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J. Girel, F. Quetier, A. Bignon, S. Aubert pe Les cahiers illustrés du Lautaret

Histoire de l’agriculture en Oisans Haute et pays faranchin Villar d’Arène, Hautes-Alpes

2010 - n° 1 La Galerie de l’Al La Galerie Cette synthèse illustrée de l’histoire de l’agriculture en Oisans privilégie le pays faranchin, du nom des habitants de la commune de Villar d’Arène. S’appuyant sur les diverses sources bibliographiques disponibles, elle décrit les grandes étapes de l’occupation de ce territoire: défrichement, mise en place d’une agriculture combinant terres labourées en terrasses et prairies fauchées ou pâturées, évolution vers une extension des prairies permanentes et une diminution des terres labourées, etc. Les changements intervenus depuis le 20ème siècle sont présentés ainsi que plusieurs scénarios pour le futur de cette agriculture et du patrimoine paysager qui lui est associé. L’illustration a fait l’objet d’une attention particulière, avec une centaine d’images et de figures dont la majorité est inédite. Les fonds muséographiques du Musée dauphinois () et du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM, Marseille) ont notamment été utilisés.

Ce travail s’inscrit dans le cadre des recherches menées par le Laboratoire d’Ecologie alpine (Université de Grenoble et CNRS) à la Station alpine Joseph Fourier (col du Lautaret) sur l’évolution des paysages et de la végétation en fonction des changements de l’utilisation des terres et du climat. Histoire de l’agriculture en Oisans

Haute Romanche et pays faranchin Villar d’Arène, Hautes-Alpes

Histoire de l’agriculture en Oisans Haute Romanche et pays faranchin Villar d’Arène, Hautes-Alpes

Jacky GIREL*, Fabien QUETIER*, Alain BIGNON**, Serge AUBERT*♣

*Laboratoire d’Ecologie Alpine UMR 5553 CNRS UJF; **05480 Villar d’Arène; ♣Station alpine Joseph Fourier UMS 2925 CNRS Université Grenoble 1, Bât D, BP 53, 38041 Grenoble cedex 9, ; correspondance : [email protected]; [email protected]

enrichie de 108 illustrations dont 38 clichés inédits du fonds ethnographique Marcel Maget conservés au Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, 6 des fonds photographiques du Musée dauphinois de Grenoble (toutes ces images sont en noir et blanc), de nombreuses autres issues de cartes postales anciennes et de collections privées (en couleur sepia), des cartes et des graphiques

et 153 références bibliographiques Remerciements au Musée dauphinois et au Service historique de la Défense, à Anna Albert, Eloïse Antzamidakis, Zoé Blumenfeld, André Buisson, Madeleine Martin-Burle, Jacqueline Christophe, Antoine et Renée Clot, Eric Deboeuf, Jean-François Donzel, Odile Donzel, Jean-Claude Duclos, Christian Dumas, Antoine Faure, André Faure, Anne-Marie Faure, Julien Faure, Roseline Faure, Pénélope Lamarque, Raphaël Lançon, Sandra Lavorel, Vincent Maget, Maurice Mathonnet, Florence Mocci, Christophe Perrier, Madeleine et Maurice Rousset, Thibaud Syre. Un remerciement spécial est adressé au Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (ex Musée des Arts et Traditions Populaires), avec lequel une collaboration a été établie pour renseigner une collection unique d’environ 400 images prises à Villar d’Arène par l’ethnologue Marcel Maget dans les années 1950. La Communauté de Communes du Briançonnais est également remerciée pour le soutien financier apporté à l’édition de ce numéro 1 des cahiers illustrés du Lautaret.

Des remerciements particuliers concernent enfin les agriculteurs de Villar d’Arène et de La Grave qui participent depuis plusieurs années à un programme de recherche sur l’évolution de l’agriculture et des paysages faranchins. Sommaire

Vers une écologie historique des terroirs de haute montagne 3

Les premières étapes de l’occupation et de l’exploitation de l’espace 4 Les premières traces d’anthropisation Dans les Alpes 4 En Oisans et en Haute Romanche 7 La colonisation humaine et la déforestation jusqu’à l’optimum démographique du 19ème siècle 9 Dans les Alpes En Oisans, jusqu’à l’époque médiévale 12 En Oisans, jusqu’au 19ème siècle 15

Le 19ème siècle en Oisans 20

L’état des forêts L’agriculture 26 Une économie de subsistance Les relations prairies-cultures 42 Vers la prépondérance de l’élevage 45

Vers la situation actuelle: l’agriculture au 20ème siècle 58

Quelle agriculture pour demain ? 66 Scénario de « ranching » Scénario d’entretien du paysage et de la biodiversité 67 Scénario de spécialisation laitière 68 Scénario d’autonomie locale

Conclusions et perspectives 70 Références bibliographiques 72

1

Fig. 1 (page opposée) Terrasses de l’adret de Villar Vers une écologie historique des d’Arène le 8 juillet 2009. Ces terrasses, autrefois labourées et couvertes de céréales, sont aujourd’hui fauchées ou bien pâturées pour les plus petites et les terroirs de haute montagne plus inaccessibles. Au milieu de l’image, on devine la « nouvelle » route du Lautaret construite dans la première moitié du 19ème siècle. La route ancestrale Au cours de ces dernières décennies, les chercheurs en écologie et passait auparavant près du Pied du col, hameau les archéologues ont mis à mal deux concepts qui étaient fortement situé au centre de l’image. Au dessus de la route, le secteur « Guindaine », connu aujourd’hui pour ancrés dans les esprits. D’une part, les écologues ont remis en son centre d’astronomie, et dans la partie haute, les question et finalement rejeté l’idée de la stabilité de la nature : pâturages « Les Petits Plats ». Photo S. Aubert ils considèrent maintenant le développement des écosystèmes comme une interaction permanente entre processus écologiques et événements historiques, le plus souvent d’origine anthropique (liée à l’action humaine). Pour les archéologues et les historiens d’autre part, l’accumulation de preuves montrant que les sociétés humaines ont plus ou moins altéré ou même dégradé leur environnement depuis des millénaires a définitivement balayé le mythe des peuples indigènes vivant en harmonie avec la nature (Briggs et al., 2006). La coopération entre des recherches appliquées et plus fondamentales, entre les sciences biologiques et les sciences humaines, souhaitée à la fin des années 1980, est maintenant au cœur de nombreux programmes de recherche ; elle devrait permettre d’élargir nos connaissances sur le fonctionnement des paysages et sur les questions cruciales de la gestion de notre environnement. En 1961, Emilio Sereni publie Storia del paesaggio agrario italiano, synthèse de l’histoire de l’agriculture en Italie depuis l’antiquité jusqu’au 20ème siècle, où il décrit les tentatives d’adaptations de générations successives d’agriculteurs à leur environnement naturel et aux changements dus aux problèmes écologiques (Sereni, 1961). Cet auteur invente le concept de « paysage agraire historique » défini par une caractérisation interdisciplinaire du paysage qui implique l’histoire économique et sociale, l’archéologie, l’histoire de l’art et l’écologie. Néanmoins, le plus souvent, les milieux « naturels » n’ont été pris en compte par les historiens qu’à travers l’intérêt que les sociétés humaines leur portaient. C’est en particulier le cas en France où l’on étudie plus l’exploitation de la forêt, du marais ou de la prairie par l’homme (ressources nutritives, énergie, industrie) et l’histoire de leur gestion (règlements, usages, lois, etc.) que l’évolution du paysage lui-même. Du côté des écologues, ces dernières décennies sont Des erreurs peuvent subsister, marquées par de nombreuses études consacrées aux impacts d’origine notamment sur l’identifications des personnages. Merci de nous contacter anthropique sur la biodiversité à l’interface entre écologie et histoire. si vous disposez d’informations On reconnaît donc de plus en plus d’importance aux relations spatio- permettant de corriger ou compléter temporelles complexes et réciproques existant entre l’Homme et son ce travail.

