FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE ------DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE ------MEMOIRE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETUDES APPROFONDIES D.E.A

La fonction du « Grand mariage » dans la politique comorienne :

cas des Maires-notables des communes en Grande-Comore .

Présenté par : CHAKIRA Ibouroi Soilihi Le 15 Janvier 2014 Membres du jury : Présidente du jury : Professeur RAMANDIMBIARISON Noeline Juge : Docteur ETIENNE Stefano Raherimalala Sous la direction de : Pr RAMANDIMBIARISON Jean Claude

Année universitaire : 2012 – 2013

La fonction du « Grand mariage » dans la politique comorienne : cas des Maires-notables des communes en Grande-Comore .

REMERCIEMENTS

Avant d’adresser mes vifs remerciements à tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce travail de mémoire, je tiens à remercier DIEU tout puissant de m’avoir donné force et santé depuis le début de mes études jusqu’à maintenant.

Je témoigne mes remerciements à :

 Monsieur ANDRIAMAMPANDRY Todisoa, Chef de Département Sociologie, qui n’a pas

ménagé ses efforts et ses conseils pour la réussite de notre formation.

Mes vifs remerciements vont à l’endroit :

 Des membres de Jury, qui ont eu l’obligeance de me consacrer une partie de leur temps,

que je sais précieux, pour parcourir ce document et y apporter leurs avis.

 Des membres du corps enseignant et administratif de la filière Sociologie de la Faculté de

Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie (DEGS) de l’Université d’Antananarivo.

Ils ont su partager généreusement leur savoir et leur compétence ci chère.

Mes profondes gratitudes s’adressent à :

Monsieur le Professeur RAMANDIMBIARISON Jean Claude , Directeur du présent

mémoire, pour ses conseils précieux et ses orientations bénéfiques à sa réalisation.

Enfin, j’exprime mes vives reconnaissances à :

 mes parents IBOUROI Soilihi et ZOULFATA Mohamed Youssouf,

 mes grandes sœurs et leurs époux ainsi que mes grands frères et leurs épouses,

 mon oncle ABDOULLATUF Boina Youssouf et sa femme,

 mes petits frères, plus particulièrement ANTHOUMANI Ibouroi Soilihi,

pour leur soutien financier, matériel et moral sans faille.

 toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réussite de ce

mémoire sur le plan matériel, financier et surtout moral. Je vous dis MERCI !

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE Première partie : CADRE THEORIQUE, METHODOLOGIQUE ET GENERALITES SUR LA GRANDE-COMORE

Chapitre I : Cadre théorique

Chapitre II : Cadre méthodologique

Chapitre III : Généralité sur la Grande-Comore

Deuxième partie : PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE

Chapitre IV : La représentation du Grand mariage pour le Grand-Comorien

Chapitre V : La relation Grand mariage-politique

Troisième partie : DISCUSSION, BILAN ET PERSPECTIVES

Chapitre VI : La dichotomie culture-politique

Chapitre VII : Bilan et perspectives

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES

LISTE DES TABLEAUX

LISTE DES FIGURES

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

GLOSSAIRE

ANNEXES

RESUME

INTRODUCTION GENERALE

INTRODUCTION GENERALE

I- GENERALITES :

Composée en majorité de migrants venus d’Afrique de l’Est et d’Arabie, le peuple comorien a hérité et est caractérisé principalement des institutions est-africaines et arabo- musulmanes dès ses débuts. C’est ainsi que l’on retrouve entre autres institutions celle des classes d’âge, quoique différemment représentée et modérément modifiée. De cette culture plus ou moins commune des pays de la région découle une hiérarchisation de la société à partir de l’accomplissement ou non d’un certain nombre de rites traditionnels ou Anda na mila (coutume et tradition) dont le Grand mariage. Celui-ci reste la manifestation la plus connue sur tout un processus rituel et culturel qui va de la naissance à la mort. Le Grand mariage, opposé au petit mariage ou mariage simple, consiste à officialiser et rendre public le mariage au sein de la communauté à travers l’organisation de fêtes, de cérémonies et le partage de festins, d’argent, de danses etc. Il prend ainsi souvent l’appellation de Anda même pour l’initié ; or à proprement parler, il n’est qu’une étape parmi tant d’autres. L’origine de ce phénomène du Grand mariage Ndola nkuwu 1 se situe aux temps des premiers peuplements des Comores vers le début du premier millénaire ap. J.-C. d’après Iain Walker (2006). De ce fait, à partir de ce peuplement et de la classification par les âges de la société qui en a résulté, le Anda a puisé ses sources. Dans ce sens, l’individu est considéré « enfant du village » lorsqu’il n’a pas encore accompli cet acte et inversement une fois ce devoir social réalisé. Ainsi, le Grand mariage offre à celui qui l’a accompli le statut de doyen, ray-aman-dreny ou sage dans la société. Cela lui donne par conséquent des avantages aussi bien sociaux qu’économiques, mais surtout une forte influence et un grand pouvoir dans la sphère politique nationale, en général et au sein de la communauté villageoise, en particulier. Le Grand mariage ainsi défini, constitue un rite de passage nécessaire de la classe inférieure à la classe supérieure dans la hiérarchie communautaire aux Comores. Il devient donc une coutume importante dans l'archipel des Comores, et plus particulièrement dans l'île de la Grande-Comore où il dirige même l’action et le projet de toute une vie de l’individu. Durkheim (E.) (1894) considère qu’ « est fait social (ou institutions) toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure; ou bien encore, qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en ayant une

1 Littéralement Grand mariage signifie : ndola (mariage), nkuwu (grand) 1 existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles. Quand je m'acquitte de ma tâche de frère, d'époux ou de citoyen, quand j'exécute les engagements que j'ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu’ils sont en accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne cesse pas d’être objective, car ce n’est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus par l’éducation. Voilà donc des manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles ». Par ailleurs, il est à signaler que ce phénomène a toujours eu des impacts directs et/ou indirects sur tous les domaines de la société dont l’économique, le religieux et le politique, avec évidemment des avantages et des inconvénients. Raison pour laquelle il est utile de préciser que le Grand mariage constitue un phénomène social total dans la mesure où il influe plus ou moins sur l’ensemble des activités et entreprises du Comorien. Sur le plan politique, le fait de passer d’une classe inférieure à une autre supérieure n’est pas négligeable comme cela confère le droit de participation aux grandes décisions de la communauté. Au village où il a rempli cette exigence sociale et en dehors du fait qu’il est supposé être un modèle envers les jeunes, le notable doit jouir d’une double autorité : l’une envers la communauté villageoise et l’autre en représentant le village partout où besoin est. De cette double autorité nait une influence politique considérable, non seulement au niveau local mais aussi au-delà. Actuellement, le Grand mariage revêt une fonction essentielle dans la politique comorienne, notamment avec la récente politique de Décentralisation du pouvoir à travers l’instauration des Communes dans le pays. Aussi, faut-il noter que ce n’est qu’à partir des années 2000, suite aux menaces de séparatisme de la fin des années 1990, qu’une politique de Décentralisation du pouvoir en Commune a été sérieusement envisagée. Et si le notable disposait du double pouvoir communautaire précédemment évoqué, cette nouvelle ère semble lui octroyer de nouveaux et larges moyens « légaux » et « légitimes » d’exercer un pouvoir et ainsi d’influer sur la vie politique locale et nationale. D’où notre intérêt pour ce thème intitulé « La fonction du Grand mariage dans la politique comorienne : Cas des Maires-notables des communes en Grande-Comore ». En Grande-Comore ou Ngazidja le Grand mariage est un « phénomène culturel qui réglemente la société tout en instaurant une forte cohésion sociale entre les différents domaines qu’il concerne. Connu également sous l’appellation plus correcte de anda, « coutume », il rassemble les membres de la société dans un réseau durable d’obligations

2 mutuelles, établissant ainsi les conditions de sa propre survie » selon Iain Walker (2006). Vu sous cet angle et au niveau de cette île précisément, le Grand mariage peut être considéré comme une source de stratification : le système de classe d’âge départageant les Wanamdji (« enfants du village ») aux Wandru wadzima ou (« hommes complets »), veut que ces derniers soient les mieux placés dans la hiérarchie sociale, c'est-à-dire au- dessus des autres suite à l’accomplissement de ce mariage coutumier. Mais il crée en même temps une cohésion sociale et une psychothérapie collective (même éphémère) dans la mesure où pendant la durée des festivités les familles et les amis, proches ou lointains, ainsi que les villageois se partagent la joie de ce moment. En outre, comme on l’a montré plus haut, le Grand mariage revêt une fonction politique essentielle. Aux Comores, en général et en Grande-Comore, en particulier, il est un moyen d’acquérir un certain pouvoir en raison des réseaux et connexions sociales et politiques qu’il crée ainsi que des honneurs qu’il confère au notable. Aussi, il peut-il être un objet de régulation politique et étatique. En effet, une fois le pouvoir acquis, le chef peut essayer de manipuler l’opinion pour une raison ou une autre, équilibrer ou redorer son image en jouant sur la crédibilité et l’influence de la « notabilité ». Par ailleurs, force est de souligner que depuis l’époque de la colonisation jusqu’à ce jour, rares ont été les chefs d’Etat, de gouvernement, ministres, gouverneurs ou autres hauts dignitaires qui ne furent pas des grands notables avant d’accéder à leur poste. En Grande-Comore, il est même un fait rare qu’un gouverneur (haut responsable insulaire) accède au trône avant d’accomplir le mariage coutumier. Mais aussi, d’autres autorités peuvent profiter de leur rang pour accomplir une cérémonie plus extraordinaire. Etant célèbre et riche, l’autorité est tentée de saisir l’occasion de son mariage pour exhiber sa fortune et ses relations publiques aux yeux de toute la communauté. Cette ambition n’est jamais fortuite car elle peut renfermer une aspiration de domination et de recherche de pouvoir.

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II- LES MOTIFS DU CHOIX DU THEME ET DU TERRAIN :

Certes, le Grand mariage a fait l’objet de quelques études dont la plupart n’ont jamais été publiées mais son caractère et sa fonction dans la politique n’ont pas encore été explorés suffisamment à notre connaissance. Or dans la nouvelle configuration institutionnelle des Comores, en général et de la Grande-Comore, en particulier, deux faits majeurs nous ont interpellé : en premier lieu, la plupart des mairies et communes des différentes villes et régions de la Grande-Comore récemment installées ont à leur tête des notables de sang noble 2 de surcroit. Ainsi, depuis le début des années deux mille et l’instauration de ces communes, chaque localité (ville ou village) se prépare d’une manière ou d’une autre à cette nouvelle exigence avec une phase expérimentale. De ce fait, déjà influents sur la politique nationale, ces notables ont accaparé ou se voient octroyer la direction de ces institutions locales en tant que Maire et/ou adjoint au maire. En Grande- Comore, plus de 8 Maires sur 10 sont des notables. D’où le choix de cette étude portant sur « La fonction du Grand mariage dans la politique comorienne ». Mais plus précisément sur le « Cas des Maires-notables des communes en Grande-Comore ». De plus, il existe au niveau de la Grande-Comore un « Conseil des Notables » informel, composé auparavant des anciennes bourgeoisies des sept divisions traditionnelles ou Ngazidja mfoukare 3 et actuellement par des notables tradi-charismatiques. Ce conseil peut influencer jusqu’aux décisions des plus hautes autorités de l’Etat et parfois bouleverser l’ordre politique et institutionnel établi. Contrairement au cas des autres îles, ce dernier constat est très spécifique et caractéristique de la Grande-Comore. D’ailleurs, lorsque l’on parle de notabilité, il ne s’agit jamais de notabilité comorienne mais de notabilité grand-comorienne . Un certain lexique y est par exemple rattaché : lorsqu’on dit Ndé ngazidja qui signifierait littéralement « cette Grande-Comore », on fait allusion à la notabilité grand-comorienne. C’est pourquoi l’on a choisi la Grande-Comore comme terrain d’études.

2 Considération très ancrée dans la société comorienne distinguant les individus issus d’une lignée royale, des Charifs et les autres, constituant une sorte de ségrégation négative. 3 Référence aux sept principales subdivisions traditionnelles de l’île sous les sultanats, chaque subdivision constituant un sultanat (région administrative sous l’égide d’un Sultan). 4

III- PROBLEMATIQUE : C’est dans cette optique que nous posons la problématique suivante afin de déceler la fonction du Grand mariage dans la politique comorienne à travers le cas des Maires- notables des communes en Grande-Comore : Quelles raisons peut-on donner à la quasi présence des notables dans la sphère politique grand-comorienne et quelles en sont les répercussions quant à la gestion des affaires publiques ?

IV- OBJECTIFS GLOBAL ET SPECIFIQUES :  Objectif global : De ce qui précède, il va de soi que plusieurs préoccupations animent la curiosité scientifique quant aux manifestations de ce phénomène ainsi que ses répercussions sur la structure sociopolitique de la société grand-comorienne. Surtout parce que, la plupart des études déjà effectuées dans ce domaine se sont contentées de considérer le Grand mariage sous son angle purement culturel et économique. Or, l’on constate que son aspect politique est d’une évidence incontestable. Ainsi, il nous parait logique que l’on se focalise sur l’objectif de rendre intelligible l’influence du culturel sur le politique et réciproquement .  Objectifs spécifiques : Deux objectifs spécifiques corroborent ce dernier que sont : déterminer le poids du statut social acquis par le Grand mariage dans le champ de la politique et décrire la portée du phénomène dans le développement insulaire, en général et le système nouvellement institué de décentralisation du pouvoir, en particulier .

V- HYPOTHESES : Pour essayer de répondre à cette problématique il nous a été indispensable de formuler des hypothèses qui ont servi de guide tout au long du travail et permis de tirer des conclusions aussi objectives qu’efficaces.  Le Grand mariage confère une forte influence du notable sur le politique et caractérise la dépendance du système politique au système traditionnel.  La présence des notables dans la sphère politique constitue une barrière contre tout risque d’explosion sociale, un facteur de cohésion et d’intégration.  L’influence ou l’autorité du notable, généralement sans connaissance ni expérience politiques, sur le politique représente un danger pour la gouvernance et un obstacle à la gestion des affaires publiques et donc au développement local et insulaire.

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VI- METHODOLOGIE a. Méthodes de recherche :

Pour parvenir à accomplir cette tâche, nous avons fait appel à la méthodologie scientifique classique constituée de trois méthodes de recherche :

Etant donné notre distance par rapport au terrain d’études, une enquête préliminaire s’est avérée indispensable avant d’entamer les recherches proprement dites sur terrain. En outre, un travail préalable, qui a consisté à élaborer un questionnaire et des sous thèmes de discussion pour les entretiens, a été effectué. Les méthodes de recherches étaient :  Premièrement la documentation. Sur ce volet nous étions amené à consulter des œuvres sur la sociologie et l’anthropologie culturelle, les politiques publiques, la sociologie politique, la science politique, la décentralisation, la gouvernance, l’histoire et la géographie des Comores, en général et de la Grande-Comore, en particulier, les documents disponibles sur le Grand mariage etc.… Une documentation sur internet axée sur le rite du Grand mariage, la politique et le processus d’instauration des communes aux Comores. En outre, la consultation des articles relatifs à notre thème de recherches publiés dans les journaux locaux a aussi fait partie de notre documentation.  Deuxièmement les interviews . Nous avons procédé à ceux-ci sous trois approches : - D’abord, des entretiens avec certaines autorités politiques nationales et locales ainsi que des politiciens de différentes tendances nous ont permis d’accéder à des données de type groupes et sources de pression au pouvoir, etc.… - Ensuite, des entretiens avec des cadres et intellectuels, mais aussi avec des notables non politisés dans des localités cibles ont permis de recueillir des informations concernant les raisons explicites et implicites de l’implication accrue des notables en politique, mais aussi des conséquences que cela occasionne.  Evidemment, des observations sur terrain ont été indispensables. Sur ce volet, il nous a été nécessaire de constater de visu certaines traditions à travers les manifestations politiques publiques où sont souvent invités des notables mais aussi les festivités coutumières de Grand mariage. Nous avons dû ensuite faire des observations dans les milieux administratifs (tribunal, douane, poste…) où l’ingérence et l’influence notabiliaires sont monnaie courante. En dernier lieu, nous avons assisté à certaines

6 réunions villageoises (de certaines communes cibles) organisées généralement par les notables et actuellement en collaboration avec les responsables des communes pour mieux comprendre leur fonctionnement. Enfin, on est passé à la phase de dépouillement, d’analyse et de confrontation des données qui ont été recueillies.

b. Technique de recherche :

Pour les techniques de recueil d’informations par enquêtes , vu l’intérêt que peut susciter une telle étude à certains intellectuels et autorités, nous avons préféré les aborder à partir d’entretiens semi-directifs qui ont permis de recueillir des informations assez complètes et approfondies sur notre thème. Puis, les enquêtes par questionnaire qui ont consisté à interroger différentes catégories de population cible à partir du questionnaire formulé au préalable. Ces questionnaires ont été hétéro-administrés pour éviter au maximum un risque d’incompréhension. D’où, les entretiens de face-à-face ont été privilégiés. Quant aux observations , nous avons adopté trois modes d’observation : • L’observation participante modifiée , c'est-à-dire que nous avons participé à certaines manifestations importantes. • L’observation simple ou non participante . On a consacré un temps important à observer certaines activités mais sans y prendre part. • L’observation participante . Dans certains cas, on était à la fois acteur et observateur. Par ailleurs, pour rendre possible le recueil d’informations par documentation l’on a suivi trois approches principales : o Une documentation scripturo-audio-visuelle o les documents publiés et disponibles : les écrits scientifiques, la littérature, la presse, les documents en ligne etc. o Une documentation des archives officielles

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c. Technique d’échantillonnage :

Afin que soient réalisables ces méthodes de recherche, il nous a été indispensable de faire recours à une technique d’échantillonnage précise qu’est la méthode aréolaire ou de tirage par zone. Il était question de tenir compte de l’environnement, du terrain de prospection, mais aussi du thème de recherche. C’est pour ces raisons que l’on a choisi la méthode aréolaire pour cette étude car elle convenait parfaitement à l’objet de recherche . Dans cette perspective, dix (10) communes sur les vingt-sept (27) existantes en Grande-Comore ont été sélectionnées et visitées. Sur ces dix communes, un échantillon d’une soixantaine d’individus a été enquêté dont cinquante (50) par questionnaire et dix (10) par entretien semi-directif.

d. Technique d’analyse des données :

Sur le plan quantitatif , une analyse multi variée a été adoptée avec l’utilisation du logiciel Sphinx, spécialisé dans le traitement des données statistiques et ensuite on a exploité les données ainsi traitées sur Excel. Pour ce faire, douze (12) variables ont été choisies. Sur le plan qualitatif , le travail a consisté à essayer de trouver, dans les informations recueillies, l’interaction (la relation, l’accord et/ou le conflit) entre l’action de réaliser le Grand mariage et le fait politique dans la perspective de confirmer ou non les hypothèses présentées ci-dessus.

e. Méthodes d’approche :

Tout au long de notre étude, nous avons essayé de voir le fait social sous l’angle des deux (2) théories suivantes que sont le fonctionnalisme et le structuralisme. Théories qui, d’une manière générale, portent un regard holiste sur la recherche d’une explication à l’action sociale. Si elles divergent sur la manière de prendre en compte les aspects du fait social, elles sont unanimes quant à la perception de toute action sociale comme un ensemble d’éléments indissociables les uns les autres déterminant les comportements individuels. En effet, le courant fonctionnaliste est une théorie qui postule, dans sa forme radicale, que les éléments d’une société forment un tout indissociable, jouent un rôle vital dans le maintien de l’équilibre d’ensemble et sont donc indispensables. Ce fonctionnalisme

8 présuppose donc la stabilité et l’intégration des systèmes sociaux, et tend à expliquer les faits sociaux par la mise en évidence de leurs fonctions dans le système social. Le courant structural, quant à lui, désigne la structure comme un ensemble d’axiomes déterminé qui rend compte de toutes les implications nécessaires entre les éléments d’un système, tel qu’il permet d’en déduire toutes les caractéristiques et toutes les formes possibles à partir de la connaissance de sa logique interne.

f. Les limites de l’étude

Quelques obstacles ont entaché la bonne marche des travaux de recherche que nous avons menés dont on ne citera que quelques-uns ici. Il s’agit des difficultés d’ordre temporel, financier et technique. Nous avons accusé un grand retard avant d’entamer nos enquêtes sur terrain vu le calendrier universitaire qui ne cessait de se prolonger. Mais aussi, une fois sur le champ, beaucoup de rendez-vous pris à l’avance ont été annulés au dernier moment et d’autres repoussés. Ce qui nous a fait perdre un temps précieux. Par ailleurs, les différents déplacements ont coûté une certaine fortune vu les allers retours dans certaines localités et aussi le parcours de communes situées de part et d’autre de l’île, du nord au sud et d’est en ouest. Une autre difficulté et non des moindres a été de se procurer la documentation nécessaire. En effet, la plupart des ouvrages, notamment spécifiques à notre thème, n’ont pas été disponibles dans les bibliothèques visitées et ont souvent été inaccessibles en ligne.

VII- PLAN DE TRAVAIL

Ce travail sera réparti comme suit : d’abord la première partie se penchera sur le cadre théorique, méthodologique et les généralités sur la Grande-Comore. Ensuite, dans la deuxième partie seront présentés les différents résultats des enquêtes et observations sur terrain. Puis, la troisième partie sera axée sur la discussion des résultats de la recherche, le bilan ainsi que les perspectives.

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Premi ère Partie : CADRE THEORIQUE, METHODOLOGIQUE ET GENERALITES SUR LA GRANDEGRANDE----COMORECOMORE

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Chapitre I : Cadre théorique

I. La culture I.1. Quelques éléments de définition et de compréhension I.1.1. Généralités sur la culture

Etymologiquement le mot culture, du mot latin colere (« habiter », « cultiver », ou « honorer ») suggère que la culture se réfère, en général, à l’activité humaine . En sociologie, la culture est définie, comme ce qui est commun à un groupe d'individus et qui le soude. Pour l’UNESCO : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. ». La notion de culture ainsi considérée renvoi à l’évolution globale de l’humanité ou d’une communauté donnée et est, de ce point de vue, confondue avec la notion de civilisation. Ainsi, elle prend le sens de l’ensemble de l’héritage social qui est transmis de génération en génération. Dans ce sens Tylor (E.B.) (1871) définit dans son ouvrage Primitive Culture, « Le mot culture ou civilisation, pris dans son sens ethnographique le plus étendu, désigne ce tout complexe comprenant à la fois les sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes et les autres facultés et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société ». Vu sous cette définition, la culture requiert quatre (4) caractéristiques : elle est un ensemble cohérent dont les éléments sont interdépendants ; elle imprègne l’ensemble des activités humaines ; elle est commune à un groupe d’homme, que ce groupe soit important (les habitants d’un pays) ou très faible (une bande de jeunes) ; la plupart du temps cette transmission se fait d’une génération à l’autre par l’intermédiaire des agents de socialisation que sont la famille et l’école pour ne citer que les plus importants. Seulement pour ne considérer qu’un aspect beaucoup plus restrictif du terme, il est utile de considérer que la culture constitue en quelque sorte l’ensemble des pratiques, valeurs et symboles d’une société traduits par les coutumes et caractérisés par la tradition. Sur ce point, force est d’expliciter le sens de ces deux derniers termes. En effet, la coutume est considérée comme l’étendu de l’habitude en ce sens que la coutume est pour la société ce que l’habitude est pour l’individu. De ce fait, la coutume

10 peut être comprise comme l’habitude socialement apprise, socialement accomplie et socialement transmise. Tandis que la tradition est porteuse de valeurs notamment symboliques au fil des générations passées, présentes et futures. Dans Tradition et continuité BALANDIER (G.) (1968) souligne que l’on peut envisager la tradition « comme appliqué à un système : à l'ensemble des valeurs, des symboles, des idées et des contraintes qui détermine l'adhésion à un ordre social et culturel justifié par référence au passé, et qui assure la défense de cet ordre contre l'œuvre des forces de contestation radicale et de changement ». Et toujours d’après lui, dans le même article, « la tradition peut être vue comme pratique sociale et régulatrice des conduites. Sous cet aspect vécu, elle devient traditionalisme ; sa fonction est de susciter la conformité, d'entretenir au mieux la « répétition » des formes sociales et culturelles. Enfin, la tradition peut être envisagée en tant que déterminant soit un type de société globale, soit certains systèmes de relations au sein de la société globale ».

I.1.2. La culture comme facteur de cohésion sociale et d’intégration individuelle

La culture qui désigne les activités supérieures de l’esprit, est l’ensemble des manières de vivre c'est-à-dire de sentir, d’agir et de penser, propres à une population donnée en un temps déterminé. Elle est l’ensemble des croyances, des valeurs, des normes et des pratiques communes à un groupe social donné. Ainsi conceptualisée, la culture dispose d’une double fonction : de cohésion sociale et d’intégration des individus. Elle est donc un héritage social, mais cet héritage se transforme dans la mesure où chaque génération peut améliorer ou restreindre les termes de cet héritage. Cette évolution peut être perçue à travers la modernisation de certains rituels culturels pourtant tributaires d’une tradition vieille de quelques siècles à titre d’exemple. C’est sur cette fonction de cohésion sociale et d’intégration des individus qu’il faut situer l’attachement des Grand-Comoriens au Grand mariage étant donné la nature paisible, sociable et solidaire de la société grand- comorienne. La fonction première de la culture est la cohésion du groupe en donnant une légitimité aux relations sociales. De ce fait, elle implique des normes régissant ces dernières et destinées à stabiliser et harmoniser la vie en communauté. La paix sociale reste ainsi le but ultime de toute culture dans la mesure où chaque membre de la société dispose d’un rôle précis à jouer dans la manifestation culturelle du groupe et se voit ainsi assigné un statut social. C’est dans cette optique qu’un individu se sentira plus à l’aise au sein d’un

11 groupe qu’il adhérera aux valeurs de cette communauté et en respectera les normes. De son côté, ce groupe n’aura aucune raison de se montrer hostile vis-à-vis d’une personne qui accepte les règles du jeu social. Raison pour laquelle l’on peut dire que la culture donne un sens aux liens qui unissent les hommes, que ces liens soient issus de la division du travail, de la proximité géographique, ou de la volonté de se reproduire.

I.1.3. La culture comme source de distinction et enjeu de conflit

Toutes les sociétés, tous les groupes sociaux qui peuvent constituer une société donnée, ne partagent pas exactement la même culture. Dès lors, on constate que chaque groupe social (les jeunes, les ouvriers, les ruraux…) possède des traits culturels particuliers qui le distinguent des autres. On désigne par sous culture la culture spécifique d’un groupe social à l’intérieur d’une société. Cette sous culture permet à un groupe de se distinguer des autres. Par ailleurs, les groupes sociaux sont en conflit pour imposer leurs propres modèles culturels à l’ensemble de la société. Les conflits culturels ne portent pas seulement sur l’identité de chacun de ces groupes. Ils portent également sur le choix du modèle culturel qui servira de référence à l’ensemble de la société. Mais si tout le monde n’adopte pas concrètement ce modèle, il existe un relatif consensus autour de ce qui est considéré comme un ensemble idéal de pratique culturel. Le groupe social dont le modèle culturel est ainsi légitimé en tire un prestige social qui justifie un succès lié à la richesse. Le groupe social dominant souhaite évidemment maintenir un rapport de force qui lui est favorable. Les autres groupes peuvent au contraire chercher à renverser cette situation. Utilisée en Anthropologie, la notion de culture a permis d’expliquer les différences entre les sociétés. En Sociologie, elle est souvent utilisée comme facteur explicatif des comportements humains. La culture est donc un des concepts fondamentaux de la sociologie. Mais il faut se garder d’y voir exclusivement un héritage social car la culture est en mouvement et il faut pouvoir expliquer cette évolution.

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I.2. Quelques notions relatives au Grand mariage

I.2.1. Le Anda (coutume)

D’entrée de jeu, il convient de noter que le terme de Anda ne signifie pas uniquement ou directement le Grand mariage qui est la manifestation coutumière du mariage comorien. Le Anda est plutôt un ensemble de coutumes et pratiques qui s’étendent de la naissance de l’individu à sa mort et qui consistent (pour celui-ci ou son groupe familial) en la réalisation de différentes activités et manifestations culturelles constituant en quelque sorte le cycle de vie du Comorien. Ces dernières caractérisent l’évolution et le classement de l’individu dans la hiérarchie sociale et ce même après sa mort. Ainsi, déjà après la naissance d’un être humain, plusieurs actes coutumiers lui sont consacrés et entrent dans le cadre du Anda tout comme après son décès les vivants continuent de lui destiner des actes coutumiers et rituels plus ou moins importants. Il est opportun de préciser d’ailleurs qu’en Grande-Comore, le Anda qui doit consacrer l’individu au rang de notable n’est en aucun cas le seul fait de réaliser les cérémonies du Grand mariage ; au de- là même de ce dernier existent des actes coutumiers nécessaires pour l’accession à la classe suprême qui est le Mfoma mdji (littéralement : chef du village) ou « grand notable ». Celui- ci est considéré comme la personne ayant, en plus d’effectuer son Grand mariage, accompli celui de sa fille et/ou de sa nièce aînée et octroyé un nombre plus ou moins important de bœufs à ses pairs Mbe za harussi pour partage. Il est ainsi à nuancer le Anda du Ndola Nkuwu (mariage traditionnel ou Grand mariage) même si le terme Anda a fini par absorber le Ndola Nkuwu . Aujourd’hui, pour un non initié, le Anda est souvent compris comme le Grand mariage.

I.2.2. Le Ndola Nkuwu (Grand mariage ou mariage traditionnel)

Le Grand mariage quant à lui est l’ensemble des pratiques et actes coutumiers dont l’individu se doit de réaliser pour son union avec sa femme pour le respect de la tradition, du rang social de sa famille ainsi que de son avenir sociopolitique dans la communauté. Cette coutume puisait ses origines dans l’ancienne organisation féodale de la hiérarchie royale. Avec les pratiques islamiques, le système culturel traditionnel grand- comorien, en général et le Grand mariage, en particulier ont survécu à la colonisation et ses conséquences. Ainsi, ils constituent, depuis, des valeurs sûres pour le peuple et sa civilisation ; étant donné qu’au travers d’eux, s’est construite, sauvegardée et se pérennise l’identité grand-comorienne. Après la colonisation et les conséquences qu’elle a laissées

13 derrière elle, le Grand mariage est devenu une « valeur refuge » pour reprendre les propos de BLANCHY (S.) (1992). Il a permis, au moment de l’installation des étrangers, d’affirmer l’identité des Comoriens. Selon ce rituel, chacun « fait manger » ses concitoyens en organisant des fêtes et des festins, en échange d’une participation soigneusement notée sur des cahiers : tous les dons seront rendus », BRIAC (J.) (2002). Le Grand mariage est la seule condition d’accès à la « notabilité » qui régit la hiérarchie sociale villageoise. Celui qui a célébré son Anda est remarqué de tous en bénéficiant d’abord d’un « avantage politique » : il accède au statut du Mdru mdzima (homme unique ou complet), qui lui donne le droit de prendre la parole au Bangwe (place publique). Il est apte à participer aux décisions villageoises et peut jouer un rôle de représentation. Ces privilèges se manifestent aussi dans la façon de se vêtir. « L’homme unique » peut arborer l’écharpe multicolore sur ses épaules et porter un Kofia (toque) brodé d’or. Ce mode d’habillement caractérise, en soi, l’expression d’un pouvoir, d’une autorité acquise. Identifiable au cours des cérémonies par le vêtement, le marié a l’honneur de passer par la porte principale de la mosquée et les meilleures places lui sont attribuées. Aussi, le notable jouit d’un pouvoir judiciaire dans la mesure où il peut sanctionner un acte jugé asocial perpétré soit par un pair, ou par un Mna mdji (enfant du village). Ce système est appelé Malapvo (exclusion sociale) : le fautif se voit exclure de la société et doit payer une amende pour s’y réintégrer. C’est justement ce côté privilège dans le sens politique du terme qui intéresse notre recherche, c'est-à-dire ce que le Grand mariage contribue en image et notoriété sur le plan public de celui qui l’a accompli mais aussi de l’intention politique de celui-ci pour la réalisation de son acte de mariage. CHOUZOUR (S.) (1989) disait dans ce sens « Le but du grand mariage au fond, n’est pas d’unir deux êtres qui s’aiment, qui ont tracé un plan de vie, une expérience commune, mais de donner à des familles, des lignages, l’occasion du déroulement de vie coutumière qui enferme tous les individus dans une spirale sans fin de prestation et de contre-prestations engageant l’honneur de chacun » . Toutefois, il est à préciser que les mariés peuvent déjà être unis légalement mais « officieusement »4 depuis longtemps et même avoir des enfants ; ou encore que le Grand mariage constitue, pour eux, la première union. Pour NASSERDINE (N.) (2009), dans son mémoire de D.E.A, « Il s’agit d’un rituel coutumier nécessaire et indispensable à tout comorien, surtout aux aînés des familles. En d’autres termes, le grand mariage semble

4 Un mariage légal peut ne pas être reconnu comme tel sur le plan social. 14 concerner surtout la fille aînée, ou le fils aîné d’une famille comorienne et grande- comorienne en particulier ». Cet essai de définition rend plus ou moins perceptible la caractéristique fondamentale du statut d’aînesse dans la structure sociale comorienne. « …cette institution est obligatoire pour les enfants aînés des parents ayant déjà accompli leur ndola anda. » GRASSINEAU (D.) (2005). Ce qui signifie que les mariés sont généralement le fils aîné et la fille aînée des deux familles respectives concernées. Toutefois, actuellement, conséquence du modernisme, de l’évolutionnisme et des conflits d’intérêt ou concurrences au sein des familles, l’on rencontre souvent des cas particuliers où le cadet ou la cadette procède aussi à la réalisation de son Grand mariage, et parfois même avant son aîné(e). Par ailleurs, le Grand mariage « légitime et légifère le pouvoir du patriarche dans la société comorienne…C’est un système d’échanges complexes, qui classifiquement fait circuler les richesses matérielles et promeut des carrières sociales bénéficiant à tout le lignage qui y a investi » BLANCHY (S.) (1992). Ce constat démontre que le Grand mariage constitue une étape importante sur le statut social non seulement de l’individu mais aussi des familles concernées en ce sens qu’il consacre à ces derniers un prestige social considérable.

