www.kashkazi.com

600 fc / 3,50 euros kashkazi numéro 60 - février 2007 les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus

notre dossier Depuis des décennies, le Nyumakele est le symbole de la pauvreté aux Comores. Le plateau nyumakele anjouanais, au coeur de la problématique foncière, fournit l’essentiel des migrants de l’archipel. la poudrière L’explosion est-elle inévitable ? de l’archipel

enquête à ndzuani ça s’passe comme ça, à “bacar-land” une île de plus en plus verrouillée l’action trouble des réseaux la liberté de la presse menacée

ÉCONOMIE Qui sont les investisseurs arabes TENSIONS POLICIÈRES Les raisons de l’escalade à Maore POLITIQUE Oili : “Le statut de DOM est un échec”

maore la “guerre des sexes”

Andil Saïd, un habitant est déclarée de Sandapoini (LG)

Ndzuani, Ngazidja, Mwali : 600 fc / Maore : 3,50 euros / Réunion, France : 4,50 euros / Madagascar : 2.500 ariary kashkazi Participez à l’indépendance de votre journal ABONNEZ-VOUS L’abonnement est un soutien indispensable à la presse indépendante. Kashkazi est un journal totalement indépendant. Son financement dépend essentiellement de ses ventes. L’abonnement est le meilleur moyen pour le soutenir, et participer à l’indépendance de sa rédaction. C’est aussi l’assurance de le recevoir chaque premier jeudi du mois chez soi.

LES TARIFS (pour 1 an, 12 numéros) Mwali, Ndzuani, Ngazidja / particuliers : 8.000 fc / administrations, entreprises : 12.000 fc Maore / particuliers : 40 euros / administrations, entreprises : 60 euros

COMMENT S’ABONNER (+ de renseignements au 76 17 97 -Moroni- ou au 02 69 21 93 39 -Maore-) Mwali, Ndzuani, Ngazidja / envoyez vos nom, prénom, adresse et n° de téléphone + le paiement à l’ordre de BANGWE PRODUCTION à l’adresse suivante : KASHKAZI, BP 5311 Moroni, Union des Comores Maore, La Réunion / envoyez nom, prénom, adresse et n° de téléphone + le paiement à l’ordre de RÉMI CARAYOL à l’adresse suivante : Nicole Gellot, BP 366, 97615 Pamandzi

2 kashkazi 60 février 2007 EN PRÉAMBULE sommaire (60) Ça s’passe comme ça, 4 ENTRE NOUS LE JOURNAL DES LECTEURS DES NOUVELLES DE... la cie istaMbul HORIZONS DIVERS il démine avec des rats PORTRAIT TYPE mounir allaoui à “Bacar-land” 8 FAUT QU’ÇA SORTE où il est question de kwassa pour VIP PRESSE-PAPIER ici, c’est Dallas ! par la rédaction

11 RUE DES INCONGRUS "TU SAIS, LES BONS JOURNALISTES, c'est pour la France régime- remettait au ministère un rapport en faveur de la fermeture de la sta- les mahorais aussi ont le droit d’être clochards! ou les Etats-Unis", dit le directeur d’une administration de l’île autono- tion. Suite à ces multiples pressions et à un problème de ressources humai- me de Ndzuani que l’on ne nommera pas (1). "Ici, ce n'est pas bon d'ê- nes, Inter a suspendu son journal quotidien jusqu'au 15 mars. 12 NOUVELLES DU FRONT tre un bon journaliste." Bienvenue à Bacarland. Ceci n'est ni une fiction, ni une caricature. Nous 16 GROS PLAN sommes bien à Ndzuani, l'île où Mohamed Bacar et sa clique sont en en lettres capitales (1/4) train d'ériger la corruption des journalistes en règle de bonne conduite et AU-DELÀ DE L'ÉCOEUREMENT que nous partageons MORONI bâillonnent sans coup férir les contrevenants à leur code de déshonneur. avec notre collègue, au-delà de la simple atteinte à la liberté d'expres- Un code bien à eux dont "Fermer les yeux, courber l'échine et lécher les sion et d'information, cet acharnement du régime sur un journaliste et sa 20 DÉCRYPTAGE bottes" pourrait facilement devenir la devise. Mais notre directeur n'a radio est significatif et dangereux à plus d'un titre. Bacar et ses hommes pas terminé : "Pourquoi travailler pour la presse indépendante ? C'est ne se contentent pas de censurer l'information et de resserrer l'étau de ce 20 NDZUANI des réseaux troubles 22 ÉCONOMIE qui sont les investisseurs arabes pas comme ça que tu réussiras dans la vie. Sois l'ami du pouvoir, et tu qui devient de plus en plus clairement une dictature, avec ses ramifica- 24 OILI : “le statut de DOM est un échec” gagneras de l'argent." tions locales qui pèsent sur chaque ville anjouanaise. En affichant sans 26 PORT DE MORONI la fin d’un système Ces précieux conseils ont été prodigués à notre correspondant à complexe leur mépris de l'honnêteté intellectuelle et leur cynisme, ils 28 TENSIONS POLICIÈRES les raisons de l’escalade Ndzuani, Naouir Eddine Papamwegne. Ce jeune journaliste a trois gros sont en train de tuer tout espoir de changement, toute volonté de sortir défauts : du système clanique et corrompu qui mine la société -à Ndzuani comme 30 GÉOPO 1) Il travaille pour un journal indépendant, Kashkazi, et pour une radio dans les autres îles. Combien de Papamwegne ont vu leurs efforts tour- russie l’empire contre-attaque “étrangère”, RFO, insensibles aux pressions du gouvernement Bacar ; nés en dérision par des sous-fifres imbus de leur petit pouvoir ? Après, afrique quelle place dans l’altermondialisme ? 2) Il dirige une radio indépendante, Domoni Inter, très écoutée dans la on s'étonnera que les jeunes Anjouanais ne pensent qu'au départ ou à seconde ville anjouanaise et dans la région du Nyumakele, et non sou- l'argent facile. 34 mise aux notables de Domoni proches du régime Bacar ; Les menaces qui pèsent sur la radio associative de Papamwegne OCÉAN INDIEN 3) Il croit à son métier et essaie de le faire honnêtement. sont d'autant moins innocentes qu'elles touchent une région longtemps chagos le retour des “Ilois” est-il possible ? Il mérite donc une bonne correction pour son insolence… coupée du reste de l'île et du pays. En diffusant ses propres journaux - afrique du sud l’extrême-droite de retour repris par des radios de la zone- mais aussi ceux de RTA, Radio Comores, Radio Mayotte, et des radios françaises RFI et France Info, en retransmet- tant les discours des présidents de l'Union et de l'île, Domoni Inter faisait 36 DOSSIER LE GOUVERNEMENT ANJOUANAIS N'A PAS ATTENDU ce que les médias d'Etat ne réussissaient pas : informer la population du nyumakele, qu'on le lui dise pour sévir. La collaboration de Papamwegne à Kashkazi sud anjouanais. Alors que la radio nationale n'est pas captée dans la zone la poudrière de l’archipel a servi de prétexte pour l'évincer de la radio gérée par le pouvoir insulai- depuis plus de dix ans, que la plupart des villages ne reçoivent pas RTA, re, RTA, où il venait de décrocher un contrat après cinq ans de bénévolat. la censure de Domoni Inter condamne la population du Nyumakele à res- 36 déracinés de la terre Le 15 décembre, un arrêté du ministre de l'Intérieur en charge de l'infor- ter seule à l'écoute de Radio et Télé Mayotte. On connaît pourtant le rôle 39 comment la région a été utilisée mation congédie le jeune homme après trois mois de services rémunérés. des médias dans l'attraction exercée par Maore sur la région la plus pauv- 41 tous à l’école... et après Motif : travaillant dans la presse indépendante, il risquait tôt ou tard de se re et la plus peuplée de l'archipel (4). Mais qu'importe : après avoir laissé 42 la longue marche des paysans montrer critique envers le pouvoir. A voir des milliers de gens peu ou pas instruits dans l'isolement, avec pour seule 44 Sandapoini : le “Dubaï” du Nyumakele le bataillon d'intermédiaires "bien inten- ouverture quotidienne sur l'extérieur les émissions de RFO, on se récriera 45 à Kaweni, la galère des “chercheurs d’or” tionnés" venus par la suite conseiller au quand ils voudront être français comme les Mahorais et on leur dira : "Ne “Pourquoi journaliste de se montrer plus conciliant, le prenez pas le kwassa !" travailler pour régime espérait sans doute le voir rentrer 46 HORS-PISTE dans le rang et prêter allégeance en échan- moeurs à Maore, “la guerre des sexes” la presse ge d'une réintégration. diaspora le bled, prépondérant même en France indépendante ? Comme il n'en a rien été, les autorités et L'ATTITUDE DU POUVOIR ANJOUANAIS laisse d'autant 50 LES MAUX DE LA FIN leurs sbires locaux sont passés à la vites- plus perplexe que son ministre de l'Intérieur chargé de l'information, MDM, le parti d’en rire C’est pas comme se supérieure. Il y a deux mois déjà, un Djaanfar Salim, préfère donner une conférence de presse à Mamoudzou ça que tu réussiras responsable politique de Domoni avait plutôt qu'à Moroni, et livre une cour effrénée aux leaders mahorais les dans ce numéro, un supplément gratuit évoqué la fermeture prochaine de plus anti-comoriens. Sa conférence de presse est bien-sûr retransmise sur dans la vie. Domoni Inter. "Lorsque je lui ai demandé RFO. Donc suivie en masse dans le Nyumakele, connu pour son poids Cahier spécial Sois l’ami du le pourquoi de cette fermeture, il a tout électoral et le caractère influençable de sa population -misère, manque La mondialisation simplement laissé entendre que le gou- d'instruction… et isolement aidant. En fin de compte, plus la population pouvoir...” vernement avait remarqué que la station du Nyumakele sera rendue réceptive aux sirènes séparatistes et françaises en questions n'avait rien à diffuser de mieux que la par le biais de RFO, plus le régime Bacar et ses amis mahorais et français Manifestation organisée à Moroni par l’Alliance grève", raconte Papamwegne. seront renforcés. Il y aurait donc une logique dans tout ça… franco-comorienne du 19 au 28 février 2007 "Effectivement, les enseignants étaient en Ironie du sort, quand Djaanfar Salim veut s'adresser aux Mahorais, à ses Une semaine de films et de débats grève et comme c'était un bras de fer entre les syndicats et le gouverne- amis des réseaux français et à la population du Nyumakele sans organi- ment, on m'a dit que ce n'était pas la bonne information à diffuser. En ser de conférence de presse, il doit s'adresser au correspondant de RFO fait, j'ai su après que des gens de la ville de Domoni qui ne souhaitent dans l'île, Papamwegne -encore lui ! On imagine la colère du tout-puis- pas voir s'installer une liberté d'expression, avaient sollicité l'appui du sant “Sarkozy” quand Papamwegne, obéissant aux formats de reportage gouvernement pour la fermeture de la radio. Selon des informations que de la chaîne française, réduit ses interventions à quelques dizaines de j'ai recueillies, ce point était à l'ordre du jour d'un conseil du gouverne- secondes. Sarko n'a pas l'habitude : sur RTA, il peut parler dix minutes ment de Ndzuani dans le courant du mois de novembre 2006." sans être interrompu. Après avoir reçu une formation de journalistes de Mensuel indépendant de l’archipel des Comores édité par la SARL BANGWE PRODUCTION Deuxième année - numéro 60 France 3, les reporters de la radio anjouanaise ont songé à annoncer à BP 5311, Moroni, Ngazidja, Union des Comores Le 4 janvier dernier, juste avant le journal de 20 heures, deux leur grand patron que désormais, ils se comporteraient en professionnels Tel. Moroni : (00 269) 76 17 97 - (00 269) 35 66 18 Tel. Mamoudzou : 02 69 21 93 39 gendarmes se présentent à la station sur ordre du ministre de la Justice (2). de l'information et non en ouvriers de propagande. Ils ont vite renoncé e-mail : [email protected] / www.kashkazi.com Ils sont porteurs d'un "dernier avertissement" et transmettent au journalis- sous le poids de la frayeur. Ça s'passe comme ça à “Bacar-land” ! Directeur de la publication : Kamal’Eddine Saindou te présent la sentence du ministre : "Le traitement du journal est satisfai- Rédactrice en chef : Lisa Giachino Rédaction : Rémi Carayol, Ahmed Abdallah, Naouerdinne sant, tout le monde apprécie car chacun trouve sa place, mais il se pour- Papamwegne rait que vous penchiez pour le président de l'Union des Comores et si vous (1) Papamwegne ayant suffisamment d’ennuis comme ça, nous préférons ne pas nommer Collaborateurs : Nassuf Djaïlani, Ngo’Shawo, Soeuf Elbadawi, Le Quotidien de ce directeur, qui se reconnaîtra. la Réunion, Syfia International, Eric Tranois, Mohamed Toihiri, Ali Djalime continuez à diffuser les discours de Sambi (3), la station sera fermée et (2) Celui-ci assurait l'intérim du ministre de l'Intérieur, chargé de l'information. Impression : Graphica Imprimerie, Moroni - (00 269) 73 59 65 Papamwegne passera le restant de ses jours en prison." (3) Domoni Inter diffusait les discours de Sambi, mais également ceux de Bacar. Quelques jours plus tard, le secrétaire de mairie de Domoni -nommé par le (4) Lire notre dossier dans cette édition.

kashkazi 60 février 2007 3 entre nous le journal des lecteurs Une lettre ouverte adressée aux intellectuels INTELLECTUELS ET CADRES, POUR ISMAËL KORDJEE, DIRECTEUR DU SERVICE CULTUREL DE MAORE, LES INTELLECTUELS

CECI EST UN APPEL À L'ACTION, À UN SURSAUT organisations internationales en Afrique. En effet, leurs fantasmes les plus osés. (...) Ensuite, il s'agit midation, qui consiste à faire croire à l'existence de SALUTAIRE, UN QUESTIONNEMENT FACE AUX DIFFI- hantées par le besoin de voir leurs programmes (ainsi pour eux de jeter l'opprobre sur les cadres et intel- malversations financières et à brandir le spectre de CULTÉS ET PRESSIONS subies par les mahorais, un que les avantages qui vont avec) financés par les lectuels mahorais, qu'ils n'hésiteront pas à qualifier la chambre régionale des comptes. C'est la culture de hymne à la dignité, à l'esprit d'initiative et de respon- bailleurs, elles n'hésitent pas à présenter l'Afrique d'irresponsables, d'incompétents, de mauvais ges- la peur, qui d'ailleurs, porte ses fruits auprès de nos sabilité. En effet, "rien ne va plus à Mayotte", semble avec la même vision misérabiliste. tionnaires, en même temps qu'ils dressent d'énormes élus. être le cri de ralliement de nombreux intellectuels et couronnes de lauriers pour leurs semblables qu'on (…) Derrière les discours humanistes et universels se cadres mahorais, qui semblent par ailleurs être frap- C'EST D'AILLEURS, à partir de ces arguments qu'un décrète bons sans qu'on sache trop pourquoi. dissimule une entreprise de domination. Derrière les pés par l'inertie et la morosité. Ils sont aujourd'hui rapport va être soumis à l'approbation des élus du L'objectif est aussi d'arriver à démontrer que les discours égalitaires et de progrès se cache une entre- tous habités par un sentiment de découragement, qui Conseil Général, pour l'instauration dans les services responsables mahorais sont des gens incapables de prise d'asservissement de l'autre. Derrière les dis- d'ailleurs pousse certains à fuir leurs responsabilités de la CDM de l'indemnité d'éloignement en faveur des réussir les projets qu'ils mènent, qu'ils sont souvent cours de rigueur et de bonne gouvernance se cache quand ils ne croisent pas les bras. Ils prennent l'habi- fonctionnaires titulaires venant de la métropole tude de prendre des airs ahuris devant des actes dont affectés à Mayotte à compter du 1er janvier 2006 et la gravité insulte notre dignité. qui propose d'étendre le bénéfice de cette disposi- Le pire c'est qu'au lendemain de la décentralisation, tion aux agents non titulaires venant de la métropo- L’objectif est aussi d’arriver à démontrer nombreux sont les cadres mahorais de la Collectivité le affectés à Mayotte. Départementale de Mayotte qui se plaignent du Avez-vous conscience de ce que cette indemnité d'é- que les responsables mahorais sont des gens mépris de la direction générale du Conseil Général et loignement représente ? Il suffit juste de prendre le incapables de réussir les projets qu’ils de la transformation de leurs postes à responsabili- décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996, à peine évo- tés, en coquilles vides. Il est vrai que l'administration qué dans le rapport pour faire vous-même une rapi- mènent, qu’ils sont souvent échec et du Conseil Général tend de plus en plus vers une cer- de simulation financière que la direction générale n'a médiocrité. taine centralisation et une bureaucratie excessives, pas osé présenter aux élus. Concrètement pour un vers la personnification du pouvoir de décision. Ici au fonctionnaire marié avec 3 enfants et un traitement “ lieu de solutions, on invente des problèmes, au lieu indiciaire de 4.000 euros, cette indemnité d'éloigne- d'actions, on suggère de nouvelles études et les "sous ment représenterait la coquette somme de 4.000 échec et médiocrité, qu'ils ont besoin d'être ou une politique machiavélique d'exclusion et de discri- fifres" se voient condamnés à ne relayer, en choeur euros X 23 mois X 25 % (majoration familiale), c'est- "maternés" ou encadrés de façon draconienne. Pour mination. que l'unique voix du seul "timonier". à-dire 115.000 euros environ, auxquels il faudra ajou- ce faire, on va comme d'habitude chercher l'excep- Il est aussi vrai que les portes de la participation aux ter les frais de déménagement et de transport de tion pour faire croire à une généralité. 2. Reconnaissons que nous avons dans cette situa- décisions sont devenues hermétiques pour beaucoup 50.000 euros environ, ce qui équivaut à une indemni- Il s'agit aussi d'arriver à inculquer à l'élite mahoraise, tion notre part de responsabilité, de par nos agisse- de responsables mahorais, qui sont eux-mêmes trans- té totale hors salaires et primes d'un montant de un certain complexe d'infériorité qui la paralysera au ments et manoeuvres de tous les jours, qui ne nous formés en une espèce de carapace vide, derrière 165.000 euros ! soit l'équivalent de 19 emplois au quotidien et inhibera sa détermination, son audace, honorent pas et font que certains élus ne nous font laquelle se cache soit un individu considéré comme SMIC local. En recrutant 10 fonctionnaires territo- son sens de l'intérêt collectif, de la responsabilité et plus aujourd'hui confiance. dangereux par l'administration, soit un larbin au ser- riaux venant de métropole, avec l'octroi de leur de l'initiative… Cette pratique qui a déjà fait ses Il est vrai que le fond du problème effectivement est vice de l'aliénation de son peuple. indemnité d'éloignement tant réclamée, nos élus doi- preuves à Mayotte et ailleurs, est aussi un puissant celui de la responsabilité de ceux qui ont les moyens Face aux difficultés que connaît notre île et face aux vent comprendre qu'ils tueraient ainsi 200 emplois, outil d'aliénation, qui peut entraîner chez certains le de résister (les intellectuels mahorais) et qui sem- défis qu'elle est appelée à relever, est-il responsable rien que par cette indemnité (salaires, primes, loge- mépris d'eux-mêmes, la déresponsabilisation, la blent ne pas faire autre chose que de palabrer matin de continuer à demeurer dans la passivité, la résigna- ment et charges patronales non compris). démission par rapport aux valeurs fondatrices de et soir sur des sujets, sans intérêt pour l'avancement tion et à se perdre dans des lamentations intermina- La raison principale invoquée pour l'instauration de la notre société, de notre vision du monde. de la cause mahoraise, ou encore d'exhiber les appa- bles ? En tout cas, Mayotte ne pourra pas se construi- majoration des traitements de métropolitains instal- C'est une méthode quasi infaillible et qui marche à rences et les faux signaux de richesse qui valent d'a- re sans la contribution des Mahorais. C'est à partir de lés à Mayotte, est donc la nécessité de rendre attrac- coup sûr chez des âmes faibles. Pour le vérifier, il vantage que notre capacité à faire des choses. Il est soi que l'on construit sa dignité, sa liberté, son rêve. tifs les services à Mayotte, parce qu'il manquerait les vous suffit de voir ce qui se passe aujourd'hui au vrai qu'il s'est forgé chez nous l'idée que le statut de compétences au niveau local et parce que le coût de Conseil Général de Mayotte, où la fonction publique citoyen naît des signaux qui nous différencient des 1.Cette situation d'oppression et d'asservissement la vie y est particulièrement élevé. Mais il faut arrê- entraîne chez les Mahorais, une réelle perte de moti- plus pauvres. que connaissent aujourd'hui les cadres et intellec- ter l'hypocrisie, parce que l'argument sur le manque vation et de mobilisation de ses ressources humaines, Notre frustration vient aussi du fait que nous plaçons tuels mahorais n'est pas le fruit du hasard. C'est une de compétences locales est régulièrement invoqué avec une tendance vers la perte de la conscience et nos espoirs d'être entendu chez ceux d'entre nous qui stratégie bien rodée, c'est un calcul tactique qui dans les hautes sphères de décisions pour justifier des l'éthique professionnelle. Pire encore, les conflits sont placés à des niveaux importants de responsabi- masque les pratiques colonialistes de certains, moti- choix parfois bien discutables. De plus, en un siècle d'intérêt entre les Mahorais minent le fonctionne- lités, assez pour défendre l'intérêt général. vés avant tout par leur confort et intérêts propres. et demi de présence française sur ce territoire et 30 ment des différents services, où chacun cherche à Malheureusement, une fois parvenus, ils semblent Il est donc temps de saisir la portée réelle des inten- ans après la création du Conseil Général de Mayotte, mettre à l'autre des bâtons dans les roues. juste occupés à exalter leur réussite personnelle et tions de leurs instigateurs qui continuent comme par y-a-t-il vraiment eu la moindre volonté de former la heureux d'accéder au rang de porte-voix du "timo- le passé à vouloir nous enfermer dans leurs com- population locale à l'exercice de responsabilités, DANS CE CONTEXTE MALSAIN (d'attirance-répulsion), nier". Qu'ils brillent par leur incompétence et qu'ils plexes, leurs fausses et dénigrantes prétentions. alors que tous les pouvoirs étaient concentrés entre mais fomenté et tramé par nos contempteurs, cer- soient transformés en instrument de déstabilisation tains responsables mahorais se laissent aller, abdi- et de dénigrement de leurs pairs ne les empêche pas quent et laissent se créer dans leurs services, une de dormir, pourvu que leur promotion personnelle culture bureaucratique dont le trait dominant est soit assurée ! l'improductivité, la lenteur et la lourdeur administra- Face aux difficultés que connaît notre île et tive, le clientélisme, la promotion canapé, l'attitude IL EST VRAI AUSSI QUE NOUS AVONS de vrais problè- face aux défis qu'elle est appelée à relever, méprisante vis-à-vis des usagers et complaisante mes pour nous penser et nous mouvoir dans cette envers les usagers recommandés, la confusion entre société française, parce que nous avons souvent l'im- est-il responsable de continuer à demeurer intérêt général et intérêts privés, le blocage des dos- pression que les lois sont là pour nous interdire les dans la passivité, la résignation et à se perdre siers, le sabotage, le règlement de comptes… (...) choses et pas pour garantir notre liberté, nous per- Soit on crée des rumeurs de malversations, soit on mettre de nous émanciper et trouver notre voie. dans des lamentations interminables ? leur enlève tous les prérogatives et moyens de fonc- Il est vrai, enfin que nous aurons toujours en face de “ tionnement, dans le sens de les faire craquer ou de nous les mêmes sourires narquois, les mêmes propos tuer purement et simplement leurs services. En agis- qui démobilisent et qui dénigrent, mais pourtant il va sant ainsi, ils redoutent que la libération des élans et falloir exister et marquer notre présence. Comment font-ils les fonctionnaires qui viennent tra- les mains d'un super gouverneur ? La préparation de des énergies étouffées ne signe la fin de leurs privilè- Nous sommes responsables de cette situation, parce vailler à Mayotte pour justifier les avantages farami- la décentralisation est un exemple éclatant de cette ges indus (sachant que la valeur de la réflexion intel- que certains d'entre nous se désintéressent complè- neux qu'ils obtiennent ici (qu'ils ne pourront jamais absence de volonté, avec son pompeux "programme lectuelle est irremplaçable) ou ne mette à nu leurs tement du devenir de notre île et de sa population obtenir nulle part ailleurs) ? Comment font-ils pour de formation des cadres mahorais" célèbre par son extraordinaires carences. (...). Nous sommes responsables de cette situation, en réclamer d'avantage ? opacité, ainsi que ses multiples "chargés de mission (…) Ainsi, en discréditant et en mettant hors circuit parce que nous manquons de solidarité. Certains D'abord, il s'agit pour eux de porter systématique- décentralisation". A quoi ont-ils servi ? nos meilleurs éléments, on justifie le recrutement d'entre nous ont la manie de se la jouer perso et de ment un regard négatif sur Mayotte et sa société, massif de certaines personnes à qui on a promis croire que le malheur n'arrive qu'aux autres, de se parce qu'il faut arriver à démontrer qu'ici c'est le Far (...) IL EST TOTALEMENT MALHONNÊTE de noircir le monts et merveilles et qui sur place confondent sou- faire les porte-voix de nos détracteurs. Au lieu de West, qu'ici il ne fait pas bon vivre, que c'est un vrai tableau quand il s'agit de parler de notre belle île, vent rigueur et arrogance, dans l'exercice de leurs constituer un lobby pour défendre les intérêts de sacrifice d'accepter de venir travailler à Mayotte. Et alors que beaucoup de ces fonctionnaires se bagar- fonctions. (…) Et enfin, si cet arsenal de déstabilisa- Mayotte, ils ne cherchent qu'à plaire, prêts à vendre cela mérite d'énormes compensations, qui rendront rent pour y rester, même après les 4 ans, parce qu'i- tion que je viens d'évoquer n'a pas fonctionné, alors pères et mères, pour espérer mériter quelques miet- cette île attractive. Cette pratique rappelle bien les ci ils bénéficient d'une vie de rêve sous les tropiques, ils peuvent passer à la vitesse supérieure, à savoir tes et autres "matsembés". (...) C'est ainsi qu'ils [les méthodes de travail, souvent décriées de certaines telle qu'ils ne l'auraient jamais envisagée même dans manigancer une campagne de dénigrement et d'inti- wazungu] nous battent à plates coutures puisque

4 kashkazi 60 février 2007 le journal des lecteurs entre nous et cadres mahorais par Ismaël Kordjee IL EST TEMPS DE SE RÉVEILLER ET CADRES MAHORAIS ONT LE DEVOIR DE SE RÉVOLTER CONTRE LE SYSTÈME COLONIAL EN VIGUEUR DANS L’ÎLE SOUS ADMINISTRATION FRANÇAISE. pour protéger leurs intérêts, ils savent être solidaires des choses, parce que nous sommes aussi capables les (égalité de chance et droit au progrès pour tous). dimensions matérielles et immatérielles, c'est un quoiqu'il arrive et se sont constitué un solide réseau. que les autres, parce que nous avons d'énormes (...) C'est de cette manière que nous éviterons à développement qui se doit de garantir la dignité de (...) Nous sommes responsables de cette situation, atouts pour réussir, un capital humain important, des notre île de tomber dans cette ambiance malsaine l'homme, de tirer la conscience vers l'éveil, de lutter parce que face à l'arrogance des uns, animés par un hommes et des femmes responsables, aujourd'hui se qui sévit à la Réunion, aux Antilles et en Guyane, sur pour la désaliénation politique, économique et cultu- mépris légendaire contre notre identité, on trouve en battant pour garder la maîtrise de leur destin à tra- fond de racisme et xénophobie, qui d'ailleurs pousse relle et contre l'ignorance. réaction une passivité de l'élite mahoraise dépassant vers des responsabilités qu'ils assument avec courage ces mêmes fonctionnaires à venir se réfugier à tout entendement, une obéissance aveugle et sans et détermination, tant dans le public que le privé. Mayotte et reproduire les mêmes égarements. LES CADRES MAHORAIS, EU ÉGARD à la situation de limite pour leur propre négation. Oui, il existe une Mayotte qui gagne, une Mayotte qui Mais auparavant, bien que je sois convaincu qu'il faut précarité qui touche de plein fouet la population Nous sommes responsables de cette situation, parce refuse de se courber, une Mayotte qui croit, mais qui une volonté politique pour changer les choses, il faut mahoraise, ont le devoir d'exercer leur esprit critique que certains d'entre nous ont failli à leurs responsabi- malheureusement restera terrée, tant que ne sera aussi beaucoup de travail sur nous-mêmes. Parce que par rapport aux idées dominantes, et non de se lais- lités, par incompétence ou par fainéantise ou encore pas cassé ce système colonial, qui a tendance à insti- bien souvent dans ces affaires, nous préférons fuir ser enivrer par l'air du temps ou assourdir par la cen- par complexe de Bamboula. Or, l'exercice de la tutionnaliser la discrimination. Parce que ici c'est nos responsabilités, en évitant d'avoir une réflexion drillon de la cloche du moment. Prostituer ou asser- responsabilité ne s'apprend pas à l'école, elle s'ac- moins l'individu qui est en cause que le système lui- critique sur notre propre attitude et en rivalisant vir son intelligence, c'est mettre l'essentiel en péril. quiert à force de travail et d'obstination même. Qu'un "expat" soit décidé ou non à tirer un pour accuser les autres. (...) Il faut avant tout que Pour ce faire, je vous invite à réfléchir aux actions maximum d'avantages de la situation importe peu : nous arrêtions de nous jeter de la poudre aux yeux suivantes : a. Dénoncer avec virulence toute cette 3. Est-ce qu'on peut vivre aliéné toute sa vie et être qu'il prenne son travail à coeur ou non, il contribue pour masquer nos responsabilités. Arrêtons de pleur- tentative de déstabilisation et de déresponsabilisa- heureux ? au maintien d'un système qui devrait être démantelé nicher et de considérer que les autres nous doivent tion. b. Porter nos revendications au-delà de Je ne le pense pas, parce que les frustrations et pro- ou, tout au moins, être repensé en profondeur. quelque chose, parce c'est une illusion. Personne ne Mayotte. c. Créer un syndicat des cadres mahorais, testations manifestées en silence par l'élite mahorai- nous doit quoi que ce soit. dont l'objectif principal serait la défense d es intérêts se vont tôt ou tard déflagrer. Peut-on continuer à NOTRE OBJECTIF DOIT ÊTRE AUSSI de faire compren- (…) Parce qu'ici le développement ne saurait s'identi- des cadres mahorais. d. La Création d'un club de cocarder liberté égalité fraternité, pendant que ceux dre aux fonctionnaires qui viennent s'installer à fier à une simple "croissance" matérielle et matéria- réflexion et d'action. e. Création d'un site et d'un en charge des affaires de notre île continuent sour- Mayotte la nécessité de changer leurs pratiques liste, il ne saurait se restreindre à la seule réalisation journal d'information générale (...). noisement à conspirer contre les intérêts de Mayotte. ségrégatives envers les mahorais et d'accepter un des constructions en béton, ou des supermarchés… (...) Ce qui se passe à Mayotte aujourd'hui, est loin partenariat responsable et partagé qui comprend le C'est un développement qui favorise l'épanouisse- ISMAËL KORDJEE, Maore d'être une fatalité. Nous pourrons changer le cours respect et la prise en compte des compétences loca- ment intégral de la société humaine dans toutes ses (répondre à son appel à : [email protected])

Et si on déplaçait la capitale politique ? SUR LA PROBLÉMATIQUE ANJOUANAISE ALI MLAMALI SE DEMANDE SI L’INSTAURATION DE LA CAPITALE À NE SERAIT PAS UNE FAÇON DE RÉGLER LE PROBLÈME DU SÉPARATISME

NOUS VOILÀ ENCORE ET TOUJOURS fatal pour le peuple comorien, déjà à greffent, mais elles minent insidieuse- tions ethnocentristes vivaces, il est rare notre capitale à Ngazidja n'est plus DANS L'ENLISEMENT, malgré une singu- maintes reprises profondément et arbi- ment l'idée d'appartenance à une qu'une capitale à la fois politique et défendable, comptant presque lière innovation constitutionnelle dictée trairement meurtri : l'issue par déman- même Nation par le fait qu'aujourd'hui, économique soit à l'origine d'une mena- le même nombre d'habitants. Sans par nos compatriotes séparatistes et tèlement définitif, offrant notre terri- encore plus qu'hier, l'administration ce pour la stabilité d'un territoire natio- doute cette vision des choses est-elle acceptée par voie référendaire afin de toire national ainsi morcelé institution- d'une île par ses originaires contribue à nal en raison de l'unicité que confère la perturbante pour certains, mais elle sortir d'une situation de chaos devant nellement à l'avidité des puissants de retenir les gens chez eux. Le sentiment configuration en un seul ensemble géo- seule demeurer la solution la mieux aboutir à notre émiettement définitif, ce monde dont l'intérêt géopolitique de essentiel de partage d'un même destin, graphique, contrairement à la trans- indiquée pour créer un équilibre géné- plusieurs années après l'acte d'illégiti- notre position à l'entrée Nord du Canal qui naît dans les interpénétrations et insularité, source, elle, de tendances rateur de stabilité politique et socioé- mité qui nous a soustrait l'île comorien- de Mozambique attise les convoitises. les interactions trans-insulaires se dilue d'identification exclusive à l'île natale. conomique de la trans-insularité. La ne de Mayotte au mépris de l'indigna- Nous deviendrions alors des vassaux de inexorablement, même si Ngazidja et capitale économique séparée de la tion et de l'opposition de la l'ère moderne, des assistés sans identi- la capitale, Moroni, jouent un rôle de Une autre logique, dictée souvent capitale politique, cela ferait naître un Communauté Internationale. té aucune, réduits à nous contenter des stabilisation, qui d'ailleurs secrète des par des critères démographiques ou paradigme sociopolitique et socioéco- L'attitude de Mohamed Bacar résume-t- miettes de toutes sortes dans un ressentiments dans les autres îles. d'étendue d'une île par rapport aux nomique innovant, qui bouleverserait elle sincèrement la volonté profonde contexte dont l'élaboration du devenir Ne serait-il pas temps de poser de autres, guide la localisation d'une nos habitudes sclérosées. Une nouvelle des Comoriens d'Anjouan ou, au nous serait hors de portée. Quelle énor- façon sereine le problème crucial de la capitale dans les contextes insulaires. dynamique plus pénétrante dans l'har- contraire, traduit-elle une dérive de me responsabilité vis-à-vis de l'éternité localisation de notre capitale ? L'exode Ici, les sentiments d'enracinement monisation des interrelations trans- quelques individus manipulés et surar- et quel avilissement pour tous ceux qui massif des actifs d'Anjouan vers Moroni dans son île et dans son village natal insulaires consoliderait notre conscien- més, n'obéissant qu'à des intérêts d'ord- seraient les artisans de ce sinistre scé- et l'activité économique inexistante ne sont si profonds pour chaque individu ce identitaire d'appartenance à une re personnel ? Dans l'hypothèse d'une nario-catastrophe ! sont-elles pas en partie responsables que l'idée d'appartenance à un même Communauté de même destin, et cela aspiration de nos compatriotes des ressentiments ayant conduit au peuple oscille au gré des événements ne pourrait qu'avoir des retombées d'Anjouan, le surarmement des proches Que faire ? Personnellement, je n'ai séparatisme, même si les manipulations qui semblent favoriser ou défavoriser positives dans nos relations avec nos de Mohamed Bacar est absurde, car aucun titre, aucune fonction, qui m'au- extérieures y contribuent de beaucoup telle entité insulaire ou telle autre. compatriotes de Mayotte. La trans- s'exprimerait alors, sans la menace des torise à indiquer des voies. J'agis en ? Les pays continentaux ont des capita- Faut-il rappeler que même si la puis- insularité ainsi gérée, dans un contexte armes, la volonté populaire par des simple comorien, certes expatrié mais les imposées souvent par des événe- sance administrante était déterminée de conscientisation et d'alphabétisation moyens pacifiques. Tout porte à croire, fondamentalement attaché à la survie ments décisifs de leur histoire. Elles à nous soustraire l'île comorienne de prioritairement destinées aux univers au contraire, qu'il s'agit d'une aventure des Comores souveraines et à l'évolu- peuvent être déplacées par nécessité Mayotte, l'une des causes qui ont ruraux, contribuerait au développe- de quelques éléments sous influence, tion du peuple comorien dans un de désenclavement ou de valorisation provoqué la colère des mahoraises a ment si nécessaire des mouvements par la façon dont l'Exécutif d'Anjouan monde constamment en mutation, et d'une région pour éviter son déclin (Rio été le transfert du chef-lieu de l'é- des hommes et des biens entre les îles. orchestre ses prises de position et ses où toute forme d'affaiblissement ou de de Janeiro puis Brasilia au Brésil, il y a poque de Dzaoudzi à Moroni par le La conscience identitaire d'appartenan- actes d'intimidation. De toute éviden- repli dans le conservatisme est suicidai- quelques décennies). L'histoire et ses Conseil de Gouvernement de ce à une même Nation, aujourd'hui ce, eu égard à la stratégie adoptée, re. Aujourd'hui, nos nouvelles institu- impératifs font souvent que des villes l'Autonomie interne de l'époque, sans entamée par la récurrence des actes faite constamment d'excès dans le dis- tions élaborées dans l'esprit de nous s'épanouissent économiquement et aucune mesure compensatoire. Les séparatistes, s'en trouverait assainie et cours de la rupture et de modération rendre la stabilité et de faire disparaît- s'imposent en capitales économiques nouvelles générations apprécieront vivifiée. lorsque les circonstances s'y prêtent, re le cancer du séparatisme s'avèrent pendant que les hommes choisissent l'amateurisme qui a déterminé la Mohamed Bacar et ses amis utilisent être d'une nocivité pernicieuse : non d'établir la capitale politique ailleurs construction de notre histoire, et qui sciemment la méthode de l'usure, celle seulement elles complexifient la ges- (New-York et Washington aux Etats-Unis est à l'origine de la précarité et de ALI MLAMALI, ancien ministre qui consiste à lasser les Comoriens de tion du pays par leurs nombreux pôles d'Amérique, et bien d'autres cas encore l'incertitude actuelles. d'Ali Soilihi, professeur à la retraite, Ngazidja et à susciter de la sorte un de décisions (4 exécutifs, 4 parlements) dans beaucoup de pays continentaux). Aujourd'hui, l'atout démographique qui président du Collectif pour l'unité et "ras-le-bol" conduisant à ce qui serait avec toutes les administrations qui s'y Sauf si ces pays connaissent des opposi- pouvait justifier la localisation de l'intégrité territoriale des Comores

kashkazi 60 février 2007 5 entre nous les gens OU ELBADAWI SOEUF des nouvelles de... la compagnie IstaMbul La troupe de théâtre dirigée par Alain-Kamal Martial fête son septième anniversaire et s’apprête à parcourir l’Afrique.

SEPT ANS DE RÉFLEXION EST UN une tournée dans 12 pays du 1er martyurs sans nom”, la pièce que FILM MAGNIFIQUE. C’est aussi février au 30 mars, pour jouer j’ai choisie pour fêter notre anni- une pièce de théâtre célèbre. “Les veuves”-, et bientôt l’un des versaire, est l’histoire d’un Sept ans de réflexion dans cet festivals de théâtre les plus célèb- enfant avorté qui retourne dans archipel aux salles obscures et aux res au monde : celui d’Avignon, le ventre de sa mère et lui parle. planches trop rares, c’est surtout en France, où les acteurs joueront Il s’invente des mots pour expri- ce qui a permis à Alain-Kamal dans le programme officiel mer sa révolte. c’est une pièce Martial d’élaborer un projet digne “Epilogue d’une trottoire”. Une sur l’existence et l’inexistence. de ce nom pour sa troupe de véritable marque de reconnaissan- Une pièce universelle dans lequel théâtre, IstaMbul. Née en 2000, la ce du milieu. cet enfant ne combat pas les compagnie a d’abord fait son trou Soucieux de donner à sa troupe injustices, mais les dénonce. on à Maore. Puis elle s’est intéressée une touche régionale, AKM ne se pourrait imaginer que cette his- à la région. A joué aux Comores contente pas d’y recruter ses toire se déroule à Gaza ou en indépendantes, au Mozambique, à acteurs. Il compte désormais pro- Irak.” Madagascar, à la Réunion. A recru- poser ses pièces en swahili. Ainsi Son ambition ne fait pas oublier à té ses acteurs dans les îles de l’o- seront jouées pour la première AKM son combat pour profession- céan Indien et sur le continent fois dans cette langue à Maore naliser l’art scénique dans son île africain. Entre temps, le metteur “La rupture de chair” en avril et -il a demandé une subvention en scène s’est fait un nom -pas “Zakia Madi” en juin. pour que soit mis en place un vrai seulement dans la région, mais en C’est que le metteur en scène théâtre-, persuadé qu’il est que portrait type France aussi-, et a laissé des rêve d’ouverture. “Je voudrais l’art peut remédier aux manque- empreintes : “La rupture de que Mayotte et les îles de l’archi- ments des hommes politiques. chair”, “Zakia Madi”, “Makua”... pel comprennent que ce n’est pas “On a le devoir, nous les artistes, Aujourd’hui, alors que la compa- parce qu’on est des îles qu’on ne de représenter autre chose qu’u- gnie a fêté en janvier son septiè- peut pas parler du monde avec ne société fermée. Une société Mounir Allaoui me anniversaire en jouant la notre vision à nous. Nous faisons qui veut se régénérer a forcément pièce inédite à Maore “Hymne aux partie de ce monde. Mais nous besoin d’apports extérieurs. C’est martyrs sans nom”, IstaMbul s’ap- avons tendance à nous renfermer ce que l’art se propose de faire.” au nom de la fiction prête à conquérir l’Afrique -avec sur nos traditions. “Hymne aux RC

de clichés importés transpire d'audace. Le jeune vidéaste d'ori- Venu au cinéma pour satisfaire à une curiosité de minot, Mounir Allaoui est le digne rejeton d'une horizons divers gine comorienne rêve aristocratie comorienne, au sein de laquelle se d'imaginaire débridé. multiplient les stratégies de pouvoir et les rêves de grand soir. Mère anthropologue et militante Il utilise des rats pour Mhaza Kungumanga, son culturelle, père second couteau en politique, enfance aisée déconnectée du vécu populaire dernier film, présenté au FIFAI comorien, études aux Beaux-Arts, pionnier du 06 à la Réunion, est un morceau septième art au pays du m'lelezi et des légendes déminer le Mozambique de Bilkiss, Mounir a su tracer sa route, en inté- d'avant-garde pour le pays des quat- grant le songe d'un cinéma de l'étrange chez ses l'histoire de Bart, un petit garçon des couloirs libres de mines. Comme en situation réel- re quarts de lunes. Avec un générique maîtres asiatiques ou européens et en s'interro- “C'EST qui aimait les rats. Devenu grand, le, le rat est équipé d'un harnais relié à une corde. Celle- digne du plus “indé” des cinémas d'Asie. geant, de loin, sur son appartenance à ces îles. il s'est intéressé aux gens qui avaient sauté sur des ci est tendue, à hauteur des chevilles, entre deux techni- Verdure agonisante (ou envahissante ?) qui Tout en restant méfiant à l'égard des logiques mines. Et il a pensé aux rats de son enfance. Il allait les ciens, qui se déplacent latéralement, de 50 cm à chaque ouvre sur un chantier de construction. Paysage communautaires trop pesantes. "Je pense rare- dresser pour déminer. Au début, tout le monde s'est fois, après un aller-retour du rat le long de la corde. aquatique d'artifice ou essaim de gouttelettes ment en terme de nation”, confiait-il récemment. moqué de lui." Avec humour et en bande dessinée, Bart Quand il repère une mine, le rat gratte la terre. d'eau qui confine au brouillard ? Une esthétique “Je sais d'où vient mon corps, mais ma psycho- Weetjens raconte sur le site Internet de son association, Personne ne sait combien de mines ont été enterrées de l'effritement, peut-être ? logie comme celle de beaucoup d'expatriés, est Apopo, la genèse de son idée : utiliser l'odorat des ron- pendant la guerre civile qui s'est achevée en 1992 au Une succession de fondu enchaîné. Un homme à un vrai foutoir. Je ne pense pas être capable de geurs pour le déminage. Mozambique. En 2005, malgré la neutralisation de la mer est filmé depuis la terrasse d'une médina représenter authentiquement les Comores. C'était il y a presque dix ans. Aujourd'hui, dans la brous- 36.613 d'entre elles, les mines ont tué 23 personnes, endormie. Une voix de grand-mère conte l'his- D'ailleurs, qu'est ce que représenter authenti- se du Mozambique, une trentaine de rats travaillent dont dix enfants. Selon le gouvernement, il resterait toire de Mhaza Kungumanga, fille mariée par quement un pays ? Ce qui anime mon ego, c'est quotidiennement. Apopo, acronyme qui signifie, en fla- plus de 170 millions de mètres carrés à déminer. Mais manque de vigilance à un de me croire libre de la conscience d'appartenir mand, Organisation pour le développement de produits il devient de plus en plus difficile de trouver des fonds sera (esprit malin) dont le à une nation. Je ne me pose pas de problème de contre les mines, est un partenaire officiel du gouverne- pour le déminage du pays. "Il y a une certaine fatigue destin se confond avec la conscience en liant mon identité à ma nation ment mozambicain et travaille en collaboration avec des bailleurs de fonds. Il y a eu de la corruption, de la “Ma nuit des temps sur un d'origine comme peuvent s'en poser Salim Handicap international. mauvaise gestion, et puis, dans l'humanitaire, une prio- psychologie, Archipel de lunes. Hatubou ou Sast qui écrivent sur les Comores. Le démineur est un animal des champs, au pelage beige rité chasse l'autre", explique Frank Weetjens. Interférences sonores. On pourrait dire sans que cela soit totalement clair : le rat géant de Gambie, Cricetomys gambianus, [...] Dans leur laboratoire tanzanien, les chercheurs comme celle Imagerie quasi impres- faux, que je suis le produit d'un Occident athée, très répandu en Afrique. Trop légers pour déclencher d'Apopo continuent à explorer les capacités olfactives de beaucoup sionniste. La mer est pro- à la conscience territoriale diluée par les tech- les détonateurs, les rats ont appris dans le laboratoire de du rat de Gambie. Ils travaillent actuellement sur la che. La narratrice se perd nologies de communication. Je passe beaucoup recherche d'Apopo, situé en Tanzanie, à repérer l'odeur détection de la tuberculose dans les crachats des d’expatriés, dans les flots. Et son de temps sur Internet à discuter avec des de la poudre. Ils sont entraînés selon le principe de malades. Les premières conclusions sont prometteuses, est un vrai conte n'est que fragments Japonais, des Chinois et des Thaïlandais... J'ai Pavlov : pendant des mois, ils reçoivent de la nourritu- les rats s'avérant capables de détecter la présence de la et murmures. Une autre tendance à abstraire, à me détacher des corps. re chaque fois qu'ils identifient une odeur d'explosif. La tuberculose plus vite et plus efficacement qu'un techni- foutoir.” voix intervient. Celle d'un On pourrait donc dire d'une manière très gros- formation est assez courte, de six à huit mois. cien équipé d'un microscope. Sambi transformé en sière que je préfère la fiction au réel. Beaucoup "L'avantage du rat, c'est son prix", explique Frank "On estime que 47 % des malades de la tuberculose ne charmeur de mouche. de ce qui compose l'identité en général me sem- Weetjens, le frère de Bart, qui dirige la mission d'Apopo sont pas détectés. L'idée est de monter des équipes L'actuel président joue à faire croire. C'était en ble un amas de fictions en pagailles". au Mozambique. L'ONG propose d'ailleurs sur son site mobiles pour faire des tests dans les centres urbains période de campagne. Jeu de contrastes. Avec la Une manière (peut-être) de signifier à tous que si (www.herorat.org) d'adopter un rat et de financer sa pauvres, les écoles ou les prisons. Mais il nous faut vieille dame et son micro renversé notamment. Mhaza Kungumanga se comprend mieux une formation et son entretien pour 5 euros par mois. encore une ou deux années de travail avant la phase Superposition des langages. Le discours poli- fois remis dans son contexte d'écriture, nul n'a le "L'entraînement et l'entretien d'un chien sont plus longs pratique", admet Bart Weetjens. La tuberculose, tique approche de l'approximation électoraliste. droit de le réduire au manifeste identitaire. Il et plus coûteux", poursuit Frank Weetjens. notamment sous des formes résistantes aux traitements, La légende de Mhaza paraît totalement décalée n'empêche. Mounir est considéré comme l'une Les rats, quand ils ne sont pas sur le terrain, s'entraînent fait à nouveau des ravages en Afrique, en particulier du quotidien de ce lieu où le dénuement se des valeurs sûres de l'Archipel en matière d'ima- près d'Inhambane, petite ville coloniale située dans une chez les malades du Sida. confond avec la nostalgie d'une carte postale. Ce ges. Mais les Comoriens eux-mêmes le savent- des zones les plus minées du Mozambique. Le champ film sur un pays où la seule image d'actualité se ils ? Qui a vu son film ? à nettoyer est divisé en plusieurs parcelles, séparées par FABIENNE POMPEY (Le Monde) situe d'ordinaire dans une petite lucarne infestée SOEUF ELBADAWI