3 environnement. Le succès de ce champ nouveau de recherche appelé écologie historique (Swetnam et al., 1999) par les sciences de la vie ou histoire environnementale par les sciences sociales s’explique aussi par le fait que l’écologie et l’histoire s’y rencontrent au travers des relations entre les hommes et des jugements de valeurs portés sur les paysages (Weber, 1983, Delort et Walter, 2001; Massard-Guilbaud, 2002; Girel, 2007). Les écologues doivent donc apprendre à utiliser l’histoire de l’environnement pour développer des pratiques de gestion de notre patrimoine biologique (voir par exemple Quétier et al. 2007). La présente synthèse rassemble de nombreuses données de la littérature relatives à l’histoire de l’utilisation des terres dans les Alpes1, notamment dans la région de l’Oisans. Elle vise à jeter les bases d’une écologie historique de la vallée de la Haute Romanche (fig. 2) et plus particulièrement pour la communauté de Villar d’Arène (fig. 1). Ce travail d’écologie historique s’inscrit dans le cadre des recherches menées par le Laboratoire d’Ecologie Alpine. L’adret de Villar d’Arène est devenu un site de référence nationale et internationale pour les recherches de l’équipe dirigée par Sandra Lavorel, directrice de recherche au CNRS. Cette équipe étudie l’histoire des paysages, des écosystèmes et des services qu’ils fournissent dans le cadre des changements de l’agriculture et du climat. Elle utilise les installations et les compétences de la Station alpine Joseph Fourier au col du Lautaret.

Les premières étapes de l’occupation et de l’exploitation de l’espace Les premières traces d’anthropisation

Dans les Alpes Dans le sud-est de la France, les premières traces d’activités liées à l’agriculture sont généralement datées de 4600 à 2000 av. JC (Bocquet, 1983). Les grandes vallées alpines ouvertes sur la Méditerranée et l’Adriatique montrent la colonisation la plus précoce : la plupart des vallées de la région du Pô étaient déjà explorées par les agriculteurs vers 3800-3000 av. JC et l’on peut penser que les conditions climatiques 1 Pour une synthèse exhaustive sur l’histoire de l’agriculture à l’échelle mondiale, on se des pentes les mieux exposées ont permis l’installation de populations reportera à Mazoyer et Roudart (1997) sédentaires assez denses vers 3000 av. JC (Caramiello et al. 1996 ;

4 Tinner et al., 1999). Les vallées des autres parties des Alpes auraient été colonisées un peu plus tard, vers 3500-2500 av. JC (Grünig, 1994). L’histoire des premiers bergers des Alpes a fait l’objet de synthèses regroupant les travaux des archéologues et archéozoologues. Il apparaît que les premières communautés de pasteurs ont recherché des espaces ouverts (sans forêts), qu’ils soient naturels ou créés par défrichement (Jospin et Favrie, 2008). Le début de la transhumance vers les pelouses naturelles de l’étage alpin, c’est-à-dire au dessus de la limite supérieure des forêts (>2100-2300 m), serait situé vers 2000 av. JC, aussi bien dans le Valais en Suisse que dans le Haut-Champsaur (au sud de l’Oisans, fig. 2) où des traces de brûlis répétés montrent une activité pastorale continue avec défrichement et entretien (Segard et al., 2003). Dans le Briançonnais (vallée de la Guisane, fig. 2), l’analyse des pollens et des restes végétaux trouvés au niveau du lac Saint Cristol (2250 m) et dans des tourbières situées sur les deux versants adret et ubac a mis en évidence une activité humaine depuis 3000 ans, qui s’est maintenue et a favorisé l’extension du mélèze aux dépens du sapin en ubac, tandis que sur les versants plus chauds de l’adret, les pinèdes et les pelouses devenaient dominantes (Fauquete et Talon, 1995; Muller et al., 2000). En , les analyses palynologiques (étude des pollens fossiles) Fig. 2. Carte schématique de l’Oisans. D’un point de vue géographique, ce territoire correspond et pédoanthracologiques (étude des charbons de bois retrouvés à la vallée de la Romanche et à ses affluents. Historiquement, l’Oisans (« mandement dans les sols) ont montré que les premiers incendies liés à l’activité d’Oysans ») a existé jusqu’à la Révolution. humaine ont des dates très différentes dans deux sites voisins de la Après la création des départements, la plupart des communes ont été intégrées à l’Isère, seules les vallée de l’Arc. A Saint-Michel de , une première période communes de La Grave et Villar d’Arène (canton de La Grave) ayant rejoint les Hautes-Alpes. Fonds de carte gracieusement fourni par C. Lagaye

MAURIENNE Col du Glandon

Allemont L'Eau d'Olle Grenoble GRANDES ROUSSES SAVOIE Livet et Gavet Huez Villar d'Arène Col du Lautaret RomancheTAILLEFERCol d'Ornon Romanche La Grave CERCES Le Bourg Mont-de-Lans d'Oisans Vénéon La (3987 m) BRIANÇONNAIS Guisane ISERE St-Christophe La Barre des Ecrins (4102 m) VALBONNAIS ECRINS Briançon

VALGAUDEMAR HAUTES-ALPES CHAMPSAUR T e m p s d’incendie est située vers 3000-3500 av. JC pour la tranche altitudinale modernes 1700-1800m, alors qu’une deuxième période d’incendies est située 1550 vers 1400-1900 av. JC pour la tranche altitudinale supérieure (1950- Renaissance 2350m). Une période de 2000 à 4000 ans serait ensuite marquée par 1450 Haut une augmentation continue des surfaces déforestées jusqu’à la mise Moyen pestes en place du paysage cultivé actuel (Carcaillet, 1997). A Aussois, en Âge revanche, entre 1700 et 2000 m d’altitude, les premières déforestations 1000 Bas seraient plus récentes (époque romaine : 0-500 ap. JC), alors que les Moyen zones les plus élevées étaient utilisées pour le pâturage depuis 2700 Âge av. JC (Carcaillet, 1998; Talon et al., 1998; Carcaillet et al., 1998). La

