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Estrella de la Torre Giménez Reseña de "Francophonie et multiculturalisme dans les Balkans" de Efstratia Oktapoda Lu (dir.) Francofonía, núm. 15, 2006, pp. 277-279, Universidad de Cádiz España

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Francofonía, ISSN (Version imprimée): 1132-3310 [email protected] Universidad de Cádiz España

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Comptes rendus Comptes rendus

diation par un mari imbu de sa personne qui contrôle toute sa vie: “Ma dans leurs rapports. Pour sortir de l’enfer dans lequel la honte a jeté la mère n’était pas censée posséder de l’argent, elle n’allait pas chez le coif- famille, nulle autre solution que celle de la marier malgré elle à un fils feur ni au hammam, et encore moins aux mariages, mon père lui inter- d’un notable de la ville ne lui paraît possible. Pour ses parents le jeune disait tout” (35-36). prétendant qui souffre d’une tare rédhibitoire a sauvé leur honneur en L’adolescente accepte difficilement l’état de soumission de sa mère acceptant d’épouser celle qui est désormais considérée aux yeux de tous et vit avec un certain détachement cette réalité aliénante et étouffante. comme une traînée. Mais entre la mère et la fille une grande déchirure Mais le jour où son père la surprend dans un parc, nue, s’offrant à un s’installe et leur relation se détériore totalement. Pleine de colère et jeune ébéniste, sa vie bascule totalement dans le drame absolu. Cet inci- d’amertume, la mère redouble de violence envers sa fille et se lance dent vient perturber tous les projets familiaux envisagés pour elle puis- dans une spirale de haine qui la mène au bord de la folie. Quant à qu’elle sera considérée comme une traînée qui a sali l’honneur de la Djamila, martyrisée et punie sévèrement, elle demeure déçue de la réac- famille. C’est que dans cette ville du Sud algérien des années 1970, on tion excessive de sa mère qui se montre cruelle et acharnée à lui faire ne badine pas avec le poids des traditions, surtout envers la femme. mal. Elle a compris que ses rêves sont brisés et qu’elle n’a plus rien à Ainsi, veillant obsessionnellement sur sa virginité, sa mère l’a à maintes espérer. Son ange gardien Bouzoul, l’aide en lui conseillant de partir reprises mise en garde contre les graves conséquences de sa perte allant “vers une contrée où [elle serait] respectée et protégée” attirant son atten- même jusqu’à la menacer. À certains égards, elle se montre sévère en la tion sur le fait “que les lois, nécessaires pour s’affranchir de la force et surveillant régulièrement à la loupiette: des hégémonies, ne changent pas obligatoirement les mentalités” (161). Et quand il ajoute qu’il lui “faudra surtout fuir ceux qui tuent pour une Ma mère, disais-je, lorsqu’il s’agissait de mon instruction, me cédait tout, ou idéologie, ensuite les combattre par les armes ou par les mots” (162), presque tout. Mais se souvenant de la menace que je représentais, sa cruauté n’avait pas de limite. Elle ne me battait pas, à cette époque, elle ne battait per- elle réagit vivement contre l’injustice qui la frappe. Guidée par une force sonne, mais sa peur du déshonneur était telle qu’elle me traitait parfois intérieure, elle s’échappe définitivement de la persécution constante et comme si j’avais été la fille de sa pire ennemie. Tu la perds (ma mère usait de la violence permanente, mettant fin à une existence morose teintée d’un vocabulaire cru, un vocabulaire propre aux hommes, appris à leur de cruauté et de rigidité. contact, quand elle s’habillait et guerroyait comme eux, mais elle ne pronon- Avec des mots simples mais durs, Leïla Marouane qui