Dossier De L'enseignant Sur L'exposition Jean Le Moal
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Exposition temporaire Dossier pour les enseignants Service éducatif Musée des beaux-arts de Quimper Jean Le Moal (1909-2007) Introduction Considéré comme l’un des principaux représentants de la non-figuration française de la seconde moitié du XXe siècle, Jean Le Moal apparaît aujourd’hui comme un peintre à redécouvrir tant son oeuvre dépasse les cloisonnements esthétiques. Si son nom, héritage d’un père aux origines bretonnes, le relie fortement à la Bretagne dont il ne s’est jamais vraiment éloigné, l’artiste a également partagé sa vie entre Paris et la Haute-Ardèche. Chaque territoire lui fait découvrir des paysages qui le mènent peu à peu au seuil de la non-figuration, avec des oeuvres où s’unissent et vibrent couleurs et lumières. Après des études d’architecture d’intérieur à la fin des années 1920 à Lyon, il s’installe à Paris et copie les maîtres anciens et modernes - Rembrandt, Vélasquez, Chardin, Bonnard, Renoir, Cézanne, Matisse… En 1935, Le Moal rejoint l’atelier de fresque à l’Académie Ranson qui oriente son goût pour le décor monumental et bientôt l’art du vitrail. Il participe à l’aventure collective du groupe lyonnais « Témoignage », explore et dépasse les expériences cubiste et surréaliste et traverse la guerre en affirmant déjà des choix artistiques singuliers. Ces années décisives de formation ouvrent sa peinture, après 1945, à une forme d’abstraction en paix avec la représentation. Dans une perspective chronologique, l’exposition offre pour la première fois un panorama complet et inédit de l’oeuvre de Jean Le Moal, « celle d’un homme qui se nourrit de la tradition, se place à la frontière de la représentation figurative et élabore une écriture personnelle qui atteste de la curiosité sans cesse en éveil d’un artiste ouvert au monde. » (Philippe Bouchet) Sous l’égide de Philippe Bouchet, historien de l’art, l’exposition Jean Le Moal (1909-2007) est co-organisée avec le Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun et le musée de Valence, art et archéologie. Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture /Direction générale des patrimoines/Service des musées de France. 2 Jean Le Moal (1909-2007) Sommaire Introduction p.2 I– Une brève histoire de la peinture abstraite p.5 A/ Les pionniers p.5 B/ Un petit balayage terminologique p.6 C/ Les familles et les revues avant 1945 p.8 D/ Après 1945, la nouvelle école de Paris entre abstraction géométrique et abstraction lyrique p.9 E/ L’expressionnisme abstrait aux Etats-Unis p.10 F/ Plus récemment encore, le monochrome p.10 G/ Généalogie et familles de l’art abstrait p.11 II– Jean Le Moal, parcours et contextualisation p.13 A/ Quelques repères biographiques p.13 B/ La Nouvelle école de Paris p.15 C/ L’Académie Ranson p.15 D/ Témoignage et la tentation d’un art total (1936-1940) p.16 E/ L’expérience du théâtre (1939-1958) p.17 F/ Deux expositions fondatrices p.19 G/ La pratique du vitrail p.20 III– Jean Le Moal : l’examen de l’œuvre p.23 A/ Tentative de périodisation p.23 B/ La stratégie de la couleur de Jean Le Moal p.24 C/ Du côté des orientaux et de la phénoménologie p.26 D/ Propos de l’artiste p.26 E/ Le vocabulaire de la couleur et de la lumière p.30 IV– Bibliographie p.32 V- Propositions pédagogiques p.33 A/ 1er degré p.33 B/ 2nd degré p.38 VI- Informations pratiques p.42 3 Jean Le Moal (1909-2007) Une brève histoire de la peinture abstraite I- Une brève histoire de la peinture abstraite Robert Delaunay (1885-1941) Bretonne et enfant devant un paysage, 1904 Huile sur toile, 47 x 72.5 cm Musée des beaux-arts de Quimper © Musée des beaux-arts de Quimper A/ Les pionniers Les voies de l’abstraction sont multiples. Les antécédents de l’abstraction nous ramènent vers les périodes anciennes du Paléolithique et de l’Antiquité. Pour autant, il serait anachronique et réducteur de voir dans ces formes primitives une abstraction lucidement conçue, déduite de l’essence même de l’art. La démarche abstraite et réfléchie est propre au XXe siècle. Elle repose notamment sur quelques éléments annonciateurs apparus dès la fin du XIXe siècle par le biais de la « modernité ». Celle-ci a su par différentes voies, tout autant celle de la science que la spiritualité, amplifier les pouvoirs de la ligne et de la couleur en posant ainsi quelques jalons essentiels vers l’autonomie. Pour prendre trois exemples concrets, on peut considérer que les magies atmosphériques de William Turner (1775-1851), la vision rétinienne des néo-impressionnistes et les arabesques envahissantes de l’Art nouveau ont été des ferments de liberté. Au début du XXe siècle, l’aventure de l’art abstrait a été portée par quatre figures majeures : il importe de les présenter brièvement. En premier lieu, il faut considérer Vassili Kandinsky (1866-1944). Chez Kandinsky, le passage à l’abstraction s’est fait progressivement, et par la couleur dont il a découvert les potentialités au contact de Franz Marc (1880- 1916) et des membres du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter). Entre 1911 et 1914, il produit des œuvres déterminantes qu’il répartit en trois genres différents : Impressions, Improvisations et Expressions. Toutes ces œuvres lui permettent 5 Jean Le Moal (1909-2007) Une brève histoire de la peinture abstraite de produire des grands formats intitulés Compositions qui marquent dès 1913 la naissance de la peinture abstraite. Dans ces toiles, les couleurs foisonnent, s’agencent librement dans une dynamique chaotique et débordent de formes dont on ne peut identifier la nature. Un peu plus tard, son travail évolue vers des compositions plus ordonnées, constellées de figures colorées et biomorphiques. Kandinsky fut aussi un théoricien et un pédagogue. Il publia successivement Regards sur le passé, Du spirituel dans l’art (1910) et Point ligne surface (1926) pour expliquer sa démarche. Piet Mondrian (1872-1944) est venu à la peinture abstraite par la découverte du cubisme. Ce fut un choc, une révélation qui l’incita à simplifier les formes au point de se détacher du contenu concret du sujet. Dès lors, il définit un vocabulaire plastique et pictural élémentaire fait de lignes orthogonales et d’aplats colorés. Ce réductionnisme radical est associé à la théosophie dont il est un adepte et qui le pousse naturellement à aller du particulier à l’universel, à remonter vers l’essence des choses. Il donne à cette nouvelle image le nom de Néo-plasticisme. Kasimir Malevitch (1878-1935) est le chef de file du suprématisme. Il est considéré comme celui qui a poussé l’abstraction jusqu’à ses limites les plus extrêmes, vers le « rien dévoilé ». Il a découvert la modernité avec curiosité et avidité. Dans un laps de temps assez court, il est passé d’une peinture impressionniste à des œuvres simultanément influencées par les Fauves et Die Brücke. Les cubistes et les futuristes lui donnent l’idée d’une représentation singulière dite "tubulaire". Il bascule ensuite vers une abstraction où les formes se limitent à des figures géométriques colorées à deux dimensions. Le nombre de plus en plus restreint des formes amène l’artiste à produire en 1918 deux œuvres qui marquent une rupture majeure dans l’histoire de la peinture : Carré blanc sur fond blanc et Carré noir sur fond noir. Le rôle de Robert Delaunay (1885-1941) a été souvent négligé car on a systématiquement rattaché ses productions abstraites au cubisme. C’est sans doute une erreur car dès 1912, Robert Delaunay semble avoir eu l’idée d’une peinture qui ne tiendrait techniquement que de la couleur et de ses contrastes. Les historiens de l’art reconsidèrent aujourd’hui son rôle, sa position. Ces quatre peintres ont posé les fondations de la peinture abstraite. Ils y sont venus par la couleur ou la ligne. B/ Un petit balayage terminologique Avant de poursuivre, il importe de préciser le vocabulaire. Le terme « abstrait » porte à confusion car il a eu selon les périodes et les artistes une signification différente. Georges Roque en a relevé plus de 33 dans son livre intitulé Qu’est-ce que l’art abstrait ? En premier lieu, il ne faut pas confondre abstraction et art abstrait. D’où vient l’art abstrait ? Il n’est pas apparu ex-nihilo. Les antécédents sont nombreux. Au XVIIIe siècle, l’idée du beau idéal a été associée à l’abstraction. Le beau idéal impose d’expurger la nature de toutes ses imperfections. Pour Courbet (1819-1877), la beauté est concrète et non abstraite. 6 Jean Le Moal (1909-2007) Une brève histoire de la peinture abstraite Gauguin (1848-1903) et Van Gogh (1853-1890) ont beaucoup utilisé le terme "abstrait" pour évoquer leur démarche. Pour Gauguin, c’est une peinture qui s’affranchit de l’imitation de la nature pour assumer sa dimension symboliste. L’exactitude apporte peu à l’art. Il ne faut pas peindre d’après nature. Pour Van Gogh, c’est une peinture qui se fait de mémoire, active l’imagination et ne repose donc pas sur l’observation directe du modèle. Pour les critiques, le terme "abstrait" désigne aussi les œuvres qui ont un parti pris trop littéraire ou trop théorique. Cette désignation négative a compliqué la réception de certaines œuvres. Les critiques se sont saisis de ce terme pour exprimer leur désarroi à l’égard du cubisme et du fauvisme. Aux fauves, on reproche l’extrême simplification de la forme. En ce cas, le terme abstrait désigne un « schématisme vide ». Si les fauves ne se sont pas détachés de la représentation de la nature, ils n’en ont pas moins exploré les potentialités expressives des constituants élémentaires de la peinture (couleurs et lignes) par simplification, schématisation, intensification, bref, par abstraction.