PCP Systèmes de Culture et Riziculture Durable (SCRID) FOFIFA/ Université d’ / CIRAD

Approvisionnement en riz d’Antananarivo à

Stratégies d’acteurs et compétitivité des filières

Par Boris Bouteau DESS Economie Rurale et Gestion des Entreprises Agro-Alimentaires Université Montpellier I / Faculté de Sciences économiques

Sous la direction de Marie-Hélène Dabat CIRAD CA / Programme Cultures alimentaires / PCP SCRID

Novembre 2002

Remerciements :

M.H. DABAT : Ma directrice de stage au CIRAD, pour son encadrement, sa compréhension, sa confiance et sans qui ce voyage à Madagascar serait resté lettre morte.

N. AHMADI : Responsable Equipe Productions Paysannes, premier contact au sein du CIRAD, pour m’avoir fait confiance dans la réalisation de l’enquête qu’il voulait effectuer sur Madagascar mais qui a malheureusement été annulée.

H. ANDRIANARIVELO : Etudiante stagiaire en 5ème année Histoire-Géographie (ENS), pour m’avoir accompagné un mois durant lors des enquêtes dans la ville d’Antananarivo.

D. RALAIMIHOATRA et A. RAMAROSON : Interprètes et amis malgaches, pour m’avoir accompagné dans différentes enquêtes terrain.

Remerciements également à :

L’ensemble du personnel CIRAD Madagascar et C. CANALES, secrétaire au CIRAD Montpellier,

L’ensemble des administrations qui m’ont reçu et aidé dans cette étude,

L’ensemble des opérateurs de la filière et les consommateurs qui ont eu la patience de répondre à mes questions,

Toutes les personnes qui ont cru en moi et m’ont soutenu pour la réalisation de ce stage.

2 Plan :

Préface. P 5 Introduction. P 7

ère 1 partie : Les acteurs de la filière. P 9

I/ De la production à la collecte. P 9 A/ La production. P 9 B/ La collecte. P 14 C/ Le cas du Lac Alaotra. P 20

II/ Du lieu de production à Antananarivo. P 25 A/ La transformation du paddy. P 25 B/ Le transport. P 30 C/ Le cas du Lac Alaotra. P 31

III/ De la distribution à la consommation. P 35 A/ Les grossistes/semi-grossistes. P 35 B/ Les détaillants et autres intervenants. P 36 C/ Les consommateurs. P 38

2ème partie : Les sous-filières riz dans l’approvisionnement d’Antananarivo. P 46

I/ Les sous-filières riz. P 46 A/ Les différentes variétés et qualités de riz. P 46 B/ Les différents circuits de commercialisation. P 50

II/ La couverture des besoins. P 55 A/ Estimation de la demande urbaine. P 55 B/ Zones d’approvisionnement et flux vers la capitale. P 57 C/ La saisonnalité de l’approvisionnement. P 60

III/ La concurrence entre les sous-filières. P 64 A/ La concurrence entre les riz. P 65 B/ La concurrence entre les circuits commerciaux. P 70 C/ Le cas du Lac Alaotra. P 75

Suggestions pour une meilleure performance de la filière. P 79 Conclusion. P 83 Bibliographie. P 85 Liste des tableaux et graphiques. P 86 Annexes. P 87

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L’approvisionnement en riz d’Antananarivo.

Plaine de Marovoay

Lac Alaotra

Moyen-Ouest

Antananarivo Importations et les environs Vakinankaratra

Betsileo

> 50 000 tonnes de riz

< 15 000 tonnes de riz

< 3 000 tonnes de riz

Source des données : ministère du commerce.

4

Préface.

Depuis son indépendance, Madagascar est en quête d’une politique de riz la plus efficace possible. Le riz est un élément stratégique de la politique économique car il est la première source alimentaire du pays, celui-ci se doit donc de mener sur ce sujet une politique exemplaire. Si au début le choix était fait de garder l’ancienne structure coloniale où la filière était contrôlée par de grands riziers privés, le pays opta ensuite pour la nationalisation, puis pour la libéralisation. Cependant, aucune des voix n’a réellement satisfait le pays, la population a augmenté plus rapidement que la production, respectivement de 2.8% et 1.2% en moyenne par an durant ces trente dernières années, et le recours aux importations est devenu inévitable. Dans ce contexte, l’objectif de l’étude sera d’analyser comment l’approvisionnement d’Antananarivo, principal marché rizicole à Madagascar, se déroule. Tout d’abord il s’agira de mesurer l’importance de la riziculture urbaine et péri-urbaine ; celle-ci est insuffisante, on tâchera alors d’identifier les principales sources d’approvisionnement de la ville. L’importation de riz étant incontournable, nous présenterons également comment se positionne le riz importé sur les marchés de la capitale. De plus, le marché étant libéralisé, nous montrerons comment les différents opérateurs s’organisent, se complémentent ou se concurrencent, pour former différentes chaînes de commercialisation.

Cependant, l’étude d’une filière à Madagascar n’est pas chose facile ; les opérateurs ne tiennent pas en général de compte détaillé de leurs opérations et mènent une gestion à très court terme de leur activité. Pour beaucoup, ils vivent au jour le jour, profitant des opportunités qui s’offrent à eux, seul les plus gros opérateurs, notamment les riziers, mènent une gestion plus poussée de leur activité. Les bilans annuels des opérateurs seront donc très variables et il est difficile d’obtenir des réponses précises à nos interrogations, il s’agira alors, pour la plupart des cas, d’estimations. De plus, l’étude ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions possibles ; on se situe dans le courant de mai à juillet 2002, période d’instabilité politique où les circuits commerciaux sont perturbés par de multiples barrages dans le pays et notamment le blocage du principal port où est débarqué le riz d’importation. Les variétés et les prix du marché ont donc été modifiés par rapport à la situation normale ; les opérateurs agissant à court terme, cela a rendu la collecte de données que plus aléatoire. Enfin, l’étude a été réalisée dans le cadre d’un stage avec toutes les conditions que cela implique, temps et moyens limités.

Dans de telles conditions, le choix a été fait de mener une enquête à questions ouvertes (annexe 1), sans questionnaires à remplir, afin de relever uniquement les tendances et les idées fortes plutôt que des résultats statistiques qui n’auraient pu dans aucun cas être représentatifs de l’activité. L’étude a été réalisée principalement dans la ville d’Antananarivo et son agglomération, sur les grands marchés de la ville (Anosibe, Ambodivona- Andravoahangy, Besarety, Isotry et Mahamasina) et sur des quartiers ciblés (quartiers plus ou moins populaires, communes péri-urbaines), ainsi que sur la région du Lac Alaotra, zone de riziculture et source importante d’approvisionnement de la capitale.

5 L’échantillon était constitué de 306 individus, apportant ainsi une certaine crédibilité et était réparti de la manière suivante :

ANTANANARIVO LAC ALAOTRA TOTAL Intra-urbaine Péri-urbaine Collecteur 21 - 10 31 Décortiqueur 1 10 - 11 Rizier 2 4 8 18 Grossiste 35 - - 35 Détaillant 53 12 - 65 Consommateur 105 41 - 146

Il a fallu raisonner en période normale, on se réfère donc à l’exercice 2001. On n’a pas tenu compte non plus de la distinction entre secteurs formel et informel dans la distribution, ce dernier étant difficile à déceler, mais il est pourtant bien présent et constitue une concurrence illégale (cependant les charges non payées par les acteurs opérants dans le secteur informel sont en partie compensées par les « dons » aux autorités compétentes). Cette étude aura donc notamment pour but de donner des lignes directrices sur la filière et non une image exacte de celle-ci.

6 Introduction :

Antananarivo est la capitale malgache, elle se situe au centre de l’île, sur les Hauts Plateaux dans la plaine du Betsimatatatra. Son passé rizicole est très ancien et les Hauts Plateaux ont toujours constitué les régions dominantes en terme de techniques culturales et d’irrigation. Malgré son altitude, la province est la première productrice de riz sur l’île cela pour une raison simple, la population y est plus nombreuse ici qu’ailleurs. La population malgache, de par leurs origines asiatiques, est une civilisation du riz, sa consommation est importante et sa culture impérative. Antananarivo comprend aujourd’hui plus d’un million d’habitants, avec une consommation annuelle individuelle de 125 kilos, la consommation urbaine est estimée à 480 tonnes de riz par jour ; l’approvisionnement en riz est donc un enjeu considérable. Actuellement le riz provient de zones de production de plus en plus éloignées ; depuis longtemps la plaine du Betsimatatatra ne suffit plus à alimenter la population de la capitale ; les Hauts Plateaux non plus ne s’autosuffisent plus. Avec le temps la culture rizicole s’est alors étendue ; on met en valeur de nouvelles terres, on exporte les techniques culturales performantes, on spécialise des régions dans la riziculture. Mais la production n’arrive pas à suivre la progression de la population, désormais le pays doit se procurer du riz à l’extérieur même de l’île ; depuis une trentaine d’année le pays importe régulièrement pour compléter la production nationale.

La commercialisation du riz demande donc une organisation de plus en plus performante et cela est d’autant plus vrai dans les zones urbaines où la demande est par définition forte et la production rizicole très faible. Antananarivo, en tant que capitale de Madagascar est la plus grande ville et donc la plus difficile à satisfaire. De plus, le riz, bien qu’il puisse apparaître comme une simple céréale, n’est pas un produit standard, la demande est diversifiée, il devient donc plus complexe pour les opérateurs de la filière riz de satisfaire la demande urbaine.

La filière riz se complexifie donc avec le temps, les rapports entre producteurs et consommateurs deviennent inexistants alors que les exigences de ces derniers sont de plus en plus nombreuses. La filière constitue donc une organisation d’acteurs sollicités par un marché, qui tentent de le structurer, corriger les écarts de l’offre et satisfaire une demande en mutation permanente. La filière elle-même est donc modulable, changeant de sources d’approvisionnement, de circuits de commercialisation ; elle se présente sous une multitude de forme, s’adaptant sans cesse aux conditions dans lesquelles elle évolue. Une filière c’est avant tout un produit avec des caractéristiques particulières et pouvant se différencier en plusieurs catégories. Le riz ne fait pas exception, produit dans des régions différentes, avec des techniques différentes, le riz est un aliment diversifié qu’il faut savoir appréhender pour satisfaire réellement la demande. La filière c’est également des acteurs, un ensemble d’opérateurs qui se complémentent ou se concurrencent, formant ainsi des chaînes reliant les producteurs aux consommateurs. La toile ainsi formée on s’aperçoit que la filière riz n’est pas un, mais une multitude de sous-filières qui emprunteront alors des circuits de commercialisation différents.

7 Nous allons donc chercher à comprendre comment s’organise la filière riz pour approvisionner la capitale. Il nous faudra avant tout présenter les différents acteurs de la filière ; entre le producteur et le consommateur, une multitude d’intermédiaires interviennent, il s’agira de les identifier et de comprendre leur rôle. Cette partie identifiera les différentes régions d’approvisionnement, l’ensemble des opérateurs directs de la filière et la demande auprès des consommateurs. Dans un deuxième point nous présenterons les différentes sous-filières, sous- filière en terme de variété de riz, mais également en terme de circuit de commercialisation. Puis nous montrerons comment l’offre parvient à satisfaire les besoins urbains, la concurrence qu’il existe entre les différentes sous-filières et nous finirons par suggérer brièvement quelques solutions à apporter à la filière.

8 1ère partie : Les acteurs de la filière.

A Madagascar, toute la population fait quasiment partie de la filière riz, beaucoup en produisent et tous en sont consommateurs. Cependant notre étude se restreint à la ville d’Antananarivo, nous nous intéresserons donc uniquement aux consommateurs urbains de la capitale, à ses habitants producteurs et aux producteurs excédentaires des régions avoisinantes. Mais le travail portera essentiellement sur les différents agents s’intercalant entre la production et la consommation. En effet, le riz exige un certain nombre d’opérateurs indispensables face à une demande urbaine importante et à une offre dispersée géographiquement et non uniforme. Ainsi le riz passera par différentes étapes que sont la collecte, la transformation, la commercialisation et la distribution pour pouvoir enfin être consommé.

I/ De la production à la collecte.

Nous nous situons à l’amont de la filière, cette partie va traiter de la mise à disposition des excédents de paddy pour l’approvisionnement de la capitale. Il ne s’agira pas de s’arrêter sur le producteur en tant que tel, celui-ci fait déjà l’objet de multiples travaux et les techniques culturales sont trop nombreuses pour nous y attarder. Nous préciserons uniquement les zones de production en nous penchant cependant un peu plus sur les collecteurs. Nous citerons les différents types de collecteurs, leurs rôles et la place qu’ils occupent dans la filière. Dans un troisième temps nous nous attarderons sur un cas plus précis, la production et la collecte du riz sur la région du Lac Alaotra.

A/ La production.

Le riz étant l’aliment principal de la consommation malgache, toutes les provinces sont productrices de riz, dans ce cas précis, celles qui nous intéressent sont les régions qui alimentent la capitale, soit par leurs excédents, soit par leur proximité, et la capitale elle-même (voir carte page 4).

1/ Les Hauts Plateaux.

a) Situation géographique.

Cette région constitue les alentours proches de la capitale, c’est à dire le Faritany d’Antananarivo. Elle fait partie du grand bloc montagneux central, partie Nord des « Hauts Plateaux » malagasy. La région présente un relief accidenté avec des types de sols variés et un alluvionnement intense. L’altitude des vallées et des plaines varie de 1000-1200 mètres en Imerina à 1500-1800 mètres au Vakinankaratra.

9 Le climat est de type tropical d’altitude avec des apparitions possibles de gelées durant la période de juin-août qui est cependant relativement sèche. Le Faritany d’Antananarivo comprend trois régions : • L’Imerina et sa riche plaine du Betsimitatatra irriguée par l’Ikopa et ses affluents. • L’Itasy à l’Ouest, contrée plus sèche et plus ensoleillée avec d’intéressantes possibilités d’extension rizicole sur les zones volcaniques des marais d’Ifanja et de Fitandambo. • Le Vakinankaratra au Sud, région surtout volcanique, très montagneuse, d’altitude plus élevée et de climat plus rigoureux pour les plantes tropicales. Ici le riz atteint ses limites de cultures avec la culture de variétés résistantes au froid. Le Vakinankaratra présente également quelques plaines de grandes potentialités rizicoles : Ambohibary-, Antsirabe, Manandona et Iandratsay-Betafo.

b) Riz et saisonnalité.

Dans la région des Hauts Plateaux, on considère qu’il n’y a pas de micro- producteurs, c’est à dire des exploitants ayant une stratégie rizicole de subsistance, car ils disposent de bons moyens pour tirer le meilleur parti de leur parcelle. Mais on peut parler de micro-exploitations, la taille moyenne des parcelles étant de 64 ares, sur lesquelles ils réalisent les meilleurs rendements du pays. En 1999, la production des Hauts Plateaux représentait 1.01 millions de tonnes de paddy 1, sur un total national de 2.78 millions de tonne, soit 36.3%. Les exploitations sont au nombre de 501 965 sur un total de 1 721 000, soit 29.2% et cultivent sur une superficie de 319 180 hectares sur un total de 1 450 000, soit 22% ; le rendement y est donc de 3160 Kg/Ha pour une moyenne nationale de 1917 Kg/Ha.

Mais les Hauts Plateaux dépassent le Faritany d’Antananarivo pour descendre jusqu’en pays Betsileo, ce qui explique ces bons résultats. Si l’on regarde les données concernant juste la province2, on obtient pour la même année une production de 523 070 tonnes de paddy pour une superficie rizicole de 194 310 hectares, soit un rendement qui reste tout de même supérieur à la moyenne nationale avec 2692 Kg/Ha. Malgré cela la province reste déficitaire net en riz, en effet elle produit 22.6% de la production nationale alors que les habitants représentent 29.2% de la population.

Les Hauts Plateaux constituent la grande zone de production du Vary Gasy, c’est à dire du riz ordinaire local. La culture de riz de table et de riz de luxe y est très rare. Le riz sera souvent distingué selon son lieu de culture tel que le Mangamila, produit dans les alentours de la commune de Mangamila, au nord de la capitale, ou encore le Mangakely. La distinction entre les riz se fera également souvent par le travail d’usinage, il s’agit souvent de riz rouge qui le restera ou deviendra plus ou moins blanc selon l’effort effectué au décorticage.

1 Les différentes données sont fournies par l’UPDR, ministère de l’agriculture, avril 2000. 2 Données Instat.

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Si la région est fortement rizicole, les excédents commercialisables sur la capitale sont très faibles, ainsi le plus gros du riz provient de la plaine du Betsimitatatra où se situe la capitale. On trouve quelques excédents au nord et à l’Ouest de la province, ravitaillant la ville durant les récoltes. Le Vakinankaratra alimentera également un peu la capitale mais reste une région déficitaire ; elle profitera de sa proximité pour commercialiser du riz durant les récoltes mais importera de grandes quantités durant la période de soudure. En ce qui concerne les saisons, il y en a trois sur les Hauts Plateaux. La première saison est le Vary Aloha dont la récolte a lieu entre fin décembre et début février, avant les fortes pluies. Cette culture est pratiquée sur 5 à 15 % des surfaces rizicoles (13% en Imerina, 20% au Vakinankaratra). La durée en pépinière y est particulièrement longue ce qui fait dire à certain qu’il s’agit d’une culture contre- nature. La deuxième saison est le Vary Vakiambaty pratiqué sur 85 à 95 % des rizières. Sa culture est plus rapide que la précédente, 7-8 mois contre 9-10 mois, et la récolte a lieu en avril-mai, à la fin des pluies. Enfin il existe une saison intermédiaire, le Vary Siha, avec une récolte courant mars, mais cette pratique reste assez peu développée. Il est à noter qu’on enregistre des pluies de plus en plus tardives, perturbant les calendriers agricoles et repoussant ainsi le moment des récoltes.

c) Antananarivo et son agglomération.

Située dans la plaine du Betsimitatatra, zone depuis longtemps mise en valeur pour la riziculture à l’aide de multiples barrages et canaux et alimentée par l’Ikopa, Antananarivo et son agglomération est également producteur de riz. Toujours d’après les données de l’Instat, en l’an 2000, la commune aurait produit 57 310 tonnes de paddy sur 20 470 hectares de rizière, soit un rendement de 2800 Kg/Ha. Cependant là encore les données varient entre les différentes sources, si l’on prend les données fournies par la Minagri, il y a une certaine entente sur les superficies mais les rendements sont revus à la baisse, jusqu’à plus de la moitié pour certaines années. La plaine ainsi irriguée constitue l’essentiel de la production de la capitale sur laquelle on pratique essentiellement du Vary Aloha. Cependant à l’Est de la ville, le relief plus accidenté laisse place à une riziculture de bas fond et de tanety sur lesquels le Vakiambaty est plus approprié. Le Sud de la ville laisse place également à de nombreuses plaines sur lesquelles le Vakiambaty est également pratiqué. La riziculture sera présente également jusque dans la ville elle-même (riziculture intra- muros), en concurrence direct avec les aménagements urbains. Beaucoup de rizières vont aussi servir à la fabrication de briques pour les constructions urbaines. Les exploitants d’Antananarivo sont caractérisés par une assez bonne maîtrise de leur culture, mais sur des parcelles très réduites ne permettant pas de satisfaire la consommation de la majorité des ménages paysans. Cependant quelques exploitations de la plaine de Betsimitatatra possèdent plus de deux hectares de rizière et arrivent ainsi à produire des excédents qui seront commercialisés sur la capitale. Le riz étant de première saison, précédent la période de soudure, ces exploitations ont l’avantage de tirer un bon prix de leur production sur les marchés. A l’Est de la ville, les exploitations sont très réduites, la production y est plus faible et sont toutes déficitaires en riz.

Le gros de la production de la capitale est donc réalisé dans la plaine du Betsimitatatra, en Vary Aloha, dont les rendements varient de 1.6 à 3.3 T/Ha selon les

11 secteurs hydrauliques3. Les zones où sont cultivées du Vary Vakiambaty donnent quant à elles des rendements moyens inférieurs dus à un plus mauvais contrôle de l’irrigation. La riziculture urbaine et péri-urbaine semble être en déclin mais contribue toujours à subvenir à une partie non négligeable de la consommation urbaine, notamment par l’autoconsommation.

2/ Le Moyen-Est.

a) Situation géographique.

Il s’agit de la région du Lac Alaotra, le grenier à riz de Madagascar, située à environ 170 Km au Nord-Est d’Antananarivo. Le milieu est constitué par une cuvette au centre de laquelle se trouve le lac, à 750 mètres d’altitude et occupant une superficie de 240 Km². Autour, une zone de marais de papyrus s’étend sur près de 600 Km², bordée à leur tour par une zone de plaines, vallées et bas-fond, surtout à l’Ouest et au Sud, couvrant environ 700 Km². Une ceinture de collines nommées tanety, entoure l’ensemble, les plus élevées atteignant 1500 mètres. Il est à noter que le Lac recule d’année en année. Le site possède de grandes capacités rizicoles mais est menacé. Le climat de type tropical d’altitude se compose de deux saisons très contrastées ; une saison pluvieuse de novembre à mars et une saison sèche d’avril à Octobre. On note une forte variation inter-annuelle, seulement les précipitations, en moyenne de 1.100 mm se répartissent sur 80 jours de pluies.

b) Riz et saisonnalité.

Environ 70% du riz produit est du riz de luxe ou semi-luxe principalement cultivé pour la commercialisation, voire même pour l’exportation. Si le riz cultivé est majoritairement du Makalioka, on y cultive aussi d’autres variétés qui seront confondues avec ce dernier. La deuxième culture plus importante est celle du Vary Bota, riz local rond, beaucoup plus ordinaire. Sur la région du Lac, une seule saison est possible avec des récoltes en mai- juin ; là encore le retard des pluies perturbe le calendrier, ainsi des récoltes sur certaines parcelles se prolongent jusqu’en juillet. Ces changements climatiques perturbent également le choix des cultures ; le Makalioka étant une variété capricieuse, les agriculteurs se rabattent souvent sur le Vary Bota, plus adapté aux aléas climatiques, faute d’avoir accès à de nouvelles variétés. Une autre saison était avant possible, mais elle réclamait de fortes pluies et une très bonne maîtrise de l’irrigation ; or les pluies deviennent instables et la gestion de l’eau a perdu de son efficacité depuis le retrait de la SOMALAC suite à la libéralisation du marché. Il semblerait tout de même que certains agriculteurs au Nord du Lac arrivent à pratiquer encore cette culture de contre-saison. La région du Lac, malgré des rendements assez faibles, en moyenne de 2.5 tonnes à l’hectare, est fortement excédentaire. Selon les années, le volume commercialisable dépasse les 100 000 tonnes de paddy, alimentant principalement la capitale et ce tout le long de l’année pour le riz de luxe.

3 « Estimation des rendements en Vary », BRL, 2000, Etudes agro-socio-économiques de la plaine d’Antananarivo, Volume 1 : rapport principal, février 2001.

12 3/ Le Moyen-Ouest.

a) Situation géographique.

Situé à environ 200 Km d’Antananarivo à une altitude de 900 à 1000 mètres, le Moyen-Ouest représente une zone à vocation agro-pastorale et est caractérisé par une température moyenne de 22°C et une pluviométrie de 1400-1500 mm en 150 jours. Le Moyen-Ouest présente un climat de transition entre celui chaud et semi- aride de l’Ouest et le tropical d’altitude des Hauts Plateaux. Les tanety de la région, dominés par les sols de type ferrallitique moyennement désaturés de fertilité moyenne, sont généralement exploités par les cultures sèches dont le riz pluvial qui s’y est beaucoup développé ces dernières années. Le Moyen-Ouest est une terre d’immigration qui pourrait devenir dans quelques années une région importante pour l’approvisionnement d’Antananarivo et d’autres grandes villes.

b) Riz et saisonnalité.

On trouve dans le Moyen-Ouest une grande gamme de variétés, on y retrouve les principales de l’île ainsi que des variétés nouvellement introduites pour répondre à des exigences particulières comme la culture sur tanety. On y trouve donc aussi bien les riz ordinaires que sont les nombreux Vary Gasy que du riz semi-luxe comme le Makalioka. Autre particularité, on cultive également du riz pluvial ; celui-ci a le double avantage d’être préféré par les consommateurs, car il s’agit d’un riz sec qui gonfle bien à la cuisson, et d’être plus facile à cultiver, demandant moins d’efforts culturaux. De plus dans le Moyen-Ouest il est possible de faire succéder sur la même parcelle deux saisons de culture et la double riziculture annuelle est devenue chose courante dans les exploitations paysannes. On a donc une récolte en Novembre- décembre, correspondant au Vary Aloha des Hauts Plateaux, et la saison normale, le Vary Be, récolté en mai-juin après les fortes pluies, saison de récolte également du riz pluvial. La région est excédentaire en riz de par une population encore relativement faible, mais ne peut pas encore être considérée comme une grande zone de production.

4/ Le Nord-Ouest.

a) Situation géographique.

On s’intéresse ici à la plaine de Marovoay située dans la province de Mahajanga et sur laquelle passe l’Ikopa avant de se jeter dans l’Océan. Mais également les nombreux baiboho à l’Est de la zone, formant de larges vallées traversées par un fleuve ou une rivière au débit fortement contrasté, conséquence directe du climat tropical typique de cette partie occidentale du pays, et qui engendre et entretient de fortes potentialités agricoles grâce à l’inondation fertilisante de saison pluvieuse (novembre à mars) et à l’exondation des terrasses et autres éléments topographiques en saison sèche.

13 b) Riz et saisonnalité.

La région de Marovoay cultive majoritairement du riz semi-luxe, profitant ainsi de ses différents atouts naturels. Quand le pays était encore excédentaire, il exportait du Vary Combo qui était produit sur cette zone. Aujourd’hui, le riz le plus connu est le Tsipala, pourtant il ne représente que 20% des cultures mais est confondu avec les nombreuses variétés nouvellement introduites. La variété la plus cultivée est en fait la X-360, qui est une variété de bas-fond mais également utilisée dans les plaines irriguées. Une autre variété importante est la 13-29, un peu plus vulgaire que la précédente. On trouve dans la région trois saisons de culture, la plus importante est le Vary Jeby, culture irriguée représentant les ¾ des rizières et dont la récolte a lieu en septembre-octobre. Ensuite on a le Vary Asara qui est un riz pluvial dont la récolte a lieu en avril-mai, et le Vary Atriatri, récolté en juillet-août et pratiqué à l’extrémité des plaines. Ces différentes saisons permettent à la région d’avoir du riz toute l’année, des excédents sont mêmes réalisés et commercialisés ; cependant la région alimente beaucoup la zone Ouest de l’île, jusqu’au Nord, les quantités commercialisées sur la capitale sont donc moins importantes qu’elles pourraient être. De plus, les riches terres de la zone poussent souvent les exploitants à cultiver des plantes plus rentables que le riz.

B/ La collecte.

Lors de l’étude, une vingtaine de collecteurs ont été enquêtés sur les deux grands marchés de gros d’Antananarivo, c’est à dire le marché d’Anosibe et celui d’Ambodivona, et autant sur la région productive du Lac Alaotra (la moitié d’entre eux étant notamment des riziers). Nous nous attacherons à distinguer les différents opérateurs, car ces derniers sont en général, dans le circuit formel, inscrits en tant que collecteurs mais certains n’ont aucun contact avec les producteurs. Le cas échéant, ils seront alors considérés comme des sous-collecteurs. Sur la région productive, il faut distinguer les petits collecteurs des mandatés, ainsi que des différents clients que sont les riziers et les divers commerçants ; quant aux collecteurs urbains, ils s’approvisionnement rarement auprès des exploitants, mais plutôt auprès des collecteurs locaux ou des riziers, nous les traiterons dans la partie suivante sur le transport.

Selon l’article premier du Décret 65-046 du 10/02/65, « la collecte consiste dans l’achat aux producteurs, en ambulance ou à poste fixe, et dans un but commercial, de produits locaux de nature agricole … ». Il semblerait que pour les collecteurs urbains, l’inscription auprès du ministère du commerce en tant que collecteur leur permet surtout de commercialiser du riz, l’achat au producteur se révélant difficile sans contact avec les milieux ruraux. Certains collecteurs urbains font toutefois jouer les relations familiales qu’ils possèdent dans certaines communes rurales, mais l’achat direct au producteur reste rare pour ce type d’opérateur. Toutefois le Décret autorise également le collecteur à collecter pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, ce qui signifiait dans l’ancienne formule d’être mandaté. On va donc pouvoir distinguer quatre types d’opérateur.

14 • Les petits collecteurs indépendants. • Les collecteurs mandatés. • Les collecteurs/transporteurs. • Les sous-collecteurs (qui seront traités dans la partie sur le transport).

Dans un premier point nous ferons part des résultats obtenus lors de l’enquête effectuée sur la capitale (bien que les enquêtés soient pour la plupart des sous- collecteurs comme défini précédemment), puis nous décrirons les différents opérateurs.

1/ Résultats de l’enquête auprès des collecteurs sur les grands marchés de la capitale.