6 kashkazi 60 février 2007 LES DOSSIERS SANTE DE L’OMS

Dans la région VIH-Sida : le piège de la stigmatisation MOZAMBIQUE. Lorsque les travailleurs sociaux ont réalisé que les villageois de la pro- En montrant du doigt les malades du Sida, on rend plus difficile la lutte contre l’épidémie. vince de Manica, dans le centre du Mozambique, fuyaient les obsèques des voisins “Si vous voulez que l’on croie à connus ou soupçonnés d'être infectés au VIH, l’existence du Sida, amenez ils ont réunis les responsables locaux et les chefs devant nous un malade du Sida pour traditionnels pour trouver une solution. qu’on le voie !” Cette réflexion est "On a expliqué comment le VIH/SIDA se trans- devenue habituelle dans les manifes- mettait et comment le rejet isolait les familles tations de sensibilisation à la lutte au moment où elles étaient le plus dans le contre le VIH-Sida organisées aux besoin", a dit Hortensia Gathigi, une Kenyane Comores. De nombreuses personnes qui travaille avec Kubatsirana, une organisation pensent en effet pouvoir mieux éviter confessionnelle. le danger si elles connaissent les indi- Une fois que les chefs ont rapporté ces messages vidus contaminés par le virus. à leurs communautés, la participation aux funé- Certains réclament même qu’un railles a commencé à augmenter, une petite vic- contrôle soit exercé sur les malades et toire, certes, mais pas pour les membres de ces que ceux-ci soient privés d’une vie familles qui souffraient du rejet. normale et du contact avec le reste de Au sein de leur famille, ces personnes subissent la population. Si on ne peut encore des reproches, souffrent d'isolement et d'aban- parler vraiment de discrimination, vu don. Au marché les clients n'achètent pas les le faible nombre de malades connus, produits vendus par des personnes séropositi- un tel comportement est à craindre si ves, et dans les transports en commun, les les mentalités n’évoluent pas. “Il y a chauffeurs chassent ces personnes parce que les de la discrimination seulement dans autres passagers refusent de partager un siège les propos”, observe pour l’instant avec eux. Au point d'eau, les femmes et les Sitti Foutoumou Sagaf, chargée de enfants s'enfuient lorsque des voisins séroposi- l'Information, de l’éducation et et de tifs arrivent avec leur seau. Dans les églises, les la communication au Programme pasteurs prêchent que le sida est une punition national de lutte contre le Sida. divine. Enfin dans les centres de santé, les “Comme les gens ne connaissent pas patients séropositifs sont les derniers à être exa- les malades du Sida, ils ne peuvent minés et les premiers à être blâmés par le per- Les enfants sont pas les maltraiter directement. Mais tions croient souvent se protéger en gner. et de la discirmina- sonnel médical. parmi les si ces personnes séropositives étaient rejetant les malades. Or, c’est l’effet "Nous avons de l'argent, le dépistage tion. “La crainte premières Le Mozambique, qui a dépassé les 16% de taux victimes de la connues, je suis convaincue, qu'elles inverse qui se produit. “On nous est possible, les antirétroviraux d'une révélation de prévalence, “en est là où était le Kenya au stigmatisation. seraient très marginalisées. “ demande souvent de (ARV) sont disponi- de leur statut à l'é- début des années 90 - rongé par la peur et les Ce type de réaction incite les respon- dévoiler l’identité des bles mais les gens ne gard du VIH et de préjugés", dit Mme Gathiri. “Je n’osais pas en sables de la santé à se montrer très malades”, confirme le fréquentent pas les la stigmatisation associée affaiblit En 1998, la première association de parler à ma prudents. “Cette attitude de certaines professeur Mamadou centres de prise en la capacité des mères à résister aux Mozambicains vivant avec le virus, Kindlimuka, personnes a fait qu'on a refusé des Ball, représentant de famille. J’ai subi le charge", déplore ainsi normes familiales et communau- a constaté que de plus en plus de travailleurs témoignages publics de séropositifs l’Organisation mon- rejet parce que je un médecin du pays. taires très arrêtées, qui encoura- étaient forcés d'effectuer un test de dépistage du qui seraient prêt à s'exprimer et à liv- diale de la santé faisais peur” Selon les autorités, les gent l'introduction précoce de liqui- VIH ou licenciés parce qu'ils étaient séropositifs. rer leur propre expérience”, explique (OMS) aux Comores. difficultés viennent, des et d'aliments et qui remettent en En collaboration avec les syndicats, le réseau Sitti Foutoumou Sagaf. “Dans les “Les gens doivent comprendre que notamment, de la peur du dépistage. question l'allaitement artificiel dès mozambicain des organisations contre le sida et cérémonies de sensibilisation, on si on le faisait, les conséquences "Le sida est toujours une maladie la naissance”, indique l’OMS. les institutions légales, Kindlimuka a fait pres- assiste souvent à des interventions seraient contraires à l’effet recher- honteuse au Niger. En haoussa, sida Il existe cependant des voies pour sion sur les députés et a contribué à rédiger un graves et déplacées. Certains habi- ché : plus personne n’oserait se faire se dit 'bonjour la tombe'", précise un lutter contre la discrimination. projet de loi contre la discrimination, une loi tants demandent qu'on dévoile les dépister de peur d’être rejeté par les médecin européen. Les patients arri- L’accès au traitement pour les finalement adoptée en 2002. personnes atteintes de la maladie proches et la société.” Plutôt que d’é- vent en fin de maladie dans les cent- malades, tel qu’il est pratiqué pour pouvoir les éviter. D'autres exi- loigner le danger, la stigmatisation res de santé où ils décèdent rapide- aujourd’hui aux Comores, est un AFRIQUE DU SUD. Il y a dix ans, quand gent que les séropositifs soient incar- des malades ne fait donc que l’aug- ment. facteur limitant ce phénomène puis- Prudence Mabele a appris qu'elle était séroposi- cérés, isolés et mis en quarantaine. menter, en rendant difficile toute Plus près de nous, à Maore, la stigma- qu’il redonne espoir aux personnes tive, on lui a dit d'abandonner ses études. Elle Ils voudraient même qu'on mette des campagne de dépistage et de traite- tisation dont sont victimes les person- atteintes, leur permet de mener une préparait un diplôme de chimie à une époque vigiles à leur porte pour les empêcher ment. nes contaminées les conduit souvent vie normale et de reprendre leur où le VIH n'était ni compris ni accepté en de sortir. C'est pourquoi au début, à quitter l'île. Ceux qui ne peuvent pas place dans la société. Afrique du Sud. "On savait très peu de choses certains malades avaient peur de se Dans la région, le VIH-Sida reste émigrer renoncent souvent à se trai- Il suffit d’écouter Mariama : “Je ne sur le sida, on m'a donc dit d'arrêter parce que confier.” largement tabou et conduit sou- ter, préférant la mort physique à la considère pas ma séropositivité j'allais infecter les enseignants et les étudiants." C’est ce qui est arrivé à Mariama, une vent à des comportements de honte et mort sociale. Les patients perdus de comme un échec. J’ai plein de pro- Avec 59 autres femmes séropositives, Prudence jeune femme de 23 ans habitant de peur. Ainsi, la jeune Mariama vue par les services médicaux sont jets !” a créé le Positif Women's Network (PWN), qui Moroni. “J'avais peur et je n'osais explique qu’au début de sa grossesse, nombreux. Au Sénégal, la participation active compte 2.000 membres en Afrique du Sud. pas en parler à ma famille”, dit-elle “à la clinique, on m'a encouragée à Dans de nombreux pays, les person- des responsables religieux a permis Dans ce forum, les femmes ont commencé à en évoquant la période où elle a faire un test de dépistage. Mais mon nes infectées par le VIH/sida sont de faire évoluer considérablement aborder des questions qui les touchaient direc- connu sa séropositivité. “Ma vie a partenaire a eu peur et a préféré que exclues au travail, à l'école, dans le les mentalités. tement, par exemple, comment discuter de leur basculé comme celle de tant de por- l'on ignore ce conseil. Ce n'est que système de santé, dans la famille ou la Pour revenir aux Comores, séropositivité avec leur époux ou comment faire teurs de la maladie. J'ai subi d'abord plus tard que j'ai su que j'étais séro- communauté. La peur de la discrimi- l’Organisation du patronat (Opaco) face à la stigmatisation. Elles se sont formées à le rejet parce que je faisais soudain positive”. Dépistée à temps, Mariama nation empêche souvent de deman- a signé en 2004 une convention des activités, comme le tissage, qui peuvent les peur. Avec mes amis, c'était très dur pourra épargner à sa fille la contami- der des soins ou de dire qu'on est avec le système des Nations Unies aider à générer des revenus. En d'autres termes, car ils me posaient plein de questions nation grâce à un traitement. Son atteint. Stigmatisation et discrimina- pour mener des actions de sensibili- devant le refus ou l'incapacité de leur famille ou alors que j'étais sous le choc. “ compagnon qui avait préféré fuir le tion favorisent donc la propagation sation à ce problème auprès des de leur communauté à leur fournir un soutien, Le problème de la stigmatisation des test, mourra peu de temps après du du VIH/sida, en particulier chez les employeurs et des employés. les Sud-Africaines ont appris à se prendre en personnes atteintes par le virus du Sida. jeunes, plus vulnérables que les adul- Enfin, le gouvernement comorien charge et à s'entraider. En Afrique du Sud, le VIH-Sida est répandu dans tous les La peur du rejet peut conduire à des tes. De ce fait l'action est freinée, et les avec l'appui de l'Onusida va mener sida a infecté et touché de manière dispropor- pays touchés par l’épidémie, surtout situations extrêmes comme dans cer- dégâts causés par l'épidémie démulti- prochainement une réflexion sur tionnée les femmes. Selon ONUSIDA, l'Afrique durant les premières années de celle- taines régions du Niger, où les traite- pliés. les problèmes liés à la législation du Sud est le pays qui compte le plus grand ci. Connaissant mal les conditions de ments sont disponibles, mais les Les enfants de mères séropositives afin de protéger les personnes por-

nombre de femmes infectées dans le monde. transmission du virus, les popula- patients n’osent pas aller se faire soi- souffrent particulièrement de la peur teuses du virus. Conception : Kashkazi pour l’OMS

kashkazi 60 février 2007 7 fqs faut qu’ça sorte

LES VIP AUSSI Le 30 décembre 2006, l'ancien pré- sident irakien Saddam Hussein a été pendu suite à une décision de la ONT LEUR KWASSA justice irakienne. L’ancien dictateur est mené au gibet les bras et les OÙ EST PASSÉ BOLÉRO ? L'ex-bras fuite vers l'île au lagon. Selon ses pieds entravés mais conserve son droit de l'ex-président Azali se proches, Madi Boléro a choisi la calme. Quelques secondes avant son exécution, certains des officiels pré- trouvait lundi 22 janvier à Maore, fuite “pour contourner l'interdic- sents sur le lieu de l'exécution scan- où il est entré clandestinement à tion de quitter le territoire prise à dent : “Moqtada, Moqtada”, en réfé- bord d'une vedette empruntée au son encontre par les autorités de rence à Moqtada al-Sadr, le chef de président Bacar lui-même. Le péri- l'Union”. Comme quoi, il y a tou- l'Armée du Mahdi, dont le père a été exécuté sur l'ordre de Saddam ple de l'ancien ministre comorien jours une bonne raison pour entrer Hussein. La scène de l'exécution a qui souhaite se rendre en France a “clandestinement” à Maore. La été filmée à l’aide d’un portable et débuté à Mwali où il a embarqué Police aux frontières de Maore, diffusée illégalement sur Internet. dans un kwassa pour rejoindre elle, n'a pas vu passer ce VIP clan- Ndzuani le week-end précédent sa destin. Cela va de soi. GUANTANAMO, NATIONALITÉ LA FIN DE SUR RFO UN LUNDI MATIN de janvier. On se LE GOULAG VERSION US réveille, mais on croit rêver : le gendarme LA GRÈVE en chef de l'île, M. Martinez, parle d'un LE 11 JANVIER 2007 A ÉTÉ CÉLÉBRÉ un traducteurs. Durant ces années à homme à la nationalité… mahoraise. triste anniversaire pour les droits de Guantanamo, j'ai été interrogé de nom- Simple lapsus ou prédiction ? CONTRE l'Homme et la justice en particulier : cela breuses fois et on m'a demandé de recon- faisait cinq ans jour pour jour que les pre- naître que j'appartenais à Al-Qaida et que miers prisonniers étaient arrivés sur la base j'étais impliqué dans les attaques contre VOS AMIS ! américaine de Guantanamo, à Cuba, deve- les Etats-Unis. Je leur ai répondu que je LE MOINS QUE L'ON PUISSE DIRE, nue depuis le symbole de l'injustice et de n'avais aucun lien avec tout cela.” HUMOUR“NOIR” c'est que la réaction des autorités la toute-puissance américaine. Les déte- Le 29 juin 2006 pourtant, la Cour suprême LES MULTIPLES RÉUNIONS de préparation au face à la colère des chauffeurs de nus n'ont aucun moyen de contacter un des Etats-Unis avait décrété que les cyclone Bondo, en décembre dernier, ont per- taxi contre l'état lamentable des avocat, ne sont pas jugés, sont torturés au conventions de Genève et la loi américai- mis de mesurer, outre le degré important routes de la capitale, qui a provo- su de l'ensemble de la communauté inter- ne devaient s'appliquer dans la base de d'impréparation de la part des autorités à une qué un mouvement de grève au nationale, qui ne fait rien de concret pour Guantanamo. “Pendant un bref moment éventuelle catastrophe, le cynisme de cer- début du mois de janvier, est des stopper ce qui ressemble à des camps de de grâce, le gouvernement a donné l'im- tains responsables administratifs de Maore. plus troublantes. En réponse aux DIPLOMATIK’ concentration dignes des goulags sovié- pression d'avoir compris qu'il ne pouvait Plusieurs témoins rapportent notamment organisations syndicales qui refu- tiques, dans lesquels s'entassent de présu- ignorer les règles”, rapportait alors The cette phrase d'un membre éminent de la pré- sent de payer la vignette, que dit més terroristes islamistes. International Herald Tribune. La Maison- fecture, à propos des cases en tôles qui com- le lieutenant Taoufik à ces trouble- A cette occasion, le quotidien californien Blanche avait en effet fait savoir que le posent les nombreux bidonvilles de la commu- fêtes ? Los Angeles Times a publié la lettre adres- président était prêt à travailler avec le ne de Mamoudzou : “Au moins, si Bondo arri- 1- De se retrouver le week-end sée à son avocat par Jumah Al-Dossari, un Congrès à l'établissement d'un cadre juri- ve, elles seront toutes rasées d'un coup.” pour combler les nids-de-poule en ressortissant du Bahreïn âgé de 33 ans. En dique permettant de juger les centaines Sous-entendu : on n’aura pas le faire. lieu et place des autorités. voici quelques extraits : “Je vous écris de terroristes présumés qui sont sous les Un autre haut responsable préfectoral est allé 2- D'arrêter immédiatement leur depuis l'obscurité du camp de détention verrous depuis des années sans aucun plus loin, en ironisant sur le fait qu'en cas de mouvement s'ils souhaitent que américain de Guantanamo, dans l'espoir espoir de bénéficier d'un procès équita- cyclone, les sinistrés seraient rapatriés dans leurs collègues incarcérés après des de faire entendre nos voix de par le ble. “Mais, aujourd'hui, il est clair que certains lieux (gymnase, écoles…). “Comme échauffourées soient relâchés. monde. Ma main tremble en tenant mon cette offre de coopération n'était que de ça”, a-t-il dit à propos des sans-papiers, “on Autrement dit : arrêtez votre mou- stylo. (…) En janvier 2002, j'ai été arrêté pure forme”, regrette le même journal. n'aura pas besoin de courir après, ils seront vement, et on relâche vos amis. au Pakistan, on m'a aveuglé avec un chif- En juillet, le gouvernement a bien fait tous au même endroit.” Sous-entendu : pour Plus qu'un déni de justice, on fon, on m'a menotté, on m'a drogué et mis comprendre, lors des auditions devant le les envoyer à Ndzuani. Quel humour ! appelle cela du chantage. dans un avion à destination de Cuba. Sénat, qu'il souhaitait simplement que le Quand je suis sorti de l'appareil, je n'avais Congrès légalise les actions illégales du pas la moindre idée de l'endroit où je me président Bush. trouvais. J'ai ensuite été conduit dans le camp X-Ray et enfermé dans une cellule Ainsi, selon ce journal, “l'intention du LA CLASSE ! où je ne disposais que de deux seaux. L'un gouvernement [est] d'utiliser la lutte cont- ON DIT SOUVENT QUE L'OUVERTURE D'ESPRIT est signe d'intelligence. Est-ce à dire vide et l'autre rempli d'eau. Le premier re le terrorisme pour renforcer les pouvoirs que l'inverse est preuve d'imbécillité ? On peut se le demander lorsqu'on observe les était pour uriner et le second pour se présidentiels (…) Les conséquences de ce agissements du journal le plus lu de Maore : Mayotte Hebdo. De quoi s'agit-il ? Fin laver. (…) A Guantanamo, des soldats déni de légalité se sont d'ores et déjà révé- décembre, l'émission de Radio Mayotte “Retour sur l'actualité”, présentée par m'ont attaqué, mis à l'isolement, menacé lées dramatiques. Les libertés élémentai- Emmanuel Tusevo, accompagné d'un journaliste de Mayotte Hebdo, Saïd Issouf, et de mort, menacé de tuer ma fille et dit res des Américains ont été bafouées. d'un journaliste de Kashkazi, Rémi Carayol, recevait le président du Conseil général, que je resterais à Cuba pour le reste de L'image des Etats-Unis comme pays défen- Saïd Omar Oili (lire par ailleurs). Deux semaines plus tard, le journal de “référence” ma vie. Ils m'ont privé de sommeil, forcé seur des droits de l'homme a été sérieuse- de l'île reproduisait telle quelle cette émission… en omettant de citer le troisième à écouter de la musique extrêmement ment écornée. Des prisonniers ont été tor- interviewer, à savoir le journaliste de Kashkazi. “Avec Emmanuel Tusevo, Saïd Issouf forte et m'ont éclairé le visage avec des turés et tués dans des prisons tristement de Mayotte Hebdo a pu interroger le président de l'exécutif” peut-on lire dans l'édi- lumières très violentes. Ils m'ont placé célèbres et dans d'autres tenues secrètes. tion n°316. Les questions de celui qui écrit ces lignes ont été soigneusement ignorées, dans des chambres froides durant des Des agents américains ont fait disparaître mais comme elles n'étaient pas totalement dénuées d'intérêt, le journal a cru bon de heures en me privant de nourriture, de des gens et les ont envoyés dans des cent- garder les réponses du président. Tout cela pour ne pas avoir à citer un journal honni boisson et de la possibilité d'aller aux toi- res de torture à l'étranger. Des centaines dans cet organe de presse. Si cet entretien avait été une photo, nul doute que lettes ou de me laver pour la prière. Ils d'innocents ont été incarcérés à Mayotte Hebdo aurait effacé à coup de Photoshop le journaliste de Kashkazi, comme m'ont enveloppé dans le drapeau israélien Guantanamo en violation de leurs droits les à la bonne vieille époque de la propagande soviétique. La classe ! en m'affirmant que la croix et l'étoile de plus élémentaires. Et les membres du Le comble ne réside toutefois pas dans cette incapacité à assumer l'existence d'autres David étaient en guerre sainte contre le Congrès se sont abstenus d'intervenir de titres de presse. Non. Le plus fort, c'est que Mayotte Hebdo n'avait pas cru bon croissant. Ils m'ont frappé jusqu'à ce que peur d'être présentés comme proterroris- nécessaire d'avertir le principal intéressé, Saïd Omar Oili lui-même, que ses propos je perde connaissance. Ce que j'écris là tes lors des prochaines élections.” seraient repris dans ce journal. La rédaction savait en effet qu'il aurait refusé, n'est pas le produit de mon imagination. Quant aux Etats, amis ou pas de comme en atteste -selon une indiscrétion rapportée par un proche- sa colère lorsqu'il Ces faits sont parfaitement vérifiables Washington, ils continuent pour la grande s'est vu en Une de l’hebdomadaire. auprès d'autres captifs, de représentants majorité à taire ce problème... Y'a pas à dire : le sommet de la classe ! de la Croix-Rouge, des enquêteurs ou des RC

8 kashkazi 60 février 2007 faut qu’ça sorte fqs

LE CHIFFRE QUI TUE presse-papier MAMOUDZOU, TON 34 . 452 UNIVERS IMPITOYABLE Soit le nombre de civils morts en Irak en 2006, selon une estimation POUR CEUX QUI SERAIENT pour militer contre son “éligibi- de l'ONU. Cela correspond à une moyenne de 94 civils tués par jour. CURIEUX DE SAVOIR quel cli- lité”. Raison avancée : Le Par ailleurs, le nombre de blessés sur l'année 2006 est estimé à 36.685. mat règne dans le monde de la Mawana n'est pas imprimé à presse mahoraise, les lignes qui Maore. “S'ils veulent avoir les Selon le rapport des Nations Unies, au cours des mois de novembre et vont suivre ne vont pas man- annonces, ils doivent se faire décembre, 6.367 civils ont été tués, soit un chiffre supérieur d'environ 10% quer de les intéresser. imprimer chez Imprimah”, entend-on ! Voilà donc ces à la moyenne sur l'année. Près de la moitié des violences recensées ont eu deux journaux avocats d'un lieu à Bagdad, où 16.867 morts ont été dénombrés en 2006. Nous sommes dans un bureau imprimeur qui possède le de la préfecture de monopole et exerce de fait une Mamoudzou, en décembre der- pression financière énorme sur nier. S'y trouvent un représen- la presse écrite. tant de l'administration, et Le vrai fond du problème, c'est JEU DE DUPE quatre responsables des quatre que ces deux titres n'acceptent titres de la presse écrite loca- pas l'idée de partager ce qui les C'EST L'HISTOIRE DE KARRY KAMAL KARRY, un cho- d'acteurs culturels comoriens sur la confiance accor- le : Mayotte Hebdo, Le fait grassement vivre -et qui régraphe français qui n'a pas eu beaucoup de chance dée par les partenaires étrangers à son égard. Mahorais, Les Nouvelles de s'apparente à une subvention sous nos Tropiques. Lauréat d'une bourse Villa Medicis Multipliant promesses et invitations, il finit par s'en- Mayotte et Le Mawana. Tous se déguisée. Au diable l'esprit de hors les Murs (10.000 euros d'allocation) allouée par detter auprès de certains d'entre eux. Les malenten- retrouvent dans le cadre de corps ! Aux orties la légendaire l'Association française d'action artistique (AFAA) pour dus et les prises de bec n'ont pas tardé. l'attribution des droits à la solidarité entre journalistes ! des recherches, ce jeune trentenaire décide de venir Incompréhensions qui se sont soldées fin janvier par publication des annonces léga- Ici, c'est chacun pour soi, et se ressourcer au pays d'origine de ses parents, pays une arrestation en bonne et due forme du principal les, réglementés depuis l'année tous pour le patronat. Et qu'il a quitté très tôt bien avant ses dix ans et où il concerné. dernière. Pour pouvoir les quand, comme Le Mawana, on n'était plus revenu depuis lors. Une fois sur place, il Raison invoquée par la gendarmerie nationale : deux publier -et ainsi tirer de très n'entre pas dans cette case, découvre le potentiel d'un milieu culturel peu entre- chèques en blancs libellés à l'ordre de l'hôtel où il gros revenus de cette manne c'est marche et crève. prenant et susceptible d'être assisté par des partenai- vivait depuis plus de trois mois et trois millions de financière qui est la première res étrangers du type AFD ou Union Européenne. francs comoriens (6.000 euros) de dettes. La “tôliè- dans l'île pour les hebdos et qui Il pense pouvoir jouer les chaperons (les intermédiai- re” de l’hôtel Le Moroni a dû porter plainte. peut rapporter plus de 7.000 A ceux qui pensaient que la res) pour des artistes ignorant les mécanismes d'aide Car le dénommé Kamal Karry, après qu'on lui ait reti- euros par semaine- il faut être presse à Maore, c'est un monde en coopération et promet à ses collaborateurs de ré son passeport pour l'obliger à régler ses créances enregistré en tant que journal de journalistes passionnés qui lever des fonds en France afin de développer un tra- au plus vite, s'est débrouillé pour produire une décla- français -c'est pour cela que n'ont d'autre but que d'infor- vail de création sur quatre ans autour du corps como- ration de perte de ce document et a cherché à quit- Kashkazi n'y a pas accès- et mer, nous sommes au regret de rien. A quelques semaines de son arrivée à Moroni, il ter le territoire sans aviser les services de l'hôtel. exister depuis plus de six mois. leur annoncer que cet esprit-là envisage même de créer un centre culturel dans un Quiproquo et délit de fuite ou volonté de joindre au En 2006, les trois premiers n'a jamais existé. Les débats ne lieu (l'ancien Secmo du côté de chez Kalfane) qu'on plus vite le pays d'où il pourra régler ses dettes par cités remplissaient ces condi- sont pas intellectuels, mais lui a prêté. Menant grande vie et jouant le jeu des virement, comme il a pu le promettre à certains de tions. Le Mawana est donc le financiers, et les attaques ne copinages localement, il convainc un certain nombre ses collaborateurs ? petit nouveau dans cette cour- visent qu'une chose : la mort se au pactole. Seulement voilà: de l'adversaire. Le Mawana, qui n'entre pas Ici, un titre de plus n'est pas un vraiment dans la ligne éditoria- nouveau moyen d'expression, DROIT le des autres, n'est pas très une nouvelle source d'idées à apprécié. Ainsi durant cette creuser, mais bien un adversai- SUR RFO DÉBUT JANVIER: réunion, voilà que les représen- re à abattre. Dallas et son uni- à l'occasion des cinq ans tants de Mayotte Hebdo et du vers impitoyable peuvent aller de présence de la Ligue Mahorais se liguent contre le se coucher… des droits de l'Homme dernier né de la presse locale RC (LDH) à Maore, la chaîne télévisée interroge le pré- sident actuel de la sec- tion locale, Ali Fahardine. Lequel affirme que la LDH n'est pas seulement l'asso- ciation qui défend les “clandestins”. “Il ne faut pas faire d'amalgame”. Soit. Des Mahorais aussi sont privés des droits de l'Homme, assure-t-il. Et d'en citer deux : le droit au logement et… le pou- voir d'achat. Le droit à la consomma- tion est donc désormais classé au rang des droits LE VOTE SELON HENRY de l'Homme ! Comme si “IL FAUT VOTER BAYROU”. Telle est la consigne de Marcel Henry ce terme avait toujours (ci-dessus, aux côté justement de François Bayrou en septembre dernier) existé -on oublie qu’il concernant la future élection présidentielle française. Ses arguments ? n’est que très récent. “Rappelez-vous Poher [fondateur du mouvement centriste en France dont Comme si le fait de Bayrou est l’héritier] en 1974 : il avait fait un fort pourcentage à Mayotte, consommer était aussi et après il a toujours été notre défenseur au Sénat.” Autrement dit : important que celui d’êt- votons Bayrou parce que Poher il y a 30 ans. Et son programme ? Et ses re libre. Et pourquoi pas idées ? On s'en fout ! A Maore, depuis 30 ans, on ne vote pas en fonction de le droit inaliénable pour ses idées, mais pour celui qui sera le plus à même de défendre les intérêts tout être humain à ache- des Mahorais. Etonnante conception de la démocratie. ter un 4X4…

kashkazi 60 février 2007 9 Hôtel LeMoya p lagSultane UN HAVRE DE PAIX À ANJOUAN

Situé sur un site extraordinaire, au coeur de Moya, l’un des plus beaux villages de l’archipel, en surplomb d’une plage paradisiaque, l’Hôtel Le Sultan propose des bungalows traditionnels avec tout le confort moderne, dans un cadre idéal pour la détente. Célèbre pour ses spécialités culinaires rares, Le Sultan est également un rendez-vous des amoureux de la langouste et des fruits de mer.

CONTACTS : (00 269) 32 06 34 / (00 269) 71 14 33 / (00 269) 32 14 33 - EMAIL : [email protected]

10 kashkazi 60 février 2007 RUE DES INCONGRUS Les Mahorais aussi ont le no comment “Bien avant l’arrivée des Français, les Mahorais vivaient et se sont développés sur ces zones des droit d’être des clochards ! cinquante pas géométriques. Des générations et des générations y ont vécu. Et comment l’Etat peut-il dire aujourd’hui à ces gens qu’ils disent qu’ils ne sont pas chez eux ?” DANIEL ZAÏDANI, membre de l’association Oudaïlia haqui za M’Mahoré (Défendre les intérêts des Mahorais), dans Mayotte par Rémi Carayol Hebdo.

“Ne bénéficiant d’aucun soutien, UN PROBLÈME PLUS SÉRIEUX QUE LES DÉBATS qui lui envoient ces gens en Métropole, ils y vont de leur propre gré !" ont été consacrés s'est présenté aux conseillers généraux mahorais lors de la Car dans ce débat qui a amusé le public autant que les élus, le problème de d’aucune subvention à l’exception dernière séance plénière -la première de l'année-, le 17 janvier. Résumé par fond a été écarté : comment des personnes peuvent décider de partir à Paris des médias publics -et encore- la phrase devenue célèbre de M'hamadi Abdou, le conseiller du canton de sans un sou ? Que se passe-t-il dans leur tête pour penser qu'elles s'en sorti- très peu d’entre eux arrivent à Bandraboua - "Les Mahorais aussi ont le droit d'être des clochards !"-, il ront comme on s'en sort avec 5 euros pour s'acheter du riz et des légumes au accomplir efficacement leur reflète la situation de certains Mahorais, totalement perdus dans ce monde marché de Mamoudzou ? Que savent-elles de la France pour ne pas estimer mission. L’on comprend sans les qui va à 100 à l'heure. Quant au traitement politique qui en a été fait, celui-ci indispensable de savoir où elles dormiront le soir de leur arrivée ? En d'aut- excuser ceux qui, parmi eux, sont symbolise jusqu’à quel point les leaders d'opinion sont prêts à aller pour être res termes : qu'est-ce qui n'a pas fonctionné dans l'information des Mahorais, sujets aux tentations en tous PAREILS que les Français. ainsi que dans leur éducation, pour aboutir à de telles incongruités ? Ces genres.” Reprenons… Lors de cette séance (lire son compte rendu dans les nouvel- questions que doivent sans cesse se ressasser les assistantes sociales et les HADJI HASSANALI, directeur de la publica- les du front), le président du Conseil général, Saïd Omar Oili, émet le vœu agents de police qui accueillent ces pauvres hères dans les cités françaises, tion de La Tribune des Comores, à propos de faire voter par ses pairs un texte qui obligerait tout Mahorais bénéficiant personne ne se les ai posées dans l'hémicycle maho- des médias comoriens, à l’occasion des de l'aide à la continuité territoriale de présenter un certificat d'hébergement rais. Pas un ne s'est dit troublé par un tel comporte- voeux de la presse au président de l’Union. dans la ville où il se rend. Rappelons que la continuité territoriale est une ment. Au lieu de réclamer l'égalité de traitement entre aide qui permet aux habitants de l'outremer français de se faire payer une Mahorais et Français comme ils l'ont fait à l'occasion “Pour beaucoup de familles, partie du billet d'avion par l'Etat pour se rendre dans la chère Métropole ou de ce débat, quitte à en arriver à demander à ce que mettre leurs enfants à l’école dans un autre territoire d'outremer. Cette aide, conçue pour bénéficier aux les Mahorais aussi puissent être à la rue -de même ils moins bien lotis, sert depuis belle lurette à financer le billet de fonctionnai- devraient également avoir froid en hiver, et pouvoir est un fardeau. Cela leur coûte res métropolitains ou de cadres locaux qui ont largement les moyens de se bénéficier des Restos du cœur-, les élus n'auraient-ils beaucoup d’argent.” le payer, mais qui aiment bien profiter des failles du système, quitte à en pas mieux fait de s'interroger sur la signification de Quand ce type SOULAÏMANA NOUSSOURA, président de priver ceux qui en ont le plus besoin -car les crédits de cette aide sont limi- tels comportements ? l’Union des associations familiales de la tés. C'est qu'ils sont informés à temps, eux qui lisent les journaux… Mais d'“idiots” se collectivité départementale de Mayotte ceci est une parenthèse. (UAF-CDM), nouvellement constituée, dans Mayotte Hebdo. Le problème, c'est que nombre de Mahorais et de Mahoraises qui se rendent multiplie, quand en France par le biais de cette subvention ne sont pas vraiment prêts à affron- C'EST QUE L'ASSISTANAT a la dent ter la vie parisienne. Pas prêts financièrement : nombreux sont ceux qui par- dure à Maore - comme aux Comores indépendan- ces “branleurs” “Les Mahorais sont dans la paix tent sans argent. Pas prêts matériellement : certains n'ont pas d'adresse où se tes. Les exemples ne manquent pas. Celui de sont une partie sociale grâce à la politique de rendre. Résultat : les services sociaux ou de police récupèrent de plus en plus Djaloud : après avoir échoué dans ses études, il est logement social menée aupara- de Mahorais à la rue. parti à la Réunion pour toucher le RMI. Il est reve- importante de la vant. Quand les gens ne sont pas nu depuis, mais est toujours bénéficiaire de cette propriétaires, il y a des ennuis.” aide -il retourne régulièrement à la Réunion pour jeunesse, ne AHAMADA OUSSENI, maire de M’tsangamouji, pointer. Ainsi, il passe ses journées à ne pas cher- dans l’émission de RFO “Place publique” TOUT CECI NE SERAIT QUE PÉRIPÉTIE si ces derniers ne cher de travail, à se contenter d'observer les voitu- peut-on expliquer consacrée au logement social. disaient que "c'est le Conseil général" qui les a envoyés en France. Dans leur res qui traversent son village de Dembeni, à palab- esprit en effet, parce que la collectivité paye en partie leur billet, elle est rer avec les jeunes qui ont suivi la même voie, et à autrement que “Le problème avec Al Marwane, responsable d'eux, même en France. C'est ce qu'on appelle l'assistanat, éla- attendre comme on espère le paradis que le RMI c’est d’être une société arabe. boré en idéal de vie dans bon nombre de territoires français d'outremer et entre enfin en vigueur à Maore. par de simples d'anciennes colonies. Ce qui n'est pas pour ravir Saïd Omar Oili : "Sans Ou celui de Djamila, jeune fille de 22 ans qui pos- Or les Arabes n’ont pas de cesse, je reçois des coups de fil d'assistantes sociales qui nous disent qu'el- sède un CAP de comptable -autant dire rien sur le défaillances politique sociale.” les ont reçu des Mahorais qui sont à la rue une fois arrivés en Métropole", marché de l'emploi- et enchaîne depuis quatre ans IBOUROI ALI TOIBIBOU, secrétaire général dit le président du Conseil général. "Ces Mahorais disent que c'est le les stages (non rémunérés) en entreprise ou les individuelles de la Confédération des syndicats des Conseil général qui les a envoyés là-bas." formations (non rémunérées) de secrétaire totale- travailleurs comoriens. Récemment, le Conseil général a été informé du cas d'une jeune Mahoraise ment improductives, sans se prendre en main, cette situation ? arrivée à l'aéroport de Roissy avec son enfant… sans argent ni adresse en sans se révolter… sans tout simplement faire du “Je pense qu’on peut croire aux France. Elle a passé deux nuits dehors avant de se faire accueillir dans un cen- porte à porte pour trouver un emploi ou demander étrangers plus qu’aux gens d’ici, tre et suivre par une assistante sociale. C'est pour éviter ce type de mésaven- à suivre une formation digne de ce nom. Ou celui parce qu’on nous a trop menti.” tures, a indiqué Oili, qu'il a proposé de demander une attestation d'héberge- encore de Farid, Bac +2 en poche (un DEUG SOIBAHA, fonctionnaire du village de ment avant d'octroyer l'aide à l'achat du billet. d'histoire qui ne sert plus à grand-chose aujourd'- (Ndzuani). hui) qui se plaint d'enseigner dans une école pri- Branle-bas de combat chez les élus. "Si j'ai envie d'aller au cam- maire -"je n'aime pas faire ça" dit-il- sans cher- “Les femmes sont sans cesse ping, comment je fais ?" a raillé Maoulida Soula, le chef de file de l'opposi- cher ailleurs du travail… tion. "Se retrouver à la rue, ça fait partie de l'aventure humaine, de la forma- Certes, on trouvera sans cesse des personnes pour estimer que ces jeunes sont mises de côté. Ce sont des pots tion des uns et des autres" a tenté pour sa part Bacar Ali Boto -à quand une tout simplement des "branleurs". Certes, on entendra toujours ces mêmes de fleur qui servent seulement à formation à dormir dans la rue pour les innombrables Mahorais qui multi- personnes affirmer que ceux qui partent en France sans argent ni adresse sont décorer.” plient les stages improductifs dans les entreprises locales, au grand bénéfice des “idiots”. Mais quand ce type d'"idiots" se multiplie, quand ces "bran- FAOUZIA KORDJEE, présidente de l’associa- des organismes de formation et des chiffres du chômage ? M'hamadi Abdou leurs" sont une partie importante de la jeunesse, ne peut-on expliquer autre- tion pour la Condition féminine à Maore, à a été plus loin, en déclamant haut et fort la phrase que l'on connaît. Ce qui ment que par de simples défaillances individuelles cette situation ? La socié- propos de la place des femmes en politique, gêne les élus, c'est que l'on demande une attestation à des Français -les té n'a-t-elle pas une responsabilité prépondérante dans cet échec ? lors d’une conférence de presse. Mahorais- pour se rendre dans un territoire français. Cela les réduit selon eux à "de vulgaires" étrangers. Le qualificatif n'a pas été cité dans l'hémicycle, La colonisation a rendu ses victimes passives. C'est un fait. Mais “Même le consulat de France mais certains l'ont pensé tellement fort que tout le monde l'a entendu. comment expliquer que 30 ans après la fin officielle (mais loin d’être effec- a été agréablement surpris.” Pendant de longues minutes, les conseillers généraux se sont ainsi écharpé tive) de cette colonisation, que l'on se trouve à Maore ou dans les îles voisi- DJOBANE DJO, chanteur comorien, sur des futilités du style : "Ce n'est pas la collectivité qui envoie ces gens en nes indépendantes, cette passivité soit toujours la norme ? Si les responsables annonçant dans Al-watwan qu’il a quitté la France, c'est l'Etat, vu que la continuité territoriale est une subvention de ne se posent pas cette question, la situation ne risque pas de s'arranger. Et le France où il était en tournée 20 jours avant l'Etat." Il aura fallu la présence d'esprit de M'hamadi Abdou, plus inspiré que droit des Mahorais à être des clochards, réclamé ironiquement par certains, l’expiration de son visa. Il avait eu beaucoup précédemment, pour rétablir la vérité : "Ce n'est ni l'Etat ni la collectivité qui risque bien de devenir autrement plus grave qu’un phénomène marginal. de difficultés à obtenir le fameux sésame.

kashkazi 60 février 2007 11 nouvelles du front en Janvier 2006 on parle de santé, de pèlerins, de taxis et d’électricité

NOUS VOUS PARLIONS LE MOIS dernier de la grève déterminera certainement les raisons et les responsabilités de rapports consacrés à la santé et aux personnes âgées. Ce des pompiers à Maore. Comme annoncé, nous y revenons. ce conflit qui envenime le climat social depuis quelques dernier vise à revaloriser les allocations des personnes Après deux mois d'un conflit très dur, marqué par une alter- mois. En attendant les conclusions de l'inspection, les pom- âgées, qui tourneront toutes autour de 150 euros, ce qui cation entre le commandant et des grévistes -il dit avoir été piers ont stoppé leur grève. représente une hausse substantielle (certaines étaient à 64 frappé- et par la suspension de quatre pompiers pour mesu- Et comme il n'y a pas eu d'autre grève de poids durant ce euros) pour une population totalement oubliée ces derniè- res disciplinaires, une solu- mois de janvier (les instituteurs, qui avaient annoncé la repri- res années. tion temporaire a été trou- se de leur mouvement à la rentrée, sont finalement restés La deuxième mesure concerne l'ensemble de la popula- vée -du moins tenait-elle muets), ces dernières semaines ont été plutôt tranquilles à tion. Elle vise à implanter dans plusieurs villages des ser- LE JOURNAL DU MOIS toujours lorsque nous écri- Maore, hormis les tensions policières qui se multiplient (lire vices sociaux et médico-sociaux (notamment des PMI). vions ces lignes. Non pas notre décryptage). "Hormis la mise en place d'un système de transport public que le commandant Mugnier, dont les grévistes exigent le efficace reliant les communes rurales à la commune chef départ depuis deux mois -ils lui reprochent un comportement LE HASARD FAISANT BIEN LES CHOSES, c'est lieu ou entre elles, la capacité d'accueil et de prise en injurieux et raciste-, ait été congédié. Il est toujours en poste. quand il n'y a pas de mouvement social que le Conseil charge des usagers des services sociaux et médico- Suite à la médiation de la préfecture et du Conseil général, il général prend des mesures d'ordre social. La chose est sociaux de la CDM ne pourra se réaliser correctement que a été décidé de procéder à une inspection générale du assez rare pour être notée : lors de la session plénière du par l'organisation et l'implantation de ces services dans les Service d'incendie et de secours. Une délégation a ainsi 17 janvier (lire par ailleurs le vote des orientations du communes rapprochant ainsi les populations à couvrir", enquêté au sein de la caserne en milieu de mois. Son rapport contrat de projet Etat-Maore), les élus ont adopté deux indique le rapport, qui met également en avant le transfert des activités des dispensaires vers le Centre hospitalier - qui a provoqué la fermeture de certains dispensaires et avait provoqué des heurts en février 2005 dans les com- munes du sud- pour argumenter la nécessité de rapprocher ces services de la population. De fait, les conseillers ont voté l'implantation de centres médico-sociaux dans treize Eruption du Karthala : villages. Les premiers bénéficiaires seront M'tsapere, Labattoir et Bandrele (trois cantons d'élus de la majorité, soit dit en passant). Suivront cette année : Choungui, Passamainty, Kaweni, M'tsamudu, Moinatrindri et des secousses qui intriguent M'Ronabeja ; en 2008 : Kani Kely ; et en 2009 : Vahibe, Handrema et Longoni (beaucoup de cantons de membres de la majorité…). Selon Mistoihi Mari, conseiller général Avec les tremblements de terre des 11 et 12 janvier, le volcan a affolé la population en charge du Social, cette mesure vise également à favori- et interrogé les scientifiques, démontrant sa complexité et son changement de cycle. ser l'implantation dans des zones rurales de médecins libéraux, qui bénéficieraient ainsi d'un local. Si ce rapport a été voté par 17 conseillers, deux se sont fois de plus, le dans cette partie que l'éruption va se faire le point. "L'éruption est interve- de comportement nous permet de abstenus : Maoulida Soula et Mansour Kamardine -qui UNE Karthala a surpris. déclarer", expliquait alors Hamidou nue dans le nouveau cratère car l'an- bien étudier le volcan", indique Surpris par la nature de son réveil : Soulé. cien est probablement bouché. Les Hamidou Soulé. avait donné procuration au premier. Le chef de file de une éruption de type magmatique - Des précisions qui n'étaient pas de dernières éruptions, de 2005 notam- Cette éruption a enfin été marquée l'UMP (dont le canton n'est pour l'heure pas concerné), s'il les deux précédentes étaient de type nature à rassurer une population pan- ment, l'ont colmaté. Comme il fallait par les rumeurs qui circulaient de ne s'est pas dit opposé à ce type d'implantations, s'est phréatique. Surpris par l'origine de iquée, qui assistait impuissante aux un point de sortie, le magma est sorti villes en villages. Chaque minute ou interrogé quant à la capacité financière de la collectivité à son grondement : l'éruption a eu lieu tremblements des maisons. par le nouveau cratère", indique presque, une information selon les gérer. "Installer des PMI dans tous les villages, cela dans le cratère "Chungu chanyumé- L'inquiétude était surtout visible dans Hamidou Soulé. laquelle une explosion avait eu lieu implique des moyens", a-t-il déclaré. "Pas pour construi- ni" (nouveau cratère) qui avait jus- la médina de Moroni où les habita- Le vulcanologue réunionnais dépê- dans une localité, était diffusée. A re, car les moyens sont là, mais pour faire fonc- qu'ici été épargné par les caprices tions sont réputées ancienne. Les ché sur place vient confirmer les pre- l'aéroport, le personnel a vite vidé les tionner. Si on ne fait pas attention, on risque d'o- terrestres. nuits ressemblaient aux jours. mières observations. Après avoir lieux après une information faisant bérer les finances de la collectivité." Maoulida ... C'est dans la nuit du jeudi 11 au ven- Personne n'osait dormir de peur d'être arpenté le mont Karthala, Michel état d'une coulée à Hahaya. Laissant dredi 12 janvier que le volcan s'est surpris par une éventuelle éruption. Bachelery est reparti avec des échan- leur bureau, les employés de l'aéro- manifesté. "On avait enregistré une En dehors des versets du Coran et tillons prélevés sur place pour des port ont fui en courant… augmentation de l'activité sismique chants religieux diffusés en boucle analyses. En intervenant presque 6 AA quelques semaines avant. Mais par les radios, et notamment l'antenne mois après la dernière éruption qui quelques jours avant l'explosion, on a nationale, le manque de communica- avait eu lieu en juin, le volcan précise Un des cratères du Karthala. (DR) assisté à un calme relativement plat", tion était remarquable, la cellule de peu à peu son nouveau rythme. indique Hamidou Soulé, responsable crise se contentant de demander à "la "Alors qu'il s'activait tous les 11 ans, de l'Observatoire du Karthala. "La population de garder son calme. De le Karthala a changé de cycle. crise a débuté depuis minuit pour se rester prudent car toute information Depuis deux ans, des éruptions inter- terminer deux heures plus tard. sera diffusée à la radio. Le volcan est viennent chaque sixième mois", avan- L'éruption s'est achevée samedi mais comme la mer, il y a des changements ce t-on du côté de l'observatoire. l'activité sismique s'est poursuivie." de marée". Les tremblements de terre qui ont Si cette éruption n'a pas été perçue marqué cette éruption viennent aussi par la population, il n'en a pas été de LE CENTRE DES OPÉRATIONS, confirmer la complexité de ce volcan. même de ses conséquences. Samedi qui venait d'anticiper l'acquisition de Depuis quelques années le Karthala 13 janvier, des secousses ont rythmé ses nouveaux locaux, restait indéter- change de forme d'éruption comme il la vie des habitants des régions de miné sur l'attitude à adopter face à ces respire. Si cette variation fréquente , Bambao et Itsandra. Les tremblements de terre. Devant la gra- du mode d'activité inquiète la popula- tremblements de terre ont été estimés vité de la situation, le président de la tion, elle renseigne les vulcanolo- entre 4 et 5 degrés sur l'échelle de République n'a rien trouvé d'autre à gues. "Nous avons connu presque Richter. Une ampleur rare qui, si elle faire que de se tourner vers Dieu. toutes les formes d'éruption avec le avait atteint un ou deux degrés de Alors que les secousses s'accen- Karthala. Nous avons vu des explo- plus, aurait pu causer des dégâts tuaient, surtout sur les hauteurs, sions, des diffusions de gaz, les cend- matériels. Sambi a à deux reprises invité la res et aujourd'hui les tremblements de "Le mouvement des magmas serait à population à des prières dans des terre. Ces manifestations sont certes l'origine de ces tremblements de mosquées de Moroni. difficiles à supporter mais elles nous terre. L'endroit où les secousses sont Le survol du volcan deux jours après enseignent beaucoup. Notre observa- ressenties ne signifie pas que c'est le début de l'éruption, a permis de toire est nouveau et ce changement

12 kashkazi 60 février 2007 nouvelles du front La communauté internationale réactive le transfert des compétences Les discussions ont repris fin janvier entre l'Union et les îles en présence du représentant de l'Union africaine, Francesco Madeira.

qu'on la croyait le gouvernement applique l'arrêt de la car la communauté internationale à ALORS morte depuis un cour constitutionnelle relatif à Al elle seule ne peut rien régler. Il faut la mois, la commission sur le transfert Marwane [lire par ailleurs, ndlr]. Il volonté de toutes les parties pour arri- des compétences vient de trouver un faut que cette société quitte le port de ver à une solution fiable", a lancé second souffle. Cette instance char- Moroni et libère sur le champ l'aéro- Francesco Madeira, envoyé spécial de gée d'interpréter et de faciliter l'ap- port secondaire de Moroni. C'est à ces l'Union africaine (UA), en guise d'ou- plication du fameux article 9 de la conditions que nous Constitution de l’Union des allons reprendre les Comores, a repris ses travaux vend- négociations", a mar- “Le pays doit être capable d’organiser redi 26 janvier à Beït-Salam. telé Cheikh Ali Bacar, ses propres élections.” Les dernières négociations avaient ministre du Tourisme buté sur la loi relative à la sécurité de l'île de Ngazidja, FRANCESCO MADEIRA, ENVOYÉ SPÉCIAL DE L’UA intérieure, plus particulièrement sur présent dans les négo- l'armement dont doivent disposer les ciations. Même son de cloche chez les verture de la séance qui a réuni des forces insulaires. Les lois concernant représentants de la délégation anjoua- représentants des îles et de l'Union, de les sociétés d'Etat et la justice naise. "Pas de négociations sans que la Ligue arabe, l'Organisation avaient elles reçu un avis favorable les deux premières lois sur lesquelles Internationale de la Francophonie, de la part de toutes les parties. ont s'est mis d'accord ne soit appli- l'Union européenne, la Chine, la Cette reprise sonne comme un espoir quées", assène Djaaffar Salim, minist- France et la Libye. Ce groupe de faci- pour mettre fin à la crise portant sur le re de l'Intérieur de Ndzuani. litation des négociations avait entamé transfert des compétences, qui une la concertation par une visite à fois de plus divise l'Union et les îles. LE RETOUR AU DIALOGUE a Mohamed Bacar mercredi et à Cependant, les différentes entités pré- finalement été rendu possible par la l'Assemblée nationale jeudi. La com- sentes ont à peine établi un program- communauté internationale, qui pro- munauté internationale s'est rendue au me que déjà les négociations s'annon- pose son expertise dans l'interpréta- Palais du Peuple pour recueillir les cent houleuses. Des incertitudes pla- tion des textes. Trois experts interna- avis et les intentions des députés nent quant à la suite de ces travaux. tionaux en matière juridique, institu- auteurs de ces textes litigieux. "Un L’envoyé spécial Avant même de poser les préalables tionnelle et militaire sont dépêchés même texte peut être interprété diffé- de l’Union africaine, aux discussions, les entités insulaires pour faciliter le dialogue. Une réou- remment. Les intentions des parle- ment, ce groupe des partenaires des l'Assemblée nationale vient de modi- Francesco avaient menacé de quitter la table de verture officielle a été organisée à la mentaires sont aussi importantes pour Comores a éclairci sa position. "Les fier le code électoral. L'un des change- Madeira. négociations. "Nous n'allons pas présidence pour la circonstance comprendre quelle lecture il faut don- Comoriens ne doivent pas s'attendre à ments majeurs consiste à imposer aux (ARCHIVES) reparler de lois ici sans que le gouver- devant tous les représentants de cette ner à ces lois", soutient Christian Job, une force comme l'Amisec [présente présidents des îles leur démission s’ils nement ne respecte les institutions de communauté internationale. "On a ambassadeur de France à Moroni. lors de la présidentielle de l’Union en souhaitent se porter candidats. Cet l'Etat. Le président de la République a créé les institutions, mais nous n'a- Les députés, tout en expliquant quelle 2006, ndlr]. Le pays est mûr et doit article qui semble destiné à neutraliser signé les décrets relatifs aux hôtels vons pas pensé aux liens de coordina- a été leur intention dans la confection être capable d'organiser ses propres Mohamed Bacar, est mal perçu par les [appartenant à l’Etat, que la présiden- tion entre les entités. Nous avons seu- de cette constitution, ont demandé à la élections", estime Madeira. présidents des deux autres îles. Ils ce de Ngazidja veut récupérer, ndlr] lement prévu des compétences exclu- communauté internationale son assis- Cette reprise des travaux de la com- envisagent de déposer des recours mais jusqu'à présent je n'ai pas eu les sives et des compétences parta- tance technique et sa supervision des mission sur le partage des compéten- contre cette loi. clés. Ensuite, nous insistons pour que gées…Tout le monde doit s'y mettre prochaines élections. Mais rapide- ces intervient à un moment où AHMED ABDALLAH

... Soula a proposé de mettre une PMI par commu- SANTÉ ENCORE, DANS UN CADRE plus large. ON RESTE DANS LA SANTÉ, mais d'un autre type. Après ne (et trois à Mamoudzou). Sans succès. C'est L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a rendu public sa cinglante défaite lors de l'élection présidentielle de que, comme l'a indiqué Bacar Ali Boto, "le le 27 janvier son rapport sur la santé dans la région afri- l'Union en mai 2006, la convalescente Convention pour le besoin est là". Et comme l'a fait remarquer Ahmed caine. Selon ce document, il existe "un cercle vicieux de renouveau des Comores (CRC) a tenu son premier congrès Attoumani (UMP), "il y a des zones reculées dans les- la pauvreté et d'une mauvaise santé". En même temps que depuis cet échec. Les hommes qui s'étaient rassemblés quelles non seulement les gens n'ont pas les moyens de se la pauvreté et les conflits armés augmentent en Afrique, le autour du président Azali essaient de recoller les morceaux payer un taxi pour se rendre à l'hôpital, mais en plus il est VIH-Sida et les maladies non transmissibles se déclarent d'un parti qui semble plus divisé que jamais. Alors que ses difficile de trouver un taxi." un peu partout sur le continent. Or des initiatives sont blo- principaux acteurs sont en liberté provisoire, une bonne par- quées à cause de la vulnérabilité des populations africai- tie de ses cadres se trouve à l'étranger. "Notre première mis- SANTÉ TOUJOURS, À NDZUANI CETTE FOIS. La cli- nes. "Pas de développement sans une bonne santé. Les sion est de restructurer le parti pour démentir les dires selon nique Helal d'Iran aux Comores, ouverte à Mutsamudu par le maladies infectieuses constituent un obstacle au dévelop- lesquels il s'agissait d'un parti seulement du pouvoir. Nous Croissant rouge iranien pour un montant de 37 millions de fc pement. Et la géographie et le climat sont des facteurs voulons aussi montrer aux gens que la CRC peut survivre au (74.000 euros), a été inaugurée le 8 janvier. L'établissement favorisant ces maladies. Par exemple, le secteur touris- delà de la fin du règne Azali. On se donne un an pour réin- comprend une dentisterie, un laboratoire, une salle d'échogra- tique de la région était paralysé par le chikungunya", staller les structures dans les régions de l'archipel", soutient phie, et un service d'urgences. L'Union des Comores prend annonce le professeur Mamadou Ball, représentant de Ali Msaidié, le tout nouveau secrétaire général du parti -et en charge la location du bâtiment et du logement du médecin l'OMS à Moroni. ancien directeur de cabinet d'Azali. Lors de son assemblée chef iranien, qui dirigera des infirmiers recrutés localement. Les liens entre la santé et l'environnement sont également générale au restaurant Sambirane, loin des lieux fréquentés à Dans le contexte de tensions entres les gouvernements de l'île étudiés : "Il est établi que l'urbanisation rapide engendre l'époque du pouvoir, la CRC a déclaré posséder en son sein et de l'Union, le ministre et le directeur de la Santé de de graves risques pour la santé liés à la l'environnement. des candidats pour les prochaines élections présidentielles Ndzuani n'ont semble-t-il pas été invités. Au cours de l'inau- L'ampleur de la pauvreté limite la capacité à faire face des îles. Cette assemblée intervient alors que le secrétaire guration, Ahmed Abdallah Sambi a affirmé que ce projet a aux problèmes liés à l'environnement. L'insuffisance de général sortant est retourné derrière les barreaux. Abdou vu le jour suite à sa rencontre avec le président iranien à l'accès à une eau saine et à l'assainissement expose les Soefo s'est vu reprocher "de n'avoir pas respecté le pointage Banjul. Il a aussi annoncé l'ouverture à Madagascar, dans les population aux maladies." Tout en admettant qu'il n'y a à la justice comme tout détenu bénéficiant d'une liberté villes d'Antananarivo et Majunga, de logements destinés aux pas de solution universelle, le rapport préconise un certain conditionnelle", indique le procureur de la république Azad étudiants comoriens, pris en charge par la République isla- nombre de recommandations. L'OMS estime qu'il faut Mzé. L'ancien ministre et directeur de la Société des mique d'Iran. allouer davantage de fonds à la santé de l'enfant et du Hydrocarbures, qui se disait malade, avait cependant produit Depuis son ouverture, la clinique a vu un afflux de malades nouveau-né. Une législation pour améliorer les soins en un certificat médical qui n'aurait pas fait l'objet d'une contre- qui oblige souvent le personnel à travailler jusqu'à 21 heures. santé mentale, la lutte contre les maladies non transmissi- expertise. L'autre absent de l'AG reste l'ancien président La consultation coûte 500 fc et les médicaments sont selon bles et surtout la prévention des conflits sont jugées Azali, qui séjourne actuellement en France. "Mais il les usagers vendus moins cher que dans les autres établisse- nécessaires, tout comme l'amélioration des systèmes de est toujours membre du parti", insiste son ancien ments hospitaliers. santé du continent. directeur de cabinet. ...

