Prohlašuji, že jsem diplomouvou práci vypracoval samostatně s využitím uvedených pramenů a literatury, a že se elektronická verze práce shoduje s verzí tištěnou.

Brno, 30. červen 2009 ______

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Je tiens tout d’abord à remercier Dieu pour me permettre de faire ce que je veux, je remercie ma famille. Je remercie Madame Alena Polická, professeur de linguistique française à la Faculté de Lettres à Brno, d’avoir accepté la direction de ma recherche ainsi que de ces remarques et conseils utiles; je remercie Monsieur Jean-Pierre Goudaillier, professeur de linguistique a l’Université René Descartes, Sorbonne, Paris 5; Roland Laffitte et SELEFA; Michelle Auzanneau, professeur de linguistique a l’Université René Descartes, Sorbonne, Paris 5. Dédié à toutes les personnes qui me soutiennent depuis le début, depuis maintenant, depuis après, mes amis et mes proches : Iris Mastronardi, Lisa Meyer, Jean-Baptiste Prébot, David Karapetyan, Brice Augustyn, Nadya Kooli, Valentina Delikontanti, Stéphane Matcheu, Julien Tisserand, Phillipe Currat, Marco Lagroy, Rémi Carparros, Sophie Pieck, Philippe Breuil, Jessica Maktoum, Mathieu Hecquet, Justine Brault, Dimitra,Yassin, Aladin, Jack, Mathieu, Dominic, Abdulay, Bnjamine, Mohammad, Antoine, Jérome, Tanguy, Jean-Michel, Ana, Marine, Lilja, Marcela Finotti, Tatana Kataeva, Shehir et Inés Abouzzid; Filip Hladík, Marek Žižlavský, Adam Prajs, Jiří Brzobohatý, Jiří Marek, Honza Matějka, Dalibor, Samuel, Shage, Irena Satkeová, Karolina Valešová, Yvonna Exlerová

2 Table de matières

Introduction...... 4

I. Qu’est-ce que la langue des jeunes ?...... 7

1. L ‘émergence d’un parler identitaire...... 7 2. La langue des jeunes dans les médias...... 9 3. Différences dans les pratiques linguistiques des élèves en milieux populaire et pratiques linguistiques scolaires...... 11

II. La présence des mots arabes dans la langue des jeunes...... 13

1. À l’origine de la langue arabe...... 13 2. La place de la langue arabe dans la société française...... 14 3. Choix des termes étudiés: attestations lexicographiques...... 16

III. Méthodologie de la recherche...... 18

1. Choix du corpus et du terrain 2. Déroulement de la recherche...... 18 3. Commentairs préliminaires...... 21

IV. Analyse des résultats...... 24

1. Variables sociolinguistiques observées...... 24 2. Analyse des hypothèses...... 27 3. Rap ancré dans un espace urbain...... 32 4. Origine ? De la banlieue...... 33

Conclusion...... 36

Annexes...... 43

3 Introduction

« Je m’en fou des politicos des énarques, des langages des dicos, moi je vous nargues avec mon argot 1 »

L’étude suivante tend à synthétiser quelques résultats d’une période de deux ans d’observations sur le terrain et d’un travail documenté de différentes sources sociolinguistiques. Ainsi, notre enquête portera sur les représentations des arabismes dans la langue des jeunes dans un milieu urbain déterminé: Vitry -sur –Seine (94) qui se trouve en banlieue sud de Paris. Le choix de la problématique a été inspiré par la période de notre vie passée au Maghreb (Tunisie) et sur le lieu de l’enquête (Vitry sur Seine). Nous avons donc vécu diverses interactions sociales et nous avons crée de forts liens amicaux dans des groupes de pairs. Nous avons réussi lors de l’enquête à ne pas être considéré comme l’observateur, et cela nous a permis d’obtenir des réponses spontanées et franches. En parallèle, c’était l’opportunité de participer au programme Erasmus pendant l’année scolaire 2007/2008 dans le cadre de notre mémoire en science du langage à l’université René Descartes - Paris 5. C’est notamment le cours d’« Argotologie générale » du professeur Jean-Pierre Goudaillier, le cours intitulé « La langue dans les villes » de Madame Michelle Auzanneau ainsi que les apports de «Sociolinguistique» de Madame Caroline Juillard qui nous ont aidés le plus dans la préparation théorique de notre recherche. Notre sujet est non seulement personnel, mais il est avant tout actuel, car il fait partie de la vie quotidienne et il est directement et indirectement traité par les médias, ainsi que par de nombreux sociologues et sociolinguistes. Dans une société pluriethnique, les fréquents contacts interculturels permettent d’aborder plusieurs interprétations de notre sujet. Nous nous proposons d’envisager la place des arabismes dans la langue des jeunes comme un lieu d’élaboration d’une identité spécifique. Nous nous appuyerons ensuite sur les résultats de notre enquête, qui a été menée en novembre 2008 à Vitry-sur-Seine. Néanmoins, notre travail se place dans une optique de la synchronie dynamique et nous admettons que nos résultats peuvent avoir un caractère temporaire. En effet, l’évolution d’une langue est permanente et certains mots meurent souvent avant d’avoir vécu. Cette évolution est influencée par le mouvement perpétuel des

1 Rohff, l´album La Fierté Des Nôtres, 2004 http://www.lavi2rue.com/lyrics/paroles-rohff-apparences-trompeuses-4141.html

4 situations et des images, ainsi que par la volonté des locuteurs de toujours inventer des mots nouveaux pour ne pas être compris par les autres et pour s’en démarquer absolument. L’apparition des termes arabes dans la langue des jeunes, influence-t-elle-la perception de la langue des jeunes en public? Nous présupposons que les locuteurs d’origine maghrébine, ainsi que les locuteurs des milieux « défavorisés » (par exemple, pour notre terrain concret, de la cité Balzac) et les fans du rap vont connaitre la plupart des termes. L’âge et le sexe vont jouer un rôle important dans les réponses, ainsi que l’origine. Nous voudrions démontrer que les Français utilisent moins d’arabisme que les Français et les francophones d‘origine étrangère et que les enquêtés bilingues qui vivent en France reprennent les termes de leur entourage. Parmi les termes de l’enquête, il y en a certains qui sont assez connus et utilisés, ainsi que des termes littéraires2 et d’autres qui sont marginaux ou particuliers pour un cercle restreint. En parallèle, nous allons observer à quel point la présence des arabismes dans certaines chansons rap contribue à la diffusion de ce phénomène en public. Dans la partie théorique, nous présenterons la méthodologie de la recherche de l´ nous décrirons le déroulement de l’enquête dans ses enjeux liés à notre problématique, et nous présenterons ensuite les résultats obtenus. L’influence des arabismes est-elle si importante pour justifier le propos ironique de Sefyu dans l’une de ses chansons rap : « La culture française a bronzé, des jeunes du quartier ont monté leur société 3 » ?

2 Nous considerons ainsi les termes harki et bled. Ce sont les seules expressions de notre enquête qui sont présentes dans les dictionnaires le Petit Robert et le Trésor de la Langue Francaise (Voir le tableau 18 dans l´Annexe). 3 SEFYU, chanson « Journal », l´album Suis-je le gardien de mon frère?, 2008

5 I. Qu’est-ce que la langue des jeunes ?

1. L’émergence d’un parler identitaire

« La langue des jeunes » ou bien « langage de banlieue et des cités » est devenu depuis deux décennies un phénomène linguistique, qui reflète avant tout l’évolution de la société. Opposée à une vision normative du français standard, où la norme est basée sur l’écrit, la langue des jeunes se caractérise surtout par l’oralité. Au contraire du français normé ou administratif, qui reste indispensable pour le monde du travail, la langue des jeunes n’est pas autant limité par des règles et subit une évolution perpétuelle. Aucune langue n’est alors homogène et chacune subit des variations en diachronie et en synchronie. Le terme « langage des jeunes » réunit plusieurs termes populaires ou scientifiques, tels que « langue marginale », « langue vernaculaire » ou « la langue véhiculaire » 4, et possède plusieurs fonctions, dont la plus importante est la fonction identitaire. Nous ne pouvons pas dans ce cas considérer la langue des jeunes comme une langue inférieure, car il s’agit simplement d’une variante du français, qui a le même droit d’exister que tous les autres dialectes, sociolectes ou langues minoritaires. Pour commencer, il faut d’abord se poser la question, « la langue des jeunes », porte- elle bien son nom? Le phénomène du langage des jeunes a été étudié par de nombreux linguistes et sociolinguistes et présenté sur l’Internet et dans la presse. Pourtant différentes définitions et points de vue sur ce sujet coexistent et nous pouvons ainsi nommer certains stéréotypes qui prédominent dans l’opinion public: « c’est la langue des voyous », « ce n’est pas du français », « la langue appauvrie », « la langue dégradée ». Cela manifeste des sentiments plutôt négatifs, des connotations liées à l’image la délinquance. Notons que la langue des jeunes est à la base d’un argot commun, qui, lui même, a évolué en diachronie et implique des argots traditionnels ou classiques, ainsi que des argots de métiers et des jargons. Ces racines nous évoquent l’une de ses fonctions primaires – la fonction cryptique. Jean- Pierre Goudaillier 5 montre certains exemples à travers les discours des criminels dans les

4 Une langue véhiculaire est une langue, souvent simplifiée, servant de moyen de communication entre populations de langues différentes. Elle s'oppose à la langue vernaculaire, parlée localement par une population. Les langues liturgiques jouent souvent un tel rôle en tant que point commun linguistique de communautés multilingues reliées par une même religion. (Wikipedia) http://fr.wikipedia.org/wiki/Langue_v%C3%A9hiculaire 5 GOUDAILLIER Jean-Pierre, « Parler Argotique », Langue Française, Nº 91, 1990, p. 12

6 célèbres films Flic story 6 qui utilisent des métaphores pour décrire un cambriolage « aller retirer ses économies a la caisse d’Epargne » ou bien par des exemples d’Auguste Le Breton, qui a utilisé un langage codé, le verlan, pour ne pas être compris par la Gestapo. Dans la langue des jeunes, la fonction cryptique a toujours sa place, même si les processus de codage comme verlan sont de moins en moins utilisés. Pourtant on a créé de nouveaux mots, soit par la reverlanisation (par ex. meuf < femme) ou par des emprunts à des langues de migrations. Grâce à ses racines, proches du milieu criminel, la langue des jeunes d’aujourd’hui ne cesse d’être surnommée comme la langue de la délinquance, même si les champs lexicaux de crime sont en minorité et la fonction de certains termes n’est que ludique. A part cela, c’est la fonction identitaire qui est la fonction la plus remarquable chez les locuteurs, mais elle ne se réduit pas seulement à une façon de parler, mais aussi aux diverses formes d’expression (geste, comportement, manière de s’habiller, etc.) et créent une forte dépendance linguistique. Jean-Pierre Goudaillier montre qu’à partir de ces domaines se différencient les argotophobes et les argotolatres: « Le phénomène argotique, qui n’est pas seulement du verbe mais aussi toute une gestuelle, un ensemble d’habitudes, etc., que toute communauté linguistique secrète, rappelons-le, déchaine les passions, provoquée des clivages: on est pour ou contre la réforme d’orthographe, les anglicismes (le franglais). Des lors, argotophobes et argotolatres vont s’affronter.7 » D’une part, certaine couche de la société est sensible à la présence de termes comme keuf, meuf, tchatcher, ou maille dans Le Petit Robert. Au pire, les puristes la considèrent comme une menace de l’existence et de l’évolution de la langue française. D’autre part, il existe plusieurs mouvements et organisations qui soutiennent et enregistrent l’évolution de la langue des jeunes comme par exemple les ateliers éducatifs à Evry, qui ont récemment publié Le Lexik des Cités ou l’atelier éducatif à Vitry-sur-Seine l’auteurs de Bien ou quoi? La langue des jeunes a Ivry et Vitry-su-Seine.8

6 Flic story, Jacques Deray, 1975. Émile Bruisson, qui sort de prison encourage ses compagnons en utilisant cette métaphore. (Wikipedia), http://fr.wikipedia.org/wiki/Flic_story 7 Ibid, p. 12 8 LAFFITTE Roland & YOUNSI Karima, Bien ou quoi?, La langue des jeunes a Ivry et Vitry-su-Seine, Selefa, Paris, 2004