I.2.3. Les étapes du Grand mariage

La cérémonie du Grand mariage dure relativement huit jours, c’est-à-dire une semaine, d’un dimanche à un autre et généralement au courant des vacances, plus particulièrement aux mois de Juillet, Aout et Septembre. Auparavant, le choix de la période des cérémonies devait être fait par le Mwalimu (chef religieux) du village après consultation des astres et prévoyance de la bénédiction de l’initiative par Dieu. Aujourd’hui, ce choix est plutôt motivé par l’effort des familles de faire coïncider les cérémonies aux vacances de leurs membres expatriés en Europe (en France pour la plupart). Ceux-ci ont souvent un apport social et financier incontournable à l’aura des mariés. Au passage, il est utile de préciser la place des « je viens » (nom attribué à ces expatriés une fois au village et qui fait allusion à leur retour au bercail) dans le Grand mariage. Au de-là de leur contribution financière qu’ils apportent au Anda , les « je viens » constituent une forme de prestige supplémentaire pour les mariés. Ceux-ci peuvent être reconnus comme des Wana magandza (enfants gâtés) en fonction du nombre des « je viens » venus de France ou d’ailleurs spécialement pour eux.

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Pour revenir au calendrier des festivités, voici une énumération certes récapitulative et non exhaustive mais pouvant être considérée comme une esquisse globale :  1er Dimanche. Djeleo : distribution de riz, viande et/ou argent aux Hirimu (classes sociales) du village,  Mercredi : Dine : repas sur invitation destiné surtout aux amis et proches de l’époux,  Jeudi : Madjilis : cérémonie religieuse annonçant le mariage et qui voit la participation de délégations villageoises venues de la région mais parfois aussi de toute l’île, Après le Madjilis , Djaliko la mabele : danse des femmes dans les rues du village,  Vendredi : Mwaliko ou déjeuné distribué par le mari ( Bwana harusi) et destiné aux jeunes du village (Wanamdji), organisateurs du de la danse ( Djaliko), Djaliko : danse culturelle dans les rues du village le soir et qui se termine par un Sambe (une autre danse traditionnelle commune en Grande-Comore),  Samedi : Twarabu : danse des hommes, des orchestres musicaux y sont invités pour l’occasion,  2ème Dimanche : Zifafa : entrée formelle de l’époux (Bwana harusi) dans la maison nuptiale, (le matin) Ukumbi : soirée dansante féminine à l’occasion de la sortie de la mariée (Bibi harusi), (le soir). Plusieurs jours en plus peuvent être consacrés à certaines prestations internes à la communauté concernée, donc sans invités extérieurs. C’est le cas entre autres, du Dimbusso (repas sur invitation destiné à la famille de l’époux : frères ou sœurs). Actuellement, par contre, certains jeunes intellectuels essayent tant bien que mal de réduire cette « longue » période de festivités induisant des pertes de temps considérables étant donné la fréquence des cérémonies dans une même période. Célébré par cette succession de fêtes, de distribution de festins et d’argent, et de ce fait de partage de joie, de bonheur et de fierté, le Grand mariage permet à un homme de jouir de privilèges visibles en passant de la génération des « fils » à celle des « pères » du village et d’avoir un certain pouvoir, un certain droit à la parole. Il devient ainsi Mdru mdzima (homme unique ou homme complet) et occupe une place et un rang privilégié dans la communauté tout en endossant de « vraies » responsabilités dans et envers sa communauté.

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I.2.4. Mdru mdzima (notable) et Mfoma mdji (grand notable)

Le système social comorien est constitué de classes dont le Anda en est la mesure et la qualification. Ce qui fait que dès le bas âge, l’individu est soumis à des obligations socioculturelles et des actes coutumiers qu’il doit accomplir afin de gravir les échelons sociaux. De Motro wa mdji (enfant du village), l’individu accède au rang de Mna mdji (jeune du village) avant de parvenir à celui de Mdru mdzima (homme accompli ou notable) après la réalisation du Grand mariage et de Mfoma mdji (grand notable) à la suite du Harussi . De ces péripéties l’individu ainsi que les familles en question s’emploient à dépenser des richesses inestimables afin de prévaloir leur notoriété vis-à-vis des autres. Généralement la place et la voix du notable dépendent des dépenses effectuées, d’où une concurrence rude sur les sommes, les bijoux en or et les bœufs rassemblés et distribués à l’occasion des différentes cérémonies du Anda . Il faut noter que souvent les familles et les mariés s’endettent jusqu’au cou pour gagner leur place dans la société. Et cette ostentation « superficielle » n’est pas sans contrepartie étant donné que les mariés ainsi que leurs familles escomptent un retour de toutes ces richesses distribuées. Ce retour peut se résumer aux honneurs et respects proportionnels à ces moyens offerts pendant la réalisation du Grand mariage. En effet, l’honneur Shewo est une aspiration d’une valeur particulière chez les Comoriens, en général et les Grand-Comoriens, en particulier. De ce fait, le marié attend souvent de la communauté une considération équivalente aux prestations fournies. Ainsi, il s’attend à devenir une figure incontournable au sein de la société, c’est-à-dire avoir une position stratégique dans les rapports sociopolitiques caractérisant le village. Comparativement, MALINOWSKI (B.) (1963), a souligné que « Dans une telle perspective, aussitôt satisfaites les nécessités de la vie, la richesse elle-même devient un moyen de commander à ses semblables (Mauss). Tout comme beaucoup d'Occidentaux aspirent aux titres et aux décorations, les indigènes ont soif d'honneurs. Il n'y a rien dans tout ceci qui ne soit trop humain ». Une part non négligeable des « dons » du Grand mariage est versée sur les caisses de l’autorité communautaire et doit bénéficier aux actions de développement local. Il y a une vingtaine voire une dizaine d’années auparavant le Chef du village et les différentes caisses villageoises prenaient possession des sommes octroyées, mais actuellement celles-ci sont essentiellement versées sur le compte communal. Ce qui constitue une part non négligeable du budget de la plupart des communes, et par conséquent une source d’influence et pouvoir du notable sur le système. Toujours selon MALINOWSKI (B.) (1963) : « le signe distinctif

17 du pouvoir est l'opulence, et celui de l'opulence, la générosité. La ladrerie est en effet le vice le plus méprisé et la seule chose à propos de laquelle les indigènes aient des idées morales bien arrêtées; en revanche, la générosité est l'essence de la bonté. » Sans vouloir comparer la société grand-comorienne à une communauté indigène, sans instruction et fermée en soi, loin sans faux, cette observation lui est valable tout de même. En effet, les prestations et ostentations du Anda caractérisent l’influence du notable dans presque toutes les sphères de la vie sociale.

II. Le fait politique

Dans cette rubrique, il est question d’essayer d’élucider certains aspects du fait politique dans le cadre de notre recherche et ainsi en démontrer ses implications notamment pour ce qui est de sa relation avec le culturel. En effet, en Sociologie, l’on considère le fait politique comme étant tout phénomène ou fait social ayant trait au pouvoir, au commandement, au gouvernement de quelque société humaine ou regroupement social que ce soit. C’est dans cette perspective qu’il est opportun de préciser que le pouvoir, qui est un terme central dans le fait politique, est présent et s’exerce dans toute organisation sociale même la plus microscopique. L’on rencontre, en effet, le phénomène de pouvoir aussi bien au niveau des organisations internationales, d’un Etat, d’une région, qu’au niveau d’une ville, d’une commune, d’un quartier et même de la famille. On remarque ainsi que tout groupement social dispose de son modèle de cohésion sociale à travers une structure politique qui lui est plus ou moins propre. Plus ou moins propre dans la mesure où certains modèles sont importés ou simplement imposés par les puissances colonisatrices aux peuples anciennement colonisés et actuellement dominés à l’instar des Etats subsahariens. De nos jours, différents modèles ou systèmes politiques caractérisent le fonctionnement des organisations sociales dont les Etats. En ce qui concerne ces derniers, si certains sont des Etats unitaires, d’autres par contre sont fédéraux. Pendant que les uns privilégient un système de pouvoir concentré, centralisé ou déconcentré, les autres choisissent un système qui peut être à la fois concentré ou déconcentré et décentralisé. Toutefois, à ces divers choix politiques un objectif reste commun. Toute organisation, macro ou microsociale, aspire à cette forte cohésion sociale de ses multiples démembrements impliquant son attachement à ses valeurs coutumières et traditionnelles, pour ainsi préserver la paix et la stabilité sociopolitiques en son sein. Cependant, cela n’est

18 pas toujours évident étant donné que, comme le souligne LUCY (M.) (1964), « Il n'existe aucune société où les règles soient automatiquement respectées.». C’est une des raisons pour lesquelles intervient le pouvoir dans toute société humaine. BALANDIER (G.) (1964), de dire : « Le pouvoir est au service d'une structure sociale qui ne peut se maintenir par la seule intervention de la « coutume », par une sorte de conformité automatique aux règles.» Ainsi, dès lors que le pouvoir est en quelque sorte un soutien à la coutume, la décentralisation, du fait de la proximité, en constitue un système privilégié où les tenants du pouvoir traditionnel en tirent une autorité et un pouvoir supplémentaires. La décentralisation est, peut-on le dire, un carrefour entre le pouvoir traditionnel et le système de pouvoir moderne. Le fait est que l’objectif même de la décentralisation reste une forte démocratie participative impliquant toutes les composantes d’une société donnée dans les prises de décisions la concernant. Or, il n’est pas à démontrer que la première forme d’institution au niveau des sociétés de type traditionnel est le système hiérarchisé construit autour de classifications internes. Si dans certaines sociétés l’honneur, la grandeur ou la notabilité se mesure à la hauteur des richesses et des réalisations matérielles et financières de l’individu, dans d’autres par contre, il revient à l’âge, à la sagesse ou simplement à l’expérience. Dans cette lancée, l’on constate que la plupart des décisions, dans ces types de société, sont prises à partir d’un schéma social bien établi qu’il est difficile de déroger par le simple fait d’un mécanisme nouveau.

II.1. La décentralisation et ses enjeux

Nonobstant les divergences de vue politique des leaders mondiaux, plus particulièrement suite à la seconde guerre mondiale, un modèle politique reste très commun et répandu à partir du début du vingtième siècle pour certains pays et vers la fin pour d’autres : la décentralisation du pouvoir politique. « La décentralisation consiste dans le transfert d’attributions de l’État à des collectivités ou institutions différentes de lui et bénéficiant, sous sa surveillance, d’une certaine autonomie de gestion », selon le site wikipedia. Par ailleurs, l’assemblée nationale française l’a définit ainsi en la nuançant de la déconcentration : « La décentralisation vise à donner aux collectivités locales des compétences propres, distinctes de celles de l'État, à faire élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs sur l'ensemble du territoire. La décentralisation rapproche le processus de décision des citoyens, favorisant l'émergence d'une démocratie de proximité. La déconcentration est une notion bien

19 distincte ; elle vise à améliorer l'efficacité de l'action de l'État en transférant certaines attributions de l'échelon administratif central aux fonctionnaires locaux, c'est à dire aux préfets, aux directeurs départementaux des services de l'Etat ou à leurs subordonnés. ». Dans une certaine mesure on peut dire que la décentralisation est un rapprochement entre l’Etat et les gouvernés. C’est un système dont le principal but reste la réduction des écarts séparant les détenteurs du pouvoir de ses dépositaires, en renforçant le pouvoir de décision et de participation du peuple. Il est donc à préciser que le système de décentralisation n’est réellement qu’un partage des prérogatives du pouvoir central à des périphéries considérées comme le local. Par conséquent, les enjeux, les conflits et luttes se partagent aussi proportionnellement à leur niveau.

II.2. La décentralisation aux Comores

La décentralisation est un système et phénomène récent en Afrique subsaharienne, en général et aux Comores, en particulier. En effet, suite au conflit séparatiste qui a gangrené la République Fédérale Islamique des Comores durant les années 90, une nouvelle constitution qui a consacré cette dernière à l’Union des Comores, est adoptée par referendum le 23 décembre 2001. Pour pallier le danger des conflits d’intérêts entre les îles, d’une part, et favoriser un développement équilibré et équitable des îles, régions et villes, d’autre part, cette constitution a donné lieu à une forte répartition du pouvoir entre l’Etat fédéral et ses démembrements. Depuis 2001 donc, le système des communes est instauré. Bien que prévue par cette constitution de décembre 2001, la décentralisation s’effectue d’une façon progressive. Ainsi, au début, chaque ville ou regroupement de villages s’est constitué en commune et essayait d’initier à sa façon une gestion de sa localité. Il était question, dans un premier temps, d’une sorte de galop d’essai pour l’entrée à ce nouveau système, quoique cette étape s’était avérée compliquée. D’abord, parce qu’il manquait les lois relatives à son instauration. Raison pour laquelle beaucoup de problèmes avaient surgis, notamment ceux liés à la cartographie communale qui, parfois, avait entrainé des conflits interrégionaux auxquels l’intervention des forces de sécurité était indispensable. Ensuite, autre fait et non des moindres, auparavant l’Etat n’existait pour le comorien que symboliquement. En effet, victime des déstabilisations venant aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur dont l’annexion de l’île comorienne de par la France, les coups d’Etat à répétition depuis l’indépendance et enfin le conflit séparatiste anjouanais de la fin des années 90, l’Etat comorien n’a jamais été en mesure de répondre aux exigences les plus élémentaires

20 de ses citoyens. Ce qui a conduit les populations à prendre en charge leur destin, avec pour principales ressources les contributions du Anda et l’apport de la diaspora. Il faut noter que la plupart des actions de développement villageois dont les infrastructures (routes, écoles, centres de santé, foyers de jeunes, adduction d’eau et électricité…etc.) se réalisent souvent dans une indifférence coupable de l’Etat. Les populations locales en collaboration avec leur diaspora s’emploient à remplir cette tâche. Or en l’absence d’institutions décentralisées compétentes, il incombait à l’Etat de s’en occuper. Dans ce sens il était difficile, pour les populations, de concevoir un système dont l’Etat pouvait avoir un droit de regard. Mais en dépit de cela, l’Etat fédéral ne ménage pas ses efforts afin d’établir un climat propice à l’instauration effective des communes. D’un côté, une redéfinition des compétences des îles autonomes est intégrée par la révision constitutionnelle du 17 mai 2009. Celle-ci a favorisé le transfert de compétences de l’Etat fédéral aux institutions insulaires et clarifié le paysage administratif, politique, économique et social comorien. D’un autre côté, trois (3) assises nationales sur la décentralisation ont été organisées par l’Etat fédéral en collaboration avec les partenaires techniques et financiers. Ces assises ont accouché de plusieurs résolutions notamment sur la définition des zones géographiques officielles des communes. En outre, d’après la présidence de l’Union des Comores, trois (3) lois relatives à la décentralisation ont été promulguées le 21 Juillet 2011, à savoir : 1. Loi relative à la Décentralisation au sein de l’Union des Comores ; 2. Loi portant organisation territoriale de l’Union des Comores 3. Loi portant organisation du Scrutin communal A la suite de quoi, un protocole transitoire est mis en place, dès le début de l’année 2013, en attendant l’effectivité du processus par des élections communales en 2014 prévues se jumeler avec les législatives fédérales et insulaires. Ce protocole a consisté à mettre en place des Délégations Spéciales par les Gouverneurs des îles sur proposition des localités. Ainsi, en Grande-Comore, le gouverneur de l’île a signé un arrêté portant nomination des délégations spéciales de 24 communes sur les 27 existantes le 18 février 2013. Les trois autres communes n’ayant pas pu s’entendre sur leurs listes à soumettre. Les modalités de nominations ont été très simples : chaque localité devait soumettre au Gouverneur une liste de quatre personnes dont une allait être désignée Président de la Délégation Spéciale de la commune et les trois autres comme adjoints.

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Cependant, il est à rappeler que depuis l’instauration des communes d’une manière expérimentale en 2002 jusqu’à cette récente nomination, la quasi-totalité des maires des localités grande-comoriennes était des notables de sang noble de surcroit ou encore ayant marqué l’histoire de leur localité sur le plan socioculturel. L’on ne peut donc que constater que sur les vingt-quatre (24) Présidents de Délégation Spéciale nommés, deux (2) femmes sont désignées contre vingt-deux (22) hommes. Aussi, autre fait remarquable, toutes ses femmes et tous ses hommes Présidents de Délégation Spéciale ont tous accompli leur Grand mariage c'est-à-dire qu’ils sont des notables dans leurs localités respectives.

III. Les courants théoriques

III.1. Le fonctionnalisme

Ce courant est apparu dans l’entre deux guerres pour substituer à l’évolutionnisme et au diffusionnisme qui prônaient une analyse comparative ou une classification des types de sociétés selon leur degré d’évolution et qui avaient intéressé la sociologie spencérienne et l’école française de sociologie. Le fonctionnalisme qui est d’abord apparu en anthropologie veut qu’une société soit identifiée à sa culture. Sous cet angle, le fonctionnalisme considère l’existence de totalités apparemment indépendantes les unes des autres comme le sont les cultures. C’est ainsi que le fonctionnalisme malinowskien pose chaque culture comme une totalité relativement close sur elle-même et centralise la notion de fonction. D’après les précurseurs du courant fonctionnaliste les institutions de chaque société doivent être appréhendées comme remplissant des fonctions universelles en regard des besoins universels des individus, ou encore, indispensables à la reproduction culturelle de la structure de la totalité sociale particulière. Le fonctionnalisme ne se contente plus alors d’étudier les fonctions de telle ou telle organisation ou croyance, mais prétend pouvoir expliquer l’apparition et le maintien dans le temps d’un fait, d’une institution, d’une structure de relations ou d’une croyance par la fonction qu’il ou elle remplit, soit en regard des besoins des membres du groupe, soit en regard du maintien dans le temps de la « totalité organisée » D’après Merton (R.) (1965) : « La notion de fonction désigne de façon générale en sociologie « la contribution d’une institution sociale au maintien du système au sein duquel elle est en interaction avec d’autres (par exemple : la fonction des partis au sein d’un système politique démocratique »» . Il établit ainsi une distinction entre fonction manifeste et fonction latente, qu’il explique comme suit : « Les fonctions manifestes sont 22 les conséquences objectives qui contribuent à l’ajustement ou à l’adaptation du système, sont comprises et voulues par les participants du système. […] Les fonctions latentes sont celles qui ne sont ni comprises, ni voulues » . Il donne l’exemple suivant pour bien présenter sa thèse : « A titre d’exemple, l’achat de biens de consommation (nourriture, meubles, automobile…) a pour fonction manifeste de satisfaire des besoins (se nourrir, meubler sa maison, se transporter…), et pour fonction latente d’affirmer son statut social (par exemple, consommer des biens de luxe pour signaler son appartenance aux classes supérieures) ». Cette thèse de Merton nous renvoie à la double fonction que requiert le Grand mariage comorien. Pour la première, force est d’observer que le Grand mariage reste avant tout l’union ou le renouvellement d’une union d’un mari avec sa femme. Une union qui, incluse dans la culture locale et légitimée par la religion, est devenue une institution forte impliquant toute la communauté dans sa réalisation. Ainsi envisagé, le Grand mariage ne se détache pas de l’intention première de tout mariage qu’est la reproduction biologico- sociale des individus. Pour la seconde, certes il est difficile d’entrevoir systématiquement la face inavouée du phénomène mais elle est bien là pourtant. Sinon, peut-on se demander pourquoi est -il de coutume que les hautes fonctions de l’Etat soient assumées par des personnalités ayant déjà accompli leur « devoir » coutumier en l’occurrence le Grand mariage ? Ou alors pourquoi des autorités politiques de tout bord, à peine investies de fonction étatique importante, s’empressent-elles d’accomplir le Grand mariage ? De ces deux faits devenus caractéristiques de la société comorienne, en général et grand- comorienne, en particulier, il en ressort une motivation, une explication inexprimée que l’on peut considérer comme une des fonctions latentes mais des plus essentielles du Grand mariage. Ainsi, comme toute action sociale est le résultat de choix individuels ayant un sens selon les fonctionnalistes, l’individu agit donc sur « des choix sous contrainte » qui peuvent être de deux ordres : contraintes matérielles et contraintes symboliques. Ces dernières ne sont autres que l’ensemble des normes et valeurs qu’une société impose aux individus et orientent ainsi leurs choix. L’action sociale est dirigée par des normes, c’est-à-dire qu’il y a un ensemble de règles qui régit les conduites individuelles. Ces règles sont de deux natures : les règles explicites (lois) et les règles implicites (règles qui ne sont pas écrites mais qui s’imposent d’elles-mêmes).

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Ainsi, c’est dans la norme qu’on trouve des valeurs. Les valeurs qui sont des idéaux collectifs sont abstraites alors que les normes sont concrètes. Ce sont ces valeurs qui induisent les textes officiels, les lois mais aussi les comportements individuels. Pour le cas du Grand mariage, la contrainte demeure symbolique dans la mesure où il est une institution normative. Néanmoins, il est d’ordre implicite pour cette raison que le statut de « notable » n’est inscrit nulle part dans les lois de la République ni avant 2001, ni après. Or, pour ne considérer que l’histoire récente du pays, sur les douze personnalités ayant dirigé le pays jusqu’à ce jour, seulement deux n’étaient pas « notables » à leur entrée en fonction. Tandis que tous les autres avaient, quant à eux, déjà accompli leur devoir envers la société avant d’accéder à la magistrature suprême et incarnaient (c’est encore le cas actuellement d’ailleurs) à la fois les pouvoirs politique et traditionnel.

III.2. Le structuralisme

Pour ce qui concerne le structuralisme, il est un courant du XXème siècle qui a pris ses racines plus particulièrement dans le Cours de linguistique général de F. de Saussure puis des travaux anthropologiques de C. Levi Strauss. En effet, ce courant de pensée s’oppose à l’analyse exclusivement descriptive des faits sociaux. Le structuralisme considère la société à travers les institutions sociales, indépendantes, qui composent un système. Selon le structuralisme linguistique notamment de F. de Saussure, un signe n'est pas simplement l'union arbitraire d'un certain son avec un certain concept. Il ne peut pas être isolé du système dont il fait partie et dont il n'est qu'un des termes. De cette conception, C. Levi Strauss a pu étudier les mythes et conceptualiser ainsi le principe selon lequel chaque société constitue un arrangement particulier et cohérent d’attitudes, de comportements. Dès lors, l’Anthropologie structuraliste a commencé à porter un regard « holiste » à la structure sociale. Elle considère qu’il ne faut donc pas commencer par les termes d'un système et en faire la somme, mais au contraire, il faut partir de l'ensemble du système et de sa structure pour en comprendre les éléments. La compréhension d’une institution sociale se situe donc au niveau de sa totalité, de son ensemble et de sa structure et non pas à ses différents éléments pris séparément. Par ailleurs, il est à remarquer que le structuralisme dans la logique de C. Levi Strauss s’oppose dans une large mesure au fonctionnalisme qui défend la compréhension d’un système social à partir des fonctions que joue chaque élément de ce système. Toutefois, pour donner corps à son argumentation, Levi Strauss (C.) (1973) indique que « la structure n’est pas une donnée concrète et observable dont les acteurs ont

24 conscience. C’est un modèle théorique que le chercheur doit construire à partir d’une part de l’observation des pratiques et d’autre part par déduction logique. En d’autres termes, l’observation et l’analyse de la réalité doivent permettre de dégager ce qui guide à leur insu, les pratiques des acteurs ». Concernant le mariage, par exemple, Levi Strauss (C.) l’analyse « non pas par la fonction qu'assurerait le mariage dans telle ou telle société, mais comme un type de communication où les messages échangés entre les groupes sociaux ne sont pas les mots mais les femmes. Il cherche à comprendre l'ensemble de la vie sociale comme un système culturel et, au- delà, comme un langage. L'action sociale est une actualisation des structures sociales ». Par ailleurs, pour analyser l’action sociale, d’autres auteurs ont essayé de trouver un juste milieu entre l’analyse et la compréhension de la structure sociale et les fonctions des composants du système social en question. Cette alternative a donné naissance au structuro-fonctionnalisme dont Radcliffe-Brown (1969) est l’un des défenseurs. Pour ce denier, contrairement à Lévi-Strauss, la structure est considérée comme une réalité concrète que l’on peut déterminer à partir de l’analyse des relations sociales.

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Chapitre II : Cadre méthodologique

Dans le but de mener à bien une recherche objective et parvenir à des résultats scientifiquement valables, le recours à une méthodologie appropriée est un facteur déterminant. Il s’agit sur ce chapitre d’étaler les différentes approches, démarches, méthodes et techniques qui ont permis d’atteindre un maximum d’informations nécessaires à la réalisation de ce travail. Etant donné le thème abordé et la quasi inexistence de recherches antérieurs sur le sujet, il a paru cohérent d’adopter l’observation directe de cas parce qu’elle présente un avantage certain dans l’analyse de cas sociologique quoiqu’insuffisante, à elle seule, à l’atteinte de cet objectif. Sur ce, pour combler cette lacune, comme les différents types de recherche ne sont pas exclusifs mais interdépendants, il a été indispensable de recourir à d’autres procédés dont la recherche spéculative ou prospective, aux enquêtes et documentation afin de mieux cerner et décrire la réalité observée. Mais avant d’expliciter ces étapes, il était d’abord question d’élaborer un plan de travail scientifique. Ce plan est celui préconisé par QUIVY, (R.) et CAMPENHOUDT, (L. V) (1998) qui consiste en quatre étapes principales dont le schéma suivant en constitue le résumé : Figure 1 : Les étapes d’une recherche selon QUIVY, (R.) et CAMPENHOUDT, (L. V)

Etape 1 : La question de départ

Etape 2 : L’exploration Les lectures Les entretiens

Etape 3 : La problématique

Etape 4 : La construction du modèle d’analyse

Etape 5 : L’observation

Etape 6 : L’analyse des informations

Etape 7 : Les conclusions

Source : QUIVY (R.), CAMPENHOUDT (V.), Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 2001.

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C’est dans la logique ci -dessus que ce travail s’est effectué. Cette étude est partie de la question de comprendre le pouvoir, l’influence et la présence des Wandrou wa miharuma (hommes en écharpe) ou « hommes accomplis » dans la sphère politique comorienne en général et grand -comorienne en particulier . Ce qui a conduit à parcourir le processus complet de l’étape une à l’étape sept dont ci -après les détails de l’ensemble des démarches, méthodes et techniques.

I. La documentation, la pré -enquête et l’échanti llonnage

I.1. La documentation

Cette première phase après l’identification du problème (question de départ) a constitué l’étape la plus cruciale étant donné qu’ elle a demandé suffisamment d’habileté, d’esprit critique ainsi que de la constance dans la poursuite de l’objectif visé. Elle a ainsi demandé beaucoup de temps et de moyens. D’un côté, parce qu’ à partir de cette question de départ il incombait de formuler notre doute, mieux comprendre et saisir l’objet de notre préoccupa tion d’une manière claire et précise . C’est ensuite qu’il a fallu interpréter et expliquer le problème en partant de la littérature et de l’observation préalable pour parvenir à reformuler la thématique de ce travail de sorte à cerner le point focal de not re objet d’étude. Pour essayer de résumer cette étape de détermination du problème, une trajectoire précise a été optée. Ci-dessous une liste verticale de cette dernière :

Figure 2 : Les quatre étapes suivies pour com poser le thème d’ étude

• Formulation du doute à partir de la question de départ; 1

• Compréhension, saisie dans les détails de tous les éléments 2 de l’objet de préoccupation d’une manière précise et claire;

• Interprétation et explication du problème par le biais et de la 3 littérature et de l’observation préalable;

• Reformulation de la thématique de sorte à cerner le point 4 focal de l'objet d’étude.

Source : travail personnel : août 2013

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Dans cette optique, les bibliothèques telles que le centre de recherches du département de Sociologie et la Bibliothèque Universitaire de l’Université d’Antananarivo, le Cite d’Ambatonakanga, l’Institut Français de Madagascar (IFM) ancien C.C.A.C (Centre Culturel Albert Camus), le Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques (C.N.D.R.S) de Moroni, la bibliothèque de Oichili ont été visitées à maintes reprises avant et pendant nos investigations. Différents volets ont intéressé la documentation effectuée depuis le début. Vu la complexité et la multidisciplinarité du thème abordé, la documentation a consisté essentiellement aux domaines suivants : La culture dans sa globalité La culture comorienne et plus précisément le Grand mariage La politique en général Le fait politique comorien en particulier La décentralisation Les courants de pensée anthropologiques et sociologiques Ainsi que d’autres documents complémentaires dont ceux de méthodologie. Aussi, il est à préciser que la consultation des divers sites internet a été d’une grande utilité tant pour la consultation de ces mêmes genres de documents mais non disponibles en version papier dans les bibliothèques visitées, que pour l’accession à des compléments d’informations dans les moteurs de recherches en ligne tels que Google, Wikipedia, etc. ou encore à des sites spécialisés et/ou privés tels que les sites de la présidence de l’Union des Comores, du Gouvernorat de Ngazidja, du C.N.D.R.S ainsi qu’à différents blogs particulièrement axés sur l’actualité et la culture comorienne. En effet, toutes les informations recueillies au cours de ces différentes investigations ont permis de constituer et reformuler une thématique bien précise et claire. Ce qui a facilité le passage à la préoccupation suivante que fût la pré-enquête et l’échantillonnage.

I.2. La pré-enquête et l’échantillonnage

En raison de notre absence sur le territoire comorien depuis quelque temps, cette étape s’imposait afin de réactualiser nos informations sur le milieu et rassembler quelques données nouvelles sur les réalités humaines, la conjoncture politique et la dynamique sociale. Pendant la période de pré-enquête et observation directe sur terrain, le recueil d’informations préalables a concerné particulièrement la localisation et la mobilité des

28 sujets à enquêter, la période la plus dense en matière de célébration du Grand mariage, les fortes manifestations politiques dont les diverses activités communales des différentes localités. Cette période de pré-enquête a duré les deux mois de juillet et aout 2013. Ces informations se sont avérées d’une importance capitale avant d’aborder le vif du sujet à savoir les enquêtes proprement dites et les observations directes sur terrain. Cela nous a permis, d’un côté, de connaitre le calendrier pour une grande partie des célébrations du Grand mariage qui étaient prévues courant 2013 (généralement les festivités durent les trois mois de vacances c'est-à-dire juillet, aout et septembre ; mais cette année le calendrier du ramadan a coïncidé avec le mois de juillet d’où le report d’un mois du calendrier habituel. Les festivités se sont donc organisées majoritairement pendant les mois d’aout, septembre et octobre). D’un autre côté, on s’est mis au courant du planning des cérémonies de pose de première pierre de certains hôtels de ville dans beaucoup de localités grand- comoriennes, mais aussi de congrès de partis politiques, entre autres informations. Tous ces évènements étaient « à ne pas manquer » sous aucun prétexte car ils regorgent généralement de valeurs symboliques notabiliaires importantes. Entre outre, pendant les vacances, la disponibilité des personnes était en partie acquise. C’est par suite de ces constats, de ces informations que l’on a conçu notre échantillonnage et élaboré notre questionnaire, ainsi que nos thèmes de discussion concernant les entretiens semi-directifs. Ainsi, sur vingt-sept communes existantes en Grande-Comore, nous avons pu visiter une dizaine où on a eu l’occasion d’assister à des cérémonies soit de Grand mariage, soit d’ordre politique. De ce fait, le facteur temps a voulu qu’on limite nos enquêtes à ce nombre de dix (10) communes dont quatre (4) communes au sud, quatre (4) au nord, une (1) au centre est et une (1) au centre ouest. Pour ce qui est de l’échantillonnage proprement dit, la méthode aréolaire appelée aussi méthode par zone ou échantillonnage des situations a été adoptée. En effet, rappelant que le thème ici étudié porte sur le cas des Maires notables en Grande-Comore par rapport à la fonction du Grand mariage dans la politique comorienne, la délimitation des localités (communes) a été la méthode la mieux adaptée. Raison pour laquelle, la réalisation des enquêtes en un temps record a été possible malgré que cela a nécessité d’énormes moyens notamment financiers. Sur ce, une cinquantaine d’individus ont été enquêtés par questionnaire en raison de cinq (5) par commune en moyenne. Aussi une dizaine d’autres individus, pris par probabilité, ont été interviewés. Les tableaux ci-après donnent un aperçu global de la population enquêtée :

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Tableau 1 : Population totale enquêtée par questionnaire (par sexe et par âge)

Age/Sexe Homme Femme TOTAL 21 à 30 9 8 17 31 à 40 7 5 12 41 à 50 7 3 10 51 à 60 5 2 7 61 et plus 2 2 4 TOTAL 30 20 50 Source : enquête personnelle : novembre 2013

C’est la tranche d’âge 21-30 qui domine sur la population totale enquêtée (17/50 individus), suivie de la tranche des 31-40 ans qui représente 12/50, et de la catégorie 41-50 ans comptant 10/50. Il n’y a pas une grande disparité entre hommes et femmes par rapport aux âges, car on constate que les différences sont de l’ordre de 1 ou 2 individus sauf pour la tranche 41-50 ans qui comptabilise 7 hommes contre 3 femmes.