kashkazi 60 février 2007 13 nouvelles du front

... QUELQUES JOURS DE PLUS, et Ngazidja était trée du village de Tsembehu, dans la cuvette anjouanaise, réclame l'installation de barrières sur le pont pour décou- totalement asphyxiée. L'arrêt de travail déclenché entraînant dans sa chute son neveu âgé de 5 ans. rager ces actes désespérés. par les taxis pour protester contre l'état délabré des Contrairement à son oncle, le petit garçon a survécu au saut routes, a paralysé l'économie pendant une semaine. Mis en de 53 mètres avec quelques fractures et serait tiré d'affaire. boule par un contrôle des autorités sur les vignettes automo- Agé de presque 30 ans, Djaffar était mal entendant et souf- biles, dont les recettes sont censées être consacrées à l'entre- frait de malaise cardiaque. Originaire de Madzahani, dans la ON EN A BEAUCOUP PARLÉ au début du mois. Le tien des routes, les chauffeurs ont refusé de payer avant que région de la cuvette, il a vécu pendant quelques années à pèlerinage n'a pas été de tout repos pour certains les trous dans le bitume ne soient réparés. Maore où il suivait de temps à autre des traitements médi- Mahorais. "Comme chaque année", affirme un fundi. Après plusieurs jours de blocage, un protocole d'accord a caux. Arrêté le 18 janvier, il avait été expulsé vers Ndzuani. Mais alors que les "victimes" de certaines associations se finalement été signé, l'Etat -par la voix de l'Union et des îles- Sa décision d'emporter son neveu dans la mort ferait suite à comptaient sur les doigts d'une voire de deux mains pré- s'engageant à trouver une solution au problème des routes, une dispute avec la mère de l'enfant, sa cousine, qui aurait cédemment, elles étaient 44 cette année. "Pendant une les grévistes acceptant de reprendre le travail. dépensé l'argent que le jeune homme destinait à un nouveau semaine, nous sommes restés coincés à Nairobi, au La question de l'utilisation des recettes de la vignette et de la trajet en kwassa. Kenya", affirme l'une d'elles. "Nous avons dû payer un pérennisation de l'entretien des routes reste cependant posée. Le pont de Hasandze en est à sa dixième victime. Les autre billet d'avion pour rejoindre La Mecque vu qu'on amants malheureux et les femmes de Chandra, avait manqué notre correspondance, et nous avons eu des Tsembehou, Wani, Bambao, Mtsanga incapables de sup- frais supplémentaires, de nourriture, d'hébergement, qui porter plus longtemps leur mari, constituent la majorité n'étaient pas prévus. On a du faire une quête pour LE 29 JANVIER VERS 9 HEURES du matin, un jeune des candidats au suicide. Le dernier saut, commis par un nous en sortir." homme s'est suicidé en se jetant du pont de Hasandze, à l'en- garçon de 29 ans, datait d'à peine 3 mois. La population Alors qu'ils devaient partir avec une autre asso- ... Contrat de projet à Maore : Hadda : le 498 millions pour cinq ans maire fait Les conseillers généraux ont adopté les orientations prises dans le futur contrat sa loi sur quinquennal qui lie la collectivité à l’Etat. le girofle 'unanimité -rare depuis deux Pour ces quatre prochaines années, ans- qui avait guidé la der- la collectivité disposera de 498 L nière session plénière du millions d'euros (2,5 milliards fc), producteurs de girofle du village de Conseil général en 2006 était à nou- dont la source sera l'Etat à hauteur de LES Hadda, dans le Nyumakele, se veau au rendez-vous de la première 60%, et la collectivité à hauteur de retrouvent depuis la fin janvier prisonniers de session de l'année 2007. Le 17 jan- 40%, et qui seront répartis en cinq leur maire. Celui-ci a en effet décidé d'interdi- vier dernier, les élus se sont dans axes majeurs et 19 mesures -retenus re, puis de faire payer une taxe aux commer- l'ensemble entendus quant aux rap- et validés par le comité de pilotage çants étrangers au village, limitant ainsi les ports présentés, votés dans leur composé du préfet et du président du possibilités de la population de vendre le kilo majorité à l'unanimité. Conseil général. de girofle 850 fc (1,70 euro) au lieu des 650 fc Si -c'était tout aussi rare depuis deux (1,30 euro) habituels auprès des marchands ans- des mesure sociales d'importan- LE PREMIER AXE vise à "ouvrir locaux. "C'est rare de trouver dans le village ce ont été prises (lire ci-contre), cette la collectivité sur l'environnement une personne qui peut faire mieux que ce prix", session a surtout valu par le vote du extérieur", avec deux mesures pha- lance une habitante, Bueni Marie Abdou. rapport relatif aux orientations et res : la modernisation de l'aéroport Après avoir appris que des commerçants de mesures du Contrat de projet Etat- (piste longue et nouvelle aérogare) Koni Djodjo arrivaient pour acheter leur récol- Maore 2007-2011. Ce contrat succè- et la mise en place du haut-débit te et qu'ils en étaient empêchés par le maire, de au fameux Contrat de plan 2000- pour Internet, pour un montant esti- les villageois et notamment les femmes, déjà 2004, prolongé par un avenant à la mé de 75 millions d'euros dont 70 Mansour irritées par la pénurie de riz, sont allés le 17 période 2005-2006, et qui avait pour l'aéroport. Deuxième axe : lité des chances et l'épanouissement sceptiques quant à ce refus. "Cela va Kamardine et janvier manifester devant la mairie pour pro- Jean-Paul tester contre ces mesures. abouti à la non utilisation de près de "Favoriser un développement éco- des individus", a provoqué un débat retarder l'installations d'une univer- Kihl, le préfet 80 millions d'euros par la collectivi- nomique créateur d'emploi". A au sein de l'hémicycle. Sur les trois sité à Mayotte", estime le premier. de Maore, lors "Un pays où c'est très rare de voir des étran- té. Pendant longtemps, l'opposition savoir : créer et développer les mesures déclinées -réalisations d'é- "Il faut afficher une volonté poli- de la visite gers ne s'en sort jamais", argumentait le vieux UMP s'est scandalisée de cette inca- infrastructures portuaires et d'accueil quipement culturels et sportifs, prise tique claire. Nos étudiants doivent du Premier Ba Koudoura. "Ses habitants finissent tou- pacité à utiliser cet argent disponi- des entreprises ; développer les filiè- en charge des mineurs handicapés et commencer leurs études ici", pense ministre en jours dans la pauvreté et nous on ne veut plus mai 2006. ble. Ce à quoi la majorité répondait res de production agricole et de la création des bases d'une future uni- le second. finir pauvres, on a le droit d'être riches. Dans qu'il ne s'agissait pas de mauvaise pêche ; développer l'appareil de for- versité pour un montant de 35 (ARCHIVES) ce village tous les commerçants nous ache- volonté, mais de difficultés structu- mation et les structures d'insertion millions-, la dernière n'a pas fait l'u- A PART CET UNIQUE "rejet", les taient le kg de girofle à 650 fc. Grâce à ces relles à lancer des projets (manque ainsi que les équipements d'ordre nanimité, à commencer du côté du élus ont adopté les termes de ce futur étrangers, il y a déjà une grande différence, de foncier, entreprises rares, etc...). touristique. Le tout pour un coût de président de l'Assemblée lui-même : contrat, visiblement satisfaits. Ce alors que ce maire nous laisse en paix avec L’obsession des élus pour ce nou- 90 millions. Le quatrième axe "Cela me paraît risqué d'accepter n'est pas le cas de tout le monde : ses machins d'autorisations !" Et Ba veau contrat quadriennal était donc concerne la mise en œuvre d'un de gérer un pôle universitaire alors deux jours plus tôt, les membres du Koudoura d'affirmer que cette histoire est de mettre en place un dispositif per- aménagement "équilibré du territoi- que nous venons de refuser récem- Conseil économique et social avaient issue des manipulations d'un groupe favorable mettant d'éviter de voir cet argent re", qui porte sur la création et l'amé- ment à l'Etat la construction des col- fait part de leur circonspection. "Ce à Sambi et à Mohamed Djaffar, futur prési- retourner dans les caisses de l'Etat, à lioration du réseau routier, le loge- lèges et lycées, parce que nous ne document laisse un goût d'inachevé. dent à l'élection présidentielle de l'île… Paris. Ainsi, selon le rapport, "les ment et l'aménagement foncier, le possédons pas les moyens suffisants. Beaucoup de domaines sont balayés “Le maire n'a pas accepté de répondre à nos premiers enseignements tirés du développement des transports col- Si d'un côté on dit : "Non, on ne peut et les enjeux propres à Mayotte ne questions, estimant que cette affaire était "un Contrat de Plan 2000-2006 sont à lectifs et de marchandises (105 pas construire les collèges", et de sont pas annoncés", estime le CES, jeu d'enfant qui ne mérite même pas d'être dif- l'origine des principes retenus par le millions) ; et le cinquième la conso- l'autre : "Oui, on peut construire qui se dit inquiet du désengagement fusé ou publié partout." comité de suivi du 23 juin dernier lidation des bases "d'un développe- l'Université", cela pourrait se progressif de l'Etat, dont le taux de En revanche un conseiller municipal opposé à pour élaborer le contrat de projet à ment durable du territoire", avec retourner contre nous", a déclaré participation à ce nouveau contrat sa décision, Saiffi Ousseni, a indiqué que la venir. Il a notamment été arrêté le entre autres l'alimentation en eau Saïd Omar Oili. Il a été soutenu en "passe de 90 à 60%". Certains mesure n'émanait pas du conseil, mais seule- principe de constituer le prochain potable, l'assainissement des eaux ce sens par la majorité des élus, dont conseillers n'ont pas manqué ainsi de ment du maire. Il a également expliqué l'em- document contractuel autour de usées, la gestion des déchets ména- Maoulida Soula, le chef de file de remarquer des absences notoires à ce prisonnement temporaire de deux hommes à quelques thématiques déclinées en gers, la prévention des risques natu- l'opposition, qui a demandé à réaf- contrat : pas de crédits à l'éducation, Mremani par le fait que le maire "manipule les un nombre d'opération limitées." Ce rels, le développement des énergies fecter ces 15 millions vers le haut- le problème majeur qui se pose à la polices municipales". "J'ai compris qu’il a des qui devrait permettre à la collectivi- renouvelables (153 millions). Tous débit et l'assainissement. Seuls société mahoraise depuis des années, collaborateurs dans le village qui le financent té d'utiliser plus librement les fonds ces axes n'ont posé aucun problème Chihabouddine Ben Youssouf et et peu de mesures sociales en per- pour ne pas laisser des étrangers fréquenter la alloués par Paris et, en cas de besoin, aux élus. Bacar Ali Boto (les deux premiers spective. région", a-t-il ajouté. de réaffecter les crédits. Seul le troisième, consacré à "l'éga- vice-présidents) se sont montrés RC NEP

14 kashkazi 60 février 2007 nouvelles du front

... ciation nouvelle créée, ces personnes ont finale- ment été prises en charge par l'Aspel, une asso- kiosque des articles de nos confrères qui méritent le détour ciation déjà connue pour avoir essuyé quelques déboires ces dernières années. Problème : l'Aspel ne pos- sédait pas assez de visas d'entrée en Arabie Saoudite -il y a des quotas pays par pays, mais certains pays ne les L’HABITAT À MAORE, DEUX VISIONS atteignant pas, c'est le cas du Kenya, des associations d'autres pays, comme l'Aspel, s'occupent de les récupérer, parfois au prix fort. Ainsi pendant cinq jours pour cer- AUX ANTIPODES L’UNE DE L’AUTRE tains, dix pour d'autres, il a fallu négocier à Nairobi pour PAR GÉRÔME GUITTEAU, MAYOTTE HEBDO les acheter. Leur obtention n'a pas marqué la fin des ennuis : il a ensuite fallu trouver une compagnie aérienne LA MAISON À MAYOTTE CONSTITUE LE le but d'aider les plus démunis, voilà sa Mahorais possèdent leur propre loge- pour acheminer les pèlerins à La Mecque, trouver l'argent DROIT D'ENTRÉE dans la vie sociale du mission”, rétorque Philippe Porte [Ndlr: ment. Je réponds que non, cela n'est pour la payer et, sur place, supporter des conditions d'hé- village. “Louer une maison dans son le directeur de la direction de pas une utopie puisque c'est possible”, bergement exécrables. propre village n'est pas envisageable. l'Equipement]. contrecarre Bacar Ali Boto, président Le maire de Mamoudzou, Hassani Abdallah, qui était de C'est être un étranger dans sa propre (...) Le locatif social apparaît comme de la Sim. “Un pays où l'Etat finance à ce voyage épique, en a profité pour soulever le débat dans famille”, décrivait lors d'un Conseil de une solution viable, raisonnable aux plus de 75% l'accession à la propriété, Mayotte Hebdo : "Ce n'est ni Dieu ni la religion qui sont l'habitat en 2005, Chihabouddine Ben yeux de l'administration. “La Sim freine c'est du jamais vu”, fustige Philippe à la source de ce problème, mais bien des associations et Youssouf, deuxième vice-président du des quatre fers. Nous le savons. Le pro- Porte. (...) Comme le dit souvent Bacar une mauvaise organisation." Voire une mauvaise… foi. Conseil général. “Lors du CDH [Ndlr : jet d'immeuble de ce type à Hamaha ne Ali Boto, Mayotte est différente de la Conseil de l’habitat], des élus nous sort pas de terre pour cette seule rai- France, mais est-ce à l'Etat de toujours Car selon un connaisseur du dossier, nul doute que cer- expliquaient que la tradition mahorai- son. A ce titre, je souhaite qu'une autre compenser financièrement les différen- tains associations profitent du pèlerinage pour remplir se oblige une jeune femme qui allait se structure, appuyée par le Conseil géné- ces culturelles, est-ce à l'Etat de tou- quelques caisses individuelles. "Elles font croire que le marier à avoir sa maison. Ils voulaient ral, prenne le relais de la Sim dans ces jours s'adapter alors que Mayotte récla- visa est payant. C'est faux, pour le pèlerinage, il est gra- que l'Etat aide à sa construction, mais constructions afin d'offrir une offre me haut et fort sa volonté d'être un tuit. Elles font payer des prix exorbitants pour l'héberge- ce n'est pas à l'Etat de financer les tra- plus diversifiée”, s'efforce de convainc- département français à part entière ? ment sur place, alors que les gens se trouvent dans des ditions mahoraises. C'est une histoire re [M. Porte]. “On nous dit que c'est taudis. Ce qu'il y a, c'est que ces associations, non seule- familiale d'ordre privé. L'Etat agit dans une utopie de vouloir que tous les GÉRÔME GUITTEAU ment font payer le prix fort aux pèlerins, mais en plus touchent des subventions du Conseil général. Où va tout cet argent ?" se demande-t-il. PAS FACILE, LA VIE DE RETRAITÉ , la Ma-mwé (société DE L'ARGENT JUSTEMENT PAR CHRISTIAN EVON, LE MAWANA nationale d’eau et d’électricité des Comores) semble en manquer, vu les nombreuses coupures actuelles. Des diffi- SEULE SA FILLE, TRAVAILLANT À PLEIN le regard fatigué. Il est handicapé et souffrance et de la lassitude. cultés tant financières qu'administratives expliquent cette TEMPS, EST OBLIGÉE de se lever tôt presque dépendant à 100%. (...) Souffrance parce que son vieux corps situation, qui a abouti au limogeage de l'ancien directeur pour effectuer toutes les tâches relati- Moilimou a eu des enfants, dont deux malade le fait souffrir ; lassitude car il Ahmed Djoumoi, qui a cédé sa place a un groupe de cinq ves à l'alimentation et à l'hygiène de son vivent en métropole et les autres sont ne peut comprendre qu'après avoir si personnes dont deux travaillaient déjà à la Mam-wé. Cette père avant de se rendre au travail. Des au pays, deux garçons dont l'un habite bien servi son pays, tout le monde lui a nouvelle équipe aura la lourde tâche de résoudre les mul- contraintes difficiles à gérer, mais M'tsangamouji. Ils travaillent tous et tourné le dos aujourd'hui. tiples et longues coupures subies ces dernières semaines Mdadzé ne peut pas y échapper, sou- chacun s'occupe de sa petite famille. Il (...) Sa fille, qui est à ses côtés et passe par les abonnés. "Nous voulons pour l'instant faire l'état cieuse de son père. Moilimou Mroivili vit fait partie des milliers de mahorais, régulièrement le voir pour lui apporter des lieux de la société. Il est important pour nous de seul dans sa maison mal adaptée comp- hommes et femmes, qui vivent sans à manger ou faire ses soins, l'écoute. savoir ce dont dispose la Ma-mwé aujourd'hui", indique te tenu de son état de santé et de rien, abandonnés de tous, comme si Elle aussi est révoltée par la situation. Said Ali Said Attoumane, un des membre du comité vieillesse. “Un beau jour, je suis tombé Mayotte les avait oubliés. (...) Dans les directeur de la plus faible, en termes financiers, des entre- et j'ai cru que j'allais mourir” lance-t-il, yeux du vieil homme, on peut lire de la CHRISTIAN EVON prises d'Etat. La nomination de cette équipe laisse des craintes chez les employés. A la Ma-mwé, on craint une augmentation des charges dans une entreprise qui frôle le chaos financier. "Le salaire de cinq directeurs pourrait LE KARTHALA EST-IL EXPLOITABLE ? servir à payer rien que de l'huile pour faire fonctionner la PAR AL-WATWAN société", déclare un agent. DE NOMBREUX PAYS DONT LA FRANCE de base. (…) L'exploitation géother- de la chaleur terrestre se trouve dans AUTRE SOUCI D'ORDRE PUBLIC : depuis plus d'une PARVIENNENT À CAPTER la chaleur de mique a aussi l'avantage de produire les couches cristallines, situées entre semaine, l'hôpital El Maarouf vit sans gaz médical. Une la croûte terrestre pour produire du peu de rejets. La quantité moyenne de 4.000 et 6.000 m de profondeur. L'eau pénurie ressentie durement dans les services du centre hospi- chauffage (température inférieure à CO2 émise dans l'atmosphère par les froide est injectée sous pression par des talier de référence. "On devait opérer mon enfant gravement 90°) ou de l'électricité (température centrales géothermo-électriques repré- forages profonds, dans un ensemble de malade, mais on nous a demandé de repartir car il n'y a pas entre 90° et 200°). Au niveau du sente 10% de l'émission d'une centrale fissures agrandies artificiellement. de gaz. L'enfant malade doit attendre jusqu'au jour où le gaz Karthala, les éruptions phréatiques au gaz naturel. L'eau ainsi injectée sera chauffée à viendra à l'hôpital si d'ici, il ne meurt pas", se plaint une démontrent la présence de l'eau à très Comment fonctionne une centrale géo- 200° par la chaleur de la terre et recon- mère impuissante devant la maladie de son enfant. Ce n'est haute température dans les profon- thermique ? La technique hydrother- duite en surface par d'autres forages. pas seulement les opérations qui sont bloquées. Certaines deurs du volcan. Les experts pensent mique est utilisée à des profondeurs qui Une turbine à vapeur produisant de l'é- radiographies sont aussi interrompues à cause de ce manque. trouver une source alimentée en per- varient entre 500 et 1500. Cette tech- lectricité et fournissant également de "Ce n'est pas un problème financier. Nous avons payé mais le manence, capable de produire l'électri- nique consiste à amener à la surface la chaleur à un réseau de distribution fournisseur ne nous a pas livrés. La défaillance vient de lui", cité. La Chine à la demande du vice- par pompage de l'eau chaude d'une de chauffage, fonctionne grâce à cette président Idi Nadhoim, accepte de nappe phréatique profonde puis à la chaleur réinjectée. se décharge Said Abdallah, l'un des membres du comité financer les études de faisabilité de ce retourner à celle-ci par un second fora- De telles installations sont en fonction. directeur de l'hôpital. Les longues coupures d'eau qui ont grand projet. ge après avoir prélevé de la chaleur. La La production mondiale d'électricité frappé Moroni ces dernières semaines ont aussi durement L'hypothèse de départ est simple. La présence de l'eau chaude dans les nap- par géothermie en 2000 a été de l'ordre frappé l'hôpital. Les réserves achetées par camion subvien- chaleur emmagasinée par la croûte ter- pes comoriennes, ne nécessite pas une de 49 TWh, soit au troisième rang de la nent tout juste aux besoins essentiels. Face à ces problèmes, restre présente en quantité considéra- injection d'eau froide, mais un pompa- production d'énergie renouvelable le Syndicat du personnel médical menace de lancer un appel ble, gratuite, renouvelable avec une ge. après l'hydraulique et la biomasse. à la grève illimitée. régularité de mise en œuvre qui la des- Un autre procédé appelé Hot-Dry-Rock LA RÉDACTION tine particulièrement à la production démontre que la troisième valorisation AL-WATWAN Electricité Maintenance Climatisation OWER Energie et conversion d’énergie LECTRIC, SGTE P CHNEIDER E Energies nouvelles et renouvelables AGENT SDMO, S Formation professionnelle et technique

MINI ZONE MAVOUNA, BP 1331 MORONI, COMORES - TEL : (269) 73 09 51 /13 84 - FAX : 73 51 15 - e.mail : [email protected]

kashkazi 60 février 2007 15 gros plan en lettres capitales [1]

MORONI à l’étroit dans son costume de village Pour assuMer son rôle de capitale, la vieille cité

devra accepter ses la cabine téléphonique et les indique Aboubacar Miradj, qui dirige à présent joueurs de domino, le tombeau de l'école. nouveaux venus en tant que ENTRE Bin Cheikh Fazul veille sur le Aujourd'hui, avec ses quelques maisons "histo- quartier Ribatu, et sur les enfants riques" construites autour du rond-point, partie intégrante d'elle-MêMe. qui se succèdent dans son école coranique. La "Caltex, c'est comme la capitale", lance Yasser, concession du fundi, voisine des terres de gran- un collégien du coin. Capitale d'une série de Et obliger les habitants de ses des familles moroniennes aujourd'hui louées quartiers aux noms changeants : "Mayotte, le aux habitants de cases de tôle, a accueilli plu- quartier des étrangers et des chercheurs de sieurs générations d'hommes venus pour maisons, on l'appelle comme ça parce qu'il y a différents quartiers Menant apprendre, dont la vie à fini par se faire à les belles filles, les Malgaches et les Moroni. Parmi eux, l'oncle de Said Islam, "petit Anjouanaises, mais le vrai nom, c'est une vie parallèle à partager broussard" devenu notable de la ville. "Je suis Drindrini." Majaju et son tas d'ordures, "mais né à l'extrême sud de Ngazidja, à ", c'est devenu Majiju (1) depuis que Fakri a fait un destin coMMun. raconte Said Islam. "Mon oncle avait quitté installer l'eau, juste avant les élections". notre village à l'âge de 12 ans, tout seul, pour Ribatu, Asgaraly… La route qui relie le stade s'instruire. Il a débarqué au hasard à Moroni et au rond-point de Caltex est devenue le centre à l'entrée, il a entendu des élèves qui lisaient le névralgique d'un certain Moroni, le Moroni qui En route pour Moroni, Coran. Il est devenu un élève et un enfant de la s'endort tard ; où les gamins désoeuvrés trou- maison, et il a eu une formation très poussée vent à s'occuper autour des baby-foot et dans première étape de notre sur le plan religieux." les cabanes surchauffées autour d'un film tour des capitales des îles A l'époque, il n'y avait que l'école coranique sur indien ou porno ; où l'épicier crée un attroupe- l'étendue de cailloux noirs qui voit pousser les ment par le seul fait d'allumer sa télé ; où des de l’archipel. quartiers au fur et à mesure que débarquent des hommes des quartiers "comme il faut" se réfu- Comoriens de Ngazidja, de Ndzuani et de gient auprès de jeunes filles en quête d'argent (le mois prochain : Mutsamudu) Mwali. "Quand je suis arrivé ici il y a plus de pour leur loyer, leur écolage ou leur 30 ans, il y avait à Caltex juste la station qui téléphone… "On vient boire ici parce vendait de l'essence et faisait de la mécanique", qu'on peut se cacher, à l'abri des ...

16 kashkazi 60 février 2007 en lettres capitales gros plan ... regards et du poids de la société", les voit vivre ? Car tous sont sommés de choi- confie le client d'un obscur débit sir. Quel que soit leur engagement dans la vie d'alcool en s'éloignant dans les ruel- économique et sociale de la localité, les yeux les tortueuses, éclairées seulement par les lam- resteront rivés sur le lieu où ils s'acquitteront pes furtives des passants. "Les gens viennent de leurs devoirs coutumiers… et injecteront se saouler ici et réveillent nos mères en tapant l'argent correspondant à chacune des étapes de sur les maisons", se plaignent d'ailleurs des leur parcours traditionnel. La préférence sou- jeunes de Majaju. vent donnée au village où ils ont beaucoup moins à prouver pour exister, sert d'argument UN MORONI dont la tôle laisse chaque matin aux réticences de certains "vrais" Moroniens échapper des centaines d'élèves, d'étudiants et qui préfèreraient voir le cercle des citoyens à de travailleurs : petits vendeurs ou artisans, part entière de la ville ne pas trop s'élargir. mais aussi jeunes journalistes et enseignants Les hommes qui comme Said Islam, ont qua- dont la modestie des salaires ne permet pas de siment réussi à faire oublier qu'ils n'étaient se loger ailleurs. Un Moroni qui n'appartient "pas d'ici", font dire cependant que "Moroni pas à ses habitants, tributaires années après est ouverte". "Je n'ai jamais vécu de années du bon vouloir des familles qui louent remarques sur mon origine", plaide l'ancien chaque miette de leur vaste parcelle : "On n'a gendarme. "C'est très rare, surtout à l'époque pas de place publique", se plaignent des jeu- où nous vivons. Tout le monde est presque nes. "On a voulu en faire une, mais on n'a pas égal." Pour l'ancien préfet Issihaka l'autorisation. Ce n'est pas à nous. On a commencé à Moroni a toujours absorbé des gens qu’elle considère construire un “ banc mais c'est comme des égaux parce qu’ils ont un certain niveau de vie.” une propriété pri- ISSIHAKA ABDOURAZAK vée…" "On est venus du Badjini pour travailler, on paie 10.000 fc par mois, Abdourazak, "on peut trouver un équilibre car mais le propriétaire vient sans cesse nous contrairement à Mutsamudu, ceux qui se dis- menacer. Il y a un problème de terre", ajoute ent de Moroni viennent tous du fond de la une mère de famille en désignant du menton Grande-Comore. Mon grand-père vient de un coin où "les maisons viennent d'être virées Hambu, ma grand-mère de Dimani. Nous par le propriétaire". sommes nés à Moroni, mais issus de l'inté- Un Moroni pour les habitants duquel Jaffar El rieur. On a le même comportement, les mêmes Macelie, ancien maire et futur candidat aux traditions. Le Moronien qui a fait le Grand élections municipales, aimerait établir des car- mariage est considéré sur un pied d'égalité tes de résident : "S'ils sont là mais n'exercent avec le monsieur qui l'a fait à Combani". aucune activité, il ne faut pas hésiter à refuser que ces gens restent, ce serait d'ailleurs leur "MORONI A TOUJOURS absorbé des gens rendre service que de les obliger à chercher qu'elle considère comme des égaux parce un emploi." L'oisiveté d'un certain nombre de qu'ils ont un certain niveau de vie ou vien- membres des grandes familles possédantes, nent de grandes familles", rappelle aussi qui vivent des rentes procurées par la location Aboubacar Said Salim (1). "Autrefois, on les de ces quartiers de tôle, n'est en revanche pas surnommait tout de même avec le nom de considérée comme gênante… leur ville. Et puis, il y avait tous ceux qu'on Mais revenons à Said Islam, notre petit brous- n'absorbait pas, les domestiques. sard devenu grand notable. Quand il est arrivé C'étaient eux pourtant qui faisaient après trois jours de route à pied et sur les épau- que Moroni se sentait grande, eux ... les de son oncle, il n'avait que sept ans et ce A la sortie de la prière du vendredi, à Badjanani. (SOEUF ELBADAWI) Moroni nouveau n'existait pas. Fin stratège, son oncle l'a scolarisé à Badjanani, le quartier où, aujourd'hui encore, la place publique est sacrée. "C'est le prestige, le grand Moroni", confie Nasrat Mohamed Issa, une jeune femme originaire de la médina où elle n'a Moroni Sanfil, l'autre ville en gestation jamais vécu. "Quand on organise quelque chose sur cette place, on est vraiment de cette quartier dit-on sans histoi- liées à la vieille médina y ont laissé de rue et les filles de joie. Sanfil a tou- nouissement du citoyen qui y réside. A ville." Le petit garçon découvre alors "la médi- UN res. Situé au nord de la une réelle trace dans le passé. Parmi jours été le quartier des boîtes de nuit quoi ressemble Sanfil en réalité ? A un na interdite aux étrangers, aux enfants nus qui vieille cité. Peu intégré aux mœurs eux, Fundi Soulé, le père de l'actuel et de la restauration par excellence. La monde dont l'avenir est en suspens et courent dans les ruelles" décrite par d'une ville aux assises complexes de "président" de Ngazidja, à qui appar- Rose noire, La Falène, la Grillade, les dont le paysage est complètement défi- Aboubacar Saïd Salim (2). "J'étais comme bangwe plus ou moins élaborées afin tenait une bonne partie des terres bals du Rotary Club et plus récemment guré. Avec des habitants qui ne se sou- quelqu'un qui quitte ici pour arriver à Paris", de gérer la cohésion sociale par le revendues depuis à la population acti- encore le Paradis des îles… cient guère d’être moroniens, qui se jet- se souvient Said Islam. "Je n'étais pas telle- biais de notre vieux système de dons ve de la ville, quelle que soit l'origine Quartier ouvert à toutes les influences, tent des anathèmes à la gueule au jour ment libre pour aller avec les jeunes citadins, et de contre-dons. Nde anda na mila. de celle-ci. peuplé par des gens venus de tous hori- le jour, un chef de quartier sans cesse qui étaient habitués à une vie plus aisée. Dans Ce que l'on nomme aujourd'hui la brousse, on mangeait un seul repas par comme étant le grand Sanfil est né au C'EST UN ARTISANAT du rêve qui jour, on portait un petit pagne… Au départ, départ sur une terre de feu, où seule fit le bonheur des riverains de cette A quoi ressemble Sanfil en réalité ? A un monde tout petit broussard se sent plus ou moins frus- l'administration coloniale pouvait partie de la capitale toujours en dont l’avenir est mis en suspens... tré, et puis, je me suis adapté." En faisant par- miser un kopeck dans les années cin- reconstruction. Un artisanat de la dis- tie de la trentaine de jeunes sélectionnés dans quante ou soixante. C'est elle qui y a traction, pour ainsi dire, qui s'est l'archipel au concours d'entrée en 7e, il rejoint implanté une centrale des postes et appuyé dès le départ sur l'existence en zons, issus de toutes les classes socia- remis en cause, des groupes associatifs le cercle alors très réduit des futurs cadres télécommunications, qui a donné son cet endroit d'une communauté mal les, Sanfil annonce ce qui pourrait plus ou moins soucieux du bien com- comoriens. Mais cela ne suffira pas à lui nom au quartier. C'est elle qui y a organisée d'individus happés par le advenir de Moroni demain si des mun, une jeunesse à l'imaginaire mena- ouvrir les portes de la notabilité moronienne. installé le siège de la compagnie d'eau rêve d'une grande ville. L'exil rural fai- esprits éclairés n'arrivaient pas à lui çant, des maisons refermées sur elles- "Quand j'ai commencé à travailler dans la et d'électricité, des installations de l'a- sait alors son apparition dans le paysa- redonner un nouveau souffle de vie. Un mêmes, des destins d'hommes mis aux gendarmerie, mon oncle m'a conseillé de faire viation civile, un ou deux logements ge. L'aventure a d'abord commencé bordel organisé à ciel ouvert, ne répon- enchères. Sanfil détient pourtant une mon Grand mariage à Moroni comme lui- administratifs. Des fragments de vie par la création du cinéma Al-Kamar dant à aucune autorité morale ou poli- part importante du capital économique même l'avait fait. Puis comme chaque fois que qui n'annonçaient que trop peu la que viendra rejoindre l'Alliance fran- tique, ne se soumettant à aucune règle de la ville. Avec son grand marché de je foutais les pieds chez moi, on me stigmati- configuration actuelle d'un site surpeu- çaise. Lieux de diffusion de la culture d'urbanisation digne de ce nom, abri- Volo Volo notamment. Mais qui s'y sait, j'ai fait un second Grand mariage à plé, délimité en six sous-quartiers contemporaine restés incontournables tant des individus aux destins souvent penche vraiment ? Ses habitants sem- Mohoro." (Sanfil ya djuu/ Sanfil y mbwani/ jusqu'alors dans l'histoire de la ville. opposés. Avec le risque d'une commu- blent dépassés par son trop-plein de Ce double accomplissement a permis à Said Hankunu 1/ Hankunu 2/ Al- Le théâtre et la danse y trouveront un nauté éclatée où l'égoïsme des uns riva- vie. Et le fossé continue à se creuser Islam de résoudre un dilemne qui déchire bien Kamar/Oasis) continuant à s'étendre point de chute. La diffusion de la litté- liserait avec le malheur des autres, sans avec le monde alentour. des habitants de Moroni : à qui appartenir ? Au de manière quasi spontanée. Un site rature aussi. Puis il y le Coelacanthe, le aucune possibilité de redéfinir les village qui les a vus naître ou à la capitale qui sur lequel seuls quelques personnalités Tennis Club, les ventes de brochettes enjeux communs et nécessaires à l'épa- SOEUF ELBADAWI

kashkazi 60 février 2007 17 gros plan en lettres capitales

... qui en parlaient en bien quand ils ren- Moroni, il n'aura pas la contribution des gens." n'est pas possible que ces structures travaillent pre, de l'organiser et d'y faire participer les aut- traient au village. Aujourd'hui, Conforme au fonctionnement traditionnel des car il y a trop de mélanges. Le Moroni tradi- res." On est loin de l'optique de Soeuf Elbadawi, Moroni a perdu son identité car la villages, le raisonnement devient paradoxal quand tionnel, ce n'est pas plus de 30% des gens. On auteur d'une réflexion sur la ville sous forme d'un structure qui absorbait les gens de l'extérieur il s'applique à une capitale qui accueille des ne peut pas se soucier de ces considérations film et du livre Moroni Blues Chap.II, pour qui il n'existe plus. On a des lieux qui se font dans le Comoriens de toutes les régions de l'archipel… et coutumières parce qu'à Moroni, il y a tout le faudrait "casser toutes ces places publiques" et en chaos, des gens qui ne connaissent pas la cité ne serait pas, sans eux, une capitale. "Au fond, les monde." "Chaque quartier se vit comme une avoir une seule, pour tout le monde (lire son texte mais se considèrent comme de Moroni, un Comoriens rassemblés, on les trouve à ville dans la ville", analyse aussi Soilihi en page suivante). Moroni parallèle à l'ancien." Mamoudzou, et à Moroni", souligne Soilihi Mohamed Soilihi. "On n'est pas dans une Car la philosophie dans laquelle sont élabo- Tandis que les quartiers de tôle grossissent dans Mohamed Soilihi, membre de la délégation nom- dynamique d'ensemble. Moroni se vit toujours rées les propositions d'organisation communa- l'anarchie, les citoyens du vieux Moroni désertent mée provisoirement à la tête de la commune. comme un village coutumier." Un village qui le et leurs "conseils d'arrondissements" ne va leurs maisons familiales transmises de mère en "Moroni capitale, c'est le résultat de 40 ans d'his- ignore donc tout un pan de sa propre réalité. en rien contre l'éclatement des communautés fille, pour s'installer en périphérie aux côtés des toire. Mais le mental n'est pas nécessairement allé de quartier. Le projet d'agglomération urbaine "nouveaux Moroniens". Les bangwe restent avec car il n'y a jamais eu de volonté de construi- EN RÉPONSE à cette problématique, les cadres non plus, qui a vu l'adhésion des villages de cependant le théâtre de l'appartenance et du pou- re une capitale. On a seulement construit des bâti- qui réfléchissent à la constitution de la commune Mde et Mavinguni approuvées à l'applaudi- ments administratifs." ont tendance à dissocier les fonctions coutumiè- mètre il y a un mois et demi. "Ce projet chan- La question devient aigue au res de l'administration. C'est le cas de l'ancien ge toute la donne de Moroni", explique Soilihi “On n’est pas dans une dynamique d’ensemble. moment où la mise en place des maire comme de la nouvelle équipe de transition. Mohamed Soilihi. "A l'heure actuelle, Moroni se vit toujours comme un village coutumier.” communes pose les problèmes de "Le Moroni administratif peut évoluer alors que Mboueni est dans la périphérie et se vit SOILIH MOHAMED SOILIH l'identité urbaine et de l'exercice le traditionnel est figé", estime Jaffar El Macelie. comme un quartier marginalisé. S'il y a partagé des responsabilités. Elle ne "La notabilité est une machine lourde à traîner et agglomération, il se trouvera dans le centre- concerne pas seulement le rapport elle résiste au changement." Pour Said Islam, les ville." Un raisonnement qui ne supprime pas voir citadins, le cordon qui relie ces habitants de entre le vieux centre et les "quartiers périphé- choses pourront évoluer "quand ma génération le phénomène de centre et de périphérie, mais la périphérie à leurs chères origines et les distin- riques", mais également les cinq quartiers histo- aura disparu". "Moroni n'est pas une capitale le déplace seulement. La logique de village est guent du reste de la ville. Un théâtre de façade : riques de la médina, crispés chacun sur des bribes car on se penche sur des choses plus ou moins elle aussi conservée : plutôt que d'affronter le derrière les places de Badjanani et de M'tsangani du passé qui s'effacent aussi difficilement qu'elles futiles", râle-t-il. "On passe tout son temps à dis- problème épineux des rapports entre les diffé- pavées de neuf à grand frais, la médina s'écroule. ne se disent tout haut : les uns se replient sur leur cuter de traditions et de coutumes." rents quartiers, on les met tous dans une mar- Les hiérarchies soigneusement entretenues sur vieil orgueil de noblesse, les autres sur leur fierté Ce n'est cependant pas la perte de vitesse de la mite plus grande sans les secouer de l'inté- ces places expliquent cependant que malgré le bafouée d'anciens esclaves, sentiments que les notabilité qui comblera le vide de l'identité per- rieur. Peut-on transcender le repli communau- mélange de plus en plus fort entre les cadres jeunes tendent à prolonger dans des rivalités sté- due de Moroni. Une identité que voudrait recréer taire tout en conservant les frontières qui le anciens et nouveaux moroniens, l'égalité reste riles. L'inexistence de projets communs et la la mairie provisoire en organisant la semaine du définissent ? Difficile en tous cas d'imaginer toute relative quand il s'agit de gérer les affaires dispersion des énergies en témoignent, sans par- 16 mars un festival municipal intitulé "Moroni, la naissance d'une nouvelle identité moronien- de la cité. "On ne devrait pas raisonner en ces ler des histoires personnelles et des mariages ville d'intégration". Plus qu'une réflexion profon- ne si on n'imagine pas pour la cité des lieux de + LOIN termes, mais quelqu'un qui a fait toute sa vie ici, interdits. Bien au-delà de savoir qui vote et qui de sur ce qui peut rassembler les habitants de la rencontre plus larges qu'un conseil municipal. A lire : Moroni a travaillé, a construit, n'est pas considéré peut être élu maire, il s'agit donc de construire un ville, il s'agit de proposer aux associations un Blues, chap. II, comme d'ici", explique Nasrat Mohamed Issa. destin ouvert à tous, y compris ceux qui conser- moment festif propice aux échanges. "On s'est LISA GIACHINO Soeuf Elbadawi, "Pour être maire, il faut être né à Moroni. Pour vent leurs attaches dans leur village. rendu compte que les responsables associatifs ne éd. Bilk & Soul moi, c'est important, c'est des trucs de qu'on nous "Dans les villages, les structures traditionnel- se connaissaient pas entre eux", souligne Soilihi (1) Majaju signifie décharge et maji, eau. (en librairies ou le commander à : a inculqués et qui continuent à faire leur petit les ont une certaine influence sur la gestion", Mohamed Soilihi. "On a demandé à chaque (2) Citations tirées du film de Soeuf Elbadawi et Ahmed [email protected]) chemin dans les quartiers… S'il n'est pas né à remarque Issihaka Abdourazak. "A Moroni, ce association de proposer un projet qui lui est pro- Jaffar : Moroni Undroni Mndroni. Mma L'Assuranci, la poissonnière devenue reine Enfant adoptive d'une grande dame de la ville, cette vendeuse de poisson est devenue l'animatrice des cérémonies de mariage.

m'a demandé le nom de l'enfant, j'ai dit : de ses garçons jusqu'au bac -après des arrivé, mais aussi de coordonner toutes Assurance. J'avais 13 ans." études en France, l'un deviendra dentis- les transactions financières. Ce n'est pas A l'époque, la jeune fille connaît déjà par te, l'autre ingénieur. Véritable prouesse, facile de parler pendant des heures et cœur le réseau des familles de la médina. pour ne pas dire revanche, pour cette d'avoir la responsabilité de 15 millions." "Les gens de l'âge de mon père, tous les ancienne enfant de maison qui s'est lan- Son monopole défendu bec et ongles lui vieux qui allaient au marché, me don- cée dans le commerce et les voyages vaut de sérieuses animosités, et ses origi- naient un litre de lait que je devais aller vers Dubaï, Nairobi et Maurice, a cons- nes roturières une certaine condescen- déposer dans leur maison", explique-t- truit sa maison et marié plusieurs de ses dance. "Elle est comme moi, une femme elle. "Ces nobles me connaissaient enfants à des familles "respectables" de intègre qui a su s'imposer", commente depuis que j'étais gamine et ils m'ai- maient bien." Peu à peu, Mma L'Assuranci crée sa petite activité en “Quand on m’a demandé le nom de l’enfant, j’ai dit : exploitant sa fine connaissance des habi- tudes citadines et des règles de vie de la Assurance. J’avais 13 ans.” MA L’ASSURANCI bourgeoisie. "Il n'y avait pas encore Volovolo, seulement le petit marché. Les hommes des grandes familles avaient la ville. Mais sa carrière moronienne ne Said Islam. "Malgré tout, il lui manque peur d'être vus au marché, et les femmes faisait que commencer. "J'ai laissé tom- un peu de savoir-vivre. Elle s'est formée ne pouvaient pas y aller. Ceux qui en ber le poisson il y a 20 ans, quand j'ai sur le tas et parfois elle dérape un peu… avaient une venaient en voiture. Je me commencé à m'intégrer au milieu des Une mère fait le Grand mariage de sa déplaçais vers eux et je leur demandais mashukuli à Moroni", explique-t-elle en fille, elle l'invite à animer et là, elle glisse ce qu'ils voulaient. Sinon, j'allais dans refusant de dire qu'une vendeuse de quelques mots vexatoires !" "C'est une les maisons pour demander de quoi ils poisson risquait de faire tache au milieu dame qui a un peu une grande gueule", avaient besoin." des réceptions de mariage. "C'était un lance Nasrat Mohamed Issa. "Elle n'est après-midi, dans une ruelle Elle débute dans le Moroni des années A 28 ans, la jeune mère de famille se métier digne, qui m'a donné beaucoup pas d'ici mais elle s'est intégrée. Les gens UN de Mtsangani. Bwibwi noué 50 où grandit cette petite fille venue du spécialise dans la vente de poisson, au de valeur et m'a rendue fière puisque j'ai ne voient pas ça d'un bon œil, ils se dis- sous le menton, les dames de la bonne Bambao, adoptée par une grande dame marché et auprès de fidèles clients. "Je pu soutenir les mariages et les études de ent : "D'autres devraient faire ça à sa société attendent le début d'une cérémo- de Moroni qui la marie à 12 ans. On ne connaissais des pêcheurs dans tous les mes enfants." place."" Critiques auxquelles répond, nie coutumière. Assise à l'écart, royale et saura rien ou presque du mari, un maçon villages. Lorsque mes fournisseurs A force d'habileté et de compilation imperturbable, Mma L'Assuranci : "Que indifférente, Mma L'Assuranci trône sur -"les hommes n'avaient aucune utilité". m'apportaient de grandes quantités, je mentale des données sur les familles, la voulez-vous, la vie est ainsi faite. Vous sa chaise, chapeau de paille sur la tête et L'enfant mise au monde un an plus tard servais d'abord mes clients, puis je ven- commerçante est devenue le personnage êtes dix, l'un est brillant, c'est normal que lunettes noires sur le nez. Ce n'est pas donnera à sa mère son nom de vedette… dais le reste en gros aux commerçants du incontournable des cérémonies coutu- les autres soient jaloux. Moi, je n'ai pas parce qu'elle s'est "imposée devant toutes "C'était une période noire d'ignorance marché. Si les clients ne venaient pas mières, le griot par excellence, intarissa- de complexe. La ville a une histoire, mais les petites snobs de Moroni", comme le où il n'y avait que cinq ou dix personnes chez moi, j'allais chez eux." ble d'éloges sur ceux qui savent lui être ce sont vos actes qui font que vous en fai- dit un habitant de Badjanani, que ses qui avaient une voiture", se souvient- L'affaire a si bien marché que 10 ans plus reconnaissants… et légèrement moins tes partie ou pas. J'ai grandit ici, j'ai relations avec celles-ci sont simples. elle. "Il y avait un colon, Aubert, qui tard, Mma L'Assuranci rendait son sur les autres. "Ma mission est de retra- construit ici. Ici c'est ma ville. Il n'y a pas "L'histoire de Mma L'Assuranci, c'est avait une assurance et invitait les gens à tablier après avoir organisé le Grand cer l'origine de la famille, des hommes à s'étonner si j'en suis là maintenant." pas une histoire facile", prévient-elle. s'y inscrire. Le mot m'a plus. Quand on mariage pour ses trois filles, poussé deux qui l'ont composée, de tout ce qui lui est LG

18 kashkazi 60 février 2007 en lettres capitales gros plan

capitaleMORONI de mes enfances

Le journaliste le dire autrement, volcan si proche, mille fois mau- habitants, mépris affiché des uns sur les autres, lignées prestigieuses, on en oublie le projet d'une + LOIN dit par nos saints en prière sur l'étendue du Bandari. querelles de pouvoir entre notables et administra- cité radieuse capable de transcender son quotidien, Soeud Elbadawi Moroni sentait bon le conformisme à l'époque. Mais teurs à visage étatique, absence de réflexion sur l'u- afin de mieux se réapproprier le monde alentour. propose une et écrivain Soeuf c'était aussi un temps exquis où l'insouciance se topie réelle d'une ville nouvelle, se refusant à la Certes, cette ville se retrouve sur un bout d'archipel conférence sur conjuguait paradoxalement avec la loi du plus fort. fois au communautarisme des villages et à l'urba- en crise. Mais n'oublions pas que nous écrivons nos Moroni vendredi 2 Elbadawi évoque Le colon veillait dans son bel uniforme étoilé, même nisation sauvage des capitales modernes de vies en présence du monde. Moroni, qu'on le veuille février à TV/CASM. si le chef-lieu du pays pouvait bruire de toutes ses l'Afrique longtemps sous tutelle pour se projeter ou non, fait partie de l'histoire du monde en marche. Avec l'écrivain sa ville, entre lumières sans que la chicotte ne vienne semer une dans un ailleurs possible. A nous de savoir lui offrir une autre destinée sur un Aboubacar Saïd once de trouble dans les consciences. Moroni pou- plateau. Celle d'un lieu ouvert à l'Autre et prêt à l'é- Salim. amour démesuré vait rire et danser, tout en se sachant sous cage pour L'HEURE est sans doute venue de déconstruire les change me semble la plus intéressante pour le futur longtemps. héritages pesants et de redessiner l'imaginaire d'une de nos enfants. et critique acerbe. cité au regard toujours porté sur le large. Moroni est MORONI, ma ville, ma terre, ma mère. Moroni de une ville d'avenir. Mais ses habitants le savent-ils ? SOEUF ELBADAWI ma nostalgie opaque. Moroni de mes enfances per- A trop se prendre au sérieux dans la futilité des Auteur de "Moroni Blues/ Chap. II" dues. Que l'on pardonne mes digressions. Je chemi- débats de quartiers et des fantasmes de clans aux aux éditions Bilk & Soul. La mosquée du ne volontiers hors champs et mes souvenirs enfouis Vendredi, vue depuis le port bourg de quelques dans le lointain s'étirent le long d'une route d'égout, aux boutres. UN PETIT milliers d'habitants, qui va de Badjanani jusqu'au Kobeya, route à moi- (SOEUF ELBADAWI) qui, aujourd'hui, se donne des airs de grande cité tié souterraine, que j'empruntais jadis pour faire l'é- polluée, étouffante, capricieuse, sans en avoir les cole coranique buissonnière. Qui n'a point vécu à moyens. Je pense à Pessoa, notre cousin portugais. Moroni sous le soleil hagard des années 70 n'y verra Il disait qu'on ne connaît vraiment une ville que lors- que des mots dans mon dire. Je trace en effet les qu'on peut s'y perdre. De Moroni, où j'ai pris pied il contours intimes d'une passion folle pour une vie qui y a plus de trente six ans, en déboulant du ventre n'est plus. Dans une ville qui s'épuise de nos jours à maternel la tête en avant, je ne connais que des frag- épouser des combats d'arrière-gardes où les pre- ments de vie. J'arrive donc à m'y perdre sans trop de miers arrivés se pensent meilleurs que les autres. peine. La réalité, il est vrai, y mue à une telle vites- Une ville menacée de régression car incapable de se se que je me laisse à chaque fois surprendre par les projeter dans un imaginaire postcolonial, où les humeurs figées des riverains de ce port aux boutres rêves subis ne feront plus écho aux fantômes de la "mal fagotés". balkanisation et de la défragmentation du tissu social. MORONI, légende trouble des derniers temps d'ob- scurité dans l'Archipel, université à ciel ouvert pour est un de mes lieux de nombreux jeunes comoriens à l'époque des rêves MORONI intimes. Un lieu d'écri- de grand soir. Moroni, devenue vilaine et soumise ture. Mon "lieu fœtal" s'empresserait dire mon ami en ces temps d'incertitude et de cendres volcaniques. K-To en s'esclaffant sur les plages de Mitsamihuli. Moroni, ma princesse aux pieds pauvres, qui conti- Ne m'en voulez donc pas si mes images vous sem- nue, vaille que vaille, à jouer des partitions de twa- blent parfois repliées sur elles-mêmes. Elles respi- rab les jours de "grand mariage" à coup de pounds rent sciemment l'odeur du passé, l'odeur des filia- anglais et de violons mal accordés. Dieu ! Mes chers tions perdues, des cadavres du cimetière de Mshe oncles ! Dites-moi si je ne me trompe… Qui ne Auber ou de celui du vieux marché derrière la poste, regrette parmi nous ce temps où le vieux coquin pour mieux s'en affranchir. Moroni en légende m'at- d'Abra et ses complices de l'Asmumo nous expri- triste en réalité. Moroni "d'une bourgeoisie d'attar- maient la fierté d'une médina aux murs rapiécés sur dés" comme l'écrit le poète Saïndoune Ben Ali. des airs zanzibari à moitiés retournés ? Cette histoi- Moroni "des minarets de l'orgueil" précise-t-il dans re n'a plus de visage - et je le sais. le poème encore. Moroni disputée par ses enfants, ses esclaves et ses broussards est un leurre. Un cau- PERSONNE de toutes manières ne sait raconter les chemar. Un spectre de haine séculaire contre lequel folies d'une vieille cité aux amours frustrés désor- nous devons nous prémunir. Les logiques "fati- mais. Tout comme personne ne saurait vous racon- guées" du passé insulaire ne doivent nous servir que ter en détail cette nuit de Dawedju, où je remontais d'épouvantail, afin de mieux construire l'avenir de le long d'une allée remplie d'hommes chez les nos enfants. Penser et repenser/ inventer et réinven- Wadaane, pleurant tout mon soûl dans mon beau ter le mythe des premiers habitants. L'histoire de costume rouge à fines rayures, les poches gonflées - cette famille (Mwazema et no wana) en quête de par je ne sais quel miracle- de miswala à cinq mille mieux-être, fuyant le Dimani, traversant [billets que l'on enviait tant aux "droites lignées"], à Fumbudzivuni à la hâte, pour venir fonder une cité la recherche d'une odeur mienne, pendant que d'espérance au chant du coq face à la baie du l'Asmumo, à moins que ce ne fut l'Aouladil'Komor, Kalawe, là où se tient la vieille mosquée, défaite et je n'avais que quatre ans après tout, pendant que refaite, de Hatwibu Ibrahim depuis 1776 ans. l'une ou l'autre formation -j'allais dire- terminait son bashraf d'ouverture. Des notes cristallines de ud' A MORONI, j'ai appris très tôt à embrasser le entraînant l'orchestre sur les pas excités des familles, monde. A Moroni, je reviens après plus de quinze amis et marieurs aux dents repues, tous porteurs du ans de vie en terre étrangère. Et voilà que j'ap- prestige d'une ville où l'on savait faire la noce à prends que cette terre-mienne se retranche de plus grands frais et croquer la vie du bon côté. en plus dans des quartiers de solitude improvisée à la hâte par une élite sans perspectives. Comme le PERSONNE ne saura vous conter ces histoires d'un pays, Moroni se déchire et se montre incapable de autre monde. Avec les mots d'hier et la truculence tisser un ailleurs d'existence, engluée qu'elle est qui leur sied. Moroni a tellement changé depuis ce dans des schémas qui ne répondent plus au vécu temps que nul ne se souviendra de la première note actuel du Comorien. Moroni et ses quartiers se pré- de ce récital éclairé où la ville dans son ensemble parent à complexifier le casse-tête chinois d'un Etat semblait totalement apaisée, au point de croire que voué à la régression et à la division. Arrogance de jamais elle ne tomberait sous les eaux sulfureuses de certaines familles installées là depuis plus d'une la "montagne en érection", du Karthala en rut pour génération, fierté mal placée de certains nouveaux

kashkazi 60 février 2007 19 décryptage réseaux Les réseaux troubles qui brouillent la diplomatie française

Alors que les Comores replongent dans une nouvelle crise institutionnelle, l’ambassadeur français dément les accusations de déstabilisation véhiculées par des tracts. Mais qu’en est-il des réseaux ?

de la France sont malmenés Des textes dont la violence des propos "des propos publics ont été tenus, sem- 1998 a-t-il laissé les éléments d'un réseau qui aux Comores", regrettait menaçant de mort certains diplomates blant accréditer ces mensonges et contre- continue à opérer actuellement sur l'île ? "LES INTÉRÊTS Brigitte Girardin, la minist- français a provoqué la réaction du repré- vérités véhiculés par ces libelles" fait Selon un responsable anjouanais qui a re française de la Coopération et du Co- sentant de la France, Christian Job. "J'ai remarquer le diplomate. Difficile en effet souhaité conserver l'anonymat, "deux développement, lors de sa récente visite eu à réagir auprès des autorités parce ces de séjourner à Ndzuani sans tomber sur hommes jouent un rôle important dans les aux Comores lire Kashkazi n°58). Cette tracts portaient des menaces sur mes col- des discussions au sujet d'une prétendue affaires anjouanaises et sont influents déclaration intervient alors que circulent laborateurs, des Français et les intérêts connivence entre le pouvoir anjouanais et auprès des responsables de cette île. Le dans le pays des tracts visant directement français aux Comores" indique l'ambassa- des réseaux politiques français. Si l’on ne premier, un certain Pech, reconverti dans Ci-dessous, le personnel diplomatique français à deur de France à Moroni. Cette résurgen- peut s'empêcher d’y voir une part des fan- les affaires à Mayotte et à la Réunion, est une manifesta- Moroni, soupçonné de tirer les ficelles à ce du sentiment de rejet de la France est tasmes des Comoriens, qui aiment à voir un général de l'armée française à la tion contre la politique de la Ndzuani pour déstabiliser les Comores. d'autant plus inquiétante selon lui, que un peu partout la main invisible de la retraite. Une personnalité influente qui a France à la fin France dans les affaires politiques de leur ses entrées à l'Elysée". Bien introduit dans des années 1970, pays, les Anjouanais n'en démordent pas les cercles politiques comoriens aussi bien à Mutsamudu. sur l'existence d'une sorte de french à Mutsamudu qu'à Moroni, le général (CNDRS) connection entre Mutsamudu, la Réunion Pech effectue souvent des missions dans et Maore. l'archipel. La dernière remonte au mois de décembre dernier. Le deuxième homme QUELS SONT DONC ces réseaux qui de l’ombre se nomme Michel Quimbert, brouillent l'action de la diplomatie fran- poursuit notre source. Un féru de méca- çaise dans l'archipel ? Il faut remonter aux nique qui pilote des Cessna, un avocat premières heures du séparatisme et même spécialiste en droit maritime devenu en bien avant le déclenchement de cette 1999 président du Conseil d'administra- grave crise pour trouver une première tion du port de Nantes -un port qui a explication. Les idéologues du séparatis- récemment fourni du matériel... au port de me anjouanais, qui au début de la séces- Mutsamudu, dans le cadre de la coopéra- sion qu'ils ont initiée réclamaient le "ratta- tion-, mais surtout un homme de réseaux. chement" de leur île à la France, avaient, Ce n'est un secret pour personne dans sa il est vrai, reçu le soutien public du mou- région, même s'il réfute appartenir à

“Les mouvements de ces hommes qui rappellent l’époque séparatiste, sont perçus comme la preuve des agissements des réseaux.” UN JEUNE HABITANT DE MUTSAMUDU

vement royaliste de Pierre Pujo -qui avait quelque coterie que ce soit. joué 20 ans auparavant un rôle crucial Simple coïncidence ? Le général à la dans la réussite du séparatisme mahorais-, retraite se trouvait à Moroni au moment une des nombreuses branches de l'extrême même où une mission du SCTIP (Service droite française. Les agissements de ce de coopération technique international de mouvement à Ndzauni sont incontesta- police, lire ci-contre), conduite par le bles. "Ce sont les mêmes réseaux qui opè- général Vinet, se trouvait dans la capitale rent à Mayotte et à la Réunion" confie une comorienne. Cette mission s'est rendue personnalité politique comorienne. La notamment à Ndzuani pour "évaluer le diaspora anjouanaise, qui a joué un rôle travail du capitaine français affecté dans déterminant dans le déclenchement de cette île et chargé du contrôle du flux cette sécession et qui avait besoin de ras- migratoire prévu dans les dispositions de surer la population sur le succès de ce la Commission mixte franco- combat, a longtemps alimenté ce cordon comorienne", explique-t-on à l'ambassade ombilical en dépêchant régulièrement à de France. Ndzuani des hommes prétendant agir au nom de l'Elysée ou du Quai d'Orsay (le MOHAMED ABDOULWAHAB, direc- siège du ministère des Affaires étrangè- teur de cabinet du président de l'Union des res). L'infiltration d’Humanis, une ONG Comores, chargé de la Défense, confirme liée directement au Quai d'Orsay, a été la cette visite. "J'ai effectivement eu des face la plus visible de cette complicité. En contacts avec la délégation française dans plus de sa mission de desserrer depuis le cadre de mes missions, mais pas en pré- Mutsamudu l'embargo décidé contre les sence du général Pech. En revanche, j'ai dirigeants séparatistes en ouvrant des cou- fait la connaissance de cette personnalité loirs "humanitaires" vers Maore, les hom- lors d'une réception". Les mouvements de mes menés par Machuron, auraient joué ces hommes qui "rappellent l'époque d'autres missions occultes, notamment séparatiste, sont perçus comme la celle de conseillers auprès des séparatis- preuve des agissements des tes. Le retrait du terrain de cette ONG en réseaux", affirme un jeune de ...

