations du Diable pour empêcher cela. Dans la région purépecha, on assiste à une manifestation qui mêle différentes modalités de représentation, chacune faisant appel à des univers sensibles distincts et à des références multiples. Ce type de manifestation a été considéré comme relevant du genre théâtral en ville mais comme un rituel en contexte rural et indien. L’analyse d’un cas particulier avec mise en perspective de plusieurs pastorelas chez les Purépecha permet de démontrer que, dans notre exemple, théâtre et rituel se combinent sans que l’un l’emporte sur l’autre ou le précède dans une séquence de type « du rite à la représentation théâtrale ». Notre objectif est d’apporter des éléments à la discussion sur les difficultés qui découlent de la définition de chacune et de l’ensemble des modalités de la représentation (rituel, jeu théâtral, performance, etc.).

The Christmas pageant (pastorela) is, in principle, a living and dialogical representation that evokes the birth of Jesus, the zeal of the shepherds to celebrate that event, and the attempts by the Devil to impede them. In the P’urhépecha region we attended an event that interweaves various modalities of acting, each one of which brings to life distinct sensorial universes and multiple referents. When staged in urban contexts these events have been seen as a theatrical genre, but when performed in rural and indigenous areas they are considered a mode of ritual. Describing a specific case and putting various pastorelas staged by P’urhépechas into comparative perspective allows us to demonstrate that this event combines theater and ritual without one superimposing itself on the other or preceding it in an evolutionary sense (as in « from ritual to theater »). The point is to contribute to a discussion of the difficulties entailed in the definitions of the modalities of acting – ritual, theater, games, performance, etc. – both individually and as a whole.

ÍNDICE

Palabras claves: pastorela, ritual, teatro, performance Índice geográfico: Mexique, Michoacan, Purépecha Temas: Ethnologie Keywords: Christmas pageants (pastorelas), ritual, theater, performance Mots-clés: pastorelas, rituel, représentation théâtrale, performance

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AUTOR

ELIZABETH ARAIZA

El Colegio de Michoacán, av. Martínez de Navarrete n° 505, Fracc. Las Fuentes, 59699 Zamora, Mich., México [[email protected]]

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Notes de recherche

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Siete años en la Sierra Gorda: exploraciones en la Plaza El Mirador de Tancama, Querétaro

Daniel Juárez Cossío

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en juin 2013, accepté pour publication en février 2014.

Originalmente este trabajo fue preparado para ser presentado en el marco del II Simposio internacional de estudios antropológicos e históricos de la Sierra Gorda, celebrado en el Museo Histórico de la Sierra Gorda en la ciudad de Jalpan de Serra, del 22 al 26 de noviembre del 2011. Por diversas circunstancias no tuvimos oportunidad de presentarlo en aquella reunión. Con el aprecio de siempre para Lorenzo Ochoa (1943-2009), cuya discusión sobre algunos de los problemas que nos plantea Tancama se quedaron en el tintero... Somos el recuerdo, casi perdido, de un hecho remoto. Somos seres y cosas invocados mediante una fórmula de nigromancia (Salvador Elizondo, Farabeuf o la crónica de un instante, 1965)

1 Entre los años del 2005 al 2012 exploramos y consolidamos diversas partes del sitio de Tancama (Figura 1); en especial los edificios que ocupan las plazas El Mirador y Santiago del asentamiento (Figura 2).

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FIG. 1 – Mapa de la región central de México [Romero].

FIG. 2 – Plano topográfico de Tancama elaborado [Reyes Sánchez].

2 También tuvimos oportunidad de sondear algunas otras construcciones que se distribuyen alrededor de la Plaza La Promesa. No obstante, en este trabajo centraremos

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nuestro interés sólo en la información derivada de El Mirador. A grandes rasgos debemos señalar que dicho conjunto muestra dos grandes etapas constructivas, las cuales quedan comprendidas dentro de la fase Tzanub del periodo Clásico Tardío entre los años 500 al 700 d.C. Sin embargo, hay elementos para suponer que el desarrollo cultural del sitio se extendió muy ligeramente por encima de los inicios de la fase Atic del Clásico Terminal, fechada entre los años 700 y 800 d.C. Aspecto que desde nuestro particular punto de vista debe ser revisado cuidadosamente bajo nuevas evidencias. En este sentido es importante mencionar que la secuencia propuesta para Tancama, la cual fue elaborada por Espinosa Ruiz (2011, p. 177), muestra cierta afinidad tipológica y cronológica con la que formuló Michelet (1996) para la meseta de Río Verde (Figura 3).

FIG. 3 – Correlación de secuencias cerámicas para los valles de la Sierra Gorda [Espinoza Ruiz 2011].

3 Conviene agregar que algunos pozos estratigráficos que realizamos en la Plaza El Mirador, evidenciaron la presencia de una ocupación más temprana. En efecto, la cerámica que allí recuperamos parece asociarse con la fase Pap del Clásico Temprano, situada entre los años 250 al 500 d.C. Sin embargo, dicha ocupación es poco clara y no ha sido posible caracterizarla adecuadamente, debido a que sólo detectamos algunos restos dispersos de construcciones en pésimas condiciones y aun el material cultural también ha resultado escaso. Pese a ello, los fechamientos de radiocarbono procesados por De los Ríos Paredes en la Subdirección de laboratorios y apoyo académico, confirman que los depósitos más profundos de los Edificios 8, 3 y 6 presentan rangos de ocupación que pueden remitirse a los años 230 d.C., 240 d.C., y 350 d.C. respectivamente 1.

4 Al declinar el sitio durante el comienzo de la fase Atic, se percibe un cese de actividades durante un lapso que parece prolongarse por alrededor de 300 años. No será sino en las capas superiores de las calas practicadas al Edificio 2, cuando encontremos nuevamente

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evidencias de actividad, con materiales asociados a fechamientos de radiocarbono que giran alrededor del año 1200 d.C.

5 Posterior a dicho hiato, alrededor del año 1200 d.C., al parecer grupos de filiación huasteca utilizaron el lugar como espacio sagrado o de peregrinaje. Eso es evidenciado por la colocación de entierros y ofrendas en lugares notoriamente seleccionados, como lo confirman los análisis de Espinosa Ruiz (2011) y García Pura (2011). Algunas de las vasijas presentes en estos contextos muestran una decoración en negro sobre blanco, la cual, en opinión de Merino Carrión y García Cook (1987, p. 62), llegó a la cuenca baja del Pánuco alrededor del año 1000 d.C.

6 El propósito de este trabajo es dara conocer los resultados de las excavaciones en Tancama a lo largo de los últimos siete años. En la primera parte trataremos de caracterizar el asentamiento desde la perspectiva que nos ofrece el desarrollo arquitectónico de la Plaza El Mirador, cuyo referente será la secuencia propuesta por Espinosa Ruiz (2011) derivada del análisis cerámico. En la segunda parte buscaremos comprender los mecanismos de distribución e intercambio que al parecer favorecieron la integración de la Sierra Gorda y Tancama con otras esferas regionales. Para enmarcar ésta participación, discutiremos fundamentalmente los resultados obtenidos mediante el análisis de elementos traza a un conjunto de artefactos de obsidiana (Juárez Cossío et al. 2009b); así como las técnicas de manufactura identificadas en los materiales conquiliológicos (Velázquez Castro, Valentín Maldonado y Zúñiga Arellano 2011).

La Plaza El Mirador como espacio construido

7 El sitio de Tancama se localiza a poco más de 12 km al sureste de Jalpan de Serra, en el camino que conduce hacia la población de Landa de Matamoros (Figura 1).

8 El núcleo de construcciones más destacadas ocupa el pie de monte de una eminencia secundaria conocida como Cerro Alto (Figura 2). Está limitado por dos arroyos de corriente temporal que descienden suavemente hacia el valle para incorporarse al curso del río Jalpan. La pendiente del terreno fue adaptada mediante un sistema de terrazas, en las cuales se erigió el conjunto de arquitectura cívico-ceremonial. De esta manera, la configuración general del asentamiento en su recorrido se percibe como una organización lineal, orientada de suroeste a noreste.

9 Si bien la Plaza El Mirador ocupa el extremo suroeste del eje y constituye el punto más elevado y restringido del conjunto, es importante mencionar que sobre la pendiente y siguiendo la misma orientación hacia el Cerro Alto, sobre la cota 988.00, localizamos un complejo residencial que articula por lo menos ocho unidades domésticas. El acceso hacia la Plaza El Mirador se logra ingresando desde la Plazoleta La Promesa en la parte más baja y cercana al arroyo. En su configuración general, dicha plazoleta muestra como elemento centralizador del espacio el voluminoso Edificio 17, a la manera de la Plaza El Mirador pero a una escala más modesta. Desde aquí ascendemos a la siguiente terraza denominada Plaza Santiago que es de gran amplitud. Su costado oriente está limitado por los Edificios 13, 14 y 15; y al poniente se sitúa el Edificio 11, los cuales visualmente acotan el flujo de acceso hacia la siguiente terraza, la de El Mirador. Esta última es de forma cuadrangular. Se encuentra limitada al oriente por los Edificios 7 y 8 que se integran como una sola unidad. Al sur destaca el Edificio 1, cuya monumentalidad le da carácter al conjunto y establece un interesante perfil con el Edificio 2 a su costado izquierdo. Al poniente se encuentran los edificios 3 y 4. El límite

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norte lo cierran los Edificios 5 y 6, mientras el centro del conjunto es ocupado por la cancha del juego de pelota. De entre todos estos edificios, sólo el 2 es de planta circular y el 3 de planta absidal; muy similar ésta última a la arquitectura huasteca que se ha documentado en sitios como Tamposoque por Meade (1942, p. 194), así como las identificadas por Du Solier (1945) en Tancanhuitz, además de las exploradas por G. y C. Stresser-Péan (2001) en Tamtok y Martínez (2005, p. 24) en El Clérigo, Tamazunchale. Las demás construcciones son de planta rectangular.

10 El Edificio 6 constituye el nodo de articulación entre las plazas Santiago y El Mirador. De acuerdo con las evidencias que se conservan, la fachada norte del monumental basamento contaba con seis cuerpos, cuyos desplantes aún podemos observar al igual que algunos de sus rasgos formales. Destaca en este sentido el aparejo de la mampostería, asociado con toda seguridad a su tercera y última etapa constructiva. En efecto, el primer cuerpo se distingue por el uso de lajas dispuestas verticalmente y rematadas por lajas a « soga », esto es colocadas horizontalmente. Más evidentes aún, son los aparejos del cuarto y quinto cuerpos que presentan la misma disposición, sólo que empleando lajas más pequeñas y mejor recortadas. Resulta posible suponer que esta forma de aparejar la mampostería pudiese ser un rasgo distintivo de la transición entre las fases Tzanub y Atic (Figura 4).

FIG. 4 – Fachada norte del Edificio 6 visto desde la Plaza Santiago [Foto Juárez Cossío].

11 Una escalinata monumental debió encontrarse adosada al basamento, cuyos únicos restos constituyen la huella del primer peldaño. Por lo que toca a la parte superior, resulta difícil determinar con precisión la forma y características de la construcción que coronaba el basamento debido al intenso saqueo que sufrió casi todo el conjunto. Sin embargo, consideramos que no es aventurado suponer que debió albergar algún tipo de estructura porticada, ya que la fachada sur también cuenta con escalinata hacia la Plaza El Mirador. Otro aspecto interesante del edificio es que se trata de las pocas estructuras que muestran tres etapas constructivas. De ser correcta nuestra apreciación, esto presupondría que cuenta con una de las más largas secuencias

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arquitectónicas dentro del conjunto, la cual comprendería al menos desde finales de la fase Pap, cuando suponemos se colocaron los rellenos de la plaza, para dar paso a las nuevas construcciones que se mantuvieron hasta el inicio de la fase Atic.

12 Para tratar de comprender el desarrollo arquitectónico del edificio, durante la temporada del 2006, Romero realizó un sondeo en uno de los puntos del edificio que aparentemente era de los menos alterados. La información aportada por dicho perfil estratigráfico fue limitada, ya que sólo se localizaron dos pisos de barro y un fogón; elementos que en definitiva no ayudaron a comprender el proceso. Si bien la exploración y consolidación de la fachada norte del edificio quedó concluida durante la temporada 2009, consideramos necesario que se realicen excavaciones intensivas en algunos otros puntos que permitan definir con mayor precisión sus características formales y comprender mejor su desarrollo arquitectónico. Este edificio en particular nos plantea serias interrogantes respecto al desarrollo del asentamiento durante el Postclásico. Conviene recordar que a partir de la fase Atic alrededor del año 700 d.C., ya no hay evidencia clara de construcciones en el sitio, al menos en el conjunto principal. Adicionalmente, Espinosa Ruiz (2011) identificó, tras el hiato ocurrido entre los años 800 y 1200 d.C., la presencia de material cerámico al que sitúa dentro de una fase que denomina Tzacam y que parece dar inicio precisamente alrededor del año 1200 d.C. Se trata de una fase difusa, cuyos materiales cerámicos aparecen asociados con enterramientos que hasta el momento sólo hemos detectado en la Plaza El Mirador y de manera muy acotada en los Edificios 1, 6 y 8. Conviene agregar que dichos entierros fueron acompañados de un ajuar en el que destacan objetos de concha, obsidiana y cobre, confirmando éste último material, junto con nuevas pautas funerarias, una ocupación tardía.

13 En efecto, a lo largo de las diversas temporadas de campo se han recuperado numerosos enterramientos. Su análisis estadístico sugiere ciertas tendencias respecto a los patrones de orientación que podrían indicar su adscripción temporal con las fases definidas para el sitio. De los pocos elementos que nos permiten definir la fase Pap, además de la cerámica, son algunos entierros, cuya orientación céfalo caudal utiliza indistintamente los ejes este a oeste y viceversa. Durante el lapso transicional entre Pap y Tzanub, hay una preferencia por el eje oeste a este. Para la fase Tzanub se distingue la predilección por el eje norte a sur o noroeste a sureste. En cambio para la fase Tzacam del Postclásico Temprano, se privilegiaron las orientaciones sur a norte o sureste a noroeste, como lo ha señalado García Pura (2011, p. 118). Otro rasgo que llama la atención en los enterramientos de la fase Tzacam, es la presencia del tipo cerámico Huasteco negro sobre blanco que Ekholm (1944) describió en su fase Pánuco VI. Esta cerámica, como mencionamos párrafos más arriba, fue asignada por Merino Carrión y García Cook para la fase Tamul en la cuenca baja del Pánuco. Por su parte, Espinosa Ruiz la incluye dentro de lo que ha dado en llamar como fase Tzacam, la cual, como ya indicamos, no cuenta con evidencias arquitectónicas. Esto es precisamente lo que nos ha llevado a plantear la posibilidad de que grupos de filiación huasteca migraron hacia la región o transitaron por ella. No sabemos si como parte de asentamientos temporales dentro de ciertos espacios, o bien como estaciones procesionales que tenían como propósito resemantizar determinados lugares que implicaron una concepción particular en sus ritos funerarios.

14 Para aportar más elementos de análisis a la discusión sobre la fase Tzacam, quizás resulte conveniente agregar los resultados preliminares que se obtuvieron durante la

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exploración de tres pequeñas unidades domésticas. Se trata de los Edificios 2-A, 12 y 12- A. El primero está situado en el ángulo suroeste de la Plaza El Mirador, es de planta rectangular y sólo conserva parte de su desplante, indicado por bloques rectangulares bien cortados (Figura 5).

FIG. 5 – El edificio 2-A aparece en primer plano y al fondo el Edificio 3 [Foto Juárez Cossío].

15 El segundo ocupa prácticamente la porción media de la Plaza Santiago y presenta las mismas características. El tercero se localizó al costado poniente del Edificio 12 y sólo se conserva parte de su fachada. Por su configuración, los tres se disparan drásticamente de las características arquitectónicas que distinguen a todo el conjunto. Sus contextos deposicionales son prácticamente inexistentes, de tal manera que resulta sumamente difícil establecer su temporalidad. Sin embargo, es importante señalar que asociados a las dos últimas unidades domésticas, se registraron los entierros 37 y 38 intruyendo desde superficie, aunque sin ningún tipo de material cultural que permita adscribirlos temporalmente con alguna de las fases reconocidas para el sitio. No obstante por su posición estratigráfica, podríamos sugerir que corresponden a la fase Tzacam. Resulta notable que el Edificio 12-A se sitúa sobre el eje de acceso hacia el Edificio 6, lo cual evidentemente rompe con la lógica del recorrido para alcanzar la Plaza El Mirador. Estas consideraciones nos permiten sugerir que ambos edificios fueron trazados y ocupados cuando ya el sitio se encontraba en ruinas y era sólo un vago recuerdo. De ser correcta nuestra interpretación, ambas estructuras podrían considerarse por el momento, como los únicos testimonios arquitectónicos de la fase Tzacam.

16 Al centro de la Plaza El Mirador se sitúa el juego de pelota (Figura 6) orientado de noroeste a sureste. La cancha se encuentra abierta en ambos extremos y resulta particularmente interesante la configuración de sus perfiles, ya que ninguno de los cuerpos muestra el talud que los caracteriza, lo que no es inusual en el norte de

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Mesoamérica como señala Taladoire (com. pers., 2013) 2. Su exploración y consolidación la realizamos en 2009.

FIG. 6 – El Juego de Pelota visto desde el Edificio 6. Resulta interesante observar, del lado izquierdo, los agregados que prolongan la banqueta [Foto Juárez Cossío].

17 En la estructura norte se distinguen tres cuerpos cuya planta general tiene la forma de una « T ». El primero corresponde a la banqueta; el segundo sólo aparece indicado por bloques alineados que marcan el desplante de un paño; y al tercero quizá podríamos considerarlo como una forma de moldura superior o cornisa. Los extremos de la banqueta muestran agregados que sugieren su ampliación, aunque otra de las modificaciones más interesantes a este elemento arquitectónico fue la superposición de unos escalones casi al centro. La estructura sur es prácticamente idéntica a la anterior, incluidos los agregados que prolongan la banqueta del edificio hacia sus extremos. La única diferencia notable la constituye la integración de un basamento de planta cuadrangular, lo que sugiere su concepción bajo un mismo programa arquitectónico. El cuerpo del basamento muestra un talud poco pronunciado y escalinatas con alfardas sobre las fachadas oriente y poniente. Quizás uno de los rasgos más característicos de esta estructura, fue el registro de una enorme losa descansando sobre los escombros de la fachada poniente del basamento, ya que pudiera tratarse de una estela lisa asociada con la cancha.

18 Los sondeos que realizamos en este edificio dejan en claro que su programa arquitectónico correspondió a una sola etapa constructiva. Esto parece confirmarlo el aparejo de su mampostería, hecha mediante bloques rectangulares bien cortados cuya fábrica debió realizarse durante la fase Tzanub. El problema surge con los agregados que registramos en los extremos de la banqueta y la incorporación de los escalones. No resulta claro si esta ampliación logró concretarse o quedó inconclusa durante la transición entre las fases Tzanub y Atic, como lo fue el caso del Edificio 2 que veremos

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más adelante. Aunque también podríamos pensar que la piedra fue retirada para utilizarse en otras construcciones ya desde la época prehispánica, como parece ser el caso de la cancha explorada en San Antonio Nogalar (Stresser-Péan 2000, p. 107; Taladoire 1981, p. 22); aunque consideramos que esto último resulte lo menos probable, dado que tampoco hay evidencia de núcleos.

19 En principio, ambas canchas muestran cierta similitud desde su emplazamiento, pues ocupan el centro del conjunto ceremonial y mantienen poco más o menos la misma orientación. Stresser-Péan menciona que el edificio fue abandonado y la piedra se reutilizó para otras construcciones, quizá por ello no vemos elementos que evidencien la presencia de paramentos en talud que son tan característicos de estas formas arquitectónicas. También conviene recordar que el Juego de Pelota Sur de Tajín mantiene un eje en dirección oriente a poniente; ha sido fechado para finales del Clásico a inicios del Postclásico, esto es entre los años 800 a 1150 d.C., y en él destaca la ausencia de talud. Al respecto, Brüggemann (1992a, 1992b) supuso que estos elementos, aunados a que es el único de los 17 juegos que hay en Tajín sin marcadores y con la cancha abierta, podrían ser indicadores de una función más de carácter ceremonial que para la práctica del juego mismo; aunque no aporta mayores elementos a esta propuesta. En opinión de Stresser-Péan, las canchas con extremos abiertos son comunes en la Huasteca durante el Postclásico Temprano, generalmente orientadas de norte a sur. Aparentemente la región de Río Verde y algunos sitios en la Sierra Gorda, como Ranas y Toluquillla, compartirían tales rasgos, aunque éstos últimos han sido fechados para el Clásico Tardío. En la región de Río Verde, Michelet (1986) menciona al menos 15 asentamientos con canchas abiertas, en las cuales, aunque con orientaciones variables, predomina el eje oriente-poniente en aquellas que se asocian con la fase Río Verde A y están integradas a la plaza principal. Sólo en el sitio de Granjeno se aprecia el adosamiento de un basamento a la estructura de la cancha, que si bien no es similar al que muestra Tancama, su presencia resulta significativa.

20 El Edificio 1 se sitúa al sur de la Plaza y es el de mayores dimensiones en el conjunto 3. Lamentablemente también fue de los más saqueados y utilizado como banco de material, ocasionando que se perdiera poco más del 75% de su volumen. Una cala practicada en 2007 sobre su fachada poniente dejó al descubierto una estructura sub así como los restos del primer cuerpo que pertenecieron a la segunda etapa constructiva (Figura 7).

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FIG. 7 – Cala sobre la fachada poniente del Edificio 1 donde se muestran las dos etapas constructivas [Foto Juárez Cossío].

21 Consideramos que la estructura sub perteneció a la primera etapa, ya que hasta el momento no tenemos evidencia de construcciones previas. De este antiguo basamento sólo se conserva parcialmente la esquina noroeste. Esto sugiere que su planta fue de forma rectangular con un cuerpo en talud, cuya altura debió alcanzar los 4 m. En la parte superior del edificio practicamos un pozo de sondeo con el propósito de conocer las características de la estratigrafía y determinar la presencia de pisos que pudieran asociarse al menos con las dos etapas identificadas. Si bien no se localizó ninguno, detectamos en cambio un paramento vertical que alcanza poco más de 1.60 m de altura el cual se asocia con la primera etapa. Corresponde al muro de un recinto que debió coronar el edificio y quizá la única evidencia que se conserve. Resultaría particularmente interesante plantear una excavación extensiva en esta porción del edificio, para tratar de establecer sus límites y configuración. Es por otra parte la única ventana más o menos nítida donde podemos asomarnos para buscar respuesta a las nebulosas fases Pap y Tzacam. En efecto, esta estructura sub es prácticamente la única referencia clara sobre la ocupación temprana del sitio, confirmada sólo a través de la cerámica y mediante el aparejo de lajas pequeñas colocadas a « soga » formando lienzos verticales a manera de « tareas », rasgo que no observamos en ninguna otra construcción del sitio. De ser correcta nuestra observación, podríamos situarlo cronológicamente y de manera muy conservadora hacia el final de la fase Pap o en el momento de transición hacia Tzanub. Es decir, cuando se colocaron los rellenos de la Plaza El Mirador.

22 Por lo que toca a la fase Tzacam, fue en esta porción del edificio donde localizamos un entierro colectivo que registramos con el número 8, cuya asociación con el Postclásico se evidenció por los objetos que formaban parte de su ajuar. En él destaca un par de aretes elaborados en cobre figurando una flor con cuatro pétalos de la que pende una

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mariposa, así como un collar de conchas elaborado mediante 12 ejemplares de Melongena patula, cuyo estudio, junto con otros materiales conquiliológicos recuperados en esta región, fue realizado por Velázquez Castro, Valentín Maldonado y Zúñiga Arellano (2011).

23 La construcción de la segunda etapa se asocia claramente con la fase Tzanub. Para ello se dispuso una banqueta perimetral dentro de la cual quedó confinada la estructura sub. Los cuerpos del basamento se construyeron a partir de paños verticales mediante una mampostería que integró por igual lajas y bloques rectangulares. La altura máxima que registramos en el primer cuerpo, el único que se conserva, es de aproximadamente 1.30 m. No sabemos si mostraba algún tipo de remate o moldura superior y tampoco si ésta era la altura promedio de cada cuerpo. Sin embargo, la relación entre pendiente y altura que describe el volumen del basamento en esta porción, la menos alterada, permite sugerir que el edificio debió contar con seis cuerpos y alcanzó una altura promedio de entre 7 y 8 m.

24 El Edificio 2 se localiza al costado poniente del Edificio 1 separado por un estrecho callejón. Es de planta circular y tiene dos cuerpos. Su exploración y consolidación fue realizada en 2008 (Figura 8).

FIG. 8 – Edificio 2 [Foto Juárez Cossío].

25 Ese mismo año practicamos un sondeo para verificar la presencia de estructuras sub, y detectamos cinco niveles de piso que corresponden a dos etapas constructivas con sus respectivas modificaciones (Figura 9).

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FIG. 9 – Perfil estratigráfico y arquitectónico del Edificio 2.

26 Durante la primera etapa se construyó el basamento de planta circular con un talud poco pronunciado. Sobre el basamento se desplantó la estructura circular con poco menos de 20 cm de altura y recubierta por un piso de estuco blanco. La primera modificación se limitó a colocar un piso de barro directamente sobre el anterior y la última consistió en la colocación de un relleno de poco más de 10 cm de altura, que fue sellado mediante un piso hecho con una mezcla de choy 4 y cal. De acuerdo con los resultados del análisis cerámico, el sustrato sobre el cual se desplantó el basamento muestra un componente más o menos equilibrado entre las fases Pap y Tzanub. En cambio los materiales que conforman el relleno de la primera etapa pertenecen básicamente a la fase Tzanub.

27 Durante la segunda etapa la estructura circular incrementó su altura mediante la colocación de un nuevo relleno. Éste fue sellado por un piso de estuco en cuya superficie identificamos los restos de un fogón. La última modificación elevó una vez más la altura de la estructura, sólo que en esta ocasión el relleno recibió un piso hecho con ceniza y limo conocido como atocle 5. Conviene señalar que prácticamente en todos los rellenos localizamos restos de bajareque, aspecto que aunado a la identificación del fogón sugiere de manera convincente que la estructura (en realidad la superestructura que la coronaba) fue utilizada básicamente como vivienda. Debemos agregar finalmente que contamos con elementos que indican la posible introducción de una tercera etapa constructiva que no llegó a formalizarse. En efecto, al iniciar la excavación mediante calas de aproximación en la fachada norte, localizamos los restos de un cuerpo que en principio consideramos formaban parte del basamento. Conforme avanzó la excavación nos percatamos que en realidad este cuerpo se encontraba cubriendo sólo parcialmente el segmento noreste del edificio, lo cual nos llevó a suponer que correspondía a una nueva etapa constructiva que nunca se concretó, sobre todo si consideramos sus características formales. Las mamposterías en las dos primeras etapas se levantaron mediante bloques rectangulares y bien cortados, los cuales generalmente no exceden 40 cm de largo y en cuyo aparejo se incorporaron lajas de hasta 25 cm. La mampostería

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del último agregado se realizó con bloques más grandes que superan los 60 cm, cuya cara expuesta es rectangular y fue desbastada a la manera de un almohadillado sumamente rústico (Figura 10).

FIG. 10 – Detalle de la sección noreste del Edificio 2, donde se observa el agregado de la tercera etapa constructiva [Foto Juárez Cossío].

28 Estos sillares fueron cortados de forma triangular para facilitar el ensamble del cuerpo circular. Este rasgo es compartido por el Edificio 3 como veremos más adelante. También observamos que el agregado ocultó prácticamente el arranque de la escalinata, la cual aparentemente fue desmontada para recibir el nuevo cuerpo que la cubriría. Finalmente la excavación evidenció que un pequeño tramo del segundo cuerpo, situado sobre su costado oriental, fue desmontado parcialmente para colocar en ese hueco un entierro en decúbito lateral izquierdo flexionado, quizás a manera de ofrenda para clausurar ritualmente el edificio (Figura 11). Durante esta última modificación hay evidencia de materiales asociados con la transición entre las fases Tzanub y Atic, a la cual seguramente se vinculó la tercera y última etapa.

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FIG. 11 –Entierro 2 situado sobre el primer cuerpo del Edificio 2 [Foto Juárez Cossío].

29 El Edificio 3 se sitúa sobre el costado poniente de la Plaza El Mirador. Su exploración y consolidación la realizamos en 2005 (Figura 12).

FIG. 12 – Edificio 3 enmarcado por el cerro Los Cañones [Foto Juárez Cossío].

30 Al año siguiente practicamos pozos de sondeo para establecer la presencia de estructuras sub, así como para conocer las características del relleno en la plaza. Si bien los resultados preliminares de la excavación los dimos a conocer en el Taller

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Arqueología de la Huasteca (Juárez Cossío et al. 2009a), conviene recordar que el edificio muestra dos etapas constructivas claramente definidas.

31 Durante la primera etapa se construyó el basamento de planta absidal que muestra un talud poco pronunciado y rematado por una especie de moldura en forma de media caña. Sobre este basamento se asentó el segundo cuerpo de planta circular con piso de barro. Las siguientes dos modificaciones muestran sólo la elevación del segundo cuerpo, cada una con sus respectivos pisos de barro. La última modificación realizada a esta primera etapa consistió no sólo en la elevación del segundo cuerpo con su correspondiente piso de barro, sino que a la escalinata se le incorporaron alfardas. La mampostería que caracteriza este edificio se distingue por el empleo de bloques rectangulares bien cortados y lajas. Todo parece indicar que esta etapa queda comprendida dentro de la fase Tzanub (Figura 13).

FIG. 13 – Reconstrucción hipotética de la Estructura sub 3 durante su última modificación, cuando se le colocaron alfardas a las escalinatas [Dibujo Reyes Sánchez].

32 Para la segunda etapa, ocurrida quizás durante la transición entre las fases Tzanub y Atic, se aprovechó el basamento aparentemente sin modificación alguna, aunque habría que pensar en la posibilidad de que la escalera fuese reconstruida. Sobre el basamento se desplantó el nuevo cuerpo circular envolviendo al anterior. Las características de esta mampostería son similares a las que muestra lo que suponemos era la tercera etapa incompleta del Edificio 2. Es decir, enormes bloques de cara rectangular cortados en forma de cuña triangular para facilitar el ensamble del cuerpo circular. Este nuevo cuerpo del edificio recibió un piso de atocle, muy similar al descrito para el Edificio 2. Finalmente al edificio sólo se le hizo una última modificación, que consistió en elevar el nivel del cuerpo para colocar un piso de barro donde documentamos la presencia de un fogón. Todo parece indicar que durante ambas etapas y en sus diversas modificaciones

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el edificio fue utilizado como habitación, no sólo por el fogón sino que además, en los diferentes rellenos que se fueron acumulando, se localizaron fragmentos de bajareque.

33 Otro aspecto a destacar lo constituye el hallazgo de un enorme bloque rectangular de piedra, partido en dos y recargado sobre la escalinata. Es probable que se trate de una estela lisa, similar a la que registramos en la fachada poniente del Juego de Pelota, así como a la que localizó López Hernández (2011, p. 102) frente al Edificio 1. Resulta interesante señalar que son pocos los reportes que mencionan la presencia de estelas lisas en otros asentamientos. El problema deriva quizás en la dificultad de identificarlas, particularmente si éstas no se encuentran in situ. Casos excepcionales son los cinco fragmentos de Las Higueras reportados por Arellanos Melgarejo (2006, p. 208), quien prudentemente anota: « se infiere fueron estelas » pertenecientes al Clásico Tardío. Es oportuno recordar que, tras su abandono hacia finales del Preclásico superior, Las Higueras fue reocupado hasta el Clásico Tardío que corresponde con la fase Acacalco; una época de gran vigor cultural que recibió la influencia de: « Teotihuacan, de manera prístina, y El Tajín como lógica acción secundaria » (ibid., p. 407). Otro caso interesante lo constituyen las estelas 2 y 12 de Cerro de las Mesas reportadas por Stirling (1943, p. 33), la primera localizada in situ en la base del montículo de la Plaza 1, y la segunda en la Plaza 3. Aunque los monumentos no están fechados, conviene recordar que durante el periodo Clásico este asentamiento recibió influencias de El Tajín y Teotihuacán alrededor del 650 d.C.

34 Debemos agregar finalmente que sobre la plaza y cerca del edificio se practicaron algunos sondeos, cuyo resultado fue la detección de un relleno con poco más de 1.40 m de espesor, donde aún se conservan restos de muros calcinados. Probablemente estas construcciones podrían asociarse con la fase Pap.

35 El Edificio 4 se sitúa hacia la esquina noroeste del conjunto. Es de planta cuadrangular y presenta dos cuerpos. Su exploración y consolidación la llevamos a cabo en 2008 (Figura 14).

FIG. 14 – Edificio 4 [Foto Juárez Cossío].

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36 Uno de los pozos de sondeo practicados en la esquina sureste del basamento reveló la presencia muy tenue de una primera etapa constructiva (Figura 15).

FIG. 15 – Planta de la esquina sureste del Edificio 4 donde se puede apreciar la estructura sub.