Tableau 2 : Population enquêtée par sexe et niveau d’études

Niveau d'études/sexe Homme Femme TOTAL Sans 6 6 12 Lycée 4 2 6 Bacc 5 5 10 Maîtrise/Master I 10 4 14 Master II et plus 5 3 8 TOTAL 30 20 50 Source : enquête personnelle : novembre 2013

On constate sur le tableau ci-haut qu’à l’exception du niveau Maîtrise/Master I (10 hommes contre 4 femmes) la différence est minime entre les deux sexes pour ce qui est du niveau d’études.

Tableau 3 : Population enquêtée par sexe et CSP

CSP/SEXE Homme Femme TOTAL Inactif 9 9 18 Ouvrier 6 4 10 Cadre moyen 7 3 10 Cadre supérieur 8 4 12 TOTAL 30 20 50 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Sur le critère CSP, il apparait une grande différence entre homme et femme dans les deux catégories supérieures à savoir cadre moyen (7 hommes contre seulement 3 femmes) 30 et cadre supérieur (8 hommes contre 4 femmes). On remarque aussi un nombre élevé d’inactifs (retraités et chômeurs confondus) et à parité égale entre homme et femme (9 -9).

Tableau 4 : Population enquêtée par sexe et statut social

Statut social/Sexe Homme Femme TOTAL Motro wa Mdji 3 3 6 Mna Mdji 12 4 16 Mdru Mdzima 8 8 16 Mfoma Mdji 7 5 12 TOTAL 30 20 50 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Ce tableau affiche des parités proches ou égales entre hommes et femmes sauf pour le cas des Wana Mdji (pluriel de Mna Mdji ) qui est de l’ordre de 12 pour les hommes et 4 seulement pour les femmes. Aussi, il est nécessaire de préciser que le système grand- comorien exclue les femmes dans la hiérarchisation sociale. Toutefois, nous avons considéré les mêmes critères pour les femmes dans les mêmes situations sociales que les hommes. Par exemple, est femme Mfoma Mdji l’épouse d’un mari portant ce titre.

Tableau 5 : Population enquêtée par niveau de revenu

Revenu en Fc par individu et par mois Effectif Fréquence % ]-25.000] 16 32 [25.000-75.000] 11 22 [75.000-125.000] 50 10 [125.000-175.000] 3 6 [175.000 et plus [ 5 10 Autre 10 20 TOTAL 50 100% Source : enquête personnelle : novembre 2013

Ici, le revenu est évalué en monnaie locale (le franc comorien). Avec 1£ = 498Fc. 5Il est observé qu’environ 32% gagne moins de 25.000Fc par mois. Ici « environ » est de rigueur vu le taux de la réponse «Autre ». Cette réponse inclue ceux qui n’ont pas de revenu fixe ou stable et qui ne savent pas, par conséquent, le montant, et les non-réponses.

5 1£ = 498Fc (ce cours de change est stable), ce qui est l’équivalent actuellement (en considérant le cours de l’Ariary à 14.000) 1Fc = 28 Ar. 31

II. Les techniques d’enquêtes et de recueil d’informations

Avant de préciser ces techniques, force est d’abord de préciser la situation de recueil d’information s’agissant des questionnaires et entretiens. Les enquêtes effectuées l’ont été dans les cadres naturels de vie à savoirs aux domiciles des enquêtés pour les questionnaires, et sur les locaux des communes pour les autorités communales que nous avons interviewé. Ce qui constituait des cadres agréables et propices au dialogue. Ce genre de situation est démontré, par DE KETELE et ROEDGIERS (1993), comme suit : « Un entretien est naturel quand il se déroule dans un contexte qui libère la parole, c'est-à-dire un contexte dans lequel ce qui est dit reflète ce qui est pensé et vécu ». Dans ce même contexte, le travail d’enquête s’est déroulé parfois avec manipulation de la situation expérimentale et parfois sans orientation des données recueillies dans la mesure où on a travaillé à la fois avec des entretiens semi-directifs et des questionnaires. Cependant, un soin particulier a été pris quant au degré d’inférence des informations reçues car nous avons porté une attention particulière aux moindres faits, gestes et situation de l’environnement de l’enquêté pendant ses interventions. Dans la poursuite de recueil d’informations, trois sortes de techniques ont été utilisées.

II.1. Les techniques de documentation

Trois types d’investigations ont été choisis. D’abord, la consultation de documents scripturo-audio-visuels aux travers desquels des photos de différentes manifestations notamment politiques sont observées. Ensuite, il était indispensable dans un travail comme le nôtre, de dépouiller les documents publiés et disponibles : les écrits scientifiques, la littérature, la presse, les documents en ligne etc. Enfin, la consultation d’archives officiels tels que ceux de la présidence de l’Union des Comores et du Gouvernorat de Ngazidja a été nécessaire pour compléter les informations concernant les décisions prises allant dans le sens de la préoccupation de cette recherche.

II.2. Les techniques d’observation

Sur ce volet, nous avons pratiqué à la fois l’observation participante et l’observation participante modifiée, et parfois aussi une observation simple (non participante). En fonction des conditions favorables ou non à l’une ou l’autre des trois techniques, l’on pouvait choisir sur le champ la technique efficace. Ainsi, dans les manifestations politiques en général, que ce soit au niveau des communes ou des partis

32 politiques, l’observation participante modifiée était préférable étant donnée le contexte plus ou moins solennel de ces types de manifestation. En revanche, lors des festivités culturelles de Grand mariage surtout, notre présence en tant que membre à part entière de la communauté ne posait aucun problème et constituait un avantage supplémentaire. D’autant plus que dans la plupart des cas ce sont les organisateurs qui nous invitaient à rejoindre le groupe. Au niveau des administrations par contre, l’on ne pouvait qu’observer simplement la priorité dans l’ordre de réception et d’accueil des gens, à titre d’exemple, à la présence d’un « notable ». Dans tous les cas les observations ont été faites sur la base de l’objectif global de notre recherche ainsi que des objectifs spécifiques visés. Cependant, à défaut d’un enregistreur électronique, on a dû noter discrètement les observations dans un bloc note destiné à cet effet et bien gardé.

II.3. Les techniques de l’interview

Pour celles-ci, deux voies ont permis de recueillir des informations pertinentes et complètes sur les thèmes abordés. La première voie a consisté aux entretiens semi-directifs qui, suivant des sous thèmes préétablis, ont donné aux enquêtés l’occasion d’exprimer leurs divers points de vue sur la question du Grand mariage et de sa relation avec la politique, la gestion politique et économique des communes et de l’Etat etc. Cinq (5) sous thèmes de discussion ont servi de base de cadrage de ces entretiens et ont ainsi évité la diversion ou même la sortie du sujet. La deuxième est la technique du questionnaire. Celui-ci était composé de dix-huit (18) questions dont six (6) sur le profil de l’enquêté et donc douze (12) sur le sujet proprement dit. La plupart de ces questions étaient ouvertes d’où la possibilité de motivation de la réponse donnée, et pour les quelques autres questions fermées il a toujours été demandé la raison d’un oui ou d’un non. Ce choix est motivé par le souci de qualité des informations au-delà de leur aspect quantitatif.

III. L’analyse des données recueillies

Une fois les travaux sur terrain terminés, on est passé à la phase de traitement des informations. Toutefois, cette étape a débuté pendant la période même de ces travaux dans la mesure où, à chaque fin de journée de travail, il était nécessaire de faire le bilan du travail accompli, arranger les informations recueillies pour pouvoir adopter une stratégie pour le lendemain. Dans ce sens, on évaluait presque quotidiennement les données. Mais l’ensemble du travail de dépouillement de ces dernières a commencé à partir de la fin des investigations sur terrain. Ainsi, sur le plan quantitatif, une analyse multi

33 variée a été adoptée vu que le sujet abordé est d’une complexité sans conteste. Néanmoins, l’utilisation du logiciel Sphinx, spécialisé dans le traitement des données statistiques, a rendu le travail moins ardu. Aussi, la manipulation des résultats avec Excel a permis de compléter ce travail. Plusieurs variables ont ainsi été prises en compte. Sur le plan qualitatif, le travail a consisté à essayer de trouver, dans les informations recueillies, l’interaction (la relation, l’accord et/ou le conflit) entre l’action sociale de réaliser le Grand mariage et le fait d’occuper une fonction politique ou de disposer d’une influence sur ceux qui la détiennent dans la perspective de confirmer ou non nos hypothèses pour ainsi pouvoir dégager des avantages ou encore des inconvénients à cette interaction.

IV. Les limites de l’étude

En dépit des efforts déployés en amont afin de réaliser ces recherches sans grande difficulté, plusieurs obstacles se sont présentés au travers du chemin. Nous ne citerons que les problèmes d’ordre temporel, financier et technique. La période de la pré-enquête a consommé l’essentiel du temps de recherche étant donné la distance et les conditions académiques. En effet, pendant deux mois, il a fallu passé un temps record dans les cybers nets afin de collecter des données via des connaissances qui étaient présents sur le terrain. Données qu’il fallait parfois filtrer et revérifier pour la simple raison qu’elles n’étaient pas toujours fiables. Ce qui a provoqué une longue attente avant de connaitre le meilleur moment pour la descente sur les lieux. Mais en plus de cela, les conditions académiques avec un calendrier prolongé de presque deux mois a ralenti pendant quelque temps les démarches pour le déplacement aux Comores, terrain de recherche. Ensuite, une fois sur place, difficile était de respecter les délais que nous nous sommes fixés à cause des attentes parfois interminables pour être reçu par les enquêtés. Ce cas s’est souvent produit lors des rendez-vous pris avec les responsables politiques à l’instar des Présidents de Délégation Spéciale pour les entretiens. Mais l’énorme difficulté a été financière. Pendant presque trois semaines on a fait le tour de la Grande-Comore, du nord au sud et d’est en ouest avec des allers retours fréquents dans certaines localités. Cette situation a nécessité une somme conséquente pour les frais des taxis-ville et des taxis brousse. Une autre difficulté et non des moindres a été de se procurer la documentation nécessaire. En effet, la plupart des ouvrages, notamment spécifiques à notre thème, n’ont pas été disponibles dans les bibliothèques visitées et ont souvent été inaccessibles en ligne. En plus, quelques données statistiques n’existent pas dans les archives officielles.

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Chapitre III : Généralités sur la Grande-Comore

I. Situation géographique, démographique et économique I.1. Cadre physique des Comores

Situées au sud-est de l’Afrique et à l’extrémité nord du canal de Mozambique, au nord-ouest de Madagascar et à l’est du Mozambique, les Comores sont constituées de quatre îles dont Ngazidja (Grande-Comore), Mwali (Mohéli), Ndzouwani () et Maoré (Mayotte : sous administration française). L’ensemble du territoire des Comores couvre une superficie de 2236 km 2. Le point culminant reste le Karthala, en Grande- Comore, avec ses 2316 m d’altitude et qui est en même temps un volcan plus actif avec l’un des plus grands cratères volcaniques au monde qui, en avril 2005, avait rejeté des cendres qui ont obligé des milliers de personnes et de familles à se déplacer.

I.1.1. La Grande-Comore ( Ngazidja )

De 77 km de long et 27 km de large pour 1 146 km² de superficie, la Grande- Comore est la plus grande des quatre îles et en même temps la plus jeune. Elle est d’origine volcanique. Deux volcans forment la topographie de l'île à savoir le massif de La Grille au nord (1 087m d’altitude) qui est en grande partie disparu et le Karthala au sud (2 361 m) dont la dernière éruption remonte à 1977. Un plateau, d'une altitude moyenne de 600 à 700 mètres, relient les deux montagnes. Du fait que Ngazidja soit géologiquement relativement jeune, son sol est mince et rocailleux et ne peut retenir l'eau. Sur les pentes du Karthala se trouvent de vastes forêts pluviales. L'île ne présente pas de récifs coralliens. Moroni, la capitale des Comores depuis 1962, est située sur l’île.

I.1.2. Le climat

Les Comores connaissent un climat tropical océanique constitué de deux saisons : un climat chaud et humide de novembre à avril résultant de la mousson du nord et une saison plus froide et sèche le reste de l'année. Les quatre îles ne connaissent pas une grande disparité par rapport au climat qui est le même dans l’ensemble du pays. Les températures sont situées entre 23 °C et 28 °C en moyenne, le long des côtes. Bien que la moyenne des précipitations annuelles soit de 2 000 millimètres, l'eau est une denrée rare dans de nombreuses régions des Comores. Mohéli possède des ruisseaux et d'autres sources naturelles d'eau, mais en Grande-Comore et Anjouan, où les paysages montagneux

35 retiennent mal l'eau, l'eau courante est presque inexistante. Les cyclones, qui se produisent pendant la saison chaude et humide, peuvent causer des dommages importants, en particulier dans les zones côtières. En moyenne, au moins deux fois chaque décennie, les maisons, les fermes et les installations portuaires sont dévastés par de grandes tempêtes.

I.1.3. La faune, la flore et le tourisme

Par ailleurs, la faune et la flore comorienne regorgent plusieurs espèces dont certaines sont endémiques aux îles Comores. Sur les fonds marins louent refuge plusieurs espèces dont le cœlacanthe, poisson daté de 400 millions d’années environs et qui se localise au large de l’Afrique australe et plus particulièrement au nord de la Grande- Comore. Plusieurs mammifères y sont endémiques à l’instar du maki, un lémurien que l'on retrouve en général à Mayotte mais qui est aussi présent en Grande-Comore. Sa population est actuellement estimée à environ 120 spécimens, selon wikipedia. En outre, 22 espèces d'oiseaux sont propres à l'archipel, et 17 d'entre elles sont limitées à l'Union des Comores et une grande partie en Grande-Comore dont les chauves- souris. L’Etat comorien a commencé à prendre conscience de l'environnement à partir des années 90 sous la pression des organisations onusiennes et plusieurs mesures ont, par la suite, été prises depuis dans le sens de sauvegarder la faune rare, mais aussi pour enrayer la dégradation de l'environnement dans un moment où la déforestation avait commencé à prendre des proportions dangereuses. La sensibilisation avait débuté en Grande-Comore où la population s’est beaucoup mobilisée pour cette cause. En outre, en Grande-Comore se trouvent plusieurs sites touristiques du pays étant donné ses richesses culturelles, géographiques et historiques. On peut citer parmi eux le Karthala, le Lac salé au nord de l’île, l’ancienne mosquée de vendredi de Moroni, le Ngouni Djabal d’ ainsi que les plages au sable blanc fin de Chomoni, , Maloudja et Trou du Prophète etc. Aussi, la population grand-comorienne est reconnue par son hospitalité, son respect et son amour pour les étrangers.

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I.2. Données démographiques

La population comorienne était de 750 000 en 2011, selon les chiffres de la Banque Mondiale (2011), citée par le site du Quai d’Orsay. Elle est estimée, toujours selon ce site, à 752 288 en 2013. La densité moyenne nationale est de 402 habitants/km2. Si Anjouan est l’île la plus dense avec 517 habitants/km² et abrite 42 % de la population totale, la Grande-Comore qui compte 52 % soit 476 000 habitants est la plus peuplée. Sa densité est de 414,63 habitants/km 2. La croissance démographique de l’ensemble du pays était de l’ordre de 2,49 % en 2011. La population est jeune, 56 % des habitants ont moins de 20 ans et l’espérance de vie à la naissance de 61,1 ans. Taux d’alphabétisation (en % de la population de plus de 15 ans) : 74,9 %. Les deux tiers de la population vivent en milieu rural, mais l’urbanisation progresse au rythme de 6,5 % par an. La religion principale est l’Islam sunnite (98%), puis le catholicisme (2%) mais il est récemment apparu un renouveau du chiisme. L’Indice de développement humain (IDH) : 163ème sur 187 pays – 31ème sur 52 pays africains à l’Indice de gouvernance Mo Ibrahim 2011. D'après l'enquête démographique et de la santé de 2012, le taux de fécondité est estimé à 4,3 enfants par femme, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne africaine.

Les projections annoncent plus de 1 500 000 personnes pour 2050 ce qui donnerait une densité de 862 habitants/km².

I.3. Données économiques

Du fait de la localisation dans l’Ile, de la capitale de l’Union, Moroni, de l’Aéroport International Moroni Prince Said Ibrahim (AIMPSI), du grand marché de Volovolo, des différentes administrations (internationales, fédérales et insulaires) publiques et privées, des principaux hôtels et banques du pays, l’économie du pays s’y tourne. C’est en Grande- Comore, en effet où se concentrent les banques, s’effectuent les transactions, circulent les principaux biens et services. Il importe ainsi, par prudence, de préciser que les principales données, fournies ci- dessous, englobent les trois îles, mais par analogie de ce qui vient d’être montré et en l’absence de données spécifiques pour chaque île, il convient de présenter celles-ci. Malgré une production agricole défaillante due notamment à l’accélération de l’exode rurale, aux difficultés géologiques (érosion des sols, insuffisance de sources d’eau, non

37 subvention de l’Etat au secteur, matériels obsolètes et archaïque…etc.), l’agriculture qui reste encore vivrière contribue beaucoup à la consommation locale. Elle donne 40 % du PIB national pendant que le secondaire (industrie) fournit 14 % et les services 33%. Quoique largement insuffisante par rapport aux besoins, une part de la production locale est destinée à l’exportation notamment pour ce qui concerne certains produits tels que la vanille, le coprah, l’Ylang-ylang etc. Ces produits sont, pour l’essentiel, des principales sources de devises. Le tourisme n’est pas en reste, car de l’ensemble des îles, c’est en Grande-Comore qu’il est relativement le plus développé. C’est un fleuron de l’industrie nationale malgré la faible exploitation des ressources de ce secteur. La monnaie nationale est le franc comorien 1£= 498 Fc. Elle est stable par rapport à l’euro. Le PIB par habitant est estimé à 850 $ en 2012 et le Taux de croissance annuel du pays de 2,5 %. Le pays fait partie encore aujourd’hui de la catégorie des pays les moins avancés (PMA), avec 45% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Le pays est structurellement dépendant des financements extérieurs, essentiellement assurés par les transferts (20% du PIB) de la diaspora comorienne résidant majoritairement en France, et par l’aide des bailleurs. Le PIB en termes réels a augmenté de 1,8 % en 2009 et de 2,1 % en 2010. Le FMI a évalué la croissance à 2,2 % accompagnée d’une inflation s’élevant à près de 5,8%. L’essentiel de ces statistiques proviennent des données de la Banque mondiale et du FMI et publiées sur le site du site du Quai d’Orsay.

II. Contexte historique

II.1. Quelques références historiques sur les Comores

D’entrée de matière, il convient de préciser que l’histoire de la Grande-Comore tout comme celle des Comores en général est, jusqu’à nos jours, mal située et fait encore l’objet de diverses versions. En effet, les premiers documents écrits découverts datent de 1500 et ainsi une partie précieuse de l’histoire échappe aux historiens. Cependant, l’histoire des quatre îles des Comores est très commune tant dans le peuplement de ces dernières que dans leur évolution. C’est pourquoi, pour cerner l’histoire de l’une de ces îles, il convient de se référer à celle de l’ensemble du territoire. Ainsi, si les portugais découvrirent les îles Comores vers 1505, les traces de vie humaine remontent au VIIIème siècle et c’est en Grande-Comore qu’elles se sont découvertes. D’après MOUSSA (S.) (1992) : « …l’archéologie atteste une présence 38 humaine continue qui semble dater du VIIIème siècle de notre ère ». Différentes ethnies se sont croisées dans l’archipel pour composer un métissage qui, d’ailleurs, se poursuit encore aujourd’hui. Le peuplement des Comores est formé ainsi de bantoue, de bushimen, d’arabes, d’indonésiens, de portugais, d’indiens, de français ainsi que de malgaches. L’Islam, première religion et presque unique religion des Comores y est introduit vers le XIIIème siècle par des populations persanes et Chiraz d’Arabie. De cette époque jusqu’à la fin du XIXème siècle, s’est enchainée une forte activité guerrière qui a opposé les clans pour la prise du pouvoir et/ou son maintien. C’est l’époque des Sultans batailleurs (chefs locaux) qui se sont livrés batailles pour la lutte du pouvoir. En effet, le pouvoir n’était pas encore « institutionnalisé » et n’a jamais été stable (aux mains d’un seul roi), mais les différents chefs appelés Sultans luttaient pour l’obtenir. Ce n’est qu’au XIXème siècle avec l’arrivée des français dans l’archipel et le déclenchement du processus de colonisation que ces batailles ont pris fin. Le processus de colonisation qui a débuté dès 1841 a été effectif en 1886 en Grande-Comore avec la signature par le Sultan Said Ali Bin Said Omar (dernier prince de la Grande-Comore), le 24 Juin 1886, du protectorat français sur l’île, selon le moteur de recherche wikimedia. A partir de 1908, les français déclenchèrent un processus d’annexion des îles et ont fini par rattacher administrativement ces dernières à Madagascar, après la ratification de l’annexion le 23 février 1914. Les protectorats sont désormais devenus des colonies En 1946, les Comores sont reconnues pour la première fois comme une entité administrative unie et sont détachées de Madagascar. Elles sont passées au statut de Territoire d’Outre-mer (TOM) par la loi du 03 mai 1946 et son décret d’application du 24 septembre 1946, applicable au 1 er Janvier de l’année suivante, et obtiennent ainsi une autonomie administrative. Par la suite « Tout en gardant le statut de territoire d’outre-mer en 1946, les Comores bénéficièrent d’un régime propre débouchant sur l’autonomie interne accordé par loi du 22 décembre 1961. Cette autonomie est modifiée et élargie par la loi du 3 janvier 1968 », d’après le site du C.N.D.R.S. La capitale des Comores est transférée de Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni en 1966. Les Comores ont arraché leur indépendance le 06 juillet 1975 de manière unilatérale et sans effusion de sang et deviennent la République Fédérale Islamique des Comores (R.F.I.C) sans l’île sœur de Mayotte restée sous administration française. Au lendemain de l’indépendance, les Comores ont commencé à connaitre les tristes moments de leur histoire avec l’avènement des coups d’Etat à répétition.

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Le 03 aout 1975, le premier coup d’Etat a été perpétré et un pouvoir socialiste s’est installé avec Ali Soilihi ( Mongozi ou le guide) à la tête. Ce dernier est renversé par un autre coup d’Etat en 1978. Ahmed Abdallah Abdérémane, père de l’indépendance, est revenu au pouvoir et y est resté jusqu’en novembre 1989 pour être assassiné. Les premières élections libres se sont déroulées en 1990 et Said Mohamed Djohar est élu à la tête de l’Etat pour cinq ans. A son arrivée au pouvoir il a instauré un Etat démocratique et pour la première fois depuis l’accession à l’indépendance le multipartisme est autorisé. Djohar fut victime d’au moins trois coups d’Etat au cours de son mandat dont le dernier en 1995 a conduit à de nouvelles élections qui ont porté Mohamed Taki Abdoulkarim au pouvoir en 1996. En 1997 a déclenché une crise séparatiste sur l’île d’Anjouan qui a bouleversé le pays pendant quatre ans. Les accords de de l’an 2000 y ont mis fin. Hormis le père de l’indépendance et les intérimaires, tous les présidents qui se sont succédés jusqu’à la constitution de 2001 sont d’origine grand-comorienne.

III. Organisation politique des Comores et de la Grande-Comore

III.1. Le fédéralisme comorien

La constitution de 2001 a instauré un fédéralisme à l’américaine en ce sens que chacune des « quatre » îles constitue un Etat fédéré dans l’Etat fédéral, c'est-à-dire qu’elle jouit de prérogatives plus étendues et d’une autonomie administrative et financière plus large dans son territoire. Ainsi, pour mieux saisir l’organisation et le fonctionnement politique et administratif de la Grande-Comore, il faut situer celle-ci dans la structure d’ensemble du pays. C’est la raison pour laquelle l’on ne peut que présenter brièvement l’architecture de l’Etat comorien depuis la constitution de 2001 révisée en 2009 et publiée sur le site de la présidence de l’Union des Comores : L’emblème national est [jaune, blanc, rouge, bleu, un croissant blanc tourné vers la droite et 4 étoiles blanches alignées d’un bout à l’autre du croissant dans un triangle isocèle en fond vert. Une hymne nationale dénommée Umodja Wa Massiwa (Unité des îles). Une devise qui est : Unité Solidarité Développement. L’Islam religion d’Etat (depuis 2009) Des langues officielles qui sont le Shikomor , langue nationale, le Français et l’Arabe. Un président élu avec trois (3) vice-présidents pour un mandat de cinq (5) ans. 40

L’originalité du système politique comorien réside surtout sur l’élection des hautes autorités de l’Etat fédéral. Aux Comores l’élection du président de l’Union se déroule par tour de rôle des îles fédérées (système appelé : la tournante). Ce qui veut dire qu’une élection primaire se déroule au niveau de l’île (et non pas au niveau d’un parti politique) où échoit le tour de diriger le pays, pour désigner trois (3) candidats qui s’affrontent au second tour dans l’ensemble du territoire comorien. Ensuite, a lieu l’élection au niveau national (second tour) pour choisir le président de l’Union parmi les trois présélectionnés. Toutefois, une certaine confusion subsiste encore quant à l’origine des candidats présidentiables. Les uns défendent que seuls les natifs de l’île désignée peuvent postuler tandis que les autres soutiennent que tout comorien remplissant les « autres » conditions d’éligibilité peut se présenter à l’élection primaire insulaire. En outre, tout candidat désigné pour le second tour doit s’y présenter non avec un candidat à la vice-présidence mais avec trois colistiers vice-présidentiables en raison d’un par île. Un gouvernement fédéral de dix (10) membres au maximum nommé par le président, en commun accord avec ses vice-présidents. Une Assemblée nationale composée de : vingt-quatre (24) représentants de la Nation, élus au suffrage universel dans le cadre d’un scrutin majoritaire uninominal à deux tours ; représentants des îles autonomes désignés par les Conseils insulaires en leur sein, à raison de trois (3) par île autonome. Une Cour Suprême. Une Cour Constitutionnelle nommée respectivement par le Président de l’Union, les Vice-présidents de l’Union, le Président de l’Assemblée de l’Union ainsi que les Présidents des Exécutifs des Iles, chacun un membre.

III.2. Organisation politique de la Grande-Comore de l’époque des Sultans batailleurs à nos jours

Bien que constituant l’archipel des Comores avec les trois autres îles, la Grande- Comore, comme chacune de ces dernières, a eu son évolution politique propre. Avant la colonisation, c'est-à-dire pendant l’époque dite des Sultans batailleurs, la Grande-Comore était subdivisée en de nombreux sultanats qui sont : Bambao, Itsandra, Mitsamihuli, Bandjini, , Washili, Hamahamet, Mboudé, Hamanvou, Mbwankou, Domba. Chaque sultanat constituait une sorte de division administrative sous le règne d’un chef local, un prince appelé Sultan ou M'faoumé (Wafaume au pluriel).

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Selon MOUSSA (S.) (1992), quatre Hinya ou lignages principaux, se partageaient ou luttaient pour le pouvoir dans ces différents sultanats. Ces Hinya sont : Hinya Matswa Pirusa : Bambao, Mitsamihuli, Mbwankou Hinya Fwambaya : Itsandra, Washili, Hamahamet, Dimani Hinya Mdombozi : Badjini Hinya Shihali : Domba, disparu vers la fin du XVIIIème siècle. D’après l’auteur, les Sultans provenaient des trois premiers lignages Matswa Pirusa , Fwambaya et Mdombozi . Parmi les deux premiers était choisi un Ntibe ou chef suprême qui disposait plus ou moins du pouvoir d’intronisation des autres Sultans. Les différents sultanats de la Grande-Comore n’ont réellement composé une entité unie que lorsque l’île allait passer sous protectorat français, sous le règne du Sultan Said Ali bin Said Omar en 1886. En effet, ce dernier a cédé l’île à la France le 24 juin 1886. Exercé par un résident subordonné au gouverneur de Mayotte, le pouvoir en Grande- Comore était détenu par Léon Humblot. Celui-ci a, par la suite, accaparé presque toutes les terres qu’il faisait travailler les Comoriens à son compte. Le 6 juillet 1975, la Grande- Comore est redevenue indépendante au sein de la République Fédérale Islamique des Comores avec Anjouan et Mohéli. Le 7 avril 2002, elle forme avec Anjouan et Mohéli, l’Union des Comores, dans laquelle les îles bénéficient d'une très large autonomie. Aujourd’hui, l’île est subdivisée en huit (8) circonscriptions administratives que sont les préfectures composées par les communes au nombre de vingt-sept (27) dans l’ensemble de l’Ile autonome de la Grande-Comore. Le drapeau de l’Ile, Etat fédéré, dont la couleur est insérée dans le drapeau national, est un rectangle sur fond bleu, un croissant blanc tourné vers la droite et quatre étoiles blanches alignées d’un bout à l’autre du croissant. La devise est : « Unité-solidarité- développement ». Un gouverneur élu au suffrage universel direct majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. La circonscription électorale est l’Ile de Ngazidja. Un gouvernement autonome composé de commissaires de l’île dont le nombre ne saurait dépasser six (avant la révision constitutionnelle de 2009 ces derniers prenaient l’appellation de ministre). Un parlement appelé Conseil de l’île composé de conseillers élus (en raison d’un par région 6).

6 Une région est un ensemble de villes et villages constitué depuis l’époque royale avec un chef-lieu comme capitale. Si la région est assez grande, elle peut être subdivisée en deux (2) voire trois (3) sous régions et obtient un nombre de conseillers équivalent à ses sous régions. 42

DDeuxieuxi ème partie : PRESENT ATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE

Chapitre IV : La représentation du Grand mariage pour le Grand-Comorien

Comme il a été largement démontré dans la précédente partie, le Grand mariage occupe une place particulière chez les Comoriens, en général et la société grande- comorienne, en particulier. Car s’il existe des phénomènes sociaux populaires et bien ancrés dans la conscience collective de la société grande-comorienne c’est bien le Grand mariage. Cependant, cela n’est pas sans conteste et divergence sur sa conception, sa pratique, son intérêt ou non, de la part des différentes catégories sociales de la population, notamment les jeunes et les milieux intellectuels. En Grande-Comore où il détient le record autant de popularité que de réalisation, les nouvelles générations ne cessent de décrier sa pratique sans pour autant pouvoir s’y opposer réellement. Il s’agit donc dans ce chapitre de présenter les différentes positions recueillies de la part des enquêtés, aussi bien quantitativement que qualitativement, par rapport à ce phénomène et qui nous ont semblées pertinentes. Sur cette rubrique, force est de préciser que les interviewés avaient à répondre à l’idée qu’ils se font du Grand mariage (leur conception), de l’intérêt d’accomplir celui-ci, du statut de ceux qui ne suivent pas cette norme, puis de l’influence ou non qu’a le phénomène sur le politique. De ces variables, plusieurs modalités de réponses ont été proposées et ci-dessous les éléments de réponse.

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I. Ce que le Grand mariage représente

Il s’agit d’abord de présenter l’opinion de la population enquêtée sur le Grand mariage. Trois principales modalités de réponses ont été considérées : les opinions négatives, positives et neutres.