7 2. La langue des jeunes dans les médias

Pour certains, la langue des jeunes sert comme un instrument pour maintenir le contact avec de jeunes personnes ou tout simplement pour attirer leur attention. C’est le cas de la publicité Paris contre la drogue (1990)9, où figurent des termes familiers comme «mômes» (pour désigner les enfants imitant le parler jeune de l’époque), « brancher gratos » (pour faire un client par la première offre gratuite), ou bien le terme argotique «raquer» (pour payer). « L’écran publicitaire Paris contre la drogue diffusé en avril 1990 sur toutes les chaines de télévision, est tellement bien ciblé linguistiquement (il concerne la population jeune essentiellement), qu’il doit faire dresser les cheveux sur les têtes des puristes » commente J.- P. Goudaillier. Partout dans le monde, le phénomène des « langues des jeunes » attire l’attention, car les jeunes se sont toujours démarqués linguistiquement de la génération des adultes. Tous les secteurs de la langue français sont touchés par l’innovation. Ce sont notamment des changements phonologiques (modifications de l'intonation et du rythme des phrases, articulation particulière des voyelles et de certaines consonnes), des changements morphosyntaxiques (recours au verlan et à l'argot) et des emprunts d’autres langues (en particulier de l’anglais).10 Le parler des jeunes ne se développe pas n'importe où, les vraies usines de création restent les quartiers populaires. Ici, les nouvelles formes langagières proviennent souvent de locuteurs entre deux cultures et deux langues qui revendiquent une identité spécifique. Parmi les nouveaux mots, nous pouvons distinguer divers traits culturels et leur usage ne se limite pas aux lieux de production, mais tend à se propager dans la langue parlée. Faut-il voir dans ces faits de variation, comme le pensent certains chercheurs, une manifestation de la fracture sociale? En lisant l’article Les Bogoss baizent les rageux!11 la question parait inévitable. Identique pour « les quartiers défavorisés », cette variation linguistique sert à mener un véritable « combat verbal » entre les cités de banlieue qui rivalisent entre elles. Dans les débats sur skyblogs en faveur de la supériorité de telle ou telle cité, cette langue apparaît sous la forme écrite. Cette écriture, difficile à déchiffrer, est un mélange de verlan, d’argot et du « langage SMS ». « L’identité banlieue » est l’un des

9 GOUDAILLIER Jean-Pierre, « Parler Argotique », Langue Française, Nº 91, 1990, p. 15 10 Notes de cours Langues dans la ville 2007/2008 sous la direction de Mme Auzenneau, professeur de linguistique a l´Université René Descartes, Sorbonne, Paris 5 11 BRONNER Luc, Les bogoss baizent les rageux!, Le Monde, 11 Octobre 2006

8 facteurs sociaux le plus remarquable dans la langue des jeunes et joue aussi un rôle important dans la perception de ce phénomène en public. Les habitants de banlieue ou les « banlieusards » veulent tous défendre leur « honneur collectif » et se différencier des autres cités. « Nous parlons de notre quartier comme un lieu dangereux pour ceux qui ne vienne pas de la cité, mais pour nous c’est notre cité et on aime l’ambiance que dégage notre quartier. Il faut faire connaître le quartier et la ville. Comme ça, quand on va dans d’autres villes, ils nous traitent pas de tapettes en nous disant que ça bouge pas 12 » (Nassim M., d’Aulnay-sous-Bois). L’objectif est donc de montrer quel est le quartier le plus «chaud», « le plus ghetto » et nous pouvons bien l’observer dans la communication sur les skyblogs. Chaque banlieue a son épigraphe, un «blaze»13 ou plusieurs messages, dont le but est d’effrayer celui qui n’y habite pas et de maintenir sa position et réputation parmi les autres groupes de skyblog/cité/banlieue: « 93, département le plus hardcore », « 4000 nique tout!!! » ou bien « A Drancy, c’est kaïra à la muertée ». 14 Nous pouvons y imaginer une référence à la théorie de « we code » et « they code » de J. J. Gumperz mais le « they code » a ici un sens ambigu, car il répresente à la fois « ceux des cités de voisinage » et « les autres », donc ceux, qui n’habitent pas dans la cité et qui parlent autrement: « La langue majoritaire, considerée comme le code « à eux », est associée aux relations plus formales et aux relations, moins personnels, donc hors-group. 15» Pour illustrer cela, citons Dabène 16 « Au-delà du cercle restreint des relations intimes, la langue est aussi le lien qui rattache l’individu a un group plus ou moins large, et également le moyen symbolique d’exprimer ce rattachement. Chaque individu détermine ainsi un ensemble des comportements langagiers dont le but plus ou moins conscient est l’alignement sur ceux de son groupée d’allégeance. Inversement, c’est aussi au moyen de ses conduits langagières qu’il marquera sa différence avec d’autres groupes. » Il s’agit, comme nous l’avons vu, d’un we code exprimant une histoire commune, une solidarité face à une situation économique et sociale difficile, ainsi qu’un rattachement à un lieu. Or un we code qui a une double fonction: se reconnaitre entre soi et se distinguer des autres. Pour mieux envisager cette réalité, nous

12 Ibid 13 Blaze: n. m., 1. Nom, prénom ou surnom. 2. Nez. (Dictionnaire de la Zone) 14 BRONNER Luc, Les bogoss baizent les rageux!, Le Monde, 11 Octobre 2006 15 GUMPERZ, John J., Discourse Strategie, Cambridge & New York: Cambridge University Press, 1982, p. 63. Nous traduisons: « The majority language as a they code associated with the more formal, stiffer, and less personal out-group relation. »

16 DABENE Louise et Jacqueline BILLIEZ, Recherche sur la situation sociolinguistique des jeunes issus de l'immigration, Document de l'université de Grenoble, 1994, p. 79

9 allons nous appuyer sur le commentaire de Françoise Gadet 17: « La communauté linguistique devient communauté d’appartenance lorsque les usagers répartissent les locuteurs en « nous / eux » selon une emblématisons des groupes (emblème pour les uns, stigmate pour les autres), qui leur permet de se reconnaitre en distinguant des autres (différentiation par traçage de frontières et exclusion externe. Aussi peut-on définir la communauté comme ensemble de locuteurs qui partagent les mêmes normes appréciatives, positives ou négatives, quelque soit l’usage particulier. »

3. Différences dans les pratiques linguistiques des élèves en milieux populaire et pratiques linguistiques scolaires

L’école est la première institution à enseigner un français normé, fondé sur la langue écrite mais il apparaît qu’en dehors de ses murs, elle n’a plus d’autorité. Certains élèves n’ont aucune idée de l’existence des règles grammaticals et pratiquent les formes orales même à l’écrit. C’est l’une des raisons, qui met la plupart des élèves en difficulté, les stigmatise et influence leurs attitudes personnelles. L’incompréhension entre élèves et l’enseignant peut ainsi avoir des conséquences importantes dans l’éducation en général. Ainsi s’interroge sur cette situation Elisabeth Bautier et Sonia Branca-Rosoff 18: « L’institution scolaire ne peut traiter à elle seule le probléme que les administration judicaire et scolaire commencent à désigner comme le probléme des « éleves en voie de déscollarisation. » (…) Avant de décider que les éleves ne veulent pas se contraindre à apprendre une « langue », qui pour eux, les conduirait a trahir leur identité de « jeunes » ou de « beurs », ne faut-il pas s’assurer qu’on leur donne les moyens de se l’approprier?» Rolland Laffitte, un de nos conseillers tout au bout de l’enquêt et ancien professeur du lycée Jean Macée de Vitry-sur-Seine observe ce phénomène depuis des années et ceci l’a mené vers une recherche particulière: il s’est engagé dans une action éducative, dont les résultats ont été recueilli dans l’œuvre Bien ou quoi ? La langue des jeunes a Ivry et Vitry sur Seine. Avec l’aide d’une équipe de spécialistes, il a rassemblé, pendant deux ans de recherches, des textes écrits par des jeunes de 14 à 20 ans, ce qui a permis de présenter tout un glossaire caractérisant les pratiques langagières dans le Val-de-Marne. « L’action éducative a

17 GADET François, Français Populaire : un classificateur déclassant?, « Marges linguistiques » nº 6, université Paris X Nanterre, novembre 2003, notes de cour « Langues dans la ville », professeur Michelle Auzanneau, 2008 18 BAUTIER Elisabeth et BRANCA-ROSOFF Sonia, Pratiques linguistiques des élèves en échec scolaire et enseignement, Migrants formations Pratiques langagières urbaines, enjeux identitaires, enjeux cognitifs, n°130, p. 199

10 commencé au cours de l’année scolaire 2002-2003 dans le cadre d’un Projet d’Action Culturelle (PAC) mené avec plusieurs classes de seconde, auxquelles se sont jointes d’autres classes de l’établissement et s’est poursuivie au cours de l’exercice 2003-2004. Comme l’exige ce type précis d’activité dans le cadre de l’Éducation nationale, « La langage des jeunes » a été mené avec un partenaire extérieur - la SELEFA (Société d’Études Lexicographiques et Étymologiques Françaises et Arabes).19 » En effet, nous pouvons constater que les jeunes des banlieues maîtrisent plusieurs styles de discours. Ils savent très bien qu'on ne s'adresse pas au professeur comme à un camarade, ni à ses parents, ni à un étranger et au moment de chercher du travail, ils ne rejetent pas l'usage du français standard. Le fait de ce rejet du français standard par certains élèves est donc lié a plusieurs réalités dont la plus forte reste la manifestation de l’appartenance à un/des groupes de pairs ou l’ignorance d’élèves par l’enseignant. Par contre si le professeur motive et respecte ses élèves, il peut trouver toujours un moyen d’attirer leur attention et on a bien vu que les élèves sont ainsi capables de travail sur un texte, écrit dans la langue littéraire, même si il peut être pour certains assez difficile ou incompréhensible. « Tout dépend de la méthode appropriée et accessible pour tous. Pour obtenir des résultats, il faut surtout de la patience. Or, si je respecte mes élèves, ils me respectent aussi.20 »

En guise de conclusion au chapitre 1: Une langue jeune et pleine d’avenir?

D’une part la langue des jeunes révèle un grand potentiel d'invention lexicale, et par son intégration partielle dans la langue commune, signal les usages du français de demain et assurent une certaine forme de cohésion sociale entre les diverses communautés. D’autre part, elle subit de nombreuses critiques de la part des puristes et doit faire face à la discrimination linguistique. Faut-il s'inquiéter de cette situation? N'y a-t-il pas une vision simpliste consistant à séparer la population en deux catégories: celle des banlieues et… les autres ? Et, finalement, la langue des jeunes est-elle vraiment une menace pour la langue française ou, au sens large, pour la société?

19 L’équipe pédagogique de plusieurs intervenants est ainsi formée: tout d’abord Jean-Pierre Goudailler, professeur de linguistique à Paris V Sorbonne, qui a présenté le rôle de l’argot, des jargons et de différents parlers populaires dans la langue française et Karima Younsi, ethnographe, qui a montré le rôle des vannes et des insultes dans le jeu des groupes de jeunes des quartiers. (http://www.selefa.asso.fr/) 20 Notes personnelles d´un entretien avec M. Roland Laffitte, l’auteur de Bien ou quoi! La langue des jeunes a Ivry et Vitry-su-Seine.

11 II. La présence des mots arabes dans la langue des jeunes

1. A l’origine de la langue arabe

Avant d’aller plus loin, il nous semble nécessaire d’éclairer la terminologie concernant des locuteurs parlant l’arabe. Il s’avère aujourd’hui, que la méconnaissance des termes et les stéréotypes qui persistent dans la société, mènent à la confusion et à la stigmatisation des groupes particuliers. En effet, « le terme arabe n’a d’abord désigné que les populations de la péninsule Arabique, et c’est par un abus de langage qu’il a, en Occident, servi ultérieurement à désigner l’ensemble du monde dit «arabe», c’est-à-dire, plus exactement du monde arabophone, en l’identifiant abusivement au monde musulman. 21 » Cela est à l’origine de la confusion des termes tels que «arabe», «arabophone» et «musulmane». Il faut donc bien préciser avant de faire le choix de telle ou telle expression et surtout éviter de généraliser, car tous les arabophones ne sont pas musulmans et tous les musulmans ne parlent pas arabe. C’est par exemple le cas des arabes chrétiens en Libanon, où le cas de certains européens devenus musulmans pour pouvoir épouser une musulmane. 22 Les origines de la langue arabe ne sont pas très bien connues. Les premières sources, qui témoignent de son existence sont la Bible et le Coran. Aujourd’hui, l’arabe se place dans le cadre de la famille des langues dites chamito-sémitique, dont les populations se situaient à l’origine en Arabie et dans la partie nord-est de l’Afrique. L’arabe remplis des rôles à la fois spécifiques et complémentaires: l’arabe «dialectal» serait réservé aux échanges quotidiens, l’usage de l’arabe standard serait au contraire identique pour les domaines de la littérature, presse, communications scientifiques, etc. Il est à noter, que à l’exception de la minorité des berbérophones, qui parle à la fois le berbère et l’arabe (en Algérie et au Maroc) la réalité linguistique du Maghreb (qui représente l’arabe marocain, algérien ou tunisien) ne peut pas être réduite ni a une seule langue « l’arabe », ni au contraste entre l’arabe littéral et l’arabe dialectal. C’est pourquoi nous préférons le terme «darja»23. Il faut faire également une distinction entre les langues du quotidien maghrébin et les langues apprises en famille (les famile arabophone en France) ou utilisées dans des groupes de pairs des cités. Quant au concept de la langue de la maison et du quotidien, Aziz Chouaki, l’acteur, qui a revendiqué le

21 WALTER Henriette & BARAKÉ Bassam, Arabesques - L´aventure de la langue arabe en Occident, Édition du temps, 2007, p. 41 22 Selon la religion Islam, une musulmane ne peut épouser qu´un musulman 23 CAUBET Dominique, Les mots du bled, L´Harmattan, 2004, p. 10

12 français comme l’une de ses langues maternelles, explique que « les enfants grandissent avec deux ou trois langues pratiquées dans la famille (darja, berbère et français) 24 ».