37 En efecto, en esta porción detectamos el desplante del edificio apenas indicado por una hilada de piedras, cuyo contorno, aunque más reducido, es idéntico al de la segunda etapa. Resulta muy probable suponer que esta primera construcción fue desmantelada para reutilizar la piedra en la ampliación que se hizo al edificio. Al centro del edificio practicamos un pozo de sondeo que nos posibilitó observar un perfil con cinco rellenos claramente diferenciados; sin embargo no tenemos evidencia de piso alguno. Bajo estas consideraciones, resulta difícil seguir con precisión su desarrollo arquitectónico. No obstante, cuando realizamos la limpieza de las escaleras para su consolidación, observamos que éstas no fueron desmanteladas y quedaron cubiertas por el relleno. Por lo que toca a la segunda etapa, sabemos que el edificio fue ampliado y seguramente ganó altura con relación a la construcción anterior. Resulta oportuno indicar, respecto al aparejo en la mampostería, que ésta utilizó bloques de piedra rectangulares bien cortados así como lajas. En cuanto a la escalera, además de incorporar un amplio descanso para enfatizar el volumen del segundo cuerpo, integró gruesas alfardas como rasgo distintivo. Cabe destacar que, si bien no detectamos elementos tales como pisos o fogones que indiquen claramente su uso habitacional como en los dos edificios anteriores, tenemos en cambio fragmentos de bajareque así como evidencia de una importante concentración de basura en la fachada posterior, entre cuyos escombros, además de fragmentos de cerámica, localizamos un patojo. Todo parece indicar que esta casa fue habitada a lo largo de la fase Tzanub.

38 El Edificio 5 ocupa el ángulo noroeste de la Plaza El Mirador conformando el límite de la terraza respecto a la Plaza Santiago. También lo exploramos y consolidamos en 2008. Se

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trata de una pequeña plataforma habitacional de planta rectangular. No es muy alta pues difícilmente alcanza los 30 cm. El aparejo de la mampostería es muy similar al que muestra la última etapa constructiva del Edificio 6 en su fachada norte. Es de lajas rectangulares dispuestas en posición vertical que son rematadas por lajas a « soga » (Figura 16).

FIG. 16 –Edificio 5 [Foto Juárez Cossío].

39 Aparentemente el edificio no cuenta con estructuras sub o al menos no las detectamos en los pozos que se practicaron. La escalinata tiene dos huellas y está limitada por una alfarda sencilla. En la parte superior sólo observamos una hilada de piedras que seguramente constituye la cimentación de una superestructura hecha de bajareque. Por los materiales asociados, es factible suponer su construcción durante la segunda mitad de la fase Tzanub y prácticamente durante la transición hacia la fase Atic.

40 El Edificio 7 se localiza hacia el ángulo noreste de la plaza (Figura 17).

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FIG. 17 – Edificio 7 [Foto Juárez Cossío].

41 Es de planta rectangular y tenemos la impresión de que sólo tuvo dos etapas constructivas; aunque no podemos descartar la idea de que una más temprana obligó a desmantelar parte de sus fachadas para reutilizar los materiales en edificaciones subsecuentes. Lo que hemos considerado como parte de la primera etapa corresponde a un basamento con poco menos de 0.90 m de altura, cuya extensión no podemos precisar ya que sobre la fachada sur se adosó el Edificio 8 (Figura 18), mientras que la fachada norte prácticamente desapareció con la siguiente construcción.

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FIG. 18 – Detalle de la integración entre los edificios 7 y 8 [Foto Juárez Cossío].

42 Los muros que forman parte de esta estructura inicial sólo fueron detectados en un tramo de la fachada principal. Su aparejo consiste en enormes lajas colocadas verticalmente y rematadas por lajas « a soga », evidenciando un talud ligeramente pronunciado. Los restos de su escalinata son visibles bajo la escalinata de la segunda etapa. La última construcción alteró sensiblemente todo el contexto, ya que prácticamente se arrasó la estructura para renivelarla y reutilizar la piedra en la renovación del basamento. Sólo se respetó el tramo correspondiente a la escalinata, la cual se utilizó como soporte para colocar una nueva. Destaca en este sentido el descuidado tratamiento del aparejo con relación al resto de los edificios explorados hasta el momento, ya que en él se integraron indistintamente bloques rectangulares y piedras « rostreadas ». Sobre el basamento se construyó un cuerpo bajo del que apenas se conserva el desplante, el cual sirvió de apoyo a un recinto rectangular que seguramente se levantó con materiales perecederos. Podríamos sugerir, a partir del sistema constructivo, que este edificio se erigió durante la transición entre las fases Tzanub y Atic; sin embargo hay materiales que parecen evidenciar su incorporación al conjunto arquitectónico desde la fase Tzanub, aunque los elementos con que contamos en este momento no son del todo contundentes.

Las esferas de interacción

43 Uno de los problemas planteados por el Proyecto Arqueológico Valles de la Sierra Gorda (PAVSG), ha sido tratar de comprender la manera en que esta región se articuló con otras áreas a partir de su posición relativamente estratégica dentro de los circuitos de distribución e intercambio. En el caso de la Sierra Gorda, parece indudable que las rutas de comunicación establecieron una clara relación con el accidentado paisaje, privilegiando los senderos más accesibles para aproximarse a las redes que les

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permitían establecer contacto con sus vecinos. La vía oriental desciende hacia la Huasteca y alcanza las serranías de Zacualtipán y Metzquititlán, así como el Centro- Norte de Veracruz. La ruta del norte establece una clara relación con la meseta de Río Verde. En el camino que se abre al suroeste, sus redes podían acceder hacia el Centro- Occidente hasta llegar a las cuencas lacustres de Michoacán y el Altiplano Central. Este planteamiento no es novedoso. Ya desde la década de los años cuarenta del siglo pasado fue sugerido por Noguera (1945) y retomado posteriormente por otros investigadores como Michelet (1996), Velasco (1978) y Langenscheidt (1988) entre otros, quienes perfilaron su importancia en términos del acceso diferencial hacia ciertos recursos, como la obsidiana y el cinabrio principalmente. Dicho control, como lo percibieron estos investigadores, favoreció la penetración de grupos huastecos y teotihuacanos durante el Clásico Temprano hacia esta región serrana. Actualmente podríamos replantear esta visión, sin dejar de reconocer la importancia que estas rutas tuvieron en el flujo de poblaciones y bienes entre las diversas esferas dentro de las cuales participó.

44 En cuanto al cinabrio, es un material que resulta difícil matizar su discusión debido a las dificultades que implica su vinculación con determinados yacimientos. No es así con la obsidiana, cuya caracterización geológica abre la posibilidad de debatir algunos problemas que plantea su circulación hacia determinadas regiones.

45 Vale la pena comentar los trabajos de prospección realizados por Nalda durante la segunda mitad de los años setenta en San Juan del Río, Querétaro. En efecto, durante aquel recorrido se localizaron minas de obsidiana cuya explotación parece haber ocurrido entre los años 400 a 800 d.C. (Nalda 1975). Esta información bien podría resultar consecuente con el planteamiento que presuponía la penetración de ciertos grupos a la región para establecer el control sobre este recurso, e incluso con las fechas de ocupación que hemos detectado en la Sierra Gorda. No obstante, cuando Pastrana revisó algunos yacimientos concluyó que su aprovechamiento fue más bien esporádico. También observó que las características de la obsidiana no eran apropiadas para « la elaboración de núcleos prismáticos », lo cual dificultaba proponer el desarrollo de una explotación especializada para su distribución por encima del consumo local, ya que estos yacimientos difícilmente podrían competir con los situados en el centro del Eje neo-volcánico. Adicionalmente, las navajas prismáticas elaboradas en obsidiana verde resultaron escasas y generalmente asociadas con sitios del Postclásico, en tanto que un complejo de navajas prismáticas elaboradas con obsidianas locales – de color negro o gris oscuro – no se había definido claramente entre el complejo de artefactos para la región (Pastrana 1991, p. 15).

46 Las excavaciones de Stresser-Péan (2000, p. 243) en San Antonio Nogalar al finalizar la década de los años sesenta, reportaron el hallazgo de 27 artefactos de obsidiana. Tres eran de color negro opaco y presumiblemente asociados con los yacimientos de Metzquititlán-Zacualtipán. El resto fueron de color verde translúcido que seguramente se vinculan con Cerro de las Navajas. Estos datos parecen acordes con las observaciones de Pastrana respecto a la calidad y distribución del material.

47 Cobean (2002) hace hincapié en que los yacimientos situados al sur de Querétaro no se han caracterizado arqueológica ni geológicamente, a pesar de que se conocen algunas formaciones que contienen obsidiana situadas entre las poblaciones de San Juan del Río, El Paraíso y Bernal. Uno de estos yacimientos es Rancho Navajas, localizado al oriente del poblado El Paraíso, aunque hasta el momento no se conocen minas

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asociadas a él. Los nódulos de obsidiana colectados son de color gris translúcido y de textura fina; sin embargo, éstos difícilmente alcanzan los 10 cm de diámetro. Vale la pena recordar que en un estudio previo de los años setenta sobre comercio de obsidiana en San Lorenzo Tenochtitlan, Cobean sugirió que los artefactos registrados en aquel sitio provenían de este yacimiento; no obstante, el mismo autor reconoció que análisis posteriores demostraron que éstos fueron elaborados con obsidiana de la región de Ucareo-Zinapécuaro 6.

48 Por lo que toca al yacimiento de Fuentezuelas, ubicado a 20 km al noreste de San Juan del Río, la obsidiana recolectada es de color gris claro y químicamente diferente a la de los flujos de El Paraíso, cuyos bloques alcanzan cerca de los 30 cm de diámetro. Finalmente, al oriente de Cadereyta de Montes, Cobean localizó desechos de talla de color negro casi opaca; sin embargo, como afirma este investigador, ninguno de los yacimientos muestra una asociación clara con la producción de navajas prismáticas (ibid., p. 72).

49 Bajo esta perspectiva y ante los pocos estudios que permiten caracterizar la obsidiana mediante el análisis de elementos traza, para establecer con mayor certeza las rutas de su itinerario, determinamos seleccionar una muestra de 42 objetos de obsidiana proveniente de los sitios Purísima y Tancama. Conviene aclarar que la selección de muestras no siguió parámetros estadísticos, lo que limita el alcance de nuestras conclusiones. Sin embargo, consideramos que establece ciertas tendencias que parecen mostrar los materiales en otros sitios. La muestra incluye desde fragmentos de artefactos hasta lascas y desechos de talla, los cuales fueron recuperados tanto en recolecciones de superficie como en contextos de deposición primarios. Adicionalmente debemos acotar que nuestro complejo de artefactos es hasta el momento notablemente reducido: la obsidiana ocupa alrededor del 70% del material lítico, mientras que el sílex apenas alcanza el 20% y el basalto escasamente llega al 10%. Tampoco contamos con fechamientos precisos por radiocarbono asociados a este utillaje, aunque la gran mayoría procede de contextos relacionados con la fase Tzanub y algunos otros con la fase Tzacam.

50 Los resultados muestran que los sitios de Tancama y Purísima privilegiaron el uso de la obsidiana proveniente de los yacimientos de Metzquititlán-Zacualtipán en Hidalgo, la cual ocupa casi el 70% de la muestra. En cambio los yacimientos de Sierra de las Navajas en Hidalgo, El Paraíso en Querétaro y Ucareo-Zinapécuaro en Michoacán aportaron cada uno aproximadamente 10% de los materiales (Juárez Cossío et al. 2009b). Si consideramos nuestros resultados bajo el esquema propuesto por Braswell (2003, p. 139), enmarcado en la visión del sistema-mundo mesoamericano, podríamos sugerir que los valles de la Sierra Gorda participaron, al menos durante el Clásico Tardío, de la llamada esfera Huasteca. Ésta parece haber privilegiado la explotación de los yacimientos de Metzquititlán-Zacualtipán en Hidalgo, cuyas obsidianas también se han reportado en los sitios de Urichu en Michoacán, Xochicalco en Morelos, algunas regiones de la Mixtequilla y el área maya, así como en sitios más alejados como Ayala en el Pacífico nicaragüense. Braswell también señaló que no se conocen datos precisos sobre la distribución de esta obsidiana para la Huasteca, lo que lamentablemente reduce aún más el espectro de nuestra información. Pese a ello, las observaciones de Pastrana, aunadas a los fechamientos establecidos por Nalda entre los años 400 y 800 d.C., así como los resultados que tenemos para la Sierra Gorda respecto a los

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yacimientos de Querétaro, parecen confirmar esta tendencia y abre la posibilidad de trazar las rutas que se tejieron durante el Clásico Tardío.

51 Vale la pena contrastar nuestros resultados con los de Cruz Jiménez (2005, p. 154) para el sitio Morgadal Grande en las inmediaciones de El Tajín, desde luego con las reservas que él mismo expresa. Las tendencias parecen incluir a este sitio en la esfera Huasteca de Braswell, lo que en el caso de ciertos yacimientos ayudaría a comprender mejor su posible interacción.

52 La situación geográfica de El Tajín en la región Centro-Norte de Veracruz establece una comunicación favorable con las cadenas montañosas de Hidalgo y la Sierra Norte de Puebla. Los resultados en el análisis de obsidianas colectadas en el territorio comprendido entre las cuencas del Cazones y Tecolutla dejan entrever la presencia de al menos siete yacimientos que lo abastecieron desde el Precerámico hasta el Postclásico Tardío: Zaragoza-Oyameles, Altotonga, Zacualtipán, Sierra de las Navajas, Tulancingo, Ucareo y El Paraíso (ibid., p. 155). De los yacimientos mencionados por el autor, sólo consideraremos para la discusión los identificados en nuestra propia muestra.

53 En opinión de Cruz Jiménez (ibid.) los materiales asociados al yacimiento de El Paraíso podrían resultar cuestionables, ya que las referencias hechas por Wilkerson (1989, p. 261) son insuficientes y sólo se mencionan para contextos precerámicos de la cuenca baja del Tecolutla. Respecto a los yacimientos de Ucareo-Zinapécuaro, Cobean y Healan coinciden en señalar la enorme demanda que éstos tuvieron durante el Epiclásico y Postclásico Temprano en diversos puntos de Mesoamérica (Cobean 2002, p. 64). En este sentido su llegada a El Tajín entre los años 900 a 1200 d.C. como sugiere Cruz Jiménez, parece consecuente con nuestros resultados para la Sierra Gorda. Por lo que toca a la presencia de obsidiana proveniente de Pachuca en la región de El Tajín, aparentemente tiene una representación sumamente reducida durante el Clásico como lo es también para la Sierra Gorda. Finalmente, la obsidiana procedente de los yacimientos de Metzquititlán-Zacualtipán parece haber llegado a El Tajín durante la fase El Cristo, entre los años 1100 y 1300 d.C., siguiendo la ruta de la sierra norte de Puebla entre Huayacocotla y Pahuatlán hasta alcanzar el río Cazones. Cobean (2002, p. 60) ha señalado que la principal zona comercial para este yacimiento fue probablemente la Huasteca, aunque destaca que no se han realizado análisis de elementos traza en artefactos provenientes de tales lugares.

54 A partir de esta información quizá podamos desprender algunas reflexiones respecto a la distribución y circulación de la obsidiana en términos de los contextos donde fue localizada. Resulta evidente que la obsidiana de color negro azabache se asocia claramente con los yacimientos de Metzquititlán-Zacualtipán y mantiene una amplia continuidad en Tancama, ya que se encuentra representada en contextos Pap, Tzanub y Tzacam. En cambio, las obsidianas de El Paraíso y Ucareo-Zinapécuaro se asocian básicamente hacia contextos que pertenecen a la segunda mitad de Tzanub y su traslape con Atic, mientras que la obsidiana de la Sierra de las Navajas parece asociarse más claramente con los contextos ya tardíos del Postclásico, aunque podría resultar probable su introducción durante la transición entre Tzanub y Atic. Conviene recordar que el complejo de artefactos recuperado hasta el momento en las excavaciones básicamente se reduce a navajas prismáticas 7.

55 Si a esta información incorporamos los resultados derivados del análisis de material conquiliológico realizado por Velázquez Castro, Valentín Maldonado y Zúñiga Arellano

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(2011), algunas de sus observaciones nos permiten tener un panorama más coherente sobre la participación de la Sierra Gorda, y Tancama en particular, en un ámbito más amplio. Los autores señalan que de los materiales estudiados, 78% de las especies marinas provienen de la región Panámica, mientras que sólo el 21% llegó de la costa del Golfo. Es decir, a pesar de su lejanía se privilegiaron los ejemplares del Pacífico, dentro de los cuales destaca la representación de tres especies: Melongena patula, Pinctada mazatlanica y Olivella volutella. En el caso de la primera, constituye una especie que difícilmente encontramos en otras regiones de Mesoamérica, no así en la región de la Huasteca, cuyo empleo parece que tuvo una difusión de cierta amplitud. Caso particularmente interesante parece ser la presencia de Olivella volutella, la cual, según comentan Velázquez Castro y colaboradores, es una especie reportada casi de manera exclusiva para Centroamérica, aunque eventualmente alcanza la costa de Chiapas. Quizá su presencia podría establecer alguna relación con las obsidianas de Metzquititlán-Zacualtipán registradas en las lejanas costas de Nicaragua. Otro aspecto a considerar en los resultados aportados por Velázquez Castro y colaboradores, consiste en la homogeneidad tecnológica que muestra la manufactura de los artefactos, independientemente de la provincia malacológica de la cual son originarios. Esto sugiere que su manufactura se realizó en un centro de producción específico o dentro de un ámbito que compartía la misma tradición tecnológica. Conviene puntualizar sin embargo, que estos materiales fueron recuperados en diversos sitios de la Sierra Gorda, cuya cronología aún no ha sido afinada. No obstante, podemos suponer con cierta certeza, que algunos forman parte de los contextos de la fase Tzacam.

Intento de síntesis y consideraciones finales

56 A grandes rasgos podemos sugerir que muy probablemente la ocupación de Tancama inició durante la fase Pap del Clásico Temprano entre los años 250 d.C. y 500 d.C. Aunque hay cerámica asociada con esta fase así como fechas de radiocarbono 8, desde el punto de vista arquitectónico son realmente escasos y pésimamente conservados los elementos con que contamos para su adecuada caracterización. Tal es el caso de algunos muros que localizamos entre los rellenos que conforman la Plaza El Mirador frente al Edificio 3. Es probable que los restos apenas perceptibles de estructuras de planta circular que se distribuyen en la parte posterior del Edificio 4 pudiesen asociarse con dicha fase. De tal manera que para comprender mejor esta etapa se deberían rastrear sus evidencias entre los depósitos de la Plaza, dentro del eje conformado por los Edificios 8, 1 y 3.

57 Si consideramos que fue durante la fase Tzanub del Clásico Tardío, entre los años 500 d.C. al 700 d.C., cuando Tancama se consolidó en el ámbito regional como parecen sugerir las evidencias, cabría suponer que esto favoreció su desarrollo como cabecera política. Bajo este esquema cabe preguntarse: ¿Cómo participaron y se integraron los valles a escala regional? ¿Se conformaron cabeceras políticas jerárquicamente estructuradas y dependientes de un centro mayor o fueron entidades con relativa autonomía? Los resultados preliminares que expusimos en 2009 (Juárez Cossío et al. 2009a) sugieren que cada valle contó con su propia cabecera política. Sin embargo, uno de los aspectos que resulta fundamental comprender, es la manera en que estos sitios lograron articularse y el papel que desempeñó San Rafael en el valle de San Ciro. Pues pareciera que por sus dimensiones, complejidad y posición dentro de la zona

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transicional entre la meseta de Río Verde y la región serrana, pudo funcionar como capital regional.

58 De ser correcta esta interpretación en términos de integración regional, se podría esperar que los asentamientos distribuidos dentro de los valles de la Sierra Gorda compartieran, durante el mismo corte temporal, una tradición cerámica común así como el flujo regular de bienes de consumo. En efecto, sabemos que a lo largo de su historia el abasto requerido de obsidiana lo proporcionaron fundamentalmente los yacimientos de Metzquititlán-Zacualtipán, al cual, durante la fase Tzanub se sumaron los yacimientos de El Paraíso en Querétaro y Ucareo en Michoacán. Esta apertura hacia el Centro-Occidente y Occidente parece ir a la par del consumo de artefactos de concha como bienes de prestigio entre las elites. Hasta donde tenemos evidencia, es que las materias primas han sido mayoritariamente originarias de la región Panámica, es decir de la costa del Pacífico. A esto debemos agregar que los artefactos muestran cierta homogeneidad tecnológica que sugiere su manufactura en talleres especializados. Dado que por el momento no se han reportado evidencias sobre procesos de trabajo en la Sierra Gorda, cabría suponer su importación desde centros que controlaban su elaboración que tal vez estuvieron situados en la Huasteca. Aunque también debemos reconocer que son realmente escasos los materiales conquiliológicos que han sido estudiados y que proceden de contextos controlados. No obstante, tampoco podemos perder de vista las preferencias que los huastecos observaron sobre ciertas especies y su afinidad en cuanto a las técnicas de manufactura que parecen haber desarrollado.

59 Durante la transición entre las fases Tzanub y Atic alrededor del año 700 d.C., prácticamente en el punto de inflexión hacia su declive, percibimos la participación de la región hacia un sistema de interacción más amplio aún, favoreciendo la intensificación del intercambio y circulación de bienes hacia otras esferas. Respecto a la cuenca lacustre de Michoacán, de donde sabemos que se extrajo parte de la obsidiana que llegó hasta la Sierra Gorda y con toda seguridad las especies de moluscos de la provincia Panámica, resulta comprensible la incorporación de artefactos de cobre a este flujo de bienes, cuyo complejo tecnológico parece haber iniciado entre los años 700 y 800 d.C. en el Occidente de México según apunta Hosler (2005). Quizás lo más relevante durante esta época es la participación en las redes de intercambio de la región Centro-Norte de Veracruz, como lo atestigua la circulación de obsidiana desde Ucareo. Sin embargo, una de las interrogantes que surgen en este panorama radica, en comprender los factores que influyeron en el declive de los valles intermontanos de la Sierra Gorda y su eventual abandono.

60 En efecto, desconocemos las causas que motivaron el abandono de Tancama ocurrido después del año 800 d.C. Tampoco sabemos si la región llegó a despoblarse totalmente o si algunas comunidades lograron sobrevivir permaneciendo en relativo aislamiento en « zonas de refugio ». Sólo hasta después del 1100 d.C. hay evidencia clara de grupos huastecos que irrumpen nuevamente en la región. Este último aspecto coincide con la sugerencia de Manrique Castañeda (1989, p. 211) respecto a la expansión y penetración de la lengua huasteca hacia Metztitlán alrededor del año 1000 d.C.

61 Es claro que el sitio de Tancama y la región dentro de la cual operó ha planteado más interrogantes que las originalmente esbozadas. Consideramos fundamental la necesidad de afinar la secuencia cerámica con que contamos actualmente; así como la de caracterizar los complejos de artefactos para comprender mejor el papel desempeñado por los valles de la Sierra Gorda dentro de esferas de interacción. En este

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sentido, no podemos perder de vista la participación de las regiones Occidente y Centro-Occidente en las redes de intercambio, al igual que la costa del Golfo, cuyas tradiciones culturales fueron más próximas, dada la presencia de estelas lisas así como la introducción de canchas para el juego de pelota y los yugos asociados a éstas.

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NOTES

1. Las fechas indicadas corresponden a contextos tardíos, cuando el edificio ya no se encontraba en funciones. De igual manera, hemos anotado el límite superior del rango, considerando su calibración mediante el programa OXCAL: 1190 calAD (INAH-2803) y 1220 calAD (INAH-2798). 2. Taladoire nos hizo notar casos similares en el Noroeste Mesoamericano como Schoeder Site fechado por Kelley (1991, p. 90) dentro de la secuencia Guadiana para las fases Ayala y Calera entre los años 875 al 1350 d.C. Resulta interesante señalar también la cancha reportada por Abbott Kelley (1976) para el sitio Gualterio Abajo, al occidente de Zacatecas en la frontera con Durango, fechada para la fase Canutillo entre los 400 y 550 d.C. Gualterio Abajo fue una comunidad fronteriza de filiación mesoamericana vinculada con el Occidente y Altiplano Central. 3. La temporada de campo del año 2010 se realizó durante los meses de mayo a agosto. Por diversas circunstancias no participamos en el programa de excavación, razón por la cual su exploración y consolidación en la fachada norte quedó a cargo de López, cuyos resultados fueron presentados en el II Simposio internacional de estudios antropológicos e históricos de la Sierra Gorda, bajo el título: « El Edificio 1 o de La Mariposa de Cobre, sitio arqueológico Tancama ». De tal manera que las observaciones a este edificio se limitan a nuestro propio registro. 4. El choy es una toba volcánica de origen local, muy similar al tepetate. 5. Conforme al Diccionario General de Americanismos de Francisco J. Santamaría, atocle es un aztequismo que designa un tipo de tierra suave, blanca y muy fértil. En algunas regiones del país, la mezcla de esta tierra con ceniza es utilizada para construcción de pisos en viviendas tradicionales, cuyo acabado se logra puliendo la superficie. 6. Healan (2004) plantea que no se ha podido determinar con claridad si ambas localidades constituyen una sola fuente o son en realidad dos. Adicionalmente señala que en los estudios realizados sobre diversas muestras para determinar su procedencia, resulta que el yacimiento de Ucareo ha sido el predominante muy por encima de Zinapécuaro, escasamente representado. Finalmente, observó que a partir del Clásico Tardío el valle de Ucareo mostró un crecimiento substancial, particularmente el sitio Las Lomas, el cual parece haber controlado la explotación del yacimiento cuyas evidencias muestran alrededor de 800 canteras. 7. Dentro de la muestra analizada por PIXE no se consideraron cinco puntas de obsidiana que provienen de un entierro localizado en el Edificio 1. Cuatro de ellas son de color verde translúcido, similares a las que Rodríguez Loubet (1983) denominó como D2d, y la última de color negro azabache identificada como D2h para la región de Río Verde. Resulta evidente la necesidad de ampliar la muestra de nuestro complejo de artefactos líticos y analizarlo en términos de su significado cultural, ya que precisamente este entierro con otros similares, parece relacionarse estrechamente con la presencia de los grupos huastecos que hacia el año 1200 d. C. « reocuparon » el sitio tras un relativamente prolongado abandono. 8. Es conveniente mencionar que también se cuenta con una fecha de radiocarbono sugiriendo la presencia de una ocupación mucho más temprana, aparentemente situada entre los años 40 a.C. y el 60 d.C., a la que tentativamente se ha denominado fase Yetzel del Preclásico Tardío. Sin embargo, ésta carece de material cultural, por lo que su dudosa presencia podía interpretarse, en el mejor de los casos, como resultado de una muestra contaminada.

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AUTEUR

DANIEL JUÁREZ COSSÍO

Museo Nacional de Antropología, Av Paseo de la Reforma y Calzada Gandhi S/N, Chapultepec Polanco, Miguel Hidalgo, 11560 Ciudad de México, Distrito Federal, Mexique [[email protected]]

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Zoo-sociocosmología qom: seres humanos, animales y sus relaciones en el Gran Chaco

Celeste Medrano

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en avril 2013, accepté pour publication en mai 2014.

Agradecimientos: Al CONICET por financiar esta investigación. A Florencia Tola por guiar generosamente mis derroteros « zoo-sociocosmológicos » por el Gran Chaco. A Paola Cúneo por asistirme en los áridos campos de la lingüística. A Valentín y Félix Suárez por su amistad y por asistirme en el campo con cariño y paciencia. A los qom que me enseñaron su zoología.

1 Al margen de la zoología académica existen otros sistemas de acuerdo a los que se organizan, clasifican, piensan y se establecen relaciones con los animales. Ellos han sido abordados en el contexto de estudios etnozoológicos enmarcados dentro de la etnobiología. Esta última nace como ciencia a finales del siglo XIX. En su proceso de formación y consolidación pueden distinguirse tres fases designadas: preclásica, clásica y posclásica (Clément 1998). Los primeros estudios se centran en el modo en que las sociedades catalogadas como « primitivas » utilizaban plantas y animales. Para ello, se elaboran largos listados descriptivos con nombres vernáculos y sus equivalentes en la taxonomía académica (Brown 1868; Palmer 1878; Mason 1899; Henderson y Harrington 1914; Robbins et al. 1916; Castetter 1935). En la fase clásica, un nuevo movimiento antropológico de tendencia cognitivista, junto con la sociolingüística, renueva el carácter de las investigaciones, y las nuevas preocupaciones giran en torno a cómo los sujetos nombran y ordenan los elementos de su ambiente en sistemas clasificatorios (Berlin 1992). Sin embargo, estos estudios reciben fuertes críticas por el hecho de separar los saberes de sus significados prácticos (Clément 1998; Hunn 2007). A partir de 1980, en función de estas críticas, comienza la fase posclásica en la que los estudios contemplan la perspectiva de los interlocutores, tanto de su realidad sociocultural

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como de su relación con el ambiente. Los actuales estudios etnobiológicos integran el conocimiento con la práctica, entendiendo el lugar habitado como un espacio físico y simbólico (Posey 1984; Toledo 1992; Escobar 1998; Diegues 2000; Santos Fita et al. 2009).

2 Si bien esta última línea de trabajos nos resulta superadora para comprender la zoología de « otros » y elaborar junto a ellos propuestas en el marco de la actual crisis de la biodiversidad, en muchos casos es inevitable comenzar con una lista tradicional de uso de plantas y animales. En otros casos también, se torna necesario incluir aproximaciones etnoclasificatorias con el fin de conocer las nociones que ordenan o dan sentido a visiones particulares del ambiente. Finalmente no creemos que estas fases descriptivas deban considerarse como etapas superadas, sino como partes de una metodología etnobiológica que nos permita percibir y poner en valor otras formas de vincularse con la flora y la fauna.

3 Con base en esto, y dentro del bosquejo delineado arriba, para alcanzar conocimientos sobre la etnozoología de determinado grupo, se tornó necesario comprender el sistema simbólico que organiza la fauna (Douglas 1994; Pálsson 1994; Ellen 2000). Resultó clave entender la concepción nativa de lo que es un « animal », definir las fronteras – claras o difusas – que los distinguen de los seres humanos y otros seres no-humanos, y sus interacciones (Ingold 1988; Ulloa 2002). Esto último pudo pensarse gracias a incluir en la comprensión de la zoología de otros grupos, desarrollos teóricos como los formulados por antropólogos que desplegaron estudios sobre grupos indígenas amazónicos (Descola 1986; Århem 1993; Viveiros de Castro 1996; Surrallés 2009). Especialmente influyente fue la propuesta de Philippe Descola. En la búsqueda de lo que significaba naturaleza para los achuar, un grupo indígena de la Amazonía ecuatoriana, este antropólogo francés encontró evidencia que lo condujo a deconstruir el paradigma dualista con el que se analizaban tradicionalmente los datos empíricos etnográficos relativos a las relaciones con el entorno. Lo que el autor observó fue que estos indígenas se vinculaban con las especies con las mismas reglas sociales con las que ellos mismos se organizaban. Para los achuar, por ejemplo, la mayor parte de las plantas y los animales tienen un alma (wakan) similar a la del ser humano, facultad que los alinea entre las personas (aents) en tanto que les confiere emociones y les permite intercambiar mensajes con sus iguales, así como con los miembros de otras especies, entre ellas los hombres. De esta forma, las diferencias entre hombres, plantas y animales son de grado y no de naturaleza; todos los seres comparten una misma « naturaleza » – concebida entonces como lo dado – sobre la que configuran su « cultura », es decir, lo construido.

4 Hacia inicios de los 1990, retomando su trabajo etnográfico y luego de una exhaustiva revisión de etnografías no sólo amerindias, Descola (2004, 2012) diferenció cuatro ontologías o cuatro maneras de organizar las relaciones entre yo y otro, en función de las continuidades o discontinuidades entre lo que denominó « fisicalidad » e « interioridad ». La fisicalidad sería « el conjunto de las experiencias visibles y tangibles que adoptan las disposiciones propias de una entidad cualquiera cuando se las considera resultantes de las características morfológicas y fisiológicas intrínsecas de esa entidad » (Descola 2012, p. 183). La interioridad es definida como « aquella gama de propiedades que solemos reconocer como “espíritu”, “alma” o “conciencia” y que se describen a través de la intencionalidad, subjetividad, reflexividad, afectos, aptitud para significar o soñar, pudiendo incluir principios inmateriales causantes de la animación como el aliento o la energía vital » (ibid., p. 182). Esta última característica

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sería, para los achuar y otras sociedades indígenas, compartida por humanos, animales y plantas, quedando así definido el principio básico de lo que Descola nombró como ontología animista (ibid., p. 190). La misma puede ser vista « no como un sistema de categorización de las plantas y los animales, sino como un sistema de categorización de los tipos de relaciones que los humanos mantienen con los no-humanos » (ibid. 2004, p. 32).

5 En paralelo y repensando los desarrollos expuestos arriba, Eduardo Viveiros de Castro (1996, 2002, 2013) elaboró una propuesta para entender ciertas ontologías amazónicas bautizada como « perspectivismo » en base a su trabajo etnográfico con los araweté, un pueblo tupí-guaraní del Alto Xingu. La misma se funda en la proposición, presente en la mitología de origen de muchos pueblos indígenas, según la cual los animales eran humanos y dejaron de serlo. La humanidad, por ende, es el fondo común de la humanidad y la animalidad (Viveiros de Castro 2013, p. 15). Esto, de acuerdo al autor, tiene dos implicancias fundamentales: por un lado, determina que la forma corporal de cada especie es una ropa o envoltorio que oculta una forma interna humanoide y, por el otro, que « dada la humanidad reflexiva de cada especie, la caza y el consumo de carne animal son empresas metafísicas delicadas » (ibid., p. 35). Finalmente el perspectivismo se define como una noción de acuerdo a la cual, en primer lugar, « el mundo está poblado por muchas especies de seres (además de los humanos propiamente dichos) dotados de conciencia y de cultura » y, en segundo lugar, « cada una de estas especies se ve a sí misma como humana, viendo a las demás como no-humanas, esto es, como especie de animales o de espíritus » (ibid., p. 34).