I.1. Représentation du Grand mariage pour tous les enquêtés

Tableau 6 : Effectif et fréquence de la conception du Grand mariage par la population enquêtée en général

Conception du Anda Effectif Fréquence % C'est le diplôme des illettrés 7 14 Une institution dépourvue de sens 8 16 Négative C'est un gaspillage monétaire 6 12 Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 5 10 + ou - neutre C'est un facteur d'intégration sociale 5 10 Il est un devoir coutumier indispensable 9 18 Positive C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique 10 20 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle: novembre 2013

Figure 3 : Schématisation de la conception du Grand mariage pour les enquêtés

Conception du Anda

10 9 10 8 7 6 5 5

0

C'est le diplôme Une institution C'est un Il est un moyen C'est un Il est un devoir C'est une instit des illetrés dépourvue de gaspillage de gravir les facteur coutumier ution régulatri sens monétaire échelons d'intégration indispensable ce du social, c sociaux sociale ulturel, politiqu Source : enquête personnelle : novembre 2013

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Comme l’indique le tableau et la figure ci-dessus, 10% des enquêtés ont un avis plutôt contrasté (neutre). D’après eux, le Grand mariage n’est qu’un rite de passage d’un statut à un autre. Cette modalité de réponse est observable dans la réalité étant donné que c’est la motivation explicite ou manifeste de la réalisation du Grand mariage. Ainsi, pour notre recherche, elle constitue une réponse plus ou moins neutre. Dans un autre sens, la plupart des interviewés, 48%, pense pourtant que le Grand mariage est positif, contre 42% qui ont un avis catégoriquement négatif. Ceci explique en partie la réalité sociale en Grande-Comore où nombreux sont ceux qui soutiennent toujours que la réalisation de cette institution est bénéfique non seulement pour les concernés (les mariés et leurs familles) mais aussi pour la communauté. Ceux qui sont de cet avis motivent leur argument avec des raisons d’ordre économique. Pour eux, cette institution contribue dans une large mesure à la construction d’infrastructures et ainsi au développement 7 des localités. Par ailleurs, dans le souci de mieux comprendre le phénomène, il est utile de faire le rapport entre cette conception qu’ont les gens du Grand mariage et la catégorie sociale. D’abord, que pense-t-on du Grand mariage selon qu’on est homme ou femme ? Le tableau et la figure ci-dessous donnent des éléments de réponse.

I.2. Représentation du Grand mariage selon le sexe

Tableau 7 : Effectif de la conception du Grand mariage en fonction du sexe Conception du Anda/ Sexe Homme Femme TOTAL C'est le diplôme des illettrés 57,1 42,9 100 Une institution dépourvue de sens 50 50 100 C'est un gaspillage monétaire 50 50 100 Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 80 20 100 C'est un facteur d'intégration sociale 100 0 100 Il est un devoir coutumier indispensable 44,4 55,6 100 C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique 60 40 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

7 La notion de développement ici se réfère souvent à la réalisation d’infrastructures pour les enquêtés ; donc elle est à nuancer du développement local global qui inclurait bonne gouvernance, transparence, démocratie participative etc. 45

Figure 4 : Schématisation de la conception du Grand mariage en fonction du sexe

'Conception du Anda' x 'SEXE' 100,0%

100,0% 80,0%

60,0% 57,1% 55,6% 50,0% 50,0% 42,9% 44,4% 40,0%

20,0%

0,0% 0,0%

C'est le diplôme Une institution C'est un Il est un moyen C'est un Il est un devoir C'est une des illetrés dépourvue de gaspillage de gravir les facteur coutumier institution sens monétaire échelons d'intégration indispensable régulatrice du sociaux sociale social, culturel, politique

Homme Femme

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Trois principaux constats sont à retenir de cette combinaison. D’abord, il est remarquable que ce sont les hommes en majorité (60% d’hommes contre 40% de femmes) qui trouvent que le Grand mariage est une institution de régulation sociale, culturelle et politique ; c'est-à-dire une institution qui joue un grand rôle dans le maintien de l’ordre social. Ensuite, aucune femme (0 femme contre 100% d’hommes) ne pense qu’il est un facteur d’intégration sociale. Ce qui signifie en d’autre terme que les femmes se sentent non intégrées même après avoir réalisé le Grand mariage. On peut dire que les femmes trouvent ce rite comme une affaire d’hommes. Enfin, l’on constate que deux modalités de réponses ont un effectif égal entre homme et femme. Il s’agit de : « c’est une institution dépourvue de sens » et « c’est un gaspillage monétaire ». Pour le premier cas, on a un taux de 50% pour les hommes et de même pour les femmes. Pour le second, on a également le même taux de 50% pour les deux sexes. Ce qui explique qu’il n’existe pas de grande disparité entre les deux sexes quant à ces points de vue.

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I.3. Représentation du Grand mariage suivant l’âge de l’enquêté

Tableau 8 : Conception du Grand mariage en fonction de l’âge

Age 21 à 30 31 à 40 41 à 50 51 à 60 61 et plus Conception du Anda C'est le diplôme des illettrés 42,9 28,6 14,3 14,3 0 Une institution dépourvue de sens 37,5 25 25 12,5 0 C'est un gaspillage monétaire 66,7 33,3 0 0 0 Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 40 20 40 0 0 C'est un facteur d'intégration sociale 40 0 20 40 0 Il est un devoir coutumier indispensable 22,2 11,1 11,1 22,2 33,3 C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique 10 40 30 10 10 TOTAL 34 24 20 14 8 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 5 : Schématisation de la perception négative du Grand mariage en fonction de l’âge

Conception du Anda x AGE : C'est le diplôme des illetrés

14,3% 21 à 30 31 à 40 51 à 60 41 à 50 61 et plus

14,3% 42,9%

28,6%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Ici la modalité la plus négative considérée est le « Grand mariage est le diplôme des illettrés ». Pour ce qui est du rapport avec l’âge, on relève que plus on monte en âge, moins on a une perception négative du phénomène. Ainsi, dans le tableau et la figure ci-dessus, on remarque que ce sont surtout les moins de 30 ans qui perçoivent le Grand mariage très négativement (42,9%), tandis que la tranche d’âge 31-40 pense que c’est une institution de

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régulation sociale, culturelle et politique. A propos de ce point de vue des jeunes (moins de 30 ans), il apparait fort clairement l’opposition de la plupart d’entre eux à ce phénomène qu’ils jugent trop onéreux et sans signification dans le monde d’aujourd’hui.

I.4. Représentation du Grand mariage en fonction du niveau d’études

Tableau 9 : Conception du Grand mariage en fonction du niveau d’études Conception du Anda/ Niveau Sans Lycée Bacc Maîtrise/M I Master II et d'etudes plus C'est le diplôme des illettrés 0 14,3 14,3 57,1 14,3 Une institution dépourvue de sens 25 12,5 12,5 37,5 12,5 C'est un gaspillage monétaire 0 33,3 16,7 50 0 Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 20 20 20 40 0 C'est un facteur d'intégration sociale 40 0 40 20 0 Il est un devoir coutumier indispensable 55,6 11,1 33,3 0 0 C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique 20 0 10 10 60 TOTAL 24 12 20 28 16 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 6 : Schématisation de la perception par rapport au niveau d’études Maîtrise/MI

Conception du Anda x NIVEAU D'ETUDES : Maîtrise/Master I

7,1% C'est le diplôme des illetrés 7,1% Une institution dépourvue de sens 28,6% C'est un gaspillage monétaire Il est un moyen de gravir les échelons sociaux C'est un facteur d'intégration sociale Il est un devoir coutumier indispensable 14,3% C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique

21,4% 21,4%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Ici, le niveau considéré est le « Maîtrise/MI) pour la raison qu’il est beaucoup plus homogène pour l’aspect négatif du Grand mariage. A travers ces présentations, on observe que ceux qui n’ont pas bénéficié d’une instruction trouvent le Anda comme une obligation coutumière qu’il faut donc suivre et respecter en tant que tel. Par contre, ceux qui ont

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atteint le niveau Maîtrise ou Master I désapprouvent complètement sa pratique. Pendant que ceux qu’on peut considérer comme très intellectuels le jugent nécessaire pour la paix et l’ordre social. Par analogie, on peut faire une similitude entre ces constats et ceux liés à l’âge. En effet, on en déduit que la plupart des enquêtés de niveau Maîtrise/MI se retrouvent dans la catégorie d’âge 21-30, alors que ceux de niveau Masters II et plus dépassent en général la trentaine. De ce fait, on peut dire que ces deux caractéristiques à savoir l’âge et le niveau d’études présentent des similitudes sur la perception du Grand mariage.

I.5. Représentation du Grand Mariage selon la catégorie socioprofessionnelle

Tableau 10 : Conception du Grand mariage en fonction de la Catégorie Socioprofessionnelle

Conception du Anda/CSP Ouvrier Cadre moyen Cadre supérieur Inactif C'est le diplôme des illettrés 28,6 28,6 42,9 0 Une institution dépourvue de sens 25 12,5 25 37,5 C'est un gaspillage monétaire 16,7 16,7 16,7 50 Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 40 20 20 20 C'est un facteur d'intégration sociale 20 20 20 40 Il est un devoir coutumier indispensable 11,1 11,1 0 77,8 C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique 10 30 40 20 TOTAL 20 20 24 36 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 7 : Schématisation de la perception du Grand mariage de la part des cadres supérieurs

Conception du Anda x CSP : Cadre supérieur

C'est le diplôme des illetrés 25,0% Une institution dépourvue de sens 33,3% C'est un gaspillage monétaire Il est un moyen de gravir les échelons sociaux C'est un facteur d'intégration sociale Il est un devoir coutumier indispensable C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique

16,7% 8,3%

8,3% 8,3%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

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A propos de la catégorie socioprofessionnelle ou CSP, le tableau ci-dessus relate deux observations majeures qui ne sont pas moins paradoxales. La première concerne les inactifs qui pensent que le Grand mariage est un devoir coutumier indispensable. Le fait qu’un individu sans revenu stable, étant inactif parce qu’il est retraité ou chômeur, soutienne une telle coutume qui nécessite autant de moyens financiers pour se faire parait contradictoire. Toutefois, cela n’est pas si paradoxal qu’il parait dans la mesure où ce rite n’exige pas que l’on soit fortuné pour l’accomplir. C’est une réalisation qui concerne et implique toute une famille, voire toute une communauté. C’est un phénomène d’échange, de contribution, de solidarité derrière un couple et des familles ; ce qui fait que parfois, la part des mariés peut être infime. La seconde, constatée aussi dans le même tableau et mieux représentée par la figure ci-dessus, est que les cadres supérieurs postulent que le Grand mariage a un rôle primordial dans la stabilité sociopolitique.

I.6. Représentation du Grand mariage en fonction du statut social

Tableau 11 : Conception du Grand mariage en fonction du statut social

Conception du Anda/ statut social Motrwa Mdji Mna Mdji Mdru Mdzima Mfoma Mdji TOTAL C'est le diplôme des illettrés 16,7 18,8 12,5 8,3 14 Une institution dépourvue de sens 33,3 18,8 18,8 0 16 C'est un gaspillage monétaire 33,3 18,8 6,3 0 12 Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 0 18,8 12,5 0 10 C'est un facteur d'intégration sociale 16,7 6,3 12,5 8,3 10 Il est un devoir coutumier indispensable 0 12,5 18,8 33,3 18 C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique 0 6,3 18,8 50 20 TOTAL 100 100 100 100 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013 Il est maintenant question de savoir ce que les individus adoptent comme définition du phénomène selon le statut social acquis dans la structure de leur communauté d’appartenance. Dans ce cas, il en ressort deux constations dominantes : l’une se dirige vers la classe des Wana Mdji (pluriel de Mna Mdji ) ou jeunes du village. Pour définir en quelques termes cette classe, on peut considérer qu’elle constitue une entrée officielle dans ce système social appelé Anda . C’est la base sur laquelle l’individu commence à assimiler ce long processus et intégrer ses paires dans le système. Ainsi, tous ceux qui adhèrent au

50 système et aspirent à réaliser un jour le Grand mariage doivent « accéder »8 d’abord à la base, donc à cette classe. Ce qui rend dubitatif les réponses fournies par la plupart de ces jeunes. On constate en effet que 56,4% (18,8 x 3 = 56,4%) d’entre eux ne sont pas d’accord avec la pratique de cette institution, pendant que seulement 18,8% sont neutres (c.-à-d. trouvent qu’il est juste un moyen de gravir les échelons). Ceci mène à penser qu’ils adhèrent au système sans conviction (formalisme : suivre les amis etc.) ou sous la pression familiale. Il faut préciser ici cette pression familiale sur l’individu. Dans ce système hiérarchisé et patriarcal 9, les aînés (parents : oncles maternels surtout) décident de l’avenir réservé aux cadets et il leur revient de décider à quel moment précis l’enfant doit passer de Mtro wa Mdji (enfant du village) à Mna Mdji (jeune du village). L’autre observation concerne les Mfoma Mdji qui pensent plutôt que le Grand mariage est utile dans la régulation sociopolitique et culturelle. Cela ne fait que confirmer les précédentes observations selon lesquelles plus on avance notamment en âge et en CSP, et plus on approuve le Grand mariage. Aussi, c’est dans l’ordre des choses que ceux qui ont reçu cet héritage socioculturel et tout accompli depuis leur jeunesse jusqu’à leur vieillesse et qui soient tenus de le transmettre aux générations futures, défendent le système avec ferveur. Ce que témoigne la figure ci-dessous.

Figure 8 : Schématisation de la perception positive du Grand mariage par les notables

Conception du Anda x statut social : Mfoma Mdji

8,3% C'est le diplôme des illetrés 8,3% Une institution dépourvue de sens C'est un gaspillage monétaire Il est un moyen de gravir les échelons sociaux 50,0% C'est un facteur d'intégration sociale Il est un devoir coutumier indispensable C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique

33,3%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

8 L’accession à la classe des Wana Mdji elle-même constitue une étape du processus en ce sens qu’elle doit se faire moyennant l’octroi d’une chèvre ou d’une somme d’argent. 9 L’organisation sociale (la famille) et politique (la cité) revient aux hommes. Tandis que la parenté est matrilinéaire. 51

I.7. Représentation du Grand mariage en fonction du revenu des interviewés Tableau 12 : Conception du Grand mariage en fonction du revenu Conception du ]- [25.000- [75.000- [125.000- [175.000 et autre Anda/Revenu 25.OOOfc] 75.000] 125.000] 175.000] plus[ C'est le diplôme des 14,3 42,9 28,6 0 14,3 0 illetrés Une institution 50 12,5 12,5 0 12,5 12,50 dépourvue de sens C'est un gaspillage 66,7 17 16,7 0 0 0 monétaire Il est un moyen de 20 20 0 20 0 40 gravir les échelons sociaux C'est un facteur 40 20 0 20 0 20 d'intégration sociale Il est un devoir 33 22,2 0 0 0 44,4 coutumier indispensable C'est une institution 10 20 10 10 30 20 régulatrice TOTAL 32 22 10 6 10 20 100% Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 9 : Schématisation de la conception du Grand mariage en fonction du revenu

Revenu x Conception du Anda

16 ]-25.OOOfc] 11 [25.000-75.000] 5 [75.000-125.000] 3 [125.000-175.000] 5 [175.000 et plus[ 10 autre C'est le diplôme des illetrés Une institution dépourvue de sens C'est un gaspillage monétaire Il est un moyen de gravir les échelons sociaux C'est un facteur d'intégration sociale Il est un devoir coutumier indispensable C'est une institution régulatrice du social, culturel, politique

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Les données ci-dessus exposent que ceux qui perçoivent moins ou pas de revenu mensuel trouvent naturellement qu’il s’agit d’un rite de gaspillage monétaire (66,7%). Pendant que ceux « autres » incluant les notables eux-mêmes, les vieux et les non réponses, bref ceux qui n’arrivent pas à comptabiliser leur revenu ou qui n’en ont pas, jugent qu’il est difficile de se passer de ce phénomène étant un devoir coutumier.

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II. L’intérêt du Grand mariage

Le Grand mariage suscite beaucoup d’interrogation quant à son intérêt aussi bien pour le couple qui s’unit et leurs familles que pour la communauté. S’il y en a qui pense qu’il est bénéfique, la plupart trouve bon gré mal gré qu’il est insensé de cumuler une fortune, voire même de s’endetter au nom de « l’honneur ». D’après les enquêtes, nombreux sont ceux qui pensent que le Grand mariage est devenu un luxe dont beaucoup n’arrivent pas à s’offrir sous peine de s’endetter. En ce sens qu’il est de plus en plus coûteux, tant en argent qu’en or, habits et autres. Mais, il n’empêche que les familles cherchent tous les moyens pour le réaliser au bénéfice de leur fils ou fille afin qu’il (elle) devienne comme ses paires, quelqu’un de considérable dans la société.

II.1. L’intérêt du Grand mariage dans l’ensemble

Les informations suivantes donnent un aperçu global des réponses fournies par les enquêtés par rapport à l’intérêt de réaliser le rite du Grand mariage.

Tableau 13 : Intérêt du Grand mariage

Intérêt du Anda Effectif Fréquence % Bénéficier de l'estime 4 8 Satisfaction familiale 14 28 Avoir le droit à la parole sur la place publique 9 18 Passage d'un statut à l'autre 10 20 Aucun 5 10 Rapport social marchand 8 16 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 10 : Schématisation de l’intérêt du Grand mariage selon les enquêtés

Intérêt du anda

Bénéficier de l'estime 8,0% Satisfaction familiale 28,0% Avoir le droit à la parole sur la place publique 18,0% Passage d'un statut à l'autre 20,0% Aucun 10,0% Rapport social marchand 16,0%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

53

En effet, pour le Grand-Comorien, ne pas réaliser le Grand mariage est un échec dans la vie (raté) 10 mais surtout une honte pour la famille. Il faut rappeler au passage l’influence de la famille sur ce rite. La tradition mais aussi la religion veulent que la famille de la mariée choisisse le futur mari longtemps avant le jour du mariage. C’est la famille qui s’occupe de la construction de la maison des futurs mariés, des habits du futur mari et de la plupart des charges des cérémonies. Ce qui, de nos jours, demande des sommes colossales et rendent les enfants de plus en plus dépendants de leurs parents et familles. Cela est pareil aussi pour le mari qui, pauvre ou aisé, attend toujours un grand concours de la famille pour rassembler la dot, l’or et l’argent nécessaires. Ainsi, comme le montre le tableau et figure précédents, sur les six (6) modalités de réponse, 28% des enquêtés ont répondu que c’est pour satisfaire leurs familles qu’ils l’ont réalisé ou le réaliseront. Sur ce cas, il conviendra de faire le rapport entre l’intérêt du Grand mariage et l’âge, d’une part, puis le sexe, d’autre part afin de voir le point de vue des jeunes et des femmes par rapport à cette question d’intérêt. Par contre, 20% postulent plutôt que c’est dans le but de passer d’un statut à l’autre, c'est-à-dire de gravir les échelons sociaux. En troisième position, il convient de souligner l’intérêt que l’on peut qualifier de politique à savoir le droit de l’individu à prendre part au débat public. En effet, 18% des individus questionnés trouvent que le Grand mariage sert à pouvoir participer aux débats et décisions communautaires. Cependant, si peu d’entre les interviewés (8%) pensent qu’il s’agit de gagner un certain estime de la part des membres de la société, un grand nombre, près du double de ces derniers (16%) croient qu’il est une opportunité de marchandisation des rapports sociaux. Ce qui peut être interprété comme une sorte de corruption mais qui, dans le système traditionnel ou grand-comorien, et légitimée par le respect de la hiérarchie.

10 Voire Titre III ci-après 54

II.2. L’intérêt du Grand mariage suivant le sexe Tableau 14 : L’intérêt du Grand mariage en fonction du sexe.

Intérêt du anda/SEXE Homme % Femme % TOTAL % Bénéficier de l'estime 6 2 8 Satisfaction familiale 12 16 28 Avoir le droit à la parole sur la place publique 12 6 18 Passage d'un statut à l'autre 16 4 20 Aucun 4 6 10 Rapport social marchand 10 6 16 TOTAL 60% 40% 100% Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 11 : Schématisation analytique de l’intérêt du Grand mariage en fonction du sexe

Intérêt du anda x SEXE

57,1% 80,0%

42,9% 66,7%

62,5%

75,0% 33,3% 60,0% 37,5%

20,0% 40,0%

25,0%

Bénéficier de Satisfaction Avoir le droit à Passage d'un Aucun Rapport social l'estime familiale la parole sur la statut à l'autre marchand place publique

Homme Femme

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Comme il est dit plus haut, il existe une disparité de vue entre les hommes et les femmes concernant cette question de l’intérêt du Grand mariage. Sur 28% d’individus qui pensent que le Grand mariage n’a de rôle que la satisfaction des familles sur leur besoin de sauvegarder l’honneur et leur rang social, il se trouve que 16% sont des femmes contre seulement 12% des hommes. En faisant l’analyse par modalité pour les deux sexes, on constate à partir de la figure ci-haut que cela revient à 57,1% de femmes contre 42,9%. Ce point de vue des femmes pourrait se traduire par le statut de femme dans la société. En effet, le système parental comorien, en général, et grand-comorien, en particulier, est matrilinéaire, ce qui implique que la lignée vient et se poursuit du côté maternel et ce malgré la tradition musulmane qui veut qu’il soit patrilinéaire. Ainsi, un enfant continue de

55 porter le nom de son père tout en suivant les traits, valeurs et héritage de sa famille maternelle. C’est une des raisons pour lesquelles la femme, notamment la fille aînée, subit souvent une forte pression de la part de toute la famille quant à sa conduite, son éducation etc. afin qu’elle soit une « meilleure »11 femme et une bonne épouse ; étant le vecteur du prolongement de la descendance. De ce fait, il est compréhensible que les femmes penchent plutôt pour la « satisfaction de la famille » comme intérêt du Grand mariage plus que les hommes qui, eux, ne sont soumis qu’à de très faibles contraintes familiales. Par conséquent, ces derniers optent pour le passage d’un statut à l’autre, c'est-à-dire qu’ils s’accordent que le Grand mariage est un tremplin qui propulse l’individu d’une classe à l’autre (16/20% contre 4/20% pour les femmes). Ce qui équivaut à 80% d’hommes contre 20% de femmes. L’autre observation que l’on peut retenir des résultats ci-dessus est que les femmes croient, trois fois moins que les hommes que le rite du Grand mariage aide à bénéficier d’un certain estime de la part de la société (respectivement 2/8% contre 6/8% qui équivaut à 75% contre 25%).

II.3. L’intérêt du Grand mariage d’après les différentes catégories d’âge

Tableau 15 : L’intérêt du Grand mariage en fonction de l’âge.

Intérêt du anda/Age 21 à 30 31 à 40 41 à 50 51 à 60 61 et plus Bénéficier de l'estime 75 25 0 0 0 Satisfaction familiale 42,9 21,4 14,3 14,3 7,1 Avoir le droit à la parole sur la place publique 33,3 22,2 33,3 11,1 0 Passage d'un statut à l'autre 20 20 30 20 10 Aucun 40 20 20 0 20 Rapport social marchand 12,5 37,5 12,5 25 12,5 TOTAL 34 24 20 14 8 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

11 La femme grand-comorienne représente l’honneur d’une famille et son comportement, notamment envers ses parents, est beaucoup plus observée par la société car il véhicule l’image de cette famille. D’où le non-respect du choix de la famille sur son mari ou le refus d’accomplir le Anda peut suffire comme signe de mauvaise éducation et donc de déshonneur pour la famille. 56

Figure 12 : Schématisation analytique de l’intérêt du Grand mariage selon l’âge

Intérêt du anda x AGE

42,9%

75,0% 21,4% 33,3% 33,3% 30,0% 37,5%

14,3%14,3% 22,2% 20,0%20,0% 20,0% 40,0% 25,0%

25,0% 7,1% 11,1% 10,0% 20,0%20,0% 20,0%12,5% 12,5% 12,5%

Bénéficier de Satisfaction Avoir le droit à Passage d'un Aucun Rapport social l'estime familiale la parole sur la statut à l'autre marchand place publique

21 à 30 31 à 40 41 à 50 51 à 60 61 et plus

Source : enquête personnelle : novembre 2013

L’âge est révélateur pour ce qui est de l’enquête, en général et pour ce qui est de l’intérêt du Grand mariage, en particulier. L’on remarque que « 21-30 » est non seulement la tranche d’âge qui représente le plus d’enquêtés, étant celle regroupant aussi bien les Wana Mdji (ceux qui s’apprêtent à embrasser ce rite) que le niveau d’études Maîtrise ou Master I (donc jeunes cadres), mais aussi elle est celle qui présente une tendance élevée de ceux qui soutiennent qu’il est une institution tournée vers la satisfaction familiale. On observe ainsi que 42,9% d’enquêtés de cette tranche soutiennent cette hypothèse. Tandis que les autres tranches d’âge sont très partagées sur cette question et se rapprochent plus ou moins. Ceci démontre que le facteur famille reste largement déterminant dans la réalisation du Grand mariage tant pour les femmes que pour les jeunes. Ce qui résulte de la dépendance de ces deux catégories de population de leurs familles par rapport à ce phénomène.

III. La place des déviants au Grand mariage dans la société

Dans la société grand-comorienne il est dans la logique des choses (socialement) qu’un individu que l’on juge en mesure de satisfaire les normes sociales en réalisant son Grand mariage, soit observé par toute la communauté et attendu à son tournant. De ce fait, le cadre, le commerçant, le trentenaire ou quadragénaire, sont tous suivis et observés de part leur parcours non pas professionnel mais principalement coutumier. En effet, la communauté a tendance à se demander quelle est sa philosophie par rapport au Anda . Est-

57 t-il contre, pour ou simplement désintéressé de la question. Cependant, comme il est signalé précédemment, généralement nul n’est besoin de demander ce qu’il en est de son point de vue sur la question, étant donné qu’une fois que l’on atteint la vingtaine et parfois moins, on s’attend à ce qu’il soit intégré dans la classe des Wana Mdji . A défaut, ses paires ainsi que la communauté peuvent déjà s’interroger sur son cas. De ce fait, plusieurs interprétations peuvent en découler par la suite. D’après les entretiens avec certains intellectuels, la plupart de ces gens (déviants) se plient à cet impératif souvent vers la cinquantaine voire la soixantaine. Cela montre que le poids du jugement et de la considération de la société sur l’individu n’est pas négligeable. Cette contrainte morale peut ainsi « socialiser » l’individu jusqu’à un âge très avancé de sa vie. Néanmoins, actuellement beaucoup de personnes, notamment des jeunes intellectuels, osent enfreindre la règle et passent outre les normes établies. Il importe donc de se demander comment ces derniers sont-ils considérés dans la société et par la société ? Sont-ils intégrés, méprisés ou restent-ils égaux à eux-mêmes ? C’est de ces questions que l’on a obtenu les tendances ci-après.

Tableau 16 : La place des déviants au Grand mariage dans la société

Le statut social des déviants Effectif Fréquence % 30 Marginalisé 15 Opinions très Mal vu 12 24 négatives Raté 14 28 Aucun 3 6 Egal à soi-même 6 12 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 13 : Schématisation du statut des déviants au Grand mariage

Le statut social des anti-Anda 30,0% 28,0% 30,0%

24,0%

12,0%

6,0% 6,0%

Marginalisé Mal vue Raté Aucun Egal à soi-même

Source : enquête personnelle : novembre 2013

58

Il apparait sur ces tendances une nette prédominance de l’ensemble de réponses très négatives à la question, à savoir « Marginalisé » 30%, suivie de « Raté » 28% puis de « Mal vu » 24%. Ainsi, sur 100% des enquêtés l’on note que 82% pensent que ne pas accomplir le Grand mariage est considéré comme un échec social et inflige une mauvaise réputation à l’individu. Il n’est pas à démontrer les conséquences que cela peut avoir sur la conscience de ce dernier ainsi que sur sa famille. On remarque dans l’autre sens que seulement 18% (12% + 6% ) trouve que la non réalisation de ce rite n’influe en rien sur la personnalité, la place et la participation au groupe de l’individu ne l’ayant pas réalisé, ni l’intention de le faire.

59

Chapitre V : La relation Grand mariage-politique

Pour nous, une des hypothèses de cette recherche a été que le Grand mariage a une certaine influence sinon une influence certaine sur le politique aux Comores, en général et particulièrement en Grande-Comore. Ce rapport ou cette relation que l’on peut qualifier d’intime ou de latente se caractérise par une réciprocité mêlant solidarité, voire complicité entre ces deux phénomènes. Solidarité dans la mesure où le politique légitime le notable sans qui il ne peut asseoir son autorité et sa notoriété sur un village ou un groupe d’individus donné. Inversement, le notable déploie ses moyens, notamment charismatiques et autoritaires sur un territoire et un groupe d’individus donnés à la faveur du politique à travers lequel il reçoit compensation de toute sorte. Complicité dans le sens où les autorités politiques et les notables se trouvent dans « l’obligation » de coopérer sur nombreux points saillants de la société. Raison pour laquelle, nous l’avons déjà brièvement montré précédemment, un conseil des notables informel existe et agit sur le pouvoir politique et en collaboration avec lui au su et au vu de tout le monde.

I. L’intérêt des enquêtés pour la politique

Dans cette rubrique il s’agit de préciser l’intérêt ou non des gens pour la politique. Il est utile d’indiquer qu’il n’était nullement question de savoir si l’individu s’implique ou milite pour une cause politique précise ou non, mais plutôt de situer le taux d’observation des gens de la vie et l’actualité politiques quotidiennes aussi bien de leurs localités respectives que celles du pays, en général et en mesure de fournir un avis sur la question, par conséquent. Des résultats obtenus sur cette question dépendent essentiellement l’objectivité et l’importance des avis fournis sur les autres volets. Ainsi, on constate qu’effectivement la plupart des enquêtés sont des individus en mesure d’observer l’actualité, c'est-à-dire loin d’être indifférents des affaires publiques leur concernant. Il en ressort que la majorité d’entre eux sont à jour de ce qui se passe dans le domaine politique local et national.

60

Tableau 17 : Intérêt des enquêtés pour la politique

Intérêt pour la politique Effectif Fréquence % intéressé 26 52 désintéressé 24 48 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

52% des personnes enquêtées affirment être intéressées par l’actualité politique et la suivent de près, contre 48% qui en sont indifférentes. Faisant une projection à partir de ce tableau, l’on peut en déduire que la majorité de la population grand-comorienne est avisée de la vie politique. La plupart ont d’ailleurs révélé plusieurs faits politiques locaux qui sortent plus ou moins de l’ordinaire. C’est le cas, à titre d’exemple, de la désignation des équipes prétendantes aux Délégations Spéciales de la Grande-Comore qui, selon certains d’entre eux, ont été désignées dans le flou total sur le dos des populations. D’après eux, ces personnalités devaient faire consensus de la part des populations à travers leurs représentants avant que les listes parviennent au Gouverneur de l’île pour nomination. Ce qui ne fût le cas que pour peu de localités. D’autres dénoncent le fait que des notables d’un certain âge dont leur temps est révolu s’éternisent à la direction des affaires communautaires, voire même nationales au détriment des jeunes intellectuels qui ne sont autres que leurs propres enfants. Ces commentaires recueillis, parfois auprès de vieilles personnes, démontrent l’attention particulière que les populations portent à leur politique locale et nationale.

II. L’influence du notable sur le politique

Pour s’en tenir aux résultats de l’enquête, il apparait une influence non négligeable et reconnue du notable sur le politique. Ce qui nous amène à la présentation des résultats suivants qui font l’objet de ce chapitre.

Tableau 18 : L’influence du Grand mariage en l’occurrence du notable sur le politique

Influence du Anda sur le politique Effectif Fréquence % oui 34 68 non 16 32 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

61

Figure 14 : Schématisation de l’influence du notable sur le politique

Influence du anda sur le politique

oui 68,0% non 32,0%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Ces résultats font ressortir sans contraste une influence affirmée du notable sur la scène politique, selon ce que pensent les enquêtés. L’on note ainsi 68% contre 32% de personnes qui affirment la détermination du Grand mariage sur le fait politique. Sur ce volet, plusieurs explications peuvent corroborer ces résultats. En effet, pendant nos observations et autres entretiens hors questionnaires, l’on a constaté et su que le notable jouit de grands privilèges qui dépassent même le cadre de l’imaginable à tel point qu’un terme y est rattaché. A titre d’exemple, lorsqu’un étudiant vient de terminer ses études et n’obtient pas d’emploi, on a tendance à lui dire qu’il lui faut un kotri 12 (piston) pour en obtenir un. Ou encore quand un « enfant du village »13 a été pris en flagrant délit et est poursuivi par la justice, la notabilité villageoise se mobilise pour aller à sa rescousse. Là on dit aussi que cet individu a des Ma kotri 14 . « Il est très compliqué de travailler honnêtement dans ce pays, le notable s’ingère dans la vie politique, administrative et même judiciaire pour ses propres intérêts. Mais, le paradoxe c’est qu’il obtient toujours satisfaction malgré les dénonciations de toute part de ces pratiques, car si je lui refuse son vœux, c’est un ordre venant d’en haut qui le lui satisfera et je risque d’être mis à la touche», témoigne un magistrat au barreau de Moroni.

