Édito Année 2014
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Chers sociétaires, chers lecteurs, chers amis, Selon les visions de la vénérable Maria de Agreda, la Vierge Marie avait 14 ans lors de l’Annonciation. Espérons que, malgré un fâcheux antécédent au siècle dernier, ce chiffre 14 nous permette de bénéficier d’un tel miracle ou, à défaut, d’un petit coup de pouce de notre économie pour cette Édito année 2014. Nous n’en avons jamais eu autant besoin alors que, paradoxalement, notre métier bénéficie d’une médiatisation sans précédent. Starification de quelques-uns est fruit d’un « chaud business » qui masque aux yeux de beaucoup de Français la réalité vécue par la majorité d’entre nous. Est-il utile de le rappeler ? Notre beau métier se fait essentiellement à l’écart des plateaux de télévision, générant des emplois, conjuguant esprit d’entreprise et démarche artisanale – qui pérennise un savoir-faire et sa transmission –, avec le souci de faire-valoir nos plus beaux produits. Pas si simple dans ce contexte ! D’autant que les « taxocologues » de Bercy – toujours versés dans l’étude scientifique du poison des taxes et de leurs effets indésirables sur l’entrepreneuriat, alors que le seuil de tolérance est largement dépassé ! – nous ont offert, en guise d’étrennes, une TVA passant de 7 à 10%. Ce qui mérite une parenthèse, cette hausse ayant été incomprise par un commentateur s’étonnant de notre mécontentement puisque « nous ne payons pas la TVA ! » Aussi, si vous le croisez, rappelez-lui gentiment que ce n’est pas le Saint-Esprit qui la paye, mais le client, et insistez bien sur le fait que cela augmente son addition ! Mais tournons-nous plutôt vers l’avenir, en vous souhaitant une bonne et heureuse année, santé et pourquoi pas… prospérité ! Pour mieux croire en cette perspective « d’état d’abondance », rien de tel que la lecture de votre Revue culinaire, consacrée, comme toujours, aux talents d’âmes fortes. Emmanuel Renaut, triple étoilé mais aussi grand entrepreneur qui ne s’endort pas sur ses lauriers. La belle Rougui Dia au port de gazelle qui a bondi à travers tous les obstacles pour vivre sa passion. Christophe Adam, au succès certes « Éclair » mais fruit d’un long et brillant parcours. Mathieu Pacaud, digne fils de son père. Philippe Batton, roi du bistro au Japon, tandis que Dominique Bouchet se voit couronné de deux étoiles à Tokyo. Bonne année, santé, bonheur, réussite ! Et haut les cœurs ! Votre bien dévoué, Christian Millet 1 2 sommaire n°887 janvier - février 2014 EN COUVERTURE 4 Emmanuel Renaut TENDANCE 4 22 Rougui Dia PÂTISSIER 34 Christophe Adam REGARD 22 48 Mathieu Pacaud HORS DE FRANCE 54 Philippe Batton 58 Dominique Bouchet CONCOURS 60 Prix Antonin-Carême 2013 62 Trophée Jean-Delaveyne 34 64 VIE DE LA SOCIÉTÈ 66 PROSPER MONTAGNÉ ŒNOLOGIE 68 48 Millésime 2013 SOMMELERIE 68 Les Corbières 76 LIVRES EXPRESS 54 58 En couverture, Emmanuel Renaut Sylvain Monjanel © 2013 3 4 EN COUVERTURE Megève, Flocons de sel Emmanuel Renaut : « Une cuisine expressive, hors du temps » Il aura été le chef le plus présidentiable de l’année écoulée, président du jury France du Bocuse d’or 2013 remporté - le hasard faisant bien les choses ! - par Thibaut Ruggieri dont le grand-père était facteur à Megève ! Puis président du Prix Taittinger remporté par Bertrand Millar, manifestation prestigieuse, mais aussi affaire de cœur pour s’y être brillamment illustré en 1996 sous les couleurs de l’Angleterre, alors chef du Claridge’s. Après que Christian Constant lui a transmis la passion de l’excellence, été chef de Marc Veyrat en passant par Yves Thuriès, Emmanuel Renaut s’est installé à Megève en son Flocons de Sel pour y atteindre le sommet de son art en 2012, triplement étoilé. Retour sur l’ascension de ce premier de cordée. mmanuel a toujours aimé la montagne et ses lacs. D’ailleurs, il est né près d’un lac, celui Ed’Enghien-les-Bains, le 26 janvier 1968, avant de partager sa tendre enfance avec son frère aîné Jean-Christophe, auprès de Jean-Pierre et Bernadette qui tiennent La Poissonnerie moderne. Dur métier s’il en fut qui n’empêche pas cette dernière d’être un excellent cordon-bleu. Talent maternelle qui passe totalement inaperçu aux yeux et plus encore au palais d’Emmanuel qui s’ennuie ferme aux agapes dominicales, pressé d’aller courir les bois. Quand, à neuf ans, adieu l’Oise et la forêt de Montmorency ! La famille s’installe dans la ferme maternelle de Coucy-les-Eppes dans l’Aisne et y ouvre un gîte. Ce qui n’incite toujours pas Emmanuel à prêter main- forte en cuisine : « Mes souvenirs les plus marquants se référant à la nourriture étaient nos étapes obligées au Greuze**, chez Jean Ducloux, à Tournus, lorsque nous allions aux sports d’hiver aux Houches. » Station chamoniarde où il conquiert une, deux, puis trois étoiles… passion des planches qu’il partage bientôt avec celle de la moto trial. En revanche, au lycée, il n’est pas sur la bonne pente ! Ce qui l’incite à emboîter le pas de son frère qui se destine à la sommellerie. Les deux feront la paire. Du « boire » au « manger », il n’y a d’ailleurs qu’un pas qu’Emmanuel franchit allégrement en passant la porte du CFA de Laon. Là même où les coups de pied aux fesses de l’excellent professeur Desmoulins 4 ans et déjà un beau pull-over de montagne ! 