6 Si bien consideramos que las propuestas de los mencionados autores han resultado invaluables para comprender las lógicas de relacionamiento entre los seres humanos y los seres no-humanos en muchas sociedades indígenas, las mismas no deben ser abordadas como un modelo a verificar en el campo etnográfico sino como un marco con el que, luego del contacto con otras sociocosmologías, se puede empezar a entender sus particularidades. Además, los etnógrafos que trabajaron con sociedades amazónicas no abordaron la cuestión de la zoología en profundidad, por lo que resta poner a prueba sus supuestos y enunciados, incluyendo una exploración profunda sobre las nociones de animal, animalidad, sistemas simbólicos que organizan la fauna y las implicancias de estas indagaciones.

7 El objetivo de este estudio es analizar la etnozoología qom (toba 1) echando luz sobre el entramado de relaciones que une a estos indígenas con los animales. En primera instancia analizaremos las continuidades – anatómicas, fisiológicas, intelectuales, emocionales, entre otras – con el fin de discutir la medida en que la interioridad y la fisicalidad, en términos descolianos, se intersecan y vinculan a los hombres con la fauna. En segundo lugar, nos interesa entender cómo estas continuidades modifican la praxis indígena retomando un análisis clásico sobre los « usos de la fauna » aunque pensándolo a través de un prisma acorde a la perspectiva qom.

Los antecedentes de la zoología qom

8 Los qom conforman una sociedad indígena cazadora-recolectora que desarrollaba su vida nomadizando en el Gran Chaco 2. Luego de los procesos de conquista y colonización iniciados a finales del siglo XVI muchos de los grupos tobas 3, al igual que otros indígenas de la región, modificaron su estilo de vida hacia dos grandes patrones de

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asentamiento. Unos tendieron hacia la sedentarización en los territorios que el Estado les concedió, mientras que otros migraron en los años sucesivos a la periferia de las grandes ciudades de Argentina. El trabajo agrícola en la propia tierra o como cosecheros en las de los criollos y, en menor medida, la caza, pesca y recolección, continúan hasta el presente, aunque con muy diversos grados de desarrollo según las zonas.

9 La zoología de este grupo se abordará considerando su sociocosmología, por lo que a continuación sintetizaremos algunos aspectos de la misma. El universo toba se encuentra estructurado en tres niveles – cielo, tierra y profundidades acuáticas – los cuáles, a su vez, se hallaban divididos en cinco estratos (Palavecino 1961; Cordeu 1969-1970; Miller 1979; Idoyaga Molina 1995; Terán 1998; Wright 2008). En este esquema « cada dominio y sus sitios parciales tienen entidades no humanas que controlan a los seres vivientes y fenómenos naturales que viven u ocurren allí » (Wright 2008, p. 134). Los indígenas, los animales y las plantas desarrollan su vida sobre ‘alhua, la superficie de la tierra, y establecen múltiples vínculos con los no-humanos habitantes del cielo (pigueml’ec), habitantes de la tierra (‘alhual’ec) y habitantes de las profundidades acuáticas (ne’etaxaal’ec) (Miller 1979, pp. 35-38). La noche (pe) aparece como un plano cosmológico en sí, « una región separada cuya textura es temporal » (Wright 2008, p. 134). El cielo presenta varios niveles hacia arriba, casi siempre tres; el plano de abajo no presenta subdivisiones y se identifica como un mundo subterráneo caracterizado por ciclos invertidos de vida donde, por ejemplo, el día de los vivientes es la noche de los muertos y viceversa (Cordeu 1969-1970; Miller 1979; Wright 2008). Por su parte, los no-humanos ostentan un orden jerárquico establecido en base al usufructo de poder donde los más poderosos se ubican en los niveles más altos dentro del orden cosmológico toba. Cordeu menciona que cada una de las tres regiones del espacio están sometidas a « un Señor o a una Pareja Principal quienes, asimismo, gobiernan a los Dueños, Reyes o Padres de los animales que habitan o se asocian a la misma » (1969-1970, p. 75) y son además responsables de la potencia o poder chamánico. A su vez, Cordeu y Siffredi expresan que la religiosidad toba reposaba, antes de los procesos de conquista y colonización del Chaco, en un complejo animalístico o cazador que « consistía en un esquema jerárquico muy desarrollado de dueños de los animales, estrechamente vinculados con los principios culturales de clasificación del espacio, con las regulaciones de la caza y con la iniciación y práctica shamánica » (1971, p. 14, subrayado en el original). Debemos advertir que este mapa cosmológico ha sido alterado por el proceso de colonización; y la introducción del cristianismo – especialmente bajo sus manifestaciones pentecostales –, ha reorganizado la cosmovisión toba (Miller 1979; Bigot y Vázquez 2007).

10 Dentro de la dinámica de los espacios habitados detallada arriba, Pablo Wright propone que la distinción categorial más amplia parece ser la de humano/no-humano (2008, p. 135). Los seres humanos poseen un principio anímico básico denominado lqui’i que los dota de capacidad de acción, conciencia reflexiva, intencionalidad y vida social (Wright 2008; Tola 2012a). Por su parte, los no-humanos poseen estos mismos atributos listados y, como particularidad, ostentan cuerpos metamórficos que les permiten existir bajo distintos regímenes corporales (Tola 2012a).

11 Dentro del bosquejo sobre la cosmología y ontología toba expuesto, resulta vana la búsqueda de datos que ilustren el concepto que los indígenas tienen sobre los animales. Si bien es bastante lo que se ha escrito sobre los dueños de las especies de fauna, poco

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se sabe sobre los atributos ontológicos que se les asignan a estas especies y les permiten relacionase con humanos y no-humanos. Es recién a partir de la década de 1980 que surgen las primeras monografías específicas sobre la problemática. Concretamente, Luis Vuoto (1981a) y María Isabel Balducci (1982), trabajando con una parcialidad toba, los taksek, observaron que estos indígenas les otorgaban a los animales ciertas características humanas que les permitían comunicarse. Vuoto concluyó que no puede establecerse « una frontera precisa que separe a la naturaleza humana de la animal » (1981a, p. 19).

12 Si bien estos trabajos resultaron significativos para entender la relación entre los qom y los animales, la temática no fue retomada más que tangencialmente en las décadas siguientes. En este sentido cabe nombrar los trabajos de Vuoto (1981b) y Raúl Martínez Crovetto (1995) sobre la zoonimia, los de Anatilde Idoyaga Molina sobre la taxonomía y la cosmología en la etnozoología de los pilagá (1992, 1995), el de Cúneo et al. (2008) y Cúneo y Porta (2009) sobre el vocabulario qom de peces y aves, y los de Arenas y Porini (2009) y Medrano et al. (2011) sobre los saberes tobas relacionados a aves y mamíferos respectivamente. Si bien esta contribución pretende retomar estas propuestas, nuestro genuino aporte consistirá en desentrañar la diferencia que existe entre la zoología académica y la zoología indígena, partiendo del análisis de las continuidades entre los humanos y los animales ancladas en aspectos sociocosmológicos tobas que, según observaremos, resultan críticos para entender los vínculos con la fauna. Este tipo de análisis fundado en aspectos relacionales aún no ha sido efectuado para delinear la etnozoología qom.

13 Nuestra investigación se basa en el trabajo de campo etnográfico llevado a cabo en la provincia de Formosa (Argentina) entre 2008 y 2012, por un total de 11 meses. Presentaremos observaciones y relatos obtenidos en las comunidades de Riacho de Oro, San Carlos y Kilómetro 503 del departamento Patiño; y El Desaguadero, El Naranjito, el barrio toba Nlaxayec (La Paz) y 12 de octubre (ubicados dentro del ejido urbano de la ciudad de El Colorado) del departamento Pirané. Si bien quienes habitan estas comunidades no pertenecen a la misma parcialidad y no hablan la misma variante dialectal dentro del qom (cf. Messineo 2003), se asientan en una misma matriz fitogeográfica, lo que nos permite hacer comparaciones. También trabajamos en el barrio periurbano Namqom ubicado a 11 kilómetros de la ciudad de Formosa (Figura 1).

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FIG. 1 –Comunidades qom donde se realizó trabajo de campo.

14 La investigación desarrollada en los sitios mencionados consistió principalmente en encuestas abiertas y recurrentes elaboradas sobre el tema específico de la fisiología y anatomía animal comparada, en base a lo propuesto por Medrano (2012b), sin desestimar la intervención en otros eventos sociales trascendentes y el desarrollo de observación participante en jornadas de caza y pesca. No menos significativo fue el empleo de técnicas propias de los enfoques biológicos tales como la determinación científica de especies y la identificación de las mismas junto a los qom en museos y colecciones científicas, y la utilización de álbumes de fotos de animales y esquemas de anatomía externa e interna puntualmente elaborados para la obtención de datos, conformándose así el abordaje etnozoológico (Costa Neto et al. 2009).

La continuidad entre la anatomía y la fisiología

15 El primer rasgo que exploraremos es el inherente a la existencia de continuidades entre la anatomía humana y la animal. Así, listamos los términos empleados para identificar las distintas partes externas e internas del cuerpo de un mamífero y los comparamos con lo producido por otros autores para el cuerpo de un pez y el cuerpo humano. Cúneo enuncia que « los fenómenos lingüísticos pueden revelar distintos aspectos de la organización conceptual del mundo » (2012, p. 346). La Figura 2 sintetiza y compara información al respecto:

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FIG. 2 – Comparación de la anatomía externa e interna.

16 Como se aprecia, se emplean los mismos términos para describir la anatomía tanto de un pez como de un mamífero y un humano. Siguiendo a Alexandre Surrallés « esto produce una comunidad sustancial de toda la materia, a consecuencia de la cual los límites categoriales entre los seres se debilitan considerablemente » (2009, p. 78). Florencia Tola, quien ha examinado el concepto l’oc 4 (cuerpo), para la persona qom, expone que: A pesar de que l’oc se utilice para traducir el término « cuerpo », su significado en qom no alude a la totalidad de los componentes de un cuerpo: no incluye ni a la carne, ni a los órganos, ni a los humores corporales. De hecho, la idea de un cuerpo como totalidad está lejos de la manera en que los qom conciben el modo en que la persona se actualiza o manifiesta en cada momento de su existencia a través de diferentes regímenes de corporalidad derivados de las interacciones, las acciones e intenciones propias y ajenas (2012b, p. 318).

17 Trabajando con los animales, registramos que el término se usa tanto para denominar al cuerpo del animal vivo, como al cuero o la piel del mismo cuando esté muere y es cuereado. Del lexema l’oc deriva el sustantivo l’oxoỹaxac que, de acuerdo a Buckwalter y Litwiller de Buckwalter (2001, p. 97), significa « su apariencia, su pelaje, su plumaje, su pinta ». Como se observa, se usa para indicar la forma externa de humanos, aves, animales. Wright, trabajando con los lexemas shiỹaxaua (humano) y shiguiỹac (animal), indica que el primero refiere a « forma humana, un individuo » y el segundo a « animal, forma animal » (2008, p. 133), dando cuenta de que lo que se exterioriza, la forma, puede determinar la identificación de un existente. La intención es demostrar que, así como proponen diversos autores (Seeger et al. 1979; Vilaça 2005; Surrallés 2009; Tola 2009), la centralidad no está puesta en el cuerpo, a la hora de diferenciar a humanos de animales, sino en regímenes de corporalidad: « los seres no-humanos pueden adoptar diferentes formas, como animales, personas, plantas o como seres mixtos » para

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comunicarse con los humanos, enuncia Wright (2008, p. 133). A su vez, Tola aporta evidencia sobre la existencia de una taxonomía qom « elaborada sobre los elementos que definen la apariencia (lquiyaxac) » (2012a, p. 75), explicando que el lexema lquiyaxac se compone de lqui-: alma, espíritu más el sufijo -yaxac. Inducimos entonces que la forma externa se encuentra anclada en el lqui’i a pesar de poder expresarse de múltiples maneras (cf. Medrano 2013a).

18 En definitiva, lo que determina la asignación de un individuo a un colectivo es su apariencia y los comportamientos que de ésta derivan. Clemente, habitante de El Naranjito, nos mencionaba que, cuando salía a cazar, a veces se encontraba con « un bicho que mucho le persiguen los perros, pero desaparece, es como un animal pero tipo espíritu. Eso porque mariscábamos 5 de noche, se hacía pasar como tatú [Dasypodidae] pero desaparecía ». Como puede leerse, este ejemplar era categorizado como animal por su comportamiento, no por su anatomía externa concreta. De hecho, como demostró Tola (2009), poseer un cuerpo no es condición sine qua non para la existencia humana – existen humanos sin cuerpos –, aspecto que pudimos verificar también para los animales (cf. Medrano 2012a).

19 Félix, de Riacho de Oro, lo ilustró así: A mi hijo le entró, cuando era bebe, el espíritu del picaflor [Trochilidae]. Era chiquitito y buscaba siempre la florcita, lloraba y lloraba y mi señora lo tenía en brazos pero el buscaba la florcita. Entonces lo llevamos a un pi’oxonaq [chamán] para que cure eso, pero no pudo curar, entonces lo llevamos a otro y ahí sí se pudo curar. Nosotros vimos al picaflor, era chiquitito, el espíritu y el pi’oxonaq se lo sacó y ahí ya se curó, ya pudo dormir.

20 La narración da cuenta de la existencia animal más allá de la posesión de un cuerpo. El picaflor del ejemplo es un espíritu que, sin embargo, se comporta como si tal condición no lo desviara de la normalidad: es chiquitito y busca florcitas como los ejemplares de carne y hueso. Detengámonos ahora en algunos aspectos de la fisiología que pueden ayudarnos a sostener lo expresado.

La continuidad de la fisiología

21 Analizando saberes qom relacionados a la fauna encontramos poderosas evidencias que iluminan la semejanza entre la fisiología humana y la animal. Al respecto, cada vez que nos disponíamos a conversar sobre si los qom podían o no consumir determinado animal, surgía información sobre lo que ese animal consumía. Esto nos alertó sobre la existencia de otro aspecto relevante que remite a las conexiones en el acto de la alimentación. Por ejemplo, Mauricio me comentó que el tapinec (Dasypus sp., Dasypodidae) se come porque para los qom « es un animal muy limpio, come la hormiga y raíces, nada más, con agua o rocío »; y el soxona (Cavia aperea, Caviidae) « se come la carne, muy rico la carne, ese animalito para los tobas es muy limpio, come pasto nomás, hojas ». También se puede comer lerema (Sylvilagus brasiliensis, Leporidae) porque es « un animalito muy limpio, más que el gato, come pasto, no come víboras, no come otra clase de insecto, come pasto y come muy poco ». Los animales que se pueden comer son aquellos considerados « limpios » y esto significa para estos indígenas que los mismos no se alimenten de víboras, de ratas, de excrementos o de animales en descomposición (incluyendo cadáveres humanos). Los qom me explicaron, por ejemplo, que no comen huonec (Cabassous chacoensis, Dasypodidae) porque es un animal que siempre anda bajo tierra escarbando y puede comer restos humanos cuando se acerca a los cementerios.

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22 Marvin Harris (1980), desde un punto de vista biologicista, explicó tabúes alimenticios asociados a lo impuro, vinculando esto con lo que las distintas culturas están dispuestas a consumir y agregando que se sujetan a fenómenos de adaptación cultural. Mary Douglas, desde un enfoque más culturalista, brindó una explicación enlazando estas cuestiones con aspectos vinculados a los símbolos y significados culturales de la pureza o lo limpio, y la contaminación. La autora señala que: « El tabú protege el consenso local sobre cómo se organiza el mundo. Refuerza la certeza vacilante » (Douglas 2007 [1966], p. 10). En definitiva, coincidimos con ella en insistir que los fenómenos fisiológicos son explicados por los qom mediante la puesta en escena de teorías sociocosmológicas más generales. Sin embargo, ni Harris, ni Douglas relacionaron esto con las teorías que cada cultura posee sobre el cuerpo y la persona en sentido estricto. Al respecto, Tola (2005, 2009, 2012a) sugiere la existencia de múltiples conexiones que, tejidas entre los cuerpos, los definen como cuerpos en relación. Vinculamos lo que los qom deciden o no comer con esta teoría según la cual las fisiologías se ubicarían en un continuum establecido entre la presa y su predador – por ejemplo, un sauaxaic (Puma concolor, Felidae) que come palomas – y que, a su vez, se constituirá como presa para otro predador (por ejemplo, un hombre que come sauaxaic), estableciéndose así una « red trófica » por donde circulan fluidos pero también potencias. Un dato interesante lo constituye el relato de Chopa, de El Desaguadero, quién me trasmitió que: « Las víboras que tienen ponzoña comen los sapos que también tienen ponzoña; en cambio, las víboras que no tienen ponzoña comen las ranas que no tienen ponzoña, las víboras que tienen ponzoña elaboran la suya con el veneno del sapo », dando cuenta de cómo los fluidos circulan a través de los cuerpos de las distintas especies.

23 Alineado con lo expuesto, Françoise Héritier y Margarita Xanthakou sostienen que « los humanos irrigan las sustancias de sus cuerpos a partir de la transformación intima de los alimentos ingeridos, hecho que implica que no exista una ruptura necesaria entre los mundos animales y humanos, entre entidades diversas (ancestros, espíritus, arbustos…), entre los vivos y en general entre todos los que pueblan el macro y microcosmos » (2004, p. 18 [traducción del autor, C. M.]). Timoteo Francia, un pensador qom, nos ilumina sobre la existencia en su sociedad de « corazones conectados » (Francia y Tola 2011), para describir la relación entre los seres, lo que da cuenta de esta conexión fisiológica pero asimismo corporal, emocional, intelectual que se establece no sólo entre humanos sino también con los animales y con otros no-humanos, como ilustraremos más adelante. Inclusive, de acuerdo a nuestros datos de campo, los qom rechazan comer alimentos que aún contengan trazas de tejidos frescos del animal, salvo cuando expresamente deseen adquirir las propiedades del mismo (cf. Métraux 1996 [1946]; Arenas 2003; Tola 2012a), como expondremos más adelante. Otros fluidos corporales de animales en contacto con los de los humanos también pueden producir el traspaso de propiedades; por ejemplo, un mariscador relató que untándose en los ojos lagañas de un perro se adquiría agudeza de visión en el monte y por ende facultades diferenciales para la caza. Finalmente Tola brinda información para ilustrar aspectos de esta conexión fisiológica que proponemos: Al carnear a un animal los cazadores se cuidan, por ejemplo, de no dejar caer gotas de su sudor en la carne animal. Este contacto podría engendrar el decaimiento, enfermedades y hasta la muerte del cazador. La mezcla involuntaria con la sangre del animal agonizante, que produce una identidad en los procesos metabólicos,

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encuentra su contrapartida en la búsqueda consciente de unión entre algún humor animal y el hombre (2012a, p. 101).

24 Otra de las semejanzas en torno a la fisiología tiene que ver con la reproducción, y ella surge de analizar el relato que nos trasmitió Cirilo, de San Carlos. Este mariscador nos comentó que las hembras de hualliquiaxai (carpincho, Hydrochaeris hydrochaeris, Hydrochaeridae) « se enferman » (menstrúan) al igual que las qom lashe (mujer toba). Respetando las mismas prácticas que éstas, cuando llega el período en que « se enferman » no entran al agua y se quedan en la orilla. Si un cazador dispara a un grupo de hualliquiaxai y observa que, en vez de escapar ingresando al agua – como es su costumbre –, una hembra se dirige al monte, se da cuenta que ella está menstruando. Los animales deben respetar las mismas reglas que las mujeres en lo relativo a la peligrosidad de ciertos fluidos como la sangre, evidenciándose así la semejanza existente entre sus fluidos o poniendo de manifiesto la teoría que rige a los seres, sean estos humanos o no.

25 Viveiros de Castro (1996, p. 128) señala que los amerindios reconocen una uniformidad básica de todos los cuerpos respecto a la fisiología. El autor trae a colación esta idea para verificar aspectos relacionados con el perspectivismo según el cual los animales ven las mismas cosas que ven los humanos de diversas maneras porque sus cuerpos son diferentes del de los humanos, no en lo que respecta a su fisiología sino en lo referente a « los afectos, afecciones u otras capacidades que singularizan a cada especie de cuerpo como: lo que come, cómo se mueve, cómo se comunica, dónde vive, si es gregario o solitario » (ibid. [traducción del autor, C. M.]). Si la morfología, la forma visible de los cuerpos, actúa como un signo poderoso, es porque funciona como imagen de referencia más que como una estructura de diferenciación. Surrallés manifiesta que « las diferencias entre las especies tienen más que ver con el comportamiento de cada una, con su etología, diría incluso con su psicología, pues aquí la división en especies expresa diferencias de intencionalidad, es decir de formas de ir hacia el mundo » (2009, p. 78). Entonces, en una situación donde los cuerpos y sus fisiologías no marcan la diferencia ¿la otredad queda delimitada por la interioridad de los seres? Examinaremos este aspecto a continuación.

La continuidad interior

26 En otros trabajos describimos aspectos de la interioridad animal qom (Medrano 2012a, 2013a). Expusimos cómo los qom se comunicaban con el tigre, específicamente « hablaban » con él para evitar ser predados; pero también describimos cómo el mañic (ñandú, Rhea americana, Rheidae) se comunicaba con el pi’io (otro pajarito) que le advertía de la presencia de los cazadores. Nuestros datos de campo dan cuenta de la manera en que los humanos intercambian información con los animales, y de cómo éstos lo hacen entre sí por compartir todos la posesión de un lqui’i (alma) semejante, que es donde los qom mencionan que se alojan las emociones, la intencionalidad, la animosidad, entre otros atributos vitales (cf. Tola 2012a).

27 Cuando sistematizamos los saberes qom sobre mamíferos, nos percatamos de la existencia de una serie de rasgos sobre la forma de ver y concebir a los animales que categorizamos como inherentes a la « personalidad » de los mismos. Por ejemplo, los antiguos qom narraban que el quiyoc (jaguar, Panthera onca, Felidae) es similar a los humanos por su forma de observar y de pensar. Mauricio y Evaristo saben que cuando

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el animal mira a una persona es para atacarlo. Sin embargo, cuando la persona se anticipa y visualiza primero al quiyoc, éste escapa. Evaristo narra que el jaguar es traicionero y conversa con los árboles; cuando encuentra un árbol le pregunta: « ¿Por acá pasó alguien? ». Si el árbol le dice « no », el jaguar marca con las uñas, y si pasó alguien el árbol le describe cómo es la persona. Si la persona es torpe la ataca; en cambio, si producto de la conversación, advierte que la persona es inteligente, no la ataca. Esta misma relación se da entre el huoqo’ (búho, Asioclamator) y el jaguar: quien mira primero al otro es el que finalmente vence. « Es una carrera de velocidad », declara Evaristo.

28 Los mariscadores me comentaron reiteradas veces que el huaxaỹaxa (zorro, Canidae) es pícaro, curioso e inteligente, y que los cos (pecarí, Tayassu pecari, Tayassuidae) son animales « inteligentes y porfiados » (Cirilo, de San Carlos) porque, cuando el cazador deja a un cos mal herido, llegan sus compañeros y entre todos ponen sus hocicos debajo del lastimado para alzarlo y acarrearlo. Para mariscarlo, el cazador tiene que dejarlo muerto porque, de lo contrario, lo rescatan sus compañeros, quienes se guían por ciertos preceptos éticos de camaradería. Lo mismo se puede observar entre el hualliquiaxai y el viborón 6. Mauricio nos explicó que por más que el viborón tenga hambre, el hualliquiaxai puede permanecer mucho tiempo en la laguna o en el río sin temor a ser comido, a raíz de la amistad que existe entre ellos. Asimismo, esta relación implica actitudes de cuidado: « el hualliquiaxai puede estar durmiendo, con la cabeza agachada, el hocico en el agua que las pirañas no lo van a morder », porque el viborón lo está cuidando, relata Mauricio.

29 Los animales también desempeñan tareas de enseñanza que tienen que ver con el cuidado de sus hijos. Por ejemplo, Cirilo comenta que « el sauaxaic es muy dañino cuando tiene pichones 7 porque ensaya las técnicas de marisca con ellos, cuando encuentra chivos u ovejas mata varios para enseñarles a las crías, luego come uno y deja el resto tirado; la madre les muestra la agilidad que tienen que tener ».

30 Finalmente, los qom también saben que los animales se organizan de acuerdo a determinadas normas sociales. Por ejemplo, los cos andan en cuadrillas compuestas por hasta 100 individuos y un jefe. Cuando el jefe, el rey o el capataz – según la traducción que usen los tobas – grita, la majada se detiene y presta atención, todos levantan sus hocicos. Luego, tras una nueva seña del jefe, los demás lo siguen, huyendo al mismo tiempo. Cuando el jefe se enoja y levanta el pelo, todos los cos, hasta el más chiquitito, levantan el pelo y se embravecen. En definitiva, todo el grupo responde a las órdenes de uno, quién se equipara con la figura de un líder 8.

31 Los animales también se organizan socialmente para cazar presas. Por ejemplo, el lonoc (hurón, Galictis cuya, Mustelidae) conoce las zonas donde vive el soxona, la ubicación y profundidad de sus cuevas; y cuando, gracias a su olfato, descubre una madriguera donde advierte que habita una manada de soxona y se percata de que estos están afuera, tapa la entrada del agujero y sale en busca de sus presas. Los comienza a perseguir, éstos escapan hacia las cuevas y al llegar las encuentran cerradas. Allí, el lonoc los atrapa y se los come. Esta actividad no se realiza en soledad sino en compañía de dos o tres lonoc que coordinadamente mariscan a los sonoxa y comparten entre todos las presas, comen juntos, como lo hacen los qom, experimentando así lo que podríamos definir como una comensalidad animal 9.

32 Dentro del segundo modo de clasificación pilagá que menciona Idoyaga Molina (cf. nota 8) encontramos a los animales agrupados en cuatro categorías bastante extensas:

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las de síyaq, níyaq (habitantes del agua en general), máyo’t (genéricamente pájaros) y lapaGát (insectos y otros invertebrados pequeños; Idoyaga Molina 1992, 1995). La noción de síyaq, por ejemplo, « revela la adscripción de un animal a un ámbito determinado, más allá de las características morfológicas, de hábitos o de comportamientos. Así se reúnen los habitantes del campo y del monte en un solo conjunto, sean mamíferos, aves, reptiles, arácnidos, ofidios o saurios » (Idoyaga Molina 1995, p. 265). Nosotros encontramos categorías idénticas trabajando con la macrotaxonomía qom (Medrano 2012a) y concluimos que las mismas se establecen en base a los regímenes corporales de los diversos seres. Esto fortalece nuestra idea de acuerdo a la cual « el cuerpo actúa como un signo poderoso porque funciona como imagen de referencia más que como una estructura de diferenciación » (ibid., p. 261). En la lengua indígena no encontramos una palabra que englobe a la totalidad de los animales. Sin embargo, las diferencias entre los shiỹaxaua (personas) y los shiguiỹac (animales) existen y justifican dicha separación. Esto último, no obstante, no suprime el hecho de que todos los seres se encuentren reunidos en aquel continuum que se evidencia por la posesión de un lqui’i, o por el desarrollo de una interioridad común y por las múltiples relaciones sociales que entre ellos se tejen. Ahora bien, en el plano de los vínculos cada individuo posee determinado tipo de agencia que lo sitúa diferencialmente en la trama de la socialidad compartida.

Los usos de las especies

33 Cuando se abordan las zoologías de otros grupos, especialmente la de indígenas, los primeros aspectos que suelen explorarse son los que remiten a los usos de las diversas especies. Si bien en campo realizamos un extenso registro del empleo de especies animales en diversos escenarios 10 discutiremos los que involucran saberes concernientes a la alimentación, a la medicina, a la comunicación (entendida como la socialización de diversos anuncios) y al empleo de mascotas, porque nos parecen los más productivos para exponer la línea argumental que deseamos desarrollar.

La alimentación

34 El 60,5% de los mamíferos nombrados, el 86,1% de peces y el 26,3% de las aves 11 participan en la alimentación de los qom. Si bien estos resultados no pueden ser entendidos si no se consideran paralelamente aquellas especies de gran importancia cultural, como lo es por ejemplo el ñandú, nos idican que el grupo de los peces es el que tiene menos restricciones respecto a su consumo. Inclusive Pelaiqui, un cazador anciano de El Desaguadero, narró que « ellos [los antiguos, la gente anciana] sin pescado no son gente ». Esta frase, con distintas variaciones, ha sido extensamente registrada dando cuenta de la importancia que tienen los peces en la conformación de la dieta de los qom.

35 Nuestro análisis nos conduce a pensar que los peces estan atravesados por una multiplicidad de significados. Muchos tobas relatan que « ellos vivían de pescado » para posicionarse respecto al doqshe (el blanco), que se alimentaba de carne vacuna o caprina y que requería de elementos como harina o azucar para completar su dieta. Si bien hoy se observa uniformidad en los menúes diarios 12, Pelaiqui expresó: « La gente [antes] no se enfermaba, vivía con los pescados, pero nunca se enferma, gorda la gente, todas las

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mujeres gordas, pero pescado nomás comen, de toda clase de pescado, los antiguos, yo alcancé mi papá, murió de 1920 ».

36 Además los peces poseerían particularidades que los harían diferentes de los otros animales. Si, por ejemplo, los mamíferos, al igual que las mujeres qom no pueden entrar al agua cuando menstrúan porque esto causaría situaciones de peligro y cataclismos comunitarios, nos preguntamos ¿qué sucede con los peces? La biología clásica nos ilustra que estos no menstrúan pero, para los qom ¿significa que puedan consumirlos sin peligro? ¿Significa esto que los coloquen en otro status ontológico o en un escalón diferente respecto a un gradiente? Viveiros de Castro enuncia que para los indígenas del alto Xingu « los peces, en oposición a la mayoría de los animales terrestres y de muchas aves, son el alimento por excelencia » (2002, p. 28). Al respecto, Descola propone: « La mayor parte de los insectos y los peces, la hierba, los musgos y los helechos, los guijarros y los ríos, son así exteriores tanto a la esfera social como al juego de la intersubjetividad » (2012, p. 31), en relación con un estatus ontológico diferente que tendrían estas formas respecto al resto de los animales, plantas, humanos y no- humanos.

37 Dentro del grupo de los mamíferos hallamos dos causas – extensivas a los demás grupos animales –, que justifican una restricción dietaria. La primera se asocia con lo que come el animal, y va en relación a la conexión fisiológica entre presa y predador, ya discutida. La segunda, estrechamente vinculada con la primera y explicable mediante los mismos principios, remite al « contagio » de características que se produce entre el alimento y quien lo come. Alfred Métraux (1996[1946]: 103) ha mencionado que la mayoría de los indígenas chaqueños consideran que las propiedades que posee un animal son transmitidas a quienes consumen su carne. Los qom definieron este fenómeno como nauoga 13. Balducci (1982, p. 72) precisa que se trata de: … una sanción impuesta por el animal o su respectivo dueño, por haberse violado, en este caso, un tabú alimenticio durante ciertos períodos críticos de las personas. Estos serían, para la mujer, durante el período de la menstruación y el embarazo y para ambos sexos, durante los primeros años del hijo, en época de duelo; y la interdicción existe por la edad del consumidor [y se produce el contagio] sin el deseo explícito de la persona.

38 Si bien en nuestro trabajo de campo registramos diversos animales que serían nauogaxashet (fuente de contagio), no nos detendremos en listarlos ya que se encuentran extensamente tratados por Balducci (1982) y Arenas (2003). Más recientemente, Tola define al contagio como el « proceso de transmisión de las características formales o de comportamiento entre los nqui’i (espíritus) de entidades humanas y no-humanas en momentos específicos del ciclo vital » (2007-2008, p. 9), lo que se inscribe dentro de la teoría más general del cuerpo múltiple qom (Tola 2009, 2012a, 2012b), también desplegada por la autora. Retomando estas ideas, señalamos que, en el proceso de devenir cuerpo, las fronteras entre los humanos y los animales se desdibujarían si estos pueden compartir propiedades, moldeándose unos a los otros a través de combinaciones – parciales, totales, circunstanciales, permanentes – de los lqui’i. El comer deja así de ser un proceso biológico mediante el cual se incorporan sustancias, para ser un proceso social a través del cual se deviene persona-cuerpo en interrelación con otros.

39 De acuerdo a este mismo enunciado, Macarena Perusset y Cintia Rosso (2009), y Rosso (2012), explican el consumo de grasa al que eran afectos los mocovíes (grupo de la misma familia lingüística que los qom), según las fuentes jesuíticas del siglo XVIII. Rosso,

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leyendo al jesuita Florian Paucke, enuncia que la grasa parece haber sido un elemento importante en la dieta y que ésta « estaba relacionada con lo “poderoso”, ya que en las prácticas de consumo de carne humana se privilegiaba a los individuos valientes y con grasas corporales abundantes » (2012, p. 173). En nuestro trabajo de campo hemos encontrado evidencia que indica que sólo son apreciados o bien conceptuados como alimento aquellas presas que tienen grasa 14 y los tobas no cazan animales cuando éstos no tienen reserva de cebo. Los qom reconocen que esta sustancia condensa gran parte de las propiedades de los animales (como veremos en el tópico de la medicina) de manera que al ingerirla se adquiere la mayor cantidad de propiedades del otro – en este caso un animal.