20 kashkazi 60 février 2007 réseaux décryptage

... Mutsamudu. Les services des ren- Au sein du gouvernement de l'Union, les seignements comoriens, sur les avis sont partagés. Alors que certains nerfs depuis la rupture en décemb- membres du cabinet présidentiel sont per- Nouvelle impasse re dernier des négociations entre les îles suadés "que les réseaux sont activés pour et l'Union au sujet de la sécurité intérieu- déstabiliser le pouvoir du président re, tirent les mêmes conclusions et sur- Sambi", le chef du cabinet Mohamed entre les îles et l’Union veillent tous les mouvements dans l'île. Abdoulwahab se montre plus prudent. Il Des sources policières font d’ailleurs état avoue qu’il s’est créé “à Anjouan une de "mouvements suspects” dans le situation qui n’est pas saine, qui a instau- Madeira a quitté Moroni sans avoir trouvé d’issue à la crise des armes. Nyumakele en décembre, quelques jours ré une atmosphère de méfiance et de avant le grand rassemblement de Liwara, défiance”. D’un côté, “le président armes pour assurer la sée de traiter des problèmes politiques alors que c'est qui, à l’appel de l'Organisation pour la Bacar a informé la communauté interna- QUELLES sécurité intérieure ? C'est le développement qui pose problème" affirme Christian défense des droits des Anjouanais sans tionale qu'on [les autorités de l’Union, sur ce point que les négociations sur le transfert des Job, ambassadeur de France à Moroni, se trouve dans papiers français (ODDASPF), avait réuni ndlr] a introduit des armes à Anjouan compétences achoppent, entre les îles et l'Union. Une un situation délicate. "Une république n'a qu'une tête, des centaines de personnes (1) réclamant pour armer des milices”. De l’autre, le situation aggravée au début du mois de janvier par la sinon c'est un dragon" a lancé l'émissaire de l'Union "le retour de la France" à Ndzuani (lire gouvernement de l’Union parle “de confiscation des armes destinées aux unités de l'Armée africaine, Fransciso Madeira, à l'endroit des représen- Kashkazi n°59). coups que fomentent des mercenaires nationale de développement en poste à Ndzuani, par tants insulaires vendredi 26 janvier. Ces derniers vou- contre le président Sambi” et “fait un les autorités de cette île. Depuis cet incident, l'Union laient prendre la parole malgré le protocole. Ce qui a DIX ANS APRÈS le déclenchement du lien direct avec Mayotte et donc la conditionne la reprise des négociations sur les autres provoqué l'ire de Djaafar Salim, ministre de l'Intérieur séparatisme et six ans après la signature France" (2). Pour autant, M. points litigieux à la restitution de cet équipement mili- du gouvernement de Ndzuani. "C'est à cause de cette de l’accord de réconciliation nationale, Abdoulwahab se refuse à accuser qui que taire. "Il n'y aura pas de surenchère" prévenait il y a attitude de dictateur que nous avons échoué" a-t-il l'émergence d'une telle revendication ne ce soit. "Je me suis donné le devoir de ne quelques jours le directeur de cabinet de la présidence, lancé à la figure du l'envoyé spécial de l'Union africai- pouvait que réveiller les vieux démons. donner aucune information tant que je ne Mohamed Abdoulwahab. De leur côté, les gouverne- ne. L'incident traduit la tension qui règne dans la ges- La délégation du Stip, accompagnée du disposerai pas d'informations précises et ments insulaires qui font bloc, conditionnent le réexa- tion de ce dossier dans lequel aucune partie ne veut men de ce dossier sur la sécurité intérieure à la mise perdre la face. "C'est normal, la police ce sont les en application par l'Union de la loi sur l'organisation de armes, les sociétés d'Etat, c'est l'argent" note un diplo- “La France n'entend pas modifier sa position qu'elle a toujours la justice et sur la gestion des sociétés d'Etat. Autant mate. Détenir les armes, c'est détenir le vrai pouvoir, affirmé. Elle n'a aucun intérêt à déstabiliser les Comores.” dire qu'on est parti pour un long bras de fer. pourrait-on ajouter. Certains partenaires tentent cepen- CHRISTIAN JOB, AMBASSADEUR DE FRANCE dant d'obtenir de l'Union qu'elle fasse preuve de sou- POUR DÉPARTAGER les deux parties, la commu- plesse. Ce qui ne semble pas envisageable. Mais tout nauté internationale a accepté encore une fois d'enga- le monde n'est pas sur la même longueur d'onde dans ministre de l'Intérieur anjouanais, Djaafar de preuves tangibles”, dit-il. Il parle ger une médiation, qui s'annonce difficile. La perspec- le camp de l'Union. Si le mot d'ordre est à la fermeté Salim, que beaucoup soupçonnent d’être cependant de "relations ambiguës" entre tive des élections présidentielles des îles pourrait vis-à-vis de Ndzuani, certains estiment que "le gouver- le pendant des réseaux français dans l’île, la France et les Comores "qui donnent contribuer à raidir les positions. Surtout à Ngazidja, où nement devrait séparer le règlement des deux dossiers. et du commandant de l’AND à Ndzuani, lieu à des tensions qui demeureront tant le président Elbak qui termine son mandat sur un mai- Mettre en application les lois qui ne posent pas problè- s’était rendue dans le Nyumakele au que la question de Mayotte ne sera pas gre bilan, aurait bien besoin de ces sociétés d'Etat pour me, ce qui ferait lâcher la tension et peut-être même cours de cette période. Elle y aurait "ren- résolue. Ce qui est propice aux suspi- doper sa politique. A Mwali, le président Fazul ne isolerait le gouvernement Bacar ; et désarmer par tous contré les membres du bureau de cions" dit-il. Pour le directeur de cabinet semble pas sur la même longueur d'ondes que ses les moyens les autorités anjouanaises", affirme une l'ODDASFP à Ongojou" selon un témoi- de la présidence de l'Union, "les autorités homologues. Faut-il y voir des signes de rapproche- source proche de la présidence. gnage confirmé par les rapports de police françaises ont intérêt à travailler dans la ment avec le président Sambi ? Il trouve "qu'il est qui sont remontés jusqu'aux autorités de clarté avec l'Etat au lieu d'agir directe- temps [pour les gouvernements des îles, ndlr] de chan- CETTE THÈSE EST D’AUTANT plus entendue que l'Union. Les mêmes sources évoquent ment sur Anjouan, si nous voulons éviter ger d'attitude". Le président mohélien craint qu'en le gouvernement mauricien aurait écrit à Sambi pour "une rencontre entre les responsables de ce malaise". La volonté du gouvernement tirant trop sur Sambi, "les chefs des îles risquent plutôt lui exprimer sa volonté de l'aider à régler la question ce mouvement avec une femme française Sambi de reprendre le contrôle des fron- de se mettre à dos la population et prendre le risque de anjouanaise. Le président qui participait au Sommet de dans un hôtel de Domoni". Tant que les tières et d'installer l'Armée nationale de perdre les élections". Quant aux autorités de Ndzuani, l'Union africaine lors du bouclage de cette édition, va- Anjouanais croyaient "au rattachement développement sur l'île de Ndzuani est en passe de gagner leur premier face à face avec t-il trancher rapidement sur ce désaccord ? Va-t-il de leur île à la France", les agissements sans doute vécue comme une reprise du Sambi, elles ne semblent pas pressées de lever les obs- attendre le travail de l'expertise internationale pour se tels que ceux qui font l'objet des rapports pouvoir et une perte d'influence de cer- tacles à la reprise des négociations. "De toutes les îles, décider ? Le Sommet de l'UA à Addis-Abéba portera de police étaient à leurs yeux le gage d'un tains milieux présents à Maore, qui ne c’est celle qui n’a aucun intérêt à perdre ses acquis", sans doute conseil à Sambi. De la gestion de ces trois processus en marche. Mais les désillu- sont pas prêts à se faire doubler. commente un observateur. dossiers, dépend le retour à la normale. sions de la population et le sentiment d'a- Face à l'impasse, la communauté internationale, "las- KES voir été bernée par les séparatistes, pro- CHRISTIAN JOB est pourtant sans voquent la réaction inverse et font monter ambiguïté lorsqu'il rappelle que "la la nervosité sur l'île. Ce qui -officielle- France, depuis des années, a abandonné ment- excède aussi les autorités françai- définitivement et à juste titre, ces rap- ses à Moroni, qui démentent toute impli- ports formulés dans l'expression cation dans les affaires intérieures como- Françafrique. Chacun a pu observer acteurs de l'ombre. La France officielle a riennes. Si elles confirment la visite de qu'elle est depuis 1997 aux côtés de la beau rappelé qu'il n'y a pas "de retour Le SCTIP, l'attachée d'action culturelle à Ndzuani et communauté internationale et plus parti- possible au destin scellé en 1974", il exis- dans le Nyumakele, "celle-ci a justement culièrement aux côtés de l'Union africai- te toujours des réseaux français -écono- pris le soin de quitter la région lorsqu'el- ne. La France n'entend pas modifier sa miques, notamment parmi certains des un sous-réseau ? le s'est trouvée devant une telle manifes- position qu'elle a toujours affirmé. Elle patrons les plus influents de Maore, ou tation" précise le premier conseiller de n'a aucun intérêt à déstabiliser les idéologiques- pour faire fantasmer le LE SERVICE DE COOPÉRATION technique international de poli- l'ambassade. Comores". Le diplomate dénonce "les peuple. Et des hommes, pour en profiter. ce est un service du ministère français de l’Intérieur qui envoie Par ailleurs, l'ambassadeur de France à doux rêveurs qui ne représentent que leur certains de ses agents dans des pays afin de préparer des Moroni rappelle l'établissement de rela- personne" pour affirmer que la seule KAMAL'EDDINE SAINDOU accords de coopération et “de contribuer directement à la tions par le biais d'associations entre le action de la France est celle de l'Etat qu'il sécurité intérieure de la France en aidant chacun des Etats port de Mutsamudu et le port autonome représente, malgré les liens qui existent (1) Il semble que certains des participants à cette partenaires à parfaire les conditions de sa propre sécurité”, de Nantes dans le cadre de la coopération entre certaines personnes influentes de manifestation au cours de laquelle avaient été comme l’indique le ministère de l’Intérieur. Créé en 1961 au sortis des drapeaux français aient été abusés : ils moment de la mise en œuvre du processus de décolonisation décentralisée, qui "n'impose aucune obli- Maore -proches des réseaux néocolo- croyaient participer à un rassemblement pour gation de passer par le gouvernement de niaux et/ou d’extrême-droite- et des col- en Afrique, il visait à “apporter l’assistance des cadres de la que leurs enfants lycéens ou étudiants bénéfi- police française aux Etats nouvellement indépendants”. Une l'Union". Ce qui explique le rôle de laborateurs de l’ambassade. cient d’un bus de ramassage scolaire dans le mission qui sent bon la Françafrique. Des sources affirment que Quimbert, l'influent directeur du Conseil Les dix années de séparatisme qui ont Nyumakele, et non à la revendication pro-fran- le SCTIP servait surtout d’officine de renseignements dans les d'administration du port nantais, sur l'é- succédé à un long règne des mercenaires çaise. D’autres sources affirment que ce rassem- blement aurait coûté 5 millions fc (10.000 pays où des agents se trouvaient. Charles Pasqua en aurait chiquier anjouanais. n'ont pas contribué à assainir le climat de grandement abusé, le transformant en sous-réseau dévoué à S’il est évident que des réseaux d'hom- suspicions alimentées par les problèmes euros), une somme que les jeunes organisateurs sont loin de posséder... ses plans, affirme l’association Survie. mes politiques ou d'affaires français ont économiques et l'instabilité. Le processus Aujourd’hui, son action tend officiellement de plus en plus vers joué un rôle dans les premières heures du de réconciliation et le schéma institution- (2) Une rumeur non vérifiée a circulé en décem- bre faisant état de l’arrestation à Ndzuani de “un réel partenariat” et son champ géographique de coopéra- séparatisme, les liens actuels sont-ils la nel qui en est issu, n'est pas complète- deux mercenaires en provenance de Maore. tion s’est élargi à des pays d’Afrique anglophone, d’Amérique, preuve que c’est encore le cas aujourd’- ment intégré et continue d'entretenir une Nous n’avons cependant eu aucune confirmation d’Asie d’Europe occidentale, centrale et orientale ainsi qu’à la hui ? situation propice à l'intervention des quant à cette information à prendre avec des pin- plupart des Etats du Maghreb et du Moyen Orient.

kashkazi 60 février 2007 21 décryptage économie Qui sont ces Arabes qui s’intéressent aux Comores

Si la France conserve sa place de premier partenaire du pays, la percée des investissements arabes ces dernières années pourrait renverser l'ordre des rapports en matière de coopération.

en 2005 d'un président pro- Si cette dénonciation remonte à l'ancien ce saoudien pour soutenir le projet habitat d'une antenne du Croissant rouge iranien à arabe à la tête de l'Union des régime du président Azali, l'entrée en scène cher à Sambi, bien qu'annoncé en grande Ndzuani en décembre dernier, qui pourrait L'ARRIVÉE Comores a suscité quelques du groupe mondial arabe a été immédiate- pompe par le locataire de Beit- Salam, relè- être suivie d'autres à Ngazidja et Mwali. inquiétudes dans les chancelleries occiden- ment attaquée par les opposants de Sambi ve de ces gestes amicaux et gracieux dont Téhéran a fait savoir lors du lancement de tales sur les risques d'un bouleversement des qui lui reprochent une procédure déloyale, sont friands les princes et les émirs du Golfe. cette ONG son intention de mettre des loge- stratégies de coopération entre l'archipel de qui n'aurait pas respecté selon eux les clau- Tous les régimes comoriens ont d'ailleurs ments de résidence au profit des Comoriens l'océan Indien et ses partenaires tradition- ses de l'appel d'offre. D'où l'inquiétude du usé de ces largesses princières pour assurer étudiant à Madagascar. Quant à l'approvi- nels. Les discours sur la disponibilité des partenaire de poids qu'est la France. le quotidien de leurs actions, et en vue de sionnement prochain de fuel lourd par la "pays musulmans" à soutenir les projets de En sept mois de pouvoir, l'action du prési- tenir le coup face aux exigences qui condi- Libye, annoncé par Sambi de retour d'une développement qui ont nourri la campagne dent Sambi n'a pas encore donné lieu à des de Sambi et les nombreux déplacements de nouvelles conventions de partenariat sus- celui-ci dans les capitales arabes n'ont pas ceptibles de confirmer ou non une réorienta- “Ce soutien direct des pays arabes aux Comores contribué à dissiper ces interrogations. Ce tion de la stratégie comorienne en matière de est permanent depuis l’indépendance.” qui a fait tiqué Brigitte Girardin. Lors de sa coopération internationale. A l'exception de récente visite aux Comores, la ministre fran- celle passée avec Téhéran. Portant sur la MAOULID SOILIH, DÉPUTÉ ARABOPHONE DE L’ASSEMBLÉE DE NGAZIDJA çaise de la Coopération et du Co-développe- livraison d'unités de surveillance maritime, ment s'est montrée inquiète quant au peu de cet accord a suscité des commentaires aga- tionnent l'aide internationale tant au niveau visite dans ce pays, il s'agit d'un engage- garanties accordées aux intérêts français aux cés de certains médias, d'autant qu'il a été bilatéral que multilatéral. Au mieux, l'on ment conclu entre Tripoli et Moroni par le Comores. Une allusion à peine voilée à la précédé par la venue à Moroni, en août peut penser à une amplification de cette gouvernement du président Azali. Si les dénonciation l'année dernière par la partie 2006, d'une très imposante délégation ira- générosité avec l'avènement du nouveau nouvelles autorités ont choisi de faire de la comorienne du contrat de concession du nienne (1), qui pourrait effectivement signi- président qui entend tirer profit de ses affini- publicité autour de tous ces accords, "ce port de Moroni qui la liait depuis quatre ans fier un intérêt certain du gouvernement de tés avec cette partie du monde pour concré- soutien direct des pays arabes aux Comores à l'entreprise française de manutention Mahmoud Ahmadinejad pour les Comores. tiser ses engagements électoraux. est permanent depuis l'indépendance" préci- (Comaco). Une dénonciation qui a profité à En revanche, le déblocage d'une vingtaine Outre l'enveloppe de l'Arabie Saoudite, on se Maoulid Soilih, membre de l'Assemblée Lors de la venue la société Al Marwane, un concurrent arabe. de millions de francs comoriens par le prin- peut noter à ce niveau d'action, l'ouverture de l'île de Ngazidja. de la délégation Le député arabophone qui suit depuis des iranienne, en août années les relations entre les Comores et les 2006, à Moroni. pays du Golfe retrace l'histoire de cette (DR) coopération : "Il y a eu une première phase dans les années 70 qui a porté sur l'octroi par l'Arabie Saoudite de bourses d'études à des jeunes comoriens. Les premiers bénéfi- ciaires ont été des sortants des écoles cora- niques qui sont allés parfaire leurs connais- sances en arabe et en théologie à l'Université islamique de Médine. A la même époque, l'Egypte a accueilli d'autres jeunes à l'Université Al Azhar".

CETTE OUVERTURE VERS le monde arabe a été initiée par Ali Soilihi, qui a enga- gé au lendemain de l'indépendance le pro- cessus d'adhésion des Comores à la Ligue des Etats arabes. Dans cette perspective, un Centre de formation de cadres en langue arabe a été ouvert à Moroni en 1979. C'est à cette époque également que le Koweit a commencé à s'intéresser aux Comores par une aide alimentaire qui devait lui permettre de renflouer les caisses du jeune Etat. Pour Maoulid Soilih, le tournant a été opéré vers la fin des années 70 et surtout durant la décennie 80, lorsque plusieurs bacheliers comoriens ont bénéficié de bourses pour poursuivre leurs études dans les pays arabes. "Cette fois, il s'agissait de formations pro- fessionnelles et techniques" souligne le député comorien. En plus de l'Arabie Saoudite, le Soudan, la Syrie et la Libye ont ouvert leurs portes aux étudiants comoriens. "Un lot important des infirmiers et anesthésistes opérant dans le pays vient du Soudan et de la Syrie. Quant à la Libye, elle a surtout formé des policiers" ajoute Maoulid Soilih. Principalement tournée vers la for- ...

22 kashkazi 60 février 2007 économie décryptage

Le Koweit en pôle-position Le complexe touristique koweitien du lac salé fait rêver. Les travaux qui débuteront dans six mois devraient s'achever au bout de deux ans.

150 MILLIONS DE DOLLARS volets. Le premier est le village projet assez grand et assez POUR CHANGER le visage du touristique qui comprendra selon structurant pour activer la vie tourisme aux Comores. C'est le ses promoteurs un terrain de économique aux Comores”. coût estimatif du défi koweitien golf, des hôtels -le pluriel est Convaincu des atouts touris- de doter l'île de Ngazidja d'un important-, des bungalows, des tiques de l'archipel “par sa natu- village touristique à dimension villas privées, des galeries com- re, ses paysages et son climat internationale qui servira de merciales et un parc d'attrac- qui permet des activités toute point de départ à un développe- tion. Mais les investisseurs réunis l'année”, Ahmed Jaroudi est for- ment du tourisme sur l'ensemble dans la société de droit como- mel. “Il y a aux Comores les de l'archipel. Prévu dans la rien Comores-Golf, ne manquent conditions pour réussir, le climat région du lac salé, au nord-ouest pas d'ambitions. Dans leur busi- et la sécurité. Il manque le capi- de Ngazidja, ce complexe porte ness plan, il est prévu la cons- tal. On va amener d'autres sur une superficie de près de truction d'un port d'éclatement investisseurs avec nous”. 1.500 hectares. Autant dire qu'il en eau profonde à Ngazidja cou- est inédit. plé d'une zone industrielle capa- Les relevés topographiques du Le projet est porté par un grou- ble de desservir la région en pro- site du lac salé ont débuté. Si pe d'investisseurs privés de diffé- duits commerciaux, la mise en rien ne vient interrompre l'élan rentes nationalités arabes place d'une compagnie aérienne, engagé, les travaux pourraient (Syriens, Libanais, Saoudiens), et celle d'une société de télé- démarrer dans six mois et le dont le leadership revient au communications et d'organes village devrait être opérationnel Cheikh Jaber Moubarak El Sabah, d'information en vue “d'essayer dans deux ans. “Avec un tel cousin direct de l'Emir. de ramener la qualité et le prix investissement, le Koweit ne fait L'engagement de cette personna- des télécommunications et que conforter sa position dans le lité de la famille régnante du d'Internet au niveau des stan- pays” explique Abdérémane Koweit est une caution importan- dards internationaux d'une part, Ahmed Koudra, un des cadres du te dans cet archipel où les pro- et mieux faire connaître les business club “Kamar Al Koweit”. jets d'investissement de cette Comores dans les pays de la Le Koweit est en effet le pre- ampleur, s'ils n'ont pas manqué, Ligue arabe” d'autre part, mier créancier bilatéral. Le volu- ont été volontairement estropiés explique Ahmed Jaroud. Le me de ses prêts représente plus ou sont tombés en ruine parce jeune directeur du Club Kamar al de la moitié de la totalité de que portés par des charlatans. Koweit, le busines club regrou- l'aide extérieure apportée aux Un représentant pant des acteurs comoriens et Comores. Une aide dont le gou- de l’Emir du Koweït, venu à Moroni il y Initié en 1996 sous le régime arabes qui soutiennent le projet vernement négocie actuellement quelques mois. du président Taki et repris dans et qui ont invité la société les modalités de remboursement (AA) ses grandes lignes dans l'accord- Comores-Golf à s'installer à pour ne pas se priver de la cadre signé avec le gouverne- Moroni, ne jure que par le carac- manne koweitienne. ment Azali en 2005, le projet tère intégré de son projet. koweitien comporte plusieurs “Notre objectif est de faire un KES

... mation dont le projet phare reste le conclusion d'un accord de coopération golfe", Saïd Abdallah Cheikh, directeur du En sept mois, l'effet Sambi n'a donc pas dopé lycée scientifique financé par la fon- décentralisée portant sur la construction de service national de la dette, relève huit les investissements arabes, contrairement à ce dation Al Maktoum -du nom du trois pôles hospitaliers en cours d'exécution à conventions de prêt d'un montant total de qui se dit. Toutefois, le nouveau président a vice-président des Emirats-, la coopération Ngazidja, d'une unité de fabrication de pro- plus de 14 milliards de francs arabe s'est traduite par la suite sous forme vende, ainsi que sur l'acquisition d'engins comoriens (28 millions d’eu- d'aide budgétaire et de soutien à de petits d'équipements, l’équipement de matériel de ros). "Leur stock total cumu- “On dit que la France est le premier partenaire projets spécifiques que les gouvernements fonctionnement à la police, et la réhabilita- lé au 30 septembre 2006 est des Comores, or les pays arabes ont beaucoup donné.” successifs n'avaient pas les moyens finan- tion du commissariat de Moroni (près de de 17.042.937.804 kmf et MAOULID SOILIH, DÉPUTÉ ARABOPHONE DE L’ASSEMBLÉE DE NGAZIDJA ciers propres de prendre en charge. 60.000 euros, 30 millions fc). Le projet de représente 81% de la dette l'éclairage solaire de la capitale a quant à lui bilatérale" écrit S.A.Cheikh. IL A FALLU ATTENDRE les années 94/95 coûté 250.000 euros. La répartition place le Fonds saoudien en sans doute créé un climat rassurant qui a mis pour assister à un nouvel élan de la coopéra- On peut ajouter à cette longue liste la cons- tête avec la construction de routes à en mouvement les dossiers qui dormaient tion Comores/pays arabes avec l'entrée en truction du service des urgences et des Ngazidja et à Mwali. dans les tiroirs des Emirats et des pays du scène des Emirats arabes unies. "Sharja bureaux administratifs de l'hôpital El Le Fonds koweitien en deuxième position, a Golfe. En revanche, les seuls engagements demeure le plus actif dans sa coopération Maarouf de Moroni (800.000 euros) et d'une financé plus particulièrement la construc- auxquels peut prétendre l'Union des Comores grâce à l'action personnelle de l'émir Cheikh nouvelle pédiatrie. "Le 20 novembre 2006, tion du port de Mutsamudu. Abdou Dhabi de la part de la communauté internationale Kasmy, qui est parent d'une famille como- les autorités comoriennes et le gouvernement occupe une place marginale avec un prêt de sont ceux actés lors de la conférence de rienne" explique Maoulid Soilih, un des pré- de Sharja ont conclu un accord de finance- 2 milliards fc (4 miions d’euros) qui a servi Maurice de décembre 2005 (2). Engagements curseurs de la mise en place d'une représen- ment de projets dans le domaine de la santé, à la construction en 1983 de l'aéroport de fondés sur le Document de stratégie et de tation commerciale des Comores à Sharja en de l'Education et des affaires islamiques" . Un document de la direction natio- réduction de la pauvreté (DSRP), élaboré par février 1995. En avril de la même année, la conclut Maoulid Soilih. Pour le député de nale de la dette place cependant le Fond le précédent régime, et à propos duquel le compagnie Emirates Airlines ouvre une ligne l'Assemblée de Ngazidja, "on dit que la koweitien en tête des créanciers bilatéraux nouveau gouvernement se voit reprocher le aérienne Sharja/Moroni qui va intensifier les France est le premier partenaire par excel- juste devant l'Arabie Saoudite et bien loin fait de ne pas manifester beaucoup d'enthou- échanges commerciaux avec les Emirats. En lence des Comores, or les pays arabes ont devant la Chine et l'Agence française de siasme pour activer les procédures de décais- 1997, Dubaï accueille un consulat général beaucoup donné, même si les fonds ont été développement. sement des fonds annoncés. des Comores. La construction d'un centre mal utilisés parce que ce sont des aides Le coup d'envoi donné par la France, qui a commercial est lancée à Moroni. Mais ce directes". LA POSITION DU KOWEIT comme chef dépêché sa ministre chargée de la début frénétique s'avère difficile. Le centre Pas toutes. Les gouvernements des pays de file de la coopération aux Comores Coopération pour signer une convention de commercial n'a pas vu le jour, le projet d'un arabes ont financé des gros projets d'inves- devrait être confortée dans les années à venir partenariat portant sur 40 milliards fc (80 duty free a été transféré au Mozambique et la tissement au niveau des infrastructures dans avec le lancement du projet touristique du lac millions d’euros), n'a pas encore déclenché Banque centrale des Comores s'est opposée à le cadre bi et multilatéral depuis l'indépen- salé. Un projet unique qui, s'il se réalise, l'effet d'entraînement espéré. Notes l'ouverture d'une agence à Moroni. dance des Comores. Dans une note d'infor- transformerait radicalement l'image touris- (1) Kashkazi n°50 Les affaires n’ont repris qu’en 2005 avec la mation sur "la dette bilatérale des pays du tique des Comores. KAMAL'EDDINE SAINDOU (2) Kashkazi n°59

kashkazi 60 février 2007 23 décryptage politique

SO Oili, lors de la visite de Dominique de Villepin en mai 2006. Saïd Omar Oili “Le statut de est un échec”

Après deux années de DOM silence sur l’avenir de Maore, le président du va bientôt faire trois le port de Longoni devrait être fini en 2008, le gym- Quelle est-elle ? Conseil général, qui se ans [en mai 2007] que nase de Petite Terre a été réalisé - pour celui de SAÏD OMAR OILI : Je travaille en dehors des partis CELA vous êtes à la tête du Sada on a enfin trouvé le terrain-, le projet des deux politiques. La notion d'idéologie droite-gauche n'a veut un électron libre dans Conseil général. Quel gares maritimes de Petite et Grande Terre est pas de sens à Mayotte. Les gens ont surtout besoin bilan tirez-vous de ces années ? lancé… En même temps, nous n'avons pas perdu d'être écoutés. J'ai toujours été ouvert à n'importe le paysage politique local, SAÏD OMAR OILI : C'est toujours difficile de s'auto- de temps pour discuter avec l'Etat du prochain qui, quelle que soit l'appartenance politique des uns juger. Les autres sont plus à même de juger mon Contrat de Plan 2007-2013. On n'a pas chômé ! et des autres. Je m'en fous ! Tout le monde peut a décidé de ne plus se action. Cependant, je note qu'en 2004, le budget Il y a eu tout de même des dissensions au sein de venir me voir. avait été voté à une voix, en 2005 et 2006, il était votre majorité : Bacar Ali Boto en 2005, En trois ans de présidence, votre vision des cho- passé d'extrême justesse. Pour cette année 2007, il Chihabouddine Ben Youssouf en 2006, soit vos ses, notamment sur l'avenir de Maore, a-t-elle taire. Dans un entretien a été voté à l'unanimité. Cela montre bien qu'au fil deux premiers vice-présidents, vous ont un changé ? du temps, je me suis fait comprendre. La méfiance temps lâché… SAÏD OMAR OILI : Bien sûr. Ce qui m'a frappé donné à Kashkazi au début s'est dissipée et un sentiment de confiance s'est SAÏD OMAR OILI : Au départ, les gens ne me don- durant ces trois ans, c'est le décalage entre le dis- créé. Ce sont les élus de l'opposition qui sont venus naient pas plus de six mois. Au bout d'un an, est cours officiel et la réalité du terrain. On a vendu de l’année, il livre son avis petit à petit gonfler la majorité. intervenu le premier problème avec la démission quelque chose à la population, mais on n'a pas dit D'autre part, quand je suis arrivé à la présidence, on du premier vice-président [Bacar Ali Boto]. Mais ce qu'il y avait dedans. Au fil du temps, les gens quant au statut de l’île, m'accusait de refuser l'argent de la France. Le trois mois après j'ai réussi à éteindre le feu. Non découvrent que ce qu'il y a à l'intérieur du papier deuxième Contrat de Plan 2000-2004 n'avait que seulement il est revenu, mais le conseiller général cadeau ne leur convient pas. Quand je n'étais pas mais aussi ses espoirs peu été utilisé. J'avais un matelas financier de 148 d'Acoua est venu gonfler la majorité. Désormais dans la vie politique, je pensais que les gens com- millions d'euros et beaucoup d'opérations étaient en nous sommes 11 [sur 19]. Ahmed Attoumani prenaient ce qu'ils demandaient. Mais il n'en est et ses craintes. stand-by. Depuis, nous avons relancé le projet du [ancien secrétaire fédéral de l'UMP] aujourd'hui rien : on leur vend un totem, on leur dit de CFPA, prévu à Sada, qui sera construit à Ouangani, travaille avec nous. J'ai réussi à imprégner ma bien le nettoyer, on leur fait croire que se Sans langue de bois. les travaux du marché de Mamoudzou ont débuté, façon de travailler. trouve là le bonheur. ...

24 kashkazi 60 février 2007 diaspora décryptage

... Vous parlez du statut de départe- basque. Là-bas, on est espagnol, mais avec des Quelle est la solution ? ment… spécificités régionales. Et bien ce pays est en SAÏD OMAR OILI : Il faut tout d'abord que les “Le temps SAÏD OMAR OILI : Oui, on a vendu à la avance sur beaucoup de domaines. Pareil pour Mahorais retrouvent leurs valeurs. Qu'ils s'accep- population un statut en disant qu'il ferait notre bon- l'Allemagne avec ses Land [régions aux pouvoirs tent en tant que Français mais avec leurs différen- heur. Mais les gens découvrent aujourd'hui que le étendus]. Mais en France, on veut tout décider à ces. Nous sommes dans une région, on ne peut pas des bâtisseurs” département, ce ne sont pas que des droits, comme Paris. Il faut revoir le modèle français. Tous les sans cesse se détourner des îles voisines, des peu- le RMI, les allocations, l'argent facile… ce sont candidats à la prochaine présidentielle le disent. ples qui sont là. A L’OCCASION DES TRADITIONNELS VOEUX de nouvel an, le 18 janvier, le président du Conseil général a tenu un discours mar- aussi des devoirs. Désormais, on se rend compte Prenons exemple avec la loi du littoral : on ne peut En 1994, Ali Boina avait réalisé un rapport pour qué sous le signe de l’ouverture à la région mais aussi, surtout, qu'on ne peut pas construire une maison comme ça, pas l'appliquer partout pareil. Nous sommes sur le Président Djohar, militant pour une forme de de l’importance pour l’île de définir elle-même son propre des- qu'on ne peut pas enterrer nos morts comme on une île ici ! Il est temps qu'on nous donne les fédéralisme entre d'un côté, les trois îles indé- tin. Un bon tiers de ses paroles a ainsi été consacré à ce qui veut… moyens pour légiférer. pendantes, de l'autre Maore inscrite dans la semble être sa priorité : débattre de l’avenir de Maore et s’ou- Vous êtes contre le département ? Votre discours est un discours autonomiste. Constitution française (1). Qu'en pensez-vous ? vrir à la coopération. “Débattre parce que Mayotte a connu ces SAÏD OMAR OILI : Aujourd'hui, Mayotte est inscrite Dans cette situation, cela signifie que Maore ne SAÏD OMAR OILI : On ne peut pas faire autrement. dernières années des évolutions majeures qui interrogent très dans la constitution française. On n'en sortira que si vivra plus uniquement de l'argent de la France, Nous avons une culture commune, des valeurs fortement sa dynamique de développement quels que soient les les Mahorais le décident. Aujourd'hui, les gens s'in- comme c'est le cas actuellement. Pour cela, il communes. On ne peut pas les gommer ! Il y a par- choix politiques de demain.” Selon Saïd Omar Oili, “notre insu- terrogent : n'existe-t-il pas un système qui respecte- faut avoir un vrai projet de société. En avez- tout dans le monde des institutions supranationa- larité, notre jeunesse, notre organisation sociale et rurale sont rait nos spécificités ? Ces statuts existent. Cela, on vous un ? les… Nous devons être moins frileux. des atouts essentiels pour affronter l’avenir qui pourraient ne l'a jamais expliqué aux Mahorais. Toute person- SAÏD OMAR OILI : Aujourd'hui on parle de coopéra- A Moroni, les gens n'acceptent pas l'idée que devenir autant de faiblesses si Mayotte ne choisit pas elle- ne qui ose évoquer cela passe pour un mauvais gar- tion régionale, mais pour tout projet, on doit Maore puisse rester française… Le comprenez- même, rapidement, son propre chemin.” Pour le président, il çon. demander l'autorisation à Paris. C'est Paris qui déci- vous ? est nécessaire de choisir un modèle “adapté” à la géographie, à SAÏD OMAR OILI : Il faudrait que les uns et les aut- la démographie et à l’organisation sociale de Maore. On est loin res s'écoutent et se comprennent. Il faudrait aussi du discours assimilationniste très longtemps entendu dans l’île. que la communauté internationale prenne en comp- A contrario, on frise le discours autonomiste. Loin aussi des poncifs lorsqu’il affirme que “l’accumulation quanti- te notre volonté. La France a le droit de veto à “On leur vend un totem, on leur dit de bien le nettoyer, tative de progrès matériels ne serait rien si elle n’était d’abord l'ONU, mais à chaque fois que les Comores posent on leur fait croire que se trouve là le bonheur.” tendue vers le mieux-être des individus et vers la fierté collective la question de Mayotte, elle n'a jamais brandi son d’une identité singulière.” Oili a poursuivi en affirmant que son à propos du département droit de veto. C'est pour cela que les Comoriens ont ambition est “de dessiner les contours d’une Mayotte nouvelle”. compris que la porte restait ouverte. Dans tous les Et de lancer, en forme de slogan de campagne : “Après le temps cas, il faut que nos amis comoriens acceptent notre des combattants, voici venu le temps des bâtisseurs.” C'est ce qui vous est arrivé en 2005, lors de vos de. Si je veux coopérer avec Anjouan pour impor- choix. RC vœux à la presse. Depuis, vous vous taisiez. ter des produits de première nécessité, eh bien il me En tenant le discours que vous tenez depuis Deux ans de silence. Pourquoi aujourd'hui bri- faut l'accord de Paris. S'il y avait des échanges, on quelques minutes, vous êtes dans la minorité… ser ce silence ? pourrait créer des richesses. Dans tous les domai- SAÏD OMAR OILI : Oui, mais la minorité d'aujourd'- SAÏD OMAR OILI : En 2005, je n'ai jamais dit nes, l'autarcie n'a jamais apporté quoi que ce soit. hui sera peut-être la majorité de demain. Conseil général des gros chantiers : port, aéro- comme on a pu l'écrire que "le département était Or actuellement nous refusons d'appartenir à notre On vous a souvent qualifié d'indépendantiste… port, etc… Mais on n'entend que rarement des caduc". J'ai juste posé la question du statut, et j'ai dit région. Pourtant nous sommes condamnés à nous SAÏD OMAR OILI : Mais ça veut dire quoi être indé- débats sur l'action sociale. Dans le budget, le qu'il existait d'autres statuts possibles. J'ai vécu une développer ensemble et à vivre ensemble, avec les pendantiste aujourd'hui ? Avec la mondialisation. social est loin d'être une priorité. Après ce que traversée du désert ensuite, qui m'a fait réfléchir. Je autres îles. Je ne crois pas que Mayotte pourra s'en Qu'est-ce qui est le plus important, l'économie ou la vous venez de dire, cela peut étonner… me suis dit : "Peut-être que je m'y suis mal pris". J'ai sortir seule. Dans ce cas, on ne vivra que par les politique ? Moi, je préfère que tous les Mahorais SAÏD OMAR OILI : Il faut reconnaître que Mayotte changé de méthode. Ala fin de l'année 2005, j'ai fait perfusions de la Métropole. aient du travail et vivent dignement. C'est le plus accuse des retards partout. Il faudrait faire tout en voter une délibération par les conseillers pour orga- Justement, se pose un problème : l'attentisme de important. Les questions politiques, ça passe après. même temps. Dans les départements français, 55% niser des colloques à Mayotte, dans lesquels nous la population, qui est tombée dans un assistanat Comment voyez-vous Maore dans 30 ans ? des crédits de fonctionnement touchent au social. avons fait intervenir des personnes extérieures, des euthanasiant. SAÏD OMAR OILI : Dans 30 ans, je ne sais pas, mais Mais ici, compte tenu de la fragilité des structures, professeurs d'université, des spécialistes. Au cours SAÏD OMAR OILI : Oui aujourd'hui, il est quasi déjà dans 3 ou 5 ans, je suis pessimiste. Les condi- l'Etat a un programme graduel de transfert des com- d'un de ces colloques, un représentant du ministère impossible de trouver un Mahorais qui accepte d'ê- tions de vie des Mahorais sont de plus en plus dif- pétences. Pour l'instant, nous n'avons qu'une partie de l'Outremer, M. Diemert, a dit : "Attention, en tre maçon ou de travailler aux champs. On en ficiles. Il n'y a pas de travail pour tout le monde ; la des compétences dans ce domaine. 2010, ce n'est pas un rendez-vous institutionnel, revient toujours au statut. On nous dit : "Vous n'a- Métropole ne fait plus rêver. C'est même la galère D'autre part, pour agir, il nous faut avoir des don- c'est un rendez-vous politique." De tout cela, nous vez pas besoin de travailler, avec le département là-bas. Ceux qui sont partis là-bas reviennent très nées précises. Quand on dit qu'il y a 40% de chô- tirerons des conclusions. On ne pourra pas dire que vous aurez les aides ! Attendez ! Dormez !" aigris, voire agressifs. Il y a un an, il y a eu une mage, sur quels critères se base-t-on ? Qui est actif c'est Saïd Omar Oili qui a dit. Face à cette situation, quelle est la solution ? Ali grande bagarre en Petite Terre entre des jeunes de et inactif ? Qui est démuni ou pas ? Nous avons Mais vous-même, personnellement, qu'en dites- Soilihi, en 1975 après l'indépendance des trois Labattoir et d'autres de Pamandzi. A l'époque, il y besoin d'indicateurs fiables pour intervenir. vous ? Êtes-vous pour ou contre le statut de autres îles, avait tenté de réveiller les consciences avait déjà ces bagarres, mais après on se retrouvait De nombreux élus réclament le RMI. Qu'en département ? par la manière forte. Aujourd'hui, beaucoup de dans des voulé. L'année dernière, les jeunes étaient pensez-vous ? SAÏD OMAR OILI : Moi, je prends les exemples de Comoriens le regrettent. Êtes-vous dans cette cagoulés et armés. Après enquête on s'est rendu SAÏD OMAR OILI : Moi, j'aurais souhaité avoir le Saint-Pierre et Miquelon, qui fut DOM mais a logique ? compte que les deux meneurs de chacun des camps RMI dès demain. J'aurais moins de monde qui demandé à redevenir TOM ; je prends les exemples SAÏD OMAR OILI : Non, je ne suis pas pour la étaient des jeunes qui avaient grandi à La Réunion. viendrait me voir ici [dans sa maison]. Mais ce de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ont manière forte. Je compte sur la jeunesse pour Ils n'étaient que deux ! Et ils ont réussi à rassembler n'est pas si simple : sur 200.000 habitants, plus demandé à ne plus être DOM ; je pense au référen- faire changer les mentalités. J'espère, mais ce des dizaines de jeunes ! J'ai peur pour l'avenir. Nous des 2/3 sont éligibles à toutes les aides et protec- dum dans les Antilles au cours duquel le oui au n'est pas gagné, car le modèle des jeunes aujour- avons 40.000 familles mahoraises qui vivent tions sociales. En même temps, on dit au niveau département n'était passé que de 0,5% en d'hui, ce sont les Etats-Unis ou la France. Ils ne aujourd'hui en France ou à La Réunion. Beaucoup national qu'il faut réduire le déficit de l'Etat, et Martinique [en 2004]. Je remarque une tendance cherchent que la facilité. Quand j'étais étudiant à échouent à l'école. Que feront-ils quand ils revien- baisser les prestations sociales… Les Mahorais générale. Au sein même de l'Etat, on est convaincu l'université, c'était vers 1987, je me souviens dront ? On va retrouver les mêmes problèmes qui doivent prendre en compte les débats qui ont que le statut de DOM a fait son temps. C'est un qu'il y avait une grosse différence entre les se posent dans les banlieues en France. cours en France. Seulement nous, on se dit qu'on échec ! Dans ces départements, nous battons les Mahorais et les étudiants des îles voisines. Les Vous êtes président du Conseil général, et vous est le centre du monde ! records de France de RMIstes. Quand on voit dans Aujourd'hui, les gens recommencent à descendre tous ces départements la crise du logement, l'échec sur terre. La population s'interroge. N'est-il pas de l'éducation, de la formation : on peut se deman- temps de rouvrir le débat pour construire ensemble der si c'est un statut réellement adapté. Jacques “Les Mahorais doivent prendre en compte les débats qui ont un modèle social à Mayotte ? Moi, je suis noir, je Chirac l'a lui-même dit : "Il faudra que chaque m'appelle Saïd Omar, mais je suis français. La réali- département et territoire d'outremer ait un statut à cours en France. Mais on se dit qu’on est le centre du monde !” té est là, mais elle pose problème. Si rien n'est fait la carte." Et nous, on ne profiterait pas de cette au sujet des prestations sociales ici, les jeunes vont s'attaquer aux riches. Quand on main tendue !? a des jeunes qui reviennent de France avec un Pourquoi selon vous c'est un échec ? Comment diplôme et qui ne trouvent pas de travail, qui ont un en est-on arrivé là ? jeunes Comoriens se disaient : "Je suis obligé de semblez ne pouvoir rien faire. Vous avez bien un bac +3 ou +5 et qui se lèvent le matin sans pouvoir SAÏD OMAR OILI : Car avec ce statut, on a l'impres- réussir, il ne me faut pas seulement des diplômes, rôle tout de même. Vous pouvez agir. apporter ce que la famille avait placé d'espoirs en sion que le but est de gommer les différences. On mais des diplômes rares". Et ils bossaient. SAÏD OMAR OILI : Oui. Mais la première chose, c'est eux -beaucoup d'espoirs-, la colère n'est jamais loin. voudrait faire croire que Marseille est comme Paris, Pendant ce temps, les Mahorais, on disait : "Bof, de prendre conscience. C'est pour cela qu'on a orga- Votre impuissance en ce domaine n'est-elle pas comme la Corse, comme Mayotte. Non, ce n'est on est français. Au pire, on sera instituteur à nisé des débats en 2006. Quand vous avez pris liée à la majorité qui vous soutient, qui repose pas vrai ! Je le dis toujours : la différence n'est pas Mayotte." C'est l'histoire de la cigale et de la conscience, vous avez fait la moitié du chemin. sur une base très fragile ? une faiblesse. fourmi. A quoi bon faire des efforts ? Mais pour cela il faut que les élus s'y mettent, or on SAÏD OMAR OILI : Non, si l'UMP avait la majorité, Mais on touche là au fondement de la France, Aujourd'hui, des étudiants des autres îles [de revient toujours à cette question du totem qu'il faut il serait tout aussi impuissant. Mais on butte tou- qui s'est construite en annihilant les différences l'archipel] issus de ma promo travaillent au entretenir. jours sur ce discours populiste du statut. Pendant dans les régions françaises comme dans ses colo- PNUD, aux Nations Unies, sont professeurs. Mais concrètement, vous pouvez agir, mettre en des années, on a dit aux gens : “n'écoutez pas ceux nies… Nous, nous sommes tous revenus ici à Mayotte. place des moyens pour limiter la casse. Vous êtes qui osent critiquer”. Aujourd'hui encore, SAÏD OMAR OILI : Le problème, c'est que la France Vous semblez pessimiste… le président ! Kamardine dit : "Il faut se dépêcher d'acquérir le est un pays jacobin, avec des lois centralisatrices. SAÏD OMAR OILI : Je suis très pessimiste. SAÏD OMAR OILI : Oui, mais un président ne peut département parce qu'avec les débats actuels au Mais regardons l'Espagne, qui a connu la dictatu- Aujourd'hui, car on n'a pas dit la vérité, les rien faire s'il n'y a pas cette prise de conscience de Conseil général, on ne sait jamais." re il n'y a pas si longtemps. Aujourd'hui, elle Mahorais déchantent. Ils sont perdus, ils n'ont plus la part des autres élus que les choses vont mal. Note reconnaît ses différences, en Catalogne, au Pays de repères. Régulièrement, on parle dans l'hémicycle du RECUEILLI PAR RC (1) Lire Kashkazi n°57

kashkazi 60 février 2007 25 décryptage tensions policières Immigration : les limites de la p

moins de trois affaires ont défrayé la chronique. La Entre bavures avérées première se déroule le 7 janvier. Hassane, un habi- tant de M'tsapere âgé de 33 ans, père de deux des forces de l’ordre et enfants nés à Maore mais lui-même en situation irrégulière, est contrôlé par deux agents de la Paf interprétations erronées (Police aux frontières) dans le quartier M'balamanga. de la population, UNE DAME ASSISE sur le bord du trottoir, témoin de la scène, raconte sous l’anonymat. "Les les tensions policières policiers étaient en voiture. Ils étaient quatre. Ils se sont arrêtés à sa hauteur et deux d'entre eux sont se multiplient à Maore, descendus. Ils lui ont demandé ses papiers. L'homme a dit qu'il ne les avait pas sur lui, mais sur fond de lutte qu'ils pouvaient le suivre jusqu'à sa maison pour vérifier. Il assurait qu'il était en règle. Au début, les “sans merci” contre policiers ne voulaient pas le suivre. Le ton est monté, mais au bout de 10 minutes, ils ont accepté l’immigration clandestine. d'aller chez lui. Ils ont pris la petite rue [qui passe derrière la mosquée du Vendredi, ndlr]. L'homme était tenu par deux policiers au niveau des avant- bras. Il y en avait un troisième pas loin. C'est là que ça a dégénéré. Moi, j'étais à 20 mètres, je n'ai pas tout entendu, mais j'ai vu l'un des policiers frapper l'homme au ventre, un autre lui donner un coup de à ses fins, quels que soient les moyens. matraque sur la tête. Alors qu'il était à terre, ils Cet adage, qui est aussi la ligne de l'ont encore frappé." ARRIVER conduite politique que semble s'être Cette échauffourée provoque un attroupement. donnée le ministre français de l'Intérieur, Nicolas D'autres témoins rapportent que Hassane a effecti- Sarkozy, atteint ses limites à Maore. La lutte contre vement été frappé à terre "alors qu'il était déjà maî- l'immigration clandestine, intensifiée depuis trisé", explique un jeune homme qui habite la rue. décembre 2005, a abouti ces derniers mois à ce qu'il Inquiets de ce regroupement, les policiers ordon- convient d'appeler des bavures en tous genres de la nent au public de dégager, et ferment la rue, signe part des forces de l'ordre, quand ce n'était pas l'Etat qu'ils craignent sa réaction. Dix minutes plus tard, lui-même qui enfreignait la loi. Et quand il ne s'agit une ambulance arrive ; l'homme y est embarqué pas de bavures, c'est la population qui s'imagine direction l'hôpital, où selon sa femme on lui aurait toutes sortes d'irrégularités. La tension est d'autant cousu des points de suture sur la tête. plus palpable que les policiers et gendarmes sont Sur place, la foule est choquée. "Peut-être qu'il a eux-mêmes parfois victimes de cette situation : essayé de s'échapper [Ndlr : c'est même très proba- insultés, dénigrés, voire frappés. ble, vu qu'Hassane n'a pas de papiers français et Ce mois de janvier a été prolixe en la matière. Pas qu'il se dirigeait dans la mauvaise direction pour résiste. Un des agents utilise son gaz lacrymogène, attend un taxi au rond-point du Baobab, lieu de aller chez lui], mais ce n'est pas une raison pour l'autre tente de le maîtriser par les pieds. L'homme, prédilection des agents de la Paf pour arrêter les frapper si fort", dit une femme qui affirme avoir encouragé par un ami qui ne comprend pas cette taxis et les sans-papiers qui s'y trouvent. Elle se tout vu. "Ce qui m'a révolté, c'est qu'ils l'ont frappé arrestation, se débat, et donne un coup violent au fait sèchement contrôler, mais n'a pas ses à terre", indique pour sa part un autre témoin. "On visage d'une policière -bilan : nez cassé pour l’une, papiers sur elle. Elle propose au policier de l'ac- a tout de suite vu à la tête des policiers qu'ils poignet cassé pour un autre, lunettes brisées pour compagner chez elle -c'est tout près- pour véri- Rafle de nuit avaient compris qu'ils avaient fait une erreur", rep- un troisième. fier la régularité de sa situation. Il refuse et rend notre premier témoin. "Ils se sont regardés, et Tout comme dans la première affaire, les témoins l'embarque non sans violence dans la camion- CELA FAISAIT QUELQUES TEMPS que l'on n'entendait n'ont pas trop su quoi faire." Le détail a son impor- ont été choqués de la virulence de l'intervention. nette. Elle est envoyée au poste de police, où plus parler de ces rafles nocturnes, dans lesquelles sont tance : selon les témoins rencontrés, aucun des poli- D'autant que l'un d'eux, qui tentait d'intervenir, a elle restera plusieurs heures, et subira des phra- mobilisés des dizaines de gendarmes et de policiers, et ciers n'était blessé à ce moment-là. évité de peu une rasade de gaz lacrymo. Toutefois, ses du type : "De toutes façons, on te renvoie à qui visent non seulement à arrêter le plus grand nombre Deux jours après en effet, la préfecture donnait sa cette affaire prête moins à discussion. La blessure Anjouan". Elle demande l'identité de son inter- de sans-papiers, mais aussi, comme l'affirmait le version des faits : l'homme a essayé de s'échapper de la policière est avérée, et les circonstances sont locuteur. En vain. Réclame de passer un coup concepteur de cette tactique le lieutenant-colonel en frappant les policiers, qui l'ont par la suite maî- différentes. Selon le capitaine de la Paf, l'homme de téléphone. En vain. Guillemot l'année dernière, à terroriser ces personnes. trisé comme ils ont pu. Surtout, l'un des agents a âgé d'une vingtaine d'années était connu des servi- Finalement relâchée après l'étude de son dossier par Mardi 16 janvier, Combani a été visité par une escouade selon la police été blessé au visage et s'est vu pres- ces pour voie de fait sur des gendarmes. Peu avant un autre agent, elle reviendra quelques jours plus de camions et de gendarmes. "Ils se sont positionnés au crire une interruption temporaire de travail de neuf de monter sur la barge, il aurait refusé de se plier à tard pour porter plainte. Plus sympathiques, les niveau de La Poste dès 2 heures. Il y avait une dizaine jours. "Neuf jours, c'est énorme", s'étonne un un contrôle d'identité de deux agents. "Comprenant policiers ont alors tenté de lui faire oublier cette de camions", affirme un témoin. "A 4 heures, ils ont médecin de l'hôpital. "Cela veut dire que sa blessu- commencé à encercler le quartier Badjoni, et ils ont re était importante." Pourtant, les témoins n'ont rien arrêté tous ceux qui sortaient, notamment ceux qui vu. Ils n'ont vu que ce qu'ils ont eu envie de voir, “Ce n’est pas parce que nous avons des objectifs allaient prier. Ils ont frappé aux portes. Ils demandaient rétorque Michel Kukolj, secrétaire départemental que nous changeons nos méthodes.” aux gens de sortir avant de leur demander leurs papiers du syndicat majoritaire chez les policiers : l'Unsa. [ils n'ont pas le droit de pénétrer dans les maisons]." Un Le lundi matin, Hassane sera jugé en comparution MICHEL KUKOLJ, SYNDICALISTE UNSA jeune lycéen dit s'être fait casser sa porte. Voyant un immédiate pour "rebellion". Le verdict est sévère : ordinateur portable dans son banga, les policiers l'au- trois mois de prison ferme ; d'autant que beaucoup qu'ils ne pourraient le maîtriser à eux deux, ils ont idée, lui rappelant que la loi, à Maore… c'est eux. raient pris pour un voleur. "Ils m'ont fait m'asseoir pen- s'interrogent sur les raisons d'un jugement si rapide, appelé du renfort. C'est pour cela qu'ils sont arri- CES TROIS AFFAIRES démontrent la tension dant deux heures au bord des camions avant de me alors que les témoignages entre forces de l'ordre et vés à cinq", indique le capitaine. grandissante qui existe entre d'un côté, des forces relâcher." Des femmes et des enfants auraient été arrê- riverains divergent. L'avocate du prévenu, maître Jugé lui aussi en comparution immédiate, le jeune de l'ordre surexploitées, et de l'autre une population tés, dont un qui suivait un traitement au dispensaire. Un Vidal, affirme qu'elle lui a demandé, "comme à homme a été condamné pour violence volontaire et qui ne comprend pas certaines méthodes. lycéen affirme qu'un de ses amis, également lycéen, a chaque comparution immédiate", s'il souhaitait outrage à trois agents à six mois de prison dont Conséquence de la politique du chiffre imposée par été embarqué. reporter le procès, et qu'il a refusé. Le procureur, trois ferme, et à une amende de 350 euros. Il a éga- Nicolas Sarkozy ? En novembre 2005, le ministre Plus bas dans le quartier, on montre les portes fra- Guy Jean, confirme qu'il a lui aussi demandé au lement été condamné à une obligation de soins pen- de l'Intérieur avait fixé l'objectif de reconduites à la cassées. "Ils n'ont même pas frappé, ils sont entrés prévenu s'il souhaitait ajourner son procès. "Il a dant 18 mois, en raison de sa toxicomanie -il avait frontières à 12.000 en 2006. Un objectif qui sem- direct." Désireux de ne pas faire fuir les personnes refusé." Selon Guy Jean, lors du procès, "il n'a pas fumé du bangué avant son interpellation. blait fou -le "record" était alors de 8.000- mais qui vers la brousse, les gendarmes interdisaient tout nié avoir tenté de fuir". a finalement été largement atteint -on parle de appel de portable, et demandaient aux personnes SI CETTE AFFAIRE NE PRÊTE pas à confu- 15.000 reconduites. Mais à quel prix ? Dès décem- contrôlées de se taire, affirment les témoins. La pré- LA DEUXIÈME AFFAIRE éclate le samedi 13 sion quant à la responsabilité des agents de bre 2005, les Mahorais ont assisté à des scènes fecture, contactée à plusieurs reprises, n’a pas sou- janvier, en fin de matinée. Nous sommes près de la police -contrairement à la première-, la troisiè- désolantes : pour la première fois, des enfants par- haité s’exprimer à ce sujet. Mais surtout, ne nommez barge, en Petite Terre. Un homme monte visible- me histoire est loin de les dédouaner. Elle fois âgés de moins de 2 ans étaient ramassés en pas cela des rafles… ment pressé sur le bâtiment, suivi par cinq agents remonte au mardi 16 janvier. Une femme d'ori- masse avec leur mère -on peut d'ailleurs se deman- RC de la Paf. Ceux-ci tentent de le menotter, mais il gine camerounaise, qui a porté plainte depuis, der s'il ne s'agissait pas d'une stratégie afin d'alléger