La première remarque provient de l’emplacement des marchés et de l’influence que cela procure sur les zones d’approvisionnement ; ainsi, le marché d’Ambodivona qui est situé au Nord-Est de la ville est principalement approvisionné par la région nord de la ville, notamment du Fivondronana d’ d’où provient le Mangamila. Tandis que le marché d’Anosibe, qui se situe au Sud-Ouest de la ville, est quant à lui principalement approvisionné par les riz du Moyen-Ouest, notamment du Fivondronana de Tsiroanomandidy, mais il reçoit également le Tsipala de Marovoay. Le Makalioka qui provient du lac Alaotra arrive par le Nord-Est et est bien présent sur les deux marchés, sur celui d’Andravoahangy grâce à sa facilité d’accès et sur Anosibe car celui-ci constitue le grand marché de la Capitale. Les collecteurs ne se contentent par pour autant d’approvisionner que ces deux grands marchés, certains vendent également leur riz sur les marchés du centre ville, notamment 67 Ha et Isotry. D’autres collecteurs vendent quant-à eux le paddy aux rizeries d’Antananarivo, soit par manque d’argent, soit pour ne pas perdre de temps. Deuxième remarque, les ¾ des collecteurs (16 sur 21) transportent le riz sous sa forme initiale, c’est à dire en paddy, soit pour le revendre directement aux rizeries de la capitale, ce qui est le cas pour trois d’entre eux, soit pour le faire décortiquer sur la capitale avant de le revendre sur les marchés ; cela leur permet d’aller prendre la température des marchés pour vendre le riz là où le prix est le plus élevé ou alors d’attendre quelques jours que le prix monte. En contre-partie, cette pratique augmente de 50% les coûts de transport et prive les régions productrices du travail de décorticage qui est effectué sur les lieux de consommation. En ce qui concerne les collecteurs, environ la moitié sont propriétaires de leur camion, les autres les louant à chaque voyage. La moitié résident sur les zones de production, l’autre moitié étant de la ville même. De plus, beaucoup pratiquent d’autres activités, soit de la location de camion ou du transport lorsqu’ils sont propriétaires de leur camion, soit participent à d’autres maillons de la filière riz ; deux d’entre eux sont cultivateurs, deux sont revendeurs sur les marchés (un détaillant et un grossiste) et trois sont décortiqueurs, ces derniers sont d’ailleurs de gros opérateurs, ils possèdent une rizerie et leurs propres camions. Pour finir avec les collecteurs, rares sont ceux qui collectent uniquement auprès des producteurs, certains gros collecteurs utilisent des collecteurs mandatés, la majorité achètent à de petits collecteurs présents sur les zones productrices. Durant la période de soudure ils achètent directement auprès des riziers ou, plus rarement, sur les marchés. Les dernières observations concernent les saisonnalités de l’approvisionnement en riz ; d’une manière générale la période de soudure apparaît

15 nettement durant le mois de mars (graphique 1), période pendant laquelle peu de collecteurs ravitaillent la ville, il s’agit alors de collecteurs bien implantés qui ont réalisé des stocks ou achetant le paddy à d’autres collecteurs ou riziers qui ont effectué des stocks. A partir du mois d’avril, c’est le début des récoltes du Vary Vakiambiaty certains collecteurs débutent donc leur campagne ; la quantité de riz amenée sur la capitale et le nombre de collecteur augmentent donc ainsi jusqu’au mois de juin, mois où l’on trouve le plus de riz locaux sur les marchés d’Antananarivo. A partir de juillet les approvisionnements diminuent ; beaucoup de collecteurs ont une activité très saisonnière. Cependant cette diminution des quantités de riz/paddy amenées sur la capitale n’est pas régulière, le prix du riz va influencer ces flux ; ainsi si le prix du riz monte, les collecteurs et autres riziers vont déstocker. On remarque tout de même une période creuse pour le mois de novembre et une remonté pour le mois de décembre pour l’arrivée du Vary Aloha (ou autre riz de première saison), mais il ne s’agit là que d’une faible tendance car le Vary Aloha est peu répandu et beaucoup auto-consommé, cependant c’est pour certains collecteurs le début de leur campagne, qui dure ensuite jusqu’au mois d’août-septembre. Cette tendance est également expliquée par le déstockage massif des stocks car le prix du riz/paddy commence alors à devenir intéressant. Les quantités de riz continuent ensuite à décroître jusqu’au mois de mars, on se situe là dans le plus dur de la période de soudure.

Graphique 1/

Répartition des approvisionnements en riz sur la capitale par les collecteurs.

25%

20%

Ensemble 15% Makalioka Tsipala 10% Vary Gasy

5%

0%

l i n er vr re i ars a mai jui b anvier m juillet j vem janv octobreo septembre n

Source : enquête 2002 auprès des collecteurs des marchés de gros de la capitale.

Si on regarde les approvisionnements par variété de riz, on remarque tout d’abord que le Vary Gasy est le riz qui suit le plus la tendance générale, ceci en partie parce que c’est le riz que l’on trouve en plus grande quantité et qui donc influence le plus la tendance. Le Tsipala suit lui aussi assez bien la tendance. Pour le Makalioka, on a eu les résultats inverses de ce qu’on attendait, il apparaît être le riz le moins bien

16 contrôlé avec la moitié du riz collecté vendue durant la période juin-août4. Cependant on peut contester les résultats obtenus, tout d’abord par le peu d’enquêtes réalisées sur une période très réduite (une semaine), ce qui donne des résultats biaisés ; ainsi, si l’on s’en tient à l’enquête réalisée, la majorité du riz proviendrait du Moyen-Ouest (graphique 2), ce qui ne semble pas être le cas selon les données ministérielles5. De plus on se situe en période de crise, le prix de l’essence est encore très élevé, certains collecteurs provenant de régions assez éloignées comme le lac Alaotra ou bien Marovoay doivent attendre la baisse des coûts de transport (et même d’usinage pour les décortiqueuses à essence) pour ravitailler la capitale.

Graphique 2/

Approvisionnement de la capitale selon les lieux de production. tonnes 1200

1000

800

600

400

200

0

ai re ars vril m juin m a juillet janvier ctobre o ovembre septemb n

lac Alaotra Moyen-Ouest Hauts-Plateaux Marovoay

Source : enquête 2002 auprès des collecteurs des marchés de gros de la capitale.

2/ Les différents types de collecteurs.

a) Les petits collecteurs indépendants.

Ce sont de petits collecteurs locaux travaillant pour leur propre compte mais pouvant cependant avoir des partenariats ou ententes avec de plus gros collecteurs ou décortiqueurs. Ils sont en général situés soit dans le village même, ils possèdent alors un local pour entreposer le paddy avant d’être vendu, soit au bord de la route et dans ce cas le paddy est alors acheté et vendu au jour le jour. Le tonnage acheté dépendra de leur localisation et de leur capacité financière. Tout d’abord la localité, le collecteur doit avant tout se situer dans une zone excédentaire, il doit ensuite être dans un endroit facile d’accès et voyant, cela non

4 Durant les enquêtes détaillants/grossistes, il était apparu que le Makalioka était assez présent sur les marchés durant toute l’année alors que le Tsipala était lui très saisonnier, l’enquête collecteur fait apparaître la tendance inverse. 5 Ces informations seront revues dans la partie sur les approvisionnements de la capitale.

17 seulement pour les producteurs mais surtout pour les acheteurs. Ces derniers ne sont souvent pas de la région et doivent donc trouver facilement leurs fournisseurs potentiels. Quant aux producteurs, ils connaissent bien les collecteurs de leur commune mais ne feront pas de grands détours pour les trouver ; pour le même prix ils vendront à ceux qui sont sur leur chemin. Le montant de la collecte dépendra également du nombre de collecteurs présents sur la zone par rapport à une production prédéterminée de paddy. La quantité collectée dépendra ensuite des capacités financières et de leur gestion. En effet, certains collecteurs ont des moyens financiers limités et chercheront alors à faire tourner leur fond de roulement le plus vite possible ; ils réalisent des marges inférieures à leurs concurrents, cela pour collecter et revendre le plus vite possible, ils effectuent alors des tonnages assez importants par rapport à leur budget initial mais des résultats moins impressionnants. D’autres avec les mêmes moyens vont faire tourner leur fond de roulement plus lentement, réaliser alors des tonnages inférieurs mais avec des marges plus importantes. Ceux qui ont plus de budget vont pouvoir développer une troisième stratégie, le stockage ; ils vont dans un premier temps faire tourner leur fond de roulement comme précédemment, mais avec les marges réalisées ils vont au fur et à mesure de la collecte en stocker une partie afin de réaliser une marge plus importante dés la campagne de collecte achevée.

b) Les collecteurs mandatés.

Ils ont la même taille que les précédents mais ne disposent pas de moyens financiers pour travailler à leur propre compte. Ils sont donc mandatés par des collecteurs plus importants ou des riziers, ces derniers leur fournissent des sacs, des ficelles et une balance, ainsi qu’une certaine somme d’argent qu’ils devront utiliser pour l’achat de paddy. La manière d’agir est presque la même que pour les petits collecteurs indépendants, ils s’installent sur des lieux faciles d’accès et achètent le paddy directement sur place. C’est donc toujours les producteurs qui se chargent du transport jusqu’au collecteur. Lorsque les quantités de paddy sont importantes, plusieurs sacs, ils viennent alors chercher le collecteur, afin qu’il se rende compte de la qualité et pouvoir ensuite discuter des prix, mais le coût de transport restera toujours pour le producteur. Lorsque le collecteur a réunit suffisamment de paddy, il contacte alors son mandataire qui se charge de venir les récupérer. Dans certains cas c’est le collecteur mandaté qui s’occupe du transport et alors soit il se fait rembourser par son employeur, soit il perçoit une marge plus importante. Le mandaté peut également lui- même mandater d’autres personnes, mais il s’agit alors plutôt de partenariat ou d’arrangements divers ; mais dans certains cas, le mandaté peut disposer de plusieurs petits collecteurs travaillant pour lui, les revenus sont alors pour ces derniers très faibles. La marge du mandaté varie de 30 à 40 Fmg/Kg, selon les quantités collectées, de plus ils sont souvent rémunérés à la fin de la campagne de collecte vers les mois d’août-septembre. Pour ces différentes raisons certains collecteurs mandatés vont détourner momentanément l’argent de leur employeur en vendant le paddy collecté à des acheteurs ambulants, réalisant alors des marges jusqu’à 100 Fmg/Kg et plus. Cependant la marge donnée par l’employeur n’est pas la seule rentrée d’argent du collecteur mandaté. Celui-ci doit acheter le paddy au prix fixé par son employeur, mais il s’agit d’un prix de gros, or les petits collecteurs achètent une part importante

18 du paddy au « détail » (moins de 500 Kg), ils empochent ainsi la différence qui est en général de 50 Fmg/Kg.

c) Les collecteurs/transporteurs.

Il s’agit de nouveau de collecteurs indépendants, mais étant plus intégrés dans la filière en revendant le riz/paddy directement sur les lieux de consommation. Ces collecteurs locaux sont généralement des commerçants dont beaucoup sont également producteurs ; l’activité de collecte et de transport leur est alors venu en premier lieu pour augmenter leur marge, ensuite, après l’acquisition de camions, l’activité de collecteur a pris le dessus sur celle de producteur. Ainsi ils leur arrivent d’aller collecter dans d’autres régions rizicoles que la leur, mais dans ce cas ils sont plus transporteurs que collecteurs car il n’y a souvent plus ce contact direct avec les producteurs. Ces collecteurs doivent amasser des quantités plus importantes de paddy que les petits collecteurs que nous venons de voir, pour cela ils cherchent avant tout à collecter auprès de gros producteurs, étant mieux introduits que les petits collecteurs, ils ont plus de contacts avec les exploitants. Ces derniers ont d’ailleurs parfois plus d’avantage à commercialiser avec eux, car le circuit est plus court, avec moins d’intermédiaires entre le producteur et les consommateurs. Toutefois, ils doivent dans la plupart des cas acheter du paddy aux petits collecteurs - ce qui se passe lorsqu’ils collectent en dehors de leur zone d’influence - voir même mandater eux-mêmes des collecteurs sur leur propre région. Ces collecteurs ne vendent cependant pas tous le paddy sur les lieux de consommation, une bonne partie peut être vendue sur place ; cela dépendra des quantités de paddy collecté et de la capacité de l’agent à évacuer ses produits. Ils peuvent ainsi vendre plus de la moitié de leur collecte sur place, aux camions de passage et autres sous-collecteurs ; d’autres au contraire vont vendre la totalité de leur collecte sur les marchés de la capitale ou bien d’une autre ville. De plus, beaucoup de ces collecteurs transportent le riz sous forme de paddy, le faisant décortiquer dans la capitale. Les stratégies peuvent donc être très différentes d’un collecteur à l’autre, aussi bien en ce qui concerne le mode de collecte, plus ou moins direct, le transport de paddy ou de riz ; mais également en ce qui concerne les stockages et les quantités transportées. Comme pour les petits collecteurs, on va trouver des collecteurs qui cherchent avant tout à faire tourner le plus vite possible leur fond de roulement, et certains qui tentent de spéculer sur le stockage, notamment chez les opérateurs locaux, réalisant des stocks avec les bénéfices réalisés lors des premières ventes. Les stocks réalisés seront certes plus importants que pour les précédents, mais ils dépasseront rarement les 100 tonnes de paddy, de par le manque de financement et le manque de locaux.

C/ Le cas du Lac Alaotra.

Cette étape comprend bien sûr toute la phase productive, la phase la plus importante dans la filière riz, puisque c’est d’elle que va dépendre les quantités de paddy commercialisable ; et la phase de collecte formelle, c’est à dire l’achat direct aux producteurs. A cette étape, le riz est toujours sous sa forme originelle, c’est à dire

19 en paddy et a quitté la propriété du producteur pour être regroupé chez une multitude de collecteurs de toutes tailles.

1/ La production.

a) La production rizicole de la zone.

La zone comprend 90 000 hectares de rizière tenus par environ 40 000 exploitations, soit un peu plus de 2 hectares en moyenne par exploitation ; selon le DIRA (Directeur Inter-Régional de l’Agriculture), ils seraient 60% à posséder moins de 3 hectares. Toujours selon le DIRA, la production moyenne du lac serait de 220 000 tonnes de paddy, soit un rendement de 2.45 tonnes à l’hectare. La production de 2002 serait même en hausse avec une récolte estimée à 243 000 tonnes de paddy grâce à de fortes précipitations, ce qui donne un rendement moyen de 2.7 T/Ha. La population du lac, avec près de 700 000 habitants, ne consomment pas toute la production locale. On estime qu’en moyenne chaque année près de 100 000 tonnes de paddy sont commercialisées, dont la plus grande partie sera dirigée vers les marchés de la capitale ; notamment ces dernières années car le chef lieu de la province, Toamasina, principal port de l’île, a été fortement approvisionné par les augmentations de riz importé.

b) les choix culturaux et variétaux.

1/ Les choix culturaux :

La région du Lac Alaotra est donc caractérisée par une seule saison de récolte, la culture de contre saison représentant moins de 1% des surfaces rizicoles. Les choix culturaux ne vont donc pas porter sur la saisonnalité mais uniquement sur les techniques agricoles. On peut répertorier sur la zone, cinq techniques culturales différentes6.

- Le riz pluvial : il s’agit d’une façon culturale particulière ne rentrant pas en concurrence avec les techniques plus modernes de cultures irriguées et occupant une place minime dans la région du Lac avec 3% des surfaces rizicoles. C’est une technique qui demande peu de préparation des sols, est sans repiquage, mais qui réclame une fertilisation assez importante. Avec un rendement moyen de 2.5 t/Ha, le coût de revient du kilo de paddy est estimé à 890 Fmg. - Le semis direct : c’est malheureusement la technique la moins rentable dans l’état actuel des choses et majoritairement la plus pratiquée. En effet elle occupe 52% des surfaces rizicoles et obtient un rendement de 1.8 t/Ha. Cependant le coût de revient du kilo de paddy reste un peu moins élevé que la technique précédente avec 880 Fmg/Kg. C’est justement pour cette raison que cette technique est beaucoup utilisée, c’est elle qui réclame le moins d’investissement. Le sol ne demande pas une préparation très poussée, on ne pratique pas de repiquage, en général on ne fertilise pas non plus et peu

6 Selon un document fourni par le service régional du ministère de l’agriculture sur les frais de mise en valeur selon les pratiques culturales.

20 d’entretiens sont effectués lors de la croissance de la plante. Par contre cette technique va nécessiter environ 150 kilos de semences par hectare, soit presque 10% de la récolte. - Le repiquage traditionnel : la technique sera assez semblable à la précédente, à la différence majeure que les plantes sont d’abord semées en pépinière puis repiquées en rizière, de façon traditionnelle, c’est à dire en touffe. Il faudra alors préparer un peu mieux le sol, embaucher plus de main d’œuvre pour les travaux de repiquage et de récolte. En contre partie, il faudra deux fois moins de semence que pour le semis-direct et on obtiendra un rendement moyen de 2.5 T/Ha. Le prix de revient sera alors de 820 Fmg/Kg de paddy, cette technique est employée sur 15% des surfaces. - Le repiquage amélioré : il s’agit d’une technique qui commence à être beaucoup plus coûteuse en investissement. Les principales différences avec la technique précédente vont être un entretien plus important des cultures, un labour avant saison et une forte fertilisation. La technique consommera autant de semence mais obtiendra un rendement de près de 4 T/Ha, soit un coût de revient d’un peu moins de 700 Fmg/Kg de paddy. Elle sera pratiquée sur 20% des cultures, elle est donc mieux adoptée que le repiquage traditionnel malgré son coût plus élevé d’investissement. - Les plants jeunes : c’est la même technique que précédemment sauf que les plants sont repiqués au plus tard à deux semaines et en ligne ; cela augmente le rendement à 5 T/Ha tout en utilisant moins de semence, 40 Kg par hectare, on obtient ainsi un coût de revient de 560 Fmg/Kg. Cette technique est pratiquée sur 10% des surfaces, ce qui montre qu’un certain nombre d’agriculteurs sont prêts à adopter des techniques plus performantes. Comme nouvelle technique on trouve également le SRI (Système de Riziculture Intensive), elle est pratiquée marginalement car elle réclame des soins encore plus poussés, notamment sur le contrôle de l’irrigation ; mais seulement 10 Kg de semences suffisent pour un hectare, et on estime le rendement aux alentours de 8 T/Ha.

Les choix culturaux vont alors principalement dépendre des superficies de l’exploitant et de ses disponibilités monétaires. Ainsi, la majorité des exploitations ont moins de 3 hectares, cela correspond à peu-près à la proportion de terres travaillées en semis direct. Le repiquage est toutefois très pratiqué lui aussi, il est présent sur près de la moitié des surfaces rizicoles, mais là encore se seront ceux qui disposent le plus de moyens financiers et fonciers qui opteront pour les techniques améliorées.

2/ Les choix variétaux :

Le principal riz du Lac est sans nul doute le Makalioka cultivé sur plus de 50% des parcelles, c’est le riz commercialisable auquel vient se rajouter le 13-47, il s’agit également d’un riz de luxe, long et translucide comme le Makalioka mais plus gros que ce dernier. On produit également du riz plus ordinaire tel que le Vary Bota, qui est un riz rond, et le 27-98, d’origine asiatique qui est un riz semi-long et épais. On trouve également du Tsemaha qui est un croisement entre le Makalioka et le 27- 98. Le Makalioka est le riz que les riziculteurs du Lac Alaotra cherchent avant tout à cultiver, seulement celui-ci est très capricieux vis à vis du calendrier agricole et les pluies de plus en plus tardives poussent les cultivateurs à semer des variétés plus adaptées à ces conditions. Le 27-98 répond à ces conditions, mais il s’agit d’un riz

21 plus ordinaire, le Tsemaha, croisement entre les deux riz sera donc souvent utilisé et vendu comme du Makalioka. Le 13-47 est également une variété adaptée à certaines parcelles de la zone en résistant aux montées des eaux. La deuxième variété la plus cultivée est le Vary Bota, que l’on peut classer parmi les Vary Gasy ; c’est un riz très ordinaire mais moins exigeant sur le calendrier agricole ; de plus il ne réclame pas l’achat de semence, on utilise une partie de la dernière récolte. Ainsi le choix des variétés dépendra essentiellement des conditions climatiques ; les pluies étant de plus en plus tardives sur la région, il est fort à parier que d’autres variétés plus résistantes prendront le pas sur le Makalioka. Déjà le Vary Bota commence à être de plus en plus présent, faute de pouvoir se procurer de meilleures variétés. Les exploitants qui cultivent pour la commercialisation chercheront quant-à eux à cultiver de nouvelles variétés qui, si elles gardent un aspect long, fin et translucide, continueront à se nommer Makalioka auprès des opérateurs de la filière.

c) Les stratégies paysannes.

Les stratégies paysannes vont dépendre en premier lieu des capacités de financement des exploitants, notamment en ce qui concerne les choix culturaux. Ainsi, ce sont les plus gros propriétaires fonciers, au moins trois hectares de rizière, qui pratiqueront les cultures les plus modernes. Il faut entendre par plus moderne des techniques traditionnelles améliorées ou l’adoption de nouvelles pratiques comme le repiquage en ligne, l’utilisation d’engrais chimiques ou de semences sélectionnées. Certains gros exploitants, plus de 20 hectares utilisent même des tracteurs pour les travaux de labourage, mais en général, les tracteurs de la région servent surtout pour la collecte et le transport. Les choix culturaux dépendront également du type de rizière, certains sols sont plus aptes à recevoir tel ou tel type de technique culturale, si par exemple la rizière est difficile à drainer on utilisera une technique traditionnelle. Les choix variétaux nous l’avons vu dépendent beaucoup des conditions climatiques ; si les pluies sont tardives, une majorité d’agriculteurs vont alors semer des variétés plus ordinaires comme le Vary Bota, dont la culture est moins stricte sur le calendrier agricole. Mais là encore la capacité financière aura son importance, car ce qui en ont les moyens vont alors acheter des semences de variétés modernes et continuer ainsi à produire du riz de luxe. Les écarts de revenu vont donc continuer à s’accroître entre les petits producteurs et les gros, ces derniers pratiquant une culture plus moderne avec des variétés plus performantes sur des surfaces plus grandes.

Au moment de la campagne, les exploitants vendent une grande partie de leur récolte pour rembourser leur dette et payer tous les frais auxquels ils ont du faire face. En général on essaie de garder un certain stock pour le revendre un ou deux mois après, une fois que le prix sera plus élevé. Au moment de la récolte, fin mai-début juin, le kilo de paddy de Makalioka s’achète à 700-750 Fmg/Kg, moins cher que le prix théorique de revient des techniques culturales traditionnelles. Au mois de juillet le prix atteint les 1000 Fmg/Kg, il est donc plus intéressant de vendre ses produits deux mois après la récolte. Mais là encore, les ménages les plus pauvres ont de grandes difficultés à attendre si longtemps. Cependant tous les exploitants gardent une partie de leur récolte en stock selon leur capacité, tout d’abord pour leur propre consommation, mais également comme réserve de « liquidité ». En effet, lorsqu’ils se

22 rendront au marché pour leurs emplettes, ils emporteront quelques kilos de paddy qu’ils vendront en cours de chemin à un collecteur pour pouvoir ensuite réaliser leurs achats. On ne vend pas non plus tous les riz, le riz ordinaire est en général auto- consommé car son prix est 100 à 150 Fmg/Kg moins cher que le Makalioka ; on produit donc ce dernier pour la commercialisation et l’autre pour la consommation locale. Si les cultivateurs vendent du Vary Bota, c’est qu’ils n’ont pas pu produire de Makalioka, ou alors en quantité insuffisante.

2/ Les collecteurs.

Le moment de la collecte est primordial, c’est le véritable début de la commercialisation du riz, car si entre producteurs il n’y a pas de problème de concurrence, tout le riz de la zone étant vendu, entre collecteurs celle-ci est beaucoup plus présente. Cependant cette année la situation s’est un peu inversée à cause de la crise et de ses effets sur la disponibilité et le prix du carburant, les gros opérateurs de la filière et les établissements financiers patientaient et retardaient ainsi le début de leurs activités ; résultat il manquait de collecteurs au moment de la récolte, le prix est alors resté faible assez longtemps, jusqu’au début du mois de juillet. Face à ce manque de collecteurs et à l’offre importante de paddy, de nombreux commerçants ou autres se sont mis cette année dans la collecte ; s’ils continuent cette activité l’an prochain, la concurrence entre collecteurs sera alors encore plus rude, notamment entre les petits collecteurs, mais cela peut se répercuter ensuite sur les riziers.

a) Les petits collecteurs indépendants.

Les tonnages annuellement collectés vont varier de 20 tonnes pour les plus petits collecteurs à plus de 100 tonnes. Les petits collecteurs indépendants seraient plusieurs centaines sur la région du Lac Alaotra, ils collecteraient en moyenne une cinquantaine de tonne de paddy, on estime à environ 30 000 tonnes le paddy collecté annuellement par ces agents. Certains d’entre eux utiliseront même des collecteurs mandatés, mais cela reste très rare à leur échelle. La marge moyenne réalisée par un petit collecteur est de 70-80 Fmg/Kg auxquelles il faut soustraire les frais, mais ces derniers sont très minimes, seulement quelques frais de manutention ; on peut donc estimer le revenu moyen d’un tel collecteur à quatre millions de Fmg par an.

b) Les collecteurs mandatés.

Avec la perte de la suprématie des riziers et leurs changements stratégiques comme nous le verrons par la suite, les collecteurs mandatés se retrouvent moins nombreux qu’auparavant sur la zone. On estime qu’ils collectent en moyenne les mêmes quantités que les petits collecteurs indépendants, mais réalisent des marges inférieures comprises entre 50 et 60 Fmg/Kg, le résultat annuel d’une saison de campagne s’élèverait donc aux alentours des trois millions de Fmg. La marge réalisée est supérieure à la marge contractuelle prévue par le mandataire grâce à la marge récupérée sur la vente au détail. On estime sur la zone à un peu moins d’un millier le nombre de ces petits collecteurs, près de la moitié du paddy commercialisé passerait donc encore entre leurs mains. C’est sur la région du Lac Alaotra que les détournements de collecte par les « tir au vol » sont les plus fréquents, cela par l’isolement de la région et la difficulté

23 pour les opérateurs extérieurs à collecter sur la zone. La vente à ces « collecteurs » ambulants permet aux collecteurs mandatés d’obtenir sans attendre une marge plus importante. Beaucoup d’entre eux chercheront par la suite à devenir indépendants pour profiter ainsi des marges plus attractives et pour être payés plus rapidement.

c) Les collecteurs/transporteurs.

On estime pour ces opérateurs à 400 tonnes la quantité moyenne de paddy collectée sur le Lac ; on ne tiendra pas compte du riz/paddy collecté dans les autres régions. Le paddy acheté sur la région du Lac Alaotra est à destination des lieux de consommation, en général Antananarivo. Mais il est à noter qu’avec cette catégorie d’agent, le paddy est souvent décortiqué à Antananarivo ; ils transportent donc 8 à 10 tonnes de paddy jusqu’à la capitale, le font décortiquer pour revendre 5.3 à 6.7 tonnes de riz blanc. Le transport étant le grand handicap de la région pour la commercialisation des produits, une telle opération peut paraître étonnante d’autant plus que les « ristournes » (taxe de passage sur le volume des marchandises transportées d’une région à une autre) sont les mêmes, qu’il s’agisse de riz ou de paddy ; on peut cependant citer plusieurs raisons. Une des raisons donnée par un de ces collecteurs est que l’on ne trouve pas sur la région du Lac, de décortiqueries effectuant du bon travail ; la remarque est exagérée, disons plutôt qu’à décorticage égal, il revient moins cher de le faire à Antananarivo que sur le Lac. Mais ces différences de coûts ne suffisent pas à expliquer ce phénomène, l’autre avantage est commercial ; comme nous l’avons vu, en décortiquant le paddy sur la capitale, cela laisse un délai au collecteur pour trouver des acheteurs à bons prix ; il est même possible, selon les décortiqueurs, de laisser le stock de riz deux ou trois jours.

Ces collecteurs/transporteurs seraient au moins une cinquantaine sur la région du Lac, ils tiennent une place non négligeable dans la commercialisation des excédents régionaux. Cependant on suppose qu’une partie importante du paddy collecté est procurée auprès de petits collecteurs, le reste directement auprès des producteurs. Les marges réalisées par la collecte du riz pour un tel opérateur sont très difficiles à définir, ils dépendent beaucoup de la stratégie employée, des partenariats entre les différents opérateurs, en amont avec les producteurs, en aval avec les commerçants et au milieu avec les décortiqueurs, de la capacité de stockage, de l’état du matériel de transport, des lieux de collecte. Cependant, avec une marge nette minimale de 50 Fmg/Kg, le revenu brut annuel de tels opérateurs s’élève déjà à vingt millions de Fmg.

Il est à noter que les collecteurs sont plus nombreux qu’autrefois, menant une concurrence entre eux plus sévère. Une étude menée sur la zone7 estimait qu’en 1992 les collecteurs mandatés collectaient en moyenne 100 tonnes, aujourd’hui, les mandatés et les indépendants ne collecteraient plus que la moitié. Seuls ceux qui possèdent un moyen de transport peuvent collecter plusieurs centaines de tonne car ils apparaissent aux yeux des producteurs comme de plus sérieux partenaires. Ils sont apparus à la suite de la prise d’indépendance des collecteurs mandatés, et tendent à jouer un rôle de plus en plus important dans la filière.

7 Annexe 2 portant sur la région du Lac Alaotra de l’ « Etude du marché du riz à Madagascar », CERDI, février 93.

24

II/ Du lieu de production à Antananarivo.

A partir de cette étape rentre en jeu l’approvisionnement même d’Antananarivo, différents opérateurs de toutes tailles vont se retrouver en concurrence, c’est de cet affrontement et du choix stratégique des protagonistes que va dépendre le bon déroulement de la commercialisation. Ainsi le marché du riz va-t- il être partagé entre plusieurs intervenants, d’un côté des riziers, dont certains affichent une taille respectable et une multitude de petits intervenants, tel que les transporteurs/collecteurs que nous avons déjà vu ou les sous-collecteurs. Nous nous accompagnerons de nouveau des enquêtes réalisées à la fois sur la région du Lac Alaotra et sur celles réalisées auprès des collecteurs à Antananarivo auxquelles on rajoutera les enquêtes auprès d’une douzaine d’unité de transformation, notamment dans les Fivondronana d’Ambohimanarina (à l’Ouest) et (au Sud) dans l’agglomération d’Antananarivo.