2. La place de la langue arabe dans la société française

La présence des mots d’arabe en français, en particulier dans la langue des jeunes, est un phénomène sociolinguistique qui est devenu l’objet de nombreuses études notamment en France hexagonale. L’ancienne colonisatrice du Maghreb, la France, est aujourd’hui, parmi tous les pays de l’Europe, le pays avec la plus grande minorité arabe, dont la plupart est d’origine algérienne, tunisienne ou marocaine. La France est liée par son histoire au Maghreb. Rappelons-nous quelques faits histriques:cela fait cinquant ans, que le Général Charles De Gaulle a mis la fin à la guerre jugée injuste en Algérie. De nos jours, le monde est en permanence menacé par des attaques terroristes des extrémistes de l’Islam radical. Ce reflet médiatique contribue à engendrer la peur universelle de tout en rapport avec l’Islam ou les arabophones. Les images diffusées dés le 11 Septembre 2001 par les médias ont accentué la stigmatisation des arabophones. Particulièrement en France, le Front National est arrivé au second rang pendant les élections présidentielles de 2002 en faisant de l’immigration un problème national. Plus récemment, les paroles du Président de la République Nicolas Sarkozy faisant suite aux émeutes en banlieues, « Il faut nettoyer la racaille au Karcher 25 » ont crée une polémique. De plus, pendant les émeutes, nous avons pu entendre des jeunes de seize ans crier « Allah Akbar 26 », en jetant des pierres sur des CRS 27., ce qui invoque la conotation avec le dzihad (la geurre religieuse). Pourtant, il ne s’agit que d’une mauvese interprétaion d’Islam, qui est une religion de la paix, et de l’abus des expressions arabe faisant parti des vocabulaires des jeunes des cités. Malheureusement, tous les stéréotypes enracinés dans la société, la xénophobie, la méconnaissance du Coran, mais surtout la peur de l’inconnu, contribue à une stigmatisation des arabophones, dont la plupart ont la nationalité française et aucun rapport avec les faits mentionnés.

24 Op. cit., p. 11 25 Au lendemain des émeutes en banlieue de La Courneuve en juin 2005 suivant la mort d´un adolescent de 11ans d´origine maghrébine, l´ancien ministère de l´intérieur et le président de la République, Nicolas Sarkozy proposent cette démarche pour éviter « la guerre civile » 26 Allah Akbar : « Oh! Grand Dieux », dont [agbar] est un superlatif absolu de adjectif « grand » 27 CRS : Compagnie républicaines de sécurité (Wikipedia)

13 La langue arabe fait partie de la vie quotidienne de plusieurs générations et s’avère indispensable dans la société française actuelle. Citons ainsi une anecdote de musicien Rachid Taha, lors un concert à Gennevilliers le 6 décembre 2003, comme l’a noté Dominique Caubet: « Pour ceux qui ne comprennent pas l’arabe… mais au fait, vous devriez tous comprendre l’arabe, c’est la deuxième langue en France, non? 28 » Le seul fait qu’il puisse plaisanter sur le sujet est significatif. Cela se reflète le plus sur la scène culturelle française, que nous devons décrire plutôt comme pluriethnique, car à l’idée d’une « double culture » 29, une nouvelle culture française se construit dans un processus impliquant la participation de tous. C’est alors dans ce domaine, que la langue arabe trouve sa place, grâce aux jeunes créateurs français, descendants de migrants nord-africains, qui ont connu des ascensions parfois très rapides: Jamel Debbouze, Samy Naceri et des rappeurs comme 113 (Mafia K1fry), Freeman, Akhenaton ou Nesbeal. La présence de ces artistes et des vedettes du sport, comme le footballeur algérienne Zinedine Zidane, est dénoncée par certains comme étant la seule voie, qui permette aux enfants d’immigrés maghrébins de se distinguer de créer un nouveau climat culturelle et linguistique en France. Néanmoins, pour exprimer les idées et les opinions, les jeunes n’ont parfois d’autre solution que d’employer le langage académique. Or, pour s’adresser au public, « des écrivains comme Faïza Guène et Rachid Djaïdani, qui viennent de la banlieue, ou des rappeurs comme Akhenaton, Oxmo Puccino et utilisent tous le langage du savoir.30 » C’est grâce à ces derniers que les expressions comme « le savoir est une arme31 » ou « les mots c’est des balles 32 » deviennent de plus en plus populaires. La culture musicale représente « un axe majeur de sociabilité 33 » et occupe une place importante dans la communication des adolescents. Les recherches de Jacqueline Biliez 34 montrent que « les pratiques langagières bilingues des jeunes issus des migrations en France » se reflètent ainsi dans cette culture et que « les différents jeux de langues et les stratégies langagières mises en œuvre dans l’expression musicale contemporaine », en particulier dans les chansons rap, permettent aux jeunes de se construire et de s’exprimer « une identité pluridimensionnelle et en gestation, en action et en négociation » dans le cadre d’un « mouvement de recomposition identitaire » basé sur la rencontre de cultures et de langues

28 CAUBET Dominique, Les mots du bled, L´Harmattan, 2004, p. 230 29 Terme utilisé par Dominique Caubet, Ibid, p. 230 30 POTET, Fréderic, Vivre avec 400 mots, Le Monde, lundi 14 novembre 2005 31 Kerry James, La Boussole (http://www.dailymotion.com/video/x4q2hp_din-records-la-boussole-le-savoir e_music) 32 Le propos d´Oxmo Puccino 33 Le terme utilisé par Jacqueline Billiez 34 BILLIEZ Jacqueline, Le « Parler véhiculaire interethnique » de groupes d´adolescents en milieu urbain, Des langues et des villes, Actes du colloque de Dakar, Didier Erudition, Paris, 25 – 29 Septembre 1990, p. 125

14 Tableau n° 1

Rohff Rim-K Kerry James Sefyu Wesh _ _ _ _ Zehef _ _ _ Au pays du Zehef Zarma _ _ _ _ Harki _ _ _ 3 éme guerre Hagra Appel-moi Rohff Je m’adapte _ Plus, La vie ki va On flirt avec Hralouf _ _ _ C pa parce que Arnouch _ _ _ _ Lahchouma _ _ _ _ Kahba _ _ _ _ Bled Rohff vs. l’état L’enfant du pays _ C pa parce que

diverses. Parmi les jeunes issus des migrations, la majorité arabophone est remarquable notamment dans ce domaine. Les mots arabes sont omniprésents dans les chansons rap et nous avons ainsi formulé l’une de nos hypothèses, qui est que c’est surtout le rap, qui contribue à la diffusion de certaines expressions au jeune public. Pour illustrer, nous avons choisi quatre rappeurs, dont les trois représentants le groupe « Mafia K1 Fry » du département 94 et l’un des rappeurs, qui passe souvent à la radio: Sefyu. Nous observons ainsi la fréquence des mots choisis pour notre enquête, dans leurs lyrics. Le tableau ci-dessous manifeste l’emploi assez fréquent des mots d’arabe chez les rappeurs comme Sefyu, par contre aucunes expressions utilisées chez Kerry James. Ensuite nous pouvons relever les expressions comme Hagra et Bled qui apparaissent dans plusieurs chansons rap et qui montrent quelques pistes pour nos hypothèses.

15 3. Choix des termes étudiés: attestations lexicographiques wesh: pron. inter. var.: ouach, ouech, wash, wesh de l’arabe ouech = quoi? 1.pron. inter. = quoi, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que tu as? Popularisé par lee film Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe? De Rabah Ameur-Zaïmche, 2002. Puis par affaiblissement de sens 2. intrj. = salut ! (Bien ou quoi?, p. 89) zehef / se zeref: verbe pronominal. De l’arabe zéréf (faché). S’énerver, se facher : « Qu’est-ce que tu as? T’es zéref aujourd’hui? Bien sûr je me zéref parce que déja t’arrives en retard (...) » L’Esquive / Abdelatif –Kechiche (2004). (Dictionnaire de la Zone, p. 124) zarma / zerma: 1. interj. = ma parole! tu parles! de l’arabe za’ma = assertion, dire avec une nuance de vanité 2. adj. = C’est-à-dire. (Bien ou quoi?, p. 94) harki: subst. masc. (dans l'article HARKA, subst. fém.). Dans l'armée fr. soldat d'Afrique du Nord qui servait dans une harka. Synon. (admin.) Français musulman. Un ancien harki. L'administration française utilise toujours des harkas, troupes indigènes recrutées sur place

(arabe harka, expédition, opération militaire) dont les soldats sont appelés harkis (LANLY 1962, p. 60) (Trésor de la langue française) hagra: n. f. Miséres, ennuis; « Faire la hagra » ou « mettre la hagra » locutions verbales. Faire des miséres à quelqu’un, ex « On lui a fait la hagra hier, elle s’est mise à pleurer » (Lexik des cités) hralouf : n. m.: porc. « C'est parce que tu bouffes du hralouf que t'es un pure souche » (Sefyu « C’est pas parce que », l’album Suis-je le gardien de mon frère ?, 2008 arnouch / hnouches: n. m. pl, var. hnoûcha = policiers, flics, de l’arabe maghrébin hnech = serpent, pl. Hnoûch ou hnoûcha, utilisé métaphoriquement pour désigner les flics. (Bien ou quoi?, p. 86) lahrchouma: n. f. var.: lahchouma = la honte, de l’arabe maghrébin hchoûma, de meme signification, avec integration de l’article. (Bien ou quoi?, p. 87) kahba: n. f. var. karba = pute, de l’arabe qahba = prostitué. (Bien ou quoi?, p. 87) bled: n. m. = pays d’origines, de l’arabe maghrébin bled = pays. (Bien ou quoi?, p. 80)

16 III. Méthodologie de la recherche

1. Choix du corpus et du terrain

Au début de notre recherche, il fallait trouver une dizaine de mots d’arabe, qui vont le mieux correspondre à nos intentions. Le choix a été fait soigneusement pour trouver un spectre d’expressions, qui caractérisent le milieu où elles sont utilisées, ainsi que les personnes qui l’utilisent. Cela n’était possible qu’en suivant des règles de la recherche purement sociolinguistique. Premièrement, nous avons observé la présence des expressions d’arabe dans les médias, en particulier dans les chansons du rap diffusé par la radio (Skyrock, Génération) et dans les films avec la thématique des banlieues (La Haine, Ma 6-T Va Craquer, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ?). Une fois les termes choisis, nous avons vérifié leur forme graphique et phonique dans des dictionnaires linguistiques. Deuxièmement, nous nous sommes interrogés sur leur nature et nous les avons observés dans des situations réelles de la vie quotidienne (en banlieue, dans les transports publiques, à la faculté). Nous avons ensuite déterminé le but de notre recherche, sachant que les variables sociolinguistiques doivent être les plus diverses possibles. Les critères indispensables pour la recherche sociolinguistique sont : le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle (CSP) et la francophonie. La recherche sur les arabismes dans la langue des jeunes a été effectuée dans divers milieux. Cette diversité consiste non seulement en différents espaces interactionnels, mais aussi sur divers groupes sociaux, en particulier des groupes des jeunes gens entre 15 – 25 ans. L’espace interactionnel limité (Vitry-sur-Seine), nous avons donc bien ciblé les lieux particuliers de notre enquête. À l’aide de la carte de Vitry sur Seine, nous avons indiqué des milieux fréquentés par la catégorie d’âge donnée et nous avons ainsi choisi ces trois lieux de notre enquête: Lycée Jean Macé de Vitry sur Seine, Gare du RER C de Vitry sur Seine et cité Balzac. Nous avons préparé un questionnaire (c.f.: l’Annexe), dont le but était de recueillir des réponses le plus spontanées et objectives, en faveur de notre recherche. Nous l’avons intitulé « mini-enquête » pour mieux masquer la quantité des questions nécessaires pour une analyse de qualité, ainsi que pour motiver les enquêtés à remplir ce formulaire en les assurant de la courte durée de cette enquête. Cela s’avère bien important dans l’interaction enquêteur X enquêté, car cette enquête, ayant quatre pages semble d’emprunter à la fois plus de temps personnel que nous l’avons introduit à l’enquêté. Cela explique des enquêtes souvent mi-

17 remplis, ou l’enquêté n’avait plus de temps (départ de bus, de trains, les collègues qui insistent au départ immédiat) ou il était tout simplement paresseux de la remplir jusqu’à la fin.