26 kashkazi 60 février 2007 tensions policières décryptage politique du chiffre de Sarkozy

de policiers datent de la même époque. "Le temps Un mois après la rédaction de ce texte, il tient à fois les victimes. Récemment, une voiture a été des cow-boy est arrivé", dit un enseignant. Des dédramatiser. "Les agents n'ont pas moins le moral caillassée -selon la Paf- à Cavani. En novembre, le "cow-boy" qui, soutenus par une hiérarchie obnu- qu'avant. Nous sommes préparés à travailler avec journal Le Mawana (n°41) titrait : "Les flics n'ont bilée par les objectifs, se croient parfois tout per- les moyens du bord. Même quand on est fatigués ou plus la cote." Trois affaires jugées par le Tribunal de mis. Lors des rafles nocturnes, les gendarmes n'hé- énervés, nous sommes préparés à ces missions. Par première instance touchaient alors à l'agression ou sitent pas à casser les portes des maisons, comme contre, si l'Etat réclame des chiffres, nous disons l'insulte d'agents. La plus grave s'était déroulée à ce fut le cas mardi 16 janvier à Combani (lire page qu'il faut les moyens qui vont avec. Le chiffre ne doit Kaweni lors de l'interpellation d'un homme, que la précédente). Les contrôles d'identité passent par- pas être la cause, mais la conséquence de fois outre certains droits du citoyen. Des exactions l'augmentation des moyens. Quand on qui ne sont jamais punies. travaillera dans de meilleures conditions, “Avant, c’était bon enfant. Les interpellations Autre exemple, celui-là jugé par le tribunal de pre- le rendement sera meilleur." étaient faciles, ça se passait très bien.” mière instance début janvier : celui de ces agents de la Paf et de la DTEFP (Direction du travail, de l'em- POUR LE CAPITAINE de la Paf, il n'est UN CAPITAINE DE LA POLICE AUX FRONTIÈRES ploi et de la formation professionnelle), condamnés pas non plus question de déprime généra- pour être entrés chez un particulier sans autorisation le chez ses collègues. "On n'a pas plus peur qu'a- foule avait tenté d'aider à s'échapper, avant de le 5 octobre 2006. Souhaitant contrôler les tra- vant d'intervenir." Il note toutefois un double phéno- caillasser la voiture de police qui avait pris la fuite. vailleurs dans une maison, ils ont pénétré à l'inté- mène, confirmé par M. Kukolj, qui pourrait expli- Toutefois, pour Michel Kukolj, ces derniers événe- rieur sans la présence du propriétaire, et sans aucu- quer les méthodes autoritaires des forces de l'ordre. ments ne caractérisent pas une évolution globale. ne autorisation officielle. Une pratique dont l'expli- "Le premier, c'est que les clandestins sont de plus en "Ce sont des soubresauts sporadiques", pense-t-il. cation n'est pas à chercher bien loin : quelques jours plus violents. C'est de plus en plus difficile de venir Le procureur Guy Jean note pour sa part que "les plus tôt, le directeur du travail, Didier Perino, avait à Mayotte, donc on essaye à tout prix de ne pas se actes de rébellion ont toujours existé. Il n'y a pas de médiatisé en grande pompe le décret qui permet à faire attraper quand on y est. Avant, c'était bon recrudescence particulière". Au Tribunal, on ses agents de pénétrer à l'intérieur des domiciles enfant. Les interpellations étaient faciles, ça se pas- remarque cependant que ce type de jugement a (avec autorisation) afin de lutter contre le travail sait très bien. Mais depuis quelques temps, les sans- concerné de nombreux procès ces derniers temps. clandestin. Ces agents auraient-ils agi de la sorte si papiers fuient." En outre, ajoute Michel Kukolj, l'on ne baignait depuis des mois dans cette ambian- "quand on attrapait des mamans, ça allait, mais DANS CE CLIMAT plus que tendu, on peut se ce d'impunité absolue des forces de l'ordre ? maintenant ce sont des jeunes qui résistent." demander jusqu'où ira la confrontation entre la Deuxième évolution, selon le capitaine : "Certains population -et pas seulement les sans-papiers- et les FAUT-ILY VOIR UN PHÉNOMÈNE de cause à jeunes Mahorais qui reviennent de Marseille ou forces de l'ordre. La réponse pourrait devoir attend- effet ? Pour Michel Kukolj, de l'Unsa, cela n'a rien autres sont plus habitués aux contrôles de police. Ils re mai 2007, lorsque l'on connaîtra le nom du futur à voir. Il estime que dans les deux premières affai- acceptent de plus en plus mal car ils ne perçoivent président de la République française. Nicolas Ci-contre, arrestation d’un res, les agents n'ont pas outrepassé leur mission. pas que les contrôles d'identité ont d'abord pour Sarkozy, à l'origine de cette politique sécuritaire -qui homme en situation Selon lui, "on fait notre travail comme d'habitude. mission de prévenir les infractions." a abouti à de nombreuses bavures en France, surtout irrégulière à Maore, Ce n'est pas parce que nous avons des objectifs Cette évolution s'est manifestée par plusieurs affai- en 2002 et 2003- est pour l'heure le favori… lors d’un contrôle que nous changeons nos méthodes." Et d'affirmer, res dans lesquelles les forces de l'ordre étaient cette RC d’identité, en 2005. d'ailleurs, "que pour 2007, nous n'avons toujours pas eu d'objectif fixé." Le syndicaliste jure en outre que "courir après les clandestins", ne fait pas plaisir aux agents. "Il ne faut pas croire qu'on est content de faire ça. D'ailleurs, ce n'est pas la les effectifs scolaires avant la rentrée de septembre. seule mission de la PAF. Certes, elles doit contrô- Toujours en décembre, Kashkazi titrait "La honte de ler l'identité des gens, mais elle est surtout là pour Un éternel recommencement la République" à la suite de l'arrestation de sans- assurer la sécurité publique." papiers… à la sortie d'un match de football oppo- Un discours de charme que le capitaine de la Paf LES ABUS DE POUVOIR DES FOR- res d'habits d'enfant ! Emmène juste haut. J'y suis resté à faire des visites, sant le champion des Comores indépendantes au reprend à son compte : "Dernièrement, nous avons CES DE L'ORDRE dans leur traque ton bébé et allons-y." Lorsque j'ai etc… j'avais des vertiges, si je voulais champions de Maore. arrêté un kwassa dans lequel se trouvait un enfant aux sans-papiers ne sont pas un entendu cela je me suis enfermée dans aller aux toilettes il fallait que l'on me La litanie des actions à la limite de l'acceptable -juri- de 3 mois ! On se bat contre ça. Ce qui nous intéres- phénomène nouveau. Tout juste la maison. Il est venu devant la porte, soutienne et cela pendant quatre jours. dique et moral- s'est poursuivie tout au long de l'an- se plus, ce sont les passeurs. Moi, je préfère avoir peut-on dire que l'on assiste régu- il a frappé à la porte et m'a dit : Alors on est venu me dire : "Vite pré- née. En avril, Kashkazi titrait déjà : "Les dérives quelqu'un en face qui profite de la misère des gens lièrement à des sursauts. C'est ce "Femme ouvre la porte, car si tu ne pare tes affaires !" (…) On m'a ensui- policières du gouvernement français", évoquant l'in- que leurs victimes. On est des hommes comme les qui se passe depuis plus d'un an. l'ouvres pas, je vais t'envoyer du gaz te transporté à la gendarmerie de trusion de la gendarmerie dans le traitement judi- autres. On n'est pas des monstres. Cela ne nous fait C'est aussi ce qui se passa vers dans ta maison avec ton bébé !" J'ai Dzaoudzi aux Badamiers. Là on m'a ciaire de certains affaires touchant aux sans-papiers, pas plaisir de courir après ces gens-là. Mais c'est la 1998-1999, lorsque les exemples finalement ouvert la porte et je suis interrogé : "Quand es-tu venu, où es- et des bavures -de faible portée, certes. En avril, un loi de la République." Et d'affirmer lui aussi : "Ne d'entorses aux règles élémentai- sortie. Je lui ai encore expliqué ma tu descendu, avec quelle vedette, d'où collectif constitué par une douzaine d'associations et retenez pas de la Paf que l'aspect "clandestins". res étaient nombreux. situation mais il n'a voulu rien entend- venait-elle, à qui appartenait-elle ?" de syndicats adressait au préfet une longue liste Nous avons aussi la mission de lutter contre la A l'époque, le Groupe de re. (…) Finalement nous avons été (…) Le lendemain on nous a expulsés quant aux exactions commises par les autorités. Il y délinquance." réflexion sur le devenir des expulsés vers Anjouan.” vers Anjouan. Quand nous nous som- dénonçait "le non-respect des procédures de recon- Malgré ces discours certainement empreints de Comores (GRDC) avait sensibilisé mes retrouvés en pleine mer, j'étais duite à la frontière" et demandaient à ce que les ser- réalité, difficile de ne pas noter les violences, phy- les autorités à ces bavures, dans "SUBITEMENT LE VÉHICULE des CRS vraiment mal. Le soleil me martelait vices de la préfecture "fassent une injonction à siques parfois, verbales souvent, faites aux person- une lettre adressée au procureur est apparu. J'ai aussitôt pris la fuite en la tête "pan! pan!" ; j'avais le vertige.” respecter le droit auprès des services" tels que la Paf, nes contrôlées. Les exemples de mauvais traitement et au préfet, et avait recueilli 14 courant et je me suis retrouvé chez la police, la gendarmerie. ne manquent pas. Et si Michel Kukolj estime témoignages de victimes ou de Y… et c'est là que je suis tombé. (…) "VOILÀ, J'ÉTAIS SORTIE le matin aujourd'hui que les chiffres réclamés par la hiérar- témoins de ces actes. En voici Je me suis retrouvé avec des coups de accompagner mon enfant à la mater- LE PAROXYSME DE LA LUTTE sans merci chie n'y sont pour rien, ce n'était pas ce qu'il écrivait quelques extraits. matraque sur la tête : c'étaient les CRS nelle. […] A mon retour j'ai trouvé ma contre les "clandestins", devenus au fil des mois de en décembre dernier, dans un tract syndical dénon- qui s'acharnaient sur moi. J'ai quand porte cassée. […] Cette porte, ce sont vulgaires "clandos" dans certains médias, a été çant cette politique du chiffre. même réussi à pénétrer à l'intérieur de les policiers qui sont venus qui ont atteint à partir du mois de juin, lorsque la gendarme- Outre une critique des conditions de détention au "J'AI ACCOUCHÉ À L'HÔPITAL de la maison. Il m'a suivi et "pan! pan! frappé longuement en disant : rie a mis en place des rafles nocturnes dans les villa- Centre de rétention (lire Kashkazi n°59), il y regrat- Mamoudzou un mardi à 14 heures. Le pan!". Je me protégeais de mes mains "Ouvrez cette porte vous qui êtes à ges : Combani, Nyambadao, Dzoumogne, tait vertement le manque de moyens et de considé- mercredi vers 13 heures, j'ai dû quitter mais à force d'être frappé j'ai fini par l'intérieur ! Ouvrez-la !" N'ayant pas Mamoudzou… La tactique était -et reste- la même : ration envers les agents de police. "En Métropole l'hôpital . Le jeudi à 6 h 30, un poli- les enlever de ma tête. Alors je pense de réponse, ils ont cassé les … ils ont les forces de l'ordre se positionnent vers 2-3 heures aussi, les conditions de travail ne sont pas toujours cier est venu me chercher chez moi. que c'est là que j'ai reçu le coup qui cassé le cadenas.” dans une partie du village, et contrôlent tout ce qui mirobolantes, mais il est plus facile d'obtenir du Je lui ai expliqué que cela faisait à m'a cassé la tête. Je me suis aperçu bouge, voire ce qui ne bouge pas, puisque les agents matériel dans des délais raisonnables", écrivait-il. peine deux jours que j'avais accouché que ma tête était couverte de sang, "MOI, J'ÉTAIS PARTIE à la maternelle frappent aux portes. Le lieutenant-colonel "Tant que nous ne mettrons pas les moyens tech- et je lui ai demandé de ne pas m'arrê- que ma chemise était imbibée de sang accompagner mon enfant. A mon Guillemot déclarait alors : "Je fais ce que je peux niques en place pour satisfaire la politique du gou- ter. Mais il a refusé. Il m'a dit : ainsi que ma casquette. Alors je leur ai retour j'ai trouvé que la porte de mon pour exécuter la mission que l'on m'a confiée. Je vernement nous nous heurterons au problème des "Femme, sors de là et suis-moi avec dit : "Il vaut mieux que vous me pre- voisin avait été cassée. Ils ont cassé la cherche effectivement à mettre les étrangers en kwassas (…) Où est l'humain dans tout cela ? (…) ton bébé." Je l'ai supplié de ne pas niez, que vous m'embarquiez plutôt porte et ont embarqué la personne qui situation irrégulière dans un climat d'insécurité." Les hommes qui sont derrière les uniformes ont m'emmener mais il a refusé. Je lui ai que de me tabasser comme ça." Il ne se trouvait à l'intérieur. Ensuite, ils ont Quitte à baigner l'ensemble de la population dans ce aussi un cœur, sont aussi des parents, mais avant dit : "Alors, laisse-moi au moins voulait rien entendre et il continuait à fait tomber la cloison de chez moi, ils climat-là. tout des êtres humains qui doivent être traités emporter les vêtements du bébé !" Il frapper jusqu'à ce qu'il se rende comp- sont entrés, ils ont jeté tous mes habits Les premières tensions policières sont apparues - comme tel. Tous sont adultes et n'ont pas besoin m'a répondu : "N'emporte aucun vête- te que c'était très grave et que j'étais par terre, défait le lit. Ils ont fouillé ou du moins ont été dénoncées- vers le milieu de d'une épée de Damoclès pour faire consciencieuse- ment pour le bébé parce que moi je ne complètement amoché. [A l'hôpital] toute ma maison sans que je le l'année, et les premiers témoignages sur des abus ment leur devoir." suis pas venu jusqu'ici pour des histoi- on m'a placé dans une chambre en sache.”

kashkazi 60 février 2007 27 décryptage mouvement social Port de Moroni : les dernières heures du système des tâcherons Les boutriers étaient les maîtres de la manutention. Malgré leur résistance, la modernisation leur a damé le pion.

première bataille navale, l'armée grève. Pour la première fois de leur vie, les forçats chandises à des risques inestimables. Construits en Madi Mbiyavou est l'un des grévistes. Une soixan- comorienne n'a pas fait dans le du port se sont heurtés définitivement à un portail planches de bois, ces embarcations peuvent lâcher taine d'années, le corps frêle mais solide, la chevelu- POUR SA détail. La force de maintien de l'or- clos et ont dû battre la retraite derrière les matraques, prise en pleine mer et laisser couler ces produits de re grisonnante sous un bonnet blanc. Il fait partie des dre a dépêché plusieurs escouades à les gaz lacrymogènes et les balles à blancs. Une grande valeur. doyens de la profession. "Je suis docker depuis la tête desquelles se trouvait un marin qui n'est épreuve de force qui en une journée agitée, a fermé 1977" lance t-il. 30 ans donc depuis qu'il a commen- autre que le chef d'état major des forces armées. une page d'histoire de l'une des plus fortes corpora- MALGRÉ CES INCONVÉNIENTS, les boutres cé ce travail, "à l'époque où on ne comptait que sur L'escadron de la gendarmerie et quelques éléments tions ouvrières du pays, la manutention portuaire. présentent une utilité incontestable. Alors qu'en nos épaules pour décharger les bateaux et ramener de l'armée ne s'opposaient pas à une force étrangè- La toute nouvelle société en provenance des 2002, la Comaco avait voulu en finir avec ce systè- à quai les marchandises". Pour lui comme pour les re, mais aux dockers et autres employés du port de Emirats arabes unis, en charge de la manutention me ancestral, elle s'est vite rétractée. Venue avec des collègues qui l'entourent en épiant ce qu'il raconte Moroni, qui protestent contre les mesures prises du port de Moroni, Al Marwane, a en effet décidé chalands pour améliorer le débarquement, cette au journaliste, "le port c'est toute son existence". par le nouveau gérant du port de Moroni, leur nou- de se débarrasser des services des boutres. Ce société n'a pas pu supporter l'absence des boutres "J'étais recruté par les travailleurs eux-mêmes", se veau patron. Apres quelques altercations entre for- moyen de débarquement des marchandises des qui se présentent comme partie intégrante du port. rappelle-t-il. Les critères de recrutement sont ces de l'ordre et dockers, le calme est revenu, lais- gros cargos qui ne peuvent pas accoster au port sant tout de même un bilan lourd : trois blessés par trop exigu, est jugé défaillant et archaïque par la balle parmi les grévistes. Loin de marquer un sim- remplaçante de la Compagnie de manutention des “Ce sont les dockers qui l’informent de ses recrues, la société ple changement de méthode, ce mouvement Comores (Comaco). "Il y a beaucoup de risques se contentant d’enregistrer le nom fourni.” marque la fin probable d'une époque. dans ces boutres. Et pourtant ce sont des millions C'est en effet une transition douloureuse qui se joue d'euros qui sont transportés. Certains armateurs MADI MBIYAVOU, DOCKER DEPUIS 30 ANS sur le théâtre du port de Moroni. Derrière l'enclos de ne font pas confiance au port de Moroni à cause la SAGC, sur le gazon, une vingtaine de dockers, les de ces moyens d'embarcation. Parallèlement, les "Les boutres sont très rapides. Ils débarquent les inchangés depuis des années. "Quand il y a quel- rides tirées par de longues journées de négociations dockers ne sont pas sérieux. Ils sont souvent mal- produits à un rythme quatre fois supérieur par rap- qu'un qui est malade ou qui est décédé, ce sont les sur leur sort, regardent se mouvoir au loin, sur le intentionnés. Ils volent et dévalisent presque toutes port aux chalands. Alors que les boutres accostent dockers qui décident collectivement de le remplacer. quai, la main mécanique d'une grue de la société Al les marchandises qu'ils débarquent", soutient un très tôt le matin à côté du bateau pour débarquer les En général, on prend un proche de celui qui doit Marwane. Signe des temps qui changent, un cha- ancien dirigeant de la Comaco. marchandises, les chalands attendent 9 heures pour être remplacé pour assurer la continuité", explique land a remplacé les boutres en bois qui ont rejoint Le débarquement de marchandises à bord des bou- arriver. A ce moment, les boutres ont déjà exécuté Mbiyavou. Une affaire de famille, en quelque sorte. leur port d'attache. Il y a encore quelques jours, ces tres remonte de l'époque coloniale. Depuis lors, les deux rotations. Et tandis que les chalands nécessi- Ce système de cooptation érigé par les dockers leur hommes et leurs embarcations "millénaires" étaient embarcations en bois -tirées aujourd'hui par des tent des remorqueurs, les boutriers utilisent des confère un véritable monopole sur ce secteur de la de l'autre côté, avant que l'armée comorienne ne petites vedettes- déchargent les gros navires. Le rames pour arriver jusqu'au bateau", assure manutention. La société employeuse ne disposait Au port aux troque son uniforme pour celui des dockers en débarquement à bord des boutres expose les mar- Naguib, le chef des dockers de bord. d'aucune autorité sur ce personnel. Elle subissait la boutres de loi de l'équipe, qui s'était imposée comme un parte- Badjanani, on naire unique et incontournable sur le port. "Ce sont attend de repren- dre du service. les dockers qui l'informent de leurs recrues, la société se contentant d'enregistrer le nom fourni." A (LG- archives) l'arrivée d'un bateau, "l'autorité nationale en accord avec nous, fixe le coût de la manutention selon les tonnages à débarquer. Le versement se fait en glo- balité et les dockers se chargent du partage entre eux selon leur propre organisation", explique Mbiyavou. "En principe, il y a deux parts, celle des 90 dockers à quai et des 90 dockers à bord. Une troisième part revient aux boutriers qui se chargent de rémunérer leur propres manutentionnaires", dit Mbiyavou sous le contrôle de ses camarades. Au total, ce sont 461 personnes qui opèrent dans le cadre de ce système à chaque arrivée de bateau. Un système hermétique, échappant à tout contrôle exté- rieur, qui ressemble aux Manyahuli, ces propriétés claniques des villages comoriens, et qui permet aux dockers, non seulement de garantir leur emploi, mais surtout de se donner les moyens de négocier collectivement avec les opérateurs leurs conditions de travail et de paiement. Un système, surtout, qui a survécu des années durant à toutes les houles. Pas la dernière…

IL AVAIT VU DÉFILER cinq opérateurs de la manutention du port. La privatisation imposée par la Banque mondiale et le FMI n'avait pas réussi à le faire plier. Même la Comaco, qui avait négocié en 2002 la suppression de ce système et obtenu l'indemnisation par le gouvernement des boutriers et des dockers, avait fini par recourir à ce personnel, faute d'avoir réussi à moderniser à temps son outil de travail. A l'époque, les autorités comoriennes en collabora- tion avec la Banque mondiale avaient pris la déci- sion d'en finir avec les boutres. Chaque propriétaire devait empocher une indemnisation de 4 à 5 millions de francs comoriens (8 à 10.000 euros). Mais les fonds débloqués par la Banque mondiale ne sont jamais arrivés à destination, en tout cas dans leur totalité. "Les autorités comoriennes ont divisé l'argent. Chacun a reçu la moitié de la somme qu'il devait recevoir initialement. ...

28 kashkazi 60 février 2007 UN AN APRÈS

... Ils ont expliqué que réellement, ils auront besoin de nous. Donc il ne faudrait pas qu'on prenne l'argent car nous allons reve- nir. Pour cela, on a accepté la moitié étant donné L’affaire de Karthoum qu'effectivement on allait reprendre", se souvient Django, propriétaire de boutres et docker au port de Moroni. Effectivement, les boutres ont continué à fonctionner. Néanmoins, cette première tentative a sonné le glas, plus tard que prévu certes, pour la cor- aux oubliettes ? poration des dockers du port de Moroni. L'arrivée du nouvel opérateur arabe a remis sur le tapis la néces- sité de supprimer ces tâcherons au profit d'un salariat mensualisé.

EN DÉCLENCHANT LEUR MOUVEMENT de IL Y A UN AN... AUJOURD’HUI... grève en janvier, les dockers ont tenté un dernier LE 11 JANVIER 2006, quatre émissaires des baroud d'honneur. "Nous sommes conscients que le gouvernements des îles étaient arrêtés à Les quatre missionnaires, en liberté provisoire, attendent port de Moroni doit évoluer et se moderniser comme Dar-es-Salaam alors qu’ils tentaient de se leur deuxième procès... et ont retrouvé leur ancien poste. les autres ports du monde, mais le changement doit rendre au sommet de l’Union africaine, à se faire sur de bonnes bases" commente un des doc- Karthoum au Soudan, afin de dénoncer l’at- kers. La Confédération des syndicats comoriens, qui titude du gouvernement Azali quant à l’or- UN AN EST PASSÉ et les quatre accusés de "l'af- cher des traces de cette histoire. "Seul le jugement s'est investie dans ce combat, ne cache pas un certain ganisation de l’élection présidentielle. faire de Khartoum" sont libres, du moins pour l'ins- se trouve dans nos registres. Comme l'avocat avait scepticisme. "La mensualisation est très importante Dans Kashkazi n°24, nous écrivions ceci : tant. Comme si cette affaire était classée, certains fait appel, probablement que l'affaire est déjà trans- pour moi en tant que syndicaliste", affirme Ibouroi “Les autorités comoriennes sont formelles. d'entre eux ont même obtenu des promotions au mise devant la cour", soutient le greffier qui a Ali Toibibou, qui reconnaît une différence de Les émissaires dépêchés sans mandat pour sein de cet Etat qui les avait accusés de tous les fouillé en vain les documents susceptibles de relater conception entre son syndicat et les dockers sur l'a- participer aux travaux préparatoires du maux après leur passage dans la capitale soudanai- l'affaire. Le silence qui entoure ce dossier amène venir de la profession. "Mais cela n'est pas une rai- Sommet de l'Union africaine à Khartoum se. A l'exception de Halidi Charif, considéré à l'é- certains à penser que l'affaire a été close en même son pour sacrifier ce personnel et ne pas défendre doivent répondre de leurs actes devant la justice. Mis en demeure depuis lundi de poque comme le chef de la bande et actuellement temps que le régime Azali. Pourtant, sa vraie tour- leurs droits de travailleurs", fait savoir le responsa- quitter le territoire soudanais, Moustoifa ambassadeur des Comores à Madagascar, les trois nure n'a toujours pas été élucidée. S'agissait-il d'une ble syndical qui accuse le ministre des Finances "de Saïd Cheikh, Aboubacar Abdou Msa, respec- autres membres du groupe ont retrouvé leur poste simple manipulation ? Ou a contrario, d'une réelle s'être dérobé et d'avoir décidé la fermeture du site tivement conseiller spécial et conseiller au niveau des exécutifs des îles. Pour ne pas dire tentative de déstabilisation, avec falsification de alors que les négociations étaient en cours". Pris juridique du président Elbak, Bianrithi que l'affaire est classée, ils sont en liberté provisoi- documents à la clé - qui a permis aux accusés d'ob- dans la tourmente de leur propre système qui n'a pas Tarmidi, ministre du gouvernement de re. "Ils ne pourraient pas nous coffrer pendant tenir le visa d'entrer au Soudan où se tenait le som- prévu de filet de sécurité en cas de restructuration Mwali et Halidi Charif, conseiller spécial du longtemps car il s'agissait tout simplement d'une met de l'Union de Afrique ? comme celle qui est en cours, les dockers cherchent président Mohamed Bacar et candidat à l'é- manipulation. Ils ont vu qu'on a compris leur jeu et une sortie négociée. "Nous ne sommes pas pour la lection présidentielle, se trouvaient mercre- ils ont voulu chercher une échappatoire", lâche COMME HIER, les émissaires continuent de nier violence, mais si le changement c'est de travailler di en Tanzanie où ils auraient été entendus toute la semaine dans des conditions inacceptables par les autorités de ce pays. C'est à Dar-Es sans complexe Moustoifa Said Cheikh, l'un des en bloc les accusations. S'ils avouent qu'ils sont par- pour 70.000 francs comoriens [140 euros] par mois, Salam, où ils étaient en transit le 11 janvier, quatre accusés, conseiller à la Coopération du pré- tis pour "faire avorter les intentions du régime nous ne sommes pas d'accord", prévient H. Hassane. que les quatre émissaires des exécutifs des sident de Ngazidja, Soulé Elbak. Azali", les membres de la bande de Khartoum nient Pendant que le syndicat travaille sur une convention trois îles comoriennes ont pris l'initiative de Il y a un an, dans la prison de Moroni où ils étaient avoir falsifié des documents. "On n'aurait jamais au sujet de la mensualisation, qui doit compléter les se rendre à Karthoum alors que la lettre de incarcérés depuis le 23 janvier, Halidi Charif, pu quitter le pays sans que les autorités ne soient au dispositions prévues par la convention de concession mission qu'ils ont déposée au ministère des Moustoifa Cheikh, Biarithi Tarmidi et Aboubacar courant. Nous avons voyagé avec des passeports de signée entre l'Etat et la société Al Marwane, les doc- Relations extérieures à Moroni, indique qu'ils Abdou apprenaient leur condamnation. La cour service dûment livrés par notre ministère des se rendaient à Dubaï. (...) Embarrassés, les kers exigent pour leur part "des mesures d'accompa- correctionnelle avait retenu une peine collective de Relations extérieures", indique aujourd'hui exécutifs des îles tentent de minimiser les gnement qui prendront en compte les conditions de six mois d'emprisonnement dont deux mois fermes, Moustoifa Said Cheikh. C'est pourquoi les hommes effets de cet incident. Au nom du gouverne- travail au port". Ils demandent par ailleurs que le ment de Ngazidja, le ministre de et 75.000 francs comoriens (150 euros) d'amende de Khartoum continuent de soutenir qu'il s'agissait recrutement privilégie les dockers en fonction. "Les l'Agriculture, Dini Nassur, affirme que "la chacun. La justice les avait ainsi reconnus coupa- de manœuvres politiques. Mieux : chacun des ces 60 dockers recrutés sur la base du nouveau contrat délégation a été dépêchée par les prési- bles d'usurpation de document, de faux et usage de émissaires est convaincu que c'est grâce à eux que sont tous des nouveaux. Nous constatons qu'il y a un dents des îles pour contrecarrer la démar- faux suite à leur voyage controversé dans la capita- le processus électoral a suivi son chemin correcte- favoritisme dans le mode de recrutement", se plai- che de l'Union visant à demander aux chefs le soudanaise où les quatre émissaires avaient été ment. "Si la même situation se posait, je ferais la gnent les grévistes. d'Etat africains le report de l'élection prési- dépêchés par leur gouvernement respectif pour même chose. Ils ont voulu reporter les élections et Devant le refus de la direction d'Al Marwane de dentielle". Selon lui, "il y a eu des erreurs, "démentir toute implication des Exécutifs des îles nous sommes intervenus à temps pour stopper leur reprendre les négociations, les dockers ont introduit mais si des Comoriens doivent aller en pri- autonomes dans un éventuel report des élections élan", lance Biarithi Tarmidi. "Notre démarche était son pour la démocratie que ça se fasse". un recours auprès de la Cour constitutionnelle et ont présidentielles" selon les accusés. Après cette sen- décisive. C'est notre intervention qui a fait basculer Le 23 janvier, les quatre hommes étaient demandé les services d'un avocat pour les défendre. tence qualifiée de politique par leur avocate de l'é- les choses. C'est ce qui a amené l'Afrique du sud et De leur côté, les syndicats ont engagé un autre com- jugés dans un procès vite expédié. poque, Maitre Harimiyat avait interjeté appel. Mais les pays africains à s'investir dans la sécurité des bat pour faire admettre à la société Al Marwane que depuis que les quatre hommes respirent l'air libre, élections", martèle Moustoifa Said Cheikh. "la loi sociale du travail est fondée sur les réalités", explique Ibouroi Ali Toibibou. Inquiet quant à la l'affaire traîne dans les couloirs du tribunal de L'autre question qui démange toujours une partie de démarche du nouvel opérateur qu'il soupçonne "de Moroni. la population se trouve être dans l'opportunité de ne pas avoir de politique sociale", le syndicaliste C'est dans les archives que nous sommes allés cher- voyager jusqu'au Soudan pour saisir les officiels de demande "l'établissement d'un plan de restructura- l'Union africaine alors que celle-ci est représentée à tion de la manutention" ainsi que des négociations Moroni, mais aussi que les moyens de communica- avec la Caisse de retraite pour "racheter les années tion permettent de prendre contact avec l'instance de travail des dockers". africaine. "Ce n'est pas qu'on est plus rapide qu'u- ne lettre, mais en envoyant le courrier, il allait res- PENDANT CE TEMPS, c'est toute une filière qui ter seulement à Addis-Abeba [la capitale éthiopien- s'éteint. Sur les lieux de fabrication des boutres, l'ac- ne]. Nous avons eu écho de cette demande de report tivité a cessé. A Badjanani, les 42 boutres attendent de la part du gouvernement très tardivement. Il fal- des jours meilleurs. "Les boutres doivent disparaître, lait qu'on se déplace pour rencontrer en tête à tête mais pas avec cette politique engagée par Al les autorités pour leur faire part de notre préoccu- Marwane", pense un ancien dirigeant de la Comaco. pation. Une lettre ne pouvait pas créer les mêmes Pour un autre travailleur au port, "l'arrogance des effets que le déplacement", se défend Moustoifa dockers doit disparaître pour qu'ils puissent réintég- Said Cheikh. rer le système, car leur absence se fait sentir". Quant à ceux qui avançaient l'hypothèse d'une Mais au-delà du combat simplement corporatiste, se manipulation pour empêcher Halidi de se présenter joue au port de Moroni une lutte déterminante pour à l'élection, ils ont depuis changé d'avis : malgré les les travailleurs comoriens face à la nouvelle poli- accusations qui pesaient sur ce militaire, il a pris tique économique du gouvernement. L'ouverture du part au présidentielles, sans succès. marché aux investisseurs étrangers posera forcément Entre les déclarations des uns et des autres, seul un le réexamen du droit du travail, et imposera de nou- velles règles de négociation sociale. Une épreuve procès semble en mesure d'éclairer cette affaire pour les travailleurs et une exigence pour les syndi- trouble. Pour cela, encore faudrait-il que le dénom- cats, qui ont anticipé cette mutation en engageant mé Pek, qui fut le cerveau du coup, soit appelé à une réflexion sur leur propre structuration. comparaître. Au moment du premier procès expé- dié en peu de temps -dans un dossier on ne peut plus KAMAL'EDDINE SAINDOU sensible-, il était en voyage… et AHMED ABDALLAH Les quatre missionnaires, lors de leur procès à Moroni le 23 janvier 2006. (KES) AHMED ABDALLAH

kashkazi 60 février 2007 29 géopo ligne de mire LA RUSSIE DE POUTINE L’empire contre-attaque Depuis l’arrivée au pouvoir de l’ancien agent des services secrets Vladimir Poutine, la Russie retrouve un visage qui fut le sien pendant des siècles : celui d’un empire autoritaire.

la démocratisation des années 90 n'avait été qu'une parenthèse dans l'histoire de la Russie ? Et si l'empire reprenait petit à petit ET SI ses droits, après quinze ans d'incertitudes institutionnelles, débutés avec la Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev en 1985, et clos avec le départ mouvementé de Boris Eltsine, en 1999 ? L'évolution actuelle de la Russie de Vladimir Poutine, comparée à l'his- toire moderne de cet immense Etat, ne peut que confirmer cette analyse avancée par de nomb- reux observateurs. "En fait", écrit notamment le politologue russe Emil Païn (1), "il n'y a jamais eu de véritable fédération sur le territoire de la Russie, qui fut et reste, en grande partie, un empire. Je suis de plus en plus persuadé que la singularité du mode de développement de la Russie ne peut se comprendre que si l'on tient compte de ce asservie." Centrale étaient enregistrés comme "inorodtsy" Ce n'est que dans les années 1980 avec la poli- caractère impérial, passé comme présent. (…) La Russie impériale est née lorsque Pierre le ("autre genre"), une autre classe. tique d'ouverture mise en place par Mikhaïl Notre territoire actuel est globalement celui de Grand décida de l'expansion de son pays, en Gorbatchev, puis dans les années 1990, avec la l'ancienne métropole, et l'état d'esprit impérial y 1721, jusqu'à en faire l'Etat le plus vaste du SELON L'HISTOIRE OFFICIELLE, l'empire mort de l'URSS, que la démocratie prendra le renaît aisément sous tous ses aspects : mentali- monde, s'étendant de la mer Baltique à l'océan s'est arrêté avec la révolution bolchevique de pas sur l'empire. Mais depuis quelques années, té de grande puissance, espoir d'un ordre impé- Pacifique, de l'Europe à la Chine. A la fin du 1917, et la déposition du dernier Tsar, Nicolas un effet retour de balancier se produit sous la rial et de l'avènement d'un tsar pétri de sagesse. XIXème siècle, plus de 100 groupes ethniques II. La Russie fut alors déclarée République. coupe du très autoritaire Vladimir Poutine. Quand je dis tradition impériale, je ne veux pas vivaient sur le territoire de l'Empire (les Russes Mais l'avènement quelques années plus tard de Le prédécesseur de Poutine, le très burlesque seulement parler des velléités d'expansion inter- représentant 45% de la population). L'Empire l'URSS (Union des Républiques socialistes et Boris Eltsine, avait engagé une politique d'ou- nationale, ni de la volonté de retenir par la force russe était une autocratie dirigée par un empe- soviétiques) reprendra les schémas de l'Empire verture au monde extérieur -rapprochement des territoires qui ont leur spécificité ethnique. reur, appelé Tsar, issu de la dynastie des : des classes dirigeantes bien stratifiées, un pou- avec l'Europe occidentale et Washington, adhé- Je fais surtout allusion à un type de régime poli- Romanov. Les sujets de l'Empire étaient sépa- voir autoritaire n'acceptant aucune critique, un sion aux institutions de Bretton Woods. Mais à tique doté d'un pouvoir supranational, au sens rés en classes comme les "dvorianstvo" centralisme niant les différences ethniques et la période d'optimisme post-dictature où ce pouvoir est coupé de la nation (de la (noblesse), clergé, marchands, cosaques et pay- religieuses, et surtout le culte de la personnalité a succédé le temps des doutes. Dans société) - qu'il considère comme soumise, sinon sans. Les sujets nés en Sibérie et en Asie autour de Joseph Staline. un contexte de privatisations hâtives et ...

30 kashkazi 60 février 2007 ligne de mire géopo

... d'inflation persistante sous l'ère faire fermer des chaînes de télévision, à Eltsine, la transition économique s'est suspendre la parution de certaines titres et, traduite par une division par deux du affirment certains, à faire assassiner des jour- produit intérieur brut (PIB), entraînant une nalistes comme récemment Anna décrépitude militaire et politique de l'ancienne Politkovskaïa -l'association Reporters sans superpuissance, avec le gel des grands inves- frontières le classe parmi les prédateurs de la tissements et des achats militaires. La campa- presse. Surtout, il n'a cessé de centraliser les gne dévastatrice et épuisante économiquement pouvoirs, et de placer à la tête des postes clés de la première guerre de Tchétchénie (1994- des proches, la plupart du temps issus comme 1996) a précipité la débâcle économique, le lui des Renseignements secrets. Comme l'in-

“Nous étions réunis au début de l’ère Poutine, nous le sommes à sa fin. La réalité a dépassé de loin nos pires attentes.”

LEV PONOMAREV, PRÉSIDENT DU MOUVEMENT “POUR LES DROITS DE L’HOMME” ras-le-bol des Russes… et l'arrivée au pouvoir dique la journaliste Marie Jégo dans Le Monde de Vladimir Poutine, ancien agent du KGB et (4), "partiellement démantelé au moment de la directeur du FSB (le nouveau nom du KGB). "transition", en 1992, le KGB (Comité de Ce dernier a alors remis au goût du jour certai- sécurité de l'Etat, services spéciaux de l'époque nes valeurs -non sans satisfaire une partie de la soviétique) est resté, de toutes les institutions population nostalgique du temps où l'URSS de feu l'URSS, la mieux préservée. dominait une partie du monde- bien ancrées Aujourd'hui, les collaborateurs du FSB dans un pays en mal de reconnaissance : natio- (Services fédéraux de sécurité), marchant dans nalisme exacerbé, culte de la personnalité, le sillage du maître du Kremlin, qui l'a dirigé puissance diplomatique. en 1997-1998, ont investi, en quinze ans, le Selon Emil Païn, "le pouvoir actuel, avec peut- monde de la politique, celui de la haute admi- être quelques changements de personnes, se nistration et, plus récemment, celui des affai- débarrasse des oripeaux de libéralisme qui lui res." restent et construit sa verticale avec encore plus de frénésie, en s'appuyant sur une rhéto- AINSI, LA RUSSIE DE 2006 ressemble à s'y FSB a été chargé d'assurer "la sécurité des sys- plus en plus sévères et absurdes prononcés à Page de gauche : Vladimir Poutine, lors d’un rique hostile aux oligarques et en vantant la méprendre à l'URSS des années 1950. "Le tèmes d'information et de télécommunication l'encontre de personnes qui étaient de près ou discours devant le Kremlin. grandeur du pays. Il ne sait rien faire d'autre." FSB étend ses tentacules sur de multiples des secteurs vitaux", dont la télévision. "En de loin en rapport avec cette société désormais (DR) domaines de la société, jusqu'aux taxes sur réalité", conclut Marie Jégo, "jamais le pou- honnie s'expliquent aisément : il est impératif Ci-dessus : LES FAITS ne manquent pas pour appuyer l'alcool, par exemple, dont il s'est directement voir des "organes" n'a été aussi grand. A l'ère qu'en 2008 Ioukos n'ait plus aucun "héritier" Une affiche de propagande cette théorie. Depuis son arrivée au pouvoir, occupé", écrit Marie Jégo. Ses hommes sont soviétique, le KGB n'a jamais été représenté légal. A cette date, tous devront être "juridique- de l’époque stalinienne. (DR) Poutine a relancé le culte de la nation russe, présents à tous les échelons politiques : au aussi directement dans les centres décision- ment inaptes", c'est-à-dire émigrés ou en pri- voire le culte de la personnalité de celui qui la sein de l'administration présidentielle, au gou- nels. Présents à tous les échelons de la société, son. L'objectif est qu'une éventuelle révolution dirige, à l'image des Tsars qui se sont succédés vernement, à la tête des régions - le général les cadres du FSB sont apparus sur la scène ne dispose pas de financiers et que, si jamais au XIXème siècle. Selon Amnesty d'armée Boris Gromov à Moscou, le général publique avec l'avènement de Vladimir elle se produit au détriment de l'élite en place, International, les actes racistes se sont multi- de la police Vladimir Koulakov à Voronej, à Poutine. Mais leur retour en grâce s'est produit il soit impossible de restituer le patrimoine pliés ces dernières années, rarement condam- Smolensk le général du FSB Viktor Maslov, à avant son accession à la présidence, en 2000." exproprié." nés par la justice. Les droits des minorités sont Riazan le général d'armée Gueorgui Chpak... "Difficile d'évaluer le total des actifs du "hol- niés. Les revendications sécessionnistes ou La plupart du temps, ces officiers-fonctionnai- ding présidentiel"", écrivent les journalistes DANS CE CONTEXTE où une minorité simplement autonomistes, nombreuses en res demeurent "membres de la réserve active". Sergueï Mikhalytch et Alexeï Poloukhine (5) d'hommes de l'ombre dirige l'ensemble des Adjarie, en Ossétie, en Tchétchénie ou encore A ce titre, ils continuent de percevoir leur -ils entendent par "holding présidentiel", cette sphères de décision, difficile de parler de liber- en Ingouchie, sont traitées par la force. Aucune solde. "La seule différence avec leurs collè- catégorie d'hommes placés au pouvoir par té. Réuni le 10 décembre 2006, le Congrès discussion n'est possible ; seule la voie des gues, c'est qu'ils ont une obligation supplé- Poutine. "Une estimation très grossière révè- panrusse des défenseurs des droits de l'Homme armes semble à même de "mater" ces mouve- mentaire : rédiger chaque mois des rapports le que cet ensemble pèse plus de 200 a dénoncé le "fascisme" en Russie. "Dans notre ments qui usent parfois du terrorisme. pour la maison mère. (...) Ils sont l'oeil du milliards de dollars", estiment-ils. Ainsi, "la pays, il n'y a pas de droits de l'homme, qu'il s'a- Ce nationalisme s'accompagne d'une nouvelle maître", explique la sociologue Olga plupart des branches les plus rentables et por- gisse de la sphère politique, économique et Notes donne diplomatique : forte de ses réserves en Krychtanovskaïa, dans un livre, Anatomie de teuses d'avenir de l'économie russe sont "cha- sociale ou des droits civils. Il ne reste qu'un (1) Emil Païn, Moskovskié Novosti (traduction : pétrole et en gaz, la Russie compte monnayer l'élite russe, publié en 2004. D'après elle, plus peautées" [par des proches du président] : le nombre restreint de libertés démocratiques, et Courrier international) au prix fort ces richesses sur lesquelles lor- des trois quarts des membres de l'élite au pou- secteur pétrolier et gazier avec Gazprom, le les autorités dosent soigneusement l'accès à (2) Parmi les leaders gnent l'Europe et les Etats-Unis pour imposer ces libertés", affirme l'appel du congrès. Le tchétchènes assassinés : son point de vue, quitte à menacer, comme on premier congrès, que l'on a appelé "extraordi- Aslan Maskhadov, président indépendantiste tchétchè- l'a vu récemment avec l'affaire Gazprom, de ne “Si Poutine quitte la politique, le pétrole, le gaz, le complexe naire", a eu lieu en 2001. Il avait constaté que ne, abattu en mars 2005 ; plus alimenter l'Europe occidentale en gaz. l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir cons- et Chamil Bassaïev, tué en Ainsi Poutine a les mains libres. De crainte de militaro-industriel, le nucléaire, les transports, tituait une menace pour les droits de l'homme. juillet 2006. perdre ce marché, la communauté internatio- tout cela restera entre ses mains.” "Nous étions réunis au début de l'ère Poutine, (3) La prise d'otages de nale le laisse faire. Son intransigeance quant nous le sommes maintenant à sa fin. La réali- Beslan commence le 1er SERGUEÏ MIKHALYTCH ET ALEXEÏ POLOUKHINE, JOURNALISTES septembre 2004 lorsque des aux rébellions internes est sans limite : le té a dépassé de loin nos pires attentes", a séparatistes tchétchènes règlement du conflit tchétchène en est la preu- déclaré Lev Ponomarev, président du mouve- armés prennent des centai- ve. Depuis son arrivée au pouvoir, il refuse voir portent sur leur curriculum vitae les tra- nes d'enfants et d'adultes monopole d'Etat, Rosneft, la deuxième com- ment "Pour les droits de l'homme". en otage dans l'école de tout dialogue avec les séparatistes, tue leurs ces d'un passage dans les "organes" (KGB, pagnie pétrolière de Russie, et Zaroubejneft, Les intervenants ont accusé les autorités russes Beslan en Ossétie du Nord. leaders, des plus radicaux aux plus conciliants FSB ou GRU). Fidèle à sa vocation d'"Etat- qui a le précieux avantage de pouvoir tra- d'entrave à la liberté de parole et au pluripartis- Le 3 septembre, après trois (2), préfère utiliser la force pour mater les pri- garnison", la Russie a pris les traits d'une vailler dans des pays comme la Syrie, l'Irak me, de répression à l'encontre de certaines cau- jours de siège, les forces spéciales russes donnent ses d'otage -quitte à ce que des centaines d'in- "militarocratie", affirme cette chercheuse. ou le Vietnam ; le complexe militaro-indus- ses politiques ou ethniques, ainsi que d'avoir l'assaut. Celui-ci fut san- nocents meurent comme lors des prises d'otage Ces hommes s'intéressent en outre de plus en triel et l'énergie nucléaire ; les transports avec introduit une idéologie xénophobe dans l'appa- glant : selon le bilan offi- de l'école de Beslan en 2004 (3) et de l'opéra plus au milieu des affaires : ils sont présents Aeroflot, qui restera encore sans doute long- reil d'Etat. ciel, il y aurait eu 344 civils tués dont 186 enfants. de Moscou en 2002 (4)- et s'attaque autant aux dans les conseils d'administration des grandes temps le plus grand transporteur aérien du Du coup, nombre d'observateurs s'interrogent (4) En octobre 2002, un civils qu'aux miliciens. Du coup, certains n'hé- entreprises, introduits sur "recommandation du pays ; l'industrie mécanique civile ; les sec- quant à l'avenir. Qu'adviendra-t-il en 2008, commando tchétchène sitent pas à parler de génocide. Si le terme Kremlin", selon la sociologue. A Gazprom, teurs d'avenir (gazoducs, les oléoducs et la lorsque Vladimir Poutine remettra son mandat prend en otage le public du semble pour l'heure inapproprié, il n'en reste monopole russe du gaz et instrument de la métallurgie)…" en jeu ? S'il perd, l'acceptera-t-il ? Selon Théâtre de Moscou. Ils por- taient des ceintures d'ex- pas moins que l'on assiste dans ce petit territoi- politique internationale du Kremlin, 17 ex- Sergueï Mikhalytch et Alexeï Poloukhine, plosifs. Les services spé- re du sud de la Russie à l'extermination d'un membres du FSB-KGB figurent dans les orga- SELON EUX, CONTRAIREMENT aux oli- "même si on imagine l'improbable - à savoir ciaux russes ont usé d'un peuple, par la voix des assassinats ou des nes de décision… garques de la première époque -celle de que la présidentielle de 2008 ait bien lieu et gaz mortel pour les neutra- liser. Le commando a été migrations. Un air de déjà vu : en 1944, collec- Mais ce n'est pas tout. Depuis peu, le FSB déli- Eltsine-, les "amis du président" ne possèdent qu'elle soit remportée par l'opposition -, le nou- totalement éliminé. Bilan : tivement accusés d'avoir collaboré avec les vre les autorisations de circuler dans les lieux rien. Ils contrôlent. "Cela offre un avantage : veau chef de l'Etat n'aura guère que ses yeux 128 morts parmi les otages, nazis, environ 387.000 Tchétchènes (et 91.000 très surveillés : zones frontalières, régions au on ne peut pas leur retirer leurs actifs, ni les pour pleurer. Car, si Poutine quitte la politique, 41 parmi les terroristes. Ingouches) furent déportés en Asie centrale. riche sous-sol ou jugées stratégiques. En 2003, nationaliser. L'exemple de Ioukos [ex-premiè- le pétrole, le gaz, le complexe militaro-indus- (5) Marie Jégo, Le Monde, 170.000 d'entre eux n'auraient pas survécu il a récupéré le service des gardes-frontières. re compagnie pétrolière russe, totalement triel, le nucléaire, les transports, tout cela res- janvier 2007 durant ce transfert… Depuis le 10 juillet 2006, il peut agir "hors du démantelée et dont le patron, Mikhaïl tera entre ses mains et celles de ses amis." (6) Sergueï Mikhalytch et Alexeï Poloukhine, Novaïa Sur le plan intérieur, Poutine a petit à petit territoire de la Fédération de Russie" sur sim- Khodorkovski, purge une peine de huit ans de Gazeta (traduction : anéanti la liberté de la presse, n'hésitant pas à ple décision du président. Dans la foulée, le prison] est plus qu'instructif. Les verdicts de RC Courrier international)

kashkazi 60 février 2007 31 géopo enjeux Quand l’Afrique s’ouvre à la “mouvance alter” Le Forum social mondial s’est tenu en janvier pour la première fois en Afrique, à Nairobi. Pourquoi le continent a mis si longtemps pour rejoindre le mouvement altermondialiste ? Explications.