A/ La transformation du paddy.

La transformation du paddy en riz est une étape obligatoire de la filière, si le paddy peut ne pas être commercialisé et donc être autoconsommé dans l’exploitation, il doit dans tous les cas être décortiqué. La première méthode est manuelle, elle reste encore très présente dans l’autoconsommation des ménages tandis que le paddy commercialisable est maintenant décortiquée mécaniquement ; soit par des décortiqueries locales, qui ne s’occupent alors que du travail de transformation, soit par des unités plus importantes et plus intégrées dans la filière : les rizeries. Ces dernières peuvent avoir cependant des tailles très disparates et être plus ou moins intégrées dans la filière.

1/ La transformation manuelle.

Elle consiste à piler le paddy à la main ou plutôt à l’aide d’un pilon dans un mortier. C’est une opération longue et fatigante qui est maintenant souvent remplacée par des machines. Cependant l’utilisation des décortiqueuses a un coût, beaucoup de ménage préfèreront donc pour leur propre consommation continuer à décortiquer manuellement leur paddy. Pour la commercialisation, le paddy sera quant-à lui décortiqué mécaniquement.

2/ La décortiquerie.

La décortiquerie est l’unité la plus simple, composée d’une ou de deux machines, son rôle est d’abord d’enlever la balle, puis de séparer le son et le riz ; c’est un travail plus ou moins grossier selon l’ancienneté et l’état des machines. Les plus anciennes et les plus simples séparent le riz de la balle et produisent un son de deuxième catégorie. Elles sont de moins en moins utilisées, elles sont également le plus économique en réalisant une transformation du paddy assez grossière et seront

25 alors utilisées pour l’autoconsommation ou pour la consommation locale de riz de basse qualité. La majorité des décortiqueries sont désormais équipées d’au moins deux machines ; une dépailleuse et une blanchisseuse. La première machine enlève la balle, la deuxième rejète d’un côté le riz blanc, de l’autre le son de catégorie 1. Le son de catégorie 1 est un son d’apparence farineuse alors que le son de catégorie 2 est un son plus grossier provenant d’une simple décortiqueuse. Ce type de décortiquerie peut également être équipée d’une troisième machine précédant les deux autres étapes, c’est à dire une trieuse qui séparerait au préalable le paddy des impuretés encore présentes. La décortiquerie, de par ses caractéristiques, peu performante quantitativement et qualitativement et également bon marché, est donc principalement utilisée pour la consommation locale de riz, mais de par leur proximité, elle peut également servir d’unité de transformation pour les collecteurs indépendants et les sous-collecteurs. Si en général les petits collecteurs revendent leur collecte sous forme de paddy, certains le feront préalablement décortiquer, mais ils restent assez rares, étant limités par leur budget. Par contre les opérateurs un peu plus gros, tel que les collecteurs/transporteurs et les sous-collecteurs, revendent souvent leur paddy une fois décortiqué. Que ce soit à Antananarivo ou sur les régions de production, ces opérateurs se rendent souvent dans ce type d’unité pour le travail de transformation.

En ce qui concerne la province d’Antananarivo, les unités de transformation sont majoritairement situées prés des villes. Selon la liste du Génie Rural, le quart des décortiqueries de la province se situerait dans la commune d’Antananarivo (ville plus agglomération), et 12.5% dans celle d’Antsirabe. Si les agents ont plus tendance à régulariser leur activité lorsqu’ils sont proches de la capitale, les décortiqueries restent plus présentes à Antananarivo qu’ailleurs. Aux alentours d’Antananarivo, le coût du décorticage varie de 50 Fmg/Kg à 100 Fmg/Kg, selon l’état de la machine, produisant un usinage plus ou moins bien réalisé ; le prix dépendra également du son. Si le client ne tient pas à récupérer le son, il lui en coûtera alors moins cher, le son étant revendu par la suite par la décortiquerie. L’opération semble être très profitable pour ces derniers, l’un d’eux nous déclarant même que pour lutter contre l’isolement de son exploitation il décortique parfois gratuitement durant la période de récolte pour ceux qui laissent le son (décortiquerie 5, ci-dessous). Les marges réalisées par les unités de transformation semblent donc assez réduites, compensées par des tonnages plus importants.

Les enquêtes dans les communes de Soalandy et d’Ambohimanarina montrent qu’elles ont une activité très saisonnière et qui reste très locale, s’occupant principalement des cultures proches. Sur la commune de Soalandy (graphique 3) on trouve seulement trois décortiqueries, dont une est bien intégrée et décortique une quantité relativement importante toute l’année, les deux autres plus en retrait conservant une activité particulièrement saisonnière, la transformation du paddy ne constitue plus leur activité principale. Pour les trois décortiqueries il est à noter qu’elles possèdent un matériel assez vétuste. On s’aperçoit de plus que la principale saison de la commune est le Vary Vakambiaty. Les quantités décortiquées apparaissent également très faibles alors que la zone est rizicole ; cela tient à deux principales causes, le pilonnage est encore très présent, la production étant essentiellement autoconsommée, de plus, une partie importante du paddy est destinée à honorer les droits de métayage et est transporté tel quel vers les décortiqueries urbaines.

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Graphique 3/

Tonnes de paddy décortiquées dans le Fivondronana de Soalandy. 60

50

40

30 tonnes 20

10

0 juin mai oct. avril nov. août dec. sept. mars juillet février janvier

Dec. 1 Dec. 2 Dec. 3

source : enquête terrain 2002.

Sur la commune d’Ambohimanarina (graphique 4), les décortiqueries seraient une dizaine, plus deux rizeries, ces deux dernières ont été enquêtées ainsi que quatre décortiqueries. Là encore l’activité est très saisonnière, mais cette fois-ci elle suit la période du Vary Aloha. Les quatre décortiqueries ont cependant des stratégies bien différentes : • La décortiquerie 4 a une activité totalement saisonnière. • La décortiquerie 5 est assez mal située mais profite d’appels d’offres lancés par l’Etat pour satisfaire la demande urbaine durant les quatre derniers mois.

Graphique 4/

Tonnes de paddy décortiquées dans le Fivondronana d'Ambohimanarina.

120 100 80 60

tonnes 40 20 0 juin mai oct. avril nov. août dec. sept. mars juillet février janvier

Dec. 4 Dec. 5 Dec. 6 Dec. 7

source : enquêtes terrain 2002.

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• La décortiquerie 6 profite d’un bon emplacement et d’un équipement relativement performant pour poursuivre son activité durant la période du Vary Vakambiaty provenant d’autres communes. • La décortiquerie 7, à l’inverse de la précédente dispose d’un matériel très vétuste (en réparation lors de l’enquête) et est très mal située (dans une des petites ruelles du village).

Bien qu’elles n’aient plus de concurrence, elles décortiquent quand même en moyenne plus de paddy que les décortiqueries de la commune de Soalandy, 370 tonnes par an contre 200. Cela parce que la commune est plus proche de la ville, le pilonnage est donc plus rare, et qu’elle est reliée à celle-ci par un axe routier goudronné sur une route commerciale en provenance du Nord-Ouest de la capitale. Cependant ce dernier point intéresse notamment les riziers.

3/ Les rizeries.

Les riziers, donc, à la différence des décortiqueurs, achètent du paddy pour revendre du riz, ils ne se contentent pas uniquement de l’activité de transformation et apparaissent comme de véritables intermédiaires du circuit de commercialisation. On peut cependant distinguer trois groupes de riziers ; les petits riziers se contentant d’un simple rôle d’intermédiaire local, les riziers spéculant un peu plus sur le paddy grâce à la réalisation de stock et pouvant également intervenir dans le transport sur les lieux de consommation et les gros riziers qui sont au nombre de trois sur le Lac Alaotra, mais ces derniers seront traités un peu plus loin.

a) Les petits riziers.

Quand on dit petit, cela ne correspond pas à leur taille ni au tonnage réalisé, mais à l’activité même de l’unité. Celle-ci ne se différencie pas beaucoup de la décortiquerie si ce n’est qu’elle achète et vend le paddy qu’elle décortique et qu’elle réalise des quantités plus importantes, cela grâce à des machines plus performantes. En effet la rizerie est une unité beaucoup plus mécanisée, les travaux de manutention sont beaucoup moins nombreux puisque l’on se contente de mettre le paddy dans une cavité où il est alors transporté d’une machine à l’autre sans intervention humaine. Il est d’abord nettoyé, étape durant laquelle on essaie d’enlever les cailloux et autres intrus, puis il est dépaillé et trié, le paddy encore non décortiqué retourne dans la dépailleuse, les balles sont jetées à l’extérieur de l’usine, quant au riz, il passe par le polissage, il ressort alors de cette dernière machine le riz blanchi et le son de première catégorie. Cela correspond cependant au matériel moderne, certains riziers continuent d’utiliser du matériel moins mécanisé mais restent considérés comme riziers de part leur activité d’achat-vente et leur tonnage. Les petits riziers ne sont en général pas très bien organisés, ils achètent le paddy à des producteurs qui viennent apporter leur paddy directement à l’usine, ou alors auprès de petits collecteurs avec qui ils peuvent avoir des partenariats, mais rarement un contrat du type mandataire. Cependant cela peut être le cas si le rizier veut pouvoir s’assurer une collecte suffisamment importante vis à vis de ses capacités. Mais en général, les informations sont difficiles à obtenir auprès de ces opérateurs car les quantités de paddy transformées fluctuent énormément d’une année à l’autre.

28 En effet elles vont dépendre de plusieurs facteurs. Tout d’abord économique, selon les capacités financières de l’opérateur et selon les fluctuations du marché ; ainsi si le prix du paddy est intéressant par rapport au prix du riz blanc vendu sur Antananarivo, les riziers vont alors décortiquer des quantités importantes, mais forcément limitées par le budget de l’opérateur. Le deuxième facteur est technique, si les rizeries tournent rarement au maximum de leur capacité, en revanche elles peuvent fonctionner bien en deçà à cause du manque d’organisation. La plupart de ces riziers n’ayant pas de collecteurs « officiels », ils peuvent subir des problèmes de ravitaillement, il faut alors jouer sur les marges, en occurrence les réduire, pour attirer des fournisseurs potentiels. Pour les petits riziers d’Antananarivo, les fournisseurs sont principalement des collecteurs et sous-collecteurs ; le travail à façon y est également important. Ils peuvent également acheter le paddy au producteur, mais ceci est plus rare, à l’image des deux rizeries enquêtées à ambohimanarina dont l’activité se déroule principalement durant la période du Vary Vakambiaty alors que la zone produit du Vary Aloha (graphique 5). Ils ne s’occupent pas du transport, se faisant livrer par des camions et profitant de la proximité de la ville pour l’évacuation du riz décortiqué. Leurs acheteurs sont principalement des commerçants en riz, grossistes et détaillants urbains.

b) Les riziers.

Les riziers correspondent donc à des structures organisées et bien intégrées dans les circuits commerciaux du riz. Avant tout ils s’occupent de la collecte, ils engagent pour cela une multitude de collecteurs mandatés ; le principe est simple, ils leur fournissent tout l’indispensable pour l’activité de collecte (balance, sacs…) ainsi que de l’argent. Ils fixent ensuite le prix du paddy, celui-ci peut d’ailleurs varier d’une journée à l’autre, et lorsque le collecteur mandaté a réuni un stock acceptable, celui-ci est alors transporté à la rizerie. Le paddy est alors soit décortiqué pour être revendu directement, soit il est stocké pour être usiné et vendu plus tard dans la saison. Une partie du riz revendu peut d’ailleurs être transporté par le rizier, seulement là encore ils sont de moins en moins nombreux à transporter le riz sur les marchés urbains, il s’agira souvent de commandes qui sont alors livrées par le rizier. Les riziers cherchent avant tout à limiter les risques ainsi que les dépenses et les pertes de temps, ainsi ils recherchent une certaine coordination autant pour l’étape de la collecte que pour l’étape de la revente.

Les riziers seraient prés d’une trentaine dans la commune d’Antananarivo ; d’après la liste du Génie Rural, 45% des rizeries de la province se situe à la capitale. Mais il s’agit notamment de petites rizeries, c’est à dire se faisant alimenter par des collecteurs de toute sorte. Certains possèdent également leur propre moyen de transport et vont alors jouer les collecteurs, ou « tir au vol », dans les régions productrices. Les marges commerciales dépendront beaucoup des stratégies choisies et de l’évolution du marché.

29 Graphique 5/

Paddy décortiqué en rizerie dans le Fivondronana d'Ambohimanarina

450 400 350 300 250 200 tonnes 150 100 50 0 juin mai oct. avril nov. août dec. sept. mars juillet février janvier

Riz. 1 Riz. 2

Source : enquêtes terrain 2002.

B/ Le transport.

Si certains opérateurs des zones productives transportent eux-mêmes leurs produits sur la capitale ou sur d’autres lieux de consommation, l’approvisionnement de la capitale en tant que tel, c’est à dire la gestion des flux, est de plus en plus réalisé par des opérateurs urbains. Nous avons vu que les riziers abandonnent de plus en plus l’activité de transport et celle-ci est alors relayée par un ensemble d’opérateurs urbains, qu’ils soient grossistes, transporteurs ou tout simplement spéculateurs. Ces types d’opérateurs sont nommés sous-collecteurs, c’est à dire qu’ils collectent dans le sens où ils vont se procurer du riz/paddy sur les zones de production pour ravitailler la ville, mais ils n’ont pas un contact direct avec les producteurs, ou alors très peu, se fournissant auprès des collecteurs locaux. Ces sous-collecteurs sont surnommés des « tir au vol » de par leur mode de fonctionnement. Leur but est de remplir au plus vite leur camion, ils ne perdent donc pas de temps à la collecte du paddy proprement dit, certains achetant même le riz déjà décortiqué. Ils se procurent le riz/paddy auprès des nombreux petits collecteurs, et de plus en plus auprès des riziers. Leur activité apparaît donc comme complémentaire à celles des opérateurs locaux, en évacuant le riz/paddy commercialisable vers les lieux de consommation ; cependant des conflits d’intérêt peuvent apparaître lorsque ces « tir au vol » se procurent le paddy auprès des collecteurs mandatés, détournant ainsi la destination première du paddy et leur valant ainsi ce surnom.

Certains grossistes de la capitale vont chercher à se procurer le riz directement sur les zones de production, ils sont rarement propriétaires des moyens de transport et louent donc des camions ou font appel à des transporteurs. Ils sont de moins en moins nombreux à opérer de la sorte, il semblerait qu’il y ait de plus en plus de

30 spécialisation dans la filière chacun s’occupant donc d’une étape particulière de la filière sans se disperser8. Comme sous-collecteurs on trouve également des transporteurs, ce sont en fait des propriétaires de camions qui vont chercher à maximiser leur capital, ainsi ils s’inscrivent chaque année en tant que colleteurs de produits locaux et font tourner au maximum leurs camions. En général ils louent leurs camions ou font du transport pour le compte d’autrui, mais suite à la période de récolte, ils sont nombreux à pratiquer la « collecte », soit par spéculation, soit pour ne pas revenir à vide. Enfin on trouve des opérateurs que l’on pourrait nommer spéculateurs, comme les précédents ils se procurent une carte de collecteur de produits locaux et cherchent avant tout à maximiser leur gain ; les stratégies sont alors aussi nombreuses que variées. Le plus simple est de s’alimenter lorsque le prix du riz sur les marchés de la capitale monte, il faut faire vite, le riz est alors acheté directement auprès des riziers. D’autres vont se procurer du paddy, ils le feront souvent décortiquer près de la capitale afin d’attendre le moment propice pour la vente ; certains vont également constituer un stock ; d’autres ne possèdent pas de camion mais passeront une commande à un rizier lorsqu’ils sentent le moment opportun…

En ce qui concerne les revenus, ces derniers sont encore très variables, ils dépendront beaucoup de la stratégie employée et du caractère spéculatif de l’opération. Pour certains l’activité ne leur procurera que les recettes perçues pour le service de transport, l’employeur ou le loueur profitant lui-même des gains réalisés sur l’achat et la revente des produits. Pour d’autres les gains seront plus appréciables car les opérations seront effectuées pour leur propre compte aux moments les plus opportuns. Spéculer sur le riz peut être une activité très lucrative, notamment lorsque l’agent a la capacité de réaliser des stocks, mais peut être également dangereuse dans la mesure où l’agent ne dispose pas de sécurité et que le marché est rendu très instable par le riz d’importation.

C/ Le cas du Lac Alaotra.

1/ Les décortiqueries et rizeries.

La multiplication des décortiqueries sur la zone durant ces vingt dernières années a considérablement diminué le décorticage manuel, cependant le coût élevé des unités de transformation (de 50 à 200% plus cher que sur la capitale) pousse beaucoup d’exploitant à continuer à piler le riz pour leur propre consommation. Il est difficile d’évaluer la quantité de paddy décortiqué manuellement, mais sur la région du Lac cela ne devrait pas dépasser le quart du paddy récolté. En ce qui concerne la commercialisation du paddy, celui-ci sera toujours décortiqué mécaniquement.

8 On constate à la fois une forte polyvalence des acteurs (montrée dans de nombreuses études), en particulier pour les riziers et les grossistes qui collectent pour leur propre compte, et une forme de spécialisation dans la filière. En effet, l’enquête a montré que si certains opérateurs multipliaient leurs activités tout le long de la filière, ils apparaissaient moins nombreux qu’auparavant semblant se préoccuper de leur activité principale, ou changeant de place dans la filière pour profiter d’avantages plus importants (tels les grossistes devenant principalement collecteurs, les détaillants devenant grossistes…).

31

Sur la région du Lac, on estime à 40 000 tonnes la quantité de paddy commercialisable transformé dans les décortiqueries, dont environ la moitié sur la zone même et le restant sur les lieux de consommation (notamment Antananarivo). Les décortiqueries de la zone ont donc une activité essentiellement locale, basé sur l’autoconsommation des ménages et la commercialisation locale. Si elles fonctionnent en générale toute l’année, elles ont tout de même une activité très saisonnière avec des pointes au moment de la campagne et une période creuse durant la soudure.

En ce qui concerne les petites rizeries, leurs principaux clients sont les sous- collecteurs, notamment ceux extérieurs à la région ; mais, plus rarement, ils peuvent aussi travailler à façon, c’est à dire se contenter de décortiquer le paddy pour une tierce personne. Ce sera le cas pour des sous-collecteurs qui se sont procurés du paddy auprès de collecteurs locaux ou encore pour des collecteurs/transporteurs qui souhaitent une transformation du paddy plus soigneuse que celle réalisée dans les décortiqueries. Il est à noter que les riziers sont de plus en plus nombreux à utiliser ce type de stratégie. Beaucoup de riziers transportaient eux-mêmes le riz blanc sur les lieux de consommation, mais face à la dégradation de la nationale 44 et au nombre croissant de sous-collecteurs venant opérer sur la région, les riziers délaissent l’activité de transport pour se consacrer uniquement à la collecte et à la transformation. Pour l’étape de la collecte aussi il y a des transformations, il était courant avant de mandater des petits collecteurs locaux, mais les détournements d’argent, voir les pertes, font que les riziers perdent confiance en ce type d’opérateur et préfèrent donc souvent acheter directement le paddy sans avances d’argent.

L’ensemble des riziers, excepté les trois gros dont nous parlerons après, sont au moins une trentaine sur la région du Lac Alaotra, avec un tonnage moyen inférieur à 1000 tonnes, on estime qu’ils transforment environ 20 000 tonnes du paddy commercialisé. Ils jouent un rôle important dans l’approvisionnement des marchés urbains grâce aux stocks qu’ils réalisent.

2/ Le transport.

Le transport est le gros handicap de la région du Lac Alaotra pour l’évacuation des différentes productions agricoles et un des principaux facteurs de la structure agricole de la zone. Les infrastructures n’ont cessé de se délabrer. Le réseau ferroviaire qui pouvait alimenter Toamasina et Antananarivo n’est plus en activité ; il y a dix ans il permettait d’évacuer plus de 10% du riz commercialisable. Mais surtout, la nationale 44 devient de moins en moins praticable, en camion il faut compter une journée pleine pour rallier la capitale, et jusqu’à trois jours en période de pluie. Depuis longtemps des promesses ont été faites pour bitumer la route sans que cela ne soit réalisé (le nouveau gouvernement en place a renouvelé le projet). Cet enclavement pénalise considérablement l’évacuation des produits périssables et pousse donc au maintien de l’hégémonie de la culture du riz. Cet isolement a de plus protégé d’une certaine manière le monopole des riziers sur la région, notamment face aux opérateurs extérieurs. Certains pousseront même la chose jusqu’à dire que c’est sous la pression de ces gros opérateurs locaux que la route n’était pas restaurée ; raison, nous le verrons plus tard, qui n’a plus raison d’être. Dans

32 tout les cas cet isolement maintient des prix faibles au moment des récoltes pour les producteurs dû à des coûts d’évacuation élevés.

3/ Les gros riziers.

Ils sont donc au nombre de trois, Madrigal, Silac et Société Roger ; avec une quantité annuelle moyenne d’un peu moins de 15 000 tonnes de paddy, très variable selon les années, ils s’occupent de près de la moitié du riz commercialisé (environ 40 000 tonnes de paddy) et sont en fait les leaders du marché. Leur zone d’influence s’étend bien au delà de la région du Lac Alaotra, ils sont en général présents sur les différents sites de production rizicole (Marovoay, Hauts Plateaux…), mais le riz du Lac reste leur principale source d’approvisionnement local. Ils recherchent avant tout un riz de luxe, cela pour répondre à une certaine demande de la population urbaine mais aussi pour l’exportation. Ainsi, si Madagascar est dépendant des importations de riz pour satisfaire la demande locale, l’île est en même temps exportatrice de riz de qualité, notamment en destination de l’île de la Réunion ; île proche avec un pouvoir d’achat bien supérieur à celui des malgaches. Mais la grande majorité du riz usiné est vendue sur les marchés locaux, notamment sur la capitale. Les gros riziers sont en fait de grandes entreprises qui cherchent avant tout à optimiser leurs activités ; ils vont ainsi diversifier leurs sources d’approvisionnement et leurs débouchés. Pour l’approvisionnement ils collectent sur différentes zones et à différents opérateurs. Leur principal ravitaillement provient bien sûr des collecteurs mandatés, mais peut également provenir de manière plus directe des gros producteurs ou de leur propre production. En effet les gros riziers possèdent plusieurs centaines d’hectares (en régie ou exploités par des paysans) ; de gros producteurs préfèrent également aller directement négocier leur production avec les riziers. Une autre source d’approvisionnement est l’importation, en général ces gros opérateurs commercialisent plus de riz d’importation que de riz local9. Les débouchés aussi sont diversifiés, si les gros riziers cherchent avant tout à commercialiser du riz de luxe, la majorité du riz vendu est du riz de table, voire du riz ordinaire. En effet, avec un kilo de Makalioka brut, on réalise environ 40% de riz de luxe (riz avec moins de 15% de brisure) et 15-20% de riz ordinaire (riz avec plus de 35% de brisure), mais surtout, la demande en riz de luxe n’est pas encore suffisamment importante pour ne faire que ça. Le riz de table et le riz ordinaire vont être commercialisés par les filières traditionnelles, c’est à dire auprès des grossistes urbains. Une partie du riz de luxe sera exportée, le reste est distribué auprès des grandes surfaces de la capitale, les épiceries fines et pour la restauration. Les gros riziers vont donc occuper une place très importante dans la filière riz, non seulement de par leur taille, mais également de par leur multifonctionnalité. En effet, ils produisent eux-mêmes une certaine quantité du paddy, collectent par l’intermédiaire de mandatés une grande part du Makalioka commercialisable, font un travaille d’usinage très poussé afin de produire un riz de grande qualité, ce dernier sera d’ailleurs conditionné pour en faciliter la commercialisation auprès de grands magasins. Les gros opérateurs s’occupent également du stockage et du transport jusqu’au lieu de consommation, ou plutôt jusqu’aux centrales d’achats urbains. Ils

9 Silac qui a une capacité de stockage sur la région du Lac Alaotra de 16-17 000 t de paddy, collecte en moyenne entre 10-12 000 t de paddy soit environ 8 000 t de riz décortiqué et importe annuellement 15- 20 000 t de riz. Madrigal récolte en situation de bonne récolte 16-17 000 t de paddy sur le Lac plus 2000 t dans les autres régions, soit au mieux 12 000 t de riz et importe annuellement 8-12 000 t de riz.

33 sont donc présents d’un bout à l’autre de la filière ; leur stock important et leur régulation influencera considérablement le niveau des prix sur la capitale et les besoins en riz d’importation.

Un schéma récapitulatif peut résumer les transactions entre les différents opérateurs du Lac, il s’agit bien sûr d’estimation réalisé à partir des différentes données recueillies lors de l’étude, à prendre donc comme ordre de grandeur et non comme un fait (d’autant plus que les mouvements sont très variables d’une année à l’autre selon notamment les décisions prises par les plus gros riziers).

Schéma 1 / Estimation des flux de paddy entre les opérateurs amonts du Lac Alaotra.

Production : 100 000 tonnes de paddy commercialisables

30 000 t 3 000 t 40 000 t 7 000 t 15 000 t 5 000 t

4 000 t Collecteur Collecteur indépendant transporteur 30 000 t 20 000 t 1 000 t Collecteur mandaté

40 000 t

1 14 2 000 t 3 33 0 000 t 000 t 0 3 0 0 t 0 Gros 0 Riziers riziers

20 000 t t 40 000 t

Opérateurs avals : 67 000 tonnes de riz

Première main Deuxième main Riz

Source : propre calcul d’après enquête terrain 2002 sur la région du Lac Alaotra.

34

III/ De la distribution à la consommation.

Le riz est maintenant rendu en ville, il est décortiqué et est donc prêt à être consommé. Seulement, avant d’arriver dans l’assiette du consommateur, celui-ci doit encore passé par différents opérateurs qui sont chargés de sa distribution. Ces derniers sont nombreux dans la ville, on trouve d’abord les grossistes, relativement regroupés dans les deux marchés de gros, ainsi qu’une multitude de commerçants et de petits détaillants, voir micro-détaillants répartis dans toute la ville. Dans la capitale, ils sont des milliers à commercialiser le riz, que ce soit en gros ou en détail, sur les marchés ou dans les quartiers. On va distinguer les grossistes et semi-grossistes des détaillants, ainsi que les nombreux autres opérateurs ayant un contact avec le riz comme les porteurs ou les grandes surfaces. Nous verrons dans un troisième temps les habitudes de consommation de la population d’Antananarivo.

A/ Les grossistes et semi-grossistes.

Lors de l’enquête, 35 de ces opérateurs ont été questionnés, principalement sur les deux marchés de gros que sont Anosibe et Ambodivona, ils seraient trois à quatre centaines sur la ville. Si par définition les grossistes ne vendent qu’en gros, beaucoup d’entre eux vendent également au détail, on fera donc la distinction entre les grossistes et les semi-grossistes qui vendent plus de la moitié de leur riz au détail.

Les grossistes vendant moins au détail, voire pas du tout pour certains, ils vendent de plus grandes quantités, 450 tonnes de riz en moyenne par an, contre 200 tonnes pour les semi-grossistes. Ces derniers apparaissent plutôt comme des commerçants alors que les grossistes seraient plus spécialisés, en effet, 25% d’entre eux ne font que du riz alors que l’ensemble des semi-grossistes vendent également d’autres grains, voir d’autres produits de première nécessité. La marge moyenne d’un grossiste est d’environ 60 Fmg/Kg, elle est de 90 Fmg/Kg pour les semi-grossistes qui réalisent une marge plus importante sur les ventes au détail (augmentation moyenne de 50 Fmg/Kg). Une autre distinction entre ces deux types d’opérateurs porte sur la saisonnalité de leurs ventes ; 59% des grossistes enquêtés affirment vendre plus en période de soudure, contre 6% vendant plus en période de récolte, les autres ne distinguant pas de différence ou étant trop récents dans l’activité. Ceci peut paraître étrange, la période de soudure correspondant à une raréfaction de l’approvisionnement en riz, une hausse des prix et par la même une diminution de la demande. Deux facteurs peuvent cependant expliciter le phénomène ; tout d’abord du côté de l’offre, la période de récolte correspond à une abondance de riz avec les prix les plus bas de l’année, les commerçants vont alors être plus nombreux à en vendre, auxquels il faut rajouter les producteurs proches de la ville venant écouler et tirer un meilleur prix de leur production sur les marchés. Les opérateurs urbains en riz vont donc être plus nombreux durant la période de récolte, diminuant ainsi les ventes

35 moyennes de chacun ; durant la période de soudure, seuls les spécialistes du riz restent présents sur le marché. Du côté de la demande, s’il est certain que les citadins consommeront moins de riz pendant la période de soudure, la demande auprès des différents opérateurs peut être plus importante à cause du fort taux d’autoconsommation durant les récoltes. Par contre, chez les semi-grossistes, 23% affirment vendre plus en période de soudure, contre 31% vendant plus au moment des récoltes (46% ne se prononçant pas). Ceci provient du fait qu’ils sont moins spécialisés sur le riz que les grossistes, profitant notamment des prix avantageux et vendant surtout lorsque les approvisionnements sont importants. D’ailleurs leur activité est plus stable que celle des grossistes, seulement 7% des semi-grossistes enquêtés pratiquent leur activité depuis moins d’un an, tandis qu’ils sont 15% chez les grossistes. Autre phénomène de périodicité, les ventes sont plus importantes en fin de mois, et cela est confirmé par l’ensemble des opérateurs. La fin de mois correspond pour beaucoup à la paye et les consommateurs sont alors nombreux à profiter de leur liquidité pour acheter un sac de riz (un sac faisant 50 kilos), ils stockent ainsi pour le mois tout en profitant d’un prix de gros. En ce qui concerne les marges, il semblerait que les opérateurs exploitent ces moments privilégiés des ventes en les augmentant durant la période de soudure (en valeur absolue mais pas en pourcentage) et en fin de mois. Les semi-grossistes ont donc une activité plus stable du fait qu’ils réalisent plus de marge en vendant une grande partie de leurs produits au détail, qu’ils ont également une plus grande variété de produits, aucun d’eux n’étant spécialisés dans le riz. Les grossistes ont eux une activité plus mobile, certains deviennent eux-mêmes collecteurs, ou plutôt sous-collecteurs, d’autres disparaissent face à une concurrence trop imposante. Dernière remarque, ces différents opérateurs ont une attache particulière avec le riz, 43% des semi-grossistes et 55% des grossistes ont une production familiale de riz.