2. Déroulement de la recherche

Notre première intention était de distribuer nos questionnaires dans diverses classes du Lycée Jean Macé de Vitry-sur-Seine. La distribution des formulaires a formé un petit groupe de pairs, animé par de vives discussions à propos des questions du formulaire et au bout de cinq minutes, elle a doublé le volume. D’autres élèves curieux, qui n’ hésitaient pas à commenter cette réunion, ainsi que les réponses de leurs collègues, ont vite demandé un questionnaire personnel et ils se sont mis, avec hurlement à écrire. Dans ce cas, le travail « collectif » influence les réponses individuelles, car on a discuté chaque expression de l’enquête et plus tard, certains élèves ont appelé leurs collègues d’origine maghrébine, en particulier un spécialiste, Karim, qui selon les autres « parle comme un lascar 35 ». Ensuite nous avons observé la dispute entre deux élèves d’origine maghrébine sur la forme et la prononciation du mot lahchouma, car l’un étant d’origine marocaine connaissait ce terme comme hchouma. Nous avons remarqué des étonnements sur les extraits du rap et nous avons pu entendre des commentaires comme: « je connais, c’est Sefyu » ou dans le cas de citation « T’as vu un babtou il y a une harglah qui va avec 36 » l’un d’élève répond par le vers qui suit: « c’est ruskov roullette, il y a un gun qui va avec 37 » et mime un signe de tir. C’est ensuite la réaction d’une jeune élève d’origine camerounaise qui est remarquable, car elle nous a demandé, si elle était obligée de remplir le formulaire, en soulignant qu’elle n’était pas « une racaille ». Après cette expérience, nous avons choisi un autre espace interactionnel – la gare du RER C de Vitry sur Seine. Comprenons, que nous nous trouvâmes au mois de décembre et les quais étaient presque vides, par contre les salles d’attentes étaient en état de siège. Situation idéale pour mener une enquête. Les gens ne se déplacent pas et la plupart d’eux ne sont pas occupés. Nous en profitons pour les distraire les dix minutes avant le prochain train. Effectivement, limité par l’espace et par la catégorie de l’âge, nous avons obtenu un choix

35 Qu´est-ce qu´un lascar ? Yassine, étudiant de la Sorbonne en L3, habitant dans le quartier d´Anières répond ainsi : « Bah, c´est un mec de la cité, tu vois ( - ) casquette, basquets, survêt (...) à l´époque en Lacoste, là c´est giéstar (G-Star), (...) qui vend du pilon et fait de petits trafic et tout, normal quoi ». Le Dictionnaire de la Zone explique ce terme ainsi : Lascar (scarla en verlan) adj. et norm. Jeune plus ou moins déliquent vivant génralement en banlieue : « Au secours, des lascars se tapent dans la cour ». Fabe : ca fait partie de mon passé (Détournement du son – 1995). Syn. ziva, zonard, zoulou

36 Sefyu, l´album « Qui suis-je ? », La vie ki va avec (feat. Kuamen de NCC), 2006 37 Ibid

18 maximal des candidats, qui sont tous liés par le fait d’être présent à Vitry sur Seine. Il faut noter une expérience inoubliable, qui a enrichie notre enquête. Il y eu la rencontre de quatre jeunes Sans Domicile Fixe, habillés en Lacoste, dont le chef nous a fixé par le regard dès le premier moment. Il s’est adressé à nous en murmurant : « Qu’est-ce qu’il y a? Tu es un keuf 38 ? ». Après notre présentation, il nous a demandé un service: « tu payes mon grec 39 et je te remplis ton truc ». Nous nous sommes mis ensuite à distribuer les quatre enquêtes, mais le quatrième enquêté a refusé de prendre son formulaire. Son ami nous adresse une brève explication: « c’est un blédard, il comprend pas 40 ». Les trois autre enquêtés d’origine maghrébine maitrisaient parfaitement la langue des jeunes et ils se sont visiblement amusés à propos des mots de l’enquête en jurant en arabe et en ajoutant de petit commentaires. Jusqu’à ce moment de l’enquête nous avons participé à diverses situations communicationnelles, et nous avons remarqué, que la relation sociale entre l’observateur et l’enquêté, ainsi que l’espace interactionnel exercent des effets sur les résultats obtenus. La tradition purement linguistique est ici confrontée à une attitude cynique vis-à-vis de l'observé, que l'on pourrait représenter sous la forme: « en fin de compte, peu m'importe ce que vous avez à dire; je ne cherche qu'à savoir comment vous le dites. 41 » Nous nous sommes appuyés sur la méthode de Bourdieu 42 et nous avons effectué une recherche dans un milieu plus familier, dans la cité Balzac de Vitry-sur-Seine. Grace à des connaissances de voisinage acquises pendant une longue période de séjour en 2007, nous avons été facilement introduits dans des groupes de pairs locaux. Pourquoi avons-nous fait un tel choix? Depuis plusieurs années, la cité Balzac est, à coté de la Courneuve et Saint-Denis, un milieu souvent discuté et mentionné dans les textes du rap et d’un point de vue linguistique, elle représente l’un des plus grand centre de production argotique. Cité Balzac est aussi devenue un lieu de mémoire de l’immigration et selon Khouka: « il y a des personnes qui ont petit a petit construit le

38 Keuf : n. m. verlan de flic. syn. : condé, kisdé, lardu, hnoucha, schmidt. (Dictionnaire de la Zone) 39 Grec : sandwich grecque (du pain, viande du bœuf, sauce samouraï) / Kebab 40 Blédard : adj. De bled. Qui est natif du bled, qui vient du bled : « Avec 2, 3 blédards, on tape la discussion, Mahmoud peut pas s´empêcher de dire que j´suis dans la chanson » 113, Tonton du bled. (Dictionnaire de la Zone) 41 Notes de cours d´argotologie 2007/2008 sous la direction de Monsieur Jean-Pierre Goudaillier, professeur de linguistique a l´Université René Descartes, Sorbonne, Paris 5 42 Pierre Bourdieu propose une solution optimale: « laisser aux enquêteurs la liberté de choisir les enquêtés parmi des gens de connaissance ou des gens auprès de qui ils pouvaient être introduits par des gens de connaissance. La proximité sociale et la familiarité assurent en effet deux des conditions principales d'une communication non violente.»

19 quartier et y habitent encore, il y a un immeuble peuplé presque intégralement d’Algériens venus d’Oran. 43 » Pour ceux qui n’ont jamais osé entrer dans une cité HLM 44 (habitation à loyer modéré), soit à cause de préjugés, soit par la peur, ne peuvent donc connaitre les lois non- écrites de communication dans un tel endroit. Il nous semble utile d’expliquer à nos lecteurs quelques réalités, qui sont particulières pour nos groupes de pairs observés, ainsi que des « lois générales », identiques pour tout la communication en banlieue. Nous supposons, que les groupes d’adolescents choisi pour notre enquête sont très souvent issus de l’immigration et appartiennent à diverses communautés, parlant des langues différentes. Ils vont donc adopter comme langue véhiculaire le français, avec une syntaxe très proche de celle du français populaire, mais avec un lexique et une prononciation spécifique, qui va marquer l’appartenance à leur groupe de pairs en montrant qu’il ne sont pas des français « comme les autres ». Chaque cité est considérée comme un territoire , une sorte de microsystème, qui forme une société composée de divers groupes sociaux, où chaque habitant à sa place. Cela se manifeste aussi par la peur omniprésente des contrôles policiers, qui troublent chaque quartier et les jeunes « banlieusards » sont donc très sensibles à la présence d’une personne étrangère. C’est pour cela qu’il fallait faire très attention à l’apparence et au comportement de l’enquêteur. Pour gagner la confiance des jeunes et pour s’assimiler dans le groupe des enquêtés potentiels il était plus que favorable d’avoir un « look »45 jeune au niveau vestimentaire (dans le concept du hiphop, avec un petit touche de racaille) et de s ‘exprimer en langue des jeunes. Introduit par notre voisin d’origine maghrébine, nous avons dépassé le moment crucial de la communication, car sa présence à éviter des soupçons d’être un policier en civile (un BAC)46 ou la concurrence de la cité de voisinage, mais pour assurer nos enquêteurs, il était nécessaire de se présenter nous-mêmes et d’expliquer le but de notre enquête en soulignant la liaison avec les textes du rap. Tout d’abord, il fallait faire un geste important: se serrer la main avec chacune de cinq personnes présentes, car cela est à la base un geste où on met ensuite la main au cœur, et cela signifie en bref « je suis venu en paix 47 ». L’ambiance était spéciale,

43 LE CHÉRI Omar, Tandem (Le journal d´Omar Chéri), Spécial Vitry-sur-Seine, N° 6, mars 2007, p. 6 44 HLM : Habitation à loyer modéré (Wikipedia) 45 apparence 46 Brigade Anticriminel (Wikipedia) http://fr.wikipedia.org/wiki/Brigade_anticriminalit%C3%A9 47 Ainsi le précise Jacqueline Billiez dans l´article de Jean-Michel Décugis (Les bons mots des beurs, Le Figaro, mercredi 24 janvier 1996) : « Aujourd´hui, en banlieue, jeunes de toutes les origines, se saluent en portant la main sur le cœur, comme le font les musulmans (...) »

20 l’enquête s’est déroulée sur l’escalier d’un bloc HLM. Les jeunes «banlieusards»48 y passent la plupart du temps en discutant et en fumant du cannabis. Ce lieu est inaccessible pour ceux qui ne font pas partie des groupes de pairs et s’avère bien sécurisé. Peu importe de mentionné que ses jeunes sont parfois bien armés.

2. Commentairs préliminaires

Une fois les résultats obtenus, nous pouvons constater les réalités suivantes: parmi les 40 formulaires d’enquête distribués, nous avons récupéré 38 formulaires, dont seulement 26 étaient lisible et suffisamment remplis pour une analyse appropriée. Il est à noter que même parmi les 26 candidats, il y a parfois des fautes et des malentendus dans les réponses. Dans certains cas, le candidat a refusé de répondre à des questions personnelles, telle que la nationalité ou l’origine, et certains les jugent inacceptables et immorales. Dans le cas extrême, nous avons reçu deux messages au bout de copie ou nous sommes traités d’un raciste. Pourtant les informations indiquant la nationalité et l’origine sont fondamentales pour une recherche sociolinguistique, ce que nous avons tenté à expliquer à nos enquêtés auparavant. Ensuite, nous avons remarqué des tendances à simplifier les réponses ou ignorer les questions à la fin du formulaire. C’est, par exemple, le cas des questions sur le lieu ou la durée, certains enquêtés répondent par des « je-ne-sais-pas ». Cette attitude peut être liée à la fatigue et au manque de concentration, ainsi que à la démotivation causée par la longueur du questionnaire. Plusieurs enquetés ont protesté de remplir certains passages, en répliquant avec ferveur qu’ils ne parlent pas « la langue des racailles », ou mieux qu’ils ne sont pas « des voyous ». Ces réactions impliquent une attitude plutôt négative envers le phénomène de la langue des jeunes et manifestent le sentiment d’une stigmatisation sociale. Après avoir lu le titre de notre enquête, une enquêtée d’origine zaïroise se sentait gênée de remplir le formulaire et elle nous a donné une brève explication, dont témoigne même le mot «black»49, emprunté à l’anglais pour atténuer les connotation négatives liées au mot noir: « C’est pas parce que je suis black je dois parler comme ça, hein ? » Nous avons essayé de lui expliquer le fait, que la langue des jeunes n’est en général qu’un grand ensemble des parlers véhiculés par les jeunes, qui s’opposent à « la langue des adultes » ou plus précisément à la langue

48 habitant de la banlieue 49 black nom. De l´anglais noir. Personne de race noir : « Il ressemble a quoi, Will ? – Un grand black avec une touffe a la Doc Gynéco ! » (Dictionnaire de la Zone, p. 14). Nous ne pouvons pas nous empêcher de mettre en parallèle le propos de Sefyu dans la chanson C´est pas parce que de son nouvel album « Suis-je le gardien de mon frère ? », (2008) : « extrait du rap de Sefyu »

21 standard, et que l’ensemble des expressions, dont la fonction est purement cryptique, la vraie « langue des voyous », n’en fait qu’une partie. Néanmoins, il est difficile de distinguer entre la langue de jeunes, « la langue des beurs » et la langue utilisé par les « lascars », car la fonction cryptique et l’une des raisons fondamentale de leur emploi. Il nous semble que l’attitude négative de la jeune zaïroise soit également l’effet d’une connotation de l’arabe avec toutes les pratiques illicites de la banlieue. C’est-à-dire, son point de vue reste déformé par un certain stéréotype enraciné dans la société. En réalité, dans les cités, les «reubeus» 50 sont les plus novateurs en matière de langue. À partir de nos observations et celles de sociologue Estelle Liogier 51, l’arabe dans ses variétés dialectales a de l’influence principale sur les réseaux de communication interethnique. Ce sont notamment « les jeunes d’origine maghrébine qui occupent des positions hiérarchiques de leadership dans les groupes de paires des jeunes de cités ». Dans ces réseaux, de « solides amitiés interethniques » sont crées et mènent parfois à des confusions, comme le signale Jacqueline Biliez dans l’extrait d’un dialogue suivant 52:

Nadia : « Y’a pas que les Arabes qui parlent l’arabe, hein… y’a lui qui parle l’arabe, parce qu’il est tout le temps avec des Arabes ». Joseph : « Pas que je le parle couramment, on dit des mots entre nous comme ça. »

L’identité « beur » peut alors avoir des dimensions multiethnique, sans être forcément connotés à l’origine maghrébine. Nous pouvons mettre en paralléle les expressions de la religion Islam, qui contribue à la diffusion des arabismes, par exemple par certains locuteurs d’origine africaine (à part maghreb), où le recours à l’utilisation des insultes rituelles. L’emploi de la langue arabe peut ensuite servir « à des fin de dissimulation (tricheries aux cartes, railleries divers), d’exclusion (“quand y’a des personnes qui sont avec nous qui me plaisent pas“) ou encore de provocation dans les lieux publics comme le bus ou le bistrot. 53 »