12 Le terme signifie costume dans son sens propre et fait référence, dans le langage grand comorien, à quelqu’un qui connait les coulisses du pouvoir ou qui a des proches parents au pouvoir. Le terme renvoi souvent aux notables. 13 Dans le langage local l’expression signifie un cadre du village ; il est appelé ainsi par sa communauté, lorsqu’il est coupable de corruption ou délit grave et que l’on doit agir en sa faveur pour qu’il soit blanchi. 14 Pluriel de Kotri. 62

III. Le Grand mariage source de popularité politique

Ci-dessous, on trouve qu’effectivement les enquêtés admettent que le Grand mariage constitue une source de prestige et de distinction des cadres politiques.

Tableau 19 : Prestige des politiciens à partir de leur Grand mariage.

Prestige à travers le anda Effectif Fréquence % Oui 35 70 Non 15 30 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 15 : Schématisation de la base du Grand mariage pour la popularité politique

Distinction à travers le anda

oui non

30,0%

70,0%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

L’on remarque que 70% des réponses, contre 30%, disent que le Grand mariage est un ascenseur, un tremplin qui propulse l’individu vers des sommets politiques, probablement envisagés à l’avance.

IV. La politique, un passage pour accomplir un Grand mariage extraordinaire

Tableau 20 : La réalisation du Grand mariage à partir de son statut politique

Prestige par la politique Effectif Fréquence % Oui 32 64 Non 18 36 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

63

Figure 16 : Schématisation de la réussite politique comme base de réussite sociale

Distinction par la politique

64,0%

36,0%

oui non

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Dans l’inverse du cas précédemment cité, le politicien grand-comorien peut être tenté d’exhiber sa fortune, ses relations et réseaux sociopolitiques à l’occasion de son Grand mariage dont la réussite tient particulièrement à la participation d’un monde hautement classé dans la hiérarchie politique et administrative du pays. Ce qui peut être exploité (politiquement) ultérieurement car cela constitue une démonstration d’intégration et de prestige. Les Grand-Comoriens ont, toutefois, tendance à assimiler ce cas à un détournement de deniers publics. En effet, si près de 64% d’enquêtés confirment que les cadres politiques cherchent à se distinguer par rapport à leur Grand mariage, contre 36% qui pensent le contraire, ils motivent leurs réponses par ce qui suit. La corruption est une épidémie qui gangrène le pays depuis son accession à l’indépendance et, d’après toujours les enquêtés, ce sont les politiciens qui en sont les principaux instigateurs. Un haut cadre politique de dire que « La plupart des cadres qui embrassent la politique le font moins par souci d’améliorer le quotidien de la population que pour réussir leur vie personnelle. Cela implique non seulement la construction de villas de haut standing, la possession de voitures de luxe mais aussi et surtout la réalisation d’un Grand mariage hors du commun ».

64

V. Le poids de la notabilité dans l’échiquier politique local

Dans une approche diachronique, il faut dire que les communes actuelles, constituent, dans une large mesure, le prolongement du système de pouvoir traditionnel en Grande-Comore. Comme il est souligné dans la première partie de ce travail, la décentralisation est le carrefour entre le système de pouvoir traditionnel et le système de pouvoir moderne, dans le sens où le pouvoir décentralisé implique bon gré mal gré une participation des couches sociales locales ; or celles-ci sont caractérisées par leurs propres modes de vie, de croyance et de pouvoir. Une fois que le pouvoir se rapproche de la base, il se rapproche des traditions, rites et coutumes ; bref de la réalité sociale. Pour survivre à cette réalité, le pouvoir doit s’y adapter et s’y confondre. Dans cette optique, on peut en déduire un certain prolongement du premier système vers le second et ainsi une continuité du mécanisme de fonctionnement, de gestion et de contrôle des affaires qui concernent la localité.

Tableau 21 : Le poids du notable sur le plan local Mesure du poids Effectif Fréquence % politique des notables 1 0 0 2 1 2 3 1 2 4 3 6 5 1 2 6 7 14 7 8 16 8 18 36 9 7 14 10 4 8 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

65

Figure 17 : Schématisation de la mesure du poids politique des notables au niveau des communes

Mesure du poids politique des notables

1 0,0% 2 2,0% 3 2,0% 4 6,0% 5 2,0% 6 14,0% 7 16,0% 8 36,0% 9 14,0% 10 8,0%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Sur ces données, il est présenté une échelle de 1 à 10 dans laquelle chaque enquêté devait donner le chiffre qu’il juge correspondre au poids de la notabilité sur la politique locale tant sur leur influence sur les autorités que sur leur participation directe à la vie politique. Il a été considéré que lorsque le chiffre est ≥ 5 cela signifie que les notables ont une influence considérable sur le fonctionnement politique de la localité s’ils ne sont pas eux-mêmes aux commandes. Notons que sur une échelle de 1 à 10, les seuls chiffres 7 et 8 obtiennent une majorité absolue de 52% d’individus qui pensent que les notables sont maîtres de la politique locale. Si on obtient une moyenne de 7,34/10 d’influence politique ou de commande directe des notables dans les localités, en cumulant les taux qu’ont obtenus les chiffres 5 à 10, on recueille le taux de 90%. Ce qui veut dire que 90% d’individus enquêtés pensent que l’influence des notables sur la sphère politique des localités est ≥ 5. En outre, 65% de ce taux trouvent pré-judicieux que les notables s’ingèrent dans les affaires des localités, contre 35% qui pensent que cela est avantageux. Par ailleurs, des investigations faites, il en découle que des 24 Délégations Spéciales nommées récemment pour expédier les affaires courantes des communes jusqu’aux élections municipales et communales, 22 ont à leur tête un notable (homme ou femme). Ce qui donne un taux de près de 92% de localités dirigées par un notable dans ce nouveau système. Aussi, d’après les informations recueillies, la plupart de ces nominations ont été politiquement calculées par le parti au pouvoir en Grande-Comore en prévision des élections à venir.

66

VI. Le poids politique des notables sur la scène nationale

La portée de l’influence et du pouvoir des notables ne se limite pas sur le plan des localités ou communes. Il a été déjà montré un aperçu de la complicité entre les autorités politiques et la notabilité sur les affaires nationales. Il importe donc de rappeler que cette complicité ou, en d’autres termes, la nécessité de légitimation du pouvoir politique par les tenants des pouvoirs locaux induit en conséquence l’élargissement et la légitimation de l’autorité de ces derniers, non seulement dans leurs localités mais aussi au niveau national. Sur ce volet, pareillement qu’au volet précédent, les enquêtés avaient à répondre à la question de savoir si les notables bénéficient d’une certaine notoriété politique sur le plan national à partir d’une échelle de 1 à 10. Ci-dessous les réponses fournies.

Tableau 22 : Le poids de la notabilité sur le plan national

Au niveau national Effectif Fréquence % 1 0 0 2 3 6 3 6 12 4 3 6 5 9 18 6 15 30 7 6 12 8 5 10 9 2 4 10 1 2 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 18 : Schéma portant sur le poids de la notabilité au niveau national

Au niveau national

30,0%

0,0%

1 2 3 4 5 6 7 8 910 Source : enquête personnelle : novembre 2013

67

Les taux relevés ci-dessus montrent également que les notables jouissent d’un poids politique sur la scène nationale. Moins élevée qu’au niveau des localités, l’influence de la notabilité est toutefois perceptible par la population à tel point qu’on obtient une moyenne de 5,62/10. Le taux total des réponses ≥ 5 est de 76%, ce qui prouve que les personnes ayant effectué leur Grand mariage ont toujours un « mot à dire » sur la scène politique nationale, pour se fier aux déclarations des enquêtés. Ces derniers jugent pré-judicieux, à 70%, cette implication des notables dans le champ de la politique. Tandis que 30% d’entre eux croit que cela a un avantage pour le bon fonctionnement de l’Etat.

VII. La compétence des notables dans la gestion des affaires publiques

Tout au long de ce travail, on s’est beaucoup penché à l’essai de compréhension de la corrélation existante entre le phénomène du Grand mariage (et sa résultante : la notabilité) et le politique. Il convient, à présent, de faire un éclairage sur l’approche compétence et expérience du notable par rapport au domaine politique. Dans le microcosme politique grand-comorien, faut-il le souligner, l’adéquation entre compétence ou expérience et fonction occupée ne constitue sans doute pas la préoccupation majeure des acteurs. Ainsi, devrait-on fonder la légitimité du système politique sur d’autres facteurs dont le traditionnel. Ceci dit qu’au-delà de chercher à comprendre et relater cette dualité culture-politique, il incombait d’inviter l’aspect bonne gouvernance et développement dans notre investigation. D’où l’on s’est toujours demandé quels apports les notables peuvent-ils contribuer dans le fonctionnement de la cité ? Disposent-ils, de nos jours, de l’aptitude intellectuelle pour songer présider à la destiné des citoyens ? Les réponses de ces derniers, les interviewés en tout cas, sont sans équivoque. Ci-dessous les détails.

Tableau 23 : La compétence des notables en matière de gestion des affaires publiques

Compétence des notables Effectif Fréquence % Oui 16 32 Non 34 68 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

68

Figure 19 : Schéma de la compétence des notables selon les enquêtés

Compétence des notables

oui 32,0%

non 68,0%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

Dans ces tendances on comprend mieux que la majorité des enquêtés n’approuve pas l’implication des notables dans les affaires politiques et publiques aussi bien locales que nationales. Près de 68% constatent en fait que la plupart des notables ne sont point en mesure ni de diriger la communauté, ni même de pouvoir apporter des propositions acceptables par rapport aux différents débats sociopolitiques. Néanmoins, on remarque pertinemment que 32% pense le contraire. En fait, l’on doit admettre dans ce sens qu’une poignée de notables ont bénéficié d’une instruction, voire même d’études universitaires complètes. Il est à souligner que les hauts responsables politiques en Grande-Comore, synonyme d’une certaine capacité intellectuelle, sont généralement des notables. Nous pouvons donc réaliser qu’être notable n’est pas forcément synonyme de non instruction et encore moins d’ignorance. Cependant, le terme a été bien choisi, une « poignée » de notables ; une majorité significative de ces derniers sont en effet des individus sans formation, ni instruction ; ce sont, pour la plupart, des agriculteurs, des pécheurs ou encore des ouvriers propulsés dans la sphère politique par la force d’adhésion des citoyens au rite du Grand mariage et respect de la hiérarchie et de l’ordre établi. Toutefois, il n’est pas à écarter que si une part importante de la population enquêtée constate l’inaptitude intellectuelle des notables, cela peut avoir plusieurs raisons dont l’âge et le niveau d’études des interviewés.

VII.1. La capacité intellectuelle des notables selon l’âge des interviewés

Tableau 24 : La compétence des notables en fonction de l’âge des enquêtés

AGE/Compétence des notables oui non Différence Non - Oui 21 à 30 31,30 35,30 4 31 à 40 18,80 26,50 7,7 41 à 50 12,50 24 11,5 51 à 60 18,80 11,80 -7 61 et plus 18,80 2,9 -15,9 TOTAL 100 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

69

En effet, sur ce tableau il est clair que ce sont surtout les jeunes de 21-30 ans (35,30%) qui disent que les notables ne disposent pas de compétence ni d’expérience en matière politique. Toutefois, on se rend compte aussi qu’ils représentent une nette majorité de ceux qui disent l’inverse (31,30%). Ainsi, en faisant la différence, on constate qu’en fin de compte ce sont plus les personnes âgées de 41-50 (11,5%) qui jugent les notables incompétents, suivies des individus âgés de 31-40 (7,7%) et enfin les 21-30 ans avec 4,4%. La courbe ici-bas récapitule pertinemment la tendance de ces différentes catégories d’âge par rapport à la réponse « Non » à la compétence des notables.

Figure 20 : Représentation de la réponse Non à la compétence des notables

Taux %

21-30 ans 31 -40 ans 41 -50 ans 51-60 ANS 61 et plus

Source : enquête personnelle : novembre 2013

On observe à travers cette courbe que c’est au niveau de l’âge 41-50 qu’on retrouve le sommet (11,5%), alors que le point le plus bas est au niveau des 61 ans et plus (-15,9). Pour interpréter cela, on peut dire qu’avant 41 ans et après 50 ans les gens ont tendance à croire en la capacité intellectuelle des notables. Ce qui l’est moins pour cette tranche d’âge 41-50. Il n’est pas à oublier que dans cet intervalle d’âge l’individu est supposé disposer d’une maturité suffisante et de toutes ses facultés mentales et intellectuelles et ainsi, il peut posséder une capacité indéniable de jugement.

70

VII.2. La capacité intellectuelle des notables selon le niveau d’études des enquêtés

Tableau 25 : La compétence des notables d’après le niveau d’études des enquêtés

Niveau d'études/Compétence des notables Oui Non Différence Non-Oui Sans 37,50 17,60 -19,9 Lycée 6,30 14,70 8,4 Bacc 18,80 21 2,2 Maîtrise/Master I 12,50 35,30 22,8 Master II et plus 25,00 11,80 -13,2 TOTAL 100 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Ce résultat révèle que les individus ayant un diplôme de Maîtrise/Master I sont beaucoup sceptiques concernant l’aptitude des notables (22,8%). Tandis que les non diplômés donnent une plus grande confiance à ces derniers (-19,9%), suivis de ceux qui ont un diplôme ≥ Master II (-13,2%). Ceci peut s’expliquer de deux manières : d’un côté, les personnes enquêtées ayant un diplôme ≥ 5 sont eux-mêmes des notables et d’un autre, la plupart des sans instruction sont des individus qui disposent de moins de capacité de jugement, et qui peuvent donc donner une confiance que l’on peut dire « aveugle ».

VIII. La présence et l’implication des notables dans la vie politique et leur contribution au développement national et local

Toute étude vise un but précis, celui de la nôtre se situe dans le contenu des résultats obtenus dans cette rubrique. Il s’agit non seulement de saisir l’influence du culturel sur le politique et inversement mais aussi, et à partir de cette compréhension, de mesurer l’apport de la classe notabiliaire dans l’épanouissement et le développement des populations. En observant les coutumes grand-comoriennes et en scrutant l’actualité politique locale, il ne serait pas logique que le chercheur ne se demande pas l’apport, non du Grand mariage proprement dit, mais de ce qu’il accouche à savoir le notable, pour le développement. C’est la raison pour laquelle nous avons accordé une attention particulière à ce que pense la population par rapport à la part de la notabilité dans le développement, aussi bien local que national. La question essentielle a été : dans une perspective de paix sociale, de stabilité et ensuite de développement, le Grand mariage et par ricochet la notabilité en Grande-Comore contribue-t-il à l’épanouissement des communes, en particulier et de l’Etat, en général ou non ? Ce qui a amené les enquêtés à répondre par un

71 oui ou un non tout en complétant leur réponse, dans le cas négatif, par une proposition pour palier cela. D’ailleurs, certaines des perspectives que nous allons présenter vers la fin de ce travail tiennent compte de ces propositions des enquêtés. Le tableau et la figure suivants nous présentent les avis des enquêtés sur la question.

Tableau 26 : La contribution des notables au développement national et local

Contribution au développement Effectif Fréquence % oui 16 32 non 34 68 TOTAL 50 100 Source : enquête personnelle : novembre 2013

Figure 21 : Schéma de la contribution des notables au développement

Contribution au développement

oui

32,0% non

68,0%

Source : enquête personnelle : novembre 2013

On aperçoit, à travers ces présentations, que 68% de la population interrogée réponde par le négatif quant à la contribution des notables au développement et du pays et des communes. 32% seulement trouve qu’ils apportent ou peuvent apporter une pierre à l’édifice de l’amélioration des conditions de vie de la population. La plupart d’entre les enquêtés pensent que sans approche par compétence et non par statut social, aucun développement n’est possible. Certains parmi eux ont même ajouté qu’au niveau des différentes communes de la Grande-Comore, la mainmise des notables sur les affaires constitue un handicap de taille et freine ainsi le développement des localités. Nous pouvons ainsi formuler notre interprétation à partir du fait que la population comorienne est jeune avec 56% de moins de 20 ans.

72

TTTroisiTroisi ème partie : DISCUSSIONDISCUSSION,,,, BILAN ET PERSPECTIVEPERSPECTIVESSSS

Chapitre VI : La dichotomie culture-politique

I. Récapitulatif des résultats pertinents des travaux sur terrain

Avant de faire une analyse sur l’influence du culturel sur le politique et réciproquement, il est utile de rappeler brièvement les principaux résultats obtenus, présentés et commentés ci-dessus. D’abord, on retient que la majorité de la population enquêtée approuve l’institution du Grand mariage en tant que telle, 48% pour et 42% contre, et ce quand bien même elle constate et dénonce ses méfaits politiques à savoir l’ingérence des notables dans les affaires publiques et politiques. En effet, on a noté, d’une part une moyenne de 7,34/10 d’influence politique ou de commande directe des notables dans les localités, avec 90% d’individus pensant que cette influence dépasse 5/10. D’autre part, une moyenne de 5,62/10 de poids politique au niveau national avec un taux des réponses ≥ 5 de 76%. Dans ce sens, l’on a relevé que près de 70% d’individus contre 30%, disent que le Grand mariage est un ascenseur, un tremplin qui propulse l’individu vers des sommets politiques, et en même temps 68% observent que la plupart des notables sont intellectuellement inaptes à apporter des propositions adéquates aux différents débats sociopolitiques du moment et encore moins à diriger la communauté. Enfin, un taux de 68% de la population interrogée trouve que les notables apportent peu ou prou sur le développement et du pays, en général et des communes, en particulier.

II. L’emboitement culture-politique dans le réel sociopolitique

En dépit du fait que la sociologie politique soit une science complexe, et bien que les sociologues se soient divergés sur son objet, nous nous sommes focalisés, dans cette recherche, sur l’étude des « phénomènes sociaux » liés au pouvoir. Dans cette optique, le sociologue se donne pour ambition de trouver non seulement des explications sur les modes et motivations d’acquérir le pouvoir et de l’exercer mais aussi sur les différents acteurs politiques ainsi que leurs influences sur la politique, en général. L’approche sociologique des acteurs politiques diffère de la méthode d’analyse de la science politique car elle s’intéresse aux caractéristiques sociaux des individus et groupes qui interviennent dans la politique. « L’institution ne vaudra que par l’action de ceux qui l’incarnent. Dans le même temps, ces derniers situent leur action dans un certain contexte dont il convient de

73 connaitre les caractéristiques principales. La société globale, par ses techniques et par sa culture, influence en effet la vie politique ». Encyclopédie de Sociologie, (1970). C’est ici où se joignent culture et politique dans la mesure où les individus et groupes impliqués ou non dans la politique intériorisent des croyances, valeurs, normes et pratiques qui en font leur culture. C’est deux domaines se trouvent ainsi fidèlement et intimement liés, non pas en théorie, mais dans la pratique quotidienne de la politique, étant donné que la politique et le politique tout comme la culture doivent avoir comme objectif premier d’instaurer un climat apaisé entre les membres d’un groupe social donné : Etat, région, collectivité, village ou association. Dans notre travail on se propose non pas de faire une analyse du centre d’intérêt du sociologue politique – dans ce cas il conviendrait de nous limiter aux formes et mécanismes du pouvoir – mais d’aller un peu plus loin en essayant de traduire les faits sociaux empiriques. C'est-à-dire de chercher dans les fonctions, dont celle du statut acquis à partir de la réalisation d’un certain nombre de rites culturels, et les structures sociales du groupe le déterminant d’acquisition de pouvoir ou d’influence politique.

II.1. Le culturel en tant que déterminant politique

D’entrée de jeu, il convient de rappeler deux phénomènes pertinents ; l’un concerne la notoriété et le prestige politique que peut requérir le politicien à travers le Grand mariage, et l’autre la dimension politique du notable sur les scènes politiques nationale et locale. On ne saurait sous-estimer ces facteurs. Il faut considérer qu’ils agissent sur le groupe et provoquent un effet considérable sur celui-ci. Ainsi, est-il évident que l’on se demande pourquoi et comment a lieu ce mécanisme ? Avant d’apporter quelques éléments de réflexion sur ce point, rappelons le statut social des chefs d’Etat comoriens, et la fonction de notable dans la structure politique du pays. La personnalité d’un chef d’Etat attire forcément l’attention de son peuple notamment pour ce qu’il en est de son respect vis-à-vis des normes et valeurs. Ainsi, il en résulte que le peuple attend souvent de leur dirigeant suprême qu’il soit l’incarnation même de ces normes et valeurs. Dans le système du pouvoir traditionnel, le roi est même sacralisé. De nos jours, le pouvoir est désacralisé, mais toujours est-il qu’une importance capitale et un regard vigilant sont attachés à la personne du chef. Les Comores ont connu depuis l’autonomie interne jusqu’à ce jours, c'est-à-dire avant et après l’indépendance, douze dirigeants au sommet de l’Etat. Il y en eut deux avant l’indépendance et dix après,

74 les intérimaires compris. De ces douze personnalités, six sont issus de la Grande-Comore et les six autres proviennent des îles d’Anjouan (5) et Mohéli (1). Dans l’ensemble, neuf d’entre eux ont été des « hommes accomplis » et les 3 autres, des individus « ordinaires » selon le langage du Anda . Sur les six chefs d’Etat issus de la Grande-Comore, quatre ont été des notables dans l’exercice de leur fonction et deux ne l’ont pas été. Ce qui capte évidemment l’attention du curieux sur la nécessité normative du haut dirigeant comorien. Aussi, il est opportun d’évoquer la fonction plus ou moins assignée des notables sur la sphère politique. D’abord, dans presque toutes les manifestations publiques, aussi bien politiques qu’étatiques, la dernière prise de parole est réservée à un notable reconnu par ses talents d’orateur et désigné en fonction et de sa descendance 15 et de son charisme, mais aussi de son soutien au pouvoir en place. L’orateur désigné a toujours pour mission de parler au nom de ses pairs notables afin de légitimer l’action du pouvoir ou du parti politique et ainsi donner leur bénédiction ; ce qui peut suffire pour valider le bienfondé de la manifestation auprès des réticents. Cette bénédiction reste l’objectif visé par les organisateurs de la manifestation en question. Cette prise de parole semble incluse dans le protocole national. En outre, toute initiative du gouvernement ou d’un parti politique doit obtenir l’aval de la notabilité. Ce qui explique qu’avant de prendre une décision majeure d’envergure nationale, cette dernière se voit invitée officiellement par les gouvernants (souvent en premier) pour être mise au courant de l’initiative. Concernant une décision d’ordre régional ou communautaire c’est la notabilité du milieu concerné qui est invitée. Dans le cas inverse, l’initiative peut se heurter à son opposition et échouer par voie de conséquence. Il est ainsi difficile de dénombrer les réceptions réservées à la notabilité par les instances étatiques tant nationales qu’insulaires. Par ailleurs, il faut évoquer le phénomène de don et contre-don, traduit par les diverses prestations en argent ou en nature fournies par l’individu lors de ses cérémonies de Grand mariage. Prestations auxquelles la communauté se doit de rendre en contrepartie un Shewo (honneur), un respect et une reconnaissance envers celui-ci. Ce phénomène est inhérent à toute société, mais en Grande-Comore il requiert des spécificités qui se résument en la distinction sociopolitique dans la hiérarchie. D’emblée, il convient de citer MAUSS (1968) qui disait, dans le sens des échanges de prestations et contre-prestations entre individus et/ou groupes, que les échangent ne consistent pas uniquement en biens

15 Il est indispensable de tenir compte du protocole en respectant la hiérarchie établie des régions, villes, villages et lignées de l’intervenant. 75 exclusivement matériels ou économiques, mais plutôt en politesse et honneur etc. Et d’après lui, ces échangent sont volontaires bien qu’ils soient rigoureusement obligatoires. Le fait de distribuer gracieusement argent, repas, matériels et aussi occasionner des bons moments de festivités et de joie partagée, réjouit évidemment la communauté, et plus particulièrement les plus jeunes qui ne peuvent qu’applaudir l’organisateur et le « snobé » dans une certaine mesure. En observant de près l’organisation du Grand mariage, on constate souvent des règles de bienséance qui renvoient à l’imaginaire du pouvoir politique. Dans ce sens, ABDOURAHIM (S.) (1983), repris par CHOUZOUR (S.) (1989) a indiqué que « Les Grand-Comoriens [les Comoriens issus de la Grande-Comore ou Ngazidja] s’appliquèrent à reconstruire et à perpétuer dans l’imaginaire et le symbolique ce pouvoir politique dont ils venaient d’être dépossédés. Le grand mariage devint naturellement l’espace privilégié où s’opéra le transfert ». Certes l’auteur fait référence dans ce passage à des péripéties de l’époque coloniale au cours desquelles la population grand-comorienne s’est vue déposséder de son autorité politique au fur et à mesure que les colons prenaient possession du territoire. De cette manière, les Grand-Comoriens se sont réfugiés derrière l’institution du Grand mariage afin de perpétuer ce pouvoir dépossédé. Ainsi, les étapes du Grand mariage se sont vues investir de sens qui peuvent être interprétés de symboliquement politiques ou de politiquement symboliques. Les charges du Grand mariage sont partagées entre les familles des mariés. Ainsi, le Madjliss (cérémonie religieuse sous la charge du marié et qui voit la participation des délégations des différentes localités des quatre coins de l’île ainsi que des amis et proches des mariés et de leurs familles) entre dans le compte du mari et de sa famille. Ils invitent les gens, préparent la réception autant financièrement, logistiquement qu’en ressources humaines. De ce fait, depuis l’élaboration du calendrier des cérémonies jusqu’à leur organisation propre, et en passant par l’élaboration de la liste des invités et leur réception, les organisateurs doivent veiller à respecter un protocole traditionnel préétabli dont la moindre erreur peut conduire à des sanctions de tout le village hôte par la notabilité invitée. Le calendrier des différentes cérémonies doit convenir le plus possible à la disponibilité des invités, ce qui fait que l’essentiel des manifestations s’organisent les soirs et les weekends. La liste des invités, notamment pour ce qui concerne le Madjliss , tient compte de la géopolitique locale en ce sens qu’elle s’élabore de deux sortes, mais aussi de la dimension que le marié veut donner à sa cérémonie. D’abord, la liste des délégations villageoises doit

76 respecter la hiérarchie des villes (chef-lieu de région, villages et autres) et les relations sociopolitiques que celles-ci entretiennent avec la ville hôte. Il faut noter, entre temps, que ces délégations sont principalement constituées de notables qui peuvent choisir quelques jeunes du village, Wana Mdji, pour les accompagner à l’invitation. La réception de toutes ces délégations est scrupuleusement préparée à l’avance afin qu’aucune anomalie ne se produise pendant la durée de la cérémonie. Au point que les frais de transport sont assurés par le(s) hôte(s) sous forme d’enveloppes. Celles-ci sont des sommes d’argent distribuées solennellement pendant la cérémonie et normalement destinées aux frais de transport des délégations, mais qui peuvent être partagées par les membres d’une délégation. Ensuite, la liste des invités personnels des mariés et de leurs familles, ceux-ci sont invités individuellement, mais font aussi l’objet d’une réception chaleureuse. Les mariés peuvent ainsi tirer un prestige grandissant non seulement du nombre d’invités mais aussi des moyens mobilisés pour leur réception (festin, foyer d’accueil, frais de transport…etc.). Toute cette bienséance nécessite un travail préalable de sensibilisation et de mobilisation de toutes les catégories sociales du village et l’intégration du mari dans la communauté dès son enfance jusqu’à l’âge adulte influent largement sur la mobilisation de cette dernière. Dans ce sens, le cadre politique peut commencer à mesurer sa dimension politique à partir de ce rite du Grand mariage. Ce qui peut lui valoir la reconnaissance, non seulement par ses invités (politiques notamment), mais aussi par les membres de sa communauté, comme agent rassembleur et mobilisateur, deux qualités essentielles dans le domaine de la politique. En revanche, le fait de ne pas se conformer à cette norme, c'est-à-dire de ne pas accomplir le Grand mariage provoque l’effet inverse chez l’individu de la part de la communauté. En effet, le déviant peut être considéré comme raté, être mal vu et marginalisé en conséquence. Cette question de marginalisation ne se limite pas sur le déshonneur car l’individu peut être privé de certains droits humains légitimes dont le droit de parole et de participation à certaines décisions de la communauté, quand bien même elle est instruite et dispose d’une compétence incontestable dans un domaine donné. De ce constat, on concède qu’il est difficile pour certains de se laisser marginaliser au moment où ils disposent de la capacité intellectuelle ainsi qu’une certaine expérience par rapport à d’autres pour accomplir une tâche communautaire ou tout simplement exprimer leurs opinions. Ce qui est parfois source de conflit au sein du groupe social. Le rite du Grand mariage est ainsi une pratique qui renvoie à la notion de popularité, chère en matière de politique. En politique, l’honneur, le prestige et en un mot

77 l’image sont très primordiales. Et ainsi les répercussions que peut avoir un rite comme le Grand mariage ne peuvent qu’être bénéfiques au politicien. Dans ce contexte ABELES (1989) trouve que les conditions d’accès au pouvoir se situent au niveau de réseaux où les liens de parenté et les stratégies matrimoniales interfèrent étroitement. L’auteur a de même montré qu’ « Un candidat à la représentation politique peut très consciemment utiliser son potentiel relationnel en exhibant les signes les plus susceptibles d'évoquer celui-ci aux yeux de la collectivité ». Bien qu’il soit ici question, pour l’auteur, de vote et de représentation électorale, cette remarque peut être considérée comme valable dans l’ensemble du champ politique. Ce potentiel relationnel prend tout son sens dans la structure sociale et politique de la Grande-Comore. Le politicien ne manque pas ainsi de puiser l’essentiel de sa popularité tant dans ses liens de parenté et matrimoniaux que dans l’exhibition de ses « richesses », à travers le rite du Grand mariage, pour construire ou implanter sa personnalité politique. Hormis le fait que le Grand mariage devient de plus en plus problématique dans la société grand-comorienne dans le contexte actuel de crise économique, de pauvreté et de chômage, l’observation du terrain nous a montré combien l’attache du Grand-Comorien à ce rituel est grandissant et détient une dimension politique importante. Ensuite, l’on a constaté tout au long de cette étude que cette dimension politique acquise à partir du Grand mariage est savamment et largement exploitée par le notable politicien. Cela s’aperçoit aussi bien sur le plan national (l’Etat) ou insulaire (gouvernorat) que local (localités et communes). En effet, comme il a été souvent rapporté dans ce travail, la notabilité intervient d’une manière ou d’une autre à la gestion et à la direction de ces différentes institutions, soit parce qu’elle est sollicitée par les tenants de ces pouvoirs, soit parce qu’elle est directement aux commandes. Ce qui nous amène à la réflexion suivante : peut-on considérer le statut social grand-comorien comme facteur déclencheur d’autorité politique ? Certes, différents paramètres sont à tenir en compte quant à l’influence du notable dans la politique et il serait imprudent de tirer des conclusions hâtives en répondant par l’affirmatif à ces interrogations, mais aussi est-il que tel que se présente le réel sociopolitique insulaire, le facteur statut social n’en est pas moins considérable et déterminant dans la politique grand-comorienne. Précédemment, on a insisté sur un système de rituel politique qui reste inséparable des considérations culturelles. Dans ce sens, on s’accorde que le pouvoir politique cherche une certaine légitimation de ses actions de la part d’une notabilité moins avertie et non instruite en la matière. C’est le cas du

78 discours de « remerciement » réservé à la notabilité à chaque manifestation politique, que ce soit de l’Etat, d’une collectivité ou d’un parti politique. Ici, la portée ne se limite pas au Tso-drano (bénédiction), dans le sens malgache du terme, mais à une sorte de message destiné à démontrer l’approbation de la population vis-à-vis de l’action menée. Par ailleurs, on vient de voir qu’outre les hautes autorités étatiques et insulaires, la plupart des Maires ou Présidents de Délégations Spéciales se trouvent être des notables dans beaucoup de localités. A travers son droit de parole, de proposition et de décision, le notable se trace un chemin vers la domination des siens et la mainmise sur le pouvoir local. Dans la société grand-comorienne dans son ensemble, le charisme et l’éloquence sont un facteur clé de domination. Comme il acquiert une double autorité après la réalisation de son acte de mariage, celle envers sa communauté d’appartenance (village, région) et celle de représenter celle-ci en dehors de ses frontières, le notable peut se distinguer à travers son éloquence et ainsi devenir une personnalité indispensable et convoitée par les politiques. Sur ce niveau, on s’aperçoit qu’un certain phénomène que nous appelons ici « notabilisation » des pouvoirs locaux est en train de s’instaurer. En revanche, sur cette même lancée et c’est peut-être là où se situe un des intérêts de l’étude, la majorité des intellectuels (jeunes ou âgés), qui occupent des postes administratifs ou politiques et aspirant à un grand avenir politique et/ou administratif, national ou local, projettent de réaliser le rite du Grand mariage afin de se faire l’écho d’eux-mêmes. Cependant, pour garder une certaine modestie scientifique, cet aspect, doit-on l’admettre, reste difficile à cerner sur le terrain étant donné qu’il demeure très latent non pas pour la société environnante mais pour les individus susmentionnés eux-mêmes. C’est par un travail de traduction, de compréhension et de déduction que l’on est parvenu à ce constat.