La medicina

40 Para los indígenas chaqueños, la enfermedad y la muerte no son hechos pensados como biológicos sino que se relacionan casi siempre con la intervención de chamanes y seres no-humanos 15. Para los tobas del este fue principalmente Gustavo Martínez (2007, 2008, 2010) quien realizó la mayor cantidad de aportes relativos a la medicina, en especial a la etnobotánica terapéutica. El autor sostiene que: … al igual que en otros grupos indígenas del Chaco, el shamanismo ocupa un lugar protagónico en la búsqueda de la salud 16; asimismo adquieren relevancia la medicina casera […], especialmente mediante el empleo de plantas, las curaciones religiosas, en el marco de los cultos pentecostales y la biomedicina, […] concretada en la atención en dispensarios y centros de salud (2010, pp. 195-196).

41 El tema abre un abanico de posibilidades analíticas, ya que se combinan los discursos indígenas con las nuevas prácticas surgidas del contacto con los doqshe (no-indígenas). Nuestra intención no es desarrollar extensamente la cuestión, sino discutir algunos aspectos de la misma que nos ayuden a delinear la zoología qom a la luz de nuestros datos de campo.

42 En primer lugar, cuando nos abocamos a organizar el corpus relativo a saberes qom sobre mamíferos, alineamos parte de la información bajo la categoría de especies involucradas en la medicina. Ésta representaba el 17% de las menciones. Pero, al intentar avanzar en nuestro proceso de aprendizaje del sistema salud/enfermedad toba nos tropezamos con resultados que nos llevaron a problematizar nuestros datos. Así, por ejemplo, Mauricio nos relató: Muchos insectos o caracoles son remedio pero necesita conocimiento y la experiencia. A lo mejor una persona conoce bien ese animalito o ese insecto pero falta la experiencia. Para experimentar hay que probar, por ejemplo la teoría o la práctica, la técnica de los tobas, cuando uno se enferma, el abuelo, la abuela, el papá, o la mamá, cuando mira una enfermedad y empieza a pensar y por ahí sale un pensamiento o ve una planta, para probar esa planta, o una hoja de un árbol o corteza de un árbol y empieza a escribir [en un papelito] y entonces pone la herida, el dolor y si se cura, bueno, ese es el remedio. Entonces todo animalito sirve para remedio, pero falta el conocimiento, falta la persona que conoce y [falta] experimentar. [subrayado del autor, C. M.]

43 Además, documentamos cómo un reconocido chamán, a raíz de la enfermedad que padecía su caballo, había « pensado, hasta que probó con la grasa de gallina » y a raíz de que su animal sanó, el remedio comenzó a formar parte de la farmacopea que luego otros también emplearon. Estos hechos nos condujeron a pensar que, aunque la recopilación de la casuística nos ayuda a construir teoría, si deseamos ubicar las

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prácticas médicas en el contexto sociocosmológico qom que les otorga sentido, no basta con concentrarnos en reunir datos sobre patologías y sus tratamientos.

44 Cuando analizamos qué parte del cuerpo de los mamíferos era la más usada con fines medicinales, el 29% correspondió al uso de grasa, mientras que el 16% al de colmillos, el 13% al de uñas, el 10% al de cuero, el 7% al de glándulas y partes óseas, el 6% al de bigotes y el 3% al de tendones, nidos, bosta y lqana’ (aguja). A partir de estos resultados, sugerimos que la mayor potencia terapéutica se aloja en la grasa, hecho que podría explicarse porque en esta sustancia se concentran atributos que son deseables adquirir. Por ejemplo, Clemente relató que « la grasa del ñandú [sirve] para cáncer de piel o para torcedura o granos que no se curan, porque el ñandú no se enferma nunca, directamente se pone viejo y se muere ». Con esto, él da cuenta de que lo que se busca al aplicar la grasa de ñandú es « contagiarse » de su particularidad de no enfermarse. Consecuentemente, Roberta nos comentó que « la grasa más poderosa » es la del yacaré (Caiman sp., Alligatoridae) porque éste es un animal que vive en el agua, sitio concebido con el mismo calificativo 17. Además, registramos menciones relativas a la prohibición del consumo de grasa durante ciertas etapas del ciclo biológico como la menarca, la menstruación y el embarazo. Fundamentalmente, durante esta última etapa, el consumo de la sustancia implica el « contagio » de las características del animal al bebé. Si bien diversos autores expresan que los procesos de nauoga envuelven un perjuicio que la persona no desea (Vuoto 1981a, p. 100; Balducci 1982, pp. 72-88; Tola 2005, 2007-2008; Medrano 2012c) y los qom lo traducen como « daño », entendemos que el uso no sólo de grasa sino también de uñas, colmillos, o cueros de distintos animales, opera bajo la misma lógica del contagio cuando las personas desean adquirir determinados atributos de una especie, y logran su anhelo mediante la ingestión o contacto con partes de la misma.

45 El empleo de lqana’ (agujas) descrito en la literatura etnográfica como « escarificadores » puede explicarse invocando esta lógica qom. Vuoto (1981a) y Balducci (1982) sostienen que éste es el ejemplo más claro sobre la transmisión de cualidades; la segunda autora aclara que « por medio de la utilización de todos los escarificadores que se confeccionan, se pretende justamente acrecentar la potencia del individuo, en determinadas actividades, adquiriendo la propiedad de los animales » (ibid., p. 68). Balducci documenta el uso de escarificadores obtenidos de una especie de ave (ñandú), una de pez (la raya) y cinco de mamíferos (chancho moro, ciervo, mono, puma, tigre). Nuestros registros ilustran el uso de lqana’ 18 de mañic, copaic (gato montés, Oncifelis geoffroyi) y lacataic (raya, Potamotrygonidae), principalmente vinculados a la marisca – para adquirir características de caminadores incansables – y a las actividades deportivas como el fútbol. No obstante, esta lista no debe considerarse cerrada ya que, mediante los mismos principios de funcionamiento, registramos el empleo lqana’ de gatos domésticos (Felis catus, Felidae), quienes habrían ingresado al elenco faunístico chaqueño con la llegada hispana.

46 Finalmente, si bien el uso de grasas, escarificadores y otros elementos animales tendrían una función de prevención, nos parece más acorde conceptualizar su empleo en el marco más general del cuerpo y la persona qom. En este sentido, retomamos a Tola quien, con el fin de delinear las ideas qom sobre el cuerpo como un « espacio socialmente transformado y colectivamente agenciado », enuncia que « el cuerpo de una persona no suele constituirse individualmente sino que requiere de un colectivo para crearse. Este colectivo puede ser, por momentos, los padres, los miembros de la

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familia extensa, el grupo local, las personas del mismo género, pero también toda una serie de personas que solemos llamar “espíritus” pero que numerosas sociedades indígenas consideran como “verdaderas personas” » (2012a, p. 5). A este concepto le agregamos la participación de agencias animales. Como expresaron, en el poblado Km 503, Carlos y su hijo cuando me explicaron la razón por la que « los antiguos » no usaban cucharas de hierro: Eduardo: [usando conec 19] ves lo que nunca ves, sabes todo. Carlos: vas a llegar a conocer lo que nunca no conoces, por parte de ese conec, según lo que cuenta mi abuelo Laxan.

47 Vinculado a eso, cuando conversaba sobre los « remedios » animales que se utilizaban en diferentes etapas de la vida, Valentín comentó que los remedios de los niños son diferentes a los de los jóvenes, los adultos y los ancianos, porque es en los primeros años de vida cuando se « forma la persona ». Durante este período, los adultos los proveen de elementos que los ayudan a caminar, a tener buena dentadura, talones fuertes, pero también moldean aspectos de la personalidad, bridándoles partes de animales o plantas que los hacen menos vergonzosos, valientes, buenos observadores. Así, el cuerpo-persona se va transformando al estar imbricado con la diversidad biológica, según una ontología que no parece establecer límites entre los humanos, los no-humanos, los animales y las plantas.

La comunicación

48 En septiembre del 2010, cuando visitaba a Maura en la comunidad Riacho de Oro, ella me recibió exclamando: « sabía que ibas a venir, me avisó el chiviro, él cantó: mashetegueuo, mashetegueuo [ya está cerquita, ya está cerquita], y por eso no me fui a ningún lado, sabía que iba a venir visita ». La anécdota permite, en términos de Descola, « despojar al hombre de la exclusividad de ese precioso patrimonio » (2012, p. 276), el de la comunicación. Gracias a éste y a otros relatos, advertimos que la trasmisión de mensajes entre los qom y los animales es una acción corriente que resulta altamente significativa debido al tipo de información que se intercambia 20.

49 La mayoría de los autores coinciden en formular que son las aves las que predominantemente actúan en la transmisión de mensajes (Vuoto 1981a, pp. 74-83; Balducci 1982, pp. 10-34; Arenas y Porini 2009, pp. 51-57). Miller expresa que la comunicación entre el hombre y la naturaleza no está limitada al chamán ya que, los cantos de los pájaros por ejemplo, « no eran apreciados sólo por su calidad estética, sino que además informaban al hombre sobre hechos significativos en la vida cotidiana » (1979, p. 29). Vuoto identificó tres formas en las que las aves pueden actuar emitiendo comunicados. Como ndo (noticieras) o como da’aqtaxan (contadoras) entregan mensajes exclusivamente a los chamanes quienes « entienden el canto de los pájaros y pueden hablar con ellos » (1981a, p. 75); « por otro lado, existe otra clase de pájaros de los que se dice que son “seña”, que con su presencia indican el comienzo de una época o la existencia de alguna cosa, su mensaje puede ser interpretado por el hombre común » (ibid.).

50 A pesar de esta evidencia, quienes trabajaron la temática no dudan en reconocer la participación de otros grupos animales. Abocándonos a profundizar el conocimiento sobre mamíferos, encontramos que éstos se encuentran fuertemente involucrados en la

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actividad de comunicación. La Figura 3 muestra en cifras relativas, la participación de ambos grupos mencionados.

FIG. 3 – Porcentaje de menciones de aves y mamíferos anunciantes.

51 Si bien las aves resultan preponderantes en la transmisión de mensajes, el grupo de mamíferos se encuentra altamente representado 21. En el gráfico también se aprecian los distintos tópicos en los que fueron segregados los mensajes que los animales comunican. Los mismos pueden informar sobre la muerte o la enfermedad de un miembro de la familia o de la familia entera, sobre cambios climáticos que implican la llegada de la lluvia o el advenimiento de la temporada de calor (entre otros fenómenos). Asimismo, funcionan como relojes al anunciar la salida del sol, el medio día o el atardecer, comunican la presencia de presas abundantes (fundamentalmente peces), indican la presencia de peligros en el monte como la de tigres, víboras o doqshe; anuncian la llegada de visitas y, por último, comunican una pronta separación del matrimonio que habita en un hogar con la consecuente disgregación de la familia y el posible alejamiento del grupo. Resulta claro que, si bien algunos mensajes pueden resultar anodinos, otros revisten gran importancia no sólo para el individuo sino para el conjunto de la familia, por lo cual prestarles atención significa a veces decidir entre la vida y la muerte.

52 Vinculado a esto, cuando realizaba mis primeros trabajos de campo en El Desaguadero, donde ya no se marisca y el monte desapareció varias décadas atrás, me desperté por la noche y advertí que uno de mis anfitriones arrojaba palos a un ave que sobrevolaba. Al día siguiente, pregunté por lo ocurrido y me contestaron que ese pájaro 22 « anuncia el mal » y que por eso había que espantarlo. Más tarde, en la misma comunidad, mientras tomaba distendidamente mate 23 con una familia, una qomlashe me hizo callar, silenció a toda su familia e hizo apagar la radio; y luego de permanecer unos segundos en silencio exclamó: « escuché que cantaba la chuña [Cariamidae], ésa es importante escuchar, anuncia ». Ambas escenas me enseñaron que, a pesar de que las relaciones mediadas por las prácticas subsistenciales se hayan desmantelado hace tiempo, el sistema simbólico que une a los qom con los animales persiste como poderosa evidencia de una sociocosmología que subyace y funda los vínculos entre los existentes.

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53 No nos dedicaremos a describir qué tipo de mensaje comunica cada especie animal ya que esto se encuentra extensamente documentado por Vuoto (1981a) y Balducci (1982) para los tobas del este; guardando los datos de estos autores estrechas coincidencias con los nuestros. Sin embargo, nos interesa resaltar un aspecto de la comunicación que comulga con lo que estamos planteando y se relaciona con que la lista de animales que « anuncian » y sus tópicos de injerencia no conforman un inventario clausurado. Al respecto, analizaremos el siguiente ejemplo vinculado con el zorro. A este animal raras veces se lo escucha gritando cerca del área de residencia; según Cirilo « es posible oírlo en un campo lejano cuando uno se encuentra mariscando y no hay gente en los alrededores, sólo animales ». Por eso, los ancianos cuentan que cuando empieza a gritar por los caminos, deambula cerca de las viviendas o entra en una casa, anuncia que alguna familia partirá, que el lugar quedará abandonado, y avisa también la separación del matrimonio o la muerte de alguien. Por otro lado, Mauricio cuenta que si se lo encuentra sentado a la orilla de una laguna anuncia suerte ya que « huaxaỹaxa tiene éxito con los peces ». Este animal se sienta y sin hacer ruido en el agua espera que salga algún pez. « Pareciera que atrae a los peces que, al salir, son devorados por él. Por eso algunas familias dicen: huaxaỹaxa de la suerte », relata el mariscador. Como vemos, un mismo animal, de acuerdo al ambiente en el que se encuentre, puede comunicar distintos mensajes. Si el zorro está en la orilla del agua significa éxito en la captura de peces, pero si merodea un espacio diferente, si ronda por el ambiente típicamente humano, su presencia presagia desgracia. Esto último no es propiedad exclusiva del huaxaỹaxa, ya que en reiteradas oportunidades recogimos relatos que documentan la presencia de animales del monte en el espacio peridoméstico como signos claros de la ocurrencia de infortunios.

54 Otro ejemplo es el que me narró Félix, quién describió: « ése es tucán [Ramphastos spp., Ramphastidae], coto’ lta’a. Éste, cuando aparece en una comunidad vuela o cruza o queda en algunos árboles… anuncia algo, peste grande, como que abarca toda la gente, viene peste de toda la comunidad. […] Pero cuando vos encontrás en la costa del Salado o el río, ahí no hace nada porque vos encontrás nomás ». Anastasia y Chopa también reflexionaron acerca de la vez que llegó un ñandú a la colonia: « anuncia el mal cuando llega cerca de la colonia y otra vez también apareció un carpincho pero eso también anuncia el mal cuando se acerca ». Por último, Nora me trasmitió: « Viỹen [Euphonia chlorotica], ese anuncia algo malo, es pajarito, por eso yo le corro o le mato ». Todas las historias relativas al acercamiento de un animal de « mal agüero » al espacio comunitario termina cuando los qom lo corren, lo matan o lo queman con tizones, aspecto que se vincula con una forma de relacionarse con la fauna, que tiene sus reglas de etiqueta y habilita la violencia como modo de queja o sanción.

55 Si bien hombres y animales comparten rasgos de interioridad definiendo una ontología donde la frontera entre ambos parecería difusa, los ámbitos donde estos desarrollan su vida difieren claramente. Tanto la incursión de los animales en los espacios típicamente humanos como la incursión de los hombres en los espacios típicamente animales significan relaciones – a veces peligrosas –, mediadas por el intercambio de información y por el respeto de normas sociales y preceptos éticos que vulneran la normal dicotomía establecida entre lo naturalmente dado y lo culturalmente construido – aspecto que funda una interesante línea para futuras indagaciones.

56 Finalmente, para participar de estos escenarios de vínculos es necesario estar informado. Los qom con los que trabajé resaltan la importancia no sólo de conocer las

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distintas especies sino también de aprender sus distintos comportamientos o sus diferentes cantos, cargados de mensajes. Como narra Félix en relación a la necesidad de adquirir saberes, y los procesos, a veces traumáticos, mediante los que éstos se obtienen: Este chiquiriquic ( Bubo virginianus, Strigidae), unas cuantas noches me llegó. La primera noche me llegó, gritaba, pero no dice el canto [normal] de ése sino otra forma del canto, ese cuando canta dice qui, qui y cuando anuncia algo dice vie:::, vie::::, toda la noche, hasta el amanecer. Yo no sabía ese momento, entonces llegué en casa y mi hermano se enfermó y al otro mes ya falleció. Estaba anunciando, pero otro canto [estaba emitiendo] nomás, había sido que estaba anunciando muy feo. Ahí me di cuenta que ese me llegaba toda la noche, […] Por eso yo cuando escucho que canta, otro canto no pasa nada pero cuando canta otra forma del canto, ya… [me alerto]

Las mascotas

57 Cuando nos acercamos al conocimiento que los qom poseen de los animales, llama la atención que muchos de los mismos fueron adquiridos en situaciónes de mascotismo. Hasta las especies consideradas más peligrosas se introducen en el ambiente doméstico y los móviles de esta acción parecerían ser, por lo menos en una primera instancia, aquirir conocimientos sobre ese « otro » animal. Así, en el barrio toba La Paz, Félix narró que en una oportunidad, mientras se encontraba mariscando curiyú (Boidae), encontró en el campo las crías de esta víbora y resolvió llevarlas a su casa para tenerlas « como sus guachitos [entenados] ». Mauricio relató que en reiteradas oportunidades habían tenido al yacaré como nlo’ (mascota) y que « por eso sabemos muy bien la costumbre de ese animal, la forma de comer, también anuncia la lluvia y se da cuenta cuando viene persona que no es de esa familia ».

58 Respecto del término nlo’, Buckwalter y Litwiller de Buckwalter (2001) lo traducen como « animal doméstico », mientras que los qom mencionan que se puede interpretar tanto como animal doméstico o como mascota. De esta manera, un perro, un gato, las gallinas, los chivos son nlo’, pero también lo son todos aquellos animales que, traídos del monte, desarrollan su vida en el ámbito de la comunidad. Antes que aludir a una categoría animal, el término refiere, a nuestro entender, a una relación. Según el punto de vista toba, el proceso de « mascotización » no respondería a la pretensión de antropomorfizar a un animal, como propone Tim Ingold (2000, p. 91) que ocurre en las sociedades occidentales, sino a un deseo de conocimiento del « otro » para crear un vínculo. Si bien esta relación puede desencadenar procesos de transformación o adopción de nuevas conductas, los mismos no son unidireccionales. Por ejemplo, documentamos que las mujeres embarazadas no deben acariciar ni castigar a los animales silvestres que son mascotas porque su bebé podría adquirir las características del mismo. En el ambiente doméstico, estos animales permanecen cargados de la agencia que los hace « otros ». Justamente, a pesar de los peligros y desórdenes que implican, se los incorpora como manera de informarse y negociar con la alteridad.

59 Según documenta Descola, los achuar toman a las crías de animales de la selva como sus hijos adoptivos y, al adquirir algunas de las características de quienes los amansan, « los animales pierden sus propiedades distintivas iniciales y terminan por asemejarse a ellos […]. Esta naturalización por adopción no suprime por completo la dependencia de los animales con respecto a los amos de los animales de caza, que a distancia siguen ocupándose de su protección » (2012, p. 548). Para los qom, los animales que son

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tenidos en cuidado no se despojan de sus particularidades esenciales, pero, sí, se involucran en un nuevo colectivo social. Alejados de su familia de origen, comienzan a formar parte de una familia qom, reconociéndola como tal, como lo prueban los siguientes ejemplos: « el hualliquiaxai se lo puede tener de mascota ya que es muy manso, pero, cuando aparecen personas desconocidas, se torna malo » (Cirilo) o « el cos conoce a todos los que componen la familia, desde los más grandes a los bebés, pero cuando se enfrenta a un desconocido, comienza a levantar el pelo, se pone malo y puede atacar » (Mauricio). Finalmente, el móvil para aceptar el cuidado de determinadas especies podría relacionarse con el hecho de no desamparar a las crías que no pueden valerse por sí mismas. Abandonarlos podría provocar la ira de su « dueño » – o amo en términos de Descola –, lo que se ilustra mediante el siguiente relato: El humo entró hasta donde estaba el nido del lorito y, de repente, aparecieron los micai [murciélagos]. Había un montón, de distintos tamaños, chiquitos, grandes; todos se tiraron al suelo, no podían volar. Entonces pensamos que se trataba de pichones, se movían torpemente en el piso, parecía que no veían nada. Otro mariscador dijo: “Voy a llevarlos para criarlos” Y cargó su yica [bolsa de fibras vegetales] con diez de estos animalitos. A la tardecita de ese día, este hombre dijo: “Voy a darle algo de comer a mis mascotas” Abrió la yica y salieron todos volando. Ahí comprendimos que no se trataba de pichones, es que el micai no puede volar de día, sólo de noche (Mauricio).

60 Los qom no abandonan la cría de ningún animal en el monte, por más que las mismas no sean comestibles, no se sepa cómo criarlas y no se las conozca (como en el caso de los murciélagos) cuando corroboran que han matado a sus padres o que han provocado un daño que las coloca en situación de vulnerabilidad 24. Por último, si bien la cría de animales del monte puede implicar vínculos emocionales, esto no suprime las lógicas de relacionamiento que implican « contagios », tensiones sociales y malestares éticos.

Reflexiones finales: hacia una zoo-sociocosmología qom

61 El análisis de la zoología qom nos permitió adentrarnos en una sociocosmología en la que existe una continuidad entre humanos y animales, respecto de sus anatomías en la medida en que los qom adjudican al cuerpo animal aptitudes y atributos similares a los que reconocen para sus cuerpos. La menstruación de ciertos animales, por ejemplo, es la causa de que éstos respeten las mismas reglas que las mujeres tobas.

62 La fisiología humana y animal también manifiesta ciertas semejanzas y continuidades que constatamos al analizar la utilización de las especies de fauna. El acto de la alimentación implica, de hecho, un continuum entre quien es consumido y quien se alimenta. El uso terapéutico de ciertos animales sugiere un traspaso de propiedades que da cuenta de la adquisición por parte de los humanos de caracteres animales. Inclusive, la enfermedad es considerada como la incorporación no deseada de comportamientos animales. Todas estas continuidades indican que los atributos que definen a los animales no son interpretados por los qom como « salvajes » – es decir, propios de una naturaleza, que requieren de la acción humana para ser domesticados. Tanto humanos como animales y otros seres no-humanos definen sus regímenes corporales eligiendo de un fondo común de aptitudes y comportamientos aquellos que los identificarán como un colectivo diferenciado – al menos por momentos – y les permitirán

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relacionarse con otros. Ahora bien, estas aptitudes y comportamientos no podrían ser definidos ni como típicamente humanos ni como típicamente animales, en la medida en que estos pueden coincidir en la posesión de atributos y comportamientos. Además, si bien los animales no disponen de lenguaje oral, ellos poseen la capacidad de trasmitir y recibir mensajes. Asimismo, los animales poseen personalidad, inteligencia, pueden desarrollar actitudes de amistad, de cuidado, tareas de enseñanza; se organizan de acuerdo a normas sociales, algunos poseen líderes, emprenden juntos actividades de caza y despliegan comensalidad.

63 La analogía respecto de la interioridad no sólo implica que humanos, animales y otros seres no-humanos sean semejantes en lo relativo a sus lqui’i, sino también que lo que los vincula no sean meramente procesos biológicos mediante los cuales se incorporarían sustancias, se produciría la enfermedad o sobrevendría la cura. Procesos de orden social están implicados en la semejanza de interioridad en la medida en que es a través de múltiples conexiones corporales, emocionales e intelectuales que se deviene persona-cuerpo en interrelación con otros.

64 Ahora bien, a pesar de que humanos y animales comparten rasgos de interioridad a raíz de la existencia de fronteras difusas entre ambos colectivos, los ámbitos en los que todos ellos desarrollan sus vidas difieren claramente. Tanto la incursión de los animales en los espacios humanos como la incursión de los hombres en los espacios animales significan relaciones – a veces peligrosas – mediadas por el intercambio de información y por el respeto de normas sociales y preceptos éticos que vulneran la dicotomía establecida entre lo naturalmente dado y lo culturalmente construido.

65 Finalmente, si para entender a la zoología qom debemos remitirnos continuamente a la sociocosmología, la misma puede ser interpretada como una zoo-sociocosmología, entendida como una forma de ver, relacionarse, comprender, y conceptualizar a los animales, que no puede despegarse del trasfondo de dimensiones institucionales (parentesco, organización social) e ideológicas (sistemas de clasificación, ontologías) mediante las cuales los humanos organizan sus prácticas y su universo simbólico.

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NOTES

1. Entre las personas con las que trabajé algunos usan este etnónimo para identificarse mientras que otros prefieren reconocerse con el término qom. Usamos indistintamente ambas denominaciones porque es el modo empleado por los propios indígenas. 2. El Gran Chaco es el tercer gran territorio biogeográfico y morfoestructural de América Latina después del Amazonas y el Sistema Sabánico Sudamericano que incluye el Campo Cerrado Brasilero y las Sabanas colombo-venezolanas; el segundo en superficie cubierta por bosques después de las selvas pluviales tropicales del Amazonas y del Pacífico colombo-ecuatorianas y el primero en fisonomías forestales de madera dura y muy dura; ocupa más de 1.000.000 km2 extendiéndose por cuatro países, siendo el área desplegada en Argentina la más extensa con aproximadamente 600.000 km2 (Morello, Rodríguez y Silva 2009). En la actualidad, la región cuenta con diecinueve etnias que hoy se agrupan por afinidad lingüística en cinco familias de idiomas de las que las cuatro primeras corresponden a « cazadores-recolectores »: Zamuco; Guaycurú (que incluye a los toba); Lengua-Maskoi y Matako-Maká; mientras que la familia Tupí- Guananí reúne a los « agricultores » (Maldonado y Hӧhne 2006). 3. Los estudios sobre la organización social de los tobas sugieren que, antes del siglo XIX, estos indígenas se movilizaban como familias extensas que, aglutinadas en « bandas », se constituían como unidades locales, las que se congregaban en « tribus ». Se trataba de unidades políticas agrupadas en torno a una misma variante dialectal que se desarrollaban estableciendo alianzas mediante las relaciones de parentesco a través del intercambio matrimonial (Braunstein 1983). 4. El término también refiere al plumaje de las aves, a la corteza de los árboles, a la cáscara de los frutos y a las nubes. 5. Mariscar es un término empleado en la zona para referirse a las actividades de caza y pesca. 6. Mauricio utiliza la palabra « viborón » para referirse a ’araxanaqlate’e (lit. « la madre de las víboras »). Este ser no-humano es entendido como la dueña de las víboras y constituye uno de los ayudantes chamánicos conceptualizado como de excepcional poder. Tiene la capacidad de transformarse en mujer para dialogar con los humanos (Medrano 2013a). Así lo describe Valentín de Riacho de Oro: «‘araxanaqlate’e también aparece como una persona, como una mujer elegante […] y, bueno, empieza a hablarle al que le quiere dar el poder. Pero una vez que le aceptaron el poder se vuelve al agua, o al monte de donde provino ese animal, y de ahí emite el poder a la persona que lo recibió ». Para ampliar relatos sobre este no-humano cf. Wright (2003); sobre el lugar cosmológico de estas entidades cf. Cordeu (1969-1970), Terán (2000), Wright (2008) y Tola (2012a). 7. Nótese que en qoml’aqtaqa (lengua toba) se emplea el mismo término para referirse al hijo de un humano (shiaxahua llalec) que al de un puma (sauaxaic llalec) u otra especie, por lo que aquí también encontramos un paralelismo que diluye diferencias entre hombres y animales. 8. Idoyaga Molina (1992, 1995), analizando los modos de clasificación pilagá, describió la presencia de dos sistemas que actúan simultáneamente: uno involucra la potencia o poder de los seres y el otro es empírico y « responde al modelo de lo que habitualmente se denomina etnotaxonomía » (1995, p. 17). El primer sistema incluye las nociones de loGót-lamasék (dueño- dependiente). La autora señala que « no existe prácticamente realidad posible que no sea

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clasificada en términos de loGót-lamasék, seres y objetos son correlacionados en función de un universo jerárquico de potencia » (ibid., p. 42) que se expresa de acuerdo a este par de descriptores. Según este estudio, cada ámbito cosmológico está regido por un loGót (dueño) que vela por la vida de los animales a su cargo e interfiere ante la caza excesiva castigando a los que violan esta disposición. Por ejemplo el dueño de los pecaríes cuida a sus lamasék (los pecaríes) y con el loGót los chamanes tienen que negociar las presas de caza y el castigo a los humanos que violan reglas cinegéticas. Este esquema establece un orden jerárquico ubicando a todos los seres en una comunidad « a la vez que se expresan la potencia y el nivel que posee cada individuo dentro de su comunidad » (idib., p. 260). Por otro lado la clasificación les permite saber a todos los existentes cómo comunicarse con el resto, qué esperar de ellos, cómo pedir su auxilio, enfrentarse, neutralizarlos o complacerlos. Si bien nosotros (cf. Medrano et al. 2011; Medrano 2012a) identificamos la presencia de dueños de las especies animales y otros no-humanos dominando diversos ambientes como el monte, el agua o el campo – tema ya ampliamente trabajado en la literatura chaqueña –, no encontramos entre los qom del este de Formosa al complejo loGót-lamasék definido por Idoyaga Molina. Finalmente nuestro objetivo es concentrarnos en los animales por lo que, al hablar de la presencia de liderazgos, nos referimos a aquellos desarrollados hacia el interior de grupos de fauna y no a los experimentados por los dueños de estas especies. 9. Sobre comensalidad humana entre los qom cf. Coconier (2012). 10. Para ampliar la información y el análisis sobre el resto de los tópicos que incluyen saberes etiquetados como « comercio », « objetos y artesanías », « alimentación », « medicina », « anuncio », « plagas », « mascotas » y « otros », cf. Medrano et al. (2011) y Medrano (2012a). 11. Aclaramos que no se trabajó con la totalidad de las aves citadas para el Chaco sino con una muestra de 38 especies que estimamos representativa para adelantar algunas conclusiones parciales en relación al grupo zoológico. 12. Cf. Arenas (2003) y Coconier (2012). 13. Según Buckwalter y Litwiller de Buckwalter (2001) la traducción del término nauoga seria: « le daña ». Sobre nauoga, cf. Karsten (1932, p. 74), Métraux (1996 [1946], p. 103), Balducci (1982, pp. 72-88), Tola (2005, 2007-2008). 14. Arenas expresa que: « La grasa representa un gran atractivo para el consumo de determinadas presas. Una carne magra es mal conceptuada y hasta es descartada si se caza o se pesca un animal con estas características » (2003, p. 158). 15. Salamanca y Tola (2002, p. 99) indican que la enfermedad y la muerte son entendidas, la mayoría de las veces, como consecuencias de acciones brujeriles. No pueden dejar de consultarse los trabajos de Idoyaga Molina (2005) y Arenas (2000) respecto al tema salud y enfermedad en grupos indígenas chaqueños. 16. Susnik (1973) indica que, para estos grupos, la idea de enfermedad sólo es aplicable a los males que pueden provocar eventualmente la « fuga del alma humana ». Esto último se interpreta actualmente como el lqui’i. Salamanca y Tola expresan que: « En términos generales las personas no-humanas están dotadas por naturaleza de un poder superior al de los humanos, poder que les confiere la capacidad de ayudarlos salvándoles de la enfermedad mediante la acción terapéutica de los shamanes (soplo, canto, oración, uso de la Biblia, succión), como también eliminarlos quitándoles alguno de sus componentes vitales (la’at o aliento, lki’i o alma-imagen y lapaqal o sombra) » (2002, p. 110). 17. Entre los tobas el concepto de poder ha sido ampliamente trabajado (cf. Miller 1977, 1979 ; Wright 2008). Miller refiere que « el término “poder” no alude fundamentalmente a procesos políticos que implican toma de decisiones y ejercicio de autoridad, sino a relaciones humanas con el universo fenoménico, en términos del control de las fuerzas que permiten preservar la salud, armonía y bienestar » (1977, p. 306). Este poder es el que emplean los no-humanos para circular por los diversos niveles del cosmos qom así como la fuente de energía que utilizan los chamanes

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para producir la enfermedad, la muerte o vincularse con los dueños de especies y fenómenos climáticos. Si bien en este trabajo no problematizamos la noción de poder es claro que está involucrada en los procesos de enfermedad y cura. Al respecto, existe mayor concentración de potencia en los niveles celestes y en las profundidades acuáticas por lo que los seres que habitan estos ámbitos producen tanto enfermedades como curas más vigorosas. No obstante, esto no se verifica para los peces (cf. más adelante en este trabajo) por lo que en trabajos futuros resultaría fecundo problematizar estos presupuestos a la luz de las actuales contribuciones a la etnozoología qom. 18. Según nuestros datos de campo los escarificadores de mamíferos se realizarían con el peroné, los de aves con el peroné o el tibio tarso y el de raya con la espina caudal de los respectivos animales. 19. Valva de molusco bivalvo (Etheriidae, Anodontites trapezialis susanae) que se emplea como cuchara. 20. En este apartado nos dedicaremos a describir el tipo de comunicación que los qom no chamanes establecen con las especies animales. Para un análisis sobre la comunicación entre las distintas especies y los chamanes cf. Medrano (2013b). 21. Por no tenerlos aún completamente identificados, no hemos incluido a reptiles, anfibios e invertebrados vinculados a actividades de comunicación aunque mencionamos que su participación es significativa. 22. Nos referimos a chishit, la lechucita de las vizcacheras (Strigidae, Athene cunicularia). 23. Bebida elaborada en base a yerba mate (Ilex paraguayensis) y agua caliente que se consume preferentemente en grupo. 24. Cabe aclarar que también documentamos la captura de crías de mamíferos y pichones de aves con fines comerciales y utilitarios. Por ejemplo en la comunidad Km 503 se capturaron dos crías de coatí porque « éstas se comen las vinchucas ».