50 reubeu : n. et adj. invar., var. reubeu, verlan d´arabe, terme utilisé par des jeunes de préférence beurs. (Bien ou quoi?, p. 91). « Ce mot institutionnalisé par les médias et les politiques est aujourd´hui presque considéré comme une insulte par les intéressés » (DÉCUGIS Jean-Michel, Les bons mots des beurs, Le Figaro, mercredi 24 janvier 1996 51 LIOGIER Estelle, Langue « du quartier » et français « standard » dans le répertoire verbal d´adolescents de cité, Thèse de Doctorat en science du langage sous la direction de Jean Pierre Goudaillier, Université René Descartes , Paris 5, Sorbonne, 2006, p. 187 – 189 52 Le dialogue recueilli par Jacqueline Billiez lors des études en banlieue grenobloise. « Parler véhiculaire interethnique » de groupes d´adolescents en milieu urbain, Des langues et des villes, Didier Erudition, Paris, 1992) 53 Ibid

22 L’arabe joue ainsi un rôle d’un code secret, qui, à part ses fonctions ludiques et identitaire, a notamment une fonction cryptique. La fonction cryptique est souvent mise en question quant à la diffusion des mots d’arabe dans l’argot commun des jeunes. Cette diffusion a pour conséquence une minimalisation d’effet cryptique, qui était au départ la raison primaire de leur emploi. C’est pourquoi certains enquêtés d’origine maghrébine ont compris notre enquête, comme une tendance de « l’Etat » d’espionner sur le territoire personnel pour avoir plus d’information sur leur communication et leur activités. Ces inquiétudes s’avèrent justifiées, comme l’a démontré A. Podhorná-Polická 54: « Un de nos interviewés au lycée profssionnel à Paris, d’origine algérienne, exprime sa déception par rapport au fait que les policiers issus eux-mêmes des cités n’ont plus de problèmes pour comprendre le sens de propos cryptés par le biais d’une hybridation à l’aide de verlan (jeter > tèj) et d’un emprunt à l’arabe maghrébin (pétard > z(e)tla)55 » En effet, toutes ces réactions, positives ou négatives et de divers points de vue sur l’objet de notre enquête ont beaucoup enrichi notre recherche, car ils nous ont rapproché la réalité linguistique et sociale contemporaines des banlieues parisiennes.

54 PODHORNÁ-POLICKÁ Alena et FIÉVET Anne-Caroline, Emprunts dans l´argot des jeunes Tchèques et Français, In: Actes du 3 ième coloque d´Argotologie Lódź, 14-16 novembre 2008, p. 2 55 En arabe, ztla signifie « tabac à priser, à chiquer et, par extension, drogue » (GOUDAILLIER Jean-Pierre, Comment tu tchatches!, Maisonneuve & Larose, 1997, 1ère édition, p. 184)

23 VI. Analyse des résultats

1. Variables sociolinguistiques observées

Nous avons analysé les réponses des 26 enquêtés (11 femmes et 15 hommes), dont la plupart (19) habitaient à Vitry sur Seine, ou au moins dans le département Val de Marne (94) (4 enquêtés. Seulement 3 enquêtés habitaient ailleurs, mais fréquentaient ce quartier souvent. L’âge de tous les enquêtés est de 17, 8 ans dont 7 enquêtés ont plus de vingt ans. Parmi eux, il y a un grand nombre des lycéens et de stagiaires et seulement trois diplômés de Bac +5. Quant à la nationalité, tous les enquêtés, sauf 2 qui sont venus en France, il y a deux ans, ont une nationalité française et vivent en France depuis leur naissance.

Tableau n° 2

L´origine des locuteurs

12 11 10 8 a 6 6 6 b c 4 3 d 2 0 1

Légende a. Locuteurs français dont les deux parents sont d’origines étrangères (autres que maghrébine) b. Locuteurs arabophones dont les deux parents sont d’origine maghrébine c. Locuteurs français dont un parent est d’origine étrangère (1 arabophone) d. Français « de souche »

24 Ce qui se montre important pour notre recherche, ce sont les diverses origines de nos enquêtés. À part les Français et les immigrés des pays européens (Pologne, Portugal), nous pouvons distinguer ceux issus d’immigration d’Afrique subsaharienne qui maitrisent à la fois plusieurs langues, tels que diola, soninké, linquala, ensuite ceux venant des Antilles (la Martinique ou la Guadeloupe) et les DOM-TOMs qui parlent le créole. Finalement, ce sont les locuteurs (7) arabophones et berbérophones venant du Maghreb (26,9 % des enquêtés). Ces réalités déterminent le comportement linguistique des locuteurs, dont un grand nombre sont bilingues, ou montrent une connaissance passive d’une autre langue utilisée dans le foyer familial. De plus, presque tous les enquêtés scolarisés maîtrisent les bases d’une langue à l’extension mondiale comme l’anglais, espagnol ou l’allemand.

Tableau n° 3

enquêté Années en Sexe Age Département Ville Quartier CSP n° France 1 M 17 94 Vitry 17 Lycéen 2 M 17 94 Vitry 17 Bac pro 3 F 18 94 Vitry 18 Terminal STG 4 F 19 94 Vitry 17 Terminal 5 M 19 94 Vitry La Gare 17 SDF 6 M 16 95 Garges Lycéen 7 M 18 94 Vitry Balzac 18 Bac pro 8 F 16 94 Vitry Square 10 STG 9 M 18 94 Vitry Rosenberg 18 Terminal STG 10 M 18 94 Vitry 18 Terminal 11 F 18 94 Vitry 18 Terminal 12 M 18 94 Vitry 18 Lycéen 13 M 16 94 Vitry 2 Bac ES 14 M 18 94 Vitry Gabriel Péri 18 Terminal STG 15 M 17 94 Vitry 7 Terminal BEP 16 M 18 94 Arceuil Chaperon-vert 10 BEP 17 M 25 94 Ivry 22 Bac +5 18 F 16 94 Vitry La Maie 8 STG 19 M 17 94 Vitry Bourgogne 17 STG 20 F 25 93 Montreuil 1er L 21 F 25 73 Paris Temple 22 F 23 94 Vitry 2 Bac +5 23 F 18 94 Vitry 10 Terminale BEP 24 F 20 94 Ivry 20 Terminal STG 25 F 23 94 Maison-Alfort 23 Bac +5 26 M 25 94 Vitry 23 CAP

25 Tableau n° 4

Langues L’occasion enquêté Langue Langues Nationalité Mère Père dans le foyer d’entendre n° maternelle connues famillial l’arabe

1 Française Haitienne Haitien Français Partout

2 Française Polonaise Polonais Français Polonais Rue, amis Anglais, 3 Française Martiniquaise Français Créole Nulle part Espagnol 4 Française Française Français Français Créole Lycée, télé

5 Française Arabe Arabe Français Arabe Chez moi

6 Française Algérienne Algérien Français Arabe Chez moi Famille 7 Française Française Marocain Français Tunisien d’acceuille Linquala, Partout, 8 Française Zairoise Zairois Français Soniké Lycée Anglais, 9 Française Algérienne Algérien Français Berbére Amis ltalien 10 Française Algérienne Algérien Français Berbére Anglais Lycée Berbére, 11 Française Algérienne Algérien Français Anglais Famille arabe Anglais, 12 Française Martiniquaise Guadeloupien Français Créole Famille Italien 13 Française Française Français Zairois Anglais Partout

14 Française Zairoise Angolaise Français Zairois Anglais Partout Lycée, Douala 15 Française Camerounaise Camerounais Douala transport (Diola?) public 16 Malien Malienne Malien Français Soniké Espagnol Partout Al Jazeera 17 Française Française Portugais Français TV 18 Française Haitienne Haitien Français Anglais Espagnol Lycée, 19 Camrounaise Camerounaise Camerounais Français chansons 20 Française Française Français Français Créole Rue

21 Française Française Français Français Chansons, 22 Française Française Français Français Anglais école Chez moi, 23 Algérienne Algérienne Algérien Français Arabe lycée, rue Espagnol, Anglais, 24 Française Française Français Lycée, cité Italien Italien Anglias, 25 Française Française Français Français oui Allemand 26 Française Française Portugais Français Portugais oui

26 À la question « où as-tu l’occasion d’entendre l’arabe? » presque tout le monde (sauf une fille martiniquaise) donne l’exemple d’un espace ou d’un groupe déterminé. Nous pouvons ainsi indiquer quatre endroits les plus fréquentés dans les réponses: la famille, le lycée, le quartier, les transports communs et les médias (télévision56, les chansons rap). Après la famille, l’établissement scolaire est un milieu qui influence de façon plus important le comportement linguistique. C’est ici que la question d’identité et d’appartenance au groupe de pairs devient omniprésente. Imaginons un schéma possible de la diffusion d’un mot arabe: un lycéen, après avoir écouté le nouvel album d’un rappeur, par exemple Sefyu, va employé certaines expressions (comme zehef ou hralouf) dans les conversations avec ses camarades de classe, pour les impressionner. Pour certains, c’est la seule opportunité d’entendre ces mots et ils les apprennent inconsciemment. Illustrons ce fait à l’aide des réponses de nos enquêtés. Certains admettent, qu’ils ont déjà entendu telle ou telle expression (souvent, ils ne connaissent pas le sens exact), mais ne l’utilise jamais. Prenons l’exemple de hagra. Certains se sont rendus compte du sens négatif, car ils l’ont déjà entendu ce mot quelque part dans un discours reliée à la violence. Pourtant ils n’arrivaient pas à trouver un seul synonyme précis: « zérmi », « misère », ou encore «patate ». Ces résultats manifestent à quel point les arabismes occupent l’univers linguistique des jeunes de Vitry-sur-Seine, ainsi que leur rôle dans les interactions au sein d’une société multiethnique.

2. Analyse des hypothèses

À l’aide des expressions choisies lors de notre enquête, nous démontrons parfaitement notre première hypothèse. Parmi les termes de l’enquête, nous pouvons distinguer les termes connus et utilisés, et les autres, qui sont à la fois marginaux ou particuliers pour un cercle restreint. Notre hypothèse se montre justifiable, car nous pouvons relever des termes assez modernes comme wesh et zarma, ainsi que des termes stables comme bled. Par contre, nous pouvons indiquer des termes presque inconnus comme kahba ou arnouch qui font partie d’un argot commun, mais leur usage reste limité à des locuteurs arabophones.

56 Un enquêté précise le lieu : Al Jazeera. Al Jazeera de son nom complet la chaîne satellitaire Al Jazeera, est une chaîne de télévision quatar de langue arabe devenue en très peu de temps un média mondial très écouté, au point d'être surnommée la « CNN arabe ». En France, est souvent retranscrit al-Jazira, al-Jezira ou al Djazira. (Wikipedia) http://fr.wikipedia.org/wiki/Al_Jazeera

27 Quant à l’utilisation des termes, il faut prendre en compte les différents sens du mot, qui dirigent la fréquence de son apparition dans les discours des jeunes. En effet, nous pouvons de nouveau retenir le mot bled qui s’avère le plus « souvent » utilisé, mais autrement que l’interjection wesh, dont les locuteurs se servent tous les jours. Ensuite, ce sont les termes zehef, zarma et hralouf qui sont « parfois » utilisés par la majorité des enquêtés. Parmi les termes qui s’utilisent rarement, restent les termes littéraires harki et le terme arnouch d’arabe dialectal, connu presque uniquement par les enquêtés d’origine maghrébine. Aux questions complémentaires sur le lieu et sur l’occasion d’entendre le mot harki, nous avons obtenu plusieurs réponses similaires : « dans les cours », « dans le livre d’histoire », « en histoire-géo », « à la télé ». À part l’un enquêté, qui emploi ce mot souvent dans ses discours (nous ne savons pas dans quel contexte) le reste des enquêtés l’utilisent « parfois ». Cela peut signifier que ce mot apparaît le plus souvent dans un contexte politico-historique, soit dans les médias soit dans les cours d’histoire. Nous pouvons en effet supposer l’école d’être l’un de foyer principal de la diffusion.

Tableau n° 5

Connaissance des termes w esh

30 zehf 26 25 24 zarma 25 23 22 19 19 harki 20 15 hagra 15 8 hralouf 10 6 arnouch 5 lahrchouma 0 kahba 1 bled

Tableau n° 6

Utilisation des termes

19 20

14 15 13 13 11 10 10 9 9 9 9 Souvent 8 10 7 7 6 6 Parfois 4 4 5 1 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

28 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 wesh Zehef zarma Harki hagra hrallouf arnouch lahrchouma kahba bled

En général, la représentation graphique de nos expressions n’est pas stable. Cette instabilité est causée par des variations phonétiques (dialectale ou régionale) et par différentes transcriptions possibles. Les enquêtés ont été invité à choisir la forme la plus correcte selon leur jugement. Nous relevons ainsi les formes graphiques reconnues par tous les enquêtés (qui connaissaient cette expression) comme wesh, zarma ou kahba.