HISTOIRE 500 rétraction importante des sapinières à 1800 mètres d’altitude vers Antiquité 490 av. JC en Basse Maurienne serait due à une action anthropique gallo- responsable d’un abaissement artificiel de la limite des arbres de 2400 romaine J.-C. à 1800 mètres (David, 2001). -100 Dans les Alpes du sud (Ecrins, Haut Champsaur, Argentiérois), Age du les recherches paléoenvironnementales pluridisciplinaires sur la F e r dynamique des peuplements ont montré que, dans la tranche -700 altitudinale 1600-2360 m, on peut certifier une présence humaine Casse Rousse saisonnière en lien avec la chasse dès le Mésolithique (Walsh et

Age final al., 2005 ; Mocci et al., 2008). Ces travaux montrent par ailleurs la du -1200 présence de trois phases importantes d’occupation et d’activités Bronze pastorales: fin du Néolithique, âge du Bronze et période médiévale. moyen -1500 La multiplication des gisements qui caractérisent la fin du Néolithique

PROTOHISTOIRE puis surtout l’âge du Bronze suggèrent que les paysages étaient déjà ancien -1800 largement transformés par les activités humaines d’entretien continu (chalcolithique) des prairies et de pâturages vers 2500-2000 av. JC. Ces recherches Néolithique montrent également que, comparativement à la plupart des autres -4500 régions alpines étudiées, les sites des Alpes du sud ne révèlent Mésolithique pas de fluctuations globales de peuplement liées aux dégradations climatiques, en particulier durant le Bronze moyen où il ne semble - 8000 pas y avoir eu de descente importante des populations humaines vers Paléolithique PREHISTOIRE

Chronologie citée dans le texte

Fig. 3. Empreintes de cônes et d’aiguilles de pin à crochet fossilisées dans les tufs du col du Lautaret. L’étude des tufières (sources pétrifiantes) a révélé la présence de forêts mixtes de feuillus (saules, bouleaux) et de conifères (pin à crochet). Ces forêts étaient présentes au col du Lautaret entre 6000 et 8000 ans av. JC. Photo : S. Aubert Fig. 8. Le village de Villar d’Arène en septembre 1910 (photographie de Raoul Blanchard, © ème Institut de Géographie Alpine - cliché Musée En Oisans jusqu’au 19 dauphinois). La majorité des toits sont constitués de lauzes (une pratique qui s’est maintenue jusqu’au Après l’optimum démographique médiéval, les grandes épidémies début du 20ème siècle). Au second plan, La Grave et ses hameaux. La photo est prise du bord de la (notamment les pestes de 1347 et 1438) et la succession de plusieurs , au niveau de l’actuel snack « Le années pluvieuses et froides (par exemple 1315-1319 puis 1480-1482) vannoir ». Le linge sèche dans les champs où sont aujourd’hui installés les hôtels « Les Agneaux » entrainent un déclin de l’activité humaine et une déprise agricole. et « Le Faranchin ». La « guérite », petite construction située à l’angle de la route et de la rue La concurrence est rude entre les communautés notamment pour qui dessert le village, servait d’abri pour attendre le l’utilisation des pâturages. On cite par exemple la date de 1339 comme service automobile Bourg d’Oisans-Briançon celle du premier conflit violent entre habitants de Villar d’Arène et du Monêtier-les-Bains (commune située de l’autre côté du col du Lautaret, dans la vallée de la Guisane) pour les pâturages d’Arsine (Cortès, 1926; Rousset, 1977 ; Sentis, 1982 ; Maget 1989). Plus tard, en 1416, le conflit entre les communautés de Mizoën et de La Grave est réglé par une décision de justice qui fixe la limite des pâturages de chacun et prévoit des amendes pour les contrevenants. Enfin en

Fig. 9. Villar d’Arène (ici au début du 20ème siècle, photographie Martinotto Frères, © Musée dauphinois). Le versant adret (exposé au sud) a été presque complètement déforesté pour permettre l’agriculture en terrasses, alors que le versant ubac (exposé au nord) conserve des forêts de mélèze (quasiment disparues au 18ème siècle, elles sont issues du reboisement et de la recolonisation Adret Ubac naturelle). Cette essence a été favorisée car elle fournit du bois imputrescible et un sous-bois clair où peuvent pâturer les bovins. Au centre, la Romanche et au fond, le massif du Combeynot A B sens de labour

talus ("broue")

terrasse

Fig. 10. Schéma de la mise en place possible des terrasses. A, situation initiale, après déboisement (ici non complet). B, schématisation de la mise en place des terrasses : une partie des talus provient d’un transfert de terre (flèches) depuis la partie haute des terrasses (pointillés) vers la partie basse (partie grisée). A gauche, vue en perspective ; à droite, vue en coupe. Le sens du labour est indiqué (voir aussi figs. 44-45) Fig. 11. Terrasses après la fenaison laissant apparaître les talus ou « broues », aujourd’hui non fauchées (hameau des Terrasses, 2003, Photo S. Aubert)

1489, les habitants de La Grave et de Villar d’Arène sont déboutés au Fig. 12-15. Utilisation des animaux de bât (photos de la première moitié du 20ème siècle). profit du Dauphin de leurs prétentions sur la montagne de Riftord (plateau d’Emparis) qu’ils prétendaient pourtant posséder depuis 12, âne portant un bât, au Chazelet (carte postale ancienne L. Michel, coll. A. Bignon) plus de 100 ans (Roman, 1887). 13, mulet chargé d’un « bourras » (grande toile de Des documents écrits du 13ème siècle (Di Fant-Mogenier, 2009) et chanvre) de seigle (carte postale ancienne LL, ème coll. A Bignon) du 15 siècle (recensement prescrit par le gouverneur du Dauphiné 14, chevaux de la famille Bois chargés de « trousses » de foin (ou « bourras de cordes ») redescendant de l’Aiguillon (copie d’une image de la famille Bois reproduite dans les archives de Marcel Maget - MuCEM; voir aussi fig. 66) 15, âne transportant des panniers au niveau de l’oratoire du chazelet (carte postale ancienne La Cigogne, coll. A. Bignon). Voir aussi le transport du fumier dans les « banattes » (figs. 52 et 54)