Le phénomène de diversification des produits et de la vente au détail prend de l’ampleur, le riz est certes un produit qui se vend bien, mais les marges sont plus réduites que pour les autres produits. Les semi-grossistes représentent déjà 40% de notre échantillon mais pourraient devenir de plus en plus nombreux, concurrençant ainsi les détaillants, mais ces derniers n’en restent pas moins indispensables et de plus en plus nombreux également.

B/ Les détaillants et autres intervenants.

Le principal fournisseur de riz pour les consommateurs urbains est le détaillant, mais le riz peut être distribué par d’autres circuits, ce sera le cas du riz distribué par les grandes surfaces, mais surtout le riz est également source de revenu pour un ensemble de différents acteurs.

1/ Les détaillants.

65 détaillants ont été enquêtés, notamment dans les principaux marchés de la ville (Andravoahangy, Anosibe, Besarety, Isotry et Mahamasina) mais également dans quatre quartiers (Ambondrona, Antohomadinika, Besarety et Mahamasina) et dans deux communes péri-urbaines (Ambohimanarina et ). Dés à

36 présent on peut dire que les détaillants sont de plus en plus nombreux, plusieurs milliers ; il y a de plus un phénomène d’expansion de micro-détaillants, les revenus des ménages étant très faibles, la population urbaine est de plus en plus nombreuse à vendre dans la rue augmentant sans cesse le poids du secteur informel.

Il faut distinguer les détaillants de quartiers de ceux vendant sur les marchés. Comme précédemment, les premiers sont des commerçants, ils tiennent d’ailleurs des épiceries de quartiers et rares sont ceux qui ne vendent que du riz. En général ils ont des marges plus importantes, mais ce n’est pas le cas pour les quartiers populaires et les communes péri-urbaines, où les prix restent compétitifs par rapports aux riz vendus sur les marchés, bien qu’ils subissent en général des coûts de transport plus importants pour se ravitailler. Les quantités vendues seront cependant plus faibles que pour les détaillants de marché, en moyenne 30 tonnes par an contre 55 tonnes, mais avec des disparités assez importantes selon la localisation de l’épicerie. Les détaillants présents sur les marchés ont une activité plus spécialisée, un tiers d’entre eux ne vendent que du riz, ils sont de plus très proches de leur produit puisque la moitié environ de l’échantillon possède une rizière. La mobilité y est également importante puisque 11% des enquêtés se sont lancés dans le commerce du riz depuis moins d’un an. En ce qui concerne la saisonnalité des ventes, la plupart des enquêtés affirment vendre plus en période de soudure, cela pour les raisons citées un peu avant. Mais en ce qui concerne les marges, les comportements sont plus variés, la majorité profitent de la période de soudure pour les augmenter, tandis que quelques uns ont déclaré réaliser les marges les plus importantes durant la période de récolte. Les marges varieront également du simple au double selon le quartier, les marges les plus faibles se trouvant naturellement dans les quartiers les plus populaires ; les dépenses des ménages étant plus faibles et la concurrence plus sévère.

Les épiceries de quartiers s’approvisionnent majoritairement sur les marchés, en achetant au prix de gros tandis que les détaillants présents sur les marchés ont de plus en plus souvent de contact avec des sous-collecteurs, voire des riziers urbains et péri-urbains. De plus la majorité des détaillants ne sont pas déclarés, ils ne possèdent alors souvent pas de balance, se servant d’une kapoka10 comme unité de mesure.

2/ Les autres acteurs de la distribution.

L’apparition des grandes et moyennes surfaces est un phénomène nouveau sur la ville d’Antananarivo, elles seraient désormais une petite dizaine sur le centre et l’agglomération. Leur principe étant de vendre tous les produits nécessaires à la consommation courante des ménages, et notamment les produits alimentaires, il est normal d’y trouver du riz. Cependant le riz ne sera pas vendu en vrac comme par les détaillants, de plus il s’agira avant tout de riz de table et de luxe ; on trouve donc principalement le riz des gros opérateurs de la filière complété par du riz d’importation. Le prix étant excessivement cher par rapport aux marchés (au minimum 50% de plus à qualité égale), les tonnages réalisés ne dépassent pas ceux d’un détaillant bien localisé. Ainsi on estime que l’ensemble des ventes des grandes et moyennes surfaces est d’environ 500 tonnes par an.

10 La Kapoka est une boite de lait concentrée pouvant contenir environ 285 grammes de riz, il faut en général 3.5 kapoka pour avoir l’équivalant d’un kilo de riz. Beaucoup de consommateurs achètent en kapoka, se rendant mieux compte des volumes achetés et se méfiant des balances mal réglées.

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Comme autres acteurs on a les nombreux porteurs et pousse-pousses présents sur les marchés, ceux-ci ne sont pas véritablement dans la filière du riz mais leur service est souvent sollicité. Du camion au grossiste et du grossiste au détaillant, les opérateurs de la filière font tout le temps appel à eux. Ils se font alors payer au sac, montant qui sera variable selon la distance et l’état de la route (en période de pluie, les chemins boueux et inondés allongent la durée de leur trajet, les prix sont alors plus élevés). Certains porteurs vont cependant devenir de véritables intermédiaires ; à l’arrivé des collecteurs, ils se renseignent sur les prix, prennent un échantillon et parcourent le marché à la recherche d’un détaillant intéressé, ils tentent ainsi de réaliser une véritable marge sur le produit, leur rapportant plus que le simple service de transport.

Beaucoup d’acteurs vont également revendre du riz pour une consommation directe ; on trouve d’abord les restaurateurs, dont beaucoup d’hotely, mais également beaucoup de petits vendeurs de rue revendant le riz notamment sous forme de galette de riz, pouvant être sucrée ou salée ; ces derniers seraient plusieurs centaines sur la ville.

C/ Les consommateurs.

146 enquêtes ont été réalisées, représentant autant de ménage ; ils ont été enquêtés sur huit zones différentes et forment quatre catégories de ménage. On a tout d’abord une distinction entre les consommateurs des populations péri-urbaines (41 enquêtes sur Ambohimanarina et Andoharanofotsy) et urbaines, dans cette dernière, on a la population habitant dans les quartiers populaires de la ville (45 enquêtes sur Antohomadinika et Besarety), aisés (25 enquêtes sur la ville haute et le quartier du palais) et intermédiaires (35 enquêtes sur Ambondrona et Mahamasina). Cet échantillon permettra ainsi de donner une image assez proche de la consommation de riz de la capitale11. De plus l’enquête sera complétée par quelques données du projet Madio12 et des résultats de l’enquête de 1999 réalisé à Madagascar sur la filière riz13 d’après 111 ménages enquêtés sur la capitale. Cette dernière a révélé un revenu moyen des ménages supérieur à la réalité (plus de 1.5 Millions de Fmg par ménage et par mois), dû probablement à un échantillon non représentatif ; nous avons donc, pour une meilleure compréhension des résultats divisé cette population en quatre classes de revenu : la classe à revenu faible, à revenu élevé et deux classes intermédiaires. Avant de commencer à donner les résultats d’enquêtes, il faut préciser que les ménages d’Antananarivo sont composés en moyenne de cinq personnes (5.32 d’après notre enquête, 5.04 d’après l’enquête FAO).

11 Si 141 enquêtes amènent une certaine crédibilité aux résultats de ce travail, aucune base de sondage n’a été utilisée, donc sa représentativité ne peut être retenue sur le plan statistique, tout comme les autres résultats donnés dans les enquêtes précédentes. 12 Données Instat, enquête 1998 sur les ménages d’Antananarivo, phase 3, calculs Madio. 13 Projet TCP/FAO/MAG/8821, étude de la filière riz à Madagascar.

38 1/ La consommation.

L’étude a révélé une consommation moyenne de 124 Kg par habitant et par an, ce qui confirme l’amélioration de ces dernières années, même si on constate un certain relâchement ; en 1995 la consommation était de 107.5 Kg par an et par habitant, et 132 Kg en 1998 d’après les résultats du projet Madio. Cependant les données varient selon les enquêtes et les catégories de consommateurs comme peut nous le montrer le tableau suivant.

Tableau 1/ Comparaison des résultats d'enquêtes de différentes études, consommation annuelle de riz par an et par habitant en Kg. Enquête Madio 1998 Enquête FAO 1999 Enquête 2002 1er quartile 93,8 Kg revenu faible 102,7 Kg quartier populaire 124 Kg 2ème quartile 128,8 Kg Intermédiaire 1 108,1 Kg quartier intermédiaire 130,2 Kg 3ème quartile 150,7 Kg Intermédiaire 2 115,2 Kg zone péri-urbaine 129 Kg 4ème quartile 184 Kg revenu élevé 105,8 Kg quartier aisé 101,9 Kg Moyenne 132 Kg Moyenne 109 Kg Moyenne 124 Kg

La comparaison de ces différents résultats nous confirme, si on pouvait encore en douter, que ces derniers doivent être pris avec beaucoup de prudence, ils dépendent du choix des échantillons et des questions posées. Des écarts importants apparaissent entre les enquêtes même si ces dernières n’ont pas été réalisées les mêmes années. Tout d’abord au niveau des moyennes, celles-ci montrent des variations importantes entre les années, résultat probable mais certainement supérieur à la réalité. Les résultats sur la consommation en fonction des budgets familiaux présentent également de grandes disparités. Ainsi d’après l’enquête Madio, les 25% de la population les plus pauvres sont ceux qui consomment le moins de riz, la consommation augmentant avec le revenu du ménage, les 25% les plus riches consommant jusqu’à 184 Kg par an et par habitant. Dans les deux autres enquêtes, ce sont les classes intermédiaires qui consomment le plus ; les plus aisés diversifiant leur mode de consommation et les plus pauvres étant limités par leur faible revenu. Si l’on retient cette hypothèse, la faible consommation enregistrée en 1999 par l’enquête FAO peut s’expliquer par les revenus relativement élevés de l’échantillon. Notre dernière enquête a révélé également une forte consommation de riz dans la population péri-urbaine dû à des habitudes alimentaires encore fortement rurales.

L’enquête FAO va nous permettre également de comparer la part des dépenses en riz sur le budget des ménages. Pour la catégorie des revenus les plus faibles, le riz représente le quart des dépenses mensuelles du ménage, tandis qu’il ne représente que 4.5% des dépenses pour la catégorie la plus aisée, et respectivement 18.4% et 11% pour les deux catégories intermédiaires. L’alimentation dans son ensemble représente plus de la moitié des dépenses dans la catégorie la plus pauvre (55.8%) et la première classe intermédiaire (51.6%), mais seulement le quart des dépenses pour la catégorie la plus favorisée (43.9% pour la deuxième classe intermédiaire).

2/ L’acte d’achat.

En ce qui concerne les lieux d’achat, le riz est principalement acheté dans les épiceries de quartier, c’est le cas de 39% de notre échantillon, tandis que 13.7% vont

39 l’acheter sur un marché ; 23.3% n’ont pas de lieu fixe et l’achètent soit dans une épicerie soit sur un marché assez proche (graphique 6). 13.7% vont se procurer le riz auprès des grossistes et 8.2% se le procurent d’une autre manière (autosuffisance, primes en nature…). Selon les catégories on aura encore des divergences, ainsi la classe la plus pauvre se procure le riz au plus proche, dans les épiceries de son quartier à 68.9% ; la classe intermédiaire est moins stable, et plus du quart se procurent le riz auprès des grossistes. La population péri-urbaine est également instable, elle subit l’éloignement des grossistes mais profitent plus de son auto- consommation. Dernière remarque sur les lieux d’achat, sans surprise, seule la classe aisée fréquente les supermarchés, ils sont 12% de l’échantillon à s’y rendre.

Graphique 6/

Lieu d'achat selon la catégorie de consommateur.

100% autres 90% 80% super-marché 70% 60% grossiste 50% 40% épicerie ou marché 30% proche 20% marché proche 10% 0% épicerie de quartier 1er 2ème 3ème 4ème catégorie catégorie catégorie catégorie

Source : enquêtes terrain 2002. 1er catégorie : quartier populaire ; 2ème catégorie : quartier intermédiaire ; 3ème catégorie : quartier aisé ; 4ème catégorie : commune péri-urbaine.

Sur les lieux d’achat, le projet Madio nous apprend que pour les dépenses alimentaires, les consommateurs s’approvisionnent dans 98.8% des cas auprès du secteur informel qui profite notamment de sa proximité et de ses prix faibles, tandis que l’avantage principal du secteur formel réside dans la qualité de ses produits. L’enquête FAO de 1999 (tableau 2) confirme le fait que la catégorie de consommateur à revenu faible se procure le riz à proximité de son lieu d’habitation (distance moyenne à pied de 8.2 minutes) tandis que les plus aisées font plus de distance (38.8 minutes); les classes intermédiaires ayant eux des comportements beaucoup plus disparates (moyenne de 10.8 et 18 minutes).

La fréquence d’achat est également significative du pouvoir d’achat des consommateurs (graphique 7), ainsi 53.3% de la population pauvre achète son riz au jour le jour tandis que 52% de la population aisée et 48.6% de la population intermédiaire se le procurent une fois par mois. La population péri-urbaine se partage équitablement entre les deux principales formules d’achat, avec 39% des ménages qui achètent le riz chaque jour et autant tous les mois.

40 Tableau 2/ lieu d'achat du riz Revenu Quartier Marché supermarché marché centre ville Ailleurs Faible 66,67% 26,67% 0 0 6,67% interm. 1 59,37% 25% 0 3,13% 12,50% interm. 2 20% 26,67% 3,33% 26,67% 23,33% Elevé 23,53% 2,94% 0 55,88% 17,65% Source : Etude FAO 1999.

Graphique 7/

Fréquence d'achat par cétégorie de consommateur.

100% 90% par an 80% tous les mois 70% 60% 2 à 4 fois par mois 50% 2-3 fois par semaine 40% Tous les jours 30% 20% 10% 0% 1er catégorie 2ème 3ème 4ème catégorie catégorie catégorie

Source : enquêtes terrain 2002. L’achat par an correspond à l’autosuffisance alimentaire ou des contrats salariaux avec une partie versée en nature.

De nouveau l’enquête FAO confirme nos résultats (tableau 3 et graphique 8), la population à revenu élevé achetant le riz en grosse quantité tandis que la population à plus faible revenu achète le riz en petite quantité. Si on regarde la colonne des achats journaliers, on constate bien que ces derniers sont de plus en plus rares au fur et à mesure que les revenus augmentent.

Tableau 3/ Fréquence d'achat du riz Revenu ts les jours ts les 2-3 j 1/semaine 2-3 / mois 1/mois Faible 66,67% 13,33% 0 0 20% interm. 1 43,75% 15,63% 3,12% 6,25% 12,50% interm. 2 16,67% 6,67% 30,00% 20% 26,67% Elevé 8,82% 8,82% 20,59% 11,76% 50% Source : FAO 1999.

41 Graphique 8/

quantité acheté à chaque achat.

100%

80%

60%

40%

20%

0% pauvre interm. 1 interm. 2 aisée

plus d'un sac 15-50 Kg 3-15 Kg 1-5 Kg 2-4 kapoka 1 kapoka

Source : FAO 1999.

On a également questionné les consommateurs sur le prix du kilo de riz qui leur paraîtrait raisonnable, le prix obtenu correspond à peu prés au prix du riz en période de récolte, c’est à dire 1846 Fmg/Kg, dont 1745 Fmg/Kg pour la classe la plus pauvre et 2065 Fmg/Kg pour la plus aisée ; la différence résultant des écarts de revenu et des variétés de riz consommé.

3/ Les choix alimentaires.

En ce qui concerne les produits achetés, les consommateurs ont une nette préférence pour le Vary Gasy, notamment le Vary Gasy rose (graphique 9) ; le Tsipala est lui beaucoup moins consommé, mais ces résultats tiennent plus de la méconnaissance des consommateurs sur les variétés que d’un véritable choix préférentiel (c’est ce que démontre l’enquête auprès des détaillants pour qui il n’est pas rare que le Tsipala soit parmi les plus vendus). Toutefois, le Makalioka apparaît plus consommé dans les familles aisées, tandis que les ménages les plus pauvres ont plutôt tendance à se procurer du riz d’importation comme riz de table. Il faut tout de même remarquer que le Makalioka serait vraisemblablement consommé par toutes les classes de la population urbaine, ce qui montre un réel désir de consommer du riz de qualité malgré la faiblesse des revenus de certains. Une autre pratique apparaît lorsque le revenu du ménage augmente ; le mélange des variétés, un riz de table qui gonfle bien, en général le Makalioka, et un riz ordinaire, le Vary Gasy ; les riz peuvent soit être mélangés directement durant la préparation et mangés ensemble, soit le Vary Gasy est consommé matin et soir, et le Makalioka durant le repas du midi. Pour les communes péri-urbaines, la consommation est à prés de 80% du Vary Gasy coloré.

Lorsque le prix du riz augmente, les ¾ de la population pauvre en consomment moins, seulement ¼ des plus riches et un sur deux pour les catégories intermédiaire et péri-urbaine. Dans ce cas, un quart d’entre eux ne le remplacent pas (graphique 10), sinon le remplacent en majorité par du manioc, du maïs ou encore des patates douces.

42 Graphique 9/

Préférence des riz par catégorie de consommateur.

100% Mélange 90% Import 80% Tsipala 70% Makalioka 60% V.G. rouge 50% V.G. rose 40% V.G. blanc 30% Vary Gasy 20% 10% 0% 1er catégorie 2ème 3ème 4ème catégorie catégorie catégorie

Source : enquêtes terrain 2002.

Graphique 10/

Produits de substitution à la hausse du prix du riz.

rien manioc maïs patate douce pomme de terre pain autres

Source : enquêtes terrain 2002.

Le projet Madio complète l’information en nous donnant les principaux modes d’ajustement des ménages face à une baisse de leur pouvoir d’achat ; 56.1% des ménages vont acheter une quantité plus réduite du même produit sans changer de lieu d’achat, 29.3% vont acheter la même quantité mais ailleurs et moins cher, 11.9% vont quant-à eux choisir avec plus de soins leurs achats.

Nous terminerons notre partie sur les consommateurs avec deux questions présentes dans l’enquête de la FAO, la première portant sur les contraintes des

43 consommateurs concernant leurs achats en riz, dans laquelle six réponses étaient proposées, les enquêtés pouvant cocher plusieurs réponses (graphique 11). La deuxième question était ouverte et demandait aux enquêtés qu’elles seraient pour eux les réponses à apporter face à ces contraintes.

Graphique 11/

Contraintes citées par les consommateurs.

160% 140% 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0% pauvre interm. 1 interm. 2 aisée

qlt de riz qlt de transf. Condit. stockage prix trésorerie

Source : FAO 1999.

La contrainte du prix est la plus représentée, notamment pour les catégories de consommateurs les plus pauvres (citée par trois enquêtés sur quatre) avec la contrainte de trésorerie qui reste dans le même ordre d’idée. Lorsque le revenu augmente, c’est la qualité du produit qui prend le dessus sur son prix ; pour la classe la plus aisée, près de 70% citent un problème de qualité du riz et/ou de sa transformation, tandis-que 55% citent un problème de prix et de trésorerie, étant souvent sensibles aux difficultés financières de la population la plus pauvre14. Parmi les solutions proposées, nous retiendrons celles revenant le plus ; concernant le prix, 24.3% de la population enquêtée souhaitent un contrôle du prix, et notamment sa diminution, 7.2% souhaitent qu’on aide plus les producteurs à augmenter leurs rendements et ainsi l’efficacité des exploitations agricoles, enfin 7.2% veulent qu’on limite le nombre d’intermédiaires dans la filière. Au sujet de la qualité, 12.6% réclament des efforts accrus dans les différentes étapes de culture, séchage et transformation du paddy et 11.7% souhaitent qu’il y ait un contrôle de la qualité en vue d’améliorer le produit.

14 Lors de notre propre enquête, à la question « quelle pourrait-être pour vous le prix raisonnable du riz ? », de nombreuses personnes de la classe aisée répondaient un prix relativement faible par souci vis à vis des plus défavorisés.

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La population d’Antananarivo consomme donc du riz en grande quantité, seulement les habitudes alimentaires varient avec le pouvoir d’achat des ménages. On peut noter deux principales classes de consommateurs, une grande classe à faible revenu achetant le riz le moins cher, mais prés de son lieu d’habitation et en quantité réduite. De l’autre côté, une classe minoritaire mais à fort pouvoir d’achat, se procurant un riz de bonne qualité et assez loin de son lieu de consommation, chez un grossiste, voire dans les grandes surfaces.

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2ème partie : Les sous-filières riz dans l’approvisionnement d’Antananarivo.

Nous venons de voir les acteurs directs de la filière riz, sans nous être occupés des acteurs indirects tels que les banques ou l’Etat, qui, ne l’oublions pas, ont d’importants impacts sur les comportements des opérateurs. Nous allons maintenant, dans cette deuxième partie, nous pencher sur les sous-filières du riz. Tout d’abord nous allons les présenter ; le riz n’est pas un produit standard, il existe plusieurs qualités dépendant des variétés mais aussi des efforts d’usinage ; ces différentes qualités ne concerneront pas les mêmes opérateurs de la filière et n’ont également pas la même destination finale. De plus, de nombreux acteurs occupent les mêmes tâches, le décortiqueur et le rizier, le collecteur indépendant et le mandaté ; ce qui implique différents circuits de commercialisation. Une fois l’organisation mise en place, nous montrerons comment celle-ci arrive à satisfaire la demande urbaine. Il nous faudra la mesurer puis décrire son approvisionnement régulé entre les différentes zones de production et les différentes saisonnalités. Nous poursuivrons en présentant la concurrence entre ces différentes sous-filières ; la concurrence existante entre les variétés de riz et celle entre les circuits commerciaux. Nous terminerons par de brèves suggestions pour améliorer les performances de la filière riz dans son ensemble.

I/ Les sous-filières.

A/ Les différentes variétés et qualités de riz.

Dans ce chapitre nous nous contenterons de traiter des principaux riz que les différents acteurs de la filière distinguent, ces riz constituant des groupes génériques révélateurs de certains aspects qualitatifs et déjà indicateur d’une provenance. Les variétés sont très nombreuses à Madagascar et les opérateurs ne savent en général pas les distinguer, les groupes généraux que nous allons citer décrivent surtout une qualité de riz, qui avec le prix sont les principaux facteurs de choix des consommateurs.

1/ Le Vary Gasy.

C’est le riz typique malgache comme son nom l’indique et le plus présent sur les marchés. En fait il réunit une multitude de variétés vulgairement nommées Vary

46 Gasy (que l’on peut traduire par « riz malgache »). C’est principalement le riz des Hauts Plateaux, s’étalant sur la Province d’Antananarivo, jusqu’à Fianarantsoa, dans le pays Betsileo, on en trouve également dans le Moyen-Ouest, jusqu’à Morondava. C’est un riz de faible qualité que l’on peut trouver sous plusieurs couleurs selon la variété et l’effort au décorticage, il va du Vary Gasy fotsy ou blanc, au Vary Gasy mena ou rouge en passant par le Vary Gasy mavokely ou rose. Il n’est pas rare de trouver sur les étales une demi-douzaine de Vary Gasy de couleurs différentes et de prix différents. Le Vary Gasy est le riz national, il est particulièrement apprécié pour ses valeurs nutritives et gustatives. Le Vary Gasy est d’abord choisi, selon les consommateurs urbains, pour son goût sucré, ensuite vient l’avantage de son prix ; étant de faible qualité il est également bon marché. Les Vary Gasy colorés sont eux reconnus comme consistants et apportant des vitamines, il est donc parfait pour la journée du travailleur car il apporte des « forces » comme aiment le dire certains consommateurs. Cependant il semblerait que le Vary Gasy rouge soit plus lourd pour l’estomac que son confrère rose. C’est également le riz préféré par les consommateurs pour la préparation de Vary Sosoa, riz collant préparé avec beaucoup d’eau, très apprécié le matin et le soir. Une dernière cause de sa consommation est l’habitude ancrée dans le mode de consommation malgache. Son grand point faible est son manque de qualité, contrairement à d’autres variétés de riz, il ne gonfle pas beaucoup à la cuisson, de plus, lors du travail d’usinage, beaucoup de brins et de petits cailloux sont laissés dans le riz ce qui le rend « impropre » à la consommation ; un nettoyage est souvent indispensable. Le Vary Gasy peut ensuite se décomposer en d’autres sous variétés, notamment le Vary Gasy Mangamila, provenant d’une zone de production précise, son nom n’indique donc pas une variété mais juste la provenance, il est en général mieux coté que le Vary Gasy ordinaire. On trouve également le riz Congo, qui est lui de qualité encore plus faible et le riz le moins cher sur les marchés urbains, son nom est une référence au Vary Combo qui est à l’opposé le riz de luxe anciennement exporté. Ce riz bon marché partage les étals avec le Vary Mora, nom générique pour désigner un riz à petit prix, et le riz dit « semence », on n’a pas su ce que les opérateurs entendaient par riz « semence », on suppose qu’il s’agit des écarts de triage de véritables semences. Dans la région des Hauts Plateaux et du Moyen-Ouest, le Vary Gasy est souvent du Vary Rojo, il s’agit d’une variété locale pouvant être blanche ou rouge, demi-long et assez gros, qui est appréciée pour son goût. Comme autre variété connue on peut citer le Vary Bota qui est un riz rond pouvant également être blanc ou rouge ou des riz introduits comme le 27-98, qui est une variété chinoise demi-long et épais.

Le niveau de consommation du Vary Gasy est caractéristique de ses principales valeurs, ainsi il représente plus de la moitié du riz consommé dans la capitale, mais moins du tiers dans les classes aisées ; dans les zones péri-urbaines il représente plus des ¾ de la consommation. Bien que le riz coloré ait subi moins d’effort à l’usinage, celui-ci se vendra un peu plus cher que le riz blanc pour la simple raison qu’il est préféré par le consommateur à ce dernier. Il semblerait que ce soit le détaillant qui profite de ces écarts de prix en prenant une marge légèrement supérieure sur le riz coloré pour un prix d’achat équivalent. Le Vary Gasy coloré sera d’ailleurs présent sur pratiquement tous les lieux de vente alors que le Vary Gasy blanc se trouve principalement sur les marchés.

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2/ Le Makalioka.

C’est le riz de luxe malgache, principalement cultivé sur la région du lac Alaotra, on en trouve sur les marchés d’Antananarivo quasiment toute l’année grâce à un bon contrôle de sa commercialisation par de gros opérateurs régionaux. Il provient majoritairement de la région d’Ambatondrazaka, jugé comme le grenier à riz de Madagascar, mais on en trouve également dans d’autres zones, comme dans le Moyen-Ouest. Le Makalioka est avant tout un riz de qualité, très peu de consommateurs l’achètent pour son goût, mais principalement parce qu’il s’agit d’un riz qui gonfle bien, qui ne contient pas de cailloux et peu de brisures. Il est caractérisé par son aspect long et fin, et sa couleur translucide. Mais là encore, les opérateurs simplifient souvent en nommant Makalioka l’ensemble des riz présentant les mêmes aspects. A l’origine il y a le Makalioka 34, riz de première catégorie, c’est le plus pur et très translucide, taille mannequin (long et fin) ; s’il est vendu un peu sur la capitale à la classe aisée et aux étrangers, il est principalement commercialisé par les gros riziers et exporté. Mais pour avoir des variétés de cette qualité, il faut alors passer par les centres semenciers, ce qui n’est pas permis à tous les agriculteurs. Puis il y a le Makalioka ordinaire, cultivé avec les semences de la dernière récolte, souvent mélangé avec d’autres variétés similaires. Sont également nommés Makalioka un ensemble de variétés nouvellement introduites tel que le 13-47, riz de luxe long, gros, translucide et résistant aux montés des eaux, le X-360, fin, allongé et translucide, le 13-29, riz demi-luxe, un peu plus long, plus gros et moins translucide. Le Makalioka est un riz vendu souvent sec car il est en général plus ancien, stocké plus longtemps pour être disponible tout le long de l’année et ainsi très utilisé pour le Ranovola ou « riz d’argent ». Il s’agit donc d’un riz plus cher principalement consommé par les classes aisées de la population urbaine mais apprécié par toutes les catégories de consommateur. Pour les familles plus modestes, il est souvent couplé avec le Vary Gasy national, soit en repas du midi, soit alors directement mélangé dans le même plat avec un riz de préférence coloré, réunissant ainsi les qualités des deux riz, le goût et les vitamines pour l’un, la qualité et le volume pour l’autre. Bien que le Makalioka soit vendu plus cher, tous les opérateurs ne profitent pas de marges importantes ; ainsi il apparaît lors des enquêtes détaillants que ces derniers réalisent moins de marge sur le Makalioka que sur les riz ordinaires. Cela tient principalement du fait que le Makalioka étant déjà cher à l’achat, les détaillants ne peuvent pas se permettre de trop grosses marges face au faible pouvoir d’achat des consommateurs. L’écart important de prix entre les riz provient donc de l’achat légèrement plus cher au producteur (pour les inciter à en produire) mais notamment de la marge des intermédiaires réalisant des stocks.

3/ Le Tsipala.