INDEX

Index géographique : Argentine, Toba (Qom), Chaco Thèmes : Anthropologie, Ethnozoologie

AUTEUR

CELESTE MEDRANO

Licenciada en Biodiversidad por la Universidad Nacional del Litoral (Santa Fe) y Doctora en Antropología por la Universidad de Buenos Aires; becaria posdoctoral del CONICET (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Tecnológicas) de Argentina. Actualmente trabaja asociada a la Sección Etnología y Etnografía del Instituto de Ciencias Antropológicas (Universidad de Buenos Aires/CONICET) [[email protected]]

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Nécrologies

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Claude-François Baudez (1932-2013)

Aurore Monod Becquelin et Pierre Becquelin

Claude-François Baudez, directeur du Proyecto arqueológico Copán (1977-1980). Cliché Proyecto arqueológico Copán (droits réservés).

1 Claude-François Baudez est né à Paris en 1932 et il s’y est éteint le 13 juillet 2013. Il est reconnu par la communauté scientifique internationale comme un archéologue et iconologue mésoaméricaniste remarquable.

2 À l’Institut d’ethnologie de l’université de Paris il obtient, en 1956, les certificats d’ethnologie et de linguistique après celui de sociologie, tout cela pendant les longues années du service militaire de l’époque. C’est à ce moment-là qu’il suit les séminaires de

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Guy Stresser-Péan et Claude Lévi-Strauss. Son premier terrain, en 1957, s’effectue au Costa Rica. Il complètera sa licence avec un certificat de littératures d’Amérique latine en 1960 et il entre la même année au CNRS comme attaché de recherche. En 1964, il soutient sa thèse de troisième cycle « Recherches archéologiques dans la vallée du Tempisque, Guanacaste, Costa Rica », laquelle sera publiée en 1967. Toute sa carrière s’est déroulée au CNRS, où il était devenu directeur de recherche. Il a bénéficié de l’appui constant du ministère français des Affaires étrangères (commission des fouilles) et de plusieurs institutions internationales pour mener à bien ses nombreux travaux à l’étranger : Costa Rica, Honduras, Mexique.

3 Ses recherches en Amérique centrale, à partir de ses premiers terrains au Costa Rica, entre 1957 et 1960, puis au Honduras, dans la deuxième moitié des années 1960, furent consacrées fondamentalement à l’établissement de séquences culturelles, lesquelles étaient à l’époque encore fort imprécises. Point d’orgue de ce premier ensemble de travaux, il choisit d’effectuer des fouilles sur le grand site hondurien de Los Najanjos, un établissement protégé par des fossés et qui livra une séquence chronologique allant du Préclassique au Postclassique (Baudez et Becquelin 1973). Dans l’élaboration de cette séquence, l’étude qu’il réalisa de la céramique allia avec succès approche typologique et approche modale. Ces diverses recherches lui permirent de rédiger une synthèse de l’archéologie de l’Amérique centrale, publiée en 1970 à Genève dans la collection « Archaeologia Mundi », qui reste encore une référence. Il y montre en particulier clairement la division que l’on peut établir entre zone influencée par les civilisations mésoaméricaines et zone liée aux cultures sud-américaines. Dans la suite de sa carrière il n’oubliera jamais complètement l’Amérique centrale de ses débuts, son dernier travail sur la région, concernant le Diquis et réalisé en collaboration avec Borgnino, Laligant et Lauthelin, ayant été publié en 1993.

4 À partir des années 1970, Claude se tourna résolument vers la civilisation maya. Le site de Tonina est le déclencheur qui marque le tournant de sa vocation, et ce, non seulement sur le plan géoculturel mais aussi sur celui des thématiques. En effet, en plus des fouilles qu’il effectuait à cet endroit, et à l’occasion de l’étude des sculptures du site, il se découvre alors un intérêt, qui devint immédiatement une passion, pour les réalisations de l’art maya et pour les sens à leur donner. De nombreuses publications témoignent de ce tournant dans sa carrière, à commencer par les trois premiers tomes de Tonina, une cité maya du Chiapas (Mexique), parus respectivement en 1979 et 1982. Les travaux de la mission française au Chiapas dirigés par Pierre Becquelin et qui se poursuivirent jusqu’en 1980 le conduisirent donc à l’étude précise de l’iconographie de cette cité et à l’établissement d’un vocabulaire descriptif modèle, ce dernier mis au point après de nombreux échanges avec plusieurs collègues, notamment Ian Graham et Peter Mathews. Toutefois, lorsqu’il publie en 1984, avec Pierre Becquelin, Les Mayas dans la prestigieuse collection conçue par André Malraux, « L’univers des formes », il hésite encore à introduire ses nouvelles interprétations iconologiques que l’on trouvera plus tard, au fil de plusieurs articles et, sous une forme synthétique dans son Une histoire de la religion des Mayas. Du panthéisme au panthéon (2002 pour l’édition française, 2004 pour la version espagnole). L’image de la religion maya qu’il présente dans cet ouvrage est aussi originale parce qu’il adopte résolument, à son sujet, une perspective historique, ce qui implique de scruter les changements dans les cultes et les croyances et de donner autant d’importance aux crises et aux ruptures qu’aux permanences. C’est en fait un livre qu’il faut relire, car les pistes d’interprétation qu’il offre sont beaucoup

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plus subtiles que ce que bien des spécialistes y ont vu : il permet en effet d’échapper à la confrontation stérile entre continuité et rupture.

5 La passion de Claude pour l’iconographie et les relations à l’image de la société maya se confirme complètement lorsque, à la suite de Gordon Willey, il prend la direction du programme international de recherche à Copán au Honduras entre 1977 et 1980. S’il supervise alors l’ensemble des recherches, prospections dans la vallée et fouilles du site et de ses alentours comprises, rapidement c’est à la sculpture du site qu’il s’intéresse personnellement, et il continuera à le faire dans les années suivantes. À l’époque, bien d’autres chercheurs s’intéressaient à l’iconographie et aux inscriptions de Copán, mais de façon bien plus ponctuelle que Claude qui, lui, développait une analyse systématique et méthodique de tout le corpus de la sculpture. Coordinateur des trois volumes de Introducción a la arqueología de Copán, il publie aussi, et surtout, en 1994, aux presses de l’université d’Oklahoma, Maya sculpture of Copán : the iconography, un ouvrage qui demeure la meilleure introduction à l’iconologie du site.

6 D’un point de vue méthodologique, l’art maya n’est, à ses yeux, pas séparable de la religion, des formes de pouvoir et des croyances. Dès le début de son travail de terrain, dans une lettre à Michel Izard de 1959, citée par Olivier Herrenschmidt, il écrit qu’on assigne à l’archéologie un rôle historique en négligeant ses contributions à l’anthropologie. Comprendre ce que signifie le fait de représenter l’oblige, pour atteindre une véritable iconologie, à associer un sens à chaque graphisme de la manière la plus indiscutable possible, et cela exige un travail de comparaison iconographique considérable. La méticulosité avec laquelle il intériorise chaque détail des images – par l’œil, en observant, et par la main, en dessinant – coïncide avec un questionnement sur le savoir qui se manifeste dans ces éléments mais ordonne aussi les compositions plus larges. Car Baudez joint à la minutie dans l’observation une vision élargie des sites et de la position de ses objets d’étude dans leurs contextes, les ensembles architecturaux notamment, à Copán en particulier, plus tard à Palenque.

7 Sur un domaine qui concerne l’esthétique et l’art autant que l’archéologie, et parce qu’il était au contact d’ethnologues, d’ethnolinguistes, de linguistes et d’épigraphistes, il est remarquable que les questions que Claude-François Baudez se posaient aient été, dès l’abord, d’ordre anthropologique : la royauté, les captifs, le sacré, l’espace rituel, les attributs de la religion, le sacrifice. La guerre et ses apparats surgissent dès son analyse des sculptures de Tonina. Le thème de la royauté sacrée s’impose aussi à lui très vite comme un domaine d’exploration, mais à étudier dans une perspective comparative : sa nature, ses attributs, ses pouvoirs. L’autosacrifice prend enfin de plus en plus d’importance dans ses interrogations, ce qui le pousse à aborder un problème philosophique et logique autant que mayaniste et mésoaméricaniste : comment, par une chaîne d’assimilations, le sacrifice de l’autre devient le substitut des multiples formes du sacrifice de soi. Il interroge à titre comparatif les Olmèques, les Teotihuacans et surtout les Aztèques. Les résultats de ces questionnements font l’objet de ses dernières publications, en particulier La douleur rédemptrice : l’autosacrifice précolombien paru en 2012, puis en traduction espagnole en 2014 au Mexique.

8 À l’occasion des séminaires et conférences qu’il donne, il provoque de nombreuses discussions de la part de ses collègues : archéologues, mais aussi experts d’autres disciplines, américanistes ou spécialistes d’autres continents, dont les organisations sociales et symboliques peuvent être sources de comparaisons. Soucieux d’élargir l’audience autour du cercle des mayanistes ou des mésoaméricanistes, il ne néglige pas

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la publication d’ouvrages de synthèse depuis celui, déjà mentionné, de 1970 sur l’Amérique centrale jusqu’à Les Mayas, en 2004, aux éditions Les Belles Lettres. Dans le même esprit, et tournés vers un public élargi, on peut citer son étude du peintre Waldeck, parue en 1993 chez Hazan, et le petit ouvrage, élaboré avec Sydney Picasso, Les cités perdues des Mayas, dans la collection « Découvertes » de Gallimard qui, traduit dans de nombreuses langues, lui valut des dizaines de milliers de lecteurs.

9 Le très grand nombre de contributions qu’on doit à Claude-François Baudez, seul ou en collaboration, montre la richesse de son travail de diffusion des connaissances. Mais il joignit aussi à cette tâche une présence assidue et des interventions répétées dans les établissements et institutions où son enseignement pouvait toucher à la fois un public non averti et des savants, des étudiants aussi bien que des collègues, et cela à l’étranger comme en France.

10 De fait, l’un des points de son activité qui permet de comprendre l’importance de sa participation au débat scientifique, donne matière aussi à parler de lui de façon plus intime : il s’agit de la vie collective qu’il n’a cessé de mener avec ses collègues en France, sa participation aux divers groupes de travail auxquels il s’associait avec persévérance.

11 Assidu au séminaire de l’EPHE « Religions de l’Amérique précolombienne », organisé par Michel Graulich, qu’il a même remplacé en 1996-1997, ce dont il se disait très heureux, il a accompagné avec constance ce dernier, surtout à partir des années 2000 lorsqu’il s’est attaché à l’analyse du sacrifice humain. Ensuite, entre 2007 et 2012, il n’y a pas donné moins de 16 conférences : dans ce séminaire, repris alors par Danièle Dehouve, les problématiques abordées marquent la progression de sa pensée en même temps que la continuité de ses préoccupations.

12 Parmi les nombreux thèmes traités de façon comparative, on retiendra, par exemple, l’étude des dépôts rituels découverts dans le Templo Mayor de la ville de Mexico et publiés par Leonardo López Luján (1993), où il s’intéresse notamment à leur disposition en strates verticales, plusieurs agencements constituant une recréation du monde. En mettant en parallèle ces dépôts avec d’autres découverts en zone maya (dans les remplissages au-dessus des sépultures par exemple), Baudez propose l’existence d’une pratique généralisée en Mésoamérique de dépôts cosmogoniques enterrés.

13 Un autre thème qu’il approfondira est celui de l’égalité des sexes. Après plusieurs auteurs, il compare la fête Tlacaxipehualiztli « écorchement des hommes » à une autre fête mensuelle, Ochpaniztli, « usage des balais ». Il remarque que, si la première apparaît comme masculine, Ochpaniztli met surtout en scène des femmes et que les deux, vues ensemble, partagent l’année en deux moitiés équivalentes, l’une masculine, l’autre féminine. Il va d’ailleurs plus loin encore dans l’analyse iconologique : dans une conférence intitulée « Le troisième sexe », il compare les fêtes Ochpaniztli et Tititl représentées dans le Codex de Florence : il montre que les rituels, parce qu’ils traitent des femmes à deux moments de leur vie (âge mûr et vieillesse), fondent la subdivision de la société en groupes constitutifs et représentent donc des opérateurs classificatoires.

14 Bien évidemment, royauté sacrée et autosacrifice sont les domaines de ses contributions principales, et le travail sur la royauté maya classique est central dans son œuvre. En particulier à propos du roi de Copán longtemps nommé « 18-Lapin », Claude souligne la dimension cosmique du roi, comparé au soleil sortant de terre lors de son intronisation. Son corps est un microcosme et les actes rituels d’autosacrifice qu’il pratique promeuvent la fertilité. Une des particularités de son approche, élaborée

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à partir des années 1980, fut de partir de l’image du captif conçu comme l’opposé structural du roi et une image en creux de celui-ci (voir, par exemple, les emblèmes de la captivité versus ceux de la royauté), chaque complexe étant délimité temporellement, spatialement et par contraste. Chemin faisant, il reconsidère le thème des rituels sanglants et propose de repenser ensemble les activités de guerre, de jeux et de batailles rituelles, ce qui lui permet d’élaborer une nouvelle typologie à deux catégories seulement : la guerre, d’un côté, les batailles rituelles, de l’autre (auxquelles appartiennent les jeux de balle), dont le but est de faire des morts et des blessés par l’utilisation du hasard, c’est-à-dire du sort.

15 L’iconographie du sacrifice restera jusqu’en 2013 son centre d’intérêt privilégié. Il amplifie les démonstrations de Graulich selon lequel le sacrifice de soi est un rite créateur et réparateur, ainsi qu’un moyen de pression sur les dieux. Il s’agit d’un rite d’une grande souplesse capable de s’adapter aux occasions les plus diverses ; une des phases d’un cycle sans fin de dons et de contre-dons, d’humiliation et de rédemption, de souffrance et de bien-être.

16 C’est en participant aux réunions, ateliers et colloques du Groupe d’enseignement et de recherche maya (GERM) que Claude a bâti et raffiné sa vision de l’autosacrifice. En se reportant à cette période, on prend la mesure de la dynamique de sa réflexion.

17 Le GERM était né dans les années 1970-1980 de l’obstination de Pierre Becquelin et de l’équipe de Tonina, avec Claude, bien sûr, et plusieurs jeunes collègues et étudiants, pour engager des réflexions collectives et interdisciplinaires sur le monde maya. Sollicités également pour donner des cours d’archéologie au département d’ethnologie de l’université de Nanterre, associé au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative fondé par Éric de Dampierre, les chercheurs du groupe inaugurèrent une longue suite d’enseignements de l’archéologie mésoaméricaniste à Paris X. C’est dans ce cadre que débuta l’engagement infaillible de Claude dans les activités du GERM, soumettant toutes ses avancées en iconologie au groupe de travail qui avait été constitué. En 2000, grâce à l'installation dans un bâtiment commun, la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie René Ginouvès, le GERM resserra les liens qui existaient déjà entre les deux principaux laboratoires porteurs (LESC et ARCHAM auquel Claude Baudez appartenait) en attirant aussi plusieurs membres d’autres laboratoires et départements. Là plus qu’ailleurs, Claude put tester de façon comparative ses recherches, en particulier sur les similarités et dissemblances avec le monde aztèque, mais également avec d’autres parties du continent américain, de l’Amazone aux Andes. Derrière pierres et d’objets, auxquels il cherchait un sens, ou images, dont il sondait la signification, il fouillait la religion et le pouvoir. Au gré des thèmes choisis et des spécialistes extérieurs invités, Claude, qui était toujours présent, s’offrait à la discussion : ainsi, la question « politique et religion dans la civilisation classique maya » fut confrontée à la vision d’une sinisante spécialiste des royaumes combattants, les rapports entre archéologie et religion chez les Maya discutés par un indianiste ou un ethnohistorien du monde aztèque. Le sujet sur les figures de la royauté alimenta de nombreux mois de discussion tant avec des péruanistes et des amazonistes que des indianistes ou des africanistes.

18 Lorsque Claude Baudez débuta sa carrière d’archéologue, devinait-il que sa curiosité, sa passion de la comparaison et un infatigable intérêt pour les autres disciplines allaient le conduire à utiliser des outils opératoires propres à la linguistique, à tirer profit de notions fines issues de la topologie ? Au hasard de ses articles dans les ouvrages

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collectifs du GERM, on peut aisément illustrer sa manière de faire de la recherche et son style.

19 En 2003, dans Espacios mayas, il offre un article intitulé « Las aguas terrestres entre los antiguos mayas : representaciones y rituales ». Dans les lignes qui suivent, on perçoit à la fois sa prudente rigueur, qui lui interdit toute extrapolation, et, en même temps, sa précision dans les descriptions qui font surgir, par la justesse des termes les plus concrets, un réalisme poétique de bon aloi : On ne sait pas bien ce que vont faire les danseurs et les musiciens, où, quand, comment et pourquoi […], mais ce que l’on peut dire c’est que grâce à la musique, la danse et les gestes, on va donner ou redonner de la vie et de l’énergie, réactiver un milieu aquatique qui symbolise la vie, le renouveau, l’abondance. Au son des trompettes, au rythme des hochets, des tambours et des carapaces de tortue, les nénuphars mordillés par les poissons frémissent, les écrevisses entourent le seigneur des eaux – que nous appelons le monstre aquatique –, les crabes agitent leurs pinces, les crocodiles font claquer leurs mâchoires et les canards nasillent. C’est ainsi que l’on comprend mieux la fonction de la structure 12 de Copan qui donne aux acteurs d’un rituel semblable l’espace nécessaire à leurs évolutions. [traduction des auteurs A. M. B. et P. B.]

20 Au cours du travail dans un des ateliers de l’ACI « Géographie du sacré » du GERM, Claude peaufine un essai sur le parallélisme dans les images mayas de la période classique, qu’il publiera en 2010 dans l’ouvrage qui fit suite au colloque international conclusif de ces ateliers. C’est dans la partie linguistique intitulée « Parallélisme », et non dans la section archéologique, que se situe son article « La tierra y sus máscaras », texte dans lequel il scrute les variantes iconographiques de ce procédé linguistique et cognitif. No es sólo por ser agricultores que los mesoamericanos prestan tanta importancia a la tierra; es también por sus cualidades y funciones a la vez diversas y contradictorias, por su carácter de refugio misterioso de las fuerzas de la vida como de las de la muerte, y por ser sitio de notables transformaciones.[…] A esta multiplicidad de funciones corresponde una multiplicidad de formas que recurren a varias figuras estilísticas para ilustrarlas (2010, p. 195).

21 La signification des figures en iconologie rapproche les analyses d’un phénomène syntaxique et sémantique, le diphracisme : à une unité sémantique ou significative (« structure d’une image ») correspondent deux ou plusieurs termes (exemple du monstre terrestre) ; les « associations » – attributs, figures, ensembles, emboîtages, etc. – montrent une certaine fixité en ce qui concerne le sens global, mais des variantes dans la composition de ce sens « pour révéler des oppositions ou des nuances ». Les effets sémantiques de ces différentes configurations relationnelles portent sur une grande variété de thèmes : opposition ou complémentarité de nature des éléments, cyclicité saisonnière, ambivalence des entités. [El mascarón] es usado tanto para marcar oposiciones y diferencias como para expresar la permanencia gracias a la repetición de una forma inmutable. Se manifiesta a veces como sujeto, participando activamente en una composición; a veces como atributo para atribuir o confirmar el carácter terrestre a un animal emblemático, una alegoría, un ser mítico, y hasta a un edificio. (ibid., p. 205)

22 Dans ce même recueil et dans le travail qui lui sert d’épilogue « El paralelismo de las páginas 33 y 34 del Códice Borgia », sa méthodologie apparaît limpide et rigoureuse à la fois. Il inclut le contexte comme élément majeur de l’analyse de manière à rendre compte de subtiles variations, une des difficultés de l’iconologie maya. La première phrase est significative de sa façon de penser :

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Investigaciones recientes me llevaron a comparar dos grandes celebraciones aztecas […] [la que] tenía como propósito […] asimilar a los guerreros mexicas con sus víctimas […] [y la que] buscaba asimilar a las mujeres con los guerreros. (2010, p. 539)

23 Et plus loin on lit : Sólo es comparable lo que es a la vez semejante y diferente. La analogía observable entre dos íconos, que radica en la forma, el color, la estructura y/o el contexto, incita a compararlos para poner de relieve la diferencia que tiene sentido. Imágenes de la misma estructura, en particular, provocan la comparación que tiene el efecto de evidenciar equivalencias, variantes, oposiciones y hasta variaciones. (ibid., p. 550).

24 C’est ainsi qu’il dénombre les oppositions ponctuelles, les contrastes d’ensemble dans une même structure, les constantes – co-texte du parallélisme –, les exclusives, et qu’il donne une interprétation neuve aux deux pages de ce codex. Il y trouve un « exemple notable de parallélisme en iconographie », et démontre ce qu’il appelle l’équilibre des sexes dans une cosmologie, idée reprise de ses conférences précédentes, mais définie ainsi dans la mesure où elle n’est ni cosmogonie, ni narration de rituels, puisqu’il prend en compte ce qu’implique la notion de genre linguistique et qu’il l’utilise à bon escient en iconologie.

25 En 2012, Claude publie un article brillant, un de ses tout derniers, dans un recueil collectif en ligne qui fit suite à un travail de deux ans du GERM autour du modèle topologique de la frontière épaisse. Le thème abordé l’occupait déjà depuis un certain temps.

26 Chez trois ethnies qui pratiquaient la guerre de capture (Aztèques, Iroquois et Tupinamba), le rituel avait pour fonction d’assimiler le prisonnier à son vainqueur, la victime au sacrifiant, l’Autre à Soi. Les guerres auraient en commun les épisodes suivants : deux phases d’agressivité, l’une suivant la capture et l’autre précédant l’exécution, sacrifice, mort et renaissance, prohibitions alimentaires et deuil. Ces épisodes créent une fusion entre le meurtrier et sa victime. La réflexion de Claude Baudez sur la nature structurellement équivalente du sacrificateur et du sacrifié est un prolongement des analyses menées dans son livre La douleur rédemptrice. L’autosacrifice précolombien, qui fait du sacrifice mésoaméricain un épiphénomène de l’autosacrifice. Mais pour être en syntonie avec l’enjeu de la recherche collective qui était menée, ce sont les étapes de cette transformation qui sont analysées comme les moments successifs du franchissement d’une frontière épaisse : il étudie donc les successions d’actes, d’objets ou de discours qui font de l’ennemi un parent, transforment l’hostilité en impuissance et assimilent l’Autre à Soi. En scrutant l’apparition et la présence de microdétails dans les descriptions, il précise une chronologie de l’assimilation qui ne suit, ni celle d’une narration, ni celle de la description de scènes manifestes. Il nuance le dualisme amérindien en montrant le passage d’une catégorie à une autre qui lui est ontologiquement opposée, argumentant que le guerrier et le captif aztèques sont des êtres de frontière et que chacun passe de son statut à celui de l’autre par un ensemble parfaitement ordonné d’une multitude d’actes, de paroles et d’objets. Claude suit là magistralement les mouvements du double jeu de mort et de vie. Il éclaire la nature de la frontière ontologique qui est franchie : vie et mort sont une même réalité pour les Amérindiens, la vraie frontière se situe entre le soi et l’autre et c’est là qu’intervient le rituel majeur, pour faire de ce passage, non une métaphore, mais de véritables expériences de vie puisqu’elles touchent à la pratique : parenté, relations politiques, expressions normées des émotions, parties du corps, nourritures, choix d’une couleur,

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d’un ornement, d’une plume. Cet article, condensé, impeccable dans la démonstration, est un grand exemple de la description raisonnée du passage des frontières.

27 Le GERM, qu’il a animé pendant plus de quarante ans avec générosité, ne peut que garder en mémoire la qualité de sa participation à la recherche. Inoubliables demeurent son allant, ses rires et son étonnement combatif lorsqu’on lui proposait d’intervenir sur un thème trop improvisé ou une idée inutile. De Claude Baudez et du travail effectué collectivement avec lui, on retiendra sa fidélité à trois des principes qui nous tenaient et nous tiennent à cœur : la confrontation et, si possible, la collaboration entre disciplines, la comparaison avec d’autres cultures et contextes, en particulier amazonien et océanien, le partage des connaissances et l’enseignement. On ne saurait enfin oublier de mentionner sa fidélité à bien d’autres institutions et lieux de recherche en France (CNRS, EPHE, EHESS, INALCO) et ses contributions à la principale revue française du domaine, le Journal de la Société des américanistes. Comment ne pas terminer cette évocation de ce qu’il fut sans se référer à cette ambivalence constitutive de sa personne, entre doute et passion, que très tôt il énonçait lui-même dans des lettres à son ami Olivier Herrenschmidt. Pour revenir à ma profession, je m’étonne de ne pas l’exécrer encore : chaque fois que je l’exerce, c’est dans le doute, l’ignorance, l’angoisse […] (novembre 1959) J’aime tant mon métier, car il me permet de me dépenser physiquement […] et en même temps me permet de satisfaire mes quelques prétentions intellectuelles (avril 1961).

28 Son ardeur à la discussion et son inventivité restent précieuses pour ses collègues et ses amis et demeurent un modèle de ce que peuvent être des relations idéales de travail et de gaieté.

BIBLIOGRAPHIE

BAUDEZ Claude-François 1967 Recherches archéologiques dans la Vallée du Tempisque, Guanacaste, Costa Rica, Centre National de la Recherche Scientifique/IHEAL, coll. « Travaux et Mémoires » 18, Paris.

1970 Amérique centrale, Nagel, coll. « Archaeologia Mundi », Genève.

1993 Jean-Frédéric Waldeck, peintre : le premier explorateur des ruines mayas, Hazan, Paris.

1994 Maya sculpture of Copán : the iconography, University of Oklahoma Press, Norman/Londres.

2002 Une histoire de la religion des Mayas. Du panthéisme au panthéon, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Histoire », Paris.

2003 « Las aguas terrestres entre los antiguos mayas : representaciones y rituales », in Alain Breton, Aurore Monod Becquelin et Mario Humberto Ruz (éds), Espacios mayas : representaciones, usos, creencias, Universidad Nacional Autónoma de México, Centro de estudios mayas/Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, Mexico, pp. 463-488.

2004 Una historia de la religión de los antiguos mayas, UNAM/CEMCA/Centre culturel et de coopération pour l’Amérique centrale, coll. « Arqueología », Mexico.

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2004 Les Mayas, Les Belles Lettres, coll. « Guide Belles Lettres des Civilisations », Paris.

2010 « La tierra y sus máscaras », in Aurore Monod Becquelin, Alain Breton et Mario Humberto Ruz (éds), Figuras mayas de la diversidad, UNAM, CEPHCIS, Mérida, pp. 195-206.

2010 « El Paralelismo de las páginas 33 y 34 del Códice Borgia », in Aurore Monod Becquelin, Alain Breton et Mario Humberto Ruz (éds), Figuras mayas de la diversidad, UNAM, CEPHCIS, Mérida, pp. 539-566.

2012 La douleur rédemptrice : l’autosacrifice précolombien, Riveneuve éditions, Paris.

2012 « Le passage de la frontière », Ateliers d’anthropologie, 37 [En ligne : http://ateliers.revues.org/9198]

BAUDEZ Claude-François (éd.) 1983 Introducción a la arqueología de Copán, Honduras, 3 vol., Instituto Hondureño de Antropología e Historia, Tegucigalpa.

BAUDEZ Claude-François et Pierre BECQUELIN 1973 Archéologie de Los Naranjos, Honduras, Mission archéologique et ethnologique française au Mexique, coll. « Études mésoaméricaines » 2, Mexico.

1984 Les Mayas, Gallimard, coll. « L’univers des formes », Paris.

BAUDEZ Claude-François, Nathalie BORGNINO, Sophie LALIGANT et Valérie LAUTHELIN 1993 Investigaciones arqueológicas en el delta del Diquís, CEMCA/DRCSTE Mexico/San José de Costa Rica.

BAUDEZ Claude-François et Sydney PICASSO 1987 Les cités perdues des Mayas, Gallimard, coll. « Découvertes », Paris.

BECQUELIN Pierre et Claude-François BAUDEZ 1979 Tonina, une cité maya du Chiapas, Tome I, Mission archéologique et ethnologique française au Mexique, coll. « Études mésoaméricaines » 6-1/Éditions Recherche sur les civilisations, Paris/ Mexico.

1982 Tonina, une cité maya du Chiapas, Tomes II, III, Mission archéologique et ethnologique française au Mexique, coll. « Études mésoaméricaines » 6-2/Éditions Recherche sur les civilisations, Paris/ Mexico.

LÓPEZ LUJÁN Leonardo 1993 Las ofrendas del Templo Mayor de Tenochtitlan, INAH, Mexico.

Pour une bibliographie complète de Claude-François Baudez, se reporter à : http://gemeso.com/membres/claude-baudez/

AUTEURS

AURORE MONOD BECQUELIN

LESC, CNRS/université Paris Ouest Nanterre La Défense

PIERRE BECQUELIN

ArchAm, CNRS/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Jean-Pierre Berthe (1926-2014)

Thomas Calvo

1 Je viens de prendre connaissance du message envoyé par sa fille, Marie-Claude, « J’ai le regret de vous faire part du décès de mon père, Jean-Pierre Berthe, ce dimanche 10 août, à son domicile à Paris ». En ce moment m’arrivent des courriers d’autres de ses anciens élèves, profondément consternés ; c’est que, comme l’écrit Nadine Béligand, « nous pensions que le maître était éternel ». C’est vrai, il ne l’est pas, mais son enseignement, sa personnalité restent avec nous.

2 Les souvenirs me submergent. En premier lieu toute une fresque, morceau par morceau, sur sa vie, qu’il me relata au long de conversations, épisodes qui se croisent avec des paysages et des faits que nous avons partagés dans le Sud de la France. Il

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naquit à Prades, au pied des Pyrénées orientales, il passa une partie de sa jeunesse de chemin en chemin, entre le prieuré de Serrabone et le mont Canigou. Pour cet adolescent éveillé, la guerre de 1939, puis l’occupation allemande qui suivit furent un traumatisme indélébile. À la fin de sa vie, plus que jamais, il voulait comprendre ce qui était arrivé, aussi bien du côté français qu’allemand ; il lisait tous les livres qu’il trouvait sur le thème.

3 Encore au lycée de Perpignan, il eut pour professeur d’histoire un pasteur protestant, un homme avec une longue cape, comme il le décrivait. Il lui inculqua la passion de l’histoire. Un peu plus tard, alors que le jeune Jean-Pierre cherchait sa voie, il lui donna une recommandation cruciale : « allez voir à Paris mon ami Fernand Braudel que j’ai bien connu dans les camps de prisonniers en Allemagne ». Et c’est ainsi que, d’examen en concours, d’institution en ministère, puis de retour à une autre institution, il consolida sa carrière. En particulier, il passa une bonne partie de la décennie 1950 à Mexico, où il se lia d’amitié avec des historiens mexicains (Ernesto de la Torre, entre autres) et d’autres de passage (comme Woodrow Borah) qui furent attirés par son audace juvénile et sa bonne préparation scientifique. Comme tel, il fut l’un des animateurs de la renommée Table Ronde Franco-Mexicaine d’Histoire Sociale dont il se souvenait toujours avec émotion.

4 Sa proximité avec Fernand Braudel lui permit d’entrer à l’École des hautes études en sciences sociales, où il devint directeur d’études à la fin des années 1960. Dans cette institution, comme à l’Institut des hautes études d’Amérique latine, il donna toute sa mesure, comme professeur hors pair, formant quelques-uns des américanistes encore en activité, en France et au Mexique surtout. Son réseau de contacts, de relations, d’amis était d’une grande étendue, allant de Séville à la Californie et au Canada. Avant la « globalisation », il était déjà un homme « globalisé », de la meilleure façon possible, c’est-à-dire par des liens d’amitié. Probablement, s’il lit en ce moment par-dessus mon épaule, il doit dire, sur un ton ironique : « vous vous moquez de moi » ! S’il en est ainsi, que ce soit la dernière plaisanterie entre nous.

5 C’était, je le répète, avant tout un grand professeur, avec trois qualités exceptionnelles : le don de captiver, la générosité, le savoir. Tous ses auditeurs se souviennent des dossiers qu’il ouvrait avec solennité au début de chaque cours ou conférence, d’où il extrayait notes de lecture, extraits d’archives, articles de journaux découpés, photocopies, le tout déjà jauni par le temps, de mille formats différents, et qu’il tissait dans une trame claire, animée, parfaitement structurée, et avec une intelligence qui nous enveloppait. Nous aspirions alors tous à avoir ces mêmes qualités. Être un jour un maître.

6 En réalité, ceux qui furent les plus proches de lui ne furent jamais de simples élèves, au sens littéral de la parole : dès le départ, nous fûmes ses disciples. C’est-à-dire que nous parcourûmes avec lui livres, faits et lieux historiques, en France, au Mexique. Il commentait, ouvrait des perspectives, mesurait les arguments. Nous écoutions ou nous interrogions, parfois nous discutions. Il entrait facilement dans la polémique et, avec générosité, il pouvait s’incliner face à nos arguments. Il savait qu’il y avait beaucoup d’options dans la maison de Clio : il faisait alors un geste avec le bras et il souriait. Parfois il l’accompagnait d’une citation, en particulier d’une de Braudel.