vous attendre à ce que des gens très pauvres qui ailleurs, poursuit l'intellectuel, "certains courants ne reçoivent pas leurs salaires s'impliquent dans de l'altermondialisme africain entretiennent des les problèmes de mondialisation", disait-elle à rapports plus qu'ambigus avec les institutions Porto Alegre. La majorité des Kenyans "passent officielles, nationales et régionales. Par exemple, l'essentiel de leur temps à se préoccuper de cho- au nom du panafricanisme, des altermondialistes ses basiques comme se nourrir, avoir un toit et des ont défendu l'idée d'une collaboration avec vêtements, et ne se préoccupent pas de la com- l'Union africaine, voire du soutien à son pro- plexité de la mondialisation", ajoutait Johnstone gramme économique, le Nouveau partenariat Summit, un consultant kenyan qui aide des ONG pour le développement de l'Afrique (NEPAD), à définir leurs stratégies. malgré son ancrage néolibéral évident. (…) Cette situation aboutit à la faiblesse relative des Derrière ce panafricanisme semble se cacher une mouvements africains, guère impliqués dans une quête de la reconnaissance, de la respectabilité démarche globale de contestation, comme le sou- du mouvement, voire un opportunisme.” Le tient François Houtard, figure majeure de la mou- mouvement altermondialiste serait pour certains vance alter (2). L'intellectuel camerounais, Jean “le premier pas d'une carrière” politique. Mpele, confirme ce phénomène dans un article de Devant ces difficultés, afin d’éviter que la dyna- la revue Politique (3) : "L'Afrique est l'un des mique altermondialiste ne soit un rendez-vous continents dont les peuples sont les plus touchés manqué pour les peuples africains, "elle doit par la phase néolibérale de la mondialisation. s'enraciner dans les couches les plus exploitées Cependant, le passage du rouleau compresseur et opprimées des sociétés africaines, aussi bien néolibéral semble ne produire que des images de urbaines que rurales", estime Jean Mpele. "Sans catastrophes sociales, de désolation, plutôt que de l'élitisme consistant à ne donner voix au chapit- résistances, de mobilisations des Africain-e-s. re qu'aux "intellectuel-le-s", dont les pratiques Alors que d'Amérique dite latine et d'Asie vien- quotidiennes participent souvent plus de la nent plutôt des images de mobilisations contre la reproduction des rapports de domination que de mondialisation néolibérale." la marche vers un monde sans oppression" et "sans le populisme, consistant à penser que les TOUTEFOIS ESTIME Jean Mpele, cette ten- peuples africains sont dépourvus d'idéologies et dance est de moins en moins valable. La reven- de pratiques reproductrices des rapports inégali- dication autour de l'annulation de la dette des taires." La récente Semaine citoyenne organisée pays du Tiers-Monde a depuis quelques années par l’Ipac (Initiative pour une alternative soudé les résistances africaines et a permis la citoyenne), à Mwali en juillet 2006, a montré à Lors d’un Forum social en 2003, à Bamako au Mali. (AFP) naissance des premiers groupes altermondialis- quel point il est difficile de convertir les militants tes africains. De même, une prise de conscience associatifs habitués à travailler avec les organi- est en train de se faire quant à la dimension néo- sations internationales à l'idéologie altermondia- libérale de l'intégration sous-régionale -particu- liste, qui vise à casser ce système. Mais l’espoir 7e Forum social mondial (FSM), qui se sociaux africains qui sont plus fragiles qu'au lièrement poussée en Afrique, où il existe une persiste : ceci exigera, selon J. Mpele, "du temps LE déroulait pour la première fois sur le Brésil par exemple", a ajouté M. Ben Abdallah. bonne quinzaine de ces institutions, comme le et du tact", mais "l'altermondialisme africain continent africain, s'est achevé jeudi 25 janvier à S'agit-il d'une étape essentielle dans la prise en Comesa, la COI, la Cedeao… Contrairement au peut néanmoins relever le défi de participer à la Nairobi, au Kenya. Son bilan est mitigé. Il a réuni compte de l'Afrique par le mouvement altermon- projet de Zone de libre-échange des Amériques construction d'une autre humanité juste, égalitai- moins de participants que prévu -57.000 contre dialiste -et vice-versa dans l'implication plus forte (ZLEA), resté lettre morte, les mécanismes d'in- re, pacifique et écologique". 100.000 attendus-, signe d'un possible essouffle- des Africains dans ce mouvement ? Pas impossi- tégration régionale africains ont suscité peu de ment symbolisé par la décision de ne pas prévoir ble. Paradoxalement, le continent, qui est certai- mobilisation populaire. Mais lorsque le Niger, en LE FORUM SOCIAL et son flot de paroles et d'a- de FSM en 2008, ses organisateurs privilégiant nement le plus atteint par les conséquences de la pleine famine en 2004, a décidé de hausser et nalyses vient d'ailleurs de le démontrer. Edward plutôt une journée de "mobilisation mondiale". En mondialisation, avait jusqu'à présent été absent d'imposer sa taxe sur la valeur ajoutée aux pro- Oyugi, du comité d'organisation, n’a pas hésité à outre, de nombreux couacs ont émaillé les six des précédents forums. En 2000, lors du premier duits de première nécessité (eau et nourriture évoquer "le réveil fracassant des sociétés civiles Pétition journées de rencontres, comme le rapporte le quo- FSM, ils n’étaient que 50 Africains -pour 15.000 comprises), les organisations nigériennes ont africaines jusque-là à la traîne." "Jamais je n'au- UNE DÉLÉGATION tidien français Libération : "Par un effet miroir, le participants. Cinq ans plus tard, toujours à Porto rapidement fait le lien entre ces hausses et les rais pensé que le vent démocratique allait souffler COMORIENNE a par- cahier de doléances, d'habitude exprimé du FSM Alegre, cette absence s'était particulièrement faite obligations du Niger envers la Cedeao. Une opé- aussi vite, aussi fort", a confirmé Njoki Njehu, ex- ticipé au Forum vers l'extérieur, s'est parfois retourné contre lui. Le animatrice d'un réseau altermondialiste à Social Mondial. tarif rédhibitoire de l'entrée pour les plus pauvres, Washington (2). Le Nigérian Moussa Tchangari Composée qui ont organisé leur propre contre-sommet. Les affirme pour sa part que “ce n'est plus une petite d’Assoumani “Certains courants de l'altermondialisme africain entretiennent Youssouf Mondoha, tentes du Brésil et de l'Inde déplacées au profit des rapports plus qu'ambigus avec les institutions officielles.” élite qui incarne la société civile citoyenne. Dans Mohamed Ben d'un restaurant, propriété d'un ministre. L'absence tous les domaines, de plus en plus de gens deman- JEAN MPELE, INTELLECTUEL Ousseni et Youssouf d'eau gratuite, alors que les débats dénoncent la dent des comptes au gouvernement. (2)" Moussa, elle a assis- privatisation de ce bien public mondial. La chas- Problème, comme l'indique le Nigérian Femi té aux différents se aux mômes ou la présence d'une prison dans le remarquer (en 2006, le FSM avait été délocalisé ration "villes mortes", paralysant l'ensemble du Aborisade : "Les mouvements sociaux sont conc- ateliers, et a ren- stade, qui n'a d'ailleurs pas empêché le braquage sur trois continent, dont l'Afrique, à Bamako). pays début 2005, a non seulement fait reculer le rets, vivants, plein d'énergie, mais, paradoxe, ils contré diverses per- du centre de presse alternatif. Le fiasco de la tra- Comment expliquer cette faible représentation gouvernement du Niger en la matière, mais elle n'ont jamais été aussi désorganisés dans mon sonnalités. Selon duction (...) Des couacs dénoncés par un texte des alors que "l'altermondialisation est une chance est aussi parvenue à mobiliser les acteurs de la pays." Autre difficulté à dépasser : la dépendance elle, “la question mouvements sociaux, qui flingue "la commercia- pour l'Afrique" (Aminata Traoré) ? s'interrogeait- sous-région au rôle d'articulation des politiques de la société civile africaine vis-à-vis du Nord. de l’île comorienne lisation, la privatisation et la militarisation d'un on à l'époque. Comment expliquer ce retard à l'al- néolibérales jouées par les organisations régio- Comme l'indique Libération, "la société citoyen- de Mayotte était au espace ouvert" (1)." Plutôt embêtant pour un lumage ? nales et les États nationaux. ne africaine semble en quête d'une double auto- cœur des débats. mouvement qui lutte contre ces trois termes... De plus en plus, les organisations africaines nomie. Revendiquant une indépendance avec les Une pétition en Malgré tout, ce Forum a selon ses organisateurs "CELA REVIENT TRÈS CHER D'ALLER" à s'impliquent dans la résistance et s’intègrent ONG du Nord, et non plus un paternalisme ou un faveur du retour de "atteint l'objectif" de mobiliser en force les mou- Porto Alegre, estimait en 2005 Dale McKinley, dans la nébuleuse alter. Reste à savoir quelle rôle d'alibi. S'émancipant aussi, progressivement, l'île comorienne vements sociaux du continent africain. Le coordi- porte-parole de la principale organisation non- place le continent peut prendre dans cette dyna- de la tutelle des pouvoirs en place, loin des dans son ensemble nateur du secrétariat du Forum social africain, gouvernementale altermondialiste sud-africaine, mique pour l'heure essentiellement insufflée en fameuses OTG (organisations très gouvernemen- naturel, a reçu une forte adhésion de la Taoufik Ben Abdallah, s'est ainsi réjoui de la pré- Anti-Privatisation Forum (APF). Le manque de Europe et en Amérique du Sud. "Comme partout tale) d'hier." Y arrivera-t-elle ? sence massive des mouvements africains, avec moyens est une des raisons qui expliquent ce phé- ailleurs, l'altermondialisme africain est confron- part des partici- RC pants.” Cette péti- d'importantes délégations venues de Zambie, nomène. Mais ce n'est pas la seule. Le défaut té à quelques problèmes, résumables par la plu- d'Afrique du Sud, d'Ouganda, du Mozambique, d'implication en est une autre plus valable encore. ralité des conceptions de l'altermondialisme que tion est disponible (1) Libération (quotidien français), janvier 2007 sur le site Internet : d'Ethiopie, de Somalie. "Nous espérons que ce L'un ne va pas sans l'autre, pense Angela Wauye, renferme la polysémie du slogan "Un autre (2) Le Courrier (quotidien suisse), janvier 2007 www.sos-comores.org FSM aura un impact fort sur les mouvements altermondialiste kenyane. "Vous ne pouvez pas monde est possible !"", pense Jean Mpele. Par (3) Politique (revue québécoise), février 2006

32 kashkazi 60 février 2007 AUTO ECOLE Place de l’Europe (rond-point du Café du port), Moroni e.mail : [email protected] RIAMA MORONI Pour une conduite irréprochable ! (00269) 73.59.59 73.21.00 Apprenez à conduire dans une 206 neuve et climatisée, avec un moniteur certifié ANJOUAN fort de 20 ans d’expérience. 71.60.32

Formation au code de la route et à la conduite MOHELI Forfait normal : séances de 30 minutes 72.03.85 trois fois par semaine pendant trois mois 33.03.85 Forfait accéléré : séances d’une heure tous les jours pendant un mois Lundi - Dép. 10h Mohéli - Dép 10h30 Anjouan - Dép. 9h45 Mohéli Arr. 10h25 Moroni Arr. 11h10 Mohéli Arr. 10h10 Anjouan - Dép. 9h Moroni - Dép. 14h Moroni - Dép 10h30 Anjouan Arr. 9h35 Anjouan Arr. 14h30 Anjouan Jeudi Arr. 11h Moroni - Dép. 10h Anjouan - Dép. 15h Anjouan - Dép. 9h Moroni Arr. 10h35 Moroni Samedi Arr. 15h20 Mohéli Arr. 9h35 Mohéli - Dép. 11h Moroni - Dép. 9h Moroni - Dép. 16h Mohéli - Dép. 10h Anjouan Arr. 11h25 Mohéli Arr. 9h25 Mohéli Arr. 16h20 Moroni Arr. 10h25 Mohéli - Dép. 12h Mohéli - Dép. 10h45 Mohéli - Dép. 10h Mohéli Arr. 12h25 Moroni Mercredi Arr. 11h10 Moroni Arr. 10h25 Moroni - Dép. 9h Moroni - Dép. 11h Moroni Mardi Arr. 9h25 Mohéli Vendredi Arr. 11h35 Anjouan - Dép. 9h Moroni - Dép. 9h45 Mohéli - Dép. 9h Moroni - Dép. 12h Anjouan Arr. 9h25 Mohéli Arr. 10h10 Moroni Arr. 9h25 Mohéli Arr. 12h25 Moroni

kashkazi 60 février 2007 33 océan indien chagos Chagos : le retour des “Ilois” est-il possible ?

Déplacés vers les colonies britanniques de Maurice et des Seychelles entre 1967 et 1973, les habitants de l’archipel des Chagos n’ont pas perdu l’espoir de retourner un jour vivre sur la terre de leurs ancêtres. Leur déportation avait été réalisée par Londres afin de permettre aux Etats-Unis d’implanter sur ces îles une base militaire qui, aujourd’hui, est toujours en fonction. Retour sur une histoire restée longtemps secrète, celle des “Palestiniens de l’océan Indien”.

la catégorie des espoirs les poursuites intentées contre les gouver- une condamnation définitive du "traité sec- que représentent le Moyen-Orient -en de Chagossiens pendant une dizaine de DANS qui font vivre, celui de nements anglais et américain, et qui a écrit ret" anglo-américain "permettrait au terme d'énergie- et l'Asie du sud-est -en jours en avril dernier sur leurs îles natales voir la justice britannique donner raison aux un article à ce sujet le 2 janvier dernier dans Congrès américain, à majorité démocrate terme d'industrie- font que Washington a (Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon) Chagossiens pourrait connaître son épilo- The Washington Post, la plupart des obser- depuis les dernières élections, de mettre en besoin de conserver certaines bases militai- (1)", écrivait-il, "c'est l'ensemble de la com- gue en ce mois de février. Le 11 mai 2006, vateurs, et notamment les juristes, notent difficulté l'administration Bush, en l'obli- res comme celle qu'il possède sur l'île de munauté chagossienne déportée à Maurice la justice de la Grande-Bretagne avait qu'il ne faut pas attendre des juges britan- geant à reconnaître ce que les précédents Diego Garcia, dans l'archipel des Chagos. et aux Seychelles - il y a maintenant une déclaré "illégale" l'expulsion dans les niques une décision différente de celle qu'ils trentaine d'années - qui reprend espoir. Le années 1970 des Chagossiens, exilés à ont déjà rendue par deux fois, en 2006 “Une nouvelle victoire pourrait ouvrir définitivement 11 mai 2006, la Haute Cour de Justice de Maurice et aux Seychelles par l'ancienne donc, mais aussi en 2000 - le 3 novembre Londres vient en effet de lui donner raison puissance coloniale, pour des raisons de de cette année-là, la "Royal High Court of la voie au retour des Chagossiens.” en annulant deux orders-in-council géopolitique alors dominée par la Guerre Justice" de Londres avait constaté que le DAVID VINE, ANTHROPOLOGUE AMÉRICAIN (décrets-lois) en date du 10 juin 2004 qui froide et afin de permettre aux Etats-Unis "déplacement" des "Ilois" (ainsi nomme-t- interdisait aux Ilois de revenir vivre sur de bénéficier d'une base militaire dans cette on les Chagossiens) était illégal. pouvoirs ont jusqu'ici nié". Cette vision Dans un article diffusé en juin 2006 dans le leurs terres de leur naissance. Ainsi, leur zone. Le verdict du 11 mai avait été qualifié Reste à savoir si cette sentence certaine- semble cependant très optimiste. Car ce quotidien réunionnais Témoignages (dont retour est devenu juridiquement possible. par les réfugiés chagossiens qui militent en ment positive aura des effets tangibles, ou si serait compter sans l'intérêt stratégique nous publions des extraits ci-dessous), le Mais pourra-t-il avoir lieu ? Les Américains faveur de leur retour dans l'archipel, de elle ne constituera pas seulement une vic- indispensable que revêt ce petit archipel juriste André Oraison avait fait part du qui ont loué à bail pour des fins stratégiques "victoire historique". Mais le gouverne- toire symbolique pour un peuple qui ne dans la politique étrangère des Etats-Unis. même enthousiasme que David Vine. Il et pour une période de 50 ans renouvelable ment britannique avait fait appel. Le juge- cesse depuis 30 ans de défendre sa cause. Certes, la Guerre froide n'est plus, mais les avait toutefois avoué son scepticisme quant l'atoll de Diego Garcia, y consentiront-ils ?" ment est prévu pour ce mois-ci. Pour David Vine, "une nouvelle victoire "ennemis" ne manquent pas en ce début de à une fin heureuse pour les Chagossiens. En Rien n'est moins sûr. Selon l'anthropologue américain David pourrait ouvrir définitivement la voie au XXIème siècle. La menace islamiste, l'a- cause : cette base militaire. "Après un RC Vine, sollicité en tant qu'expert-témoin dans retour des Chagossiens", dans la mesure où vancée diplomatique de la Chine, l'enjeu voyage mémorable réalisé par une centaine (1) Lire Kashkazi n°36 “Les dernières victimes de la Guerre froide”

l'hostilité du Gouvernement de Washington, très forte Dans un article publié par après la destruction du World Trade Center de New York Témoignages en juin 2006, dont le 11 septembre 2001 et l'utilisation de la base de Diego voici des extraits, le juriste André Garcia en 2001-2002 contre les commanditaires de cet attentat, supposés être installés en Afghanistan. Après Oraison revient sur l’histoire de l'intervention militaire américaine en Irak qui a chassé du l’archipel et du peuple des Chagos. pouvoir le président Saddam Hussein en avril 2003, puis permis son arrestation, le retour des Chagossiens sur leur Selon lui, ce dernier restera dans sol natal semblait même compromis pour une longue l'Histoire comme la dernière victime période. de la rivalité idéologique Est-Ouest Pour sa part, l'État mauricien revendique la rétrocession de ce territoire lilliputien depuis 1980. Lors d'une visite à dans l'océan Indien. Londres le 7 juillet 1980, Sir Seewoosagur Ramgoolam en avait fait la demande auprès de Margaret Thatcher, à l'é- poque Premier ministre de Grande-Bretagne. C'était “la À QUI APPARTIENT L'ARCHIPEL DES CHAGOS OÙ SE première fois” qu'il accomplissait une telle démarche TROUVE LA BASE MILITAIRE ANGLO-AMÉRICAINE ÉTABLIE depuis 1965, date à laquelle il avait “cédé” les Chagos aux À DIEGO GARCIA ? À la Grande-Bretagne qui l'a intégré Anglais pour la somme dérisoire de 3 millions de livres dans le British Indian Ocean Territory (BIOT) en 1965 ou à sterling. En sa qualité de Premier ministre mauricien, Maurice qui considère sa décolonisation comme "inache- Navin Ramgoolam est également intervenu le lundi 19 vée" ? Ou plus simplement aux Chagossiens, tous expulsés septembre 2005 à l'occasion de la soixantième session pour des raisons stratégiques par les Anglais à l'initiative ordinaire de l'Assemblée générale de l'Organisation mon- des Américains et désireux, pour certains d'entre eux, de diale. Il a renouvelé les revendications de son pays “sur revenir aux Chagos après obtention de nouvelles compen- l'archipel des Chagos qui avait été détaché de la colonie sations financières de la part de la Grande-Bretagne, de Maurice par le Royaume-Uni en violation du droit accusée d'avoir volé leurs racines et leurs âmes ? international”. Après près de trente années d'exil à Maurice, le droit de Mais quand, comment et pourquoi les Chagossiens ont-ils retour des Chagossiens sur leurs terres natales leur avait été déportés ? (…) Au moment où a soufflé le vent de la déjà été reconnu par la "Royal High Court of Justice" de décolonisation, la Grande-Bretagne - en plein Londres dans une décision du 3 novembre 2000. Mais ce accord avec les États-Unis - a voulu maintenir dans droit de retour n'a pu encore être concrétisé en raison de l'océan Indien des bases militaires pour assurer la ...

34 kashkazi 60 février 2007 Page de gauche : la base militaire chagos américaine de Diego Garcia. (DR) océan indien Ci-contre : une carte de l’archipel des Chagos. (DR) le tour de la région ... liberté de navigation sur ment les détroits de Lombok et de l'ancienne route des Malacca - qui comptent parmi les l’événement afrique du sud Indes. C'est donc dans un principaux “verrous” de cette contexte de compétition Est- partie du monde (…). C'est dire Ouest caractérisé par les premiè- l'importance de ces îles pour les AU BON SOUVENIR res croisières de bâtiments de États-Unis. guerre soviétiques dans l'océan (…) Le choix de cet atoll est com- DE L’EXTRÊME-DROITE... Indien qu'à l'initiative des USA, un préhensible. L'île de Diego Garcia accord politique anglo-américain est située à proximité de quatre L'EXTRÊME DROITE SUD-AFRI- cains et des organisations pour la a été conclu en 1961 entre le masses continentales : Afrique, Premier ministre britannique Antarctique, Asie et Australie. CAINE, SUR LA TOUCHE depuis la suprématie des blancs, M. Harold Macmillan et le Président Diego Garcia a été choisie en rai- fin du régime raciste d'apartheid, Vermaak affirme que son mouve- américain John Fitzgerald son de sa position privilégiée. refait surface. Convaincus que le ment ne se considère pas comme Kennedy. Dans cet accord secret, L'atoll est semblable à un “porte- Sida et l'avortement sont les raciste, tout en admettant qu'il les Américains prennent l'engage- avions indestructible” à proximité outils d'un complot pour décimer puisse être ainsi perçu. Le direc- ment d'installer une base militai- duquel passent tous les navires et la race blanche, les militants du teur du parti, Nicholas Lang, re dans cette région pour défend- aéronefs qui veulent traverser l'o- Boerestaat (Etat afrikaner) espè- affirme que le Boerestaat est re les intérêts du camp occidental céan Indien. (…) Au fil des ans, rent gagner en influence depuis “ouvert à toute race, à condition à la double condition que le terri- cette plate-forme a été érigée au que leur parti a officiellement d'être d'accord avec nos idées”, toire anglais retenu pour l'abriter échappe au processus de rang de complexe aéronaval ultramoderne, permanent et été enregistré le 2 janvier. Le mais ajoute que “si un homme décolonisation et que sa population en soit évacuée. En polyvalent, destiné à servir bien au-delà de 2016 - date chef du Boerestaat, Coen blanc est tué, tout le monde contrepartie, ils offrent un rabais de 14 millions de dollars d'expiration du bail initial fixé à 50 ans - et pour lequel les Vermaak, estime qu'il est temps meurt”. sur les fusées Polaris que les Britanniques envisagent alors Américains ont dépensé des centaines de millions de dol- que les blancs (5 millions sur 47 d'acheter pour équiper leurs sous-marins nucléaires. Ce lars, d'abord pour son édification, puis pour son extension millions d'habitants) rejettent le Le Boerestaat est persuadé qu'un marchandage politique a été plus tard avoué par le dépar- et, maintenant, pour son utilisation. concept de “Nation Arc-en-Ciel”, complot vise à exterminer les tement d'État (...). De fait, une décennie après avoir été l'un des pivots des cher à l'ancien président Nelson blancs, notamment par une plus raids aériens contre l'Irak pendant la Guerre du Golfe, la Mandela (1994-99). grande accessibilité à la contra- À la suite de ces tractations, intervenues au plus haut base de Diego Garcia est devenue l'une des “têtes de niveau, le Gouvernement de Londres a institué le BIOT par pont” du dispositif militaire américain dans l'océan Indien, “Nous ne voulons pas accéder au ception et à l'interruption volon- un décret-loi du 8 novembre 1965. Ce texte avait pour lors de la guerre engagée contre le Gouvernement pro- gouvernement. Nous voulons taire de grossesse. objet d'introduire des dispositions nouvelles pour l'admi- taliban de Kaboul. (…) Les USA semblent aujourd'hui changer le système”, a-t-il décla- “Je suis convaincu que l'avorte- nistration de certains îlots exigus et peu peuplés. Il s'agis- déterminés dans leur lutte contre les attentats terroristes ré à l'AFP après un meeting à ment vise à se débarrasser des sait du groupe des Chagos situé à 2.150 kilomètres au anti-occidentaux, plus ou moins tolérés par certains pays Johannesburg. Son discours était bébés blancs”, affirme M. Nord-est de Port-Louis, et de trois îlots dispersés dans la riverains de l'océan Indien, comme ils étaient hier résolus empreint de la nostalgie de l'an- Vermaak. Le Sida, selon lui, n'est partie occidentale de l'océan Indien. Les îles Chagos à freiner l'expansion de l'URSS dans cette région. C'est dire cien régime, du temps où la en outre qu'un prétexte pour étaient jusqu'ici administrées par le Gouvernement auto- qu'ils ne sont pas prêts de renoncer à leur unique base minorité blanche bâillonnait la obliger les blancs à utiliser des nome de Port-Louis militaire installée dans l'océan Indien. Mais c'est dire aussi majorité noire. Il l'a prononcé préservatifs. “Aucun Boer n'a (…) Descendants d'esclaves qui reçurent le nom de “Noirs que les Chagossiens ne pourront pas revenir de sitôt sur devant une cinquantaine de mili- jamais eu le Sida. Cela n'existe des îles” et dont les premiers occupants viennent des leurs terres natales. tants d'âge mûr, sur fond blanc, pas. C'est la plus grosse escro- Mascareignes à la fin du 18ème siècle, les Chagossiens orange et bleu, les couleurs de querie jamais inventée”, affir- sont alors analphabètes, catholiques romains et monolin- (…) Étrangers au monde de la géopolitique, les l'ancien drapeau national relégué me-t-il. gues créoles. Avant le déplacement forcé de l'intégralité Chagossiens ont bien été les premières victimes de la riva- dans les poubelles de l'Histoire Bien que le parti n'appelle pas à de ses habitants vers les colonies anglaises des Seychelles lité idéologique Est-Ouest dans cette partie du monde. Au depuis la chute de l'apartheid. la restauration du droit de vote et de Maurice, l'archipel des Chagos comptait 1.400 per- surplus, le sort de ces insulaires a été pendant longtemps Pour M. Vermaak, les douze der- pour les seuls blancs, il rejette sonnes réparties en 426 familles, vivant en régime autar- tragique. L'hospitalité mauricienne a fait défaut à leur nières années ont démontré qu'il fermement le concept de suffra- cique et s'adonnant aux cultures vivrières, à la pêche égard : aucune structure digne de ce nom n'a été mise en côtière, à l'élevage d'animaux de basse-cour et au ramas- place pour les accueillir à Port-Louis. Exilés dans un pays est insensé de croire que les noirs ge universel en vigueur depuis la sage des noix de coco selon un mode de vie qui était resté pauvre et surpeuplé, ceux qu'on a parfois appelés les et les blancs puissent vivre fin de l'apartheid. Pour M. - jusqu'à la date de leur exil - celui du temps de la mari- “Palestiniens de l'Océan Indien” ont été “dispatchés” dans ensemble. “Je ne pense pas qu'il Vermaak, il est ridicule qu'un ne à voile et des lampes à huile. Les seules îles habitées les bidonvilles de Port-Louis - notamment à Baie du y ait de volonté de réconciliation médecin et un vagabond aient le étaient celles de Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon. Tombeau et à Pointe aux Sables - et abandonnés à leur de la part du gouvernement (...) même droit de se prononcer sur Certes, les Chagossiens ont été “déplacés” vers Maurice et sort le jour même de leur arrivée à Maurice. Très nomb- Ils changent les noms des villes la façon de diriger le pays. “C'est les Seychelles entre 1967 et 1973. Mais il faudra attendre reux sont ceux qui, pendant longtemps, n'ont pas trouvé et nous confisquent nos affai- logique, le vote de certains 1975 (…) pour que l'opinion publique res”, affirme-t-il. devrait compter davantage que découvre le sort des Chagossiens, l'in- En dépit de liens Internet avec d'autres”, conclut-il. curie des autorités mauriciennes à les EXILÉS DANS UN PAYS PAUVRE ET SURPEUPLÉ, CEUX des groupes antisémites améri- (avec AFP) accueillir décemment et le cynisme de la diplomatie anglo-américaine. QU'ON A PARFOIS APPELÉS LES “PALESTINIENS DE L'OCÉAN (…) Par la suite, les Chagossiens ont été INDIEN” ONT ÉTÉ “DISPATCHÉS” DANS LES BIDONVILLES obligés d'abandonner leurs terres nata- hommage mozambique les en application d'une Immigration DE PORT-LOUIS ET ABANDONNÉS À LEUR SORT. Ordinance. Édicté 16 avril 1971, cet FIDÈLES À FIDEL étrange document dispose : “Aucune personne ne peut pénétrer sur le Territoire ou, si elle se de travail, ont souffert de malnutrition ou ont sombré LA PERSONNALITÉ DU LÍDER CUBAIN, FIDEL CASTRO, a fait l'ob- trouve sur le Territoire, ne peut y être présente ou y res- dans l'alcoolisme, la délinquance, la prostitution ou la jet d'un hommage appuyé en décembre dernier, dans un village ter, à moins d'être en possession d'un permis ou à moins toxicomanie quand ce n'est pas dans le désespoir, la vio- de la province de Gaza, au sud du Mozambique. Cette localité a que son nom ne soit porté sur un permis”. Parallèlement, lence, la démence ou le suicide. Presque tous ont connu en effet été rebaptisée du nom de l'illustre président cubain, à les bateaux qui visitaient jusqu'en 1967 les Chagos cessè- l'exclusion sociale ou le mépris de la population mauri- rent graduellement de leur apporter les approvisionne- cienne ou ont eu des difficultés à s'insérer dans une socié- l'occasion du 80ème anniversaire de Fidel Castro et des 50 ans du ments nécessaires. À la même époque, les centres admi- té pourtant réputée “arc-en-ciel”. début de l'insurrection armée contre la dictature de Batista. nistratifs, les écoles et les dispensaires des Chagos sont (…) [Le] retour des Chagossiens sur leurs îles natales ou sur Cette manifestation a réuni des milliers de personnes. On a pu progressivement fermés. Ces multiples défaillances de la la terre de leurs ancêtres (…) n'est pas encore entière- voir notamment des Cubains en service dans divers secteurs d'ac- part des Britanniques, assorties de menaces d'expulsion, ment assuré. L'accord formel des Américains est indispen- tivité dans le pays, ainsi que nombre de Mozambicains formés à obligèrent en 1973 les Chagossiens récalcitrants, encore sable pour concrétiser ce retour sur l'archipel des Chagos Cuba. "Ce fut un vrai moment de festivité qui a témoigné des réfugiés à Peros Banhos, à quitter à jamais les îles où ils et tout particulièrement sur l'île de Diego Garcia qui en excellentes relations de solidarité et de coopération entre nos étaient nés et où ils avaient grandi. est l'île la plus importante par la superficie comme elle en peuples. Castigo Langa, président de l'association qui a organisé était jadis la terre la plus peuplée. Néanmoins, une chose l'événement, a rappelé le profil historique et patriotique de Fidel (…) Isolées à 1.200 milles nautiques au Nord-Est de est aujourd'hui certaine : l'espoir aux cœurs des Castro, aussi bien que le rôle prépondérant du dirigeant, avant et Maurice, les Chagos sont presque à égale distance des rou- Chagossiens est plus vivace que jamais. Leur combat après l'indépendance du Mozambique, dans la formation de diffé- tes maritimes traditionnelles, vitales pour les puissances continue. rents cadres, au sein de l'éducation, de la santé, de la défense et industrialisées. Elles sont presque à mi-chemin du canal de l'agriculture", rapporte Notícias. A son tour, l'ambassadrice de Mozambique et du détroit d'Ormuz, qui sert de voie de cubaine a affirmé : "Nous célébrons aujourd'hui cet anniversaire ANDRÉ ORAISON passage obligée entre le golfe Persique et la mer d'Oman. avec la même chaleur et la même émotion partout à Cuba. Nous Elles sont encore situées à proximité du détroit de Bab El- professeur de droit public à l'Université de la Réunion, avons tous un sentiment particulier pour notre dirigeant, parce Mandeb qui met en communication la mer Rouge et “À propos d'un éventuel retour des habitants des îles Diego qu'il est le défenseur des défavorisés." l'Océan Indien. Le groupe des Chagos est enfin ancré dans Garcia, Peros Banhos et Salomon sur leurs terres natales”, le voisinage des goulots malais et indonésiens - notam- in Témoignages, juin 2006 (avec Notícias)

kashkazi 60 février 2007 35 dossier

Nyumakele

Dépossédés de leurs terres, les Nyumakéléens vivent encore aujourd'hui comme une population déracinée - des gardiens serviles de réserves foncières qui ne leur appartiennent pas. Chômage, faim, environnement menacé, exode : la situation de cette région la place au coeur des problématiques de l’archipel.

Littéralement, ces deux mots signifient "au-delà de la baie". NYUMA-KÉLÉ. Djamal’Eddine Salim, ancien ministre originaire de Ongojou, explique ainsi l'origine du nom de la presqu'île qui traditionnellement, s'étendait de Jomani à les damnés l'Est jusqu'à Moya sur le versant sud-ouest de Ndzuani. Ce plateau représente le tiers de l'île et culmine à 300 et 400 mètres d'al- titude sur des fortes pentes qui se jettent à la mer, taillant de profondes ravines. La forêt croise des zones nues, de la terre résultat de la double action de l'é- ... 36 kashkazi 60 février 2007 le nyumakele dossier

... rosion et "du vent nuisible à la végé- tar du Trimba, véritable culte célébrant les sont ainsi vendus au même titre que leurs ter- nous avons été colonisés par nos propres frè- tation et accroît l'effet de la saison djinns venus de la mer. Au sud de res. "On n'avait rien laissé aux habitants. res anjouanais chez qui nous travaillions sèche", décrit J.J.Thomas, dans une Nyumakele, les villageois commémorent Nous n'avions même pas assez de terre pour comme métayers ou domestiques", résume étude qu'il consacra à cette région en 1959. régulièrement ce souvenir de leurs ancêtres. creuser des fosses d'aisance. Nous étions deve- Soifouane Ahmed de Mramani. "J'ai moi- L'ingénieur français n'en retint pas moins de Chaque année, une procession traverse les nus des étrangers sur notre propre sol", décla- même été envoyé par mes parents à Ouani et ce relief tout aussi contrasté qu'accidenté, un villages Iraz pour se terminer à , re un ancien à Ainouddine Sidi (1). à Mutsamudu où j'ai travaillé comme domes- sol riche par sa structure, des températures leur lieu de débarquement, où un bouc est Un siècle plus tard, les effets de cette expro- tique. C'est à Ouani qu'un notable de la ville, généralement fraîches, une pluviométrie alors sacrifié selon un rituel aux règles bien priation sont encore présents. "C'est vrai qu'il m'a permis de poursuivre mes études", confie abondante malgré une saison sèche plus mar- précises. "Les intestins de l'animal envelop- y a eu une redistribution des terres. Mais Ibrahim Halidi. La fermeture des chantiers de quée en basse altitude, et surtout une "possibi- pés dans sa peau sont déposés au fond de la celle-ci a été mal faite lité de cultures intensives" qui ont fait la pro- mer en offrande au djinn." et reste inachevée" spérité de ce vaste domaine colonial après estime Ibrahim Halidi “Au départ du Blanc, nous avons été colonisés par nos propres frères celui de Bambao et avant celui de Pomoni et POUR LE VIEIL HALIFA, comme pour la qui, entre deux élec- anjouanais chez qui nous travaillions comme métayers.” de Patsy. Le tiers de la population anjouanaise plupart des habitants de la presqu'île, le tions, s'occupe de son est concentré sur ces 12.000 ha de terres qui Trimba est plus qu'une fête. Un devoir de champ à Bandrakouni. SOIFOUANE AHMED, DE MRAMANI battent le record de densité de tout l'archipel, mémoire permettant de réaffirmer une identi- L'absence de réforme avec plus de 400 habitants au km2. Autant d'a- té refoulée par une histoire qui s'entête à effa- foncière attribuant la terre aux habitants a sisal à la fin des années 60 a fait perdre au touts qui ont aiguisé le long du XIXe siècle, cer l'origine africaine et animiste de ces popu- maintenu de fait le statu quo colonial. "La Nyumakele sa place économique et amplifié les convoitises des sultans, supplantés ensuite lations autochtones de l'île, qui forment réalité c'est que les paysans se targuent de ce sentiment de victime. La région s'est trou- par les planteurs venus de l'occident. A l'aube aujourd'hui les habitants de l'au-delà de la cultiver librement la terre, alors que celle-ci vée enclavée, isolée du reste du pays sans Page de gauche : des du XXe siècle, correspondant à l'ère de "l'éco- baie, le Nyuma-kelé. Les indigènes seront ne leur appartient pas", insiste l'homme poli- aucune infrastructure ni équipement offrant enfants du village de nomie des plantations" dans l'archipel, selon rejoints par d'autres groupes qui cherchaient tique. La tolérance des pouvoirs publics, qui une autre perspective de développement. Seul Adda, porte d’entrée l'expression de l'historien Ainouddine Sidi, le refuge dans la montagne, au fur et à mesure laissent exploiter ces réserves forestières le village de Mremani disposait à cette du Nyumakele. Nyumakele s'est illustré par le développement des migrations successives. "L'assaut mené confisquées par le nouvel Etat comorien au époque d'un établissement scolaire, qui s'arrê- (LG) des cultures industrielles, avec l'introduction par les hommes de Lopa contre Domoni vers lendemain de l'indépendance, entretient le tait à la classe de CE2. "A Ongojou, il n'y Ci-dessous : du sisal servant à la fabrication des fibres. Les 1890 a provoqué une forte migration qui est à sentiment de déracinement qui caractérise avait qu'une école coranique" se souvient une carte de Ndzuani produite dans la thèse plantes à parfum parmi lesquelles l'ylang- l'origine de la fondation du village de cette population. Djamal'Eddine Salim. Les familles qui de J.J. Thomas. ylang, le basilic et le jasmin, ont pris le relais, Ongojou", raconte Djamal’Eddine Salim. Ce avaient des parents dans les villes voisines Le Nyumakele est la tout comme la citronnelle. sont également des fugitifs de Domoni qui ont "A L'ARRIVÉE DU COLON, on nous a pris étaient les seules à pouvoir envoyer leurs partie située en dessous de la ligne formé Mramani. Les habitants de ces deux nos terres et nous sommes devenus ses sujets. enfants poursuivre leurs études. La (imaginaire) reliant CETTE POTENTIALITÉ soulève le para- villages revendiquent d'ailleurs leur différen- Même pour quitter le domaine, il nous fallait route n'a commencé à pénétrer dans Moya à Domoni. doxe de cette région qui, en même temps ce, d'où le conflit permanent qui les oppose mentir sur notre identité. Au départ du Blanc, la région qu'à partir des années 80. ... (DR) qu'elle a fait la richesse des sociétés colonia- aux "bushmen" peuplant les 23 autres les, a jeté ses habitants dans les ornières d'une hameaux de la presqu'île. "Etre traité de misère encore présente. Si le Nyumakele Nyumakeléen est péjoratif pour les gens de continue "à nourrir la moitié de l'île en tarot Mramani parce qu'ils se considèrent comme et en patate douce" comme le démontre différents", fait remarquer Ibrahim Halidi. Ibrahim Halidi, premier cadre politique de la Mais l'expropriation des terres par les colons, presqu'île, ce plateau est un concentré de tous qui a réduit les habitants de la région en main les maux liés au sous développement : démo- d'œuvre servile, a tracé au delà de ces clivages graphie galopante, misère économique, désco- identitaires, un destin commun. Pour les histo- larisation, discrimination sociale et exode riens, cette expropriation a été "une institution rural. Ce sud sauvage et misérable de Ndzuani totale, voire totalitaire qui a investi tous les serait pourtant le berceau de l'histoire de l'île. champs du social et induit (…) des formes La tradition orale retient en effet que c'est à sociologiques, politiques et culturelles dont les Chaweni, un petit hameau de quelques cases victimes n'ont pas véritablement récupéré, pas en torchis disséminées le long de la route de plus qu'ils n'ont pas récupéré les domaines de Mramani, que débarqua "la première vague leurs ancêtres", souligne Ainouddine Sidi dans des Iraz [ainsi nomme t-on les premiers habi- son livre sur la question foncière à Ndzuani tants arrivés dans la région, ndlr]. Ils ont jeté (1). Cette caractéristique explique sans doute l'ancre à Chiroroni -une plage près de le fait que le Nyumakele n'a pas été perméable Domoni, ndlr- et sont montés jusqu'à à l'institution de la chefferie, qui a caractérisé Chaweni" raconte Halfane Houmadi Mari, les zones côtières sous l'influence des civilisa- doyen et ancien chef du village. Quoique non datée, cette version “Être traité de Nyumakéléen est péjoratif pour les gens semble admise par toute la région et confè- de Mramani parce qu’ils se considèrent comme différents.” re à cette bourgade, le IBRAHIM HALIDI, POLITICIEN ISSU DU NYUMAKELE statut de première capi- tale de Ndzuani. Les fondations de Sandapoini tions arabes. offrent la preuve de ce peuplement, soutient le Exclue de cette organisation sociale de la vieux Halifa. Mais ces populations dont la noblesse anjouanaise, la population de la zone légende rapporte qu'elles marchaient au pas a contribué à la construction du cliché du d'un mouton, leur animal fétiche, n'ont pas Nyumakeléen, perçu par le reste de l'île posé définitivement leurs bagages lors de cette comme un broussard (matsaha) coupé de première halte. Poursuivant leur ascension à toute civilisation et bon à vendre sa force de travers les montagnes, elles ont traversé travail aux nobles des villes (kabayla). Mlimachehi, Daji, Jandza et Chilimantsindzi. Les plus fragiles auraient rebroussé chemin et L'ENTRÉE EN SCÈNE des colons, avec la regagné la côte pour s'installer à Domoni, "où cession du Nyumakele à Jules Moquet sur ils ont érigé leur première mosquée" -premier contrat signé à Dzaoudzi le 15 février 1900 par ouvrage achevé de ce périple, affirme le le gouverneur Papinaud, a renforcé ce regard vieillard. C'est aussi à partir de cette cité du déformant porté sur les populations autochto- sud qui deviendra plus tard la capitale du sul- nes. L'historien français Jean Martin (2) éclai- tanat de l'île, "que ces populations se sont re cet état d'esprit en décrivant l'attitude du dispersées jusqu'à Bambao Mtsanga et colon Jules Moquet. "Non satisfait de cette Mutsamudu", poursuit le doyen de Chaweni. acquisition (12.000 ha furent ainsi cédés ou Djamal’Eddine Salim fait lui une lecture plus abandonnés en toute propriété, pour la somme contrastée de l'histoire. "Les groupes de dérisoire de 2.000 francs -17 centimes l'hecta- population qui ont débarqué à Chaweni pro- re- par l'administration), Jules Moquet aurait venaient de la côte africaine." Ce qui confir- souhaité acheter les habitants en même temps merait la survivance dans les cinq villages de que le sol de manière à obliger les indigènes à leur parcours, de pratiques africaines plus venir lui demander l'autorisation de venir tra- proches de l'animisme que de l'Islam à l'ins- vailler sur son domaine." Les Nyumakeléens

kashkazi 60 février 2007 37 dossier le nyumakele

Ci-contre : ... L'électricité est récente et ne concer- une femme ne qu'une poignée de villages seule- du village de Mremani, ment. Le téléphone est encore un fait au retour rare. L'initiation, après l'indépendance, de des champs. quelques projets agricoles pour pallier aux (NEP) conséquences de l'arrêt brutal des cultures industrielles, n'a pas réussi à maintenir la population dans la région. La vie a continué à se dégrader, poussant les plus valides à aller chercher du travail ailleurs. C'est le début d'un exode massif des jeunes de la presqu'île vers les zones urbaines. Mais à partir de la fin des années 80, avec l'appauvrissement des citadins du fait de la crise économique, les nobles n'ont plus les moyens de s'offrir du personnel de maison. L'exode prend alors le chemin des autres îles de l'archipel, et depuis quelques années s'est orienté vers Maore, plus proche et jugée plus attractive.

PRIS DANS CE CERCLE VICIEUX de la misère, les Nyumakeléens vivent un senti- ment fort de discrimination sociale, renforcé par la précarité économique. D'un statut de réservoir de main d'œuvre servile au service des plantations coloniales pendant près d'un siècle, le Nyumakele est passé depuis l'auto- nomie interne à celui d'un réservoir électoral pour hommes politiques. Nyumakele obtient Wamatsaha (les gens de brousse) et les Pour Djamal’Eddine Salim, un des hommes une vie aisée. C'est normal que de tels gens son propre représentant à l'Assemblée en Kabayla (nobles des villes) maintient toujours politiques de la région qui a émergé sous le s'aventurent dans l'issue qu'on leur propose", 1978, trois ans après l'accession du pays à l'in- le Nyumakele loin du reste de l'île. "Des régime du président Djohar, "le complexe souligne l'ancien ministre Djamal'Eddine dépendance. Jusqu'à cette date, c'est un origi- valeurs négatives qui n'aident pas le pays à d'infériorité du Nyumakeléen est en train de Salim. "Ceux qui pouvaient comprendre les naire de Domoni qui siégeait au nom de la avancer”, souligne Ibrahim Halidi. "L'esprit s'estomper. La démonopolisation par le gou- dérives de cette politique se trouvaient à région, se souvient Soifouane Ahmed, le pre- du noble l'empêche de se prendre en charge, vernement du président Djohar, de l'économie Moroni. Au lieu de venir ici pour s'y opposer, mier député originaire de Mramani. ce qui n'est plus possible dans le contexte qui était concentrée à Mutsamudu et à ils sont restés là-bas à traiter les victimes de Ibrahim Halidi doit lui son ascension au régi- actuel. De son côté, l'homme de la brousse Domoni, a permis l'émergence d'hommes la misère d'arriérés", regrette Soibaha. Pour me révolutionnaire d'Ali Soilihi. Il a fallu n'arrive pas à rompre avec l'esprit servile et à d'affaires originaires du Nyumakelé. Ces der- Djamal'Eddine Salim, "rien n'explique que attendre 1992, avec l'arrivée au pouvoir du construire son autonomie. L'une et l'autre de niers détiennent de grands commerces à ceux qui ont initié ce mouvement prétendaient président Djohar, pour rompre l'enfermement ses valeurs ne peuvent plus se perpétuer. Il Mutsamudu, ce qui a modifié le regard sur les au bonheur de la population. Sinon qu'est-ce politique du Nyumakele. Cette évolution tar- faut maintenant en inventer une nouvelle pour Nyumakeléens et établi de nouvelles relations. qui les empêchait de prendre quelques mesu- dive n'a pas effacé les frustrations longtemps éviter le chaos. Nous devons construire On sait que chacun est prêt à faire un pas vers res pour améliorer la situation ? Des gens accumulées. La ligne de démarcation entre les l'Anjouanais dans les Comores" analyse t-il. l'autre, même si on sent encore une gêne. Il étaient jaloux et ont trouvé une opportunité faut accepter que l'histoire a été celle-la. Que pour manger en toute impunité", soutient l'an- la misère et l'ignorance ont été savamment cien ministre. Entre crise économique et entretenues par les sultans et les colons pour méfiance à l'égard d'une élite loin des réalités obtenir une main d'œuvre gratuite". Si cette ou qui a trop menti, "les gens font plus évolution est incontestable, l'écart creusé par confiance aux étrangers qu'aux locaux", note Rompre le cercle l'histoire reste profond. "La région a accumu- le fonctionnaire de Mramani. lé beaucoup de retards qui constituent une 30 ans après l'indépendance, le Nyumakele barrière psychologique à son développement" devient nostalgique de l'époque coloniale. constate Soibaha, un fonctionnaire de "Les gens préfèrent la période coloniale parce vicieux de la misère Mramani. qu'à l'époque, ils allaient jusqu'à Mramani Après un siècle de dépossession et de salariat pour cultiver le sisal, avoir un peu d'argent et Partir ou attendre le messie. Le sort des jeunes se résume à cette équation. agricole, le paysan du Nyumakele ne parvient pouvoir s'acheter ce qu'ils voulaient" constate

ne faites pas le Trimba, la (bananes, pommes de terre et tomates) et de convaincre "SI VOUS mer vous dévorera." Seul les habitants de réinvestir la terre, "autrement, nous “Le Nyumakele est synonyme de région d’affamés, de pauvres Halifa Mari de Chaweni croit à cette légende et compte allons droit à la catastrophe", pense Ibrahim Halidi. et d’ignorants. C’est normal que de tels gens s’aventurent les enfants du Nyumakele qui perdent la vie en bravant "Pour n'avoir pas voulu planter les brise-vents pour dans l’issue qu’on leur propose.” la mer pour se rendre à Maore. "Ils ignorent que les protéger le bétail faute d'abris adaptés, les éleveurs ont djinns sont à Mronyambeni [un village de Maore, ndlr] perdu 300 zébus au début de la saison des pluies", DJAMAL’EDDINE SALIM, ANCIEN MINISTRE pour punir ceux de ses enfants qui tournent le dos à la explique un paysan proche du syndicat. Mais dans tous terre" prévient t-il. Mais la rupture est déjà faite. Les les cas, il faudra de l'argent. "De toute façon, rien ne se plus il est vrai, à se défaire des effets induits Ibrahim Halidi. "Malgré les mauvais traite- jeunes n'ont plus d'autre modèle que celui que leur fera sans argent, les paysans d'ici ne cultivent que lors- dans son champ social par "l'expropriation ments qui les faisaient quitter Outsa et Hada apporte leur vie d'exilés. Faute de pouvoir s'offrir le qu'ils sont payés", souligne Halidi, qui fait savoir que totale", et se représente encore l'agriculture à 6 heures pour ne revenir que le soir", ajou- confort qu'ils recherchent à Maore, ils rêvent de France "la région a applaudi le discours de Brigitte Girardin". vivrière comme une activité secondaire, de te Djamal’Eddine Salim, l'autre homme poli- sur leur propre terre et jettent la houe pour brandir le La ministre française de la Coopération et du Co-déve- simple survie. Les jeunes ont pris les habitu- tique de la presqu'île. "Les jeunes qui partent fanion tricolore. loppement, en visite à la fin de l'année dernière à des de la ville et n'ont plus envie de retourner ne veulent plus revenir dans ce trou. Pour eux, Pourtant, face à cette majorité de sceptiques, certains Ndzuani, a promis une aide conséquente pour relancer à la terre. "A Mramani, il y a la mer, mais on la vie est ailleurs. Les cadres de la région Nyumakeléens gardent un espoir prudent de relever l'agriculture dans cette région particulièrement. Tout le ne pêche pas. La majorité des jeunes ne fait installés à Moroni ou à Mutsamudu ne sont cette région sinistrée. "Il y a aujourd'hui quelques monde attend donc que la manne de la coopération rien. Sans revenu, ils préfèrent voler que de plus capables de se réinstaller ici", relève infrastructures, ce qui n'était pas le cas dans les années commence à tomber pour donner le premier coup de cultiver des produits que personne n'achète", Soibaha avec amertume. "Même les projets 80. Au lieu de porter les produits agricoles jusqu'à pioche à l'agriculture. regrette Soibaha. "Les adultes préfèrent se destinés à la région ont leur siège dans les Mutsamudu, les gens des villes viennent s'approvision- Cette annonce suffira t-elle pour promouvoir le travail mettre au service d'autrui en échange d'un villes. Si les gens bravent la mer, ce n'est pas ner sur place", relève un paysan de Mramani. de la terre dans le Nyumakele ? "Très peu de paysans salaire que de s'occuper de leur lopin de pour chercher à manger, mais pour le confort A Bandrakouni, sur la partie nord de la presqu'île, disposent de titres sur les parcelles qu'ils cultivent", terre", ajoute Ibrahim Halidi. et la belle vie que ne leur offre plus cette Ibrahim Halidi s'est installé dans ses terres, espérant affirme l'ancien ministre originaire de Ongojou. La terre", ajoute Djamal'Eddine. L'histoire sem- provoquer le déclic qui permettra au paysan de vaincre redistribution des terres initiée par le président Cheikh UNE RÉSIGNATION qui n'offre aucune ble arrêtée sur une fatalité à Nyumakele, qui a "son attentisme". "Les ONG et les services de l'agri- et poursuivie par Ahmed Abdallah a été faite sur des alternative que celle de partir ou d'attendre désormais le regard tourné vers l'ailleurs. culture ont beaucoup travaillé et les paysans ont appris bases clientélistes, laissant une frange importante de l'arrivée d'un messie. Les séparatistes ne pou- KAMAL'EDDINE SAINDOU les techniques culturales. Mais il faut de l'argent et de paysans sans terre. A Nyumakele, tout repose sur la vaient trouver meilleur sillon pour semer leur idéologie. "Au départ, on trouvait normal que l'encadrement pour combattre la pauvreté", lance t-il. problématique de la terre et la question foncière risque (1) Ainouddine Sidi, Anjouan, l'histoire d'une crise Le regroupement des paysans des 15 villages du nord donc de surgir dans toute sa complexité, dans la per- ceux qui ont faim crient. Le Nyumakele est foncière, L'Harmattan, 1998 (disponible au CNDRS) de ce plateau plaide pour "une spécialisation de la spective de cette relance de l'agriculture. synonyme de région d'affamés, de pauvres et (2) Jean Martin, Les Comores, quatre îles entre pirates terre". L'espoir d'augmenter le rendement des cultures KES d'ignorants, pointés du doigt par ceux qui ont et planteurs, éd. L’Harmattan, 1983

38 kashkazi 60 février 2007 le nyumakele dossier Le présentoir de la misère Isolée, la "presqu'île" est une arme précieuse dans les manœuvres électorales ou la recherche d'aides financières. Les hommes politiques n'ont pas forcément intérêt à ce qu'elle sorte de la pauvreté...

a commencé à bordure de ses frontières, les villageois de la attendant que les masses soient éduquées et élections. Les discours mensongers de ces "LA TERRE être emportée à région n'avaient donc d'autre choix que d'y tra- mûres pour le progrès technique (lire page 41). hommes expliquent pas mal de rivalités la période où on a pris l'indépendance… Enfin vailler. La privation de terre les transformait en Le démantèlement progressif des sociétés colo- entre paysans de localités voisines (…) pour nous, l'indépendance, c'était à Mutsamudu, main d'œuvre corvéable à merci. "Les zones niales profitera de toutes façons très peu aux Ahmed Abdallah est un homme d'Etat qui a à Wani, et à Moroni, parce qu'ici…" Vieux culti- sisalières étaient bordées de villages lesquels plus démunis, incapables d'acheter les terres qui eu à jouer un rôle fondamental dans la vateur du village de Sandapoini, Madjidi Ali tra- constituaient l'assise salariale", écrit passeront aux mains de l'élite locale. réforme agraire. Il venait souvent à duit bien le sentiment d'isolement dans lequel a Ainouddine. "En plus des salaires, certains Nyumakele et tenait des réunions de sensibi- longtemps vécu le Nyumakele. Isolé de la poli- villages de la zone sisalière (…) bénéficiaient AU PREMIER RANG de celle-ci, Ahmed lisation. Pour charmer les populations pay- tique, pour laquelle ses habitants n'ont longtemps d'attributions de terres plantées en cocotiers Abdallah, dont les manœuvres électoralistes sannes, il promit aux paysans de Mramani la été que de la chair à élection. Isolé de l'éducation pour leurs cultures vivrières. Il ne s'agissait pas ont provoqué bien des conflits fonciers. "Les réserve du lieu dit Itsao. La même année, il -"parmi ma génération, on doit être 12 pour là d'attributions relevant d'une bienveillance difficultés que nous connaissons dans cette fit la même promesse aux paysans de mille à avoir poursuivi des études", affirme Ali désintéressée. La réalité c'est que l'étendue des région ne résultent pas seulement du fait que Nkangani, et cette réserve était convoitée Ahamadi, directeur du réseau de micro-crédit domaines était telle qu'il était impossible aux nous avons connu un siècle de colonisation", par les deux localités. Les paysans de ces Sanduk et âgé d'une quarantaine d'années. Et Sociétés de tirer le maximum de profit sans explique le cadi Baha Moutrafi à Ainouddine deux localités se ruèrent à Itsao pour occu- Ci-dessous : Mariama même isolé du commerce, comme en témoigne avoir recours aux habitants des villages envi- Sidi (1). "Les hommes politiques ont été per la réserve. Un conflit éclata Houmadi, un vendeur ambulant qui sillonne la région ronnants." Le sisal, qui aurait considérablement obligés souvent de nous mentir, de nous pro- entre les deux villages faisant un de Adda. depuis 30 ans à pied et en taxi brousse, ses livres appauvri les terres anjouanaises, occupait jus- mettre monts et merveilles pour gagner les mort et plusieurs blessés graves." ... (LG) de prière et ses babioles sous le bras, surnommé qu'au années 60 plus de 50% des surfaces culti- "Ba Mode" parce qu'il a été le premier à introdui- vées de la société du Nyumakele. Selon re les bijoux fantaisie dans les villages. Ainouddine, cette culture "freinait les revendi- "Dans les années 70, la région constituait cations agraires des villages sisaliers ; villages quelque chose d'un peu différent par rapport dont les habitants ne pouvaient que travailler au reste de l'île d'Anjouan", se souvient l'a- dans les sisaleries (…) L'importance que lui gronome Mohamed Bacar, qui travaillait avaient accordée les sociétés coloniales s'expli- alors sur place. "C'était une presqu'île, un quait aussi par les rapports de production nés de pays à part. Il n'y avait pas de bachelier. Les son exploitation ; rapports qui permettaient (…) gens qui avaient le BEPC, on pouvait les de dominer des villages entiers." compter sur les doigts d'une main." Dans les années 60, l'administration a pourtant Coupé des stratégies de l'élite arabe, coloniale conscience depuis longtemps du caractère puis nationale, le Nyumakele a toujours consti- explosif d'un manque de terre criant et d'une tué un réservoir de population utile à bien des forte croissance démographique, d'ailleurs égards, dont les conditions de vie et d'épanouis- encouragée au début du siècle par des colons en sement ont été constamment ignorées ou relé- mal de main d'œuvre. Le temps de la répression guées au second plan. pure et simple des révoltes paysannes étant passé, il s'agit maintenant de contenir le mécon- LA CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ colo- tentement afin d'éviter un soulèvement plus niale du Nyumakele, dont les terres ont été radical. L'agriculture souffre alors "des incohé- achetées en 1899 pour une bouchée de pain par rences des différentes réformes du XXe siècle", le Français Jules Moquet, a été une véritable écrit Ainouddine Sidi qui note "l'absence de caricature de spoliation foncière. prise en compte des intérêts paysans" lors des

“Les hommes politiques ont été obligés souvent de nous mentir, de nous promettre monts et merveilles pour gagner les élections.” BAHA MOUTRAFI, CADI

"L'administration de l'époque était une admi- aménagements fonciers de 1910, de la commis- nistration coloniale. Son souci était de favori- sion agraire de 1929 et de la réforme de 1949- ser l'implantation coloniale", observe Bako 1953. "La question de la disponibilité des terres Mdarasine, un vieil homme interrogé par l'his- cultivables, celle de l'éloignement de terres par torien Ainouddine Sidi (1). "Ici à Nyumakele, rapport aux villages paysans, mais aussi la créa- on nous a méprisés. L'administration nous tion par les personnalités comoriennes de villa- déposséda parce qu'il ne restait plus de terres ges implantés de façon anarchique, expliquent libres à Anjouan et elle tenait à donner satisfac- la complexité du contexte foncier des années tion à Moquet. Ici la colonisation foncière ne soixante, marqué par des conflits qui déchirent s'est pas faite graduellement comme ailleurs les villageois" (2). (…) Les agents de l'administration parcou- raient la presqu'île de Nyumakele pour deman- L'IDÉE D'UNE NOUVELLE réforme agraire der aux paysans de présenter des hatwis (…) plus large est cependant repoussée dans un rap- Des centaines de paysans comoriens avaient port alarmiste du Bureau de développement de des titres délivrés par le Sultan mais ils perdi- la production agricole de 1959 (3) : "On pour- rent leur terrain pour avoir refusé de les pré- rait envisager le rachat des terres cultivées des senter avant l'inventaire des propriétés ou sociétés dans le cadre d'une réforme agraire, parce que les agents administratifs chargés de partager les concessions en lopins de terre, la les récupérer les avaient cachés ou les avaient Société (en admettant que tout se passe bien) brûlés." conservant le rôle de collecteur, d'usinier et Dans l'acte de vente, "les terrains occupés à titre d'exportateur." Mais cette solution, écrit le précaire par les bushmen ou par d'anciens escla- directeur du BDPApour qui il n'est pas question ves libérés et faisant partie du domaine confor- de remplacer les cultures de rente par des cultu- mément aux lois, usages et coutumes res vivrières, serait "onéreuse pour le territoire d'Anjouan étaient compris dans la vente et alié- et sa rentabilité peu prouvée". Mieux vaut, esti- nés comme tels", indique Ainouddine Sidi (1). me-t-il, pousser les sociétés à recruter un maxi- Cernés par le domaine colonial ou relégués en mum d'habitants pour limiter le chômage, en

kashkazi 60 février 2007 39 dossier le nyumakele

... Aujourd'hui encore, les vieilles pro- territoire. Il n'avait pas d'administration, pas politique d'envergure n'ait été menée alors de politiques allaient à l'extérieur pour vend- messes d'Abdallah sont à l'origine de de recensement. Juste, théoriquement, des que les premières alertes à l'érosion et à la re la misère des Comoriens, et le Nyumakele discorde. chefs de canton. On comptait tantôt 15.000, surpopulation ont été poussées il y a plus de servait de présentoir. On montait des projets L'exploitation politique du Nyumakele ne s'est tantôt 30.000 électeurs, selon le côté où on cinquante ans dans cette région au fort poten- pour combattre la pauvreté mais en réalité, pas limitée à ces manipulations du désir de voulait que ça penche. Personne ne pouvait tiel agricole. Présentée comme une fatalité, la les fonds n'étaient pas investis dans le terre. "Le Nyumakele a toujours été utilisé à vérifier. La population était facile à manipu- situation du Nyumakele a servi d'argument Nyumakele. Les gens s'en servaient pour atti- des fins électorales", affirme l'agronome à la ler." Le phénomène n'appartient pas au passé. aux séparatistes de 1997 et continue de peser, rer certains fonds. A leurs yeux, il ne faut pas retraite Mohamed Bacar. "C'est un instrument A la dernière élection présidentielle, ce sont en en fournissant ses armées de candidats au enlever ce présentoir, toujours le garder politique assez puissant. Ça date de 1948, majorité les résultats de villages du kwassa, dans le déséquilibre et la déstabilisa- comme ça. Un jour, un collègue m'a dit : avec l'élection de Cheikh. Ensuite, jeune mili- Nyumakele qui ont fait l'objet de contestations. tion des îles. "Mais si on fait en sorte que les gens pauvres De là à penser que la sortent de leur misère, qu'est-ce qu'on fera “Beaucoup de politiques allaient à l’extérieur pour vendre la région a été volontairement SA "MISÈRE" RESTE UN ARGUMENT après ?"" maintenue dans la pauvreté quand il s'agit de demander des fonds, comme LISA GIACHINO misère des Comoriens, et le Nyumakele servait de présentoir.” et l'ignorance pour mieux l'a montré la visite de Brigitte Girardin, minis- ALI AHAMADI, DIRECTEUR DU RÉSEAU SANDUK l'utiliser, il n'y a qu'un pas tre française de la Coopération, consacrée (1) Ainouddine Sidi, Anjouan, l'histoire d'une crise que certains n'hésitent pas principalement aux problèmes de la région. foncière, L'Harmattan, 1998 (disponible au CNDRS) tant dans les années 70, j'ai constaté que les à franchir. "Il n'y a aucune volonté politique Pour Ali Ahamadi, le Nyumakele représente (2) Ainouddine Sidi, Tableau de l'île comorienne résultats du Nyumakele ont été envoyés en der- pour que le Nyumakele avance", critique Ali une véritable arme économique. "Les inter- d'Anjouan dans les années 60, in Revue historique nier à Moroni. La région contrebalançait tou- Ahamadi. "Le téléphone et l'électricité arrivent ventions qu'on y a menées ont été plus affi- des Mascareignes n°4, AHIOI, 2002 jours les résultats de l'archipel en fonction des lentement, au rythme des élections." chées que dans les autres régions pour des (3) J.J. Thomas, L'opération Nyumakele, BDPA, besoins. Le Nyumakele était coupé du reste du Difficile en effet de comprendre qu'aucune raisons politiques", affirme-t-il. "Beaucoup 1959 (disponible au CNDRS) Le tournant des années 60 Quinze ans avant le départ de la France, la hausse démographique, le manque de terres et la déforestation se font alarmants. Ces extraits d'un article de l'historien Ainouddine Sidi et d'un rapport du directeur du Bureau de développement de la production agricole de l'époque, témoignent d'une situation annonciatrice des problèmes actuels.