Riz blanc de qualité intermédiaire mais en général plus proche du riz ordinaire que du riz de luxe, il est caractérisé par son grain semi-long et blanc. S’il est principalement produit dans la province de Mahajanga, on en trouve également sur d’autres sites de production, notamment dans le Moyen-Ouest vers Tsiroanomandidy mais également sur Antsirabe ou encore Tuléar. Comme toujours les opérateurs nomment Tsipala des riz qui ne le sont pas ; ainsi on a trouvé sur plusieurs étales du

48 Tsipala pluvial alors qu’il s’agit d’une variété ne se cultivant qu’en culture irriguée. Là encore il s’agirait d’une nouvelle variété, le 23-66, riz d’origine brésilienne dont le grain est assez long et pouvant être gros ou fin, principalement cultivé dans le Moyen- Ouest. Le Tsipala est également confondu avec les variétés citées dans le paragraphe précédent, auxquelles on peut rajouter le Vary Andramonta, riz rond traditionnel du Moyen-Ouest mais dont la culture est en baisse. En fait, est souvent nommé Tsipala les riz blancs provenant de Marovoay (province de Mahajanga) et du Moyen-Ouest, qu’ils soient longs ou courts, plus ou moins translucides, pluviaux ou non. Le Tsipala est un riz plus dur à cerner à cause de son hétérogénéité, c’est un riz blanc de qualité variable, il est donc plutôt consommé par les classes à moyens et faibles revenus, il est de plus en concurrence directe avec le Vary Gasy blanc plus ancré dans les habitudes alimentaires des consommateurs urbains. Les raisons citées par le peu de consommateurs rencontrés qui disent le préférer concernent son goût, cependant ces derniers en consomment plus qu’ils ne le pensent selon les dires des détaillants. En ce qui concerne les marges commerciales, il semblerait que les détaillants réalisent des marges importantes sur ce type de riz, le rendant artificiellement légèrement plus cher que le Vary Gasy blanc et comparable au Vary Gasy rouge.

4/ Le riz d’importation :

Appelé à tort Stock Tampon en référence aux anciens stocks de riz sensés réguler le niveau d’approvisionnement en cas de pénurie, il est désormais présent sur les marchés urbains tout le long de l’année concurrençant directement le riz local. Il provient de différents pays, notamment les pays asiatiques tel que la Chine, le Pakistan ou la Thaïlande, mais il peut également s’agir de dons américains, chinois ou japonais cherchant notamment à écouler leur surplus. Il est consommé par toutes les classes de la société notamment du fait qu’il a un prix compétitif comparé à son niveau de qualité. Sa première qualité est sa grande capacité à gonfler lors de la cuisson, il sera donc également choisi pour le mélanger au Vary Gasy national. De plus il a été soigneusement usiné, ce qui lui vaut de ne pas avoir de cailloux15. Certains apprécient aussi son goût et son prix abordable. Son principal défaut proviendrait des différents conservateurs qu’il contiendrait et qui donneraient des allergies à un certain nombre de personnes (consommateurs et opérateurs). Au niveau de la commercialisation il est à noter qu’il est particulièrement fréquent qu’il manque quelques kilos dans le sac ce qui oblige finalement le détaillant au bout de la chaîne à augmenter manifestement leur prix de vente afin d’éviter une marge négative. Les évènements actuels nous ont empêché de relever les principaux comportements vis à vis de ce riz, cependant les avis semblent diverger, certains opérateurs ne travaillant pas avec le riz d’importation estimant qu’il n’y a pas ou peu de demande pour ce riz, d’autres au contraire réalisant des marges « respectables ». Mais en toute logique il semblerait que ce soit les importateurs qui profitent le plus du

15 Les « gros coups » en riz d’importation à prix très faible concernent sans aucun doute un riz de basse qualité. Cependant le riz d’importation aperçu sur les étals lors de l’enquête était un riz d’assez bonne qualité, supérieure au vary gasy national. Rappellons que la période d’enquête n’est pas représentative (crise politique et économique dans le pays). Il conviendrait de vérifier si le riz d’importation de basse qualité n’est pas plutôt orienté en temps normal vers le milieu rural, là où la population est moins exigeante sur la qualité et recherche plutôt des prix bas.

49 commerce de ce riz, jouant le rôle d’arbitre avec des quantités importantes de produits.

B/ Les différents circuits de commercialisation.

On s’en aperçoit, la filière riz n’est pas uniforme, tout d’abord par le nombre de variété de riz que l’on trouve sur le marché, ensuite par les zones de production possédant chacune leurs spécificités, plus ou moins éloignées du marché d’Antananarivo, avec des saisons différentes… Enfin la filière se diversifie aussi par l’ensemble des opérateurs présents, ces derniers se concurrencent ou se complémentent, formant ainsi des chaînes de commercialisation disparates. Selon les rapports de force des opérateurs, la proximité du lieu de production, les complémentarités pouvant s’exercer entre intermédiaires, les circuits de commercialisation seront plus ou moins long. La libéralisation a mis fin au monopole des grandes rizeries nationales et remet en cause le circuit traditionnel ; face à la concurrence, les opérateurs de la filière cherchent désormais à réduire les coûts. On va donc voir apparaître de nouvelles restructurations dans la filière du riz avec de nouveaux pôles d’accumulation des richesses.

Schéma 2/ Structuration de la filière riz à Madagascar (D = décortiqueries).

Gros G Riziers Collecteurs R

P O mandatés S D R S E O I T

D Riziers S A

U Petits T I

C collecteur E L

S L T A E N

U D T

R S S Collecteurs Indépendants

D D

Paddy Usinage Riz

50 1/ La filière traditionnelle.

a) Description et origine.

Le circuit traditionnel est celui des riziers, il provient directement de la structure organisationnelle des sociétés d’Etat qui étaient autrefois chargées de la commercialisation du riz. Le rizier finance la campagne de collecte, il doit pour cela emprunter auprès des banques car les quantités commercialisées sont en général trop élevées pour être financées uniquement avec les fonds propres de l’entreprise. Il dépêche ensuite des collecteurs mandatés sur les différentes zones de récolte, le nombre de collecteurs mandatés peut atteindre plusieurs centaines pour les plus gros riziers. Le paddy collecté est ensuite stocké, les riziers attendent en général la montée des prix pour revendre le riz décortiqué ; l’usinage débute donc à la fin de la campagne de récolte. Cependant ils commercialisent également du riz de luxe ou semi-luxe qui est mis sur le marché tout le long de l’année. Une fois le riz décortiqué, il est revendu auprès de centres d’éclatement, c’est à dire auprès des grossistes urbains. Les grossistes revendent ensuite le riz à d’autres commerçants, aux détaillants et épiceries de quartiers (schéma 2). Dans ce type de circuit, le riz passe par quatre opérateurs, cependant le commanditaire, le rizier, s’occupe de près de la totalité des étapes, prenant le paddy pratiquement au bord champs et livrant le riz en milieu urbain. Premièrement il finance le collecteur, il s’occupe ensuite de toute la logistique et de la transformation. Il effectue le transport du paddy jusqu’à l’usine, le stocke, le décortique, le blanchi et l’emballe s’il le faut, puis transporte le riz ainsi prêt à la vente jusqu’aux distributeurs. La dimension des riziers leur vaut d’être les leaders du marché, ils commercialisent sans nul doute les plus grandes quantités de riz. Cependant ils gardent cet avantage uniquement dans les grandes zones de production rizicole, leur organisation nécessitant de nombreux excédents sur une zone assez réduite afin de maximiser leurs infrastructures. Ainsi les structures vont-elles devenir de plus en plus petites et prendre de nouvelles formes organisationnelles.

b) Les différentes structures organisationnelles des riziers.

Suite à la libéralisation, la concurrence est devenue plus sévère, les opérateurs se retrouvent plus nombreux alors que les quantités commercialisables n’ont quasiment pas augmenté. Le poids des riziers tend à décroître au profit de nouveaux circuits commerciaux, mais parallèlement le nombre de riziers a augmenté, l’organisation même des riziers va donc se modifier. On va voir apparaître deux catégories de riziers.

D’un côté de gros riziers qui ne seront présents réellement que sur la région du Lac Alaotra, possédant tout de même des usines dans d’autres zones comme sur la plaine de Marovoay ou à Antsirabe. En 1992, sur la région de l’Alaotra, six riziers dépassaient les 5000 tonnes de paddy collecté16, en 2001 ils n’étaient plus que trois (La Société Roger, Madrigal et Silac), cependant on note un phénomène de concentration, ces trois riziers collectant en moyenne 15 000 tonnes de paddy.

16 Fin août 1992, estimation d’après l’enquête de terrain de l’Etude du Marché du riz à Madagascar de 1993.

51

Leur organisation conserve celle des anciennes sociétés d’Etat, ils profitent de la crise de la filière pour asseoir leur hégémonie. Leur capacité de stockage leur permet de disposer de grandes quantités de produits et de profiter ainsi des meilleurs périodes de vente. Leur activité débute en général au mois de septembre, mais elle s’intensifie durant la période de soudure. L’activité est cependant très risquée, il y a le risque que des importations trop importantes empêchent le prix du riz d’augmenter durant la période de soudure, réduisant d’autant les marges. De plus ces sociétés sont fortement endettées, leurs infrastructures ont réclamé de lourds investissements et la quantité de paddy collecté les oblige à devoir financer leur campagne auprès des banques. Cependant, pour se protéger, elles diversifient leur activité, tout d’abord en commercialisant d’autres produits que le riz, mais ces marchés restent réduits au sein de la société. Leurs diversifications portent donc surtout sur le riz lui-même, elles commercialisent du riz de luxe pour les consommateurs urbains de la classe aisée, protégeant ainsi leur marge commerciale, mais aussi pour l’exportation, notamment à la Réunion, où ils sont sûrs de trouver une demande solvable. De plus elles décalent leur période de vente se protégeant ainsi de la concurrence des autres circuits commerciaux.

Ensuite nous trouvons une multitude de petits riziers qui sont présents sur la région du Lac mais également dans d’autres régions productrices, comme la plaine de Marovoay ou près des zones de consommation comme Antananarivo ou Antsirabe. Bien qu’elles soient des unités plus petites, elles peuvent tout de même usiner parfois plus de 1000 tonnes de paddy. Elles sont le résultat des nouvelles implantations ou alors d’anciens riziers en difficulté qui modifient leur stratégie organisationnelle pour survivre. Comme nous avons pu le voir dans la partie précédente sur les différents opérateurs, ces riziers tentent de minimiser leurs coûts, les financements bancaires devenant de plus en plus difficiles et arrivant trop tard dans la campagne de récolte, ils travaillent notamment sur fonds propres. Ils diminuent ainsi au maximum leurs dépenses ; collectent moins de paddy, stockent moins, ne s’occupent plus du transport jusqu’aux milieux urbains, ou alors sur commande. Ils s’approvisionnent de plus en plus auprès de petits collecteurs indépendants, ne faisant plus confiance aux collecteurs mandatés, ou se font livrer directement par de gros producteurs. Lorsqu’ils se trouvent prés des villes, comme ceux présents à Antananarivo, ce sont des sous-collecteurs qui les approvisionnent, ces derniers s’étant procuré le paddy auprès des petits collecteurs locaux. Ils font parfois du travail à façon et revendent le riz souvent à l’usine même à différents opérateurs, notamment urbains. Le peu de main d’œuvre employée et l’efficacité de leur machine leur permettent ainsi d’obtenir une certaine rentabilité.

2/ Les filières indépendantes.

a) Description et origine.

Par filière indépendante on entend des circuits commerciaux fonctionnant sans de réels commanditaires, les opérateurs agissent pour leur propre compte. De nouveaux opérateurs semblent intervenir, mais il ne faut pas oublier que bien avant la nationalisation, la filière riz était dominée par des commerçants privés qui allaient

52 collecter directement dans les communes excédentaires. Aujourd’hui ils sont cependant beaucoup plus nombreux et doivent ainsi développer des stratégies individuelles et se tenir au maximum informés des évolutions du marché. Ces nouveaux concurrents sont bien sûr apparus avec la politique de libéralisation. S’ils n’étaient pas nombreux au début, le marché étant dominé par les riziers, ils ont petit à petit pris leur indépendance et investi pour leur propre compte. Le phénomène a débuté avec la multiplication de décortiqueries, celles-ci avaient notamment la fonction de décortiquer le paddy local pour l’autoconsommation des exploitants et la commercialisation proche. Cependant d’autres opérateurs sont également apparus dans la filière profitant de ces nouvelles infrastructures mises à leur disposition. Ces nouveaux circuits vont d’abord être la réponse de l’aval de la filière qui cherche à se fournir au moindre coût. En effet, les grossistes urbains vont louer des camions et aller directement se procurer le riz sur les zones de production, certains investiront même dans des décortiqueries. Le but est simple, il s’agit de limiter le nombre d’intermédiaires, de s’accaparer leur valeur ajouté et d’être au final plus compétitif sur les marchés urbains. Les opérateurs en amont vont également vouloir augmenter leur marge, tout d’abord les producteurs eux-mêmes, l’apparition des décortiqueries locales est un bon moyen pour ne plus vendre leur production à l’état brut et pouvoir ainsi bénéficier d’un meilleur prix. Les petits collecteurs qui étaient autrefois majoritairement mandatés vont également prendre leur indépendance, voyant les avantages qu’ils peuvent obtenir, ils sont de plus en plus nombreux à travailler pour leur propre compte.

b) La recherche de la complémentarité.

La libéralisation a donc fait apparaître de nouveaux opérateurs qui par des effets de complémentarité ont créé de nouveaux circuits de commercialisation. Les décortiqueries nouvellement installées ont permis aux producteurs et aux grossistes urbains de contourner l’oligopole des riziers. Le rôle des transporteurs s’en est trouvé accru, ces derniers deviennent indispensables pour ce nouveau circuit commercial. De nouveaux acteurs vont donc s’infiltrer dans la brèche, des transporteurs, des spéculateurs urbains, des collecteurs divers qui vont de plus en plus jouer le rôle d’intermédiaires entre les zones de production et les zones de consommation. Avec l’apparition de ces nombreux « sous-collecteurs », les véritables petits collecteurs vont également prendre leur indépendance pour servir de fournisseurs à ce nouveau circuit.

La première forme va être dominée par les grossistes, ces derniers vont être en quelque sorte les commanditaires, ils vont louer des camions et se procurer le paddy directement sur les lieux de production. Les fournisseurs sont au début peu nombreux, des contacts vont donc se faire avec divers commerçants locaux ou collecteurs. On va alors voir apparaître les premiers détournements de paddy ; attirés par des marges plus importantes et des paiements cash, les collecteurs mandatés par les riziers vont fournir les opérateurs urbains. Mais ces nouveaux sous-collecteurs vont en général faire décortiquer le paddy prés des centres urbains, pour les raisons citées plus haut. Ces grossistes vont constituer un pôle d’accumulation dans la filière dans laquelle ils vont souvent investir, s’achetant leur propre camion et/ou une décortiquerie. Face à cette nouvelle demande, les sources d’approvisionnement sur les zones de production vont se multiplier, les petits collecteurs vont travailler pour leur propre

53 compte, certains décortiqueurs ou gros propriétaires fonciers vont investir dans de petites rizeries, d’autres achèteront des camions pour approvisionner directement les marchés urbains. Chaque opérateur cherche à spéculer sur le riz, mais ce sont des spéculations peu risquées, en général le stock ne rentre pas en jeu, les opérateurs cherchant surtout à profiter d’un écart de prix entre le prix du paddy sur le lieu de production et le prix du riz sur Antananarivo.

Il semblerait que l’accumulation de richesse se fasse justement par cet arbitrage entre les prix du riz, celui-ci étant rendu plus difficile par les importations de riz étrangers pouvant envahir les marchés avec souvent des prix plus bas à qualité égale. Cet arbitrage était auparavant entièrement effectué par les riziers, ces derniers, en situation d’oligopole, influençant même directement les prix au producteur et au consommateur. Les grossistes urbains furent ensuite les suivants à profiter des arbitrages, bénéficiant des informations qu’ils avaient de manière directe à Antananarivo. Puis naturellement ce rôle d’arbitrage a été récupéré par ceux qui possédaient les moyens de transport, c’est à dire des camions, prenant d’autant plus d’importance avec la chute du réseau ferroviaire. Mais avec le développement des moyens de communication, les zones de production récupèrent peu à peu le contrôle des marges, les riziers et collecteurs locaux se tiennent maintenant au courant des évolutions de prix sur les marchés d’Antananarivo et fixent eux-même leur prix de vente. En fait un équilibrage est en train de se produire entre les différents opérateurs, ils sont peu nombreux à effectuer l’ensemble des étapes de la filière, cela demandant de lourds investissements en matériel et beaucoup de temps (temps de collecte et temps de revente), les opérateurs recherchent donc plutôt une spécialisation et partagent les marges commerciales avec les opérateurs indispensables de leur circuit. Certains disposant déjà d’un matériel, même très usager, et/ou des attachements familiaux avantageux vont pouvoir mener le riz d’un bout à l’autre de la chaîne, mais ces cas sont rares et ne concernent que des quantités limitées de produit. Cependant, les mieux informés et possédant le plus de ressources propres se positionnent mieux sur le marché et réalisent ainsi des profits plus importants. Ce sera le cas de certains riziers, qu’ils soient positionnés sur les lieux de production ou de consommation, ils profitent toujours d’une certaine réputation et sont capables d’usiner d’importantes quantités de paddy pour une qualité supérieure aux décortiqueries traditionnelles.

En ce qui concerne les approvisionnements des grossistes, ceux-ci se font encore en grande majorité auprès des collecteurs, car ces derniers les ravitaillent sur place, de plus la vente à crédit est assez courante entre le collecteur et le grossiste. Cependant certains grossistes cherchent également à se procurer du riz auprès des riziers d’Antananarivo, mais de moins en moins auprès des producteurs. La collecte auprès des collecteurs suppose des frais, et lorsqu’un grossiste se met à collecter, il abandonne alors l’activité de grossiste urbain et lègue souvent sa place à l’un de ses proches. Entre le grossiste et le détaillant il peut également y avoir des ventes à crédit, mais elles sont plus rares, le détaillant étant moins solvable que le grossiste. Autre fait, les collecteurs pénètrent de plus en plus à l’intérieur de la ville pour vendre leur riz directement aux détaillants. Le rôle de grossiste urbain tend ainsi à perdre de l’importance au profit des collecteurs, qui sont eux de plus en plus nombreux, et des semi-grossistes, beaucoup moins spécialisés dans le riz et vendant de grandes

54 quantités directement aux consommateurs. Le rôle des grossistes reprend de l’importance durant la période de soudure, les ravitaillements en riz sont moins nombreux, les collecteurs se contentent donc d’approvisionner uniquement les grands marchés.

Les riziers pris dans leur ensemble - ceux continuant à avoir une emprise globale sur la filière et ceux se spécialisant plus dans l’usinage et régulant leur activité selon les conjonctures du marché – restent dominant dans la filière du riz. Cependant les nouveaux circuits faisant intervenir de nouveaux petits opérateurs individuels prennent une place de plus en plus importante dans la mesure où leur taille leur donne une certaine flexibilité. Ces derniers sont plus à même à supporter les aléas et évolutions du marché, même si cela doit se traduire par la disparition de certains et la venue de nouveaux. De plus il faut noter que les riziers laissent la porte ouverte à ces nouveaux opérateurs dans la mesure où ils se spécialisent, n’opérant ainsi pas sur les mêmes marchés et recherchant leur complémentarité pour se fournir et écouler leurs produits. S’il est certain que les riziers ont perdu de leur pouvoir, ils n’en restent pas moins indispensables car ils sont les seuls à posséder des infrastructures importantes leur permettant de stocker de grandes quantités de paddy et de produire du riz de bonne qualité.

II/ La couverture des besoins.

La ville d’Antananarivo, de par sa population et l’importance de l’autoconsommation dans le pays, est le plus important marché malgache du riz et des autres produits de première nécessité ; ainsi son approvisionnement joue un rôle stratégique dans la gestion des ressources du pays et dans leur bonne affectation. Si des perturbations viennent troubler le fonctionnement de la filière riz, limitant ainsi l’approvisionnement de la capitale, c’est alors des milliers de tonnes de riz supplémentaires qu’il faudra importer et faire face à de nouveaux déséquilibres ruraux. Les perturbations peuvent être de différentes sources ; une augmentation des coûts de transport provoquée par une hausse des prix de l’essence comme nous l’a montré cette dernière crise, l’état des routes rendant la circulation très aléatoire, une baisse des cours mondiaux du riz poussant des opérateurs malgaches à importer en grosse quantité, un aléa climatique réduisant le volume des récoltes. Dans toutes ces situations, l’agriculteur se retrouve en condition de faiblesse, soit avec une production qu’il n’arrive pas à écouler, ou alors en diminuant nettement ses prix, soit alors avec une production moindre par rapport aux années précédentes. Pour les autres acteurs de la filière et en particulier les consommateurs, les effets peuvent être très variables.

A/ L’estimation de la demande urbaine.

La population d’Antananarivo représente intra murros pour l’année 2001, 903 450 habitants, plus 500 000 dans la zone péri-urbaine, c’est à dire Antananarivo

55 Avaradrano (207 942 habitants) et Antananarivo Atsimondrano (292 057 habitants)17. Nous avons donc une population totale de 1 403 450 habitants. Puisque l’étude porte sur l’agglomération d’Antananarivo (c’est à dire le cœur de la ville et sa zone péri- urbaine), il est important de distinguer les deux car le mode de consommation y est différent.

Première remarque ; la population péri-urbaine consomme plus de riz que la population strictement urbaine, 130 Kg par an et par habitant contre un peu plus de 120 Kg pour les citadins18. Cet écart provient du fait que la population péri-urbaine d’Antananarivo a des caractéristiques très proches de la population rurale, une grande partie d’entre eux sont d’ailleurs cultivateurs et produisent ainsi du riz , notamment pour leur propre consommation. Pour la population urbaine, la consommation varie également selon le revenu ; ainsi lors de l’étude nous avons fait apparaître trois classes sociales urbaines. Les résultats montrent que la classe intermédiaire consomme autant de riz que la population péri-urbaine ou que la population rurale en général. Ce qui fait alors baisser le taux de consommation, c’est d’abord la grande majorité de population pauvre habitant la ville, leur niveau de consommation est limité par leur revenu, il atteint cependant 124 Kg par an. Mais le taux bas de la consommation urbaine est surtout provoqué par un changement alimentaire de la classe aisée, celle-ci ne consomme que 102 Kg de riz par an, notamment en remplaçant la céréale nationale par des produits à base de blé (pain, pâtes…). De cette première remarque nous pouvons déduire une estimation de la quantité annuelle de riz consommée par la capitale, celle-ci s’élève à 174 000 tonnes, soit une moyenne de 124 Kg par an et par habitant, dont 109 000 tonnes pour la population urbaine et 65 000 tonnes pour la population péri-urbaine.

La deuxième remarque va porter sur les variétés de riz, on ne mange pas les mêmes riz selon les revenus et selon que l’on habite en ville ou dans l’agglomération. La population péri-urbaine consomme en grande partie du riz local ordinaire, du Vary Gasy en l’occurrence, pour plus de 75% des enquêtés. Non seulement c’est le riz qu’ils cultivent, mais c’est aussi la variété la plus ancrée dans les habitudes alimentaires des populations rurales des Hautes Terres, et c’est également la plus abordable pour une population souvent assez pauvre. En ville les riz de table et de luxe obtiennent plus de succès. Si pour la population pauvre, le Vary Gasy reste majoritaire principalement pour cause de faible revenu, les riz de table tendent à être majoritaires dans la classe intermédiaire et le sont pour la classe aisée. Cette remarque met en lumière l’importance des lieux et des modes d’approvisionnement, la population urbaine délaissant de plus en plus le riz ordinaire, il s’agit donc de favoriser la production et la commercialisation de riz de table et de luxe, sans pour autant négliger le riz ordinaire, unique choix des populations les plus mal loties.

La troisième remarque porte sur le taux d’autoconsommation des habitants d’Antananarivo, selon l’enquête, 13.8% du riz consommé provient de ressources propres ; il comprend le résultat de la production sur le site même, ainsi que les fruits du métayage ou de la portion individuelle dans une exploitation familiale. Ce taux correspond à une moyenne, certains étant autosuffisant et beaucoup d’autres devant se

17 Données INSTAT, estimation 2001 de la population d’Antananarivo d’après le recensement général de la population de 1993. 18 Résultats de l’enquête.

56 procurer la totalité de leur consommation sur les marchés. En ville la part d’autoconsommation dépend essentiellement du revenu, ainsi sans surprise, ce sont les plus pauvres qui possèdent le moins de riz et doivent donc s’en procurer le plus sur les marchés. Leur taux d’autoconsommation est de 7%, cela représente une partie de la production familiale habitant encore en milieu rural ou péri-urbain ; nous avons d’ailleurs eu beaucoup de remarque sur le riz qui ne parvenait pas jusqu’à eux à cause de l’éloignement de leur famille (cela était encore plus le cas en cette situation de crise). Pour la population aisée, le taux s’élève à 16.5%, il s’agit là souvent de propriétaires terriens habitants la capitale et faisant ainsi travailler leurs terres par des métayers. La classe intermédiaire est quant-à elle proche de la moyenne avec un peu moins de 13%. La population péri-urbaine s’autosuffit à près de 20%, cela parce que nous l’avons vu, elle est elle-même productrice de riz.

Ceci nous permet de déduire que la population d’Antananarivo auto- consomme près de 24 000 tonnes de riz, ce qui ne porte plus qu’à 150 000 tonnes le besoin annuel de la capitale. Si on compare les taux d’autoconsommation et les niveaux de consommation de chaque catégorie de consommateur, alors nous remarquons que ce sont les pauvres qui doivent annuellement acheter le plus de riz, un peu plus de 115 Kg par an, la classe intermédiaire et péri-urbaine qui sont les plus gros consommateurs doivent s’en procurer respectivement 113.5 et 103.5 Kg par an, quant-à la classe aisée, seulement 85 Kg par an leur suffisent.

B/ Zones d’approvisionnement et flux vers la capitale.

Si la ville arrive à s’autosuffire à hauteur de 24 000 tonnes de riz par an, un approvisionnement de l’extérieur reste indispensable. Ainsi, plusieurs zones de production s’orientent vers l’approvisionnement des marchés d’Antananarivo, du fait de leur proximité ou de leur volume de production. D’une manière générale on peut estimer que le quart du riz consommé provient de la province d’Antananarivo (graphique 12), un petit tiers provient de la province de Toamasina (Lac Alaotra), 15% des autres provinces et le reste est importé (soit environ un tiers). Les quantités commercialisées sur la capitale ont été obtenues par les directions inter-régionnales de commerce à partir des situations de stock données par les riziers et les grossistes pour l’année 2000-2001 ; il s’agissait de quantités exprimées en riz et paddy confondues, elles ont alors été réajustées grâce aux diverses informations obtenues lors de l’étude.

1/ La province d’antananarivo.

Celle-ci est depuis longtemps une grande zone rizicole, mais c’est également la province la plus peuplée et est donc continuellement déficitaire. Cela n’empêche pas pour autant l’existence de flux à l’intérieur même de la province.

La principale source d’approvisionnement de la capitale est la ville elle-même, selon les statistiques obtenus par la Ciragri pour chaque commune péri-urbaine du Fivondronana d’Antananarivo, la production de Tana s’élèverait à 15 000 tonnes de paddy pour la campagne 1999-2000, et à plus de 27 000 tonnes pour la campagne 2000-2001. Les résultats sont très disparates, si des doutes peuvent être émis sur leur

57 validité, il n’en reste pas moins que la riziculture dans la plaine du Betsimatatra reste très dépendante des aléas climatiques et que l’occupation des sols et leur rendement peuvent fortement varier d’une année à l’autre. En prenant la moyenne des deux années, on supposera que l’agriculture péri-urbaine produit en moyenne 21 000 tonnes de paddy, soit 14 000 tonnes de riz. Ces 14 000 tonnes de riz sont principalement autoconsommées, rares sont les producteurs qui arrivent à produire un excédent pour la commercialisation, le reste de l’autoconsommation est alors obtenus par le métayage et la production familiale en dehors de la capitale.

Graphique 12/

Provenance des riz dans la consommation d'Antananarivo.

13,8%

1,1% 31,0% 1,4% Autoconsommation 8,0% Environs de Tana Vakinankaratra

1,4% Moyen-Ouest Fianarantsoa-Betsileo Plaine de Marovoay Lac alaotra 12,6% Importation

30,5%

Source : Propre calcul, 2002.

La deuxième source d’approvisionnement à l’intérieur de la province est le Moyen-Ouest, notamment le Fivondronana de Tsiroanomandidy, elle permettrait de commercialiser 14 000 tonnes de riz sur la capitale. La région du Moyen-Ouest est une terre d’immigration, elle dispose de terres riches, car elle se situe sur une ancienne région volcanique, et de conditions climatiques favorables ; elle dispose donc de nombreux potentiels pour devenir une grande région agricole. D’accès facile pour la capitale grâce à la Nationale 2 (environ 3-5 heures de trajet), elle offre la possibilité de cultiver une multitude de variété de riz (toutes les variétés présentes sur les marchés d’Antananarivo y sont cultivées). On y cultive aussi bien en pluvial qu’en irrigué, deux saisons dans l’année sont même possibles si les techniques hydrauliques des rizières sont bien respectées.

Le reste, environ 5000 tonnes de riz proviendrait des alentours de la ville et du Vakinankaratra, au sud de la province. Si ce ne sont pas pour autant des régions excédentaires en riz, il n’en reste pas moins qu’à la période de campagne beaucoup d’agriculteurs vendent une partie de leur récolte pour répondre à des besoins de liquidité ; la capitale profite donc un peu du riz cultivé dans les communes voisines.

58 2/ Le Lac Alaotra.