12 13 en 1458, Rousset, 1977) montrent que La Grave et Villar d’Arène (i) produisent essentiellement de l’orge et du seigle, un peu d’avoine mais en quantité trop faible pour nourrir toute la population (émigration importante) et (ii) sont dépendantes du Briançonnais et de la Basse Romanche pour le bois de chauffage et de construction. Fig. 16. Utilisation d’un cheval de trait pour charrier du bois depuis l’ubac de Villar d’Arène La Renaissance (1450-1550) se caractérise notamment par le vers le village, après la traversée de la Romanche sur le « pont de la forêt » (M. Albert, en juin 1953) développement de l’assolement triennal, surtout en plaine. En (MuCEM, Marcel Maget) montagne, l’utilisation des céréales de printemps (orge, avoine) va assurer une meilleure productivité, dans un assolement où la jachère et les céréales d’automne occupent toujours une part importante. La population croît et de nouveaux défrichements sont autorisés. Malgré une période froide et arrosée commencée vers 1550/1600 et qui va durer environ trois siècles (Petit Âge Glaciaire), on fauche jusqu’à 2000 mètres d’altitude. Par conséquent, les animaux de trait et de bât13 (mulets, mules, plus rarement jument) sont nombreux (1,6 par famille au 18ème siècle selon Barthélémy, 2002 ; figs. 12 et 15)14. Malgré l’apparition du froment en Oisans en 1724 (Sentis, 1982), on n’arrive 13 Accessoire posé sur le dos des ânes ou pas à couvrir les besoins car les techniques stagnent et l’assolement des mulets et destiné à permettre le portage triennal, là où les conditions climatiques le permettent, a atteint à son de lourdes charges (fig. 12) 15 14 Les prairies humides de la plaine de tour les limites de ses possibilités . Bourg d’Oisans-Les Sables étaient utilisées Un paramètre supplémentaire, lié à la présence de la route du Lautaret, (au moins depuis le 16ème siècle) pour l’élevage des mulets ; en 1658, les pâturages ème concerne le passage « des gens de guerre ». Au début du 16 siècle, des Sables hébergeaient 560 bêtes (baudets, juments poulinières, jeunes mules et mulets) le Dauphiné devient une porte des Alpes pour pénétrer en Italie. appartenant à 117 propriétaires. Cet élevage Ainsi, les troupes du chevalier Bayard passent à La Grave en mars était très lucratif car les besoins locaux (paysans et militaires) étaient importants 1510, où elles sont logées et ravitaillées, moyennant rétribution. Plus (Allix, 1929b; François, 1998). Les mulets tard, le 1er septembre 1692, on met le feu aux sapins pour éclairer ont été utilisés comme agents de transport tant que la route du Lautaret ne fut pas la marche nocturne, de la Grave au Bourg d’Oisans, des troupes du entièrement carrossable. Le cheval a alors maréchal Catinat. Jusqu’à la période révolutionnaire, les communautés pris la suite vers 1860, le mulet restant utilisé comme animal de trait et de portage de l’Oisans ont dû subvenir aussi à tous les besoins des régiments agricole (Allix, 1929b) royaux de passage ou en cantonnement : nourriture pour les hommes, 15 Les deux ouvrages de Menon de Turbilly (1760, 1811) traitent de cette dernière expansion de l’ager à l’intérieur du saltus. Ils montrent que l’augmentation de la part des terres labourées aux dépens des prairies naturelles a eu comme principal impact un accroissement des phénomènes d’érosion et cela malgré la création de terrasses sur les pentes les plus abruptes

14 15 Fig. 22-23. Evolution des boisements sur les pentes du Combeynot (« envers du Lautaret ») entre 1925 (avec le Jardin alpin du Lautaret au premier plan; photographie Martinotto Frères, 24 ème © Musée dauphinois) et aujourd’hui (photo S. naturel . Ainsi, à partir du 19 siècle on dénonce régulièrement les Aubert en 2004). Anciennement, les « vernes » impacts négatifs que les chèvres ont sur les terrains cadastrés et les bois (saules et aulnes verts) étaient coupés pour fournir du bois et permettre le pâturage. Depuis la moitié communaux « Celles-ci [les chèvres] occasionnent un ravage affreux dans les du 20ème cette pratique a été abandonnée à cause des difficultés d’accès et de la mise en réserve au sein du campagnes qui bientôt ressembleront [à] un désert, si une bonne loi forestière ne Parc National des Ecrins. Des mélèzes ont aussi été replantés (les premiers l’ont été par le père de M. Maurice Mathonnet). Noter aussi le fort recul des glaciers

22

23 V H

G Labours Prés de fauche Pâturages Non renseigné

col du Lautaret

1810

Fig. 26. Interprétation du cadastre napoléonien de 1810 (d’après Mallen, 2002; SCAN 25 ® - © IGN / PFAR CRIGE 2000; réalisation : P. les prairies artificielles à base de légumineuses, le drainage ou les Lamarque). irrigations fertilisantes. Par contre, en montagne, comme à Villar L’assolement triennal domine. La majorité des d’Arène, la jachère (dénommée « terre de garaille ») persiste car terrasses sont cultivées en céréales et soumises à la vaine pâture. le climat impose une année sans culture dans les communes des Hautes-Alpes les plus élevées. En effet, les céréales comme le blé d’hiver cessent aux altitudes où elles ne peuvent pas mûrir en un an. Et pour ce qui est du seigle, il faut souvent 13 mois pour qu’il puisse accomplir son cycle de végétation dans le Haut Oisans (Rey, 1804; Allix, 1929a; Mathonnet 2010). Compte tenu de la durée des travaux de préparation du sol (déchaumage, fertilisation, labourage) qui prennent plus d’un mois, on est forcé de laisser le sol au repos pendant une saison. Ces contraintes climatiques imposent donc ce que les géographes appellent une « jachère d’altitude » (ou « jachère climatique ») dans les zones altitudinales où le seigle doit rester plus de 11 mois dans la parcelle, depuis les semailles jusqu’à la moisson (Onde, 1937 in Meilleur, 2008 ; Monheim, 1954). Il en résulte un 25 La statistique quinquennale de 1852 (In assolement biennal ou au mieux triennal. François, 2002) signale pour la commune de Mont de Lans, (une autre commune de L’assolement biennal, représenté par l’alternance seigle-jachère est l’Oisans située à une altitude comparable à celle de Villar d’Arène) un partage à parts 25 cité dans les rapports des préfets, dans l’enquête de 1852 ainsi que égales entre l’assolement triennal (185 ha) des cultures situées autour du village et dans les publications sur les concours régionaux d’agriculture. Il est l’assolement biennal (186 ha) des terrains représenté en haute altitude, de 1700 à plus de 2000 m. cultivés situés au-dessus de 1600/1700m d’altitude. L’auteur note par contre que seul L’assolement triennal est représenté jusqu’à 1700 m. Dans ce système, l’assolement triennal est alors en usage à Bourg d’Oisans, ce qui est compréhensible les surfaces arables sont formées de trois soles (types de cultures) de compte tenu de l’altitude (750-900 m) de surfaces équivalentes et la rotation fait passer les productions d’une cette commune