Une préfiguration de l'avenir de Ndzuani Rechercher le maximum "ON SE REND BIEN COMPTE QUE LA mêmes aucune illusion : elles permet- comportant en premier lieu une d'emploi de main d'œuvre RÉGION SURPEUPLÉE de Nyumakele taient de moduler les degrés de la enquête sur la situation sanitaire est une préfiguration de l'avenir misère, mais ne changeait rien au exacte, à la suite de laquelle devaient "DANS UN CADRE AGRÉABLE QUI envisager le rachat des terres culti- d'Anjouan. Rien de surprenant si le fond du problème. Pourtant, les habi- être prises les décisions convenables. RAPPELLE ÉTRANGEMENT certains vées des Sociétés dans le cadre bilan du secteur de modernisation de tants de cette région étaient bien (…) Il était prévu de mettre le riz à la paysages de la Réunion, on suit de d'une réforme agraire, partager les Nyumakele géré par le Bureau de connus pour leur ardeur au travail. disposition des populations au plus riches vallées entourées de monta- concessions en lopins de terre, la développement de la production agri- Mais cela correspondait à une vérita- juste prix, l'aménagement de l'infras- gnes boisées à forte pente ; les val- Société conservant le rôle de collec- cole (BDPA) et créé en 1961 est néga- ble lutte pour la terre, dont on ne tructure pour permettre la circulation lées sont la propriété de grandes teur, d'usinier et d'exportateur. tif. Une enquête réalisée en 1966 laissait pas un mètre carré inculte qui plus aisée des hommes et des pro- Sociétés, complètement et très Serait-ce une bonne solution ? révèle que la ration des hauts ne soit mis en valeur. C'était sans duits, améliorer l'approvisionnement convenablement mises en valeur(…) Tout d'abord, rien ne permet de dire d'Anjouan est sans doute la plus faible doute la manifestation d'une situation en eau des villages et remédier tem- En bordure de ces concessions, l'avantage qu'apporterait cette et la plus carencée de tout l'archipel. de carence. Mais, au sein de la pres- porairement au sous-emploi des hom- accrochés au bas des pentes, on méthode sur le plan population, car Le rapport des ressources alimentaires qu'île, les situations variaient, tant mes. Mais pour les experts, cette constate la présence de nombreux de ce fait, du nombre de personnes à la population se trouve dans un dés- géographiquement que sur le plan palette de mesures n'était que pallia- et importants villages autochtones, ainsi "casées" devrait être déduit le équilibre tel que des difficultés d'ap- familial. Certains villages ont été bien tive. Le contexte social nécessitait un villages qui fournissent la main nombre des ouvriers travaillant provisionnement en riz provoqueraient lotis au moment de la répartition des programme d'éducation de masse. (…) d'œuvre aux exploitations de la val- actuellement sur les concessions. La la famine. Le service de santé a pu "réserves", d'autres tout spécialement Vers la fin des années soixante, la lée. A partir de cette limite, les différence ne serait probablement relever de nombreuses maladies de brimés. quasi-totalité des périmètres colo- champs vont à l'assaut de la forêt et que minime. carences tels que le béribéri, le scor- niaux de Nioumakele était envahie par de la montagne. La culture domi- Ensuite, elle serait onéreuse pour le but, le kwashiorkor. DES SOLUTIONS PALLIATIVES des paysans poussés par une faim de nante est celle du riz. Les façons Territoire et sa rentabilité peu prou- Un observateur de cette période résu- Les situations décrites plus haut expli- terre, et conséquence prévisible de la culturales, quoique excessivement vée. Comme la plupart des exploita- me en ces termes toute la tragédie de quent sans doute pourquoi au stade surpopulation de cette partie bien faites, jointes à la pente du tions agricoles, celles-ci se sont fai- cette presqu'île de Nyumakele : atteint par l'île dans les années soixan- d'Anjouan. Les paysans avaient installé sol, le dégradent rapidement et ter- tes avec le temps (…) Enfin, rien ne "Nioumakélé est devenu un point te, les experts ne voyaient aucune leurs "grattes" (champs cultivés tradi- riblement pour aboutir par endroit à prouve (...) que les paysans seraient chaud du territoire. Les incidents revê- solution d'ordre simplement technique tionnellement en cultures associées) une stérilisation complète, suivie capables de conserver le potentiel tant un caractère de gravité de plus en ou économique qui soit susceptible au milieu des cultures de rapport res- d'une érosion en ravin, détruisant à de productivité de ces terres, et il plus aigu se succèdent rapidement d'entraîner un relèvement de la situa- tantes. Ces terres étaient insuffisantes tout jamais toute possibilité de mise est probable que, appliquée dès depuis moins d'un an. Ces luttes intes- tion économique de l'île pour permett- par rapport au besoin des paysans et en valeur. maintenant, cette solution abouti- tines et ces actions désordonnées sont re à ses habitants de bénéficier d'un peu de terres étaient recommandées (...) Le cas est grave (...) Tout d'a- rait dans un bref délai à la destruc- la traduction d'un état d'hypersensibili- niveau de vie décent et le maintenir, pour les cultures vivrières. (…) bord, il est choquant de voir sépa- tion complète des plantations té de la population et une tendance de voire l'améliorer dans l'avenir. Vers la Dans un pays qui n'avait pas de "faim rées par une limite artificielle d'un actuelles (…) J'insiste sur le fait que plus en plus fâcheuse à se livrer à des fin des années soixante, ils avaient de terre", la quasi-totalité de ces ter- côté une culture riche, de l'autre la solution politique et sociale actes de désespoir irraisonnés ; elles préconisé un certain nombre de solu- res aurait dû être reboisée. Mais ce une culture pauvre. Aux yeux immédiate doit consister pour les ont une cause : la "faim de terre" tions palliatives, permettant d'empê- n'était pas le cas de la presqu'île de d'esprits politiques, il est facile d'ex- Sociétés à rechercher systématique- inspirée par la faim… Il est à craindre cher que les hommes, les enfants sur- Nyumakele où il convenait de faire trapoler et de mettre d'un côté la ment le maximum d'emploi de main que cette évolution vers le pire s'ac- tout, n'aient trop faim et éviter ainsi "feu de tout bois", afin de résoudre au richesse de la Société et de l'autre d'œuvre à l'hectare (…) Je précise complisse telle que nous le présageons le risque d'une nouvelle dégradation mieux les besoins d'une région surpeu- la pauvreté, voire la misère de l'in- que cette formule consistant à se aujourd'hui à moins que des mesures de la situation. Il s'agissait des mesu- plée, dont les habitants étaient prêts dividu. Un esprit dit "avancé" trou- passer d'énergie (autre qu'humaine) énergiques et simples ne viennent res d'ordre administratif (rétablisse- à mettre en culture tout ce qui pou- verait séduisante la solution de n'est qu'un palliatif transitoire, pour arrêter le processus de désagrégation… ment du contact entre l'habitant de vait l'être, "même s'il fallait s'attacher pousser les populations à franchir une période d'évolution donnée. Le Nioumakélé résume, sur un territoire Nyumakele et son gouvernement), avec une corde lorsque la pente était cette barrière, solution d'autant secret du progrès réside bien dans de faible étendue, tous les problèmes d'ordre foncier (modification de la trop faible" comme cela se voyait plus facile qu'elle pourrait à la fois l'éducation des masses et la mise à de surpopulation d'aujourd'hui et préfi- répartition des terres en plaçant quelquefois. être soutenue par une idéologie disposition de ces masses d'une gure ceux de demain." Nyumakele en première urgence dans politique et raciale, éventuellement énergie toujours plus grande et si Le niveau alimentaire des habitants de l'exécution de la carte de vocation des AINOUDDINE SIDI, Tableau de l'île religieuse. possible bon marché." cette région était dans les années sols, et partant de ce travail établir comorienne d'Anjouan dans les années Solution séduisante, trop peut-être, soixante si bas que les suppositions les un inventaire exact des bouches à 60, in Revue historique des et pour qu'il n'y ait pas de malen- J.J. THOMAS, L'opération plus optimistes ne laissaient elles- nourrir), et enfin d'ordre sanitaire, Mascareignes n°4, AHIOI, 2002 tendu, je la précise : on pourrait Nyumakele, BDPA, 1959

40 kashkazi 60 février 2007 le nyumakele dossier Tous à l'école… et après ? La région a enfin accédé à la scolarisation de masse. Mais rien n'est fait pour former les cultivateurs de demain.

dix ans, l'image aurait été candidat du Front démocratique à la dernière élec- le monde de l'instruction et celui de l'agriculture. un jeune de Sandapoini. Bien qu'on ne cesse de IL Y A inconcevable. A Mramani tion présidentielle, Moussa Houmadi se félicite de Jusqu'à l'absurdité. D'un côté, des paysans limités répéter que le salut de la région passera par l'agri- comme dans plusieurs villages de la zone, elle est "la politique de sensibilisation et la participation par leur manque d'instruction, de formation et de culture et l'éducation, rien n'est fait pour que l'une devenue habituelle : en fin de matinée, des grappes des parents, depuis 5 ans. Il fut un temps où nous perspectives (lire pages suivantes). De l'autre, serve l'autre : pas de lycée agricole, pas de forma- de bambins, sac sur le dos et gourde de plastique à n'avions pas cette mentalité", rappelle-t-il. "Les leurs enfants instruits tant bien que mal, quasi- tion professionnelle en rapport avec l'agricultu- la main, envahissent les ruelles. Avec retard mais gens ont maintenant compris que l'école prépare ment prédestinés au chômage, pour qui cultiver re… L'avenir des centaines d'enfants qui ont enthousiasme, le Nyumakele vient d'entrer dans les enfants à un bon avenir, qu'un instruit n'est pas n'est pas un métier. Et entre les deux, des jeunes enfin accès à l'école reste incertain. Les quelques l'ère des cartables multicolores. Forte de ses cinq pareil qu'un ignorant. J'ai remarqué un réel chan- analphabètes qui, contrairement aux idées reçues, tentatives pour apporter une formation pratique écoles maternelles communautaires et ses 19 aux jeunes désoeuvrés sont restées marginales et conseils d'école, la région la plus pauvre des sans lendemain. "Notre défaillance, c'est que Comores est même à l'avant-garde de l'enseigne- “L'éducation offerte par les parents n'est pas suffisante, nous ne nous occupons que de l'éducation de ment préscolaire à Ndzuani. et encore moins celle qui est assurée par l'enseignant..” base", avoue Nasser Assumani. "Après le CM2,

La principale origine de ce bouleversement n'est NASSER ASSUMANI, RESPONSABLE DU PROGRAMME EDUCATION POUR ID on ne sait pas ce que devient l'enfant. Et puis, pas à chercher bien loin : arrivée sur l'île en 1996, cela relèverait plutôt d'une politique générale." l'ONG française Initiative développement (ID) est Une politique qui éviterait qu'après quelques présente dans toutes les écoles primaires publiques gement. Il y a même un enseignant, maintenant, qui seraient prêts à retourner aux champs, à condition années d'école, les enfants ne retournent sur la terre Une grand-mère et ses deux du Nyumakele où elle a initié ou appuyé, en parte- donne une formation aux adultes [lire ci-dessous]." de tirer un peu plus de la terre qu'une maigre et épuisée de leurs parents sans rien changer aux petites-filles nariat avec l'Inspection pédagogique et les commu- Avec ses 1.150 élèves et ses 24 classes (près de 50 unique subsistance. "Si on nous dit comment méthodes anciennes de culture. vont au champ. nautés, l'organisation de formations pour les ensei- élèves par classe) pour 12 salles en rotation, l'école améliorer l'agriculture, nous on suivra", assure LG (LG) gnants, la mise en place de conseils d'école, le déve- tourne à plein régime. Les résultats ne sont pas loppement des capacités d'accueil, l'ouverture d'é- mauvais : 90 admissions en 6e pour 130 élèves de coles maternelles communautaires, l'équipement de CM2. "Mramani nous devance", précise Moussa base des établissements… Les interventions de Houmadi. l'ONG sont si larges et celles de l'Etat si réduites "L'école dans le Nyumakele est devenu quelque qu'en écoutant les habitants, on croirait presque chose de prioritaire", renchérit Nasser Assumani qu'ID gère l'éducation dans le Nyumakele… "On avant de se féliciter de la réussite des écoles mater- ne fait rien sans l'Etat et on ne pourrait rien faire si nelles et des conseils d'école. "L'influence d'ID peut les enseignants n'étaient pas fonctionnaires", corri- s'expliquer par nos mentalités : quand un élément ge Nasser Assumani, responsable du programme extérieur arrive, il est plus pris au sérieux…" Education. "Notre objectif initial était de favoriser Mais les résultats de cette scolarisation de masse la scolarisation de masse des garçons et des filles." toute récente restent fragiles et inégaux selon les En moins de 10 ans, l'évolution a été spectaculaire: villages. Si à Mramani et Mremani on se félicite du "On est passé de 5.789 enfants scolarisés dans le chemin parcouru, les habitants de Sandapoini se primaire en 1998, à 11.656 à la rentrée 2006." sentent un peu sur la touche. "Nous, on n'a pas fait l'école, on n'a pas l'expérience d'aider les jeunes à SURTOUT, L'ÉDUCATION est passée au premier s'intéresser à l'éducation", résume Madjidi Ali, un rang des préoccupations des habitants. Instruits ou cultivateur. "L'éducation est délaissée", poursuit non, ils la citent comme le principal moyen de sor- Sandil Saïd, un autre agriculteur. "Les instituteurs tir de la pauvreté. "Celui qui est éduqué doit vivre à sont du village, mais ils n'ont pas eu une bonne for- l'aise", lance une mère de famille d'Hadda. mation. Souvent, ils ne pensent pas à aller à l'éco- "L'avenir devrait déjà être préparé maintenant par le. Ils n'ont pas la capacité de former les jeunes." l'éducation", pense aussi un agriculteur de Nasser Assumani confirme l'analyse des deux pay- Sandapoini. Directeur de l'école de Mremani et sans : "Nous n'avons pas les résultats que nous attendons parce que l'éducation offerte par les parents n'est pas suffisante, et encore moins celle qui est assurée par l'enseignant. Le programme n'est jamais fini. L'enfant passe au CP2 sans avoir fini le programme du CP1. Et le fait que les parents Initiative soient le plus souvent analphabètes ne facilite pas LE SAMEDI ET LE DIMANCHE, IL Y A l'apprentissage." ÉCOLE pour 28 jeunes adultes de Comme l'explique Arbabi Soumaila, le seul étu- Mremani.Voilà 8 mois qu'Issoumaila diant du village de Sandapoini, la poursuite des étu- Said, un enseignant du village, s'est des est loin d'être garantie : "Actuellement dans lancé dans des séances d'alphabétisa- notre milieu, nous sommes très arriérés pour l'édu- tion en langue comorienne et caractè- cation. Les gens abandonnent l'école pour trouver res latins, selon la méthode inaugurée un travail à faire. Ils veulent de l'argent maintenant. sous le régime d'Ali Soilihi. “J'ai regar- Ils ne veulent pas savoir l'avenir de demain, c'est dé les gens et j'ai senti que beaucoup n'étaient pas alphabétisés”, explique- juste l'avenir d'aujourd'hui. Pourtant dans les villa- t-il. “Je les ai appelés et je leur ai ges voisins, nous voyons que si quelqu'un a appris proposé de leur apprendre gratuite- à l'école il devient quelqu'un de dynamique. Nous ment. J'ai choisi des gens du nord, du espérons avoir un jour des gens dynamiques." sud, de l'ouest et de l'est du village et j'ai promis aux autres que je les pren- A QUELQUES PAS DE LÀ, un jeune homme drai quand j'aurai fini avec ceux-là. Il revient de son champ, les pieds nus. C'est l'un des y a pas mal de jeunes filles. Pour eux, instituteurs du village. Comme 54 de ses 251 collè- venir apprendre, c'est déjà quelque gues du Nyumakele, il travaille bénévolement, dans chose. Ils n'ont jamais fréquenté l'éco- l'espoir de l'intégration promise par le gouverne- le. Ils apprennent à lire, à écrire et à ment anjouanais. Et comme beaucoup, il continue compter.” Sans matériel, Issoumaila de cultiver pour vivre. "J'ai l'impression qu'en fait avec les moyens du bord. “J'ai milieu rural, l'enseignement n'est qu'un métier récupéré la méthode d'Ali Soilihi ren- secondaire", observe Nasser Assumani. "Je ne peux forcée par le Projet Education 3 et je pas organiser de formation pendant les vacances : voudrais récupérer des manuels qui c'est le moment pour eux de préparer leur récolte. avaient été faits à l'époque. Sinon, c'est à moi de faire les recherches. Les après-midi non plus : ils me disent non pas Eux cherchent leurs cahiers, moi je qu'ils préparent leur cour, mais qu'ils s'occupent de les aide sur les craies pour les moti- leur chèvre." ver. Ils souhaiteraient beaucoup pas- Mais alors que les enseignants sont restés des cul- ser ensuite à la langue française. Je tivateurs et que la plupart des enfants scolarisés leur ai dit que j'accepterai si on trou- continuent d'aider leurs parents aux champs, une ve des manuels.” frontière de plus en plus étanche s'instaure entre

kashkazi 60 février 2007 41 dossier le nyumakele entre dépossession coloniale et dégradation des sols la longue marche des paysans

et les bras décrit dans les années 60. "Nous sommes allés à la moyen de vivre." Condamné à la misère, LES JAMBES maculés de justice, mais le monsieur avait de l'argent", affirme Pour les uns la franche misère, pour les autres une poussière, le visage creusé par la fatigue, Mariama Mariama, désormais passée dans le camp des sans vie paysanne relativement prospère. Le contraste le Nyumakele ? Houmadi vient de rejoindre l'un des "villages" de terre réduits à la mendicité par la crise foncière. entre les deux visages du Nyumakele existe aussi à terre et de feuilles qui surplombent Mutsamudu. A l'échelle des villages. Le mois dernier, en pleine Loin de là, à condition quelques minutes de marche de la médina, des MADJIDI ALI, UN VILLAGEOIS de Sandapoini pénurie de riz à Ndzuani, les villageois de familles entières originaires du Nyumakele vivent de la même génération que Mariama, a eu plus de Mramani, à l'extrême sud de la presqu'île, se creu- en marge, certaines installées là depuis des années. chance. Son village, le "Dubaï du Nyumakele" saient la tête pour préparer le moindre repas. de sortir les paysans Mariama dit avoir parcouru à pied le chemin depuis (lire page 44), est pourtant l'un des plus démunis de "J'avais donné de l'argent à quelqu'un pour qu'il Adda, le village situé à la porte du Nyumakele, à la la région. Mais ce maître coranique à la barbe blan- prépare un bouillon de maïs mais ce n'est pas prêt", de l’ignorance et de recherche de proches qui pourraient lui offrir des che impeccable dispose de plus d'un hectare de s'est excusé notre hôte embarrassé avant de nous vêtements et du riz. "Mais ma famille n'a rien à me terre et de deux zébus -bien plus que ne possèdent offrir du fruit à pain bouilli. Et encore, Mramani la dépendance dans donner, alors j'entre dans les boutiques pour que les la plupart des cultivateurs de la zone. Il finance les possède une spécialité, le maïs, vendue aux éle- gens qui sont riches me donnent des choses", études de ses enfants au Sénégal, à Djibouti et en veurs de Mremani. Sandapoini, village de moindre laquelle les a plongés explique la vieille dame, toute frêle dans sa robe France en vendant du bois -planté par ses soins, importance plus pauvre en terre, est moins bien loti. usée. "Après, si j'ai trouvé quelque chose, j'irai assure-t-il. "Avec le peu que la terre donne, j'arri- Pendant ce temps, Mremani, le principal marché de retrouver mes enfants." ve facilement à nourrir ma famille", affirme la zone qui abrite le Centre d'encadrement agricole la confiscation La famille de Mariama vivait tant bien que mal de Madjidi. "Je plante des cultures vivrières et des et la laiterie pilotée par l'ONG Initiative développe- l'agriculture jusqu'à ce qu'un voisin ne s'empare de arbres pour vendre le bois. C'est ça qui fait vivre ment, est en mesure de vendre un petit surplus agri- des terres. sa récolte et ne brûle le champ qui, selon lui, lui les enfants à l'extérieur. J'ai beaucoup planté mais cole. "Les gens de Sandapoini se ravitaillent ici car appartenait. Une histoire banale dans ce contexte de je sais que la déforestation nuit à l'environnement. là-bas, la terre est épuisée", commente Moussa "faim de terre" vieux comme la colonisation et déjà Je cherche une autre méthode, mais c'est mon seul Houmadi, le directeur de l'école du village, candidat du Front démocratique à la dernière élection prési- dentielle de l'Union. Les approches de la situation de la région diffèrent aussi selon les observateurs. Aux descriptions cata- strophes du "réservoir de misère" anjouanais, Mohamed Bacar, agronome, qui a travaillé dans la zone avant l'indépendance des Comores, oppose les progrès accomplis. "On peut mesurer ce qui a été fait", assure-t-il. "Dans les années 60-70, le Nyumakele crevait de soif. Il m'arrivait d'être réveillé la nuit par des enfants dits malades qui, en réalité, avaient faim. Il y avait une sous-alimenta- tion chronique et catastrophique. Aujourd'hui, on vend du lait du Nyumakele à Mutsamudu, Wani, Moroni. On cultive des légumes qui entrent illéga- lement à Mayotte… Dans les villes, on reçoit des bananes ou des patates douces de nos connaissan- ces du Nyumakele… C'est qu'ils en ont. Avant, ça n'arrivait jamais. Techniquement, le Nyumakele a fait des pas de géant. Par rapport à ce qu'il y avait il y a 20-30 ans et comparé, aujourd'hui, à des zones comme Koni ou Jimilime, le Nyumakele est dans une relative prospérité."

L'ANCIEN FIEF du colon Jules Moquet n'en reste pas moins la région subissant la plus forte pression foncière, la hausse démographique la plus impor- tante, et fournissant le plus gros des contingents de migrants vers les villes et les autres îles. Les nomb- reux enfants présentant des signes de malnutrition sont là pour rappeler que la production agricole n'est pas forcément consommée par les familles, quand celles-ci vendent leur lait ou leurs bananes pour accéder au système de consommation et payer les frais de scolarité ou de santé. Les produits ven- dus sur les marchés ne sont pas toujours synonymes de surplus agricole. En dehors de jeunes désœuvrés et désabusés, l'agri- culture occupe pourtant le plus clair du temps des habitants : du matin au soir, les routes sont parcou- rues d'hommes et de femmes, de vieillards et d'enfants, qui surgissent de rideaux d'ar- bres la tête chargée de fagots, de fourrage, ...

42 kashkazi 60 février 2007 le nyumakele dossier

... de fruits ou même de fumier. Chaque moi-même un crédit." mètre carré est exploité jusqu'à devenir sté- La scolarisation de masse n'a pour l'instant pas rile ; les bas-côté de la route sont couverts résolu le problème. Ceux qui réussissent leurs étu- d'insignifiantes rizières qui donneront chacune des s'éloignent de la terre. Les autres ont du mal à quelques kilos de riz au plus. Pourtant, quand on dépasser les pratiques de leurs parents. "Même si leur demande ce qu'ils font comme travail, tous ces ces jeunes s'insèrent dans le tissu agricole, ils ne gens qui s'échinent sur leur parcelle et sur le moin- sont pas capables de le rentabiliser", estime Ali dre fossé cultivable répondent deux fois sur trois : Ahamadi. "Eux ne croient d'ailleurs pas pouvoir "Rien." Si le travail est conçu comme un moyen de transformer l'agriculture." gagner de l'argent, leur réponse est logique. Tout comme leurs aïeux employés de force par la socié- CHEZ L’ENSEMBLE des cultivateurs, le discours té coloniale gagnaient tout juste de quoi payer leurs est le même : tous sont en attente de formation, de impôts et ne pas mourir de faim, la plupart des pay- connaissances qui leur échappent, et parlent sans du Nyumakele d'aujourd'hui subviennent à comme si eux-mêmes ne savaient rien sur la terre peine à leurs besoins vitaux. qu'ils cultivent. "Il faut que les gens qui moderni- "Du matin au soir, je suis à la campagne pour une sent l'agriculture viennent dans notre village", seule vache qui ne m'appartient même pas", se demande un jeune homme de Sandapoini. "Nous, plaint ainsi Lokasa, à Mremani. "Pour faire manger ma fille, je suis à la “Cultiver, c’est un travail qui ne donne rien, parce que la terre forêt pendant toute l'année, est très légère depuis longtemps qu’on la cultive.” pour une bête qui ne donne qu'un petit par an et quatre FATIMA OUSSENI, CULTIVATRICE DE ADDA litres de lait par jour. Alors que chaque jour, il lui faut 200 kg pour manger !" on fait n'importe quoi, enfin ce qu'on sait faire. On Fatima Ousseni, à Adda, constate aussi que "cultiver a beaucoup de terres à cultiver qui sont vides. Mais c'est un travail qui ne donne rien, parce que la terre si on cultive, on ne récolte rien." Madjidi Ali confir- est très légère depuis longtemps qu'on la cultive". me : "On n'a pas eu une formation. On cultive avec la pratique qu'on a eue. A Mremani, ils ont eu DIRECTEUR DE L'UNION des Sanduk, le pre- beaucoup de formations et ils arrivent facilement à mier réseau de micro-crédit implanté sur l'île, Ali s'en sortir. Quand les formateurs arrivent, ils s'oc- Ahamadi ne dit pas autre chose quand il parle, exa- cupent de ceux qui sont tout près. Ici, personne gérant à peine, de "productivité du travail mille fois n'accède aux formations." "La première chose, inférieure à ce qu'elle peut être ailleurs". "Quand c'est d'avoir des techniciens pour apporter l'expé- vous voyez les quantités énormes d'énergie que les rience, nous dire comment planter du maïs, des gens mettent à cultiver leur sol pour des résultats ambrevades", poursuit Ahmed Bacar, du même misérables… On est à 20 quintaux de riz par hec- village. "L'argent ne vient qu'après la formation." tare, contre 115 ailleurs dans le monde. Cette Pourtant, malgré tout, les pratiques et la conscience femme qui marche sur le bord de la route, va utili- de l'environnement ont évolué. Les enjeux de l'éro- ser toute sa journée pour aller couper ce fourrage sion et de la déforestation sont connus des paysans, et le porter sur sa tête, et il sera loin d'être suffisant même si leur réaction reste insuffisante pour ren- pour nourrir sa vache, qui du coup ne donnera que verser la tendance. "La terre est fatiguée", décrit 4 ou 5 litres de lait au lieu de 15 ou 20. Cette région Fatima Ousseni. "Depuis les années 60, mes a encore énormément de potentialités de dévelop- parents travaillent sur la terre, moi aussi… Il n'y a pement. Il reste d'énormes marges à gagner en pas moyen de la laisser reposer car il y a beaucoup terme de production agricole." de gens. Je l'ai travaillée l'année dernière et je la Question de moyens ? Même pas. Selon Ali travaille cette année. Au bout de 3 ans, ça ne donne Ahamadi, l'épargne drainée par le réseau Sanduk plus. S'il y a de la pluie ou du mauvais temps, la Quand les colons sont partis, la terre a été vendue cas le plus frappant est celui de la laiterie de Page de gauche : suffirait à financer des projets de modernisation terre s'écroule." "Il n'y a pas de place suffisante à ceux qui avaient les moyens d'acheter -peu de Mremani, construite par la coopération française Madjidi Ali et deux portés par les petits producteurs. Mais si aucun pour toute la population", constatent des cultiva- paysans. Dans les autres lieux, la pauvreté ne s'af- sur impulsion de l'ONG Initiative développement autres villageois de cadre ne leur est proposé, ceux-ci avanceront très teurs de Mremani. "La plus grande partie des gens fiche pas comme ça", poursuit l'enseignant. "Toutes (ID). Gérée par une association, elle appartient en Sandapoini. lentement. "Au niveau local, il y a assez d'argent", n'ont qu'une place de 15 mètres et, à la maison, 11 les aides et interventions vont dans le Nyumakele, principe aux producteurs. Mais elle a dû fermer Ci-dessus : assure le directeur. "Beaucoup d'argent dort dans ou 12 enfants. Les places sont touchées par l'éro- et la région reste pauvre. C'est parce que les inves- momentanément, faute de fournisseurs en nombre transport nos comptes, faute de projets." La plupart des prêts sion. On doit creuser, faire une sorte de banquette. tissements ne sont pas conservés. Les gens se dis- suffisant. "Une grande partie des éleveurs ne s'ap- de fourrage à Adda. demandés sont consacrés aux dépenses familiales La vache va faire un travail pour que la terre ent : c'est l'Etat qui a fait ça, donc ça n'appartient proprie pas la laiterie", regrette Daniel Mouhidine, ou au commerce : "Même dans un milieu rural devienne plate et alors on peut cultiver." à personne. Et personne ne s'en occupe. Il y a eu un le directeur. Malgré la garantie de pouvoir vendre comme le Nyumakele, très peu d'argent est investi chantier d'adduction d'eau fait par la Chine. Il n'est leur lait chaque jour, les producteurs n'ont pas dans l'agriculture, car ces investissements sont peu POUR L'AGRONOME Mohamed Bacar, le pas resté fonctionnel. Le FADC l'a repris. Ça n'a accepté que la laiterie pratique en basse saison des rentables, les paysans voient d'abord à court terme, Nyumakele est à l'avant-garde du progrès agricole pas marché. Maintenant c'est ID qui s'en occupe, prix inférieurs à ceux des collecteurs postés en bord et il n'y a pas d'encadrement agricole. Les gens par rapport au reste de l'île. "L'essentiel des activi- depuis 1998. La dépossession a joué un rôle de route, compromettant son fonctionnement. n'ont même pas les idées d'un projet. Ils sont dans tés du Bureau de développement de la production majeur dans la paupérisation. Il n'y a qu'à voir la un système de précarité terrible, il faudrait que ce agricole (BDPA) (1) à Anjouan ont eu lieu dans le différence entre l'Afrique et l'Asie, où les gens ont A MREMANI, la directrice du Centre d'encadre- soit le quotidien qui soit traité. Ils n'ont pas le temps Nyumakele", indique-t-il. "Ses thèmes ont été repris pu conserver des terres. Le fait de posséder quelque ment agricole, qui dépend du gouvernement de l'île, de penser au long terme." Dans cette région long- par la FAO (2) et la CEE (3). Si aujourd'hui le chose joue beaucoup sur le développement. Sans souhaite également “instaurer une approche parti- temps isolée de tout et privée d'éducation, "il y a un Nyumakele a pu acquérir une certaine autosuffi- oublier que les gens du Nyumakele ne recevaient cipative." Les maigres moyens dont dispose le cen- problème d'ouverture, de connaissances, de savoir. sance alimentaire, c'est grâce aux vestiges des aucune considération. On ne les appelait pas par tre trahissent cependant le peu d'investissements Il n'y a pas la capacité de concevoir et de mettre en années 60. Le BDPA a initié les paysans à protéger leur nom, mais par leur matricule. C'est resté ancré consentis par l'Etat pour améliorer la production dans leur mentalité." agricole. "On ne fait pas grand-chose d'autre que la Le mode d'intervention dans la région, en dévelop- formation des organisations paysannes et maraî- “Quand les colons sont partis, la terre a été vendue à ceux pant un assistanat parfois caricatural, n'a rien fait chères", avoue la directrice. qui avaient les moyens d’acheter - peu de paysans.” pour sortir les paysans de la dépendance. Après le Après avoir pendant des décennies maintenu les BDPAqui a marqué la fin de la période coloniale, la paysans du Nyumakele dans l'isolement, l'ignoran- MOHAMED OUSSENI, ENSEIGNANT campagne de reboisement du Programme alimen- ce et la précarité, on voudrait donc qu'ils adoptent taire mondial a particulièrement marqué les esprits, maintenant les nouvelles conceptions du dévelop- chantier. Si quelqu'un arrive à monter quelque les sols, à produire du fumier. C'est dans cette avec son maïs américain et son lait hollandais distri- pement rural, sans qu'une véritable réforme agraire chose, tout de suite après, les autres font pareil." région que les paysans se sont le mieux approprié bués en échange de la plantation d'arbres. Lorsque n'ait jamais renversé la balance de la dépossession Moussa Houmadi relève la même difficulté à pren- les techniques de modernisation agricole.” l'Union européenne a pris la suite en subventionnant coloniale. Mais rares sont les révolutions agricoles dre des initiatives. "Les paysans ne peuvent pas se Entre la vache au piquet, les plantes anti-érosives, les cultures, "je connaissais des paysans qui plan- survenues sans volonté politique de l'Etat. "Les gérer. Les gens ne sont pas encore mûrs. Quand on les murets et les plantations pour délimiter les par- taient des arbres le matin parce que l'équipe de fonds étrangers ne sont pas permanents, ils fonc- leur prêtait de l'argent, ils n'arrivaient pas à rem- celles, les innovations restent cependant limitées contrôle allait passer, puis les replantaient ailleurs tionnent par mode. Quand la mode est passée à Notes bourser", indique-t-il. "Certains ont dû mettre leur pour la plupart des paysans. Quant aux projets col- l'après-midi", raconte Mohamed Bacar. "L'Union autre chose, les fonds partent ailleurs. Alors que si (1) Bureau terre en gage. Du coup, ils se montrent méfiants." lectifs, ils tombent souvent à l'eau après le départ européenne payait. Certains avaient un niveau de c'était clairement inscrit dans la politique nationa- fonctionnant dans C'est ce qui est arrivé à Andil Saïd, de Sandapoini. des bailleurs de fonds. Mohamed Ousseni, qui a fait vie qui ne correspondait à rien de ce qu'ils faisaient. le, on ne pourrait pas laisser tomber comme ça", les années 60 "Actuellement, je n'ai pas de place pour cultiver", des recherches historiques dans la région, explique Ils n'entretenaient pas les plants une fois la prime plaide Ali Ahamadi. "Il faut mettre en place de (2) Fonds avoue-t-il. "Je loue une place ou j'emprunte à un ce manque d'autonomie par la dépossession colo- reçue. Quand le projet a cessé, ils se sont retrouvés vraies structures d'encadrement. Des paysans ont international pour ami. Avant, j'avais une place mais avec l'emprunt niale. "C'est normal que tout le Nyumakele avec une parcelle dénudée." dans leur tête quelques idées très vagues. Il faut les l'agriculture (3) Communauté des Sanduk que je n'ai pas pu honorer, elle a été connaisse une situation difficile, puisque les pay- Aujourd'hui, à l'ère des approches "communautai- aider à développer leurs concepts. Sinon, on n'ira économique prise. J'avais pris un crédit pour acheter du coco, sans n'ont rien", souligne-t-il. "Même les maisons res" et "participatives", les nouveaux acteurs inter- jamais loin." européenne, du manioc et monter une petite boutique mais avec appartenaient à la société [coloniale de venant dans le Nyumakele ont toutes les peines du LISA GIACHINO aujourd'hui Union les crédits de la population… j'ai oublié que j'avais Nyumakele]. La population a été paupérisée. monde à entraîner les paysans dans leur logique. Le (avec NAOUIRDINE PAPAMWEGNE) européenne

kashkazi 60 février 2007 43 dossier le nyumakele Dans le “Dubaï” du Nyumakele, entre fatalisme et système D Des jeunes sans avenir, des parents dépassés, des passeurs sur le qui-vive : l’espoir de s’en sortir est faible à Sandapoini.

dit-il. "J'avais arrêté l'école en 6e . Je ne faisais rien. Mon seul travail, c'est passeur. Je le ferai jusqu'à la mort. Mieux vaut mourir en mer que vivre dans cette misère." L'année dernière, trois jeunes passeurs du village ont disparu, noyés.

QUANT AUX PASSAGERS de kwassa, on ne les compte même plus. Dans chaque village du Nyumakele, c'est la même histoire : des jeunes, sco- larisés ou non, vendent en douce un cabri ou un mouton appartenant à leurs parents avant de prendre le large. "Le voyage clandestin vers Mayotte a beau- coup déséquilibré l'éducation", estime Mohamed Soula. "Beaucoup quittent l'école pour Mayotte

“Les parents ne sont pas contents, mais ils ne peuvent pas leur interdire.”

MADJIDI ALI, UN AGRICULTEUR

entre 12 et 18 ans. Ils volent un cabri et le donnent au passeur. Ça ne fait pas une semaine qu'un oncle est venu me voir. Son enfant de 16-17 ans avait fui pour la troisième fois. Il a dit qu'il allait à Mutsamudu et qu'il fallait le remplacer au champ. Il a pris un mouton et l'a vendu pour partir à Moroni, cette fois." "Les parents ne sont pas contents mais ils ne peuvent pas leur interdire", constate Madjidi Ali, un cultivateur de Sandapoini. "Ils pensent que leur avenir est à Mayotte." Pour ceux qui s'accrochent à leurs études sur place, Maore représente un moyen de payer les frais de sco- larité. Arabi Soulaimana, étudiant en deuxième année de Droit à l'Université de Patsy, est le seul du village à poursuivre des études supérieures. Ces étu- des, il les a payées grâce à trois voyages clandestins sur l'île voisine. "J'ai donné des cours aux enfants Des jeunes de Sandapoini d'une Mahoraise. Pour payer ma deuxième année, il jouent au va falloir que je recommence", explique-t-il. Le jour- babyfoot. est longue jus- vedettes ont commencé au temps de Djohar. Avant, une éducation. Mais on les écoute aujourd'hui, on les naliste et enseignant Assudine Abdallah, qui a étudié (LG) LA ROUTE qu'au "Dubaï du elles venaient de Mayotte pour prendre des passa- écoute demain, et puis ensuite, on voit qu'il y a un le jeu des migrations, remarque que ce phénomène Nyumakele". Au terme d'un chemin boueux, un por- gers. Puis les pêcheurs anjouanais s'y sont mis. Et problème. Les anciens voyaient leurs enfants obéir est très répandu : "La première catégorie de tail béant aux battants sortis de leurs gonds ouvre sur les vols ont commencé." En répétant le sobriquet mais aujourd'hui, on n'écoute plus parce qu'il n'y a migrants, ce sont les jeunes de 18-25 ans. Ils sont quelques salles de classes. Ecole de Sandapoini, que les autres villages ont collé à Sandapoini, Andil rien à manger à la maison, rien, pas de travail à désoeuvrés, ils ont raté leurs études ici, ils n'ont annonce une pancarte fixée au-dessus du tas de fer- Saïd laisse échapper un rire sceptique. "Dubaï ? faire. Pourquoi écouter ? Je suis grand, je me aucune activité." raille qui pourrait aussi bien ne pas exister, puisque Pourtant y a pas de vols là-bas ? Ces affaires que débrouille ailleurs" dit l’un d’eux. Quant aux jeunes renvoyés par les autorités françai- aucune clôture n'empêche de passer à côté. font les jeunes, ça met le village dans des problè- ses, la pilule est amère. Les routes des plus gros villa- Le village est construit bien au-dessous de la peti- mes", poursuit-il en soupirant. ÂGÉS ENTRE 15 ET 25 ANS, ces garçons font par- ges sont pleines d'adolescents sapés comme pour un te école, bordant la mer et le "cimetière Sur la terrasse d'une petite maison en dur, une dizai- tie de la dernière génération à ne pas être allée à l'é- concert de rap. Déconnectés des réalités de la vie Balladur" (1), la plage où sont enterrées les victi- ne de garçons reconnaissent que le scooter autour cole, ou si peu. Ils ont raté le côche de la scolarisa- locale, ils entraînent dans leur sillage des dizaines de duquel ils se sont retrouvés a été volé. De toutes tion de masse (lire p.41) et se trouvent en rupture copains qui ne rêvent que de partir. "Babadi", qui a façons, ils n'en profiteront pas : l'engin sera bientôt avec leurs parents cultivateurs… tout en restant aux emprunté son surnom au chanteur mahorais, est de “Motos, DVD... on peut tout avoir ici.” vendu. "Motos, DVD… on peut tout avoir ici", portes de la société moderne qui les attire tant. ceux-là. Elève de PPF (2) à Maore, il a tout de même DES JEUNES DE SANDAPOINI annoncent-ils, désoeuvrés de bon matin. "Volés par A peine sorti de l'enfance, Ahmed rêve d'une vie été expulsé et se fait le porte-parole de la jeunesse des jeunes d'ici qui ont pris le kwassa, ou par des meilleure et ouverte sur l'extérieur pour ses prop- frustrée d'Adda, le premier village sur la route du mes d'un naufrage de kwassa. Comme tant d'aut- jeunes Mahorais qui veulent de la drogue et l'échan- res enfants. Comme si sa chance, à lui, était déjà Nyumakele. "Nous, nous voulons nous amuser res à Ndzuani, Sandapoini date des années de gent contre une moto volée." passée. "Puisque je ne suis pas allé à l'école, j'ai comme les autres. A Mayotte, un élève va gagner 38 concurrence entre Ahmed Abdallah et Mohamed Sandapoini comme son voisin, Hamchako, est aussi envie de trouver un travail pour avoir une belle euros (3), et on paie le prof… Ici, depuis la maternel- Ahmed, les deux leaders politiques des années 60. réputé comme étant le lieu où les jeunes s'oublient vie, construire une belle maison avec ma femme et le jusqu'à l'université, c'est nous qui payons. Le maî- Notes "Avant, les habitants vivaient à Shaweni, mais au dans l'alcool ou la fumette. "Beaucoup sont alcoo- mes enfants, avoir l'électricité. Aujourd'hui il y a tre ne gagne pas grand chose. A Mayotte, est-ce qu'il moment où on a pris l'indépendance, la terre se liques", affirme Mohamed Soula, un enseignant de la télé pour savoir ce qu'il se passe dans le monde. y a des maisons comme celle-là [il en montre une du (1) En référence dégradait trop à cause du vent. Shaweni était Mramani, à l'extrême sud du Nyumakele, pendant Je ne veux pas que mes enfants soient comme moi. doigt, construite en terre] ? Tout ça, ça montre que au visa Balladur, instauré en 1995. devenu impraticable. Les notables sont allés voir qu'une dizaine de gamins de moins de 12 ans se par- Je suis en train d'apprendre à conduire pour deve- nous, on est dans la merde." (2) PPF : classes Abdallah et Mohamed Ahmed qui leur ont fait des tagent un mégot. "Ils prennent la grande cigarette. nir taxi, et je cultive au champ." pré-profession- promesses. On est venus ici en 1972", raconte un Ils se ravitaillent à Hamchako… Quand on voit des A ses côtés, Abdallah, 19 ans, a depuis longtemps COMME LE FAIT REMARQUER Assudine nelles, bien sou- vieux coupeur de bois, Andil Saïd. enfants quitter le village vers 17h30, c'est qu'ils vont noyé ses rêves dans l'eau noire des traversées clan- Abdallah, le fait que Télé Mayotte soit la seule chaî- vent des voies Le cultivateur à barbe blanche se souvient que les se saouler." destines et les cellules de Majicavo. Il revient tout ne captée dans la région joue "un rôle capital de sti- sans issue pour les jeunes sans- premières fuites vers Maore ont eu lieu quelques Le phénomène reste limité. Cependant "il y a des juste de la prison de Maore où il a passé cinq mois mulateur" dans les départs vers Maore. "On n'a que papiers. années plus tard, sous la révolution d'Ali Soilihi. gens qui achètent l'alcool et la drogue à Mutsamudu après avoir été arrêté tout près des côtes, avec vingt RFO comme télé", explique un lycéen, Abdou (3) Il veut certai- "Les gens du village partaient sur des pirogues à et vendent ici parce qu'ici, il y a beaucoup de saou- personnes à bord, en 2005. A Sandapoini, Majicavo Abdallah. "Il y a une jalousie parce que là-bas, ils nement parler balancier parce qu'ils ne comprenaient pas sa leries", confirment les garçons au scooter. "Ici, c'est est un nom aussi familier que Mutsamudu ou sont évolués. Nous, on voit tous les Mahorais dans des bourses que politique." Mais le phénomène de masse a débuté la source. Pour consommer, on se regroupe sur la Moroni. Abdallah n'est pas le premier à être passé leur télé et nous, les Nyumakeléens, personne ne touchent les parents des en 1995, lorsque la France a imposé aux plage dans un endroit sombre, sous un baobab." Et entre les murs de la maison d'arrêt mahoraise. "Je nous voit dans la télé !" élèves. Comoriens un visa pour se rendre à Maore. "Les les parents ? "Ils n'acceptent pas. Ils nous ont donné voulais juste de l'argent pour donner à ma maman", LISA GIACHINO

44 kashkazi 60 février 2007 le nyumakele dossier Sur les pentes de Kaweni, la galère des “chercheurs d’or” Les bidonvilles de Kaweni, appelés “le petit Nyumakele”, accueillent nombre d'immigrés provenant de cette région. Affranchis des contraintes sociales, ils y développent des réseaux de solidarité indispensables à leur survie.