La région du Lac Alaotra est considérée comme le grenier à riz de Madagascar, ceci à juste titre car elle satisfait pour près du tiers la consommation de la capitale. La région dispose d’une production moyenne de 220 000 tonnes de paddy, dont 100 000 tonnes commercialisables, soit environ 67 000 tonnes de riz. Les principales zones de commercialisation sont les villes d’Antananarivo et de Tamatave, mais ces dernières années, le gros de la production va essentiellement sur la capitale, Tamatave étant le port d’approvisionnement du riz d’importation. On estime donc à 53 000 tonnes la quantité de riz commercialisé sur Antananarivo ; il s’agit majoritairement de riz de table, mais le Lac est aussi la principale source d’approvisionnement en riz de luxe (Makalioka première catégorie). La région produit également du riz ordinaire mais celui-ci est peu commercialisé ; moins valorisé sur le marché, les producteurs préfèrent le consommer et vendre ainsi le riz le plus rentable. La région est donc une zone d’approvisionnement importante pour la capitale étant donné le volume de paddy produit ; seulement elle possède un lourd handicap qui est son accès difficile. En effet, elle ne se situe qu’à 250 Km d’Antananarivo mais la route qui y mène est dans un état désastreux, en saison sèche il faut compter une journée de route en camion, et au moins trois jours en saison des pluies. Cela perturbe considérablement les flux de marchandises et les coûts de transport, rendant ainsi la commercialisation du riz plus hasardeuse.

3/ Les autres provinces malgaches.

Seulement deux autres provinces commercialisent du riz sur la capitale, la province de Fianarantsoa, au sud de la province d’Antananarivo, et la province de Mahajanga au Nord-Ouest. La première ne permet pas de commercialiser des quantités importantes, d’une part parce qu’elle est assez éloignée, et d’autre part parce qu’elle est elle-même déficitaire ; d’après les chiffres obtenus par la direction inter-régionnale du commerce, la province exporterait vers la capitale entre 2000 et 3000 tonnes de riz. La deuxième région, celle de Mahajanga est beaucoup plus importante en matière de riz. Il s’agit là encore d’une grande zone de production rizicole, notamment la plaine de Marovoay. La région dispose de conditions très favorables pour l’agriculture, les agriculteurs ont alors souvent tendance à négliger la riziculture pour des productions plus rentables, particulièrement pour l’exportation. Il n’en reste pas moins que la plaine de Marovoay est excédentaire en riz et qu’elle en commercialise donc, de plus il s’agit souvent de riz d’assez bonne qualité (riz de table), de par les variétés et les efforts effectués lors des travaux de transformation. Néanmoins, la région de Marovoay n’alimente pas que la capitale, une grande partie de ses excédents sont commercialisés sur la côte Ouest de l’île et dans le Nord, mais avec environ 22 000 tonnes de riz amenés à Antananarivo, elle est tout de même la deuxième région d’approvisionnement de la capitale.

4/ Le riz d’importation.

Il est, à égalité avec le Lac Alaotra, la première source d’approvisionnement d’Antananarivo, on estime à 54 000 tonnes la quantité de riz distribuée sur la capitale.

59 Il s’agissait traditionnellement du déficit que la production locale n’arrivait pas à combler pour satisfaire la demande urbaine d’Antananarivo. Le montant des importations est très variable, il peut ainsi varier de 50% d’une année à l’autre au dépens des riz locaux. Cependant, si autrefois le montant des importations dépendait de la production locale, venant ainsi compléter le déficit du pays ; aujourd’hui de plus en plus la quantité importée dépendra principalement des cours du riz sur les marchés mondiaux en parallèle avec ceux des marchés locaux.

On le voit les quantités de riz sont très fluctuantes, les flux vont dépendre d’une multitude de facteurs. Cela dépend tout d’abord de la qualité de la campagne réalisée dans chaque zone, si elle est plus ou moins bonne, les flux commercialisés sur la capitale seront eux aussi plus ou moins importants ; mais aussi des cours mondiaux du riz. Plus structurellement, cela dépend également de la qualité des produits et de l’attente des consommateurs, des stratégies des différents opérateurs de la filière, des cours mondiaux du riz… Les quantités exprimées ci-dessus proviennent donc de l’exercice 2000-2001, ce sont des données indicatives car datées et non des données stabilisées sur les flux annuels de riz vers la capitale.

C/ La saisonnalité de l’approvisionnement d’Antananarivo.

Nous connaissons déjà la provenance des différents riz présents sur les marchés de la capitale, seulement leur distribution n’est pas homogène dans le temps, elle suit des saisonnalités, notamment le calendrier agricole, et dépend également de l’organisation même des sous-filières. Deux principaux facteurs vont donc augmenter les quantités de riz commercialisées, les récoltes et les déstockages. Ainsi on trouvera beaucoup de riz durant les mois de juin-juillet, qui coïncident avec les campagnes de récolte et de collecte de nombreuses zones de production telles que les Hauts Plateaux et la région du Lac Alaotra. Le mois de décembre est aussi un bon mois, il y a d’une part les récoltes du Vary Aloha, mais c’est également le début du déstockage de nombreux opérateurs car les prix du marché d’Antananarivo commencent à être particulièrement attractifs. Le mois de mars est la phase la plus critique, on est au plus dur de la période de soudure, les stocks sont presque totalement épuisés avant le mois d’avril, début des premières récoltes, avant que les prix ne repartent à la baisse. Près de la moitié du riz importé pour la capitale sera donc vendu durant ce trimestre de février, mars, avril.

1/ Les variations de la demande.

Nous le savons, les malgaches sont de grands mangeurs de riz, seulement leur consommation est tout de même élastique, les enquêtes consommateurs nous l’ont révélé, les Malgaches de la capitale mangent moins de riz lorsque son prix augmente. Mais le riz étant l’aliment principal, les fluctuations de la demande seront beaucoup moins fortes que celles des prix. Ainsi, une consommation annuelle moyenne de 124 Kg de riz par habitant donne une consommation journalière moyenne de 340 grammes, nous allons estimer que la consommation maximale sera atteint au mois de juillet avec 370 grammes, le minimum aux mois de mars-avril, avec 328 grammes (comme présenté sur le graphique 13). Les prix relevés mensuellement sur 9 marchés

60 de la capitale durant l’année 2001 par l’UPDR montrent que le prix moyen du riz peut varier au maximum jusqu’à 70% pour le Vary Gasy et 78% pour le Makalioka.

Graphique 13/

Consommation en tonne de riz de la population d'Antananarivo.

15500

15250

15000

14750

14500

14250

14000

13750

13500 janvier mars mai juillet septembre novembre

Source : estimation d’après enquête 2002.

2/ L’autoconsommation.

Celle-ci nous l’avons vu joue un rôle non négligeable dans la consommation de riz sur la capitale, avec 13.8% elle est la troisième source d’approvisionnement après le riz d’importation et celui du Lac Alaotra. Sa distribution dans le temps dépendra de la façon dont les consommateurs gèreront leur propre consommation. Ainsi deux principaux comportements apparaissent dans la gestion de ces stocks. Outre ceux qui disposent de riz pour toute l’année, ils représentent 4% de la population enquêtée, soit près de 7000 tonnes de riz réparties équitablement sur les douze mois, les 17 000 tonnes restantes devront être réparties d’une manière plus réfléchie. Il y a ceux qui consomment leur riz dés la récolte, ceci pour limiter leurs dépenses alimentaires, mais ils se retrouvent à devoir acheter le riz au prix fort ; il s’agit souvent de la population la plus défavorisée et ayant une quantité réduite de riz (moins de deux sacs), le stocker ne vaut alors pas le coup. Il peut encore s’agir de la population aisée qui ne veut pas s’embarrasser d’un stock de riz qui leur ferait économiser quelques sous. Et il y a ceux qui le stockent en attendant que le prix du riz augmente pour le consommer. Ils profitent donc que le riz ne soit pas cher pour se le procurer sur les marchés et consomment leur propre riz dès que son prix devient trop élevé à leur goût. Les mois de mai, juin et juillet vont correspondre au plus hauts taux d’autoconsommation, c’est la période qui suit les récoltes, les plus grosses quantités de riz sont consommées (graphique 14). Puis le niveau diminue progressivement jusqu’en octobre, période où il se stabilise, la première catégorie de consommateur a épuisé ses stocks tandis-que la deuxième catégorie entame les siens. En décembre,

61 c’est la récolte du Vary Aloha, le niveau d’autoconsommation progresse un peu pour ensuite chuter jusqu’au mois de mars, mois le plus bas où seul consomment ceux qui sont autosuffisants toute l’année.

Graphique 14/

L'approvisionnement en riz d'Antananarivo selon les provenances. 16000

14000

12000

10000

8000

tonnes de riz de tonnes 6000

4000

2000

0 janv. fév. mars avril mai juin juillet août sept. oct. nov. déc.

Autoconsommation Lac Alaotra Marovoay Moyen-Ouest Hauts Plateaux Importation

Source : propre calcul, enquête 2002.

3/ Les riz locaux.

L’approvisionnement en riz local dépendra en premier lieu des saisons de récolte dans les différentes régions productrices, mais également des stratégies des opérateurs évoluant dans ces diverses régions.

a) Le riz du Lac Alaotra.

C’est à la fin mai que l’on voit apparaître sur les marchés de la capitale le riz de la nouvelle récolte. Jusqu’en août les quantités ne vont cesser d’augmenter, elles résultent majoritairement de l’activité des collecteurs indépendants, ceux du Lac, mais notamment ceux d’Antananarivo qui achètent alors leur paddy aux nombreux petits collecteurs de la zone. A partir d’août, les gros opérateurs commencent à vendre leur collecte. En septembre les collecteurs indépendants s’essoufflent, on commence à ne plus trouver de riz sur le Lac et ils attendent novembre-décembre pour déstocker leurs maigres réserves. Les riziers font quant-à eux beaucoup tourner leur fond de roulement, vendant dés la fin mai mais en essayant tout de même de conserver un stock assez important pour la période de novembre à janvier. A partir de novembre donc, les ventes reprennent, le prix du riz est suffisamment élevé, les différents opérateurs déstockent massivement ; puis en janvier on retrouve une tendance à la baisse. En février, mars et avril, ce sont les gros

62 opérateurs qui fournissent la majorité du riz sur la capitale, c’est durant les trois mois suivant qu’ils vendent le moins, seulement du riz de luxe (Makalioka première catégorie) qu’ils sont les seuls à commercialiser. Il n’y a que durant la période de pré- soudure que les différents opérateurs qui ont constitué des stocks se retrouvent en concurrence, mais l’offre est alors encore loin de satisfaire la demande.

b) La plaine de Marovoay.

Pour la plaine de Marovoay, les informations obtenues se contredisent ; les détaillants et grossistes d’Antananarivo précisaient qu’ils ne trouvaient du Tsipala de Marovoay en grande quantité que durant la période de mai à juillet. Or, sur la région de Marovoay, cette période ne correspond qu’à 20% des récoltes, la principale récolte, le Vary Jeby, se déroulant en septembre-octobre. De plus la récolte d’avril-mai est du Vary Asara, ce qui correspond à du riz pluvial, on y trouve donc pas de Tsipala qui lui est produit en culture irriguée. Toutefois nous pouvons expliquer cette apparente contradiction ; pour ce qui est des variétés, nous l’avons vu, les opérateurs en aval de la filière ne reconnaissent pas les variétés et les nomment selon leurs lieux de provenance ou leurs aspects. De plus, le riz pluvial étant plus sec, il se vend plus cher que le riz irrigué, ce qui explique que beaucoup de paddy est vendu lors de la première récolte même si elle ne correspond pas à la principale. Si la région ne dispose pas de gros opérateurs comme au Lac Alaotra, il y a tout de même un certain nombre de riziers qui vont également chercher à réguler la commercialisation sur l’ensemble de l’année. Cette stratégie est facilitée par l’existence de trois saisons de récolte, dont la principale se situe quelques mois avant la période de soudure. Ainsi si durant la période mai-juillet de grandes quantités sont commercialisées, la période octobre-décembre correspondra également à une phase importante dans l’approvisionnement de la capitale. On aura alors deux périodes creuses. Les mois d’août-septembre, ils correspondent à la récolte du Vary Atriatri, mais ces récoltes sont faibles et viennent compenser les ventes du Vary Asara. On aura ensuite la période de soudure, de janvier à avril, où les quantités transportées sur la capitale ne cesseront de diminuer pour reprendre en fin avril avec l’arrivée des riz de première saison.

c) Le Moyen-Ouest.

Dans le Moyen-Ouest on trouve également deux saisons de récolte, mais la principale se trouve en avril-mai, une double saison annuelle peut alors être effectuée avec une récolte en novembre–décembre. La région ne dispose pas d’un long passé rizicole comme les deux autres régions que nous venons de voir, la filière riz y est donc moins bien organisée, il y a peu de riziers et c’est donc majoritairement les collecteurs indépendants de la région ou de la ville qui approvisionnent la capitale. Peu de stocks sont réalisés, les ventes vont donc dépendre en grande partie des saisons de récolte, les écarts d’approvisionnement entre chaque mois seront alors plus marqués. La tendance générale suivra pour autant les tendances précédentes, avec les ventes les plus importantes durant la période de mai à juillet, suivi d’une très forte baisse liée à un faible stockage , puis une remontée des ventes avec l’arrivée du Vary Aloha en novembre pour à partir de janvier, plonger dans la période de soudure jusqu’à la fin avril.

63 d) Les Hauts Plateaux.

Les Hauts Plateaux représentent le même profil que le Moyen-Ouest avec les mêmes saisons de récoltes, mais la concentration du riz commercialisé provient des faibles excédents produits sur la zone. Beaucoup de structures existent, dont de nombreuses rizeries, mais elles travaillent notamment avec le paddy provenant d’autres zones, en particulier le Moyen-Ouest, car la collecte sur les Hauts Plateaux est faible sur une zone assez grande. Les approvisionnements en riz sur la capitale dépendront donc presque totalement des saisons de récolte.

4/ Le riz d’importation.

L’approvisionnement de la capitale en riz d’importation suit traditionnellement la tendance inverse de l’approvisionnement en riz locaux, ainsi les plus importantes quantités de riz importé le sont durant la période de soudure, de février à avril. Mais ceci est le cas quand le riz d’importation ne vient pas concurrencer le riz local durant la période de récolte et qu’il se contente surtout de subvenir aux besoins de la population durant les périodes les plus critiques. D’après les données obtenues par le Ministère du Commerce sur les quantités de riz importées de janvier à juillet 2001, on voit que le début de l’année est une période de forte activité, avec une moyenne de 50 tonnes de riz importé les quatre premiers mois. Les mois de juin et juillet ne dépassent pas les 10 000 tonnes ; par contre plus de 60 000 tonnes ont été importé durant le mois de mai qui correspond aux premières récoltes des Hauts Plateaux et des régions Ouest19. Quand le riz arrive sur les marchés de la capitale, il concurrence sérieusement le riz local et fait alors chuter le prix du paddy au producteur, ce type d’opération peut cependant être très bénéfique pour des acteurs opérant à la fois sur le riz d’importation et sur la collecte du riz local. Si on regarde maintenant les prix du riz vendus sur les marchés de la capitale, on observe que le riz d’importation est vendu plus cher durant les mois de janvier- février, et qu’il reste élevé jusqu’en avril. Cela correspond tout à fait avec la demande, l’offre étant rare durant cette période les prix augmentent, puis à partir d’avril, ils recommencent à baisser pour l’arrivé des premières récoltes. Importer du riz est donc très lucratif car celui-ci se vend en grande partie durant la période où les prix sont les plus hauts. Le riz d’importation commercialisé sur la capitale suit cette tendance, il est de plus en plus présent au fur et à mesure que le riz local devient insuffisant et que les prix augmentent. Cependant, on note depuis peu une tendance croissante à l’importation de riz en dehors des périodes où le riz national est insuffisant.

III/ La concurrence entre les sous-filières.

La concurrence entre les sous-filière va apparaître tout d’abord entre les différents riz, que ce soit entre les riz locaux ou avec le riz d’importation. Elle apparaît également entre les différents circuits de commercialisation. Nous illustrerons le tout en présentant l’exemple de la région du Lac Alaotra.

19 Il ne faut pas chercher de correspondance entre ces chiffres (valables pour une année) et ceux du graphique 14 (révélateurs d’une tendance estimée).

64 A/ La concurrence entre les riz.

La compétitivité entre les variétés de riz dépend principalement de trois facteurs, le prix, la qualité et la période de récolte. Ainsi pour le même prix le consommateur choisira celui qui offre une plus grande qualité, de même, un riz récolté en période de soudure sera plus compétitif qu’un riz récolté six mois plus tôt. Pour discuter sur la compétitivité des riz nous comparerons quatre variétés de riz sur des périodes différentes. Nous aurons tout d’abord les riz locaux, le Makalioka du lac Alaotra rendu à Antananarivo environ un mois après la récolte, courant juin/juillet, et un autre stocké six mois et vendu sur la capitale courant décembre/janvier. Nous prendrons également le riz ordinaire, un Vary Gasy du Moyen-Ouest vendu en juin et un autre stocké et vendu en décembre ; ainsi qu’un Vary Vakiambaty et un Vary Aloha proches d’Antananarivo. Enfin nous prendrons un riz ordinaire d’importation en tenant compte de trois prix d’achat.

1/ La période de récolte.

Les prix varient chaque mois en suivant le calendrier agricole, ainsi la période de mai à juillet correspond aux prix les plus bas car elle correspond aux principales récoltes du pays. La période de janvier à mars correspond quant-à-elle à la période de soudure, on attend la prochaine récolte car les stocks de riz sont souvent épuisés, les prix sont aux plus hauts. Cette tendance, exprimée par le graphique suivant, n’a cessé de s’accroître face à la dégradation du taux d’autosuffisance alimentaire du pays.

Graphique 15/

Indice saisonnier moyen de riz ordinaire à Antananarivo (1987-1996)

115

110

105

100

Indice 95

90

85

80 JFMAMJJASOND Mois

Source : Instat, calculs B. Minten, projet FOFIFA-IFPRI.

65 Nous avons vu que le pays dispose de plusieurs saisons culturales, le riz récolté avant la période des pluies va donc profiter d’un avantage comparatif sur les autres variétés qui auront dû être stockées. Le graphique 16 (réalisé à partir des données de l’annexe 2), comparant les différentiels de prix de plusieurs riz peut nous le démontrer ; le Vary Aloha s’achetera plus cher au producteur car il est revendu à un prix élevé sans être pénalisé par des coûts de stockage. Dans cette simulation, le Vary Aloha serait même plus rentable que le Makalioka, riz de qualité supérieure. Il faut noter que sur le graphique le montant fourni au producteur correspond à l’achat de 1.5 Kg de paddy, quantité nécessaire pour obtenir un kilo de riz décortiqué. Vis à vis du riz d’importation, le Vary Aloha perd son avantage comparatif car le riz importé est disponible tout le long de l’année, c’est d’ailleurs durant la période de soudure que celui-ci sera le plus sollicité. La concurrence entre ces deux types de riz se jouera donc exclusivement sur la qualité et sur le prix. Si le prix ne pose pas de problème car on se situe dans une période à prix élevé et que la majorité des opérateurs ne sont pas de taille à opérer sur le marché international, collectant dés lors le riz local ; la qualité peut souvent faire défaut à ce riz de deuxième saison.

Graphique 16/

Formation des prix de plusieurs types de riz (localisation, variété, période) Fmg pour 1 kilo de riz vendu à Antananarivo

3500 Marge intermédiaire (solde) 3000 Coût et marge détaillant 2500 Coût et marge grossiste

2000 Coût transport Coût stockage 1500 Coût usinage 1000 Taxe locale 500 Coût et marge collecte Prix producteur 0 V mois récolte VG MO / 1 mois 6 mois V Aloha VG Tana / VG MO / 6 VG Tana / Makalioka / Makalioka / Vakiambaty

Source : reconstitution à partir de l’enquête 2002 (estimation).

2/ La qualité.

En matière de qualité de riz nous pouvons distinguer trois catégories qui se subdivisent elles-mêmes en sous catégories selon les efforts effectués. Nous avons le riz de luxe, le riz de table ou riz semi-luxe et le riz ordinaire.

66 Le premier constitue un marché de niche vendu uniquement dans des lieux ciblés tel que les grandes surfaces et épiceries fines, sous emballage et non en vrac. La clientèle est notamment constituée par les populations aisée et étrangère. Il semblerait que parmi les riz locaux, seul le Makalioka 34, s’il a été bien traité, puisse rentrer dans cette catégorie, il est alors directement concurrencé par le riz étranger. Si ces riz d’importation, provenant pour beaucoup de grandes firmes multinationales, présentent de nombreux avantages concurrentiels (expériences en production, traitement, commercialisation…), le riz de luxe local sait également se montrer compétitif, à l’image de Madrigal (voir partie sur les gros riziers) capable de produire du riz étuvé de qualité comparable au riz Oncle Ben’s. La bonne organisation de ces opérateurs permet également au riz de luxe malgache d’être présent sur les marchés tout le long de l’année et même d’être exporté. Niveau prix, le coût de stockage est rapidement récupéré par les marges élevées que ce commerce permet, de plus à prix égal, le riz de luxe malgache profite souvent de la préférence nationale face au riz d’importation.

Le riz de table semble être le marché en expansion car il est consommé par toutes les classes de la population. Les variétés de riz pouvant rentrer dans cette catégorie sont nombreuses, on y trouve essentiellement le Makalioka de deuxième choix, mais également de nombreuses variétés nouvellement introduites ou encore du Tsipala et bien entendu la majorité des riz d’importation présents sur les étals. En fait le riz de table doit posséder certaines caractéristiques, il est en général blanc, voir translucide, il doit être présentable, bien décortiqué et sans détritus, et doit gonfler à la cuisson. La concurrence apparaît ici plus sévère, si le prix est un indicateur, la qualité du produit sera le principal facteur de choix. Si le riz est mal soigné ou mal présenté, il apparaîtra comme un riz ordinaire aux yeux des consommateurs, ce qui le rendra cher et moins consommé. Au contraire s’il présente toutes les caractéristiques requises il paraîtra « bon marché » vis à vis du riz de luxe. En tant que riz de qualité intermédiaire, le riz de table doit soigner sa présentation afin de se distinguer qualitativement du riz ordinaire et financièrement du riz de luxe. Ces efforts doivent être principalement effectués lors des différents travaux de transformation de paddy en riz ; tout d’abord au séchage, celui-ci doit être fait sur un endroit propre (bitume ou bâche), quant-au décorticage, il ne doit pas être fait avec du matériel vétuste mais être le fruit d’un travail soigneux. Ensuite les variétés ne doivent pas être mélangées entre elles et être correctement présentées par les détaillants (éviter de vendre ce type de riz à même le sol). Autant d’effort peu coûteux et qui mettent en valeur le produit. Si la concurrence entre les riz locaux dépend de leurs caractéristiques (les aspects culturaux, la saisonnalité, l’éloignement des marchés, le goût…), la concurrence avec le riz d’importation est un sujet plus préoccupant. Ce dernier possède souvent un prix abordable rendu aux consommateurs, mais surtout il possède dans la majorité des cas les qualités requises le rendant souvent plus présentable que les riz locaux. Cependant il est parfois mal vu en créant des allergies et là encore la préférence nationale joue en faveur du riz local. Enfin, du point de vue de la marge bénéficiaire, le Makalioka du graphique 16, présenté comme du riz de table, permet un prix d’achat supérieur pour le producteur, bien que proportionnellement moins élevé que le prix de vente au consommateur. Il permet surtout une marge intermédiaire plus importante pour les commanditaires, notamment lorsqu’il est conservé jusqu’à la période de soudure durant laquelle la concurrence est moins importante et provient essentiellement de l’extérieur. Il est à

67 noter cependant, que les détaillants réalisent moins de marge sur ce riz que sur le riz ordinaire ; achetant le Makalioka à un prix déjà élevé, ils redoutent en général de ne pas pouvoir le vendre et qu’une chute des prix les oblige à le vendre à perte.

Le riz ordinaire est constitué dans la majorité des cas de Vary Gasy et autres riz de faible qualité. Pour cette catégorie, la qualité ne constitue pas un facteur de concurrence, ce riz est consommé car il est bon marché et constitue dès lors l’essentiel de la nutrition des ménages ruraux ainsi que les plus défavorisés. Dans de telles conditions, pour réaliser des marges positives, on tente de se le procurer au plus bas prix au producteur, il est ensuite transformé au moindre coût. Ainsi, les facteurs de concurrence concerneront notamment la période de récolte et la proximité des lieux de consommation.

3/ La concurrence par les prix.

Le prix est l’indicateur principal de la concurrence, plus le prix est bas et plus le produit est de mauvaise qualité, et vice versa. Cependant, si on n’y prend pas garde, cela peut ne pas être le cas avec le riz d’importation, celui-ci, sans aucune taxe, pouvant se retrouver moins cher que le riz local ordinaire. Un cercle vicieux s’enclenche alors, pour augmenter la compétitivité du riz local on néglige encore plus la qualité, on achète moins cher au producteur, démotivant ainsi la production et favorisant le riz d’importation. Le marché est sensé se réguler par lui même, les opérateurs de la filière corrigeant les écarts de prix à l’aide de marges plus ou moins importantes, pour finalement obtenir un prix de vente au consommateur correspondant à la demande. Il n’en reste pas moins que le jeu de la concurrence pousse justement les opérateurs à être compétitif et à vendre au moins cher. Les marges substantielles obtenues par le riz d’importation permettent cette liberté d’action et poussent donc à favoriser ce riz face à la production locale. C’est le principe des avantages comparatifs de Ricardo, produire où cela revient le moins cher ; ce qui signifie qu’à terme Madagascar se procurerait de plus en plus son riz à l’extérieur. Cela signifie également que le prix du riz sur le marché local dépendra de plus en plus du cours mondial, or celui-ci est très fluctuant multipliant les effets pervers sur le marché national. Pour les opérateurs locaux il deviendra de plus en plus aléatoire de réaliser des stocks, pénalisant dès lors la commercialisation du riz malgache ; la production même sera affectée, le producteur redoutant quant à lui de devoir vendre son riz à perte au moment des récoltes. Pour les consommateurs, s’ils doivent profiter d’un riz théoriquement plus abordable, ils ne seront pas à l’abri de pénuries et de sérieuses inflations lorsque les cours mondiaux augmenteront, les opérateurs de la filière attendant une baisse des cours pour reprendre leur activité. Au niveau interne, cela se traduit par une production nationale tournée exclusivement vers l’autoconsommation et la commercialisation locale, les prix étant trop bas pour que les exploitants envisagent une véritable politique d’exploitation rizicole ; excepté pour certaines cultures profitant de certains avantages comme le riz de luxe ou le Vary Aloha produit à proximité d’Antananarivo.

Pour autant nous n’en sommes pas encore là, le montant des importations a certes augmenté, mais cela tient principalement à l’insuffisance de la production

68 nationale et à la mauvaise application des barrières douanières dans certains cas20. Cependant, comme peut nous le montrer le graphique 17, le volume des importations a tendance à suivre le cours mondial du riz, phénomène qui devient de plus en plus préoccupant sur ces trois dernières années. Suite à un volume important d’importation en 1995 avec un cours mondial très bas, l’année 1996 est marqué par une hausse spectaculaire des prix et une chute des importations ; à partir de 1999 le prix suit de nouveau une tendance à la baisse et le montant des importations obtient des niveaux rarement atteint jusqu’ici (notons que l’année 2000 est marquée par une diminution de près de 15% de la production nationale).

Graphique 17/

Evolution des importations et des prix à l'importation.

300000

250000

200000

150000

100000

50000

0 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Importation en tonne Fmg/100Kg source : Ministère du Commerce.

La taxation du riz d’importation permet donc de protéger le riz national, elle permet de donner un prix plancher variable, mais suffisamment haut pour ne pas décourager d’une part la production et d’autre part la collecte. Avec la taxation actuelle, les marges intermédiaires sont plus étroites et permet au riz local de rester compétitif niveau prix (voir les différentiels de prix du riz d’importation à l’annexe 2). Le riz d’importation ne conserve comme avantage que sa facilité d’acquisition en grande quantité et prêt à l’emploi pour de gros opérateurs (ces derniers pouvant obtenir à un moment voulu un certain volume de riz sans engager de collecte, sans avoir réalisé de stock et sans travail de transformation). Cependant, une telle taxation, en restant fixe, peut avoir des effets négatifs, une hausse des cours mondiaux du riz ou une forte dévaluation de la monnaie nationale va fortement réduire le montant des importations risquant ainsi de voir apparaître des pénuries sur le territoire. Mais les taxes ne sont qu’un outil économique, dans de telles situations il est fort à parier que l’Etat agira pour enrayer la hausse des prix.

20 De nombreuses déclarations font état de riz importé étant exonéré de taxation pour des raisons frauduleuses, il est d’ailleurs difficile de connaître les quantités exactes de riz importé, les données fournies par les services des douanes étant minorées de plus de 25% par rapport aux données disponibles à la Banque Mondiale sur ces deux dernières années.

69

Si sur la question des prix, la concurrence entre le riz national et étranger dépendra en grande partie du cours mondial et des barrières douanières à l’entrée, entre les riz nationaux, la concurrence dépendra surtout de l’organisation des circuits commerciaux.

B/ La concurrence entre les circuits commerciaux.

Si la compétitivité d’un produit se mesure principalement au coût de production, la partie qui nous intéresse tout particulièrement est celle de la commercialisation. Le but est de discuter sur les formes organisationnelles de la filière riz, relever les points forts et points faibles des différents circuits commerciaux. Dans une telle démarche nous nous intéresserons naturellement aux revenus bruts et aux marges bénéficiaires des différents opérateurs, sans pour autant rentrer dans la gestion individuelle de chaque acteur. Nous nous contenterons de garder une approche globale de l’acheminement du riz au bord champ jusqu’à l’assiette du consommateur. Pour cela nous allons reprendre le graphique 16 sur les différentiels de prix. Si certains revenus semblent relativement fixes ou dépendre de la variété du riz, comme nous le verrons dans un premier point, les marges dépendront en grande partie de l’organisation de la filière.