Tableau n° 7

ZARMA

30 25 20 zarma 15 zarm 10 zerm 5 0 3 Termes

Tableau n° 8

KAHBA

20

15 kahba 10 cahba 5

0 2 Termes

29 Tableau n° 9

WESH

25 20 wesh 15 ouach 10 ouech 5 0 3 Termes

La forme graphique de mots wesh, écrite avec un « w » renvoi a la transcription et prononciation anglaise, qui n’est qu’un’effet de la mode. Pourtant, trois enquêtés préfèrent la transcription française ouech. Dans le cas des couples harqui / arqui, lahrchouma / lahchouma et hagra / harglah les deux variations, qui sont à la fois sonore et graphique, apparaissent souvent.

Tableau n° 10

HARKI

15

10 harki arqui 5

0 2 Termes

Dans le cas de harki / arqui, la forme harki semble d´être plus famillière, ce qui manifeste la présence de cette forme dans le lyrics des rappeurs. Par contre, la transcription arqui est particulière pour les dictionnaires et les textes historiques.

30

Tableau n° 11

HAGRA

12 10 8 hagra 6 hogra 4 harglah 2 0 3 Termes

En parallèle, c´est le terme hogra qui, lui aussi, est particulier pour la langue soutenue et dont la transcription (phonétique/graphique) est plus proche à l´arabe littéraire. Les homonymes hagra / hagrlah avec le remplacement du phonème [o] par [a] sont remarquables dans la langue orale, comme nous avons pu entendre dans les discours des jeunes de Vitry- sur-Seine et dans les textes des rappeurs comme Sefyu ou Rohff.

Tableau n° 12

LAHRCHOUMA

12 10 lahrchouma 8 lahchouma 6 ahchouma 4 hchouma 2 0 4 Termes

La prononciation du Lahchouma / lahrchouma est limitée par le phonème [l], qui semble être fondamentale pour la prononciation, car personne n´a reconnu la forme ahchouma et seulement deux personnes ont connu la forme hchouma. Ce résultat montre l´importance de la diffusion orale, car la forme hchouma est présente surtout dans la communication écrite.

31 Tableau n° 13

RALOUF

20

15 hralouf 10 ralouf 5

0 2 Termes

La représentation graphique du terme hralouf / ralouf se montre favorable pour la seconde graphie. La présence de « h » n´est reconnu que par certaines arabohones comme l´essai d´un approchement phonétique à la prononciation arabe.

Tableau n° 14

ARNOUCHA

10 8 arnouch 6 arnoucha 4 hnouch 2 hnoucha 0 4 Termes

Le terme arnouch a été reconnu dans toutes ses formes (arnouch, arnoucha, hnouch, hnoucha), or, la majorité des réponses indique la forme arnouch. Au contraire, l´expression zehef a été reconnue comme la variante unique. Nous pouvons ainsi s´interroger, si cela est l´effet de la connaissence de rappeur Zehef 57 qui, pendant la période de notre recherche,

57 http://zehef-t2lg-95.skyrock.com

32 venait de sortir son nouvel album, ou l´effet d´un refrain de la chanson rap de Sefyu « Molotov 4 »58, qui était à la mode.

Tableau n° 15

ZEHEF

30 25 20 zehef 15 zahaf 10 zaraf 5 0 3 Termes

En ce qui concerne la présence des termes dans les dictionnaires (voir Annexe 2, Tableau 18), seuls deux termes (harki / bled) apparaissent dans les dictionnaires scientifiques comme Le Petit Robert ou le Trésore de la langue française. Les dictionnaires linguistiques spécialisés sur la langue des jeunes reconnaissent quelques termes sous de différents formes graphiques. Les variations des formes graphique les plus riches sont présentes dans le dictionnaire Bien ou quoi?, La langue des jeunes a Ivry et Vitry-sur-Seine et dans le dictionnaire sur ligne: Wikipedia. Nous pouvons ainsi indiquer les termes wesh, zarma ou hagra, dont la forme graphique, reconnue par la plupart des enquetés, correspond aux formes graphiques présentes dans ces dictionnaires.

3. Le rap ancré dans un espace urbain

Observant les tableaux ci-dessus, nous pouvons y remarquer la popularité de certains rappeurs, qui étaient connus par tous les enquêtés, comme Rohff et notamment Kerry James, qui est écouté par 19 personnes. Néanmoins, ce résultat n’est pas favorable pour notre recherche, parce que Kerry James s’exprime dans un langage du savoir et utilise le moins d’arabismes dans ses chansons rap. L´une des raison de cet emploi peut être son origine antillais ou son effort de présenter ses idées d´une manière « sérieuse » pour attirer l´attention

58 SEFYU, l’album Suis-je le gardien de mon frére ?, 2008. [ssssss sssss sssss zehefyu]

33 du large public. Pourtant les rappeurs Rohff et Sefyu, n’hésitent pas à employer tout un panel de mots d’arabe. Il y a donc une forte probabilité que ces expressions soient introduites au public en lien avec l’activité de ces artistes. Nous pouvons ainsi nous appuyer sur notre première hypothèse qui est que la présence des arabismes dans certaines chansons du rap contribue à la diffusion de ce phénomène en public.

Tableau n° 16

Connaissance des rappeurs

27 26 26 26

25 Rohff Rim-K 24 23 23 Kerry James 23 Sefyu 22

21 1

Tableau n° 17

Préfrénces des rappeurs

20 19 18 16 16 15 14 Rohff 12 10 Rim-K 10 Kerry James 8 6 Sefyu 4 2 0 1

34 4. Origine? De la banlieue...

La variabilité langagière observable dans nos réponses doit être rapportée aux contextes socioculturels dans lesquels elles s’inscrivent ainsi qu’aux situations de communication qu’elles mettent en représentation. En effet, nous ne pouvons pas justifier notre troisième hypothèse, que les Français utilisent moins d’arabismes que les Français et les francophones d‘origine étrangère. Le fait que notre enquête ait été menée dans la banlieue parisienne, parmi les jeunes adolescents, signale la présence indispensable des parlers véhiculaires et vernaculaires, dont la langue des beurs fait partie. Non seulement la diversité ethnique contribue au développement d’un parlé interethnique, mais aussi le statut social et l’appartenance à un espace déterminé, celui de la banlieue. La banlieue tient à rester maîtresse de sa langue et l’évolution de son code secret est permanente. « On a toujours parlé as comme (comme ca). C’est pas parce qu’on vit dans des pavs (pavillons), qu’on va parler à la petite bourgoisie. Il n’y a pas de différence entre nous. 59 » Affirme Michel, 16 ans, dans l’article de Jean-Michel Décugis. L’identité banlieue qui est donc significative pour l’emploi de cette langue a de l’impact sur tous les jeunes habitants de la banlieue. Or, chacun de nos enquêtés a reconnu avoir confronté ce phénomène et la majorité s’y identifie plus ou moins volontairement.

59 DÉCUGIS, Jean-Michel, Les bons mots des beurs, Le Figaro, mercredi 24 janvier 1996

35 Epilogue

Permettons-nous enfin la mise en parallèle de l’extrait d’une chanson de Sefyu C’est pas parce que 60, qui résume le mieux notre problématique. Ce rappeur français d’origine sénégalaise est selon certain l’un des meilleurs « sociologues populaires » en France. A travers ses chansons rap, il donne de formidables images sur les stéréotypes et les fausses définitions liées à la banlieue :

« C'est pas parce qu'on est musulmans qu'on est arabes, qu'on pose des bombes C'est pas parce qu'on est juif qu'on a blindé l'compte en banque crouille C'est pas parce que t'es rebeu qu't'es pas français (…) C'est pas parce que tu manges un grec que tu viens de la cité C'est pas parce que tu viens d'Afrique que t'es noir, marocain, tunisien, algérien tous Africains C'est pas parce qu'on vient de la cité qu'on frappe les filles C'est pas parce que tu maltraites ta meuf que tu maitrises maitresse C'est pas parce qu'on est blanc qu'on est raciste pasque pas d'minorité visible de TF1 a M6 (…) C'est pas parce que tu bois du vin que t'es intégré C'est parce que tu bouffes du hralouf que t'es un pure souche C'est pas parce que j'suis au bled que j'suis chez moi pasque quand j'suis la bas j'suis le ptit francais du 9.3 (…) C'est pas parce qu'on dit "nique la france" qu'on s'en prend aux citoyens francais C'est pas parce que je l'dis que je ne suis pas francais C'est pas parce que j'suis né en france qu'on m'considère comme un francais, c'est quoi? Trop foncé pour etre francais ou quoi? »

60 Sefyu « C´est pas parce que » , l´album Suis-je le gardien de mon frère ?, 2008, texte disponible sur: http://mahokayacan.free.fr/parole/sefyu-c-pas-parce-que--1219.html

36 Conclusion

Au terme de notre étude, que nous avons consacré à l’analyse des arabismes dans la langue des jeunes de Vitry sur Seine, nous voudrions conclure en commentant des phénomènes observés et en évaluant nos hypothèses préliminaires. Dans la première partie de notre travail, nous avons brièvement retracé la problématique de la langue des jeunes et nous avons envisagé la place des mots d’arabe dans cette occurrence. Nous avons expliqué les raisons fondamentales de son emploi, qui sont souvent liées à l’espace déterminé, donc à la banlieue. Nous avons vu, que cette sorte de français populaire s’oppose au français standard. Cela cause de nombreuses difficultés, car les locuteurs s’en servent dans des situations de communication inappropriées, telle qu’à l’école ou dans le monde du travail. De plus, la perception de ce phénomène en public est déformée par de nombreux préjugés et a pour effet une stigmatisation sociale. En parallèle, nous avons présenté la langue arabe et ses origines et nous l’avons introduit dans le contexte socioculturel de la France. Nous avons ainsi défini les termes arabes, arabophones et musulmans, dont le sens est souvent confus, ce qui amène à des malentendus. La présence de mots d’arabe dans le rap français, était l’un des facteurs déterminant la place des arabismes dans la langue des jeunes. A l’aide de termes choisis pour notre enquête, nous avons démontré leur fréquence d’utilisation par les rappeurs qui passent à la radio (parmi eux les rappeurs de Vitry sur Seine). Pour passer de la théorie à l’analyse du corpus, nous avons présenté la méthodologie adoptée et les hypothèses de notre recherche. Puis, nous avons déterminé l’objectif de l’enquête et les lieux précis de la recherche. Dans la deuxième partie, nous avons décrit le déroulement de la recherche et les difficultés rencontrées, ainsi que diverses interactions dans lesquelles nous sommes entrés. Ce fut pour débuter l’enquête menée au lycée Jean Macée de Vitry sur Seine et à l’intérieur de la gare de RER (de Vitry sur Seine). Pour assurer l’objectivité de nos réponses, il fallait interroger les enquêtés (correspondants à notre catégorie d’âge) de tous les milieux sociaux. Nous avons ainsi interrogé deux SDF et quelques habitants de la cité Balzac. Dans la partie analytique, nous avons confronté des réponses dans les questionnaires. Dans la première phase, nous avons du faire face à différentes interprétations de notre sujet, à des malentendus et parfois même des agressions verbales. En effet, nous n’avons pu analyser que 26 questionnaires sur 40 exemplaires, car ceux restant étaient incomplets ou avec des

37 notions hors-sujet. Nous avons constaté que certaines réactions n’étaient pas sans lien à la stigmatisation sociale ou à la mise en danger d’un code secret. Ce dernier a des fonctions à la fois cryptiques et identitaires et permet aux jeunes de la banlieue de partager les valeurs propres. Dans la deuxième phase, nous avons observé les variables sociolinguistiques et le comportement linguistique des enquêtés, ainsi que la présence des arabismes dans leur vie sociale. Nous avons indiqué les « foyers » de la diffusion. À part la cité et la famille, c’est notamment l’école et les médias, qui contribuent à cette diffusion. Quant aux médias, ce sont surtout les chansons rap qui introduisent certaines expressions arabes dans la langue des jeunes. Notre première hypothèse porte sur les termes de l’enquête. Nous avons réveler les termes qui sont assez connus et utilisés, ainsi que des termes littéraires et d’autres qui sont marginaux ou particuliers pour un cercle restreint. Selon les réponses représentées graphiquement, nous avons établi les variantes les plus utilisées. À l’aide des résultats obtenus, nous pouvons ainsi justifier notre deuxième hypothèse quant à la présence des arabismes dans certaines chansons rap comme contribuant à la diffusion de ce phénomène en public. En revanche, nous avons eu des difficultés à justifier notre troisième hypothèse quant à la moindre utilisation d’arabismes par les Français contrairement aux Français et francophones d‘origine étrangère. Nous avons vu que la langue des jeunes, y compris les arabismes, a plusieurs origines, mais une seule identité. Cette « identité banlieue » qui manifeste, qu’il n’y a pas de différences entre les locuteurs et que cette langue n’a pas de frontières.