27 l’observation des servitudes (vaine pâture) et l’exécution des travaux (labour, semailles, moissons). En effet, une parcelle de seigle isolée au milieu de parcelles en jachère aurait été piétinée pendant la période de vaine pâture. Cette disposition facilite aussi les travaux dans les parcelles qui ne sont pas desservies par des sentiers, lesquels auraient soustrait des surfaces cultivables. Enfin, chacun pouvait semer et récolter jusqu’aux limites de sa propriété sans risque de mélange de production. Les productions agricoles Marcel MAGET (1909-1994; photo Les statistiques agricoles publiées à partir de la période révolutionnaire coll. Vincent Maget) fait partie des fondateurs du Musée national des arts puis au cours des Premier et Second Empires pour les communes et traditions populaires (MNATP) où il mena plusieurs campagnes de la Haute Romanche et du Briançonnais situées au-dessus de centrées sur l’ethnographie des 1300 m donnent des indications précises sur les productions et les sociétés paysannes, notamment en 27 Provence (1938), en Sologne (1942- types d’assolement . Ces informations permettent de compléter le 43). A l’origine d’une ethnographie cadastre napoléonien de 1810 (fig. 26), document cartographique moderne basée sur une méthodologie rigoureuse (Chamboredon, 1989; dont les données sont présentées de manière synthétique dans Weber, 2009), Marcel Maget a créé et le tableau I (Maget, 1989 ; Mallen, 2002). La figure 27 donne les dirigé le Laboratoire d’ethnographie française (1948-1962) et il a été titulaire résultats des recensements des grains effectués en novembre 1793 à de la première chaire d’ethnographie métropolitaine à l’Ecole du Louvre. Villar d’Arène. Parmi ses élèves figure l’ethnologue Marcel Boulin, à l’origine de la Les champs de céréales peuvent atteindre 2000 mètres d’altitude, au renaissance du Musée dauphinois à niveau des terrasses les plus élevées (fig. 24), ce qui est aussi le cas Grenoble qu’il dirigea entre 1966 et 1969. dans la région du Queyras. Ladoucette (1848) considère qu’il y a une Maget visite Villar d’Arène à partir de différence de 5 jours par tranche altitudinale de 100 mètres entre les 1946 et jusque dans les années 1970. Il s’y intéresse à la tradition du pain zones les plus basses des Hautes-Alpes et les zones les plus hautes bouilli. Au-delà de son observation en ce qui concerne les semailles et la maturité du seigle, et « quand on méticuleuse, Maget décrypte le système de vie associé à cette pratique (Maget moissonne à 600m (fin juin) le seigle sort juste de la neige sur les hauteurs de 1989). La présente publication est l’occasion de faire connaître une partie Villar d’Arène ». des images prises à Villar d’Arène par Le seigle n’était pas utilisé pour le bétail (à part comme laxatif pour cet éminent ethnologue et conservées au Musée des Civilisations de l’Europe les chevaux). Il occupait une place centrale dans l’alimentation des et de la Méditerranée (ex MNATP). habitants de la Haute Romanche puisqu’il permettait de fabriquer le pain. Dans les villages, le pain n’était cuit qu’une fois ou deux par an. A Villar d’Arène, la fabrication annuelle avait lieu en novembre. Tout le monde se rassemblait alors autour du four banal, ce qui donnait lieu à une véritable fête. Cette tradition se perpétue et le pain y possède une particularité: il est pétri uniquement avec de la farine de seigle et de l’eau chaude, sans ferment. C’est le « Pô buli », ou pain bouilli (Figs. ; pour une étude ethnographique de référence, voir 27 Farnaud, 1799 ; Bonnaire, 1800 ; Anonyme, 1803 ; Rey, 1804 ; Ladoucette, Maget 1989; 1953). 1820 ; Faure, 1823 ; Chaix, 1845; Rendu, 1872 ; Halna du Frétay, 1873 ; Guillaume, 1887; 1914

29 Figs. 28-33. Les moissons à Villar d’Arène, en septembre 1953 (MuCEM, Marcel Maget). Ces images illustrent une pratique identique à celle qui se faisait au 19ème à l’exception de l’utilisation de la faucheuse à traction animale développée au milieu du 19ème siècle et arrivée à Villar d’Arène durant le première moitié du 20ème siècle. A noter que les moissonneuses-lieuses sont apparues en Bas-Dauphiné vers 1900 (Talon, 2001) mais elles n’ont pas atteint la Haute Romanche.

28, moisson chez la famille Clot en septembre 1953, avec une faucheuse à traction animale 28 (au premier plan, avec une personne qui mène le cheval et une assise sur la faucheuse) et à la faux (au fond). Les photos 29 et 32 sont des détails de cette scène 29 et 32, utilisation de la faux (ici par Jean- Marie Clot père) et de la faucille (ici par son fils Jean-Marie), dans les parties difficiles d’accès ou au niveau des zones où les céréales sont couchées et donc impossibles à faucher mécaniquement. Mme Henriette Clot attache les gerbes 30-31, moisson réalisée à l’entrée du village de Villar d’Arène, avec la faucheuse à traction animale 33, moisson chez les familles Faure et Clot, en septembre 1953. La personne assise sur la faucheuse (Edouard Clot) utilise un rateau pour redresser les céréales couchées et faciliter ainsi leur coupe par la lame mécanique. Le cheval est mené par Pierre Faure, à une cadence qui doit être bien 29 ajustée pour permettre une efficacité maximale de la lame. Trois personnes s’occupent de lier les gerbes: de bas en haut, Félicie Clot, sa soeur Raymonde Clot (femme de Pierre Faure) et leur père Joseph Clot. Au fond, la route du Lautaret et la maison « à Paulo » depuis emportée par une avalanche

30

31 Type de terres Superficie (ha) % terres labourables 177 6,1 jardins 1 0,03 prés (fauchés) 332 11,4 vergers et plantations 0 0,0 bois 9 0,3 pâtures (non fauchés) 788 26,9 bois de mélèze (avec rochers) 29 1,0 imposable friches , terres vaines, rocailles 1579 54,0 sol bâti 9 0,3 total imposable 2924 routes, rues, places 27 0,5 rivières, lacs 100 1,9

autres 5232 97,6 total non imposable 5359 non imposable Superficie totale du territoire 8283

Tableau II : Organisation du territoire de Villar d’Arène en 1828 (d’après Maget, 1989)

L’orge servait essentiellement à la fabrication de farine pour les animaux. Elle était aussi mangée dans une « soupe de pitagne » qui contenait cette « orge perlée », des pommes de terre et des haricots « saille » (gros haricots en grains noirs et blancs). Quant au blé (froment), il était utilisé pour la cuisine (pâtisseries) et pour la fabrication du pain dit de « ménage » ou « pain d’étape » (historiquement il était fabriqué pour l’étape des armées, voir plus haut). L’avoine était utilisée pour nourrir les poules et les chevaux. Un usage local consistait aussi à faire des cataplasmes que l’on posait sur le dos des chevaux pour les réchauffer (Mathonnet, comm. pers.). La pomme de terre est introduite en Oisans après 1750 et son expansion s’est faite après sélection d’une variété hâtive mûrissant en 100 jours, permettant le développement d’un important commerce à partir des 28 une première mention des « truffes » années 185028. A Villar d’Arène, on la plantait généralement entre le apparaît dans les archives de Bourg d’Oisans en 1758 (François, 1998). Dans la 10 et le 30 mai (en échelonnant les champs en altitude pour assurer deuxième moitié du 19ème siècle, on produit une production suffisante en cas de gel tardif) et on la récoltait à la fin 15 000 tonnes par an en Oisans, dont 3 000 sont vendues (Allix, 1929b). octobre (Mathonnet, 2010). En montagne, la pomme de terre peut

29 En Haute-Maurienne elle est cultivée prendre place dans un assolement biennal nouveau alternant seigle et d’abord sur des champs non assolés, à pomme de terre ou bien blé d’hiver et pomme de terre (Demangeon, proximité des villages, puis, au début du 29 20ème siècle, elle s’étend sur l’espace soumis 1930) . Dans la Haute Romanche elle comble le plus souvent la place à l’assolement biennal après le déclin du laissée vacante par l’abandon du chanvre. Comme cette culture qu’elle système cultural traditionnel (Meilleur, 2008; Goldstern 1922) remplace, elle a besoin d’une bonne fumure de fond, ce qui explique

34 cl.