II.2. Un système politique atypique

Il ne s’agit pas ici de critiquer le système sociopolitique établi et qui agit sur les hommes, mais d’essayer d’analyser le schéma politique de la Grande-Comore sous un regard extérieur et désintéressé. Bien qu’il soit contestable de s’en tenir aux seuls faits observés et informations recueillies dans un intervalle de temps limité et dans un espace réduit du territoire, nous essayons tout de même d’élargir ici la perspective dans le cadre d’une réflexion plus générale du politique en Grande-Comore. «"Parler politique", c'est d'une façon ou d'une autre se situer par rapport à certains clivages qui remontent à une époque déjà éloignée et dont les traces ne sont

79 toujours pas effacées » disait ABELES (1989). De cette réflexion et des quelques références historiques fournies précédemment, nous pouvons formuler anthropologiquement que le fait politique grand-comorien s’inscrit dans la durée et dans la continuité. Si aujourd’hui comme plusieurs années auparavant, en Grande-Comore, aux Comores ou dans un tiers pays africain, les clivages politiques continuent toujours d’être liés aux statuts et non aux idéologies, il semble qu’en Grande-Comore cela prend des proportions démesurées depuis l’avènement de la décentralisation. Sur cette lancée, il a été évoqué plus haut qu’en Grande-Comore le pouvoir était, jusqu’à la colonisation, aux mains des Sultans batailleurs et des notables. Si ces derniers furent reconnus par leur capacité et habileté à diriger leurs armées, ils n’incarnèrent pas moins les us et coutumes locaux. Rappelons-nous que c’est au niveau des localités, regroupées en communes aujourd’hui, que se trouvent mêler davantage les notables dans la gestion des affaires. Force est ici de faire abstraction de la tentation d’y voir la faiblesse des acteurs politiques et sociaux dont les partis et la société civile, mais aussi faut-il que l’on s’interroge sur le rôle de ces derniers dans le changement de comportement civique et politique du citoyen pour un dépassement de certains mœurs qui ne font qu’empirer une condition sociale déjà chaotique et pérenniser le sous-développement. En Grande-Comore, les uns soutiennent que le Grand mariage reste l’unique source de développement, pendant que les autres pensent au contraire qu’il est un facteur d’arriération de l’île. Sans prétendre trancher sur ce débat qui anime la plupart des places publiques, il semble qu’il y a là matière à mobiliser les acteurs politiques pour une réflexion responsable sur la question. Car si BALANDIER (1968) inclut dans sa définition de la culture que celle-ci assume une fonction de régulation des conduites, peut-on en dire autant du Grand mariage ? Et lui-même de trouver l’alternative en postulant que le pouvoir est au service de la structure sociale qui ne peut se maintenir par la seule intervention de la coutume. Dans notre cas, c’est la coutume elle-même qui pose problème et est objet (et non enjeu) de conflit. Il ne s’agit pas ici de conflit intergroupes sociaux qui luttent pour imposer un modèle culturel mais de l’adéquation d’une coutume à une réalité liée à différents contextes. Mais, invraisemblablement, la classe politique locale reste muette et donne l’impression d’être indifférente d’un phénomène sociopolitique qui divise les citoyens plus qu’il ne les unit. Il est certes vrai que le pays dans son ensemble a longtemps souffert des pouvoirs dictatoriaux de plus de quinze ans, d’une crise séparatiste qui a duré plus de cinq ans et qui ne cesse de hanter la classe politique comorienne et la société, en général, notamment en

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Grande-Comore (« terre mère » de l’Etat comorien), mais la démocratie est bien réelle depuis une vingtaine d’années. Or, en Afrique principalement, elle est un luxe dont nombreux pays n’arrivent pas à s’offrir de nos jours. De ce fait, pourquoi est-il que depuis l’indépendance aucun pouvoir en place à l’exception de celui du révolutionnaire Ali Soilihi (1975-1978), ni parti politique n’a osé aborder (structurer, réviser, réorganiser) l’institution du Grand mariage et encore moins le statut de Mdru Mdzima (notable) et leurs méfaits dans la société ? D’un côté, on se demande à quoi sert une démocratie quand les soi-disant acteurs politiques fuient le débat social, d’un autre on peut comprendre cette attitude par la sensibilité d’une question qui implique et dépasse même les érudits. Notons au passage qu’à la mort du feu président Ali Soilihi en 1978, le seul à oser dénoncer les abus des notables et de la notabilité, particulièrement en Grande-Comore, des chants fusent de toute part dans les rues de la capitale de l’île et de la République. LE GUENNEC-COPPENS (F.), (1998) a mentionné dans ce sens que « Peu de temps après son accession au pouvoir, Ali Soilihi établit un régime révolutionnaire qui, opérant par élimination, provoqua une réorganisation totale et drastique de la société. Il voulut modifier de manière radicale la stratification existante « par la suppression des obédiences traditionnelles, sociales et partisanes ». Il s’attaqua d’abord violemment aux aristocrates, c'est-à-dire à ceux qui se réclamaient d’une ascendance noble et prestigieuse. Puis il mit la coutume hors la loi et par conséquent la notabilité. Enfin, le 06 avril 1976, il proscrit la célébration du grand mariage… ». Aujourd’hui, plus de 36 ans après, nombreux sont ceux qui pensent qu’il était en avance par rapport à son époque. On lui prête raison, étant donné l’influence, qualifiée de négative, qu’a la notabilité sur l’architecture politique du pays et des localités. Dans un sens, on s’accorde à dire que la notabilité devient de plus en plus un fardeau politique, et ce malgré que certains notables soient plus ou moins instruits. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ont réussi des études supérieurs, occupé des postes administratifs et politiques de haut niveau et qui, avant ou par la suite, ont accompli leur « devoir social ». Cette portion de la population représente en effet ceux qui brandissent leur écharpe Mharuma traditionnelle et leur « canne »16 pour défendre l’héritage social dans tous ses sens. De ce fait, ils deviennent la pièce maîtresse d’un système où le port de cette pièce est significatif. Ainsi, ils ne s’enorgueillissent pas par rapport à leur niveau d’études ou professionnel mais à partir de leur Mharuma , symbole de pouvoir traditionnel.

16 Le port d’une canne qui, manifestement, sert à soutenir la personne âgée pour se tenir debout, est assimilée à la sagesse. Donc les personnes âgées s’en servent souvent pour se faire entendre. 81

Ils s’imposent, par exemple, pour faire intégrer un proche dans un poste public ou politique ou encore pour décrocher une bourse pour leurs fils, neveux ou autre au détriment des méritants. Ce système se généralise malheureusement, au su et au vu de tout le monde. Et personne ne s’y oppose sous peine de se voir exclure de la société pour avoir tenu tête à un notable. En fait, la plupart des cadres qui ont déjà accompli cette obligation sociale, l’ont fait avec cette conviction qu’elle en vaut la peine parce qu’ils peuvent en bénéficier d’avantages à la fois sociaux et politiques. Cette catégorie de notables favorise le climat de corruption et d’anarchie. Sur le plan local, les détournements de fonds villageois est une activité devenue banale. Il importe de noter que la notabilité grand-comorienne se rémunère financièrement, non seulement par les parts qui leur sont distribuées lors des divers rites culturels, mais aussi par les paiements provenant de personne(s) ou groupement de personnes (familles ou communautés) exclus (Malapvo = banissement) pour se réintégrer. Ce système est connu du fait que s’agissant de paiement, le notable qui le reçoit en premier, accapare la moitié de la somme pour ensuite confier le reste à un autre notable qui fera aussi de même et ainsi de suite. Au final, on se rend compte que cet argent versé et qui, dans un système « normal », serait destiné à la caisse de la communauté, se partage entre deux ou trois individus, et personne ne les dénonce sans risque d’être à son tour sanctionné. Le système est ainsi caractérisé à tel insigne que même les intellectuels les plus illuminés s’y imprègnent sans se poser trop de questions.

II.3. L’approche fonctionnelle et structurale des notables dans la politique grand-comorienne

Pour un rappel, le terme de fonction est ici le rôle que joue un phénomène dans le maintien du système social auquel il appartient. La structure quant à elle désigne de façon précise, un ensemble d’axiomes déterminé qui rend compte de toutes les implications nécessaires entre les éléments d’un système, tel qu’il permet d’en déduire toutes les caractéristiques et toutes les formes possibles à partir de la connaissance de sa logique interne. Pour aborder cette approche, nous commencerons par poser des questions qui semblent plus légitimes. Pourquoi les notables détiennent-ils une position privilégiée dans la sphère politique grand-comorienne notamment au niveau des communes ? Est-il la résultante du fonctionnement et de la structure sociale et politique de l’île ?

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De prime abord, considérant les résultats précédemment énumérés, l’on peut déjà affirmer dans un certain sens que cette position privilégiée que jouissent les notables dans la scène politique provient des deux postulats, dans un sens comme dans un autre. En effet, sur le plan structural, la logique de la hiérarchie sociale de forme pyramidale, non pas en fonction de l’âge ou du niveau d’études mais à travers l’accomplissement des rites coutumiers, distingue la société en Motro wa Mdji (« enfant du village »), Mna Mdji (« jeune du village »), et Mdru Mdzima (« homme complet »). Ce dernier, rappelons-le, jouit de tous les privilèges dont le contrôle et la détention du pouvoir de proposition et de décision au sein du groupe social mais aussi envers l’extérieur. Sur ce cas, toute relation avec quelque autre groupe extérieur que ce soit doit nécessairement transiter chez le notable. Dans cette condition sociale, l’acteur politique, Etat, parti, personnalité, se trouve dans l’impératif de traiter, négocier et décider directement avec le notable sans qui l’adhésion du groupe aux objectifs de l’intrus ou son approbation de sa demande peut être caduque. Sur un plan fonctionnel, d’abord le notable est vivement sollicité dans les règlements des différents conflits locaux, il joue ainsi le rôle de médiateur, de conciliateur souvent plus efficace et écouté par les protagonistes que les autorités politiques étatiques. Cette sollicitation provient, la plupart du temps, des autorités politiques lorsqu’ils ont déjà épuisé tous les moyens pour mettre fin à un désordre social. Plusieurs exemples confirment cette réflexion et les différentes tentatives de résolution de la fameuse crise foncière Moroni-Iconi 17 en sont l’illustration. Ainsi, le notable se distingue par son fort pouvoir de persuasion et de dissuasion. Le pouvoir de persuasion des notables pour qui la rhétorique est appréciée contribue souvent à résoudre ces genres de conflits. Mais toujours est-il que le pouvoir d’exclure un groupe, un individu récalcitrant dans la communauté parait dissuasif et amène généralement les individus et/ou groupements protagonistes sur la table des négociations. Ce rôle qui n’est nullement des moins complexes renforce les liens sociaux. C’est pourquoi, nous semble-t-il, le notable demeure le dernier rempart d’un système qui lui réserve à la fois prestige, privilèges mais aussi le fardeau de conciliation des divergences et d’harmonisation des rapports sociaux. Pris dans ce sens, le notable est représenté comme un sage. Or, insistons-nous là- dessus, en Grande-Comore, le statut ne s’acquiert ni par l’âge ni même le niveau d’études,

17 Conflit foncier opposant depuis des décennies les habitants de la capitale de l’Union des Comores, Moroni, à la ville riveraine d’Ikoni pour une zone située entre les deux localités appelée Malouzini et qui expose les deux localités à des affrontements permanents. L’intervention de la notabilité grand-comorienne est souvent sollicitée pour limiter les dégats. 83 mais par le Grand mariage. Du coup, à la suite de son rite coutumier du Grand mariage, un jeune de 25 ans sera directement classé notable et considéré comme tel. Il participera à toutes les décisions et actions du groupe et se doit de jouer le rôle social qui lui sera assigné. Dans ce sens LE GUENNEC-COPPENS (F.), (1998) de dire : «…lorsqu’un homme désire être « reconnu dans son monde » et qu’il veut occuper une fonction de responsabilité dans la société sans être contesté, il doit, s’il a les moyens financiers, réaliser cette union exceptionnelle ». Aussi est-il que la politique de décentralisation n’enlève en rien aux pouvoirs traditionnels du notable à savoir le pouvoir traditionnel direct sur la communauté villageoise et celui de représenter celle-ci à l’extérieur de ses frontières ; au contraire elle les renforce dans la mesure où elle lui y ajoute un troisième qui est la mission de représentant légal de l’Etat au niveau local. Cependant, il convient de souligner qu’à côté de la réalisation du Grand mariage, la reconnaissance de la notoriété du notable par la communauté villageoise, régionale et même nationale provient de certaines qualités individuelles. Outre le rang statutaire de sa famille ou de sa lignée « maternelle », le « vrai notable » doit se distinguer par « l’intelligence, le charisme, la générosité, l’intégrité, la neutralité », toujours selon LE GUENNEC-COPPENS (F.). Et lui d’ajouter : « …« Figure de proue de la communauté », c’est un conciliateur et un réconciliateur, un pacifiste et un sage qui, pour régler les conflits sociaux, « non seulement, cherche une ligne médiane, mais sait orienter sur le bon chemin »… ». Des qualités qui, comme dans toute société, sont éminentes et indispensables. Néanmoins, l’on peut bien se demander si cela est toujours le cas aujourd’hui en Grande-Comore. Et si c’est le cas, pourquoi l’Etat ou le gouvernorat n’institutionnalisent-ils pas le conseil des notables et ainsi limiter ses pouvoirs tout en mettant à profit leurs qualités ? Pour se fier aux résultats de l’enquête présentés ci-haut, l’on peut dire qu’aujourd’hui la notabilité dans le sens de LE GUENNEC-COPPENS (F.) n’existe que par le nom. Elle est dépassée par l’évolution sociopolitique du pays et l’Ile, et le rôle qui demeure malgré tout le sien, jusqu’à ce jour, ne résout plus les conflits sociaux actuels qui ne sont autres que la pauvreté, l’Etat de non droit et le sous-développement, entre autres. Et sans trop vouloir donner tort ou raison à un régime ou à un autre, nous pouvons simplement émettre qu’aucun pouvoir politique comorien ou grand-comorien n’ose envisager l’alternative de retoucher le domaine du Grand mariage après le revers qu’a subit la révolution d’Ali Soilihi de 1975. Ainsi, l’Etat et ses institutions préfèrent adopter le

84 laisser-aller pour ce qui concerne non seulement l’organisation sociale et économique du Grand mariage, mais aussi et surtout son influence et ingérence sur et dans la politique. Sur ce point, différentes localités ont commencé à restructurer le Grand mariage sur le plan économique.

III. La régulation politique : facteur de légitimation du pouvoir traditionnel

Le concept de régulation politique vient surtout de la nécessité des tenants du pouvoir politique de légitimer en permanence leurs actions et de créer un équilibre entre la contrainte de ce pouvoir et la contestation du peuple. Le but de cet équilibre se trouve être avant tout machiavélique, dans le sens de la stratégie de s’accrocher au pouvoir le plus longtemps possible. Ce système rend le politique plus ou moins dépendant d’une multitude de réseaux qui demandent à leur tour des contre-services. Tandis que le réseau, qui peut être traduit comme un ensemble de relations (officielles et officieuses) qui rend possible la régulation dans un système politique, est contraint d’être l’intermédiaire de l’autorité politique à un certain niveau. Tout pouvoir politique fait plus ou moins recours au mécanisme de régulation afin de faire passer ses actions, sa philosophie, ses priorités et surtout asseoir son influence et son autorité auprès des citoyens sans contestation majeure. Mais il n’est pas question de s’étaler sur ce recours. Plutôt, il s’agit dans cette rubrique de voir comment cette régulation conduit, en Grande-Comore, à la légitimation de l’influence notabiliaire sur le champ politique. Plusieurs fois dans ce travail on a évoqué la nécessité des acteurs politiques de composer avec la notabilité sur des domaines dont la seule légalité n’a jamais suffi pour donner un impact au public d’une action quelconque à mener. Ainsi, une réciprocité d’action se trouve indéniable. La légitimation du politique par le notable conduit inéluctablement à la légitimation du notable par le politique. Dans la droite ligne de cette pensée, l’on en revient à dire que si le notable cherche à asseoir ou renforcer son pouvoir au niveau de son groupe et influencer au-delà, en s’appuyant sur les réseaux politiques, le politique peut tirer profit de cette situation en ce sens que le notable lui servira de relai. Cette situation est en train de produire aujourd’hui ce que l’on a appelé la notabilisation de la vie politique à laquelle le statut de notable se confond plus que jamais à celui d’homme politique. La présence des notables aux postes politiques de maires dans presque l’ensemble des localités de l’Ile en témoigne manifestement la portée du phénomène. En plus, lorsqu’ils ne détiennent pas directement

85 le pouvoir, ils se constituent en lobby indispensable et influent, directement ou indirectement, sur les décisions et entreprises de la communauté villageoise. Cette dichotomie entre pouvoir traditionnel et système moderne de pouvoir engendre une confrontation idéologique entre ceux qui soutiennent le premier et ceux qui aspirent à un changement radical. Cette opposition idéologique prend de l’ampleur notamment au niveau de la classe intellectuelle où on ne cesse de dénoncer les abus, la corruption et la mauvaise gestion de la société et de ses richesses par les autorités locales qui se trouvent être les notables. Dans ce contexte, si les uns sont d’avis qu’une restructuration des méthodes de gouvernement et de gestion s’impose, mais dans le respect des us et coutumes, autrement dit en maintenant le système traditionnel de pouvoir des localités, les autres contestent ce procédé et proposent que le développement durable, c'est- à-dire le développement à partir de la base, invite une révolution des mœurs en partant d’un dépassement des contraintes traditionnelles. Avant de faire une analyse profonde de la régulation politique, du mécanisme des réseaux et enfin de la cohésion, de l’intégration et du développement à travers le Grand mariage, force est de déduire de ce qui précède que le politique et le notable deviennent solidaires, complices et plus ou moins complémentaires au fur et à mesure de l’évolution temporelle et spatiale du fait politique ; quand bien même cette complémentarité ne parvient pas à améliorer le quotidien du Grand-Comorien, pire elle l’enfonce davantage.

III.1. La régulation de la vie politique à travers le notable et ses conséquences

Le système politique grand-comorien a toujours fonctionné de manière à prendre en compte non seulement la territorialité de l’Ile mais aussi la carte ethnographique. Règle non écrite et inavouée et en même temps calquée sur la pratique politique nationale, le fonctionnement politique de l’Ile doit observer la géopolitique traditionnelle. En effet, dans le souci affiché de préserver la paix sociale et l’ordre public, les autorités politiques s’efforcent, d’une part, de trouver un juste équilibre dans la distribution des postes clés du pouvoir, dans le respect de la tradition territoriale de l’Ile. Ainsi, les différentes régions de l’Ile sont représentées plus ou moins. La pratique politique veut que le parti au pouvoir joue sur ce mécanisme afin d’acquérir une majorité parlementaire pendant les échéances à venir, d’un côté et maîtriser en cas de besoin les agissements citoyens et ainsi endiguer tout risque de soulèvement, de l’autre. On en convient que jusque-là, rien n’est l’apanage de la pratique politique comorienne et encore moins grand-

86 comorienne. La particularité réside dans le fait que cette répartition du « gâteau » découle souvent des notabilités régionales et villageoises, en ce sens que celles-ci sont préalablement consultées avant de parvenir à une décision finale de nomination. Ainsi, se caractérise un « bon » pouvoir en Grande-Comore au propre comme au figuré. Une autorité grand-comorienne digne c’est celle qui respecte les us et coutumes. D’ailleurs, il importe ici de citer au passage le paragraphe 3 du préambule de la loi statutaire de l’île autonome de Ngazidja qui note : « L'Ile Autonome de Ngazidja protège les valeurs de l’Islam et respecte les us et coutumes des Comores ». Ce passage est généralement, peut-on le dire, compris dans sa lettre et non dans son esprit. D’autre part, les autorités politiques s’emploient à se doter d’un lobby grand notabiliaire efficace. Ce lobby est constitué de ce qu’il est convenu d’appeler les Ngazidja Mfukare (« les sept Grande-Comores ») ou du moins de ce qui peut être représentatif de ces derniers. Pour prendre l’exemple du pouvoir actuel, c'est-à-dire celui de l’Ile autonome de Ngazidja, le gouverneur est entouré, parmi ses proches collaborateurs, de notables très réputés en matière de dynamisme, d’intégrité, de charisme et surtout influents dans les quatre coins de l’Ile. De ce fait, les décisions les plus importantes concernant l’Ile sont toujours prises en collaboration avec cet échantillon représentatif de la notabilité grand- comorienne. Dans cette logique, plus la notabilité se sente intégrée dans les prises de décision, moins le pouvoir est suspendu aux contestations populaires. Cependant, malgré l’aspect de ces pratiques que nous pouvons qualifier de salutaire et d’utile, l’on ne peut pas s’empêcher d’y voir le maintien du système féodal, c'est-à-dire anti-démocratique, lequel le souverain règne avec une poignée d’individus nobles. Aussi, la perpétuation du cercle « vicieux » d’échanges de services et contre-services entre les dirigeants et leurs collaborateurs reste indéfiniment d’actualité. Seulement, on doit avouer que ce fonctionnement s’avérait d’une utilité sociale incontestable à une époque où l’autorité (roi, prince, sultan voire président et/ou gouverneur) s’entourait de personnalités réputées par leur intelligence et leur sagesse dans tel ou tel domaine. L’autorité pouvait ainsi bénéficier d’apports précieux en conseils ou en orientations dans le sens d’améliorer les conditions de vie de la population, en général et non celui d’un individu particulier. Or, aujourd’hui, c’est l’opportunisme politique qui prend le dessus sur ces qualités. Peu sont les notables qui, aujourd’hui, disposent du minimum de qualités rattachées à la vraie notabilité ou notabilité traditionnelle. En effet, les hommes de relations humaines, de dialogue, curieux de comprendre la réalité de leurs communautés, compatissants, généreux et surtout capables d’orienter les gens dans le bon sens et qui, de

87 surcroit, possédaient un panel de talents individuels dont l’esprit de synthèse, de compromis et d’initiative ne sont que peu nombreux. Actuellement, les notables sont, dans leur majorité, des opportunistes qui s’impliquent dans les affaires politiques dans l’intention de bénéficier, en contrepartie de leurs services rendus, de retombés matériels, financiers et de prestige. Pour ce faire, ils s’appuient sur le pouvoir traditionnel pour se hisser aux postes politiques et deviennent ainsi des « vrais faux politiciens ». Ainsi, les réponses affichées ci-haut témoignent de la profondeur du manque de discernement de la part des notables politiques ou politiciens notables comoriens, en général et grand-comoriens, en particulier. Un fait récent qui a essuyé de vives critiques et éveillé le mécontentement de la population, rapporté lors des travaux sur terrain, mérite d’être révélé. En effet, lors d’une cérémonie de Grand mariage, plus précisément de Ukumbi (première sortie officielle de la mariée célébrée avec faste par les femmes), d’une ancienne haut responsable de l’Etat, des téléphones portables ont été distribués aux invitées comme des petits pains à la place des bonbons et gâteaux habituellement distribués. Ce genre de cas n’est pas isolé et la population semble s’y résigner. Cependant, la corruption n’est qu’une face cachée du système que l’on ne va pas s’attarder avec des commentaires et des observations. D’autres faits, démontrent que d’autres paramètres poussent le politicien haut placé dans la sphère politique à réaliser son obligation coutumière. Dans ce sens, il convient de souligner que l’actuel Gouverneur de l’île, peu de temps après son élection et avant de prendre officiellement ses nouvelles fonctions, a été contraint d’accomplir son Grand mariage par la notabilité grand-comorienne. Ainsi, entre son élection et sa prestation de serment pour la prise de fonction, il a réalisé d’abord son Grand mariage et est devenu notable. Sur le plan symbolique, il est en quelque sorte inadmissible qu’un enfant du village Mna Mdji dirige la Grande-Comore et se présente dans les cérémonies officielles sans son costume d’apparat traditionnel. Dans l’histoire récente de la Grande-Comore et depuis la réinstauration des Zisiwa Midjidjengo (îles autonomes) par la constitution de 2001, un seul président de l’île n’était pas un notable tout au long de son mandat. Ce qui suscitait beaucoup de critique à son encontre de la part de la classe politique et des notables et qui l’a probablement conduit à sa déchéance politique. Par ailleurs, au niveau national, un fait très symbolique et paradoxal s’était produit en 2011 lors de l’investiture de l’actuelle équipe dirigeante du pays à laquelle nous avions assisté. Lors de cette cérémonie du 26 mai 2011, le président de l’Union des Comores a prêté serment entouré de ses trois (3) vice-présidents, tous vêtus de costumes d’apparat

88 traditionnels. Pour rappel, ce genre d’habits est typiquement comorien et nul ne peut le porter s’il n’est notable. Or, dans son discours d’investiture quelques minutes plus tard, le président a dénoncé les abus de la notabilité et leur ingérence dans les affaires de l’Etat et de l’administration. Ce qui interpelle que, d’un côté, il est difficile de se démarquer du système traditionnel, encore moins lorsqu’on est à la tête de l’Etat, et de l’autre, les cadres politiques ont conscience du caractère « nocif » de ce système pour la bonne marche de l’Etat. Néanmoins, dans son éternel désir de maintenir son pouvoir à travers la paix social et l’ordre public, l’autorité se sent obligé de satisfaire les souhaits du notable. Il est ainsi courant, pour ne citer que ces cas, que dans une administration quelconque, le notable qui s’y trouve en queue d’une file d’attente soit reçu le premier au détriment de ceux qui lui ont précédé. En outre, il existe le phénomène appelé communément de Bahasha 18 qui se généralise dans les administrations et qui consiste en la distribution gratuite de sommes d’argent à des notables afin qu’ils plaident, au plus haut niveau de l’appareil du pouvoir, soit pour le maintien du concerné dans ses fonctions, soit pour l’élever à un échelon supérieur entre autres. Ces constats expliquent en eux seuls l’étendue et les conséquences du phénomène de notabilisation du système politique grand-comorien. Pour le Grand-Comorien, ce phénomène introduit une nouvelle forme de corruption difficile à endiguer étant donné qu’elle implique deux sortes de pouvoirs à la fois, à savoir le traditionnel et le politique moderne. Sur ce, on comprend mieux la désapprobation des simples citoyens de l’implication des notables dans les affaires politiques. Contrairement à une époque révolue à laquelle l’influence notabiliaire servait à la cause commune, actuellement cela rentre dans le compte personnel de l’individu que l’on nomme notable ainsi qu’aux dirigeants politiques.

III.2. Les notables : Maires des communes

En Grande-Comore, la décentralisation a été accueillie chaleureusement par toutes les couches sociales comme une alternative à la mauvaise gestion des localités par les systèmes traditionnels. Les jeunes et les intellectuels y voyaient l’occasion d’exprimer leurs opinions, quitte même de participer au gouvernement de la cité. Plusieurs ateliers, séminaires et assises au cours desquels la sensibilisation de toutes les catégories de la

18 Littéralement le terme signifie enveloppe mais le jargon grand-comorien cela implique une corruption car il renvoie à une enveloppe remplie d’argent et offerte gratuitement au notable. Le terme peut être assimilé au Bakchich. 89 population pour une participation et une prise en charge de leur propre destin eurent pourtant lieu. Mais plus rapide fût aussi la mainmise dans ce nouveau système de ceux-là même qui étaient pointés du doigt dans l’ancien système, en l’occurrence les notables. Dès les débuts, la confusion, par exemple, entre Chef du village et Maire fût totale et elle l’est encore aujourd’hui. En dépit du regroupement de villages pour former les communes (chaque village considère encore la fonction de Chef de village) et des sensibilisations effectuées, la majeure partie de la population continue à penser que le Maire est en même temps le Chef du village. Ce dernier doit être absolument notable dans le système grand-comorien du pouvoir. De cette manière, les notables n’ont pas eu beaucoup de mal à s’enquérir de la direction des communes et ainsi maintenir leur notoriété qui risquait d’être amputée avec la configuration communale et municipale. Ils ont su s’adapter habilement à cette nouvelle réalité, doit-on le dire, mieux que les intellectuels et les jeunes. Détenant le monopole des économies locales, puisque les localités ne disposent pas encore de ressources financières et budgétaires autres que les recettes du Grand mariage, en principe, les notables sont parvenus à maintenir la structure politique qui puise ses racines dans la tradition et qui leur octroie un privilège inégalé. Par conséquent, ils détiennent le pouvoir dans la quasi-totalité des communes en Grande-Comore. Et mieux encore, le phénomène a ressuscité la notion de sang noble pour la raison que la plupart des Maires dans les différentes localités de l’Ile ne sont pas uniquement des notables. Ils sont en effet, de descendance noble. Il est normal de se demander pourquoi ? Pour y répondre, il nous suffit de remarquer que ceux parmi ces notables qui ont eu la chance de bénéficier d’un minimum d’instruction sont majoritairement issus des anciennes bourgeoisies locales. Delà on a l’impression qu’ils ont pu comprendre rapidement et aisément placer leurs objectifs, principes et intérêts bien avant, au-devant des autres. Par ailleurs, la présence d’un notable, connu et reconnu aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur d’une communauté villageoise donnée, fait la fierté de celle-ci. D’ailleurs, cela rentre dans la deuxième fonction du notable vis-à-vis de sa communauté. Celle de la représenter dans les divers assises et rassemblements de la notabilité grand-comorienne. Cette fonction est essentielle car hors du village, le représentant de la communauté, Maire soit-il, n’aura droit à la parole que s’il est notable. Dans cette optique, la conscience collective du groupe adhère au principe d’être représenté par celui qui dispose des critères traditionnellement requis et unanimement acceptés.