vue, il n'y a connu qu'à Mgombani [un quartier de quent. Parce que là-bas, on nous emmerde, mais au existe également dans le Nyumakele, elle est A PREMIÈRE pas grand- Mamoudzou, ndlr]. Tout le monde sait où ça se moins on s'intéresse à nous. Ici, on a l'impression moins forte. "Là-bas, on est dans la misère, mais chose à voir entre le Nyumakele des grandes et ver- trouve. Tous les jeunes savent que si un jour ils vien- d'être personne. Il y a tellement de gens qui arrivent comme les familles restent soudées, la solidarité tes étendues du sud de Ndzuani, et celui des pentes nent à Mayotte, ils trouveront un ami pour les et repartent, qui se font expulser, qu'on a toujours se passe à l'intérieur des familles. Elle est limi- escarpées et sur-urbanisées de Kaweni. Mais l'on ne héberger. Et pourquoi pas pour les aider à trouver l'impression d'être seulement de passage." tée. Ici, comme les familles n'existent plus beau- surnomme pas pour rien "le petit Nyumakele" ce un travail." Pour lui, Lazerevouni est avant tout une Autre effet pervers : la délinquance. Pour coup, on est obligés de compter sur d’autres quartier de Lazerevouni et son extension, le quartier mini colonie nyumakelaise : "Des immigrés, il en Mohamed, cette liberté n'est ainsi pas forcément personnes, et de faire attention à nos voisins." Mahabourihi, qui surplombent la plaine de la zone vient de partout, mais quelqu'un qui vient du positive : "Les jeunes n'ont aucun repère, aucune C'est que, explique Fatima, cette solidarité est industrielle. Selon "Totti", un lycéen qui y habite, Nyumakele passe forcément par ici. Il ne s'y arrête limite. Ils boivent, fument, certains se droguent et indispensable. "S'il n'y avait pas ça, on reparti- plus de 70% des gens qui vivent ici viennent de pas toujours, mais il y passe. C'est un peu notre vivent de trafis pas clairs. cette région. Une estimation approximative qui ambassade à nous." Cela aboutit à de la délin- semble assez juste, si l'on se fie à nos rencontres quance. Et comme les poli- “Ce qui m’a plu quand je suis arrivé ici, c’est que je me suis senti effectuées durant ce reportage. LORSQU'IL EST ARRIVÉ à Maore en kwassa, ciers ne passent quasiment dans un autre monde. Il n’y avait plus le poids des parents.” Dans les ruelles en forme d'escaliers de Ahmed, 23 ans, savait où il dormirait le premier pas ici, le soir, cela peut HACHIM, 26 ANS Lazerevouni, les maisons précaires se superposent soir. Débarqué sur une plage du nord de l'île, il a être dangereux. Pas pour dans un amas de tôle et de dalles en béton dont on immédiatement pris la direction de Kaweni. "Un nous qui habitons ici, mais se demande comment elles résistent, année après ami à moi a une case ici. Quand je suis arrivé il pour les étrangers." Hachim confirme : "Certains rait tous. A part quelques uns qui trouvent de année, aux pluies du kashkazi. La maison de était seul. Aujourd'hui, on est quatre [dans une font n'importe quoi. S'ils étaient au village, ça fait bons boulots, on galère tous pour s'acheter à Fatima comporte deux pièces, dans laquelle se chambre de 5 m², ndlr]. Tous du même village, longtemps qu'on les aurait punis. Mais ici, il n’y a manger." côtoient trois femmes -des soeurs- et deux enfants. Mramani. Tous des amis d'enfance. C'est comme si personne pour les accompagner. Il n’y a aucun édu- Tous ou presque affirment, à Lazerevouni, ne pas "Je suis arrivée à Mayotte il y a cinq ans" dit-elle. on était chez nous. On est entre amis, on a tous des cateur, aucune autorité." regretter d'être venus ici. Mais tous ou presque "J'avais un oncle qui habitait à Acoua. Mais je cousins qui vivent ici. La différence, c'est qu'on a du avouent sans cesse douter. Car la vie qu'ils espé- devais travailler, donc j'ai décidé de venir plus travail." Tous les quatre vendent des babioles à l'en- PARADOXALEMENT, À LAZEREVOUNI, raient meilleure en venant ici ne l’est pas vraiment. près de Mamoudzou. Immédiatement, on m'a indi- trée du marché de Mamoudzou. Une tâche de plus ce vent de liberté vis-à-vis des coutumes socia- "On n'a pas plus d'argent. C'est vrai qu'on gagne de qué ce quartier. J'ai facilement trouvé une place. en plus ingrate, à cause des contrôles de police, les n'exclut pas la fin des solidarités villageoises. l'argent. Mais entre ce qui nous sert à payer la Je loue ma maison à un Mahorais pour 60 euros mais qui permet "de vivre bien mieux que chez Au contraire, elles semblent plus fortes ici nourriture, à envoyer à la famille, à louer la maison par mois. J'ai d'abord accueilli une de mes sœurs nous", de s'acheter des cigarettes et, ils le disent à qu'ailleurs. Selon Fatima, "on s'entraide beau- [la plupart des cases du quartier appartiennent à des et ses deux enfants. Elle vivait avant moi à demi-mot, des "Castel". "C'est aussi pour ça qu'on coup. Quand quelqu'un a besoin d'appeler en Mahorais], il ne nous reste plus rien. Des fois, on se Mayotte mais elle s'est faite répudier par son reste ici", dit "Gringo", l'un d'eux. "Ici, on est libre. urgence au village, quand il faut envoyer de l'ar- prive de manger", dit "Gringo" qui, lorsqu’il ne mari." Il y a deux mois, c'est la troisième sœur, Nos parents n'ont plus de pouvoir sur nous, surtout gent pour un décès, quand une maman n'a plus vend pas ses claquettes à l’entrée du marché, part âgée de 19 ans, qui les a rejointes. "Je ne voulais qu'on leur envoie de l'argent. Et il n'y a plus les rien pour nourrir ses enfants." Naïma, une jeune aux champs, où il a trouvé une place. pas travailler aux champs. A Anjouan, on n'a vieux du village pour nous dire quoi faire, ce qui est maman de quatre enfants -issus de trois pères Et puis, affirme Fatima, "il y a tous ces contrôles de aucune perspective", explique-t-elle. bien ou pas." Rencontré en fin de journée, “Gringo” différents- qui habite Mahabourihi et n’a pas de police. On a l'impression d'être des voleurs [“pire, en était à sa deuxième bière. Déjà saoûl, il avouait travail (lire ci-dessous), se souvient de cette des animaux” ajoute sa sœur]. C'est désagréable de LORSQUE FATIMA est arrivée, cette jeune boire souvent, non pas par dépit, mais “parce période où les pères ne passaient plus -depuis, sentir sur soi ces regards. Pourtant, on n'a rien fait. femme de 25 ans, qui a passé son enfance à Adda et qu’[il] aime ça.” elle a rencontré un homme avec qui elle vit : On essaye juste de survivre, comme tout le monde." vit aujourd'hui des ménages qu'elle fait chez des Cette vie d'immigrés éloignés des contraintes "Mes deux derniers enfants n'avaient que 1 an et Comme ceux qui sont restés dans leur village… particuliers, a retrouvé de nombreuses connaissan- sociales, c'est aussi ce qui plaît à Youssouf, 24 2 mois. Les voisins ont fait une quête et m'ont La différence, ajoute Ahmed, "c'est qu'ici on a un ces. "Mon voisin était le fils d'un de mes voisins au ans. "Au village, non seulement on n'a pas de donné de quoi les nourrir. Alors que je ne leur travail. On ne s'ennuie pas. Dans le Nyumekele, on village. On se connaissait bien. Plus haut, il y avait travail, mais dès qu'on fait quelque chose, on avait rien demandé. Mais ils avaient vu que j'e devient des grands-pères à force d'attendre." aussi un ami d'enfance, mais il a été renvoyé, et je nous regarde d'un mauvais œil. Ici, personne ne n'avais plus rien." Si selon elle, la solidarité RC ne l'ai plus revu." Depuis, le Nyumakele n'a cessé nous dit rien, car personne n'a de pouvoir sur de se "délocaliser" à Lazerevouni. "Chaque semai- nous. Beaucoup d'entre nous sommes jeunes. ne, je vois arriver des gens de mon village. Il y a un C'est vrai qu'il y a quelques anciens ou des mois, une cousine à moi s'est installée juste en face. familles, mais ils s'occupent d'abord de leurs Avant, c'était un autre garçon qui habitait le sud problèmes. Au village, c'est le contraire. Comme Un cocktail explosif “A Mremani, le nom de Lazerevouni est plus connu qu’à “SECOUEZ LAZEREVOUNI, ET journées à boire et à fumer ; d’autres n’ont même pas tenté Mgombani. Tout le monde sait où ça se trouve.” VOUS VERREZ de quoi on est des filles livrées à elles- pour la simple raison qu’ils capable !” La menace, à peine mêmes, dont certaines n’ont n’ont plus de parents. Certains MOHAMED, UN DES PLUS ANCIENS HABITANTS DU QUARTIER voilée, provient de la bouche pour seule option afin de nou- vivent chez de la famille, des d’un jeune qui refuse de rir leurs enfants que de vendre cousins ou des oncles, mais d'Adda qui a loué une maison juste en dessous. il n'y a rien à faire, on préfère s'intéresser aux dévoiler son identité. Entouré leur corps. Enfin, surtout : une ceux-ci ne s’en occupent pas. Parfois, j'ai l'impression d'être à Adda !" Une fami- problèmes des autres." de trois autres gars qui doivent ribambelle de gamins qui, du D’autres sont carrément à la liarité qui n'est pas pour lui déplaire. "La vie est dif- "Il n'y a pas de chef ici", explique Mohamed. "C'est avoir son âge (autour de 18 matin au soir, vaquent dans le rue”, s’insurge l’animatrice, ficile ici. On est serrés, il fait chaud dans nos mai- vrai que les plus anciens sont écoutés, mais ils n'ont ans), il affirme qu’un jour, quartier, mendient dans la qui a tenu à garder l’anonymat sons, et on a peu d'argent. Pour quelqu'un qui a pas de pouvoir. Surtout, ils ne sont pas nombreux. “tout ça explosera”. zone industrielle. “Ces enfants pour des raisons professionnel- grandi dans les champs, ce n'est pas toujours sim- Un enfant d'un chef à Mremani ne sera pas plus Comment en serait-il autre- n’ont pas été acceptés à l’éco- les. ple. Et puis il y a la police. On a peur. S'il n'y avait écouté ici par les autres. Quand on arrive à ment ? Lazerevouni présente le, parce que leurs pârents “Ces enfants ont faim, cela se pas des gens d'Adda pour me soutenir, je ne dis pas Mayotte, on oublie notre statut." Cela s'explique, tous les ingrédients d’un cock- sont clandestins”, dit voit. Ils seront prêts à tout, un que je partirais, parce que d'autres personnes sont pense-t-il, par le fait que "la plupart des gens qui tail explosif : des jeunes adul- Mohamed. “Que voulez-vous jour, pour manger quelque là, d'autres Anjouanais, même des Grand-como- arrivent ici sont des jeunes. Non seulement ils n'ont tes sans travail, dont une par- qu’ils fassent, sinon trainer et, chose. Certains d’entre eux riens. Et puis, ici j'ai un salaire, je peux envoyer de pas envie d'écouter les plus anciens -comme au tie s’est engouffrée dans la un jour, voler ?” Selon les esti- vont à la décharge pour trou- l'argent à mes parents. Mais c'est un plus de savoir village d'ailleurs-, mais en plus ils vivent en dehors vente de drogue et dans les mations d’une animatrice qui a ver de quoi manger ou des qu'on a des gens qui ont grandi avec soi. Cela per- des traditions." Hachim, 26 ans, qui travaille dans trafics en tout genre et dont travaillé pendant quelques choses à revendre”, se désole met aussi d'avoir régulièrement des nouvelles du un garage en bas, "dans la zone", confirme : "Ce qui l’autre tente tant bien que mal années à Kaweni, ils seraient Mohamed. village. Tous les jours même." m'a plu quand je suis arrivé ici, c'est que je me suis de gagner sa vie en échappant des centaines d’enfants en âge “Un jour”, affirme Hachim, 26 Mohamed, qui est l'un des plus anciens du quartier senti dans un autre monde. Il n'y avait plus le poids aux rafles ; des adolescents d’être scolarisés à ne pas aller ans, “le calme apparent de -il dit y habiter depuis plus de 15 ans- confirme l'at- des parents, des oncles. Si on veut pas aller prier, évincés du systéme éducatif à l’école. “La plupart ont été Lazerevouni explosera. Et on trait de Lazerevouni sur les jeunes du Nyumakele. c'est pas un problème. Si on veut dormir tard le sans avoir aucune formation -ni refoulés dès la rentrée, mal- comprendra la misère qu’il y a "Je suis récemment retourné dans mon village de matin, c'est pas grave." Cela dit, "au bout d'un cer- même la maîtrise de la langue gré les tentatives de leurs ici. Tout Mayotte compren- Mremani. Là-bas, le nom de Lazerevouni est plus tain temps, certaines choses du village nous man- française-, qui passent leurs parents”, affirme-t-elle. “Mais dra.”

kashkazi 60 février 2007 45 hors-piste moeurs

L'amélioration de l’habitat et son A Maore, accession au monde du travail ont la “guerre permis à la femme mahoraise de des sexes” s'émanciper. Quant aux hommes, “ce sont de est déclarée vrais SDF” affirme le sociologue restaient à la maison et pas mal d'hommes, qui se croyaient jusqu'à présent étaient tributaires de l'argent indispensables à la gente féminine… David Guyot. de leur mari. Mais aujourd'hui, Tout commence selon David Guyot à la fin des les femmes sont de plus en plus nom- années 1970. La société mahoraise est alors très De quoi attiser les breuses à travailler. Moi, je suis libre, je majoritairement rurale. Selon son rapport réalisé en n'ai pas besoin d'un homme pour m'acheter les 2004, 92% des logements sont précaires - pas tensions conjugales... choses que je veux, j'ai le permis. Si je n'avais pérennes, pas durs. La maison familiale n'est alors pas eu de travail, j'aurais pris un mari plus tôt, rien d'autre qu'un lieu de vie. Elle ne représente et les convoitises. mais là, je préfère prendre mon temps." aucune richesse patrimoniale, sauf pour certaines familles aisées, "qui ne sont pas plus de 2 ou 3 par CETTE MARCHE vers l'indé- village". "L'Etat et les bons missionnaires qui le pendance de la femme, qui reste servaient ont dit : "On va durcifier ces maisons"", lente affirme Faouzia Kordjee, rapporte le sociologue, "mais ce qu'on n'a pas vu à présidente de la Condition fémi- l'époque, c'est qu'on allait en même temps à contre nine - “l’indépendance finan- courant du cycle culturel où sur une surface don- cière est un facteur important, née, le rythme naturel des successions féminines mais ce n’est pas le seul, et il allait de pair avec le remplacement de l'habitat pré- reste beaucoup à faire” dit-elle, caire maternel par l'habitat précaire filial. Le ryth- ne se fait pas sans accrocs. Elle me naturel a été cassé dans la mesure où les aides peut même parfois s'apparenter à un combat entre de l'Etat sous forme de maisons en dur ont encou- les deux genres. A tel point que le sociologue David ragé le rêve social des Mahorais, qui passe désor- Guyot, qui étudie la société mahoraise depuis une mais par la construction d'une grande maison. dizaine d'années, n'hésite pas à évoquer une guerre Avant, la norme sociale était que tout le monde , en Petite Terre. Sitti (1) se dit libé- des sexes. Une guerre qui opposerait femmes et avait une maison précaire, et quelques notables LABATTOIR rée. Son mari, explique-t-elle, la hommes, dont le champ de bataille se déroulerait au possédaient une maison en dur. Mais l'aide de l'Etat trompait. "A droite à gauche." Il ren- niveau de la possession foncière et de l’habitat, et a donné une réalité au rêve social. Un rêve que tout trait à des heures pas possibles et s'occupait peu de qui, paradoxalement, aurait depuis bien longtemps le monde pouvait toucher du doigt, car tout le leur petit garçon. Alors un soir qu'il rentrait tôt, elle tourné en faveur de celles qui, dans d'autres domai- monde avait droit à ces aides. Tout le monde en a l'a chassé. "Je lui ai dit de récupérer ses affaires et nes, sont les laissées-pour-compte. "On assiste à profité. Certaines femmes se sont fait construire 3 de partir. Il a bien tenté de me faire changer d'avis, une guerre des sexes à Mayotte depuis quelques ou 4 cases Sim." mais j'étais décidée. Pourquoi continuer à subir n'ont pas hésité à le chasser. Un habitant de années, c'est un phénomène tu, que peu d'observa- cette humiliation alors que je n'ai pas besoin de lui Labattoir évoque ainsi l'une de ses voisines qui, teurs remarquent, mais qui est pourtant bien réel", CETTE PÉRIODE CORRESPOND selon lui "à pour vivre ? La maison est à moi, je travaille [au après avoir demandé à son conjoint de partir, a affirme le sociologue. Qui poursuit : "On se cache une époque où la division sexuelle des rôles conju- Conseil général] et gagne assez d'argent pour nour- entièrement remeublé son salon avec son argent à derrière des assertions historiques du type : la gaux trouve des correspondances avec la structure rir mon enfant." elle, histoire de prouver sa totale indépendance. femme possède la maison, l'homme travaille, mais du marché de l'emploi et la division des richesses : Non loin de là, à Pamandzi, Hadidja (1), comptable D'autres, sans franchir cette ligne rouge, font com- on ne se rend pas compte que l'intrusion de bribes la femme est propriétaire de la maison, c'est son seul dans une entreprise de Kawéni, a elle aussi "viré" prendre à leur homme qu'il n'est qu'un invité dans la du droit commun dans l'existence quotidienne des bien (mais il n'est pas réellement évalué en tant que son mari. "Il ne faisait que boire et faire la fête avec maison, et que son salaire seul ne suffit plus à lui gens aboutit à des situations compliquées, notam- valeur marchande), elle ne travaille pas ou très peu ses copains. Il ne s'occupait pas de moi et de nos pardonner ses écarts. Certaines enfin, encore céliba- ment sur le droit de succession, avec un concept qui dans le cadre d'un emploi rémunéré. L'homme est deux enfants. Mais ce qu'il n'avait pas compris, taires et vivant sous le toit maternel, avouent mettre est la communauté de bien en Occident, qui n'exis- hébergé dans cette maison féminine qu'il finance, il c'est que moi, je n'ai pas besoin de lui. Je travaille, du temps avant de choisir "le bon". "On travaille, te pas ici." C'est que le traditionnel schéma conju- possède alors tous les pouvoirs économiques. Son je gagne même bien ma vie, 1.400 euros par mois, on a un salaire, pourquoi se presser au risque d'en gal dans lequel la femme possède la maison et statut de "sans domicile fixe" se trouve en phase et la maison est la mienne, ce sont mes parents qui prendre un mauvais ?" s'interroge, malicieuse, l'homme nourrit la famille est dépassé. Ce qui pou- avec un marché matrimonial où une pratique poly- l'ont construite pour moi. Lui, il ne ramenait que Karida (1), 23 ans. vait s'apparenter à un équilibre des forces est mort game n'est que l'expression culturellement codifiée 1.000 euros par mois, et en consommait la moitié "Il est fini, le temps où les femmes se faisaient avec la transformation de l'habitat, devenu patri- d'une forme assez universelle d'hypergamie écono- pour ses fêtes. Pourquoi l'aurais-je gardé à la mai- marcher sur les pieds par les hommes", affir- moine, et l'entrée remarquable des femmes dans le mique." (2). son ?" ment en chœur Roukia et Amina (1), âgées de monde du travail. Aujourd'hui, nombreuses sont Le premier tournant a lieu en 1991, lorsque le Elles sont nombreuses comme Sitti et Hadidja, à 26 et 21 ans, toutes deux secrétaires au Conseil celles qui non seulement possèdent deux voire trois nombre de maisons en dur atteint celui avoir franchi le pas de l'indépendance économique général. Pour Roukia, "avant, nos mères étaient maisons qu'elles louent, mais qui en plus gagnent des maisons dites précaires (3). Durant vis-à-vis de leur conjoint. Comme elles, certaines soumises car elles ne travaillaient pas. Elles un salaire honorable. De quoi faire perdre la tête à cette même période, un autre événement ...

46 kashkazi 60 février 2007 Jeunes femmes mahoraises moeurs dansant le wadaha, hors-piste octobre 2006. (RC) ... retient l'attention des Mahorais : fini la brique en La politique, terre séchée guère clin- quante à leurs yeux ! La Sim (Société immobilière de un autre front... Mayotte, en charge de la construction de logements A LA DEMANDE DE LA Selon l’étude, “locale- sociaux depuis 30 ans) DÉLÉGATION aux Droits ment, la présence fémini- passe désormais au par- des femmes et à l’égalité ne non seulement ne paing, et ses maisons de Maore, David Guyot a constitue pas un tabou, prennent une autre valeur. réalisé une étude sur la mais il semble que les La conséquence logique parité hommes/femmes femmes soient en mesure de cette évolution ne se dans le champ politique de négocier avec succès fait pas attendre : les municipal à Maore, deve- leur présence dans le nue obligatoire depuis la champ politique munici- hommes aussi veulent leur loi du 6 juin 2000. pal.” David Guyot note part du gâteau. Sans remet- Il ressort de cette étude toutefois un taux d’absen- tre en cause le schéma tradi- que la parité a permis téisme très fort pour les tionnel qui veut que la mai- une nette progression du femmes (du entre autres son conjugale appartienne à la nombre de femmes élues à leur faible nombre et à femme, ils tentent de leur côté de au Conseil municipal des raisons sociales). se procurer des terres et de se faire (45,5% des sièges), avec Surtout, elles représen- construire des maisons. D'autant que cependant des disparités tent une très faible pro- selon les communes. portion au niveau des le prix des terres commence à prendre exécutifs communaux : on une certaine importance. "Le problème", ne compte aucune mai- poursuit David Guyot, "c'est que c'est devenu resse et elles ne repré- compliqué de partager ces terres entre tous les sentent que 30% des ont adjoints. Ainsi, à la “rela- membres de la famille, il y a eu une sorte de pri- deman- nalité comorienne atteint le chiffre de 4.365 construit tive parité institutionnel- vatisation de l'espace domestique." D'un objec- dent et obtien- ménages, soit 20% de l'ensemble des ménages tif louable -la pérennisation de l'habitat-, pense la maison qui le” se superpose “une nent le financement d'une français natifs. Evolution logique : la femme de absence de parité fac- le sociologue, on en a fait un outil d'accultura- abritera la famille”, écrit-elle, case Sim. Bien souvent d'ailleurs, ils nationalité comorienne, souvent en situation irré- tuelle”. tion. L'habitat est devenu richesse patrimoniale. “ils se lanceront dans la construction d’une deuxième maison qu’ils loue- ne feront pas construire une case, mais gulière, est restée vulnérable financièrement -les Dans un chapitre plus ront. Ceci leur permet d’éviter le sen- ils auront le terrain." Ces étudiants, salaires sont souvent très bas- et surtout elle ne CE PHÉNOMÈNE A PRIS une ampleur plus sociologique, David Guyot timent de régression en cas de rupture avec ajoute-t-il, sont les enfants des premiers hom- possède pas de terres. "Les deux membres du cou- large encore avec l'entrée des femmes dans le mes à avoir réagi une décennie plus tôt. ple se retrouvent ainsi à égalité au niveau du note avec enthousiasme l’épouse et de retour dans la maison familia- que “si les femmes apa- monde du travail, qui remonte au milieu des Hachim est l'un de ceux-là. En 2001, étudiant en le des parents. (...) Toutefois, en milieu rural, patrimoine." Mais l’homme a retrouvé son raissent souvent en infé- années 1980. "En 1985", rapporte David Guyot, France, il dépose un dossier alors qu'il n'est ni emprise financière. "les femmes commencent à travailler. C'est un l’homme propriétaire ne construira cette maison riorité numérique au sein père ni même marié. "C'était en prévision. On Moussa, un enseignant de Tsararano qui habite de l’exécutif, on voit gros boum, les portes des bureaux s'ouvrent aux qu’à partir du moment où ses filles rentreront dans un autre réseau de financement.” (4) m'avait sensibilisé au fait que c'était de plus en Hapandzo, avoue avoir choisi une Anjouanaise bien qu’un tel rapport de femmes, et pas les plus petites, puisque ce sont plus difficile d'avoir un terrain, et je sentais que en situation irrégulière par souci de sécurité. force n’existe pas en ce celles de l'administration. Les premiers recrute- qui concerne la position "CERTAINS SE DISAIENT : "Ma femme a les femmes allaient travailler de plus en plus, "Ma première femme m'a lâché. Elle était ments touchent notamment la grande bourgeoisie donc que le schéma social allait chan- instit' elle aussi et possédait la mai- sociale de ces dernières, déjà trois cases Sim, moi aucune, ça commence et en particulier le capi- de Pamandzi. Et d'un coup, ce qui faisait l'équili- ger. J'ai eu ma parcelle, mais je son. J'ai dû retourner chez mes à bien faire"", se souvient Ibrahim, ancien tal scolaire”. Ce qui fait bre : l'homme travaille et gagne l'argent, la n'ai pas fait construire tout de parents. C'était honteux. J'ai femme possède la maison, est détruit." conseiller municipal de Pamandzi, enseignant à dire au sociologue qu’el- suite, je n'avais pas l'argent. alors décidé de trouver une les ne servent pas de pots Les premiers mouvements de "résistance" mascu- la retraite. Lui-même se pose des questions. "Je Ce n'est que quand je suis “Et d’un coup, femme qui ne pourrait pas de fleurs, mais sont arri- line remontent aux années 1990. Dans son rapport me disais que ce n'était pas logique que ma femme possède tout, alors qu'elle travaillait. revenu à Mayotte, en 2004, ce qui faisait me faire vivre ça une nou- vées là par leurs compé- rédigé en 2004, David Guyot notait qu'en 1997, tences -on compte de Avant, c'était compréhensible puisque c'était une que j'ai commencé à cons- velle fois. On est nomb- "au cours de son voyage d'études, [l'ethnologue l’équilibre est nombreuses enseignantes. sécurité pour elle, d'avoir une maison. Mais en truire ma maison à moi." reux dans ce cas", affir- Jon] Breslar observe à juste titre que la SIM a per- Aujourd'hui, il n'est pas détruit.” me-t-il. Roukia peste Surtout, l’avenir semble gagnant un salaire, c'est devenu un insécurité leur sourire, conclue-t-il : mis aux hommes de s'acquitter, à moindre coût, encore marié mais vit dans pour les hommes. J'ai alors fait construire ma D. GUYOT, SOCIOLOGUE d'ailleurs contre cette évo- “Faute de parité numé- des devoirs constructifs vis-à-vis des femmes du sa demeure, à Tsararano. lution. "Comme ils ont peur groupe familial. Par ailleurs, la demande masculi- propre case Sim." Contrairement à la concep- rique, la forte parité de nous, les hommes cherchent sociologique qui règne tion occidentale, la communauté de biens dans CE PHÉNOMÈNE s'accompagne ne destinée à servir une clientèle masculine, des proies faciles. Et ce sont des actuellement dans l’exé- devient opératoire et socialement acceptable (...). un couple n'existe pas. Ce qui appartient à la d'un changement de comportement femme appartient à elle seule. Et quand la mai- Anjouanaises. Elles n'ont ni argent ni cutif du champ politique Les hommes commencent donc à se consacrer à entre les jeunes. Roukia, une femme municipal invite à penser son appartient au couple, bien souvent, “le mari maison. Eux ont un emploi. Ils peuvent leur propre patrimoine par des stratégies rendues qui possède un travail, une voiture, et donc reproduire le pouvoir qu'ils ont perdu que le processus est déjà d'autant plus aiguës qu'ils perçoivent leur statut fait don de sa part à son épouse”, remarque l’an- montre des signes d'aisance financière, avoue en marche.” thropologue Sophie Blanchy (5). "Je savais que mais que leur père avaient sur leurs femmes." d'hébergé conjugal comme une situation de pré- ressentir une sorte de méfiance de la part des Autre conséquence visible en brousse notam- carité ainsi qu'un handicap à leur propres ambi- ma femme pouvait me jeter du jour au lende- hommes de son âge. "Aujourd'hui, ils ont peur main”, poursuit Ibrahim. “Et comme je n'étais ment : des jeunes filles issues de familles maho- tions sociales et économiques. Ce point est des femmes comme moi, car ils savent qu'ils raises pauvres qui n’ont pas les moyens d’ache- tout à fait important puisque, d'un pas polygame, je me suis dit que si n'auront pas le pouvoir financier. Ils ont peur de cela arrivait, je me retrouverais ter une place s’entichent très tôt d’hommes point de vue technique, l'intru- se retrouver à la rue un jour." La crainte de mahorais. Elles comptent sur eux pour construi- sion des demandeurs hom- vraiment à la rue. J'ai donc devenir SDF est d'autant plus forte, affirme demandé à bénéficier des re la maison... jusqu’au jour où ils les quittent. mes, homologues des “Aujourd’hui, David Guyot, que l'interdiction de la polygamie Elles se retrouvent alors sans rien. femmes au plan sociolo- aides pour construire un (en 2004) ne permet pas à l'homme de prévoir gique (professions les hommes ont case Sim et j'ai acheté une porte de sortie. Les rapports conjugaux s'en AINSI, EN 2007, "la guerre des sexes" entamée intermédiaires et pos- peur des femmes une place." trouvent détériorés. "Aujourd'hui on se trouve voici une dizaine d'année est très aigue, note Notes tes salariés de moindre Comme Ibrahim, une dans une situation très violente", affirme-t-il. David Guyot. "Les hommes en ont ras le bol, ils (1) Prénom d'emprunt comme moi, car ils poignée d'hommes qualification), sur fond "Pour la première fois dans l'histoire de ne sont plus maîtres de leur destin, puisqu'ils peu- (2) Etude sur l'avenir de concurrence conju- savent qu’ils n’auront sentant le vent tour- Mayotte, l'homme peut se faire foutre à la porte vent se faire virer d'un jour à l'autre. On observe de l'habitat social gale, a pu conduire, à pas le pouvoir ner achète des terres. par sa femme, et il ne peut rien dire." une méfiance entre les deux genres, on s'achemi- à Mayotte, D. Guyot Mais cela reste dans le cette époque, à voir financier.” "Les hommes deviennent complètement fous", ne vers tout sauf l'image de la famille occidentale (ISM), avril 2004, l'homme et la femme d'un milieu des initiés. "Ces note non sans ironie une enseignante présente à heureuse de se retrouver à table le soir." (3) Les données loge- même ménage tous deux ROUKIA, 26 ANS hommes ont profité de Maore depuis plus de 20 ans, fine observatrice Et de noter ce paradoxe : "Alors que la société ment en 1978 font candidats à l'habitat social. Ce l'ambiguïté juridique et du des moeurs locaux. "Leur femme leur demande mahoraise s'occidentalise à fond, le modèle état d'une proportion très importante de fait que leur femme ne porte pas social [occidental] basé sur la solidarité conju- phénomène sexuel annonce discrète- de leur acheter les plus beaux bijoux, la dernière l'habitat traditionnel ment en fait les profonds bouleverse- le même nom qu'eux pour eux aussi voiture, le dernier frigo, et ils ne peuvent leur gale est remis en cause du fait qu'ici, les cellules devenir propriétaires de cases Sim", (92,3% de l'ensemble ments des modèles, en particulier refuser, parce que sinon ils peuvent se faire jeter. familiales sont différentes. Et ce n'est pas prêt de des logements), alors matrimoniaux, qui sont en cours et prennent indique David Guyot. "Souvent, Ils s'endettent ; avec leurs petits salaires, ils ne s'arrêter, car la puissance économique et poli- que la part des habi- toute leur puissance au cours de la période sui- l'homme achetait un terrain en disant que peuvent pas s'en sortir." tique des femmes [lire ci-contre] ne cesse d'aug- tats modernes est de vante. L'accès des femmes à des emplois rémuné- c'était pour sa fille, mais en fait c'était pour menter. Je pense que ça va modifier profondé- 3,8%. En 1985, ces rés (...) n'est pas sans conséquences sur les modè- lui." FACE À CETTE PERTE de pouvoir, nombre de ment la société. Je pense en particulier au fait cases traditionnelles représentent encore les traditionnels, en témoigne l'apparition de nou- Ce sursaut mâle reste toutefois limité. Il prendra Mahorais qui n'ont pas pu acheter du terrain à que le locatif va exploser. Il y a trois ans, quand une autre ampleur au début des années 2000. Ce 72% des habitats, veaux profils de propriétaires : femmes seules, temps se tournent vers des femmes moins "puis- on parlait de logement locatif, les élus rigo- contre 40% en 1997. sont alors les étudiants partis en France qui s'ins- santes" : les sans-papiers. "De nombreux hommes, laient, aujourd'hui ils se rendent compte que ce parce qu'elles disposent et du foncier et des (4) Quel habitat pour moyens pour construire, hommes seuls en phase crivent en masse pour bénéficier de ces cases après un divorce, ne retournent pas avec une n'est pas si idiot que cela, avec ces couples quasi gratuites. "A partir de 2002 il y a un boum Mayotte ?, M.Richter, de conquête du foncier-logement masculin." femme mahoraise, mais se réfugient chez une d'hommes mahorais et de femmes anjouanaises L’Harmattan, 2005 L’architecte-urbaniste Monique Richter note de la demande venant d'étudiants, des hommes Anjouanaise", analyse le sociologue, chiffres à qui ne possèdent pas de terres. On est à l'aube notamment", note le sociologue. "Ils sont en (5) La vie quotidienne pour sa part que les hommes propriétaires “ont l'appui - en 2002, le nombre des couples mixtes d'une nouvelle société." à Mayotte, S. Blanchy, de nouveaux comportements”. “Une fois qu’ils France, ils ne sont pas encore mariés, mais ils homme de nationalité française / femme de natio- RC L’Harmattan, 1990

kashkazi 60 février 2007 47 hors-piste diaspora Le bled prépondérant même à 10.000 kms A Paris, Dunkerque ou Marseille, se poursuivent les vieilles querelles de cité. Le Comorien appartient d'abord à son village. La bannière insulaire ou nationale ne vient qu'en seconde position.

tel autre, ce sont des clivages qui ont leur impor- Eddy, "il nous a tout interdit pour satisfaire aux tance au pays. En France, ils permettent aux uns exigences de son bled. Il a accumulé pour le et aux autres de se jauger, d'analyser le chemin mariage, pour aider à construire des choses là- parcouru et surtout de garder le lien ombilical bas, et puis il est mort sans en avoir profité. Je avec la terre des ancêtres" argumente Mohamed reconnais quand même que le jour où il est mort, Saïd, étudiant en communication. "Nous sommes ils sont tous venus à la morgue pour prier. Et ça partis de nos îles pour accumuler un capital de c'était immense. Je n'aurais jamais cru". réussite. Ce capital ne doit pas quitter le village. Si un enfant réussit à faire de bonnes études, si un MOMBI, DU 3ÈME ŒIL, constate : "C'est dans mec gagne au loto, si une entreprise lui paie un les moments les plus durs qu'on la trouve, la soli- salaire de roi, les dividendes doivent aller au darité comorienne. Mais après, elle disparaît d'un village qui l'a vu naître" ajoute-t-il. coup. On ne la voit plus". Le village reste quand Les dividendes ! Le communautarisme de village, même un liant fort pour toute une communauté en perte de ses repères, surtout depuis que le “On a réimplanté ce truc-là ici, et ça ne marche pas, principe de solidarité, parce que nous, jeunes, on a un autre modèle.” valeur hautement revendiquée par les SOLLY, DE CENTRE MUSIC SCHOOL, À MARSEILLE Comoriens de France, est en train de se perd- tel que cultivé dans l'Hexagone, reprend effective- re. Boss One, l'autre acolyte du 3ème Œil, pique ment les recettes éculées du passé. Il a ses nota- une colère à cette idée : "Il n’y a aucune solidari- bles, ses preneurs de décision engageant le nomb- té entre les Comoriens. Il y a du racisme surtout. re, son autorité morale, ses oncles, ses grands frè- C'est tel village qui est plus grand que l'autre qui res, qui veillent au bon respect des règles commu- va l'emporter. Toi, tu viens d'un petit bled où l'on nes et au retour sur investissement des parents res- ne mange que des nana. Toi t'es un pêcheur, l'au- tés au bled. Cela s'effectue au travers notamment tre c'est un ci, c'est un ça. Donc ça divise les gens. des associations villageoises. "Une des grandes Il se peut qu'il puisse y avoir à un moment donné originalités […], c'est le non-dit des statuts. En une solidarité mais elle est pas énorme". effet, sans que ce soit précisé quelque part, tout La vieille école, incapable de respecter ses prop- ressortissant d'un village est automatiquement res valeurs affichées, fait tâche aux yeux de ces considéré comme membre, par conséquent rede- jeunes. Solly de Centre Musical School à comorienne, tout en épousant de l'intégration du pays d'accueil en même temps vable des cotisations et corvéable à merci. Tout Marseille, ne cache pas sa déception : "En fait, les valeurs républicaines du qu'une absence de confiance en soi des migrants contrevenant est mis au ban de la société dans la c'est le concept du village qui pose problème. On “LA FAMILLE pays des droits de l'homme, Comoriens. Un complexe d'infériorité qui leur fait communauté villageoise aux Comores, avec tout a réimplanté ce truc-là ici et ça ne marche pas, décide […] de ne faire aucune concession sur croire qu'ils n'y arriveront pas seuls "en milieu ce que cela suppose comme pression et sanctions parce que nous, jeunes, on a un autre modèle : tout ce qui la lie à sa communauté villageoise. Ses hostile", dans le grand bain du monde, d'où le vis à vis de ses proches restés au village". Ces c'est l'idée de nation, de peuple. Alors que là-bas principaux refuges et pôles de référence en regroupement par l'affinité villageoise, le premier associations transposent en France les défauts au pays, c'est divisé en 10.000 villages. Et chacun France seront […] son foyer et l'incontournable dénominateur commun, le plus facile aussi". d'une organisation villageoise pourtant en crise veut être chef à la place du chef. Il n'y a personne association villageoise" analyse Saïd Hassan dans le pays. Décisions arbitraires imposées à qui parle d'une même voix alors qu'on est un petit Jaffar dans un mémoire consacré à la diaspora EN SOMME, le village rassure. Mais "la démar- tous, guerre de mépris entre les quartiers histo- Archipel de rien du tout. Le spectacle que donne comorienne en France. Deuil, mariage ou repas en che communautaire s'est focalisée sur une adhé- riques des plus grandes cités, privilèges de clans la communauté dans les îles est frustrant. Tu te groupe reconstitué le week-end. Tout lui est pré- sion à l'appartenance villageoise comme princi- sociaux transmis de famille en famille et absence dis : "voilà des individus qui ne luttent que pour texte pour retrouver l'unité désertée du bled d'ori- pale alternative" selon Soilih Mohamed Soilih. d'une réflexion approfondie sur les enjeux du une chose : manger plus que le voisin"". gine. "Wa bale mipaka yo mdjini hata hunu" résu- Cependant, Fikri Ali Mohamed nuance : "Le repli monde actuel. Ce qui pousse la nouvelle généra- me Ibrahim Barwane, anthropologue. Le migrant de village est, me semble t-il, une spécificité tion à aller voir ailleurs. SON POINT DE VUE reflète le mal-être d'une Comorien ne fréquente par exemple ni théâtres, ni grand-comorienne. Les Anjouannais de France, à génération, qui se sent à l'étroit dans l'imaginaire musées, ni cinéma, sauf si ses enfants nés Français part les Mutsamudiens et ceux des grandes villes, "ON M'OBLIGE à aller dans des bals de village de la République française, mais qui ne se retro- l'y traînent de force. Car il préfère, lui, se prélasser ne se réunissent pas tant que cela en terme de pour aider à construire une mosquée ou une uve pas dans l'esprit d'une communauté immigrée avec ses semblables dès qu'il a un temps de libre. village. En tout cas leur village transposé est école. Qu'est-ce que j'en ai à foutre de cotiser finalement très éclatée. Une génération qui finit en Pour satisfaire à une certaine nostalgie, sans moins ostentatoirement mis en scène, comme les pour un village où je n'irai jamais vivre ?" s'em- même temps par générer ce sentiment de "como- doute. Pour se sentir moins perdu face à l'immen- Grands-comoriens le font. Les Mahorais que je porte, un rien provocateur, Eddy, qui est né en rianité" que le Comorien n'arrive pas toujours à fréquente ne sont pas non plus dans ce rapport- France et n'est retourné au pays qu'une seule fois assumer en tant que tel. Paradoxe ? Fatima, là. Il y a donc me semble-t-il , une spécificité de la en vacances. "C'est dépassé leur truc. En plus, ils Moronienne, confie : "Actuellement, nos mamans “Ce n’est même pas un repli, parce que cela supposerait Grande-Comore. En Grande-Comore, on est d'a- n'arrêtent pas de s'engueuler entre eux, de détour- ont tellement peur qu'on leur ramène un non- bord de son village avant d'être un M'gazidja, ner l'argent de la communauté dans l'impunité la Comorien qu'elles finissent par accepter tout gen- qu’il y a eu un jour ouverture.” avant d'être a fortiori un Comorien. Donc repli il plus totale, parce qu'ici comme au pays, vous ne dre d'origine comorienne, quel que soit son villa- FIKRI ALI MOHAMED, CHERCHEUR EN SOCIOLOGIE POLITIQUE y a. Ce n'est même pas un repli, parce que cela pouvez pas ou ne devez pas porter plainte contre ge. L'essentiel est qu'il soit du pays. Ce qui ne se supposerait qu'il y a eu un jour ouverture. C'est votre cousin !" Pour les plus jeunes, une image faisait pas il y a quelques années, parce qu'il fal- un "recroquevillement" fœtal, naturel. Et c'est ce d'archaïsme se dégage de ce communautarisme lait à tout prix épouser le cousin ou le fils du villa- sité du pays d'accueil, surtout. Refusant de se sou- qui est terrible. On en est encore à l'age fœtal. de village importé. Après avoir été bercé par le tri- ge. Pour le mariage, elles commencent à parler mettre à ce type de considérations ("pour une Alors oui dans ce cas, les débats quant aux appar- ste chant des coups d'Etat aux Comores au "20 "comorien", en lieu et place du village". Victoire ? question de santé mentale et d'esprit de liberté, je tenances insulaires ont de beaux jours devant eux. heures", ces jeunes préfèrent rêver de vacances à Le mariage est le premier bastion du clan. Ce sur Ci-dessus : n'ai pas de vécu villageois" dit-il), Fikri Ali Car une patrie reste à inventer". Même le princi- la plage, de fiesta sous le soleil et de Djobane Djo quoi le principe du village est censé veiller... Un toirab communautaire (bal du village) à Marseille. Mohamed, chercheur en sociologie politique, esti- pe d'appartenance à un Etat ou de filiation "archi- que de mawlid, harusi et d'entraide sociale avec (C. DELMAS) me que c'est le signe d'un échec certain : "L' échec pélique" s'y trouve broyé. "Être de tel coin ou de un pays "où tout part en couilles". "Mon père”, dit SOEUF ELBADAWI

48 kashkazi 60 février 2007 CMTI Déménagement Maîtrise, savoir-ffaire, sécurité L’expérience vous déménage !

Vous quittez les Comores, vous venez vous y de transit chargé des formalités d’embarquement et installer ? Forts d’une expérience de plus de 15 ans de douane, et enfin un service de livraison à domici- dans le métier et d’une solide maîtrise du transport le : CMTI Déménagement se démarque par la spé- logistique international, nous prenons en charge votre cialisation, l’organisation et le professionnalisme de déménagement dans des conditions optimales de ses services. sécurité et de suivi. Par la qualité de nos services et notre respect des Notre réseau international de bureaux et d’en- cahiers des charges internationaux, nous avons su treprises partenaires vous permet d’organiser entiè- instaurer la confiance avec les meilleurs prestataires de rement le transport de vos biens à partir de Moroni, services dans toutes les régions du monde. Notre directrice commerciale vous écoute et contacte nos partenaires internationaux auprès d’un seul interlocuteur. Nos plate-formes à Nos prestations sont certifiées par HHGFAA (l’asso- pour vous satisfaire au mieux. Johanesburg, Dar es-Salaam, Nairobi, et à l’aéroport ciation américaine Household Goods Forwarders Charles De Gaulle garantissent nos dessertes en Association of America), dont nous sommes membre, Afrique, Europe,Asie, Etats-Unis,Amérique latine, et qui rassemble des déménageurs de toute la planète. Australie... nous maîtrisons le monde entier et nous vous déménageons où vous voulez. CMTI Déménagement est par ailleurs le cor- respondant aux Comores de la société parisienne Grâce à nos équipes locales et internationales de AGS Déménagement, dont nous bénéficions de la professionnels, nous proposons des prestations à la logistique et qui assure nos livraisons en France. carte, depuis le simple fret par avion ou bateau jusqu’au “porte à porte” : emballage de vos Assuré à 100% de sa valeur déclarée, votre biens à votre ancien domicile, installation dans déménagement est en sécurité entre nos mains votre nouveau “chez vous”. -nous vous informons à chacune des étapes de son acheminement. Parce que vos biens Une directrice commerciale pour sont précieux, nous mettons un point écouter au mieux vos besoins, un d’honneur à les protéger jusqu’à leur directeur de l’exploitation pour arrivée à destination. coordonner nos équipes, un service

Aux Comores, notre équipe prend soin du transport de vos biens.

CMTI Déménagement

Par bateau ou par avion selon votre choix, nous gérons toute la logistique et les formalités de l’expédition. CMTI déménagement BP 1685 Moroni Djivani directeur d’exploitation :Ahmed Soilihi (00269) 33.74.41 / 73.56.13 [email protected] directrice commerciale : Mme Zarina Sombe 33.32.12 - [email protected] secrétariat : 73.56.13 - fax : 73.41.74

kashkazi 60 février 2007 49 LES MAUX DE LA FIN Le parti d’en rire

par Vincent Misson Trahison ! Coup fourré ! Entrisme ! "BIENVENU AU MDM. Si vous êtes sympathisant du cou- jours pas s'entendre, malgré une timide tentative en août dernier, et vont rant "Force de l'alternance - Les départementalistes c'est nous", tapez 1. présenter chacun un candidat aux prochaines élections législatives, en Il était bien entendu Si vous êtes sympathisant du courant "Que la force soit avec toi - canal juin prochain. Une manière comme une autre de mettre en pratique l'a- inacceptable pour le historique", tapez 2. Si vous êtes sympathisant du courant "Que la force dage qui dit que "plus on est de fous, plus on rit". A l'électeur, après, de soit avec toi - canal historique", mais qu'en fait, vous êtes membre d'un comparer les programmes… Département ou département ? RUP courant d'Adrien autre parti, comme l'UMP par exemple, et que vous souhaitez soutenir (terme assez barbare signifiant Région ultra-périphérique, mais qui Giraud de déroger un candidat MDM aux prochaines législatives pour qu'il l'emporte -ou sonne plutôt dans la tête des dirigeants locaux comme une machine à pas-, tapez 3. Si vous êtes Chihaboudiniste, vous vous êtes trompé de sous européenne) ou RUP ? aux règles les plus numéro." élémentaires de la Bref. Si du côté de “Force de l'alternance”, le choix du can- didat s'est effectué sans coup férir -il s'agit d'Abdoulatifou Aly-, "Que démocratie, et ainsi SI LE MOUVEMENT DÉPARTEMENTALISTE maho- la force soit avec toi" a vécu un épisode des plus burlesques. Pour faire rais avait un accueil téléphonique, nul doute qu'il ressemblerait à ça, court et prendre un exemple récent, imaginez que Nicolas Sarkozy en de laisser entrer le avec en fond sonore la douce mélopée de La Marseillaise, l'hymne France ait été élu par son parti face à son adversaire -je sais, cela loup dans la bergerie. français. Si, si. Croyez-moi. Le MDM est certainement l'un des par- demande une grande imagination vu qu'il avait terrassé toute opposi- tis les plus insolites qu'il soit donné de voir. Ce n'est certes pas le tion bien avant qu'il n'ouvre le débat- qu'il se soit fait élire, je disais, parti le plus bête du monde, comme le fut en son temps le RPR de grâce à des voix de militants socialistes. Inimaginable ? Dans le parti le Nicolas Sarkozy -c'est lui-même qui l'avait dit, sinon, croyez bien plus bête du monde, oui, mais pas au MDM. qu'on ne se permettrait pas de railler ainsi le futur empereur des Explications : pour se présenter aux militants du parti (tendance Français, comme se plaisent à l'annoncer les télévisions-, mais force Giraud) et gagner l'investiture des Williamistes, il fallait répondre à plu- est de reconnaître qu'il (le MDM) laisse parfois pantois. On aurait sieurs critères, parmi lesquels la présentation d'une somme d'argent plu- bien dit qu'il s'agit d'un parti à dormir debout, mais ceux qui se four- tôt rondelette (30.000 euros, la démocratie n'est pas donnée à tout le nissent à la Maison du matelas à Ndzuani, la société d'un certain monde) et celle de 45 signatures de soutien de la part d'élus locaux Sambi qui arbore le même sigle (MDM), y auraient vu un jeu de mot estampillés MDM. Après avoir évité la candidature jugée "farfelue" de un peu trop facile. Pas notre style ! Saïd Alifa, et après le désistement de Siadi Vitta, deux hommes res- taient en course au début du mois de janvier : Ahamed Madi et Mais de quoi s'agit-il, au juste ? Avant tout, il convient de Zainadini Daroussi. Le premier, maire de Bouéni de 1989 à 2001, l'a revenir brièvement en arrière. Jusque dans le milieu des années emporté avec 27 voix contre 21 pour son adversaire, à la suite de trois 1980, Maore vit sous le joug d'un seul parti, le MPM (Mouvement heures de débat et d'écoute. Seulement voilà, informé par une puce fort populaire mahorais). Puis est arrivé le RPR, qualifié alors d'indépen- indiscrète, Zainadini Daroussi a révélé qu'Ahamed Madi avait reçu la dantiste, devenu aujourd'hui sous le sigle de l'UMP le symbole de ce signature (parmi les 45 nécessaires) d'élus… UMP (9 en tout), mais contre quoi il est né : la pensée unique. D'autres partis sont venus se aussi d'autres partis (8). Ce même Ahamed Madi qui, dans un entretien greffer, mais longtemps le MPM est resté aux manettes. Puis vint la accordé au Mawana, affirmait après sa victoire : "Je localise un seul rupture : 2000, les accords de Paris, la proposition du statut de adversaire pour ces élections : le candidat officiel de l'UMP. Il ne s'a- Collectivité départementale et non de Département. Les partisans de git pas de faire une querelle de personnes mais il y a entre nous une dif- le mois prochain ce dernier statut fondent alors le MDM. Hormis Younoussa Bamana, férence nette et claire de vision politique." (1) Comprenne qui pourra… on y trouve les leaders historiques du combat pour "Mayotte françai- se" : Marcel Henry, Adrien Giraud et Zoubert Adinani, entre autres. dossier Seulement voilà, rapidement -en 2002- eux-mêmes se divisent entre Marcellistes (pro-Marcel Henry) et Williamistes (William étant le TRAHISON ! COUP FOURRÉ ! ENTRISME ! La réaction nom de Giraud lorsqu'il gérait un business bien de son époque durant ne s'est pas faite attendre. Il était bien entendu inacceptable pour le cou- prostitution la guerre d'Algérie). Les premiers sont pour le département tout de rant d'Adrien Giraud de déroger aux règles les plus élémentaires de la suite. Les seconds sont pour le département tout de suite. Pour le jeu démocratie, et ainsi laisser entrer le loup dans la bergerie. Ni une ni une réalité aux des sept différences, on repassera. deux, "Que la force soit avec toi" a décidé d'annuler le vote. On imagi- multiples facettes D'ailleurs, là n'est pas l'essentiel. Les premiers sont les plus légitimes, ne mal en effet des élus UMP soutenir un candidat MDM… à moins puisqu'ils sont soutenus par le plus départementaliste des départemen- qu'ils n'estiment qu'il est le meilleur pour ne pas battre Mansour talistes, Marcel Henry himself. "Comment peut-on se revendiquer du Kamardine, ou qu'ils ne soient eux-mêmes des traîtres au sein du parti décryptage MDM et combattre le chemin tracé par Marcel Henry ?" se deman- tout puissant de la droite française, ce qui n'est pas impossible en ces le co-développement : dent-ils (1). Ils se font appeler "Force de l'alternance" et affirment haut temps troubles. Sagesse aidant, le MDM tendance Giraud a donc déci- et fort que "les départementalistes, c'est nous !" dé de remettre ça. On ne transige pas avec l'intégrité chez les enquête sur une Williamistes ! On a donc préféré organiser une nouvelle élection. Avec nouvelle donne Zainadini Daroussi donc. Mais aussi avec le contrevenant, le "tricheur", Ahamed Madi. Lequel déclarait après cette décision : "Je ne doute pas gros plan LES SECONDS ONT EXACTEMENT le même objectif. que les délégués qui m'ont élu le 6 janvier dernier me re-confirmeront D'ailleurs, ils n'hésitent pas à annoncer qu'au second tour des légis- leur confiance" (2)… A dormir debout. deuxième étape de notre latives, ils espèrent bien se réconcilier avec les premiers. "Il faut que Avant d'en finir avec ce parti riche en rebondissements, com- série sur les capitales : chacun travaille pour l'autre, et que nos forces soient complémentai- ment ne pas évoquer le cas de Chihabouddine Ben Youssouf, le res", dit ainsi Ahamed Madi, ex-futur candidat sur lequel nous conseiller général le plus dans les étoiles de Maore. C'est que sa situa- reviendrons dans quelques lignes. Pourquoi ne pas se retrouver tout tion n'est pas simple : celui qui affirme le plus sérieusement du monde mutsamudu de suite alors ? Parce que eux aussi ont un mythe, Adrien Giraud, et qu'il sera présent au second tour et apportera aux Mahorais une ère nou- qu'il s'est fâché avec Henry, l'ami de 30 ans. Adrien Giraud : le cas- velle, caresse le rêve d'être soutenu… par le MDM. Pas l'entreprise de hors-piste seur de "serré-la-main" dans les années 70, celui qui passait pour la matelas, le parti. Sauf que ce parti n'en veut pas. Mais lui veut ce parti brute quand son compère de Pamandzi était le bon, "l'ami" des jour- dont, soit dit en passant, il ne fait pas partie. Mais après tout, n'est-il pas mars 1968 nalistes et accessoirement celui qui a, pendant des années, chapoté dans le vrai ? Un doux rêveur pour un parti à dormir debout : ils sont retour sur une révolte l'économie locale. Sauf que ceux-là, estimant qu'ils sont les "vrais" fait l'un pour l'autre ! fondatrice militants du MDM, n'ont pas de nom de courant. On va les appeler "Que la force soit avec toi", celle qui a permis à Adrien Giraud de se VINCENT MISSON est journaliste à Maore (il s’agit d’un pseudonyme) créer un véritable empire financier au fil des années. Quant à savoir s'il s'agit du bon ou du mauvais côté de la force… dans les kiosques le Mais revenons à nos moutons. Ces deux courants ont décidé de ne tou- (1) Le Mawana n°50 / (2) Le Mawana n°51 jeudi 8 mars 2007

50 kashkazi 60 février 2007

Etablissement Public AÉROPORT INTERNATIONAL DE MORONI PRINCE SAID IBRAHIM B.P 1003 Moroni COMORES Tél.: 73 24 52 / 73 04 47 / Fax : 73 14 68 e-mail : [email protected]

Le directeur de LE MONDE CHANGE l’aéroport, Hadji Mohamed Ali. VOTRE AÉROPORT AUSSI En attendant l’inauguration de son nouveau bâtiment, prévue pour le second semestre 2007, l’Aéroport international de Moroni met en oeuvre une série d’actions en réponse aux exigences du monde aéroportuaire actuel sur le plan de la sûreté et de la sécurité.

POUR LES USAGERS Les conditions d’accueil seront améliorées. Le domaine de délivrance et de pesée des colis devient étanche. La rapidité dans le service au départ comme à l’arrivée sera améliorée.

POUR LA SÉCURITÉ GÉNÉRALE Rénovation de la tour de contrôle A la fin des travaux, réfection de 700 m de piste concernant les zones d'impact. Tuyauterie de carburant jusqu’au parking avions

POUR LES COMPAGNIES

Satisfaction des normes OACI (Organisation de l'Aviation civile internationale) et entrée dans la famille de l'ASECNA regroupant plus de 43 pays de l'Afrique et Madagascar. Mise en œuvre en cours du manuel de certification de l'Aéroport. Cette certification qui est exigée pour tous les aéroports fin 2007 représente En haut, le chantier de la nouvelle aérogare. une garantie pour les compagnies et permettra d’augmenter le trafic. La tour de contrôle en rénovation. En bas, les murs étanches qui permettent de séparer Un trafic passager en pleine expansion avec la desserte les passagers et les colis du public. de nouvelles compagnies régionales et internationales.