7 Son impressionnante mémoire était encore décuplée par l’appui d’une bibliothèque de travail splendide, constituée au cours du temps, a la fois comme érudit, bibliophile et artisan de l’histoire. Cette bibliothèque avait fini par couvrir les murs de son

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appartement à Paris : avec ténacité son épouse lutta des années durant pour conserver un demi-mètre carré indemne. Et elle y réussit ! Cette mémoire emmagasinait tout ce qu’une curiosité insatiable y engrangeait. Je me souviens d’un jour de printemps, il n’y a pas beaucoup d’années, nous fîmes des centaines de kilomètres parce que Jean-Pierre voulait admirer, une fois de plus, après 50 ans, le trésor d’une princesse celte morte depuis plus de 2 500 ans (le trésor de Vix exposé Musée du Pays Châtillonnais) ; au cours du voyage il m’entretint longuement du livre qu’il était en train de lire, La Langue du IIIe Reich de Victor Klemperer ; ce soir-là, nous révisâmes les épreuves d’un travail commun sur la Monarchie hispanique au XVIIe siècle.

8 C’est cette profonde connaissance et sagesse, c’est cette incessante inquiétude qui ont nourri sa démarche historique, qui toujours l’ont poussé en avant des courants historiques. Il y a quelques années, à Séville, les étudiants pouvaient entendre, enregistrée, une de ses conférences sur la démographie de la Nouvelle Espagne, faite dans les années 1970. Son article sur les mines d’or de Cortés dans le bassin de Tehuantepec est toujours une référence : et il fut publié en 1958 ! Le chapitre sur la supposée peste du Michoacán de 1643 est un chef-d’œuvre : tout historien devrait l’avoir lu, afin de mieux éviter les croche-pieds que nous nous faisons. Son article sur Juan López de Velasco, cosmographe (entre autres choses) de Philippe II, publié dans Relaciones, nous rappelle qu’au-delà de l’histoire économique (il fut aussi élève d’Ernest Labrousse), la géographie historique, mais aussi l’histoire culturelle et, mêlant les deux, les Relaciones geográficas ont occupé une place privilégiée dans son activité historique. À sa manière c’était un hussard de la recherche, toujours en quête de personnages « aux limites », que ce soit Benito Arias Montano ou Fray Jerónimo Román. Il consacra son dernier séjour à la Bibliothèque Nationale de Madrid à celui-ci : il voulait comprendre comment cet augustin passablement sulfureux avait pu avoir accès aux manuscrits de Bartolomé de Las Casas, en principe sous bonne garde.

9 J’ai connu Jean-Pierre Berthe le 22 mars 1968, c’était un jour radieux, et Paris entamait ses convulsions politiques. Un jour historique, d’une certaine façon, pour moi aussi ; je ne le savais pas alors. Aujourd’hui je me tourne intensément vers ce souvenir, vers la rue Saint-Guillaume, siège de l’IHEAL où nous nous rencontrâmes. Je ne sais pas ce qui me manque le plus en ce moment : la générosité du professeur, l’amitié pleine de bonté et désintéressée de l’homme ou l’aiguillon d’un esprit clair et vibrant.

BIBLIOGRAPHIE

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* Textes republiés (en espagnol) dans Estudios de historia de la Nueva España : de Sevilla a Manila, 1994.

Jean-Pierre Berthe a également publié nombre de notes et comptes rendus de lecture. Un livre d’hommage lui a été consacré en 1997 : Des Indes occidentales à l’Amérique latine : à Jean-Pierre Berthe, d’Alain Musset et Thomas Calvo (éds), aux éditions de l'École normale supérieure.

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Comptes rendus

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PRESTA Ana María (ed.), Aportes multidisciplinarios al estudio de los colectivos étnicos surandinos. Reflexiones sobre Qaraqara-Charka tres años después Plural Editores/Instituto Francés de Estudios Andinos, La Paz, 2013

Pablo F. Sendón

REFERENCIA

PRESTA Ana María (ed.), Aportes multidisciplinarios al estudio de los colectivos étnicos surandinos. Reflexiones sobre Qaraqara-Charka tres años después, Plural Editores/Instituto Francés de Estudios Andinos, La Paz, 437 p., bibl., ill., photos, cartes

1 Ya han pasado ocho años desde la primera edición de Qaraqara-Charka1 – volumen de envergadura consagrado al estudio histórico y antropológico de una confederación aymara en la provincia de Charcas entre los siglos XV y XVII – y otros cinco desde la celebración de un seminario-taller organizado en Sucre – con miras a profundizar diversos aspectos de la inmensa documentación contenida en la obra, discutir parte de los problemas desplegados en el ensayo de interpretación que la introduce y presentar nuevas evidencias provenientes de los registros históricos y arqueológicos – cuyo resultado es el libro que nos toca comentar aquí.

2 Producto de la búsqueda de diálogo entre historiadores y arqueólogos (mayoritariamente argentinos y bolivianos), este compendio propone ampliar los márgenes de su antecesor con miras a contribuir al entendimiento de las problemáticas étnicas, políticas, económicas y sociales de las poblaciones indígenas de los Andes del sur asociadas a la confederación Qaraqara-Charka desde el período tardío prehispánico

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hasta los primeros cien años del dominio colonial o, lo que no es sino una de las posibles caras de otras tantas monedas, desde la perspectiva que ofrecen varios siglos de territorialidades superpuestas (correspondientes a grupos étnicos, federaciones, confederaciones, incas y españoles) hasta los comienzos de una suerte de ejercicio de « privatización del paisaje » (p. 14). En esta cartografía difícil, los capítulos del libro se han ordenado en cinco secciones correspondientes a: la presencia de los qaraqara y los charka en los valles mesotérmicos y la ceja de selva, la territorialidad y su replicación en las colonias étnicas y grupos vecinos, las facetas de la integración regional, el culto y el poblamiento del territorio, y los liderazgos étnicos.

3 Inaugura el volumen, entonces, un trabajo preocupado en incursionar en la cartografía étnica de los valles mesotérmicos de Chuquisaca a partir de tres preguntas: ¿es posible aproximarse al mapeo étnico de los Andes centro-sur desde la conquista inca hasta las primeras décadas del período colonial?; ¿es posible realizar un mapeo de las territorialidades salpicadas?; ¿es factible graficar la fragilidad de las sociedades de jefatura y su territorialidad en la larga duración? Los valles en cuestión se presentan al historiador como una especie de mosaico heterogéneo en el que supieron convivir, transiciones mediante, originarios yampara, mitimaes étnicos, colonos estatales e indígenas de origen diverso (asociados al etnónimo apatama) como resultado de las reconfiguraciones espaciales y poblacionales experimentadas por la propia dinámica intraétnica, la expansión inca, la conquista española y el asentamiento del dominio colonial en virtud de lo cual los límites entre la frontera oriental selvática, las regiones altiplánicas y vallunas y el sur de Bolivia o el norte argentino resultan al menos cuestionados. En este sentido, la historia de los valles de Chuquisaca nos enfrenta a una ocupación salpicada de un territorio que la historiografía señaló como étnicamente unívoco. El análisis arqueológico de los estilos cerámicos de la región de Oroncota (concebida en las crónicas como la puerta de entrada de los incas no sólo al territorio yampara sino también a los de Tucumán y Chile) antes y después de la ocupación inca, parece corroborar las conclusiones del ensayo anterior. La evidencia que propone la distribución temporal (800-1536 A.D) y espacial de los estilos cerámicos – así como sus respectivas signaturas químicas – en el asentamiento de Yoroma pone de manifiesto una significativa continuidad ocupacional que no necesariamente se traduce en una continuidad cultural. La variabilidad estilística y espacial de la cerámica yampara (en sus facetas antigua, clásica y tardía) informa acerca de la presencia temprana de una sociedad multiétnica y fluida en un espacio interdigitado, articulado por redes de caravaneo y que fue reforzado por los incas para beneficio propio.

4 La segunda sección comienza con un estudio sobre la provincia de Pilaya y Paspaya (hoy región de Cinti, Chuquisaca) entre los siglos XIV y XVI. La ausencia de información histórica y arqueológica sobre la región hizo de ella un área de paso sin ocupación estable. Sin embargo, investigaciones arqueológicas recientes relativas a los estilos cerámicos y su distribución, la arquitectura y los patrones de asentamiento regionales sugieren que la antigua provincia fue parte de la federación Qaraqara durante el Intermedio y el Horizonte tardíos. El silencio en las fuentes coloniales sobre estas provincias y sus pobladores podría estar relacionado con su despoblamiento, producto de la ruptura de la frontera oriental y las incursiones de los grupos chiriwano, así como con el proceso reduccional que involucró la creación de San Bernardo de la Frontera de Tarija. Estas últimas ponderaciones son objeto de análisis en el ensayo consagrado a la historia de los pueblos chicha (localizados en las márgenes de la confederación, en las zonas fronterizas de los actuales territorios de Bolivia, Argentina y Chile) desde la

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perspectiva que ofrecen sus conflictos con los chiriwano en virtud de su inclusión en la administración de defensa inca de la frontera oriental, sus enfrentamientos con los españoles y la ulterior alianza con los mismos chiriwano durante el primer período de sometimiento a tributos y tasaciones, su reducción toledana en el pueblo de San Joan de la Frontera de Talina en 1573 y la posterior visita y composición de tierras de 1595 tendientes, todas ellas, a cercenar amplias extensiones de terrenos de pasturas sobre los que supieron establecer su ocupación pero, al mismo tiempo, a consolidar en manos indígenas otra buena parte de sus territorios agrícolas hasta al menos comienzos del siglo XX. Estas problemáticas vuelven a barajarse en el último ensayo de la sección dedicado al repartimiento de indios visisa (jefatura de la federación Qaraqara localizada al sur de Potosí). Los objetivos explícitos de análisis consisten en profundizar en las políticas y prácticas coloniales relativas a la ocupación y experimentación del espacio, visualizar las acciones y comportamientos de la población indígena y reconstruir la ocupación espacial de los visisa en el período comprendido entre el gobierno de Toledo (1569-1581) y la década de 1610, coincidente con la primera etapa de políticas conducentes a la modificación de los derechos de acceso, usufructo y posesión de los territorios indígenas. En términos más específicos, la lectura de la tasa toledana y otra documentación disponible informa acerca del alto grado de concentración demográfica que inspiraba la política de reducciones así como de la existencia de procesos de negociación en la fundación de pueblos asociados con patrones de asentamientos dispersos que desafían el tan predicado binomio preservación-expropiación de tierras. Desde la perspectiva que ofrecen los patrones de asentamiento, los visisa, y en particular sus autoridades de repartimiento, se descubren como actores que negocian las condiciones de reproducción étnica en un contexto colonial. En efecto, la incursión en un mapeo del territorio visisa, con miras a incorporar en el análisis la dimensión política y la profundidad histórica del espacio, permite repensar las territorialidades en términos alternativos a los ofrecidos por una cartografía oficial.

5 La tercera sección se concentra en las facetas de integración regional a través de los caminos altiplánicos, las marka y el tributo. La primera contribución está dedicada a la unificación política de la provincia de Charcas bajo la administración inca en los términos que propone su organización dual mediante la implementación de las redes viales Qhapaq Ñan Urqo y, en particular, Qhapaq Ñan Uma. Este complejo vial posibilitó el domino territorial de sociedades segmentarias como la Qaraqara así como la organización de confederaciones como la Charka. El segundo ensayo propone un contrapunto, desde Carangas (Oruro), al problema de la territorialidad tal y como ha sido concebido en el norte de Potosí. Aquí nos topamos con una sociedad netamente pastoril cuya relación con el espacio está pautada por la movilidad que impone, entre otras cosas, la administración de sus recursos. La interpretación de la documentación relativa a las encomiendas otorgadas en la región antes de la década de 1550 promueve la preponderancia de la marka en calidad de unidad articuladora de una diversidad de segmentos que componen, en diferentes niveles de inclusión, las unidades territoriales. En consonancia, entonces, con la movilidad propia de una sociedad de pastores, la marka posibilita una habitación salpicada y secuencial de los territorios bajo su órbita sin perder la pertenencia a ellos. Este proceso de integración regional difiere de lo observado en otras regiones de los Andes, incluida Qaraqara Charka, e imposibilita concebir el altiplano boliviano como un espacio continuo e indiferenciado. En la misma tesitura, el último estudio de la sección vuelve a proponer un diálogo desde las diferencias con Qaraqara-Charka a partir de la información disponible sobre las tasas y la

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tributación implementadas sobre tres repartimientos que integraban una rica encomienda productora de coca en las yungas de La Paz en un período (1545-1570) que contempla la primera tasación llevada a cabo por Pedro de la Gasca y los umbrales de las políticas toledanas. El artículo insiste en diferenciar la tasa del tributo, es decir, lo que formalmente se exigía a cada repartimiento y lo que efectivamente entregaban los sujetos encomendados. La integración de las yungas en el mercado colonial (sobre todo a partir del descubrimiento de plata en el Cerro Rico de Potosí en 1545) parece haber estado en relación directa con su caudal cocalero: mientras que sus habitantes tributan fundamentalmente en este producto, la prestación de servicios personales en Potosí fue prerrogativa de otros grupos, entre ellos los qaraqara-charka.

6 El problema de los desencuentros y las posibles relaciones entre los registros documentales y arqueológicos en el estudio de sociedades ágrafas del pasado sobre las que existen importantes corpus escritos constituye el puntapié del primer estudio de la cuarta sección dedicado, nuevamente, al tema de la territorialidad pero esta vez en tiempos de los incas. El objeto de este trabajo consiste en problematizar la relación entre los cultos incaicos a los cerros metalíferos y la construcción de espacios territoriales desde la perspectiva que ofrecen dos escalas de análisis: una regional y central sobre la que existen documentos historiográficos (la cordillera de Los Frailes en la región central de Potosí coincidente con buena parte del territorio de los qaraqara históricos) y otra local y periférica que se presenta como un paisaje arqueológico poco documentado (la serranía de Calilegua en el norte argentino). El análisis comparativo invita a postular la existencia de yacimientos o explotaciones minerales en los cerros sacralizados en el espacio de los Andes centro-sur, la intervención de estos mismos cerros en la demarcación de jurisdicciones territoriales y la participación que detentaron en las estrategias de conquista ritual inca en su avance meridional. El segundo artículo de la sección también procura encontrar correlaciones históricas y arqueológicas relativas al poblamiento precolombino de la cuenca alta del río Pilcomayo a partir del análisis del material cerámico de las localidades de Lagunillas (Oruro) y Yocalla (Potosí). Si bien el registro arqueológico permite apreciar una mayor dispersión y una mayor concentración de tiestos en, respectivamente, las zonas de pastoreo y las zonas agrícolas, lo cierto es que el común denominador – al igual que lo observado en los valles mesotérminos de Chuquisaca – vuelve a ser la variabilidad estilística remitiendo a una composición de poblamiento multiétnico.

7 La última sección del volumen está dedicada a los liderazgos étnicos. La primera contribución se concentra en las estrategias de liderazgo en el corregimiento de Pacajes (dependencia administrativa de la ciudad de Nuestra Señora de La Paz) en tres contextos claves entre 1538 y 1620: la conquista pizarrista de los Andes meridionales, la coyuntura de definición del cargo de alcalde mayor de naturales de Potosí y el ocaso de los caciques máximos que da lugar al surgimiento de nuevos líderes étnicos. La hipótesis que anima este ensayo consiste en postular que los mallku del Collao y los de Charcas experimentaron vías diferentes en lo que respecta a la construcción de sus respectivos liderazgos. En otros términos, mientas que la historiografía reciente abocada al problema de la autoridad étnica en los Andes del sur durante los siglos XVI y XVII interpretó su rol en términos de la posición de bisagra que le ocupó detentar entre las autoridades coloniales y los miembros de los ayllu bajo su jurisdicción, la casuística ponderada deja advertir alternativas a un esquema tripartito que ha sido caracterizada en términos de “enroques estratégicos” para dar cuenta, justamente y de manera

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especular, de las estrategias estatales elaboradas ante el accionar de los propios mallku devenidos, consecuentemente, estrategas de las diversas coyunturas que les tocó enfrentar. El segundo trabajo de la sección consiste en problematizar la mismísima noción de casa a partir del cruce de la información cualitativa (probanzas de méritos y servicios) y cuantitativa (censos de revisita) del repartimiento de Macha del norte potosino en el siglo XVII. Concebidas en términos de linajes patrilineales descendientes de un ancestro masculino común – a la usanza, en principio, del modelo castellano – las casas de Macha fueron interpretadas como agrupaciones sociales vinculadas con prácticas duales del ejercicio del poder en virtud de las cuales los indios principales justificaban el liderazgo de sus respectivos ayllu. La perspectiva diacrónica que ofrece la información censal no sólo cuestiona el modelo sino que también lo revela efímero en el tiempo. Es más, los padrones de revisita no sólo registran la presencia de casas en otros ámbitos (i.e., ayllu), no contemplados en las probanzas de mérito, sino que también la misma categoría se presenta « como un concepto resignificado en el contexto andino colonial, y designa agrupaciones laxas y elásticas, aparentemente no homologables a los linajes castellanos » (p. 393). El último ensayo de la sección recupera una posición de método central de Qaraqara-Charka: la posibilidad de realizar una lectura histórica del pasado inca y pre-inca a partir de la lectura de documentación colonial. El tema elegido para la realización de un ejercicio de esta naturaleza es la larga lista de reyes incas publicada por Fernando de Montesinos en 1644 que invita a retrotraer la historia dinástica hasta el Horizonte Tiwanaku-Wari – mediante la confrontación de tradiciones imperiales cuzqueñas y locales – y proponer una continuidad entre los reyes de Tiwanaku y los primeros incas del Cuzco.

8 Cierra el volumen un epílogo de dos de los autores de Qaraqara-Charka (Thérèse Bouysse-Cassagne y Tristan Platt) en el que se discuten pormenorizadamente el conjunto de las contribuciones reseñadas hasta aquí desde la perspectiva que inspiró el ensayo introductorio objeto de discusión en parte de ellas: una antropología histórica de « los invadidos y los colonizados con relación a su propia tradición de pensamiento y devenir histórico » (p. 420). Debido al escaso peso que detenta la dimensión antropológica en el libro comentado, nos permitimos, a manera de contribuir en su lectura, realizar tres comentarios desde esta última disciplina sobre temas y problemas que se nos ocurren pertinentes.

9 En primer lugar, un problema que, de manera más o menos explícita, recorre el libro es el del así llamado « esencialismo » y que es retomado en las primeras páginas del epílogo. Allí se nos dice que el esencialismo no sólo involucra la idea de una « persistencia ahistórica » (p. 420) de los grupos estudiados sino también la insistencia en « reconfiguraciones y refundaciones totales » (ibid.) desde el siglo XVI. Tanto las « reificaciones » como las « obliteraciones » son dos aspectos de un mismo fenómeno. Ahora bien, lejos de cuestionar este recaudo – con el que no podemos estar sino de acuerdo – proponemos matizarlo atendiendo a la siguiente distinción. El estudio histórico y antropológico de las poblaciones indígenas que habitaron, y aún lo siguen haciendo, los Andes puede muy bien concentrase en los procesos de transformación social, étnica y cultural en los que estuvieron involucradas y, de igual modo, puede también dirigir su atención a aquellos otros aspectos de su realidad que, sin pretenderse inmaculados, invitan a tender puentes con un pasado más o menos remoto y promover la reflexión etnológica sobre un fondo amerindio común. Ambas opciones, igualmente válidas, no son excluyentes y, desde el mismo momento en que se explicitan

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sus respectivos alcances y limitaciones, la discusión en torno de posiciones « esencialistas » pierde vigor.

10 En segundo lugar, el problema de los liderazgos étnicos en los Andes meridionales nos ha enfrentado con el difícil concepto de « casa » o, en términos antropológicos, « sociedades de casas ». En sus pronunciamientos sobre el particular, los autores del epílogo reconocen que, en algunos casos, « la amplitud de las casas andinas rebasa la idea de mayorazgo peninsular, permitiéndonos tener atisbos de la diferencia entre el concepto español y el concepto andino de casa » (p. 429) y, asimismo, remiten a un artículo aún inédito de Olivia Harris en donde se « explora la idea de que el linaje consanguíneo se haya relativizado por la relación de otros grupos no consanguíneos dentro de la casa » (ibid.). Planteado en estos términos, el debate en torno de este concepto pareciera detenerse en un estadio pre-lévi-straussiano ya que, justamente, desde un punto de vista etnológico la fórmula de la « casa » conjuga una serie de principios de parentesco contradictorios puestos al servicio de intereses políticos y económicos que toman prestado el lenguaje del parentesco para, al mismo tiempo, subvertirlo2. La autora del artículo dedicado a esta problemática es consciente hasta cierto punto de las problemáticas implicancias de la fórmula ya que, en los últimos párrafos de su escrito, concluye que, en algunas de sus manifestaciones, el término en cuestión remite a veces a una « agrupación social que prescinde del parentesco real para determinar la base de la solidaridad de la casa » (p. 393). Sentadas estas premisas, la institución de las « casas » en los Andes meridionales puede ser objeto de análisis histórico y antropológico y, en este sentido, estimular la reflexión comparativa hacia otras latitudes cultural e históricamente inconexas.

11 En tercer lugar, finalmente, el gran problema del libro, que se replica en muchos de los artículos – sino en todos – es el de las territorialidades y las espacialidades étnicas. Es válido, entonces, remitirse nuevamente a las preguntas que animaron el primer capítulo. Allí se concluye que, a propósito de lo observado en los valles mesotérmicos de Chuquisaca, el diseño de una cartografía étnica a la manera de los mapas elaborados por los estados naciones modernos resulta imposible. Sin embargo, mediante el recurso a una bella metáfora que invoca a los acuarelistas y puntillistas de la primera y segunda mitad del siglo XIX, la editora del libro también concluye que « las territorialidades surandinas comparten espacios y crean especialidad en un telón de fondo en disputa » (p. 54) en donde estuvieron albergados « numerosos pintores que hoy apenas recuperamos tras el registro que, rara vez, expresa sus voces, su lengua, su porte, menos aún sus rostros » (ibid.). Permítasenos acercar la metáfora más hacia el presente y preguntarnos, ahora desde el cubismo, si una ruptura con la perspectiva tradicional, resultado de la fragmentación de líneas y superficies tendientes a representar las partes de un objeto sobre un mismo plano (ya sean cuadros o mapas), nos ofrece la posibilidad no tanto de visualizar los rostros aludidos sino más bien de adivinarlos o, simplemente, imaginarlos. Entendemos que muchos de los problemas y temas estudiados en Qaraqara- Charka y en Apuntes multidisciplinarios – de los que apenas hemos podido ofrecer unos breves lineamientos – estimulan la imaginación en esta dirección.

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NOTAS

1. Tristan Platt, Thérèse Bouysse-Cassagne y Olivia Harris, Qaraqara-Charka. Mallku, Inka y Rey en la provincia de Charcas (siglos XV-XVII). Historia antropológica de una confederación aymara, Instituto Francés de Estudios Andinos/Plural Editores/University of St Andrews/University of London/ Inter American Foundation/Fundación Cultural del Banco Central de Bolivia, La Paz, 2006. 2. Ver Claude Lévi-Strauss, « La organización social de los Kwakiutl », in La vía de las máscaras, Siglo XXI, México, pp. 140-162, 1981 [1979]; « Casa », in Pierre Bonte y Michel Izard, Diccionario de etnología y antropología, Akal, Madrid, pp. 144-145, 1996 [1991].

AUTORES

PABLO F. SENDÓN

CONICET, Argentina

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GUITERAS MOMBIOLA Anna, De los llanos de Mojos a las cachuelas del Beni, 1842-1938 Instituto de Misionología/Editorial Itinerarios/Archivo y Biblioteca Nacionales de Bolivia, Cochabamba, 2012

Lorena I. Córdoba

REFERENCIA

GUITERAS MOMBIOLA Anna, De los llanos de Mojos a las cachuelas del Beni, 1842-1938, Instituto de Misionología/Editorial Itinerarios/Archivo y Biblioteca Nacionales de Bolivia, col. « Scripta Autochtona » 10/« Jóvenes investigadores » 2, Cochabamba, 2012, 398 p.

1 La elección del título de la presente obra anticipa a ciencia cierta cuáles serán los ejes por los cuales pasa el análisis histórico, social y político que Guiteras Mombiola propone como objetivo de la misma. Las llanuras mojeñas y las cachuelas de los ríos benianos funcionan como los límites estratégicos que configuran el espacio geográfico que ocupó el departamento del Beni en la Amazonía boliviana desde su creación en 1842. Los primeros cien años de vida departamental, de hecho, ofrecen una clave interesante para estudiar la construcción de Bolivia como Estado-nación. La autora se guía por dos supuestos para analizar este proceso a partir del centro gravitacional del Beni: primero, que esta construcción estuvo basada en la voluntad del Estado por colonizar el territorio beniano y su población; segundo, el interés sostenido por parte de los grupos blanco-mestizos y las poblaciones indígenas por mantener el control sobre dicho territorio y sus recursos naturales (p. 9). En esta coyuntura se aprecia que la conformación del espacio regional beniano fue determinada por las dificultades que tuvo el Estado boliviano para incorporar las llamadas « tierras bajas », a pesar de haber puesto en práctica una serie de « políticas orientalistas » que pretendía fijar el control, la colonización y finalmente la nacionalización efectiva de fronteras hasta ese entonces porosas. El proceso de construcción del estado-nación boliviano no fue una relación

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vertical, en la cual lo político dominó a lo social, sino una relación fluctuante en la cual los partenaires fueron moldeándose recíprocamente. La Amazonía boliviana se presenta pues como un caso ideal para pensar la construcción estatal en lentas oleadas de burocratización del territorio nacional a lo largo de los siglos XIX y XX, en el marco de la cual « las relaciones existentes al interior de las sociedades en las pugnas por el control y fragilidad del dominio de los grupos dirigentes, determinaron la organización espacial y, en definitiva, la consolidación de la región » (pp. 8-9).

2 El libro está organizado en cinco capítulos más las conclusiones generales, presentando además un índice onomástico, otro toponímico así como también anexos de fuentes transcriptas, mapas y figuras varias. El primer capítulo desarrolla las principales políticas que el estado nacional implementó desde mediados del siglo XIX para incorporar la Amazonía a la república. El área geográfica ofrecía de por sí un espacio clave para potenciar el comercio exterior por la vía del Amazonas, sabiendo a la vez que los principales ríos de la región podían usarse para comunicarse con casi todo el país. Es así que el departamento de Beni se desarrolló social y económicamente en torno del control y explotación (con la subsiguiente comercialización) de distintos recursos naturales que abundaban en la región: la cascarilla o quina en un comienzo, la goma elástica y el ganado vacuno después. La diversidad y prosperidad de estos productos sedujo a diferentes grupos blanco-mestizos, los cuales, atraídos por las posibilidades de enriquecimiento, pronto comenzaron a vincularse con las actividades económicas regionales. Algunos de estos grupos crearon empresas dedicadas a la extracción, comercialización y exportación de la goma elástica o a las actividades agropecuarias; otros sirvieron como peones; otros se ocuparon fundamentalmente de llevar a cabo las tareas administrativas. Sin embargo, la principal fuente de mano de obra que operó como motor de las industrias extractivas provino de los distintos grupos indígenas de la región beniana, que fueron contratados por particulares para hacer de baqueanos, picadores, remeros, peones, etc.

3 A nuestro entender, resulta interesante en este punto la distinción planteada por la autora respecto de las diversas categorías que estereotipaban los indígenas del departamento beniano. Por un lado, estaban los grupos étnicos no sometidos todavía a la civilización, o con contactos esporádicos, denominados « incivilizados » y percibidos consecuentemente como « bárbaros » o « salvajes »: « los salvajes, nómades, errantes, montaraces y selváticos sirionó, t’simane, yuracaré, chacobo y otras “tribus salvajes y semicivilizadas que pueblan” los ríos amazónicos » (p. 55). No todos estos grupos reaccionaron de la misma manera frente al contacto con la sociedad occidental: hubo quienes fueron hostigados, perseguidos y llevados por la fuerza a los centros gomeros, hubo quienes negociaron con los caucheros y les proveyeron de alimentos para sus chacras, hubo quienes mantuvieron una distancia prudencial y aparecían solamente para pedir « regalos » (bienes suntuarios: balas, cigarrillos, telas, etc.), así como también quienes respondieron con violencia. Por otro lado, había otra parte de la « sociedad indígena » que era considerada como « civilizada » dado que había sido reducida al régimen misional jesuita y estaba por entonces bajo la tutela de los curas seculares: los canichanas, cayubabas, itonamas, baures, movimas y mojeños, quienes a través de decretos e instrucciones de 1842 obtuvieron el derecho de ciudadanía (libertad, igualdad y propiedad). Fue pues una época de luchas y reconfiguraciones sociales para este sector asimilado de la sociedad indígena, puesto que acceder a los derechos civiles no fue un logro instantáneo ni directo, sino que debieron sortearse

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primero ciertas costumbres coloniales que todavía estaban en práctica (por ejemplo, los servicios gratuitos que debían pagar los indígenas, conocidos como « temporalidades »).

4 El segundo capítulo, « La conformación socioeconómica del departamento del Beni », describe el desarrollo económico regional, la explotación y la comercialización de los recursos naturales: « el acceso a los recursos naturales benianos permitió la expansión de la frontera interna amazónica a través de frentes productivos y extractivos que proporcionaron los principales rendimientos económicos al tesoro público y facilitaron la aparición de los distintos grupos de poder de la región » (p. 71). Imposible eludir en este contexto el papel central que desempeñó la industria gomera desde fines del siglo XIX hasta entrada la década de 1920. El auge de la goma obligó al gobierno boliviano a replantearse la jurisdicción beniana y a redefinir las fronteras porosas por las cuales hasta ese momento no se había preocupado en demasía, al punto de carecer de una política explícita de delimitación limítrofe. De repente, y a partir de la riqueza que la goma podía generar, la región amazónica era ambicionada por los países vecinos (Brasil, Perú) y el estado boliviano entendió que no tenía una presencia constante en la zona para impartir sus políticas (Guiteras Mombiola describe, por ejemplo, los puestos fronterizos y cobradores de impuestos como Villa Bella o Bahía). Comienzan a llegar también diversas oleadas de inmigrantes europeos, muchos encomendados por las casas matrices residentes en el viejo continente, que abrían sucursales en las provincias de Vaca Díez e Iténez: la famosa Suárez Hnos. Sucesores, Barber y Cía., Seiler y Cía., Zeller, Mozer y Cía. entre tantas otras. Este apartado, por consiguiente, analiza los cambios demográficos entre 1840 y 1930, el incremento del tráfico comercial y la explosión socioeconómica que provocó la industria gomera. A la vez, analiza la industria agropecuaria, que con su desarrolló potenció la transformación de tierras fiscales en propiedades particulares. Tal como resalta la autora, la evolución del frente ganadero en el Beni no fue un tema menor en la conformación del departamento: « el déficit fiscal y la concesión de derechos de recolección y extracción de ganado favorecieron el surgimiento de un negocio ganadero local desarrollado por los grupos de poder del área pampeana, que se convertirían en los principales beneficiarios de los réditos económicos en el ámbito departamental » (p. 97).

5 También hay un capítulo dedicado a los conflictos políticos, sociales y jurisdiccionales vividos en el Beni para esta época. No faltaron las revueltas y asonadas entre 1842 y 1880, los conflictos entre conservadores y liberales, las pujas internas tejidas en torno del acceso al cargo prefectoral. Uno de los conflictos político-ideológicos más conocido es acaso el enfrentamiento entre vecinos de Trinidad y el indígena itonama Andrés Guayocho, que acampaba en las afueras de dicha ciudad con casi 3.000 paisanos que lo habían seguido: la matanza, cuyas causas han analizado últimamente diversas investigaciones, fue conocida posteriormente como « la Guayochería ».

6 En el capítulo siguiente, la autora nos introduce en el mundo más nebuloso de las estrategias indígenas puestas en práctica para proteger los bienes, las tierras y los recursos económicos de los que dependía su subsistencia. Nos referimos en este caso a los indígenas « civilizados » que, viendo la llegada de la población blanco-mestiza y su avance paulatino en el control de diversas actividades económicas, intentaron frenar la presión que este grupo social ejercía sobre el territorio amparándose en las políticas impulsadas por el gobierno. A través de una serie de decretos y reglamentos direccionales del Beni, los indígenas se incorporaron activamente al quehacer republicano mediante el uso y el reclamo de la tierra, ejerciendo, en la medida de sus

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posibilidades, el papel de ciudadanos del estado nacional. Es importante destacar aquí que existieron diferentes estrategias para que los actores indígenas pudieran obtener, por ejemplo, las escrituras de propiedad sobre lotes urbanos y predios rústicos entre 1840 y 1920.