vit à çait jamais le mot virginité), tu la perds, poursuivait-elle, et c’est la fin de nous c’est la fin de tout, tu la perds, et ton père nous jette dans le désert, tu la perds depuis 1991, lance un cri bouleversant pour dénoncer la violence de et tes frères et sœurs seront des orphelins à la merci des vampires… l’autorité patriarcale conjuguée ici à l’agressivité maternelle, et le poids — Tu la perds et je t’égorge de mes propres mains, finissait-elle dans un gro- des traditions envers les femmes, transmis de génération en génération. gnement qui contrastait avec la beauté de ses traits. (39-40) Son roman puissant et émouvant est une charge féroce contre les tabous et les préjugés de la société traditionnelle algérienne. Fidèle à ses enga- C’est dans ce sens qu’à la suite de l’ébat amoureux de sa fille avec gements, l’écrivaine réussit encore une fois à transformer une tragédie un jeune voisin, la mère s’est sentie profondément trahie et complète- féminine ordinaire en lutte forcenée pour la liberté, la dignité et l’éman- ment désemparée. Ceci dit, elle change totalement de comportement à cipation de l’être féminin. l’égard de sa fille, devenant cruelle et violente, l’insultant et la traitant de “chienne en chaleur” et “craquelure de pisse”. En fait, en tant que femme humiliée et bafouée, elle a placé ses espoirs en sa fille, désirant pour elle une vie meilleure que la sienne. Toutefois, elle est restée attachée aux OKTAPODA-LU, Efstratia (dir.) (2006) Francophonie et principes rigides de la tradition qui exigent que les jeunes filles gardent multiculturalisme dans les Balkans, Paris, Éditions intacte leur virginité jusqu’à leur nuit de noces. Pour elle, le comporte- Publisud, 237 pp. [Estrella DE LA TORRE GIMÉNEZ] ment de sa fille est impardonnable et a irrémédiablement brisé le pacte En janvier 2006, Mme. Efstratia Oktapoda-Lu, qui avait déjà codiri- sacré entre elles. À cet égard, sa déception grandiose s’est accentuée au gé La francophonie dans les Balkans. La voix des femmes, nous surprend fil du temps entraînant une rupture absolue ainsi qu’une profonde crise avec un nouveau titre qui complète l’antérieur. Il contient quinze excel-

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lents articles consacrés à la recherche comparatiste autour de l’éternelle Un autre dramaturge roumain attire l’attention de Maria Voda question de la francophonie, celle de l’identité, et du multiculturalisme Capusan, Matei Visniec. Partisan d’une structure théâtrale “mobile”, dans les Balkans. Visniec s’expliquera dans son Théâtre décomposé où il s’inspire du L’ensemble du volume reste très attirant et fort intéressant pour Livre mallarméen pour défendre l’approche plurielle de l’œuvre tous ceux qui sont attirés par le concept même de “francophonie” et les théâtrale. littératures qui émergent de son sein car il ouvre des portes que l’on L’éternelle lutte identitaire des écrivains non français écrivant en croyait inexistantes. français restera bien précisée à travers plusieurs articles. Celui d’Efstratia Pour les non initiés, il convient de signaler que les pays hétéro- Oktapoda-Lu consacré à Clément Lépidis, écrivain francophone aux ori- gènes qui composent les Balkans possèdent leurs propres littératures et gines grecques et balkaniques, dont la toile de fond de prédilection sera leurs écrivains en langues roumaine, albanaise, grecque ou serbo-croa- l’Orient. Anne-Rosine Delbart, nous fera parcourir les “dualités” de te, et pourtant, en parcourant cet ouvrage le lecteur restera étonné face Benjamin Fondane et ses différentes “divisions” identitaires avant de se à une réalité : les Balkans constituent un nouvel espace francophone décider pour