Anna Minutoli
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1 2 Les recherches généalogiques n’offrent qu’exceptionnellement l’occasion de découvrir une branche permettant de voyager aussi loin, à la fois dans l’espace et dans le temps. Celle-ci nous emmène d’abord dans la très belle Toscane et, de proche en proche, dans quelques-unes des provinces italiennes limitrophes. Partant du XVIIe siècle, elle permet une remontée jusqu’au XIIIe siècle et même, pour certaines branches, jusqu’au IXe siècle. Elle couvre donc une période de huit siècles de l’histoire mouvementée, mais passionnante, de l’Italie du Nord. Cette histoire familiale débute avec Anna Minutoli. Anna Minutoli Anna Minutoli (1600-1673), née et morte à Genève, est l’aïeule, au huitième degré, par les Doumerc et les De Chapeaurouge, de Charlotte Coullet (1866-1957), épouse de Gabriel Ruprich-Robert. Les De Chapeaurouge étaient des protestants genevois, de lointaine ascendance alsacienne. Notons au passage, qu’entre 1600, année de naissance d’Anna Minutoli, et 1866, année de naissance de Charlotte Coullet, il y a 266 ans, soit un peu plus de 33 ans par génération. La famille d’Anna était l’une des familles marchandes originaires de Lucca (Lucques), en Toscane, qui se convertirent au protestantisme vers le milieu du XVIe siècle, durent abandonner leur ville natale, d’abord pour la France et, très vite, pour Genève, où elles formèrent une importante et riche colonie qui accéda rapidement aux plus hautes fonctions au sein de la République. La brillante histoire de la ville de Lucca constitue la toile de fond de l’histoire familiale. Il est donc nécessaire d’en retracer les étapes. Histoire de Lucca Antiquité La ville est située au Nord-Ouest de la Toscane, dans une dépression marécageuse au Sud des Alpes apuanes, sur la rive gauche du capricieux fleuve Serchio. Le nom de la ville vient du mot celtique luk, marais, latinisé en Luca. Vers 600-500 avant J-C., la population ligure qui occupait les lieux fut repoussée par les Etrusques qui n’y construisent qu’une modeste bourgade. Elle devint une colonie romaine, en 180 av. J.-C.. Située au carrefour de la Via Francigena, me- nant de Rome en Gaule, et de la route de Florence à Pise et au port de Luni, elle acquit une certaine importance. La ville conserve dans sa partie occidentale le quadrillage des voies romaines. La Piazza San Michele occupe l'ancien forum et la Piazza dell'anfiteatro occupe l'ancien amphithéâtre qui était situé hors les murs. Invasions En 476, Odoacre, chef de Scyres, dépose le dernier empereur d’Occident et devient roi d’Italie. En 493, il est assassiné par Théodoric qui fonde le royaume ostrogoth. Lucca devient siège d’un comté et abrite une garnison. En 553, elle est reprise par le byzantin Narsès mais, vers 570, elle passe sous la domination des Lombards qui y placent un duc, de même qu’à Florence et Pise. Scyres, goths et lombards étaient des peuplades germaniques. 3 En 772, les Lombards envahissent les états pontificaux et le pape Adrien fait appel au roi des Francs, Charlemagne. En mars 774, après un siège de six mois, celui-ci s’empare de Pavie, la capitale lombarde, enferme le roi Didier dans un couvent et prend le titre de roi des Lombards. Les chefs lombards lui font rapidement allégeance. Charlemagne nomme un comte/margrave en Toscane, Boniface Ier. En 823, son fils Boniface II lui succède. Il lutte contre les attaques arabes et s’empare de la Corse et de la Sardaigne. En 888, le marquis Bérenger du Frioul, petit-fils par sa mère de l’empereur Louis le Pieux, se fait reconnaître comme roi d’Italie après la déposition de Charles le Gros. En 915, à l’appel du pape Jean X, il défait les Sarrasins, qui s’étaient emparés d’une partie de l’Italie centrale. Au passage, il s’était emparé de la ville de Lucca, abandonnée par son dernier comte, Guido. A cette époque, la féodalité n’est pas encore en place. Selon les traditions germaniques et carolingiennes l’empereur roi d’Italie est, en principe, le seul possesseur des terres. Les ducs, comtes, marquis qu’il nomme ne sont que ses représentants locaux, ses gouverneurs. Ils peuvent être révoqués ou déplacés et leur charge n’est pas héréditaire. Au cours des Xe et XIe siècles, malgré la résistance des empereurs, le système féodal avec un suzerain et des vassaux lui rendant hommage se met en place progressivement, processus ponctué de conflits armés entre les parties. Féodalité A Lucca, siège du comté et du marquisat de Toscane, sont établis une Cour royale de Justice et un palais impérial. En 940, les envahisseurs hongrois saccagent la région mais ne peuvent s’emparer de la ville. Ils sont finalement battus par le roi d’Allemagne, Otto, en 955. Il devient Empereur en 961. A la mort d’Otto et du marquis