Universite De Paris Viii-Vincennes Departement D'allemand a Saint-Denis L
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UNIVERSITE DE PARIS VIII-VINCENNES DEPARTEMENT D'ALLEMAND A SAINT-DENIS L ' E V 0 L U T I 0 N I D E 0 L 0 G I Q U E D U P A R T I C H R E T I E N - S 0 C I A L A U P A R T I P 0 P U L I S T E A U T R I C H I E N par Gérard GRELLE Doctorat de 3e cycle 2 INTRODUCTION L'histoire politique de l'Autriche républicaine se divise en deux grandes périodes séparées l'une de l'autre par une troisième qui correspond à celle de l'austrofascisme et de l'occupation nazie. Cette dernière s'étend sur douze années (mars 1933-avril 1945) au cours desquelles l'ordre démocratique est démantelé et baillonné. Cet état de choses n'arrive pas du jour au lendemain; il est l'aboutissement de conflits qui opposent, sous la Première République, le camp conservateur au camp social- démocrate. Le résultat de ces conflits, c'est l'élimination par étapes de la démocratie par le parti chrétien-social et ses alliés fascistes, en particulier les "Heimwehren". Celle-ci s'effectue principalement par le fait qu'en 1933 le Parlement est mis hors d'état d'agir et qu'en 1934 tous les partis politiques sont interdits. On peut au contraire définir les deux grandes périodes démocratiques mentionnées auparavant comme jeu de rapports de force entre les partis politiques, jeu qui se déroule essentiellement dans le cadre des institutions parlementaires. Or, le laps de temps qui se situe entre ces deux périodes signifie 3 l'absence d'existence des dits partis politiques; 1934 en marque l'interdiction, 1945 la renaissance. La question sans doute essentielle qui se pose alors est de savoir si les différents partis témoignèrent en 1945 d'une continuité historique et idéologique ou bien s'ils représentèrent en 1945 des organisations politiques entièrement nouvelles. Les partis marxistes, tous interdits à la suite des événements sanglants de février 1934, retrouvèrent au printemps 1945 leur existence légale en soulignant la continuité qui existait entre la période précédant leur interdiction et celle qui commença en 1945. Le parti communiste restait parti communiste; le parti social-démocrate devenait certes le parti socialiste autrichien, l'accent était toutefois mis sur la continuité idéologique. Pas de changement au niveau des personnalités dirigeantes: les anciens responsables reprirent en 1945 les fonctions qu'ils avaient occupées avant 1934. Les programmes politiques conservèrent les mêmes contenus qu'avant la guerre. Dans ce camp, une grande importance fut accordée à la notion de continuité. Le camp conservateur adopta une attitude fondamentalement différente. Le parti populiste qui se créa en 1945 s'affirmait comme parti nouveau, sans liens avec l'ancien parti chrétien- social. Si l'on se réfère à l'histoire, la différence de situation entre parti chrétien-social et populiste d'une part et parti socialiste de l'autre résidait dans l'autodissolution de l'un et l'interdiction de l'autre. En effet, en 1934, le parti chrétien- social ne fut pas interdit; il se saborda lui-même. Voici sans doute un premier argument qui rendit assez difficile pour le parti 4 populiste la référence à un parti qui avait lui-même décidé sa propre disparition. Mais cet argument resta mineur dans ce débat. L'élément essentiel qui, à droite, plaidait en 1945 pour la négation de la continuité entre les deux partis était l'image que la population avait conservée des chrétiens-sociaux et le manque de crédibilité qui risquait de s'ensuivre. En effet, l'élimination de la démocratie s'était déroulée sous leur conduite; le régime corporatif était leur fait; le démantèlement des partis aussi. A la libération, leurs anciens adversaires les accusèrent d'être responsables de l'austrofascisme. D'où l'intérêt capital de leurs héritiers à faire disparaître toutes ces réminiscences. Car l'enjeu véritable, c'étaient les élections que les Alliés avaient promises. Pour les conservateurs, il s'agissait de faire le plein des voix de leur camp en un moment où l'on ignorait encore tout du comportement des électeurs après les longues années au cours desquelles l'opinion publique n'avait pas été consultée (1). Pour parvenir à ce but, il importait de créer l'image d'un parti entièrement nouveau. Fait très important au départ, les fondateurs décidèrent de changer le nom du parti (2) afin que la rupture vis-à-vis de l'extérieur fût totale. Ainsi l'électeur moyen ne serait-il pas directement tenté d'associer ancien et nouveau parti. Et s'il reliait encore ces deux partis, il pourrait du moins supposer qu'un changement important s'était produit. Le terme "populiste" était moins restrictif que "chrétien-social". Il écartait la composante confessionnelle au profit d'une volonté d'atteindre un plus vaste électorat. Les catholiques pouvaient continuer à s'y