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Le Shewo (honneur) ou le Ufahari 19 (fierté) qui sont centraux dans les rapports sociaux grand-comoriens et liés principalement à la notabilité conduisent à deux pensées majeures : la première qui est positive devrait contribuer au développement alors que l’autre est plutôt néfaste et conduit à la perte de l’individu ou du groupe. La première, qui constitue l’aspect positif du Shewo et qui a caractérisé la société grand-comorienne depuis ses origines et l’ancienne notabilité, est ce désir de grandeur, de mérite, de combattivité, de compétitivité pour la communauté et ainsi de patriotisme pour le pays dans son ensemble. Cela implique une vision et une projection à la hauteur des attentes des membres de la société qui ne sont qu’une meilleure condition de vie pour eux-mêmes et une digne représentation envers les autres communautés. De ce fait, tout individu répondant à ces critères ferait facilement l’unanimité au sein des siens car incarne les valeurs du groupe. Aussi, faut-il qu’un effort soit déployé de la part de l’ensemble de la société pour reconnaitre ces qualités qui, autrefois, favorisaient la paix sociale et l’épanouissement individuel dans un cadre de vie commune. Ces critères, qui caractérisaient la société grand- comorienne traditionnelle et en voie de disparition, sont plus que jamais nécessaires voire indispensables dans ce nouveau contexte de décentralisation du pouvoir étatique. Malheureusement, d’après ce qui est recueilli durant l’enquête, cela n’est pas forcément le cas, parce que, d’une part ces valeurs disparaissent peu à peu chez la notabilité et d’autre part, la plupart des responsables locaux actuels manquent justement de grandeur dans leurs visions et de justesse dans leurs projections. Ils ne sont donc pas à la hauteur des défis actuels qui demandent plus que le simple fait de réaliser un rite, aussi important soit-il. C’est là la seconde pensée. Le Shewo est, de nos jours, en partie, à l’origine du développement du sous-développement des populations de l’Ile de Ngazidja et du pays, en général. En effet, aujourd’hui le notable cherche à se distinguer des autres par l’orgueil, le dénigrement et le mépris et ce à tout prix 20 . Le Grand mariage, qui est un rite de passage, rappelons-le, détient ce pouvoir d’élever l’individu à un stade où il peut, directement, et parfois même unilatéralement, décider au nom de toute la communauté sous prétexte qu’il l’a accompli. Il est courant, dans la société grand-comorienne, qu’un intellectuel soit tenu de garder le silence sur un sujet qu’il maîtrise parfaitement parce qu’il est Mna Mdji (jeune du village) et que le Mdru Mdzima ou notable ignorant, ne lui a pas accordé la parole lors d’une réunion villageoise. Dans cette même lancée, l’on ne peut pas

19 Ufahari Fierté qui est différent du shewo (honneur). 20 Rappelons que le Grand mariage est souvent organisé sous l’endettement. 91 ne pas citer le cas religieux où, dans certaines localités, le Hatub 21 (prédicateur) doit d’abord réaliser son Grand mariage avant d’accéder au Minbar 22 (tribune). Dans le cas contraire, il peut se voir refuser le titre qui est très honorifique dans la société comorienne. Et quoiqu’il soit à la hauteur de la tâche, on peut lui préférer un amateur dans le métier, mais ayant réalisé son devoir coutumier. Le Shewo dans son sens premier, tel que l’ont défini et soutenu les anciens, s’interprète, s’acquiert et s’exploite autrement et de manière à pérenniser l’arriération culturelle, économique et politique. Dans ce sens, si aujourd’hui il devait être question d’aborder les réels problèmes de la société à savoir les droits et l’égalité pour tous, les infrastructures locales de base, l’éducation et la santé pour tous, l’environnement, l’énergie etc., sous la diligence des notables l’on ne fait que perpétuer les réflexions sur les concurrences inutiles de rang et de classe, les petitesses des ségrégations sur des bases révolues. Ainsi, plus de dix ans après l’institutionnalisation de la décentralisation, les vrais débats ne sont toujours pas abordés et les réels soucis du moment pesés. Nonobstant quelques efforts réalisés jusque-là, le Grand- Comorien vit dans ce cercle dont le noyau reste éternellement le rite de passage. Pourtant, les défis auxquels font face les populations aujourd’hui, sont énormes et imposent à la société de puiser ses forces au-delà des considérations statutaires et lignagères. En effet, la quasi-totalité des localités grand-comoriennes manquent cruellement d’infrastructures adéquates et aux normes dans tous les domaines. Des droits humains fondamentaux (droit d’expression), à l’éducation et à la santé en passant par les infrastructures, l’énergie et les technologies, les villes et villages vivent encore dans la période préhistorique dans le sens négatif du terme. En ce qui concerne le genre, notons qu’en Grande-Comore, le passage de classe demeure une question d’honneur qui distingue les hommes et se dispute sur la place publique, lieu réservé exclusivement à l’homme, et où la femme n’est socialement pas autorisée à se présenter. Aussi, il est à signaler que le passage de classe d’une femme et donc son statut par rapport aux différents rites du Anda n’a de sens social qu’à travers son époux. D’ailleurs, l’appellation des différentes classes sociales citées tout au long de ce travail est masculinisée à tel point qu’il est difficile voire inconcevable de nommer une

21 Terme provenant de l’arabe signifiant prêcheur et qui est utilisé pour désigner particulièrement le prêcheur de la prière du vendredi. 22 Terme provenant de l’arabe aussi, qui signifie tribune. Ici il désigne la tribune de la mosquée de vendredi. 92 femme Mdru mdzima au moment où celle-ci a rempli son devoir coutumier. Comme on l’a souvent défini, Mdru mdzima fait toujours référence à « homme complet, unique ou accompli » non pas au sens humain du terme mais masculin. La femme s’appellera Mdzadze (mère), qui est le féminin de Mbaba (père). Pour montrer combien le Grand Mariage énonce bien l’idée de pouvoir qui, dans la tradition grand-comorienne, est assimilé à l’homme plus qu’à la femme. Cela fait apparaitre une sorte de sexisme de la société. Il ne s’agit pas ici de faire un tableau sinistre de la réalité grand-comorienne ni endosser systématiquement cet « échec » de la phase expérimentale de la décentralisation, si l’on pût dire ainsi, aux seuls notables détenant les pouvoirs locaux, mais il est opportun de schématiser les lourdes charges qui incombent à la responsabilité des communes par rapport aux faibles capacités intellectuelle, expérimentale et « civilisationnelle » des autorités locales. Ne faut-il pas que, suite au retard accusé par les pays africains dans leur ensemble, les Comores particulièrement et les localités grand-comoriennes plus précisément, l’occasion de la décentralisation soit saisie afin de refonder une base de développement solide et durable ? Dans un contexte de pauvreté accrue, de mondialisation pressante et de sous-développement déclaré, la société grand-comorienne ne peut plus se résoudre à stagner dans un système dépassé par les évènements et l’environnement. Elle est dans l’obligation de tirer dans les qualités, et non dans les défauts (dus aux mauvaises interprétations), de sa tradition et de ses coutumes non seulement le ciment de sa cohésion, mais surtout la chaux pour construire une fondation solide de développement par et pour la base.

III.3. Qu’en est-il de la cohésion, de l’intégration et du développement ?

Comme a été fait mention dans la première partie de ce travail, plusieurs facteurs dont le Anda na mila (Coutume et tradition) consolident l’harmonie et la paix sociale en Grande-Comore, mais beaucoup d’autres fragilisent en même temps ces acquis. En dépit de la stabilisation de la vie politique, de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative pays pauvres très endetté (IPPTE) en décembre 2012, l’économie des Comores reste précaire avec un PIB par habitant de 850$ en 2012. L’exode rural des populations, notamment des îles de Mohéli et d’Anjouan vers la Grande-Comore, à partir de la fin des années 90, continue d’amasser de plus en plus de population dans les villes où aucune perspective d’emploi n’est en vue. Le chômage des jeunes est de plus en plus perceptible,

93 malgré l’absence de statistiques dans ce sens, et expose cette catégorie de la population au banditisme et au proxénétisme. Faisant encore partie de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) avec plus de 45% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, le pays n’est pas épargné par les phénomènes d’exploitation des enfants et de mendicité. Le renouveau du shiisme depuis les années 2000 dans une population à 98% musulmane d’obédience sunnite, ravive les tensions religieuses. La création des communes elle-même a généré des conflits frontaliers et fonciers interrégionaux et inter ou intra villageois sans précédents. Dans ces conditions, tous les ingrédients pour exposer le pays, en générale et la Grande-Comore, en particulier à de forts risques d’explosion sociale sont réunis. Seulement, jusque-là la solidarité grand-comorienne, le respect des aînés et du Anda na mila , ont pu contenir les incidences de ces fléaux. Mais jusqu’à quand en sera-t-il ainsi ? Une chose est sûre, ces nouveaux défis appellent l’autorité publique et politique, le notable, l’intellectuel, le cadet comme l’aîné à une prise de conscience, à une réflexion collective et action unanime pour y faire face. Ce sont les réponses adéquates, adaptées et efficaces à ces divers défis qui mèneront vers un développement durable, c'est-à-dire harmonieux et respectueux des droits et conditions humains. Or, cette concertation ne peut être possible qu’à partir de la base qu’est ce nouvel espace dénommé commune. De par la cohésion inter et intra-communautaire, en partie maintenue par le système traditionnel, il revient aux responsables communaux de faire preuve d’imagination et de sagesse quant à ces nouveaux fléaux qui guettent la stabilité et l’épanouissement de l’Ile de la Grande-Comore. Si la population constate l’incompétence intellectuelle des notables pour s’atteler aux affaires des communes et du pays, cela va de soi qu’elle pense que le développement de l’Ile ne peut pas dépendre d’eux et que, par conséquent, leur ingérence dans la gestion des communes constitue plus un frein au développement qu’une alternative. Les avis de la population ne ciblent pas particulièrement les notables en tant que tels étant donné qu’il en existe qui disposent de compétence intellectuelle et d’expérience suffisante pour avoir une vision à la hauteur des attentes. Plutôt dire que c’est la considération et la reconnaissance de ces capacités individuelles par la société en fonction du statut social et suite à la concrétisation non de preuves probantes de ces capacités mais de la réalisation d’actes coutumiers, nécessitant de moyens financiers énormes, qui est contestable et contestée. Cela n’est ni plus ni moins qu’une ségrégation négative pré-judicieuse pour le développement du pays et des communautés villageoises particulièrement.

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Depuis 2001, le pays connait une stabilité politique salutaire quoique fragile, mais cette opportunité doit être saisie par tous pour relancer le pays. Ce qui n’est pas envisageable sans une initiative au bas de l’échelle. Actuellement, toutes les bases d’un développement durable doivent être jetées. L’Etat doit se donner comme ambition « de faire de la décentralisation, le vivier de la démocratie et de la bonne gouvernance pour un développement durable de notre pays » pour reprendre les termes du chef de l’Etat comorien Dr Iklilou Dhoinine lors de l’ouverture des IIIème assises nationales sur la décentralisation. Ainsi, l’ouverture de l’Université des Comores en 2003 contribue à la formation des jeunes dans plusieurs domaines, en plus de ceux qui ont poursuivi et poursuivent encore leurs cursus à l’extérieur. Ce qui est une aubaine pour les collectivités.

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Chapitre VII : Bilan et perspectives

I. Bilan

Le rite du Grand mariage, une institution très ancienne dans la société grand- comorienne, est plus que jamais au centre du débat public. Les intellectuels, tout comme le reste de la population, commencent à s’interroger sur la place de cette pratique dans la société contemporaine grand-comorienne. Si certains approuvent la nécessité d’une telle institution pour la cohésion sociale et l’intégration individuelle ainsi que pour le développement infrastructurel des localités, d’autres par contre dénoncent son caractère nuisible non seulement par rapport au gaspillage économique que cela occasionne et aux dettes accumulées pour l’occasion, mais aussi et surtout du fait de la monopolisation de la vie publique par les notables au détriment des jeunes, des intellectuels et notamment des femmes. Cette ségrégation des individus à travers le rite du Grand mariage est induite essentiellement par la mauvaise interprétation, par certains, de la nature et du sens du Shewo (honneur) et du Ufahari (fierté) censés être acquis par l’homme l’ayant accompli. Ce qui donne, de nos jours, une mauvaise réputation des hommes appelés notables. Pour les premiers, la notabilité contribue dans une large mesure au renforcement des liens sociaux, à l’éviction ou résolution des conflits inter et intra-communautaires. Elle (la notabilité) est beaucoup sollicitée d’une part par les différents acteurs politiques pour la légitimation de leurs actions, mais aussi par la société, en générale pour la stabilité sociale dont elle demeure encore, jusqu’alors du moins, la seule à pouvoir l’assurer. De cette fonction première du Grand mariage, mais aussi de l’attachement de la société à l’ostentation, à l’honneur, à la fierté et à la générosité, découle une popularité et une notoriété grandissantes du notable. De ce point de vue, la présence du notable dans la scène politique locale et nationale est pour l’essentiel incontournable. Toutefois, pour les seconds, certes l’étiquette de notable a toujours été porteuse de magnificence, de respect et d’estime de la part de la société grand-comorienne, mais elle doit être contestée. Car elle ne représente plus les valeurs traditionnelles du statut et ne joue plus le rôle qui lui revenait dans la société. La notabilité est, aujourd’hui, en tout ou partie, à l’origine des maux de la société à savoir la corruption, la mal gouvernance, les discriminations sociales et est ainsi responsable de l’arriération et du développement du sous-développement dans le pays, dans son ensemble et dans les différentes localités, dans leur particularité. Le notable est aujourd’hui associé à toutes les magouilles sociopolitiques, à la gourmandise matérielle, monétaire et en matière de respect et

96 d’honneur. Dans le temps, le statut de « vrai » ou de « grand » notable ne s’appropriait pas, il se méritait par des caractères et des comportements irréprochables, unanimement et extraordinairement reconnus par la société. De nos jours, c’est le profit, l’intérêt, le marchandage social, politique et surtout monétaire qui a raison sur ces mérites. Or, dans la conception traditionnelle, la notabilité reposait sur le savoir, l’intelligence intellectuelle de l’époque et la sagesse. Le « vrai » ou « grand » notable était celui qui savait se mettre à l’ombre quand il fallait sauvegarder sa neutralité, son impartialité et sa dignité et s’exposer lorsqu’il s’agissait d’intérêt supérieur de la communauté. Néanmoins, la politique de décentralisation du pouvoir relancée à partir de la constitution de 2001 et renforcée au fur et à mesure par des assises nationales, des lois, des décrets et qui doit s’achever avec les élections de 2014 fournit davantage de prérogatives aux notables sur le plan local. Ainsi, l’ambition de favoriser le rapprochement du pouvoir des citoyens est en train d’octroyer plus de pouvoir aux notables que n’imaginaient les politiques. Raison pour laquelle au-delà de la notoriété traditionnelle acquise suite à la réalisation du Grand mariage et l’influence qu’ils ont dans la sphère politique nationale, les notables jouissent aujourd’hui d’un pouvoir quasi absolu au niveau des localités, donc des communes. Actuellement, les fonctions de PDS (Président de Délégation Spéciale), Maire ou haut dirigeant d’une localité grand-comorienne et le statut de notable sont, peut-on le dire, associés. C'est-à-dire que pour accéder à ces fonctions, le statut de l’individu semble indirectement pris en compte par la communauté et par les politiques. D’où la notabilisation des pouvoirs locaux dans le système de décentralisation. Manifestement, ce sont les autres couches de la société qui en subissent les conséquences, car si une réalité est à déplorer dans le phénomène du Grand mariage c’est bien la discrimination, voire l’aliénation des uns vis-à-vis des autres : entre Mdru mdzima et Mna Mdji, d’un côté puis entre homme et femme, de l’autre. Et pourtant, le « vrai » développement, celui défendu par les acteurs politiques aujourd’hui, un développement durable, n’est possible que par la participation de tous les membres de la société dans les prises de décision et leur implication dans toutes les actions et tous les projets envisagés. On peut ainsi en déduire du fonctionnement social et de la pratique politique grand- comorienne une dualité qui compromet la bonne marche des affaires publiques et sociopolitiques, constitue un blocage à toute initiative de développement durable et risque de causer un échec prématuré de la politique de décentralisation entamée et en état embryonnaire.

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II. Confirmation ou non des hypothèses

A titre de rappel, trois hypothèses ont été formulées au début de nos travaux de recherche afin de mieux cerner notre objet d’investigation et de répondre à notre problématique à partir de la satisfaction de l’objectif principal fixé. Suite aux travaux sur terrain, observations, documentation, enquête et à la manipulation statistique, avec une analyse multivariée, et qualitative des données recueillies, il est vérifié ce qui suit.

D’abord il a été formulé que : Le Grand mariage confère une forte influence au notable sur le politique et caractérise la dépendance du système politique au système traditionnel. Il en ressort de cette première hypothèse qu’effectivement la structure traditionnelle de la Grande-Comore offre à l’individu, ayant réalisé le rite du Grand mariage et appelé notable, plusieurs privilèges dont le droit à la parole, le prestige social et la notoriété que ce dernier ne manque pas d’exploiter pour s’imposer et influer dans la scène politique. Le besoin de légitimation des acteurs politiques nationaux et insulaires par les notables, puissants et crédibles dans leurs milieux respectifs, induit systématiquement ce phénomène d’influence des notables sur les politiques. Mais inversement, par ce même processus, le politique renforce le pouvoir local traditionnel du notable et celui-ci devient incontournable aux yeux de sa communauté. D’où une inter-influence s’établit entre le culturel et le politique dans la politique grand-comorienne.

Ensuite, il a été considéré que : La présence des notables dans la sphère politique constitue une barrière contre tout risque d’explosion sociale, un facteur de cohésion et d’intégration. En effet, il a été développé que le rôle de la notabilité grand-comorienne est primordial dans le maintien de la structure sociale et des rapports sociaux, en cela qu’elle jouit d’une crédibilité acquise à partir du statut social très respecté. Cette hypothèse est liée à la première dans la mesure où ce sont ce rôle et cette crédibilité de la notabilité vis-à-vis de la communauté qui imposent aux acteurs politiques leur indispensable recours à cette notabilité pour valider leurs actions et convaincre sur leurs positions politiques. On en conclut ainsi l’utilité politique de la notabilité en Grande-Comore.

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Enfin, la dernière hypothèse avait soutenu que :

L’influence ou le pouvoir du notable, généralement sans connaissance ni expérience politiques, sur le politique représente un danger pour la gouvernance et un obstacle à la gestion des affaires publiques et donc au développement local et insulaire. Cette hypothèse aussi a été validée étant donné que la majeure partie des notables, d’après l’enquête, ne sont pas en condition intellectuelle de s’impliquer dans la vie politique locale et encore moins nationale. Cependant, forts de leur pouvoir traditionnel, leur conférant prestige, crédibilité et notoriété ainsi que de la légitimation de leur pouvoir par les politiques, les notables confortent leur assise et mainmise dans les affaires locales. Et la décentralisation ne les déloge pas, au contraire. Cette situation se présente catastrophique parce que les défis actuels à relever demandent plus que de la notoriété, du prestige ou de la crédibilité, ils exigent de la compétence, de l’expérience et une parfaite maîtrise des jeux et enjeux du moment et enfin une bonne connaissance des défis à relever. Ainsi, on constate que les trois hypothèses formulées ont été bel et bien confirmées, ce qui, sans trop vouloir dire valide notre recherche, permet de répondre aisément à la principale préoccupation de ce travail qui a été : Quelles raisons peut-on donner à la quasi présence des notables dans la sphère politique grand-comorienne et quelles en sont les répercussions quant à la gestion des affaires publiques ? Sans anticiper la conclusion de ce travail, il en découle de cette étude que la présence des notables dans la sphère politique grand-comorienne est due au pouvoir traditionnel requis par ces derniers à travers leur réalisation d’un rite coutumier assez considérable et la légitimation de ce pouvoir par les acteurs politiques ; et cette présence constitue un blocage au bon fonctionnement des affaires publiques autant locales que nationales et un frein au développement. De là on saisit mieux l’influence du culturel sur le politique et réciproquement, et mieux encore on comprend ses impacts sur le développement local et national.

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III. Limites et avantages de l’étude

III.1. Limites

A part les limites, temporelle, financière et technique déjà citées, nous tenons à préciser, par lucidité intellectuelle et objectivité scientifique, que cette étude se veut approximative. En effet, la grandeur du terrain et la prospection synchronique de notre objet de recherche, due notamment à la restriction des investigations dans un intervalle de temps très court, font que ce travail ne peut nullement prétendre à une généralisation. D’autant plus que, par humilité intellectuelle, nous signalons que la prudence doit être de mise quant aux méthodes et techniques utilisées, aux variables considérées et aux modalités choisies qui peuvent évidemment être contestées par d’autres.

III.2. Avantages

Cependant, les recherches effectuées ont présenté beaucoup d’avantages dans la mesure où elles ont permis d’observer le phénomène socioculturel, en l’occurrence le Grand mariage, et la pratique politique de manière objective et désintéressée loin du regard habituel et passionné. D’où la constatation du rapport intime qu’entretiennent ces deux domaines de la vie sociale ainsi que ses répercussions. En effet, si ce phénomène, cette relation, ne cesse de se manifester, il n’en est pas moins contesté dans certain milieu dont le milieu intellectuel. L’étude de la fonction du Grand mariage dans la politique comorienne, à partir du cas grand-comorien des Maires-notables, nous ont amené à saisir la profondeur, l’étendue et les conséquences de l’interdépendance entre phénomène culturel et fait politique. Outre les acquis théoriques des deux champs culturel et politique, l’observation sur terrain de cette interrelation entre eux nous a procuré une grande expérience et des perspectives qui dépassent l’objectif visé. Dans ce sens, nous avons réalisé une éventualité de tirer profit du consensus actuel entre le pouvoir coutumier et le pouvoir politique en Grande-Comore afin d’envisager un développement dans la durée.

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IV. Perspectives

Pour couronner ce travail et en tirer un maximum d’intérêts, il importe de faire quelques projections sur l’avenir sociopolitique de la Grande-Comore, en particulier et des Comores, en général. Ce qui peut mener à la fois à de plus pointues réflexions dans le sens de notre recherche et vers une adéquation entre culture et politique à travers la réglementation du rite du Grand mariage et du statut de notable qui en découle, ainsi qu’une amélioration de la condition de vie des populations à partir d’une prise de conscience sur l’opportunité que présente la décentralisation. La présente étude porte sur la fonction d’un phénomène social total qui est le rite du Grand mariage dans le domaine de la politique et débouche sur le constat selon lequel il existe une forte interdépendance entre le culturel et le politique avec une ascendance du premier sur le second. Cette première constatation, qui est celle de l’imbrication du culturel et du politique nécessite une conscientisation de trois acteurs principaux de développement à savoir la notabilité, les acteurs sociaux et politiques et enfin les populations locales. Mais avant d’expliciter la part d’action de ces différents acteurs, notons qu’aucune perspective n’est possible sans la sensibilisation de ces différentes catégories sociales et politiques. D’abord, sur le plan de la notabilité : Il est indispensable que la structure sociale actuelle soit révisée et améliorée afin de respecter et suivre l’évolution de l’humanité dans ce contexte de mondialisation. Partout dans le monde jusque dans les Etats dits civilisés, les notabilités existent même si les critères différent d’un pays à l’autre.  En Grande-Comore, la notabilité considérée sur la base non pas de compétence intellectuelle mais de réalisation matérielle est à proscrire.  En même temps, cette notabilité qui jouit d’une forte influence sur les politiques et un grand pouvoir dans la société en général, doit se ressaisir, respecter le rang social qui est le sien et se montrer digne de son statut.  Faire la nuance entre la participation dans la vie publique et l’implication dans les affaires publiques, lorsque l’on ne se sent pas à la hauteur, serait dans l’intérêt du notable d’une part, car il bénéficierait de ce geste une grande reconnaissance en tant que sage de la communauté. D’autre part, cela favoriserait l’épanouissement des localités par l’implication accrue et bénéfique des intellectuels et des jeunes,

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compétents et capables d’apporter les solutions appropriées aux défis contemporains. Pour ce qui concerne les acteurs sociaux et politiques : Deux options sont à retenir l’une ou l’autre ainsi qu’une troisième vision qui s’impose dans l’une ou l’autre de ces deux options :  L’une, drastique et purement politique, consiste en la proscription pure et simple du Grand mariage comme l’avait fait l’ancien président des Comores, Ali Soilihi, aux années 70. Cette alternative n’est sans doute pas sans risque, mais avec la nostalgie et le regret qu’éprouvent de plus en plus de Comoriens pour cette mesure audacieuse de cet ancien chef d’Etat, il est fort probable que la population adhère à une telle mesure. Et cela serait l’idéal pour parvenir à un développement humain et durable dans le court terme.  L’autre plus pragmatique, implique le dialogue national, entre toutes les catégories sociales et les différentes générations. Dans cette optique, une réflexion profonde portant sur la redéfinition, la réalisation et les conséquences du Grand mariage doit être apportée afin de faire une mise au point des aspects positifs et négatifs de ce phénomène sur tous les niveaux : social, économique et politique. Ce volet s’avère primordial car jusqu’à ce jours, à notre connaissance, aucune initiative de ce genre n’a été envisagée si ce n’est quelques tentatives ici et là de réduction des dépenses du Grand mariage. De ce fait, la restructuration de cette institution s’impose, non pas à travers des initiatives figées et ne touchant le phénomène que dans son aspect économique, mais à partir d’assises nationales ou insulaires sur le Grand mariage. Comme cela a été, par exemple le cas pour la décentralisation, l’Etat, à travers son ministère de l’intérieur ou le gouvernorat de Ngazidja, doit inviter tous les acteurs sociaux et politiques du pays, partis politiques, société civile, syndicats et associations de jeunes, de femmes etc. pour une action concertée contre l’institution du Grand mariage ou du moins contre ses implications néfastes sur la vie sociopolitique du pays, de l’Ile de Ngazidja et des communes. Toutefois, une telle initiative peut provenir de tout acteur social ou politique.  Pour clôturer ce volet des acteurs politiques, il a été largement présenté le caractère régulateur du social et du politique de la notabilité. De ce caractère il serait efficace de formaliser le conseil des notables grand-comoriens. Parmi les institutions politiques de l’Ile, il serait souhaitable que ce conseil soit institutionnalisé afin de tirer profit de la capacité et du rôle médiateur des notables

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dans les conflits communautaires et les guéguerres politiques, et dans la foulée limiter leur ingérence et influence. Cela conduirait à dissocier définitivement le Anda, ou du moins ses incidences, de la politique. Enfin, pour ce qui est des populations locales :

 La part des citoyens est non négligeable quant à la politique de décentralisation. Ils sont au centre des préoccupations de la gouvernance dans sa dimension étatique et locale. Ainsi, leur participation dans tous les processus de décision et leur implication dans les initiatives de développement sont capitales. De ce fait, il est d’une nécessité notoire qu’ils soient avisés de la place qui est la leur dans cette nouvelle configuration politique et préparés à l’embrasser et la défendre.  Une éducation citoyenne s’avère donc indispensable. Ainsi, des séances de sensibilisation et de conscientisation trouvent ici leur intérêt.  La puissance économique, le pouvoir social et l’influence politique des hommes au Mharuma (écharpe) doivent désormais être liés aux mérites intellectuels et professionnels et non à la réalisation ou non du Grand mariage.

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CONCLUSION

CONCLUSION

Pour conclure ce travail, il convient de dire que la fonction du Grand mariage dans la politique comorienne et plus spécifiquement dans celle des communes grand- comoriennes revêt une importance particulière dans la nouvelle dynamique de décentralisation enclenchée par l’Etat fédéral de l’Union des Comores. L’instauration des communes en Grande-Comore est une politique très récente dans le paysage politique local. Elle vient principalement de la constitution de 2001, accouchée suite à la crise séparatiste des années quatre-vingt-dix. Cette politique de décentralisation a été renforcée par la révision constitutionnelle de 2009, les lois relatives à la décentralisation signée en 2012 et les IIIème assises nationales tenues en 2013. Toutefois, malgré son stade embryonnaire, cette décentralisation qui s’achemine vers son effectivité a rapidement trouvé écho et est applaudie par la population dans son ensemble. Raison pour laquelle la plupart des localités n’ont pas attendu l’effectivité du processus pour s’organiser et se lancer dans la mise en place de leurs propres structures communales. Dès le début des années 2000, la plupart des localités grand-comoriennes se sont dotées de leurs structures communales. Cependant, forts de leur statut et du rôle qui leur est assigné par la tradition et la société, et en même temps influents sur le plan politique national, les notables ont accaparé ces nouvelles responsabilités communales et en conséquence dirigent, depuis, les affaires publiques dans presque l’ensemble des localités grand-comoriennes. Pourtant, étant donné leur capacité intellectuelle réduite et surtout en matière de gouvernance locale, la domination des notables dans la sphère politique locale n’est pas sans conséquence quant à l’épanouissement des localités et au développement durable. La société comorienne, dans sa majorité et la population grande-comorienne, dans son ensemble continuent encore aujourd’hui d’accorder une importance capitale au rite de passage qu’est le Grand mariage. Cette institution qui procure prestige, honneur, respect et fierté à l’individu et sa famille, et qui mobilise l’énergie et les projets de toute une vie du Comorien, en général et du Grand-Comorien, en particulier, constitue un passage obligé pour disposer du droit de parole sur la place publique, et de celle-ci une notoriété dans la communauté villageoise et même au-delà. La société comorienne et surtout grand- comorienne ainsi caractérisée, stratifie le groupe social en différentes catégories dont celle des notables qui est au sommet de la structure. Ces derniers bénéficiant presque seuls du droit et du pouvoir d’expression, de proposition et de décision, acquièrent ainsi un pouvoir

104 politique fort au sein des communautés villageoises et une influence dans le milieu politique national. Dans le cadre local, les notables, respectés, honorés et même craints par les communautés grâce à ce pouvoir, parviennent toujours logiquement à mieux maîtriser les rapports sociaux locaux et à entretenir et maintenir le lien social, notamment par la gestion stratégique des conflits inter et intra-communautaires. De leur position dans la hiérarchie communautaire et de leur prestige traditionnel, les notables n’ont pas eu beaucoup de difficulté à s’imposer dans ce nouveau cadre institutionnel qu’est la décentralisation. Par ailleurs, la classe politique, gouvernants et partis politiques grand-comoriens, souvent sans base politique solide dans les différentes localités, font recours à la notabilité pour jouer un double rôle à sa place : d’un côté résoudre ces conflits communautaires afin d’éviter l’intervention des forces de l’ordre, mais éventuellement aussi lorsque ces dernières ne sont pas efficaces, et ensuite légitimer les intentions qui sont les siennes, c'est- à-dire jouer la représentation afin d’approuver et faire approuver des actions et intentions politiques au nom de la population. Ce qui démontre une faiblesse de la classe politique face à la notabilité. De cette nécessité de régulation de la vie politique à travers le notable, nait une légitimation du pouvoir de la notabilité dans les communautés villageoises et une influence incontestable sur les autorités et acteurs politiques insulaires et nationaux. De ce fait, le pouvoir et l’influence du notable sortent légitimés par voie de conséquence. C'est-à-dire que la crédibilité de la notabilité envers les citoyens et sa force de persuasion et parfois de dissuasion font d’elle un acteur politique incontournable. Ce qui traduit la nomination de 24 Présidents de Délégations Spéciales en Grande-Comore dont 22 sont des notables, mais aussi la collaboration permanente des autorités insulaires, voire nationales, avec la notabilité sans qui elles auraient du mal à faire passer leurs projets. Ainsi, le politique cède aux demandes et satisfait aux souhaits du notable et celui-ci exploite sa notoriété et son pouvoir traditionnel afin de valider l’action ou l’intention du politique auprès de la population. Dans la foulée, on en déduit une réciprocité de services entre les autorités et acteurs politiques et les notables. Toutefois, cette position privilégiée du notable et son pouvoir (traditionnel) acquis à partir du Grand mariage dans la communauté villageoise, confortés par l’approximation du pouvoir qu’induit la décentralisation, qui hissent indiscutablement le notable à la fonction de Maire ne sont pas sans entraver le développement des localités. La

105 notabilisation de la vie politique des localités dénature l’essence de la décentralisation en ce sens que le système traditionnel est exclusif des jeunes (même à 60 ans l’individu demeure jeune s’il n’a pas réalisé le Grand mariage) et des femmes (celles-ci ne peuvent pas participer directement aux réunions importantes de la cité). De ce fait, le notable, généralement non instruit ou non averti des réalités sociopolitiques et des défis sociétaux à relever dans le contexte actuel de paupérisation généralisée de la population, est inconditionnellement à la tête de la communauté quand bien même il n’est pas à la hauteur de ces défis. Ainsi, on constate qu’après plus de dix années de système communal, et malgré la stabilité politique que connait le pays depuis bientôt une quinzaine d’années, les localités grand-comoriennes ne sont toujours pas en mesure de faire face aux dégradations infrastructurelles, aux droits à l’éducation et à la santé pour tous, au chômage des jeunes etc. Par conséquent, dans la perspective de répondre à la question principale de cette étude et satisfaire son objectif global, il a été nécessaire de confirmer ou non les hypothèses émises afin d’y parvenir. Pour cela, les trois hypothèses qui ont été formulées viennent d’être validées par les investigations et analyses faites durant ce travail. En effet, d’après toutes les données recueillies, manipulées et analysées, il est clair que : premièrement, le Grand-mariage confère une forte influence au notable sur le politique et caractérise une dépendance du système politique au système traditionnel. Deuxièmement, la présence des notables dans la sphère politique constitue une barrière contre tout risque d’explosion sociale et un facteur de cohésion et d’intégration. Et troisièmement, l’influence ou le pouvoir du notable, généralement sans connaissance ni expérience politiques sur le politique, représente un danger pour la gouvernance et un obstacle à la gestion des affaires publiques et donc au développement local et insulaire. De la confirmation de ces hypothèses, nous pouvons conclure ce travail en deux points essentiels : d’une part, la présence des notables dans la sphère politique grand- comorienne est due au pouvoir traditionnel acquis par ces derniers à travers leur réalisation de l’institution du Grande mariage et la légitimation de ce pouvoir par les acteurs politiques ; et d’autre part, cette présence constitue un frein au bon fonctionnement des affaires publiques autant locales que nationales et un obstacle au développement. Cette recherche a ainsi relaté qu’en Grande-Comore l’influence du culturel sur le politique et réciproquement est réelle et compromet particulièrement le développement des localités mais aussi l’épanouissement de l’Ile et du pays dans son ensemble.

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C’est pour cette raison que des perspectives ont été énumérées dans le but d’améliorer la condition de vie socioéconomique du pays, des îles, des communes et surtout des populations. Ces perspectives se résument en la réflexion, la révision, la régularisation ou formalisation, ou catégoriquement la proscription du Grand mariage et du statut de notable dans leur version actuelle. Cependant, on ne saurait clôturer définitivement un tel travail avant de s’interroger sur ces questions : qu’en sera-t-il de la position statutaire et politique ainsi que du pouvoir traditionnel notabiliaire pendant et après les premières élections municipales et communales en Grande-Comore prévues prochainement ? Les citoyens accorderont-ils toujours du crédit aux notables faces à des candidats jeunes et intellectuels à la magistrature des localités ?