Figs. 42-45. Le labour des terrasses. Ces images cl. de Maecel Maget (MuCEM) datent de 1953 mais cl. elles illustrent une pratique identique à celle qui se faisait au 19ème siècle, où la charrue à versoirs avait commencé à remplacer l’araire (certaines araires étaient encore en fonction en 1950, voir fig. 100). S S 42, labour des terrasses après la moisson du seigle, (S) encore sur pied sur d’autres parcelles dont on notera la petite taille. Noter aussi les « clapiers » (cl), tas de pierres issus de l’épierrage. Le laboureur est Félix Albert 43, sur cette image, on notera qu’une femme conduit le cheval de trait qui tire la charrue grâce à deux chaines 44-45, labour par Jean-Marie Clot et son cheval « Poulet ». Le labour se fait perpendiculairement cl. à la pente, en commençant dans la partie basse de la terrasse et en « versant » la terre vers le bas (voir aussi Allix, 1929b). En bout de parcelle, il faut porter la charrue pour effectuer le changement de sens et utiliser l’autre versoir. Noter à droite la roue surmontée d’une tige percée de plusieurs trous qui permettent d’ajuster la profondeur du labour.

On comprend que cette pratique conduit à faire descendre une partie de la terre qui doit être remontée périodiquement (voir fig. 47)

42

43 Fig. 46. Utilisation du seigle pour la fabrication des toits d’ardoise sur paille, où celle-ci augmente l’isolation et empêche l’entrée de la neige entre les lauzes (MuCEM, Marcel Maget)

aussi sa présence sur les meilleures terrasses à proximité des villages (voir figs. 76-79), sur des champs séparés, c’est-à-dire non-inclus dans une sole relevant du cycle d’assolement traditionnel. Dans les hameaux les plus élevés du canton de la Grave (Les Terrasses, Hières, Ventelon, le Chazelet), on note ainsi une séparation altitudinale très nette entre les zones occupées par les céréales (soles en blé d’hiver ou en seigle en altitude) et celles occupées par la pomme de terre près des villages (Allix, 1928 ; Monheim, 1954).

Le calendrier agricole Les labours de printemps se font dès la fonte des neiges pour permettre les semailles de l’orge et de l’avoine (au plus tôt à la Saint Georges, le 23 avril, et au plus tard en juin) tandis que la pomme de terre est plantée en mai quand le sol est bien réchauffé (Mathonnet, 2010). La fenaison débute à la mi-juillet sur les parcelles proches du village et peut s’achever fin septembre sur les parcelles les plus élevées et pour les parcelles donnant lieu à une seconde coupe (regain). La moisson du seigle, qui a lieu à partir de la fin août jusqu’au 20 septembre, vient donc interrompre les fenaisons. Après la coupe, les gerbes sont

Fig. 47. « Porter broue » ou « Lever terme » consistait à remonter la terre qui glisse vers le bas des terrasses inclinées. Cette tâche était effectuée dès la fonte de la neige, avant le labour avec un traineau particulier appelé « caisse à porter broue », ici au Chazelet en 1984 (photo M. Heller et G. Roucaute, DR, in Mallé 1999) bo bl

49

fu

50 53

51

52 54 Fig. 57. Prairies de fauche entre 2000 et 2400 m d’altitude dans le secteur Lautaret-Galibier (commune de Monêtier-les-Bains), à la fin du 19ème « versant » la terre vers le bas, voir figs. 10 et 42-45) et d’autre part siècle (carte postale ancienne, ed. Nordein, coll. A. Bignon). On note les bandes plus claires des à cause du ravinement par les pluies et par l’alternance gel/dégel. prairies récemment fauchées; la fauche était réalisée Il fallait donc régulièrement remonter cette terre. Ainsi Ladoucette à la faux. En altitude, le faucheur commençait par le bas du champ, le remontait et reprenait une (1848) fait référence à « une multitude de petites parcelles cultivées, qu’on coupe en descendant. Chaque parcelle était fauchée laboure à l’araire, sur lesquelles on remonte la terre avec des hottes ». Vers 1925 de manière identique chaque année, avec les mêmes points de départ et d’arrivée (Mathonnet, 2010). la restauration des champs entraînait encore une dépense considérable On notera l’absence de la « nouvelle » (actuelle) de main d’œuvre ; on remontait la terre à l’aide de traîneaux (fig. 47) route du Galibier qui a été construite dans les années 1920-30 tirés par le mulet ou le plus souvent dans des corbeilles portées sur l’épaule (Allix, 1929a). Cette opération étant moins fatigante lorsque la terre était sèche, elle était généralement effectuée en mai après la fonte de la neige et l’assèchement des sols (Mathonnet, 2010). L’épierrage est une autre activité harassante qui devait être renouvelée chaque année sur les parcelles situées à la limite des alpages. Ces parcelles étaient soumises à un ravinement intense lié aux pluies et à la fonte des neiges (Mathonnet, 2010). Les « clapiers » (tas de pierres issus de l’épierrage) qui séparent les terrasses sont aujourd’hui les témoins de ce travail réalisé pendant des siècles (figs. 42 et 81). 32 Les cultivateurs profitent de la période hivernale pour transporter le fumier sur les parcelles les plus accessibles au moyen Les relations prairies-cultures de traîneaux ; sur les secteurs les plus accidentés, tout se fait à dos de mulet Le système triennal à jachère repose aussi, en ce qui concerne la (Rendu, 1872; fig. 28a). Cette pratique du stockage en tas au cours de la période productivité des zones arables, sur l’utilisation d’un grand volume hivernale sur la parcelle à fertiliser au de fumier. On fume les prairies et les cultures en terrasse situées à printemps entraîne une perte d’azote par ruissellement sur le sol gelé (Guicherd et al., proximité des villages, avec des apports annuels évalués à 50 charges 1933) et certains creusaient un trou dans la (250 kg) de fumier par champ (Sentis, 1982), ce qui correspond neige pour protéger le fumier du vent et du 32 ruissellement (Mathonnet, 2010) environ à 2,5 t/ha pour une culture de seigle après jachère (fig.