reconnaître; les non-catholiques étaient invités à s'y intégrer. Le parti comptait élargir sa base. De plus, il se disait 5 "autrichien" et l'aspect patriotique, après les années où le pays avait été annexé au Reich allemand, était alors l'un des sujets les plus discutés. Le second aspect utilisé afin de prouver cette rupture était constitué par le renouvellement de l'équipe dirigeante. Alors que, dans le camp socialiste et communiste, il était tout à fait opportun de souligner la continuité dans ce domaine, la tactique inverse s'imposait au camp conservateur. Certains anciens dirigeants chrétiens-sociaux comme Vaugoin ou Dollfuß étaient déjà morts; d'autres comme Schuschnigg ou Schmitz souhaitaient se tenir à l'écart de la politique. En les remplaçant par des figures de second rang comme Figl, Hurdes etc., le parti populiste pouvait camoufler ses liens avec son prédécesseur. Ces hommes qui avaient passé une partie de la guerre dans les camps de concentration avaient ainsi prouvé que, s'ils avaient de quelque manière favorisé le fascisme ou le nationalsocialisme, ils avaient renié cette idéologie et étaient devenus démocrates. Et les éléments dont le parti populiste héritait du parti chrétien-social, c'étaient des hommes comme Pernter ou Kunschak, personnalités qui, précisément, avaient fait figure de démocrates à une époque où tout ce camp refusait la démocratie. Bref, au niveau des responsables politiques, la nouveauté semblait aussi à l'ordre du jour. Cependant, toutes ces modifications extérieures entraînèrent-elles obligatoirement un changement réel et aussi complet qu'on l'a affirmé à cette époque? Certains le penseront et nieront tout lien entre les deux partis, d'autres plaideront pour la thèse opposée. Faut-il écrire que, des trois partis qui émergèrent en 1945, le parti populiste fut le seul à être 6 réellement nouveau (3)? Ou bien faut-il voir en lui un simple travesti du parti chrétien-social (4)? S'en tenir à la simple analyse des événements ne permet sans doute pas de trouver une solution à ce problème. En effet, les événements sont soumis au fait que chaque individu peut les interpréter diféremment et chacun a tendance à juger selon des critères subjectifs. Tout en étant conscient que la présente analyse ne règlera pas le problème, essayons de l'aborder sous un angle nouveau en examinant son idéologie. Le programme de l'Ö.V.P. (5) est-il identique à celui du parti chrétien-social? La réalité politique couverte par l'Ö.V.P. correspond-elle à celle que couvraient les chrétiens- sociaux? En sortant de l'histoire événementielle et en nous attachant à comparer les idéologies, nous espérons faire avancer la réflexion sur ce thème. Faire la comparaison entre parti chrétien-social et populiste suppose que l'on s'interroge d'abord sur les aspects sociologiques de ces deux partis. Base, structures, électorat, données statistiques sont-ils les mêmes pour les deux partis? L'un et l'autre se définissent comme "Volkspartei"; mais entendent-ils par là la même chose? En tant que parti soucieux de représenter l'ensemble du peuple, ils se trouvent divisés en forces qui représentent des intérêts divergents. Ces forces établissent entre elles un certain rapport qui peut toutefois se modifier selon le cours des événements. L'élément constitutif essentiel de ces partis est la paysannerie. Son rôle et son importance restent-ils le même pour les deux partis? Quelle est la place respective du patronat et des salariés? Et s'est-elle modifiée lors du passage historique? 7 Les partis politiques autrichiens ont été, dès le début de la République, contraints de résoudre le problème de l'identité nationale des habitants de l'Autriche. Ce thème va occuper le devant de la scène non seulement pendant toute la première République, mais également au début de la seconde. Le dilemme se posait de la manière suivante: les habitants de l'Autriche sont- ils allemands ou autrichiens? Les deux positions furent soutenues, d'où la confusion qui s'ensuivit. Chacun apportait des arguments; l'usage de la langue allemande, l'existence d'un "peuple allemand" ou d'une "nation autrichienne", le choix de liens privilégiés avec l'Allemagne voisine ou bien l'indépendance nationale, la place et le rôle de l'Autriche en Europe centrale. Autant de questions que les deux partis devaient résoudre et qui peuvent permettre d'établir des liens de continuité. Le domaine de la démocratie et de la politique est un élément tout aussi important si l'on veut juger de la modification ou de la continuité des partis. Une république démocratique avait été établie en 1918; elle était pourtant très fragile. Telle que nous la concevons dans le monde occidental, à savoir reposant sur le pluralisme politique, elle suppose l'adhésion des partis politiques; elle implique en plus que ceux-ci s'affrontent dans le respect des règles pluralistes.