Une Histoire De L'engagement Dans Le Rap En France : Positionnements
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View metadata, citation and similar papers at core.ac.uk brought to you by CORE provided by HAL-Paris1 Une histoire de l'engagement dans le rap en France : positionnements artistiques, th´ematiquessociopolitiques et repr´esentations publiques du rap en France (1990-2008) Marin Charvet To cite this version: Marin Charvet. Une histoire de l'engagement dans le rap en France : positionnements artis- tiques, th´ematiquessociopolitiques et repr´esentations publiques du rap en France (1990-2008). Histoire. 2016. <dumas-01375891> HAL Id: dumas-01375891 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01375891 Submitted on 3 Oct 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L'archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destin´eeau d´ep^otet `ala diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publi´esou non, lished or not. 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Le mal qu'on souhaite à ce qu'on hait, et qu'on imagine, rétablit l'équilibre » Simone Weil, La pesanteur et la grâce, 1947 « T'as vu personne demande pardon Dis-moi, comment tu veux qu'on excuse ? » Fabe, « Au fond de nos cœurs », Détournement de son, 1998 « On chante notre sale rage depuis le commencement Mais comme les problèmes sont les mêmes, c'est un éternel recommencement... » Youssoupha, « Éternel recommencement », À chaque frère, 2007 2 Avant-propos Avant d'entamer le sujet de ce mémoire, il convient d'effectuer ici quelques remerciements. Merci, tout d'abord, à mon directeur de recherche, Monsieur Pierre Boilley, dont le suivi et les conseils, ces deux dernières années, auront constitué un soutien précieux pour l'entreprise et l'achèvement de ce mémoire. Merci, également, à Madame Elena Vezzadini pour m'avoir poussé, lors de la soutenance de mon premier travail, à élargir ma bibliographie, à lire des ouvrages de philosophie et de littérature qui m'auront apporté des éléments de réflexion nouveaux. Je remercie par ailleurs les membres de ma famille, ainsi que mes collègues étudiants de l'IMAF et de l'Université Paris 1, pour leur intérêt, leurs idées et leurs questions qui auront soutenu et alimenté le travail de réflexion problématique entrepris autour de mon sujet. Pour l'apport intellectuel de leurs travaux pionniers sur le rap, leur travail de défrichage sans lequel l'entreprise réalisée ici eut été infiniment plus laborieuse, je souhaite enfin exprimer ma gratitude à l'égard de chercheurs tels que Christian Béthune, Karim Hammou, Morgan Jouvenet, Georges Lapassade, Stéphanie Molinero, Olivia Maironis ou encore Anthony Pecqueux et tous ceux qui partagent, ont partagé et continueront de partager mon intérêt pour l'histoire immédiate et les musiques dites « populaires ». 3 Introduction La première question qui inspira l'écriture de ce mémoire fut la suivante : quelle a été la place de la critique postcoloniale dans le rap en France ? D'une manière plus générale, comment expliquer la récurrence, dans les textes de rap, des thématiques relatives à l'Afrique et aux Africains ? L'intention première était ainsi de dégager les problématiques sociopolitiques contemporaines entourant la question postcoloniale en France en utilisant l'exemple du rap. Mais la lecture d'une partie des travaux universitaires ayant été écrits sur le rap en France décentra ce point de vue. Le travail de recherche effectué par le sociologue Morgan Jouvenet, dont le premier ouvrage paru en 2006 s'intitulait Rap, techno, électro... le musicien entre travail artistique et critique sociale1 et qui portait donc sur les situations paradoxales auxquelles pouvaient être confrontés des artistes à la fois « populaires » et « engagés », eut une influence déterminante. L'autre travail de référence pour la définition du sujet de ce mémoire fut celui du sociologue et historien Karim Hammou intitulé Une histoire du rap en France2, version abrégée de sa thèse qui portait sur la constitution d'un monde social professionnel du rap en France et sur les processus historiques qui avaient mené à la transformation du rap en un genre musical intégré à l'industrie musicale. À partir de ces travaux, qui mettaient en lumière l'importance des discours sur l'art et du contexte économique, se dessina les fondements d'une réflexion plus générale quand au concept d'« engagement » en musique dite « populaire ». Ainsi se dessinèrent trois grilles de lecture contextuelles utiles à l'interprétation du phénomène de l'« engagement » dans le rap en France : un contexte politique (les questions d'histoire et d'actualités commentées