Parlé ou écrit, le langage dit « jeune » est bien présent, mis à la disposition des jeunes générations pour s’extraire du français standard et créer son propre parcours linguistique. Ainsi, le langage adopté épouse les formes de celui qui le dit et grave sans le vouloir une identité reconnaissable dans le parlé ou l’écrit. La majorité des termes inondent la conscience collective pour cibler soit une tranche d’âge ou une familiarité partagée. Ce genre de langage est peut-être le plus à même de recueillir une mixité que le drapeau français ne daigne vouloir afficher. C’est finalement un langage de bricoleurs dans lequel chacun peut puiser n’importe quel mot et l’affuter comme une arme, une carte de visite, une carte d’intégration. Jeunes hommes et jeunes femmes nourrissent le langage en ouvrant les portes à la diversité qui permet à chacun de s’exprimer. C’est une France qui se dévoile, un bleu-blanc-rouge remplacé par du verlan-english-style dont chacun semble en faire son pouvoir oral pour mettre à table des sentiments directs qui ne s’attache pas de nuances. Plus on s’éloigne des lois de la

38 langue française, plus les personnes impliquées dans sa dérive gagnent du terrain. À partir de ce constat, il est clair que la richesse des arabismes dans la langue des jeunes sera toujours autant vivifiée tant qu’elle sera parlée et qu’on lui brodera de nouvelles expressions aux origines multiples.

39 BIBLIOGRAPHIE

BAUTIER Élisabeth et BRANCA-ROSOFF Sonia, « Pratiques linguistiques des élèves en échec scolaire et enseignement, dans la revue Migrants Formations », Pratiques langagières urbaines. Enjeux identitaires, enjeux cognitifs N°130, septembre 2002, pp. 199-213 BELLOT-ANTONY Michel, Quelques aspect du français d’aujourd’hui, http//www.france.sk/culture/pedaspect.htm., 1999. BILLIEZ, Jacqueline, Le « Parler véhiculaire interethnique » de groupes d’adolescents en milieu urbain, Des langues et des villes, Actes du colloque de Dakar, Didier Erudition, Paris, 25 – 29 Septembre 1990, pp. 117- 128. CAMERON, Deborah, Feminism and linguistic theory, Basingstoke London: Macmillan, 1992. DABENE Louise & BILLIEZ Jacqueline, Recherche sur la situation sociolinguistique des jeunes issus de l'immigration, Document de l'université de Grenoble, 1994. CALVET, Louis-Jean, Pour une écologie des langues du monde, Paris, Plon, 1999. CAUBET, Dominique, Les mots du bled, L’Harmattan, Paris, 2004. GADET, Françoise, La variation sociale en français, Ophrys, Paris, 2003. GADET, François, Français Populaire : un classificateur déclassant?, « Marges linguistiques » nº6, université Paris X Nanterre, novembre 2003, pp. 174-202. GOUDAILLIER, Jean-Pierre, « Parler Argotique », Langue Française, Nº 91, 1990, pp. 12- 15. GUMPERZ, John J., Discourse Strategie, Cambridge & New York: Cambridge University Press, 1982. LIOGIER, Estelle, Langue « du quartier » et francais « standard » dans le répertoire verbal d’adolescents de cité, Thèse de Doctorat en science du langage sous la direction de Jean Pierre Goudaillier, Université René Descartes , Paris 5, Sorbonne, 2006, p. 187 – 189. PODHORNÁ-POLICKÁ Alena et FIÉVET Anne-Caroline, Emprunts dans l’argot des jeunes Tchèques et Français, In: Actes du 3 ième coloque d’Argotologie Lódź, 14-16 novembre 2008, à paraître. WALTER Henriette & BARAKÉ Bassam, Arabesques - L’aventure de la langue arabe en Occident, Édition du temps, Paris, 2007.

40 DICTIONNAIRES

ASSOCIATION PERMIS DE VIVRE LA VILLE, Lexik des Cités, Fleuve Noir, Paris, 2007. GOUDAILLIER, Jean-Pierre, Comment tu tchatches!, Maisonneuve & Larose, Paris, 2001. LAFFITTE Roland & YOUNSI Karima, Bien ou quoi?, La langue des jeunes a Ivry et Vitry-su-Seine, Selefa, Paris, 2004. www.dictionnairedelazone.fr

ARTICLES DES JOURNAUX

BRONNER, Luc, Les bogoss baizent les rageux!, Le Monde, 11 Octobre 2006. DÉCUGIS, Jean-Michel, Les bons mots des beurs, Le Figaro, mercredi 24 janvier 1996. LE CHÉRI, Omar, Tandem (Le journale d’Omar Chéri), Spécial Vitry-Sur-Seine, N° 6, mars 2007. POTET, Fréderic, Vivre avec 400 mots, Le Monde, lundi 14 novembre 2005. VILARASAU, Katia, Le retour de l’écrit – Parlez- vous SMS?, Valeurs mutualistes, N 216 février 2002.

SOURCES COMPLÉMENTAIRES

Cinéma La Haine, réalisé par Mathieu Kassovitz, 1995. Ma 6-T Va Craquer, réalisé par Jean-Francois Richet, 1997. Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe?, réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche, 2002. Flic story, Jacques Deray, 1975.

Roman DJAÏDANI, Rachid, Boumkoeur, Édition du Seuil, Paris, 2007.

41 Musique

ROHFF, l’album La Fierté Des Nôtres, 2004. SEFYU, l’album Qui suis-je ?, 2005. SEFYU, l’album Suis-je le gardien de mon frére ?, 2008.

42 Annexes

Annexe 1...... 44 Annexe 2...... 45 Annexe 3...... 46 Annexe 4...... 46 Annexe 5...... 51 Annexe 6...... 61

43 Annexe 1

Carte n°1: Localisation de Vitry-sur-Seine

Source: http://www.cig929394.fr/accueil/coll/collectivite123_vitry-sur-seine.htm

44 Annexe 2

Tableau n° 18: Choix des termes étudiés: attestations lexicographiques

Comment Petit Lexik des Bien ou Dictionnaire TFL tu Wikipedia Robert cités quoi? de la Zone tchatches?

Wesh - - 1 - 1 1 1

Ouach - - - - 1 - -

Ouech - - - - 1 Ouèche -

Zehef - - - - - Se zéref -

Zahaf ------

Zaraf ------1

Zarma - - - - 1 1 1

Zarm ------1

Zerm - - - - Zerma - 1

Harki 1 1 - - - - 1

Arqui ------

Hagra - - 1 - - - 1

Hogra ------

Harglah ------

Hralouf ------1

Ralouf ------

Arnouch - - Rnouch 1 - - -

Arnoucha ------

Hnouch - - - - Hnouches - -

Hnoucha - - - - 1 - -

Lahrchouma - - - - 1 - -

Lahchouma - - - - 1 - -

Hchoum - - - - 1 - -

Hchouma - - - - 1 - -

Kahba - - - - 1 - -

Cahba - - - - Karba - -

Bled 1 1 Blédard 1 1 1 1

45

Annexe 3

Tableau n° 19: Connaissance des rappeurs

Rohff 94 Rim-K 94 Kerry James 94 Sefyu 93 enquêté n° Je connais Je l´écoute Je connais Je l´écoute Je connais Je l´écoute Je connais Je l´écoute

1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 - 1 - 1 - 1 - 3 1 - 1 - 1 - 1 - 4 1 - - - 1 - - - 5 1 1 1 1 1 1 1 1 6 1 1 - - 1 1 1 1 7 1 1 1 1 1 1 1 1 8 1 1 1 - 1 1 1 1 9 1 1 1 1 1 1 1 1 10 1 1 1 1 1 1 1 1 11 1 - 1 1 1 1 1 1 12 1 - 1 - 1 - 1 - 13 1 1 1 1 1 1 1 1 14 1 1 1 1 1 1 1 1 15 1 - 1 - 1 - 1 - 16 1 1 1 - 1 1 1 1 17 1 1 1 - 1 1 - - 18 1 1 1 - 1 1 1 1 19 1 - 1 - 1 1 1 - 2- 1 - 1 - 1 1 1 - 21 1 1 1 - 1 1 1 - 22 1 - - - 1 - - - 23 1 1 1 1 1 1 1 1 24 1 1 1 - 1 1 1 1 25 1 - 1 - 1 - 1 - 26 1 1 1 1 1 1 1 1 somme 26 16 23 10 26 19 23 15

Annexe 4

MINI-ENQUETE SOCIOLINGUISTIQUE SUR LES MOTS D´ARABE DANS LA LANGUE DES JEUNES

46

Bonjour, je suis un étudiant tchèque de l´Université Masaryk à Brno et je fais une recherche linguistique dans le cadre de mon mémoire de licence. L´objectif de cette recherche est d´observer la perception des mots arabes, qui ont apparu dans le rap et qui trouvent de plus en plus leur place dans les discours des jeunes. L´enquête que tu vas remplir ne dure que deux minutes. Elle est anonyme et permet ainsi d´obtenir les résultats le plus objectifs. Je te remercie d´avance pour ton temps et pour la crédibilité et totalité des réponses. Si tu souhaites obtenir les résultats de l´enquête, n’hésite pas à rajouter ton e-mail: ……………………………………………………………………………………………..………………………..

COCHE UNE DES VARIANTES PROPOSEES:

un garçon une fille Age: ...... ans

Département :...... Ville:...... Quartier:...... Depuis quand habites-tu dans cette ville? Si tu es un étranger, depuis combien de temps es- tu en France ? ...... Profession / Niveau d´études:......

Nationalité: française autre:……………………………………...

Origine des parents:

Mère français autre:………………………………….….. Père français autre:………………………………….…..

Langue maternelle: Français autre:……………………………………...

D´autres langues dans le foyer familial:………………….………………………………………... D´autres langues connues:…………………………………………………………………………...

Où as-tu l´occasion d´entendre l´arabe?………………………………………………………...… ...... Aimes-tu la musique rap? Oui, je l´aime beaucoup Je l´écoute de temps en temps Je l´écoute jamais

Je connais Je l´écoute

Rohff Rim-K Kerry James Sefyu

47 COCHE D´APRES TON EVALUATION PERSONNELLE (Y COMPRIS LA GRAPHIE QUI TE PARAIT LA PLUS CORRECTE):

 WESH  OUACH  OUECH « Wesh la famille, bien ou bien ? »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ ZEHEF  ZAHAF  ZARAF « Je me suis fait carotte, je suis zehef »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ ZARMA  ZARM  ZERM « Moi je ne fait pas zarma, je fais juste vibrer les karmas »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ HARKI  ARQUI « Fils d'ancien combattant arqui réfugié politique »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?......

48  HAGRA  HOGRA  HARGLAH «T'as vu un babtou, y'a une harglah qui va avec »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ HRALOUF  RALOUF « C´est pas parce que tu bouffes du ralouf que tes un pur souche »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ ARNOUCH  ARNOUCHA  HNOUCH  HNOUCHA « mec chui loin d'étre sur la touche, du rap anti arnouch dédicacer a tout les carlouch »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ LAHRCHOUMA  LAHCHOUMA  AHCHOUMA  HCHOUMA « c'est quand même lahchouma pour sa famille »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendu pour la première fois?......

49  KAHBA  CAHBA « elle vaut rien la meuf, c´est une kahba »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______ BLED « Il fallait des hommes costauds robustes prêts a tout pour la famille restée au bled dans la famine »

Quelle autre expression dirais-tu pour le même sens:………………………………………………………...

 Je connais cette expression et je l´utilise: souvent parfois

Je trouve ce mot: moderne assez moderne stable vieilli  Je ne le connais pas Où as-tu entendu cette expression pour la première fois?...... Il y a combien de temps que tu l´as entendue pour la première fois?...... ______

Autres propositions :

Merci beaucoup d´avoir participé à cette enquête!!!