1/ Les revenus et marges selon les variétés de riz.

Pour cette partie nous supposerons que la marge intermédiaire qui apparaît dans le graphique 16 est entièrement accaparée par un commanditaire unique, pouvant être l’Etat pour simplifier la démonstration. On ne tiendra donc pas compte des différentes formes d’organisation possibles de la distribution, les prix et revenus étant par avance définis pour chaque opération selon le type de riz et sa provenance.

a) Le producteur.

A la vue du graphique, celui-ci semble s’accaparer la plus grande part du gâteau, cependant c’est loin d’être le cas car , même si la marge brute par Kg de paddy est importante, le producteur ne dispose que de petites quantités de produit. Rappelons deux indications, le prix donné au producteur correspond à 1.5 Kg de paddy et ne tient pas compte du coût de production. Ce dernier dépend de beaucoup de facteurs (de la variété du riz, des techniques culturales, de la richesse des sols, du coût de la main d’œuvre…), il peut arriver, et ce n’est pas si rare, que le prix donné au producteur ne lui permette pas de dégager une marge nette positive (notamment lorsque l’exploitant doit rembourser des dettes à des taux souvent prohibitifs). En général les riziculteurs produisent pour leur propre consommation, ils sont peu nombreux à pouvoir produire des excédents. Mais pour notre démonstration on supposera des exploitants recherchant à tirer leur revenu de la riziculture, ils disposent

70 ainsi d’une parcelle relativement grande et sont capables de commercialiser 3 tonnes de paddy21.

Dans de telles conditions, le producteur gagnant est celui qui produit du Vary Aloha près de la capitale, obtenant un chiffre d’affaires de 3.2 millions de Fmg ; vient ensuite ceux qui produisent du riz de qualité, le Makalioka, obtenant un chiffre d’affaires compris entre 2.7 et 3 millions de Fmg. La différence entre les deux Makalioka tient du fait que le premier est acheté dés la récolte pour être revendu directement sur les marchés, le second étant stocké pour être revendu plus tard, on suppose qu’il s’agit d’un paddy acheté plus tardivement et donc un peu plus cher22. Le riziculteur perdant, avec un chiffre d’affaires de 2.4 millions de Fmg, est celui qui est éloigné du marché et produisant du riz ordinaire, sauf si comme précédemment il patiente après la récolte pour vendre sa production23.

b) Le collecteur.

Pour la simplification de la démonstration on suppose ici que la somme dévolue à la collecte est fixe et identique pour chaque région, elle correspond à la marge minimale retenue par l’UPDR pour 1.5 Kg de paddy, que le collecteur soit mandaté ou indépendant. Si cette somme paraît dérisoire face à la part octroyée par l’agriculteur, celle-ci concerne des quantités de produits beaucoup plus importantes et ne constitue qu’un travail saisonnier. Si on estime qu’un petit opérateur local peut collecter 30 tonnes de paddy, le chiffre d’affaires réalisé sera alors de 1.6 millions de Fmg. Cela est inférieur au producteur, mais il s’agit d’un travail de quelques mois, et certains petits collecteurs bien placés peuvent réunir plus de 100 tonnes en une saison (soit plus de 5 millions de Fmg).

c) Le décortiqueur.

Là encore il s’agit d’un prix moyen pour le décorticage de 1.5 Kg de paddy, on distingue cependant deux prix différents avec un prix plus élevé pour l’usinage sur la région du Lac Alaotra (en supposant que le Makalioka soit décortiqué sur son lieu de production). Cela tient au fait que les coûts de l’énergie sont plus élevés dans cette région mais également du fait que les opérateurs profitent de leur situation d’isolement. Les quantités usinées dépendront beaucoup de la localisation (en terme de facilité d’accès et de concurrence directe) et du mode d’équipement (en terme de performance et de prix). La différence sera grande entre une simple décortiquerie et une rizerie. On suppose dans le cas présent que l’unité de décortiquerie travaille pour

21 Rappelons qu’il s’agit d’une simulation, que peu de producteurs réalisent une telle « performance » ; cependant ces cas ne sont pas si rares dans certaines régions rizicoles peu peuplées telles que le Lac Alaotra. 22 Au moment des récoltes, de mai à juin, le prix du riz chute, celui-ci arrive en abondance sur les marchés, les intermédiaires profitent d’un prix bas au producteur pour réaliser leur marge ; après la récolte, les prix au producteur grimpent, le paddy alors acheté n’est plus ou peu rentable et est donc stocké en attendant la hausse des prix aux consommateurs. 23 Notons qu’il est difficile pour le producteur d’attendre pour vendre sa production, celui-ci doit souvent s’acquitter de charges et de dettes le forçant à écouler sa marchandise le plus tôt possible, certaines fois même avant la maturité finale de la plante.

71 la commercialisation du riz sur la capitale et qu’elle brasse alors des quantités relativement importantes, estimées à 600 tonnes de paddy24. Le chiffre d’affaires sera alors compris entre 32 et 48 millions de Fmg, seulement les coûts de fonctionnement seront importants ; cette activité réclame en effet de lourds investissements (locaux + machines), des frais d’entretien, de l’énergie (électricité ou carburant) et de la main d’œuvre. La marge nette tournerait aux alentours de 10-20 Fmg/Kg de paddy ; elle est cependant plus importante pour certains opérateurs comme ceux du Lac Aloatra ou ceux possédant des machines performantes.

d) Le transporteur.

Le transport est ici considéré comme un simple coût payé par le commanditaire, il sera proportionnel à la distance et à l’état des routes. Le riz revenant le moins cher en coût de transport est donc celui produit à proximité de la capitale, se révélant plus cher en période de pluie à cause des sérieuses dégradations que la pluie produit sur les infrastructures routières. Celle-ci engendre de grande quantité de boue ralentissant le transport et le rendant plus pénible, notamment pour les pousse-pousses en milieu urbain. Dans l’exemple, la zone la plus défavorisée en matière de transport est celle du Lac Alaotra, si celle-ci ne se trouve pas plus éloignée du Moyen-Ouest vis à vis de la capitale, les conditions de transport y sont plus défavorables, notamment en période de pluie.

e) Le grossiste.

La marge du grossiste sera relativement stable vis à vis de la provenance et de la qualité du riz, elle pourra se révéler plus ou moins importante selon le prix d’achat de ses produits ; à savoir qu’il réalisera une marge individuelle plus importante s’il se procure du riz, à qualité égale, moins cher que ses concurrents. La différence de marge apparaîtra notamment dans les périodes de vente, ainsi certains augmenteront leur marge en fin de mois, car de nombreux particuliers viennent compléter le nombre de leurs clients. Mais c’est surtout en période de soudure que les marges seront les plus importantes. Un grossiste d’Antananarivo vend en moyenne chaque année 450 tonnes de riz, cela lui procure un chiffre d’affaires de 40 à 50 millions de Fmg25. De plus le riz n’est pas leur unique produit, bien qu’il constitue souvent leur produit phare, et certains le vendent même au détail, à l’image des semi-grossistes qui en vendent moins mais réalisent des marges bien supérieures.

24 Ce qui représente une décortiquerie moderne, ou une petite rizerie ; là encore nous sommes loin de la réalité, la majorité des unités de transformation étant de petites décortiqueries vétustes travaillant sur une période très réduite et pour une clientèle de proximité (producteurs, commerçants locaux ou petits collecteurs locaux). Pour ces derniers la décortiquerie n’est souvent pas rentable les forçant alors à pratiquer une autre activité. 25 Notre enquête a révélé un résultat contraire à celui donné par les différentiels de prix de l’UPDR, tout d’abord les charges nous sont apparues bien inférieures, l’UPDR estimant les charges à 125 Fmg/Kg ; mais la différence apparaît surtout sur les marges réalisées, l’UPDR les estimant à 15% du prix d’achat, variant ainsi en valeur réelle de 230 à plus de 400 Fmg/Kg. A l’opposé, les détaillants ne réaliseraient que 90 Fmg/Kg, comprenant les charges et la marge bénéficiaire.

72 f) Le détaillant.

Contrairement au grossiste, le détaillant semble faire une distinction entre les qualités de riz, réalisant des marges inférieures sur les riz les plus chers. Ce n’est bien sûr pas une généralité, mais une tendance révélée lors des enquêtes. Les détaillants se trouvent souvent en situation très précaire, le riz de table a une demande, mais celui-ci coûte cher, ils cherchent alors avant tout à le vendre au plus vite plutôt que de réaliser des marges importantes. Cela permet de rééquilibrer les écarts de prix entre le riz ordinaire et le riz de table, et évite également de revendre le riz de table à perte suite à une chute des prix (celle-ci pouvant intervenir précipitamment face à l’arrivée de riz de table étranger). Par contre, tout comme le grossiste, le détaillant augmente ses marges durant la période de soudure et parfois en fin de mois. Dans la simulation la marge du Makalioka diminue durant la période de soudure, cela pour les raisons expliquées précédemment ; il deviendrait dans le cas inverse, inabordable pour la grande majorité de la population. Si les marges semblent importantes pour les détaillants, cela provient du fait que les tonnages sont bien inférieurs à ceux réalisés par les grossistes, avec une moyenne de 40 tonnes par an26, le chiffre d’affaires procuré par le riz atteint les 10 millions de Fmg.

Le cheminement semble ici linéaire, chaque opérateur apparaissant comme indispensable, ce n’est pourtant pas le cas, certains peuvent être évités augmentant dès lors les gains des intervenants les plus proches. C’est le cas lorsqu’un collecteur revend directement à un détaillant, boycottant ainsi le grossiste ; ou encore lorsqu’un grossiste fournit directement un consommateur, s’accaparant une marge plus importante tout en laissant un prix avantageux au consommateur.

2/ Les stratégies organisationnelles.

Jusqu’ici les opérateurs gagnent un montant minima sensé les faire vivre, même si déjà des inégalités apparaissent, les producteurs touchant les revenus les plus bas alors que les hypothèses faites auraient dû les favoriser face à leur situation réelle ; les grossistes semblent eux, au contraire, bénéficier le plus de ce commerce. Mais les choses ne sont pas aussi simples que dans cette démonstration, nous n’avons pas tenu compte de la part intitulée « marge intermédiaire », somme qui peut être réalisée par un commanditaire unique ou bien être partagée entre plusieurs opérateurs, dépendant ainsi de la forme organisationnelle prise par la filière.

a) La marge intermédiaire.

La marge intermédiaire est une somme fictive sensée faire apparaître les gains supplémentaires réalisables selon les variétés de riz que l’on commerce, ou la réalisation ou non de stocks. Elle est calculée à partir de la différence entre les coûts et marges estimés des agents de la filière et les prix de vente finals sur le marché. C’est cette marge bénéficiaire qui va attirer certains opérateurs dans la filière ou qui va faire en sorte que la filière se restructurera afin que les différents acteurs

26 Le tonnage est très variable selon les détaillants, cela dépend de la localisation, de la spécialisation, mais également selon si le détaillant tient une épicerie ou une place de marché.

73 s’accaparent une part plus importante du bénéfice. Pour le riz d’importation, cette somme constitue la marge de l’importateur, c’est à dire l’écart de prix que celui-ci aura constaté entre le cours mondial (coûts et taxes compris) et le prix de gros sur Antananarivo. Pour le riz national, cette marge dépendra beaucoup de la période de vente du riz, augmentant avec la période de soudure, et de la qualité du riz. On retrouve les mêmes constatations faites avec le prix du paddy acheté au producteur, ce qui est normal puisque dans cette simulation, nous nous occupons uniquement de la

commercialisation, le producteur profitant directement des gains supplémentaires réalisables. Ainsi le Makalioka est le riz permettant le plus de marge bénéficiaire pour le commanditaire, et cette marge peut devenir très élevée lorsque celui-ci constitue des stocks. Le riz revendu en période de soudure permet en général une bonne marge intermédiaire, notamment pour le Vary Aloha qui profite de l’avantage de ne pas avoir été stocké. Le Vary Gasy Vakambiaty possède la marge la plus faible, mais tout de même positive, pouvant ainsi attirer des opérateurs.

b) La filière traditionnelle.

Dans la filière traditionnelle, la marge intermédiaire est en général accaparée par un opérateur unique, le rizier. Celui-ci est le commanditaire, la marge peut cependant être diminuée à cause de frais de fonctionnement plus importants, mais surtout par le remboursement des prêts auprès des banques. Lorsqu’un collecteur doit faire appel aux banques pour financer sa campagne, ces dernières prennent une part non négligeable, se protégeant, qui plus est, au maximum des risques. Ceci a poussé les nouveaux riziers à changer d’organisation, ils collectent moins mais beaucoup plus sur fond propre. La marge intermédiaire est ici partagée avec les petits collecteurs indépendants qui leur servent de fournisseur, et les sous- collecteurs ou grossistes urbains qui sont leurs principaux débouchés.

c) Les filières indépendantes.

Dans les filières indépendantes, la marge intermédiaire semble se diviser à peu près équitablement entre les divers protagonistes. Comme nous avons pu le voir sur la partie correspondant aux circuits commerciaux, les positions de force ont évolué entre les opérateurs. La marge était au début accaparée principalement par les grossistes urbains venant s’approvisionner directement sur les lieux de production, puis avec l’amélioration de la communication, les opérateurs amont ont peu à peu grignotté du terrain. Le petit collecteur indépendant va réaliser plus de marge car il sait combien il est utile pour les sous-collecteurs ou les riziers qui peuvent ainsi se procurer rapidement de la matière première. L’intermédiaire entre le lieu de production et le lieu de consommation va attendre le moment opportun pour agir. Les divers opérateurs vont stocker selon leur capacité pour augmenter leur marge bénéficiaire. Autant d’opérations qui font que chaque acteur de la filière s’accapare une part plus

74 importante du gâteau par rapport à l’ancienne formule où le commanditaire était le principal bénéficiaire. Cependant, individuellement, le revenu n’augmente pas, il aurait plutôt tendance à diminuer car les opérateurs sont de plus en plus nombreux à occuper la même fonction ; c’est le cas des collecteurs, notamment les plus petits, des transporteurs, des décortiqueurs (pour eux, si la production de paddy n’augmente pas, la quantité à décortiquer est en progression face au recul du décorticage manuel), mais surtout des détaillants urbains.

C/ Le cas du Lac Alaotra.

La concurrence apparaît à plusieurs niveaux, elle se dévoile tout d’abord entre les différents riz présents sur les marchés, puis entre les différents opérateurs de la filière. Pour les riz, on a une concurrence entre les différents riz de la zone, et avec ceux des autres zones de production, malgaches ou étrangères ; la concurrence porte au niveau des variétés/qualités et des saisonnalités. Avec les opérateurs, on a une concurrence directe entre les mêmes types d’agent ; concurrence entre collecteurs, entre rizeries, entre décortiqueurs… mais également entre les différents circuits de commercialisation, qu’il fasse intervenir ou non des opérateurs extérieurs.

1/ La concurrence entre les riz.

Dans la région du Lac Alaotra on trouve divers riz, des riz traditionnels comme le Vary Bota, des riz commerciaux comme le Makalioka et une multitude de nouvelles variétés mieux adaptées aux conditions climatiques et géographiques de la zone. Cependant aux yeux des consommateurs et de la plupart des opérateurs, on peut simplifier en ne tenant compte que des deux variétés citées. Le Makalioka est un riz de table, il est cultivé en premier lieu pour la commercialisation, le Vary Bota est un riz plus ordinaire, il sera essentiellement autoconsommé ; il n’y a donc pas de concurrence directe entre ces deux variétés de riz. La concurrence apparaît entre le Makalioka et les autres riz de qualité du Moyen-Ouest et de la plaine de Marovoay. Ces régions produisent également du riz de qualité, bien que le Moyen-Ouest ne rivalise pas vraiment à cause du peu d’effort effectué dans les étapes de transformation (battage, séchage, décorticage). Ces régions ont l’avantage d’avoir un accès plus facile sur les marchés d’Antananarivo et cela se ressent à la fois sur le prix du paddy acheté aux producteurs du Lac, relativement faible pour un riz de qualité, et sur le prix vendu aux consommateurs, plus élevé à qualité égale. Ainsi ce sont les producteurs qui pâtissent le plus de la concurrence entre les riz de table locaux, et à moindre degré les consommateurs s’ils n’ont pas accès à un choix suffisamment large.

Du point de vue saisonnalité, la saison de récolte du Lac Alaotra correspond à un mois près à la principale saison de récolte des Hauts Plateaux et du Moyen-Ouest, mais le Makalioka conserve l’avantage d’être un riz de meilleure qualité, il n’y a donc pas de véritable concurrence de saisonnalité. La concurrence pourrait apparaître avec le déstockage, celui-ci s’accélère à partir de novembre qui correspond à la principale récolte de la plaine de Marovoay, mais les excédents commercialisables y sont faibles et la demande urbaine encore très importante, les débouchés sont donc assurés.

75 La principale concurrence se manifeste avec le riz d’importation ; celui-ci a la qualité d’un riz de table et peut submerger le marché à n’importe quelle période. Par son niveau de prix bas, dépendant des cours mondiaux et non des campagnes de récolte, il peut dévaloriser les riz locaux. Les opérateurs du Lac sont alors de moins en moins nombreux à réaliser des stocks, ces derniers pouvant se révéler coûteux si les riz d’importation limitent la progression des prix du riz sur les marchés urbains durant la période de soudure. Le riz d’importation est même commercialisé sur la région du Lac Alaotra, concurrençant le Makalioka sur son propre terrain, alors que la zone est excédentaire. Autant les opérateurs locaux arrivent à réguler le marché par le jeu de l’offre et de la demande, autant certains opérateurs le déstabilisent en introduisant de grandes quantités de riz d’importation. Si le riz d’importation est nécessaire pour satisfaire la demande face à une offre nationale insuffisante, son entrée sur le marché ne dépend pas toujours de la confrontation de l’offre et de la demande et perturbe ainsi la filière dans son ensemble. En effet, les opérateurs locaux déstockent lorsque le prix du riz augmente, limitant ainsi sa progression et répondant à l’appel lancé par la demande ; mais les importateurs peuvent faire rentrer du riz sur les marchés malgaches pour profiter d’un cours mondial attractif ou parce qu’ils ont trouvé une « bonne affaire », sans tenir compte de la situation sur les marchés locaux ; ainsi il n’est pas rare de voir du riz d’importation sur les étals au moment des récoltes comme en période de soudure. Si les différents opérateurs de la zone sont touchés par cette concurrence, ce sont encore les agriculteurs les premières victimes car le riz d’importation pousse les opérateurs locaux à acheter de moins en moins cher le paddy, on ne recherche plus la compétitivité régionale, mais mondiale. On néglige dès lors les zones les plus reculées du pays, les producteurs bradent alors leur production, puis ils la limitent, ne produisant plus que pour leur propre consommation ; le phénomène d’isolement ne perturbe pas que la filière riz, tous les produits commerciaux sont pénalisés, surtout les produits périssables, ainsi les villages se retrouvent privés de débouchés, c’est la paupérisation et l’exode rural.

2/ La concurrence entre les opérateurs.

La concurrence débute au moment de la collecte, nous l’avons dit, il n’y a pas de véritable concurrence entre les producteurs, le paddy du Lac Alaotra étant automatiquement acheté. La concurrence se jouera donc essentiellement à la collecte, que ce soit entre les petits collecteurs ou entre les riziers et autres opérateurs (collecteurs indépendants, « tir au vol », commerçants…). Pour ces différents agents, il y a deux façons d’augmenter leur revenu ; soit augmenter leur marge, soit augmenter les quantités ; ces deux stratégies se retrouvent dans les faits en, concurrence directe. Pour obtenir des marges importantes, il faut acheter le riz/paddy au prix le plus bas possible et le revendre au prix le plus haut ; à l’inverse, l’autre stratégie va consister à acheter plus cher que le cours pour revendre moins cher, le but étant de trouver plus rapidement des producteurs/collecteurs pour acheter le paddy, et des grossistes pour revendre le riz blanc. Dans une telle situation la deuxième stratégie prendrait le dessus, or les deux stratégies coexistent ensemble, la première cherchant à prendre d’autres créneaux. Par exemple, l’agent collectera dans des zones plus reculées, recherchera un paddy de meilleure qualité, essaiera d’avoir un contact plus

76 direct et plus suivi avec les producteurs, mais surtout il va réaliser des stocks pour pouvoir revendre le riz aux périodes les plus favorables. Pour simplifier le raisonnement, nous considèrerons qu’il y a trois groupes d’agents, correspondant à trois circuits de commercialisation différents (voir annexe 4).

- Les collecteurs indépendants : ils regroupent l’ensemble des petits collecteurs locaux, les collecteurs/transporteurs et les divers sous-collecteurs ; c’est le plus important en effectif, il se caractérise par une activité très saisonnière, réalisant peu de stock. - Les gros riziers : ils regroupent Madrigal, Silac et Société Roger, ce sont les trois gros opérateurs restants de la zone, ils conservent une bonne maîtrise de la filière et ont une stratégie décalée par rapport aux précédents. - Les riziers : c’est le groupe intermédiaire ; ici les stratégies sont mixtes, le but premier étant de minimiser les risques tout en maximisant les profits.

Fin mai c’est le début de la campagne de collecte, la majorité du paddy est encore sur pied ou en meule, ce sont les collecteurs indépendants et les « petits riziers » qui dominent la collecte et la revente. Au mois de juin c’est le principal mois de collecte, les riziers commencent à constituer leurs stocks. La majorité du paddy est encore en possession des producteurs, voire dans les champs car les pluies de plus en plus tardives repoussent chaque année un peu plus le moment des récoltes, celles-ci se retrouvent plus étalées dans le temps. Les collecteurs indépendants sont pour les trois mois qui suivent les principaux fournisseurs de riz pour la consommation d’Antananarivo. Le mois de juillet suit le même profil, mais cette fois-ci ce sont les collecteurs qui détiennent le plus de stock. Il est très avantageux pour les producteurs de conserver des stocks, mais le remboursement des dettes et le manque de liquidité les obligent souvent à céder leur production peu de temps après leur récolte. Toutefois ils sont nombreux à conserver des réserves, ne serait-ce pour leur propre consommation et pour la paye des salariés agricoles. Le mois d’août est le mois des grandes ventes ; le prix du paddy est élevé, les producteurs commencent leur déstockage tandis que les gros riziers débutent leur commercialisation afin de récupérer des liquidités et continuer ainsi la collecte jusqu’à la fin du mois. Le mois de septembre, c’est la chute des ventes, le prix du paddy est trop élevé et le prix du riz blanc encore très bas ; les collecteurs indépendants ne sont plus compétitifs, les gros opérateurs prennent le dessus. A partir d’octobre, ce sont les gros riziers qui sont majoritairement fournisseurs de riz sur la capitale et qui possèdent les plus importants stocks. En novembre les ventes reprennent, c’est le déstockage des riziers. Novembre, décembre, janvier sont de gros mois de vente principalement dominés par les gros riziers, mais chaque opérateur y participe activement. Février, mars, avril, on se situe en pleine période de soudure, les ventes chutent, plus de la moitié sont effectuées par les gros riziers.

On remarque donc que les collecteurs indépendants sont peu organisés, ils travaillent au jour le jour, profitant essentiellement des aubaines. Ils sont très volatiles, travaillent notamment avec les petits collecteurs au moment des récoltes,

77 voire avec les collecteurs mandatés ; après les récoltes ils se procurent le riz auprès des riziers et autres opérateurs locaux ayant réalisés des stocks, il y a donc une certaine complémentarité entre ces deux types d’agents.

Les riziers sont mieux organisés dans le fait qu’ils développent une certaine stratégie et s’y tiennent à chaque campagne. Leur principale caractéristique est de se procurer du paddy pour revendre du riz blanc, mais les stratégies sont diverses ; ils peuvent vendre sur place, à la commande ou directement sur Antananarivo, réaliser ou non des stocks, avoir des collecteurs mandatés, des partenariats avec des producteurs, des grossistes …

Les gros riziers ne sont plus que trois sur la zone mais donnent en quelque sorte le rythme. C’est eux qui influencent le prix du paddy, les petits collecteurs et riziers s’alignant en général sur eux ; c’est aussi eux qui éliminent la concurrence des collecteurs indépendants à partir du mois d’août ; débutant leur commercialisation, le riz arrive en grande quantité sur les marchés urbains, le prix du riz blanc est alors au plus bas tandis que le prix du paddy est élevé et non rentable, seul ceux qui ont constitué des stocks sont susceptibles de vendre, or le prix du riz étant faible, on retarde le déstockage. D’un autre côté, les gros riziers vendent du riz toute l’année, mais il s’agit de leur riz de luxe, ils sont les seuls sur ce marché et forment donc un oligopole. Mais ils ont le désavantage d’être fortement endettés, leur taille importante et le matériel adéquat pour produire un riz de qualité supposent de lourds investissements, ce qui finalement les fragilisent ; leur gestion est beaucoup moins souple et dépend beaucoup des prêts bancaires. Ils se rattrapent en jouant sur plusieurs tableaux, produisent du riz de luxe, en exportent, profitent des fluctuations de prix pour écouler des stocks importants de riz ordinaire et riz de table et importent également beaucoup de riz durant la période de soudure.

On s’aperçoit donc que les circuits commerciaux, par des stratégies différentes, contournent la concurrence, ils sont mêmes pour certains complémentaires les uns aux autres. Les collecteurs indépendants sont surtout actifs au moment de la récolte, mais constituant peu de stocks, ils ne sont plus rentables dès le mois d’août, période où les gros riziers débutent leur commercialisation. Entre ces deux types d’agents, les riziers ont des stratégies mixtes, certains évitant les stocks et suivant les prix au jour le jour pour réguler leur activité, d’autres ne réalisant que des stocks et attendant la période de soudure pour les commercialiser. Ils ne sont jamais les opérateurs dominants de la filière mais occupent une place stable, régulatrice du marché par la souplesse de leur gestion ; ils sont capables d’écouler sur le marché des quantités importantes de riz si celui-ci devient rare et cher, au contraire, ils ralentiront l’offre si cette dernière est trop importante.

La concurrence apparaît réellement dans les quantités collectées par chaque opérateur à leur niveau respectif. Entre les petits collecteurs et les mandatés, les premiers doivent tenir compte du prix des autres et cherchent alors à se positionner confortablement ; achètent plus cher le paddy et facilitent leur accès vis à vis des producteurs. La concurrence jouera également entre les riziers, ces derniers multiplieront le nombre de collecteurs mandatés, les sites de collecte, les partenariats avec de gros producteurs. Il est à noter qu’en général les riziers tournent en dessous de leur capacité ; si les diverses stratégies permettent de laisser une place à chacun dans

78 la filière, la concurrence limite tout de même leur activité. Les « tir au vol » et autres sous-collecteurs limitent également le tonnage des opérateurs locaux, notamment lorsqu’ils proposent des prix plus intéressants pour les producteurs et petits collecteurs, mais surtout lorsqu’ils détournent le paddy des riziers à leur profit.

79 Suggestions pour une meilleure performance de la filière.

Il est certes facile pour un théoricien de critiquer le fonctionnement d’un marché, d’une filière, le comportement de certains acteurs, de proposer ensuite des solutions qu’il défendra avec des formules toutes faites sur la rationalité de l’individu et la maximisation des intérêts généraux. Les sciences économiques oublient trop souvent un certain nombre de facteurs inévitables pour le bon fonctionnement d’une politique, ces derniers sont l’ensemble des aspects culturels du pays (histoire, croyances, ethnies, cultes, …) qui définissent déjà un ensemble de comportements que nous savons difficilement intégrer dans nos calculs. Je ne m’exercerai donc pas à un tel exercice, me contentant d’énumérer des idées qui me semblent pertinentes pour améliorer la performance de la filière riz dans son ensemble. Pour cela on discutera successivement des trois principales étapes de la filière qui sont la production, la transformation et la commercialisation. Puis, tout aussi brièvement je terminerai par quelques mots sur le riz d’importation.

A/ La production.

1) Améliorer la production passe tout naturellement par un soutien au producteur, mais l’aide doit être ciblée, il faut soutenir les exploitations rizicoles pouvant-être viables. Il faut favoriser les exploitations possédant un potentiel de réussite et non l’ensemble des agriculteurs. Dans un premier temps on doit localiser les régions selon les formes d’aide à apporter (formation à de nouvelles techniques, réhabilitation, soutien matériel et financier…), puis les exploitations (par exemple les riziculteurs possédant plus de 3 Ha de rizière ou 5 Ha de tanety). Si cette solution va créer des inégalités entre les agriculteurs, celles-ci seront inévitables pour un développement des milieux ruraux. Les exploitations trop petites fonctionnent selon une stratégie de survie et ne créent par définition aucune richesse, un exploitant ne possédant qu’un hectare de rizière devra multiplier ses rendements par trois s’il veut prétendre vivre de sa culture. Si théoriquement un tel résultat est réalisable, ce n’est pas le cas dans la pratique car il faudrait remettre totalement en question les pratiques culturales actuellement employées, ce qui peut se faire uniquement sur une très longue durée. Il faut donc aider les exploitants, qui à court terme, sont capables de développer de véritables stratégies de production rizicole. Cette politique laissera sur le carreau un nombre important de riziculteurs non rentables, il faut donc en parallèle prévoir un plan d’aménagement rural. Cela peut se faire en développant l’artisanat, la mini-industrie, de nouvelles cultures ou élevage, afin d’éviter un exode rural massif qui risquerait d’aggraver encore plus les problèmes de pauvreté du pays. On pourra également favoriser la création de zones d’attractivité grâce à l’industrialisation de petites villes et l’aménagement routier. Cette politique de « l’exploitation viable » doit être accompagnée d’autres composantes :

- Les techniques qui seront vulgarisées devront être facilement adoptées à court terme par les exploitants ; les techniques les plus performantes en terme de rentabilité devant être des projets à plus long terme. Le développement doit se faire par étape, nous ne devons par chercher des résultats spectaculaires et rapides, mais des résultats solides et durables.