42 Fig. 62. Garde d’un troupeau mixte (chèvres au premier plan et vaches au second plan) sur les « Petits Plats » en juillet 1955 (MuCEM, Marcel Maget)).Chaque soir, le berger redescend le troupeau et chaque agriculteur va récupérer ses vaches pour en assurer la traite

Les parcelles labourables transformées pour plusieurs années en prairies artificielles (luzerne et mélange trèfle-sainfoin le plus souvent)39 se retrouvent enclavées dans la zone cultivée et subissent des dommages de la part des troupeaux, notamment à l’automne après l’enlèvement de la récolte de seigle et évidemment quand elles se trouvent incluses dans un groupe de parcelles en jachère (vaine pâture). La disparition progressive de l’assolement triennal et donc de la jachère a débuté en plaine au milieu du 18ème siècle sous l’influence des agronomes qui prônaient le développement de la prairie artificielle à forte productivité. Les résultats obtenus par les nouvelles techniques sont probants et séduisent les agriculteurs les plus aisés,

39 Pour les communes d’altitude élevée on recommandait, dès la fin du 18ème siècle, l’usage des espèces poussant naturellement en altitude désignées sous les noms de sainfoin obscutum et trèfles montanum, alpinum, rubens et alpestre, à la place « du sainfoin et de la luzerne ordinaires » (Rey, 1804)

Fig. 63. Les fromages « l’alpin » de la laiterie briançonnaise à la fin du 19ème siècle. On notera que le marketing de l’époque exploitait l’image du col du Lautaret et de ses pâturages. Le dessin est tiré d’une photo qui montre l’hospice du Lautaret (à gauche) et le refuge Napoléon (au centre) récemment construit (depuis 1862). La laiterie briançonnaise produisait du « beurre des Alpes » (médaille d’or à l’exposition universelle de Paris en 1889) et des fromages au lait de vache: l’alpin, le val fleuri, le Queyras, le Pelvoux (Archives du Jardin botanique alpin du Lautaret) 68 71

69 72

73

70 74

Labours Prés de fauche Pâturages Non renseigné

col du Lautaret

1971

Fig. 81. Utilisation des terres sur l’adret de Villar d’Arène en 1971, d’après une photo aérienne (© IGN, cliché daté du mois de juillet, avec les foins non terminés).Photo-interprétation par J. Girel; Occupation du sol (surfaces 1828 1929 1950 cartographie par A. Garcia Bautista; fonds de exprimées en ha) (avec rendements) carte SCAN 25 ®; © IGN / PFAR CRIGE froment (blé d’hiver) 8 (1,4 t/ha) 2,5 2000; réalisation : P. Lamarque. Les labours ont subi un recul important par seigle 10 (1 t/ha) 2,8 rapport à l’année 1952 (fig. 80) orge de printemps 11 (1,4 t/ha) 5 terres 177 85 labourables avoine 10 (0,6 t/ha) 2,7 pomme de terre 10 (1 t/ha) ? autres 26 ? prés 332 390 ? bois 9 79 ? pâturages 788 842 ? friches 1578 1554 ?

Tableau III : Evolution de l’occupation du sol à Villar d’Arène entre 1828, 1929 et 1950 (modifié d’après Maget, 1989). A noter 1 ha de sainfoin et 1 ha de luzerne parmi les 26 ha notés « autres » en 1929. Ces surfaces semblent trop faibles pour être des prairies artificielles et elles correspondent plus probablement la production de graines. Rappelons que les Hautes-Alpes étaient d’importants fournisseurs de semences pour prairies qui étaient expédiées dans toute l’Europe (Briot, 1896 ; Guicherd et al., 1933). Ce type de culture a pu exister à Villar d’Arène, sur les dépôts alluviaux filtrants de la Romanche.

42 Créée en 1887-88, elle fabrique des fromages connus sous les noms l’Alpin (fig. 35), le Val des Prés, le Bleu de l’Oisans

57 Labours Prés de fauche Pâturages Bâti Non renseigné

col du Lautaret

2001

Fig. 83. Utilisation des terres sur l’adret de Villar d’Arène en 2001, d’après une photo aérienne (© IGN). Photo-interprétation par J. Girel; La fauche va alors concerner non seulement les prairies de fauche cartographie par A. Garcia Bautista; fonds de carte SCAN 25 ®; © IGN / PFAR CRIGE en haute altitude (avec un abandon progressif des zones les moins 2000; réalisation : P. Lamarque accessibles) mais aussi un nombre croissant de terrasses, au fur et à L’utilisation de l’espace agricole est organisée via mesure de l’abandon du labour44. La fenaison s’étalera alors dans le une structure collective , l’Association Foncière Pastorale, AFP) qui catégorise les prairies en temps, en fonction de la montée en altitude (en juillet près des villages prés de fauche, en pâturages d’intersaison (d’usage et à partir du 15 août vers 2000 m). Une autre tendance concerne privé) et en alpages ovins (troupeau gardé) et bovin (troupeau non gardé) ensuite l’abandon progressif de la fauche des terrasses les plus difficilement accessibles et les plus petites, avec leur transformation en pâturages. Dans les années 1925-30, certains agriculteurs de La Grave et de Villar d’Arène vendent du foin qui est expédié vers le sud à partir de Briançon (Allix, 1929b). La mécanisation va aussi jouer un rôle important, avec l’apparition de la motofaucheuse (en 1950) qui remplace la faux, puis celle des tracteurs à partir des années 1960-70. Le tableau III et les cartes des figures 80 et 81 illustrent cette évolution de l’occupation des sols et des productions sur les zones labourées. En Oisans, la pomme de terre reste largement cultivée, en particulier 44 Les talus (« broues ») étaient fauchés, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui (fig. 11) à La Grave et à Villar d’Arène (environ 10 ha en 1929, tableau III). Vers 1925, une partie importante de la récolte (20%) est vendue à Fig. 84. Troupeau de moutons transhumants à prix élevé comme semence dans le Dauphiné, notamment dans les Villar d’Arène le 26 juin 1948 (coll. S. Aubert) régions de Bourg d’Oisans et de Grenoble (Demangeon, 1930). Ces semences ont également suscité l’intérêt des chercheurs agronomes parisiens Costantin et Lebard car elles étaient indemnes de maladies. Dans les années 1930, ils ont effectué des travaux de transplantations

59 Figs. 85-90. Images de l’agriculture d’aujourd’hui à Villar d’Arène. Les champs de céréales ont disparu et les tractreurs ont fait leur apparition.