7 El último capítulo analiza el avance de la frontera interna amazónica así como también el control estatal sobre las llamadas « tierras baldías ». No tiene nada de novedoso el imaginario estatal al respecto. La idea de espacios « baldíos », « desiertos » o « vacíos » (no solamente de personas sino también de derechos) propició gran parte de la ocupación y colonización de la Amazonía boliviana – lo mismo podría afirmarse comparativamente respecto del estado nacional argentino y sus violentas « campañas del desierto » en el norte y el sur del país. Guiteras Mombiola describe distintas normativas promulgadas a partir de la década de 1840, y fundamentalmente desde 1880, destinadas a regularizar la ocupación de las tierras bajas y al mismo tiempo obtener réditos económicos: « A través de estas leyes se esperaba urbanizar la región, expandir las vías de comunicación y fomentar la formación de una pequeña y mediana propiedad en las tierras bajas. Sin embargo, estas medidas posibilitarían el acaparamiento de tierras por parte de los actores locales quienes se aprovecharon del discurso de nacionalización de las tierras orientales para obtener derechos de propiedad sobre grandes extensiones de territorio, convirtiéndose en los principales latifundistas de la primera mitad del siglo XX » (p. 208). La creación del ministerio de colonización, la promulgación de la ley de colonias y tierras baldías del 13 de octubre de 1896 o la ley de gomas del 12 de diciembre 1895 fueron algunas de estas políticas colonizadoras.

8 Guiteras Mombiola cumple largamente con el objetivo propuesto: demostrar que la conformación del departamento del Beni y de su sociedad regional constituyó un largo camino de casi una centuria, paralelo a la construcción de Bolivia como Estado-nación. Luego de casi 400 páginas repletas de información, quedan claros los fundamentos históricos, políticos, sociales y económicos del proceso: « El organigrama político- administrativo y jurisdiccional del departamento del Beni fue resultado último de la interrelación, frecuentemente conflictiva, entre el Ejecutivo boliviano, los departamentos adyacentes y los grupos de poder presentes en la región, interesados todos, en mayor o menor medida, en controlar los recursos económicos existentes en la zona » (p. 250). El libro demuestra además el papel determinante que desempeñaron las distintas economías regionales: tanto la extracción de la goma, mucho más conocida, como así también las actividades pecuarias, menos tenidas en cuenta pero cruciales para proporcionar los insumos para el desarrollo, la reproducción y la expansión de la economía cauchera.

9 Por otro lado, como dijimos anteriormente, la obra trabaja a partir del concepto de « sociedad indígena » delineando una división amplia entre grupos « salvajes » y « civilizados », siendo éstos últimos el objeto principal de atención por su relación fluida con el estado nacional. Aquí el lector se queda con la intriga de saber qué pasó en los mismos períodos con los « bárbaros », los indígenas selváticos con relaciones más bien erráticas con autoridades departamentales, nacionales y actores sociales como caucheros, militares o misioneros. En los títulos de propiedad que se presentan en los abundantes anexos, por ejemplo, hay varios apellidos (Abaroma, Yubanure, Manu, Tamo) que parecieran tener un origen cavineño o, al menos, tacana lato sensu, lo que tornaría interesante su « diálogo » con la etnografía de la Amazonía boliviana: pues

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seguramente la posibilidad de cruzar las fuentes archivísticas con los relatos de la historia oral nativa proporcionaría información novedosa acerca del juego regional de las relaciones interétnicas.

10 Resta solamente resaltar distintos aspectos secundarios del libro. El investigador especializado en la región comprobará con agrado el trabajo de recopilación de fuentes inéditas hasta el momento, provenientes del desconocido fondo prefectoral del Archivo de la Casa de la Cultura del Beni –fondo que casi se dio por perdido, diezmado por los traslados, hasta que finalmente pudo reposar donde lo encontró la autora. Otro logro evidente es el trabajo paciente, minucioso y finalmente impresionante de recopilación, trascripción y presentación de los títulos de propiedad en manos de la población indígena y blanco-mestiza: el anexo 3, así, muestra un cuadro con casi 900 entradas donde puede apreciarse la información contenida en cada escritura (nombre de la propiedad, extensión en ha., nombre del vendedor y comprador, etc.). Al finalizar el libro, pues, el lector queda con la sensación no sólo de haber « recorrido » minuciosamente un siglo de historia beniana, sino con la certeza de que la autora ha logrado develar buena parte de los misterios que anidaban en las fuentes archivísticas, ayudándonos a comprender la incorporación de la Amazonía al estado nacional y, a la vez, la vida de los pobladores y las relaciones políticas, culturales y económicas implicadas en el proceso.

AUTORES

LORENA I. CÓRDOBA

Universidad de Buenos Aires-CONICET, Argentina

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ESCOBAR Ticio, La belleza de los otros: arte indígena del Paraguay Servilibro, Asunción, 2012

Rodrigo Montani

REFERENCIA

ESCOBAR Ticio, La belleza de los otros: arte indígena del Paraguay, Servilibro, Asunción, 2012, 431 p., bibl., ill., photos, cartes

1 Como muchos han subrayado, el arte es una palabra – y una institución – demasiado circunstancial e idiosincrásica como para hacer de ella una categoría transcultural. Cuando los antropólogos lo han intentado, su éxito ha sido como mucho relativo. Al definir los « objetos de arte » como aquellos con atributos estéticos y/o semánticos que sirven para representar o presentar (cf. Morphy y Perkins 2006), o bien al definirlos como aquellos que permiten inferir que alguien ha actuado intencionalmente buscando cumplir un fin mentado en relación con un « otro » (cf. Gell 1998), se consigue, en el mejor de los casos, delimitar una clase de objetos bien diferente de la clase, ya de por sí compleja, que recorta el término vernáculo. Usar el término « arte » para hablar de los artefactos, los atavíos y las ceremonias de los indígenas del Paraguay parece una tarea imposible. Con todo, el afamado curador y crítico paraguayo Ticio Escobar encuentra buenas razones intelectuales y políticas para hacerlo.

2 Esta es la segunda edición, corregida, actualizada y ampliada, del libro homónimo publicado en 1993 por el Centro de Artes Visuales/Museo del Barro de la ciudad de Asunción. La meta de Escobar es clara: « levantar un panorama del arte indígena producido en el Paraguay, con el objeto de recalcar la presencia de universos expresivos generalmente no inventariados en el patrimonio artístico del país » (p. 19). Para cumplirlo utiliza una « metodología mestiza », ecléctica, que navega entre la crítica de arte y la antropología, y conjuga con soltura un amplio conocimiento etnográfico y museográfico de primera mano con la información publicada sobre cada

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tema, desde las crónicas coloniales hasta la antropología del siglo XX, desde trabajos clásicos hasta monografías raras, muchas paraguayas, algunas inéditas. No en vano, a lo largo del libro se siente permanentemente la presencia tutelar de la inagotable Susnik.

3 La belleza de los otros está formado por cuatro capítulos, dos escritos que se suman como « anexos », otro anexo de fotografías a color, una bibliografía y algunos apéndices. « El arte otro », el primero y el más breve de los capítulos, presenta las asunciones del autor concernientes a una serie de problemas generales: la naturaleza del arte y el concepto de « arte indígena », la clasificación étnica y estilística, los cambios y las continuidades, las desapariciones y las innovaciones en el arte de los aborígenes del Paraguay. Con respecto al primer problema, la pregunta es la de siempre: « ¿Es una pieza de arte? ¿Cómo puede definirse el borde de lo estético en culturas que mezclan la pura belleza con los trajines cifrados del culto, los prosaicos afanes en pos de la comida y el complicado ejercicio del pacto social? » (p. 28). Después de algunas respuestas provisorias, Escobar se ve forzado a reconocer que en la realidad etnográfica « lo estético » equivale a lo simbólico y que esto impregna todos los rótulos con los que se la suele diseccionar: arte, religión, política, derecho, ciencia. Sabe también que en las obras de los « otros » la dicotomía entre lo utilitario y lo no utilitario no se sostiene, como tampoco se sostienen, por lo general, los demás criterios que definen el arte en Occidente: el « arte » indígena no es una creación individual ni una innovación transgresora ni una obra impar. Pero aun así, Escobar asegura que « sigue siendo fundamental hablar de arte indígena » (p. 31), porque es el mejor término para traducir una realidad y un problema. Aunque en algún grado traiciona inevitablemente las sociologías y las cosmovisiones indoamericanas, como contrapartida, habilita una poética y una retórica capaz de penetrarlas ‒ algo que, para el autor, términos tales como « cultura material », « artesanía » o « folclore » por lo general no consiguen ‒ y capaz de fisurar el relato etnocida y ecocida que ha sido y sigue siendo la condena de los indios. Podría criticarse aquí cierta omisión de los textos de la antropología del arte, especialmente la anglosajona: Boas, Bateson, Munn, Coote, Graburn y tantos otros. Sin embargo, por un lado, Escobar puede argüir en su defensa que no se trata estrictamente de un libro de antropología y, por el otro, cuando se llega a la última página del libro, se comprueba que los tópicos fundamentales de esa especialidad han quedado planteados.

4 En este primer capítulo queda asentada una posición que define el libro: la ligazón fundamental que existe entre las « manifestaciones visuales » y los ritos, los cuerpos y los instrumentos. Los tres capítulos siguientes desarrollan estos temas en sentido inverso. Aunque intencionalmente desdibujadas mediante alusiones y metáforas, las descripciones que se presentan en los capítulos segundo y tercero siguen un itinerario asaz tradicional, es decir, se analizan, ordenadas por las técnicas de producción, las manifestaciones de cada grupo étnico: avá, mbyá y páĩ taviterã, chiriguano, aché, nivaclé y chorote-manjui, enlhet, enxet y demás grupos de la familia enlhet-enenlhet (o lengua-maskoy), toba, payaguá y mbaya-caduveo, ishir (o chamacoco) y ayoreo.

5 La premisa de « El arte y las cosas », el segundo capítulo, es que « el arte indígena […] envuelve las cosas, las sacude de la modorra de la rutina y promueve en ellas el cumplimiento de sus funciones trascendentales y utilitarias, políticas y lúdicas » (p. 57). El capítulo aborda, fundamentalmente, los artefactos muebles: los cestos, las tallas en madera, los textiles de malla y tejidos, la alfarería y, por último, las calabazas pirograbadas. De cada uno de estos elementos se analiza, con mayor o menor detalle, sus formas, sus diseños (los dibujos que forman el entrecruzamiento de las tiras de

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caña, la sucesión de los lazos de fibras de bromeliáceas, la combinación de distintos tipos de plumas, etc.), sus colores, los principios estéticos subyacentes, el contexto y la valoración cultural de los objetos, sus simbolismos y sus resonancias míticas, sus cambios y continuidades. En esta nueva edición, además, el autor agregó al capítulo un breve apéndice dedicado a lo que con mayor legitimidad se puede llamar « arte indígena »: el dibujo y la pintura que vienen desarrollando algunos chaqueños, como el difunto Ebytoso Ogwa ‒ de quien también se ocupó el antropólogo argentino Cordeu (2008) ‒ o una serie de dibujantes nivaclés y chiriguanos que comenzaron a producir en la década de 1990 en la comunidad de Cayim ô clim. La síntesis descriptiva, interpretativa y comparativa que ofrece el capítulo es sólida y sustanciosa, al punto de estimular reflexiones que la exceden. Por ejemplo, la descripción de la cerámica payaguá trae inmediatamente a la memoria la conexión que reiteradamente trazara Susnik (1982, pp. 203-205; 1994; 1995, pp. 153-154; 1998, pp. 62-64) entre las « vasijas con formas de campana » de esos « canoeros fluviales » del Paraná y del Paraguay y las « misteriosas » campanas arqueológicas del Delta del río Paraná; una vinculación que curiosamente, hasta el momento, los arqueólogos de esta región han omitido.

6 La erudición y la calidad del dato etnográfico que esgrime el autor son innegables. Sin embargo, la magnitud enciclopédica de la tarea induce necesariamente algunas omisiones, por lo que, corriendo el riesgo de ser injusto, me atrevo a señalar algunas. Las descripciones de los repertorios técnicos y de las formas y nombres de los diseños de los cestos y de los textiles podrían ser incorporadas con algún provecho. La clasificación del color y el simbolismo cromático es en buena medida un problema abierto. Asimismo, algunos pasajes del texto se enriquecerían sin duda incorporando las monografías comparativas de Nordenskiöld (1919, 1920), el informe de Hawtrey (1901) sobre los lenguas o el artículo de Waag (1972) sobre la cestería mbyá. Sólo a modo de ejemplo, Escobar señala que en La vida de los indios Nordenskiöld prescindió de cualquier referencia a las formas del banco ceremonial chiriguano (p. 74) y deja entrever que no se sabe nada más sobre el tema. Esto no es del todo cierto. El etnógrafo sueco ilustró y comentó la forma de esos bancos en ese y en otro de sus libros (Nordenskiöld 1920, pp. 15-16, 22; 2002, p. 165). Además, su discípulo, Métraux (1928, p. 63), también señaló que los chiriguanos tenían « escabeaux » tallados en madera con forma de animales. Por otro lado, en lo que respecta al nuevo apéndice sobre el dibujo y la pintura, la consideración de los pertinentes artículos del matrimonio Palavecino (Palavecino y Millán 1967-1968) y de Biró de Stern (1938, 1944) habrían enriquecido el análisis y permitido reforzar una constatación que emana de la propia casuística de Escobar: que ciertos antropólogos y misioneros jugaron un rol fundamental en el surgimiento y la fijación de estas nuevas artes.

7 El tercer capítulo se titula « El arte y el cuerpo » y como es de suponer está dedicado a las técnicas que intervienen en eso que podría llamarse « la construcción de la persona como artefacto »: la pintura y el tatuaje facial y corporal, las escarificaciones, las máscaras, el arte plumario, los pendientes, los collares y el vestido. Como el anterior, este capítulo también se organiza presentando para cada una de estas técnicas las manifestaciones de los distintos grupos étnicos. En el tratamiento de la pintura corporal y la plumaria del complejo ciclo ritual ishir, en el estudio de las máscaras del « arete guasu » chiriguano o del arte plumario de los guaraníes orientales, por señalar sólo los casos paradigmáticos, el autor hace gala de una mirada estética y antropológica penetrante, y de un conocimiento minucioso de cada contexto etnográfico. Hay que recordar que Escobar es un especialista en lo que concierne al ritual ishir (cf. Escobar

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1999). Llama un poco la atención que en el capítulo no se mencione el libro de Karsten (1926) sobre la decoración y el vestido de los indígenas sudamericanos. En compensación, hay que remarcar que una vez más entreteje con éxito el análisis del atuendo con problemas que caen por fuera de lo meramente estético: la concepción de la persona, las relaciones interétnicas, la colonización criolla y menonita, las políticas misioneras de las distintas iglesias, la política, el chamanismo, el simbolismo de las formas, la reinterpretación que sufrió la pintura corporal con la introducción de la escritura, los libretos de distintos ritos, entre muchos otros.

8 El capítulo final, « El arte y el rito », aborda la dimensión sensible de este último, ese momento que rasga el tiempo cotidiano y dilata el espacio hasta comunicarlo con los lugares imposibles que habitan los dioses y los muertos, felizmente, sorteando la moda ‒ y la ambigüedad ‒ de la performatividad y lo performativo. Después de repasar algunas de las funciones sociales del rito, Escobar se detiene en cuatro grandes ceremonias de las que fue testigo: el ritual de la iniciación masculina de los páĩ taviterã, la danza-oración llamada jeroky ñembo’e de los avás, la « gran ceremonia », o debylyby, de los ishir y, finalmente, el arete guasu de los chiriguanos. Asimismo, comenta brevemente otros « rituales »: algunas otras danzas y canciones avás, la ceremonia ayoreo de Asojna, la preciosa poesía aché, algunas ceremonias iniciáticas, danzas festivas y ceremonias fúnebres de los « chaqueños típicos ». « Durante la noche siguiente [narra Escobar, por ejemplo] se realiza otro rito, que es puro sonido: se llama Dysyker Labo y constituye una síntesis estruendosa de la gran ceremonia [el debylyby]. Cada grupo de hombres representa a cada grupo de anábsoro [un tipo de divinidades], pero sólo a través de los tihá, los característicos gritos que definen las diferencias entre las distintas especies divinas. Emitidos desde los tobillos de los anábsoro, son poderosísimos: en tiempos míticos su sola fuerza bastaba para fulminar pájaros, que instantáneamente caían a tierra; herir de muerte a las fieras y paralizar los peces que aparecían flotando, helados, sobre la superficie de ríos y lagunas » (p. 269).

9 El registro poético del libro es siempre sugerente, intrigante o hiriente; sin embargo, a mi entender, es en este capítulo donde se vuelve verdaderamente efectivo: crea una puerta para viajar allí, participar y conmoverse, y resulta, al mismo tiempo, una herramienta analítica poderosa.

10 Anoté que el libro tiene dos anexos. En el primero, « Lecturas de las fiestas enlhet », Hannes Kasclich comenta, corrige y amplia, con un estilo claro y un conocimiento etnográfico y lingüístico abrumador, los hechos festivos de los pueblos enlhet-enenlhet ya tratados por Escobar. En el segundo anexo, « Arte indígena en el Paraguay: los conflictos de la modernidad », Oleg Vysokolán y el propio Escobar trazan un mapa esquemático de la preservación, la pérdida o el cambio de las expresiones estéticas de los indígenas del Paraguay, arriesgan algunos pronósticos y dan algunas recomendaciones para diseñar y ejecutar políticas que beneficien las artesanías y las artes indígenas así como a sus productores. Es un artículo autónomo y, sin embargo, sintetiza y complementa el libro como si fuese su conclusión.

11 La belleza de los otros es el fruto de un proceso de años: trabajo de campo, la conformación del Museo del Barro, otros libros publicados, la gestión cultural… Parte de este proceso también queda plasmada en las muchísimas imágenes que contiene el libro: por un lado, más de cien fotografías etnográficas en blanco y negro tomadas por más de treinta fotógrafos y otras muchas de objetos, dibujos y pinturas confeccionados por indígenas y preservados en museos, todas ellas intercaladas en el texto; por el otro,

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diecisiete páginas de fotos a color que forman el tercer anexo. Cada una de las imágenes es magnífica y admirable a su modo; las fotos de Fostervold, Sequera, Holland o el propio Escobar ‒ por ser injusto con el resto ‒ me resultan fascinantes. También en el aspecto visual, el autor de este libro tuvo la inteligencia y la generosidad de convocar a « otros ».

12 Aunque Escobar lo niegue ‒ quizá por modestia ‒, este libro es un análisis antropológico, etnográfico y comparativo del arte de los indígenas del Paraguay y es, ante todo, un intento poético de representar dicho arte, evocar sus misterios, descargar las furias que produce ‒ y a la vez sanar aunque sea un poco ‒ una historia demasiado cruenta. El célebre escritor Augusto Roa Bastos presentó la primera edición de este libro diciendo: « Ticio Escobar ha escrito un bello libro: bello no sólo en cuanto a sus formas expresivas, sino en cuanto a su verdad de vida, de profundo intercambio vital y cultural con ciertas etnias, en especial la de los ishir del Chaco paraguayo » (p. 15). Como antropólogo, seguramente desde un punto de vista mucho más estrecho, sólo puedo agregar que sobre el « arte » de los indígenas del Paraguay hay dos trabajos de síntesis imprescindibles: uno es la obra pionera de Susnik (1982, 1998); el otro es este libro.

BIBLIOGRAFÍA

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ESCOBAR Ticio 1999 La maldición de Nemur: acerca del arte, el mito, y el ritual de los indígenas ishir del Gran Chaco paraguayo, Centro de Artes Visuales/Museo del Barro, Asunción.

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NORDENSKIÖLD Erland 1919 An ethno-geographical analysis of the material culture of two Indian tribes in the Grand Chaco, Elanders Boktryckery Aktiebolag, Comparative ethnographical studies 1, Gotemburgo.

1920 The changes in the material culture of two Indian tribes under the influence of new surroundings, Elanders Boktryckeri Aktiebolag, Comparative ethnographical studies 2, Gotemburgo.

2002 La vida de los indios. El Gran Chaco (Sudamérica), APCOB, La Paz.

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SUSNIK Branislava 1982 Los aborígenes del Paraguay (Tomo IV: Cultura material), Museo etnográfico Andrés Barbero, Asunción.

1994 Interpretación etnocultural de la complejidad sudamericana antigua (Tomo I: Formación y dispersión étnica), Museo etnográfico Andrés Barbero, Asunción.

1995 Interpretación etnocultural de la complejidad sudamericana antigua (Tomo II: El hombre, la persona y agente ergológico), Museo etnográfico Andrés Barbero, Asunción.

1998 Artesanía indígena: ensayo analítico, El Lector, Asunción.

WAAG Else Maria 1972 « La cestería cainguá », Relaciones de las Sociedad Argentina de Antropología, 6, pp. 145-162.

AUTORES

RODRIGO MONTANI

Becario posdoctoral del CONICET, Argentina

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CANESSA Andrew, Intimate indigeneities. Race, sex, and history in the small spaces of Andean life Duke University Press, Durham/Londres, 2012

Óscar Muñoz Morán

REFERENCIA

CANESSA Andrew, Intimate indigeneities. Race, sex, and history in the small spaces of Andean life, Duke University Press, Durham/Londres, 2012, 325 p., bibl., ill.

1 Intimate Indigeneities es un libro contemporáneo que nos remite, no obstante, a una tradición antropológica conocida. Contemporáneo porque habla sobre actualidad y plantea un análisis de elementos comunes a la modernidad. Tradicional porque, en el fondo de esa disertación, se adivinan dos cuestiones clásicas en la antropología: el recuerdo constante de las etnografías totales propuestas por Boas primero y Mauss posteriormente, donde el conjunto predomina sobre las partes y lo holístico alcanza su verdadero sentido en la disciplina. Un conjunto que se resume en la pregunta principal del libro y que, en este reseña, aparece como la segunda de las cuestiones tradicionales, ¿qué es ser indígena? Es la primera vez que el autor nos deja sus reflexiones al respecto en forma de monografía, aunque ya sabíamos de sus inquietudes al leer los textos que había publicado durante los últimos años (Canessa 2006, 2008).

2 El atractivo del libro de Canessa está en las sensaciones que el lector tiene al enfrentarse a él. El placer de encontrarse ante una etnografía de la modernidad, pero que aparenta querer homenajear a aquellas monografías con las que nos formamos los americanistas. En ellas siempre aparecía entre nuestras inquietudes la pregunta de cómo definir a los sujetos de nuestras investigaciones, los indígenas (el recuerdo nos remite al trabajo de Friedlander, también citado por Canessa, Ser indio en Hueyapan – 1977). Aquellos trabajos descriptivos donde los autores se preocupaban por abarcar

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cada uno de los aspectos de la vida indígena. Canessa recupera ese estilo para explicarnos qué son los indígenas o, mejor dicho, qué son los jaqi, de Wila Kjarka (comunidad aymara del altiplano boliviano).

3 El autor se cuestiona la aplicación que del término « indigenidad » se hace desde sectores oficiales y urbanos, alejados al menos sensorialmente, de la población rural. En el caso etnográfico presentado, el indígena es aquel que vive en tierras bajas. Ellos son otros, jaqi.

4 Los que trabajamos en los Andes, pero especialmente en Bolivia, sabemos de lo poco práctico que resulta el término « indígena » para referirse a la población campesina, hablante de quechua o aymara. Canessa, durante sus veinte años de trabajo en el altiplano, llegó a considerar que, si no era acertado hablar de indígenas, indios o aymaras (p. 6), debía de existir otra serie de mecanismos internos que les llevara a distinguirse de la población mestiza y/o blanca.

5 Es aquí donde surge el término jaqi, cuya más fiel traducción sería la de « gente correcta », es decir la forma como un wilakjarkeño se describiría a sí mismo. Pero lo jaqi no se puede entender sin su opuesto, q’ara, los blancos, aunque, según Canessa, una traducción más acertada sería « despojados de su humanidad ». En fin, el objetivo del trabajo es « explorar lo que jaqi significa para las personas de Wila Kjarka y cómo este término difiere del de indígena e indio » (p. 5, traducción del autor O. M. M.).

6 En la obra encontramos que un jaqi se define en el mundo religioso católico, pero también en el sistema más tradicional de creencias, en las formas de historicidad, en las percepciones del ser y el cuerpo, en los miedos, el sexo, el género, en las relaciones con el mundo mestizo y blanco, en los cánones de belleza.

7 Para ello, el autor divide el libro en ocho capítulos más una introducción y un postscript. Aunque la dicotomía jaqi-q’ara está presente en cada uno de ellos, es cierto que la estructura descriptiva divide el libro en dos partes: los primeros cinco capítulos donde predomina el interés por definir lo jaqi desde dentro de la comunidad, es decir, ¿ qué los hace ser parte de la misma? Los tres últimos, en cambio, nos muestran cómo una vez definido lo jaqi como propio, su imagen se consolida al adentrarse en los diferentes terrenos del mundo mestizo y blanco.

8 El análisis del sistema local de creencias aparece como el principal objetivo del primer capítulo. El autor presenta con detalle y una cuidadosa etnografía el confuso papel de lo católico en el universo local. Aunque presente en la cotidianidad, no se puede decir que exista un sistema sincrético, sino una convivencia (no conflictiva) de dos sistemas, el católico y el de los « espíritus » locales (como los achachilas, la pachamama o el Tiu, p. 61).

9 Pero lo jaqi se define en gran parte por la forma de entenderse a ellos mismos rastreando el pasado, el cómo han llegado a ser lo que son (capítulos dos y tres). Es la forma de comprender el pasado y dotarlo de significado, una especie de historicidad local (el autor ha entendido siempre que la historicidad indígena es casi el principal pilar sobre el que se construye su indigenidad), que va desde la historiografía más científica hasta las representaciones propias. Se pone el acento en las múltiples formas de interpretación del pasado que se pueden encontrar en el interior de la comunidad. Pero también en la inexistencia de una sucesión lineal de acontecimientos. El autor critica así a la corriente etnohistórica que ha pretendido establecer « un discurso narrativo continuado » (traducción del autor, O. M. M.) sobre la historia en el mundo

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andino (p. 87). Lo interesante está en que lo jaqi se encuentra en el verdadero esfuerzo por cuadrar todos esos discursos en un cuerpo general de creencias.

10 Y el ejemplo lo encontramos en un acontecimiento en concreto: la guerra Jankho Kjarka. Conflicto que enfrentó a dos comunidades que formaban la parte alta y baja del mismo ayllu. Una partidaria de mantener el antiguo régimen agrícola y otra de destruirlo (todo en el contexto de la revolución de 1952). En juego no sólo hay posiciones a favor y en contra de los patrones hacendados, sino también formas locales de representación de la violencia, como los episodios de canibalismo que son puestos en circulación discursiva para fortalecer las nociones de lo correcto (jaqi) y lo salvaje (q’ara).

11 Esas acusaciones de canibalismo atacan directamente, entre otras cosas, a las concepciones ontológicas del ser y el cuerpo. El ser humano se define en relación al mundo de los espíritus (« Ser una persona – esto es, un jaqi – en Wila Kjarka es un proceso continuo de formación […] fusionada con los espíritus ancestrales », p. 163, traducción O. M. M.) pero, principalmente, en el recorrido del ciclo de la vida (p. 158). El ser jaqi es ser miembro de la comunidad (condición que se alcanza con la adquisición del nombre y el ritual de la rutucha) y convertirse en ser humano pleno (que no se consigue hasta el momento de la muerte). Pero, aunque se necesite del mundo otro (de los espíritus) para la formación del ser, el sentirse diferente de ellos es parte imprescindible del proceso de identificación. De hecho los espíritus, en algunas expresiones, se relacionan con lo q’ara, como en el caso del kharisiri (el l’ikichiri en otros lugares de los Andes), protagonista del capítulo cinco. El kharisiri manifiesta una serie de representaciones asociadas a lo otro (Canessa 2000).

12 « En sus creencias sobre el kharisiri, los jaqi no están únicamente expresando un miedo a lo exógeno en general y a los mestizos y blancos en particular, sino que la propia naturaleza de estas creencias ilustra cómo es el punto de vista de muchos jaqi y lo que entienden por la usurpación ilegítima del poder » (p. 181, traducción O. M. M.). Se entiende este capítulo como la transición entre lo propiamente jaqi y aquello que lo relaciona con lo otro, que ocupará los siguientes.

13 Estos nos internan en los espacios de las dinámicas interétnicas, cuando el habitante de Wila Kjarka entra en contacto con el mundo mestizo. Un ejemplo importante, lo encontramos en las escuelas rurales, donde los locales se encuentran con el discurso de los maestros (q’aras) que les insisten en que son aquellos que en los centros urbanos se identifican como indios. La escuela fabrica un entorno (véase el ejemplo del « día del indio », pp. 207-215) donde ese indio, aunque se intente revalorizar en la ceremonia, está siempre supeditado al juicio y valoración del mundo urbano, moderno y occidental-mestizo. Es decir, el primer contacto en el que el jaqi se define por oposición aparece en la misma comunidad (los maestros), pero es fuera de ella donde las posiciones adquieren mayor envergadura (capítulos siete y ocho; creo que los más complejos y densos de la obra). En primer lugar, aquellos mecanismos mediante los cuales el género es definido. Canessa argumenta que lo masculino y femenino se construyen mayormente fuera de la comunidad: los hombres en su posición dentro del servicio militar obligatorio o en sus impresiones sobre los referentes sexuales occidentales; también en el ámbito sexual, la imagen estereotipada de la mujer indígena en la Bolivia blanca, donde incluso aparecen en escena los juegos de poder del presidente Evo Morales.

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14 Pero lo más interesante de esta parte del trabajo es el significado que adquiere « lo blanco » para los habitantes de Wila Kjarka: « Por tanto, “lo blanco” no se refiere simplemente al color de la piel, sino a un complejo de atributos sociales y culturales que confieren la pertenencia al grupo cultural dominante. Los hombres están más cerca del ideal mundo urbano blanco que las mujeres. Ellos hablan español, forman parte del servicio militar y trabajan en las minas » (p. 230, traducción O. M. M.).

15 Canessa nos advierte que lo que realmente se vuelve conflictivo es la contradicción constante que existe entre el ser señalados como indios por los blancos y la adquisición de elementos que los hacen blancos para su comunidad. Entonces lo jaqi se amestiza sin llegar a ser parte de los otros. Pero, al mismo tiempo, abandona un importante número de sistemas tradicionales que los definen, para la propia comunidad, como jaqi.

16 Y aquí encontramos la clave para entender el trabajo de Canessa y que creo aparece en la radiografía del postscript. Durante sus veinte años en la comunidad, el autor se vio turbado por los numerosos cambios que en ella ha visto actuar. Estos cambios (como el culto a los achachilas que está desapareciendo) son la esencia de lo que los definía como jaqi. Canessa, por tanto, comenzó a plantearse qué son los habitantes de esa comunidad donde él trabajó durante tanto tiempo. Concluye, en este último epígrafe, que ellos mismos parecen no considerarse ya jaqi, y que para el resto de la sociedad son identificados como indígenas. Pero un concepto de indígena que poco tiene que ver con lo rural y originario, y más con la estética y costumbres de lo que se considera un indio urbano (tal vez, como pensamos todos los que conocemos ese país, un habitante aymara de El Alto).

17 En definitiva, Canessa nos propone un recorrido por los múltiples caminos que toma la indigenidad en un país que, al menos desde fuera, siempre hemos considerado como predominantemente indígena. Donde las propuestas de lo indígena que se plantean desde el oficialismo se encuentran con las de la población urbana « chola » de lugares como El Alto o Potosí. Donde la población rural (jaqi) cuestiona los principios que lo definen como tal, al enfrentarse a aquello que consideran « lo blanco ». Un choque constante de conceptos, de acepciones, de propuestas, pero también de aflicciones o de sentimientos, que entran en juego en el proceso acelerado que está viviendo hoy Bolivia.

BIBLIOGRAFÍA

CANESSA Andrew 2000 « Fear and loathing on the Kharisiri trail: alterity and identity in the Andes », The Journal of the Royal Anthropological Institute, 4 (6), pp. 705-720.

2006 « Todos somos indígenas: towards a new language of national political identity », Bulletin of Latin American Research, 25 (2), pp. 241-263.

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FRIEDLANDER Judith 1977 Ser indio en Hueyapan: un estudio de identidad obligada en el México contemporáneo, Fondo de Cultura Económica, México.

AUTORES

ÓSCAR MUÑOZ MORÁN

Universidad Complutense de Madrid

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PRAET Istvan, Animism and the question of life Routledge, New York/Abingdon-on-Thames, 2013

Perig Pitrou

RÉFÉRENCE

PRAET Istvan, Animism and the question of life, Routledge, New York/Abingdon-on- Thames, 2013, 314 p., bibl., ill., carte, index, coll. « Routledge Studies in Anthropology »

1 Dans la liste déjà longue des travaux consacrés à l’animisme, cet ouvrage singulier et ambitieux d’Istvan Praet propose une analyse nouvelle du phénomène qui rompt avec son interprétation standard. En effet, on déclare généralement que les peuples animistes d’Amazonie ou de la zone circumpolaire – exemples souvent mentionnés – se caractérisent par leur tendance à considérer comme vivants et doués d’une intériorité une grande quantité d’êtres avec lesquels ils interagissent : des animaux, des végétaux, mais aussi des minéraux, des artéfacts ou des phénomènes célestes. Prenant le contre- pied de cette idée, la thèse de Praet est, au contraire, que les ontologies animistes élaborent une conception très restrictive de la vie, ce qui se comprend mieux en faisant le parallèle avec la représentation de l’altérité culturelle prévalant dans de nombreuses sociétés traditionnelles. Comme le rappelait Lévi-Strauss – « le barbare c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie » –, c’est un fait bien connu de l’anthropologie que les membres de certains groupes tendent parfois à exclure de la sphère de l’humanité leurs voisins les plus immédiats en se qualifiant eux-mêmes comme « les Hommes » ou « les vrais Hommes ». L’originalité de la proposition de Praet, lorsqu’il cherche à mettre au jour les aspects invariants de l’animisme, réside dans la décision de connecter ces deux formes de restricion : « If animists have one thing in common, I claim, it is precisely their notion of a restricted life and a restricted humanity. The entire book can be seen as an effort to document and explain these parallel notions » (p. 3) . Pour tester la validité de cette hypothèse, l’auteur met en place une démonstration qui, tout en étant très spéculative, s’engage dans l’élucidation de données ethnographiques méticuleusement restituées au

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fil des pages. À chaque chapitre, une même méthode d’analyse est à l’œuvre : après avoir élaboré un modèle explicatif pour rendre intelligibles les observations faites chez les Chachi, des chasseurs-horticulteurs de l’Amazonie équatorienne, l’auteur le confronte à des données provenant de monographies consacrées à d’autres sociétés animistes. Une carte synthétique (p. xv) permet de visualiser l’ampleur de l’entreprise comparatiste portant sur des sociétés différentes (environnement, morphologie sociale, économie, etc.) mais qui, selon diverses modalités, illustrent les caractéristiques communes dans l’univers animiste : l’attention se concentre ainsi sur les Wari’ et les Matis d’Amazonie, les Navajo et les Lakota de l’Amérique du Nord, les Yup’ik et les Ainu des côtes du Pacifique, les Chewong et les Batek de la péninsule de Malaisie, les Ongee des îles Andaman, les Uduk de la frontière du Soudan et de l’Ethiopie et les Sambru et les Massai de l’Afrique de l’Est (p. 5).