50 Annexe 5

Légende □ Locuteurs français dont les deux parents sont d´origines étrangères (autres que maghrébine) □ Locuteurs arabophones dont les deux parents sont d´origine maghrébine □ Locuteurs français dont un parent est d´origine étrangère (1 arabophone) □ Français « de souche »

Tableau n° 20

Il y a WESH Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu Je le combien entendu connais Assez de temps? enquêté n° Souvent Parfois Moderne Stable vieilli ce mot? moderne (ans) 1 1 - 1 1 - - - College 6 2 1 1 - - 1 - - Amis 3 1 - 1 - - 1 - Lycée 4 1 ------Quartier 8 5 1 1 - 1 - - - Amis 6 1 1 - 1 - - - 7 1 1 - 1 - - - Amis 10 8 1 - 1 - - - - Cité qql années 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 1 - - 1 - - Quartier 10 11 1 1 - 1 - - - Rue qql années 12 1 1 - 1 - - - Rue 13 1 1 - - 1 - - Rue 7 14 1 - 1 1 - - - College 7 15 1 - - 1 - - - College 5 16 1 - 1 1 - - - Ecole 17 1 - 1 - - 1 - College 9 18 1 1 - - - 1 - Cité Longtemps 19 1 1 - - - 1 - Ecole 7 20 1 1 - 1 - - - 21 1 - 1 - - 1 - Rue 22 1 - - - 1 - - Amis 5 23 1 1 - 1 - - - Ecole 24 1 1 - - 1 - - Cité Longtemps 25 1 - - - - 1 - Rue 10 26 1 1 - - 1 - - Rue somme 26 14 8 12 6 6 0

51 Tableau n° 21

Il y a ZEHEF Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu combien Je le entendu de connais Assez enquêté n° Parfois Moderne Stable vieilli ce mot? temps? Souvent moderne (ans) 1 1 - 1 - - - 1 Lycée 2 2 1 1 - - 1 - - Amis 3 1 - 1 - - - 1 Lycée 4 ------Lycée 8 5 1 - 1 - 1 - - 6 1 1 - - - 1 - Cité 2 7 1 - 1 - - 1 - Amis 6 qql 8 1 - 1 - - - - Cité années 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 1 - - 1 - - Quartier 11 1 1 - - 1 - - Maison 18 12 1 - 1 - - - - Rue 13 1 1 - 1 - - - Télévision 5 14 1 - 1 1 - - - Lycée 4 15 1 ------Rap 2 16 1 - 1 - - 1 - 17 1 - - - - 1 - College 9 1 18 1 - 1 - - 1 - Lycée semaine 19 1 - 1 - 1 - - Rap 3 20 - - - - 1 - - 21 ------22 1 - - - 1 - - Maison 3 23 1 1 - 1 - - - Maison 18 qql 24 1 - 1 - 1 - - Cité années 25 1 - - - - 1 - Amis 10 26 1 - 1 - 1 - - somme 23 6 13 4 9 6 2

52 Tableau n° 22

Il y a ZARMA Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu combien Je le entendu de connais Assez enquêté n° Souvent Parfois Moderne Stable Vieilli ce mot? temps? moderne (ans) 1 1 - 1 - - - - 2 - - - 1 - - - Amis 3 1 - 1 - - 1 - Lycée 4 1 ------5 1 1 - 1 - - - Amis 5 6 1 1 - 1 - - - 7 1 1 - - 1 - - Amis 12 8 1 - 1 - - - - Cité 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 - - 1 - - - Quartier 5 11 1 1 - 1 - - - Rap * 6 12 1 - 1 - - - - Par un 13 1 - 1 - - 1 - arabe 14 1 - 1 - - - - Collège 7 15 1 - 1 - - - 1 Bus 2 16 1 1 - - - - - 17 1 - 1 - - 1 - Collège 9 18 1 - 1 - - - 1 Lycée 8 19 1 - 1 - - - 1 Amis 20 1 - 1 - 1 - - Rue 21 1 - 1 - - 1 - Rue 22 1 1 - - 1 - - Amis 3 23 1 1 - 1 - - - Maison 18 24 1 1 - 1 - - - 25 ------Rue 10 26 1 1 - - 1 - - Rue somme 24 9 13 8 4 4 3

53 Tableau n° 23

HARKI Il y a Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu Je le combien entendu enquêté n° connais Assez de temps? Souvent Parfois Moderne Stable vieilli ce mot? moderne (ans) 1 ------en 2 1 - 1 - - - 1 hist/geo 3 ------4 1 ------Lycée 3 5 - - - - - 1 - 6 ------7 1 - 1 - - - 1 Amis 8 ------9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 - 1 1 - - - Quartier 5 11 1 - 1 - - - 1 Algérie Récemment 12 ------13 1 - 1 - - - 1 14 1 - 1 1 - - - Lycée 4 15 ------16 ------cours de 17 1 - - - - 1 - hist 5 18 ------19 1 - 1 - - 1 - Lycée 5 20 1 - - - - - 1 Rue 10 21 1 ------Rue 22 1 - - - - 1 - Maison 13 23 1 1 - 1 - - - Maison 18 24 ------25 1 - 1 - - - 1 Maison 15 26 ------somme 15 1 9 4 0 4 6

54 Tableau n° 24

Il y a HAGRA Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu combien Je le entendu ce de enquêté n° connais Assez mot? temps? Parfois Moderne Stable vieilli Souvent moderne (ans) 1 1 - 1 1 - - - 2 1 - - - 1 - - Amis 3 ------4 ------5 1 1 - 1 - - - Amis 6 1 1 - 1 - - - Amis 1 7 1 - 1 - - - 1 Amis qql 8 1 - 1 - - - - Rap années 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 1 - 1 - - - Quartier 11 1 1 - 1 - - - Maison 18 12 1 - 1 - - 1 - Rue 13 1 - - - - 1 - Rap* 2 14 1 1 - 1 - - - Lycée 3 15 1 - 1 - - - 1 Bus 4 16 1 - 1 - - 1 - Commisariat 17 ------18 1 - - - 1 - - Rap* 1 19 1 - 1 - 1 - - Rap 4 20 ------21 ------22 ------23 1 1 - 1 - - - Maison 18 24 1 1 - 1 - - - Cité lgtp 25 ------26 1 - 1 - 1 - - somme 19 7 9 9 4 3 2

55 Tableau n° 25

HRALOUF Il y a Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu Je le combien entendu enquêté connais Assez de temps? Souvent Parfois Moderne Stable vieilli ce mot? n° moderne (ans) 1 1 - 1 1 - - - Collège 2 1 ------Amis 3 1 - 1 - - 1 - Lycée 4 ------5 1 1 - - 1 - - 6 1 1 - - - - - Maison 18 7 1 - 1 - - - 1 Amis 8 1 - 1 1 - - - Cité qql annés 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 1 - 1 - - - Maison 18 11 1 - 1 - - 1 - Rue 12 1 1 - - - - - 10 13 ------14 1 - - - - - 1 Collège 6 15 1 1 - - - - - 16 1 1 - - - 1 - Lycée 17 1 1 - - - 1 - 18 1 - 1 - - 1 - Lycée Longtemps 19 1 - - - - - 1 Lycée 7 20 1 - 1 - - 1 - Amis 8 21 1 1 - - - 1 - Rue 22 ------23 1 1 - 1 - - - Maison 18 24 1 1 - 1 - - - Cité Longtemps 25 ------26 1 - 1 - 1 - - somme 22 10 9 6 2 7 3

56 Tableau n° 26

Il y a ARNOUCH Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu combien Je le entendu de connais Assez ce mot? temps? enquêté n° Souvent Parfois Moderne Stable vieilli moderne (ans) 1 ------2 1 ------Rap 3 ------4 ------5 1 - 1 - - - - 6 1 - 1 - 1 - - Lille 1 7 1 - 1 - - 1 - Amis 8 ------9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 - 1 1 - - - Cité 11 1 - 1 - 1 - - 12 ------13 1 - 1 - - 1 - 14 ------15 ------16 ------17 ------18 ------19 ------20 ------21 ------22 ------23 ------24 ------25 ------26 ------somme 8 0 7 2 2 2 0

57 Tableau n° 27

LAHCHOUMA Je l´utilise Je trouve ce mot Où as- Il y a Je le tu combien connais Assez entendu de temps? Parfois Moderne Stable vieilli enquêté n° Souvent moderne ce mot? (ans) 1 ------2 1 ------Amis 3 ------4 ------5 1 1 - - - - - 6 1 1 - 1 - - - Maison Longtemps 7 1 - 1 - - - - Amis 10 8 1 - 1 1 - - - Cité 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 1 - 1 - - - Cité 8 11 1 - 1 1 - - - Maison 18 12 1 - 1 - - 1 - Rue 13 1 - 1 - - 1 - 3 14 ------Bus 2 15 ------16 1 - 1 - - - - Cité 17 1 - 1 - - - - Collège 9 18 1 - 1 - - 1 - 19 1 - - - - - 1 Amis 2 20 1 ------Amis 21 1 - - - - 1 - Rue 22 1 - - - - - 1 Maison 1- 23 1 1 - 1 - - - Maison 18 24 1 - 1 - 1 - - Cité 7 25 1 - - - - - 1 Amis 10 26 1 - 1 - - - - somme 19 4 11 6 1 4 3

58 Tableau n° 28

KAHBA Il y a Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu Je le combien entendu connais Assez de temps? Souvent Parfois Moderne Stable vieilli ce mot? enquêté n° moderne (ans) 1 1 - 1 1 - - - Collège 4 2 1 ------Rap 3 ------4 ------5 1 - 1 - 1 - - 6 1 1 - - 1 - - Algérie 5 7 1 1 - 1 - - - Amis 13 8 1 1 - - 1 - - Cité qql années 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 Cité, 10 1 - 1 1 - - - Maison 6 11 1 1 - - - - 1 Rue 12 1 - 1 1 - - - Rue Par un 13 1 - 1 1 - - - arabe Belle 14 1 1 - 1 - - - Epine 4 15 1 - 1 1 - - - Collège 6 16 ------17 1 - 1 - - 1 - Collège 12 18 1 - 1 - - 1 - Lycée Longtemps Lycée, 19 1 1 - - - 1 - Rap 20 1 ------21 1 - - - - 1 - 22 ------23 1 ------Maison 18 24 1 - 1 - - 1 - Cité 7 25 ------26 ------somme 6 6 10 8 3 5 1

59 Tableau n° 29

BLED Il y a Je l´utilise Je trouve ce mot Où as-tu Je le combien entendu connais Assez de temps? Souvent Parfois Moderne Stable vieilli ce mot? enquêté n° moderne (ans) 1 1 1 - 1 - - - Collège 4 2 1 1 - - 1 - - Amis Longtemps 3 1 1 - - 1 - - Behut (?) Longtemps 4 1 ------Lycée 1- 5 1 1 - 1 - - - Maison 17 6 1 1 - 1 - - - Maison 7 1 1 - 1 - - - Amis 10 8 1 1 - - - - - Maison qql années 9 1 - 1 1 - - - Cité 2 10 1 1 - - - 1 - Maison 12 11 1 1 - 1 - - - Longtemps 12 ------13 1 1 - - 1 - - Belle 14 1 1 - 1 - - - Epine 6 15 1 1 - 1 - - - Lycée 7 16 1 1 - 1 - - - 17 1 1 - 1 - - - Maison 23 18 1 1 - - - - 1 19 1 1 - - - 1 - Maison 10 20 1 - - 1 - - - Amis 21 1 - 1 - - - - 22 1 - 1 1 - - - Maison 6 23 1 1 - 1 - - - Maison 18 24 1 1 - 1 - - - Cité Longtemps Amis, 25 1 - 1 - - 1 - médias 15 26 1 1 - 1 - - - Rue somme 25 19 4 15 3 3 1

60 Annexe 6

Choix des formes graphiques

Tableau n° 30

enquêté n°

HARGLAH

ZARMA HOGRA

OUACH HAGRA

OUECH

ZAHAF

ZARAF

Z HARKI

ARQUI

ZARM

WESH ZERM

EHEF

1 1 - - 1 - - 1 ------1 2 1 - - 1 - - 1 - - - 1 1 - - 3 1 - - 1 - - 1 ------4 1 - - 1 - - 1 - - 1 - - - - 5 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 1 - - 6 1 - - 1 ------7 1 - - 1 - - 1 - - - 1 - - 1 8 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 1 - - 9 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 1 - - 1- 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 1 - - 11 1 - - 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 12 1 - - 1 - - 1 - - - 1 - - 1 13 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 1 - - 14 1 - - 1 - - 1 - - 1 - - - 1 15 1 - - 1 - - 1 - - 1 - 1 - - 16 1 - - - - - 1 ------1 17 - - 1 1 - - 1 - - 1 1 - - - 18 1 - - 1 - - 1 - - 1 - - - 1 19 1 - - 1 - - 1 - - - - 1 - - 2- 1 - - 1 - - 1 - - - 1 - - - 21 - - 1 ------22 - - 1 1 - - 1 - - 1 - - - - 23 1 - - 1 - - 1 - - 1 - - - 1 24 1 - - 1 - - 1 - - - 1 - - 1 25 1 - - 1 - - 1 - - - 1 - - 1 26 1 - - 1 - - 1 - - 1 - - - 1 somme 23 - 3 24 - - 24 - - 14 7 8 1 10

61 Tableau n° 31

AHCHOUMA

LAHRCHOUMA

ARNOUCHA

LAHCHOUMA

HCHOUMA

HNOUCHA

ARNOUCH

HRALOUF

HNOUCH

enquêté n°

RALOUF

KAHBA

CAHBA

BLED

1 1 ------2 - 1 1 - - - - 1 - - - - 1 3 - 1 ------1 4 - 1 - - - - 1 - - - 1 - 1 5 - 1 1 - - - 1 - - - 1 - 1 6 1 - - - 1 - - 1 - - 1 - 1 7 - 1 - - - - - 1 - - 1 - 1 8 - - 1 - - - - 1 - - 1 - 1 9 1 - 1 - - - 1 - - - 1 - 1 1- - 1 1 - - - 1 - - - 1 - 1 11 - 1 - - - 1 - 1 - - 1 - 1 12 - 1 1 - - - - 1 - - 1 - 1 13 - 1 - - 1 - - - - 1 1 - 1 14 ------1 - - - 1 - 1 15 - - - 1 - - - 1 - - 1 - 1 16 1 - - - - - 1 - - - - - 1 17 - 1 - - - - 1 - - - - - 1 18 - 1 - - - - - 1 - - 1 - 1 19 - 1 - - - - - 1 - - - - 1 2- - 1 ------1 - 1 21 - 1 - - - - 1 - - - 1 - 1 22 ------1 - - 1 23 - 1 1 - - - - 1 - - 1 - 1 24 - 1 1 - - - 1 - - - 1 - 1 25 1 - 1 - - - 1 - - - 1 - 1 26 - 1 - - - - 1 - - - - 1 somme 5 18 9 1 2 1 11 1- - 2 19 - 26

62