5 lui garantiront d’obtenir son CAP cuisine. Tandis qu’il entre en apprentissage au Fimotel, chaîne d’hôtel de gamme moyenne où le travail honnête du chef préférant le couteau à l’ouvre-boîte ne passionne pas pour autant son apprenti. Christian Constant De fait, la seule chose qui l’intéresse, c’est d’économiser pour s‘acheter une moto de trial dernier modèle s’illustrant bientôt dans les compétitions parmi les dix meilleurs coureurs de sa région. Gloire méritée, fruit de ses heures de coupure exclusivement consacrées à l’entraînement. Lorsque, CAP en poche, amoureux des cimes, il s’acquitte de son service militaire, incorporé à Chambéry au 13e bataillon des chasseurs alpins. Libéré, que faire si ce n’est de nouveau suivre le conseil avisé de son frère, alors sommelier chez Jamin***, qui l’incite à le rejoindre à Paris pour apprendre son métier de cuisinier dans de plus hautes sphères. C’est ainsi qu’il entre commis à l’hôtel Lotti. Mais toujours pas de feu sacré ! Quand, chemin faisant, il entre à l’hôtel Crillon et demande, au culot, s’il n’y aurait pas un poste pour lui. Ce qui va bouleverser sa vie ! Car c’est ainsi qu’il remplace au pied levé un Un jeune commis très prometteur. commis dans la brigade de Christian Constant aux Ambassadeurs** alors entouré d’Yves Camdeborde, Éric Fréchon et Thierry Faucher, Jean-François Rouquette et, en pâtisserie, Christophe Felder, Gilles Marchal, Laurent Jeannin… Le voilà sur la route de la félicité, désormais convaincu d’avoir trouvé sa vocation : « Maintenant que j’avais découvert ce qu’était la grande cuisine, j’étais hyper motivé. Prêt à apprendre, tout en sachant que cela passerait par beaucoup de contraintes. » Marc Veyrat Mais la vie parisienne le lasse, préférant l’air pur des montagnes. C’est ainsi qu’il se présente chez Marc Veyrat, doublement étoilé dans son Auberge de l’Éridan. Entré commis, il gravit doucement mais sûrement les échelons jusqu’à devenir troisième second. Trois ans se sont écoulés quand Emmanuel ressent de nouveau le besoin impératif de changer d’air et qu’il intègre la brigade de Gérard Praud au Grand Écuyer à Cordes-sur-Ciel : « J’avais trois références : Marc Veyrat, Joël Robuchon et Yves Thuriés. Ces derniers tous deux compagnons et Meilleurs Ouvriers de France, c’est lors de mon passage au Grand Écuyer que, parrainé par Gérard Praud, je suis entré dans le compagnonnage. » Nous sommes en 1993 quand Marc Veyrat est en passe de transférer son Auberge de l’Éridan de plain-pied sur les rives du lac d’Annecy, nouvelle Avec son ami de toujours, Edouard Loubet. 6 EN COUVERTURE Kyoto, au temple d’or avec Régis Marcon, M. Paul, enseigne à laquelle il confère un confort et un lustre Marc Veyrat et Emmanuel et son béret. qui affichent sa détermination de décrocher sa troisième étoile. L’homme ayant plus d’un tour dans son chapeau, il propose alors à Emmanuel la place de chef assorti d’un contrat moral à la clé : rester à ses côtés tant qu’ils n’auront pas obtenu les lauriers suprêmes. Ce vœu réalisé en 1995, Emanuel quitte Marc Veyrat l’année suivante. « J’ai passé sept ans à l’Auberge de l’Éridan, profitant au maximum de cette très belle région à la moindre période d’accalmie. J’ai découvert chez Marc Veyrat une cuisine personnelle, celle d’un homme génial, inclassable. La cuisine doit ressembler à celui qui la fait. Voilà ce que j’ai encore appris auprès de ce grand chef : ne pas avoir peur de mettre une part de soi dans chaque assiette. Et cela, au travers d’une cuisine simple, juste et goûteuse, faite à partir des plus beaux produits de proximité. Par ailleurs, je n’oublie pas non plus que mon passage à l’Éridan m’aura considérablement médiatisé. » Chef du Claridge’s Toutes les portes lui étant ouvertes, on lui propose alors de diriger les cuisines du Plein Ciel à Osaka. Mais le projet fait long feu. Adieu le Japon pour Londres, chef du Claridge’s. Objectif : dépoussiérer la carte confinée dans les grands classiques au profit d’une cuisine contemporaine et de signature, telle que la sienne.