par les rappeurs et la manière dont ces commentaires étaient reçus), un contexte artistique (la mouvance, dans le temps, des définitions esthétiques et sociales du rap produites par les artistes eux-mêmes) et un contexte économique, enfin, concernant l'intégration progressive du rap aux institutions et aux industries culturelles. Rap, œuvre d'art et engagement Les relations entre art et engagement ont constitué une question philosophique et politique soulevée, par exemple, par Jean-Paul Sartre dans ses écrits sur la littérature. Selon ce philosophe, l'outil littéraire pouvait permettre à celui qui l'employait de charger les mots de signifiants, de développer un enchaînement d'idées rationnel, idée qu'il synthétisait à l'aide de la formule suivante : 1 Morgan Jouvenet, Rap, techno, électro... le musicien entre travail artistique et critique sociale, Paris, éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, 2006, 290 p., p.27 2 Karim Hammou, Une histoire du rap en France, Paris, La Découverte, 2012, 304 p. 4 « l'empire des signes, c'est la prose3 ». Les idées sociopolitiques développées dans un texte littéraire – ou dans un texte de rap – relèvent-elle pour autant d'un acte politique ? Dans un article sur le « rap de fils d'immigrés4 », le politologue Pierre-Alain Clément soulignait la nécessité de « définir le politique à partir d'une définition qui inclut des formes non traditionnelles de participation politique » pour comprendre les relations entre art et engagement. Renvoyant au travail de Colin Hay, l'un de ses confrères, le chercheur écrivait ainsi que « des actions très variées relèvent de la participation politique, de la parole à l'action […] en passant par des formes de non-participation […] ou des conversations « de tous les jours » » et concluait que « s'approprier et alimenter le débat public, y compris en dehors de la sphère publique, est un acte politique5 ». Selon cette définition, il est possible de considérer qu'en entrant en contact avec l'espace public, par l'intermédiaire de l'écriture de textes, de la production de disques, d'entretiens donnés dans la presse et à la télévision, mais aussi à travers leurs relations avec le monde politique institutionnel, les rappeurs se sont « engagés » ; que leur œuvre a participé à l'élaboration d'idées politiques. Il a fallu éviter l'écueil, très présent dans les travaux de sociologie et les articles de presse du début des années 1990, qui consiste à considérer le rap comme une production culturelle homogène exprimant le « malaise des banlieues » et la démarche des rappeurs comme inévitablement sociopolitique. Ainsi, si ce travail prend en compte l'ensemble du « monde social professionnel du rap » décrit par Karim Hammou, il s'intéresse aux textes et au discours d'un nombre plus réduit d'acteurs : les rappeurs professionnels politisés. Il a ainsi fallu entreprendre une sélection subjective, dont il convient d'expliquer ici les modalités. Ont été étudiés les discours et les œuvres des rappeurs professionnels ayant sorti au moins un album studio et dont une partie importante de l'œuvre avait été consacrée à l'expression de constats ou de prises de positions sociopolitiques. Certains des artistes analysés dans ce mémoire ne correspondent pas exactement à cette définition, dans le sens où l'ensemble de leur œuvre ne peut pas être qualifiée de « politique ». Ils ont néanmoins été retenus du fait de la récurrence, dans l'ensemble de leur œuvre, de certains thèmes sociopolitiques. Cela a par exemple été le cas du rappeur Booba, dont l'œuvre comporte un nombre important de références à la traite négrière et aux revendications postcoloniales qui ne s'inscrivent pas a priori dans une démarche artistique et politique soutenue. La récurrence de ces thèmes constituaient toutefois un signe de leur intérêt et justifié l'analyse des textes de ce rappeur. L'existence d'un engagement politique hors du cadre discographique, enfin, n'a pas été déterminant dans la sélection des acteurs. 3 Jean-Paul Sartre, Situations, III, Paris, Gallimard, 2013, p.19 4 Catégorie proposée par le groupe La Rumeur à la fin des années 1990, dont l'un des membres, Ekoué, a d'ailleurs lui-même suivi une formation en sciences politiques. 5 Pierre-Alain Clément, « La signification du politique dans le rap. L'exemple du « rap de fils d'immigrés » (1997- 2012) », Cultures & conflits, 97, 2015, p.124 5 Les sources Le travail présenté ici s'intéresse aux positionnements artistiques des rappeurs, aux textes de leur morceaux et à leur représentation dans l'espace public. Il traite en conséquence deux grands types de sources : des sources discographiques et des sources de presse.