2 À plus d’un titre, l’articulation entre une proposition théorique forte et un comparatisme fondant ses connaissances sur des enquêtes ethnographiques détaillées inscrit le projet développé dans Animism and the question of life dans le sillage de Par-delà nature et culture (Descola 2005), dont il approfondit brillamment certaines découvertes. Tout en continuant à faire contraster l’animisme avec le naturalisme développé par l’Occident moderne, l’objectif de Praet est de le comprendre à partir des conceptions spécifiques de l’humanité et de la vie qui émergent en son sein. Le premier chapitre, intitulé Us, the human beings, the living ones, commence donc par expliquer en quoi les conceptions des Chachi diffèrent de la cosmologie occidentale qui voit l’humanité comme un « donné » (« this anthropological [i.e. la conception occidentale] humanity can poignantly be characterized as effortless – it always comes readymade », p. 16, souligné par l’auteur I. P.). Par contraste, comme les travaux pionniers de Seeger, Da Matta et Viveiros de Castro (1979) l’établissent – Villaça, Erikson ou Santos-Granero sont également mentionnés –, en Amazonie, pour devenir humaine, chaque personne doit être « fabriquée » par tout un ensemble de procédures (soins, traitements, rites d’initiation) qui façonnent les corps et incorporent des habitus pour construire progressivement une identité commune avec les membres de son groupe. Évoquant ceux chez qui il réalise son enquête, Praet précise : « The term “Chachi”, then, does not refer to “humans” as a class or a category but to “humans in the making” or Humans [...] They know that Humanity always requires a specific effort. In other words, keeping in shape is essential » (p. 20, souligné par l’auteur I. P.). La notion de shape renvoie ici à ce qui résulte d’un continuel travail de formation, matériel et spirituel, grâce auquel un être est maintenu dans son Humanité ; à la différence de l’humanité générique (marquée avec une minuscule par l’auteur), cette Humanité « selon la forme » (marquée avec une majuscule) se révèle plus restrictive : alors que les Blancs (ou les Conquistadores) sont des humains pour les catégories occidentales, ils ne sont pas des Humains pour la pensée amazonienne qui les appréhende à partir de leur forme1. Puisque, dans cette configuration, il n’y a pas de place pour « d’autres Humains » ou pour des « Humains étrangers », Praet propose de parler de « Monstre » (Monster) pour désigner les êtres qui, malgré leur ressemblance, n’ont pas été formés de telle sorte qu’ils puissent être traités comme des Humains par un groupe autochtone2. La séparation des êtres du monde n’est cependant pas définitive : elle dépend de positions qui ne cessent de changer, comme en atteste l’omniprésence des phénomènes de métamorphose (cf. chapitre 4). Chez les Chachi, il existe ainsi des manières d’agir, de réaliser « un effort opposé » à celui qui humanise, susceptibles de faire sortir des individus de l’Humanité, par exemple lorsqu’ils deviennent des ennemis décrits comme des « Indiens Féroces »,

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des « Guérilleros » ou des « Envahisseurs ». Symétriquement, la nécessité de fournir un effort pour fabriquer un Humain possède une dimension positive : potentiellement, tout être soumis à un travail de transformation peut devenir membre du groupe et faire partie de l’Humanité. Par conséquent : « a key feature of Humanity as shape is that it is simultaneously restricted and open » (p. 21).

3 Alors que Kohn (2007, 2013) – dont, étonnement, le travail n’est pas discuté – prolonge la phénoménologie perspectiviste de Viveiros de Castro en direction d’une sémiologie, Praet la radicalise en en dégageant les propositions logiques qui organisent le rapport entre les existants. Cette démarche appliquée pour faire le départ entre Humains et Monstres se prolonge dans le chapitre 3, où l’auteur suggère qu’une démonstration similaire aide à saisir la différence entre la conception restrictive de la Vie (marquée avec une majuscule) dans l’animisme et la conception occidentale qui, au contraire, attribue la vie à une multiplicité d’êtres3. Afin de faire sentir la tonalité spéculative d’un texte qui ne manquera pas d’intriguer et de susciter la perplexité chez certains lecteurs, je citerai quelques passages consacrés à ce problème, en commençant par le suivant : The radical incommensurability between those who are Human and those who are not is actually at the core of any form of animism: Humans and Monsters have absolutely nothing in common, not even “life”. To be sure, Monsters are as animate as Humans (we are talking about equivalent shapes after all) but that does not imply that they are Alive. All this may sound strange, but that is only because of the confusion between the “animate” and “life”, which adherents of the Western cosmology have so effectively propagated (p. 60).

4 L’auteur a pleinement conscience du décentrement qu’il réclame à son lecteur pour saisir le sens de ces propositions ou d’autres telles que « if Humans are Alive, Monsters are Dead ». Il s’attache donc à restituer avec minutie une conception du vivant s’opposant à celle de la biologie ; son idée étant que c’est à tort que : « the notions of “other living beings” (i.e. animals, plants, and so forth) and “other people” (i.e. foreigners, people from a different society, and so forth) are taken to be ahistorical and transcultural » (p. 61). L’analyse fait alors contraster la cosmologie occidentale pour laquelle la vie est une propriété commune aux humains, à la faune et à la flore avec celle des Chachi qui se conçoivent comme radicalement différents des toucans. For them, it is clear that we are not dealing with partly overlapping classes or categories, but with incommensurable shapes, with Toucans and Humans (as usual, I capitalize when I refer to shapes). Animism is premised on the axiom that Toucans and Humans have nothing in common. If the latter are Alive, the former are Dead. This will sound strange to adherents of the modern Western cosmology and therefore it is worth repeating: Toucans are Dead. Consequently, it is incongruous to call them “living beings” or even “animals”. Because they are shapes, however, Toucans and Humans are also entirely equivalent. This implies that the former are not less animate (material, visible, etc.) than the latter. So Toucans are animate but not Alive. (p. 63, souligné par l’auteur I. P.)

5 De même que la notion de Monstre sert à penser des êtres différents des Humains par la forme, Praet propose d’appeler « Bêtes » (Beasts) des « créatures qui sont simultanément animées et Mortes » (p. 64). À l’appui de son approche en termes d’oppositions logiques – émanant, rappelons-le, d’une instabilité phénoménologique initiale –, les données amazoniennes concernant les relations chasseur/proie sont mobilisées comme des exemples du dynamisme inhérent aux jeux de permutation de positions et aux processus de métamorphose : Time and again, it emerges that Chachi and Peccary, Human and Beast, Predator and Prey, are positional qualities rather than undisputed givens. We are not talking about species but

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about shapes. Therefore, hunting never amounts to a ‘killing’ but rather to a change of shapes, a metamorphosis (p. 66) Within animism, Hunter and Peccary – Predator and Prey – are always equivalent but incommensurable shapes. If one is Alive, the other is necessarily Dead. From Armando’s [un Chachi] viewpoint, Peccaries are indeed animate but Dead: they are Beasts. (p. 65)

6 Comme on le constate, le propos de Praet, extrêmement réfléchi, entraîne le lecteur dans des subtilités rares, le contraignant à envisager des perspectives ou des conceptions très contre-intuitives. Je ne peux cacher que l’adhésion à certaines propositions se révèle parfois malaisée. Pourtant, le rendement analytique de l’entreprise menée dans cet ouvrage me semble indiscutable, ce qui se manifeste en particulier dans la relecture méthodique des descriptions ethnographiques recueillies parmi les diverses populations animistes mentionnées précédemment. Les assertions logiques concernant la Vie, les Humains, les Bêtes ou les Monstres ne sont certainement pas à l’abri de toute critique, il n’en reste pas moins vrai qu’elles permettent à l’auteur de réaliser une double prouesse : tout en rendant intelligibles des pratiques – notamment rituelles – hétérogènes, le modèle présente l’immense avantage de connecter les îles de l’archipel animiste dans un cadre analytique à la fois robuste et fécond. Pour ce qui concerne le premier point, l’examen, à l’aune de l’opposition Vie/ Mort, de rites thérapeutiques, funéraires ou de cérémonies de mariage offre des développements très convaincants (Partie II). Même si, d’emblée, on a du mal à comprendre qu’un être animé puisse être Mort, cette proposition s’éclaire dès lors qu’on se souvient de l’importance cruciale de la métamorphose pour les chamans, c’est- à-dire de la possibilité qu’ils explorent de devenir des Monstres ou des Bêtes, voire d’être Morts : autant de phénomènes qui témoignent du pouvoir conféré au shape- shifting. Les spécialistes rituels ne sont d’ailleurs pas les seuls privilégiés à s’engager dans ce genre de processus : les rites mortuaires étudiés dans le chapitre 5 montrent, au contraire, que tous les participants peuvent, temporairement, occuper la position de Monstres, voire devenir des Morts. Cette configuration globale, où la permutation des positions joue un rôle moteur, est bien résumée par Praet : « mourners are impromptu shamans whereas mortuary rites are improvised forms of shamanism. In both cases, one’s position depends on the perspective. Just as shamans, mourners may be Alive from their own point of view, but from that of an outsider they are Dead » (p. 137).

7 À partir d’une ethnographie si intelligemment travaillée, c’est également le projet comparatiste qui force l’admiration. Dans un monde académique, où certains auteurs théorisent à partir d’une seule expérience ethnographique, parfois lacunaire d’ailleurs, convaincus qu’ils donneront des idées à ceux qui les lisent, on ne peut que se réjouir de voir un anthropologue soucieux de lire ses collègues pour affiner ses propres idées et en démontrer la validité. L’investissement nécessaire pour restituer et analyser les enquêtes faites par d’autres s’inscrit, sans discontinuité, dans la démarche descriptive que l’ethnographe déploie sur son propre terrain ; elle est même une condition sine qua non pour qu’une anthropologie digne de ce nom puisse se développer sans devenir une pure construction idéelle. De ce point de vue, ce premier livre est une réussite et on ne peut que saluer l’ampleur du travail accompli. Même si, contrairement à la méthode structuraliste qui s’efforce à organiser les différences, certains développements consacrés à d’autres aires culturelles donnent parfois l’impression de trop chercher la similitude, cela ne doit pas faire oublier le tour de force grâce auquel Praet parvient à trouver des caractéristiques fondamentales de l’animisme dans des sociétés aussi variées. En effet, au fil des pages, parallèlement à l’exposition des conceptions

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amazoniennes, on découvre comment ces sociétés organisent leur monde à partir des relations Vie/Mort et l’incroyable diversité des êtres, humains et non humains (au sens de l’anthropologie occidentale) qui, sous diverses latitudes, sont traités comme des Monstres ou des Bêtes.

8 Pour conclure, je terminerai par quelques remarques concernant The question of life, thème central dans l’anthropologie contemporaine. Alors que, depuis l’origine de la discipline, la vie a été étudiée à partir de divers ordres de faits (rites, ethnoclassification, lexique et grammaire, vie sociale, etc.), il est en effet remarquable que, depuis une quinzaine d’années, se soient développées des approches d’inspiration phénoménologique (Ingold 2011), sémiologique (Kohn 2007, 2013), cognitiviste (Bloch 1998, Astuti 2000) ; j’ai moi-même proposé de traiter cette question à travers le repérage de catégories d’actions participant à la réussite de processus vitaux, dans le cadre de ce que j’appelle une « pragmatique générale » (Pitrou 2012 ; à paraître). Praet explore, quant à lui, une nouvelle voie en développant de façon méthodique une approche au croisement du perspectivisme et du structuralisme, dont la fécondité est d’autant plus grande qu’elle s’adosse à une réflexion épistémologique, également présente chez Helmreich (2009), concernant les différentes conceptions de la vie que les humains, scientifiques ou non, élaborent selon les champs de la pratique au sein desquels ils exercent leurs actions sur le monde. Dans Biological becomings (2013), Ingold et Palsson appellent de leurs vœux le développement d’une nouvelle anthropologie, par-delà nature et culture, susceptible de traiter dans une démarche unifiée les faits étudiés séparément par la biologie ou les sciences humaines. Praet, quant à lui, vise un autre objectif puisqu’il entend : « reformulate the question of life in a manner that completely shakes off the premises of the biological framework wherein it has gotten entrapped » (p. 8). Il soutient qu’un des apports de l’anthropologie est d’envisager la vie à une autre échelle, « une échelle humaine » (ibid.) et de permettre de documenter les théories alternatives de la vie élaborées dans les cosmologies non occidentales (p. 167). Même si Ingold et Palsson insistent sur la convergence et que Praet envisage surtout la divergence que la cosmologie animiste instaure avec la science occidentale, il me semble que ces deux approches peuvent se compléter, ne serait-ce que par la place qu’elles réservent à l’investigation ethnographique et à la multiplicité des rapports, pratiques et conceptuels, que les humains établissent avec leur environnement. C’est d’ailleurs à partir d’une telle attention à la diversité des ethnothéories de la vie que l’on pourrait juger que la conception restrictive de la vie exposée par Praet se révèle elle-même un peu restrictive, si l’on peut dire. À l’instar de nombreux travaux consacrés à l’animisme, peu d’attention est en effet accordée à la manière dont les peuples autochtones pensent la diversité des processus vitaux tels que la reproduction, la croissance ou l’interaction avec l’environnement. De même, les passages consacrés à la « fabrication » des Humains suggèrent qu’il y aurait une pertinence à distinguer plus nettement la vie (comme un ensemble de causes) et le vivant (comme une multiplicité d’êtres et de processus) afin de réfléchir aux systèmes d’inférences causales mobilisées.

9 Dans le fond, il me semble que, dans le propos de Praet, il existe une tension entre une conception de la vie entendue comme qualité positionnelle – qui, même si elle émerge dans un monde instable, demeure binaire : Vie « ou » Mort – et l’idée que la vie serait un processus qui, par touches successives, façonne les êtres vivants. Comment expliquer que des phénomènes processuels soient mobilisés comme des marqueurs logiques dans des systèmes d’oppositions dichotomiques ? Comment articuler la permutation et la transformation, le discontinu et le continu ? Ces interrogations ne

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sont pas nouvelles puisque, depuis le passage de la première à la deuxième Mythologiques jusqu’au final de L’Homme nu, elles travaillent en profondeur l’approche structuraliste, comme le rappelle bien Viveiros de Castro dans le dernier chapitre de Métaphysiques cannibales (2009). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je serais moins catégorique que Praet lorsqu’il déclare : « Animists propose metamorphosis instead of evolution, catastrophe instead of permanence, and regular extinction instead of perpetual continuity » (p. 138). À l’appui de cette thèse présentée dans le très beau chapitre 6, Catastrophe. Examining collective metamorphoses, l’auteur interprète le mythe panaméricain de la « Révolte des choses » comme la manifestation d’une conception de la vie pensée comme radicale discontinuité. Cycliquement en effet, la fin du monde transforme les relations entre les êtres vivants, avant de faire disparaître les humains et émerger de nouvelles configurations. Le fait que, dans le Popol Vuh, récit maya de création du monde, cet épisode ne soit qu’un moment au sein d’une série d’essais à l’occasion desquels les créateurs tentent d’améliorer progressivement les premiers humains jugés trop imparfaits suggère cependant que la pensée amérindienne peut penser dans un cadre unifié la métamorphose et l’évolution.

10 Les discussions autour de « la question de la vie », une des plus passionnantes que la pensée ait à traiter, sont loin d’être closes : dans les années à venir, elles impliqueront des enjeux fondamentaux pour notre discipline et, plus largement, pour l’organisation des sociétés humaines. On ne peut donc qu’être reconnaissant à Praet d’être parvenu dans son ouvrage à participer à sa reformulation à partir d’une perspective aussi originale.

BIBLIOGRAPHIE

ASTUTI Rita 2000 « Les gens ressemblent-ils à des poulets ? Penser la frontière homme-animal à Madagascar », Terrain, 34, pp. 89-106.

BLOCH Maurice 1998 How we think they think : anthropological approaches to cognition, memory, and literacy, Westview Press, Boulder.

DESCOLA Philippe 2005 Par-delà nature et culture, Gallimard, Paris.

HELMREICH Stefan 2009 Alien ocean. Anthropological voyages in microbial seas, University of California Press, Berkeley/ Los Angeles.

INGOLD Tim 2011 Being alive : essays on movement, knowledge and description, Routledge, Abingdon-on-Thames.

INGOLD Tim et Gisli PALSSON (éds) 2013 Biosocial becomings : integrating social and biological anthropology, Cambridge University Press, Cambridge.

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KOHN Eduardo 2007 « How dogs dream : Amazonian natures and the politics of transspecies engagement », American Ethnologist, 34, pp. 3-24.

2013 How forests think. Toward an anthropology beyond the human, University of California Press, Berkeley/Los Angeles.

PITROU Perig 2012 « Figuration des processus vitaux et co-activité dans la Sierra Mixe de Oaxaca (Mexique) », L’Homme, 202, pp. 77-112.

À paraître « Life as a process of making in the Mixe Highlands (Oaxaca, Mexico). Towards a “general pragmatics” of life », Journal of Royal Anthropological Institute.

SEEGER Anthony, Roberto DA MATTA et Eduardo VIVEIROS DE CASTRO 1979 « A constração da pessoa nas sociedades indígenas brasileiras », Boletim do Museu Nacional, Antropologia, 32, pp. 2-19.

VIVEIROS DE CASTRO Eduardo 2009 Métaphysiques cannibales. Lignes d’anthropologie post-structurale, Presses universitaires de France, Paris.

NOTES

1. Bien que le terme Form existe en anglais, l’auteur lui préfère Shape. En choisissant le premier terme, il me semble toutefois que des liens plus nets auraient pu s’établir avec les réflexions concernant les notions de « Life Forms » ou de « Forms of Life », centrales en anthropologie, surtout chez des auteurs tels que Helmreich (2009) qui s’efforcent de penser leur convergence. 2. « By now it has become clear that apparently straightforward concepts such as “foreigner” or “stranger” are inadequate to grasp how so-called indigenous people conceive – or at least used to conceive – of such unfamiliar characters. The more general idea of “other people” is similarly misleading, because it inadvertently presupposes a minimal degree of commensurability. Indeed, such concepts always contain a tacit supposition: foreigners may be different, but only just a little bit. Beyond the differences in culture, there is always a shared nature – a common humanity. The possibility of total incommensurability, i.e. of understanding those unfamiliar characters as very different is something that modern anthropologists are apparently incapable or unwilling to imagine. » (p. 59, souligné par l’auteur I. P.). 3. « As a next step, I suggest that approaching “life” in a similar way as “humanity” will prove to be insightful. I propose to think of life as a particular shape rather than as an inherent property of animate beings. For the sake of clarity and consistency, I will use capitalization and speak of “Life” from now onwards. I will demonstrate that this restricted Life, just like restricted Humanity, always requires a particular effort. It has to be kept in shape perpetually. In contrast to the modern biological concept of life, Life must be maintained at all times. » (pp. 35-36).

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AUTEURS

PERIG PITROU

CNRS, Laboratoire d’anthropologie sociale, Paris

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CHAVE-DARTOEN Sophie, Cécile LEGUY et Denis MONNERIE (éds), Nomination et organisation sociale Armand Colin, Paris, 2012

Marie Chosson

RÉFÉRENCE

CHAVE-DARTOEN Sophie, Cécile LEGUY et Denis MONNERIE (éds), Nomination et organisation sociale, Armand Colin, coll. « Recherches », Paris, 2012, 382 p., fig., tabl.

1 Ce recueil de onze articles a ceci de remarquable qu’il s’engage dans une entreprise difficile mais indispensable au débat scientifique : celle d’un comparatisme élargi réunissant, autour d’une même thématique, des représentants de plusieurs disciplines, mais aussi spécialistes de différentes aires culturelles, principalement l’Océanie, mais également le Brésil ou encore le continent africain. Cette perspective intéressera néanmoins les américanistes dans la mesure où elle s’attache à traiter des interactions de deux domaines d’analyses, l’organisation sociale et la nomination, qui ont fait l’objet de traitements différents dans notre domaine. L’étude de l’onomastique a, depuis longtemps, attiré l’attention des chercheurs amazonistes, entre autres Menget (1977, 1993) ou Teixeira Gonçalves (1990), et afro-américanistes, comme Price et Price (1972). Elle est, en revanche, quasiment absente des thématiques de recherches des mésoaméricanistes. Cet ouvrage ne manquera donc pas, dans tous les cas, de susciter leur intérêt.

2 Né de réflexions commencées lors d’un colloque international (« Nomination et organisation sociale », Strasbourg, 2005) et développées ensuite lors de diverses journées d’étude, cet ouvrage a pour ambition principale de proposer ce que ses auteurs considèrent comme de nouvelles configurations d’analyse par la relecture de ces deux

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thématiques sous l’angle de leurs relations, postulant que leur intercompréhension permettra une nouvelle intelligibilité de chacune d’entre elles.

3 L’ouvrage se divise en deux parties. La première propose, en trois chapitres, une présentation des grandes directions de recherche sur les systèmes d’organisation sociale et/ou les systèmes de nomination dans chacune des spécialités représentées : l’anthropologie, la linguistique et les travaux sur la cognition. Bien que ces présentations, sous forme « d’état de l’art » dans chaque domaine, puissent paraître un peu didactiques, elles offrent un panorama d’un grand intérêt pour le lecteur qui se trouve lui-même parfois limité dans sa connaissance par les cadres théoriques de sa propre discipline. Pour l’anthropologie, Monnerie éclaire, par une revue exhaustive de la littérature, ce qui peut être considéré comme un paradoxe : celui de la mise en relation tardive des deux concepts, qui ont pourtant bénéficié chacun de nombreuses études. En effet, si les processus de nomination ont été reconnus, sous l’influence de Durkheim, Mauss et Lévi-Strauss, comme un phénomène de catégorisation ou de classification, il semblerait que peu d’analyses les abordent en tant que dimension complexe de l’organisation sociale. Leguy rend compte, quant à elle, d’un long désintérêt de la linguistique pour l’étude des noms de personnes et, plus largement, des noms propres en tant qu’objets d’analyse. Cette indifférence s’explique notamment par le fait que ces derniers ont longtemps été étudiés sous le seul angle, peu fructueux, de leur définition structurale ou syntaxique, en opposition avec les noms communs. L’analyse de la nomination ne sera véritablement l’objet d’attention qu’à partir du développement de la linguistique de l’énonciation. Cette nouvelle approche amènera au constat qu’il convient, pour comprendre le fonctionnement et les usages du nom de personne, de le replacer dans le contexte social, toujours variable, de son porteur. Chave-Dartoen, pour sa part, souligne les acquis partiels et inégaux des travaux sur la nomination dans les différentes disciplines s’intéressant aux mécanismes de la pensée. En évoquant les apports successifs de la psychologie et de la neurologie, elle éclaire la compréhension des théories, parfois contradictoires, sur les traitements cognitifs des noms personnels et l’importance du système de références partagées. Au-delà de l’étude des formes particulières de catégorisation, elle montre que l’analyse de la stabilité du lien dénominatif et celle de la densité de son sens ne peuvent s’affranchir de leur coexistence avec leur validation par le groupe social. Ce compte rendu, obligatoirement succinct, ne peut rendre justice de la richesse de ces contributions. Il est toutefois possible, à la première lecture, de regretter, dans cette partie qui se veut théorique, un manque de définition claire de ce que les auteurs entendent respectivement par « nomination ». Ces derniers précisent toutefois, dans l’introduction, qu’il est nécessaire de privilégier un sens souple et ouvert, afin de ne pas restreindre son approche, en la définissant, de manière large, comme la nomination des entités sociales mais aussi des toponymes, par des noms, propres ou communs. Plus encore qu’un exercice didactique, ces trois articles lus en miroir apparaîssent comme un véritable plaidoyer en faveur de l’interdisciplinarité. Loin de cloisonner les disciplines, ils mettent en lumière la nécessité de mutualisation des connaissances, dégageant l’impression que les lacunes de traitement des concepts dans chaque discipline pourraient être en partie comblées par les développements des autres.

4 Cette partie, qui aiguise l’intérêt des chercheurs, est judicieusement complétée, dans une seconde section, par huit études de cas, soigneusement documentées. Ces contributions offrent ainsi un fructueux parcours dans le champ, à peine exploré, des possibilités d’interrogation ou de reconfiguration des analyses de l’organisation des

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sociétés par leur relation au système de nomination. Comme les auteurs le signalent dans l’introduction, il est impossible de conceptualiser les modalités de ces interactions par une théorie unique. Rendre compte, de manière synthétique, de la richesse de ces analyses est un exercice difficile, tant la diversité des approches théoriques et des aires culturelles étudiées est grande. Toutefois, il est possible de les assembler en trois grandes directions d’études que je vais résumer ici.

5 Les études de cas s’ouvrent par deux contributions illustrant la fécondité du croisement des deux thématiques. Monnerie, en dévoilant les dynamiques complémentaires de conservation et d’innovation du système de nomination dans la société Arama de Mélanésie, offre un nouveau regard sur les principes de recrutement des groupes de parenté de cette société susceptible de remettre en cause la primauté jusqu’ici reconnue de la patrifiliation. Bretteville choisit de nous dévoiler la variation des principes d’agencement de la mention publique des noms lors des cérémonies rituelles des Paimboas de Nouvelle-Calédonie. La fluctuation des principes d’organisation hiérarchique en fonction du contexte est alors mieux comprise. Par cette analyse, il montre que la cohérence du groupe ou de l’entité supérieure englobante prévaut sur une configuration stricte de l’ordre d’organisation des groupes qui s’y réfèrent.

6 Traitant de sociétés géographiquement et culturellement éloignées, trois autres études de cas se concentrent sur ce qui provient d’un même angle d’analyse des points de contact entre systèmes de nomination et systèmes sociaux : celui de la concomitance de leurs évolutions et l’importance d’un nouveau rapport à l’altérité inhérent à l’ouverture au monde, volontaire ou imposée. Gueunier évoque les bouleversements du système de nomination malgache provoqués, en grande partie, par l’introduction missionnaire de la notion de « personne » et de l’usage des noms personnels. Tout en soulignant l’absence de transmission héréditaire et de principe d'immutabilité du nom, il met en lumière la création récente de vastes inventaires de noms et le nouvel usage du binôme personnel. Ce binôme se construit sous la configuration noms chrétiens/ prénoms malgaches, rappelant l’opposition systématique étranger/indigène, très présente aujourd’hui dans la société malgache. Lanouguère-Bruneau, quant à elle, explore les parallèles des processus de transformation sociale et ceux des pratiques de nomination dans les sociétés matrilinéaires des îles Banks du Vanuatu. Elle montre notamment comment les nouveaux principes imposés de partage des terres, la nouvelle distribution du rôle des parents ou encore l’amoindrissement de l’importance de l’ancrage temporel du système social, influencent le système de nomination qui, continuant à respecter le schéma traditionnel ternaire, tend à faire disparaître le nom de grade au profit du nom paternel. Le cas javanais de l’évolution du système de nomination, que présente Grave, nous donne à voir la même dynamique de transformation du rapport à l’altérité par des pratiques innovantes d’octroi des noms. Ici, ces transformations sont d’autant plus prégnantes pour la mise en relation des deux concepts que le processus nominatif javanais ne marque pas l’affiliation à un groupe de parenté mais des catégories sociales d’appartenance. Si la nomination a eu pendant longtemps pour fonction de rappeler constamment le statut d’un individu au sein de la société, l’auteur met en évidence l’amoindrissement des principes hiérarchiques stricts de la société javanaise par l’octroi, autrefois impossible, de noms valorisés étrangers, ou courants, mais n’appartenant pas à la catégorie sociale de l’individu.

7 Les directions que prennent les évolutions des systèmes sociaux et de nomination nous interrogent toutes sur la dimension performative du processus de nomination. Chave-

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Dartoen choisit justement de placer cette question au cœur de sa contribution sur les dynamiques de manipulation du système de nomination à Wallis, les considérant comme des outils d’action sur la société et les relations qui la composent. Une analyse de l’évolution récente de la valeur sémantique des noms montre que les dimensions sociales de ceux-ci supplantent leurs dimensions sémantiques, littérales et circonstancielles. C’est la succession de personnes dans un même nom, la praxis des porteurs successifs qui chargent les noms de signification, de sens et de valeurs, instituant, en quelque sorte, l’existence de « personnes collectives ». Ces ajustements du système de nomination démontrent l’importance de l’organisation des relations, aussi bien en synchronie qu’en diachronie. Clerc-Renaud et Laligant s’inscrivent également dans une démarche cognitiviste en analysant le système des « noms vécus » brésiliens par une lecture taxinomique appliquée, empruntée aux méthodes de classification vernaculaire des ethnosciences (folks taxinomies). Par une analyse des variations, en fonction du contexte d’énonciation, de l’ensemble nominal que constitue le « nom vécu », elles démontrent que la classification de ces noms répond aux mêmes principes formels et logiques relationnels que d’autres types de classifications. Ces noms ont ainsi pour principale fonction, non pas d’identifier la personne, mais de l’inscrire et de la situer dans un système plus vaste de références et de significations organisées en différents niveaux et partagées par le réseau d’interconnaissances. Seule l’absence d’arborescence la distingue, pour des raisons qui ne sont pas inhérentes à la nature de l’homme mais bien parce que ce sont des « principes éminemment sociaux qui les organisent ». Pour clore cet ouvrage, Leguy revient sur la complémentarité des dimensions synchroniques et diachroniques de la performativité des processus de nomination via une analyse des « noms messages » chez les Bwa au Mali. Après avoir procédé à une catégorisation de ces noms selon la portée du message et le type de performativité attendue, elle dévoile que les choix de ces noms, dont le sens n’est accessible que par la connaissance du contexte de la naissance de l’enfant, s’inscrivent souvent dans des stratégies discursives, polyphoniques, plus larges. Si ces stratégies visent souvent à rappeler indirectement les normes de la vie sociale, le principe d’alternance des personnes en charge de l’attribution des noms permet à chacun de s’exprimer, facilitant la conciliation et le maintien de la cohésion sociale. Ici, la performativité du nom va donc au-delà de sa seule dimension propiatoire, bénéficiaire pour l’enfant, puisqu’il permet aussi d’imposer, allusivement mais avec efficacité, une vision collective de ce que doivent être de bonnes relations sociales.

8 Cette rapide présentation souhaitait rendre compte de la diversité des études de cas, toutes méticuleuses dans leur démonstration, qui ont un intérêt certain, lues individuellement. Toutefois, cet ouvrage offre plus qu’un simple regroupement d’articles autour d’un même thème. Sa lecture intégrale, et le parti pris de diviser l’ouvrage en deux parties, l’une factuelle, l’autre démonstrative, offrent la preuve de la réussite et de l’intérêt du projet de comparaison initial, disciplinaire et géographique. Ce projet réussit ainsi son pari de nous dévoiler le riche éventail des possibilités d’analyse offert par la mise en relation de la nomination avec l’organisation sociale. L’absence d’un chapitre de conclusion générale résonne d’ailleurs comme une volonté de ne pas clore le sujet et doit être comprise comme une invitation à explorer plus avant le champ des possibles de ce type d’analyse. C’est à cet égard que cet ouvrage devrait retenir l’attention de nombreux chercheurs de différents horizons disciplinaires, quelles que soient leurs aires culturelles d’étude. Renseignés sur les

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acquis de chacune des spécialités et inspirés par les études de cas, ceux-ci trouveront ici, à coup sûr, de quoi nourrir leurs réflexions sur leurs propres données.

BIBLIOGRAPHIE

MENGET Patrick 1977 Au nom des autres : classification des relations sociales chez les Txicao du Haut-Xingu, Brésil, thèse de 3e cycle, EPHE, Paris.

1993 « Le propre du nom. Remarques sur l’onomastique Txicao », Journal de la Société des Américanistes, 79, pp. 21-31.

PRICE Richard et Sally PRICE 1972 « Saramaka onomastics: an Afro-American naming system », Ethnology, 11 (4), pp. 341-367.

TEIXEIRA GONCALVES Marco Antonio 1990 Nomes e cosmos: onomastica entre os mura-piraha, Museu Nacional, Rio de Janeiro.

AUTEURS

MARIE CHOSSON

Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), Paris

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