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TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE ...... 1

Première partie : CADRE THEORIQUE, METHODOLOGIQUE ET GENERALITES SUR LA GRANDE-COMORE Chapitre I : Cadre théorique ...... 10 I. La culture ...... 10 I.1. Quelques éléments de définition et de compréhension...... 10 I.1.1. Généralités sur la culture ...... 10 I.1.2. La culture comme facteur de cohésion sociale et d’intégration individuelle ...... 11 I.1.3. La culture comme source de distinction et enjeu de conflit ...... 12 I.2. Quelques notions relatives au Grand mariage ...... 13 I.2.1. Le Anda (coutume) ...... 13 I.2.2. Le Ndola Nkuwu (Grand mariage ou mariage traditionnel) ...... 13 I.2.3. Les étapes du Grand mariage ...... 15 II. Le fait politique ...... 18 II.1. La décentralisation et ses enjeux ...... 19 II.2. La décentralisation aux Comores ...... 20 III. Les courants théoriques ...... 22 III.1. Le fonctionnalisme ...... 22 III.2. Le structuralisme ...... 24 Chapitre II : Cadre méthodologique ...... 26 I. La documentation, la pré-enquête et l’échantillonnage...... 27 I.1. La documentation ...... 27 I.2. La pré-enquête et l’échantillonnage ...... 28 II. Les techniques d’enquêtes et de recueil d’informations ...... 32 II.1. Les techniques de documentation ...... 32 II.2. Les techniques d’observation ...... 32 II.3. Les techniques de l’interview ...... 33 III. L’analyse des données recueillies ...... 33 IV. Les limites de l’étude ...... 34 Chapitre III : Généralité sur la Grande-Comore ...... 35 I. Situation géographique, démographique et économique ...... 35

I.1. Cadre physique des Comores ...... 35 I.1.1. La Grande-Comore ( Ngazidja ) ...... 35 I.1.2. Le climat ...... 35 I.1.3. La faune, la flore et le tourisme ...... 36 I.2. Données démographiques ...... 37 I.3. Données économiques ...... 37 II. Contexte historique ...... 38 II.1. Quelques références historiques sur les Comores ...... 38 III. Organisation politique des Comores et de la Grande-Comore ...... 40 III.1. Le fédéralisme comorien ...... 40 III.2. Organisation politique de la Grande-Comore de l’époque des Sultans batailleurs à nos jours ...... 41 Deuxième partie : PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE Chapitre IV : La représentation du Grand mariage pour le Grand-Comorien ...... 43 I. Ce que le Grand mariage représente ...... 44 I.1. Représentation du Grand mariage pour tous les enquêtés ...... 44 I.2. Représentation du Grand mariage selon le sexe ...... 45 I.3. Représentation du Grand mariage suivant l’âge de l’enquêté ...... 47 I.4. Représentation du Grand mariage en fonction du niveau d’études...... 48 I.5. Représentation du Grand mariage selon la catégorie socioprofessionnelle ...... 49 I.6. Représentation du Grand mariage en fonction du statut social ...... 50 I.7. Représentation du Grand mariage en fonction du revenu des interviewés ...... 52 II. L’intérêt du Grand mariage ...... 53 II.1. L’intérêt du Grand mariage dans l’ensemble ...... 53 II.2. L’intérêt du Grand mariage suivant le sexe ...... 55 II.3. L’intérêt du Grand mariage d’après les différentes catégories d’âge ...... 56 III. La place des déviants au Grand mariage dans la société ...... 57 Chapitre V : La relation Grand mariage-politique ...... 60 I. L’intérêt des enquêtés pour la politique ...... 60 II. L’influence du notable sur le politique ...... 61 III. Le Grand mariage source de popularité politique ...... 63 IV. La politique, un passage pour accomplir un Grand Mariage extraordinaire ...... 63 V. Le poids de la notabilité dans l’échiquier politique local ...... 65 VI. Le poids politique des notables sur la scène nationale ...... 67

VII. La compétence des notables dans la gestion des affaires publiques ...... 68 VII.1. La capacité intellectuelle des notables selon l’âge des interviewés ...... 69 VII.2. La capacité intellectuelle des notables selon le niveau d’études des ...... 71 VIII. La présence et l’implication des notables dans la vie politique et leur contribution au développement national et local ...... 71 Troisième partie : DISCUSSION, BILAN ET PERSPECTIVES Chapitre VI : La dichotomie culture-politique ...... 73 I. Récapitulatif des résultats pertinents des travaux sur terrain ...... 73 II. L’emboitement culture-politique dans le réel sociopolitique...... 73 II.1. Le culturel en tant que déterminant politique ...... 74 II.2. Un système politique atypique ...... 79 II.3. L’approche fonctionnelle et structurale des notables dans la politique grand- comorienne ...... 82 III. La régulation politique : facteur de légitimation du pouvoir traditionnel ...... 85 III.1. La régulation de la vie politique à travers le notable et ses conséquences ...... 86 III.2. Les notables : Maires des communes ...... 89 III.3. Qu’en est-il de la cohésion, de l’intégration et du développement ? ...... 93 Chapitre VII : Bilan et perspectives ...... 96 I. Bilan ...... 96 II. Confirmation ou non des hypothèses ...... 98 III. Limites et avantages de l’étude ...... 100 III.1. Limites ...... 100 III.2. Avantages ...... 100 IV. Perspectives ...... 101 CONCLUSION ...... 104 BIBLIOGRAPHIE ...... 108 TABLE DES MATIERES LISTE DES TABLEAUX LISTE DES FIGURES LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS GLOSSAIRE ANNEXES I ...... I ANNEXES II...... X RESUME Summary

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Population totale enquêtée par questionnaire (par sexe et par âge) ...... 30 Tableau 2 : Population enquêtée par sexe et niveau d’études ...... 30 Tableau 3 : Population enquêtée par sexe et CSP ...... 30 Tableau 4 : Population enquêtée par sexe et statut social ...... 31 Tableau 5 : Population enquêtée par niveau de revenu ...... 31 Tableau 6 : Effectif et fréquence de la conception du Grand Mariage par la population enquêtée en général ...... 44 Tableau 7 : Effectif de la conception du Grand mariage en fonction du sexe ...... 45 Tableau 8 : Conception du Grand mariage en fonction de l’âge ...... 47 Tableau 9 : Conception du Grand mariage en fonction du niveau d’études ...... 48 Tableau 10 : Conception du Grand mariage en fonction de la Catégorie Socioprofessionnelle ..... 49 Tableau 11 : Conception du Grand mariage en fonction du statut social ...... 50 Tableau 12 : Conception du Grand mariage en fonction du revenu ...... 52 Tableau 13 : Intérêt du Grand mariage ...... 53 Tableau 14 : L’intérêt du Grand mariage en fonction du sexe...... 55 Tableau 15 : L’intérêt du Grand mariage en fonction de l’âge...... 56 Tableau 16 : La place des déviants au Grand mariage dans la société ...... 58 Tableau 17 : Intérêt des enquêtés pour la politique ...... 61 Tableau 18 : L’influence du Grand mariage en l’occurrence du notable sur le politique ...... 61 Tableau 19 : Prestige des politiciens à partir de leur Grand mariage...... 63 Tableau 20 : La réalisation du Grand mariage à partir de son statut politique ...... 63 Tableau 21 : Le poids du notable sur le plan local ...... 65 Tableau 22 : Le poids de la notabilité sur le plan national ...... 67 Tableau 23 : La compétence des notables en matière de gestion des affaires publiques ...... 68 Tableau 24 : La compétence des notables en fonction de l’âge des enquêtés ...... 69 Tableau 25 : La compétence des notables d’après le niveau d’études des enquêtés ...... 71 Tableau 26 : La contribution des notables au développement national et local ...... 72

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Les étapes d’une recherche selon QUIVY, R. et CAMPENHOUDT, L. V ...... 26 Figure 2 : Les quatre étapes suivies pour composer le thème d’étude ...... 27 Figure 3 : Schématisation de la conception du Grand mariage par les enquêtés...... 44 Figure 4 : Schématisation de la conception du Grand mariage en fonction du sexe ...... 46 Figure 5 : Schématisation de la perception négative du Grand mariage en fonction de l’âge ...... 47 Figure 6 : Schématisation de la perception par rapport au niveau d’études Maîtrise/MI ...... 48 Figure 7 : Schématisation de la perception du Grand mariage de la part des cadres supérieurs ... 49 Figure 8 : Schématisation de la perception positive du Grand mariage par les notables ...... 51 Figure 9 : Schématisation de la conception du Grand mariage en fonction du revenu ...... 52 Figure 10 : Schématisation de l’intérêt du Grand mariage selon les enquêtés ...... 53 Figure 11 : Schématisation analytique de l’intérêt du Grand mariage en fonction du sexe ...... 55 Figure 12 : Schématisation analytique de l’intérêt du Grand mariage selon l’âge ...... 57 Figure 13 : Schématisation du statut des déviants au Grand mariage ...... 58 Figure 14 : Schématisation de l’influence du notable sur le politique ...... 62 Figure 15 : Schématisation de la base du Grand mariage pour la popularité politique ...... 63 Figure 16 : Schématisation de la réussite politique comme base de réussite sociale ...... 64 Figure 17 : Schématisation de la mesure du poids politique des notables au niveau des communes ...... 66 Figure 18 : Schéma portant sur le poids de la notabilité au niveau national ...... 67 Figure 19 : Schéma de la compétence des notables selon les enquêtés ...... 69 Figure 20 : Représentation de la réponse Non à la compétence des notables ...... 70 Figure 21 : Schéma de la contribution des notables au développement ...... 72

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AIMPSI : Aéroport International Moroni Prince Said Ibrahim Ar : Ariary (monnaie locale malagasy) C.C.A.C : Centre Culturel Albert Camus C.N.D.R.S : Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique CSP : Catégorie Socio-Professionnelle D.E.A : Diplôme d’Etude Approfondie FC ou Fc : Franc Comorien (monnaie locale) F.M.I ; Fond Monétaire International I.D.H : Indice de Développement Humain I.F.M : Institut Français de Madagascar I.P.P.T.E : Initiative Pays Pauvre Très Endetté MI : Master I Mo Ibrahim : Indice de perception de la gouvernance P.D.S : Président de Délégation Spécial P.M.A : Pays moins avancé PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement R.F.I.C : République Fédérale Islamique des Comores T.O.M : Territoire d’Outre-Mer UNESCO : United Nation for Education, Social and Culture Organisation (Organisation des Nations Unies pour l’Education, le Social et la Culture) $ : Dollars américain

GLOSSAIRE

Anda na mila : coutume et tradition Bahasha : enveloppe mais a le sens de bakchich Bangwe : place publique Bibi harussi : la mariéé Bwana harussi : le mari Dimbusso : repas sur invitation réservé à la famille de l’époux Dine : diner (repas sur invitation) Djaliko : danse traditionnelle des hommes à l’occasion du Grand Mariage Djaliko la mabele : danse traditionnelle des femmes Djeleo : cérémonie d’ouverture des festivités (distribution de riz, argent et viande) Harussi : traditionnellement le terme signifie mariage Hatub: le prédicateur Hinya: lignée Hinya Fwambaya : lignée du centre ouest et est de la Grande-Comore Hinya Matswa Pirusa : ligné du centre ouest et nord-ouest de la Grande-Comore Hinya Mdombozi : lignée du sud de la Grande-Comore Hinya Shihali : lignée du sud-est de la Grande-Comore Hirimu : classe Kofia : toque ou bonnet Kotri : veste et a le sens piston dans le jargon de la corruption Madjliss : cérémonie religieuse réunissant des invités « hommes » Ma kotri : pluriel de Kotri (vestes) Malapvo : exclusion sociale Maoré : Mayotte Mbaba : père Mbe za harussi : bœufs distribués par un notable pour annoncer le Grand Mariage prochain de son fils ou de sa fille Mdru mdzima : homme complet ou accompli Mdzadze : mère M’faoume : roi, prince, sultan, président ou chef Mfoma mdji : chef du village ou Grand notable Mharuma : écharpe traditionnel

Mimbar : tribune (ici il a le sens de tribune de la mosquée du vendredi) Mna mdji : jeune du village Mongozi : le guide Motro wa mdji : enfant du village Mwali : Mohéli Mwaliko : repas offert aux Wana mdji à l’occasion du Djaliko Mwalimu : Ndé ngazidja : cette Grande-Comore Ndola nkuwu : Grand Mariage Ndzuwani : Anjouan Ngazidja : Grande-Comore Ngazidja mfukare : les 7 Grande-Comores Ngouni Djabal : colline située dans la ville d’Ikoni au sud de Moroni, la capitale Ntibe : roi des rois (titre attribué au sultan des sultans de la Grande-Comore) Ray-aman-dreny : terme malgache significant doyen, sage) Sambe : danse traditionnelle des homes à la fin du Djaliko Shewo : honneur Shikomor : langue comorienne Tso-drano : terme malgache qui signifie bénédiction Twarabu : danse traditionnelle avec des orchestres musicaux Ufahari : fierté Ukumbi : soirée dansante à l’occasion de la première sortie officielle de la mariée Umodja Wa Massiwa : Unité des îles (hymne national comorien) Wafaume : pluriel de roi, prince, sultan, president ou chef Wana mdji : pluriel de Mna mdji Wana magandza : pluriel de Mna gandza (enfant gate) Wandru wadzima : pluriel de Mdru mdzima Wandru wa miharuma : pluriel de Mdru wa mharuma (homme à l’écharpe qui fait référence aux notables) Zifafa : danse accompagnant le marié et ses invités dans la maison de sa femme Zisiwa Midjidjengo : pluriel de Yisiwa Mdjidjengo (île autonome)

ANNEXES

ANNEXES I

ANNEXES I

QUESTIONNAIRE (aux populations des différentes communes)

Profil de l’enquêté :

1. Sexe : M F 2. Tranche d’âge 21-30 31-40 41-50 51-60 61 et + 3. Niveau d’études Sans < Lycée ≤ Bacc ≤ Maîtrise/Masters I ≥ Masters II 4. Catégorie Socioprofessionnelle Sans Ouvrier Cadre moyen Cadre supérieur 5. Statut social Motrwa Mdji Mna Mdji Mdru Mdzima Mfoma Mdji

6. Quel est votre revenu mensuel ? ]25.000] ; [25.000-75.000] ; [75.000-125.000] ; [125.000-175.000] ; [175.000 et plus[ Autre

Questions sur le Anda (Grand mariage) :

7. Que représente le Anda pour vous et pourquoi ? 8. Quels sont, d’après vous, les principaux intérêts à l’accomplissement du Anda ? 9. Que pensez-vous du statut social de ceux qui n’accomplissent pas le Anda ? Existe-t-il une différence remarquable dans leur intégration dans la communauté par rapport à ceux qui l’accomplissent ?

Questions sur la relation entre le Anda et la politique :

10. D’après vous, croyez vous que le Anda contribue-t-il, pour celui qui l’accomplit, à devenir influent politiquement ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? 11. Croyez-vous que les cadres politiques se distinguent souvent à travers leur Anda ? Ou plutôt se distinguent-ils politiquement pour ensuite accomplir un Anda extraordinaire ?

I

12. Comment mesurez-vous le poids des notables dans le fonctionnement de votre commune sur une échelle de 1 à 10 ? Donnez juste le chiffre concordant avec votre jugement !1 est un minimum ; 10 un maximum : 13. Si votre estimation est ≥ 5 cela signifie qu’ils influent directement sur la gestion de votre commune ou se trouvent-ils aux commandes. Trouvez-vous cela avantageux (en quoi) ou pré-judicieux (en quoi) ? 14. De même comment mesurez-vous l’influence de la notabilité sur l’échiquier politique comorienne sur la même échelle de 1 à 10 ? 15. Pareillement, si votre estimation est ≥ 5 cela implique qu’elle a un poids considérable sur les décisions étatiques. Approuvez-vous cela (pourquoi) ou non (pourquoi) ? 16. Pensez-vous que la majorité des notables disposent-elle de la compétence ou de l’expérience nécessaires pour s’ingérer dans les affaires publiques ? 17. En un mot, dans une perspective de paix sociale, de stabilité et ensuite de développement, le Anda et par ricochet la notabilité en Grande-Comore contribue- t-il à l’épanouissement des Communes en particulier et de l’Etat en général ou non ? 18. Si vous trouvez que non, que proposeriez-vous pour dissocier le Anda du politique ?

II

GUIDE D’ENTRETIEN (aux acteurs politiques : autorités locales et politiciens nationaux)

Profil de l’interviewé :

1. Sexe : M F 2. Tranche d’âge 21-30 31-40 41-50 51-60 61 et + 3. Niveau d’études Sans < Lycée ≤ Bacc ≤ Maîtrise/Masters I ≥ Masters II 4. Catégorie Socioprofessionnelle Sans Ouvrier Cadre moyen Cadre supérieur 5. Statut social Motrwa Mdji Mna Mdji Mdru Mdzima Mfoma Mdji

Thèmes de discussion

1. Que pensez-vous du statut et de la fonction de notable dans la société grande comorienne ? 2. Dans une perspective de paix sociale, de stabilité et ensuite de développement, le Anda et par ricochet la notabilité en Grande-Comore contribue-t-il à l’épanouissement des Communes en particulier et de l’Etat en général ou non ? 3. Avec l’instauration des communes le rôle et l’influence de la notabilité dans les communautés villageoises se trouvent-ils menacés ou plutôt renforcés ? 4. Comment se fait-il que nombre de Maires sont des notables en Grande- Comore ? Est-ce une coïncidence ou cela est motivé (par quoi) ? 5. Quelle est justement la principale différence entre Maire et Chef de village ?

III

LOI STATUTAIRE DE L’ILE AUTONOME DE NGAZIDJA

PREAMBULE La Constitution de l'Union des Comores votée le 23 décembre 2001, révisée par la loi référendaire du 17 mai 2009, consacre une autonomie des Iles et un développement à la base pour lequel les Iles demeurent la source, l'objectif et la maîtrise d'oeuvre. Elle garantit, dans son préambule, « un partage du pouvoir entre l'Union et les Iles qui la composent, afin de permettre à celles-ci de concrétiser leurs aspirations légitimes d'administrer, gérer librement et sans entrave, leurs propres affaires et de promouvoir leur développement socio- économique ». L’Ile Autonome de Ngazidja adhère pleinement au principe de la Présidence tournante entre les Iles conformément aux dispositions de l’article 13 de la Constitution de l’Union des Comores. L'Ile Autonome de Ngazidja protège les valeurs de l’Islam et respecte les us et coutumes des Comores. La population de Ngazidja affirme son attachement aux principes définis par la Déclaration Universelle des Droits de l'homme des Nations Unies, ceux de l'organisation de la Conférence Islamique et ceux de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, ainsi que les autres principes, droits et devoirs proclamés par le préambule de la Constitution de l’Union des Comores. Elle met en œuvre les plans et objectifs définis par les organismes internationaux, et tous les autres engagements valablement pris par l’Etat comorien. Tout élu à une fonction politique de l’Ile a le devoir de l'accomplir avec conscience, probité, impartialité, dévouement et loyauté. L’Exécutif et le Conseil de l’Ile veillent à la promotion de la bonne gouvernance politique, socio-économique et juridique, de la décentralisation et de la déconcentration, s’assurent du respect constitutionnel de l’autonomie des Iles, du développement durable de l’Ile Autonome de Ngazidja et œuvre pour la solidarité citoyenne. Ce préambule fait partie intégrante de la loi statutaire.

TITRE VI DES COLLECTIVITES TERRITORIALES DECENTRALISEES

Article 64 : Conformément à l’article 7-3 de la Constitution des Comores, l’Ile Autonome de Ngazidja, organisée en collectivités territoriales décentralisées, comprend des Mairies et des Communes qui sont dotées chacune d'un organe délibérant et d'un organe exécutif élus. La Mairie et la Commune constituent la collectivité territoriale de base.

IV

Répartition des préfectures et des communes en Grande-Comore 1. Préfecture de Bambao, chef-lieu Moroni- 4 communes : Moroni, Bambao ya Djou, Bambao ya Hari, Bambao ya Mboini ; 2. Préfecture Hambou, chef-lieu Mitsoudjé – 2 communes : Tsinimwapangua, Djoumoipangua ; 3. Préfecture de Mbadjini-ouest, chef-lieu Dembéni- 2 communes : Ngouwéngué, Nioumagama ; 4. Préfecture de Mbadjini-est, chef-lieu Foumbouni- 3 communes : Itsahidi, Domba, Pimba ; 5. Préfecture de Oichili-Dimani, chef-lieu Koimbani- 3 communes : Oichili ya Djou, Oichili ya Mboini, Dimani ; 6. Préfecture de Hamahamet-Mboinkou, chef-lieu Mbéni- 3 communes : Nioumasirou, Nioumamro, Mboinkou ; 7. Préfecture de Mitsamihouli-Mboudé, chef-lieu Mitsamihouli- 6 communes : Cembenoi-Lac-Salé, Cembenoi-Sada-Djoulamlima, Mitsamihouli, Nioumakomo, Nioumamro Kiblani, Nioumamro Souhéili ;

Préfecture d’Itsandra-Hamanvou, chef-lieu - 5 communes : Hamanvou, Mbadani, Mbangaani, Djoumoichongo, Isahari.

V

LISTE DES NOUVEAUX CHEFS DES COMMUNES

Voici la liste des nouveaux responsables des communes de la Grande Comore. Ils ont été choisis par leurs localités respectives puis confirmés par arrêté du gouverneur Mouigni Bakara Said Soilih le 18 février.

L’arrêté précise que cette initiative entre « dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de la 3ème assise nationale sur la décentralisation des 13 et 14 juin 2012, et en attendant l’organisation des élections générales communales… » « Ces collectivités sont administrées par les Délégations spéciales » assistées par des administrateurs.

1- Commune de Bambao Ya Djou : (Mkazi, , Mavingouni) Maire : Ibouroi Hadji

1 ère Adjoint : Ahmed Cheikh Mohamed 2 ème Adjoint: El-Arif Abdou Hamidou 3 ème Adjoint : Ibroihim Mhoma

2- Commune de Bambao Yahari : (, M’Dé, Sélea, Nioumadzaha, Moindzaza Djoumbé, Mboudajou, Daoueni, , Boueni) Maire : Aboudou Assimakou

1 ère Adjoint : Ahmed Saandi 2 ème Adjoint : Daoud Soulaimana 3 ème Adjoint : Youssouf Bacar

3- Commune de Bambao Ya Mboini : (Iconi, Bachilé, Moindzaza Mboini, Ndrouani, Séréhini) Maire : Mzé M’madi Mariama

1 ère Adjoint : Aboubacar Youssouf 2 ème Adjoint : Abdou Mhadjou 3 ème Adjoint : Soulé Bacar M’madi

4- Commune de Tsinimoipanga: (Mitsoudjé, Troumbéni, , Djoumoichongo, Banguoi, Nkomioni, ) Maire : Mohamed Farhane

1 ère Adjoint : Chakira Ali Mzé 2 ème Adjoint : Sidi Saïd Ibrahim 3 ème Adjoint : Mohamed Youssouf Oumouri

5- Commune de Djoumoipanga : (Singani, Mdjoiezi, Hetsa, Bambani, ) Maire : Ali Ibrahim Maziada

1ère Adjoint : Mohamed Abdoulatuf 2ème Adjoint : Said Hamidou 3ème Adjoint : Ahamada Mohamed Mlatamou

6- Commune de Ngouengoe : (Dembeni, Mdjankagnoi, Mboudé ya Mboini, Mlimani, Panda, Mindradou, Mandzissani, Tsinimoichongo, Kandzilé, Makorani, Itsoundzou) Maire : Djoumoi Said Abdallah VI

1ère Adjoint : Mohamed Hassane 2ème Adjoint : Said Athoumani 3ème Adjoint : Ali Abdallah

7- Commune de Nioumagama : (, Ifoundihé Chadjou, Ifoundihé Chamboini, Dima, ya Sima, , Dzoidjou, Famaré) Maire : Said Mohamed Mchangama

1ère Adjoint : Alhadhuir Ali 2ème Adjoint : Moussa Moumini 3ème Adjoint : Nassuf Issa

8- Commune d’Itsahidi : (Foumbouni, Koimbani, Malé, Midjendjeni, Ourovéni, Ndzouani, Chindini, Simamboini, Dzahadjou, , Nyoumadzaha-Mvoumbari) Maire : Hadjira Oumouri

1 ère Adjoint : Hassanali Hamadi 2 ème Adjoint : Moussa Mohamed Kaiva 3 ème Adjoint : Mohamed Ibouroi

9- Commune de Domba : (Bandamadji, Bandadaoueni, Tsinimoipanga, Oungoni, ) Maire : Mohamed Djambaé

1 ère Adjoint : Yahaya Daroueche 2 ème Adjoint : Wadjibou Salimina 3 ème Adjoint : Moegni Mdahoma

10- Commune de Pimba : (, Inané, Nyambéni, Bandamadji Lakouboini, Dar Salama, Mlali, Nyouma Milima, Nkourani Mkanga, Didjoni, Kopvé) Maire : Habibou Mnemoi

1 ère Adjoint : Abdillah Msoma 2 ème Adjoint : Ahamada Hassane 3 ème Adjoint : Hassani M’madi

11- Commune de Oichili Yadjou : (Koimbani, Irohé, Boeni, Dzahadjou, Sada, Sadani, Chomoni, Samba Madi, Chamro, Sima) Maire : Moindze Youssouf

1ère Adjoint : Ibrahim Mhoudine Mfoihaya 2ème Adjoint : Nourdine Mohamed 3ème Adjoint : Mohamed Bacar

12- Commune de Oichili Yaboini : (Itsinkoudi, Dzahani, Kouhani, , Hambou, Hasendjé) Maire : Ahmed Mohamed Mhoma

1ère Adjoint : Achrafi Ahmed 2ème Adjoint: Ahmed Abdou Halidi 3ème Adjoint : Abdou Mohamed

13- Commune de Dimani : (Mtsangadjou, Foumboudzivouni, Mboudé, Midjindzé, Madjoma, VII

Idjoindradja, Idjinkoundzi, Maoueni, Mirereni, Ntsoralé, Sidjou, Rehemani) Maire : Youssouf Mroudjaé

1ère Adjoint : Ahmada M’madi Youssouf 2ème Adjoint : Ahmed Ahmed Ali 3ème Adjoint : Ali Mohamed Ali

14- Commune de Nyuma Msirou : (Mbéni, Séléani, Salimani, Sada Shihouwé, Sada Mhuwamboi, Bouni, Heroumbili, Batou, Nkourani, Ifoundihé, Mnoungou) Maire : Mohamed Abdou Soimadou

1ère Adjoint : Said Abdou Mnemoi 2ème Adjoint : Ali M’madi Mroimana 3ème Adjoint : Abdou Bacar Youssouf

15- Commune de Nyuma Mro Kiblani: (Djomani, Chamlé, Vouvouni, , Mdjoiézi, Helendjé, Douniani, Koua) Maire : Moindjié Msoili

1ère Adjoint : Ali Youssouf Hamadi 2ème Adjoint : Moindjié Mohamed Mdjassiri 3ème Adjoint : Hassani Mohamed

16- Commune de Mboinkou : (Madjeoueni, Sadani, Trélézini, , Ndroudé, Nyumamilima, , Bandamadji) Maire : Youssouf Soilihi

1ère Adjoint : Ousseine Abdillah Moussa 2ème Adjoint : Dahalani Mradabi 3ème Adjoint : Ahmed Toybou Mouigni

17- Commune de Cembenoi LAC-SALE : (Bangoi Kouni, , Ouzio, ) Maire : Aboudou Issa

1ère Adjoint: Bacar Mohamed Said 2ème Adjoint: Ali Mohamed Salim 3 ème Adjoint: Mohamed Chiekh Ibrahim

18- Commune de Mitsamihouli: (Mémboimboini, Hadawa, Fassi, Mitsamihouli, Nkourani, Ndzaouzé) Maire: Mohamed Mze Ali

1 ère Adjoint: Mchangama Abass 2 ème Adjoint: Mounsuf Mohamed Said 3 ème Adjoint: Nassuf Humblot

19- Commune de Nyuma Komo : (Bangoi Mafsakowa, Mémboidjou, Pidjani, Songomani, Toiyifa, Ntsadjéni, Founga, Ouhozi) Maire : Mohamed Simba

1ère Adjoint : Mchangama Saïd Mohamed 2ème Adjoint : Ahamada Abdillah 3ème Adjoint : Abidina Ahamada VIII

20- Commune de Hamanvou : (Hahaya, Bouenindi, Mbambani, Mbaleni, Oussivo, Mbangani, Diboini, Bibavou, Milevani) Maire : ASSOUMANI Said Mouigni

1ère Adjoint : Ahamada Youssouf M’madi 2ème Adjoint : Hadji Youssouf Samadi 3ème Adjoint : Hassane Youssouf Adam

21- Commune de Mbadani : (Batsa, Vanamboini, Vanadjou, Mhandani, Dzahadjou, Vounambadani) Maire : Saïd Bakar Saïd Hassane

1ère Adjoint : Athoumani Hassani Ali 2ème Adjoint : Ali Msaidié Bacar 3ème Adjoint : Djamal Ali Imamou

22- Commune de Bangaani : (Itsandra Mdjini, Salimani, Samba Mbodoni, Dzahani la Tsidjé, Maoueni, , Bandamadji, ) Maire : Issa Aboudou Mlimi

1ère Adjoint : Mohamed Ali Dia 2ème Adjoint : SATOULOU Ahmada 3ème Adjoint : Ahmeed Said Ahmed

23- Commune Djoumoichongo : (Dzahani II, , Sima, Ouellah, Samba Nkouni) Maire : Mohamed M’Madi Moindze

1ère Adjoint : Hassani Ali Hamadi 2ème Adjoint : Faissoil Youssouf Mhadjou 3ème Adjoint : Ali Soulé Hamadi

24- Commune Isahari : (Ntsoudjini, , Milembeni, Zivandani) Maire : Idjihadi Ali

1ère Adjoint : Mbaé Toimimou Nombamba 2ème Adjoint : Hassani Mohamed Wassiya Hakim 3ème Adjoint : Ali Wousseine

IX

ANNEXES II

ANNEXES II Photo 1 : Carte géographique des quatre îles des Comores

Source : Google earth novembre 2013

Photo 2 : Carte géographique de l’île de Ngazidja (Grande -Comore)

Source : Wikipédia, novembre 2013

X

Photo 3 : Un PDS en habits de notable entrant en fonction devant de gouverneur de l’Ile.

Source : auteur : novembre 2013

Photo 4 : Une femme Maire-notable entourée du gouverneur de l’Ile de Ngazidja (gauche) et du vice-président de l’assemblée de l’Union des Comores (droite).

Source : auteur : novembre 2013

XI

Photo 5 : l’assemblée des notables lors du congrès d’un parti politique

Source : auteur : novembre 2013

Photo 6 : Ensemble de bijoux 100% en or que le mari offre à la mariée

Source : http://www.afrik.com/comores-anda-ou-le-grand-mariage-qui-divise-les- generations

XII

RESUME

Nom et prénoms : CHAKIRA Ibouroi Soilihi Titre : La fonction du Grand Mariage dans la politique comorienne : cas des Maires-notables des communes en Grande-Comore Rubrique épistémologique : Sociologie politique Nombre de pages : 111 Références bibliographiques : 45 ouvrages et 12 sites internet Nombre des tableaux : 26 Nombre des figures : 21 Nombre de pages des annexes : 12

Résumé : En Grande-Comore, le Grand mariage caractérise les rapports socioéconomiques, en général et requiert une fonction essentielle dans le domaine politique, en particulier. Du prestige, honneur et respect ainsi que du statut de notable acquis en l’accomplissant, l’individu parvient à détenir un pouvoir de contrôle et de gestion des affaires de sa localité d’une part, et influer directement ou indirectement sur la vie politique nationale, d’autre part. La politique de décentralisation du pouvoir à partir des communes semble renforcer cette puissance notabiliaire . Ce qui explique la présence remarquable et remarquée des notables à la tête de la plupart des différentes communes grand-comoriennes récemment mises en place. Ainsi, le Grand-Comorien aspirant à un avenir politique local ou national ou encore le politicien désireux d’une carrière politique remplie devient systématiquement dépendant de l’institution du Grand mariage. Dans ce sens, le Grand mariage parait non seulement un rite de passage mais aussi un instrument et un enjeu politique dont les conséquences sont néfastes pour le développement des localités, du Yisiwa Mdjidjengo de Ngazidja (Ile autonome de la Grande-Comore) et du pays.

Mots-clés : Culture, décentralisation, Grand mariage (Anda ), pratique politique. Directeur de recherche : Pr RAMANDIMBIARISON Jean Claude