celle qui allait l’identifier. Ismail Kadaré, un albanais exilé avec une littérature remarquable rédigée dans la langue de l’Hexagone. en , nous sera présenté par Alketa Spahiu. Ses récits nous mon- La francophonie dans les Balkans, comme affirme Efstratia Oktapoda-Lu trent un monde à la recherche de son identité, l’écrivain sera considéré dans son avant-propos, est donc une réalité linguistique et culturelle. “le héraut de la conscience de tout un peuple”. Dans un premier temps, nous apprenons l’existence de Stjepan La Serbie sera représentée par Négovan Rajic, dont l’écriture, Zanovic, auteur d’origine albanaise écrivant déjà en français dans la d’après Jelena Novakovic, renferme un double aspect, “éthique et esthé- deuxième moitié du XVIIIe siècle. Gabrijela Vidan risque une question à tique, engagé et poétique”. Elena-Brandusa Steiciuc, ouvre son article propos du problème identitaire de l’auteur, “patriotisme d’une part et consacré à Panaït Istrati, avec l’éternelle question qui résume le grand cosmopolitisme de l’autre?”, question à laquelle il serait possible de problème des écrivains francophones: “Écrivain roumain d’expression répondre en tenant compte du moment historique dans lequel l’auteur française ou bien écrivain français d’origine roumaine”. Arzu Etensel élabora sa production où la plupart de l’intelligentsia européenne se Ildem dira de Nedim Gürsel qu’il s’agit d’un écrivain auquel ses compa- trouvait confrontée au même problème. triotes turcs reprochent de ne pas être un vrai exilé mais d’être parti Mais au fur et à mesure que nous plongeons dans l’ouvrage nous volontairement en France, mais l’auteur de l’article verra en lui “un pont serons vivement intéressés par d’autres écrivains qui, plus proches de qui relie le monde francophone à la Turquie et qui mène le lecteur fran- nous dans le temps, nous ont laissé un corpus littéraire d’un grand inté- çais vers le monde turc” (226). rêt. Nous allons parcourir la carrière littéraire du diplomate Albert Le problème identitaire touche d’autres intellectuels que les écri- Cohen, né à Corfou en 1895 et mort à Genève en 1981, à travers l’excel- vains, c’est le cas du peintre Georges Papazoff analysé par Roumania L. lent article de Georges Fréris qui arrive à nous convaincre du fait que Stantcheva et du médecin-écrivain turc Marco-Ovadiya Albukrek, dont l’œuvre romanesque de Cohen témoigne son attachement à son identi- Emine Bogenç Demirel conclut que même profondément imbu des té culturelle et non pas nationale et démontre que sa “mythologie per- grands écrivains classiques français, il restera un défenseur du “multicul- sonnelle, voire l’identité culturelle, l’emporte de l’identité collective ou turalisme et de la langue française” en arrivant à recréer un “univers mul- nationale” (189-190). ticulturel et francophone”. Laurent Rossion rapprochera deux petites pièces de théâtre : La littérature féminine sera représentée par Margarita Lymperaki, à Délire à deux et M’sieu Léonida face à la réaction, la première rédi- propos de qui Vassiliki Lalagianni et Marita Paparoussi concluront: gée par un auteur dont parfois nous oublions les origines roumaines, “Partout où elle se trouvait, et même si elle à été ‘un peu francisée’, ce Eugène Ionesco, et la seconde par celui qui a été considéré son grand à quoi elle pensait et ce qu’elle déclarait, c’était que la France l’avait fina- aïeul, . Rossion conclue que Ionesco se fait le suc- lement aidée à retrouver et à aborder la Grèce” (175). Mots qui pour- cesseur de Caragiale pour passer à un niveau de généralisation plus raient résumer les sentiments et les dessins de la plupart des auteurs qui grand. conforment la “francophonie”.