85, foin est mis en andains avant la réalisation des bottes (secteur de l’Aiguillon, le 1er août 2003). Photo S. Lavorel 86, mise en endain manuelle et bottelage du foin (secteur de « Primemesse » le 4 août 2009). Photo E. Deboeuf 87, troupeau de moutons transhumants (venant de La Crau) gardé dans le secteur du col du Lautaret (le 5 juillet 2004). Photo S. Aubert 88, les motofaucheuses restent néanmoins utilisées dans les zones difficiles d’accès ou trop pentues (ici dans le secteur de « Primemesse » le 4 août 88 2009). Photo E. Deboeuf 89, les terrasses les plus proches des villages ont été entièrement reconverties en prés de fauche, ici le 12 juillet 2000 (premier plan, commune de Villar d’Arène; second plan, La Grave et Ventelon). Photo S. Aubert 90, les balles rondes ont fait leur apparition dans les zones peu pentues (12 août 2003). Photo S. Aubert

89

90 et environnementales, et par le renforcement des mesures et des crédits alloués au développement rural. Par ailleurs, la demande des consommateurs en produits régionaux de qualité augmente (cf scénario précédent). En imaginant une accentuation de ces tendances, on peut penser qu’au sein d’une société plus attachée à son identité régionale, le métier d’agriculteur, gardien de l’espace et des traditions et symbole de l’autonomie, serait revalorisé. Dans un tel contexte, les objectifs environnementaux seraient définis au niveau local, par la population résidente. Ceci conduit à émettre l’hypothèse que le cadre de vie et le paysage feraient l’objet d’une attention particulière. Les attentes environnementales concerneraient donc principalement la gestion de l’espace, l’entretien du paysage et du patrimoine (fauche, entretien des terrasses, remise en état des « clapiers », etc.). Ces objectifs nécessiteraient le maintien d’une quantité importante de main d’œuvre, dont l’emploi pourrait être subventionné. Les choix techniques des agriculteurs feraient l’objet de consultation avec la population locale via les organismes financeurs et dans un contexte de circuits de commercialisation raccourcis. Selon ce scénario, quelques agriculteurs pourraient chercher à développer des productions innovantes telles que du fromage de brebis, de manière à répondre à une demande locale. La fauche serait maintenue à Villar d’Arène mais serait associée à des pratiques de fertilisation plus soutenues (fertilisation organique) afin d’assurer la durabilité du système.

Fig. 95. Le col du Lautaret, le 15 septembre 2007: une des dernières années de fauche à 2000 m d’altitude? Ce paysage sera-t-il envahi par la forêt, soumis à un pâturage extensif? Photo S. Aubert • des études historiques relatives à l’histoire de l’utilisation des terres (la présente synthèse présentée en est un aspect); • des mesures sur le terrain, en comparant les écosystèmes sur des parcelles qui ont des trajectoires différentes: labour abandonné depuis plus ou moins longtemps, fertilisation ou non, fauche ou pâturage, etc. (fig. 96); • des expérimentations sur des parcelles instrumentées dont les conditions sont artificiellement modifiées: fauche, fertilisation, réchauffement de plusieurs degrés, interception des précipitations (fig. 97); • des expérimentations en conditions semi-contrôlées (en pots) avec des communautés végétales et animales (insectes) reconstituées (fig. 98); • des études en laboratoire, au Chalet-laboratoire du Lautaret où une partie des analyses peuvent être effectuées (fig. 99). Des échantillons sont également conditionnés pour une analyse ultérieure à Grenoble ou au sein d’autres laboratoires partenaires en France et à l’étranger; • des modélisations intégrant les données issues des travaux cités ci-dessus et les modèles d’évolution du climat; • des travaux sur la quantification des services écologiques fournis par les écosystèmes de montagne, en couplant des études écologiques avec des approches d’agronomie et de sociologie des perceptions.

Des études similaires sont conduites dans un réseau de sites en France, dans l’arc alpin et en Europe, avec l’objectif de mener à une vision globale de la dynamique des écosystèmes herbacés et de leurs fonctionnalités dans un monde changeant.

98 99 Références bibliographiques

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75 La Station alpine Joseph Fourier est une Unité Mixte de Services (UMS 2925) de l’université Grenoble 1 et du CNRS. Sous l’égide d’un conseil scientifique, elle regroupe un ensemble unique en Europe comprenant : - au col du Lautaret : le Jardin botanique alpin, le Chalet-laboratoire ainsi que la Galerie de l’Alpe, futur bâtiment destiné à développer l’interface entre science et public; - sur le campus de Grenoble : l’Arboretum paysager Robert Ruffier- Lanche et des serres techniques en cours de construction.

http//sajf.ujf-grenoble.fr

Le comité de relecture des cahiers illustrés du Lautaret est composé de membres du conseil scientifique de la Station alpine Joseph Fourier. Pour ce n°1, sont remerciés tout particulièrement Philippe Choler (Université Joseph Fourier/Laboratoire d’Ecologie Alpine), Hervé Cortot (Parc national des Ecrins) et Philippe Danton (botaniste correspondant du Muséum national d’Histoire naturelle).

La conception graphique et la mise en page des cahiers illustrés du Lautaret ont été réalisées par Philippe Danton et Serge Aubert

79 Les cahiers illustrés du Lautaret sont une publication du Jardin botanique alpin du Lautaret qui met à disposition du public des travaux originaux en lien avec les activités de la Station alpine Joseph Fourier. Les auteurs

Jacky Girel Ingénieur de recherche du CNRS au Laboratoire d’Ecologie Alpine, Jacky Girel développe depuis plusieurs années une approche d’écologie historique visant à comprendre la genèse des paysages alpins en intégrant des données issues de l’ingénierie hydraulique et agronomique, de l’histoire et de l’écologie. Pour la rédaction de cette synthèse, il a recherché et consulté une grande variété de sources bibliographiques et jeté les bases d’une écologie historique des zones de haute montagne

Fabien Quétier Ingénieur agronome de formation, Fabien Quétier a ensuite réalisé une thèse au Laboratoire d’Ecologie Alpine portant sur les prairies de Villar d’Arène et leur vulnérabilité aux changements d’utilisation des terres. Il est actuellement employé par le Caisse des Dépôts et Consignations pour mettre en place un projet de développement durable dans la région grenobloise. Dans le cadre de ces cahiers illustrés du Lautaret, il s’est particulièrement chargé de l’état actuel et des scénarios d’évolution de l’agriculture faranchine

Alain Bignon Alain Bignon s’est installé il y a trente ans à Villar d’Arène où, avec des amis, il créé le gite associatif La Brèche. Depuis cette époque, il se passionne pour l’histoire de l’Oisans et de Villar d’Arène en particulier, constituant une impressionnante collection de cartes postales et de documents anciens qu’il continue à alimenter. Depuis plusieurs années il travaille avec Serge Aubert sur l’histoire centenaire du Jardin botanique alpin du Lautaret. Cet article a bénéficié de sa collection et de ses contacts avec les faranchins

Serge Aubert Enseignant-chercheur à l’université de Grenoble, Serge Aubert est directeur de la Station alpine Joseph Fourier, la structure qui comprend le Jardin alpin et le Chalet-laboratoire du Lautaret. Depuis plusieurs années il s’intéresse à l’histoire de la Haute Romanche et du Jardin alpin. Il s’est notamment chargé de la recherche iconographique ainsi que de la coordination de ce travail qui marque une étape importante dans la dynamique des activités et des projets de la Station alpine Joseph Fourier La Galerie de l’Alpe

Prix : 14 € ISBN 978-2-9535562-0-9