80 - Il faut inciter les producteurs à cultiver les variétés les plus prometteuses, que celles-ci soient également limitées en nombre dans une zone définie, que l’on puisse les distinguer et surtout ne pas les mélanger à la récolte. Ceci afin de créer des spécialités régionales et des riz de qualité. - Inciter les agriculteurs à s’organiser en coopératives ou en associations (mise en commun du matériel agricole, des terres, des greniers, de la main d’œuvre, …). - Empêcher que les parcelles soient divisées lors des héritages, ceci est un problème délicat, devant être résolu en tenant compte des habitudes malgaches, mais qui est cependant un problème crucial pour le milieu rural, la parcellisation des terres engrangeant de plus en plus de pauvreté par la multiplication des exploitations non viables.

2) Mettre en place des financements et projets à moyen et long termes. Pour les exploitations, il faut mettre fin aux prêts annuels à des taux prohibitifs empêchant toute accumulation de valeur pour l’exploitant. Les prêts agricoles doivent être des prêts de plus de cinq ans, ils permettront d’envisager des investissements plus importants et plus productifs sans priver de revenu le producteur au moment des récoltes (voir démonstration à l’annexe 5). De plus cela donnera la possibilité à l’agriculteur de revendre une partie de sa récolte plus tardivement et donc à meilleur prix. En contre-partie, pour éviter que l’endettement ne ruine l’exploitant en cas d’événements inattendus, il faut prévoir des dédommagements lors de cataclysmes (cyclone, épidémie, inondation, …). Dans le même temps, il faut trouver des financements (notamment auprès des bailleurs de fonds) et utiliser la main d’œuvre locale (projet HIMO) pour relancer des grands travaux d’infrastructure hydraulique. Le contrôle de l’eau est l’une des conditions sine qua none pour le développement régional. Les intérêts sont multiples ; permettre une irrigation appropriée aux cultures, éviter les inondations, produire de l’électricité et apporter de l’eau dans les villages. Ces travaux devront donc être dirigés en coordination par différents ministères (ministère de l’environnement, de l’agriculture, de la santé, de l’énergie et de l’aménagement).

3) Instaurer un prix minimum de récolte semble être une des solutions les plus adéquates pour protéger l’agriculteur ; cela lui évitera dans un premier temps de vendre à perte, notamment dans les zones les plus enclavées, mais également cela évitera de le décourager dans la continuation de la riziculture (avec un prix minimum on ne décourage que les exploitations ne répondant pas à ce prix, c’est à dire les moins rentables devant se réorienter). Pour cela, la collectivité pourra acheter le paddy à un prix d’intervention, prix plancher pouvant être modifié à chaque saison, protégeant l’agriculture et laissant libre cours au marché ; ce qui permettra de plus à l’Etat de constituer un stock régulateur à faible coût, lui offrant ainsi une plus large marge de manœuvre.

B/ La transformation.

1) Favoriser l’usinage sur les lieux de production, celui-ci constitue une activité agricole devant être pratiquée dans les milieux ruraux et non urbain (toutes les activités ne devant pas être centralisées dans les villes pour conserver un équilibre entre les villes et leurs périphéries), mais surtout cela diminue les coûts de transport d’environ 50%.

81 2) Il serait bon que l’usinage se fasse en corrélation avec les greniers villageois, soit sous forme de partenariat ou d’association ; cela pourrait permettre de mieux répartir sur l’année le travail de décorticage et éviter ainsi d’en faire une activité purement saisonnière.

3) L’activité pourra également être plus réglementée, notamment lorsqu’il s’agit d’usiner du paddy pour la commercialisation. Des licences pourront être distribuées selon des critères de qualité, de performance et selon les besoins régionaux. L’unité de décorticage devra respecter des normes de qualité durant les différentes étapes (séchage, entreposage, décorticage), elle devra distinguer les variétés et/ou qualités de riz et ne pas les mélanger. La répartition des licences selon les besoins régionaux permettra également d’éviter les situations de suréquipement ou de sous-équipement, toujours dans l’optique de mieux répartir géographiquement et temporellement l’activité.

4) Relancer l’élevage de porc en parallèle à l’activité d’usinage (notamment sur les Hauts Plateaux qui ont subi une grave épidémie) cela pour valoriser la production de son ; plusieurs enquêtes ont démontré combien il était rentable pour un exploitant de concilier ces deux activités.

C) La commercialisation.

1) Une opération qui est indispensable pour l’amélioration du commerce et des échanges en général est l’amélioration des infrastructures routières. Un pays est comme un être humain où chaque homme représente une cellule, chaque village est un organe, chaque région un membre ; les routes constituants les veines permettant d’alimenter chaque partie du corps. Des routes en bonne état vont permettre une plus grande rapidité des échanges et limiter l’usure du matériel de transport. Au contraire, le manque d’infrastructure routière est source de gaspillage et de pauvreté, il faut donc réaménager les grands axes routiers jusqu’aux plus petites pistes afin d’éviter les zones d’enclavement. La réhabilitation du chemin de fer ne serait pas non plus un luxe pour ce grand pays qu’est Madagascar.

2) Suite à l’instauration de normes de qualité, il faut prévoir un suivi tout le long de la commercialisation, notamment sur les conditions de stockage, mais également sur les mélanges de variété et sur les mesures (les grossistes et détaillants se plaignant souvent du fait de kilo en moins dans les sacs). Les opérateurs avals doivent respecter certaines règles de propreté pour ne pas dégrader les efforts faits en amont.

3) Enfin, il faudrait contrôler systématiquement les flux en partance d’une commune afin d’avoir des données fiables sur les quantités commercialisées, de vérifier la légalité de chaque opération et de pouvoir encaisser les taxes dues (ces dernières ne doivent pas décourager les différents opérateurs, elles doivent financer les divers opérations de contrôle et favoriser la production et le commerce régional).

D) Limites du riz d’importation.

Certes le riz d’importation permet de combler les déficits intérieurs, de plus sa qualité devrait à terme inciter les opérateurs locaux à effectuer plus d’effort en la matière. Cependant les importations sont de plus en plus déphasées par rapport à la

82 production nationale. D’une part les régions déficitaires et les plus reculées reçoivent peu de riz, les importations ne viennent pas satisfaire les manques et les habitants doivent remplacer le riz par d’autres aliments. Mais surtout, les importateurs sont de plus en plus des opérateurs extérieurs à la filière, ne connaissant pas véritablement les enjeux et se contentant de profiter des écarts de prix entre le cours mondial et les prix du marché intérieur. Le prix du riz est déjà très instable et depuis la libéralisation et la libre concurrence du riz étranger, l’instabilité ne cesse de croître pénalisant les acteurs les plus faibles, et en premier lieu les producteurs et les consommateurs qui sont pourtant les principaux intéressés. Si sur le plan intérieur des efforts doivent être effectués pour soutenir la production et améliorer sa commercialisation, il est indispensable de mener en parallèle une politique extérieure adéquate. Celle-ci doit corriger les lacunes de la politique intérieure et non les aggraver.

Il est donc impératif, dans les conditions actuelles, que le riz d’importation soit taxé, ceci pour éviter des écarts de prix trop élevés entre le riz local et étranger. Cependant la taxe doit être modulable pour éviter qu’une hausse des cours mondiaux rende le riz inabordable pour la population la plus défavorisée. D’autre part le pays doit mettre en place des outils statistiques performants pour évaluer chaque année le montant des récoltes et définir ainsi les besoins en riz d’importation ; des quotas pourront ainsi être instaurés.

On peut se féliciter des engagements pris par le nouveau gouvernement de faire en sorte qu’il n’y ait plus de dérogation sur les taxations des importations ; en effet, le riz d’importation était déjà taxé, mais des dérogations annulaient tout effet de la taxe et créaient de sérieuses inégalités entre opérateurs remettant en cause la libre concurrence. De plus, les opérateurs devront dorénavant investir dans le secteur national, c’est à dire que ne pourront importer que les opérateurs ayant au préalable collecter un certain volume de riz local. Ce qui est de bonne augure, cela évitera d’une part les actions purement spéculative, et d’autre part cela favorisera la commercialisation du riz local (les anciens opérateurs strictement importateurs devront, pour continuer leur activité, se préoccuper également du riz national). Enfin, la diminution promises des taxes sur les engrais et autres intrants agricoles devrait encourager leur utilisation auprès des producteurs et augmenter ainsi la production nationale. Ces différentes résolutions rentrent dans une perspective de politique extérieure raisonnée, encore faut-il qu’elles soient appliquées.

83 Conclusion.

On peut dire en guise de conclusion que la filière riz subit des dysfonctionnements. Tout d’abord d’une manière quantitative, la production nationale ne peut suffire à elle seule à alimenter le pays, et donc la capitale, des importations sont alors nécessaires. D’une manière qualitative, la qualité du riz est souvent négligée pour pouvoir augmenter les marges commerciales en réduisant les coûts de transformation, sans baisse correspondante du prix de vente. Or, Madagascar possède les atouts pour être autosuffisant, voire même redevenir exportateur net de riz. De plus les malgaches apprécient le riz de qualité ; avec une hausse significative des revenus, le riz de table deviendrait le principal riz produit et consommé sur l’île.

Depuis une quinzaine d’année Madagascar est rentrée dans un nouveau contexte politique et économique, celui de la libéralisation et de la libre concurrence, et la filière riz n’a pas fait exception. Les cartes ont ainsi été jetées et redistribuées afin de pouvoir laisser libre jeu au marché, en suivant les règles instaurées par la confrontation de l’offre et de la demande. Si certains opérateurs comme les riziers ont pu conservé des cartes maîtresses, de nouveaux acteurs sont apparus, bien décidés à ne pas jouer qu’un rôle de figuration.

Dans un premier temps la filière gardait ses positions, les changements étaient peu visibles ; apparition de décortiqueries, jouant un rôle local sans perturber la commercialisation des riziers ; de nouveaux collecteurs (grossistes, transporteurs, sous-collecteurs) ; de nouveaux importateurs, étrangers à la filière mais attirés par les gains faciles. Puis les changements se sont accélérés, les nouveaux acteurs furent de plus en plus nombreux, obligeant dés lors les riziers à changer de stratégies. Aujourd’hui la filière semble malade, elle est en fait en partie désorganisée, elle cherche sa voie. Il faut du temps pour que le système de marché se mette en place ; les acteurs cherchent en premier lieu la facilité, d’où les importations, l’achat et la revente directe sans stockage, la transformation du paddy en riz au moindre coût… La libéralisation ne doit pas être une déréglementation, pour tout jeu il faut des règles et celles-ci manquent dans la filière.

En y regardant de plus prés, on s’aperçoit que les opérateurs de la filière sont conscients des différents enjeux, c’est souvent le manque de moyens qui les empêche d’améliorer leur comportement. Ils n’ont pas assez de fonds pour investir réellement (les banques se révélant la plupart du temps comme de biens mauvais partenaires financiers), ils se contentent dans ces conditions de mener une gestion au jour le jour sans véritable stratégie de développement. Leur insuffisance monétaire ne leur permet pas de prendre des risques, qui ces derniers se révèlent de plus en plus élevés avec l’instabilité des prix. Mais petit à petit, avec leur moyen respectif, de nouveaux circuits se sont organisés ; le paddy sera acheté par un petit collecteur indépendant qui le revendra à un sous-collecteur urbain qui le fera décortiquer sur Antananarivo et le revendra directement auprès de détaillants. Nous avons ici un exemple de ces nouvelles

84 organisations du secteur, faites de petits opérateurs mais dégageant des marges commerciales relativement élevées de par le peu d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur. En effet, les opérateurs sont plus nombreux mais de nouveaux circuits de commercialisation réduisent le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur ; en fait, les opérateurs négocient moins de riz qu’auparavant (car ils sont plus nombreux à se concurrencer à la même étape de la filière), ils tenteront alors d’augmenter leur marge en raccourcissant la filière (éviter les intermédiaires superflus).

Si l’approvisionnement d’Antananarivo semble être un important challenge, les acteurs de la filière riz sont prêts à le relever. La condition initiale étant une amélioration significative de la productivité des exploitants rizicoles afin de créer une autosuffisance alimentaire. Car du point de vue commercialisation, Madagascar possède ce qu’il faut, de nombreuses décortiqueries et rizeries, des camions pour le transport, mais surtout une ressource humaine inestimable. Un ensemble d’hommes et de femmes depuis longtemps imprégnées de la culture du riz et possédant une forte volonté de survie.

Une prise de conscience entre les différents opérateurs est nécessaire, non seulement les acteurs directs mais également les différents ministères concernés et les instituts financiers. Ils doivent se concerter et mettre leurs efforts en commun afin de donner une chance à la filière. L’objectif premier serait de stabiliser les prix ; un prix attractif pour les producteurs afin de stimuler la production nationale, et un prix raisonnable pour les consommateurs pour qui le riz est indispensable, et correspond pour la majorité des ménages de la capitale à leur principale dépense. Une régulation des importations est de fait impérative pour pouvoir envisager une véritable organisation de la filière riz.

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Liste des tableaux et figures.

Graphiques :

1/ Répartition des approvisionnements en riz sur la capitale. P 16 2/ Approvisionnement de la capitale selon les lieux de production. P 17 3/ Tonnes de paddy décortiquées dans le Fivondronana de Soalandy. P 27 4/ Tonnes de paddy décortiquées dans le Fivondronana d’Ambohimanarina. P 28 5/ Paddy décortiqué en rizerie dans le Fivondronana d’Ambohimanarina. P 30 6/ Lieu d’achat selon la catégorie de consommateur. P 40 7/ Fréquence d’achat par catégorie de consommateur. P 41 8/ Quantité de riz acheté à chaque achat. FAO. P 42 9/ Préférence des riz par catégorie de consommateur. P 43 10/ Produits de substitution à la hausse du prix du riz. P 43 11/ Contraintes citées par les consommateurs. FAO. P 44 12/ Provenance des riz dans la consommation d’Antananarivo. P 58 13/ Consommation en tonne de riz de la population d’Antananarivo. P 61 14/ L’approvisionnement en riz d’Antananarivo selon les provenances. P 62 15/ Indice de prix saisonnier moyen de riz ordinaire à Antananarivo. P 65 16/ Différentiel de prix selon la période et la variété pour un kilo de riz. P 66 17/ Evolution des importations et du prix à l’importation. P 69

Tableaux :

1/ Comparaison des résultats d’enquêtes de différentes études. P 39 2/ Lieu d’achat du riz. FAO. P 41 3/ Fréquence d’achat du riz. FAO. P 41

Schémas :

1/ Estimation des flux de paddy entre les opérateurs amonts du Lac Alaotra. P 34 2/ Structuration de la filière riz à Madagascar. P 50

Annexes :

1/ Questionnaire/enquête. P 87 2/ Enquête détaillant. P 88 3/ Différentiel de prix du riz. P 89 4/ La commercialisation du riz au Lac Alaotra. P 90 5/ Démonstration de prêts agricoles. P 92

86 Bibliographie :

►Analyse – Diagnostic de la filière régionale riz des Hauts Plateaux. J.M. Rakotovoa, J. Rakotoarisoa, R. Rasanina, L. Bockel, Ministère de l’Agriculture (UPDR) avril 2000.

► L’ajustement dans le secteur agricole. Insuffisance des réformes de prix et faiblesse de la compétitivité. L. Razafimandimby, Economie de Madagascar n°2, octobre 1997, p 13-36.

► La formation du prix du riz. Théorie et application au cas d’Antananarivo. J.P. Azam et C. Bonjean, Revue Economique vol. 46, n°4, juillet 1995, p 1145-1166.

► Le commerce extérieur du riz. F. Miangozara, Ministère du Commerce Atelier Etat des lieux de la filière Riz, Communication n°25.

► Politique de prix et utilité des différentiels. T. Ramarojaona, Ministère du Commerce, Communication n°26.

► Problèmes politiques du commerce du riz à Madagascar. C. Rasomampianana, Ministère du Commerce, Communication n°27.

► Des importations douteuses de riz. M. Rakotomalala, ROI Madagascar, novembre 2001, p26-54.

► Vivre avec des prix alimentaires variables. Une analyse du marché urbain d’Antananarivo. Projet IFPRI-FOFIFA, octobre 1997. B. Minten, Cahier de la recherche sur les Politiques Alimentaires n°3,

► Enquête auprès des opérateurs en aval de la filière riz. (collecteur-décortiqueur-détaillant), période juin 1998 à juillet 1999. J.M. Rakotovoa et L. Ranarison, les tableaux de base, projet TCP/FAO/MAG/8821, mars 2000.

► Filière riz : présentation et analyse des résultats des enquêtes. J.M. Rakotovoa, projet TCP/FAO/MAG/8821, juillet 2000.

► Etude du marché du riz à Madagascar. J.P. Azam, E. Berg, C. Bonjean et L. Kant, CERDI, février 1993.

► Innovations récentes dans les réseaux commerciaux et de transformation du riz à Madagascar. Résultatas d’une enquête 1991 dans la filière sur Antananarivo, Antsirabe, Lac Alaotra. A. Leplaideur, CIRAD.CA, septembre 1993.

► Prix, produits et acteurs. Méthodes pour analyser la commercialisation agricole dans les PVD. G. Scott et D. Griffon, CIRAD.CIP.KARTHALA, 1998.

87 Annexe 1/ Questionnaire/Enquête.

Questionnaire grossiste et détaillant :

Questionnaire sensiblement identique pour les autres opérateurs (collecteurs, usiniers, grandes surfaces).

1/ Quelles sont les variétés de riz vendu selon les saisons ? 2/ D’où proviennent-ils ? 3/ Achète-t-il du riz ou du paddy ? 4/ A qui et quand achète-t-il le riz, fréquence, quantité ? 5/ Quelles sont les caractéristiques de chaque variété (saisonnalité, facilité d’approvisionnement, de vente, importance de la marge…) ? 6/ Transport-il lui même le riz, sinon à qui fait-il appel ? 7/ Quelles sont les quantités vendues par semaine et par période ? 8/ Quelles sont ses marges selon les variétés et les périodes, comment se fixe le prix ? 9/ Relevé des différentes variétés de riz présents et leur prix. 10/ Quels sont ses frais : place, patente, transport, salarié,… ? 11/ Réalise-t-il des stocks, si oui quelle quantité à quelle période ? 12/ A-t-il des rapports particuliers avec d’autres opérateurs (vente/achat à crédit, partenariat,…) ? 13/ Vend-t-il d’autres produits, si oui quelle est la part du riz dans son chiffre d’affaires ? 14/ Possède-t-il une rizière familiale, si oui quelle quantité récoltée, autoconsommation et/ou vente ? 15/ Quelles sont les problèmes rencontrés dans son activité ?

Questionnaire consommateur :

1/ Quelle est la taille du ménage et la consommation journalière en riz ? 2/ Quelles sont les variétés de riz les plus consommées et pourquoi ? 3/ Quelles connaissances ont-ils sur les variétés de riz et leur provenance ? 4/ Possèdent-t-ils une production familiale, si oui quelle quantité de riz, la durée d’autoconsommation et la période ? 5/ La fréquence et le lieu d’achat. 6/ Consomment-ils moins de riz lorsque le prix monte, par quoi le remplacent-ils ? 7/ Quelle serait pour eux le prix raisonnable du riz ?

88 Annexe 2 : Enquête détaillant.

Lieu de vente nombre marge nette revenu net revenu net Moyenne d'enquêtés moyenne moyen par moyen par des tonnes Fmg/Kg mois millier an, millions vendues de Fmg de Fmg par an marché d'Andravoahangy 12 133 515 6,2 51,9 marché d'Anosibe 8 203 656,6 7,9 46,5 marché de Besarety 3 117 543,6 6,5 62,6 marché d'Isotry 6 245 1154,8 13,8 59,7 marché de Mahamasina 7 203 782,3 9,2 55 quartier d'Ambondrona 5 215 672,9 8,1 36,4 quartier d'Antohomadinika 6 167 358,3 4,3 28,5 quartier de Besarety 4 144 201 2,4 20,1 quartier de Mahamasina 2 300 154,2 1,9 6,2 commune d'Ambohimanarina 6 154 416,7 5 33,2 commune d'Andoharanofotsy 6 133 744,4 8,9 66,3 moyenne 65 176 592,5 7,1 44,1 Source : enquête terrain 2002. marché d'Andravoahangy : marché populaire proche des grossistes. marché d'Anosibe : grand marché de la capitale, également proche des grossistes, mais évitant souvent ces derniers pour leur approvisionnement. marché de Besarety : petit marché très populaire, avec des prix très bas. marché d'Isotry : petit marché du centre ville avec une clientèle plus aisée, forte marge. marché de Mahamasina : marché profitant également de consommateurs assez aisés. quartier d'Ambondrona : épiceries dans quartier proche du centre ville. quartier d'Antohomadinika : petites épiceries très précaires de quartier très populaire. quartier de Besarety : petites épiceries de quartier populaire. quartier de Mahamasina : petites épiceries à flan de colline (coût de transport élevé) profitant d’une clientèle solvable, mais uniquement de voisinage. commune d'Ambohimanarina : à l’ouest de la ville, s’approvisionnent auprès de grossistes urbains ou rizeries. commune d'Andoharanofotsy : au Sud de la ville, s’approvisionnent directement auprès des collecteurs.

89 Annexe 3 : Différentiel de prix du riz.

PRIX FOB (30% DE BRISURE) 1 130 150 180 Fret 2 35 35 35 Taux de change (US$) 3 6600 6600 6600 Prix CAF(FMG/Kg) 1090 1220 1420 Taxes (35%) 4 380 425 495 Frais divers 5 150 150 150 Coût de transport (Tamatave/Tana) 150 150 150 Marge importateur 80 55 35 Prix à Tana 1850 2000 2250 Charges et marges grossiste 100 100 100 Coûts et marge détaillant 250 250 250 Prix au détail 2200 2350 2600 Sources : valeurs indicatives selon différentes sources ne délivrant pas les mêmes comptes : annexe 1 d’une note du 2 mai 2002 de la Banque Mondiale sur la politique du riz à Madagascar ; fiche technique du 14 février 2001 du ministère du commerce et de la consommation ; données enquêtes pour les opérateurs avals. (1) Le prix FOB constitue le cours mondial pour une tonne de riz blanchi avec 30% maximum de brisure exprimé en dollar américain. (2) Représente le coût de transport maritime et d’assurance, toujours exprimé en dollar américain. (3) Taux de change moyen sur ces trois dernières années (1 $ = 6600 Fmg). (4) L’hypothèse est faite que l’opérateur doit se souscrire aux différentes taxes (taxe d’importation de 15% + TVA à 20%). (5) Comprend les frais portuaires, de débarquement, de stockage/magasinage, autres…

MAKALIOKA V. GASY V. GASY MAKALIOKA V. GASY 6 V. GASY M.O. TANA 6 MOIS MOIS ALOHA Prix producteur 1 1350 1200 1250 1500 1350 1600 Marge et coût de collecte 80 80 80 80 80 80 Taxe locale 2 120 120 120 120 120 120 Coût d'usinage (67%) 120 80 80 120 80 80 Coût de stockage 3 40 40 40 240 240 40 Marge intermédiaire 200 120 160 570 370 410 Coût de transport 150 120 30 250 150 50 Charges et marge 90 90 90 120 110 120 grossiste Marge et coûts détaillant 250 250 250 200 300 300 Prix au détail 2400 2100 2100 3200 2800 2800 Source : estimation enquête 2002 couplée les données de l’UPDR. (1) Il s’agit du prix d’achat au producteur pour 1.5 Kg de paddy afin de réaliser un kilo de riz blanchi ; les frais de collecte, stockage, usinage et les taxes locales seront également calculés sur la base de 1.5 Kg de paddy. (2) La taxe locale est un montant variable selon la localité et le statu de l’opérateur, il faut prendre cette indication avec précaution, d’autant pplus que l’on peut se trouver en secteur informel. (3) Estimation à 40 Fmg par mois des coûts de location d’un local, des charges et des pertes.

90 Annexe 4 : La commercialisation du riz au Lac Alaotra.

Répartition des ventes de riz sur Antananarivo. tonnes de riz 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 juin mai avril août mars juillet e février janvier octobre septembr novembre Gros riziers Riziers collecteurs indépendants décembre

Source : estimation selon enquête 2002. Vente de riz mois par mois sur la capitale selon le commanditaire présent sur la région du Lac Alaotra.

Régulation du marché du paddy au Lac Alaotra.

tonnes 50000 45000 40000 35000 30000 25000 20000 15000 10000 5000 0 mai juin avril août juillet mars janvier février octobre novembre décembre collecté vendu stocké septembre

Source : estimation selon enquête 2002. Mois par mois les volumes collectés, stockés et vendus sur la capitale.

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Stockage chez les différents opérateurs du Lac Alaotra. tonnes de paddy. 100000 90000 80000 70000 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 mai juin avril août juillet mars janvier février octobre novembre décembre Producteurs Collecteurs ind. Riziers Gros riziers Vendu septembre

Source : estimation selon enquête 2002 : répartition des stocks (ou riz encore sur champ) du paddy commercialisable de la région du Lac Alaotra.

92 Annexe 5 : Démonstration de prêts agricoles.

On suppose un exploitant rizicole de la région du Lac Alaotra possédant trois hectares de rizière, on ne tiendra pas compte de l’autoconsommation en supposant qu’il commercialise la totalité de sa récolte. Il a le choix entre deux types de prêt, un prêt annuel à 20% et un prêt à 50% sur six ans. En outre, il dispose en début de saison de 4 millions de Fmg grâce au revenu de la saison précédente. Dans le premier cas, l’exploitant emprunte chaque année trois millions et rembourse au moment des récoltes 3.6 millions ; cela lui permettant de pratiquer une technique cultural traditionnelle (tableau 1). Dans le deuxième cas il emprunte la première année 6 millions (ce qui suppose plus d’investissement et une production plus importante), et rembourse chaque année pendant six ans, 1 500 000 Fmg, pouvant ainsi pratiquer de nouvelles techniques.

Tableau 1 : Opérations culturales Repiquage traditionnel Repiquage amélioré Préparation du sol : Labour 300 300 Pulvérisage 150 100 Mise en boue 100 200 confection diguettes et nivellement 100 100 Entretien canaux 75 75 Fumure : 5 t/Ha 0 250 Sous Total 725 1025 Pépinières : Semences à 2000Fmg/Kg 150 140 Traitement (Semences et phyto.) 15 20 Mise en boue + Planage 50 75 M.O. Semis 10 10 Fertilisation 50 50 Sous Total 275 295 Plantation : Arrachage 120 120 Repiquage 150 200 Fumure : 5 t/Ha 0 250 Urée montaison 0 150 sous Total 270 720 Entretien : Contrôle irrigation 20 50 Entretien réseau 0 60 Herbicide 100 100 Sarclage à la main 0 50 Traitement Phytosanitaire 60 120 Sous Total 180 380 Récolte : Coupe + Mise en meule 250 250 Battage 100 100 Transport 150 200 Gardiennage 100 100 Sous Total 600 650 TOTAL GENERAL : 2050 3070 Rendement Moyen : 2,5 t/Ha 4 t/Ha Source : Frais de Mise en Valeur ; service régional du ministère de l’agriculture, Ambatondrazaka, 2001.

93 Sur six années, avec un prix de vente moyen de 900 Fmg/Kg de paddy, l’exploitant obtiendra les résultats suivants (tableau 2) ; Dans la première solution, il y a une stabilité, l’exploitant se retrouvant à chaque nouvelle saison avec 4 millions de Fmg de disponibilité (si l’activité ne semble produire aucun bénéfice, l’agriculteur tire en fait ses revenus dans ses dépenses, la majorité des tâches étant effectuées par lui et sa famille). Dans la deuxième solution, l’exploitant produit plus, et comme il rembourse moins, l’investissement initial ne disparaît pas, lui évitant d’emprunter l’année suivante. Ses revenus augmentent, sa disponibilité monétaire aussi, notamment à partir de la 7ème année où il n’aura plus de remboursement à effectuer.

Tableau 2 : 1er cas 2ème cas 1ère année Disponibilité 4000 4000 Prêt 3000 6000 Dépenses 6150 9210 Restes 850 790 Recettes 6750 10800 Remboursement 3600 1500 2ème année Disponibilité 4000 10090 Prêt 3000 0 Dépenses 6150 9210 Restes 850 880 Recettes 6750 10800 Remboursement 3600 1500 3ème année Disponibilité 4000 10180 Prêt 3000 0 Dépenses 6150 9210 Restes 850 970 Recettes 6750 10800 Remboursement 3600 1500 4ème année Disponibilité 4000 11760 Prêt 3000 1500 Dépenses 6150 9210 Restes 850 1060 Recettes 6750 10800 Remboursement 3600 1500 5ème année Disponibilité 4000 10360 Prêt 3000 0 Dépenses 6150 9210 Restes 850 1150 Recettes 6750 10800 Remboursement 3600 1500 6ème année Disponibilité 4000 10450 Prêt 3000 0 Dépenses 6150 9210 Restes 850 1240 Recettes 6750 10800 Remboursement 3600 1500 7ème année Disponibilité 4000 10540 Source : Propre calcul.

Dans la deuxième solution, la banque y gagne aussi, il y a moins de risque de défaillance de la part de l’exploitant (le revenu étant plus important et le montant à rembourser plus faible) ; de plus, dans la première solution, la banque se retrouve chaque année avec 3 millions de Fmg immobilisés, tandis qu’avec la deuxième solution, elle n’immobilise 6 millions que la première année.

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