Ugo, en 1001, dans la lutte pour la succession au trône d’Italie entre Henri II, roi d’Allemagne et Ardouin, marquis d’Ivrea, Lucca prend le parti du second alors que Pise défend le premier. Ceci sera à l’origine de conflits récurrents entre les deux villes pendant des siècles. Après de nombreuses péripéties, le marquisat de Toscane est confié à Bonifacio di Canossa, d’origine lombarde lucquoise, par l’empereur Conrad II, successeur d’Henri II. Après l’assassinat de Bonifacio (1052), en conflit avec l’empereur Henri III, sa seconde épouse Béatrice lui succède. Cette famille se trouve dans la généalogie qui suit. Matilde de Canossa En 1076, Matilde de Canossa (1046-1115), dite la Grancontessa, hérite des biens de ses parents et devient Marquise de Toscane, mais elle possède en outre d’immenses territoires en Emilie, Romagne et Lombardie. En janvier 1077, l'empereur Henri IV, excommunié par le pape Gregoire VII, fait amende honorable au château de Matilde à Canossa (d'où l'expression « aller à Canossa »). Mais, deux ans plus tard, il réunit un concile à sa botte, fait déposer le pape et déchoit Matilde de ses titres pour avoir pris son parti. Les troupes papales sont écrasées à Volta Mantovana. Le pape Grégoire est exilé tandis que l'antipape Clément II s'installe à Ravenne. En juillet 1084, Matilde, aidée par les alliés Bolognais, bat les troupes de l'Empereur à Sorbara, près de Modena. Après son second mariage, elle soutient Conrad et Henri dans leur rebellion contre l'empereur, leur père. Elle reçoit le soutien de la puissante famille des Guidi (cités dans la généalogie qui suit). L'empereur revient en Italie, en 1090. Matilde finit par le battre, en 1092, dans le Val d'Enza où elle s'était retranchée. Les villes de Milan, Crémone, Lodi et Piancenza se rallient. L'année suivante, Conrad de Lorraine est élu roi d'Italie où son père a définitivement perdu toute influence. Il meurt en 1101 et son père en 1106. Henri V de Franconie, troisième fils d'Henri IV, lui succéde. En mai 1111, il fait de Matilde son vicaire impérial et la vice-reine d'Italie. Bien que mariée deux fois, Matilde n’eut pas de postérité. A sa mort, en 1115, ses terres sont partagées. Les marquis qui lui succèdent en Toscane ne sont plus que des gouverneurs. Cité-Etat Lucca devient une des premières Communes d’Italie du Nord, dans la seconde moitié du XIe siècle. Toutes les villes de Toscane et de nombreuses autres dans le Nord de l’Italie s’émancipent graduellement de la tutelle de leurs suzerains. Dans la charte accordée à Lucca, en 1081, les libertés consenties par l’empereur Henri IV sont essentiellement d’ordre commer- cial : liberté de commerce et exemption de taxes sur le transport des marchandises dans l’empire ; autorisation de perce- voir des droits et taxes localement. Le gouvernement repose sur une Assemblée du Peuple où chacun peut siéger. Ce sys- tème se révèle très vite ingérable et l’Empereur autorise la formation d’un Grand Conseil de citoyens de bonne réputation, 4 au sein duquel sont élus des consuls. Le Grand Conseil est formé de membres de l’aristocratie terrienne locale et de riches marchands. Les principales familles, qui figurent toutes dans la généalogie qui suit, sont alors : Antelminelli, Arnolfini, Arrighi, Balbani, Bernardini, Buonvisi, Burlamacchi, Busdraghi, Fatinelli, Guidiccioni, Guinigi, Micheli, di Nobili, di Poggio, Quartigiani, Rapondi, Sbarra, Toringhelli. Le système des consuls présente vite des inconvénients. Représentants de familles concurrentes politiquement et commercialement, ils sont souvent en conflit et incapables de prendre des décisions consensuelles rapidement lorsque les circonstances l’exigent. En 1190, Lucca confie les rênes de son gouvernement à un Podestat, d’abord nommé par l’empereur puis choisi par la Commune. Le Podestat est choisi dans une famille noble souvent originaire d’une autre ville afin d’assurer sa neutralité. Il préside les différents conseils, rend les arbitrages et prend les décisions qui s’imposent. Ses pouvoirs sont strictement encadrés afin d’éviter toute dérive dictatoriale et la durée de son mandat est limitée dans le temps, un an, puis six mois. Au XIIIe siècle, Lucca reste la capitale de la Toscane. Elle doit sa prospérité à la fabrication de la soie, importée d’Orient, qui se développe à partir du XIe siècle et rivalise avec les soieries byzantines. Elle développe aussi la production de fils d’or et d’argent pour la fabrication de brocarts qui lui vaut une réputation de qualité et d’originalité dans toute l’Europe. Les riches familles commencent à ériger les premiers palais et les fameuses tours servant d’atelier, de boutiques et de logement fortifié – les temps sont troublés – tout en démontrant la puissance de leurs bâtisseurs.