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lents articles consacrés à la recherche comparatiste autour de l’éternelle Un autre dramaturge roumain attire l’attention de Maria Voda question de la francophonie, celle de l’identité, et du multiculturalisme Capusan, Matei Visniec. Partisan d’une structure théâtrale “mobile”, dans les Balkans. Visniec s’expliquera dans son Théâtre décomposé où il s’inspire du L’ensemble du volume reste très attirant et fort intéressant pour Livre mallarméen pour défendre l’approche plurielle de l’œuvre tous ceux qui sont attirés par le concept même de “francophonie” et les théâtrale. littératures qui émergent de son sein car il ouvre des portes que l’on L’éternelle lutte identitaire des écrivains non français écrivant en croyait inexistantes. français restera bien précisée à travers plusieurs articles. Celui d’Efstratia Pour les non initiés, il convient de signaler que les pays hétéro- Oktapoda-Lu consacré à Clément Lépidis, écrivain francophone aux ori- gènes qui composent les Balkans possèdent leurs propres littératures et gines grecques et balkaniques, dont la toile de fond de prédilection sera leurs écrivains en langues roumaine, albanaise, grecque ou serbo-croa- l’Orient. Anne-Rosine Delbart, nous fera parcourir les “dualités” de te, et pourtant, en parcourant cet ouvrage le lecteur restera étonné face Benjamin Fondane et ses différentes “divisions” identitaires avant de se à une réalité : les Balkans constituent un nouvel espace francophone décider pour celle qui allait l’identifier. Ismail Kadaré, un albanais exilé avec une littérature remarquable rédigée dans la langue de l’Hexagone. en France, nous sera présenté par Alketa Spahiu. Ses récits nous mon- La francophonie dans les Balkans, comme affirme Efstratia Oktapoda-Lu trent un monde à la recherche de son identité, l’écrivain sera considéré dans son avant-propos, est donc une réalité linguistique et culturelle. “le héraut de la conscience de tout un peuple”. Dans un premier temps, nous apprenons l’existence de Stjepan La Serbie sera représentée par Négovan Rajic, dont l’écriture, Zanovic, auteur d’origine albanaise écrivant déjà en français dans la d’après Jelena Novakovic, renferme un double aspect, “éthique et esthé- deuxième moitié du XVIIIe siècle. Gabrijela Vidan risque une question à tique, engagé et poétique”. Elena-Brandusa Steiciuc, ouvre son article propos du problème identitaire de l’auteur, “patriotisme d’une part et consacré à Panaït Istrati, avec l’éternelle question qui résume le grand cosmopolitisme de l’autre?”, question à laquelle il serait possible de problème des écrivains francophones: “Écrivain roumain d’expression répondre en tenant compte du moment historique dans lequel l’auteur française ou bien écrivain français d’origine roumaine”. Arzu Etensel élabora sa production où la plupart de l’intelligentsia européenne se Ildem dira de Nedim Gürsel qu’il s’agit d’un écrivain auquel ses compa- trouvait confrontée au même problème. triotes turcs reprochent de ne pas être un vrai exilé mais d’être parti Mais au fur et à mesure que nous plongeons dans l’ouvrage nous volontairement en France, mais l’auteur de l’article verra en lui “un pont serons vivement intéressés par d’autres écrivains qui, plus proches de qui relie le monde francophone à la Turquie et qui mène le lecteur fran- nous dans le temps, nous ont laissé un corpus littéraire d’un grand inté- çais vers le monde turc” (226). rêt. Nous allons parcourir la carrière littéraire du diplomate Albert Le problème identitaire touche d’autres intellectuels que les écri- Cohen, né à Corfou en 1895 et mort à Genève en 1981, à travers l’excel- vains, c’est le cas du peintre Georges Papazoff analysé par Roumania L. lent article de Georges Fréris qui arrive à nous convaincre du fait que Stantcheva et du médecin-écrivain turc Marco-Ovadiya Albukrek, dont l’œuvre romanesque de Cohen témoigne son attachement à son identi- Emine Bogenç Demirel conclut que même profondément imbu des té culturelle et non pas nationale et démontre que sa “mythologie per- grands écrivains classiques français, il restera un défenseur du “multicul- sonnelle, voire l’identité culturelle, l’emporte de l’identité collective ou turalisme et de la langue française” en arrivant à recréer un “univers mul- nationale” (189-190). ticulturel et francophone”. Laurent Rossion rapprochera deux petites pièces de théâtre : La littérature féminine sera représentée par Margarita Lymperaki, à Délire à deux et M’sieu Léonida face à la réaction, la première rédi- propos de qui Vassiliki Lalagianni et Marita Paparoussi concluront: gée par un auteur dont parfois nous oublions les origines roumaines, “Partout où elle se trouvait, et même si elle à été ‘un peu francisée’, ce Eugène Ionesco, et la seconde par celui qui a été considéré son grand à quoi elle pensait et ce qu’elle déclarait, c’était que la France l’avait fina- aïeul, Ion Luca Caragiale. Rossion conclue que Ionesco se fait le suc- lement aidée à retrouver et à aborder la Grèce” (175). Mots qui pour- cesseur de Caragiale pour passer à un niveau de généralisation plus raient résumer les sentiments et les dessins de la plupart des auteurs qui grand. conforment la “francophonie”.

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